Mot «Qui» [30323 fréquence]


01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html
  A001000031 

 Article II. L'Eglise Catholique est unie en un chef visible, celle des Protestans ne l'est point, et ce qui s'ensuit 46.

  A001000058 

 Article V. Seconde violation des Escritures par la regle que les reformeurs produisent pour discerner les Livres sacrés d'avec les autres, et de quelques menus retranchemens d'iceux qui s'en ensuivent.

  A001000061 

 Article VIII. De la prophanation qui se faict [en employant la langue vulgaire aux offices publics].

  A001000084 

 Article VII. De quelques autres marques, qui sont semëes es Escritures, de la Primauté de saint Pierre 120.

  A001000100 

 Article IV. Conclusion de toute ceste 2 e partie par un brief recueil de plusieurs excellences qui sont en la doctrine catholique, au pris de l'opinion des heretiques de nostre aage.

  A001000110 

 Article II. De ceux qui ont nié le Purgatoire, et des moyens de le prouver.

  A001000116 

 Article VIII. Des Conciles qui ont receu le Purgatoire comme article de Foy.

  A001000132 

 » Qui a faict escrir'au glorieux Apostre saint Pol: Comme croiront celuy qu'ilz n'ont point ouÿ? et comm'ouyront ilz sans predicateur? La foy est par l'ouÿr, et l'ouÿr par la parole de Dieu.

  A001000133 

 Elle contentera ceux qui, pour toute responce aux raysons que j'apporte, dient quilz les voudroyent bien voir devant quelque ministre, et leur semble que la seule presence de l'adversaire les feroit chanceler, paslir, transir, et leur osteroit toute contenance: car maintenant ilz les y pourront conduyre.

  A001000134 

 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, la contenance, baillent lustr'a la parole; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne peut pas reussir en cest exercice: aussy ni eusse pas pensé, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eust sommé et donné le courage, ce que despuys plusieurs de mes principaux amis ont trouvé bon, l'advis desquelz je prise tant, que le mien n'a du tout point de creance vers moy qu'a faute d'autre..

  A001000134 

 Si faut il toutefois que je proteste, pour la descharge de ma conscience, que toutes ces considerations ne m'eussent jamais mis en resolution d'escrire; c'est un mestier juré, qui appartient aux doctes et plus polys entendemens.

  A001000135 

 Et pour vray je croyois que, comme vous ne receves point de loy pour vostre creance que de l'interpretation de l'Escriture qui vous semble la meilleure, vous voudries encor ouÿr celle que j'y apporterois, c'est a dire, de l'Eglise Apostolique Romaine, laquelle vous n'aves jamais veüe cy devant que barbouillee, toute desfiguree et contrefaitte par l'ennemy, qui sçavoit bien que si vous l'eussies veüe en sa pureté vous ne l'eussies jamais abandonnëe.

  A001000135 

 J'ay donq mis icy quelques principales raysons de la foy Catholique, qui monstrent clairement que tous ceux sont en faute qui demeurent separés de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine.

  A001000135 

 Or je les vous addresse et presente de bon cœur, esperant que les occasions [4] qui vous destournent de m'ouÿr, n'auront point de force pour vous empecher de lire cest escrit, vous asseurant, au reste, que vous ne lires jamais escrit qui vous soit donné par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys.

  A001000144 

 Elle contentera ceux qui, pour toute responce a mes raysons, dient quilz les voudroyent bien voir en la præsence de quelqu'un des ministres, pour voir si elles pourroyent y tenir contenance, si elles pasliroient ou s'esvanouyroyent point: car maintenant vous les y pourres conduire.

  A001000144 

 Il asseurera chacun que je ne dis rien a Tonon que je ne veuille bien qu'on sache, si besoin estoit, a Necy et a Rome; dequoy ont besoin d'estr'asseurés ceux qui ne me tiennent pas pour Catholique par ce que je dis: que nos œuvres ne sont pas meritoires sinon entant quelles sont taintes au sang de N. S.; que le cors de N. S. est substantiellement, reellement et veritablement sous les especes de pain et de vin au tres st S. de Sac. de l'Eucharistie, mays non pas charnellement; que les Saints ont un'excellence beaucoup plus grande et de plus eminent calibre que les mortelz mondains, mays quelle n'a point d'autre proportion avec l'excellence divine que de la creature au Createur, du finy a l'infini; et semblables verités: c'est adire, que je presche la doctrine Catholique.

  A001000145 

 Il faut extremement bien sçavoir pour bien escrire; les espritz mediocres se doivent contenter du dire, ou l'action, la voix, l'affection et contenance baillent lustr'a l'enseignement; le mien qui est des moindres, ou, a tout rompre, de la plus basse marche des mediocres, ne reussira pas en cest exercice: aussy ny pensois je pas, si un gentilhomme grave et judicieux ne m'en eut sommé et donné courage, a quoy despuys plusieurs de mes principaux amis m'ont poussé; en telles occasions je prise tant le jugement de mes amis que je ne me crois jamais moy mesme qu'a faute d'autre..

  A001000145 

 Mays si faut il que je proteste, pour la descharge de ma conscience, que toutes ces commodités ne m'eussent jamais mis en volonté d'escrire; c'est un mestier juré, qui appartient aux doctes et polys entendemens.

  A001000146 

 Et pour vray je croyois que, comme vous n'asujettisses a personne vostre creance, si non a l'interpretation de l'Escriture Sainte qui vous semble la meilleure, vous voudries encores ouÿr celle que j'y apporterois, c'est adire, celle de l'Eglise Cat. Ro., laquelle vous n'aves jamais veüe cy devant que barbouïllëe et defigurëe par les ennemis; car si vous l'eussies veu en sa pureté jamais vous ne l'eussies abandonnëe.

  A001000146 

 Et puys que vous aves esté l'occasion de ceste mienne peyne, j'ay voulu vous l'adresser et præsenter, esperant que les [4] occasions qui vous destournent de m'ouÿr, n'auront point de force pour vous empecher de la lecture de ce discours.

  A001000146 

 J'ay donques escrit certaines raysons, et nompas toutes, qui monstrent clairement que tous ceux qui sont sortis de l'Eglise Catholique sont hors du train que les Apostres ont suyvi pour se rendre en Paradis.

  A001000146 

 Je vous puys bien asseurer, car il est vray, que jamays vous ne lires escrit qui vous soit addressé par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys; et je puys dire que jamays je ne recueilliray commandement avec plus de courage, que je fis celluyla de M. le R me Ex mo Evesque, quand il m'ordonna, sur le bon playsir de son Altesse de laquell'il me mit la lettre en main, de venir icy pour vous apporter la sainte Parole de Dieu, comme sachant ne vous pouvoir faire plus ni de plus signalé service que celluy la, duquel dépend vostre Paradis.

  A001000161 

 Il y a un scandale que nos doctes theologiens appellent [7] actif, et c'est une action mauvaise qui donne occasion de mal faire a autruy, et la personne qui faict ce scandale s'appelle justement scandaleuse.

  A001000161 

 Les deux autres sortes de scandales s'appellent scandales passifz, mays les uns, scandales passifz ab extrinseco, les autres, ab intrinseco: car entre les personnes qui sont scandalizëes, les unes le sont par les mauvaises actions d'autruy, et sont celles qui reçoivent le scandale actif, mettans leur volonté en butte aux scandaleux; les autres le sont par leur propre malice, qui, n'ayans point d'occasion d'ailleurs, s'en bastissent et forgent en leur propre cerveau, et se scandalizent eux mesmes d'un scandale [8] qui est tout de leur creu.

  A001000161 

 Qui scandalize autruy manque de charité vers le prochain, qui se scandalize soymesme manque de charité vers soymesme, et qui est scandalizé par autruy manque de force et de courage.

  A001000162 

 Et quand il est dict quil a esté mis a la ruyne de plusieurs, on le doit verifier en l'evenement, qui fut tel que plusieurs s'y sont ruynés, nompas en l'intention de la bonté supreme, qui ne l'avoit envoyé que pour lumiere a la revelation des Gentilz et a la gloire d'Israel.

  A001000162 

 Mays le scandale pris sans occasion tient le premier rang de [9] tous costés, le plus frequent, le plus dangereux et dommageable, et c'est de celluyla seul duquel Nostre Seigneur est object, es ames qui se sont mises en proÿe a l'iniquité.

  A001000162 

 Nostre Seigneur donques, ni sa sainte Parole, ne nous scandalize point, mays nous nous scandalizons nous mesmes en luy: qui est la propre façon de parler en ce faict, que luy mesme enseigne, disant: Bienheureux qui ne sera point scandalizé en moy.

  A001000162 

 Que sil se trouve des gens qui veuillent dire le contraire, il ne leur restera plus sinon de maudire leur Sauveur par [10] sa propre parolle: Malheur par qui vient le scandale.

  A001000163 

 .. Car l'Escriture quilz manient, le voysinage des vrays Chrestiens, les marques quilz voyent en la vraÿe Eglise, leur ostent tout'excuse de mise; de maniere que l'Eglise de laquelle ilz se sont separés leur peut mettre au devant les parolles de son Espoux: Recherches es Escritures esquelles vous penses avoir la vie eternelle, ce sont elles qui rendent tesmoignage de moy; et plus outre: Les œüvres que je fais au nom de mon Pere rendent aussy tesmoignage pour moy.

  A001000163 

 Cestuyci est le principal et sauverain scandale du monde, et qui en comparayson de tous les autres merite seul le nom de scandale; et semble que ce soit quasi tout un quand Nostre Seigneur dict: Il est necessaire que scandales adviennent, et quand saint Pol dict: Il faut quil y aÿe des heresies.

  A001000163 

 Ceux donques qui se scandalizent en elle ont tout le tort et toute la faute; leur scandale n'a point d'autre sujet que leur propre malice, qui les va chatouillant pour les faire rire en leurs iniquités..

  A001000163 

 J'ay dict tout cecy, Messieurs, pour vous faire connoistre d'ou vient ceste grande dissention de volontés au faict de la religion, que nous voyons estre par my ceux qui font profession en bouche du Christianisme.

  A001000163 

 Or ce scandale icy se va diversifiant avec le tems, et comme mouvement violent se va tousjours plus affaiblissant en sa mauvaisetie: car, en ceux qui commencent la division et ceste guerre civile entre les Chrestiens, l'heresie est un scandale purement pris, passif ab intrinseco, et ni a point de mal en l'heresiarque qui ne soit du tout puysé [en] sa volonté, personne ny a part que luy; le scandale des premiers quil desbauche tumbe desja en partage, mais inegalement, car l'heresiarque y a sa part a cause de sa sollicitation, les desbauchés y en ont une, d'autant plus grande quilz ont eu moins d'occasion de le suyvre; puys, l'heresie ayant pris pied, ceux qui naissent parmi les hæretiques de parens hæretiques ont tousjours [11] moins de part a la faute: mays il n'arrive jamais que aux uns et aux autres il ni ayt beaucoup de leur faute, et particulierement en ceux de nostr'aage, qui quasi tous sont en scandale presque purement passif [pris].

  A001000163 

 Or j'ay dict que leur scandale est purement ou presque purement passif..... Car on sçait bien que l'occasion de leur division et escart quilz pretendent avoir, c'est l'erreur, l'ignorance, l'idolatrie, quilz disent estr'en l'Eglise laquelle ilz ont abandonnee; et d'ailleur c'est chose toute certaine que l'Eglise en son cors general ne peut estre scandaleuse et est inscandalisable, comme son Espoux, qui luy communique par grace et assistence particuliere ce qui luy est naturel en proprieté: car en estant le chef il addresse ses pas au droit chemin, l'Eglise c'est son cors mistique, et par ce il prend a soy l'honneur et le mespris qui luy est faict; dont on ne peut dire quelle donne, prenne ou reçoive aucun scandale.

  A001000164 

 Je n'ay pas autre intention que de vous faire voir, Messieurs, que ceste Susanne est accusée a tort, et qu'elle a rayson de se lamenter de tous ceux qui se sont distancés de ses ordonnances, avec les parolles mesmes de son Espoux: Ilz m'ont hayé d'une hayne injuste.

  A001000165 

 Et vous prie, Messieurs, de vous resouvenir, et ceux qui liront cecy, des paroles de saint Pol: Tout'amertume, ira, desdain, crierie, blaspheme et toute malice soyt osté de vous.

  A001000169 

 Ceste grande facilité de se scandaliser que N. S. connoissoit estr'au monde, luy fit, ce semble, dire ces deux saintes parolles: Il est impossible que scandale n'advienne, ou, comme dict S. Matt., Malheur au monde a cause des scandales, car il est nécessaire quil arrive des scandales; et cest'autre: Bienheureux qui ne sera point scandalizé en moy: car, si les hommes se scandalisent et prennent occasion de leur mal du sauverain bien mesme, comme se pourroit il faire quil ni eut du scandale au monde ou il y a tant de maux?.

  A001000170 

 .. En fin, qui prend le scandale donné, c'est adire, qui a occasion de se scandalizer et le faict, ne peut avoir autr'excuse que celle d'Eve sur le serpent, celle d'Adam sur Eve, que nostre Dieu trouva n'estre pas de mise.

  A001000170 

 .. Et l'un et l'autre, qui donne le scandale et qui le prend, sont tres mauvais, mays qui le prend sans quil luy soit presenté est dautant plus cruel que celuy qui le donne, [que se] precipiter soymesme est crime plus desnaturé que de tuer un autre.

  A001000170 

 Car, quand a ceux qui les donnent, ilz ni ont point d'autre necessité que par la supposition et resolution quilz ont faict eux mesmes de vivre meschamment et vitieusement; ilz pourroyent silz vouloient, par la grâce de Dieu, n'infecter pas ny empunayser le monde des puantes exhalations de leurs pechés, mays estre bonn'odeur en Jesuchrist: le monde neantmoins est tant remply de pecheurs, qu'ores que plusieurs s'amendent et soyent remis en grace, il en demeure tousjours un nombre infiny qui rend tesmoignage qu' il est impossible que scandale n'advienne: malheur, au reste, par qui vient le scandale.

  A001000170 

 Ceste necessité, pourtant, quil y a au monde d'y voir des scandales, ne doit point servir d'excuse a qui par sa mauvayse vie les donne, ou qui les reçoit de la main du scandaleux, ni a celuy [7] qui de sa propre malice les va recherchant et procurant a soy mesme.

  A001000170 

 Et les uns et les autres, qui scandalize, qui se laysse scandalizer, et qui se scandalize, sont inexcusables et [8] mauvais, mays inégalement: car, qui se laysse scandalizer monstre plus d'infirmité, qui scandalize a de la malice, et qui se scandalize en a l'extremité.

  A001000170 

 Et quand a ceux qui se forgent eux mesmes les scandales, se chatouïllans pour se faire rire en leur iniquité, lesquelz, comme leur devancier Esau, pour la moindre incommodité quil y a pour leur entendement en la foy, ou pour leur volonté es saintz commandemens, se font accroire quilz mourront silz n'alienent la portion quilz ont en l'Eglise, puysqu'ilz ayment la malediction et quilz la cherchent, ce n'est merveille silz sont mauditz.

  A001000171 

 Ainsy des lors hurtoit on desja a ceste sainte pierre; mays despuys, qui pourroit raconter ce qu'en dict l'histoire? Tous ceux qui ont abandonné la vraÿe Eglise, sous quel pretexte que ce soit, se sont [11] .........................................................................

  A001000171 

 Ces ouvriers, qui trouvent estrange que le pere de famille donnast autant aux derniers venus comm'aux premiers, dequoy se scandalizent ilz sinon de la bonté, liberalité et bienfaict? comment, dict le bon seigneur, ton œil est il malin de ce que je suys bon? Qui ne voit en ce saint banquet et souper qui fut faict a N. S. en Bethanie, [10] comme Judas prend a contrecœur, et murmure, de voir l'honneur que la devote Magdaleyne faict a son Sauveur; comme la suavité de l'odeur du parfum répandu offence le sentiment de ce punays infame.

  A001000172 

 Vous y verres des bonnes raysons, et desquelles je me rends evictionnaire, qui vous feront voir clair comme le jour, que vous estes hors du train quil faut tenir pour aller a salut, et que ce n'a pas esté la faute de la sainte guide, mays la faute est de l'avoir abandonnëe.

  A001000174 

 Comme ceux qui regardent le col d'une colombe, le voyent changer en autant de diversités de couleurs comm'ilz changent de postures et de distances, ainsy ceux qui considerent la Saint'Escriture, par laquelle comme par un col nous recevons la nourriture celeste, y voyent, ce leur semble, toutes sortes d'opinions, selon la [14] diversité de leurs passions.

  A001000179 

 .. Nous pouvons prattiquer si exactement l'enseignement de Plutarque, quon doit retirer utilité de son hayneur, que le peché mesme, nostre capital ennemy et le sauverain mal du monde, nous peut remettr'en connoissance de nous mesmes, en humilité et contrition, et la cheute de l'homme de bien le faict marcher par après plus droit et plus advisé: tant est veritable la parole de S t Pol: Nous sçavons que toutes choses aydent a bien a ceux qui ayment Dieu..

  A001000179 

 .. Nous sçavons, dict S. Pol, que toutes choses servent a bien a ceux qui ayment Dieu.

  A001000180 

 .. Le grand Simeon prædit de N. S., quil avoit en ses bras, et en son ame le Saint Esprit, quil seroit la ruine de plusieurs, et signe auquel on contrediroit; tout de mesme quasi qu'a voit faict long tems au paradvant Isaïe, qui appelle Nostre Seigneur pierre de choppement et de scandale, selon l'interpretation de S t Pol.

  A001000180 

 Mays c'est chose qui pass'au pardela de tout'admiration, de voir qu'es choses bonnes, proufitables, saintes, divines, en Dieu mesme, la malice des hommes y trouve dequoy s'entretenir, se nourrir et braver.

  A001000180 

 N'est-ce pas donq une chose estrange, que pouvans proufiter en toutes choses, pour mauvayses quelles soyent, nous convertissions tout a nostre perte? Que si du mal seulement nous prenons le mal, ce ne seroit pas grand [15] merveille, car c'est ce qui s'y presente de prime face; si des choses indifferentes et neutres nous nous servions en mal, la nature n'en seroit pas tant outragee, puysque ce sont armes a toutes mains: et neantmoins la couardise seroit tousjours grande, si, pouvans changer toutes choses en bien, par un'alchimie si aysëe et de si peu de frais, ou une seul'estincelle de charité suffit, nous avions le courage si lasche de demeurer en misere et nous procurer le, mal.

  A001000180 

 N'y a il pas dequoy pleurer icy la misere de l'homme, qui choppe et prend cheute a la pierre qui avoit esté mise pour son appuy et fermeté, qui fonde sa perdition sur la pierre de salvation? [16].

  A001000196 

 Je garde la place de prouver la foy par miracles, apres les Regles de la Foy, qui sera comme une sixiesme regle, mays non ordinaire ains extraordinaire; laquelle les adversaires n'ont point, quoy quilz en eussent besoin a faute des autres quilz mesprisent.

  A001000197 

 J'ay remis a monstrer les absurdités qui sont en la doctrine des adversaires au bout du traitté des Regles de la Foy, dont ce sera comme une consequence de ce quilz croyent sans regle et navigent sans bussole..

  A001000206 

 Concilia decreta de fide vocant canones, qui sunt regulæ..

  A001000207 

 Milevit., l. 2 contra Donatistas: Negare non potes scire te, in urbe Roma Petro primo cathedram principalem esse collatam, in qua sederit omnium Apostolorum caput Petrus, unde et Cæphas dictus est, in qua una cathedra unitas ab omnibus servaretur, ne cæteri Apostoli singulas quisque sibi defenderent, ut jam schismaticus et peccator esset qui contra singularem cathedram alteram collocaret.

  A001000208 

 63: Quamvis enim certa et irrefragabilis sit sedis Apostolicæ de fide definitio, attamen cum Apostolicæ sedis ministerio definita universæ fraternitatis irretractabili firmantur assensu, et totius christiani orbis judicio recipiuntur, merito a Deo prodiisse creduntur; ipsaque veritas et clarius renitescit et fortius retinetur, dum quæ fides prius docuit hæc postea examinatio confirmat, ut vere impius et sacrilegus sit qui, post tot sacerdotum sententiam, opinioni suæ aliquod tractandum relinquit.

  A001000211 

 En la veneration ou des S ts ou du Pape, il ne faut oublier ce quil dict au roy d'Angleterre, en un'epistre, l'an 1525, qui est recensee en Coclëe es actes de l'an 26: Quare his litteris prosterno me pedibus Majestatis tuæ quantum possum humillime..

  A001000217 

 : Hieroboam non arguitur quod regnum sciderit sed quod Ecclesiam, feceritque phana in excelsis, et sacerdotes de extremis populi qui non erant de filiis Levi: nota missionem.

  A001000234 

 ET CEUX QUI LES ONT OUŸ..

  A001000242 

 Mays comme pouvies vous croire ces nouvelles si tost, que sans leur faire monstrer leur charge et commission bien authentiquëe, vous commençates de premier abord a ne reconnoistre plus ceste Reyne pour vostre princesse, et a crier par tout que c'estoit un'adultere? Ilz couroyent ça et la semer ces nouvelles, mays qui les en avoit chargés? On ne se peut enrooler sous aucun [22] capitaine sans l'adveü du prince chez lequel on demeure: et comment fustes vous si promps a vous enrooler sous ces premiers ministres, sans sçavoir si vos pasteurs qui estoyent en estre l'advoüeroient? mesme que vous sçavies bien quil vous sortoit hors de l'estat dans lequel vous esties nés et nourry.

  A001000242 

 Premierement, Messieurs, vos devanciers et vous aussy aves faict une faute inexcusable, quand vous prestates l'oreille a ceux qui s'estoyent separés de l'Eglise, car ce n'estoyent des personnes qualifiëes comm'il [21] falloit pour præcher.

  A001000244 

 Mays je vous vois venir en trois esquadrons: car, les uns d'entre vous diront quilz ont eu vocation et mission du peuple et magistrat seculier et temporel; les autres de l'Eglise; comment cela? parce, disent ilz, que [24] Luther, Œcolampade, Bucer, Zuingle et autres estoyent prestres de l'Eglise comme les autres; les autres, enfin, qui sont les plus habiles, disent quilz ont estés envoyés de [Dieu] mais extraordinayrement.

  A001000245 

 .. Comme croyrons nous que le peuple, et les princes seculiers, aÿe appellés Calvin, Brence, Luther, pour enseigner la doctrine que jamais il n'avoyt ouÿe? et devant, quand ilz commencerent a prescher et semer ceste doctrine, qui les avoit chargés de ce faire?.. Vous dites que le peuple devot vous a appellés, mays quel peuple? Car, ou il estoit Catholique, ou il ne l'estoit pas: sil estoit Catholique, comme vous eut il appellé et envoÿé præcher ce quil ne croyoit pas? et ceste vocation de quelque bien petite partie du peuple lhors Catholique, comme pouvoit elle contrevenir a tout le reste qui sy opposa? et comme vous pouvoit une partie du peuple donner authorité sur l'autre partie, affin que vous allassies de peuple en peuple distraissant tant que vous pouvies les ames de l'ancienne obeissance? car un peuple ne peut donner l'authorité que sur soymesme.

  A001000245 

 Mays disons voir, quand Luther commença, qui l'appella? il ny avoit encor point de peuple qui pensast aux opinions quil a soustenües, comment [26] donques l'eut il appellé pour les prescher? Sil n'estoit pas Catholique, qu'estoit il donq? Lutherien? nompas, car je parle de la premiere fois; quoy donq? Qu'on responde donq, si l'on peut.

  A001000245 

 Qui a donné l'authorité aux premiers d'assembler les peuples, dresser des compaignies et bandes a part? Ce n'est pas le peuple, car ilz n'estoyent encor pas assemblés..

  A001000246 

 Mays, ne seroit ce pas tout brouiller, de permettr'a chacun de dire ce que bon luy sembleroit? a ce conte chacun seroit envoyé; car il ni a si fol qui ne trouve des compaignons, tesmoins les Tritheites, Anabaptistes, Libertins, Adamites.

  A001000250 

 Dites moy, quell'occasion eustes vous de les ouÿr et de les croire, sans avoir aucun'asseurance de leur commission et de l'adveu de N. S. dont ilz se disoyent legatz? C'est en un mot avoir abandonné a credit l'Eglise ancienne en laquelle vous aves esté baptizés, que d'avoir creu aux præcheurs qui n'avoient point de mission legitime du Maistre..

  A001000250 

 Les affaires estoyent de [22] tres grand'importance, car c'estoit le remuement de toute l'Eglise: les personnes qui entreprenoyent, extraordinaires, de basse qualité et privëes; les ordinaires pasteurs, gens de marque et de tresancienne et authentique reputation, qui leur contredisoyent, et protestoyent que ces extraordinaires n'avoyent point charge ni commandement du Maistre.

  A001000250 

 Premierement donques, vos ministres n'avoient point les conditions requises pour le rang quilz vouloyent tenir et l'entreprise quilz faysoyent, dont ilz sont inexcusables; et vous autres, qui sçavies et sçaves encores, ou deves sçavoir, ce defaut en eux, aves [21] eu grand tort de les recevoir a telle qualité.

  A001000251 

 Car si N. S. les avoyt envoyés, ou c'eust esté mediatement ou immediatement: nous appelions mission faicte mediatement, quand nous sommes envoyés de qui en a le pouvoir de Dieu, selon l'ordre quil a mis en son Eglise, et telle fut la mission de S t Denis en France par Clement, et de Timothëe par S t Pol.

  A001000251 

 L'immediate mission se faict lhors que Dieu commande luymesme, et baille charge sans l'entremise de l'ordinayre authorité quil a mis es prælatz et pasteurs de l'Eglise, comme fut envoyé S t Pierre, et les Apostres, qui receurent de la [23] propre bouche de N. S. ce commandement: Alles par tout le monde, et præches l'Evangile a toute creature, et celle de Moyse vers Pharao et le peuple d'Israel.

  A001000252 

 Et premierement quand a la mission ordinaire et mediate, ilz nen ont du tout point; car ce quilz en sçavent avancer, c'est, ou bien quilz sont envoÿés par les peuples et princes seculiers, ou bien quilz sont envoÿés par l'imposition des mains des Evesques qui les firent prestres, dignité a laquelle il faut quen fin ilz aÿent recours, quoy quilz la mesprisent en tout et par tout..

  A001000254 

 Comme alleguent ilz donques la mission par les peuples et princes, qui n'a point de fondement en l'Escriture?.

  A001000255 

 Au contraire nous produysons l'expresse prattique de toute [24] l'Eglise, qui a esté de tous tems d'ordonner les pasteurs avec l'imposition des mains des autres pasteurs et Evesques.

  A001000256 

 Et de faict, les seculiers n'ont point de mission, et comme donq la donneront ilz? comme communiqueront ilz l'authorité quilz n'ont pas? Et partant S t Pol dict, parlant.de l'ordre de prestrise et pastoral: Nul ne s'attribue cest honneur sinon qui est appellé de Dieu, connu'Aaron.

  A001000256 

 Or Aaron fut consacré et ordonné par les mains de Moyse, qui fut prestre luy mesme, selon la sainte parole de David, Moyse et Aaron sont entre ses prestres, et Samuel entre ceux qui invoquoyent son nom, et quil est mesme touché en l'Exode, sous ces motz, Adjointz aussy avec toy Aaron pour m'exercer l'estat sacerdotal.

  A001000257 

 En fin, qui est moindre est beny par le plus grand, comme dict S t Pol: les peuples donques ne peuvent pas envoyer les pasteurs, car les pasteurs sont plus que les brebis, et la mission ne se faict pas sans benediction.

  A001000257 

 v. 16, Amen, amen, dico vobis, non est servus major domino suo, neque apostolus major est eo qui misit illum.

  A001000258 

 Je layss'a part le desordre qui adviendroit si les peuples envoyoyent, car ilz ne pourroyent envoyer les uns aux autres, n'ayans point d'authorité les uns sur les autres; et comme [25] ce seroit faire beau jeu a toutes sortes d'heresies et de fantasies.

  A001000259 

 Par ce que le peuple ou le magistrat qui l'apella estoit ou Catholique ou non: s'il estoit Catholique, 1.

  A001000259 

 Que si ilz disent quil n'estoit Catholique, qu'estoit il donques? Il n'estoit [26] pas Lutherien, car on sçait bien que quand Luther commença a precher en Alemaigne il ny avoit point de Lutheriens, et que c'est luy qui en est la source: il n'estoit donq pas de la vraye Eglise, et comme pouvoit il faire mission pour la vraÿe prædication? Ilz n'ont donq point de vocation de ce costé la, sinon quilz ayent recours a l'invisible mission receüe d es principautés, puyssances et gouverneurs du monde de ces tenebres mondaynes, et malices spirituelles, contre lesquelz les bons Catholiques ont tousjours eü la guerre.

  A001000265 

 Plusieurs, donques, de nostre aage, voyans leur chemin couppé de ce costé la, ilz se sont jettés d'autre de l'autre, et disent que les premiers maistres reformateurs, Luther, Bucer, Œcolampade, ont estés envoyés par les Evesques qui les firent prestres, puys ceux cy ont envoyés les autres suyvans, et vont ainsy enchainant leur mission a celle des Apostres.

  A001000266 

 On ne peut pas faire sauter ceste mission si haut, que des Apostres elle soit tumbëe entre les mains de prædicateurs de ce tems, sans avoir touché pas un des Anciens et de nos devanciers: il eut fallu une bien longue sarbacane en la bouche des premiers fondateurs de l'Eglise, pour avoir appellé Luther et les autres sans que ceux qui estoyent entre deùx s'en fussent apperceu, ou bien (comme dict Calvin a un'autre occasion et malapropos), que ceux cy eussent eu les oreilles bien grandes: il failloit bien qu'elle fut conservëe entiere, si ceux cy la devoient trouver.

  A001000267 

 Ilz prechent choses contraires a l'Eglise en laquelle ilz ont estés ordonnés prestres: ou, donq, ilz errent, ou l'Eglise qui les a envoyés, et, par consequent, ou leur eglise est fause ou celle de laquelle ilz ont pris la mission.

  A001000267 

 Si c'est celle de laquelle ilz ont pris mission, leur mission est fause; car d'un'eglise fause ne peut sortir une vraye mission: si c'est leur eglise qui est fause, moins ont ilz mission; car en un'eglise fause ne peut estre vraye mission.

  A001000269 

 Luther, Œcolampade ou Calvin n'estoyent pas evesques; comme donques pouvoyent ilz communiquer aucune mission a leurs successeurs de la part de l'Eglise Romaine, qui proteste en tout et par tout quil ni a que les Evesques qui puyssent envoyer, et que cela n'appartient aucunement aux simples prestres? en quoy saint Hierosme mesme a mis la difference qui est entre le simple prestre et l'Evesque, en l'epistre ad Evagrium; et saint Augustin et Epiphane mettent Aerius en conte avec les hæretiques par ce quil tenoit le contraire..

  A001000274 

 Comment donques se voudront excuser et relever de ceste preuve pour leur mission ceux qui en nostr'aage en veulent avancer un'extraordinaire? quel privilege ont ilz plus qu'Apostolique et Mosaique? Que diray je plus? Si nostre sauverain Maistre, consubstantiel au Pere, duquel la mission est si authentique qu'elle presuppose [30] la communication de mesm'essence, luy mesme, dis je, qui est la source vive de toute mission Ecclesiastique, n'a pas voulu s'exempter de ceste preuve de miracles, quelle rayson y a il que ces nouveaux ministres soyent creus a leur seule parole? Nostre Seigneur allegue fort souvent sa mission pour mettre sa parole en credit: Comme mon Pere m'a envoyé, je vous envoÿe.

  A001000274 

 Jamais personne ne fut envoyé extraordinairement qui ne prit ceste lettre de creance de la divine Majesté.

  A001000274 

 Je dis, donques, 1., que personne ne doit alleguer une mission extraordinayre qui ne la prouve par miracles.

  A001000274 

 La mission de saint Jan Baptiste, quoy qu'elle ne fut du tout extraordinaire, ne fut elle pas authentiquëe par sa conception, sa nativité, et mesme par sa vie tant miraculeuse, a laquelle Nostre Seigneur donna si bon tesmoignage? Mays quand aux Apostres, qui ne sçait les miracles quilz faysoyent et le grand nombre d'iceux? leurs mouchoirs, leur ombre servoit a la prompte guerison des malades et a chasser le diable: Par les mains des Apostres estoyent faitz beaucoup de signes et merveilles parmi le peuple: et que ce fut en confirmation de leur prædication, saint Marc le dict tout ouvertement, es dernieres paroles de son Evangile, et saint Pol, aux Hebreux.

  A001000274 

 Ma doctrine n'est point mienne, mays de Celuy qui m'a envoyé.

  A001000274 

 Moyse fut envoÿé [29] immediatement de Dieu pour gouverner le peuple d'Israel; il voulut sçavoir le nom de l'envoyoit, et quand il eut appris ce nom admirable de Dieu, il demanda des marques et patentes de sa commission: ce que nostre Dieu trouva si bon, quil luy donna la grace de trois sortes de prodiges et merveilles, qui furent comme troys attestations, en trois divers langages, de la charge quil luy donnoit, affin que qui n'entendroit l'une entendit l'autre.

  A001000274 

 Qui sera donc si osé que de se vanter de la mission extraordinayre, sans produyre quand et quand des miracles, il merite d'estre tenu pour imposteur: or est il que ni vos premiers ni derniers ministres n'ont faict aucun miracle: ilz n'ont donq point de mission extraordinaire.

  A001000274 

 Vrayement Moyse monstre bien la necessité de ceste preuve a qui veut parler extraordinairement; car, ayant a demander le don d'eloquence a Dieu, il ne le demande qu'apres avoir le pouvoir des miracles, monstrant quil est plus necessaire d'avoir l'authorité de parler que d'en avoir la promptitude.

  A001000275 

 Comment donques authorizeroit il deux sortes de pasteurs, l'une extraordinaire, l'autre ordinaire? [31] Quand a l'ordinaire qu'elle soit authorisëe, cela est certain; quand a l'extraordinaire, nous le præsupposons: ce seroyent donques deux eglises differentes, qui est contre la plus pure parole de Nostre Seigneur, qui n'a qu'une seul'espouse, qu' une seule colombe, qu'une seule parfaitte.

  A001000275 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne.

  A001000275 

 Et de faict, ou me monstrera on jamais une vocation legitime extraordinaire qui n'aÿe esté receüe par l'authorité ordinayre? Saint Pol fut appellé extraordinairement, mays ne fut il pas approuvé et authorisé par l'ordinaire, une et deux fois? et la mission receüe par l'authorité ordinaire est appellëe mission du Saint Esprit.

  A001000275 

 Et quoy? Nostre Seigneur est il divisé, ou en luy mesme ou en son cors qui est l'Eglise? Non, pour vray, mays, au contraire, il ni a qu' un Seigneur; lequel a basti son cors mistique avec une belle varieté de membres tres bien agencés, assemblés et serrés comtement, par toutes les joinctures de la sousministration mutuelle; de façon que de vouloir mettr'en l'Eglise ceste division de troupes ordinayres et extraordinaires, c'est la ruyner et perdre.

  A001000275 

 Je dis, secondement, que jamais aucune mission extraordinaire ne doit estre receüe, estant desadvouëe de l'authorité ordinaire qui est en l'Eglise de Nostre Seigneur.

  A001000275 

 La mission de saint Jan Baptiste ne se peut pas bien dire extraordinaire, parce quil n'enseignoit rien contre l'eglise Mosaique, et par ce quil estoit de la race sacerdotale: si est ce neanmoins que la rareté de sa doctrine fut avouëe par l'ordinayre magistrat de l'eglise Judaique, en la belle legation qui luy fut faicte par les prestres et levites, la teneur de laquelle præsuppose une grande estime et reputation en laquelle il estoit vers eux; et les Phariseens mesmes, qui estoyent assis sur la chaire de Moise, ne venoyent ilz pas communiquer a son baptesme tout ouvertement, [32] sans scrupule? c'estoit bien recevoir sa mission a bon escient.

  A001000275 

 Nostre Seigneur mesme, qui estoit le Maistre, ne voulut il pas estre receu de Simeon qui estoit prestre, comm'il appert en ce quil benit Nostre Dame et Joseph, par Zacharie prestre, et par saint Jan; et mesmes pour sa Passion, qui estoit l'execution principale de sa mission, ne voulut il pas avoir le tesmoignage prophetique du grand Prestre qui estoit pour lhors? 4.

  A001000275 

 Qui l'a appellé? son Pere Eternel.

  A001000275 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech.

  A001000276 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A001000276 

 Je dis, 3., que l'authorité de la mission extraordinaire ne destruict jamais l'ordinaire, et n'est donnee jamais pour la renverser: tesmoins tous les Prophetes, qui jamais ne firent autel contr'autel, jamais ne renverserent la prestrise d'Aaron, jamais n'abolirent les constitutions sinagogiques; tesmoin Nostre Seigneur, qui asseure que tout royaume divisé en soymesme sera desolé, et l'une mayson tumbera sur l'autre; tesmoin le respect quil portoit a la chaire de Moyse, la doctrine de laquelle il vouloit estre gardëe.

  A001000276 

 Or la parole de Nostre Seigneur nous oste de toutes ces difficultés, qui a edifié son Eglise sur un si bon fondement, et avec une proportion si bien entendue, que les portes d'enfer ne prævaudront jamais contre elle.

  A001000276 

 Que si jamais elles n'ont prævalu ni prævaudront, la vocation extraordinaire ny est pas necessaire pour l'abolir: car Dieu ne hait rien de ce quil a faict, comment donq aboliroit il l'Eglis'ordinaire pour en faire d'extraordinaires? veu que c'est luy qui a edifié l'ordinaire sur soymesme, et l'a cimentee de son sang propre..

  A001000276 

 [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A001000283 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaïque, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A001000284 

 Il y en avoyt en Ramatha, en Bethel, en Hiericho ou Elisëe habita, en la montaigne d'Ephraim, en Samarie; Elisëe mesme fut oint par Helie; la vocation de Samuel fut recogneùe et advouëe par le grand Prestre, et en Samuel recommença le Seigneur a s'apparoistre en Silo, comme dict l'Escriture, qui [36] faict que les Juifz tiennent Samuel comme fondateur des congregations prophetiques.

  A001000284 

 On pense que tous ceux qui prophetisoyent exerceassent la charge de la prædication: ce qui n'estoit pas, comm'il appert des sergens de Saul et de Saul mesme.

  A001000285 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A001000286 

 Isaïe, voulant escrire dans un grand livre qui luy fut monstré, prit Urie prestre, quoy qu'a venir, et Zacharie prophete a tesmoins, comme s'il prenoyt le tesmoignage de tous les prestres et prophetes; et Malachie atteste il pas que les levres du prestre gardent la science, et demanderont la loy de sa bouche; car c'est l'ange du Seigneur des armëes? tant s'en faut que jamais ilz ayent retiré les Juifz de la communion de l'ordinaire..

  A001000286 

 Jamais on ne monstrera prophete qui voulut renverser la puissance ordinaire, ains l'ont tousjours suyvie, et n'ont rien dict contraire a la doctrine de ceux qui estoyent assis sur la chaire Mosaïque et Aaronique; ains il s'en est trouvé qui estoyent de la race sacerdotale, comme Jeremie, filz d'Helcias, et Ezechiel, filz de Buzi; ilz ont tousjours parlé avec honneur des Pontifes et succession sacerdotale, quoy quilz ayent repris leurs vices.

  A001000287 

 Mays si quelquefois ilz ont faict chose qui eut quelque visage d'extraordinaire pouvoir, incontinent les miracles se sont ensuyvis: tesmoin Elie, qui dressant un autel en Carmel selon l'instinct quil en avoit eu du Saint [37] Esprit, et sacrifiant, monstra par miracle quil le faisoit a l'honneur de Dieu et de la religion Juifve..

  A001000288 

 En fin, vos ministres auroyent bonne grace silz vouloient s'usurper le pouvoir de prophetes, eux qui n'en ont jamais eu le don ni la lumiere: ce seroit plustost a nous, qui pourrions produire infinité des propheties des nostres; comme de saint Gregoire Taumaturge, au rapport de saint Basile, de saint Anthoine, tesmoin Athanase, de l'abbé Jan, tesmoin saint Augustin, de saint Benoist, saint Bernard, saint François et mill'autres.

  A001000288 

 Si donques il est question entre nous de l'authorité prophetique, elle nous demeurera, soit elle ordinaire ou extraordinaire, puysque nous en avons l'effect, non pas a vos ministres qui n'en ont jamais faict un brin de preuve: sinon quilz voulussent appeller propheties la vision de Zuingle, au livre inscrit, Subsidium de Eucharistia, et le livre intitulé, Querela Lutheri, ou la prædiction quil fit, l'an 25 de ce siecle, que sil præchoit encor deux ans il ne demeureroit ni Pape, ni prestres, ni moynes, ni clochers, ni Messe.

  A001000289 

 .. Le bon enfant Samuel, humble, doux et saint, ayant esté apellé par trois fois de Dieu, pensa tousjours que ce fut Heli qui l'eut appellé, et a la 4 me seulement s'addressa a Dieu, comm'a celuy qui l'appeloit.

  A001000289 

 Mays non, que maintenant, enseignés de l'Eglise, ilz reconnoyssent que c'est une vocation de l'homme, et que les oreilles ont corné a leur viel Adam, et s'en remettent a celuy qui, comm'Heli, præside maintenant a l'Eglise..

  A001000289 

 Vos ministres, Messieurs, produysent trois vocations de Dieu: par les magistratz seculiers, par les Evesques, et par la voix extraordinaire; ilz pensent que ce soyt Dieu qui les aÿe apellé en ces troys façons la.

  A001000289 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouÿs parler, [en] Hieremie: Ne veuilles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A001000289 

 Vous sembl'il pas que ce soyent Luther et Zuingle avec leurs propheties et visions? ou Carolostade avec sa revelation quil disoit avoir eüe pour sa cene, qui donna occasion a Luther d'escrire son livre, Contra cœlestes prophetas? C'est [38] bien eux, au moins, qui ont ceste proprieté de n'avoir pas estés envoyés; c'est eux qui prennent leurs langues, et disent, le Seigneur a dict: car ilz ne sçauroyent jamais monstrer aucune preuve de la charge quilz usurpent, ilz ne sçauroyent produyre aucune legitime vocation, et, donques, comme veulent ilz precher? On ne peut s'enrooler sous aucun capitayne sans l'aveu du prince, et comment fustes vous si promtz a vous engager sous la charge de ces premiers ministres, sans le congé de vos pasteurs ordinaires, mesme pour sortir de l'estat auquel vous esties nay et nourry qui est l'Eglise Catholique? Ilz sont coulpables d'avoir faict de leur propr'authorité ceste levëe de bouclier, et vous de les avoir suyvis; dont vous estes inexcusables.

  A001000290 

 Et voyla la premiere rayson qui rend vos ministres et vous aussy, quoy qu'inegalement, inexcusables devant Dieu et les hommes d'avoir laissé l'Eglise.

  A001000298 

 Au contraire, Messieurs, l'Eglise qui contredisoit et s'opposoit a vos premiers ministres, et s'oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquëe de tous costés, que personne, tant aveuglé soit il, ne peut prætendre cause d'ignorance du devoir que tous les bons Chrestiens luy ont, et que ce ne soit la vraÿe, unique, inseparable et tres chere Espouse du Roy celeste; qui rend vostre separation d'autant plus inexcusable.

  A001000298 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A001000300 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A001000301 

 Tous ces discours ressentent le mal de chaud; ce sont des songes qu'on faict en veillant, qui ne valent pas celuy que Nabuchodonosor fit en dormant; aussy luy sont ilz du tout contraires, si nous croyons a l'interpretation de Daniel: car Nabuchodonosor vit une pierre taillëe d'un mont sans œuvre de mains, qui vint roulant et renversa la grande statue, et s'accreut tellement que devenue montaigne elle remplit toute [41] la terre; et Daniel l'entendit du royaume de Nostre Seigneur qui demeurera æternellement.

  A001000302 

 Eglise vient du mot grec qui veut dire, appeller; Eglise donques signifie un'assemblëe ou compaignie de gens appellés: Sinagogue veut dire un troupeau, a proprement parler.

  A001000302 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A001000306 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A001000307 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, affin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A001000308 

 En fin, Zuingle, Œcolampade, Luther, Calvin, Beze, Muscule, sont visibles, et quand aux derniers il y en a plusieurs qui les ont veu, et neantmoins ilz sont appellés pasteurs par leurs sectateurs.

  A001000308 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A001000308 

 Les pasteurs et docteurs de l'Eglise sont visibles, donques l'Eglise est visible: car, je vous prie, les pasteurs de l'Eglise sont ilz pas une partie de l'Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s'entrereconnoissent les uns et les autres? faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent? faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et bercaïl? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut connoistre son troupeau ni le voir.

  A001000312 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A001000312 

 La Sinagogue par qui persecutëe? par les Egiptiens, Babiloniens, Madianites, Philistins, tous peuples visibles; l'Eglise, par les payens, Turcs, Mores, Sarrasins, hæretiques, tout est visible.

  A001000312 

 Les anciens par qui gouvernés? par les prestres Aaroniques, gens visibles; nous autres, par les Evesques, personnes visibles.

  A001000312 

 Les anciens par qui prechés? par les Prophetes et docteurs, visiblement; nous autres, par nos pasteurs et prædicateurs, visiblement encores.

  A001000313 

 Voyla nos raysons, qui sont bonnes a tout'espreuve; mays ilz ont quelques contreraysons, quilz tirent ce leur semble de l'Escriture, bien aysëes a rabbatre a qui considerera ce qui s'ensuit:.

  A001000314 

 Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur.

  A001000314 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A001000315 

 2 nt, il faut considerer que tant l'interieur que l'exterieur de l'Eglise peut estre dict spirituel, mays diversement; car l'interieur est spirituel purement et de sa propre nature, l'exterieur de sa propre nature est corporel, mays parce quil tend et vise a l'interieur spirituel on l'apelle spirituel, comme faict saint Pol les hommes qui rendoyent le cors sujet a l'esprit, quoy quilz fussent corporelz; et quoy qu'une personne soit particuliere de sa nature, si est ce que servant au public, comme [les] juges, on l'apelle publique..

  A001000316 

 Maintenant, si on dict que la loy Evangelique a esté donnée dans les cœurs interieurement, non sur les tables de pierre exterieurement, comme dict Hieremie, on doit respondre, qu'en l'interieur de l'Eglise et dans son cœur est tout le principal de sa gloire, qui ne laysse pas de rayonner jusques a l'exterieur qui la faict voir et reconnoistre; ainsy quand il est dict en l'Evangile, que l'heur'est venüe quand les vrays adorateurs adoreront le Pere en esprit et verité, nous sommes enseignés que l'interieur est le principal, et que l'exterieur est vain s'il ne tend et ne se va rendre dans l'interieur pour s'y spiritualizer..

  A001000317 

 De mesme, quand saint Pierre appelle l'Eglise mayson spirituelle, c'est par ce que tout ce qui part de [48] l'Eglise tend a la vie spirituelle, et que sa plus grande gloire est interieure, ou bien par ce que ce n'est pas une mayson faitte de chaux et sable, mays une mayson mistique de pierres vivantes, ou la charité sert de ciment..

  A001000320 

 Aussy voit on l'Eglise, mays non sa sainteté interieure, on voit ses yeux de colombe, mays on croit ce qui est caché au dedans, on voit sa robbe richement recamëe en belle diversité avec ses houppes d'or, mays la plus claire splendeur de sa gloire est au dedans, que nous croyons; il y a en ceste royale Espouse de quoy repaistre l'œïl interieur et exterieur, la foy et le sens, et c'est tout pour la plus grande gloire de son Espoux..

  A001000326 

 De vray, ceste ruse n'est pas petite, de destourner les yeux spirituelz des gens de l'Eglise militante a la prædestination eternelle, affin qu'esblouÿs a l'esclair de ce mistere inscrutable nous ne voyons pas ce qui est devant nous.

  A001000326 

 Que si on demande quell'est l'eglise visible, ilz respondent, que c'est l'assemblëe des personnes qui font profession de mesme foy et Sacremens, qui contient les bons et mauvais, et n'est eglise que de nom; et l'eglise invisible est celle qui contient les esleuz seulement, qui, n'estans en la connoissance des hommes, sont seulement reconneuz et veuz de Dieu..

  A001000329 

 Ceux ausquelz on les retient ne sont ilz pas mauvais et reprouvés? ains cela est propre aux reprouvés que leurs pechés soyent retenuz, et l'ordinaire des esleuz quilz leur soyent pardonnés: or, que ceux ausquelz saint Pierre avoit pouvoir de les retenir ou pardonner fussent en l'Eglise, il appert; car de ceux qui ne sont en l'Eglise il n'appartient qu'a Dieu seul d'en juger; ceux, donques, desquelz saint Pierre devoit juger n'estoyent pas hors de l'Eglise mays dedans, quoy quil en deut avoir de reprouvés..

  A001000329 

 N'est ce pas la vraÿe Eglise contre laquelle les portes d'enfer ne prævaudront point? et neantmoins en icelle il y a des hommes qui ont besoin qu'on deslie leurs pechés, et d'autres ausquelz il les faut retenir, comme Nostre Seigneur faict voir en la promesse et puyssance qu'il en donne a saint Pierre.

  A001000330 

 On ne peut icy s'eschapper, l'argument est inevitable; il s'agit d'un nostre frere qui ne soit ni payen ni publicain, mais sous la discipline et correction de l'Eglise, et par consequent membre de l'Eglise, et neantmoins n'est pas inconvenient quil soit reprouvé, acariastre et obstiné.

  A001000331 

 Quand Nostre Seigneur dict: Le serviteur ne demeure pas en la mayson a jamais, le filz y demeure tousjours, n'est ce pas autant que s'il disoit qu'en la mayson de l'Eglise y est l'esleu et le reprouvé pour un tems? car, qui peut estre ce serviteur qui ne demeure pas tousjours en la mayson, que celuy la qui sera jetté une fois es tenebres exterieures? et de faict, il monstre bien que c'est aussy [ce] quil entend, quand il dict immediatement devant: Qui faict peché est serviteur de peché.

  A001000332 

 Saint Pol escrit a l'Eglise de Dieu qui estoit a Corinthe, c. I. I ad Cor., v. 2, et neantmoins il veut qu'on en chasse un certain incestueux, c. 5.

  A001000333 

 Judas est il pas reprouvé? et toutefois il fut Apostre et Evesque, selon le Psalmiste, et saint Pierre, [52] qui dict qu' il eut part au ministere de l'apostolat, et tout l'Evangile, qui le met tousjours en conte au college des Apostres.

  A001000334 

 Et tout cecy est semblable a la sainte parole de Nostre Seigneur, qui tient les scribes et pharisiens estre vrais pasteurs de la vraÿe Eglise de ce tems la, puys quil commande qu'on leur obeisse, et neantmoins ne les tient pas pour esleuz ains plustost pour reprouvés.

  A001000334 

 Mays quand auroys je faict, si je voulois entasser icy les noms de tant d'Evesques et prælatz lesquelz, apres avoir estés legitimement colloqués en cest office et dignité, sont decheuz de leur premiere grace, et sont mortz hæretiques? Qui vit jamays rien de si saint pour un simple prestre qu'Origene, de si docte, si chaste, si charitable? Il ni a celuy qui puysse lire ce qu'en escrit Vincent le Lyrinois, l'un des plus polys et doctes escrivains ecclesiastiques, et fayre consideration de sa damnable viellesse apres une si admirable et sainte vie, qui ne soit tout esmeu de compassion, de voir ce grand et valoureux nocher, apres tant de tempestes passëes, apres tant et de si riches traffiques quil avoit faict avec les Hebreux, Arabes, Chaldeens, Grecz et Latins, revenant plein d'honneur et de richesses spirituelles, fayre naufrage et se perdre au port de sa propre sepulture.

  A001000334 

 Or quell'absurdité seroit ce, je vous prie, si les seulz esleuz estoyent de l'Eglise? il s'ensuyvroit ce qu'ont dict les Donatistes, que nous ne pourrions pas connoistre nos prælatz, et par consequent ne leur pourrions rendre l'obeissance: car, comme connoistrions nous si ceux qui se diroyent prælatz et pasteurs seroyent de l'Eglise? puysque nous ne pouvons connoistre qui est prædestiné et qui non d'entre les vivans, comm'il se dira ailleurs; et s'ilz ne sont de l'Eglise, comme y peuvent ilz tenir le lieu de chefz? ce seroit bien un monstre des plus estranges qui se peut voir que le chef de l'Eglise ne fut de l'Eglise.

  A001000334 

 Qui oseroit dire quil n'eust esté de la vraÿe Eglise, luy [qui] avoit tousjours combattu pour l'Eglise, et que toute l'Eglise honnoroit et tenoit pour l'un de ses plus grans docteurs? et quoy? le voyla en fin hæretique, excommunié, hors de l'Arche, perir au deluge de sa [53] propr'opinion.

  A001000335 

 Je conclus tout ce discours par les comparaisons Evangeliques qui monstrent clairement toute ceste verité.

  A001000335 

 Tous ceux qui sont en l'Eglise sont apellés, mays tous ceux qui y sont ne sont pas esleuz; aussy Eglise ne veut pas dire election mays convocation..

  A001000336 

 Mays ou trouveront ilz en l'Escriture aucun lieu qui leur puysse servir de quelqu'excuse en tant d'absurdités, et contre des preuves si claires que celles que nous avons faict? il ne manque pas de contreraysons en ce point, jamays l'opiniastreté n'en laisse avoir faute a ses serviteurs..

  A001000337 

 Apporteront ilz donques ce qui est escrit aux Cantiques, de l'Espouse, que c'est un jardin fermé, une fontayne ou source cachetëe, un puys d'eau vivante, qu'elle est toute belle et sans aucune tache, ou, comme dict l'Apostre, glorieuse, sans ride, sainte, immaculëe? Je les prie de bon cœur quilz regardent ce quilz veulent conclure de cecy, car silz veulent conclure quil ni doive point avoir en l'Eglise que de saints immaculés, sans ride, glorieux, je leur feray voir avec ces mesmes passages quil ny a en l'Eglise ni esleu ni reprouvé: car, n'est ce pas « la voix humble mais veritable, » comme dict le grand Concile de Trente, « de tous les justes » et esleuz, « remettes nous nos debtes comme nous les remettons a nos debiteurs »? Je tiens saint Jaques pour esleu, et neantmoins il confesse: Nous offençons tous en plusieurs choses; saint Jan nous ferme la bouche et a tous les esleuz, affin que personne ne se vante d'estre sans peché, ains au contraire veut [que] chacun sache et confesse quil peche; je crois que David en son ravissement et extase sçavoit que c'estoit que des esleuz, et neantmoins il tenoit tout homme pour mensonger.

  A001000338 

 L'Espouse a des cheveux et des ongles qui ne sont pas vivantes, quoy qu'elle soit vivante; le senat est sauverain, mais non pas chasque senateur; l'armëe est victorieuse, mays nompas chasque soldat; ell'emporte la bataglie, mays plusieurs soldatz y demeurent mors.

  A001000338 

 Les meurs dependent de la volonté, la doctrine, de l'entendement: en l'entendement de l'Eglise jamais ny entra fauseté, ni en la volonté aucune meschanceté; elle peut par la grace de son Espoux dire comme luy: Qui d'entre vous, o conjurés ennemys, me reprendra de peché? Et ne s'ensuit pour tant pas qu'en l'Eglise il ni ayt des meschans; resouvenes vous de ce que j'ay dict ailleurs.

  A001000338 

 Prenes donques l'un'apres l'autre les belles louanges de l'Eglise qui sont semëes es Escritures, et luy en faites une couronne, car elles luy sont bien deües, comme plusieurs maledictions a ceux qui estans en un si beau chemin s'y perdent; c'est un' armëe bien ordonnëe, quoy que plusieurs s'y disbendent..

  A001000339 

 Mays qui ne sçait combien de fois on attribue a tout un cors ce qui n'appartient qu'a l'une des parties? L'Espouse apelle son Espoux blanc et vermeil, mays incontinent elle dict quil a les cheveux noirs; saint Mathieu dict que les larrons qui estoyent crucifiés avec Nostre Seigneur blasphemerent, et ce ne fut que l'un d'eux au rapport de saint Luc; on dict que le lis est blanc, mais il y a du jaune et du verd.

  A001000339 

 Or, a qui parle en terme d'amour use volontier de ceste façon de langage, et les Cantiques sont des repræsentations [56] chastes et amoureuses.

  A001000339 

 Toutes ces qualités donques sont justement attribuees a l'Eglise, a cause de tant de saintes ames qui y sont qui observent tres etroittement les saintz commandemens de Dieu, et sont parfaictes de la perfection qu'on peut avoir en ce pelerinage, non de celle que nous esperons en la bienheureuse Patrie..

  A001000341 

 Il ne seroit jamais faict qui voudroit s'amuser sur tous les pieds de mouches qu'on va considerant icy, et pour lesquelz on baille mille fauses alarmes au pauvre peuple.

  A001000341 

 On produict le passage de saint Jan: Je connois mes brebis, et personne ne les levera de mes mains; et que ces brebis la sont les prædestinés qui sont seulz du bercail du Seigneur, on produict ce que saint Pol dict a Timothee: Le Seigneur connoist ceux qui sont a luy, et ce que saint Jan a dict des apostatz: Ilz sont sortis d'entre nous, mais ilz n'estoyent pas d'entre nous..

  A001000342 

 Mays quelle difficulté trouve l'on en tout cela? nous confessons que les brebis prædestinëes entendent la voix de leur pasteur, et ont toutes les proprietés qui sont descrittes en saint Jan, ou tost ou tard, mays nous confessons aussy qu'en l'Eglise, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il ni a pas seulement des brebis ains encores des boucz; autrement, pourquoy seroit il dict qu'a la fin du monde, au jugement, les brebis seront separëes, sinon par ce que jusques au jugement, pendant que l'Eglise est en ce monde, ell'a en soy des boucz avec les brebis? certes, si jamais ilz n'avoyent estés ensemble, jamais on ne les separeroit: et puys en fin de conte, si les prædestinés sont apellés brebis aussy le sont bien les reprouvés, tesmoin David: Vostre fureur est courroucëe sur les brebis de vostre parc; [57] J'ay erré comme la brebis qui est perdüe; et ailleurs, quand il dict: O vous qui regentes sur Israel, escoutes, vous qui conduyses Joseph comm' une oüaille: quand il dict Joseph, il entend les Josephois et le peuple Israelitique, parce qu'a Joseph fut donné la primogeniture, et l'aisné baille nom a la race.

  A001000342 

 Mays qui ne sçait qu'au peuple d'Israel tout n'estoit pas prædestiné ou esleü? et neantmoins ilz sont apellés brebis, et sont tous ensemble sous un mesme pasteur.

  A001000343 

 Semblablement, qui nie que Nostre Seigneur connoisse ceux qui sont a luy? Il sceut sans doute ce que Judas deviendroit, neantmoins Judas ne layssa pas d'estre de ses Apostres; il sceut ce que devoient devenir les disciples qui s'en retournerent en arriere pour la doctrine de la realité de la manducation de sa chair, et neantmoins il les receut pour ses disciples.

  A001000343 

 » Nostre Seigneur donques connoist ceux qui sont a luy pour l'Eglise triomphante, mays outre ceux la il y en a plusieurs autres en l'Eglise militante desquelz la fin sera en perdition, comme le mesme Apostre monstre quand il dict, qu' en une grande mayson il y a de toutes sortes de vases, et [58] mesme quelques uns pour l'honneur, autres pour l'ignominie..

  A001000345 

 C'est donq chose certayne, que non seulement les esleuz mays les reprouvés encores peuvent estre et sont de l'Eglise, et qui, pour la rendre invisible, ny met que les esleuz, faict comme le mauvais disciple qui, pour ne secourir point son maistre, s'excuse de n'avoir rien apris de son cors mais de son ame.

  A001000345 

 Combien sont dedans qui seront dehors, comme saint Anthoyne previt d'Arrius, et saint Fulbert de Berengaire.

  A001000345 

 En fin, voicy un argument qui sembl'estre assorti de forme et de figure: « Celuy n'a Dieu pour pere qui n'a l'Eglise pour mere », chose certayne; de mesme, qui n'a Dieu pour pere n'aura point l'Eglise pour mere, tres certain: or est il que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere; donques ilz n'ont point l'Eglise pour mere, et par consequent les reprouvés ne sont en l'Eglise.

  A001000345 

 O combien de serviteurs, puys je dire avec l'Ecclesiaste, ont estés veuz a cheval, et combien de princes a pied comme valetz; combien d'animaux immondes et de corbeaux en cest'Arche ecclesiastique; o combien de pommes belles et odoriferantes sont sur le pommier vermoulues au par dedans, qui neantmoins sont attachëes a l'arbre et tirent le bon suc de tige.

  A001000345 

 Qui auroyt les yeux asses clair voyans pour voir l'issue de la course des hommes, verroit bien dans l'Eglise dequoy s'escrier: Plusieurs sont apellés et peu sont esleuz; c'est a dire, plusieurs sont en la militante qui ne seront jamais en la triomphante.

  A001000345 

 Tesmoin le Maistre mesme, en saint Jan, et le filz penitent, qui sçavoit bien reconnoistre que plusieurs mercenaires avoient des pains en abondance chez son pere, quoy que luy, vray et legitime filz, mourut de faim avec les porceaux: qui rend preuve de la foy Catholique pour ce sujet.

  A001000345 

 Tous les fideles baptizés peuvent estre apellés filz de Dieu pendant quilz sont fideles, sinon qu'on voulut oster au Baptesme le nom de regeneration ou nativité spirituelle que Nostre Seigneur luy a baillé; que si on l'entend ainsy, il y a plusieurs reprouvés enfans de Dieu, car combien y a il de gens fideles et baptizés qui seront damnés, lesquelz, comme dict la Verité, croyent pour un tems, et au tems de la tentation se retirent en arriere: de façon qu'on niera tout court ceste seconde proposition, que les reprouvés ne soyent enfans de Dieu; car estans en l'Eglise ilz peuvent estr'appellés enfans de Dieu par la creation, redemption, regeneration, [59] doctrine, profession de foy, quoy que Nostre Seigneur se lamente d'eux en ceste sorte par Isaie, J'ay nourry et eslevé des enfans et ilz m'ont mesprisé.

  A001000353 

 Ignores vous que Nostre Seigneur se soyt acquis l'Eglis'en son sang? et qui pourra la luy lever? [61] penses vous quil soit plus foible que son adversaire? ah, je vous prie, parlons honorablement de ce cappitaine; et qui donques ostera d'entre ses mains son Eglise? peut estre dires vous quil peut la garder mais quil ne veut; c'est donq sa providence, sa bonté, sa verité que vous attaques..

  A001000353 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur mesme: Si je suys une foys eslevé de terre j'attireray a moy toutes choses? a il pas esté eslevé en la Croix? a il pas souffert? et comme donques auroyt il layssé aller l'Eglise quil avoit attirëe, a vau de route? comm'auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le prince du monde, le diable, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans pour revenir maistriser mill'ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? estes vous arbitres de si bonne foy que de vouloir si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre desormays un'alternative entre sa divine bonté et la malice diabolique? Non, non, quand un fort et puyssant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despoüille.

  A001000354 

 La consommation des saintz estoyt elle ja faicte il y a onze cens ou douze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous apeller ædificateur, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevëe, comme de faict elle ne l'est pas mesme maintenant, pour quoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu que de dire quil ayt osté et levé aux hommes ce quil leur avoit donné? C'est une des qualités de la bonté de Dieu que, comme dict saint Pol, ses dons et ses graces sont sans pænitence, c'est a dire, il ne donne pas pour oster.

  A001000354 

 Sa divine providence, des qu'ell'eust creë l'homme, le ciel, la terre, et ce qui est au ciel et a la terre, les conserva et conserve perpetuellement, en façon que la generation du moindre oysillion n'est pas encores estainte; que dirons nous donques de l'Eglise? Tout ce monde ne luy costa de premier marché qu'une simple parole: Il le dict et tout fut faict, et il le conserve avec une perpetuelle et infallible providence; comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang, tant de peynes et travaux? Il a tiré l'Israel de l'Egipte, des desers, de la mer Rouge, de tant de calamités et captivités, et nous croirons quil ayt layssé engolfé le Christianisme en l'incredulité? Il a tant eu de soin de son Agar, et il mesprisera Sara? il a tant favorisé la servante qui devoit estre chassëe hors de la mayson, et n'aura tenu conte de l'Espouse legitime? il aura tant honnoré l'ombre, et il abandonnera le cors? O que ce [62] seroit bien pour neant que tant et tant de promesses auroyent estees faites de la perpetuité de cest'Eglise..

  A001000355 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondëe en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie filz de David, en la personne du Pere eternel) sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles et son trosne comme les jours du ciel, c'est a diré, autant que le ciel durera; Daniel l'apelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement, l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'auroit point de fin, et parle de l'Eglise comme nous le prouvons ailleurs; Isaïe avoit il pas predict en ceste façon de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peché il verra une longue race, c'est a dire, de longue durëe? et ailleurs: Je feray un'alliance perpetuelle avec eux; apres: Tous ceux qui les verront (il parle de l'Eglise visible) les connoistront? Mays, je vous prie, qui a baillé charge a Luther et Calvin de revoquer tant de saintes et solemnelles promesses que Nostre Seigneur a faites a son Eglise, de perpetuité? n'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contr'elle? et comme verifiera-on ceste promesse si l'Eglise a esté abolie mill'ans ou plus? et ce doux adieu que Nostre Seigneur dict a ses Apostres, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, comme l'entendrons nous si voulons dire que l'Eglise puisse perir?.

  A001000356 

 Mays voudrions nous bien casser la belle regle de Gamaliel qui, parlant de l'Eglise naissante, usa de ce discours: Si ce conseil ou cest'œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si ell'est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre? L'Eglise est ce pas l'œuvre de Dieu? et comment donques dirons nous qu'elle soit dissipëe? Si ce bel arbre ecclesiastique avoit esté planté de main d'homme, j'avoueroys aysement quil pourroit estre arraché, mays ayant esté planté de si bonne main qu'est celle de Nostre Seigneur, je ne sçaurois [63] conseiller a ceux qui entendent crier a tous propos que l'Eglise estoit perie sinon ce que dict Nostre Seigneur: Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantée sera arrachëe, mays celle que Dieu a plantëe ne sera point arrachëe..

  A001000357 

 Saint Pol dict que tous doivent estre vivifiés chacun en son ordre; les premices ce sera Christ, puys ceux qui sont de Christ, puys la fin: entre Christ et les siens, c'est a sçavoir, l'Eglise, il ni a rien d'entredeux, car montant au ciel il les a layssés en terre, entre l'Eglise et la fin il ni a point d'entredeux, d'autant qu'elle devoit durer jusques a la fin.

  A001000358 

 Et qui donques sera si osé de dire que cest'Eglise est morte, il accuse la bonté, la diligence et le sçavoir de ce grand reformateur, et qui se croit estre le reformateur ou resuscitateur d'icelle, il s'attribue l'honneur deu a un seul Jesuchrist, et se faict plus qu'Apostre.

  A001000358 

 Les Apostres n'ont pas remis l'Eglise a vie, mays la luy [ont] conservëe par leur ministere apres que Nostre Seigneur l'eust [64] establie; qui donques dict que l'ayant trouvé morte il l'a resuscitëe, a vostr'avis merite il pas d'estr'assis au trosne de temerité? Nostre Seigneur avoit mis le saint feu de sa charité au monde, les Apostres avec le souffle de leur prædication l'avoyent accreu et faict courir par tout le monde: on dict quil estoit estaint par mi les eaux d'ignorance et d'iniquité; qui le pourra rallumer? le souffler ni sert de rien, et quoy donques? il faudroit peut estre rebattre de nouveau avec les clouz et la lance sur Jesuchrist, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu, ou s'il suffira que Calvin ou Luther soient au monde pour le rallumer? Ce seroit bien de vray estre des troysiesmes Helies, car ni Helie ni saint Jan Baptiste n'en firent onques tant; ce seroit bien laysser tous les Apostres en arriere, qui porterent bien ce feu par le monde, mays ilz ne l'allumerent pas.

  A001000358 

 Mays, je vous prie, si cest'Espouse fut morte apres que du costé de son Espoux endormy sur la Croix ell'eust premierement la vie, si elle fut morte, dis je, qui l'eust resuscitëe? Ne sçait on pas que la resurrection des mors n'est pas moindre miracle que la creation, et beaucoup plus grand que la continuation et conservation? Ne sçait on pas que la reformation de l'homme [est] un bien plus profond mistere que la formation, et qu'en la formation Dieu dict, et il fut faict? il inspira l'ame vivante, et il ne l'eut pas si tost inspirëe que ce celest'homme commença a respirer; mays en la reformation Dieu employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, mourut mesme sur ceste reformation.

  A001000359 

 O quel contrechange on faict a ces bons peres qui ont tant souffert pour nous præserver l'heritage de l'Evangile, et maintenant, outrecuydés que sont les enfans, on se mocque d'eux, on les tient pour folz et insensés..

  A001000360 

 Je veux conclure ceste preuve avec saint Augustin, et parler a vos ministres: « Que nous apportes vous de nouveau? faudra il encor une foys semer la bonne semence, puysque des qu'ell'est semëe elle croit jusqu'à la moysson? Si vous dites estre par tout perdue celle que les Apostres avoyent semëe, nous vous respondons: lises nous cecy es Saintes Escritures, ce que pour vray vous ne lires jamais que premierement vous ne nous monstries estre faux ce qui est escrit, que la semence [65] qui fut semëe au commencement croistroit jusqu'au tems de moyssons.

  A001000368 

 Responce: Helie n'estoit pas seul en Israel homme de bien, puysquil y en avoit 7000 hommes qui ne s'estoient pas abandonné a l'idolatrie, et ce qu'en dict le Prophete n'est que pour mieux exprimer la justice de sa plainte; et n'est pas vray qu'encor que tout Israel eut manqué l'Eglise pourtant eut esté abolie, car Israel n'estoit pas toute l'Eglise, ains en estoit desja separé par le schisme de Hieroboam, et le royaume de Juda en estoit la meilleure et la principale partie; c'est d'Israel non de [66] Juda, aussy, de quoy Azarie prædit quil seroit sans prestre et sacrifice..

  A001000369 

 Ainsy sans doute s'entend tout ce qui se trouve de semblable es menaces et reprehensions des Prophetes..

  A001000369 

 Qui ne sçait la plainte de David: Il ni a celuy, mesm'un tout seul, qui face bien? et qui ne sçait de l'autre costé quil y eut plusieurs gens de bien de son tems? Ces façons de parler sont frequentes, mays il n'en faut faire conclusion particuliere sur un chacun; davantage, on ne prouve pas par la que la foy eut manqué en l'Eglise, ni que l'Eglise fut morte, car il ne s'ensuit pas, si un cors est par tout malade donques il est mort.

  A001000369 

 Responce: Ce sont des façons de parler, et de detester le vice d'un peuple avec vehemence; et encores que les prophetes, pasteurs et prædicateurs usent de ces generales façons de parler, il ne les faut pas verifier sur chaque particulier, mays seulement sur une grande partie, comm'il appert par l'exemple d'Helie, qui se plaignoit d'estre seul, et neantmoins il y avoit encores 7000 fideles.

  A001000370 

 Nous nous fions donques en la sainte parole qui promet perpetuité a l'Eglise..

  A001000370 

 Responce: Qui vous dict que sous prætexte de l'Eglise il faille se confier au mensonge? ains, au contraire, qui s'appuÿe au jugement de l'Eglise s'appuÿe sur la colonne et fermeté de verité, qui se fie a l'infallibilité de l'Eglise ne se fie pas au mensonge, si ce n'est mensonge ce qui est escrit: Les portes d'enfer ne prævaudront point contre elle.

  A001000377 

 I a il homme de jugement au monde qui ne connoisse clairement, quand il lira l'Apocalipse de saint Jan, que ce n'est pas pour ce tems quil est dict que la femme (c'est a dire, l'Eglise) s'en fuit en la solitude?...

  A001000378 

 Comment donques osent ilz transporter cest escrire a une intelligence si esloignëe de l'intention de l'autheur, et si contrayre a ses propres circonstances? sans vouloir regarder a tant d'autres paroles saintes qui monstrent et asseurent haut et clair que l'Eglise ne doit jamays estre si cachëe es solitudes jusqu'a cest'extremité la, et pour si peu de tems, ou on la verra fuir, d'ou on la verra sortir.

  A001000378 

 Ilz tournent a ce biays ce qui est escrit en l'Apocalipse, que la femme s'en fuit en la solitude, et prennent consequence que l'Eglise a esté [68] cachëe et secrette, espouvantëe de la tirannie du Pape, il y a mill'ans, jusqu'a ce qu'elle s'est produicte en Luther et ses adhærens.

  A001000378 

 Je ne veux plus ramener tant de passages ja cottés cy dessus, ou l'Eglis'est dicte semblable au soleil, lune, arc en ciel, a une reyne, a une montaigne aussy grande que le monde, et un monde d'autres; je me contenteray de vous mettr'en teste deux grans colonnelz de l'ancienne Eglise, des plus vallians qui furent onques, saint Augustin et saint Hierosme..

  A001000378 

 Les Anciens avoyent sagement dict que bien sçavoir reconnoistre la difference des tems es Escritures estoyt une bonne regle pour bien les entendre, a faute dequoy les Juifz a tous coupz s'æquivoquent, attribuantz au premier advenement du Messie ce qui est proprement dict du second, et les adversaires de l'Eglise encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire jusqu'a cest aage qu'elle doit estre du tems de l'Antichrist.

  A001000378 

 Mays qui ne voit que tout ce passage respire la fin du monde et la persecution de l'Antichrist? le tems y estant determiné expressément de trois ans et demy, et en Daniel aussy; et qui voudroit par quelque glosse estendre ce tems que l'Escriture a determiné, contrediroit tout ouvertement a Nostre Seigneur, qui dict quil sera plus tost accourcy, pour l'amour des esleuz.

  A001000379 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a remply toute la face de la terre.

  A001000379 

 Qui se perd et s'esgare de cest mont? qui choque et se casse la teste en iceluy? qui ignore la cité mise sur le mont? mays non, ne vous esmerveilles pas quil soit inconneu a ceux cy qui haissent les freres, qui haissent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en tenebres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont separés du reste de l'univers, ilz sont aveugles de mal talent.

  A001000379 

 « C'est la cité, » dict saint Augustin, « mise sur la montaigne, qui ne se peut cacher, c'est la lampe qui ne peut estre celee sous un tonneau, conneüe de tous, a tous fameuse, car il s'ensuit: Le mont Sion est fondé avec grande joÿe de l'univers.

  A001000379 

 » Et de faict, Nostre Seigneur, qui disoit que personne n'allume la lampe pour la couvrir sous un muy, comm'eust il mis tant de lumieres en l'Eglise pour les aller cacher en certains recoins inconneuz? Il poursuit: « Voyci le mont qui remplit l'universelle face de la terre, voyci la cité delaquelle il est dict: La cité ne se peut cacher qui est situëe sur le mont.

  A001000380 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cittés du diable, et en fin, a sçavoir en la consommation des siecles, les idoles comme seront ilz abbatus? Si Nostre Seigneur n'a point eu de l'Eglise, ou s'il l'a eu en la seule Sardigne, certes il est trop appauvry.

  A001000380 

 Saint Hierosme entre en cest'escarmouche d'un autre costé, qui vous est bien aussy dangereux que l'autre, car il faict voir clairement que ceste dissipation prætendue, ceste retraitte et cachette, abolist la gloire [70] de la Croix de Nostre Seigneur; car, parlant a un schismatique reuni a l'Eglise, il dict ainsy: « Je me rejouys avec toy, et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon courage de l'ardeur de fauceté au goust et saveur de tout le monde; et ne dis pas comme quelquesuns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie evacue la Croix de Jesus Christ, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret que le Seigneur a proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000381 

 Et que diroit ce grand personnage de ceux qui non seulement nient qu'ell'aÿe esté generale et universelle, mays dient qu'elle n'estoit qu'en certaines personnes inconneües, sans vouloir determiner un seul petit vilage ou elle fut il y a quattre vingtz ans? n'est ce pas bien avilir les glorieux trophëes de Nostre Seigneur? Le Pere celeste, pour la grand'humiliation et aneantissement que Nostre Seigneur avoit subi en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tout genou se devoit plier en sa reverence, mays ceux cy [71] ne prisent pas tant la Croix ni les actions du Crucifix, ostant de ce conte toutes les generations de mill'ans.

  A001000381 

 Le Pere luy avoit donné en heritage beaucoup de gens, par ce quil avoit livré sa vie a la mort, et avoyt esté mis au rang des meschans hommes et voleurs, mays ceux cy luy amaigrissent bien son lot, et roignent si fort sa portion qu'a grand peyne durant mill'ans aura il eu certains serviteurs secretz, ains n'en aura du tout point eu; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestien, et qui aves estés en la vraye Eglise: ou vous avies la vraye foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, pourquoy la celies vous aux autres? que n'en laissies vous des memoyres? que ne vous opposies vous a l'impieté, a l'idoletrie? ou si vous ne sçavies pas que Dieu a recommandé a un chacun son prochain? certes, On croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir le salut il faut faire la confession de sa foy, et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et par ce j'ay parlé? O miserables encores, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre; si ainsy est, vous estes es tenebres extérieures.

  A001000381 

 Mays si au contrayre, o Luther, o Calvin, la vraye foy a tousjours esté publiëe et continuellement præchëe par tous nos devanciers, vous estes miserables vous mesmes, qui en aves une toute contraire, et qui pour trouver quelque excuse a vos volontés et fantasies, accuses tous les Peres ou d'impieté s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.

  A001000387 

 O combien d'Absalons se sont trouvés en nostr'aage, qui, pour seduyre et destruyre les peuples de l'obeissance de l'Eglise et des pasteurs, et solliciter les courages chrestiens a rebellion et revolte, ont crié par toutes les advenues d'Allemaigne et de France: il n'y a personne constitué de Dieu pour ouyr les doutes sur la foy et les resouvre; l'Eglise mesme, les magistratz ecclesiastiques, n'ont point de pouvoir de determiner ce quil faut tenir en la foy et ce que non; il faut chercher autres juges que les prælatz, l'Eglise peut errer en ses decretz et regles..

  A001000387 

 Quand Absalon voulut une fois faire faction et division contre son bon pere David, il s'assit pres de la porte au chemin, et disoit a tous ceux qui passoÿent: Il ni a personne constitué du Roy pour vous ouÿr, hé, qui me constituera juge sur terre, affin que tous ceux qui auront quelque negotiation viennent a moy et que je juge justement? ainsy solicitoit il les courages des Israelites.

  A001000388 

 .. Qui ouyt jamais deviser d'une academie ou chacun enseignat, personne ne fut auditeur? Telle seroit la republique Chrestienne si les particuliers... Car si l'Eglise mesme erre, qui n'errera? et si chacun y erre, ou peut errer, a qui m'addresseray je pour estre instruit? A Calvin? mays pourquoy plus tost qu'a Luther, ou a Brence, ou au Pacimontain? Nous ne sçaurions donques ou recourir en nos difficultés si l'Eglis'errait.

  A001000388 

 Mays quelle plus dommageable et temerayre persuasion pouvoyent ilz faire au Christianisme que cellela? Si donques l'Eglise peut errer, o Calvin, o Luther, a qui auray je recours en mes difficultés? a l'Escriture, disent ilz: mays que feray je, pauvr'homme? car c'est sur l'Escriture mesme ou j'ay difficulté; je ne suys pas en doute s'il faut adjouster foy a l'Escriture ou non, car qui ne sçait que c'est la parole de verité? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de cest'Escriture, ce [73] sont les consequences d'icelle, lesquelles estans sans nombre, diverses et contraires sur un mesme sujet, ou qu'un chacun prend parti qui en l'une qui en l'autre, et que de toutes il ny en a qu'une salutaire, ah, qui me fera connoistre la bonne d'entre tant de mauvaises? qui me fera voir la vraye verité au travers de tant d'apparentes et masquëes vanités? Chacun se voudroit embarquer sur le navire du Saint Esprit, il ny en a qu'un, et celuy la seul prendra port, tout le reste court au naufrage; ah, quel danger de mesprendre: l'egale ventance et asseurance des patrons en deçoit la plus part, car tous se ventent d'en estre les maistres.

  A001000388 

 Quicomque dict que nostre Maistre ne nous a pas laissé des guides en un si dangereux et malaysé chemin, il dict quil nous veut perdre; quicomque dict quil nous a embarqués a la mercy [des vents] et de la marëe, sans nous donner un expert pilote qui sache bien entendre sur la bussole et la charte marine, il dict que ce Seigneur a faute de provoyance; quicomque dict que ce bon Pere nous a envoyés en cest'escole Ecclesiastique, sachant que l'erreur y estoit enseignëe, il dict quil a voulu nourrir nostre vice et nostre ignorance.

  A001000389 

 L'Eglise a condamné Berengaire; quicomque en veut debattre plus avant je le tiens comm'un payen et peager, affin d'obeir a mon Seigneur, qui ne me laysse pas en liberté en cest endroit, mays me commande: Tiens le comm'un payen et peager..

  A001000389 

 Mays qui considerera le tesmoignage que Dieu a donné pour l'Eglise, si authentique, il verra que dire, l'Eglise erre, n'est autre sinon dire, Dieu erre, ou se plaict et veut qu'on erre, qui seroit un grand blaspheme: car, n'est ce pas Nostre Seigneur qui dict: Si ton [frere] a peché (contre toy), dis le a l'Eglise; que si quelqu'un n'entend l'Eglise, quil te soit comme ethnique [74] et peager? Voyes vous comme Nostre Seigneur nous renvoÿe a l'Eglise en nos differens, et quelz qu'ilz soyent? mays combien plus es injures et differens plus importans? certes, si je suys obligé, apres l'ordre de la correction fraternelle, d'aller a l'Eglise pour fayre amander un vicieux qui m'aura offencé, combien plus seray je obligé d'y deferer celuy qui apelle toute l'Eglise Babilone, adultere, idolatre, mensongere, parjure? d'autant plus principalement qu'avec ceste sienne malveillance il pourra desbaucher et infecter tout'une province, le vice d'heresie estant si contagieux que comme chancre il se va tousjours traynant plus avant pour un tems.

  A001000389 

 Quand donques j'en verray quelqu'un qui dira que tous nos peres, ayeulz et bisayeulz ont idolatré, corrompu l'Evangile et prattiqué toutes les meschancetés qui s'ensuyvent de la cheute de Religion, je m'addresseray a l'Eglise, le jugement de laquelle chacun doit subir.

  A001000389 

 Que si elle peut errer, ce ne sera plus moy, ou l'homme, qui nourrira cest erreur au monde, ce sera nostre Dieu mesme qui l'authorisera et mettra en credit, puysqu'il nous commande d'aller a ce tribunal pour y ouyr et recevoir justice: ou il ne sçait pas ce que s'y faict, ou il nous veut decevoir, ou c'est a bon escient que la vraÿe justice s'y administre, et les sentences sont irrevocables.

  A001000390 

 Ell'est bien tellement asseurëe et ferme que toutes les portes d'enfer, c'est a dire toutes les forces ennemies, ne sçauroient s'en rendre maistresses; et ne seroit ce pas place gaignëe pour l'ennemy si l'erreur y entrait, es choses qui sont pour l'honneur et le service du Maistre? Nostre Seigneur est le chef de l'Eglise; a on point d'honte d'oser dire que le cors d'un chef si saint soit adultere, prophane, corrompu? et qu'on ne die pas que ce soit de l'Eglise invisible, car s'il y a point: d'Eglise visible (comme je l'ay monstré cy dessus) [76] Nostre Seigneur en est le chef; oyes saint Pol: Et ipsum dedit caput supra omnem ecclesiam, non sur un'eglise de deux que vous imagines, mais sur tout'Eglise.

  A001000390 

 Il parle de l'Eglise visible, car ou adresserait il son Timothëe pour converser? il l'apelle mayson de Dieu; ell'est donq bien fondëe, bien ordonnee, bien couverte contre tous orages et tempestes d'erreur: ell'est colomne et fermeté de la verité; la verité donques est en icelle, ell'y loge, ell'y demeure, qui la cherch'ailleurs la pert.

  A001000390 

 La ou deux ou trois se trouveront assemblés au nom de Nostre Seigneur, il se trouve au milieu d'eux: ah, qui dira que l'assemblëe de l'universelle Eglise de tous tems ayt esté abandonnee a la mercy de l'erreur et de l'impieté?.

  A001000390 

 La verité donques consiste au sens, qui est comme la mouelle, et partant, si l'Eglis'estoit gardienne de la verité, le sens de l'Escriture luy auroit esté remis en garde, il le faudroit chercher chez elle, et non en la cervelle de Luther, ou Calvin, ou de quelque particulier; dont elle ne pourroit errer, ayant tousjours le sens des Escritures.

  A001000391 

 Que si c'eust esté impieté aux Apostres de contester avec leur Maystre, aussy le sera ce a qui contestera contre l'Eglise; car si le Pere a dict du Filz, Ipsum audite, le Filz a dict de l'Eglise, Si quis Ecclesiam non audiverit, sit tibi tanquam etnicus et publicanus..

  A001000397 

 Et dict de Beze quil a apris ceste façon de parler de ceux qui l'ont instruict en sa religion prætendue, c'est a dire, de Calvin; et de vray, si Calvin pensoit que l'Eglise Romayne n'eust pas erré es choses necessaires a salut il eust eu tort de s'en separer, car y pouvant faire son salut, et y estant le vray Christianisme, il eust esté obligé d'y demeurer pour son salut, lequel ne pouvoit estr'en deux lieux differentz..

  A001000397 

 Il s'ensuit donques de son dire, quoy quil se tourne et contourne de tous costés, que l'Eglis'a erré es choses necessaires a salut: car, si hors l'Eglise on ne trouve point de salut, et l'Eglise a tant erré qu'elle n'est plus Eglise, certes en elle ni a point de salut; or est il qu'elle ne peut perdre le salut que se destournant des choses necessaires a salut, ell'a donq failly en choses necessaires a salut: autrement, ayant ce qui est necessaire a salut elle seroit la vraÿe Eglise, ou on se sauveroit hors la vraÿe Eglise, qui ne se peut.

  A001000398 

 On me dira peut estre que de Beze dict bien que l'Eglise Romayne qui est aujourdhuy erre en choses necessaires, et que partant il s'en est separé, mays quil ne dict pas que la vraÿe Eglise ait jamais erré.

  A001000402 

 Les Pepuziens, dict saint Augustin, (ou Montanistes [79] et Phriges comme les apelle le Code) admettoyent a la dignité de prestrise les femmes; qui ne sçait que les freres Anglois tiennent Elisabeth leur Reyne pour chef de leur eglise?.

  A001000408 

 Quand au premier trait, voyes de Beze en son traitté Des marques de l'Eglise; quand au second, n'est il pas d'accord avec ceste tant celebre sentence de Luther, que de Beze tient pour tresglorieux reformateur: Vides quam dives sit homo Christianus sive baptizatus, qui etiam volens non potest perdere salutem suam, quantiscumque peccatis, nisi nolit credere?.

  A001000411 

 Les Pelagiens se tenoyent asseurés et certains de leur justice, promettoyent le salut aux enfans des fideles qui mouroyent sans Baptesme, ilz tenoyent tous pechés pour mortelz.

  A001000413 

 Les Messaliens mesprisoyent les ordres sacrés, les eglises et les autelz, comme dict saint Damascene, Hær. 80; Ignatius (apud Theodoretum, Dialogo 3, qui dicitur Impatibilis ): Eucharistias et oblationes non admittunt, quod non confiteantur Eucharistiam esse carnem Servatoris nostri Jesu Christi, quæ pro peccatis nostris passa est, quam Pater benignitate suscitavit; contre lesquelz a escrit saint Martial, [81] Epistola ad Burdegalenses.

  A001000414 

 Mays qui voudra voir cecy bien au long, quil voÿe Sander, l. 8. c. 57, et Belarmin, In notis Ecclesiæ.

  A001000415 

 Imagines vous donques ceste [82] venerabl'antiquité, au ciel au tour du Maistre, qui regardent vos reformatoyres: ilz y sont allés combattans les opinions que les ministres adorent, ilz ont tenuz pour hæretiques ceux dont vous suyves les pas; penses vous que ce quilz ont jugé erreur, hæresie, blaspheme es Arriens, Manicheens, en Judas, ilz le trouvent maintenant sainteté, reformation, restauration? Qui ne voit que c'est icy le plus grand mespris qu'on peut fair'a la majesté de l'Eglise? Si vous voules venir a la succession de la vraye et sainte Eglise de ces premiers siecles, ne contrevenes donq pas a ce qu'ell'a si sollemnellement establi et constitué.

  A001000415 

 Les Peres que j'ay cité ne les eussent jamais mis au roole des hæretiques s'ilz n'eussent veu le cors de l'Eglise les tenir pour telz; c'estoyent des plus orthodoxes, et qui estoyent confederés a tous les autres Evesques et Docteurs catholiques de leur tems, qui monstre que ce quilz tenoyent pour hæretique l'estoyt a bon escient.

  A001000415 

 Or sus, ceste seul'alliance d'opinions, ou pour mieux dire, cest estroit parantage et consanguinité, que vos premiers maistres avoyent avec les plus cruelz, enviellis et conjurés ennemis de l'Eglise, vous devoyt elle pas destourner de les suyvre et vous renger sous leurs enseignes? Je n'ay cotté pas un'hæresie qui n'ait esté tenue pour telle en l'Eglise que Calvin et Beze confessent avoir esté vraÿe Eglise, a sçavoir, es premiers cinq cens du Christianisme.

  A001000424 

 C'est de l'Eglise que saint Pol dict a son cher Thimotee, 3: Ut scias quomodo oporteat te conversari in domo Dei, quæ est Ecclesia, columna et firmamentum veritatis; c'est d'icelle que David dict: Beati qui habitant in domo tua Domine; c'est d'elle que l'Ange dict: Regnabit in domo Jacob in æternum; c'est d'elle que Nostre Seigneur: In domo Patris mei mansiones multæ sunt, Simile est regnum cælorum homini patrifamilias, Mat.

  A001000424 

 Combien de fois et en combien de lieux, l'Eglise, tant militante que triomphante, et au Viel et au Nouveau Testament, soit appellëe mayson et famille, il me semblerait tems perdu d'en vouloir faire recherche, puisque cela est tant commun es Escritures que ceux qui les ont leües n'en douteront jamais, et qui ne les a leües, incontinent quil les lira, il trouvera quasi par tout ceste façon de parler.

  A001000425 

 Je vous demande, Messieurs les clair voians, qui ne voules pas qu'en l'Eglise il y ait un chef, me sçauries vous donner exemple de quelque gouvernement d'apparence auquel tous les gouvernemens particuliers ne se soyent rapportés a un? Il faut laisser a part les Macedoniens, Babiloniens, Juifz, Medes, Perses, Arabes, Siriens, François, Espagnolz, Anglois, et un'infinité des plus remarquables, esquelles la chose est claire.

  A001000425 

 Mays ce Maistre et Pere de famille, s'en allant a la dextre de Dieu son Pere, ayant laissé plusieurs serviteurs en sa mayson, il voulut en laisser un qui fust serviteur en chef, et auquel les autres se rapportassent; ainsy dict Nostre Seigneur: Quis putas est servus fidelis et prudens, quem constituit Dominus super familiam suam? Et de vray, sil ni avoit un maistre valet en une boutique, penses comme le trafiq iroit, sil ni avoit un roy en un roiaume, un paron en un navire, et un pere de famille en une famille, et de vray ce ne seroit plus une famille; mays escoutes Nostre Seigneur, S t Mat.

  A001000425 

 Mays supposé, ce qui est tres faux, que quelque province particuliere se fust gouvernee d'elle mesme, comment est ce qu'on le pourroit dire de l'Eglise Chrestienne, laquelle est si universelle qu'elle comprend tout le monde? comment pourroit elle estre une si elle se gouvernoit d'elle mesme? autrement, il faudroit tousjours avoir un concile debout de toutes les eveschés, et qui l'advoera? il faudroit que tous les Evesques fussent tousjours absens, et comme se pourroit faire cela? Et si tous les Evesques estoient pareilz, qui les assembleroit? Mays quelle peyne serait ce, quand on aurait quelque doute en la foy, de fayre assembler un concile? Il ne se peut nullement donques fayre, que toute l'Eglise, et chasque partie d'icelle, se gouverne elle mesme sans se rapporter l'une a l'autre..

  A001000425 

 Mays venons aux republiques: dites moy, ou aves vous veu quelque grande province qui se soit gouvernëe d'elle mesme? jamais.

  A001000425 

 Messieurs qui [85] vous playses es histoires, je suys asseuré de vostre voix, vous ne permettres pas qu'on m'en demente.

  A001000433 

 Ce qu'estant ainsy, je vous dis que ce serviteur general, ce dispensateur et gouverneur, ce maistre valet de la maison de Nostre Seigneur, c'est saint Pierre, lequel a rayson de cela peut bien dire: O Domine, quia ego servus; et non pas seulement servus, mais doublement, quia qui bene præsunt duplici honore digni sunt; et non seulement servus tuus, mais encores filius ancillæ tuæ.

  A001000433 

 Nostre Seigneur, donques, respond a [87] saint Pierre comme voulant dire: ce que j'ay dict en general appartient a tous, mais a toi particulierement, car, qui penses tu estre le serviteur prudent et fidele?.

  A001000433 

 Saint Luc nous monstre bien que saint Pierre est ce serviteur, car, apres avoir raconté que Nostre Seigneur avoit dict par advertissement a ses disciples: Beati servi quos cum venerit Dominus invenerit vigilantes; amen, dico vobis, quod præcinget se, et faciet illos discumbere, et transiens ministrabit illis, saint Pierre seul interrogea Nostre Seigneur: Ad nos dicis hanc parabolam an et ad omnes? Nostre Seigneur, respondant a saint Pierre, ne dict pas: Qui putas erunt fideles, comm'il avoit [dit] beati servi, mais, Quis putas est dispensator fidelis et prudens, quem constituit Dominus super familiam suam ut det illis in tempore tritici mensuram? Et de faict, Theophylacte dict que saint Pierre fit ceste demande comme ayant la supresme charge de l'Eglise, et saint Ambroise, l. 7.

  A001000434 

 Ainsy saint Pierre est appellé Pierre sur laquelle l'Eglise est fondëe: Tu es Cephas, et super hanc petram: or est il que cephas veut dire en siriac une pierre, aussi bien que sela en hebreu, mais l'interprete latin a dict Petrus, pour ce qu'en grec il y a Petros, qui veut aussi bien dire pierre comme petra; et Nostre Seigneur, en saint Mathieu, 7, dict que l'homme sage faict sa mayson et la fonde sur le rocher, supra petram: en quoy le diable, pere de mensonge, singe de Nostre Seigneur, a voulu faire certaine imitation, fondant sa malheureuse heresie principalement en un diocese de saint Pierre, et en une Rochelle.

  A001000434 

 Et de vray, si nous voulons un peu espelucher ceste parabole, qui peut estre le serviteur qui doit donner le froment sinon saint Pierre, auquel la charge de nourrir les autres a estëe donnëe: Pasce oves meas? Quand le maistre de la maison va dehors, il donne les clefz au maistre valet et œconome, et n'est ce pas a saint Pierre auquel Nostre Seigneur a dict: Tibi dabo claves regni cælorum? Tout se rapporte au gouverneur, et le reste des officiers s'appuyent sur iceluy, quand a l'authorité, comme tout l'edifice sur le fondement.

  A001000441 

 La donques Isaïe, se plaignant des Juifz et de leurs prestres en la personne de Nostre Seigneur, de ce que ils ne voudroyent pas croyre, Manda, remanda, expecta, reexpecta, et ce qui s'ensuit, il adjouste: Idcirco hæc dicit Dominus, et partant le Seigneur a dict, Ecce ego mittam in fundamentis Sion lapidem..

  A001000446 

 Je n'auroys jamais faict si je voulois dire tout ce qui me vient au devant de ce sujet..

  A001000451 

 Vous aves un supresme Consistoire, comme ceux de Berne, Geneve, Zurich et les autres, qui ne depend d'aucun autre.

  A001000451 

 Vous estes si esloignés de vouloir reconnoistre un chef universel, que mesme vous n'aves point de chef provincial; les ministres sont autant parmi vous l'un que l'autre, et n'ont aucune prerogative au Consistoire, ains sont inferieurs, et en science et en voix, au president qui n'est pas ministre.

  A001000451 

 [91] Bref, il n'y a aucun chef parmi vous autres es choses spirituelles, ni parmi tout le reste de ceux qui font profession de contredire au Pape..

  A001000452 

 Au contraire, il y a une Eglise au monde, vraye et legitime, qui a un chef visible, il n'y en a point qui en aye un que la nostre, la nostre donques seule est la vraye Eglise.

  A001000458 

 L'Eglise n'est qu'un cors, duquel tous les fidelles sont membres, jointz et liés ensemble par toutes les jointures; il n'y a qu'une foy et un esprit qui anime ce cors.

  A001000464 

 C'est ce qui nous tient tous parés d'une mesme livree de creance, car, sçachant qu'il y a un chef et lieutenant general en l'Eglise, ce qu'il resoult et determine avec l'advis des autres Prelatz, lhors qu'il est assis sur la chaire de saint Pierre pour enseigner le Christianisme, sert de loy et de niveau a nostre creance.

  A001000464 

 Donques en ceste unique chaire, qui est la premiere des prerogatives, fut assis premierement saint Pierre.

  A001000464 

 » Le bon Optatus disoit ainsy aux Donatistes: « Tu ne peux nier que tu ne sçaches qu'en la ville de Rome la principale chaire a esté premierement conferee a saint Pierre, en laquelle a esté assis le chef de tous les Apostres, saint Pierre, dont il fut appellé Cephas, chaire en laquelle l'unité fut de tous gardee, affin que les autres Apostres ne voulussent pas se pretendre et defendre chacun la sienne, et que des ores celuy la fust schismatique et pecheur, qui voudroit se bastir une autre chaire contre ceste unique chaire.

  A001000465 

 Au contraire, Messieurs, vos premiers maistres n'eurent pas plus tost esté sus pied, ilz n'eurent pas plus tost pensé de se bastir une tour de doctrine et de science qui allast toucher a descouvert dans le ciel, et leur acquist la grande et magnifique reputation de reformateurs, que Dieu, voulant empescher cest ambitieux dessein, permit entre eux une telle diversité de langage et de creance, qu'ilz commencerent a se cantonner qui ça qui la, si que toute leur besoigne ne fut qu'une miserable Babel et confusion.

  A001000465 

 Quelles contrarietés a produit la reformation de Luther: je n'aurois jamais faict si je les voulois mettre sur ce papier; qui les voudra voir qu'il lise le petit livre de Frederic Staphyl, De Concordia [94] discordi, Sander, livre 7 e de sa Visible monarchie, et Gabriel de Preau, en la Vie des heretiques.

  A001000466 

 Les Puritains en Angleterre tiennent comme article de foy qu'il n'est pas loysible de precher, baptizer, prier, es eglises qui ont esté autrefois aux Catholiques, mais on n'est pas si despiteux de deça: mais notes que j'ay dict qu'ilz le tiennent pour article de foy, car ilz souffrent et les prisons et les bannissemens plustost que de s'en desdire.

  A001000466 

 Les huguenotz françois tiennent que selon la Parole de Dieu les prestres ne sont pas moindres que les Evesques; les Anglois ont des Evesques qui commandent aux prestres, et entre eux, deux Archevesques, dont l'un est appellé Primat, nom auquel Calvin veut si grand mal.

  A001000467 

 Certes, la division qui est entre vous au nombre des Sacremens [est remarquable]: maintenant, communement, parmi vous on ne met que deux Sacremens; Calvin en a mis trois, adjoustant au baptesme et cene, l'ordre; Luther y met la penitence pour troisiesme puys dit qu'il n'y en a qu'un; en fin les protestans au colloque de Ratisbonne, auquel se trouva Calvin, tesmoin Beze en sa Vie, confesserent qu'il [y] avoit sept Sacremens.

  A001000467 

 Ceux qui sont divisés en plusieurs partis ne peuvent estre appellés du nom d'Eglise, parce que, comme dict saint Chrisostome, « le nom d'Eglise est un nom de consentement et concorde.

  A001000467 

 Que si je voulois vous monstrer les grandes contrarietés qui sont en la doctrine de ceux que de Beze reconnoit tous pour glorieux reformateurs de l'Eglise, a sçavoir, Hierosme de Prague, Jehan Hus, Wiclef, Luther, Bucer, Œcolampade, Zuingle, Pomeran et les autres, je n'aurois [96] jamais faict: Luther seul vous instruira asses de la bonne concorde qui est entre eux, en la lamentation qu'il faict contre les Zuingliens et Sacramentaires, qu'il appelle Absalons, et Judas, et espritz svermeriques, l'an mil cinq cens vingt sept.

  A001000467 

 Toute ceste division a son fondement au mespris que vous faites d'un chef visible en terre, car, n'estans point liés pour l'interpretation de la Parole de Dieu a aucune superieure authorité, chacun prend le parti que bon luy semble: c'est ce que dit le Sage, que les superbes sont tousjours en dissention, qui est une marque de vraye heresie.

  A001000468 

 Ceste unité de langage est en nous un vray signe que nous sommes l'armee du Seigneur, et vous ne pouves estre reconneus que pour Madianites, qui ne faites en vos opinions que criailler et hurler chacun a sa mode, chamailler les uns sur les autres, vous entr'esgorgeans et [97] massacrans vous mesmes par vos dissentions, ainsy que dict Dieu par Isaïe: Les Egyptiens choqueront contre les Egyptiens, et l'esprit d'Egypte se rompra: et saint Augustin dict que « comme Donatus avoit tasché de diviser Christ, ainsy luy mesme par une journelle separation des siens estoit divisé en luy mesme.

  A001000468 

 » Ceste seule Marque vous doit faire quitter vostre pretendue eglise, car, qui n'est avec Dieu est contre Dieu; Dieu n'est point en vostre eglise, car il n'habite point qu'en lieu de paix, et en vostre eglise il n'y a ni paix ni concorde..

  A001000474 

 Elle est sainte ençores parce que l'Esprit qui la vivifie est saint, et parce qu'elle est le cors mistique d'un chef qui est tres saint.

  A001000474 

 Mais, outre tout cela, il y a des signes avec lesquelz Dieu faict connoistre son Eglise, qui sont comme parfums et odeurs, comme dict l'Espoux es Cantiques: L'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens; ainsy pouvons nous, a la piste de ses odeurs et parfums, quester et trouver la vraye Eglise, et le giste du filz de la licorne..

  A001000480 

 L'Eglise, donques, a le lait et le miel sous sa langue, en son cœur, qui est la sainteté interieure laquelle nous ne pouvons voir; elle est richement paree d' une belle robbe bien recamee et brodee a varietés, qui est la sainteté exterieure laquelle se peut voir.

  A001000480 

 Mays, parce que les sectes et heresies desguisent leurs vestemens en mesme façon sous une fause estoffe, outre cela elle a des parfums et odeurs qui luy sont propres, et ce sont certains signes et lustres de sa sainteté, qui luy sont tellement propres qu'aucune autre assemblee ne s'en peut vanter, particulierement en nostre aage: car, premierement, elle reluit en miracles, qui sont tres souëfves odeurs et parfums, signes expres de la presence de Dieu immortel; ainsy les appelle saint Augustin..

  A001000481 

 Il ne dict pas que les seulz Apostres feroient ces miracles, mais simplement ceux qui croiront.

  A001000481 

 Il ne dict pas que tous les croyans en particulier feroient des miracles, mais que ceux qui croiront seront suivis de ces signes.

  A001000482 

 Mais voyons un peu pourquoy le pouvoir des miracles fut laissé en l'Eglise: ce fut sans doute pour confirmer la predication evangelique; car saint Marc le tesmoigne, et saint Pol, qui dict que Dieu donnoit tesmoignage a la foy qu'il annonçoit, par miracles.

  A001000483 

 Au tems des Apostres [100] se firent infinis miracles, vous le sçaves bien; apres ce tems la, qui ne sçait le miracle recité par Marc Aurele Anthonin, faict par les prieres de la legion des soldatz Chrestiens qui estoyent en son armee, laquelle pour cela fut appellee Fulminante? Qui ne sçait les miracles de saint Gregoire Thaumaturge, saint Martin, saint Anthoyne, saint Nicolas, saint Hilarion, et les merveilles [qui arrivèrent] aux Theodose et Constantin? dequoy les autheurs sont irréprochables, Eusebe, Rufin, saint Hierosme, Basile, Sulpice, Athanase.

  A001000483 

 Qui ne sçait encores [ce] qui advint en l'invention de la sainte Croix, et au tems de Julien l'Apostat? Au tems de saint Chrysostome, Ambroise, Augustin, on a veu plusieurs miracles qu'eux mesmes recitent.

  A001000491 

 Le bienheureux François Xavier a gueri des paralitiques, sourds, muetz, aveugles, a ressuscité un mort, son cors n'a peu estre consumé quoy qu'il eust esté enterré avec de la chaux, comme ont tesmoigné ceux qui l'ont veu entier quinze mois apres sa mort; et ces deux derniers sont mortz des 45 ans en ça..

  A001000494 

 Cela l'appelles vous pas miracle? Je parle de chose voisine, j'ay leu l'acte public, j'ay parlé au notaire qui l'a receu et expedié, bien et deüement signé, Vion; il n'y manqua pas de tesmoins, car il y avoit du peuple a milliades.

  A001000494 

 Mays que m'arreste je faire a vous produire les miracles de nostre aage? saint Malachie, saint Bernard et saint François estoyent ilz pas de nostre Eglise? vous ne le sçauries nier; ceux qui ont escrit leurs vies sont tres saintz et doctes, car mesme saint Bernard a escrit celle de saint Malachie, et saint Bonaventure celle de saint François, auxquelz ni la suffisance ni la conscience ne manquoyent point, et neantmoins ilz y racontent plusieurs grans miracles: mays sur tout les merveilles qui se font maintenant, a nos portes, a la veüe de nos Princes et de toute nostre Savoye, pres de Mondevis, devroyent fermer la porte a toutes opiniastretés..

  A001000496 

 Les merveilles de l'Antichrist ne seront qu'une bouttade de trois ans et demy, mais les miracles de l'Eglise luy sont tellement propres que des qu'elle est fondee elle a tousjours esté reluisante en miracles; en l'Antichrist les miracles seront forcement, et ne dureront pas, mais en l'Eglise ilz y sont naturellement en sa surnaturelle nature, et partant ilz sont tousjours, et tousjours l'accompagnent, pour verifier la parole, ces signes suivront ceux qui croiront..

  A001000497 

 Or ces merveilles ne se sont faites que rarement; donques on n'en peut rien conclure: les nuees jettent quelques fois des esclairs, mays ce n'est que le soleil qui a pour marque et pour proprieté d'esclairer..

  A001000497 

 Que si Vespasien a gueri un aveugle et un boiteux, les medecins mesmes, au recit de Tacitus, trouverent que c'estoit un aveuglement et une perclusion qui n'estoyent pas incurables; ce n'est donques pas merveille si le diable les sceut guerir.

  A001000497 

 Un Juif estant baptizé se vint presenter a Paulus, evesque novatien, pour estre rebaptizé, dict Socrates; l'eau des fons tout incontinent s'esvanouit: ceste merveille ne se fit pas pour la confirmation du Novatianisme, mays du saint Baptesme, qui ne devoit pas estre reiteré.

  A001000499 

 Il est aysé aux apprentifz d'un mestier de s'equivoquer en leur premier essay; on faict souvent courir certains bruitz parmi vous pour entretenir le simple peuple en haleyne, mais n'ayans point d'autheur ne doivent avoir point d'authorité: outre ce que, au chassement du diable, il ne faut tant regarder ce qui se faict, comme il faut considerer la façon et la forme comme on le faict; si c'est par oraisons legitimes et invocations du nom de Jesus Christ.

  A001000499 

 Puys, une hirondelle ne faict pas le printems; c'est la suite perpetuelle et ordinaire des miracles qui est Marque de la vraye Eglise, non accident: mais ce seroit se battre avec l'ombre et le vent, de refuter ce bruit, si lasche et si debile que personne n'ose dire de quel costé il est venu..

  A001000499 

 Vous me confesseres que ce n'est pas de vostre mestier de faire des miracles, ni de chasser les diables; une fois il reussit mal a l'un de vos grans maistres qui s'en vouloit mesler, ce dict Bolsec: Illi de mortuis vivos suscitabant, ce dict Tertullien, [105] isti de vivis mortuos faciunt.

  A001000500 

 Aussi ne vous en demande je point; seulement je vous prie que vous confessies franchement que vous n'aves pas faict vostre apprentissage avec les Apostres, Disciples, Martyrs et Confesseurs, qui ont esté maistres du mestier..

  A001000500 

 Toute la responce que j'ay veüe chez vous, en ceste extreme necessité, c'est qu'on vous faict tort de vous demander des miracles: aussi faict on, je vous promets; c'est se mocquer de vous, comme qui demanderoit a un mareschal qu'il mist en œuvre une emeraude ou diamant.

  A001000502 

 Que si elle s'en veut vanter davantage, on luy imposera silence avec ces saintes paroles: Si filii Abrahæ estis, opera Abrahæ facite: la vraye Eglise des croyans doit tousjours estre suivie de miracles, il n'y a point d'Eglise en nostre aage qui en soit suivie que la nostre, la nostre donques seule est la vraye Eglise..

  A001000508 

 La prophetie est un tres grand miracle, qui consiste en la certaine connoissance que l'entendement humain a des choses sans experience ni aucun discours naturel, par l'inspiration surnaturelle; et partant, tout ce que j'ay dit des miracles en general doit estre employé en cecy: mays, outre cela, le prophete Joël predict qu' au dernier tems, c'est a dire, au tems de l'Eglise evangelique, comme interprete saint Pierre, Nostre Seigneur [108] respandroit sur ses serviteurs et servantes de son Saint Esprit, et qu'ilz prophetiseroient; comme Nostre Seigneur avoit dict: Ces signes suivront ceux qui croiront.

  A001000515 

 Il n'y a celuy de nos ayeux qui ne racontast tres asseurement quelque prophetie de Jehan Bourgeois, plusieurs desquelz l'avoyent veu et ouÿ.

  A001000515 

 Il n'y a presque point eu de Saintz en l'Eglise qui n'ayent prophetisé.

  A001000515 

 Je nommeray seulement ceux cy plus recens: saint Bernard, saint François, saint Dominique, [109] saint Anthoyne de Padoue, sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, qui furent tres asseurés Catholiques; les Saintz desquelz j'ay parlé cy dessus sont du nombre, et en nostre aage, Gaspard Berzee et François Xavier.

  A001000516 

 Produises nous maintenant quelqu'un des vostres qui ait prophetisé pour vostre eglise.

  A001000522 

 Le Filz de l'homme n'a pas lieu ou il puisse reposer sa teste; il a esté tout pauvre pour nous enrichir; il vivoit d'aumosnes, dict saint Luc: Mulieres aliquæ ministrabant ei de facultatibus suis; en deux Psalmes qui touchent proprement sa personne, comme interpretent saint Pierre et saint Pol, il est appellé mendiant; quand il envoye prescher ses Apostres, il les enseigne, Nequid tollerent in via nisi virgam tantum, et qu'ils ne portassent ni pochette, ni pain, ni argent a la ceinture, mays chaussés de sandales, et qu'ilz ne fussent affeublés [111] de deux robbes.

  A001000522 

 Saint Pierre nous invite avec son exemple et de ses compaignons: Voici, nous avons tout laissé et t'avons suivi; Nostre Seigneur recharge avec ceste solemnelle promesse: Vous qui m'aves suivi seres assis sur douze chaires, jugeans les douze tribus d'Israël, et quicomque laissera sa mayson, ou ses freres, ou ses sœurs, ou son pere, ou sa mere, ou sa femme, ou ses enfans, ou ses champs, pour mon nom, il en recevra le centuple, et possedera la vie eternelle.

  A001000522 

 Un jeune homme riche protestoit d'avoir observé les commandemens de Dieu des sa tendre jeunesse; Nostre Seigneur, qui voit tout, le regardant l'ayma, signe qu'il estoit tel qu'il avoit dict, et neanmoins il luy donne cest advis: Si tu veux estre parfaict, va, vens tout ce que tu as, et tu auras un tresor au ciel, et me suis.

  A001000523 

 Apres: Donq qui joint en mariage sa pucelle il faict bien, et qui ne la joint point faict mieux.

  A001000523 

 Au reste, je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous mettre des laqs, mais [pour] ce qui est honneste, et qui vous facilite le moyen de servir Dieu sans empeschemens.

  A001000523 

 C'est cela mesmie qui avoit esté predict par Isaïe: Que l'eunuque ne dise point, voicy je suis un arbre sec, parce que le Seigneur dict ainsy aux eunuques: qui garderont mes Sabbatz, et choisiront ce que je veux, et tiendront mon alliance, je leur bailleray, en ma mayson et en mes murailles, une place et un nom meilleur que les enfans et les filles, je leur bailleray un nom sempiternel qui ne perira point. Qui ne voit icy que l'Evangile va justement joindre a la prophetie? Et en l'Apocalipse, ceux qui chantoyent un cantique nouveau, qu'autre qu'eux ne pouvoit dire, c'estoyent ceux qui ne s'estoyent point souillés avec les femmes, parce qu'ilz estoyent vierges; ceux la suivent l'Aigneau ou qu'il aille.

  A001000523 

 Il y a des eunuques qui sont ainsy nés du ventre de leur mere, il y a aussi des eunuques qui ont esté faitz par les hommes, et il y a des eunuques qui se sont chastrés eux mesmes pour le royaume des cieux; qui potest capere, capiat.

  A001000523 

 Or je dis â qui n'est pas marié, et aux vefves, qu'il leur sera bon de demeurer ainsy, comme moy.

  A001000523 

 Puys, parlant de la vefve: Qu'elle se marie a qui elle voudra, pourveu que ce soit en Nostre Seigneur, mais elle sera plus heureuse si elle demeure ainsy, selon mon conseil; or pense je que j'ay l'esprit de Dieu.

  A001000523 

 Voicy la rayson: Qui est sans femme, il est soigneux des choses du Seigneur, comme il plaira a Dieu, mais qui est avec sa femme, il a soin des choses du monde, comme il agreera a sa femme, et est divisé; et la femme non mariee et la vierge pensent aux choses du Seigneur, pour estre saintes de cors et d'esprit, mais celle qui est mariee pense aux choses mondaines, comme elle [112] plaira a son mary.

  A001000523 

 Voyla les instructions de Nostre Seigneur et des Apostres, et voicy l'exemple de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, de saint Jan Baptiste, de saint Pol, saint Jan et saint Jaques, qui tous ont vescu en virginité, et, en l'Ancien Testament, Helie, Helisee, comme ont remarqué les Anciens..

  A001000524 

 En fin, la tres humble obeissance de Nostre Seigneur, qui est si particulierement notee es Evangiles, non seulement a son Pere, a laquelle il estoit obligé, mays a saint Joseph, a sa Mere, a Cesar auquel il paya le tribut, et a toutes creatures, en sa Passion, pour l'amour de nous: Humiliavit semetipsum, factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis.

  A001000524 

 Il veut que nous apprenions de luy l'humilité, et il s'humilioit, non seulement a qui il estoit inferieur entant qu'il portoit [113] la forme de serviteur, mais encores a ses inferieurs mesmes; il desire donques que, comme il s'est abaissé non jamais contre son devoir mais outre le devoir, ainsy nous obeissions volontairement a toutes creatures pour l'amour de luy: il veut que nous renoncions a nous mesmes par son exemple, mais il a renoncé si fermement a sa volonté qu'il s'est sousmis a la croix mesme, et a servi ses disciples et serviteurs, tesmoin celuy qui le trouvant estrange luy disoit: Non lavabis mihi pedes in æternum.

  A001000524 

 Je suis entre vous comme celuy qui sert.

  A001000524 

 Ne sont ce pas des perpetuelles repliques et expositions de ceste tant douce leçon, Apprenes de moy que je suis debonnaire et humble de courage? et de ceste autre, Si quelqu'un veut venir apres moy, qu'il renonce a soy mesme, qu'il prenne sa croix tous les jours, et qu'il me suive? Qui garde les commandemens il renonce asses a soy mesme pour estre sauvé, c'est bien asses s'humilier pour estre exalté, mais d'ailleurs il reste une autre obeissance, humilité et renoncement de soy mesme, auquel l'exemple et les enseignemens de Nostre Seigneur nous invitent.

  A001000525 

 Ces exemples et enseignemens si signalés de pauvreté, chasteté, abnegation de soy mesme, a qui ont ilz esté laissés? a l'Eglise.

  A001000525 

 Et de faict, les Escritures et exemples qui sont en icelles ne sont que pour nostre utilité et instruction; l'Eglise donques devoit prattiquer et mettre en œuvre ces si saintz advis de son Espoux, autrement c'eust esté en vain et pour neant qu'on les luy eust laissés et proposés: aussi les a elle bien sceu prendre pour soy et en faire son prouffit, et voicy dequoy..

  A001000525 

 Et qui le peut prendre? celuy qui a le don de Dieu, et personne n'a le don de Dieu que celuy qui le demande: mays, comme invoqueront celuy auquel ilz ne croyent point? comme croiront sans prèscheur? et comme prescheront ilz s'ilz ne sont envoyés? or il n'y a point [114] de mission hors l'Eglise, donques, Qui potest capere capiat ne s'addresse immediatement qu'a l'Eglise et pour ceux qui sont en l'Eglise, puysque hors de l'Eglise il ne peut estre en usage.

  A001000525 

 Mays pourquoy? Nostre Seigneur le declaire: Qui pot est capere capiat.

  A001000525 

 Saint Pol le monstre plus clairement: Hoc, ce dit il, ad utilitatem vestram dico: Je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous dresser des pieges et laqs, mais pour vous inciter a ce qui est honneste, et qui vous donne aysance et facilité de servir Dieu et l'honnorer sans empeschement.

  A001000526 

 Saint Philippe avoit quatre filles vierges, qu'Eusebe tesmoigne avoir tousjours demeuré telles; saint Pol garda la virginité ou le célibat, aussi firent saint Jan et saint Jaques; et quand saint Pol reprend comme damnables certaines jeunes vefves quæ postquam lascivierint in Christum nubere volunt, habentes damnationem quia primam fidem irritam fecerunt, le Concile 4 de Carthage (auquel se trouva saint Augustin), saint Epiphane, saint Hierosme, avec tout le reste de l'antiquité, l'interpretent des vefves qui, s'estans voüees a Dieu de garder chasteté, rompoyent leur vœu, se lians au mariage contre la foy qu'au paravant elles avoyent donnee au celeste Espoux.

  A001000527 

 Qui ne sçait combien sont admirables les rapportz que faict Philon le Juif de la vie des premiers Chrestiens en Alexandrie, au livre intitulé De vita supplicum, ou Traitté de saint Marc et ses disciples? comme tesmoignent Eusebe, Nicephore, saint Hierosme et, entre autres, Epiphane qui dict que Philon escrivant des Jesseens il parloit des Chrestiens, qui pour quelque tems apres l'Ascension de Nostre Seigneur, pendant que saint Marc preschoit en Egypte, furent ainsy appellés, ou a cause de Jessé, de la race duquel fut Nostre Seigneur, ou a cause du nom de Jesus, nom de leur Maistre et qu'ilz avoient tousjours en bouche: or, qui verra les livres de Philon, connoistra en ces Jesseens et therapeutes, guerisseurs ou serviteurs, une tres parfaicte renonciation de soy mesme, de sa chair et de ses biens.

  A001000528 

 Ces grans Peres ont esté suivis de saint Gregoire, Damascene, Bruno, Romuald, Bernard, Dominique, François, Louis, Anthoyne, Vincent, Thomas, Bonaventure, qui tous, ayans renoncé et dict un eternel adieu au monde et a ses pompes, se sont presentés en un holocauste parfaict a Dieu vivant..

  A001000528 

 Potitianus, gentilhomme africain, revenant de la cour de l'Empereur, raconta a saint Augustin qu'en Egypte il y avoit un grand nombre de monasteres et religieux, qui representoyent une grande douceur et simplicité en leurs mœurs, et comme il y avoit un monastere a Milan, hors ville, garni d'un bon nombre de religieux, vivans en grande union et fraternité, desquels saint Ambroise, Evesque du lieu, estoit comme abbé; il leur raconta aussi, qu'aupres de la ville de Treves il y avoit un monastere de bons religieux, ou deux courtisans de l'Empereur s'estoyent rendus moynes, et que deux jeunes damoiselles, qui estoyent fiancees a ces deux courtisans, ayans ouÿ la resolution de leurs espoux, voüerent pareillement a Dieu leur virginité, et se retirerent du monde pour vivre en religion, pauvreté et chasteté: c'est saint Augustin qui faict ce recit.

  A001000535 

 Je ne doute point que si vous avies hanté les congregations des Chartreux, Camaldulenses, Celestins, Minimes, Capucins, Jesuites, Theatins, et autres en grand nombre esquelles fleurit la discipline religieuse, vous ne fussies en doute si vous les devries appeller anges terrestres ou hommes celestes, et ne sçauries quoy plus admirer, ou en une si grande jeunesse une si parfaicte chasteté, ou parmi tant de doctrine une si profonde humilité, ou entre tant de [118] diversité une si grande fraternité; et tous, comme celestes abeilles, menagent en l'Eglise et y brassent le miel de l'Evangile avec le reste du Christianisme, qui par predications, qui par compositions, qui par meditations et oraisons, qui par leçons et disputes, qui par le soin des malades, qui par l'administration des Sacremens sous l'authorité des pasteurs..

  A001000535 

 L'Eglise qui est a present, suivant la voix de son Pasteur et Sauveur, et le chemin battu des devanciers, loue, approuve et prise beaucoup la resolution de ceux qui se rangent a la prattique des conseilz evangeliques, desquelz elle a un tres grand nombre.

  A001000536 

 Qui obscurcira jamais la gloire de tant de religieux de tous Ordres et de tant de prestres seculiers qui, laissans volontairement leur patrie, ou pour mieux dire leur propre monde, se sont [exposés] au vent et a la maree pour accoster les gens du Nouveau Monde, a fin de les conduire a la vraye foy et les esclairer de la lumiere evangelique? qui, sans autre appointement que d'une vive confiance en la providence de Dieu, sans autre attente que de travaux, misere et martyre, sans autres pretentions que de l'honneur de Dieu et du salut des ames, ont couru parmi les cannibales, Canariens, negres, Bresiliens, Moluchiens, Japonnois et autres estrangeres nations, et s'y sont confinés, se bannissans eux mesmes de leurs propres pays terrestres, affin que ces pauvres peuples ne fussent bannis du Paradis celeste.

  A001000537 

 Que voules vous? le Maistre y avoit semé la bonne semence, mais l'ennemy y a sursemé la zizanie; cependant l'Eglise, au Concile de Trente, y avoit mis bon ordre, mais il est mesprisé par ceux qui le devoient mettre en execution, et tant s'en faut que les docteurs Catholiques consentent a ce malheur, qu'ilz tiennent estre grand peché d'entrer en ces monasteres ainsy desbordés.

  A001000537 

 Tous les bons Catholiques regrettent le malheur de ces gens, et detestent la negligence des pasteurs [119] et l'ambition des aises de laides ames, qui, voulans tout manier, disposer et gouverner, empeschent l'election legitime et l'ordre de la discipline pour s'attribuer le bien temporel de l'Eglise.

  A001000538 

 Au moins, ne m'en sçauries vous monstrer aucun essay ni bonne volonté parmi vous autres, ou jusques aux ministres chacun se marie, chacun trafique pour assembler des richesses, personne ne reconnoist autre superieur que celuy que la force luy faict advoüer; signe evident que ceste pretendue eglise n'est pas celle pour laquelle Nostre Seigneur a presché, et tracé le tableau de tant de beaux exemples: car, si chacun se marie, que deviendra l'advis de saint Pol, Bonum est homini mulierem non tangere? si chacun court a l'argent et aux possessions, a qui s'addressera la parole de Nostre Seigneur, Nolite thesaurizare vobis thesauros in terra, et l'autre, Vade, vende omnia, da pauperibus? si chacun veut gouverner a son tour, ou se trouvera la prattique de ceste si solemnelle sentence, Qui [120] vult venire post me abneget semetipsum? Si donq vostre eglise se met en comparaison avec la nostre, la nostre sera la vraye Espouse, qui prattique toutes les paroles de son Espoux, et ne laisse pas un talent de l'Escriture inutile; la vostre sera fause, qui n'escoute pas la voix de l'Espoux, ains la mesprise: car il n'est pas raisonnable que, pour tenir la vostre en credit, on rende vaine la moindre syllabe de l'Escriture, laquelle, ne s'addressant qu'a la vraye Eglise, seroit vaine et inutile si en la vraye Eglise on n'employoit toutes ses pieces..

  A001000544 

 Ce grand Pere Vincent le Lirinois, en son tres utile Memorial, dict que sur tout on doit avoir soin de croire « ce qui a esté creu par tout [toujours, de tous.

  A001000545 

 comme les fourbeurs et chaudronniers, car le reste du monde nous appelle Catholiques; que si on y adj ouste Romaine, ce n'est sinon pour instruire les peuples du siege de l'Evesque qui est Pasteur general et visible de l'Eglise, et ja du tems de saint Ambroise, ce n'estoit autre chose estre Romains de communion qu'estre Catholiques..

  A001000546 

 Le nom de Religion est commun a l'eglise des Juifz et des Chrestiens, a l'ancienne Loy et a la nouvelle; le nom de Catholique c'est le propre de l'Eglise de Nostre Seigneur; le nom de reformee est un blaspheme contre Nostre Seigneur, qui a si bien formé et sanctifié son Eglise en son sang, qu'elle ne devoit jamais subir autre forme que d' espouse toute belle, de colomne et fermeté de verité.

  A001000546 

 Voyla donques les noms nouveaux que ces reformateurs advoüent les uns pour les autres; vostre eglise, donques, n'ayant pas seulement le nom de Catholique, vous ne pouves dire en bonne conscience le Symbole des Apostres, ou vous vous juges vous mesmes, qui, confessans l'Eglise Catholique et universelle, persistes en la vostre qui ne l'est pas.

  A001000552 

 La bonne semence est semee devant l'ennemy, qui a sursemé la zizanie bien apres; Moyse devant Abiron, Datan et Coré; les Anges devant les diables; Lucifer fut debout au jour avant qu'il cheut es tenebres eternelles; la privation doit suivre la forme.

  A001000558 

 Dites nous maintenant, je vous prie, cottes le tems et le lieu ou premierement nostre Eglise comparut des [123] l'Evangile, l'autheur et le docteur qui la convoqua: j'useray des mesmes paroles d'un Docteur et Martyr de nostre aage, dignes d'estre bien pesees.

  A001000558 

 Or sus donques, quand fut ce que Rome perdit ceste foy tant celebree? quand cessa elle d'estre ce qu'elle estoit? en quelle saison, sous quel Evesque, par quel moyen, par quelle force, par quel progres, la religion estrangere s'empara elle de la cité et de tout le monde? quelles voix, quelz troubles, quelles lamentations engendra elle? hé, chacun dormoit il par tout le monde pendant que Rome, Rome, dis je, forgeoit de nouveaux Sacremens, nouveaux Sacrifices, nouvelles doctrines? ne se trouve il pas un seul historien, ni grec ni latin, ni voisin ni estranger, qui ayt mis ou laissé quelques marques en ses commentaires et memoires d'une chose si grande? ».

  A001000559 

 Et certes, ce seroit grand cas si les historiens, qui ont esté si curieux de remarquer jusques aux moindres mutations des villes et peuples, eussent oublié la plus notable de toutes celles qui se peuvent faire, qui est de [124] la religion, en la ville et province la plus signalee du monde, qui est Rome et l'Italie.

  A001000560 

 Que si vous la voules faire plus ancienne, dites ou elle estoit avant ce tems la: ne dites pas qu'elle estoit mais invisible, car, si on ne la voyoit point qui peut [savoir] qu'elle ait esté? puys Luther vous contredit qui confesse qu'au commencement il estoit tout seul..

  A001000561 

 Or, si Tertullien, ja de son tems, atteste que les Catholiques debouttoyent les heretiques par leur posteriorité et nouveauté, quand l'Eglise mesme n'estoit qu'en son adolescence ( Solemus, disoit il, hæreticos, compendii gratia, de posterioritate præscribere ), combien plus d'occasion avons nous maintenant? Que si l'une de nos deux eglises doit estre la vraye, ce tiltre demeurera a la nostre qui est tres ancienne, et a vostre nouveauté, l'infame nom d'heresie.

  A001000567 

 L'heresie des Nicolaïtes est ancienne, mais non universelle, car elle n'a duré que bien peu, et comme une bourrasque qui semble vouloir deplacer la mer puys tout a coup se perd en elle mesme, et comme un champignon, qui naist en quelque mauvaise vapeur, en une nuict comparoist et en un jour se perd, ainsy toutes heresies, pour anciennes qu'elles ayent esté, se sont esvanouies, mais l'Eglise dure perpetuellement..

  A001000568 

 Ignores vous que Nostre Seigneur se soit acquis l'Eglise en son sang? et qui pourra la luy lever, et oster d'entre ses mains? Peut estre dires vous qu'il peut [126] la garder mais qu'il ne veut; c'est donq sa providence que vous accuses..

  A001000568 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur: Si je suis une fois eslevè de terre j'attireray toutes choses a moy? a il pas esté levé en croix? et comme donques auroit il laissé aller l'Eglise qu'il avoit attiree, a vau de route? comme auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le diable, prince du monde, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans, pour par apres revenir maistriser mille ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? voules vous si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre une alternative entre luy et le diable? Pour vray, quand un fort et puissant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despouille.

  A001000569 

 La consommation des saintz estoit elle ja faicte il y a onze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous appeller edificateurs, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevee, pourquoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu, que dire qu'il ayt osté et levé aux hommes ce qu'il leur avoit donné? Les dons et graces de Dieu sont sans penitence, c'est a dire, il ne les donne pas pour oster.

  A001000569 

 Sa divine providence conserve perpetuellement la generation du moindre oysillon du monde, comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang et tant de peynes et travaux? Dieu tira l'Israël de l'Egypte, des desers, de la mer Rouge, des calamités et captivités, comment croirons nous qu'il ayt laissé le Christianisme en l'incredulité? s'il a tant aymé son Agar, comme mesprisera il Sara?.

  A001000570 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondee en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie) ser a comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles; Daniel l'appelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement; l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'aura point de fin; Isaïe dict de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peche il verra une longue race; et ailleurs: Je feray une alliance perpetuelle avec eux; ceux qui les verront les connoistront..

  A001000571 

 N'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, a dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle, et qui promit a ses Apostres, pour eux et leurs successeurs, Voyci que je suis avec vous jusques [127] a la consommation du siecle? Si ce conseil, dict Gamaliel, ou ceste œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si elle est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre: l'Eglise est œuvre de Dieu, qui donques la dissipera? Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantee sera arrachee, mays l'Eglise a esté plantee de Dieu et ne peut estre arrachee..

  A001000572 

 Saint Pol dict que tous doivent estre vivifiés chacun a son tour; les premices ce sera Christ, puys ceux qui sont de Christ, puys la fin: il n'y a point d'entre deux entre ceux qui sont de Christ et la fin, d'autant que l'Eglise doit durer jusques a la fin.

  A001000573 

 Nostre Seigneur avoit mis le feu de sa charité au monde, les Apostres avec le souffle de leurs predications l'avoyent estendu et faict courir par l'univers: on dict qu'il estoit esteint par l'eau de l'ignorance et superstition; qui le pourra rallumer? le souffle n'y sert de rien; il faudroit donques peut estre [128] rebattre de nouveau avec les clouz et la lance sur Jesus Christ, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu? sinon que l'on veuille mettre Luther et Calvin pour pierre angulaire du bastiment ecclesiastique.

  A001000573 

 Qui donques dict que l'Eglise estoit morte et perdue, il accuse la providence du Sauveur; qui s'en appelle reformateur ou restaurateur, comme Beze appelle Calvin, Luther et les autres, il s'attribue l'honneur deu a Jesus Christ, et se faict plus qu'apostre.

  A001000573 

 Si ceste Espouse fust morte apres qu'elle eut receu la vie du costé de son Espoux endormi sur la Croix, si elle fust morte, dis je, qui l'eust resuscitee? La resurrection d'un mort n'est pas moindre miracle que la création: en la creation Dieu dict, et il fut faict, il inspira l'ame vivante, et si tost qu'il l'eut inspiree l'homme commença a respirer; mays Dieu voulant reformer l'homme il employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, et mourut sur l'œuvre.

  A001000575 

 « Que nous dites vous de nouveau? » dict saint Augustin, « faudra il encores une fois semer la bonne semence, puysque des qu'elle est semee elle croist jusqu'a la moisson? Que si vous dites que celle que les Apostres avoyent semee est par tout perdue, nous vous respondrons, lises nous cecy es Saintes Escritures, et vous ne le lires jamais que vous ne rendies faux ce qui est escrit, que la semence qui fut semee au commencement croistroit jusqu'au tems de moissonner.

  A001000577 

 Ni quand Aaron dressa le veau d'or; car, Aaron n'estoit pas encores sauverain Prestre ni chef du peuple, c'estoit Moyse, lequel n'idolatra pas, ni la race de Levi qui se joignirent a Moyse.

  A001000578 

 Ce sont donques certaines expressions et demonstrations vehementes, accoustumees es propheties, qui ne doivent [se] verifier sinon en general pour un grand desbordement, comme quand David disoit: Non est qui faciat bonum, et saint Pol: Omnes quærunt quæ sua sunt..

  A001000578 

 Ni quand Helie se lamentoit d'estre seul; car, il ne parle que d'Israël, et Juda estoit la meilleure et principale partie de l'Eglise: et ce qu'il dict n'est qu'une façon de parler pour mieux exprimer la justice de sa plainte, car au reste il y avoit encores sept mille hommes qui ne s'estoyent encores point abandonnés a l'idolatrie.

  A001000585 

 Je vous diray, comme j'ay dict cy dessus, montres moy une dizaine d'annees, des que Nostre Seigneur est monté au ciel, en laquelle nostre Eglise n'ayt esté: ce qui vous garde de sçavoir dire quand nostre Eglise a commencé, c'est parce qu'elle a tousjours duré.

  A001000586 

 Elle estoit, ce me dira peut estre quelqu'un, mais inconneüe: bonté de Dieu, qui ne dira le mesme? Adamites, Anabaptistes, chacun entrera en ce discours; j'ay ja monstré que l'Eglise militante n'est pas invisible, j'ay monstré qu'elle est universelle en tems, je vais monstrer qu'elle ne peut estre inconneüe..

  A001000590 

 Ilz tournent a ce biais ce qui est escrit en l'Apocalipse, que la femme s'enfuit en la solitude, dont ilz prennent occasion de dire que l'Eglise a esté cachee et secrette jusqu'a ce qu'elle s'est produicte en Luther et ses adherens.

  A001000590 

 Les Anciens disoyent sagement que sçavoir bien la difference des tems estoit un bon moyen d'entendre bien les Escritures, a faute dequoy les Juifz [errent,] entendant du premier avenement du Messie ce qui est bien souvent dict du second, et les ministres encor plus lourdement, quand ilz veulent faire l'Eglise telle des saint Gregoire [131] en ça qu'elle doit estre au tems de l'Antichrist.

  A001000590 

 Mays qui ne voit que ce passage ne respire autre que la fin du monde et la persacution de l'Antichrist? le tems y estant expressement determiné de trois ans et demy, et en Daniel aussi.

  A001000590 

 Or, qui voudroit par quelque glosse estendre ce tems que l'Escriture a determiné, contrediroit au Seigneur qui dict qu'il sera plustost accourci, pour l'amour des esleuz.

  A001000591 

 David avoit dict: Le Seigneur est grand et trop plus loüable, en la cité de nostre Dieu, en la sainte montaigne d'iceluy. « C'est la cité, » dict saint Augustin, « assise sur la montaigne, qui ne se peut cacher, c'est la lampe qui ne peut estre couverte sous un tonneau, conneüe et celebre a tous, car il s'ensuit: Le mont Sion est fondé avec grande joye de l'univers.

  A001000591 

 Je me contenteray de vous mettre en teste deux des plus grans Docteurs qui furent onques.

  A001000591 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a rempli toute la face de la terre.

  A001000591 

 Qui se perd et s'esgare de ce mont? qui choque et se casse la teste en iceluy? qui ignore la cité mise sur le mont? mays non, ne vous esmerveilles pas qu'il soit inconneu a ceux cy qui haïssent les freres, qui haïssent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en tenebres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont separés du reste de l'univers, ilz sont aveugles de mal talent »: c'est saint Augustin qui a parlé..

  A001000591 

 » Et de faict, Nostre Seigneur, qui disoit que personne n'allume la lampe pour la couvrir sous un muy, comme eust il mis tant de lumieres qui sont en l'Eglise pour les couvrir et cacher en certains coins? « Voyci le mont qui remplit l'univers, voyci la cité qui ne se peut cacher.

  A001000592 

 Maintenant oyes saint Hierosme, parlant a un schismatique converti: « Je me resjouis avec toy, » ce dict il, « et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon cœur de l'ardeur de fausseté au goust de tout le monde; ne disant plus comme quelques uns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie vide et avilit la gloire de la Croix, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret qui a esté proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000592 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui [133] font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cités du diable, et les idoles comme seront ilz abattus? Si Nostre Seigneur n'a point eu d'Eglise, ou s'il l'a eue en la seule Sardigne, certes il est trop appauvri.

  A001000593 

 Et que diroit ce grand personnage s'il vivoit maintenant? N'est ce pas bien avilir le trophee de Nostre Seigneur? le Pere celeste, pour la grande humiliation et aneantissement que son Filz subit en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tous genoux se devoient plier en la reverence d'iceluy, et parce qu'il avoit livré sa vie a la mort, estant mis au rang des meschans et voleurs, il avoit en heritage beaucoup de gens; mays ceux cy ne prisent pas tant les passions du Crucifix, levans de sa portion les generations de mille annees, si que a peyne durant ce tems il ait eu quelques serviteurs secretz, qui en fin ne seront qu'hypocrites et meschans; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestiens, et qui aves esté en la vraye Eglise: ou vous avies la foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, que n'en laissies vous des memoires, que ne vous opposies vous a l'impieté? Ne sçavies vous que Dieu a recommandé le prochain a un chacun? et qu' on croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir salut il faut faire la confession de foy? et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et partant j'ay parlé? Vous estes encores miserables, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre.

  A001000593 

 Mays si, au contraire, o Calvin et Luther, la vraye foy a tousjours esté publiee par l'antiquité, vous estes miserables vous mesmes qui, pour trouver quelque excuse a vos fantasies, accuses tous les Anciens ou d'impieté s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.

  A001000599 

 Car l'Eglise sera comme le soleil, dict le Psalme, et le soleil n'esclaire pas tousjours egalement en toutes les contrees, il suffit qu'au bout de l'an nemo est qui se abscondat a calore ejus; ainsy suffira il qu'au bout du siecle la prediction de Nostre Seigneur soit verifiee, qu'il falloit que la penitence et remission des pechés fust preschee en toutes nations, commençant des Hierusalem..

  A001000599 

 L'universalité de l'Eglise ne requiert pas que toutes les provinces ou nations reçoivent tout a coup l'Evangile, il suffit que cela se fasse l'une apres l'autre; en telle sorte neantmoins que l'on voye tousjours l'Eglise, et qu'on connoisse que c'est celle la mesme qui a esté par tout le monde ou la plus grande partie, affin qu'on puisse dire: Venite ascendamus ad montem Domini.

  A001000600 

 Or l'Eglise au tems des Apostres jetta par tout ses branches, chargees du fruict de l'Evangile, tesmoin saint Pol; autant en dict saint Irenee en son tems, qui parle de l'Eglise Romaine ou Papale a laquelle il veut que tout le reste de l'Eglise se reduise « pour sa plus puissante principauté.

  A001000607 

 Despuys, la mesme Eglise est venue a nostre aage, et tousjours Romaine et Papale, de façon qu'encores que nostre Eglise maintenant seroit beaucoup moindre qu'elle n'est, elle ne lairroit pas d'estre tres Catholique, parce que c'est la mesme Romaine qui a esté, et [qui a] possedé presque en toutes les provinces des nations et peuples innombrables.

  A001000607 

 Mais elle est encores maintenant estendue sur toute la terre, en Transylvanie, Pologne, Hongrie, Bohesme et par toute l'Allemagne, en France, en Italie, en Sclavonie, en Candie, en Espagne, Portugal, Sicile, Malte, Corsique, en Grece, en Armenie, en Syrie, et tout par tout: mettray je icy en conte les Indes orientales et occidentales? Dequoy qui voudroit voir un abregé, il faudroit qu'il se trouvast en un Chapitre ou assemblee generale des religieux de saint François appellés Observantins: il verroit venir de tous les coins du monde, viel et nouveau, des religieux a l'obeissance d'un simple, vil et abject; si que ceux la seulz luy sembleroyent suffire pour verifier ceste partie de la prophetie de Malachie: In omni loco sacrificatur nomini meo..

  A001000607 

 Saint Bernard en dict autant de son tems; et vous sçaves bien ce qui en estoit au tems de Godefroy de Bouillon.

  A001000607 

 car vous voyes bien qu'il parle de l'Eglise qui reconnoissoit le Pape de Rome pour chef.

  A001000608 

 Au contraire, Messieurs, les pretendus ne passent point les Alpes de nostre costé ni les Pyrenees du costé d'Espagne, la Grece ne vous connoist point, les autres trois parties du monde ne sçavent qui vous estes, et n'ont jamais ouÿ parler de Chrestiens sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans chef, sans Croix, comme vous estes; en Allemagne, vos compaignons lutheriens, brensiens, anabaptistes, trinitaires, rognent vostre portion, en Angleterre, les puritains, en France, les libertins: [136] comme donques oses vous plus vous opiniastrer de demeurer ainsy a part du reste de tout le monde a guise des Luciferiens et Donatistes? Je vous diray, comme disoit saint Augustin a l'un de vos semblables, daignes, je vous prie, nous instruire sur ce point, comme il se peut faire que Nostre Seigneur ayt perdu son Eglise par tout le monde, et qu'il ayt commencé de n'en avoir qu'en vous seulement.

  A001000608 

 Aussi ne seres vous jamais, si vous ne vous ranges a l'obeissance de la Catholique, vous ne seres jamais, dis je, avec ceux qui chanteront: Redemisti nos in sanguine tuo, ex omni tribu, et lingua, et populo, et natione, et fecisti nos Deo nostro regnum..

  A001000615 

 Vostre eglise non seulement n'est pas catholique, mais encores ne le peut estre, n'ayant la force ni vertu de produire des enfans, mais seulement de desrobber les poussins d'autruy, comme faict la perdrix; et neantmoins c'est bien l'une des proprietés de l'Eglise d'estre feconde, c'est pour cela entre autres qu'elle est appellee colombe; et si son Espoux quand il veut benir un homme rend sa femme feconde, sicut vitis abundans in lateribus domus suæ, et faict habiter la sterile en une famille, mere joyeuse en plusieurs enfans, ne devoit il pas avoir luy mesme une Espouse qui fust feconde? Mesme que selon la sainte Parole, ceste deserte devoit avoir plusieurs enfans, ceste nouvelle Hierusalem devoit estre tres peuplee et avoir une grande generation: Ambulabunt gentes in lumine tuo, dict le Prophete, et reges in splendore ortus tui.

  A001000621 

 Telle fut la predication de saint Augustin en Angleterre, de saint Boniface en Allemagne, de saint Patrice en Hibernie, de Willibrord en Frize, de Cyrille en Bohesme, dAdalbert en Pologne, dAstric en Hongrie, de saint Vincent Ferrier, de Jean Capistran; telle la predication des Freres fervens, Henry, Anthoyne, Louis, de François Xavier et mille autres, qui ont renversé l'idolatrie par la sainte predication, et tous estoyent Catholiques Romains..

  A001000622 

 La doctrine Chrestienne Catholique est une douce pluie, qui fait germer la terre infructueuse; la leur ressemble plustost a une gresle qui rompt et terrasse les moissons, et met en friche les plus fructueuses campaignes.

  A001000622 

 O quelle eglise, donques, qui n'est ni unie, ni sainte, ni catholique, et, qui pis est, ne peut avoir aucune raysonnable esperance de jamais l'estre..

  A001000622 

 Prenes garde a ce que dict saint Jude: Malheur, ce dict, a ceux qui perissent en la contradiction de Coré; Coré estoit schismatique: ce sont des souilleures a un festin, banquetans sans crainte, se repaissans eux mesmes, nuees sans eaux qui sont transportees ça et la aux vens; ilz ont l'exterieur de l'Escriture, mays ilz n'ont pas la liqueur interieure de l'esprit: arbres infructueuses de l'automne; ilz n'ont que la feuille de la lettre, et n'ont point le fruict de l'intelligence: doublement mortz; mortz quant a la charité par la division, et quant a la foy par l'heresie: desracinés, qui ne peuvent plus porter fruict; flotz de mer agitee, escumans ses [139] confusions de desbatz, disputes et remuemens; planetes errantes, qui ne peuvent servir de guide a personne, et n'ont point de fermeté de foy mays changent a tous propos.

  A001000622 

 Quelle merveille donques si vostre prédication est sterile? vous n'aves que l'escorce sans le suc, comme voules vous qu'elle germe? vous n'aves que le fourreau sans espee, la lettre sans l'intelligence, ce n'est pas merveille si vous ne pouves dompter l'idolatrie »: ainsy saint Pol, parlant de ceux qui se separent de l'Eglise, il proteste sed ultra non proficient.

  A001000640 

 Comme le vulgaire admire les cometes et feuz erratiques, et croit que ce soyent des vrays astres et vives planettes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se coulent en l'air le long de quelques vapeurs qui leur servent de pasture, et n'ont rien de commun avec les astres incorruptibles que ceste grossiere clarté qui les rend visibles; ainsy le miserable peuple de nostre aage, voyant certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaines, esclairees de l'escorce de la Saint'Escriture, il a creu que c'estoyent des verités celestes et s'y est amusé, quoy que les gens de bien et judicieux tesmoignoient que ce n'estoyent que des inventions terrestres qui, se consumants peu a peu, ne laisseroyent autre memoyre d'elles que le ressentiment de beaucoup de malheurs qui suit ordinairement ces apparences..

  A001000640 

 Si l'advis que saint Jan donne, de ne croire pas a toutes sortes d'espritz, fut onques necessaire, il l'est maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'esgale asseurance, demandent creance parmi la Chrestienté en vertu de la Parole de Dieu; apres lesquelz on a veu tant de peuples s'escarter, [141] qui ça qui la, chacun a son humeur.

  A001000641 

 Helas, il ne manquoit [142] pas de pierres de touche pour descouvrir le bas or de leurs happelourdes, car Celuy qui nous fait dire que nous esprouvions les espritz, ne l'eut pas fait s'il n'eut sçeu que nous avions des Regles infallibles pour reconnoistre le saint d'avec le faint esprit.

  A001000642 

 La foy Chrestienne est fondëe sur [143] la Parole de Dieu; c'est cela qui la met au sauverain degré d'asseurance, comm'ayant a garend cest'eternelle et infallible verité; la foy qui s'appuÿe ailleurs n'est pas Chrestienne: donques la Parole de Dieu est la vraÿe Regle de bien croire, puysqu'estre Fondement et Regle en cest endroit n'est qu'une mesme chose.

  A001000642 

 Mays parce que ceste Regle ne regle point nostre croyance sinon quand ell'est appliquee, proposee et declairee, et que cecy se peut bien et mal faire, il ne suffit pas de sçavoir que la Parole de Dieu est la vraye et infallible Regle de bien croire, si je ne sçai quelle parole est de Dieu, ou ell'est, qui la doit proposer, appliquer et declairer.

  A001000643 

 Il faut donques, outre ceste premiere et fondamentale Regle de la Parole de Dieu, un'autre seconde Regle par laquelle la premiere nous soit bien et deuement proposee, appliquee et declairee; et affin que nous ne soyons sujetz a l'esbranslement et a l'incertitude, il faut [144] que non seulement la premiere Regle, a sçavoir, la Parole de Dieu, mays encor la seconde, qui propose et applique ceste Parole, soit du tout infallible, autrement nous demeurons tousjours en bransle et en doute d'estre mal regles et appuyés en nostre foy et croyance; non ja par aucune defaute de la premiere Regle, mays par l'erreur et faute de la proposition et application d'icelle.

  A001000644 

 C'est donq Dieu seul qui regle nostre croyance Chrestienne, mais avec deux instrumens, en diverse façon: i. par sa Parole, comm'avec une regle formelle; 2.

  A001000644 

 Voyla donques deux Regle ordinaires et infallibles de nostre croyance: la Parole de Dieu qui est la Regle fondamentale et formelle, l'Eglise de Dieu qui est la Regle d'application et d'explication.

  A001000646 

 L'Eglise, qui est la Regle d'application, ou elle se declaire en tout son cors universel, par une croyance generale de tous les Chrestiens, ou en ses principales et nobles parties, par un consentement de ses pasteurs et docteurs; et en ceste derniere façon, ou c'est en ses pasteurs assemblés en un lieu et en un tems, comm'en un Concile general, ou c'est en ses pasteurs divisés de lieux et d'aage mays assemblés en union et correspondance de foy, ou bien, en fin, ceste mesm'Eglise se declaire et parle par son chef ministerial: et ce sont quattre Regles explicantes et applicantes pour nostre foy, l'Eglise en cors, le Concile general, le consentement des Peres et le Pape; outre lesquelles nous ne devons pas en rechercher d'autres, celles ci suffisent pour affermir les plus inconstans..

  A001000647 

 Mays Dieu, qui se plait en la surabondance de ses faveurs, voulant ayder la foiblesse des hommes, ne laisse pas d'adjouster par fois a ces Regles ordinaires (je parle des l'establissement et fondation de l'Eglise), une Regle extraordinaire, trescertaine et de grand'importance; c'est le Miracle, tesmoignage extraordinaire de la vraye application de la Parole divine..

  A001000648 

 En fin, la Rayson naturelle peut encor estre ditte une Regle de bien croire, mays negativement, et non pas affirmativement; car qui diroit ainsy, telle proposition est article de foy donques ell'est selon la rayson naturelle, ceste consequence affirmative seroit mal tiree, puysque presque toute nostre foy est hors et par dessus nostre rayson; mays qui diroit, cela est un article de foy donques il ne doit pas estre contre la rayson naturelle, la consequence est bonne, car la rayson naturelle et la foy estans puysees de mesme source et sorties d'un mesm'autheur, elles ne peuvent estre contraires..

  A001000649 

 Au reste, qui voudroit reduire toutes ces regles en une seule, diroit que l'unique et vraye Regle de bien croire c'est la Parolle de Dieu, preschëe par l'Eglise de Dieu..

  A001000650 

 Or, j'entreprens icy de monstrer, clair comme le beau jour, que vos reformateurs ont violé et forcé toutes ces Regles (et il suffiroit de monstrer quilz en ont violé l'une, puysqu'elles s'entretiennent tellement que qui en viole l'une viole toutes les autres); affin que, comme vous aves veu en la premiere Partie qu'ilz vous ont levés du giron de la vraye Eglise par schisme, vous connoissies en ceste seconde Partie quilz vous ont osté la lumiere de la vraye foy par l'heresie, pour vous tirer a la suitte de leurs illusions.

  A001000659 

 Par ce que, comm'on voit le vulgaire admirer les cometes et les feux erratiques, et croire fermement que ce soyent des vrays astres et vives planetes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se vont coulant en l'air le long de quelques vapeurs, pendant quil y a dequoy les nourrir, lesquelles neantmoins laissent toujours quelques mauvays effectz, et n'ont rien de commun avec ces astres incorruptibles que ceste grossiere clairté; ainsy les miserables peuples de nostr'aage, voyans certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaynes, par ce quilz y voyoient quelques lueurs de l'escorce de la Parole de Dieu, ilz ont creu que c'estoyent des verités cælestes et sy sont amusés, quoy que les gens de bien descouvroyent et tesmoignoyent que ce n'estoyent que des inventions terrestres, et qui bien tost se dissiperoyent, ne layssans autre memoyre d'elles que le ressentiment des malheurs qui les suyvent..

  A001000659 

 Si l'advis que S t Jan donn'aux Chrestiens, de ne croire pas a toutes sortes d'espritz, fut onques necessaire, il l'est encores maintenant plus que jamais, quand tant de divers et contraires espritz, avec un'egale asseurance, demandent creance parmi le Christianisme en vertu de la Parole de Dieu; apres lesquelz on a veu tant de peuples [141] s'escarter, qui ça qui la, chacun a son humeur.

  A001000660 

 Helas, il ne manquoit pas de pierres de touche pour connoistre le bas or avec lequel ilz pipoyent le monde, car Celuy qui nous faict dire que nous esprouvions les espritz silz sont bons ou mauvais, ne l'eut pas faict sil n'eust sceu que nous avions des Regles infallibles pour reconnoistre le saint d'avec le fainct esprit, le consolateur d'avec le desolateur.

  A001000661 

 .. La foy Chrestienne est fondee sur la Parole de Dieu tout puyssant, sauveraine et supreme verité; c'est cela qui la met au premier rang et degré d'asseurance et certitude, en quoy il ni a rien icy bas qui luy soit comparable.

  A001000661 

 Or, ceste Parole a esté revelee.. La foy Chrestienne est fondëe sur la Parolle [143] que Dieu luymesme a revelee; c'est cela qui la met au supreme rang et degré d'asseurance et certitude, comm'ayant a tesmoin cest'eternelle et infallibl'authorité et verité premiere, qui ne peut non plus decevoir et mentir qu'elle peut estre deceüe et trompee; la foy qui n'a son fondement et appuy sur la Parole de Dieu n'est pas une foy Chrestienne: donques la Parole de Dieu est la vraye Regle de bien croire aux Chrestiens, puisqu'estre Fondement et Regle n'est qu'une mesme chose en cest endroit.

  A001000662 

 Or, je me tiendray tousjours sur une mesme demarche, car je monstreray, pnt, que les Regles que je produis sont vraÿes Regles, puys, comme vos docteurs les ont violëes: et par ce que je ne pourrois pas aysement prouver que nous autres Catholiques les avons gardé tres étroittement, sans faire des grandes interruptions et digressions, je reserveray ceste preuve pour la troysiesme Partie, qui servira encores d'une tres solide confirmation pour toute la seconde Partie.

  A001000674 

 La Sainte Escriture est tellement Regle a nostre creance Chrestienne, que qui ne croit tout ce qu'elle [148] contient, ou croit quelque chose qui luy soit tant soit peu contraire, il est infidele.

  A001000674 

 Mays je pers tems; nous sommes d'accord en ce point, et ceux qui sont si desesperés que d'y contredire, ne sçavent appuyer leur contradiction que sur l'Escriture mesme, se contredisans a eux mesmes avant que de contredire a l'Escriture, se servans d'elle en la protestation quilz font de ne s'en vouloir servir.

  A001000683 

 L'Escriture Sainte est tellement Regle de la foi Chrestienne, que nous sommes obligés par toute sorte d'obligation de croire tresexactement [148] tout ce qu'elle contient, et de ne croire jamais ce qui luy est tant soit peu contraire; car, si Nostre S r mesme y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy, il faut que ce soit un niveau tresasseuré.

  A001000688 

 Les promesses ont esté dittes a Abraham, dict saint Pol, et a sa semence; il n'est pas dict, et ses semences, comme en plusieurs, mais comm'en une, et a ta semence, qui est Christ: voyes, je vous prie, combien la variation du singulier au plurier eust gasté le sens misterieux de ceste parole.

  A001000688 

 Qui change tant soit peu la sainte Parole [151] merite la mort, qui ose mesler le prophane au sacré.

  A001000696 

 Quand deux choses sont bien justes ensemble, qui [150] remue l'une leve l'egalité et la justice d'entr'elles; si c'est une juste sentence, a quoy faire l'altererons nous?.

  A001000696 

 Quand un testament est confirmé par la mort du testateur, il ny faut adjouster, diminuer ni changer en façon que ce soit; qui le feroit seroit tenu pour un faulsaire.

  A001000697 

 La seule difference de prononciation faysoit l'equivoque en parlant, et en escrit la transposition d'un seul point sur la lettre scin faict le mesme equivoque, et, changeant le jamin en semol, au lieu d'un espi de blé signifie un pois ou charge: mays quicomque change, leve ou joint le moindre accent du monde en l'Escriture il est sacrilege, et merite la mort, [151] qui ose mesler le prophane au sacré.

  A001000697 

 Nostre S r met en conte jusques au moindr'accent, au moindr'iota de l'Escriture, combien donques punira il ceux qui violeront leur integrité? Mes freres, dict S t Pol, je parle selon l'homme, mays personne ne mesprise le testament confirmé d'un homme, ni n'ordonne outre cela; et pour monstrer combien il importe de laisser l'Escritur'en sa naiveté, il met un exemple: Abrahæ dictæ sunt promissiones et semini ejus; non dicit, et seminibus, quasi in multis, sed quasi in uno, et semini tuo, qui est Christus: voyes vous, je vous prie, la variation du singulier au plurier combien ell'eust gasté le sens? Les Ephrateens disoyent sibollet, et n'oublioient pas une seule lettre, mays par ce quilz ne le prononçoyent pas asses grassement, les Galaadites les egorgeoyent sur le quai du Jordain.

  A001000698 

 Qui manie des grains de verre, sil en pert un, deux, et trois, c'est peu de chose, mays sil en avoit autant perdu de perles orientales, la perte seroit grande.

  A001000704 

 Ceux ci furent canonisés par le grand Sinode ou se trouva Esdras et y fut scribe, et jamais personne ne douta de leur authorité qui ne fut tenu peremptoirement heretique, comme nostre docte Genebrard va deduysant en sa Chronologie.

  A001000704 

 Et quand a ceux ci il y [a] grand'apparence, au dire du mesme docteur Genebrard, qu'en l'assemblëe qui se fit en Hierusalem pour envoyer les 72 interpretes en Ægipte, ces Livres, qui n'estoyent encores en estre quand Esras fit le premier canon, furent alhors canonisés, au moins tacitement, puysqu'ilz furent envoyés avec les autres pour estre traduitz; hormis les Machabees, qui furent receuz en un'autr'assemblee par apres, en laquelle les præcedens furent derechef approuvés: mays comme que ce soit, par ce que ce second canon ne fut pas faict si authentiquement que le premier, ceste canonisation ne leur peut acquerir un'entiere et indubitabl'authorité parmi les Juifz, ni les esgaler aux Livres du premier rang..

  A001000705 

 Ainsy dirai je des Livres du Nouveau Testament, qu'il y en a du premier rang, qui ont tousjours esté reconneuz et receuz pour sacrés et canoniques entre les Catholiques: telz sont les 4 Evangiles, selon saint Mathieu, saint Marc, saint Luc, saint Jan, [les Actes des Apôtres,] toutes les Epistres de saint Pol hormis celle aux Hebrieux, une de saint Pierre, une de saint Jan.

  A001000705 

 Ainsy fut dressé au Concile de Cartage la mesme liste des [155] Livres canoniques qui a despuys tousjours esté en l'Eglise Catholique, et fut confirmee au sixiesme general, au grand Concile de Florence en l'Union des Armeniens, et en nostr'aage au Concile de Trente, et fut suivie par saint Augustin.

  A001000705 

 Et premierement, outre ceux du premier rang tant du Viel [154] que du Nouveau Testament, environ l'an 364 on receut au Concile de Laodicee (qui depuis fut approuvé au Concile general sixiesme ), le livre d'Hester, l'Epistre de saint Jaques, la 2.

  A001000705 

 Voyla comm'on assembla les deux rangs en un, et furent renduz d'esgale authorité en l'Eglise de Dieu; mays avec progres et succession, comm'une bell'aube levante qui peu a peu esclaire nostr'hemisphere.

  A001000713 

 qui est appellé de Nehemie, Thobie, Judith, Hester, Job, cent cinquante Psalmes de David, les Paraboles, l'Ecclesiaste, le Cantique des Cantiques, la Sapience, l'Ecclesiastique, Isaïe, Hieremie avec Baruch, Ezechiel, Daniel, Ozëe, Joel, Amos, Abdias, Jonas, Micheas, Nahum, Abacuc, Sophonias, Aggæe, [153] Zacharie, Malachie, deux des Machabees, le 1. et 2.

  A001000714 

 chap.; aussy on douta pour un tems du dernier chapitre de S t Marc, comme dict S t Hieros., et de l'histoire de la sueur de N. S. au jardin d'Olivet, qui est en S t Luc 22.

  A001000715 

 Si ces Livres ne furent pas des le commencement indubitables en l'Eglise, comm'est ce que le tems leur peut acquerir cest'authorité? Pour vray, l'Eglise ne sçauroit rendre un Livre canonique sil ne l'estoit, mays l'Eglise peut bien declairer qu'un Livr'est canonique qui n'estoit pas tenu pour tel d'un chacun, et ainsi le mettr'en credt parmi le Christianisme, nom pas changeant la substance du Livre, qui de soy estoit canonique, mays changeant la persuasion des Chrestiens, la rendant tres asseurëe de ce dont elle ne l'estoit pas.

  A001000716 

 Mais combien est il important a l'Eglise qu'elle puysse sçavoir en tems et lieu quell'escriture est sainte et quelle non; car, si elle recevoit un'escriture non sainte pour ste elle nous conduiroit a la superstition, et si elle refusoit l'honneur et la creance qui est deüe a la Parole de Dieu a un'escriture sainte, ce seroit impieté.

  A001000716 

 Nous [sommes] en ce faict de pareille condition; car Calvin, et les bibles mesme de Geneve, et [157] les Lutheriens, reçoivent plusieurs Livres pour saintz, sacrés et canoniques qui n'ont pas esté advoüez par tous les Anciens pour telz, et desquelz on a esté en doute: si l'on en a douté ci devant, quelle rayson peuvent ilz avoir pour les tenir asseurés et certains maintenant? sinon celle qu'avoit S t Augustin, Ego vero Evangelia non crederem nisi me Catholicæ Ecclesiæ commoveret authoritas; ou comm'il dict ailleurs: Novum et Vetus Testamentum in illo Librorum numero recipimus quem sanctæ Ecclesiæ Catholicæ tradit authoritas..

  A001000722 

 Voyla les Livres sacrés et canoniques, que l'Eglise a receu et reconneu unanimement des douze centz ans en ça: et avec quell'authorité ont osé ces nouveaux reformeurs biffer tout en un coup tant de nobles parties de [158] la Bible? Ilz ont raclé une partie d'Hester, Baruch, Thobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesiastique, les Maccabees; qui leur a dict que ces Livres ne sont pas legitimes et recevables? pourquoy desmembrent ilz ainsy ce sacré cors des Escritures?.

  A001000723 

 Le Droit Canon « en profere son jugement »; 6. et la Glose, « qui dict qu'on les lit mais non point en general, comme si elle vouloit dire que generalement par tout ne soyent point approuvés.

  A001000724 

 Et quand a la premiere: estes vous d'avis de ne recevoir pas ces Livres par ce quilz ne se trouvent pas en Hebreu ou Caldee? receves donques Tobie, car saint Hierosme atteste quil l'a traduit de Caldee en Latin, en l'epistre que vous cités vous mesme, qui me fait croire que vous n'estes guere gens a la bonne foy; et Judith, pourquoy non? qui a aussi bien esté escrit en Caldee, comme dict le mesme saint Hierosme, au Prologue; et si saint Hierosme dict quil n'a peu trouver le 2.

  A001000724 

 Mays parlons maintenant pour les autres Livres, qui sont escritz en autre langage que celuy que vous voules.

  A001000724 

 Ou trouves vous que la regle de bien recevoir les Saintes Escritures soyt, qu'elles soyent escrittes en ces langages la plustost qu'en Grec ou Latin? vous dittes quil ne faut rien recevoir en matiere de religion que ce qui est escrit, et apportes en vostre belle prefacé le dire des jurisconsultes: Erubescimus sine lege loqui; vous semble il pas que la dispute qui se faict sur la validité ou invalidité des Escritures soyt une des plus importantes en matiere de religion? sus donques, ou demeurés honteux, ou produises la Sainte Escriture pour la negative que vous soustenés: certes, le Saint Esprit se declaire aussi bien en Grec qu'en Caldee..

  A001000724 

 Puys donques que vous rejettes esgalement ces Livres escritz en Hebreu et Caldee avec les autres qui ne sont pas escritz en mesme langage, il vous faut chercher un autre prætexte que celuy que vous aves allegué, pour racler ces Livres du canon: quand vous dittes que vous les rejettes par ce quilz ne sont escritz ni en Hebreu ni en Caldee, ce n'est pas cela, car vous ne rejetteries pas, [160] a ce conte, Tobie, Judith, le premier des Machabees, l'Ecclesiastique, qui sont escritz ou en Hebreu ou en Caldee.

  A001000725 

 Est ce cela qui vous fasche? Mais pour Dieu, dittes moy, qui vous a dict quilz sont perduz, corrompuz ou alterés, pour avoir besoin de restitution? Vous præsupposes peut estre que ceux qui les auront traduitz sur l'originaire auront mal traduit, et vous voudries avoir l'original pour les collationner et les juger.

  A001000726 

 » Dieu merci, nous ne sommes pas Juifz, nous sommes Catholiques: monstres moy par l'Escriture que l'Eglise Chrestienne [162] n'aye pas autant de pouvoir pour authoriser les Livres sacrés qu'en avoit la Mosaïque: il ni a en cela ni Escriture ni raison qui le monstre..

  A001000727 

 Et de quell'eglise entendes vous? certes, l'Eglise Catholique, qui est la seule vraye, les reçoit, comme saint [Augustin] vient de vous attester maintenant, et le repete encores [ailleurs]; le Concile de Carthage, celuy de Trulles, 6.

  A001000727 

 general, [celuy] de Florence, et cent autheurs anciens, en sont [tesmoins] irreprochables, et saint Hierosme nommement, qui atteste [du Livre] de Judith quil fut receu au Concile premier [de Nicee].

  A001000729 

 Et le canon Sancta Romana, qui est de Gelaise premier, je crois que vous l'aves rencontré a tastons, car il est tout contre vous; puysque, censurant les Livres apocriphes, il n'en nomme pas un de ceux que nous recevons, ains au contraire atteste que Tobie et les Maccabees estoyent receuz publiquement en l'Eglise..

  A001000733 

 Livre des Maccabees, qui estoit comme une epistre ou commentaire envoyé pour la consolation des Juifz qui habitoyent en Egipte, a esté escrit en Grec plus tost qu'en Hebreu..

  A001000733 

 en Hebreu; et bien, que [le premier y soit;] le second n'est que comme une epistre que [les Anciens] d'Israel envoyerent aux freres Juifz qui estoyent hors la Judee, et si ell'est escritte au langage le plus cohneu et commun de ce tems-la, s'ensuit il qu'elle ne soit pas recevable? Les Ægiptiens avoyent en usage le langage grec beaucoup plus que l'hebreu, comme monstra bien Ptolomee quand il procura la version des 72; voyla pourquoy ce 2.

  A001000734 

 Prenes garde, pour Dieu, que vostre jugement ne vous trompe; pourquoy, je vous prie, apelles vous faucetés ce que toute l'antiquité a tenu pour articles de foy? que ne censures vous plus tost vos fantasies, qui ne veulent embrasser la doctrine de ces Livres, que de censurer ces Livres, receuz de si long tems, par ce quilz ne secondent pas a vos humeurs? parce que vous ne voules pas croire ce que ces Livres enseignent, vous les condamnes; et que ne condamnes vous plustost vostre temerité, qui se rend incredule a leurs enseignemens?.

  A001000734 

 Reste que les nouveaux præfaceurs monstrent ces fausetés desquelles ilz accusent ces Livres, ce qu'a [165] la verité ilz ne feront jamais; mays je les voys venir: ilz produiront l'intercession des Saintz, la priere pour les trepassés, le franc arbitre, l'honneur des reliques et semblables pointz, qui sont expressement confirmés es Livres des Maccabees, en l'Ecclesiastique et autres Livres quilz prætendent apocriphes.

  A001000742 

 Maintenant, comme se pourroit tenir une bonne ame de donner ouverture a l'ardeur d'un saint zele, et d'entrer en une chrestienne cholere, sans peché, considerant avec quelle temerité ceux qui ne [158] font que crier, l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, prophané ce divin testament du Pere Eternel, comm'ilz ont falsifié ce sacré contract d'une si celebre alliance? Comm'oses vous biffer, o ministres calvinistes, tant de nobles parties du sacré cors des Bibles? Vous ostes Baruch, Thobie, Judith, Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes; pourquoy demembres vous ainsy la S te Escriture? qui vous a dict quilz ne sont point sacrés? L'on en doute en l'ancienne [159] Eglise: et n'a on pas douté en l'ancienne Eglise d'Hester, de l'Epistr'aux Hebreux, de celle de S t Jaques, de S t Jude, de la seconde de S t Pierre et des deux dernieres de S t Jan, et sur tout de l'Apocalipse? que ne rayes vous aussy bien ceux ci que vous aves faict ceux la? Dites franchement que [ce que] vous en aves faict, ce n'a esté que pour contredire a l'Eglise: il vous fachoit de voir es Machabees l'intercession des Saintz et la priere pour les trepassés, l'Ecclesiastique vous piquoit en ce quil attestoit du liberal arbitre et de lhonneur des reliques; plus tost que de forcer vos cervelles, et les adjuster a l'Escriture, vous aves violé l'Escriture pour l'accommoder a vos cervelles, vous aves retranché la ste Parole pour ne retrancher point vos fantasies; comme vous laveres vous jamais [160] de ce sacrilege? Aves vous dégradé les Machabees, l'Ecclesiastique, Tobie et les autres par ce que quelques uns des Anciens ont douté de leur authorité? pourquoy receves vous donques les autres Livres, desquelz on a douté autant que de ceux ci? Que leur pouves vous opposer autre, sinon que leur doctrine vous est mal aysëe a concevoir? ouvres le cœur a la foy, et vous concevres aysement ce dont vostre incredulité vous prive; par ce que vous ne voules pas croire ce qu'ilz enseignent, vous les condamnes, condamnes plus tost vostre temerité, et receves l'Escriture.

  A001000743 

 Je veux mettre le faict sur les Livres qui vous fachent le plus.

  A001000743 

 pro canonicis habet. Que dires vous a cela? que les Juifz ne les avoient pas en leurs cathalogues? S t Augustin le confesse, mais estes vous Juifz ou Chrestiens? et si vous voules estre appellés Chrestiens, contentes vous que l'Eglise Chrestienne les reçoive: la lumiere du S t Esprit s'est elle estainte avec la Sinagogue? N. S. et les Apostres n'ont ilz pas eu autant de pouvoir que la Sinagogue? Et bien que l'Eglise n'ait pas pris l'authorité de ses Livres de la bouche des Scribes et Pharisiens, suffira il pas qu'elle l'ait prise du tesmoignage des Apostres? Or, il ne faut pas penser que l'ancienn'Eglise et ces tres anciens Docteurs eussent pris la hardiesse de mettre ces Livres au roole des canoniques si elle n'en [162] eust eu quelque advis par la Tradition des Apostres et leurs disciples, qui pouvoyent sçavoir en quel rang le Maistre mesme les tenoit; sinon que pour excuser nos fantasies, nous accusions de prophanation et sacrilege ces tant sts et graves Docteurs, avec toute l'Eglise ancienne.

  A001000747 

 Voicy leur protestation en la Confession de foy presentee au Roy de France par les François pretendus reformés: apres qu'ilz ont mis en liste, en l'Article troisiesme, les Livres qu'ilz veulent recevoir, ilz escrivent ainsy en l'Article quatriesme: « Nous connoissons ces Livres estre canoniques et regle tres certaine de nostre foy, non tant par le commun accord et consentement de l'Eglise, que par le tesmoignage et persuasion interieure du Saint Esprit, qui les nous faict discerner [167] d'avec les autres livres ecclesiastiques.

  A001000748 

 Or, a la verité, c'est bien procedé a eux de ne vouloir s'appuyer en cest article sur le commun accord et consentement de l'Eglise; puysque ce commun accord a canonisé l'Ecclesiastique, les [Livres des] Machabees, tout autant et aussitost que l'Apocalipse, et neantmoins ilz veulent recevoir [celuy ci] et rejetter ceux la: Judith, authorisé par le grand premier et irreprochable Concile de Nicee, est biffé par les reformeurs; ilz ont donques rayson de confesser qu'en la reception des Livres canoniques, ilz ne reçoivent point l'accord et consentement de l'Eglise, qui ne fut onques plus grand ni plus solemnel qu'en ce premier Concile.

  A001000749 

 » O Dieu, quelle cachette, quel brouillait, quelle nuict; ne nous voyla pas bien esclaircis en un si important et grave different? On demande comme l'on peut connoistre les Livres canoniques, on voudroit bien avoir quelque regle pour les discerner, et l'on nous produit ce qui se passe en l'interieur de l'ame, que personne ne voit, personne ne connoit, sinon l'ame mesme et son Createur..

  A001000750 

 Monstres moy clairement que ces inspirations et persuasions que vous pretendes sont du saint et non du faint esprit; qui ne sçait que l'esprit de tenebres comparoit bien souvent en habit de lumiere?.

  A001000752 

 Cest esprit faict il ses persuasions indifferemment a chacun, ou seulement a quelques uns en particulier? si a chacun, et que veut dire que tant de milliades de Catholiques ne s'en sont jamais aperceuz, ni tant de femmes, laboureurs et autres parmi vous? si c'est a quelques uns en particulier, monstres les moy, je vous prie, et pourquoy a ceux la plus tost qu'aux autres? quelle marque me les fera connoistre et trier de la presse du reste des hommes? Me faudra il croire au [169] premier qui dira d'en estre? ce seroit trop nous mettre a l'abandon et a la mercy des seducteurs: monstres moy donques quelque regle infallible pour connoistre ces inspirés et persuadés, ou me permettes que je n'en croye pas un..

  A001000753 

 Mays en conscience, vous semble il que l'interieure persuasion soit un moyen suffisant pour discerner les Saintes Escritures, et mettre les peuples hors de doute? Que veut donq dire que Luther racle l'Epistre de saint Jaques, laquelle Calvin reçoit? accordes un peu, je vous prie, cest esprit et sa persuasion, qui persuade a l'un de rejetter ce qu'il persuade a l'autre de recevoir.

  A001000753 

 Vous dires peut estre que Luther se trompe, il en dira tout autant de vous; a qui croire? Luther se moque de l'Ecclesiaste, il tient Job pour fable; luy opposeres vous vostre persuasion? il vous opposera la sienne: ainsy cest esprit, se combattant soy mesme, ne vous laissera autre resolution que de vous bien opiniastrer de part et d'autre..

  A001000754 

 Puys, quelle rayson y a il que le Saint Esprit aille inspirant ce que chacun doit croire a des je ne sçay qui, a Luther, a Calvin, ayant abandonné sans aucune telle inspiration les Conciles et l'Eglise tout entiere? Nous ne nions pas, pour parler clairement, que la connoissance des vrays Livres sacrés ne soit un don du Saint Esprit, mays nous disons que le Saint Esprit la donne aux particuliers par l'entremise de l'Eglise.

  A001000756 

 Es misterieuses parolles de l'Eucharistie, ne veut on pas esbranler l'authorité de ces motz, Qui pro vobis funditur, par ce que le texte grec monstre clairement que ce qui estoit au calice n'estoit pas vin, mais le sang du Sauveur? comme qui diroit en françois, Ceci est la coupe du nouveau testament en mon sang, laquelle sera respandue pour vous; car en ceste façon de parler, ce qui est en la coupe doit estre le vray sang, non le vin, puysque le vin n'a pas esté respandu pour nous, mais le sang, et que la coupe ne peut estre versee qu'a rayson de ce qu'elle contient.

  A001000756 

 Qui est le couteau avec lequel on a faict tant de retranchemens? l'opinion de ces inspirations particulieres; qu'est ce qui faict si hardis vos reformeurs a racler, l'un ceste piece, l'autre celle la, et l'autre un'autre? le pretexte de ces interieures persuasions de l'esprit, qui les rend sauverains, chacun chez soy, au jugement de la validité ou invalidité des Escrittures.

  A001000757 

 Pour vray, nous serions tres mal asseurés si nous appuyions nostre foy sur ces particulieres inspirations interieures, que nous ne sçavons si elles sont ou furent jamais que par le tesmoignage de certains particuliers; [174] et supposé qu'elles soyent ou ayent esté, nous ne sçavons si elles sont du vray ou faux esprit; et supposé qu'elles soyent du vray esprit, nous ne sçavons si ceux qui les recitent les recitent fidellement ou non, puys qu'ilz n'ont aucune marque d'infallibilité.

  A001000764 

 L'Eglise avoit generalement receu, il y a plus de mill'ans, la version latine que l'Eglise Catholique produit, saint Hierosme, tant sçavant homme, en estoit l'autheur ou le correcteur; quand voicy en nostr'aage s'eslever un espais brouillart [176] de l'esprit de tournoyement, lequel a tellement esblouy ces regrateurs de vielles opinions qui ont couru cy devant, que chacun a voulu tourner, qui d'un costé qui d'autre, et chacun au biais de son jugement, ceste sainte sacrëe Escriture de Dieu: en quoy, qui ne voit la prophanation de ce vase sacré de la sainte lettre, dans laquelle se conservoit le precieux basme de la doctrine Evangelique? Car, n'eust ce pas esté prophaner l'Arche de l'alliance, si quelqu'un eust voulu maintenir qu'un chacun la pouvoit prendre, la porter chez soy et la demonter toute et depecer, puys luy bailler telle forme quil eust voulu, pourveu quil y eust quelque apparence d'Arche? et qu'est ce autre chose soustenir que l'on peut prendre les Escritures, les tourner et accommoder chacun selon sa suffisance? Et neanmoins, des lors qu'on asseure que l'edition ordinaire de l'Eglise est si difforme quil la faut rebastir tout a neuf, et qu'un homme particulier y met la main et commence ce train, la porte est ouverte a la temerité: car si Luther l'ose faire, et pourquoy non Erasme? et si Erasme, pourquoy non Calvin ou Melancthon? pourquoy non Henricus [177] Mercerus, Sebastien Castalio, Beze, et le reste du monde? pourveu qu'on sache quelques vers de Pindare, et quatre ou cinq motz d'Hebreu, au pres de quelques bons Tresors de l'une et l'autre langue.

  A001000765 

 Mays quoy? qu'aves vous faict de mieux? chacun a prisé la sienne, chacun a mesprisé celle d'autruy; on a [178] tournaïllé tant qu'on a voulu, mays personne ne se conte de la version de son compaignon: qu'est ce autre chose que renverser la majesté de l'Escriture, et la mettre en mespris vers les peuples, qui pensent que ceste diversité d'editions vienne plustost de l'incertitude de l'Escriture que de la bigarrure des traducteurs? bigarrure laquelle seule nous doit mettre en asseurance de l'ancienne traduction, laquelle, comme dict le Concile, l'Eglise a si longuement, si constamment et si unanimement approuvëe..

  A001000765 

 Que dites vous? que l'edition ordinaire est corrompue? Nous avoüons que les transcriveurs et les imprimeurs y ont layssé couler certains æquivocques, de fort peu d'importance (si toutefois il y a rien en l'Escriture qui puysse estre dict de peu d'importance), lesquelz le Concile de Trente commande estre levés, et que d'ores en avant on prene garde a la faire imprimer le plus correctement quil sera possible; au reste, il n'y a rien qui ny soit tres sortable au sens du Saint Esprit qui en est l'autheur: comme ont monstré ci devant tant de doctes gens des nostres, qui se sont opposés a la temerité de ces nouveaux formateurs de religion, que ce seroit perdre tems d'en vouloir parler davantage; outre ce que ce seroit folie a moy de vouloir parler de la naifveté des traductions, qui ne sceuz jamais bonnement lire avec les pointz en l'une des langues necessaires a ceste connoissance, et ne suys guere plus sçavant en l'autre.

  A001000771 

 Que sil en va ainsy des versions latines, combien est grand le mespris et prophanation qui s'est faict es versions françoises, alemandes, polonnoises et autres langues: et neanmoins voicy un des plus pregnans artifices que l'ennemi du Christianisme et d'unité ait employé en nostr'aage pour attirer les peuples a ses cordelles; il connoissoit la curiosité des hommes, et combien chacun prise son jugement propre, et partant il a induict tous les sectaires a traduire les Saintes Escritures, chacun en la langue de la province ou il se cantonne, et a maintenir ceste non jamais ouÿe opinion, que chacun estoit capable d'entendre les Escritures, que tous les devoyent lire, et que les offices publiques se devoyent celebrer et chanter en la langue vulgaire de chaque province..

  A001000772 

 C'est une bien grande licence a ceux qui traduysent, de sçavoir quilz ne seront point conterollés que par ceux de leur province mesme; chaque province n'a pas tant d'yeux clairvoyans comme la France et l'Allemaigne.

  A001000772 

 Mays qui ne voit le stratageme? il ni a rien au monde qui passant par plusieurs mains ne s'altere, et perde son premier lustre.

  A001000773 

 Ces peuples, donques, avoyent accoustumé de dire les Psalmes en Hebrieu, et neanmoins l'Hebreu n'estoit plus leur langue vulgaire, ainsy qu'on peut connoistre de plusieurs paroles dites en l'Evangile par Nostre Seigneur, qui estoyent siriacques, que les Evangelistes ont gardees, comme Abba, Haceldema, Golgotha, Pascha et autres, que les doctes tiennent n'estre pas hebraiques pures mais siriaques, quoy qu'elles soient appellees hebraiques par ce que c'estoit le langage vulgaire des Hebreux des la captivité de Babiloyne.

  A001000773 

 Mays disons candidement; ne sçavons nous pas que les Apostres parloyent toutes langues? et que veut dire quilz n'escrivirent leurs Evangiles et Epistres qu'en Hebrieu, comme saint Hierosme atteste de l'Evangile de saint Matthieu, en Latin, comme quelques uns pensent de celuy de saint Marc, et en Grec, comm'on tient des autres Evangiles; qui furent les trois langues choysies, des la Croix mesme de Nostre Seigneur, pour la prædication du Crucifix? Ne porterent ilz pas l'Evangile par tout le monde, et au monde ny avoit il point d'autre langage que ces trois la? si avoit a la verité, et neanmoins ilz ne jugerent pas estre expedient de diversifier en tant de langues leurs escritz: qui mesprisera donques la coustume de nostre Eglise, qui a pour son garand l'imitation des Apostres?.. Dequoy nous avons une notable trace et piste en l'Evangile: car le jour que Nostre Seigneur entra en Hierusalem, les troupes alloyent criant, Osanna filio David; benedictus qui venit in nomine Domini; osanna in excelsis; et ceste parole, Osanna, a estëe laissëe en son entier parmi les textes grecz de saint Marc et saint Jan, signe [180] que c'estoit la mesme parole du peuple: or est il que Osanna, ou bien Osianna (et l'un vaut l'autre, disent les doctes en la langue), est une parole hebraique, non siriacque, prise, avec le reste de ceste louange la qui fut donnëe a Nostre Seigneur, du Psalme 117.

  A001000773 

 Qu'on prenne en main les Memoyres du sire de Joinville, ou encores celles de Philippe de Commines; on verra que nous avons du tout changé leur langage: qui neantmoins devoient [être] des plus politz de leur tems, estans tous deux nourris en court.

  A001000773 

 Si donques il nous failloit avoir (sur tout pour les services publiqs) des bibles chacun en son langage, de cinquant'ans en cinquante il faudroit remuer mesnage, et tousjours en adjoustant, levant ou changeant une bonne partie de la naifveté sainte de l'Escriture, qui ne se peut faire sans grande perte.

  A001000774 

 Mays je vous advise que le saint Concile de Trente ne rejette pas les traductions vulgaires imprimëes par l'authorité des ordinaires, seulement il commande qu'on [181] n'entreprene pas de les lire sans congé des superieurs; ce qui est tres raisonnable, pour ne mettre pas ce couteau, tant affilé et tranchant a deux costés, en la main de qui s'en pourrait esgorger soymesme, dequoy nous parlerons cy apres; et partant il ne trouve pas bon que chacun qui sçait lire, sans autr'asseurance de sa capacité que celle quil prend de sa temerité, manie ce sacré memorial.

  A001000774 

 « Ni n'est certes rayson, » me souviens je avoir leu en un essay du S r de Montaigne, « de voir tracasser, » entre les mains de toutes personnes, « par une salle et par une cuysine, le saint Livre des sacrés misteres de nostre creance; ce n'est pas en passant et tumultuairement quil faut manier un estude si serieux et venerable; ce doit estre un'action destinee et rassise, alaquelle on doit tousjours adjouster ceste præface de nostr'office, Sursum corda, et y apporter le cors mesme, disposé en contenance qui tesmoigne une particuliere attention et reverence.

  A001000780 

 Ce desvit prend en partie ses raysons de ce que j'ay ja dict; car, sil n'est pas expedient de traduire ainsy a tous propos de province en province le [182] texte sacré de l'Escriture, la plus grande partie, et quasi tout ce qui est es offices, estant pris de la Sainte Escriture, il n'est pas convenable de le mettre nomplus en françois: sinon quil y a d'autant plus de danger de reciter es services publiqs la Saint'Escriture en vulgaire, que non seulement les vieux mays les jeunes enfans, non seulement les sages mais les folz, non seulement les hommes mais les femmes, et, en somme, qui sçait et qui ne sçait lire, pourroyent tous y prendre occasion d'errer, chacun a son goust.

  A001000780 

 Lises les passages de David ou il semble quil murmure contre Dieu de la prosperité des mauvais; vous verres l'indiscret vulgaire s'en flatter en ses impatiences: lises la ou il semble demander vengeance sur ses ennemis; et l'esprit de vengeance s'en affleublera: lises voir ces celestes et tresdivines amours es Cantiques des Cantiques; qui ne sçaura les bien spiritualizer n'y prouffitera qu'en mal: et ce mot d'Osëe, Vade et fac tibi filios fornicationum, et ces actes des anciens Patriarches, ne donneroyent ilz pas licence aux idiotz?.

  A001000781 

 L'unité et la grand'estendue de nos freres requiert que nous disions nos publiques prieres en un langage qui soit un a toutes nations; en ceste façon nos prieres sont universelles, par le moyen de tant de gens qui en chaque province peuvent entendre le Latin; et me semble en conscience que ceste seule rayson doit suffire, car, si nous contons bien, nos prieres ne sont pas moins entendues en Latin qu'en François.

  A001000781 

 Mays qui est celuy, tant houppé soit il et ferré, qui entende sans estude les Propheties d'Ezechiel et autres, et les Psalmes? et que servira donques aux peuples de les ouir, sinon pour les prophaner et mettre en doute? et quand au reste, nous autres Catholiques ne devons en aucune façon reduire nos offices sacrés aux langages particuliers, ains plus tost, comme nostr'Eglise est universelle en tems et en lieux, elle doit aussi faire ses services publicqs en un langage qui soit de mesme universel en tems et en lieux, tel qu'est le Latin en Occident, le Grec en [183] Orient; autrement nos præstres ne sçauroyent dire Messe, ni les autres l'entendre, hors de leurs contrëes.

  A001000787 

 Et quoy? n'est ce pas une prophanation et violation extreme d'avoir laissé a ceste cervelle esventëe un jugement de si grande consequence, et puys suivre aussy estroittement le triage d'un basteleur, es prieres publiques, comm'on fit jamais jadis l'interpretation des 70, qui furent si particulierement assistés du Saint Esprit? combien de motz, combien de sentences couche il la dedans, qui ne furent jamais en l'Escriture; c'est bien autre que de prononcer mal scibolleth.

  A001000787 

 La seule insuffisance de l'autheur, qui n'estoit qu'un ignorant, la lasciveté de laquelle il tesmoigne par ses escritz, sa vie tes prophane et qui n'avoit rien moins que du Chrestien, meritoit qu'on luy refusast la frequentation de l'eglise; et neanmoins son nom et ses psalmes sont comme sacrés en vos eglises, et les chante l'on parmi vous autres comme s'ilz estoyent de David: la ou, qui ne voit combien est violëe la sacrëe Parole? car le vers, sa mesure, sa contrainte ne permet pas qu'on suyve la proprieté des motz de l'Escriture, mais y mesle l'on du sien pour rendre le sens parfaict et comble, et a esté necessaire a cest ignorant rimeur de choisir un sens la ou il y en pouvoyt avoir plusieurs.

  A001000787 

 Toutefois, on sçait bien quil ni a rien qui ayt tant chatouillé ces curieux, et surtout les femmes, que ceste authorité de [185] chanter en l'eglise et assemblëe.

  A001000788 

 Et quand a ceste façon de faire chanter indifferemment, en tous lieux et en toutes occupations, les Psalmes, qui ne voit que c'est un mespris de religion? N'est ce pas offencer la Majesté divine, de luy parler avec des paroles tant exquises comme celles des Psalmes sans aucune reverence ni attention? dire des prieres par voye d'entretien, n'est ce pas se mocquer de Celuy a qui on parle? Quand on voit, ou a Geneve ou ailleurs, un garçon de boutique se jouer au chant de ces Psalmes, et rompre le fil d'une tres belle priere pour dire, Monsieur, que vous plaict il? ne connoist on pas bien qu'il faict un accessoire du principal, et que ce n'est sinon pour passetems quil chante ceste divine chanson, quil croit neantmoins estre du Saint Esprit? Ne faict il pas bon voir ces cuysiniers chanter les Psalmes de la Pœnitence de David, et demander a chasque verset le lart, le chapon, la perdrix? « Ceste voix, » dict des Montaignes, « est trop divine pour n'avoir autre usage que d'exercer les poulmons et plaire aux oreilles.

  A001000788 

 » Je confesse qu'en particulier tous lieux sont bons a prier et toute contenance qui n'est pas peché, pourveu qu'on prie d'esprit, par ce que Dieu voit l'interieur, auquel gist la principale substance de l'orayson; mays je crois que qui prie en publiq doit faire demonstration exterieure de la reverence que les paroles propres quil profere demandent; autrement il scandalize le prochain, qui n'est pas tenu de penser quil ayt [186] de la religion en l'interieur, voyant le mespris en l'exterieur..

  A001000789 

 Je tiens, donques, que tant pour chanter comme Psalmes divins ce qui est bien souvent fantasie de Marot, que pour le chanter irreveremment et sans respect, on peche tressouvent, en vostre tant reformëe eglise, contre ceste parole, Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum in spiritu et veritate oportet adorare: car, outre ce qu'en ces psalmes vous attribues au Saint Esprit bien souvent les conceptions de Marot, contre la verité, la bouche aussy crie, par mi les rues et cuysines, o Seigneur, o Seigneur, que le cœur ni l'esprit n'y sont point, mays au traffiq et au gain; et, comme dict Isaïe, vous vous eslances de bouche vers Dieu, et le glorifies de vos levres, mays vostre cœur est bien loin de luy, et vous le craignes selon les commandemens et doctrines des hommes.

  A001000789 

 Pour vray, cest inconvenient de prier sans devotion arrive bien souvent aux Catholiques, mais ce n'est pas par l'adveu de l'Eglise, et je ne reprens pas maintenant les particuliers de vostre parti, mais le cors de vostre [église,] laquelle par ses traductions et libertés met en usage prophane ce qui devroit estre en tres grande reverence..

  A001000796 

 Mays d'ou vient ceste discorde, si frequente et irreconciliable, qui est entre vous autres freres en Luther, sur ces seules paroles, Cecy est mon cors, et sur le point de la justification? [188] Certes, saint Pierre n'est pas de vostre advis, qui admoneste, en sa 2.

  A001000796 

 Mays dites la verité; penses vous que la chose aille ainsy? les trouves vous si aysëes? les entendes vous bien? si vous le penses, j'admire vostre creance, qui est non seulement sur l'experience, mays contre ce que vous voyes et sentes.

  A001000796 

 Mays ou est ceste Parole de Dieu? en l'Escriture; et l'Escriture est ce quelque chose de secret? non pas, ce dit on, aux fideles: a quoy faire donq ces interpreteurs, ces prædicans? si vous estes fideles, vous y entendres autant qu'eux; renvoyes les aux infideles, et gardes seulement quelques diacres pour vous donner le morceau de pain et verser le vin de vostre souper; si vous pouves vous repaistre vous mesmes au champ de l'Escriture, qu'aves vous a faire de pasteurs? quelque jeun'innocent et pur enfant qui sçaura lire en fera bien la rayson.

  A001000796 

 Ne connoisses vous pas l'esprit de division? il faut s'asseurer que l'Escriture est aysëe, affin que chacun la tirasse, qui ça qui la, que chacun en face le maistre, et qu'elle serve aux opinions et fantasies d'un chacun.

  A001000797 

 Homme de bien, et qui a mon advis ne voudroit pas mentir, m'a raconté quil a ouy un'ministre en ce pais, traittant de la Nativité de Nostre Seigneur, asseurer quil n'estoit pas né en une creche, et exposer le texte, qui est expres au contraire, paraboliquement, disant: Nostre Seigneur dict bien quil est la vigne, et il ne l'est pas pour cela, de mesme, encor quil soit dict quil est né en une creche, il ny est pas né pour cela, mais en quelque lieu honnorable, qui en comparaison de sa grandeur se pouvoit appeller creche.

  A001000797 

 J'ay veu un personnage en bonne compaignie, auquel estant objectëe a un sien devis la sentence de Nostre Seigneur, Qui percutit te in maxillam, præbe ei et alteram, l'entendit incontinent en ce sens, que comme [pour] flatter un enfant qui estudie bien, on luy met legerement a petitz coups la main a la joue pour l'inciter a mieux, ainsy vouloit dire Nostre Seigneur, a qui te trouvera bien faysant et t'y consolera, fais si bien qu'il ait occasion a l'autre fois de consoler davantage et te flatter ou amadouer des deux costés.

  A001000797 

 La couleur de cest'interpretation me faict encor plus croire l'homme qui me l'a dict, car estant simple et sans sçavoir lire, a grand peyne quil l'eut controuvëe.

  A001000797 

 Or, combien soit grande la prophanation de ce costé personne ne le pourroit suffisamment penser qui ne [189] l'auroit veu: pour moy je diray ce que je sçay, et ne mens point.

  A001000806 

 Il veut donques que les louanges qui se faysoyent en Corinthe se fissent en Grec, car, puys quilz se faysoyent non ja comme services ordinaires, mays comme cantiques extraordinaires de ceux qui avoyent ce don, pour consoler le peuple, il estoyt raysonnable quilz se fissent en langue intelligible, ou que on les eust interpreté sur le champ; ce quil semble monstrer quand plus bas il dict: Si ergo conveniat universa ecclesia in unum, et omnes linguis loquantur, intrent autem idiotæ aut infideles, nonne dicent quod insanitis? et plus bas: [191] Sive lingua quis loquitur, secundum duos aut ut multum tres, et per partes, et unus interpretetur; si autem non fuerit interpres, taceat in ecclesia, sibi autem loquatur et Deo.

  A001000806 

 Qui ne voit quil ne parle pas des offices solemnelz en l'eglise, qui ne se faysoyent que par le pasteur, mays des cantiques qui se faysoyent par le don des langues, quil vouloyt estre entenduz; car, de vray, ne l'estans pas, cela detournoyt l'assemblëe et ne servoit de rien.

  A001000806 

 Vous verres que pour cela il ne veut pas qu'on diversifie le service en toutes sortes de langages, mais seulement que les exhortations et cantiques qui se faysoyent par le don des langues soyent interpretés, affin que l'eglise ou on se trouve sache que l'on dict: Et ideo, qui loquitur lingua, oret ut interpretetur.

  A001000807 

 Populus hic labiis me honorat, cor autem eorum: cela s'entend de ceux qui chantent et prient, en quel langage que ce soit, et parlent de Dieu par maniere d'acquit, sans reverence et devotion; non de ceux qui parlent un langage a eux inconneu mays conneu a l'Eglise, et neanmoins ont le cœur ravi en Dieu..

  A001000810 

 Croyes qu'encores selon l'esprit il est veritable ce que disoit le Sage: Melior est pauper ambulans in simplicitate sua quam dives in pravis itineribus; et ailleurs: Simplicitas justorum diriget eos; et: Qui ambulat simpliciter ambulat confidenter. Ou je ne voudrois pas dire quil ne faille prendre peyne d'entendre, mays seulement qu'on ne se doit pas penser de trouver de soymesme son salut ni son pasturage, sans la conduicte de qui Dieu a constitué pour cest effect, selon le mesme Sage: Ne innitaris prudentiæ tuæ; et, Ne sis sapiens apud temetipsum: ce que ne font pas ceux qui pensent en leur seule suffisance connoistre toute sorte de misteres, sans observer l'ordre que Dieu a establi, qui en a faict entre nous les uns docteurs et pasteurs, non tous, et un chacun pour soymesme.

  A001000810 

 Mays on m'objecte a tous propos: ne dois je pas chercher la viande de mon ame et mon salut? pauvre homme, qui le nie? mays si chacun va aux pasturages comme les vielles oÿes, a quoy faire les bergers? cherche les pastiz, mays avec ton pasteur.

  A001000810 

 Quis mediocriter sanus non intelligat Scripturarum expositionem ab iis esse petendam qui earum sunt doctores? dict saint Augustin.

  A001000810 

 Quoy? si personne ne trouve son salut que qui sçait lire les Escritures, que deviendront tant de pauvres idiotz? certes, ilz trouvent et cherchent leur salut asses suffisamment, quand ilz apprennent de la bouche du pasteur le sommaire de ce qu'il faut croire, esperer, aymer, faire et demander a Dieu.

  A001000810 

 Se mocqueroit [192] on pas du malade qui voudroit chercher sa santé en Hipocrate sans l'ayde du medecin? ou de celuy qui voudroit chercher son droit en Justinien sans s'addresser au juge? Cherchez, luy diroit on, vostre santé, mais par le moyen des medecins; et vous, cherchez vostre droit et le procurez, mais par les mains du magistrat.

  A001000812 

 Audito, scilicet, quod Dominus ait, Confiteor tibi, Pater, in hoc ipso quod sonuit Confiteor, pectora vestra tutudistis: tundere autem pectus quid est, nisi arguere quod latet in pectore, et evidenti pulsu occultum castigare peccatum? quare hoc fecistis, nisi quia audistis, Confiteor tibi, Pater? Confiteor audistis, quis est qui confitetur non attendistis; nunc ergo advertite.

  A001000812 

 Voyes vous comme le peuple oyoyt la leçon publique de l'Evangile, et ne l'entendoit pas, sinon ce mot, Confiteor tibi, Pater? qu'il entendoit par coustume, par ce qu'on le disoit tous au commencement de la Messe, comme nous faysons maintenant: c'est sans doute que la leçon s'en faysoit en Latin, qui n'estoit pas leur langage vulgaire..

  A001000813 

 Jamais peuple ne fut mieux instruict, selon la malice du tems, que le peuple de Milan sous le cardinal Borromëe; mays l'instruction du peuple ne vient pas a force de tracasser les saintes Bibles, et lisotter ceste divin'Escriture, ni chanter ça et la en forme de fantasies les Psalmes, ains de les manier, lire, ouyr, chanter et prier avec apprehension vive de la majesté de Dieu a qui on parle, de qui on lit ou escoute on la Parole, tousjours avec ceste præface de l'ancienn'Eglise, Sursum corda..

  A001000813 

 Mays qui veut voir le conte que les Catholiques font de la Sainte Escriture et le respect quilz luy portent, quilz admirent le grand cardinal Borromëe, lequel n'estudioit jamais sur les Saintes Escritures sinon a genoux, luy semblant quil oyoyt parler Dieu en icelles, et que telle reverence estoit deüe a une si divine audience.

  A001000825 

 Voicy les paroles du saint Concile de Trente, parlant de la verité et discipline Chrestienne Evangelique: Perspiciens (sancta Sinodus) hanc veritatem et disciplinant contineri in Libris scriptis et sine scripto Traditionibus, quæ ab ipsius Christi ore ab Apostolis acceptæ, aut ab ipsis Apostolis, Spiritu Sancto dictante, quasi per manus traditæ, ad nos usque pervenerunt; orthodoxorum Patrum exempla secuta, omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, cum utriusque unus Deus sit auctor, nec non Traditiones ipsas, tum ad fidem tum ad mores pertinentes, tanquam vel oretenus a Christo vel a Spiritu Sancto dictatas, et continua successione in Ecclesia Catholica servatas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur. Voyla, a la verité, un decret digne d'une assemblëe qui puysse dire, [196] Visum est Spiritui Sancto et nobis; car il ny a presque mot qui ne porte coup sur les adversaires et ne leur leve tous armes du poingt..

  A001000827 

 A qui en veulent ilz? c'est une querelle d'Allemand.

  A001000827 

 Qui nie la tres excellente utilité de l'Escriture, sinon les huguenotz qui en levent des plus belles pieces comme vaynes? Elles sont tres utiles, certes; ce n'est pas une petite faveur que Dieu nous a faict de les nous conserver parmi tant de persecutions: mays l'utilité de l'Escriture ne rend pas les saintes Traditions inutiles, nom plus que l'usage d'un œïl, d'une jambe, d'une oreille, d'une main, ne rend pas l'autre inutile; [197] dont le Concile dict: Omnes Libros tam Veteris quam Novi Testamenti, nec non Traditiones ipsas, pari pietatis affectu ac reverentia suscipit et veneratur.

  A001000829 

 L'Escriture donques est Evangile, mais nom pas tout l'Evangile, car les Traditions sont l'autre partie: qui enseignera donques outre ce qu'ont enseigné les Apostres, maudict soit il; mays les Apostres ont enseigné par escrit et par Tradition, et tout est Evangile.

  A001000829 

 Quand ilz produysent ces paroles, Non addetis ad Mot quod ego præcipio vobis, nec auferetis ab eo; Sed licet nos aut angelus de cælo evangelizet vobis præterquam quod evangelizavimus vobis, anathema sit, ilz ne disent rien contre le Concile, qui dict expressement que la doctrine Evangelique ne consiste pas seulement es Escritures, mays encores es Traditions.

  A001000829 

 Que si vous consideres de pres comme le Concile apparie les Traditions aux Escritures, vous verres quil ne reçoit point de Tradition contraire a l'Escriture; car il reçoit la Tradition et l'Escriture avec [198] pareil honneur, parce que l'une et l'autre sont ruysseauz tres doux et purs, qui sont partis d'une mesme bouche de Nostre Seigneur, comme d'une vive fontayne de sapience, et partant ne peuvent estre contraires, ains sont de mesme goust et qualité, et se joignans ensemble arrousent gayement cest arbre du Christianisme, quod fructum suum dabit in tempore suo..

  A001000830 

 Et ny a pas seulement Tradition des ceremonies, et de certain ordre exterieur arbitraire et de bienseance, mays, comme dict le saint Concile, en doctrine qui appartient a la foy mesme et aux mœurs; quoy que, quand aux Traditions des mœurs, il y en a qui nous obligent tres étroittement, et d'autres qui ne nous sont proposëes que par conseil et bienseance, et cellescy n'estans observëes ne nous rendent pas coulpables, pourveu qu'elles soyent approuvëes et prisëes comme saintes, et ne soyent mesprisëes.

  A001000836 

 Que si Nostre Seigneur ni ses Apostres ne l'ont jamais escrit, pourquoy nous evangelises vous ces choses cy? au contraire, il est defendu de lever rien de l'Escriture, pourquoy voules [vous] lever les Traditions, qui y sont si expressement authentiquëes?.

  A001000837 

 N'est ce pas la Saint'Escriture de saint Pol qui dict, Itaque, fratres, tenete traditiones quas accepistis, sive per sermonem sive per epistolam? Hinc patet quod non omnia per epistolam tradiderunt Apostoli, sed multa etiam sine literis; eadem vero fide digna sunt tam ista quam illa, dict saint Chrysostome, en son commentaire sur ce lieu.

  A001000838 

 Et plus bas: Quæ audisti a me per [200] multos testes, hæc commenda fidelibus hominibus, qui idonei erunt et alios docere.

  A001000839 

 Si c'estoit en la seconde des Corinthiens, on pourroit dire que par ses commandemens il entend ceux de la premiere, quoy que le sens y seroit forcé (mays a qui ne veut marcher tout ombre sert), mays cecy est escrit en la premiere; il ne parle pas d'aucun Evangile, car il ne l'appelleroit pas præcepta mea: qu'estoit ce donques sinon une doctrine Apostolique non escritte? cela nous l'appelions Tradition.

  A001000852 

 Mays combien d'Absalons se sont trouvez en nostre aage, qui, pour seduyre et distraire les peuples de l'obeissance de l'Eglise, et solliciter les Chrestiens a revolte, ont crié sur les advenues d'Allemaigne et de France: il ny a personne qui soit establi du Seigneur pour ouyr et resouvre des differens sur la foy et religion; l'Eglise n'y a point de pouvoir.

  A001000852 

 Quand Absalon voulut une fois faire faction contre son bon pere, il s'assit pres de la porte au chemin, et disoit aux passans: Il ny a personne constitué du Roy pour vous ouir, hé, qui me constituera juge sur terre, afin que qui aura quelque negotiation vienne a moy et que je juge justement? ainsy sollicitoit il le courage des Israelites.

  A001000853 

 Il dict que la conclusion de tout son discours est « que le vray Christ est la seule, vraye et perpetuelle marque de l'Eglise Catholique, entendant du vray Christ tel, » dict il, « quil s'est tres parfaittement declaré dés le commencement, tant es escritz prophetiques qu'apostoliques, en ce qui appartient a nostre salut; » plus bas il dict: « Voyla ce que j'avois a dire sur la vraye, unique et essentielle marque de la vraÿe Eglise, qui est la Parole escritte prophetique et apostolique, bien et deuement administrëe; » et plus haut il avoit confessé quil y avoit des grandes difficultés es Escrittures Saintes, mays « nom pas es pieces qui touchent a nostre creance.

  A001000853 

 » A la marge il met cest advertissement, quil a mis quasi par tout le texte: « L'interpretation de l'Escritture ne se doit puyser d'ailleurs que de l'Escritture mesme, en conferant les passages les uns avec les autres, et les rapportant a l'analogie de la foy; » et en l'Epistre au Roy de France: « Nous demandons qu'on s'en rapporte aux Saintes Escrittures canoniques, et que, sil y a doute sur l'interpretation d'icelles, la convenance et le rapport qui doit estre tant entre les passages de l'Escriture qu'entre les articles de la foy en soyent juges.

  A001000853 

 » Il dict encores quilz sont « ceux qui n'ont desavoüé ni voudroyent desavoüer un seul Concile digne de ce nom, general ni particulier, ancien ni plus recent, » (notés) « pourveu, » dict il, « que la pierre de touche, qui est la Parole de Dieu, en face l'espreuve.

  A001000853 

 » Il y reçoit « les Peres, avec tout autant d'authorité quilz se trouveront de fondement es Escrittures; » il poursuit: « Quand au point de la doctrine, nous ne sçaurions appeller a aucun juge non reprochable qu'au Seigneur mesme, qui a declaré tout son conseil touchant nostre salut par les [Apostres] et [203] Prophetes.

  A001000854 

 Amen, amen, disons nous; mais nous ne demandons pas comment on doit interpreter l'Escriture, mays qui sera le juge: car, apres avoir conferé les passages aux passages et le tout au Simbole de la foy, nous trouvons que par ce passage, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt; et tibi dabo claves regni cælorum, saint Pierre a esté chef ministerial et supreme œconome en l'Eglise de Dieu; vous dites, de vostre costé, que ce passage, Reges gentium dominantur eorum, vos autem non sic, ou cest autre (car ilz sont tous si foibles que je ne sçay pas lequel vous peut estre fondemental), Nemo potest aliud fundamentum ponere, etc., conferé avec les autres passages et a l'analogie de la foy, vous faict detester un chef ministerial: nous suyvons tous deux un mesme chemin en la recherche de la verité de ceste question, a sçavoir, sil y a en l'Eglise un vicaire general de Nostre Seigneur, et neantmoins je suys arrivé en l'affirmative, et vous, vous estes logés en la negative; qui jugera plus de nostre different?.. Certes, qui s'addressera a Theodore de Beze, il dira que vous aves mieux discouru que moy, mays ou se fondera il en ce jugement, sinon sur ce quil luy semble ainsy, selon le præjugé quil en a faict il y a si long tems? et [204] quil dise ce quil voudra, car qui l'a establi juge entre vous et moy?...

  A001000854 

 Mays a cela nous repliquons, Amen: mays nous disons que nostre different n'est pas la; c'est qu'es differens que nous aurons sur l'interpretation, et qui s'y trouveront de deux motz en deux motz, nous avons besoin d'un juge.

  A001000855 

 Au contrayre, dis je, c'est vous, Luther, qui vous trompes; l'Escriture me le dict en tel et tel passage, bien joint et adjusté a telle et telle piece de l'Escriture et aux articles de la foy.

  A001000855 

 Je ne suys pas en doute sil faut adjouster foy a la sainte Parole; qui ne sçait qu'elle est au supreme grade de certitude? ce qui me tient en peyne c'est l'intelligence de ceste Escriture, ce sont les consequences et conclusions qu'on y attache, lesquelles estans diverses, sans nombre et contraires bien souvent sur un mesme sujet, ou chacun prend parti, qui d'un costé qui d'autre, qui me fera voir la verité au travers de tant de vanités? qui me fera voir ceste Escriture en sa naifve couleur? car le col de ceste colombe change autant d'apparences que ceux qui le regardent changent de postures et distances.

  A001000855 

 L'Escriture est une tres sainte et tres infallible pierre de touche; toute proposition qui soustient cest essay je la tiens pour tres loyale et franche.

  A001000855 

 Qui vous l'a dict? l'Escriture.

  A001000855 

 Si sal evanuerit, in quo salietur? si l'Escriture est le sujet de nostre different, qui la reglera?.

  A001000855 

 Vous dites qu'en ayant faict de mesme vous y trouves du faux; que voules vous que je face? tant de maistres l'ont maniëe cy devant, et tous ont faict mesme jugement que moy, et avec tant d'asseurance quilz ont forclos, es assemblëes generales du mestier, quicomque y a voulu contredire: mon Dieu, qui nous mettra hors de doute? Il ne faut plus dire la pierre de touche, autrement on dira, In circuitu impii ambulant: il faut que ce soit quelqu'un qui la manie, et face la preuve luymesme de la piece, puys, qu'il en face jugement, et que nous le subissions, et l'un et l'autre, sans plus contester; autrement chacun en croira ce quil luy plaira.

  A001000856 

 Ah, quicomque dict que Nostre Seigneur nous a embarqués en son Eglise, a la mercy des ventz et de la marëe, sans nous donner un expert pilote qui s'entende parfaittement en l'art nautique sur la charte et la bussole, il dict quil nous veut perdre.

  A001000856 

 Quil y ayt mis la plus excellente bussole et la charte la plus juste du monde, mays dequoy sert cela si personne n'a le sçavoir d'en tirer quelque regle infallible pour conduire le navire? dequoy servira il quil y ait un tresbon timon, sil ny a un patron pour le mouvoir a la mesure qu'enseignera la charte? mays sil est permis a chacun de le tourner au fil que bon luy semblera, qui ne void que nous sommes perdus? Ce n'est pas l'Escriture qui a besoin de regle ni de lumiere estrangere, comme Beze pense que nous croyons; ce sont nos gloses, nos consequences, intelligences, interpretations, conjectures, additions et autres semblables mesnages du cerveau de l'homme, qui ne pouvant demeurer coy s'embesoigne [206] tousjours a nouvelles inventions: ni moins voulons nous un juge entre Dieu et nous, comm'il semble quil veuille inferer en son Epistre; c'est entr'un homme tel que Calvin, Beze, Luther, et entr'un autre tel que Echius, Fischer, Morus; car nous ne demandons pas si Dieu entend mieux l'Escriture que nous, mays si Calvin l'entend mieux que saint Augustin ou saint Cyprien.

  A001000856 

 Saint Hilaire dict tresbien: De intelligentia hæresis est, non de Scriptura, et sensus, non sermo, fit crimen; et saint Augustin: Non aliunde natæ sunt hæreses nisi dum Scripturæ bonæ intelliguntur non bene, et quod in eis non bene intelligitur etiam temere et audacter asseritur. C'est le vray jeu de Michol, de couvrir une statue faitte a poste dans le lict, des habitz de David; qui regarde cela pense avoir veu David, mays il s'abuse, David ny est pas: l'heresie couvre au lict de son cerveau la statue de sa propre opinion des habitz de la Sainte Escritture; qui voit ceste doctrine pense avoir veu la sainte Parole de Dieu, mays il se trompe, elle ny est point, les motz y sont mays non l'intelligence.

  A001000858 

 Autant en dis je des Traditions; car si chacun veut [207] produyre des Traditions, et que nous n'ayons poinct de juge en terre, pour mettre en dernier ressort difference entre celles qui sont recevables et celles qui ne le sont pas, a quoy, je vous prie, en serons nous? L'exemple est clair: Calvin trouve recevable l'Apocalipse, Luther le nie, autant en est il de l'Epistre de saint Jaques; qui reformera ces opinions des reformateurs? l'une ou l'autre est mal formëe, qui y mettra la main? Voyla une seconde necessité que nous avons d'une autre 3 e Regle outre la Parole de Dieu..

  A001000859 

 Il faut donques qu'il y ait quelqu'infallible authorité, a la proposition de laquelle nous soyons obligés d'acquiescer: la Parole de Dieu ne peut errer, qui la propose ne peut errer, tout sera donques tres asseuré..

  A001000859 

 Il y a neanmoins tresgrande difference entre les premieres Regles et celle cy; car la premiere Regle, qui est la Parole de Dieu, est Regle infallible de soy mesme, et tres suffisante pour regler tous les entendemens du monde, la seconde n'est pas proprement Regle de soymesme, mays seulement entant qu'elle applique la premiere, et qu'elle nous propose la droitture contenue en la Parole sainte: ainsy qu'on dict les loix estre une regle des causes civiles; le juge ne l'est pas de soy mesme, puysque son jugement est obligé au reglement de la loy, neantmoins il est, et peut tresbien estre appellé, regle, par ce que l'application des loix estant sujette a varieté, quand il l'a une fois faicte il faut s'y arrester.

  A001000859 

 La premiere proposition est inevitable: nous sommes en difficulté de la 2 e avec Calvin; qui nous appointera? qui determinera de ce doute? si chacun a l'authorité de proposer le sens de la sainte Parole, la difficulté est immortelle; si celuy qui a l'authorité de proposer peut [208] errer en sa proposition, tout est a refaire.

  A001000859 

 La sainte Parole, donques, est la loy premiere de nostre foy; reste l'application de ceste Regle, laquelle pouvant recevoir autant de formes quil y a de cerveaux au monde, nonobstant toutes analogies de la foy, encores faut il avoir une, seconde Regle pour le reglement de cest'application: il faut la doctrine, et quelqu'un qui la propose; la doctrine est en la sainte Parole, mays qui la proposera? Voyci comm'on deduit un article de foy: la Parole de Dieu est infallible, la Parole de Dieu porte que le Baptesme est necessaire a salut, donques le Baptesme est necessaire a salut.

  A001000865 

 Car, qui ouyt jamais deviser, etc. [210].

  A001000865 

 Je soustiens que ce [209] juge n'est autre que l'Eglise Catholique, laquelle ne peut aucunement errer es interpretations et consequences qu'elle tire de la Sainte Escriture, ni es jugemens qu'elle faict sur les difficultés qui s'y presentent.

  A001000865 

 Mays c'est impieté de croire que Nostre Seigneur ne nous ayt layssé quelque supreme juge en terre, auquel nous puyssions nous addresser en nos difficultés, et qui fust tellement infallible en ses jugemens que suyvant ses decretz nous ne puyssions errer.

  A001000865 

 Or, n'est il pas raysonnable qu'aucun particulier s'attribue cest infallible jugement sur l'interpretation ou explication de la sainte Parole; car, a quoy en serions nous? Qui voudroit subir le joug du jugement d'un particulier? pourquoy plus tost de l'un que de l'autre? quil parle tant quil voudra de l'analogie, de l'entousiasme, du Seigneur, de l'Esprit, tout cela ne pourra jamais brider tellement mon cerveau que, sil faut s'embarquer a l'adventure, je ne me jette plus tost dans le vaysseau de mon jugement que dans celuy d'un autre, quand il parleroit Grec, Hebrieu, Latin, Tartarin, Moresque et tout ce que vous voudres.

  A001000865 

 S'il faut courir fortune d'errer, qui n'aymera mieux la courir a la suite de sa propre fantasie, que de s'esclaver a celle de Calvin ou Luther? chacun donnera liberté a sa cervelle de courir a l'abandon ça et la, par les opinions tant diverses soyent elles, et de vray, peut estre rencontrera il aussy tost la verité qu'un autre.

  A001000872 

 Ceux donques qui voudroyent que l'Empereur eust ceste authorité, n'ont point de fondement en l'Escriture ni en la rayson; [211] car, quelles sont les causes principales pour lesquelles on assemble les Conciles generaux, sinon pour reprimer et repouser l'heretique, le schismatique, le scandaleux, comme loups de la bergerie? ainsy fut faicte ceste premiere assemblëe en Hierusalem pour resister a certains de l'heresie des Pharisæens: et qui a charge de repouser le loup sinon le berger? et qui est berger que celuy a qui Nostre Seigneur dict, Pasce oves meas? trouves que semblable charge fut donnée a Tibere? Qui a l'authorité de repaistre le troupeau a l'authorité d'assembler les bergers, pour cognoistre quelle pasture et quelles eaux sont saines aux ouaïlles; cela est proprement assembler les pasteurs in nomine Christi, c'est a dire, par l'authorité de Nostre Seigneur, car qu'est ce autre chose assembler les estatz au nom du prince que les convoquer par authorité du prince? et qui a cest'authorité que celuy qui comme lieutenant a receu les clefz du royaume des cieux? Qui fit dire au bon pere Lucentius, Evesque vicaire du Saint Siege apostolique, que Dioscorus avoit eu tresgrand tort d'avoir assemblé un Concile sans l'authorité Apostolique: Sinodum, dict il, ausus est facere sine authoritate Sedis Apostolicæ, quod nunquam rite factum est, nec fieri licuit; et dict ces paroles en la pleyne assemblee du grand Concile de Calcedoyne.

  A001000872 

 Et de vray, ce sont les pasteurs qui ont charge d'instruire le peuple, et de prouvoir a son salut par les resolutions des doutes qui surviennent touchant la doctrine Chrestienne; les empereurs et les princes y doivent avoir zele, mais selon leur ministere, qui est par voÿe de justice, de police et de l'espëe, qu' ilz ne portent pas sans cause.

  A001000872 

 Il est neanmoins necessaire que si la ville ou l'assemblëe se faict est sujette a l'Empereur, ou a quelque prince, et qu'on veuille faire quelque cueillette publique pour les frais d'un Concile, que le prince chez lequel on s'assemble ayt donné licence et authorisé l'assemblëe, et les cueillettes doivent estre avouëes par les princes riere les estatz desquelz elles se font: et quand l'Empereur voudroit assembler un Concile, pourveu que le Saint Siege y consentit pour rendre la convocation legitime... Telles ont esté les assemblëes de quelques Conciles [212] tres authentiques, et celle qu'Herodes commanda en Hierusalem, pour sçavoir ubi Christus nasceretur, a laquelle les prestres et scribes consentirent; mays qui la voudroit tirer en consequence, pour attribuer l'authorité aux princes de commander les convocations, auroit autant de rayson que de tirer en consequence sa cruauté sur saint Jan Baptiste et le meurtre sur les petitz enfans..

  A001000872 

 qui l'assembla: et nous trouverons quil fut assemblé par l'authorité mesme des pasteurs: Conveneruntque Apostoli et seniores videre de verbo hoc.

  A001000873 

 Il succede que nous remarquions, en ce premier Concile chrestien qui fut faict par les Apostres, qui y fut apellé Convenerunt, dict le texte, Apostoli et presbiteri videre de verbo hoc; les Apostres et les prestres, en un mot, les gens d'Eglise: la rayson le vouloit, car le vieux proverbe est par tout bon, Ne sutor ultra crepidam, et le mot du bon pere Hosius, rapporté par saint Athanase, quil escrivit a l'empereur Constantius, Tibi Deus imperium commisit, nobis quæ sunt Ecclesiæ concredidit.

  A001000874 

 Attendite, dict saint Pol, vobis et universo gregi; mays qui doit fayre cecy, de penser a soy et pour le cors general? in quo vos posuit Spiritus Sanctus Episcopos [213] regere Ecclesiam Dei: il appartient aux pasteurs de prouvoir de saine doctrine aux brebis..

  A001000874 

 Pendant qu'on deliberoit, les senieurs ou prestres parlerent, comm'il est probable selon ces paroles, cum autem magna conquisitio fieret, qui monstrent qu'on debatit bien fort ceste question; mays quand il vint a resoudre et porter sentence, il ne se trouve personne qui parle qui ne soit Apostre: aussy ne trouve l'on pas es anciens Conciles et canoniques qu'autre que les Evesques ayt signé et defini; qui fut la cause que les Peres du Concile de Calcedoyne, y voyans entrer les religieux et laicz, crierent plusieurs foys: Mitte foras superfluos, Concilium episcoporum est.

  A001000874 

 Troysiesmement, qui y doit estre juge: et nous ne voyons pas que personne y portast sentence que 4 des Apostres, saint Pierre, saint Pol, saint Barnabas et saint Jaques, au jugement desquelz chacun acquiesça.

  A001000875 

 Au Concile de Calcedoyne, il ny a rien qui ne crie tout par tout que les legatz du Saint Siege Romain ny aient præsidé, Pascasinus et Lucentius; il ny a que d'en lire les actes..

  A001000875 

 Au Concile de Constantinople, quoy quil ny fut pas ni aucun legat pour luy, par ce quil traittoit la mesme cause avec les Evesques occidentaux a Rome qui estoit traittëe a Constantinople par les orientaux, qui ne s'estoyent peu joindre qu'en esprit et deliberation, si est ce que par les lettres que les Peres de part et d'autre s'envoyerent, Damase, Evesque de Rome, est reconneu pour legitime chef et præsident.

  A001000875 

 Au Concile de Nicëe, les premiers qui souscrivent ce sont Hosius, evesque, Vitus et Modestus, prestres, envoÿés par le Saint Siege: et de vray, quelle occasion pouvoit faire que deux prestres souscrivissent devant les Patriarches, si ce n'eust esté quilz estoyent en lieutenance du supreme Patriarche? Que quand a saint Athanase, tant s'en faut quil y præsidast, quil ny fut pas assis ni ne souscrivit point, comme n'estant que diacre pour l'heure; et le grand Constantin non seulement ny præsida pas, ains s'assit au bas des Evesques, et ny voulut point estre comme pasteur mays comme brebis.

  A001000875 

 Si nous considerons qui y præsida, nous trouverons que ce fut saint Pierre qui y porte le premier la sentence, qui fut apres suyvie du reste, comme dict saint Hierosme; aussy avoit il la principale charge de pasteur, Pasce oves meas, et estoit le grand œconome sur le reste, Tibi dabo claves regni cælorum, il estoit confirmateur des freres, office qui appartient proprement au præsident et surintendant.

  A001000876 

 Voyla donques l'Escriture, la rayson, la prattique des 4 plus purs Conciles qui furent onques, ou saint Pierre præside et ses successeurs quand ilz s'y sont trouvés; j'en pourrois tout autant monstrer de tous les autres qui ont estés receuz en l'Eglise universelle comme legitimes, mays cecy suffira bien..

  A001000877 

 Reste le consentement, reception et execution des decretz du Concile, qui fut faicte, comm'elle se doit encores faire a present, par tous ceux qui y assistent, dont il fut dict: Tunc placuit Apostolis et senioribus, cum omni Ecclesia, eligere viros ex eis, etc.; mays quand a l'authorité en vertu delaquelle la promulgation du decret de ce Concile-la fut faicte, elle ne fut sinon des gens ecclesiastiques: Apostoli et seniores fratres, iis qui sunt Antiochiæ, Syriæ et Ciliciæ; l'authorité des brebis ny est point cottëe, mais celle la seulement des pasteurs.

  A001000883 

 Nous parlons donq icy d'un Concile tel que celuy la, ou se trouve l'authorité de saint Pierre, tant au commencement qu'a la conclusion, et des autres Apostres et pasteurs qui s'y voudront trouver, sinon de tous au moins d'une notable partie; ou la discussion soit libre, c'est a sçavoir, que qui voudra y propose ses raysons sur la difficulté qui y est proposëe; ou les pasteurs ayent voix judiciaire; telz en fin qu'ont esté ces quatre premiers, desquelz saint Gregoire faisoit tant de conte, quil en fit ceste protestation: Sicut sancti Evangelii 4 Libros, sic 4 Concilia suscipere et venerari me fateor..

  A001000884 

 C'est la mesm'Eglise, aussy chere au celest'Espoux qu'elle fut alhors, en plus de necessité qu'elle n'estoit alhors; quelle rayson y a il quil ne luy fist la mesme assistence quil luy fit alhors en pareille occasion? Consideres, je vous prie, l'importance de ces motz Evangeliques, Si quis Ecclesiam non audierit, sit tibi tanquam etnicus et publicanus; [216] et quand peut on jamais ouyr plus distinctement l'Eglise que par la voix d'un Concile general, ou les chefz de l'Eglise se trouvent tous ensemble pour dire et deduyre les difficultés? le cors ne parle pas par ses jambes ni par ses mains, mays seulement par son chef; ainsy, comme peut l'Eglise mieux prononcer sa sentence que par ses chefz? Mays Nostre Seigneur s'explique: Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis consenserint super terram de omni re quamcumque petierint, fiet illis a Patre meo qui in cælis est; ubi enim sunt duo vel tres congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum.

  A001000886 

 En fin, quel plus estroit commandement avons nous que de prendre la pasture de la main de nos pasteurs? saint Pol ne dict il pas que le Saint Esprit les a colloqués au bercail pour nous regir, et que Nostre Seigneur les nous a donnés affin que nous ne soyons point flottans et emportés a tout vent de doctrine? quel respect donques devons nous porter aux ordonances [217] et canons qui partent de leur assemblëe generale? Certes, pris a part l'un de l'autre, leurs doctrines sont encores sujettes a l'espreuve, mays quand ilz sont ensemble, et que toute l'authorité ecclesiastique est ramassëe en un, qui peut conteroller l'arrest qui en sort? Si le sel s'esvanouÿt, en quoy le conservera-on? si les chefz sont aveugles, qui conduira le reste? si les colomnes tumbent, qui les soutiendra?.

  A001000887 

 Athanase dit que Mot Domini per æcumenicam Niceæ Sinodum manet in æternum; saint Gregoire Nazianzene, parlant des Apollinaristes, qui se ventoyent d'avoyr estés avoüés par un Concile Catholique, Quod si vel nunc, dict il, vel ante suscepti sunt, hoc ostendant et nos acquiescemus; perspicuum enim erit eos rectæ doctrinæ assentiri, nec enim aliter se res habere potest; saint Augustin dict que la celebre question du Baptesme, meüe par les Donatistes, fit douter plusieurs Evesques, donec, plenario totius orbis Concilio, quod saluberrime sentiebatur etiam remotis dubitationibus firmaretur; Defertur, dict Ruffin, ad Constantinum [218] sacerdotalis Concilii (Nicæni) sententia; ille tanquam a Deo prolatam veneratur, cui si quis tentasset obniti, velut contra divina statuta venientem in exilium se protestatur acturum. Que si quelqu'un pensoit, pour produire des analogies, des sentences de l'Escriture, des motz grecz et hebreux, quil luy fust permis de remettre en doute ce qui a desja esté determiné par les Conciles generaux, il faut quil produise des patentes du ciel bien signëes et scelees, ou quil die que chacun en peut autant faire que luy, et que tout est a la merci de nos subtiles temerités, que tout est incertain et sujet a la diversité des jugemens et considerations des hommes.

  A001000887 

 Qui ne sçait combien de passages l'Arrien produict? que luy peut on opposer sinon qu'il les entend mal? mays il a pleyne liberté de croire que c'est vous qui interpretes mal, non luy, que vous vous trompes, non luy, que son rapport a l'analogie de la foy est mieux cousu que le vostre, pendant quil ni a que les particuliers qui s'opposent a ses nouveautés.

  A001000893 

 .. comme traitte il le grand Concile de Nicee? par ce que le Concile defend estre receuz au ministere clerical ceux qui se sont taillés eux mesmes, et defend quand et quand aux Ecclesiastiques de tenir en leurs maysons [219] autres femmes que leurs meres et leurs seurs, hic prorsus, dict Luther, non intelligo Spiritum Sanctum in hoc Concilio. Et pourquoy? An debebit episcopus aut concionator illum intolerabilem ardorem et æstum amoris illiciti sustinere, et neque conjugio neque castratione se ab his periculis liberare? An vero nihil aliud est negotii Spiritui Sancto in Conciliis, quam ut impossibilibus, periculosis, non necessariis legibus suos ministros obstringat et oneret? Il n'excepte point de Concile, ains tient asseurement qu'un curé seul peut autant qu'un Concile: voyla l'opinion de ce grand reformateur..

  A001000893 

 Qui croiroit cecy de Luther, tant grand et glorieux reformateur? au dire de Beze.

  A001000894 

 Mays qu'ay je besoin de courir loin? de Beze dict, en l'Epistre au Roy de France, que vostre reformëe ne refusera l'authorité d'aucun Concile; voyla qui est bon, mays ce qui s'ensuit gaste tout: « pourveü, » dict il, « que la Parole de Dieu en face l'espreuve.

  A001000894 

 » Mays, mon Dieu, quand cessera on de brouiller? les Conciles, apres toute consultation, espreuve faite a la sainte pierre de touche de la Parole de Dieu, jugent et determinent d'un article; si apres tout cela il faut un'autre espreuve avant qu'on reçoive ceste determination,.. n'en faudra il encores une autre? qui ne voudra espreuver? et quand finira on jamais? apres l'espreuve faite par le Concile, de Beze et ses disciples veulent encores espreuver; et qui gardera a un autre d'en demander autant?.. pour sçavoir si l'espreuve du Concile a esté bien faite, pourquoy n'en faudra il une troysiesme pour sçavoir si la seconde est fidelle? et puys une quatriesme pour la troysiesme? tout sera a refaire, et la posterité ne se fiera jamais a l'antiquité, mays ira roulant et mettant ores dessus ores dessous les plus saintz articles de la foy en la roüe de l'entendement.

  A001000896 

 Mays i a il article auquel nous ayons different avec vous qui n'ait esté plusieurs fois condamné es saintz Conciles generaux ou particuliers generalement receus? et neantmoins vos ministres les ont reveillés sans honte, sans scrupule, nom plus que si c'eussent estés quelques saintz depostz et tresors cachés a l'antiquité, ou que l'antiquité eust serrés bien curieusement affin que nous en eussions la jouissance en cest aage..

  A001000896 

 Que veut dire que vous ne tenes conte de la realité du Cors de Nostre Seigneur au Saint Sacrement, que vous appelles superstition le tres saint Sacrifice qui se faict par les prestres, du mesme precieux Cors du Sauveur, et que vous ne voules point mettre difference entre l'Evesque et le prestre? puysqu'en ce grand Concile tout y est si expressement non ja defini mays presupposé comme chose toute notoire en l'Eglise.

  A001000897 

 .. sans authorité du supreme chef de l'Eglise, qui estoit Nostre Seigneur, lhors present d'une præsence visible, et lequel ilz estoyent obligés de reconnoistre: a la verité, quand le grand Sacrificateur est præsent visiblement, le vicayre ne se peut appeller chef, quand le gouverneur d'une forteresse est præsent, c'est a luy de donner le mot, non a son lieutenant.

  A001000897 

 Et neanmoins, Nostre Seigneur fit cest honneur a la sacrificature d'Aaron, que non obstant toute la mauvaise intention de ceux qui la possedoyent, le grand Prestre prophetisa et prononça une sentence tres certayne, Quia expedit ut unus moriatur homo pro populo, ut non tota gens pereat; ce quil ne dict pas de luy mesme et a cas, mays prophetiquement, dict l'Evangeliste, par ce quil estoit Pontife de ceste annëe la. Ainsy voulut Nostre Seigneur conduire ceste Sinagogue et l'authorité sacerdotale avec un remarquable honneur a la sepulture, pour luy faire succeder l'Eglise Catholique et le sacerdoce Evangelique; et la, ou la Sinagogue prit fin, qui fut en la resolution de faire mourir Nostre Seigneur, l'Eglise fut fondëe par ceste mort mesme: Opus consummavi quod dedisti mihi ut faciam, dict Nostre Seigneur aprës la cene, et en la cene Nostre Seigneur avoit institué le nouveau testament, si que le viel, avec ses ceremonies et son sacer [224] doce, perdit ses forces et ses privileges, quoy que la confirmation du nouveau ne se fit que par la mort du testateur, comme parle saint Pol.

  A001000897 

 Il ne faut donq plus mettre en conte les privileges de la Sinagogue, qui estoient fondés sur un testament viel, et abrogé quand ilz disoyent ces cruelles paroles, Crucifige, ou ces autres, Blasphemavit, quid adhuc egemus testibus? car ce n'estoyt autre qu'heurter a la pierre de choppement, selon les anciennes prædictions..

  A001000897 

 Je sçai qu'es Conciles il y a des articles pour l'ordre et police ecclesiastique, qui peuvent estre changés et ne sont que temporelz, mays ce n'est pas aux particuliers d'y mettre la main: la mesm'authorité qui les a dressés les doit abroger, si quelqu'autre s'en mesle c'est pour neant; et ce n'est pas la mesm'authorité si ce n'est un Concile, ou le chef general, ou la coustume de toute l'Eglise.

  A001000897 

 Quand aux decretz de la doctrine de la foi, ilz sont invariables; ce qui est une fois vray, l'est en eternité; aussi les Conciles appellent Canons ce quilz en determinent, par ce que ce sont Regles inviolables a nostre creance.

  A001000897 

 Tel ne fut pas nomplus l'assemblëe des prestres contre Nostre Seigneur, qui ne tint aucune [223] forme de Concile, mays fut une conspiration tumultuaire et sans aucune procedure requise,.. et laquelle tant s'en faut qu'elle eust asseurance en l'Escriture de l'assistence du Saint Esprit, qu'au contrayre elle en avoit esté declairëe privëe par les Prophetes; et de vray, la rayson vouloit que le Roy estant præsent les lieutenans perdissent l'authorité, et le grand Prestre præsent, la majesté du vicayre fut ravalëe a la condition des autres.

  A001000898 

 J'ay voulu lever occasion a ces deux objections qu'on faict contre l'infallible authorité des Conciles et de l'Eglise; les autres s'iront resoulvant cy apres, es essays particuliers que nous ferons de la doctrine Catholique: il n'y [a] chose si certayne qui n'ait des oppositions, mays la verité demeure ferme et glorieuse par les assautz de ses contraires.

  A001000912 

 Il ny a point de meilleur expedient au monde: ja que Calvin et Beze confessent que l'Eglise demeura pure les six premieres centeynes d'annees, [226] que nous regardions si vostre eglise est en mesme foy et doctrine que cellela; et qui nous pourra mieux tesmoigner la foy que l'Eglise suyvoit en ces anciens tems, que ceux qui vivoyent alhors avec elle et en sa table? qui pourra mieux desduire les deportemens de ceste celest'Espouse, en la fleur de son aage, que ceux qui ont eu cest honneur d'avoir les principaux offices chez Elle? Et de ce costé, les Peres meritent qu'on leur ajouste foy non pour l'exquise doctrine dont ilz estoyent pourveuz, mays pour la realité de leurs consciences, et la fidelité avec laquelle ilz ont marché en besoigne..

  A001000912 

 Theodose le Viel ne trouva poinct de meilleur moyen de reprimer les contentions survenues de son tems au faict de la religion que, suyvant le conseil de Sisinnius, de faire venir les chefz des sectes, et leur demander silz tenoyent les anciens Peres, qui avoyent eu charge en l'Eglise avant toutes ces disputes, pour gens de bien, saintz, bons Catholiques et apostoliques; a quoy les sectaires respondans qu'ouy, il leur repliqua: examinons donques vostre doctrine a la leur, et [si] elle se trouve conforme, retenons la, si moins, qu'on l'abolisse.

  A001000913 

 Nous ne les voulons pas icy pour autheurs de nostre foy, mays seulement pour tesmoins de la creance en laquelle vivoyt l'Eglise de ce tems la; personne n'en peut deposer plus pertinemment qu'eux qui y commandoyent, ilz sont irreprochables de tous costés; qui veut sçavoir le chemin que l'Eglise a tenu en ce tems la, quil le demande a ceux qui l'ont tres fidelement accompagnee: Sapientiam omnium antiquorum exquiret sapiens, et in prophetis vacabit; narrationem virorum nominatorum conservabit.

  A001000913 

 Or, qui ne voit qu'au premier cas c'est une impudence intolerable de refuser creance a ceste milliade de Martirs, Confesseurs, Docteurs qui nous ont præcedé? et si la foy de ceste ancienne Eglise nous doit servir de Regle pour bien croire, nous ne sçaurions mieux trouver ceste Regle qu'es escritz et depositions de ces tressaintz et signalés ayeulz ................................................... [228].

  A001000913 

 Outre cela, vous dites que vostre eglise a estëe taillëe.. a la regle et compas de l'Escriture; nous le nions, et disons que vous aves accourcy, estressy et plié ceste regle, comme faysoyent ceux de Lesbos, pour l'accomoder a vostre cerveau, et..... et reformëe selon la vraye intelligence de l'Escriture; nous le nions, et disons que les anciens Peres ont eu plus de suffisance et d'erudition que vous, et neantmoins ont jugé que l'intelligence des Escritures n'estoit pas telle que vous dittes; n'est ce pas une preuve tres certaine? Vous dites que selon les Escrittures il faut abolir la Messe; tous les anciens Peres le nient: a qui croirons nous, ou a ceste troupe d'Evesques et Martirs anciens, ou a ceste bande de nouveaux venuz? voyla ou nous en sommes.

  A001000913 

 Voicy nostre different: vous dites que vous aves reformé vostre eglise sur le patron [227] de l'Eglise ancienne; nous le nions, et prenons a tesmoins ceux qui l'ont veüe, qui l'ont conservëe, qui l'ont gouvernëe; n'est ce pas une preuve franche et nette de toute supercherie? icy nous ne produysons que la preudhommie et bonne foy des tesmoins.

  A001000920 

 Quand Nostre Seigneur impose un nom aux hommes, il leur faict tousjours quelque grace particuliere selon le nom quil leur baille: sil change le nom de ce grand pere des croyans, et d' Abram le faict Abraham, aussi de Pere eslevé il le faict Pere de multitude, apportant la rayson tout incontinent: Appellaberis Abraham, quia patrem multarum gentium constitui te; et changeant celuy de Sarai en Sara, de Madame particuliere qu'elle estoit chez Abraham, il la rend Dame generale des nations et peuples qui devoyent naistre d'elle.

  A001000920 

 Sil change Jacob en Israel, la rayson est en realité sur le champ: Par ce que si tu as esté puyssant contre Dieu, combien plus surmonteras tu les hommes? Si que Dieu, par les noms quil impose, ne marque pas seulement les choses nommëes, mays nous instruit de leurs qualités et conditions: tesmoins [229] les Anges, qui ne portent point de noms que selon leurs charges, et saint Jan Baptiste, qui porte la grace en son nom quil annonça en sa prædication; ce qui est ordinaire a ceste sainte langue des Israelites.

  A001000921 

 Mays quel nom luy donne il? nom plein de majesté, non vulgaire ni trivial, mays qui ressent sa superiorité et authorité, semblable a celuy d'Abraham mesme: car, si Abraham fut ainsy appelé par ce quil devoit estre pere de plusieurs peuples, saint Pierre a receu ce nom par ce que sur luy, comme sur une pierre ferme, devoit estre fondëe la multitude des Chrestiens; et c'est a ceste ressemblance que saint Bernard appelle la dignité de saint Pierre, « Patriarchat d'Abraham.

  A001000922 

 Mays en saint Pierre il donne un nom permanent, plein d'authorité, et qui luy est si particulier que nous pouvons bien dire, auquel des autres a il dict, tu es pierre? pour monstrer que saint Pierre a esté superieur aux autres..

  A001000924 

 Il ne parloit pas Latin, mays Syriac; il l'appella, donques, nompas Pierre mays Cepha, en ceste façon, Tu es Cepha, et super hoc cepha ædificabo; [232] comme qui diroit en Latin, Tu es Saxum, et super hoc saxum, ou en François, Tu es Roche, et sur ceste roche j'edifieray mon Eglise.

  A001000924 

 Maintenant, quel doute reste il que ce n'est qu'un mesme duquel il a dict, Tu es Roche, et duquel il dict, et sur ceste roche? certes, il ne s'estoit point parlé d'autre Cepha en tout ce chapitre la que de Simon; a quel propos donques allons nous rapporter ce relatif, hanc, a un autre Cepha que celuy qui est immediatement præcedent?.

  A001000924 

 Or, je vous prie, quelle apparence y a il que Nostre Seigneur eust faict ceste grande præface, Beatus es Simon Bar Jona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cælis est; et ego dico tibi, pour ne dire autre sinon, quia tu es Petrus, puys, changeant tout a coup de propos, il allast parler d'autre chose? Et puys, quand il dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, ne voyes vous pas quil parle notoirement de la pierre delaquelle il avoit parlé præcedemment? et de quell'autre pierre avoit il parlé que de Simon, au quel il avoit dict, Tu es Pierre? Mays voicy tout l'equivoque qui peut faire scrupule a vos imaginations; c'est que peut estre penses vous que comme Pierre est maintenant un nom propre d'homme, il le fut aussy alhors, et que Petrus ne soit pas la mesme chose que petra, et que, partant, nous passions la signification de Pierre a la pierre, par equivocque du masculin au feminin.

  A001000925 

 Certes, la [version] latine a asses d'autres argumentz pour faire connoistre que ceste pierre n'est autre que saint Pierre, et partant, pour accomoder le mot a la personne a qui on le bailloit pour nom, qui estoit masculine, il luy a baillé une terminayson de mesme, a l'imitation du Grec, qui avoit mis, Tu es πέτρος, et super hanc τῇ πέτρᾷ; mays il ne reussit pas si heureusement en Latin qu'en Grec, par ce qu'en Latin, Petrus ne veut pas dire petra, mays en Grec πέτρος et petra n'est qu'une mesme chose; comme en François rocher et roche [est le mesme,] toutefois, s'il me failloit approprier ou l'un ou l'autre a un homme, je luy appliqueroys plus tost le nom de rocher que de roche, pour la correspondance du mot masculin a la personne masculine.

  A001000925 

 Il reste que je vous die sur ceste interpretation quil ni a personne qui doute que Nostre Seigneur n'ait appellé saint Pierre Cepha, car saint Jan le monstre tres expressement, et saint Pol, aux Galates, ni que Cepha veuille dire une pierre ou un roch, ainsy que dict saint Hierosme..

  A001000925 

 Vous me dires: ouy, mais le Latin dict, Tu es Petrus, et non Tu es Petra; or, ce relatif hanc, qui est feminin, ne se sçauroit rapporter a Petrus, qui est masculin.

  A001000927 

 .. La pierre sur laquelle on releve l'edifice c'est la premiere, les autres s'affermissent sur elle, celles qu'elle ne soustient ne sont pas de l'edifice; on peut bien remuer les autres pierres sans que le bastiment tumbe, mays qui leve la fondamentale, renverse la mayson.

  A001000927 

 Nostre Seigneur, donques, qui compare son Eglise a un ædifice, quand il dict quil l'edifiera sur saint Pierre il monstre que saint Pierre en sera la pierre fondamentale, la racine de ce precieux arbre, le chef de [ce] beau cors.

  A001000928 

 La pierre sur laquelle on releve l'edifice c'est la premiere, les autres s'affermissent sur elle; on peut bien remuer les autres pierres sans ruyner l'edifice, mays qui leve la fondamentale, renverse la mayson: si donques les portes [234] d'enfer ne peuvent rien contre l'Eglise, elles ne peuvent rien contre son fondement et chef, lequel elles ne sçauroyent lever et renverser qu'elles ne mettent sans dessus dessous tout le bastiment.

  A001000929 

 Par ces parolles, Nostre Seigneur monstre que les pierres qui ne sont posëes et arrestëes sur ce fondement ne sont point de l'Eglise, ni [n'appartiennent] a cest edifice..

  A001000935 

 En ce cas donques, puysque nous voyons que l'Escriture nous enseigne qu'il ni a point d'autre fondement que Nostre Seigneur, et que la mesme nous enseigne clairement que saint Pierre l'est encores, et plus outre encores que tous les Apostres le sont, il ne faut pas refuser le premier enseignement pour le second, ni le second pour le troysiesme, ains les laysser tous troys en leur entier; ce qui se fera aysement si nous considerons ces passages a la bonne foy et franchement..

  A001000935 

 Si donques, disent ilz, tous les douze Apostres sont fondemens de l'Eglise, comment attribues vous ce tiltre a saint Pierre en particulier? et si saint Pol dict que personne ne peut mettre autre fondement que Nostre Seigneur, comme oses vous dire que par ces paroles, Tu es Pierre, et [235] sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, saint Pierre ayt esté estably pour fondement de l'Eglise? que ne dites vous plustost, dict Calvin, que ceste pierre sur laquelle l'Eglise est fondëe n'est autre que Nostre Seigneur? que ne dites vous plustost, dict Luther, que c'est la confession de foy que saint Pierre avoit faict? Mays a la verité, ce n'est pas une bonne façon d'interpreter l'Escriture, que de renverser l'un des passages par l'autre, ou l'etirer par une intelligence forcëe a un sens estrange et mal advenant; il faut y laisser tant qu'on peut la naifveté et suavité du sens qui s'y presente.

  A001000936 

 Et pour vray, Nostre Seigneur est l'unique fondement de l'Eglise: c'est le fondement de nostre foy, de nostr'esperance et charité; c'est le fondement de la valeur des Sacremens et de nostre fœlicité; et c'est encores le fondement de toute l'authorité et l'ordre ecclesiastique, et de toute la doctrine et administration qui s'y faict; qui douta jamays de cela? Mays, me dict on, sil est unique fondement, comment est ce que vous mettes encores saint Pierre pour fondement? 1.

  A001000937 

 Ceste si grande difference faict qu'en comparayson, l'un ne soit pas apellé fondement au pris de l'autre, qui neanmoins pris a part peut estre appellé fondement, affin de laisser lieu a la proprieté des Parolles saintes: ainsy qu'encores quil soit le bon Pasteur il ne laysse de nous en donner sous luy, entre lesquelz et sa majesté il y a si grande difference, que luy mesme monstre quil est le seul Pasteur..

  A001000937 

 Saint Pierre est fondement non fondateur de toute l'Eglise, fondement, mays fondé sur un autre fondement qui est Nostre Seigneur, fondement de la seule Eglise Evangelique, fondement sujet a succession, fondement de la [237] militante non de la triomphante, fondement par participation, fondement ministerial, non absolu, enfin administrateur et non seigneur, et nullement fondement de nostre foy, esperance et charité, ni de la valeur des Sacremens.

  A001000938 

 Au contraire, puys que Nostre Seigneur a dict en particulier et en termes particuliers a saint Pierre ce qui est dict par apres en general des autres, il faut conclure qu'il y a en saint Pierre quelque particuliere proprieté de fondement, et quil a esté luy en particulier ce que tout le college a esté ensemble.

  A001000938 

 Toute l'Eglise a esté fondëe sur tous les Apostres, et toute sur saint Pierre en particulier; c'est donq saint Pierre qui en est le fondement, pris a part, ce que les autres ne sont pas, car a qui a il jamays esté dict en particulier, Tu es Pierre, etc.? Ce seroit violer l'Escriture, qui diroit que tous les Apostres en general n'ont pas esté fondement de l'Eglise; ce seroit aussy la violer, qui nieroit que saint Pierre ne l'eust esté particulierement: il faut que la parole generale sortisse son effect general, et la particuliere, le particulier, affin que rien ne demeure inutile et sans mistere en des si misterieuses Escritures..

  A001000939 

 Et c'est ainsy que s'entend le lieu de l'Apocalipse; car les douze Apostres sont apellés fondemens de la celeste Hierusalem, par ce que ce ont esté les premiers qui ont converty le monde a la religion Chrestienne, qui a esté comme jetter les fondements de la gloire des hommes et la semence de leur bienheureuse immortalité.

  A001000939 

 Mays le lieu de saint Pol semble ne s'entendre pas tant de la personne des Apostres que de leur doctrine; car il n'est pas dict que nous soyons suredifiés sur les Apostres, mays, sur le fondement des Apostres, c'est a dire, sur la doctrine quilz ont annoncëe: ce qui est aysé a reconnoistre, puysqu'il ne dict pas seulement que nous sommes sur le fondement des Apostres, mays encores des Prophetes, et nous sçavons bien que les Prophetes n'ont pas autrement estés fondemens de l'Eglise Evangelique que par leur doctrine.

  A001000939 

 Voyons seulement a quelle rayson generale tous les Apostres sont apellés fondemens de l'Eglise: et c'est par ce que ce sont eux qui par leur prædication ont planté la foy et doctrine Chrestienne; en quoy sil faut donner prærogative a quelqu'un des Apostres, ce sera a celuy la qui disoit: Abundantius illis omnibus [238] laboravi.

  A001000946 

 Et bien que saint Pierre ne fut pas encor chef et prince de l'Eglise, ce qui luy fut seulement conferé apres la resurrection du Maistre, il suffit quil estoit desja choisy pour tel et quil en avoit les erres; comme aussi les Apostres n'avoyent pas encores le pouvoir Apostolique, cheminans toute ceste benite compaignie plus comme disciples avec leur regent, pour apprendre les profondes leçons quilz ont par apres enseignëes aux autres, que comme Apostres ou envoyés, ce quilz firent despuys, lorsque le son de leur voix retentit par tout le monde.

  A001000946 

 Et ne nie pas nom plus que le reste des prælatz de l'Eglise n'ayent eu part [241] a l'usage des clefz; et quand aux Apostres, je confesse quilz y ont eu tout'authorité: je dis seulement que la collation des clefz est icy promise principalement a la personne de saint Pierre, et a l'utilité de toute l'Eglise; car encor que ce soit luy qui les ayt recettes, si est ce que ce n'est pas pour son prouffit particulier, mays pour celuy de l'Eglise.

  A001000946 

 Mays si cecy n'est violer l'Escriture, jamays homme ne la viola; car n'estoit ce pas a saint Pierre a qui il parloit? et comme pouvoit il mieux exprimer son intention que de dire, Et ego dico tibi; Dabo tibi? et puysque immediatement il venoit de parler de l'Eglise, ayant dict, portæ inferi non prævalebunt adversus eam, qui l'eust gardé de dire, et dabo illi claves regni, sil les eust voulu donner a toute l'Eglise immediatement? or il ne dict pas illi, mays, dabo tibi.

  A001000946 

 Que sil est permis d'aller ainsy devinant sur des paroles si claires, il ny aura rien en l'Escriture qui ne se puysse plier a tous sens: quoy que je ne nie pas que saint Pierre en cest endroit ne parlast en son nom et de toute l'Eglise, quand il fit ceste noble confession; non ja comme commis par l'Eglise ou par les disciples (car nous n'avons pas un brin de marque de ceste commission en l'Escriture, et la revelation sur laquelle il fonde sa confession avoit esté faite a luy seul, sinon que tout le college des Apostres eut nom Simon Barjona), mays comme bouche, prince et chef des autres, selon saint Chrysostome et saint Cyrille, et « pour la primauté de son apostolat, » comme dict saint Augustin.

  A001000947 

 Mays on me demandera quelle difference il y a entre la promesse que Nostre Seigneur faict icy a saint Pierre de luy donner les clefz, et celle quil fit aux Apostres par apres; car, a la verité, il semble que ce n'estoit que la mesme, par ce que Nostre Seigneur explicant ce quil entendoit par les clefz, il dict: Et quodcumque ligaveris super terram erit ligatum et in cælis, et quodcumque solveris, qui n'est autre que ce quil dict aux Apostres en general, quæcumque alligaveritis.

  A001000948 

 Je respons qu'en la promesse, et en l'execution de la promesse, Nostre Seigneur a tousjours præferé saint Pierre, par des termes qui nous obligent a croire quil a esté chef de l'Eglise..

  A001000950 

 A la verité, quand l'Escriture veut ailleurs declairer une sauveraine authorité, elle a usé de semblables termes: en l'Apocalipse, quand Nostre Seigneur se veut faire connoistre a son serviteur, il luy dict: Ego sum primus et novissimus, et vivus et fui mortuus, et ecce sum vivens in secula seculorum; et habeo claves mortis et inferni; qu'entend il par les clefz de la mort et de l'enfer, sinon la supreme puyssance et sur l'un et sur l'autre? et la mesme quand il est dict de Nostre Seigneur, Hæc dicit sanctus et verus, qui habet clavem David, qui aperit et nemo claudit, claudit et nemo aperit, que pouvons nous entendre que la supreme authorité en l'Eglise? et ce que l'Ange dict a Nostre Dame, Dabit illi Dominus sedem David patris ejus et regnabit in domo Jacob in æternum? le Saint Esprit nous faysant connoistre la royauté de Nostre Seigneur ores par le siege ou trosne, ores par les clefz..

  A001000950 

 Et qui ne sçait qu'un maistre partant de sa mayson, sil laisse les clefz a quelqu'un, que ce n'est sinon luy en laysser la charge et le gouvernement? Quand les princes font leurs entrëes es villes, on leur presente les clefz, comme leur deferans la sauveraine authorité; c'est donq la supreme authorité que Nostre Seigneur promet icy a saint Pierre.

  A001000951 

 I a il rien de plus coignant que ces deux Escrittures? Car, Beatus es, Simon Barjona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cælis est, ne vaut il pas bien pour le moins, Vocabo servum meum Eliakim filium Helciæ? et, Ego dico tibi quia tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi, etc., ne vaut il pas tout autant, Induam illum tunica tua, et cingulo tuo confortabo eum, et potestatem tuam dabo in manu ejus, et erit quasi pater habitantibus Hierusalem et domui Juda? et qu'est ce autre chose estre le fondement ou pierre fondamentale d'une famille, que d'y estre comme pere, y avoir la surintendence, y estre gouverneur? Que si l'un a eu ceste asseurance, Dabo clavem David super humerum ejus, l'autre n'en a pas eu moins, qui a ceste promesse, Et tibi dabo claves regni cælorum; que si quand l'un aura ouvert, personne ne fermera, quand il aura fermé personne n'ouvrira, aussi, quand l'autre aura deslié personne ne liera, quand il aura lié personne ne desliera.

  A001000951 

 La, donques, est descritte la deposition d'un sauverain Prestre et gouverneur du Temple: Hæc dicit Dominus Deus exercituum: vade, ingredere ad eum qui habitat in tabernaculo, ad Sobnam, præpositum Templi, et dices ad eum: quid tu hic? et plus bas: deponam te.

  A001000951 

 Mays sur tout, le commandement qui est faict en Isaie pour Eliakim, s'apparie de toutes pieces a celuy que Nostre Seigneur faict icy a saint Pierre.

  A001000951 

 Voila la deposition de l'un, voici maintenant l'institution de l'autre: Ecce in die illa vocabo servum meum Eliakim, filium Helciæ, et induam illum [243] tunica tua, et cingulo tuo confortabo eum, et potestatem tuam [dabo] in manu ejus, et erit quasi pater habitantibus Hierusalem et domui Juda; et dabo clavem domus David super humerum ejus, et aperiet et non erit qui claudat, et claudet et non erit qui aperiat.

  A001000952 

 Et a la verité, il fut convenable que les Apostres, qui devoyent par tout planter l'Eglise, eussent tous plein pouvoir et entiere authorité d'user des clefz et pour l'exercice d'icelles; et fut tres necessaire [245] encores que l'un d'entr'eux en eust la garde par office et dignité, ut Ecclesia quæ una est, comme dict saint Cyprien, super unum, qui claves ejus accepit, voce Domini fundaretur..

  A001000952 

 Et quelle difference y a il? certes, toute telle quil y a entre la proprieté d'une authorité et l'usage: il se peut bien faire qu'un roy vivant, il ait ou la reyne ou son filz qui ait tout autant de pouvoir que le roy mesme a chastier, absoudre, donner, faire grace; il n'aura pourtant pas le sceptre, mays l'usage seulement; il aura bien la mesm'authorité, mays nom pas quand a la proprieté, ains seulement quand a l'usage et l'exercice; tout ce quil aura faict sera faict, mays il ne sera pas chef ni roy, ains faudra quil reconnoisse que son pouvoir est extraordinaire, par commission et delegation, au lieu que le pouvoir du roy, qui ne sera point plus grand, sera ordinaire et par proprieté.

  A001000952 

 Voyla que c'est qu'importe ceste promesse de donner les clefz a saint Pierre, promesse qui ne fut onques faitte aux autres Apostres: mays je dis que ce n'est pas tout un de promettre les clefz du Royaume, et de dire, quodcumque solveris, quoy que l'un soit explication de l'autre.

  A001000955 

 Je vous prie, ceste grace si particuliere et qui ne fut pas commune aux autres, tesmoin saint Thomas, ne monstre elle pas que saint Pierre estoit celluy la qui [246] major erat inter eos? tous sont tentés, et on ne prie que pour l'un.

  A001000955 

 Mays les paroles suivantes rendent tout cecy tres evident; car quelque Protestant pourroit dire quil a prié pour saint Pierre en particulier pour quelque autre respect que l'on peut imaginer (car l'imagination fournit tousjours asses d'appuy a l'opiniastreté), non par ce quil fut chef des autres, et que la foy des autres fut maintenue en leur pasteur: au contraire, Messieurs, c'est affin que, aliquando conversus confirmet fratres suos; il prie pour saint Pierre comme pour le confirmateur et l'appuy des autres, et cecy qu'est ce, que le declairer chef des autres? On ne sçauroit, a la verité, donner commandement a saint Pierre de confirmer les Apostres, qu'on ne le chargeast d'avoir soin d'eux; car, comme pourroit mettre ce commandement en faict, sans prendre garde a la foiblesse ou fermeté des autres pour les affermir et rasseurer? N'est ce pas le redire encor une fois fondement de l'Eglise? sil appuÿe, rasseure, affermit ou confirme les pierres mesme fondamentales, comme n'affermira il tout le reste? sil a charge de soutenir les colomnes de l'Eglise, comme ne soustiendra il tout le reste du bastiment? sil a charge de repaistre les pasteurs, ne sera il pas sauverain pasteur luy mesme? Le jardinier qui voit les ardeurs du soleil continuelles sur une jeune plante, pour la præserver de l'assechement qui la menace, ne porte de l'eau sur chasque branche, mais ayant bien trempé la racine croit que tout le reste est en asseurance, par ce [247] que la racine va dispersant l'humeur a tout le reste de la plante: ainsy Nostre Seigneur ayant planté ceste saint'assemblëe de Disciples, pria pour le chef et la racine, affin que l'eau de la foy ne manquast point a celuy qui devoit en assaisonner tout le reste, et que par l'entremise du chef, la foi fust tousjours conservëe en l'Eglise; il prie donques pour saint Pierre en particulier, mays au prouffit et utilité generale de toute l'Eglise..

  A001000955 

 Nostre Seigneur, qui devoit maintenir la foy en son Eglise, n'a point prié pour la foy d'aucun des autres en particulier, mays seulement de saint Pierre comme chef: car, quelle rayson penserions nous en ceste prærogative, Expetivit vos, tous tant que vous estes, ego autem rogavi pro te? n'est ce pas le mettre luy tout seul en conte pour tous comme chef et conducteur de toute la troupe? Mays qui ne voit combien ce lieu est pregnant a ceste intention? Regardons ce qui precede, et nous y trouverons que Nostre Seigneur avoit declaré a ses Apostres quil y en avoit un entr'eux plus grand que les autres, qui major est inter vos, et qui præcessor; et tout d'un train Nostre Seigneur luy va dire que l'adversaire cherchoyt de les cribler, tous tant quilz estoyent, et neantmoins quil avoit prié pour luy [en] particulier, affin que sa foy ne manquast.

  A001000962 

 Il y a des autres pasteurs en l'Eglise; chacun doit pascere gregem qui in se est, comme dict saint [249] Pierre, ou celuy in quo eum posuit Spiritus Sanctus Episcopum, selon saint Pol; mays, Cui unquam aliorum sic absolute, sic indiscrete, dict saint Bernard, [totæ] commissæ sunt oves, Pasce oves meas?.

  A001000962 

 Mays au quel des autres dict il jamais en particulier, Pasce oves meas? ce fut le seul saint Pierre qui eut ceste charge; ilz furent egaux en l'apostolat, mays quand a la dignité pastorale saint Pierre seul en a eu ceste institution, Pasce oves meas.

  A001000963 

 Ce n'est que saint Pierre qui fut fasché, ce n'est que saint Pierre auquel la mort est præditte; quelle occasion donques y peut il avoir [250] de douter si ceste parolle, Pasce oves meas, qui est jointte a toutes ces autres, s'addresse a luy seul?.

  A001000963 

 Ce n'est que saint Pierre qui s'appelle Simon Joannis, ou Jonæ (que l'un vault l'autre, et Jona n'est que l'abbregé de Joannah ), et affin qu'on sache que ce Simon Joannis est bien saint Pierre, saint Jan atteste que c'estoit Simon Petrus: Dicit Jesus Simoni Petro, Simon Joannis, diligis me plus his? c'est donq saint Pierre en particulier auquel Nostre Seigneur dict, Pasce oves meas.

  A001000963 

 Et que ce soit bien a saint Pierre a qui ces paroles s'addressent, je m'en rapporte a la sainte Parole.

  A001000965 

 C'est que par trois fois Nostre Seigneur luy recharge de faire office de pasteur, luy disant, p nt, Pasce agnos meos, 2 nt, oviculas, 3 nt oves; non seulement affin de rendre ceste [253] institution plus solemnelle, mays pour monstrer quil luy donnoit en charge non seulement les peuples, mays les pasteurs et Apostres mesme, qui, comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont meres..

  A001000965 

 Qui veut avoir cest honneur d'estre brebis de Nostre Seigneur, il faut quil reconnoisse saint Pierre, ou celuy qui tient sa place, pour son berger: Si me amas, dict saint Bernard, pasce oves meas.

  A001000969 

 Ni ce quil semble quil ne conneust pas que les Gentilz deussent appartenir a la bergerie de Nostre Seigneur, qui luy estoit commise; car ce quil dict au bon Cornelius, In veritate comperi quia non est personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui timet eum et operatur justitiam acceptus est illi, n'est pas autre chose que ce quil avoit dict long tems au paravant, Omnis quicumque invocaverit nomen Domini salvus erit, et la prædiction quil avoit expliquëe, In semine tuo benedicentur omnes familiæ terræ; mays il n'estoit pas asseuré du tems auquel il failloit commencer la reduction des Gentilz, suyvant la sainte parole du Maistre, Eritis mihi testes in Hierusalem, et in omni Judæa, et Samaria, et usque ad ultimum terræ, et celle de saint Pol, Vobis quidem oportebat primum loqui Mot Dei, sed quoniam repellitis, ecce convertimur ad Gentes: [255] mesme que Nostre Seigneur avoit desja ouvert le sens des Apostres a l'intelligence de l'Escriture, quand il leur dict que oportebat prædicari in nomine ejus pænitentiam et remissionem peccatorum in omnes gentes, incipientibus a Hierosolima..

  A001000972 

 Ni, en fin, ce qu'on faict sonner si haut, que saint Pol a repris en face saint Pierre; car chacun sçait quil est permis au moindre de reprendre le plus grand et de l'admonester quand la charité le requiert: tesmoin [256] nostre saint Bernard en ses Livres De Consideratione; et sur ce propos le grand saint Gregoire dict ces paroles toutes dorëes: Factus est sequens minoris sui, ut in hoc etiam præiret; quatenus qui primus erat in apostolatus culmine, esset primus [et] in humilitate..

  A001000979 

 Il y a des autres pasteurs en l'Eglise; chacun doit repaistre le troupeau qui est en luy, Pascite gregem qui in vobis est, dict saint [249] Pierre, ou celuy auquel le S t Esprit l'a mis Evesque, In quo, dict S t Pol, vos posuit Spiritus Sanctus Episcopos; mays auquel des autres fut il onques dict tant absolument et indifferemment: Repais mes brebis? Cui unquam aliorum, dict saint Bernard, sic absolute, sic indiscrete commissœ sunt oves, Pasce oves meas?.

  A001000982 

 Mais, sur tout, l'authorité qui est donnee a S t Pierre par ces paroles, Pasce oves meas, est si generale qu'elle s'estend sur tous les fideles mortelz, et le commandement y est si particulier quil ne s'addresse qu'a S t Pierre.

  A001000982 

 Mays nostre S t Bernard ne me permet pas que j'oublie que N. S r fit trois repetitions ou recharges a S t Pierre; luy disant, p nt, Pasce agnos meos, 2 nt, oviculas, 3 nt, oves; non seulement affin de rendre ceste [253] institution plus solemnelle, mays encores pour monstrer qu'il luy donnoit en charge non seulement les peuples, qui sont comme agneaux et brebiettes, mays encores les pasteurs et Apostres, qui, comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont meres..

  A001000982 

 Qui veut avoir cest honneur d'estre brebis de Jesus Christ, il faut qu'il reconnoisse S t Pierre, ou son successeur, pour berger et pasteur: Si me amas, dict S t Bernard, pasce oves meas.

  A001000986 

 Ce qui le tenoit en doute, c'estoit le tems et le point auxquelz il failloit mettre la faucille en ceste moisson du gentilisme; suivant la sainte parole du Maistre, Eritis mihi testes in Hierusalem, et in omni Judæa, et Samaria, et usque ad ultimum terræ, et celle de saint Pol, Vobis quidem oportebat primum loqui Mot Dei, sed quoniam repellitis, ecce convertimur ad Gentes.

  A001000986 

 Ni ce quil semble que S t Pierre ne conneust pas que les Gentilz deussent appartenir a la bergerie de N. S r; car ce qu'il dict au bon capitaine Cornelius, In veritate comperi quia non est personarum acceptor Deus, sed in omni gente qui timet eum et operatur justitiam acceptus est illi, n'est pas autre chose que ce qu'il avoit dict long tems au paravant, Omnis quicumque invocaverit nomen Domini salvus erit, et la prediction qu'il avoit expliquee, In semine tuo benedicentur omnes familæ terræ.

  A001000989 

 Ni, en fin, ce qu'on faict sonner si haut, que S t Pol a repris en face S t Pierre; car chacun sçait qu'il est permis au moindre de reprendre le plus grand, et de l'admonester avec charité et sousmission: tesmoin [256] S t Bernard en ses Livres ad Eugenium; et sur ce propos le grand S t Gregoire dict ces paroles toutes dorees: Factus est sequens minoris sui, ut in hoc etiam præiret; quatenus qui primus erat in apostolatus culmine, esset primus in humilitate..

  A001000995 

 Il C'est chose bien digne de consideration en ce faict, que jamais les Evangelistes ne nomment les Apostres ensemble avec saint Pierre, quilz ne le mettent tousjours au haut bout, tousjours en teste de la troupe: ce qui ne peut estre faict a cas et fortune; tant par ce que c'est une observation perpetuelle es Evangiles, et que ce ne sont pas quatre ou cinq fois quilz sont nommés ensemble, mays tres souvent ou tous ou une partie, qu'aussi qu'es autres Apostres, les Evangelistes [257] n'observent point d'ordre: Duodecim Apostolorum nomina sunt hæc, dict saint Mathieu: primus Simon, qui dicitur Petrus, et Andreas frater ejus, Jacobus Zebedæi et Joannes frater ejus, Philip pus et Bartholomœus, Thomas et Mathœus publicanus, Jacobus Alphœi et Thaddœus, Simon Cananœus, et Judas Iscariotes qui tradidit eum. Saint Marc met saint Jaques second, saint Luc le met troysiesme; saint Mathieu met......

  A001000996 

 ; saint Mathieu met saint Jaques 3., saint Marc le met 2 d: bref, il ni a que saint Philippe, saint Jaques Alphæi et Judas qui ne soient tantost plus haut tantost plus bas.

  A001000996 

 C'est chose bien digne de consideration en ce faict, que jamais les Evangelistes ne nomment ou tous les Apostres ou une partie d'iceux ensemble, quilz ne mettent tousjours saint Pierre au haut bout, tousjours en teste de la trouppe: ce qu'on ne sçauroit penser estre faict a cas fortuit, car c'est une observation perpetuelle entre les Evangelistes, et ce ne sont pas quattre ou cinq fois quilz sont nommés ainsy ensemble, mays tressouvent, et d'ailleurs, es autres Apostres, ilz n'observent point d'ordre: Duodecim Apostolorum nomina hœc sunt, dict saint Mathieu: primus Simon, qui dicitur Petrus, et Andreas frater ejus, Jacobus Zebedæi et Joannes frater ejus, Philippus et Bartholomœus, Thomas et Mathœus publicanus, Jacobus Alphœi et Thaddœus, Simon Cananœus et Judas Iscariotes.

  A001000996 

 Il nomme saint André le second, saint Marc le nomme le 4., et, pour mieux monstrer quil [n']importe, saint Luc qui l'a mis en un lieu le 2., le met en l'autre le 4.

  A001000996 

 Quand les Evangelistes [258] nomment tous les Apostres ensemble, ailleurs, il ni a du tout point d'observation, sinon en saint Pierre qui va devant par tout.

  A001000997 

 Dixit Petrus, et qui cum illo erant.

  A001000997 

 Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie Apostolique, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite: Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant.

  A001000997 

 Petrus vero, et qui cum illo erant, gravati erant somno.

  A001000998 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cæteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, Dicite discipulis ejus, et Petro? Pierre estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins ou plus que les autres, ou il estoit esgal: jamais homme, sil n'est du tout desesperé, ne dira quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Andreæ, ou Joanni? Certes, il faut que ce soit quelque particuliere qualité qui soit en luy plus qu'es autres, et quil ne fut pas simple Apostre; de maniere qu'ayant dict, Dicite discipulis, ou, Sicut cæteri discipuli, on peut encor demeurer en doute de saint Pierre, comme plus qu'Apostre et disciple..

  A001000999 

 Mays a la verité, il y a trop d'occasion de douter si en l'original et anciennement Pierre estoit nommé le premier ou le second, pour vouloir tirer aucune conclusion valable de ce seul lieu: car saint Augustin, saint Ambroise, saint Hierosme, tant au Commentaire qu'au texte, ont escrit [260] Pierre, Jaques, Jan, ce quilz n'eussent jamais faict silz n'eussent trouvé en leurs exemplaires ce mesm'ordre, autant en a faict saint Chrysostome, au Commentaire; ce qui monstre la diversité des exemplaires, qui rend la conclusion de part et d'autre douteuse.

  A001000999 

 Mays quand bien ceux que nous avons maintenant seroyent originaires, on ne sçauroit que deduyre de ce seul passage contre l'ordre de tant d'autres; car il se peut faire que saint Pol tient l'ordre du tems auquel il a receu la main d'association, ou que, sans s'amuser a l'ordre, il ait escrit le premier qui luy revint.

  A001000999 

 Mays saint Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apostres, c'est a sçavoir, quil y en avoit un premier, tout le reste egal, sans second ni troysiesme: Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus; il ne dict poinct, secundus Andreas, tertius Jacobus, mays les va nommant simplement, pour nous faire connoistre que pourveu que saint Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et qu'entr'eux il ni avoit point de præseance.

  A001001000 

 Et quand aux autres privileges, qu'on me les cotte par ordre, on n'en trouvera point de particuliers en saint Pierre que ceux qui le rendent chef de l'Eglise.

  A001001000 

 On respond a cecy que si les Evangelistes ont nommé saint Pierre le premier, ç'a esté par ce quil estoit le plus avancé en aage entre les Apostres, ou pour quelques privileges qui estoyent en luy.

  A001001000 

 Pourquoy dict on que saint Pierre fut le plus viel, puysque c'est une pure fantasie, qui n'a point de fondement en l'Escriture et est contraire aux Anciens? que ne dict on plus tost quil estoit celuy sur lequel Nostre Seigneur fondoit son Eglise, auquel il avoyt baillé les clefz du royaume des cieux, qui estoit le confirmateur des freres? car tout cecy est de l'Escriture: ce qu'on veut soustenir est soustenu, sil a fondement en l'Escriture ou non, il n'importe.

  A001001005 

 Dixit Petrus, et qui cum illo erant.

  A001001005 

 Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie des Apostres, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite: Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant.

  A001001005 

 Petrus vero, et qui cum illo erant, gravati sunt somno.

  A001001007 

 Au reste, S t Mathieu nous monstre clairement quel ordre il y avoit entre les Apostres, a sçavoir, quil y en avoit un premier et tout le reste egal, sans second ni troysiesme: Primus, dict il, Simon, qui dicitur Petrus; il ne dict poinct, secundus Andreas, tertius Jacobus, mays les va nommant simplement, pour nous faire connoistre que pourveu que S t Pierre fut premier, tout le reste estoient a mesme, et ny avoit plus de precedence.

  A001001007 

 Mays que pourroit on deduire de ce seul passage contre l'ordre de tant d'autres? car il se peut faire que S t Pol tient l'ordre du tems auquel il a receu la main d'association, et qu'il l'ait receue premierement de S t Jaques, ou que, sans s'amuser a l'ordre, il ait mis le premier celuy qui le premier luy revint.

  A001001007 

 Seulement une fois S t Pierre est nommé apres S t Jaques: Jacobus, Cepbas et Joannes dextras dederunt societatis. Mays a la verité, il y a trop de quoy douter que l'original ne fust pas de la façon, pour tirer aucune conclusion valable de ce seul passage: car S t Augustin, S t Ambroise, S t Hierosme, tant en leurs Commentaires qu'au texte, [260] n'ont pas escrit Jaques, Pierre et Jan, mays Pierre, Jaques, Jan, autant en a faict S t Chrysostome, au Commentaire; qui monstre la diversité des exemplaires, et rend la conclusion de part et d'autre douteuse.

  A001001008 

 Dignité laquelle on ne peut rejetter sur la viellesse de S t Pierre, car ce seroit une pure fantasie, et une trop grosse excuse a l'opiniastreté, qui n'a point de fondement en l'Escriture, et est contraire a la tradition des Anciens; et qu'il ne fut pas le plus ancien Apostre, l'Escriture le monstre ouvertement qui tesmoigne que S t André l'amena a N. S r; et quand aux autres qualités et conditions de S t Pierre, on n'en trouvera point de particulieres qui le puissent avancer plus que les autres, sinon celles qui le rendent chef de l'Eglise.

  A001001014 

 Si je voulois apporter icy tout ce qui s'en trouve, je ferois aussi grande ceste preuve que je veux faire toute ceste Partie; et ne me cousteroit guere, car cest excellent theologien Robert Belarmin me mettroit beaucoup de choses en main, mays sur tout le docteur Nicolas Sander a traité ce sujet si solidement et amplement, qu'il est malaysé d'en dire rien quil n'ayt dict et escrit en ses Livres De la Visible Monarchie: j'en præsenteray quelques pieces..

  A001001017 

 Nostre Seigneur qui paie tribut, comme chef de mayson, et apres luy saint Pierre, comme son lieutenant..

  A001001020 

 Si aux retz et filetz, c'est saint Pierre qui les jette en mer, c'est saint Pierre qui les tire, les autres disciples y sont coadjuteurs; c'est saint Pierre qui les met a port, et presente les poissons a Nostre Seigneur..

  A001001025 

 Dites maintenant, en conscience, comme pouvoit Nostre Seigneur tesmoigner plus vivement son intention? l'opiniastreté ne voit goutte parmi tant de lumieres? Saint André vint le premier a la suite de Nostre Seigneur, ce fut luy qui y amena son frere saint Pierre, et saint Pierre præcede par tout; que veut dire cela, sinon que l'avantage que l'un avoit en tems, l'autre l'avoit en dignité?.

  A001001026 

 C'est luy qui le premier proposa de faire un Apostre; qui n'estoit pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays saint Pierre, enseignant l'Eglise, monstre, et que Judas avoit perdu son apostolat, [265] et quil en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de cest'authorité, qui continue es autres apres la mort, et delaquelle ilz feront encor exercice au jour du jugement, lhors quilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001027 

 Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le Saint Esprit, que saint Pierre, comme chef de l'embassade Evangelique, estant avec ses onse compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salut aux Juifz en Hierusalem: c'est le premier catechiste de l'Eglise, et qui preche la pœnitence; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays saint Pierre seul respond pour tous, comme chef de tous..

  A001001029 

 Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel de l'Eglise, pour chastier le mensonge? c'est saint Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire: de la vient la haine que tous les menteurs [266] portent a son Saint Siege, par ce que, comme dict saint Gregoire, Petrus mentientes verbo occidit..

  A001001030 

 C'est le premier qui reconnoit l'erreur et refute l'heresie, en Simon Magus; de la vient la hayne irreconciliable de tous heretiques a son Siege..

  A001001031 

 C'est le premier qui resuscita les morts, quand il prie pour la devote Tabite..

  A001001032 

 C'est le premier qui commande qu'on baptise les payens..

  A001001032 

 Est il tems de mettre la main a la moyson du paganisme? c'est saint Pierre a qui s'en addresse la revelation, comm'au chef de tous les ouvriers et l'œconome de la metairie.

  A001001043 

 Qui lira attentivement les Escritures verra par tout ceste primauté de S t Pierre..

  A001001045 

 Si vous la dites semblable a une famille, il ny a que Nostre [263] Seig r qui paie tribut, comme chef de mayson, et apres luy S t Pierre, comme son lieutenant..

  A001001048 

 Si vous l'accompares aux retz et filetz, c'est S t Pierre qui les jette en mer, c'est S t Pierre qui les tire, qui les met a port, et presente les poissons a Nostre Seig r; les autres disciples n'y sont que coadjuteurs..

  A001001053 

 Dites maintenant, en conscience, comme pouvoit Nostre S r tesmoigner plus vivement son intention et nostre creance? se peut il faire que l'opiniastreté ne voye goutte parmi tant de lumieres? S t André vint le premier a la suite de N. S., ce fut luy qui amena S t Pierre son frere, mays ce dernier venu precede par tout; que veut dire cela, sinon que l'avantage que l'un avoit en tems, l'autre l'avoit en dignité?.

  A001001054 

 Il a le premier soin de la restauration et creüe de la compaignie Apostolique, comme chef et general: c'est luy qui le premier propose de faire un nouvel Apostre; qui ne fut pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays S t Pierre, enseignant l'Eglise, monstra, et que Judas avoit perdu son apostolat [265] et qu'il en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de ceste authorité, qui continue es autres apres la mort, et de laquelle ilz feront exercice au jour du jugement, lhors qu'ilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001055 

 Les Apostres et Disciples n'ont pas plus tost receu le S t Esprit, que S t Pierre, comme chef de l'embassade Evangelique, estant avec ses onze compagnons, commence a proposer, selon sa charge, la sainte nouvelle de salvation aux Juifz en Hierusalem: c'est le premier catechiste de l'Eglise, et qui preche la penitence; les autres sont avec luy, et on les interroge tous, mays S t Pierre seul respond pour tous, comme chef de la troupe..

  A001001057 

 Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel pour chastier le mensonge? c'est S t Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire: de la vient la haine que les faux [266] docteurs portent a son Saint Siege et succession, par ce que, comme dict S4 Gregoire, Petrus mentientes verbo occidit..

  A001001058 

 C'est le premier qui reconnoit l'erreur et refute l'heresie, en Simon le Magicien; et c'est pourquoy les heretiques ont inimitié irreconciliable avec son Siege..

  A001001059 

 C'est le premier qui resuscita les morts, priant pour la devote Tabite..

  A001001060 

 C'est le premier qui commande qu'on baptise les payens..

  A001001070 

 Ceux la donques la forcent, qui y apportent un sens nouveau, qui la tirent contre la nature de ses paroles et contre le sens de l'antiquité: ce que sil est loysible a chacun, l'Escriture ne servira plus que de jouët aux cerveaux fantasques et opiniastres..

  A001001070 

 Pour vray, l'Escriture suffit, mays considerons qui la force et viole.

  A001001071 

 Par la preseance et preeminence de ces trois sieges, l'Eglise ancienne a asses tesmoigné qu'elle tenoit saint Pierre pour son chef, qui les avoit fondés; autrement, que ne mettoit elle encor en semblable rang le siege d'Ephese, fondé par saint Pol, confirmé et affermi par saint Jan, ou le siege de Hierusalem, auquel saint Jaques avoit conversé et præsidé?.

  A001001071 

 Que quand a celuy de Constantinople et de Hierusalem, qui lira ces Conciles verra la difference en laquelle on les tient d'avec ces trois autres, fondés par saint Pierre; non que le Concile de Nicëe parle du siege de Constantinople, car Constantinople n'estoit encores rien en ce tems la, n'ayant esté eslevëe que par le grand Constantin, qui la dedia et nomma l'an 25 de son Empire, mays le Concile de Nicëe traitte du siege de Hierusalem, et celuy de Calcedoine, de celuy de Constantinople.

  A001001072 

 Que tesmoignoit elle autre, quand, es lettres publiques et patentes quilz appelloyent anciennement formëes, apres la premiere lettre du Pere, Filz, et Saint Esprit, [270] on y mettoit la premiere lettre de Petrus, sinon qu'apres Dieu tout puyssant, qui est le Roy absolu, l'authorité du lieutenant est en grand pris vers ceux qui sont bons Chrestiens?.

  A001001073 

 Quand au consentement des Peres sur ce faict, Sanderus a levé tout'occasion a la posterité d'en douter; je produiray seulement les noms avec lesquelz les Peres l'ont appellé, qui monstrent asses leur creance..

  A001001092 

 Qui osera s'opposer a ceste societé? ilz parlent ainsy, ilz entendent ainsy l'Escriture.

  A001001100 

 Donques, par la preseance et preeminence de ces trois sieges, l'Eglise ancienne a asses tesmoigné qu'elle tenoit S t Pierre pour son chef, qui en estoit le fondateur; autrement, que ne mettoit elle en semblable rang le siege d'Ephese, fondé par S t Pol, continué par S t Jan, ou celuy de Hierusalem, ou S t Jaques avoit presidé?.

  A001001100 

 Et partant le Concile de Nicee et celuy de [269] Calcedoyne ont faict une grande difference entre ces trois sieges et les autres, et quand a celuy de Constantinople et Hierusalem, qui lira ces Conciles verra bien qu'il n'y a point de comparaison; non que le Concile de Nicee parle du Siege de Constantinople, car Constantinople n'estoit encores rien en ce tems la, n'ayant esté eslevee que par le grand Constantin, qui la dedia et nomma l'an 25 de son Empire, mays le Concile de Nicee traitte du siege de Hierusalem, et le Concile de Calcedoine, de celuy de Constantinople.

  A001001102 

 Quand au consentement des Peres sur ce faict, Sanderus et mille autres ont levé toute occasion a la posterité d'en douter; mais je produiray seulement les noms avec lesquelz les Peres ont appellé S t Pierre, qui monstrent asses leur creance touchant son authorité..

  A001001112 

 Qui osera maintenant s'opposer a ceste sainte societé? ilz parlent ainsy, ilz entendent ainsy l'Escriture, et pensent, selon icelle, que tous ces noms et tiltres soyent deus a S t Pierre.

  A001001116 

 J'ay fermement prouvé cy dessus que l'Eglise Catholique estoit une monarchie, en laquelle un chef ministerial gouvernoit tout le reste: ce n'a donq pas esté saint Pierre seulement qui en a esté le chef, mais faut que comme l'Eglise n'a pas manqué par la mort de saint Pierre, ainsy l'authorité d'un chef n'y ait pas manqué; autrement elle ne seroit pas une, ni au train auquel son fondateur l'avoit mise..

  A001001117 

 Et de vray, toutes les raysons pour lesquelles Nostre Seigneur mit un chef en ce cors, ne demandent pas tant quil y fust en ce commencement, ou les Apostres qui gouvernoyent l'Eglise estoyent saints, humbles, charitables, amateurs d'unité et concorde, qu'au progres et suite d'icelle, quand la charité rafredie chacun s'ayme soymesme, personne ne veut se tenir au dire d'autruy ni subir la discipline.

  A001001124 

 Ce n'a pas esté S t Pierre seulement qui a esté chef de l'Eglise, mais comme l'Eglise n'a pas defailli par la mort de S t Pierre, ainsy l'authorité d'un chef n'y a pas manqué; autrement l'Eglise ne seroit plus une, ni au train auquel Nostre Seigneur l'avoit mise..

  A001001130 

 On ne succede qu'a celuy qui cede et quitte sa place, soit par deposition ou par la mort; qui faict que Nostre Seigneur est tousjours Chef et sauverain Pontife de l'Eglise, et auquel personne ne succede, par ce quil est tousjours vivant, et n'a cedé ou quitté ce sacerdoce [ou] pontificat, quoy quil l'exerce en partie par ses ministres et serviteurs icy bas en l'Eglise militante: [276] mays ces ministres et lieutenantz, tout tant quil y a de pasteurs, peuvent ceder et cedent, soit par deposition ou par la mort, leurs offices et dignités..

  A001001131 

 Mays comme seroit il perpetuel si saint Pierre n'avoit point de successeur? car on ne peut pas douter que saint Pierre ne soit plus pasteur de l'Eglise, puysquil n'est plus en l'Eglise militante, ni mesme homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l'Eglise visible.

  A001001131 

 Reste a sçavoir comm'il a faict ceste cession, comm'il a quitté ce sien pontificat, si c'est ou par deposition faicte entre vivantz, ou par la mort naturelle; puys on verra qui luy a succedé et par quel droit..

  A001001132 

 Et d'un costé, personne ne doute que saint Pierre n'ait continué en sa charge toute sa vie; car ceste parole de Nostre Seigneur, Pasce oves meas, luy fut non seulement une institution en ceste supreme [277] charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cest autre, Prædicate Evangelium omni creaturæ, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort.

  A001001132 

 Pendant donques que saint Pierre vesquit ceste vie mortelle, il n'eut point de successeur, et ne deposa point sa charge, ni n'en fut point deposé; car il ne le pouvoit estre sinon par l'heresie, qui n'eut jamais acces chez les Apostres beaucoup moins chez leur chef, sinon que le Maistre de la bergerie l'en eust levé, ce que non..

  A001001133 

 Ce fut donques la mort qui le leva de ceste sentinelle et de ce guet general quil faisoit, comme pasteur ordinaire, sur toute la bergerie de son Maistre: mays qui succeda en sa place? Et quand a ce point, toute l'antiquité est d'accord que c'est l'Evesque de Rome, avec ceste rayson: saint Pierre mourut Evesque de Rome, donques l'evesché de Rome fut le dernier siege du chef de l'Eglise, donques l'Evesque de Rome, qui fut apres la mort de saint Pierre, succeda au chef de l'Eglise, et, par consequent, fut chef de l'Eglise.

  A001001133 

 Il eut bien, a la verité, un siege en Antioche, mays celuy qui l'eut apres luy n'eut pas le vicariat general, par ce que saint Pierre vesquit long tems apres, et n'avoit pas deposé ceste charge; mays ayant choisi Rome pour son siege, il en mourut Evesque, et celuy qui luy succeda, luy succeda simplement, et s'assit en son siege qui estoit siege general de tout le monde et de l'evesché de Rome en particulier, si que l'Evesque de Rome demeura general lieutenant en l'Eglise et successeur de saint Pierre: ce que je vais prouver maintenant si solidement qu'autre que les opiniastres n'en pourra douter.

  A001001133 

 Quelqu'un [278] pourroit dire quil succeda au chef de l'Eglise quand a l'evesché de Rome, mays non quand a la monarchie du monde; mays celuy la devroit monstrer que saint Pierre eut deux sieges, dont l'un fut pour Rome, l'autre pour l'univers, ce qui n'est point.

  A001001140 

 Ce n'est ici qu'un Memorial, et n'est pas rayson que je m'amuse a toutes sortes d'objections; on en faict sur ce point qui sont si legeres et vaines qu'elles ne meritent pas qu'on s'y amuse.

  A001001141 

 On ne succede qu'a celuy qui quitte et cede sa place, soit par deposition ou par la mort; qui faict que N. S. est tousjours Chef et sauverain Pontife de l'Eglise, auquel personne ne succede, par ce quil est tousjours vivant, et n'a cedé ou quitté son sacerdoce ou pontificat, quoy quil l'exerce en partie par ses ministres et serviteurs icy bas en l'Eglise militante, outre ce quil a une authorité si excellente qu'elle n'est pas en tout communicable: [276] mays ces ministres et vicaires cedent necessairement leurs offices et dignités, ou par deposition ou par la mort..

  A001001142 

 Or nous avons monstré que S t Pierre a esté chef ministeriel de l'Eglise, et que ceste charge luy a esté baillee pour le bien et utilité publique du Christianisme, si que, le Christianisme durant tousjours, ceste mesme charge et authorité doit estre perpetuelle en l'Eglise militante; mays S t Pierre n'est plus pasteur de l'Eglise, puysqu'il n'est plus en l'Eglise militante, ni homme visible, qui est une condition requise pour administrer en l'Eglise visible.

  A001001142 

 Reste a voir comme il a quitté et cédé son pontificat, si c'est ou par deposition faicte entre vivans, ou par la mort naturelle; puys on verra qui luy a succedé et par quel droit..

  A001001143 

 Et d'un costé, c'est chose certaine que S t Pierre a continué en sa charge toute sa vie; car ceste parole de N. S r, Repais mes brebis, luy fut non seulement une institution en ceste supreme [277] charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cestuy la, Prædicate Evangelium omni creaturæ, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort.

  A001001144 

 Ce fut donques la mort qui le leva de ceste sentinelle generale quil faisoit, comme pasteur ordinaire, sur toute la bergerie du Maistre: mays qui succeda en sa place? Et quand a ce point, toute l'antiquité dict que c'est l'Evesque de Rome.

  A001001144 

 Il eut un siege en Antioche, mays celuy qui l'eut apres luy n'eut pas le vicariat general, par ce que S t Pierre vesquit longuement apres, qui n'avoit quitté ceste charge generale; mays ayant choisi Rome pour son siege, il en mourut Evesque, et celuy qui luy succeda, luy succeda simplement et purement, et s'assit en son siege, qui estoit siege de l'evesché de Rome et de tout le monde, si que l'Evesque de Rome demeura general lieutenant en l'Eglise pour Nostre Seigneur, et successeur de S t Pierre: ce que je vais prouver si fermement, qu'autre qu'un opiniastre n'en pourra douter.

  A001001144 

 Quelqu'un dira quil succeda au chef de l'Eglise quand a l'evesché de Rome, mays non pas quand a la primauté et charge generale; mays celuy la devroit monstrer que S t Pierre eut deux sieges, l'un pour Rome, l'autre pour l'univers, ce qui n'est point.

  A001001144 

 Voicy sa rayson: S t Pierre mourut Evesque de Rome, Rome donques fut le dernier siege du chef de l'Eglise, l'Evesque donques de Rome, qui fut apres la mort de S t Pierre, succeda a S t Pierre, et, par consequent, [278] fut chef de l'Eglise.

  A001001150 

 Mays je n'ay que faire de combattre toutes ces negatives par le menu, puysque, quand j'auray bien preuvé que saint Pierre a esté et est mort Evesque de Rome, j'auray suffisamment prouvé que l'Evesque de Rome est successeur de saint Pierre; outre ce que tous mes raysons et mes tesmoins portent en termes expres que l'Evesque de Rome a succedé a saint Pierre, qui est mon intention, delaquelle neantmoins reussira une claire certitude que saint Pierre a esté a Rome et y est mort..

  A001001161 

 3, quand les legatz du Saint Siege veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon: Unde sanctissimus et beatissimus magnæ et senioris Romæ Leo, per nos et præsentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno beato Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesiæ Catholicæ, nudavit eum tam episcopatus dignitate quam etiam ab sacerdotali alienavit ministerio. Notes un peu ces traitz: que le seul Evesque de Rome le prive par ses legatz et par le Concile, que ilz joignent l'Evesque de Rome avec saint Pierre; car ilz monstrent que l'Evesque de Rome tient le lieu de saint Pierre..

  A001001162 

 Et de faict, Jules 1., in Rescripto contra Orientales pro [284] Athanasio, c. 2. et c. 3., recite deux canons du Concile de Nicëe qui tirent sur ce propos; lequel escrit de Jules 1.

  A001001162 

 Le Sinode d'Alexandrie, ou estoit Athanase, en sa lettre a Fcelix 2 d, dict merveilles a ce propos, et entr'autres choses raconte, qu'au Concile de Nicëe on avoit determiné quil n'estoit loisible de celebrer aucun Concile sans l'authorité du Saint Siege de Rome, mays que les canons qui avoyent estés faictz a ce propos avoyent estés bruslés par les hæretiques arriens.

  A001001163 

 Pour Dieu, jettons l'œil sur ceste tresancienne et trespure Eglise des six premieres centeynes, et la regardons de toutes pars; que si nous la voyons croire fermement que le Pape fut successeur de saint Pierre, quelle temerité sera ce de le nier? Voicy, ce me semble, une rayson qui ne demande plus aucun credit, mays consiste en beau content: saint Pierre a eu des successeurs en son vicariat; et qui a jamais esté en reputation en l'Eglise ancienne, d'estre successeur de saint Pierre et chef de l'Eglise, que l'Evesque de Rome? Certes, tout tant quil y a d'autheurs anciens [285] donnent tous ce tiltre au Pape, et jamais aux autres, et comme donques dirons nous quil ne le soit pas? certes, c'est nier la verité conneüe.

  A001001179 

 Au grand Concile de Calcedoine, quand les legatz du Saint Siege veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon: Unde sanctissimus et beatissimus magnce et senioris Romœ Episcopus Leo, per nos et præsentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno B. Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesiœ Catholicœ, nudavit eum tam episcopatus dignitate, etc. Notes un peu ces traitz: que le seul Evesque de Rome prive Dioscorus de son evesché, qu'il le prive par ses legatz et par le Concile, qu'ilz joignent l'Evesque de Rome avec S t Pierre; car ilz monstrent par la que l'Evesque de Rome tient le lieu de S t Pierre..

  A001001180 

 Et de faict, Julius 1., in Rescripto contra Orientales pro [284] Athanasio, recite deux canons du Concile de Nicee qui tirent sur ce propos; lequel escrit de Julius 1.

  A001001180 

 Le Sinode d'Alexandrie, avec son Athanase, en la lettre a Fælix 2d, dict merveilles a ce propos, et entre autres raconte qu'au Concile de Nicee il n'estoit pas loisible de celebrer aucun Concile sans l'authorité du Siege de Rome, mays que les canons qui avoyent esté faictz a ce propos avoyent esté bruslés par les Arriens.

  A001001181 

 Voicy en fin, ce me semble, une rayson qui ne demande point de credit, mays consiste en beau content: S t Pierre a eu des successeurs, jamais en l'Eglise ancienne aucun Evesque ne fut en reputation de l'estre sinon celuy de Rome, donques celuy de [285] Rome l'est.

  A001001187 

 Il ny a point de question ou les ministres s'exercent si fort pour combattre l'antiquité qu'en cellecy, car ilz taschent, a force de conjectures, præsomptions, dilemmes, explications et par tous moyens, de monstrer que saint Pierre ne fut onques a Rome; sauf Calvin, qui voyant que c'estoit dementir toute l'antiquité, et que cela n'estoit pas requis pour son opinion, se contente de dire qu'au moins saint Pierre ne fut pas long tems Evesque a Rome: Propter scriptorum consensum, non pugno quin illic mortuus fuerit, sed Episcopum fuisse, præsertim longo tempore, persuaderi nequeo.

  A001001188 

 Les discours que l'on faict au contraire sont plus ennuyeux que difficiles, et par ce que qui aura le vray discours de la vie de saint Pierre devant les yeux, aura asses dequoy respondre a toutes ces objections, j'en diray briefvement ce que j'en crois estre plus probable; en quoy je suyvray l'opinion de ces excellents theologiens, Gilbert Genebrard, Archevesque d'Aix, en sa Chronologie, et Robert Belarmin, Jesuite, en ses Controverses, qui suivent de pres saint Hierosme et Eusebe, in Chronico..

  A001001189 

 Mays sortant de prison bien tost apres par la conduitte de l'Ange, il vint ceste mesme annëe la, qui estoit la 2 de de Claudius, a [289] Rome, ou il posa son siege quil tint environ 25 [ans], pendant lesquelz il ne layssa de visiter plusieurs provinces selon le besoin de la chose publicque Chrestienne, mays entr'autres, environ l'an 18 de la Passion et Ascension du Sauveur, qui fut le 9.

  A001001190 

 Au reste, saint Epiphane peut avoir eu [occasion] de douter de l'election de saint Clement faite par saint Pierre, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy sans resolution, touchant ce faict, a saint Epiphane, et par contraire rayson faict si fermement asseurer a Tertullien, plus ancien, que, Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat.

  A001001190 

 Mays avant que mourir, empoignant par la main son disciple saint Clement, il le constitua son successeur; charge a laquelle saint Clement ne voulut pas entendre ni en faire exercice qu'apres la mort de Linus et Cletus, qui avoyent estés coadjuteurs de saint Pierre en l'administration de l'evesché Romaine; si que, qui voudra sçavoir pourquoy quelques autheurs anciens mettent le premier au rang, apres saint Pierre, saint Clement, et quelques autres, saint Linus, je luy feray respondre par saint Epiphane, autheur digne de foy, et voicy ses paroles: Nemo miretur quod ante Clementem Linus et Cletus episcopatum.

  A001001190 

 Mays quand a moy, je me range volontiers, et avec rayson ce me semble, au parti de ceux qui asseurent: par ce que douter de ce qu'un homme de bien et d'entendement asseure resolument, c'est dementir le diseur; au contrayre, asseurer ce dont un autre doute, n'est que confesser que le douteux ne sçait pas tout, ce [292] quil a confessé premieement luy mesme doutant, car douter n'est autre que ne sçavoir pas fermement la verité d'une chose..

  A001001191 

 Maintenant, ja que par ce petit discours de la vie de saint Pierre, qui est tres probable, vous aves veu que saint Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a Rome, mays y ayant son siege n'a pas layssé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de saint Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on dict que saint Pol ait escrit a Rome et dés Rome, et quil n'ait point faict de mention de saint Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure saint Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001192 

 En fin, pour adjuster le tems de la vie de saint Pierre aux empires de Tiberius, Caius Caligula, Claudius et Nero, on pourra les desduire a peu pres de ce qui en est, en ceste façon: au dixhuictiesme de Tibere, Nostre Seigneur monta au ciel; cinq ans apres, qui fut en la derniere annëe de l'empire de Tibere, saint Pierre vint en Antioche, ou ayant demeuré environ sept ans, c'est a sçavoir, ce qui resta du tems de Tibere, 4 ans de Caius Caligula et 2 de Claudius, sur la fin du 2 d de Claudius il vint a Rome, ou il demeura environ 7 ans, a sçavoir jusqu'au 9.

  A001001192 

 de Claudius, auquel les Juifz furent chassés de Rome, qui fit retirer saint Pierre en Judëe; environ cinq ans apres, Claudius estant mort, l'an 14 de son empire, Neron luy estant succedé, saint Pierre revint a Rome, ou il demeura jusqu'au martire, lequel il subit l'an 14 et dernier de Néron.

  A001001199 

 Mays quoy qu'il n'eust esté que fort peu de tems Evesque de Rome, sil y est mort Evesque, il y a laissé son siege et sa succession: [287] de façon que quand a Calvin, nous n'aurions pas grand cas a debattre, pourveu quil fut resolu de confesser fermement que S t Pierre est mort a Rome, et que quand il mourut il en estoit Evesque; mays quand a ceux qui le nient, nous avons asses prouvé que S t Pierre est mort Evesque a Rome..

  A001001201 

 Puys, sortant de prison bien tost apres par la conduitte de l'Ange, il vint la mesme annee, qui estoit la 2 de de Claudius, a Rome, ou [289] il posa son siege quil tint environ 25 ans, pendant lesquelz il visita plusieurs provinces selon le besoin de la chose publicque Chrestienne; entre autres, environ l'an 18 de la Passion et Ascension du Sauveur, qui fut le 9.

  A001001201 

 S t Pierre donques demeura environ cinq ans apres l'Ascension de Nostre Seig r en Judee, preschant l'Evangile, et sur la fin de la premiere annee, ou bien tost apres, S t Pol fut converti, qui vint trois ans apres en Hierusalem, ou il demeura quinze jours aupres de S t Pierre.

  A001001202 

 Au reste, S t Epiphane peut avoir eu doute de l'election de S t Clement, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy S t Epiphane touchant ce faict, et par contraire rayson [Tertullien assure que], Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat.

  A001001202 

 Mays quand a moy, je me range volontiers, et avec rayson ce me semble, au parti de ceux qui asseurent et affirment: par ce que douter de ce qu'un homme de bien et d'entendement asseure resolument, c'est dementir le diseur; au contraire, asseurer ce dont un autre doute, n'est que confesser que le douteux ne [292] sçait pas tout, ce quil a confessé luy mesme doutant, car douter n'est autre chose que ne sçavoir rsolument la verité..

  A001001202 

 Or, avant que mourir, il empoigna par la main son disciple S t Clement, et le constitua son successeur; a quoy S t Clement ne voulut pas entendre ni en faire exercice qu'apres la mort de Linus et Cletus, qui avoyent estés coadjuteurs de S t Pierre en l'administration de l'Eglise Romaine; partant, qui veut sçavoir pourquoy quelques autheurs anciens mettent en rang S t Clement apres S t Pierre, et quelques autres, S t Linus, je luy feray respondre par S t Epiphane: Nemo miretur quod ante Clementem Linus et Cletus episcopatum assumpserunt, cum sub Apostolis hic fuerit contemporaneus Petro et Paulo, nam et illi contemporanei Apostolorum fuerunt; sive igitur adhuc ipsis superstitibus a Petro accepit impositionem manuum episcopatus, et eo recusato remoratus est, sive post Apostolorum successionem a Cleto Episcopo hic constituitur, non ita clare scimus. Parce donques que S t Clement avoit esté choisi par [291] S t Pierre, et que neanmoins il ne voulut pas accepter la charge avant la mort de Linus et Cletus, les uns, en consideration de l'election faite par S t Pierre, le mettent le premier en rang, les autres, eu esgard au refus quil en fit et a l'exercice quil en laissa a Linus et Cletus, le mettent le 4 e.

  A001001269 

 Cecy doit suffire aux cerveaux mesme les plus bigearres, pour faire voir le magnifique mensonge que de Beze continue a dire, apres son maistre Calvin, en son traitté Des Marques de l'Eglise, ou il dict que Phocas a esté le premier qui a donné authorité a l'Evesque de Rome sur les autres et l'a mis en primauté.

  A001001270 

 On objecte que saint Gregoire ne vouloit estre appellé Evesque universel: mays Evesque universel se peut entendre, ou d'un qui soit tellement Evesque de l'univers que les autres Evesques ne soyent que vicaires et substitués, ce qui n'est point, car les Evesques sont vrayement princes spirituelz, chefz et Evesques, non lieutenantz du Pape mais de Nostre Seigneur, dont il les apelle freres; ou on peut entendre d'un qui est surintendant sur tous, et auquel les autres, qui sont surintendans en particulier, sont inferieurs voirement mays non pas vicaires ni substitués, et c'est ainsy que les Anciens l'ont appellé Evesque universel..

  A001001271 

 On produict le Concile de Carthage, qui defend que pas un ne s'appelle Princeps sacerdotum; mays c'est faute d'avoir autre entretien qu'on allegue cecy, car qui ne sçait que c'estoit un Concile provincial qui touche les Evesques de ceste province la, de laquelle l'Evesque de Rome n'estoit pas, la mer Mediterranëe est entredeux.

  A001001272 

 Ce nom estoit commun aux Evesques, tesmoin saint Hierosme, qui appelle ainsy saint Augustin, en une epistre, au bout: Incolumem te tueatur Omnipotens, domine vere sancte et suscipiende papa; mays il a esté rendu particulier au Pape, par excellence, a cause de l'universalité de sa charge, dont il est appellé au Concile de Calcedoine, « Pape universel, » et « Pape, » tout court, sans addition ni limitation; et ne veut dire autre ce mot que ayeul ou grand pere:.

  A001001272 

 Restoit le nom de Pape, lequel j'ay reservé pour fermer ce discours, et qui est l'ordinaire duquel nous appelions l'Evesque de Rome.

  A001001277 

 Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thessaloniciens, pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont les plus grans menteurs du monde; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de saint Gregoire se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001277 

 Certes, ilz ne se sont jamais appellés de la façon sinon au pris ordinaire, comme chacun le peut estre sil garde les commandemens de Dieu, selon le pouvoir concedé iis qui credunt in nomine ejus; bien s'appellent, autant vaut il, enfans du diable, ceux qui mentent si puamment comme font vos ministres.

  A001001281 

 Confirmation de tout ce qui a esté dict cy dessus par les noms que les anciens ont donnés au Pape.

  A001001321 

 Cecy doit suffire aux cerveaux mesme les plus bigearres, pour faire voir le magnifique mensonge que de Beze dict, apres son maistre Calvin, quand il asseure que Phocas a esté le premier qui a mis en credit et primauté l'Evesque de Rome.

  A001001322 

 On objecte que S t Gregoire ne vouloit estre appellé Evesque universel: mays Evesque universel se peut entendre, ou d'un qui soit tellement Evesque de l'univers que les autres Evesques ne soyent que vicaires et substitués, ce qui n'est point, car les Evesques sont vrayement princes spirituelz, chefz et pasteurs, non lieutenans du Pape mais de Nostre Seig r, dont le Pape les apelle freres; ou on peut entendre d'un qui est surintendant sur tous, et auquel les autres, qui sont surintendans particuliers, sont inferieurs, mays non vicaires ni substitués; et c'est ainsy que les Anciens ont appellé le Pape Evesque universel, et S t Gregoire le nie en l'autre façon..

  A001001323 

 On produict le Concile de Carthage, qui defend que pas un ne s'appelle « Prince des prestres; » mays c'est faute d'autre entretien qu'on allegue cecy, car le Concile de Carthage estoit provincial, qui ne touche que les Evesques de ceste province la, de laquelle Rome n'est pas, la mer Mediterranee est entredeux.

  A001001324 

 Ce nom estoit commun a tous les Evesques, tesmoin S t Hierosme, qui appelle ainsy S t Augustin en une epistre: Incolumem, dict il au bout, tueatur te Omnipotens, domine vere sancte et suscipiende papa; mays il a esté rendu particulier au Pape, par excellence, a cause de la generalité de sa charge, dont il est appellé au Concile de Calcedoine, « Pape universel, » et « Pape » simplement, tout court, sans addition ni limitation; et ne veut dire autre ce mot que ayeul ou grand pere:.

  A001001324 

 Restoit le nom de Pape, que j'ay reservé pour fermer ce discours, et qui est l'ordinaire duquel nous appelions l'Evesque de Rome.

  A001001329 

 Et affin que vous sachies combien ce nom est ancien parmi les gens de bien, S t Ignace, disciple des Apostres, en la lettre quil escrit a Marie Zarbense, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam [301] Linum; ja de ce tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thess., pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont eux mesmes enfans du diable, qui mentent si puamment; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de S t Gregoire ilz se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001329 

 On l'appelle encores Saint Pere, mais vous aves veu que S t Hierosme appelloit ainsy S t Augustin, qui n'estoit qu'un simple Evesque.

  A001001329 

 Pour vray, nous ne les appelions jamais filz de Dieu sinon au pris ordinaire, comme chacun le peut estre sil garde les commandemens, selon le pouvoir concedé iis qui credunt in nomine ejus.

  A001001335 

 En saint Jan, ce fut luy qui dict pour tous: Domine, ad quem ibimus? verba vitæ æternæ habes, et nos credimus et cognovimus quia tu es Christus, Filius Dei. Ce fut luy, en saint Mathieu, qui, au nom de tous, fit comme chef ceste noble confession: Tu es Christus, Filius Dei vivi. Il demanda pour tous, Ecce nos reliquimus omnia, etc. En saint Luc: Domine, ad nos dicis hanc parabolam an et ad omnes? C'est l'ordinaire que le chef parle pour tout le cors, et ce que le chef dict, on le tient dict par tout le reste.

  A001001335 

 Et de vray, si le confirmateur fut tumbé, tout le reste fut il pas tumbé? si le confirmateur tumbe ou chancele, qui le confirmera? si le confirmateur n'est [303] pas ferme et stable quand les autres s'affoybliront, qui les affermira? car il est escrit: Si l'aveugle conduict l'aveugle, tumberont tous deux en la fosse; si l'instable et le foible veut soustenir et rasseurer le foible, ilz donneront tous deux en terre.

  A001001335 

 Ne voyes vous pas qu'en l'election de saint Matthias c'est luy seul qui parle et determine? Les Juifz demanderent a tous les Apostres: Quid faciemus viri fratres? saint Pierre seul respond pour tous: Pænitentiam agite, etc. Et c'est a ceste rayson que saint Chyrsostome et Origene l'ont appellé Os et verticem Apostolorum, comme nous avons veu cy dessus, par ce quil souloit parler pour tous les Apostres; et le mesme saint Chrysostome l'appelle Os Christi, par ce que ce quil dict pour toute l'Eglise et a toute l'Eglise, comme chef et pasteur, ce n'est pas tant parole humaine que de Nostre Seigneur: Amen, dico vobis, qui accipit si quem misero, me accipit; dont ce quil disoit et determinoit ne pouvoit estre faux.

  A001001336 

 Ainsy quand saint Pierre fut mis au fondement de l'Eglise, et que l'Eglise fut asseurëe que les portes d'enfer ne prævaudroyent point contre elle, ne fut ce pas asses dire que saint Pierre, comme pierre fondamentale du gouvernement et administration ecclesiastique, ne pouvoit se froisser et rompre par l'infidelité ou erreur, qui est la principale porte d'enfer? car, qui ne sçait que si le fondement renverse, si l'on y peut porter la sappe, que tout l'edifice renversera?.. Et quoy? si le pasteur mettoit ses brebis es pasturages venimeux, le parc se perdroit il pas incontinent? Les brebis vont suyvant le pasteur; s'il erre, tout se perd.

  A001001336 

 Et n'est pas raysonnable que les brebis..... De mesme, si le pasteur supreme ministerial peut conduire ses brebis es pasturages veneneux, on voit clairement que le parc est pour estre bien tost perdu; car, si le supreme pasteur ministerial conduit a mal, qui le redressera? sil s'egare, qui le ramenera? a la verité, il faut que nous ayons a le suivre simplement, non a le guider, autrement les brebis seroyent pasteurs.

  A001001337 

 l'Eglise ne peut pas tousjours estre ramassëe en un Concile general, et les trois premieres centeynes d'annëes il ne s'en fit point; es difficultés donques qui surviennent journellement, a qui se pourroit on mieux adresser, de qui pourroit on prendre loy plus asseurëe, regle plus certaine que du chef general et du Vicaire de Nostre Seigneur?.

  A001001338 

 Or tout cecy n'a pas eu lieu seulement en saint Pierre, mais en ses successeurs, car la cause demeurant l'effect demeure encores; l'Eglise a tousjours besoin d'un confirmateur infallible auquel on puysse s'addreser, d'un fondement que les portes d'enfer, et principalement l'erreur, ne puysse renverser, et que son pasteur ne puysse conduire a l'erreur ses enfans: les successeurs donques de saint Pierre ont tous ces mesmes privileges, qui ne suivent pas la personne, mays la dignité et la charge publique..

  A001001339 

 Ainsy donques le supreme pasteur de l'Eglise nous est juge competent et suffisant en toutes nos plus grandes difficultés, autrement nous serions de pire condition que cest ancien peuple, qui avoyt un tribunal auquel il pouvoit s'addresser pour la resolution de ses doutes, specialement en matiere de religion.

  A001001339 

 Saint Bernard apelle le Pape un autre « Moise en authorité »: or, combien grande fut l'authorité de Moise il ni a personne qui l'ignore, car il s'assit et jugea de tous les differens qui estoyent parmi le peuple, et de toutes les difficultés qui survenoyent au service de Dieu; il constitua des juges pour les affaires de peu d'importance, mays les grans doutes estoyent reservés a sa connoissance; si Dieu veut parler au peuple, c'est par sa bouche et par son entremise.

  A001001340 

 Au Deuteronome: Facies quodcumque dixerint qui præsunt loco quem elegerit Dominus, et docuerint te juxta legem ejus; sequerisque sententiam eorum, nec declinabis ad dextram nec ad sinistram: qui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur. Que dira on icy? Il falloit subir le jugement du sauverain Pontife; qu'on estoit obligé de suivre le jugement qui estoit jouxte la loy, non l'autre? ouy, mays en cela il failloit suivre la sentence du præstre, autrement si on ne l'eust pas suivie, ains examinee, c'eust esté pour neant qu'on fut allé a luy, et la difficulté et ambiguité n'eust jamais esté resolue parmi les opiniastres; dont il est dict simplement, q ui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur; et en Malachie: Labia sacerdotis custodiunt scientiam, et legem requirent ex ore ejus; dont il s'ensuit que chacun ne pouvoit pas se resouvre es poins de la religion, ni produire la loy a sa fantasie, mais selon la proposition du Pontife.

  A001001340 

 Que si Dieu a eu une si grande prouvoyance a la religion et tranquillité de conscience des Juifz, que de leur establir un juge sauverain a la sentence duquel ilz devoyent acquiescer, il ne faut pas douter quil ne nous aÿe prouveu, au Christianisme, d'un pasteur qui ayt ceste mesm'authorité, pour nous lever les doutes et scrupules qui pourroyent survenir sur les declarations des Escritures..

  A001001341 

 Je vous prie, si en l'ombre il y avoit des illuminations de doctrine et des perfections de verité en la poitrine du Prestre, pour en repaistre et raffermir le peuple, qu'est ce que nostre grand Prestre n'aura pas? de nous, dis je, qui sommes au jour et au soleil levé? Le grand Prestre ancien n'estoit que vicaire et lieutenant de Nostre Seigneur, nomplus que le nostre, mays il semble quil præsidoit a la nuict, par ses illuminations, et le nostre præside au jour, par ses instructions; ministeriellement tous deux, et par la lumiere du Soleil de justice, lequel, bien quil soit levé, est neanmoins voilé a nos yeux par nostre propre mortalité, car le voir face a face ordinairement [307] n'appartient qu'a ceux qui sont delivrés du cors qui se corrompt..

  A001001341 

 Que si le grand Præstre portoit le Rational du jugement en la poitrine, ou estoyt le Urim et Thummim, doctrine et verité comme interpretent les uns, ou les illuminations et perfections comme disent les autres, qui n'est presque qu'une mesme chose, puysque la perfection consiste en verité et la doctrine n'est qu'illumination, penserons nous que le grand Præstre de la Loy nouvelle n'en ayt pas encores les effectz? a la verité, tout ce qui fut concedé de bon a l'ancienne Eglise et a la chambriere Agar, aura esté donné en beaucoup meilleure façon a Sara et a [306] l'Espouse: nostre grand Præstre donques a encores le Urim et Thummim en sa poitrine. Or, soit que ceste doctrine et verité ne fust autre que ces deux motz escritz au Rational, comme semble croire saint Augustin, et Hugues de saint Victor l'asseure, ou que ce fust le nom de Dieu, comme veut Rabbi Salomon, au récit de Vatable et Augustin Evesque d'Eugubbium, ou que ce fussent les seules pierres du Rational par lesquelles Dieu tout puyssant reveloit ses volontés au Prestre, comme veut ce docte homme François Ribera, la rayson pour laquelle le grand Præstre avoyt au Rational sur sa poitrine la doctrine et la verité, estoit sans doute par ce que judicabat judicii veritatem; mesme que par le Urim et Thummim les prestres estoyent instruitz du bon plaisir de Dieu, et leurs entendemens esclairés et perfectionnés par la revelation divine, comme le bon de Lyra l'a entendu, et Ribera l'a asses suffisamment prouvé, a mon advis: dont quand David voulut sçavoir sil devoit poursuivre les Amalecites, il dict au Præstre Abiathar, Applica ad me ephod, ou, le superhumeraire; ce quil fit sans doute pour reconnoistre la volonté de Dieu au Rational qui y estoit joint, comme va deduysant doctement ce docteur Ribera.

  A001001342 

 C'est a ce propos que saint Hierosme dict au Pape Damase: Qui tecum non colligit, spargit; hoc est, qui Christi non est, Antichristi est; et saint Bernard dict quil faut rapporter les scandales qui se font, « principalement en la foy, » au Siege de Rome: Dignum namque arbitror ibi potissimum resarciri damna fidei, ubi non possit fides sentire defectum: cui enim alteri sedi dictum est aliquando, Ego pro te rogavi, ut non deficiat fides tua? Saint Cyprien: Navigare audent ad Cathedram Petri, atque ad Ecclesiam principalem; nec cogitare eos esse Romanos, ad quos perfidia habere non possit accessum. Ne voyes vous pas quil parle des Romains a cause de la Chaire de saint Pierre, et dict que l'erreur n'y peut rien?.

  A001001343 

 Quid etiam actione firmastis, nisi scientes quod per omnes provincias de Apostolico fonte petentibus responsa semper emanent? Præsertim quoties fidei ratio ventilatur, arbitror omnes fratres et coepiscopos nostros non nisi ad Petrum, id est, sui nominis et honoris authorem, referre debere, velut nunc retulit vestra dilectio, quod per totum mundum possit omnibus ecclesiis in commune prodesse. Voyes vous l'honneur et le credit auquel estoit le Siege Apostolique vers les Anciens les plus doctes et saints, voire mesme vers les Conciles entiers? on y alloit comme au vray Ephod et Rational de la nouvelle Loy: ainsy y alla saint Hierosme, du tems de Damasus, auquel, apres avoir dict que l'Orient rompoit et mettoit en pieces la roubbe, entiere et tissue par dessus, de Nostre Seigneur, et que les renardeaux gastoyent la vigne du Maistre, Ut inter lacus contritos, dict il, qui aquam non habent, difficile ubi fons signatus et hortus ille conclusus sit possit intelligi, ideo mihi Cathedram Petri et fidem Apostolico ore laudatam censui consulendam, etc..

  A001001343 

 Voyla ce que croyoit ce saint Concile avec son grand saint Augustin; auquel Innocent respondant, en une epistre [308] qui suit la præcedente parmi celles de saint Augustin: Diligenter et congrue, dict il, Apostolico consulitis honori; honori, inquam, illius quem, præter illa quæ sunt extrinsecus, solicitudo manet omnium ecclesiarum super anxiis rebus quæ sit tenenda sententia: antiquæ scilicet regulæ formant secuti, quam toto semper ab orbe mecum nostis esse servatam.

  A001001344 

 En fin, qui mesprisera l'authorité du Pape, remettra sus les Pelagiens, Priscilliens et autres, qui n'ont estés condamnés que par les Conciles provinciaux avec l'authorité du Saint Siege de Rome..

  A001001344 

 Je n'aurois jamais faict si je voulois produire les belles sentences que les Anciens ont dictes sur ce faict; qui voudra, les lise fidellement cottëes au grand Catechisme de Pierre Canisius, ou elles ont estëes estendues au long par Busæus.

  A001001344 

 Les Eusebiens y portent les accusations contre saint Athanase; saint Athanase qui estoit en Alexandrie, siege principal et patriarchal, vint respondre a Rome, y estant appellé et cité; les adversaires n'y voulurent pas comparoistre, sachans, dict Theodoret, mendacia sua manifesto fore detecta: les Eusebiens confessent l'authorité du Siege de Rome quand ilz y appellent saint Athanase, et saint Athanase quand il s'y præsente; mays sur tout les Eusebiens, hæretiques arriens, confessent asses combien son jugement est infallible, quand ilz n'y osent comparoistre de peur d'y estre condamnés.

  A001001344 

 Mays qui ne sçait que tous les anciens hæretiques taschoyent a se faire avouer par le Pape; tesmoins les Montanistes ou Cataphryges, qui deceurent tellement le Pape Zephyrin (sil faut croire a Tertullien, nomplus celuy d'autrefois mays devenu hæretique en son faict propre) quil lascha des lettres de reunion en leur faveur, lesquelles neantmoins il revoca promptement par l'advis de Praxeas.

  A001001345 

 La 3 e, par ce quil ne faut pas resister a Dieu qui nous veut presser et charger de plusieurs princes, selon le dire de Salomon en ses Proverbes.

  A001001345 

 La 4 e, Il ny a point de puissance qui ne soit de Dieu; donques celle du Pape, qui est tant establie, est de Dieu.

  A001001352 

 Quand il erre en sa particuliere opinion, il le faut enseigner, adviser, convaincre, comm'on fit a Jean 22, lequel tant s'en faut quil mourust opiniastre, ou que pendant sa vie il determinast aucune chose touchant son opinion, que pendant quil faysoit l'inquisition requise pour determiner en matiere de foy, il mourut, au recit de son successeur en l' Extravagante qui se commence, Benedictus Deus.

  A001001353 

 Et comment est ce que le Saint Esprit conduict l'Eglise, sinon par le ministere et office de prædicateurs et pasteurs? mays si les pasteurs ont des pasteurs encores, ilz les doivent suivre; ainsy tous doivent suivre celuy qui est le supreme pasteur, par le ministere duquel nostre Dieu veut conduire, non les aigneaux seulement et brebiettes, mays les brebis et meres des aigneaux, c'est a dire, non les peuples seulement, mays les autres pasteurs encores, celuy qui succede a saint Pierre qui eut ceste charge, Pasce oves meas.

  A001001353 

 Et ne faut pas nomplus penser qu'en tout et par tout son jugement soit infallible, mays lhors seulement quil porte sentence en matiere de foy ou des actions necessaires a toute l'Eglise; car es cas particuliers, qui dependent du faict humain, il y peut errer sans doute, quoy que nous autres ne devions le contreroller en cest endroit qu'avec toute reverence, submission et discretion.

  A001001353 

 Le Saint Esprit est conducteur de l'Eglise, il la conduict par son pasteur; qui donques ne suit le pasteur, ne suit pas le Saint Esprit..

  A001001353 

 Les theologiens ont dict tout en un mot, quil peut errer in quæstionibus facti, non juris, quil peut errer extra Cathedram, hors la chaire de saint Pierre, c'est a dire, comme homme particulier, par escritz et mauvais exemples, mays non pas quand il est in Cathedra, c'est a dire, quand il veut faire une instruction et decret pour enseigner toute l'Eglise, quand il veut confirmer les freres comme supreme pasteur, et les veut conduyre es pasturages de la foy: car alhors ce n'est pas tant l'homme qui determine, resoult et definit, que c'est le benit Saint Esprit par l'homme, lequel, selon la promesse faicte par Nostre Seigneur a ses Apostres, enseigne toute verité a l'Eglise, ou, comme dict le Grec et semble que l'Eglise l'entende en une collecte de Pentecoste, conduict et meyne son Eglise en toute verité: Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem, ou, deducet vos in omnem veritatem.

  A001001353 

 [313] C'est ainsy que Dieu conduit son Eglise es pasturages de sa sainte Parole, et en l'exposition d'icelle; qui cherche la verité sous autre conduite, la pert.

  A001001354 

 Ainsy est conduit le troupeau Chrestien par le Saint Esprit, mays sous la charge et conduite de son pasteur; lequel, neanmoins, ne court pas a la volëe, mays selon la necessité convoque les autres pasteurs, ou en partie ou generalement, regarde soigneusement la piste des devanciers, considere le Urim et Thummim de la Parole de Dieu, entre devant son Dieu par ses prieres et invocations, et s'estant ainsy diligemment enquesté du vray chemin, se met en campaigne hardiment et faict voile de bon cœur: heureux qui le suit et se range a la discipline de sa houlette, heureux qui s'embarque en son navire; car il repaistra de verité, il surgira au port de la sainte doctrine..

  A001001354 

 Mays le grand Cardinal Toletus remarque tresbien a propos sur ce lieu, quil n'est pas dict, portabit Ecclesiam in omnem veritatem, mays, deducet, pour monstrer que quoy que le Saint Esprit esclaire a l'Eglise, si veut il qu'elle use de la diligence requise a tenir le bon chemin; comme firent les Apostres, qui ayans a respondre sur une question d'importance, debattirent de part et d'autre, conferant les Escritures ensemble, ce qu'ayans faict diligemment, ilz conclurent par le Visum est Spiritui Sancto et nobis, c'est a dire, le Saint Esprit nous a esclairé, et nous avons marché, il nous a guidé, nous l'avons suivi jusques a ceste verité; il faut employer les moyens ordinaires pour la recherche de la verité, et neanmoins reconnoistre la treuve et l'abord en icelle de l'assistence du Saint Esprit.

  A001001355 

 Ainsy ne faict il jamais commandement general a toute l'Eglise es choses necessaires, qu'avec l'assistence du Saint Esprit, lequel ne manquant mesme pas aux especes des animaux es choses necessaires, par ce quil [314] les a establies, ne manquera pas aussi au Christianisme en ce qui luy est necessaire pour sa vie spirituelle.

  A001001356 

 Et quand, escrivant contre le Roy d'Angleterre, Vivens, dict il, papatus hostis ero, exustus tuus hostis ero. Que dites vous de ce grand pere? sont ce pas des paroles dignes d'un tel reformateur? j'ay honte de lire, et ma main se fache de præsenter ces vilaynies; mays qui les vous cachera vous ne croires jamais quil soit tel quil est.

  A001001356 

 Imprimis, Sanctissima Sedes, crepa et non frangere ob novam istam salutationem, in qua nomen meum primo et in supremo loco pono. Et apres avoir recité la bulle contre laquelle il escrivoit, il commence par ces ciniques et vilaines paroles: Ego autem dico, ad Papæ et bullæ hujus minas, istud: qui præ minis moritur, ad ejus sepulturam compulsari debet crepitibus ventris.

  A001001356 

 Mays remplir l'air et la terre d'injures, invectives, outrages, calomnier le Pape, et non seulement en sa personne, ce qui ne se doit jamais faire, mays en sa dignité, attaquer le Siege que toute l'antiquité a honnoré, le vouloir juger contre le conseil de toute l'Eglise, apeller la dignité mesme antichristianisme, qui sera celuy qui le pourra trouver bon? Le grand Concile de Calcedoine trouva si estrange que Dioscorus, Patriarche, excommuniast le Pape Leon; et qui pourra souffrir l'insolence de [315] Luther, qui fit une bulle ou il excommunie et le Pape, et les Evesques, et toute l'Eglise? Toute l'Eglise luy donne des tiltres honnorables, luy parle avec reverence: que dirons nous de ce beau commencement de livre que Luther addressa au Saint Siege? Martinus Lutherus, Sanctissimæ Sedi Apostolicæ et toti ejus parlamento, meam gratiam et salutem.

  A001001356 

 Que si les ministres eussent tansé les vices, remonstré l'inutilité de quelques censures et decretz, emprunté quelques saints advis des livres moraux de saint Gregoire, et de ceux de saint Bernard, De Consideratione, produit quelque bon moyen de lever les abuz qui sont survenuz en la prattique beneficiaire pour la malice du tems et des hommes, et se fussent adressés a Sa Sainteté avec humilité et reconnoissance, tous les bons les eussent honnorés, et caressé leurs desseins: les bons Cardinaux Contareno, Theatino, Sadolet et Polus, avec ces autres grans personnages qui præsenterent le Conseil de reformer les abus en ceste sorte, en ont merité une immortelle recommandation de la posterité.

  A001001357 

 De Beze, qui dict que des long tems il ny a eu aucun Pape qui se soit soucié de la religion ni qui ayt esté theologien, veut il pas tromper quelqu'un? car il sçait bien qu'Adrien, Marcel et ces cinq derniers ont estés tres grans theologiens: a quoy faire, mentir? Mays disons quil y ait du vice et de l'ignorance: Cathedra tibi, vous dict saint Augustin, quid fecit Ecclesiæ Romanæ, in qua Petrus sedit et in qua hodie Anastasius sedet? quare appellas cathedram pestilentiæ Cathedram Apostolicam? Si propter homines, quos putas legem loqui et non facere, numquid Dominus Noster Jesus Christus propter Pharisæos, de quibus ait, Dicunt et non faciunt, cathedræ in qua sedebant ullam fecit injuriam? nonne illam cathedram Moisi commendavit, et illos servato cathedræ honore redarguit? ait enim: Super cathedram, etc. Hæc si cogitaretis, non propter homines quos infamatis blasphemaretis Cathedram Apostolicam cui non communicatis; sed quid est aliud quam nescire [quid] dicere, et tamen non posse nisi maledicere? [317].

  A001001357 

 Mays je vous entretiens trop sur un sujet qui ne demande pas grande inquisition.

  A001001357 

 Vous lises les escritz de Calvin, de Zuingle, Luther; je vous supplie, tries en les injures, calomnies, opprobres, mesdisances, risëes, bouffonneries qui y sont contre le Pape et le Saint Siege de Rome, et vous verres quil ny demeurera rien: vous oÿes vos ministres; imposes leur silence quand aux injures, mocqueries, mesdisances, calomnies contre le Saint Siege, et vous aures vos preches la moitié plus cours.

  A001001370 

 Tu es Deus qui facis mirabilia, dict David au Dieu tout puyssant, donques ce qui est confirmé par miracles est confirmé de la part de Dieu; or Dieu ne peut estre autheur ni confirmateur du mensonge, ce donques qui est confirmé par miracles ne peut estre mensonge, ains pure verité..

  A001001371 

 Et affin de couper chemin a toutes fantasies, je confesse quil y a des faux miracles et des vrais miracles, et qu'entre les vrays miracles il y en a qui font argument evident que la puyssance de Dieu y est, les autres, non, sinon par leurs circonstances.

  A001001371 

 La guerison de la plaÿe mortelle sera un miracle populaire, non philosophique; car ce que le peuple croit estre impossible, il le tient pour miracle quand il le voit, mays il tient plusieurs choses impossibles en nature qui ne le sont, telles sont plusieurs guerisons.

  A001001371 

 Or plusieurs playes sont mortelles en presence de quelques medecins, et incurables, qui [319] ne le seront pas en præsence des autres qui sont plus suffisans et ont quelque remede plus exquis; ainsy la plaïe sera mortelle selon le cours ordinaire de la medecine, mays le diable, qui a plus de suffisance en la connoissance des vertus des herbes, odeurs, minerales et autres drogues, que les hommes, fera ceste cure la par l'application secrette des medicamens inconneuz aux hommes: et semblera miracle a qui ne sçaura discerner entre la science humayne et diabolique, entre la diabolique et divine, en ce que la diabolique devance l'humayne de grande traitte, et la divine surpasse la diabolique d'une infinité; l'humayne ne sçait qu'une petite partie de la vertu qui est en nature, la diabolique sçait beaucoup davantage mays dans les confins de nature, la divine n'a point d'autre limite que son infinité.

  A001001371 

 Telz seront la descente quil fera faire du feu qui descendra in conspectu hominum, et ce quil fera parler l'image de la beste, et guerira une plaïe mortelle; desquelz la descente du feu en terre et le parler de l'image semble que ce seront illusions, dont il adjouste, in conspectu hominum; ce seront magies.

  A001001372 

 Ainsy pourrois je dire, si Nostre Seigneur n'eust jamays faict autre miracle que de dire a la Samaritayne que l'homme qui habitoit avec elle n'estoit pas son mari, et que de convertir l'eau en vin, on eust peu penser quil y avoit de l'illusion et magie; mays ces merveilles partant de la mesme main qui faysoit voir les aveugles, parler les muetz, ouir les sourds, vivre les mortz, il ny eschoit plus aucun scrupule.

  A001001372 

 Car, ramener la privation en son habitude, le non estre a l'estre, et donner les operations vitales aux hommes, sont choses impossibles a toutes les puyssances humaynes, ce sont des coups du sauverain [320] Maistre; lequel quand puys apres il luy plaict faire des cures par sa toute puyssance, ou des mutations es choses, ne laysse pas de les faire reconnoistre pour miraculeuses, quoy que la nature secrette en peut faire tout autant, parce qu'ayant faict ce qui surpasse nature, il nous a ja rendus asseurés de sa qualité et de la valeur de la [merveille]: ainsy que quand un homme a faict un chef d'ceuvre, quoy quil face puys apres plusieurs ouvrages communs, on ne laisse pas de le tenir pour maistre..

  A001001372 

 Cela apert par ce que j'ay dict; et par exemple, les merveilles que firent les magiciens d'Egipte estoyent, quand a l'apparence exterieure, toutes semblables aux miracles que faysoit Moise, mays qui considerera les circonstances, connoistra bien ayseement que les uns estoyent vrays miracles, les autres faux, comme le confesserent les magiciens quand ilz dirent: Digitus Dei est hic.

  A001001372 

 Je disoys qu'entre les vrays miracles il y en a qui font une certaine science et rayson que le bras de Dieu y opere, les autres non, sans la consideration et secours des circonstances.

  A001001373 

 Il estoit raysonnable qu'estant la foy de choses qui surmontent nature, elle fust averëe par œuvres qui surpassent nature, et qui monstrent que la prædication ou parole annoncëe part de la bouche et authorité du Maistre de nature, le pouvoir duquel n'est point limité, lequel se rend par le miracle comme tesmoin de la verité, soussigne et met son sceau a la parole portëe par le prædicateur.

  A001001373 

 Or, semble il que les miracles soyent tesmoignages generaux pour les simples et plus rudes: car chacun ne peut pas sonder l'admirable convenance quil y a entre les Propheties et l'Evangile, la grande sapience de l'Escriture, et semblables marques illustres qui sont en la Religion Chrestienne, c'est un examen a faire aux doctes; mays il ni a celuy qui n'apprehende le tesmoignage d'un vray miracle, chacun entend ce langage entre les Chrestiens.

  A001001379 

 Il ni a presqu'article de nostre Religion qui n'ait esté approuvé de Dieu par miracle.

  A001001379 

 Les miracles qui se font en l'Eglise, monstrans ou est la vraye Eglise, font suffisante preuve de toute la creance de l'Eglise; car Dieu ne porteroit jamays tesmoignage a une eglise qui n'eust la vraÿe foy et fust errante, idolatre, trompeuse: mays ceste bonté supreme ne s'arreste pas la; elle a confirmé presque tous les pointz de la foy Catholique par tres illustres miracles, et, par une speciale providence de Dieu, nous trouvons que quasi sur tous les articles esquelz nous sommes en different avec les ministres, Nostre Seigneur a rendu tres illustre tesmoignage de la verité que nous prechons, par miracles irreprochables.

  A001001380 

 .. Que dites vous? si vous me demandes qui a faict ce miracle, je vous respondray par les propres paroles de Nostre Seigneur: Cæci vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelizantur... Quelle foy l'a demandé? la foy que le Pape est successeur de saint Pierre, et en a l'eminente authorité.

  A001001380 

 En quoy s'est faict le miracle? en ce que ce patient a esté remis de la privation a l'habitude, et une operation vitale luy a esté rendue, qui est l'ouÿe, car encor quil n'est pas dict quil fut sourd, si l'estoit il neanmoins, car le muet naturel est tousjours sourd.

  A001001380 

 Qui raconte ceste histoire? un tressaint et docte personnage, par l'aveu mesme des adversaires qui le font le dernier bon Pape.

  A001001381 

 Ainsy nous prechons la realité du Cors de Nostre Seigneur et de son Sang au Sacrement de l'autel: Nostre Seigneur l'a authorisé par la miraculeuse experience quil en fit voir a un Juif et une Juifve qui assistoyent a la messe de saint Basile, tesmoin saint Amphilochius qui vivoit environ l'an 380.

  A001001381 

 Une femme aussy qui avoit petri le pain qu'on devoit consacrer, venant a la sainte Communion, comm'elle vit saint Gregoire, tenant non plus le pain mais le tressaint Sacrement, venir a elle pour la communier, et dire, Corpus Domini Nostri Jesu Christi custodiat animam, etc., elle se prit a rire; saint Gregoire l'interroge pourquoy elle rioyt, elle respond que c'estoit parce qu'elle avoit petri le pain duquel saint Gregoire avoit dict que c'estoit le Cors de Nostre Seigneur; saint Gregoire impetra par prieres que la sainte Eucharistie apparut au dehors ce qu'elle estoit au dedans, dont ceste pauvre femme fut reduite a la foy, et tout le peuple confirmé: c'est une histoire racontëe par le bon Paulus Diaconus..

  A001001382 

 Nous prechons quil faut adorer Nostre Seigneur qui est realement au tressaint Sacrement: Gorgonia, seur de saint Gregoire Nazianzene, le fit, et incontinent elle guerit d'une maladie incurable, au rapport de son [324] frere mesme.

  A001001384 

 Nous prechons que c'est non seulement Sacrement, mais Sacrifice: et saint Augustin, parlant d'un lieu inhabitable par la violence des espritz malins, qui estoit a Hesperius, au territoire Fussalense, Perrexit unus, dict [il], ex presbiteris, obtulit ibi Sacrificium Corporis Christi, orans quantum potuit ut cessaret illa vexatio, Deoque protinus miserante cessavit.

  A001001385 

 Nous prechons la sainte communion des Saintz, en la priere quilz font pour nous et en l'honneur que nous leur deferons: mays quand aurois je faict a vous produire les miracles qui se sont faict sur ceste creance? Theodoret, De curandis Græc.

  A001001390 

 Nous confessons humblement nos pechés aux superieurs ecclesiastiques: et saint Jan Climacus raconte que comme une personne tres vicieuse confessoit ses fautes, on vit un grand et terrible, qui rayoit d'un livre de contes les pechés, a mesure que cestuy ci les confessoit; par ce, dict le mesme Climacus, que la confession bien delivre de l'eternelle confusion..

  A001001391 

 Nous avons des images en nos eglises: mays qui ne sçait les grans miracles qui furent faitz au crucifiement d'une image de Nostre Seigneur, que les Juifz firent en Syrie en la ville de Berite? non seulement le sang en sortit, mays ce sang guerit quicomque en fut touché, de toutes sortes de maladies; c'est le grand saint Athanase qui le raconte..

  A001001392 

 Nous y avons de l'eau beniste et du pain benit: mays saint Hierosme raconte que plusieurs pour guerir les malades prenoyent du pain benit par saint Hilarion; et saint Gregoire dict que saint Fortunat guerit un homme qui en une cheute de cheval s'estoit rompu la jambe, par la seule aspersion de l'eau benite.

  A001001393 

 Et plus bas il dict: Neque aliter Martirum operibus inviderent, nisi fidem in iis fuisse eam quam isti non habent judicarent, fidem illam Majorum traditione firmatam, quam dæmones ipsi negare non possunt, sed Arriani negant: non accipio a diabolo testimonium sed confessionem. Quelles circonstances ne rendent ces miracles irreprochables? une partie sont restitutions des operations vitales, qui ne se peut faire par autre puyssance que la divine; le tems auquel ilz se sont faitz estoit tout voysin a celuy de Nostre Seigneur, l'Eglise toute pure et sainte; il ni avoit point d'Antichrist au monde, comme dient les ministres; [327] les personnes par la priere desquelles ilz se faysoyent, tres saintes; la foy qui en estoit confirmëe estoit generale et tres Catholique; les autheurs qui les recitent, tres asseurés..

  A001001393 

 Les Arriens nioyent [le miracle sur] l'aveugle qui fut gueri par l'atouchement du bord du drap qui couvroit les reliques de saint Gervais et Protais, et disoyent quil n'avoyt pas esté gueri; saint Ambroise respond: Negant cæcum illuminatum, sed ille non negat se sanatum.

  A001001393 

 Or quel mespris est ce de tant de miracles, de se mocquer et gauser de toute ceste doctrine, et de l'Eglise qui la præche? Si vous ne voules priser le tesmoignage de l'antiquité, Testimonium Dei majus est.

  A001001393 

 Qu'est ce que vous respondres? Quand a moy, j'ay escrit icy les premiers miracles qui me sont venus en main; que j'ay pris neanmoins des autheurs qui ont estés en la pure Eglise, car si je vous eusse apporté les miracles faictz au tems de saint Bernard, de saint Malachie, de Bede, de saint François, vos ministres eussent incontinent crié que c'estoyent des prodiges de l'Antichrist, mays puysque tous tant quilz sont confessent que l'Antichrist n'a point comparu sinon quelque tems apres saint Gregoire, et que ce que je produis a tout esté faict auparavant, ou au tems de saint Gregoire, il n'y eschoit point de difficulté.

  A001001394 

 Ce grand saint Augustin tesmoigne avoir veu, sur les reliques saint Gervais et Protais a Milan, un homme aveugle recouvrer la veüe; une femme a Carthage avoir esté guerie d'un cancer par le signe de la Croix qu'une femme nouvellement baptizëe luy fit; Hesperius, un sien familier, avoir chassé les espritz qui infestoyent sa mayson, avec un peu de terre du Sepulchre de Nostre Seigneur, et ceste terre despuys transportëe a l'eglise, un paralitique y estant apporté avoir esté soudain gueri; une femme en une procession ayant touché a la chasse saint Estienne d'un bouquet, et de ce bouquet s'estant frottëe les yeux, avoir recouvré la veüe qu'elle avoit pieça perdue; et plusieurs autres miracles ou il dict luy mesme avoir assisté.

  A001001394 

 De quoy accuserons nous et luy et deux Evesques, Aurelius et Maximinus, quil apelle pour ses recors? sera ce d'ignorance, simplesse, facilité? ou de malice et imposture? est il homme, en nostre siecle, si impudent qui pense leur estre comparable, soit en vertu, soit en sçavoir, jugement et suffisance? ».

  A001001409 

 Soit en nature soit sur nature, la rayson est tousjours rayson, et la verité, verité; aussy n'est ce que le mesme œïl qui voit es obscurités d'une nuict bien sombre a deux pas devant luy, et celuy qui voit au beau jour de mydi tout le cercle de son horison, mays ce sont diverses lumieres qui luy esclairent: ainsy est il certain que la verité, et sur nature et en [330] nature, est tousjours la mesme, ce sont seulement diverses lumieres qui la monstrent a nos entendemens; la foy nous la monstre sur nature, et l'entendement en nature, mays la vérité n'est jamais contraire a soymesme..

  A001001410 

 .. Item, Dieu, qui a donné a nos sens leurs propres sentimens et connoissances, pour seconder nature ne permet que jamais ilz soyent trompés quand ilz sont en une droitte application, et nostre experience prise a part, simple et nüe, ne bronche point.

  A001001410 

 .. Item, nos sens ne se trompent pas sur leur propre object quand l'application est bien faitte, et nostre experience prise a part, simple et nüe, ne peut estre deceüe: ce sont propositions de la philosophie, qui ont ceste rayson bien asseurëe, c'est que Dieu est autheur de nos sens, et les dresse, comme saint ouvrier et infallible, a leur propre fin et but; ce sont certes premiers principes, que ceux qui les leveroyent nous leveroyent tout discours et rayson.

  A001001410 

 Mon œil se peut tromper, jugeant une chose plus grande qu'elle n'est; mays la grandeur n'est pas le propre object de mon œil, car il est commun au toucher et a la main: et se peut tromper, estimant le mouvement estre ou il n'est point, comme ceux qui navigent le long de la rive voient, ce leur semble, les arbres et tours se remuer; mays le mouvement n'est pas propre object de la veüe, le toucher y a part encores: il se peut encores tromper si l'application n'est pas pure; car, sil y a du verre vert ou rouge en l'entredeux, il pensera vert ou rouge ce qui ne le sera pas..

  A001001411 

 Ainsy les yeux ni l'experience ne trompoyent pas ceux qui [331] voyoient et experimentoyent en Nostre Seigneur la forme et maniere humayne, car tout cela y estoit, mays quand ilz tiroient de la, consequence quil n'estoit pas Dieu, ilz se trompoyent.

  A001001411 

 Au reste, si au jugement du sens et a l'experience vous y adjoustes du discours et de la consequence, si vous vous y trompes ne vous en prenes plus au sentiment ni a l'experience, car elle n'est plus pure ni simple, qui est une des conditions que j'ay mises en mes propositions; c'est le discours et la consequence que vous y aves attachüe qui vous a trompé.

  A001001411 

 De mesme, l'experience qui nous monstre que nous ne sçavons pas comme ces accidens sont sans leur naturelle substance, est tres veritable, mays si nostre jugement tire conclusion de la quil n'en soit rien, il se trompe et nous trompe encores; et nostre experience n'en peut mais, qui n'a point touché a ceste consequence..

  A001001411 

 Le sens qui juge qu'a l'autel il y a la rondeur, la blancheur, le goust et saveur du pain, juge bien, mays le discours qui deduit de la que la substance du pain y est encores, tire une tres mauvaise et fause conclusion; delaquelle le sens ne peut mais, qui ne prend point de connoissance sur la substance des choses, mais sur les accidens.

  A001001412 

 L'experience donques et la connoissance des sens est tres veritable, mays les discours que nous en tirons nous trahissent: hors de la, qui combat la connoissance des sens et la propre experience, combat la rayson et la renverse, car le fondement de tout discours depend de la connoissance des sens et de l'experience.

  A001001418 

 Quand Luther, en la præface de l' Assertion des articles condamnés par Leon, dict que « l'Escriture est tres aysëe, intelligible et claire a chacun », et que chacun y peut connoistre la verité, et discerner entre les sectes et opinions quelle est la vraye, quelle est la fausse, dites, je vous prie, combat il pas la propre experience de tout le monde? et quand vous aves creu ceste sottise, connoisses vous pas tout ouvertement le contraire? Je ne sache homme si versé qui osast jurer, sil a point de conscience, quil sçait le vray sens, je ne dis pas de toute l'Escriture, mays de quelque partie d'icelle; et si, n'ay je jamais veu homme entre vous qui entende le sens d'un chapitre tout entier..

  A001001420 

 Et quand Luther dict que le croire, esperer, aymer ne sont pas operations et actions de nostre volonté, mais pures passions sans aucune activité de nostre volonté, ne perd il pas tout en un coup le croire, l'esperer, l'aymer, et les change en estre creu, esperé et aymé, et combat le cœur de l'homme, qui connoist [333] bien que c'est luy qui croit, ayme, espere, par la grace de Dieu?.

  A001001423 

 « La loy de Dieu est impossible, » selon Calvin et les autres: que s'ensuit il de la, sinon que Nostre Seigneur soit tiran, qui commande chose impossible? si ell'est impossible, pourquoy la commande on?.

  A001001424 

 « A considerer exactement, les œuvres pour bonnes qu'elles soyent meritent plus l'enfer que le Paradis: » la justice donques de Dieu, qui donnera a chacun selon ses œuvres, donnera a chacun l'enfer? [334].

  A001001425 

 Mays l'absurdité des absurdités, et la plus horrible deraison de toutes, c'est celle la, que, tenans que l'Eglise tout'entiere aÿe erré mill'ans durant en l'intelligence de la Parole de Dieu, Luther, Zuingle, Calvin puyssent s'asseurer de la bien entendre; bien plus, qu'un simple ministrot, prechant comme parole de Dieu que toute l'Eglise visible a erré, que Calvin et tous les hommes peuvent errer, ose trier et choysir entre les interpretations de l'Escriture celle qui luy plaict, et l'asseurer et maintenir comme parole de Dieu; encores plus, que vous autres qui oyans dire que chacun peut errer au faict de la religion, et toute l'Eglise mesme, sans vouloir vous en chercher d'autre parmi mille sectes qui toutes se vantent de bien entendre la Parole de Dieu et la bien precher, croÿes si opiniastrément a un ministre qui vous preche, que vous ne voules rien ouir autre.

  A001001432 

 C'est une voix pleyne de fast et d'ambition entre vos ministres, et qui leur est ordinaire, quil faut interpreter l'Escriture et esprouver les expositions par l'analogie de la foy.

  A001001432 

 Disons, je vous prie: vous dites que l'Escriture est aysëe d'entendre, pourveu qu'on l'adjuste a la regle et proportion ou analogie de la foy; mays quelle regle de la foy peuvent avoir ceux [qui] n'ont point d'Escriture que toute glossee, toute estirëe et contournee d'interpretations, metaphores, metonimies? si la regle est sujette au desreglement, qui la reglera? et quelle analogie ou proportion de foy y peut il avoir, si on proportionne les articles de foy aux conceptions les plus esloignëes de leur naïfveté? Voules vous que la proportion des articles de foy vous serve pour vous resoudre sur la doctrine et religion? laysses les articles de foy en leur naturelle taille, ne leur bailles point d'autre forme que celle quilz ont receüe des Apostres.

  A001001432 

 Le simple peuple, quand il entend parler de l'analogie de la foy, pense que ce soit certain mot de secrette vigueur et force, et cabalistique, et admire tout'interpretation qui se faict, pourveu qu'on mette ce mot icy en campaigne.

  A001001434 

 L' omnipotentem me confirme, la creation m'y recrëe; car, qui ex nihilo fecit omnia, quare ex pane non faciet Corpus Christi? Le nom de Jesus m'y conforte, car sa misericorde et magnifique volonté y est exprimëe; ce quil est Filz consubstantiel au Pere monstre son pouvoir illimité.

  A001001434 

 L'Eglise, qui estant sainte ne peut induire a l'erreur, estant catholique n'est pas astreinte a ce miserable siecle, mays doit avoir son estendue en long des les Apostres, en large par tout le monde, en profondité jusqu'au Purgatoire, en hauteur jusqu'au ciel, a sçavoir, toutes nations, tous les siecles passés, les Saints canonizés et nos ayeulz desquelz nous avons esperance, les Prelatz, les Conciles recens et anciens, tout par tout chantent Amen, amen, a ceste sainte creance.

  A001001434 

 Sa conception d'une Vierge hors le cours naturel, ce quil n'a point dedaigné de s'y loger pour nous, ce quil est né avec penetration de dimension, action qui surmonte et outrepasse la nature d'un cors, m'asseure et de la volonté et du pouvoir.

  A001001434 

 Sa mort m'affermit, car, qui est mort pour nous, que ne fera il pas pour nous? Son sepulchre me console, et sa descente aux enfers, car je ne douteray point quil ne descente en l'obscurité de mon cors, etc. [337] Sa resurrection me ravive, car la nouvelle penetration de la pierre, l'agilité, subtilité, clarté, impassibilité de son cors n'est plus sujette aux loix trop grossieres de nos cervelles.

  A001001435 

 O saint et parfaict memorial de l'Evangile, o admirable recueil de nostre foy: qui croit, o Seigneur, vostre præsence en ce tressaint Sacrement, comme preche vostre sainte Eglise, a recueilly et suce le doux miel de toutes les fleurs de vostre sainte Religion, a grand peyne quil puysse jamais mescroire..

  A001001435 

 Ou trouves vous de la contrarieté a ceste sainte analogie de la foy? tant s'en faut, que vrayement ceste creance du tressaint Sacrement, qui contient en verité, realité et substance le vray et naturel Cors de Nostre [338] Seigneur, est vrayement l'abbregé de nostre foy, suyvant le dire du Psalmiste, Memoriam fecit.

  A001001436 

 En fin, au Saint Sacrement, aussi bien qu'es saintes paroles de Nostre Seigneur, l'esprit y est, qui vivifie la chair, autrement elle ne proufiteroit de rien, mays la chair ne laisse pas d'y estre avec sa vie et son esprit.

  A001001436 

 Que dires vous? que les paroles de Nostre Seigneur sont esprit et vie? qui le nie, sinon vous qui dites que ce ne sont que tropes et figures? Mays a quel propos ceste consequence: les paroles de Nostre Seigneur sont esprit et vie, donques elles ne se doivent pas entendre de son cors? Et quand il dict, Filius hominis tradetur ad illudendum et flagellandum, etc. (car je metz pour exemple les premieres venues), ses paroles n'estoyent ce pas esprit et vie? dites donques qu'il a esté crucifié en figure.

  A001001436 

 Que la chair ne prouffite de rien? non pas la vostre ou la mienne qui ne sont que charoignes, ni nos sentimens charnelz; nom pas une chair simple, morte, sans esprit ni vie: mays celle du Sauveur, qui est tousjours garnie de l'Esprit vivifiant et de son Verbe, je dis qu'elle proufite a tous ceux qui la reçoivent dignement pour la vie æternelle.

  A001001437 

 A tout rompre vous monstreres que qui voudroit un peu estirer ces paroles, il trouveroit quelques semblables phrases en l'Escriture que celle que vous pretendes estre icy, mays ad esse a posse c'est une lourde consequence; je nie que vous le puyssies faire joindre, je dis que si chacun les manie a sa main, la pluspart les prendront a gauche.

  A001001438 

 Bon Dieu, en quelz laberinthes tumbent ceux qui s'escartent de la trace des Anciens..

  A001001438 

 Dites moy donques, si la regle a besoin de reglement, qui la reglera? Ainsy le Simbole dict que Nostre Seigneur est descendu en enfer, et Calvin le veut regler a ce quil s'entende d'une descente imaginaire, l'autre le rapporte au sepulcre: n'est ce pas traitter ceste regle a la Lesbienne, et plier le niveau sur la pierre au lieu de tailler la pierre au niveau? Pour vray, comme saint Clement et saint Augustin l'appellent regle, aussy saint Ambroise l'appelle clef, mays sil faut une autre clef pour ouvrir ceste clef, ou la trouverons nous? monstres la nous; sera [ce] le cerveau des ministres, ou quoy? sera ce le Saint Esprit? mays chacun se ventera d'en avoir sa part.

  A001001438 

 Voicy une regle infallible de nostre foy: Dieu est tout puyssant; qui dict tout n'exclud rien, et vous voules regler ceste regle, et la limiter a ce qu'elle ne s'estende pas a la puyssance absolue, ou a la puyssance de placer un cors en deux lieux, ou le placer en un lieu sans quil y occupe l'espace exterieur.

  A001001438 

 Voyla vostre analogie; a sçavoir mon, qui a mieux travaillé, ou vous ou moy? Si on vous laisse interpreter la descente de Nostre Seigneur aux enfers, du [340] sepulcre, ou de l'apprehension de l'enfer et peyne des damnés, la sainteté de l'Eglise, d'une Eglise invisible et inconneüe, son universalité, d'une Eglise secrette et cachëe, la communion des Saintz, d'une seule bienveuillance generale, la remission des pechés, d'une seule non imputation, quand vous aures ainsy proportionné le Simbole a vostre jugement, il sera quand et quand bien proportionné au reste de vostre doctrine; mays qui ne voit l'absurdité? le Simbole, qui est l'instruction des plus simples, seroit la plus obscure doctrine du monde, et devant estre regle a la foy, il auroit besoin d'estre reglé par une autre regle; In circuitu impii ambulant.

  A001001439 

 Mays comme vous mesprisés toute la doctrine ecclesiastique, aussi mesprises vous ceste noble partie et si signalëe qui est le Simbole, luy refusant creance sinon apres que vous l'aures reduit au petit pied de vos conceptions.

  A001001445 

 Par exemple, ny a il pas plus de misericorde d'exhiber la realité de son Cors pour nostre viande, que de n'en donner que la figure, commemoration et manducation fiduciaire? n'est ce pas plus de justifier l'homme embellissant son ame par la grace, que sans l'embellir le justifier par une simple connivence ou non imputation? n'est ce pas une plus grande faveur de rendre l'homme et ses œuvres aggreables et bonnes, que de tenir seulement l'homme pour bon sans quil le soit en realité? n'est ce pas plus d'avoir layssé sept Sacremens pour la justification et sanctification du pecheur, que de n'en avoir laissé que deux, dont l'un ne serve de rien et l'autre de peu? n'est ce pas plus d'avoir laissé la puyssance d'absouvre en l'Eglise, que de n'en avoir point laissé? n'est ce pas plus d'avoir laissé une Eglise visible, universelle, signalëe, remarquable et perpetuelle, que de l'avoir layssé petite, secrette, dissipëe, sujette a corruption? n'est ce pas plus priser les travaux de Nostre Seigneur, de dire qu'une seule goutte de son sang suffisoit a racheter le monde, que de dire que s'il n'eut enduré les peynes des damnés il ni avoit rien de faict? la misericorde de Dieu n'est elle pas plus magnifiëe, de donner a ses Saintz la connoissance de ce qui se faict cy bas, le credit de prier pour nous, se rendre exorable a leurs intercessions, les avoir rendu glorieux des leur mort, que de les faire attendre et tenir « en suspens », comme parle Calvin, jusqu'au jugement, les rendre sourds a nos prieres et se rendre inexorable aux leurs? Cecy se verra plus clair en nos essais..

  A001001448 

 Voyes vous pas ceste Espouse qui n'a autre que miel et laict sous sa langue, qui ne respire que la plus grande gloire de son Espoux, son honneur et son obeissance? Sus donques, Messieurs, voules vous estre mis comme pierres vivantes es murailles de la celeste Hierusalem? leves vous des mains de ces bastisseurs desreglés, qui n'adjustent pas leurs conceptions a la foy, mais la foy a leurs conceptions; venes et vous presentes a l'Eglise, qui vous posera, si a vous ne tient, en ce celeste bastiment, a la vraye regle et proportion de la foy: car, jamais personne n'aura place la haut, qui n'aura esté poli et mis en œuvre sous la regle et l'esquierre cy bas.

  A001001456 

 Quicomque vous vouloit separer de l'union de l'Eglise vous devoit estre suspect, et qui mesprisoit si fort les saintes Regles de la foy devoit estre fuy et mesprisé, quelle contenance quil tint, quoy quil allegast.

  A001001457 

 .. Ah mon Dieu, comme creutes vous si legerement? Il ny eut onques heresie qui alleguast plus hors de propos la Parole de Dieu que celle cy, et qui en tirast des conclusions moins sortables, particulierement es principales disputes.

  A001001457 

 Mays, ce me dires vous, ilz protestoyent de ne rien dire qui ne fut expres en la pure, simple et naifve Parole de Dieu.

  A001001458 

 Car, par supposition, faysons que jamais il ny eust Eglise, ni Concile, ni Pasteurs, ni Docteurs, des les Apostres, et que l'Escriture Sainte ne contient que les Livres quil plaict a Calvin, Beze et Martyr d'avouer, quil ny a point de Regle infallible pour la bien entendre, mays qu'elle est a la merci des conceptions de quicomque voudra maintenir quil interprete l'Escriture par l'Escriture et par l'analogie de la foy, comme on veut entendre Aristote par l'Aristote et par l'analogie de la philosophie; confessons seulement que ceste Escriture est divine, et je maintiens devant tous juges equitables que, si non tous, au moins ceux d'entre vous qui avoyent quelque connoissance et suffisance sont inexcusables, et ne sçauroyent garentir leur religion de legereté et temerité.

  A001001459 

 En l'assemblëe des princes qui se fit a Spire l'an 1526, les ministres protestans portoyent ces lettres en la manche droitte [347] de leurs vestemens: V. D. M. I. Æ.

  A001001459 

 Et a ceste occasion j'adjusteray tousjours le sens et la consequence que je produiray des Escritures, aux Regles que j'ay produites en la seconde Partie; quoy que mon dessein principal ne soit que de vous faire essayer la vanité de vos ministres, qui ne faysans que crier, la Sainte Escriture, la Sainte Escriture, ne font rien plus que d'en violer les plus asseurëes sentences.

  A001001459 

 Et toutefois, je vous supplie que si vous me voyes combattre, abattre et en fin surmonter l'ennemy avec la seule Escriture, vous vous representies alhors ceste grande et honnorable suite de Martyrs, Pasteurs et Docteurs, qui ont tesmoigné par leur doctrine et au prix de leur sang que la doctrine pour laquelle nous combattons maintenant estoit la sainte, la pure, l'Apostolique, qui sera comme une surcharge de victoire: car, quand nous nous trouverions en pareille fortune avec nos ennemis, par la seule Escriture, l'ancienneté, le consentement, la sainteté de nos autheurs nous feroit tousjours triompher.

  A001001459 

 Ilz font comme ceux qui veulent faire prendre quelque breuvage amer aux petitz enfans: ilz frottent et couvrent de miel le bord du gobelet, affin que ce simple aage, sentant premierement le doux, n'apprehende point l'amer.

  A001001459 

 Lises les opuscules de Paulus Samosatenus, de Priscillien, d'Eunomius, Jovinien, et de ces autres pestes; vous verres un grand amas d'exemples, et presque pas une pagëe qui ne soit fardëe et colorëe de quelques sentences du Viel et Nouveau Testament.

  A001001459 

 Ne diries vous pas que c'est bien eux qui seulz et sans compaignon manient l'Escriture Sainte? Ilz en citent, a la verité, des morceaux, et a tous propos, « en public, en privé, » dict le grand Lirinensis, « en leurs discours, en leurs livres, es rues, es banquetz.

  A001001459 

 » Mays qui sondera au fons de leur doctrine, verra clair comme le jour que ce n'est qu'une happelourde saffranëe, telle que celle que le diable produisoit quand il tentoit Nostre Seigneur, car il avançoit l'Escriture pour son intention.

  A001001469 

 Mays nous [allons] voir cecy cy apres; il suffit maintenant, contre l'insolence de Zuingle et autres qui ont voulu rejetter ce nom, que toute l'Eglise ancienne en aÿe usé: car ce n'est pas avec une plus grand'authorité que le mot de Trinité, Consubstantiel, Personne, et cent autres sont demeurés en l'Eglise comme saints et legitimes; et c'est une tres inutile et sotte temerité de vouloir changer les motz ecclesiastiques que l'antiquité nous a laissé, outre le danger quil y auroit, qu'apres le changement des motz on n'allast au change de l'intelligence et creance, comme on voit ordinayrement que c'est l'intention de ces novateurs de paroles.

  A001001475 

 Et quand a ce dernier, personne ne nia jamais que l'instruction ne doive preceder le Baptesme, a l'endroit de ceux qui en sont capables, suyvant la parole de Nostre Seigneur qui met l'instruction devant et le Baptesme apres; mays nous arrestans a la mesme parole, nous mettons l'instruction devant, a part, comme disposition requise en celuy qui a l'usage de rayson, et le Baptesme a part encores; dont l'un ne peut estre forme de l'autre, ni le Baptesme, de la prædication, ni la prædication, du Baptesme.

  A001001475 

 Que si saint Hierosme, suyvant le sens mistique, veut que la prædication soit une sorte d'eau purifiante, il ne s'oppose pourtant pas aux autres [351] Peres, qui ont entendu le lavoir d'eau estre le Baptesme precisement, et la parole de vie, l'invocation de la tressainte Trinité, affin d'interpreter le passage de saint Pol par l'autre de saint Mathieu: Enseignes toutes gens, les baptisans au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A001001475 

 Voyla [pas des] passages bien clairs pour monstrer que la prædication [est] la vraye forme des Sacremens? Mays qui leur a dict quil ni a point d'autre Mot vitæ que la predication? je soustiens, au contraire, que ceste sainte invocation, Je te baptise au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, est encores un Mot vitæ, comme l'ont dict saint Chrysostome et Theodoret; aussi sont bien les autres saintes prieres et invocations du nom de Dieu, qui ne sont pourtant pas prædications.

  A001001476 

 Et pour monstrer que le Baptesme est de Nostre Seigneur, non de celuy qui l'administre, il ne dict pas, Nunquid in prædicatione Pauli baptizati estis? mais plustost, Nunquid in nomine Pauli baptizati estis? monstrant que quoyque la prædication præcede, si n'est elle pas de l'essence du Baptesme, pour attribuer au prædicateur et catechiste le Baptesme comm'il est attribué a celuy le nom duquel y est invoqué.

  A001001476 

 Et quand a la tressainte Eucharistie, qui est l'autre Sacrement que les ministres font semblant de recevoir, ou trouveront ilz jamais que Nostre Seigneur y aÿe usé de prædication? Saint Pol enseigne aux Corinthiens comm'il faut celebrer la cene, mays on ny trouve point qu'il y soit commandé de precher; et affin que personne ne doutast que le rite quil proposoit fut legitime, il dict quil l'avoit ainsy apris de Nostre Seigneur: Ego enim accepi a Domino, quod et tradidi vobis.

  A001001476 

 Les voyci: Qui crediderit et baptizatus fuerit; voyes vous la creance qui nait en nous par la prædication, separëe du Baptesme? ce sont donq deux choses distinctes, la prædication et le Baptesme.

  A001001476 

 Nostre Seigneur fit bien un admirable sermon apres la cene, recité par saint Jan, mays ce ne fut pas pour le mistere de la cene, qui estoit ja complet.

  A001001476 

 Pour vray, a qui regardera de pres le premier Baptesme faict apres la Pentecoste, verra clair comme le jour que la prædication est une chose et le Baptesme une autre: His auditis, voyla la prædication d'un costé, compuncti sunt corde, et dixerunt ad Petrum et ad reliquos Apostolos: quid faciemus, viri fratres? Petrus vero ad illos: pænitentiam, inquit, agite, et baptizetur unusquisque vestrum in nomine Jesu Christi, in remissionem peccatorum vestrorum; voyla le Baptesme d'autre costé, mis a part.

  A001001476 

 Que si en l'institution de ces divins misteres, et en la prattique mesme des Apostres, nous trouvons de la distinction entre la predication et les Sacremens, a quelles enseignes les confondrons nous? ce que Dieu a separé, pourquoy le conjoindrons nous? En ce point donques, selon l'Escriture, nous l'emportons tout quitte, et les ministres sont convaincus de violation de l'Escriture, qui veulent changer l'essence des Sacremens contre leur institution..

  A001001476 

 Qui doute que saint Pol n'ait catechisé et instruict de la foy plusieurs Corinthiens qui ont estés baptisés? que si l'instruction et prædication estoit la forme du Baptesme, saint Pol n'avoit pas rayson de dire, Gratias ago Deo quod [352] neminem baptizavi nisi Crispum et Caium, etc.; car donner forme a une chose, n'est ce pas la faire? Bien plus, que saint Pol met a part le baptizer du precher: Non me misit Christus baptizare sed evangelizare.

  A001001477 

 Ilz violent encores la Tradition, l'authorité de l'Eglise, des Conciles, des Papes et des Peres, qui tous ont creu et croyent que le Baptesme des petitz enfans est vray et legitime: mays comme veut on que la predication y soit employëe? les enfans n'entendent pas ce qu'on dict, ilz ne sont pas capables de l'usage de rayson, a quoy faire les instruire? on peut bien precher devant eux, mays ce seroit pour neant, car leur entendement n'est pas encor ouvert pour recevoir l'instruction, comme instruction; elle ne les touche point, ni ne leur peut estre appliquëe, quel effect donq peut elle faire en eux? [leur] Baptesme donq seroit vain, puysqu'il seroit sans forme et [signification]: la forme donq du Baptesme n'est pas la prædication.

  A001001477 

 Item, la pluspart des baptesmes qui se font en l'Eglise Catholique se font sans aucune prædication; ilz ne sont donq pas vrays baptesmes, puysque la forme y manque: que ne rebaptizes vous donques ceux qui vont de nostre Eglise a la vostre? ce seroit un anabaptisme..

  A001001478 

 Quomodo, dict le grand saint Ambroise, potest qui panis est Corpus esse Christi? consecratione; et plus bas: Non erat Corpus Christi ante consecrationem, sed post consecrationem dico tibi quod jam est Corpus Christi; et voyes le bien au long, mays je me reserve sur ce sujet quand nous traitterons de la sainte Messe..

  A001001478 

 Y a il rien si clair en l'Escriture: Docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti; ceste forme, au nom du Pere, etc., est elle pas invocatoire? certes, le mesme saint Pierre qui dict aux Juifz, Pœnitentiam agite, et baptizetur unusquisque vestrum in nomine Jesu Christi, in remissionem peccatorum vestrorum, dict peu apres au boiteux devant la belle porte, In nomine Jesu Christi Nazareni, surge et ambula: qui ne voit que ceste derniere parole est invocatoire? et pourquoy non la premiere, qui est de mesme substance? Ainsy saint Pol ne dict pas, Calix prædicationis de quo prædicamus, nonne communicatio Sanguinis Christi est? mays au contraire, Calix benedictionis cui benedicimus; on le consacroit donques et benissoit-on: ainsy au Concile de Laodicëe, c. 25, Non oportet Diaconum calicem benedicere.

  A001001485 

 Comm'il suffit pour dire que je preche pour servir Dieu et pour le salut des ames, si lhors que je me veux præparer j'ay ceste intention, quoy que quand je suys en chaire je pense a ce que j'ay a dire et a m'en tenir en memoyre, et ne pense plus en ceste premiere intention: ou comme celuy qui a resolu de donner cent escus pour l'amour de Dieu, puys, sortant de sa mayson pour ce faire, pense a d'autres choses, et neanmoins distribue la somme; car encores quil n'aye pas la pensee dressëe actuellement en Dieu, si ne peut on pas dire quil n'aÿe son intention a Dieu en vertu de sa premiere deliberation, et quil ne face cest'œuvre de charité deliberement et a son escient.

  A001001485 

 Item, le Concile ne dict pas quil soit necessaire de vouloir faire ce que l'Eglise Romayne faict, mays seulement en general ce que l'Eglise faict, sans particulariser quelle est la vraye Eglise: ains, qui, pensant que l'eglise pretendue de Geneve fust la vraye Eglise, limiteroit son intention a l'intention de l'eglise de Geneve, se tromperoit si jamais homme se trompa en la connoissance [357] de la vraÿe Eglise, mays son intention suffiroit en cest endroit, puysque encores qu'elle se terminast a l'intention d'une eglise fausaire, si est ce qu'elle ne s'y termineroit que sous la forme et conception de la vraye Eglise, et l'erreur ne seroit que materiel, non formel, comme disent nos docteurs.

  A001001485 

 Le Concile ne dict pas quil soit requis d'avoir l'intention particuliere de l'Eglise, car autrement les Calvinistes, qui n'ont pas intention au Baptesme de lever le peché originel, ne baptiseroyent pas bien, puysque l'Eglise a ceste intention la, mays seulement de faire en general ce que l'Eglise faict quand elle baptise, sans particulariser ni determiner quoy ni comment.

  A001001486 

 On ne peut raysonnablement douter que pour faire la Cene de Nostre Seigneur, ou le Baptesme, il ne faille faire ce que Nostre Seigneur a commandé pour cest effect, et non seulement quil le faille faire, mays quil le faille faire en vertu de ce commandement et institution: car on peut bien faire ces actions en vertu d'autre que du commandement de Nostre Seigneur, comme fairoit un [358] homme qui, dormant, songeroit et baptiseroit, ou bien estant ivre; pour vray les paroles y seroyent et l'element, mays elles n'auroyent point de force, ne procedans pas du commandement de qui les peut rendre vigoureuses et efficaces; ainsy que tout ce qu'un juge dict et escrit ne sont pas sentences judiciaires, mays seulement ce quil dict en qualité [de juge].

  A001001486 

 Or, comme pourroit on mettre difference entre les actions sacramentelles estant faites en vertu du commandement qui les rend pregnantes, et ces mesmes actions faites a autre fin? Certes, la difference n'y peut estre que par l'intention avec laquelle on les emploÿe; il faut donq que non seulement les paroles soyent proferëes, mays proferëes avec intention de faire le commandement de Nostre Seigneur, en la Cene, Hoc facite, au Baptesme, Baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti..

  A001001487 

 Il ne suffit donq pas de faire ce que Nostre Seigneur a commandé quand il dict, Hoc facite, mays le faut faire a l'intention que Nostre Seigneur l'a commandé, c'est a dire, in sui commemorationem; sinon avec ceste intention particuliere, au moins generale, sinon immediatement, au [359] moins mediatement, voulant faire ce que l'Eglise faict, laquelle a intention de faire ce que Nostre Seigneur a faict et commandé, si que on s'en rapporte a l'intention de l'Espouse, qui est adjustëe au commandement de l'Espoux..

  A001001487 

 Je crois quil est impossible d'imaginer qu'un homme face la Cene en commemoration de Nostre Seigneur, sil n'a l'intention de faire ce que Nostre Seigneur a commandé, ou au moins de faire ce que font ceux qui le font en la commemoration de Nostre Seigneur.

  A001001488 

 Or, comme peut estre faicte une action au nom de Dieu, qui se faict pour se mocquer de Dieu? Pour vray, l'action du Baptesme ne depend pas tellement des parolles, qu'elle ne se puysse faire en vertu et en authorité toute contraire aux parolles, si le cœur, qui est le moteur des paroles et de l'action, les dresse a une contraire fin et intention.

  A001001488 

 Que sil se trouve es histoires que certains baptesmes faitz par jeu ont estés approuvés, il ne le faut trouver estrange, par ce qu'on peut faire en jeu plusieurs choses et neanmoins avoir l'intention de faire veritablement ce qu'on a veu faire; mays on appelle jeu tout ce qui se faict hors de saison et de discretion, quand il ne se faict pas par malice ou sans volonté.

  A001001502 

 N'avons nous pas rayson, tous tant que nous sommes de domestiques et enfans de l'Eglise, de nous porter pour appellans, et nous plaindre de la partialité des juges, laissans a part, pour ceste heure, l'incompetence d'iceux? Donques nous appelions des juges non instruitz a eux mesmes instruitz, et des jugemens faictz partie non ouye, a des jugemens partie ouye, supplians tous ceux qui voudront juger sur ce different, de considerer nos allegations et probations d'autant plus attentivement, qu'il y gist, non de la condamnation de la partie accusee, qui ne peut estre condamnee par ses inferieurs, mays du damnement ou sauvement de ceux mesmes qui en jugeront..

  A001001508 

 Et quand au sang de Nostre Seigneur, nous reconnoissons tellement la vertu d'iceluy, que nous protestons par toutes nos prieres que la purgation des ames, soit en ce monde soit en l'autre, ne se faict que par son application; plus jaloux de l'honneur deu a ceste pretieuse medecine que ceux qui, pour la [364] priser, en mesprisent le saint usage.

  A001001508 

 Nous sommes d'accord que le sang de nostre Redempteur est le vray purgatoire des ames, car en iceluy sont nettoyees toutes les ames du monde; dont saint Pol l'appelle, aux Hebreux, premier, purgationem peccatorum facientem: les tribulations aussi sont certains purgatoires, par lesquelz nos ames sont rendues pures comme l'or est affiné en la fournaise; Ecclesiastici 27, Vasa figuli probat fornax, justos autem tentatio tribulationis: la penitence et contrition est encores un certain purgatoire; dont David dict, au Psal. 50, Asperges me, Domine, hyssopo, et mundabor: on sçait bien aussi que le Baptesme, auquel nos pechés sont lavés, peut estre appellé purgatoire, et tout ce qui sert a la purgation de nos offenses; mays icy nous appelions Purgatoire, un lieu auquel, apres ceste vie, les ames lesquelles partent de ce monde avant qu'estre parfaictement espurees des souilleures qu'elles ont contractees, ne pouvant rien entrer en Paradis qui ne soit pur et net, sont arrestees pour y estre nettoyees et purifiees.

  A001001508 

 Nous soustenons donques que l'on peut prier pour les fideles trespassés, et que les prieres et bonnes actions des vivans les soulagent beaucoup et leur sont prouffitables; parce que tous ceux qui meurent en la grace de Dieu, et par consequent du nombre des esleus, ne vont pas tous de premier abord en Paradis, mays plusieurs vont au Purgatoire, ou ilz souffrent [363] une peyne temporelle, a la delivrance de laquelle nos prieres et bonnes actions peuvent ayder et servir.

  A001001508 

 Que si on veut sçavoir pourquoy ce lieu est plustost appellé simplement Purgatoire que les autres moyens de purgation cy dessus apportés, on respondra que c'est parce qu'en ce lieu la on n'y faict autre que la purgation des taches qui sont demeurees au partir de ce monde, et qu'au Baptesme, penitence, tribulations et autres, non seulement l'ame s'espure de ses imperfections, mays s'enrichit encores de plusieurs graces et perfections; qui a faict laisser le nom de Purgatoire a ce lieu de l'autre siecle, lequel, a proprement parler, n'est pour autre que pour la purification des ames.

  A001001514 

 Apres, vindrent certaines gens qui s'appelloyent Apostoliques, du tems de saint Bernard; puys les Petrobusiens, il y a environ cinq cens ans, qui nioyent encores ce mesme article, comme escrit saint Bernard, Sermone 65 et 66 in Cantica Cant., et en l'epistre 241, et Pierre de Cluny, epistre 1 et 2, et ailleurs.

  A001001514 

 Et semble que le premier qui l'a combattu a esté Aerius, heretique arrien, ainsy que saint Epiphane tesmoigne, Hær.

  A001001515 

 elle a prouvé les aumosnes, prieres et autres saintes actions pouvoir soulager les trespassés; dont il s'ensuit qu'il y a un purgatoire, car: ceux d'enfer ne peuvent avoir aucun secours en leurs peynes; en Paradis, tout bien y estant, nous n'y pouvons rien porter du nostre pour ceux qui y sont desja; donques c'est pour ceux qui sont en un troisiesme lieu, que nous appelions Purgatoire..

  A001001516 

 Elle a prouvé qu'en l'autre monde quelques defuncts estoyent delivrés de leurs peynes et pechés; ce qui ne se pouvant faire ni en enfer ni en Paradis, il s'ensuit qu'il y ait un Purgatoire..

  A001001517 

 Elle a prouvé que plusieurs ames avant qu'arriver en Paradis passoient par un lieu de peyne, qui ne peut estre que le Purgatoire..

  A001001518 

 Prouvant que les ames sous terre rendoient honneur et reverence a Nostre Seigneur, elle a prouvé quant et quant le Purgatoire, puysque cela ne se peut penser de ces pauvres miserables qui sont en enfer..

  A001001519 

 Par plusieurs autres passages, avec diversité de consequences toutes neanmoins bien a propos; en quoy l'on doit d'autant plus deferer a nos Docteurs, que les passages qu'ilz alleguent maintenant ont esté apportés a ce mesme propos par ces grans Peres anciens, sans que pour defendre ce saint article nous soyons allés forger de nouvelles interpretations: qui monstre asses la candeur avec laquelle nous cheminons [366] en besoigne, la ou nos accusateurs tirent des consequences de l'Escriture qui n'ont jamais esté pensees cy devant, ains sont mises tout de frais en œuvre pour seulement combattre l'Eglise..

  A001001526 

 Ce premier argument est invincible: il y a un tems et un lieu de purgation pour les ames apres ceste vie mortelle; donques il y a un Purgatoire, puysque l'enfer ne peut apporter aucune purgation, et le Paradis ne peut recevoir aucune chose qui ayt besoin de purgation.

  A001001528 

 Et de faict, les paroles precedentes favorisent ceste interpretation, esquelles il est parlé de la salvation des hommes; et puys a la fin du chapitre, ou il est parlé du repos des heureux, dont ce qui est dict, purgavit Dominus sordes, se doit entendre de la purgation necessaire pour ceste salvation; et parce que ceste purgation est dicte se devoir faire en esprit d'ardeur et de bruslement, elle ne se peut bonnement interpreter que du Purgatoire et du feu d'iceluy..

  A001001529 

 Ce lieu estoit desja en train pour prouver le Purgatoire parmi les Catholiques, du tems de saint Hierosme, il y a environ 1200 ans, ainsy que le mesme saint Hierosme tesmoigne sur le dernier chapitre d'Isaïe; la ou ce qui est dict, cum sedero in tenebris; iram Domini portabo, donec causam meam judicet, ne se peut entendre d'aucune peyne si proprement comme de celle de Purgatoire..

  A001001530 

 En Zacharie, 9: Tu autem, in sanguine testamenti tui, eduxisti vinctos tuos de lacu in quo non est aqua. Le lac duquel sont tirés ces prisonniers n'est que le Purgatoire, duquel Nostre Seigneur les [368] delivra en sa descente aux enfers; ne se pouvant entendre du Limbo, ou estoient les Peres avant la resurrection de Nostre Seigneur, dans le sein d'Abraham, par ce que la il y avoit de l'eau de consolation, comme l'on peut voir en saint Luc, 16; dont saint Augustin, en l'epistre 99, ad Evodium, dict que Nostre Seigneur visita ceux qui estoient aux tourmens des enfers, c'est a dire, au Purgatoire, et quil les en delivra: dont il s'ensuit quil y a un lieu ou les fideles sont tenus prisonniers, et duquel ilz peuvent estre delivrés..

  A001001531 

 Nous sçavons bien qu'ilz l'entendent de la purgation qui se fera a la fin du monde par le feu et conflagration generale, la ou seront purgés les reliquatz des pechés de ceux qui se trouveront vivans; mais nous ne laissons pas d'en tirer un bon argument pour nostre Purgatoire, car, si les personnes de ce tems la ont besoin de purgation avant que de ressentir l'effect de la benediction du Juge supreme, pourquoy est ce que ceux qui meurent avant ce tems n'en auront encores besoin? puysqu'il s'en peut trouver qui auront a la mort quelque reliquat de leurs imperfections.

  A001001531 

 Saint Irenee a ce propos, au chap. 29. livre 5, dict que parce que l'Eglise militante devra monter alhors au celeste palais de son Espoux, et qu'il n'y aura plus tems de purgation, les fautes et dechets d'icelle seront incontinent purgés par ce feu qui precedera le jugement..

  A001001538 

 Imaginons maintenant que le feu se mette en l'une et en l'autre maison: celle qui est de matiere solide sera hors de fortune, et l'autre sera reduicte en cendres; que si l'architecte est dans la premiere, il y demeurera sain et sauve, que s'il est dans la seconde, s'il se veut eschapper il faudra qu'il se rue a travers le feu et la flamme, et se sauvera tellement qu'il portera les marques d'avoir esté au feu: Ipse autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem..

  A001001538 

 Or en iceluy, comme il est aysé a voir a qui regarde de pres tout le chapitre, l'Apostre use de deux similitudes: la premiere est d'un architecte qui fonde une maison precieuse et de matiere solide sur un roc, la seconde est de celuy qui sur un mesme fondement dresse une maison d'ais, de cannes et de chaume.

  A001001539 

 Le feu par lequel l'architecte se sauve, ipse autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem, ne se peut entendre d'autre que du feu de Purgatoire; car, quand lApostre dict qu'il se sauvera, il exclud le feu de l'enfer auquel personne ne se peut sauver, et quand il dict qu'il se sauvera par le feu, et qu'il parle de celuy seulement qui a suredifié le bois, la canne, le chaume, il monstre ne parler du feu qui precedera le jour du jugement, puysque par iceluy passeront, non seulement ceux qui auront suredifié de ces matieres legeres, mays encores ceux qui auront suredifié l'or, l'argent, etc..

  A001001541 

 On dira qu'en ceste interpretation il y a de l'equivoque et du malseant, en ce que le feu duquel il est parlé est pris ores pour le feu de Purgatoire, ores pour celuy qui precedera le jour du jugement.

  A001001541 

 On respond que c'est une elegante façon de parler par la confrontation de ces deux feux, car voicy le sens de la sentence: le jour du Seigneur sera esclairé par le feu qui le precedera, et comme ce jour la sera esclairé par le feu, ainsy ce mesme jour par le jugement esclaircira le merite et le defaut de chaque œuvre; et comme chaque œuvre sera esclaircie, ainsy les ouvriers qui auront ouvré avec imperfections seront sauvés par le feu du Purgatoire.

  A001001541 

 des Corinthiens, 5, Eum qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit; la ou qui ne voit que peccatum pour la premiere fois se prend proprement, pour l'iniquité, et la seconde fois, figurement, pour celuy qui porte la peyne du peché?.

  A001001542 

 Il suffit que de ce passage on conclud ouvertement, que plusieurs qui prendront possession du royaume du Paradis passeront par le feu: or ce ne sera pas le feu d'enfer, ni le feu qui precedera le jugement; ce sera donques le feu de Purgatoire.

  A001001542 

 Je respons qu'il y a de la similitude en ce passage, car l'Apostre veut dire que celuy duquel les œuvres ne sont pas du tout solides, sera sauvé comme l'architecte qui s'eschappe du feu ne laissant pas pour cela de [372] passer par le feu, mays un feu d'autre calibre que n'est le feu qui brusle en ce monde.

  A001001551 

 On sçait bien tout ce qu'on apporte pour le pretexte de ceste negative, qui ne faict pour la pluspart que monstrer la difficulté qu'il y a es Escritures, non aucune fauseté en icelles; seulement il me semble necessaire de respondre a une ou deux objections qu'ilz font..

  A001001553 

 Ilz objectent que c'est un manifeste erreur de prier pour la resurrection des morts avant le jugement, car c'est presupposer, ou que les ames resuscitent et par consequent meurent, ou que les cors ne resuscitent pas si ce n'est par l'entremise des prieres et bonnes actions des vivans, qui seroit contre l'article, Credo resurrectionem mortuorum: or, que ces erreurs soyent presupposés en ce lieu des Machabees, il appert par ces paroles: nisi enim eos qui ceciderant resurrecturos speraret, superfluum videretur et vanum pro defunctis orare. On respond que en cest endroit ilz ne prient pas pour la resurrection ni de [374] l'ame ni du cors, mays seulement pour la delivrance des ames; en quoy ilz presupposoyent l'immortalité de l'ame, car, s'ilz eussent creu que l'ame fust morte avec le cors, ilz n'eussent point pris de soin de leur delivrance; et par ce que, parmi les Juifz, la creance de l'immortalité de l'ame et de la resurrection des cors estoient tellement jointes ensemble que qui nioit l'une nioit l'autre, pour monstrer que Judas Machabeus croyoit l'immortalité de l'ame il dict qu'il croyoit la resurrection des cors.

  A001001553 

 des Corinthiens, 15: Quid mihi prodest si mortui non resurgunt? comedamus et bibamus, cras enim moriemur; or il ne s'ensuivroit aucunement qu'il fallust s'abandonner ainsy, encores qu'il n'y eust point de resurrection, car l'ame qui demeureroit en estre souffriroit la peyne deùe aux pechés, et recevroit le guerdon des vertus; saint Pol donques, en cest endroit la, met en conte la resurrection des morts pour l'immortalité de l'ame, par ce que, de ce tems la, qui croyoit l'un croyoit l'autre..

  A001001555 

 Et a la verité nous avons des marques de ceste devotion en d'autres passages de l'Escriture, qui nous doit faciliter la reception de celuy que nous venons d'alleguer; en Tobie, 4.

  A001001555 

 Peut estre qu'ilz diront que ce Livre est apocriphe, mays toute l'antiquité l'a tousjours tenu en credit; et pour vray, la coustume de mettre la viande pour les pauvres es sepultures est tres ancienne, mesme en l'Eglise Catholique, car saint Chrysostome, qui vivoit il y a plus de 1200 ans, en l'homelie 32, sur le 9.

  A001001556 

 De maniere qu'en l'ancienne Eglise la coustume estoit desja entre les saintes personnes, d'ayder par prieres et saintes actions les ames des trespassés, qui suppose clairement la foy d'un Purgatoire..

  A001001556 

 des Roys, dernier chapitre, et au 2., chap. 1: on ne pourroit penser que ce ne fust pour secourir les ames des defuncts, car a quel autre propos peut on rapporter le jeusne de sept jours? Aussi David, qui au 2.

  A001001557 

 Il appert donques par ces paroles de saint Pol, que la priere, jeusne et autres saintes afflictions se faisoyent louablement pour les defuncts; or, ce [377] n'estoit pour ceux de Paradis, qui n'en avoyent besoin, ni pour ceux d'enfer, qui n'en pouvoyent recevoir le fruict, c'est donques pour ceux de Purgatoire: ainsy l'a exposé, il y a 1200 ans, saint Ephrem en son Testament, et les Peres qui ont disputé contre les Petrobusiens..

  A001001557 

 Ni ne faudroit pas dire que le baptesme duquel parle saint Pol soit seulement un baptesme de tristesses et de larmes, non de jeusnes, prieres et autres actions, car avec ceste intelligence sa conclusion seroit tres mauvaise: il veut conclure que si les morts ne resuscitent point, et si l'ame est mortelle, qu'en vain s'afflige l'on pour les morts; mais, je vous prie, n'auroit on pas plus d'occasion de s'affliger par tristesse pour la mort des amis s'ilz ne resuscitent point, perdant toute esperance de jamais les revoir, que s'ilz resuscitent? Il entend donques des afflictions volontaires que l'on faisoit pour impetrer le repos des defuncts, lesquelles sans doute on prattiqueroit en vain si les ames estoyent mortelles, ou que les morts ne resuscitassent point; en quoy il se faut souvenir de ce qui a esté dict cy dessus, que l'article de la resurrection des morts et celuy de l'immortalité de l'ame estoyent conjoincts tellement ensemble en la creance des Juifz, que qui advouoit l'un, advouoit l'autre, et que qui nioit l'un, nioit l'autre.

  A001001557 

 Voicy donques le sens de ceste Escriture: si les morts ne resuscitent point, a quoy faire prend on peyne et affliction, priant et jeusnant pour les morts? et certes, ceste sentence de saint Pol ressemble a celle des Machabees cottee cy dessus: Superfluum est et vanum orare pro mortuis, si mortui non resurgunt. Qu'on me tourne et transfigure ce texte en tant d'interpretations que l'on voudra, qu'il n'y en aura pas une qui joigne bien a la sainte Lettre que celle cy.

  A001001557 

 chap., l'alleguant comme louable et bonne: Quid facient, dict il, qui baptizantur pro mortuis, si mortui non resurgunt ut quid et baptizantur pro illis? Ce lieu bien entendu monstre tres clairement la coustume de la primitive Eglise de jeusner, prier, veiller pour les ames des trespassés; car, premierement, es Escritures, [376] estre baptizé se prend fort souvent pour les afflictions et penitences, comme en saint Luc, 12.

  A001001558 

 Autant en peut on deduire de ce que disoit le bon larron, en saint Luc, 23, lhors que, s'addressant a Nostre Seigneur, il luy dict: Memento mei dum veneris in regnum tuum; car pourquoy se fust il recommandé, luy qui s'en alloit mourir, s'il n'eust creu que les ames apres la mort pouvoyent estre secourues et aydees? Saint Augustin, l. 6 contre Julien, chap. 5, prouve de ce passage que quelques pechés sont pardonnés en l'autre monde..

  A001001564 

 Cela va bien, mays nostre rayson ne perd rien de sa fermeté pour cela: car, ou saint Mathieu a bien exprimé l'intention de Nostre Seigneur, ou non; on n'oseroit dire que non, et s'il l'a bien exprimee, il s'ensuit tousjours qu'il y a des pechés qui peuvent estre remis en l'autre siecle, puysque Nostre Seigneur a dict qu'il y en a un qui ne peut estre remis en l'autre siecle.

  A001001564 

 Certes, quand Nostre Seigneur eut dict a Pilate, Regnum meum non est de hoc mundo, en saint Jan, 18, Pilate fit ceste conclusion: Ergo Rex es tu? laquelle fut trouvee bonne par Nostre Seigneur, qui y consentit; ainsy quand il dict qu'il y a un peché qui ne peut estre pardonné en l'autre siecle, il s'ensuit tres bien, donques il y en a d'autres qui peuvent estre remis.

  A001001564 

 Il ne faut donques pas croire que saint Mathieu eust exprimé l'intention de Nostre Seigneur par ces paroles, neque in hoc sœculo neque in alio, si en l'autre il n'y peut avoir remission; on se moqueroit de celuy qui diroit, je ne me marieray ni en ce monde ni en l'autre, comme s'il entendoit qu'en l'autre monde l'on peut se marier.

  A001001564 

 Il y a quelques pechés qui peuvent estre pardonnés en l'autre monde; ce n'est ni en enfer ni au ciel, c'est donques en Purgatoire.

  A001001564 

 Or, qu'il y ait des pechés qui se pardonnent en l'autre monde, nous le prouvons, premierement, par le passage de saint Mathieu, au 12.

  A001001564 

 Qui dict donq un peché ne pouvoir estre remis ni en ce siecle ni en l'autre, il presuppose qu'on puisse avoir remission de quelques pechés en ce monde, et en l'autre encores.

  A001001564 

 chap., ou Nostre Seigneur dict qu'il y a un peché qui ne peut estre pardonné ni en ce siecle ni en l'autre; donques il y a des pechés qui peuvent estre remis en l'autre siecle, car, s'il n'y avoit point de pechés qui puissent estre remis en l'autre siecle, il n'estoit ja necessaire d'attribuer ceste proprieté a une sorte de peché de ne pouvoir estre remis en l'autre [378] siecle, ains suffisoit de dire qu'il ne pouvoit estre remis en ce monde.

  A001001564 

 de saint Marc, saint Bernard, en l'homelie 66 sur les Cantiques, et ceux qui ont escrit contre les Petrobusiens se sont servis de ce passage pour nostre intention, avec tant d'asseurance, que saint Bernard pour declarer ceste verité n'en apporte point d'autre, tant il faict estat d'iceluy..

  A001001565 

 Et 1., nous trouvons des tres anciens [380] Peres qui ont dict que c'estoit en Purgatoire: Tertullien, libro De Anima, cap. 58; Cyprien, l. 4 epistolarum, 2; Origene, en l'homelie 35, sur ce lieu; Eusebe Emissene, en l'homelie 3 de l'Epiphanie; saint Ambroise, sur le chap. 12 de saint Luc; saint Hierosme, sur le 5.

  A001001565 

 L'adversaire sera nostre propre conscience, qui combat tousjours contre nous et pour nous, c'est a dire, qu'il resiste tousjours a nos mauvaises inclinations et a nostre viel Adam pour nostre salut, comme exposent saint Ambroise, Bede, saint Augustin, saint Gregoire et saint Bernard, en divers lieux.

  A001001565 

 Le juge est sans doute Nostre Seigneur, en saint Jan, 5: Pater omne judicium dedit Filio. La prison pareillement, l'enfer, ou le lieu des peynes de l'autre monde, auquel, comme en une grande gëole, il y a plusieurs demeures, l'une pour ceux qui sont damnés, qui est comme pour les criminelz, l'autre qui est pour ceux qui sont en Purgatoire, qui est comme pour debtes.

  A001001565 

 Qui ne voit qu'en saint Luc 12, la comparaison est tiree non d'un homicide, ou de quelque criminel qui ne peut avoir esperance de son salut, mais d'un debiteur qui est mis en prison jusques a payement, lequel estant faict, incontinent il est mis dehors? Voicy donques l'intention de Nostre Seigneur: que, pendant que nous sommes en ce monde, nous taschions par la penitence et ses fruictz de payer, selon la puissance que nous en avons par le sang du Redempteur, la peyne a laquelle nos pechés nous ont obligés; puysque, si nous attendons la mort, nous n'en aurons pas si bon conte au Purgatoire, ou nous serons traittés a la rigueur..

  A001001566 

 On peut dire que ces peynes se souffriront en ce monde, mays saint Augustin et les autres Peres l'entendent pour l'autre monde; et puys, ne se peut il pas faire qu'un homme meure sur la premiere ou seconde offense de laquelle il est parlé icy, et celuy la, ou payera il les peynes deües a son offense? ou si vous voules qu'il ne les paye point, quel lieu luy donneres vous pour sa retraite apres ce monde? vous ne luy bailleres pas l'enfer, sinon que vous voulies adjouster a la sentence de Nostre Seigneur, qui ne baille l'enfer pour peyne qu'a ceux qui auront faict la troisiesme offense; le loger en Paradis vous ne le deves faire, parce que la nature de ce lieu celeste rejette toute sorte d'imperfection; n'allegues pas icy la misericorde du Juge, car il declare en cest endroit qu'il veut encores user de justice: faites donques comme les anciens Peres, et dites qu'il y a un lieu ou elles seront purgees, et puys s'en iront la haut en Paradis..

  A001001566 

 Tout cecy semble avoir esté dict par Nostre Seigneur mesme en saint Mathieu, 5, quand il dict: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio, qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio, qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Icy il s'agit de la peyne qu'on doit recevoir par le jugement de Dieu, comme il appert par ces paroles, reus erit gehennæ [381] ignis; et neanmoins il n'y a que la troisiesme sorte d'offense qui soit punie par l'enfer; donques au jugement de Dieu, apres ceste vie, il y a des autres peynes, qui ne sont pas eternelles ni infernales; ce sont les peynes de Purgatoire.

  A001001567 

 Ainsy est exposé ce passage par saint Ambroise, et par saint Augustin, [382] l. 21 de la Cité de Dieu, chap. 27; mais la parabole de laquelle use Nostre Seigneur est trop claire pour nous laisser douter de ceste interpretation, car la similitude est prise d'un econome lequel, estant desmis de son office et appauvri, demandoit secours a ses amis, et Nostre Seigneur apparie l'estre desmis a la mort, et le secours demandé aux amis, a l'ayde que l'on reçoit, apres la mort, de ceux auxquelz l'on a faict l'aumosne; ceste ayde ne se peut recevoir par ceux qui sont en Paradis ou en enfer, c'est donques par ceux qui sont en Purgatoire..

  A001001567 

 Defaillir, qu'est ce autre que mourir? et les amis, que sont ilz autre que les Saints? les interpretes l'entendent tous ainsy; dont il s'ensuit deux choses, et que les Saints peuvent ayder les hommes trespassés, et que les trespassés peuvent estre aydés des Saints: car a quel autre propos peut on entendre ces paroles, facite amicos qui recipiant? il ne se peut entendre de l'aumosne, car souventefois l'aumosne est bonne et sainte, et toutefois ne nous acquiert pas des amis qui nous puissent recevoir en eternelz tabernacles, comme quand elle est faicte a des personnes mauvaises avec sainte et droitte intention.

  A001001573 

 Aux cieux on trouve asses de genoux qui flechissent au nom du Redempteur, en terre l'on en trouve beaucoup en l'Eglise militante; mays en enfer, ou est ce que nous en trouverons? David se desfie d'y en trouver aucun quand il dict, In inferno autem quis confitebitur tibi? Ps.

  A001001578 

 Il dict qu'elle a erré et failly; ah, qui croiroit cela? Quis es tu qui judicas Ecclesiam Dei? Si quis Ecclesiam non audiverit, sit tibi tanquam ethnicus et publicanus.

  A001001578 

 Mays quelle plus sainte resolution de l'Eglise voudroit on avoir que celle qui est couchëe en toutes les Messes d'icelle? Regardes les liturgies de saint Jaques, saint Basile, saint Chrysostome, de saint Ambroise, desquelles se servent encores a present tous les Chrestiens orientaux, vous y verres la commemoration pour les morts comm'elle se voit en la nostre a peu pres.

  A001001578 

 Quoy? si Pierre Martyr, l'un des habiles qui aÿe suyvi le parti contraire, sur le 3. c. de la 1.

  A001001578 

 Si sal evanuerit, in quo salietur? si Ecclesia erraverit, a quo corripietur? si Ecclesia, fida custos veritatis, veritatem amiserit, veritas a quo reperietur? si Christus Ecclesiam abjecerit, quem recipiet? qui neminem nisi per Ecclesiam admittit. Et si l'Eglise peut errer, et vous, Pierre Martyr, pourries vous pas errer? sans doute: je croiray donques plus tost que vous ayes erré que l'Eglise.

  A001001584 

 C'est chose belle et pleyne de toute consolation, de voir le beau rapport que l'Eglise præsente a avec l'ancienne, particulierement en la creance: disons ce qui faict a nostre propos sur le Purgatoire.

  A001001584 

 Mays cecy ne faict rien a nostre propos, car il est vray que saint Augustin dict qu'on peut douter du feu et de la qualité d'iceluy, mays non pas du Purgatoire: or, soit que la purgation se face ou par feu ou autrement, soit que le feu aye mesmes qualités que celuy d'enfer ou non, si est ce quil ne laysse pas d'y avoir une purgation et un Purgatoire; il ne met pas donques en doute le Purgatoire, mais la qualité d'iceluy; ce que ne nieront jamais ceux qui verront comm'il en parle au c. 16 et 24 du mesme Livre de la Cité, et au livre De cura pro mortuis agenda, et en mille autres lieux.

  A001001584 

 Tous les anciens Peres l'ont creu, et attesté que c'estoit la foy Apostolique; voicy les autheurs que nous en avons: entre les disciples des Apostres, saint Clement et saint Denis; apres, saint Athanase, saint Basile, saint Gregoire Nazianzene, Ephrem, Cyrille, Epiphane, Chrysostome, Gregoire Nyssene, Tertullien, Cyprien, Ambroise, Hierosme, Augustin, Origene, Boece, Hilaire, c'est a dire, toute l'antiquité, mesme devant douze centz ans que tous ces Peres ont vescu: desquelz il m'eust esté tres aysé d'apporter les tesmoignages, qui sont recueillis exactement es livres de nos Catholiques, au livre de Canisius, en son Catechisme, de Sanderus, De visibili Monarchia, de Genebrard, en sa Chronologie, de Bellarmin, en sa Controversie du Purgatoire, de Stapleton, en son Promptuaire; mays sur tous qui voudra voir au long et fidellement cités les passages des Peres anciens, quil prenne en main l'œuvre de Canisius reveu par Busæus.

  A001001590 

 12, de laquelle Nostre Seigneur dict que les hommes reddent rationem in die judicii; il en faut rendre conte; l'autre merite le conseil, c'est a dire merite qu'on delibere s'il sera condamné ou non (car Nostre Seigneur s'accommode a la façon de parler des hommes); le 3 me seul est celluyla qui sans doute infalliblement sera damné: donques le p r et le 2 d sont pechés qui ne rendent [388] pas l'homme coulpable de la mort æternelle, mais d'une correction temporelle; et partant si l'homme meurt avec iceux, par accident ou autrement, il faut quil subisse le jugement d'une peyne temporelle, moyennant laquelle son ame estant purgëe il ira au Ciel avec les Heureux.

  A001001590 

 De ces pechés parle le Sage, Proverb., 24, Septies in die cadit justus: car le juste ne peut pecher, pendant quil est juste, de peché qui merite la damnation; il s'entend donq quil chet en des pechés ausquelz la damnation n'est pas deüe, que les Catholiques appellent venielz, lesquelz se peuvent purger en l'autre monde, au Purgatoire..

  A001001590 

 Or, quil y ait des pichés qui ne rendent pas l'homme coulpable de l'enfer, Nostre Seigneur le dict en saint Mathieu, 5.

  A001001590 

 Voicy deux invincibles raysons du Purgatoire: la 1., il y a des pichés legers au pris des autres et qui ne rendent pas l'homme coulpable de l'enfer; si donq l'homme meurt en iceux que deviendra il? le Paradis ne reçoit rien de souillé, Apoc. 21, l'enfer est une trop criminelle peyne, il n'est pas deu a son piché; il faut donques advouer quil arrestera en un Purgatoire, ou estant bien esmondé il ira par apris au Ciel.

  A001001590 

 c.: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio; qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio; qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Qu'est ce, je vous prie, d'estre coulpable de gehenne du feu, sinon estre coulpable de l'enfer? or ceste peyne n'est deüe qu'a ceux qui appellent fatue: ceux qui montent en cholere et ceux qui expriment leur cholere par parole non injurieuse et diffamatoire, ne sont pas en mesme rang; ains l'un merite le jugement, c'est a dire, que sa colere soit mise en jugement, comme la parolle oyseuse, Mat.

  A001001601 

 Je certifie et assure avoir faict recongnoistre comme ces presans manuscritz, qui tretent de l'hautorité et Primauté de sainct Pierre et des Souverains Ponthifes ses suseseurs, sont escrit ou dicté et du stille du Venerable Serviteur de Dieu, Monseigneur François de Sales, ci devant Evesque de Genaive, don l'ong porsuit a presant la Canonization..

  A001001602 

 Les personnes qui ont reconnu ces escris sont: Monsieur le Marquis de Lulin, gouverneur de la province de Chablays, laquelle province est une des provinces converties par le grand François de Sales, le R. P. Prieur des Chartreux de Ripaielle, Monsieur Serafin, channoinne de S t Pierre de Genaive, agé de 80 annés, Monsieur Jannus, Prieur de Brans en Chablays, Monsieur Gard, channoinne de Notre Dame de l'eglisse Collegialle d'Annessi, Monsieur François Favre, qui a servi de cambrier 20 annés le dit Serviteur de Dieu.

  A001001616 

 Nous soubsigné, Guilliaume de Blancheville, Seigneur et Baron d'Heiry, Cornillion, Martod, Gerbaix, la Salle, Ennuis ( Annuits ), Gilly, etc., Conseiller d'Estat de S. A. R., Premier President au Souverain Senat de Savoye et commandant generalement en Savoye en l'absence de M me Rle, Declairons que le livre de l'Authorité de sainct Pierre est tout du B. H. François de Salle, et l'autre, qui est escript de la main de son secretaire, est corrigé de la main dudict Bien-heureux.

  A001001625 

 Nous soubsigné, Pierre Anthoine de Castagnery, Baron de Chasteauneufz, Conseiller d'Estat de S. A. R., President en sa Souveraine Chambre des Comptes de Savoye et Generallissime de ses finances, Declairons que le livre de l'Hautorité de sainct Pierre est tout du B. H. François de Salles, et l'autre, qui est escrit de la main de son secretaire, est corrigé de la main dudict Bien-heureux.

  A001001657 

 Reperimus quoque tres alios codices, de eadem materia, alterius manu scriptos, exceptis tribus paginis qui de manu prædicti Servi Dei sunt.

  A001001703 

 Qua diligentia potui, transcripsi integrum Manuscriptum codicem Bibliothecæ Chigianæ, qui pro maxima parte est Sancti Francisci Autographum.

  A001001714 

 Je reconnois que le 4 e cayet est tout entier escrit de sa main, qui contient 16 feuillets, c'est a dire, 32 pages; je reconnois que les 5 feuilles detacheez qui suivent apres ledit 4 me caiet sont toutes escrittes de la propre main du Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Je reconnois que le 5 e cayer, qui contient 8 feuillets, c'est a dire, 16 pages, quoyqu'en la derniere page il n'y ait qu'onze lignes et demies, est tout escrit de la main du Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Le 6 e cayer, qui contient 26 feuillets, c'est a dire, 52 pages, n'est pas escrit de la main du Serviteur de Dieu, mais de celle du Sieur George Roland, qui l'a escrit soubs le Serviteur de Dieu.

  A001001714 

 Le 7 e cayer, ou il y a 9 feuillets et demy escrits, c'est a dire, 18 pages et demies, est de la mesme main du Sieur George Roland; et le dernier cayer, qui contient 16 feuillets, est tout escrit de la main de Monsieur Louys de Sales, frere du Serviteur de Dieu, à la reserve des trois dernieres pages, qui sont de [397] la propre main du Serviteur de Dieu, et en la 15 e page, a la marge, en la 9 e ligne, parlant du Concile de Carthage, ledit Serviteur de Dieu adjouste de sa main: « qui fut il y a environ 1200 ans, et auquel se trouva Saint Augustin, comme recite Prosper in Chron.

  A001001714 

 Les deux premieres feuilles separeez, et tout le premier caiet et contenant 11 feuilles ou 22 feuilletz, et pareillement le second caiet contenant 6 feuilles ou 12 feuilletz, sont de la propre main du Serviteur de Dieu: comm'aussy les huict premiers feuillets du 3 e caiet, c'est a dire, les 16 premieres pages dudit caiet; mais la 17 e, 18 e, 19 e et 20 e page du mesme cayet sont d'une main estrangere, mais en quelques endroits ils sont corrigés de la propre main dudit Serviteur de Dieu, ce qui fait connoistre qu'il les a dicté; la 21 e, 22 e et 23 e, et 4 lignes et demies de la 24 e page, sont encor de la propre main du Serviteur de Dieu.

  A001001722 

 L'Escrit susdit fut reconnu et attesté par les anciens parents et amis du B. Saint François de Sales, qui connoissent tres bien son caractere, et moy mesme l'ay tenu et reconnu; l'original en fut envoyé, par plus grand respect et témoignage de verité, à nostre Saint Pere Alexandre VII, et luy fut presenté par le Reverend Pere André de Chaugy, Religieux Minime, Procureur de la Cause de la Canonisation de Saint François de Sales, apres neantmoins en avoir fait tirer une coppie deuëment et fidellement collationnée sur l'original, pour la faire [398] imprimer aprés avoir pris le soin requis en tel cas pour la distinction des chapitres et autres choses.

  A001001733 

 La compulsation et production en estant faite, il fut jugé à propos d'en envoyer l'original à nostre Saint Pere le Pape Alexandre VII, aprés toutes fois en avoir fait attester et reconnoistre la verité du caractere, par personnes celebres, et contemporains dudit Saint François de Sales, qui furent: le sieur de Blancheville, Premier President du Senat de Chambery, ledit Seigneur Charles Auguste de Sales, son neveu, les sieurs Jay et Bébin, Officiaux et Grands Vicaires de [399] l'Evesché de Genéve, et autres; et il est tres-vray qu'il fut reconnu estre de la composition et propre écriture dudit Saint François de Sales.


02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html
  A002000042 

 Chapitre XIV. De la punition de ceux qui ont injurié l'image de la Croix, et combien elle est haïe par les ennemis de Jesus Christ.

  A002000052 

 Chapitre IX. Rayson dixiesme pour laquelle on fait la Croix au front, qui est pour detester l'Antechrist 93.

  A002000057 

 Chapitre II. De l'honneur, que c'est; a qui et pourquoy il appartient d'honnorer et d'estre honnoré.

  A002000059 

 Chapitre IV. De ce qui peut adorer et estre adoré.

  A002000098 

 Je sçay, Monseigneur, quelles raysons j'aurois pour n'oser pas offrir a un si grand Prince un si petit ouvrage, comme est celuy ci; mays je n'ignore pas aussi le privilege des primices, et me prometz que le bon œil que Vostre Altesse a jetté sur quelques unes [3] qui de mes autres actions, ne me sera pas moins favorable en celle ci, a laquelle je ne suis porté d'autre desir que d'estre tenu pour homme, qui est, qui doit, et veut estre a jamais,.

  A002000098 

 L'enfer qui n'a pas asses de charbon ni de fumee pour la noircir, produit neanmoins par fois quelques uns de ses barbouillés, qui, voilés du beau manteau de l'Escriture, jettent devant les yeux des simples gens certains brouïllartz de divers discours, pour faire paroistre au travers d'iceux ceste sainte Croix aussi noire et souille qu'elle fut onques.

  A002000098 

 Lhors les noires marques de son infamie furent du tout effacees par le sang sacré de l'Aigneau, [1] auquel ayant trempé la premiere elle en est demeuree pour jamais claire et blanche: comme font les estoles des Bienheureux, qui n'ont tiré leur blancheur que de ce — mesme vermeil.

  A002000098 

 Or, entre plusieurs de la compaignie de la sainte Croix d'Annessi, qui pouvoyent et se sentoyent obligés de respondre a cest escrit, j'en pris fort librement la charge, et fus (a mon advis) advoué de sa divine bonté: car je n'eus pas si tost commencé a dresser cest advertissement, que, pour ne me laisser escrire de sa Croix en clerc d'armes, elle me mit sur les espaules la croix d'une aspre et longue maladie; au relever de laquelle je me [2] trouvay distrait a tant d'occupations, et l'imprimerie tant incommode, que je n'ay peu le produire jusques a ceste heure, qu'en fin il sort, et ne peut sortir sinon a l'abri de la faveur de Vostre Altesse.

  A002000098 

 Son desseinest de combattre pour l'honneur de la Croix blanche, qui est l'enseigne que Dieu a pieça confiee a la serenissime mayson de Savoye, a laquelle si la valeur chrestienne des devanciers n'eust acquis ce bon heur, il luy seroit meshuy tres justement deu, pour le saint zele que Vostre Altesse a tous-jours eu a la sainte foy et a la memoire de la Croix: mays particulierement quand elle a procuré si vivement, quoy que tres doucement, le restablissement de la Religion Catholique en ses balliages de Thonon et Ternier, se baignant dans un saint ayse d'y voir par tout replanter les saintz Estendartz de salut.

  A002000124 

 C'est ce que font eternellement les Bienheureux la haut, jettans leurs couronnes aux piedz de Celuy qui est assis au throsne, avec ceste reconnoissance: O Seigneur, nostre Dieu, vous estes digne de prendre la gloire, l'honneur et la vertu; car vous aves tout créé, et tout est et a esté créé par vostre volonté.

  A002000124 

 C'est donques la seule creature intelligente qui est chargee de rendre a Dieu et payer le devoir d'honneur qui luy est deu par toute creature.

  A002000124 

 Les eaux, qui toutes sortent de la mer, ne cessent de ruisseller et flotter jusques a tant qu'elles [5] s'aillent abismer dans leur propre origine.

  A002000125 

 L'ennemy de la Croix avec lequel j'entreprens de combattre dit ainsy son advis sur ce sujet (et les autres de son parti ne disent pas mieux): «... nous croyons de cœur et confessons de bouche que Dieu seul doit estre servi et honoré... De faict, combien que nous puissions honorer les uns les autres civilement, suivant ce qui est commandé aux [7] inferieurs d'honorer leurs superieurs, si est-ce que quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur à un seul Dieu et à son Fils, et en departir une portion à aucun homme, ou à la croix materielle, ou à creature qui soit.

  A002000127 

 J'admire ce traitteur qui fait tant le Theologien, et [8] separe neanmoins l'honneur conscientieux d'avec le politique, comme si le politique n'estoit pas conscientieux.

  A002000128 

 Amarias, disoit Josaphat, presidera es choses qui appartiennent a Dieu; Zabadias, filz d'Ismaël, qui est duc en la mayson de Juda, sera sur les œuvres qui appartiennent a l'office du Roy. Ce sont donques deux choses.

  A002000128 

 Voyla Josué qui adore l'ange es campaignes de Hiericho, quel devoir civil avoit-il a ce faire? Saül adore l'ame de Samuel qui s'apparut a luy, qu'y avoit-il en cela de politique? Abdias adore le prophete Helie, quelle obligation civile le portoit a cest acte, puysque Helie estoit personne particuliere et privee, Abdias, personne publique et des plus signalees de la Cour? Il y a cent semblables exemples en l'Escriture.

  A002000129 

 Disons un mot de l'honneur deu aux Saintz: quelle condition defaut-il aux habitans de ceste heureuse Hierusalem pour ne devoir estre honnorés par nous autres mortelz? Pour vray, le moindre d'eux excelle de beaucoup le premier d'entre nous (comme Nostre Seigneur dit de saint Jean); ilz sont nos superieurs couronnés de gloire, constitués sur tous les biens de leur Seigneur, amis indubitables et plus proches courtisans d'iceluy, qui partant nous doivent estre tres honnorés aussi bien qu'a David.

  A002000129 

 On ne peut invoquer celuy avec lequel on n'a point d'accointance ni de commerce, ou qui ne nous entend pas; mays on le peut bien aymer, par consequent honnorer, car l'un ne va pas sans l'autre.

  A002000131 

 Le souverain honneur n'est que pour la souveraine excellence; qui l'addresseroit ailleurs seroit inepte et idolatre..

  A002000132 

 2. Autant inepte seroit celuy qui voudrait porter a Dieu un honneur subalterne, car il n'y a non plus de proportion entre cest honneur la et Dieu, qu'entre la creature et l'honneur souverain; et comme l'honneur souverain ne peut avoir pour objet qu'une excellence souveraine, aussi l'honneur subalterne ne peut avoir pour objet que l'excellence subalterne.

  A002000132 

 Donques honnorer une creature d'un souverain honneur, c'est protester qu'elle a une souveraine excellence, qui est une bestise; honnorer Dieu d'un honneur subalterne, c'est protester que son excellence est subalterne, qui est une autre bestise.

  A002000132 

 Tant s'en faut, donques, que ce soit idolâtrie de donner aucun honneur religieux aux creatures, qu'au contraire il y a un honneur religieux qui ne se peut donner qu'aux creatures, et seroit blaspheme de le porter a Dieu: c'est l'honneur subalterne qu'on doit aux Saintz et aux personnes ecclesiastiques, duquel j'ay parlé ci devant..

  A002000133 

 Ainsy n'est-il pas dit que les Bienheureux mettent leurs couronnes sur la teste de Celuy qui est assis au throsne, car a la verité elles seroyent trop petites et de ridicule proportion pour ceste grande majesté; mais ilz les jettent aux piedz d'Iceluy, en reconnoissance que c'est de luy et de sa volonté qu'ilz les tiennent.

  A002000133 

 Et en ceste sorte est-il vray qu' au seul Dieu immortel, invisible, soit honneur et gloire, laissant au reste a part ce qui se pourroit dire touchant ceste proposition apostolique, Au seul Dieu soit honneur et gloire, a sçavoir: si l'Apostre veut dire qu'honneur et gloire ne doit estre baillé qu'a Dieu seul, ou s'il veut plustost dire qu'honneur et gloire [12] ne doit estre baillé a aucun Dieu qui ayt des autres dieux pour compaignons, mais a ce Roy immortel, invisible, qui seul est Dieu..

  A002000133 

 Et neanmoins cest honneur subalterne qui ne peut estre porté a ceste souveraine excellence, luy peut tousjours et doit estre rapporté, comme a sa source et a son origine; il faut qu'il soit reconneu d'icelle et de son fief, appartenance et dependance.

  A002000134 

 De tout ce discours s'ensuit qu'on peut bien honnorer religieusement quelques creatures, et néanmoins donner tout honneur et gloire a un seul Dieu, qui est un fondement general pour tout mon advertissement.

  A002000141 

 Or je dis de plus, que non seulement on peut donner honneur et gloire a Dieu seul et tout ensemble a quelque creature, comme a la Croix, mays que pour bien rendre a Dieu l'honneur qui luy est deu il est force d'honnorer religieusement quelques creatures, et particulirement la Croix; c'est a dire que pour bien honnorer Dieu, non seulement l'on peut, mais l'on doit honnorer la Croix: et c'est l'autre fondement de ma Defense, lequel se prouvera par beaucoup de raysons particulieres, mais en voyci la source et l'origine..

  A002000142 

 Aussi appelle-on les plus honnorables, excellens, illustres et tres clairs; car, comme la lueur, splendeur et clairté s'espand et communique a tout ce qui l'approche, et plus elle est grande plus elle s'espand et plus loin, ainsy plus l'honneur d'une chose est grand et plus il rend honnorables ses appartenances, selon le plus et le moins qu'elles l'attouchent.

  A002000142 

 Je ne suis pas digne, disoit-il, de porter ses soliers, ou d'en deslier les attaches. D'ou peut venir cest honneur des soliers sinon de l'esclat de la personne a qui ilz estoyent, qui rend saint Jean respectueux et reverend jusques a l'endroit de si peu de chose? Ainsy l'honnorable opinion que ces premiers Chrestiens avoyent de saint Pierre et saint Paul les rendoit honnorables jusques aux ombres et mouchoirs d'iceux, qu'ilz estimoyent moyens sortables a leurs guerisons..

  A002000142 

 L'honneur doit estre mesuré par son objet qui est la perfection et excellence; mays plus une excellence est parfaitte, ou une perfection excellente, plus elle se communique a tout ce qui luy appartient ou depend d'elle; plus donques un honneur est excellent, plus s'estend-il et communique a toutes les appartenances de son objet.

  A002000142 

 Or, que le plus excellent honneur soit celuy qui s'estend a toutes les appartenances de la chose honnoree, je ne sçai qui le peut nier, sinon celuy qui [13] aura juré inimitié a la rayson et nature.

  A002000143 

 Voyes-vous comme l'accroissement de la foy et de l'honneur de Jesus Christ fait croistre l'honneur et [14] estime de ses Saintz et de ce qui depend d'eux? Ainsy saint Gregoire de Tours voulant raconter un miracle que je reciteray ci apres, il y fait ceste preface: « En ce tems ci Jesus Christ est aymé d'une si grande dilection par une entiere foy, que de celuy, la loy duquel les peuples fidelles retiennent es tables de leur cœur, ilz en affigent aussi par les eglises et maysons l'image, peinte en des tableaux visibles, pour une remembrance de vertu.

  A002000144 

 C'est bien une autre philosophie que celle des novateurs qui, pour mieux honnorer Jesus Christ, selon leur advis, rejettent les croix, images, reliques et autres appartenances d'iceluy, ne voulans qu'aucun honneur leur soit donné, par ce, disent-ilz, que Dieu est jaloux.

  A002000144 

 Mays quelle jalousie pourroit avoir le soleil ou le feu de voir qu'on tint pour plus lumineux et chaud ce qui les approcheroit de plus pres? Ne se tiendroyent-ilz pas pour beaucoup plus mesprisés si l'on disoit le contraire, les privans de la vigueur qu'ilz ont de respandre et communiquer leurs belles qualités? Aussi, tant s'en faut que Dieu soit jaloux si l'on attribue quelque vertu excellente ou sainteté, et par consequent quelque honneur, aux creatures, que plustost seroit-il jaloux si on la leur levoit, puysque on le priveroit d'une des principales proprietés de sa bonté, qui est la communication.

  A002000144 

 Or, seroit-ce refuser a Dieu l'honneur et l'amour qui luy est deu, si on ne l'aymoit et honnoroit si parfaitement, que par la l'on n'aymast et honnorast encores toutes les choses qui luy appartiennent, chacune en son rang et degré.

  A002000144 

 Par contraire rayson, ce seroit offenser Dieu et sa [16] jalousie, qui priseroit, aymeroit ou honnoreroit autre chose que sa divine Majesté d'honneur egal et pareil a celuy qui luy est deu; comme le sujet et vassal offenseroit son souverain, de prester fidelité et hommage, de mesme sorte et façon que celle qu'il luy doit, a quelque autre seigneur ou prince..

  A002000144 

 Pauvres et morfondus theologiens aquilonaires, qui imaginent en Dieu la sotte et miserable jalousie qu'ilz ont a l'adventure eux mesmes de leurs femmes.

  A002000144 

 Se moqueroit-on pas de la jalousie de celuy qui ne voudroit que sa femme aymast ni honnorast aucun autre que luy, ni parens, ni amis, ni ceux auxquelz luy mesme feroit honneur et reverence? Seroit-ce pas une jalousie desreglee, puysque l'honneur et l'amour qu'une femme doit a son mari l'oblige d'aymer et honnorer tous ceux qui l'attouchent? Certes la jalousie touche principalement a l'amour.

  A002000145 

 Les payens et idolatres offensent la jalousie de Dieu en la seconde sorte; car ilz donnent pareil et semblable honneur aux creatures que celuy qui est deu a Dieu seul, puysque multiplians les divinités ilz multiplient encor la gloire qui est incommunicable.

  A002000145 

 Les schismatiques de nostre aage offensent la jalousie de Dieu en la premiere façon, luy baillans un honneur si sterile et chetif qu'il n'en produise aucun autre pour les choses qui appartiennent a sa divine grandeur.

  A002000145 

 Mais l'Eglise cheminant par le droit milieu de la vente, sans pencher ni a l'une ni a l'autre des extremités, donne a Dieu un honneur supreme, souverain et unique; fertile neanmoins et fecond, et qui en produit plusieurs autres pour les choses saintes et sacrees, qui est contre les schismatiques et contre les payens et idolatres.

  A002000145 

 Tous ces honneurs, reverences et respectz qu'elle porte aux creatures, pour excellentes qu'elles soyent, ne sont que subalternes, inferieurs, finis et dependans, qui tous se rapportent, comme a leur source et origine, a la gloire d'un seul Dieu, qui en est le souverain Seigneur et principe..

  A002000153 

 I. Que mon adversaire ayant fait un amas d'inepties et mensonges en son traitté, sans aucun ordre ni disposition, il m'a semblé que je devois retirer toutes ces pieces l'une apres l'autre, et considerer ou elles se pouvoyent rapporter, et en faire comme quattre monceaux: l'un de ce qui touchoit au deshonneur de la vraye Croix, l'autre a celuy des images de la vraye Croix, le troysiesme de ce qui touchoit au signe d'icelle, et le quattriesme de ce qui estoit dit contre la Croix generalement.

  A002000153 

 Il est malaysé de tenir posture avec celuy qui escrime de seule rage, sans regle ni mesure..

  A002000154 

 II. Je proteste aussi que si j'eusse jugé les simples gens qui sont deceuz ou nourris en leurs abus par le traitté de mon adversaire et autres semblables, autant.

  A002000155 

 Mays affin que je paye en contant l'approbation que je desire de vous) touchant ce jugement, sans attendre que vous ayes leu tout mon advertissement (qui peut estre n'obtiendra pas ceste grace de vous que vous y employies beaucoup de tems), je vous veux mettre devant quelques pieces de ce beau traitté, affin que vous voyies que peut valoir le tout. Le tout n'est que de 62 petites pages: en la premiere il n'y a que le tiltre, lequel pour bon commencement est du tout mensonger, car il porte le nom « de la vertu de la [20] Croix et de la maniere de l'honorer », et le traitté n'est employé a autre qu'a persuader la Croix estre inutile et indigne d'honneur.

  A002000155 

 indignes de compassion et secours que le traitté de response, je n'eusse jamais dressé cest advertissement; [19] car le traitté n'est rien qui vaille, ce n'est pas seulement un mensonge bien agencé.

  A002000156 

 Qu'il faut « concevoir la toute-puissance de Dieu par ce qui nous apparoist de la volonté d'icelui, suivant ce qui est dit au Pseaume: Dieu a fait tout ce qu'il a voulu.

  A002000157 

 Item, souffrir des peynes infinies presuppose la privation de la grace de Dieu, principalement si on parle des peynes temporelles telles qu'il faut confesser avoir esté celles de Jesus Christ: si donques Jesus Christ a souffert des peynes infinies, quoy que temporelles, il aura esté privé de la grace de Dieu; qui sont parolles desquelles le blaspheme mesme auroit honte, et neanmoins c'est la theologie du traitteur.

  A002000157 

 » C'est le blaspheme de Calvin qui dit que Jesus Christ eut crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malediction et ire de Dieu; car a la verité aucune peyne ne peut estre infinie, ni aucun ne peut boire la couppe de l'ire de Dieu, pendant qu'il est asseuré de son salut et de la bienveuillance de Dieu.

  A002000158 

 3. Et ceste proposition n'est-elle pas blasphematoire: « Le nom de Dieu, de la Trinité, des Anges et Prophetes, le commencement de l'Evangile de sainct Jean... et le signe de la Croix... ne sont pas choses simplement recevables... »? Qu'est-ce donques qui sera recevable?.

  A002000160 

 Je sçay qu'un bon excusant pourroit tirer toutes ces propositions a quelque sens moins inepte que celuy qu'elles portent de prime face, mais il feroit tort au traitteur qui l'entend comme il le dit; et n'est pas raysonnable que l'on reçoive a aucune sorte d'excuse celuy, lequel va pinçant par le menu tous les motz des hymnes et oraisons ecclesiastiques, pour les contourner a mauvais sens, contre la manifeste intention de l'Eglise.

  A002000165 

 Il dit que « Constantin le Grand fut le premier qui fit des croix d'estoffe.

  A002000166 

 Il allegue le « huictieme livre d'Arnobe », qui n'en a fait que sept..

  A002000170 

 Nous estimons que ceux qui ont ici apporté et divulgué les deux escrits qu'ils font voler en forme de plaquars, ont voulu faire plorer et gemir plusieurs bons Chrestiens d'entre nous.

  A002000170 

 Or il la propose luy mesme en ceste sorte: « Necessité nous est imposee de parler de l'abus insupportable commis touchant la Croix, afin que tous apprennent comment il se faut munir contre le poison de l'idolatrie que le diable vient à vomir derechef en ce temps et en ce voisinage, se servant du bastellage de certains siens instrumens qui, et par paroles et par escrits, taschent à rebastir l'idolatrie, comme les murs de Jericho qui par la voix des trompettes de Dieu sont tombez, dés bon nombre d'annees en ces quartiers.

  A002000170 

 Saint et devot spectacle, et qui tira les larmes des yeux des plus secz qui le virent..

  A002000170 

 » Il parle de l'Oraison des Quarante Heures qui se fit au village d'Annemasse, l'annee MDXCVII, ou accourut un nombre incroyable de personnes, et entre autres la Confrerie des penitens d'Annessi, aisnee de toutes les autres de Savoye; laquelle, quoy qu'esloignee d'une journee, sçachant que l'on avoit a dresser une grande croix sur le haut d'un grand chemin tirant vers Geneve, pres d'Annemasse, se trouva a fort bonne heure en l'eglise, ou les Confreres ayans communié de la main de Monseigneur le Reverendissime Evesque, elle le suivit aussi a la procession pour faire la [25] premiere heure de l'Oraison, avec la procession de Chablais, en laquelle il y avoit desja grand nombre de nouveaux convertis, qui furent comme les primices de la grande moisson que l'on a recueillie de ce mesme païs et du païs de Ternier.

  A002000171 

 C'est cela qui l'eschauffa a faire ce beau traitté, voyant que non seulement les paroles et les escritz, mays aussi ces grans exemples de pieté dissipoyent les nuages et brouillas que ceux de son parti avoyent opposés a la blanche clairté de la Croix pour en empescher la vraye veuë, et a cuydé pouvoir encor troubler l'air et offusquer les yeux des simples gens par son traitté.

  A002000171 

 Cependant c'est une imposture ce que dit le traitteur, l'honneur et reverence de la Croix (qu'il nomme faussement idolatrie) avoir esté abattue au lieu ou ces Quarante Heures furent celebrees et ces placquars divulgués, car l'exercice Catholique y a tousjours esté maintenu a la barbe de l'heresie, avec un aussi grand miracle comme est celuy par lequel Dieu contient le vaste et fluide element de l'eau dedans les bornes et limites qu'il luy a assignees, qui ne se peuvent outrepasser.

  A002000172 

 Et si mon adversaire se fust nommé, peut estre me fussé-je contraint a quelque peu plus de respect; mais puysque je ne sçay ni n'ay occasion de sçavoir que ce soit autre qu'un je ne sçay qui, je ne me sens obligé de le supporter aucunement en son insolence.

  A002000172 

 IV. J'ay encor a vous dire pour la quattriesme chose, que, ne sçachant qui est l'autheur du traitté auquel je fais response et m'estant force de l'alleguer souvent, j'ay pris congé de me servir du nom de traitteur, lequel je n'emploie qu'a faute d'autre plus court; et cependant je n'ay voulu user d'aucunes injures ni invectives mordantes, comme il a fait, ma nature n'est point tournee a ce biais.

  A002000173 

 Et toutefois je cuyde avoir fait ce que j'avois a faire, qui n'estoit autre que de respondre au traitteur en ce qui touchoit la Croix.

  A002000174 

 Si trouveres-vous encor icy quelques belles pieces de poesie et versions des vers des anciens Peres que je cite, lesquelles sont parties de la main de Monsieur nostre President de Genevois, AntoyneFavre, l'une des plus riches ames et des mieux faittes que nostre aage ayt portées, et qui par une rare condition sçait extremement bien assortir l'exquise devotion dont il est animé avec la singuliere vigilance qu'il a aux affaires publiques.

  A002000175 

 Combattons, Messieurs, tous ensemble sous la tres [29] sainte enseigne de la Croix, non seulement crucifians la vanité des raysons heretiques par l'opposition de la sainte et saine doctrine, mais crucifians encor en nous le viel Adam avec toutes ses concupiscences: affin que renduz conformes a l'image du Filz de Dieu, lhors que cest Estendart de la Croix sera planté sur les murailles de la Hierusalem celeste, en signe que toutes les richesses et magnificences d'icelle seront exposees au butinement de ceux qui auront bien combattu, nous puissions avoir part a ces riches despouïlles que le Crucifix promet pour recompense a la violence de ses soldatz, qui est le bien de l'heureuse immortalité.

  A002000185 

 La croix et son nom estoit horrible et funeste, jusqu'à ce que le Filz de Dieu, voulant mettre en honneur les peynes et travaux et le crucifiement, sanctifia premierement le nom de croix, si que en l'Evangile il se trouve presque par tout en une signification honnorable et religieuse: Qui ne prend sa croix, disoit-il, et ne vient apres moy, n'est pas digne de moy.

  A002000186 

 Entendes donques tous-jours quand je parleray de la Croix, de sa vertu et de son honneur, que c'est de celle de Jesus Christ de laquelle je traitte: donq j'admire le traitteur qui presuppose que nous separions la Croix de Jesus Christ d'avec Jesus Christ mesme, sans aucune dependance d'iceluy.

  A002000186 

 » Voyla un bien temeraire juge de nostre suffisance, qui croit qu'une distinction si aysee et frequente nous soit inconneuë.

  A002000188 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne. Que si nous considerons les paroles de saint Pol, nous apprendrons mesme, 5.

  A002000188 

 Nostre Seigneur mesme, qui estoit le Maistre, ne voulut il pas estre receu de Simeon qui estoit prestre, comm'il appert en ce quil benit Nostre Dame et Joseph, par Zacharie prestre, et par saint Jan; et mesmes pour sa Passion, qui estoit l'execution principale de sa mission, ne voulut il pas avoir le tesmoignage prophetique du grand Prestre qui estoit pour lhors? 4.

  A002000188 

 Qui l'a appellé? son Pere Eternel.

  A002000188 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech. Je vous prie, penses a ce trait.

  A002000189 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A002000189 

 Je dis, 3., que l'authorité de la mission extraordinaire ne destruict jamais l'ordinaire, et n'est donnee jamais pour la renverser: tesmoins tous les Prophetes, qui jamais ne firent autel contr'autel, jamais ne renverserent la prestrise d'Aaron, jamais n'abolirent les constitutions sinagogiques; tesmoin Nostre Seigneur, qui asseure que tout royaume divisé en soymesme sera désolé, et l'une mayson tumbera sur l'autre; tesmoin le respect quil portait a la chaire de Moyse, la doctrine de laquelle il vouloit estre gardëe.

  A002000189 

 Or la parole de Nostre Seigneur nous oste de toutes ces difficultés, qui a edifié son Eglise sur un si bon fondement, et avec une proportion si bien entendue, que les portes d'enfer ne prævaudront jamais contre elle.

  A002000189 

 Que si jamais elles n'ont prævalu ni prævaudront, la vocation extraordinaire ny est pas necessaire pour l'abolir: car Dieu ne hait rien de ce quil a faict, comment donq aboliroit il l'Eglis'ordinaire pour en faire d'extraordinaires? veu que c'est luy qui a edifié l'ordinaire sur soymesme, et l'a cimentee de son sang propre..

  A002000189 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour mons trer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A002000196 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaique, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A002000197 

 Il y en avoyt en Ramatha, en Bethel, en Hiericho ou Elisëe habita, en la montaigne d'Ephraim, en Samarie; Elisëe mesme fut oint par Helie; la vocation de Samuel fut recogneüe et advouëe par le grand Prestre, et en Samuel recommença le Seigneur a s'apparoistre en Silo, comme dict l'Escriture, qui [36] faict que les Juifz tiennent Samuel comme fondateur des congregations prophetiques.

  A002000197 

 On pense que tous ceux qui prophetisoyent exerceassent la charge de la prædication: ce qui n'estoit pas, comm'il appert des sergens de Saul et de Saul mesme.

  A002000198 

 Ou ell'estoit ordinaire, comme nous avons monstré cy devant, ou approuvëe du reste de la Sinagogue, comm'il est aysé a voir en ce qu'on les reconnoissoit incontinent, et en faysoit on conte en tous lieux parmi les Juifz, les appellans hommes de Dieu: et a qui regardera de pres l'histoire de cest'ancienne Sinagogue, verra que l'office des prophetes estoit aussy commun entr'eux qu'entre nous des prædicateurs..

  A002000199 

 Isaïe, voulant escrire dans un grand livre qui luy fut monstré, prit Urie prestre, quoy qu'a venir, et Zacharie prophete a tesmoins, comme s'il prenoyt le tesmoignage de tous les prestres et prophetes; et Malachie atteste il pas que les levres du prestre gardent la science, et demanderont la loy de sa bouche; car c'est l'ange du Seigneur des armëes? tant s'en faut que jamais ilz ayent retiré les Juifz de la communion de l'ordinaire..

  A002000199 

 Jamais on ne monstrera prophete qui voulut renverser la puissance ordinaire, ains l'ont tousjours suyvie, et n'ont rien dict contraire a la doctrine de ceux qui estoyent assis sur la chaire Mosaique et Aaronique; ains il s'en est trouvé qui estoyent de la race sacerdotale, comme Jeremie, filz d'Helcias, et Ezechiel, filz de Buzi; ilz ont tousjours parlé avec honneur des Pontifes et succession sacerdotale, quoy quilz ayent repris leurs vices.

  A002000200 

 Mays si quelquefois ilz ont faict chose qui eut quelque visage d'extraordinaire pouvoir, incontinent les miracles se sont ensuyvis: tesmoin Elie, qui dressant un autel en Carmel selon l'instinct quil en avoit eu du Saint [37] Esprit, et sacrifiant, monstra par miracle quil le faisoit a l'honneur de Dieu et de la religion Juifve..

  A002000201 

 En fan, vos ministres auroyent bonne grace silz vouloient s'usurper le pouvoir de prophetes, eux qui n'en ont jamais eu le don ni la lumiere: ce seroit plustost a nous, qui pourrions produire infinité des propheties des nostres; comme de saint Gregoire Taumaturge, au rapport de saint Basile, de saint Anthoine, tesmoin Athanase, de l'abbé Jan, tesmoin saint Augustin, de saint Benoist, saint Bernard, saint François et mill'autres.

  A002000201 

 Si donques il est question entre nous de l'authorité prophetique, elle nous demeurera, soit elle ordinaire ou extraordinaire, puysque nous en avons l'effect, non pas a vos ministres qui n'en ont jamais faict un brin de preuve: sinon quilz voulussent appeller propheties la vision de Zuingle, au livre inscrit, Subsidium de Eucharistia, et le livre intitulé, Querela Lutheri, ou la prædiction quil fit, l'an 25 de ce siecle, que sil præchoit encor deux ans il ne demeureroit ni Pape, ni prestres, ni moynes, ni clochers, ni Messe.

  A002000202 

 .. Le bon enfant Samuel, humble, doux et saint, ayant esté apellé par trois fois de Dieu, pensa tousjours que ce fut Heli qui l'eut appellé, et a la 4 me seulement s'addressa a Dieu, comm'a celuy qui l'appeloit.

  A002000202 

 Mays non, que maintenant, enseignés de l'Eglise, ilz reconnoyssent que c'est une vocation de l'homme, et que les oreilles ont corné a leur viel Adam, et s'en remettent a celuy qui, comm'Heli, præside maintenant a l'Eglise..

  A002000202 

 Vos ministres, Messieurs, produysent trois vocations de Dieu: par les magistratz seculiers, par les Evesques, et par la voix extraordinaire; ilz pensent que ce soyt Dieu qui les aye apellé en ces troys façons la.

  A002000202 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouys parler, [en] Hieremie: Ne veuïlles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A002000202 

 Vous sembl'il pas que ce soyent Luther et Zuingle avec leurs propheties et visions? ou Carolostade avec sa revelation quil disoit avoir eue pour sa cene, qui donna occasion a Luther d'escrire son livre, Contra cœlestes prophetas? C'est [38] bien eux, au moins, qui ont ceste proprieté de n'avoir pas estés envoyés; c'est eux qui prennent leurs langues, et disent, le Seigneur a dict: car ilz ne sçauroyent jamais monstrer aucune preuve de la charge quilz usurpent, ilz ne sçauroyent produyre aucune legitime vocation, et, donques, comme veulent ilz precher? On ne peut s'enrooler sous aucun capitayne sans l'aveu du prince, et comment fustes vous si promtz a vous engager sous la charge de ces premiers ministres, sans le congé de vos pasteurs ordinaires, mesme pour sortir de l'estat auquel vous esties nay et nourry qui est l'Eglise Catholique? Ilz sont coulpables d'avoir faict de leur propr'authorité ceste levëe de bouclier, et vous de les avoir suyvis; dont vous estes inexcusables.

  A002000203 

 Et voyla la premiere rayson qui rend vos ministres et vous aussy, quoy qu'inegalement, inexcusables devant Dieu et les hommes d'avoir laissé l'Eglise.

  A002000213 

 Au contraire, Messieurs, l'Eglise qui contredisoit et s'opposoit a vos premiers ministres, et s'oppose encores a ceux de ce tems, est si bien marquëe de tous costés, que personne, tant aveuglé soit il, ne peut prætendre cause d'ignorance du devoir que tous les bons Chrestiens luy ont, et que ce ne soit la vraÿe, unique, inseparable et très chere Espouse du Roy celeste; qui rend vostre separation d'autant plus inexcusable.

  A002000213 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A002000215 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A002000216 

 Tous ces discours ressentent le mal de chaud; ce sont des songes qu'on faict en veillant, qui ne valent pas celuy que Nabuchodonosor fit en dormant; aussy luy sont ilz du tout contraires, si nous croyons a l'in terpretation de Daniel: car Nabuchodonosor vit une pierre taillëe d'un mont sans œuvre de mains, qui vint roulant et renversa la grande statue, et s'accreut tellement que devenue montaigne elle remplit toute [41] la terre; et Daniel l'entendit du royaume de Nostre Seigneur qui demeurera æternellement.

  A002000217 

 Eglise vient du mot grec qui veut dire, appeller; Eglise donques signifie un'assemblëe ou compaignie de gens appellés: Sinagogue veut dire un troupeau, a proprement parler.

  A002000217 

 Les Atheniens appelloyent eglise la convocation des cytoyens, la convocation des estrangers s'apelloyt autrement, διαχλήσις; dont le mot d'Eglise vient proprement aux Chrestiens, qui ne sont plus advenaires et passans, mais concitoyens des Saintz et domestiques de Dieu..

  A002000221 

 Que dira l'on aux propheties, qui nous repræsentent l'Eglise non seulement visible mays toute claire, illustre, manifeste, magnifique? Ilz la depeignent comm' une reyne parëe de drap d'or recamé, avec une belle varieté d'enrichissemens, comm' une montaigne, comm'un soleil, comm'une pleyne lune, comme l'arc en ciel, tesmoin fidele et certain de la faveur de Dieu vers les hommes qui sont tous la posterité de Noë, qui est ce que le Psalme porte en nostre version: Et thronus ejus sicut sol in conspectu meo, et sicut luna perfecta in æternum, et testis in cælo fidelis..

  A002000222 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, ajfin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A002000223 

 En fin, Zuingle, Œcolampade, Luther, Calvin, Beze, Muscule, sont visibles, et quand aux derniers il y en a plusieurs qui les ont veu, et neantmoins ilz sont appellés pasteurs par leurs sectateurs.

  A002000223 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A002000223 

 Les pasteurs et docteurs de l'Eglise sont visibles, donques l'Eglise est visible: car, je vous prie, les pasteurs de l'Eglise sont ilz pas une partie de l'Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s'entrereconnoissent les uns et les autres? faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent? faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et bercïl? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut connoistre son troupeau ni le voir.

  A002000227 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A002000227 

 La Sinagogue par qui persecutëe? par les Egiptiens, Babiloniens, Madianites, Philistins, tous peuples visibles; l'Eglise, par les payens, Turcs, Mores, Sarrasins, hæretiques, tout est visible.

  A002000227 

 Les anciens par qui gouvernés? par les prestres Aaroniques, gens visibles; nous autres, par les Evesques, personnes visibles.

  A002000227 

 Les anciens par qui prechés? par les Prophetes et docteurs, visiblement; nous autres, par nos pasteurs et prædicateurs, visiblement encores.

  A002000228 

 Voyla nos raysons, qui sont bonnes a tout'espreuve; mays ilz ont quelques contreraysons, quilz tirent ce leur semble de l'Escriture, bien aysëes a rabbatre a qui considerera ce qui s'ensuit:.

  A002000229 

 Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur.

  A002000229 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A002000230 

 2 nt, il faut considerer que tant l'interieur que l'exterieur de l'Eglise peut estre dict spirituel, mays diversement; car l'interieur est spirituel purement et de sa propre nature, l'exterieur de sa propre nature est corporel, mays parce quil tend et vise a l'interieur spirituel on l'apelle spirituel, comme faict saint Pol les hommes qui rendoyent le cors sujet a l'esprit, quoy quilz fussent corporelz; et quoy qu'une personne soit particuliere de sa nature, si est ce que servant au public, comme [les] juges, on l'apelle publique..

  A002000231 

 Maintenant, si on dict que la loy Evangelique a esté donnée dans les cœurs interieurement, non sur les tables de pierre exterieurement, comme dict Hieremie, on doit respondre, qu'en l'interieur de l'Eglise et dans son cœur est tout le principal de sa gloire, qui ne laysse pas de rayonner jusques a l'exterieur qui la faict voir et reconnoistre; ainsy quand il est dict en l'Evangile, que l'heur'est venue quand les vrays adorateurs adoreront le Pere en esprit et verité, nous sommes enseignés que l'interieur est le principal, et que l'exterieur est vain s'il ne tend et ne se va rendre dans l'interieur pour s'y spiritualizer..

  A002000232 

 De mesme, quand saint Pierre appelle l'Eglise mayson spirituelle, c'est par ce que tout ce qui part de [48] « et qu'és choses supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ni à figure.

  A002000232 

 Et tout ce qui se dit de la robbe de Nostre Seigneur se lit de sa Croix avec une esgale asseurance, puysque la mesme Eglise qui nous enseigne ce qui se lit de sa robbe nous preche ce qui se dit de la Croix.

  A002000232 

 Mays jamais Catholique ne dit cela. Nous disons seulement que la Croix, comme plusieurs autres choses, a une vertu assistante qui n'est autre que Dieu mesme, qui, par la Croix, fait les miracles quand bon luy semble en tems et lieu, ainsy qu'il le declaira luy mesme de sa robbe quand il guerit ceste pauvre femme; car il ne dit pas: j'ay senti une vertu sortie de ma robbe, mays, j'ay apperceu une vertu sortir de moy; et tout de mesme n'avoit-il pas dit: qui est-ce qui a touché ma robbe? mays plustost, qui est-ce qui m'a touché? Comme donq il advoüa que toucher sa robbe par devotion c'est le toucher luy mesme, aussi fait-il sortir de luy la vertu necessaire a ceux qui touchent sa robbe.

  A002000232 

 Pourquoy ne diray-je de mesme que c'est Nostre Seigneur qui est la vertu, non inherente a la Croix, mays bien assistante? laquelle est plus grande ou moindre, non pas selon elle mesme, car estant vertu de Dieu et Dieu mesme elle est invariable, tous-jours une et esgale, mays elle n'est pas tous-jours esgale en l'exercice et selon les effectz; car en quelques endroitz, en certains lieux et occasions, il fait des merveilles et plus grandes et plus frequentes que non pas aux autres.

  A002000232 

 Que ce traitteur donq cesse de dire que nous attribuons a la Croix la [49] vertu qui est propre a Dieu: car la vertu propre a Dieu luy est essentielle, la vertu de la Croix luy est assistante; Dieu est agissant en sa vertu propre, la Croix n'opere qu'en la vertu de Dieu; Dieu est le premier autheur et mouvant, la Croix n'est que son instrument et outil.

  A002000238 

 Ce que j'ay deduit jusques ici monstre asses combien est honnorable le bois que Nostre Seigneur porta, comme un autre Isaac, sur le mont destiné, pour estre immolé sur iceluy en divin Aigneau qui lave les pechés du monde; mais voyci des raysons particulieres inevitables.

  A002000239 

 Le sepulchre du Sauveur n'a rien eu plus que la Croix; il receut le cors mort que la Croix porta vivant et mourant, mais il ne fut point l'exaltation de Nostre Seigneur, ni instrument de nostre redemption, et neanmoins voyla le prophete Esaye qui proteste que ce sepulchre sera glorieux: Et erit sepulchrum ejus gloriosum. C'est un texte tres expres, et saint Hierosme, en l'epistre a Marcelle, rapporte ce trait d'Esaye a l'honneur que les Chrestiens rendent a ce sepulchre, y accourans de toutes partz en pelerinage..

  A002000240 

 Jacob ayant veu Dieu et les Anges en Bethel, combien tient-il ce lieu pour honnorable? L'Ange qui apparut a Josué, es campaignes de Hiericho, luy commanda de tenir ce lieu-la pour saint, et d'y marcher a piedz nudz par reverence.

  A002000241 

 Mais l'Arche de l'alliance sert d'un tres magnifique tesmoignage a la Croix: car si l'un des bois pour estre l'escabeau ou marche-pied de Dieu a esté adorable, que doit estre celuy qui a esté le lict, le siege et le throsne de ce mesme Dieu? Or, que l'Arche de l'alliance fust adorable, l'Escriture le monstre: Adorés, dit le Psalmiste, l'escabeau des piedz d'iceluy, car il est saint.

  A002000241 

 Or, que l'escabeau des piedz de Dieu ne soit autre que l'Arche, l'Escriture le tesmoigne ouvertement; et qu'il le faille adorer, c'est a dire venerer, il s'ensuit expressement du dire de David, ou le vray mot d'adoration est expressement rapporté a l'escabeau des piedz de Dieu, comme sçavent ceux qui ont connoissance de la langue Hebraïque.

  A002000242 

 Helisee garda soigneusement le manteau de Helie, et le tint pour honnorable instrument de miracle: pourquoy n'honnorerons-nous le bois duquel Nostre Seigneur [52] s'affeubla au jour de son exaltation et de la nostre? Que dires-vous de Jacob qui adora le bout de la verge de Joseph? n'eust-il pas honnoré la verge et sceptre du vray Jesus? Hester baysa le bout de la baguette d'or de son espoux, et qui empeschera l'ame devote de bayser par honneur la baguette du sien? Je sçai la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de saint Paul, mais aussi sçai-je que celle-la de la Vulgaire est la plus asseuree et naïfve, mesme estant rapportee et confrontée avec ce qui est dit d'Hester; aussi est-elle suivie par saint Chrysostome..

  A002000243 

 Qui ne sçait que la Croix a esté le sceptre de Jésus Christ, dont il est escrit en Esaye, Duquel la principauté est sur son espaule? car tout ainsy que la clef de David fut mise sur l'espaule d'Eliakim filz d'Elcias, pour le mettre en possession de son Pontificat, Nostre Seigneur aussi print sa Croix sur son espaule, lhors que chassant le prince du monde, prenant possession de son Pontificat et de sa Royauté, il attira toutes choses a soy: comme interpretent saint Cyprien au Livre second contre les Juifz, et saint Hierosme au Commentaire, et Julius Firmicus Maternus, qui vivoit environ le tems de Constantin le Grand, au livre De mysteriis profanarum religionum, cap. XXII, et plusieurs autres des Anciens; quoy que Calvin sur ce passage, sans authorité ni rayson, se moque de cette interpretation, l'appellant frivole.

  A002000244 

 C'est son exaltation, c'est le temple de ses trophees, auquel il affigea comme une riche despouïlle la cedule du decret qui nous estoit contraire..

  A002000244 

 Le bois de la Croix a eu des qualités qui le rendent bien venerable; c'est qu'il a esté le siege de la Royauté de Nostre Seigneur, comme dit le Psalmiste: Dites es nations que le Seigneur a regné par le bois, ainsy que lisent les Septante, saint Augustin, saint Justin le Martyr, et saint Cyprien qui remarque que l'escriteau qui fut mis sur le bout de la Croix, en Hebreu, Grec et Latin, declaira que alhors se verifioit le mistere [53] predit par David; dont les Juifz, en haine des Chrestiens, avoyent raclé le mot a ligno, comme dit Justin.

  A002000245 

 Si donq Nostre Seigneur a tant honnoré la Croix qu'il a voulu prendre un surnom d'icelle, qui est-ce qui la mesprisera?.

  A002000246 

 Et la Croix qui au paravant estoit une verge seche et infructueuse, des qu'elle fut dediee au Filz de Dieu et que son nom y fut attaché, elle fleurit et fleurira a jamais a la veuë de tous les rebelles.

  A002000253 

 J'ay monstré cy devant combien la Croix a de vertu, et combien nous avons de devoir de l'honnorer, par les consequences tirees a droit fil des saintes Escritures, ou, comme vous aves veu, je n'ay pas eu beaucoup de peyne a respondre aux argumens de ma partie, puysque ayant fait toutes ses propositions negatives, protestant de ne vouloir rien croire que ce qui est escrit, il n'a toutefois produit qu'un passage de l'Escriture, employé en un sens tres impertinent.

  A002000253 

 Qui ne voit la contrarieté de ces paroles? L'une ne peut estre vraye, que l'autre ne soit fause.

  A002000255 

 Et quant a l'exemple que vous apportes du sepulchre de Moyse, je ne sçai comme il ne vous a ouvert les yeux; car laissant a part la deshonneste comparaison que vous faites entre les Juifz et les Chrestiens, quant au danger de tomber en idolatrie, ne devies-vous pas raysonner en ceste sorte: Dieu qui n'a pas voulu que le sepulchre de Moyse ait esté conneu, pour prevenir l'idolatrie, a toutefois voulu que le sepulchre de Nostre Seigneur ait esté conneu et reconneu en l'Eglise Chrestienne, comme tout le monde sçait et personne ne le nie.

  A002000257 

 « Car de dire, » ce sont ses paroles, « que la Croix a esté conservee et enterree au lieu où elle avoit esté erigee, qui estoit comme on devine le lieu où estoit enterré Adam, cela n'a vray-semblance aucune; car, si on croit les Anciens, Adam a esté enterré en Hebron et non pres de Jerusalem.

  A002000258 

 « Item, » dit-il, « veu que les disciples et Apostres de Jesus Christ ont esté espars durant la mort d'icelui, et qu'apres son ascension ils ont esté prohibez de parler au nom de Jesus Christ, que Jerusalem peu apres a esté reduite à totale extremité et ruine, quelle apparence y a-il qu'elle ait esté adonc serree et honoree par ceux qui ont adheré à Jesus Christ? » Un enfant verroit cette ineptie: l'Eglise a esté persecutee, donq elle n'a pas serré la Croix.

  A002000259 

 Et disons encor qu'ilz la pouvoyent brusler; mays nous admirons d'autant plus la Providence supreme qui n'a pas permis la perte de ce sien Estendart..

  A002000259 

 Mais ce n'est que pour embrouiller que ce traitteur dit ceci, car nous ne disons pas que ce soyent les amis de la Croix qui l'ont ainsy enterree, ains plustost les ennemis d'icelle, affin d'en abolir la memoire, l'ont ainsy cachee.

  A002000259 

 Ni ne disons pas que ces mesmes ennemis ne l'ayent peu jetter en mer; au contraire nous disons qu'ilz l'ont peu jetter dans la mer, nonobstant la distance qui est entre le port de Japhet et la ville de Hierusalem, ou avec peyne ou sans peyne, par le moyen des rivieres qui l'eussent regorgee dans la mer.

  A002000260 

 Le seul saint Hierosme devroit suffire pour faire mieux appris ce traitteur; voyci ses paroles en l'epistre a Paulinus: « Des le tems d'Adrian jusques au regne de Constantin, l'idole de Jupiter a esté reveree par l'espace de presque cent quattre-vingtz ans sur le lieu de la resurrection de nostre Sauveur, par les Gentilz; et de mesme en ont-ilz fait a celle de Venus qui estoit eslevee en marbre sur la montaigne de la Croix, les autheurs de la persecution se persuadans que par ce moyen ilz enleveroyent de nostre estomac la foy de la resurrection et de la Croix, s'ilz venoyent a polluer les lieux saintz par leurs idoles.

  A002000260 

 « Qui est-ce, » dit-il, « qui ne rejettera [63] ceste fable, s'il considere la haine que portoyent les Juifs à toutes sortes d'images? » Mais je diray: qui est-ce qui ne rejettera l'ineptie de ce petit traitteur, s'il considere qu'on ne dit pas que ce soyent les Juifz, mais les Gentilz, qui ayent fait cela? et que ce n'est pas Esope qui raconte ce fait, mais une infinité de tres graves et anciens autheurs comme Eusebe, Ruffin, Paulin, Sulpice, Theodoret, Sozomene, Socrates.

  A002000261 

 Qui sera donq si desesperé que de mettre en doute ceste histoire tesmoignee par tant de graves autheurs, et tous voysins des tems dont ilz ont parlé, pour bailler credit a ce contrediseur qui, sans rayson, apres douze [64] cens ans, les vient impudemment desmentir? Mais, ce dit le traitteur, « tels contes ne servent sinon à aneantir la Croix de Christ.

  A002000262 

 « La saincte histoire, » replique le traitteur, « nous enseigne bien une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, en ce qu'ils ont rejetté la predication de l'Evangile... » Voyla pas une belle rayson? Je confesse que celle-la est une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, mais il ne s'ensuit pas qu'ilz n'ayent tenu encor celle qui est recitee par ces anciens Peres; car l'une n'est pas contraire a l'autre, mays s'entresuivent..

  A002000263 

 Au reste, avant que de finir ce propos, je veux descouvrir un trait de ce traitteur, qui monstre combien il est passionné et de mauvaise foy.

  A002000263 

 Et de fait, comme auroit-il dit que par la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, luy qui, es Questions qu'il a escrittes a Antiochus, dit par expres ces paroles: « Certes, nous adorons la figure de la Croix composee de deux bois »? Je sçai bien que le traitteur se voudra couvrir de la commune opiniastreté avec laquelle les Reformeurs veulent maintenir qu'idole et [65] image n'est qu'une mesme chose; mais certes, c'est une trop grande ineptie, car par la on pourroit dire que Jesus Christ est une idole, puysqu'il est appellé disertement image de Dieu en l'Escriture.

  A002000263 

 Si donques image et idole n'est qu'une mesme chose, Jesus Christ qui est image de Dieu, sera idole de Dieu, et ceux qui l'adorent seront idolatres.

  A002000264 

 Il a bien aussi bonne grace quand il met difference entre l'idolatrie payenne et l'idolatrie chrestienne (car il semble que ses paroles se rapportent a ceste intention); c'est comme qui diroit une chaleur froide ou une lumiere tenebreuse.

  A002000264 

 L'absurdité est toute pareille quand il dit que « les noms des idoles ont esté changez, mais les choses sont demeurees au Christianisme »; car, a ce conte-la, ce que nous appelions Jesus Christ ne sera autre que le Jupiter des payens, et le baptesme de Calvin, Beze et telz autres qui furent baptizés parmi les Catholiques sous le nom de la sainte Trinité, ne sera fait en realité qu'au nom et en la vertu de quelques idoles.

  A002000265 

 Ce sont donques les parolles de saint Paulin: « Donques, » dit-il, « la Croix du Seigneur si long tems couverte, cachee aux Juifz au tems de la Passion, et qui ne fut point descouverte aux Gentilz, qui sans doute creuserent et tirerent beaucoup de terre pour l'edification du temple qu'ilz avoyent dressé sur le Mont de Calvaire, n'a-elle pas esté cachee par la main de Dieu, a ce que maintenant elle fust trouvee quand elle a esté religieusement cherchee? ».

  A002000265 

 Et cependant ce n'est pas un petit argument pour la vertu et honneur de la sainte Croix, que Dieu l'ayt ainsy conservee pres de trois cens et trente ans sous terre, sans que pourtant elle soit aucunement pourrie, et que les ennemis du Christianisme ayans fait tout leur possible pour en abolir la memoire, elle leur ait esté cachee pour estre revelee en un tems auquel elle fust saintement reveree; et pour tant plus rendre le miracle de l'invention et conservation de ceste sainte Croix illustre, avoir conservé deux autres croix qui donnassent occasion a la preuve miraculeuse que l'on eut de la vertu de la troisiesme.

  A002000267 

 Mais a qui revient l'honneur de ceste conservation tant miraculeuse de la Croix, sinon a Jesus Christ crucifié? « Elle a pris et beu ceste vertu incorruptible du sang de la chair, laquelle ayant souffert la mort n'a point veu la corruption: Istam incorruptibilem virtutem de illius profecto carnis sanguine bibit, quæ passa mortem non vidit corruptionem.

  A002000273 

 Et, si lon croid quelques historiens, Helene estoit encore infidele alors, et Constantin mesme n'estoit pas ferme Chrestien et n'avoit rien en Syrie adonc; et quelques uns disent qu'elle ne fut trouvee du temps du grand Constantin, ains de Constantin son fils; joint qu'Eusebe, qui a escrit la vie de « Constantin et qui parle de ce que Helene a fait en Jerusalem, ne dit un seul mot de ceste invention de Croix.

  A002000273 

 « Il n'est besoin, » dit-il, « d'entrer sur la recerche si ç'a esté une invention controuvee ou vraye, combien que Volaterran et Frere Onufrius Panvinius, de l'ordre des Augustins, en ses notes sur Platine, en la vie d'Eusebe Pape 32, donne assez à entendre que c'est chose incertaine, veu la diversité qui se trouve és autheurs touchant le temps de ceste invention.

  A002000274 

 Combien de gens y a-il au monde qui ne sçavent ni le jour, ni l'an de leur naissance? Volaterran, donques, et le docte Onufrius ne monstrent point que l'histoire de l'invention de la Croix soit incertaine, quoy qu'ilz produisent l'incertitude du tems auquel elle [70] a esté faite.

  A002000274 

 Et quant a Panvinius, voyant Platine dire que ceste invention fut faite sous Eusebe, il se resoult, et dignement, a l'opinion contraire, ne laissant pas la chose indecise, comme presuppose le traitteur, qui s'enferre luy mesme quand, laissant les autheurs d'accord en l'invention de la Croix, il allegue seulement leur discorde en l'aage et tems d'icelle; car c'est purement confesser ce qu'il avoit premierement nié, a sçavoir, qu'il y a bon tesmoignage que Dieu a voulu que la Croix de son Filz vint a notice.

  A002000274 

 Mais il y a plus, car tous les plus graves autheurs qui ont escrit de l'invention de la sainte Croix, comme saint Ambroise, saint Paulin, Eusebe, Ruffin, Sozomene, Socrates asseurent qu'Heleine fut inspiree d'aller a la recherche de ce bois sacré.

  A002000274 

 Or, qui vid jamais une rayson si desraysonnable, que pour l'incertitude du tems, on tire en consequence l'incertitude de la chose mesme? Combien de tems y a-il que le monde fut creé? Il n'y a chronologien qui n'en ayt son opinion a part; faut-il dire pourtant que le monde n'a pas esté creé? En quel aage mourut Nostre Seigneur? Qui dit a trente un, qui dit a trente deux, qui a trente quattre ans, et ce grand Irenee passe jusques a cinquante: faudroit-il donques dire, pour ceste diversité d'opinions de l'aage auquel Nostre Seigneur souffrit, que sa mort fust incertaine? Autant en diray-je du baptesme d'iceluy et de cent autres choses tesmoignees en l'Escriture, lesquelles estans tres certaines ont la circonstance du tems tres incertaine.

  A002000277 

 Crucis, qui ne fait rien contre nous, puysque les Catholiques ne tiennent pas ce disciple pour maistre de leur foy; et ne disons pas que quelque particulier Catholique ne puisse avancer quelque chose mal asseuree, mais cela ne prejudicie point a la foy publique de l'Eglise. Cependant Discipulus ne baille pas ce conte-la pour chose asseuree, mais proteste de l'avoir pris du livre apocriphe de Nicodeme, ce que le traitteur a dissimulé.

  A002000281 

 Or le traitteur fait semblant d'ignorer tout cecy; et quant au premier usage, qui est de representer la Passion, il en parle en ceste sorte: « Si par le mot de croix nous entendons les souffrances que le Fils de Dieu a portees en son corps et en son ame, ayant esté rempli de douleurs, comme dit Esaye, chap. 53, et ayant esté contristé en son ame jusques à la mort, voire ayant beu la coupe de l'ire de Dieu, à cause dequoy il a crié: mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? il est certain que telles souffrances [75] ne se peuvent representer, car nos sens ne les sauroyent comprendre; mais par la foy nous entendons qu'elles sont infinies et indicibles, pourtant nous disons en nostre symbole que nous croyons que Jesus Christ a souffert, qu'il a esté crucifié, mort et enseveli, et est descendu aux enfers: que si cela est indicible, il est aussi irrepresentable.

  A002000282 

 Daniel represente Dieu; l'homme est fait a l'image et ressemblance de Dieu, ce qui ne se peut sans qu'il le represente.

  A002000282 

 Puys encor dit-il mal, car quoy que ceste valeur et ce merite de la Passion soyent infinis, et que nos sens ne les puissent comprendre, ilz sont neanmoins representables, autrement ilz ne seroyent pas croyables: rien n'est creu qui ne soit premier representé a nostre ouÿe, qui est un de nos sens.

  A002000283 

 Qui est-ce qui, voyant la Croix de Nostre Seigneur, ne se represente sa mort et passion? « J'ay veu bien souvent, » dit saint Gregoire Nissene, « la figure de la Passion, et n'ay peu passer les yeux sur ceste peinture sans larmes, lhors que je voyois l'ouvrage de l'artifice estre demonstré en la personne signifiee.

  A002000283 

 » C'estoit lhors qu'il voyoit l'image d'Abraham sacrifiant son filz, tant elle lui representoit piteusement les martires de ces deux personnages, et la passion de Nostre Seigneur qui y estoit figuree..

  A002000284 

 Le traitteur donq ne peut pas dire que les souffrances de Nostre Seigneur sont irreprensentables pour estre infinies, et moins encor pour estre indicibles; car Dieu, qui est infini, ne laisse pas de nous estre representé en plusieurs sortes, et sa gloire mesme, quoy qu'elle soit indicible quant a la grandeur de ses perfections.

  A002000285 

 Les choses sont representees par leurs effectz, par leurs ressemblances, par leurs causes, et en fin, par tout ce qui en resveille en nous la souvenance; car tout cela nous rend les choses absentes comme presentes..

  A002000285 

 Or, ces inepties sont mises en avant par le traitteur, d'autant qu'il pense que pour representer une chose il la faille ressembler de toutes pieces, ce qui est sot et ignorant; car les plus parfaittes images ne representent [78] que les lineamens et couleurs exterieures, et neanmoins on dit, et il est vray, qu'elles representent vivement.

  A002000286 

 Je confesse tout cela, mays je dis aussi que cest article est representable, non pas certes parfaitement (car, qui representeroit jamais la valeur et le prix de ce sang divin, et la grandeur des travaux inteneurs du Sauveur?) mays il est representable comme les hommes et les maysons, dont on ne represente que les visages et façades exterieures.

  A002000291 

 en ce qu'elle avoit esté cachee a ceux qui l'eussent abolie s'ilz l'eussent [81] trouvee, et mesmement aux Gentilz qui fouirent beaucoup la terre ou elle estoit, pour edifier le temple de Venus; 2. et avoit esté trois cens trente ans environ dans la terre sans pourrir..

  A002000293 

 Cela fut cause qu'ilz la mirent en usage comme un grand remede et preservatif; et partant, Heleine envoya un des clouz de la Croix pour mettre en la couronne de Constantin son filz, « a fin qu'il fust en ayde et secours pour la teste de son filz, et en repoussast les fiesches des ennemis: Qui præsidio esset capiti filii sut, et hostium tela repelleret.

  A002000294 

 De la est advenu « que tout le monde s'est efforcé d'avoir de ce bois, si que ceux qui en ont quelque peu l'enchassent en or et le mettent en leur col, estans par la beaucoup honnorés, et magnifiés, et munis, et contregardés, quoy que ç'ayt esté le bois de condamnation.

  A002000294 

 » Saint Chrysostome parle ainsy, et saint Cyrille de Hierusalem, parlant des tesmoignages de Jesus Christ: « Le bois de la Croix en tesmoigne, » dit-il, « qui apparoist entre nous jusques aujourd'huy, et entre ceux lesquelz, prenans d'iceluy selon la foy, en [83] ont rempli des ce lieu presque tout le monde.

  A002000295 

 Tout ceci se rapporte a ce que saint Paulin en dit plus expressement escrivant a Severe, la ou ayant dit qu'on ne pouvoit voir la piece de la vraye Croix qui estoit en Hierusalem sinon par le congé de l'Evesque, il continue en ceste sorte: « Par la seule faveur duquel on a ce bien, d'avoir des petites piecettes et particules de ce bois sacré pour une grande grace de foy et benediction, laquelle Croix mesme, ayant une vive vigueur en une matiere insensible, elle preste des ce tems la et fournit de son bois aux desirs presque tous les jours infinis des hommes.

  A002000296 

 » Ainsy, luy mesme raconte, que voyant brusler a Nole par un embrasement presque incroyable une mayson qui estoit vis a vis de l'eglise de saint Felix, il s'eslança contre le feu, et l'esteignit par la vertu d'une piece de la Croix qu'il tenoit..

  A002000317 

 Mais l'effort de la Croix qui luy fit ceste peur,.

  A002000318 

 Et qui la contraignit de perdre sa fureur,.

  A002000331 

 Ce qu'il fit la portant autour du sanctuaire, et alhors une flamme de feu resplendissant et non bruslant suivit Thomas allant de lieu en lieu, si que toute la place, en laquelle s'arrestant il monstroit la venerable Croix au peuple, sembloit brusler, et cecy fut fait non une fois ou deux, mays plusieurs; chose laquelle presagea le salut d'Apamee qui s'ensuivit despuys.

  A002000331 

 Ce sont presque les parolles d'Evagrius qui recite cecy comme tesmoin oculaire.

  A002000331 

 Evagrius recite que la ville d'Apamee estant reduitte a l'extremité par le siege de Cosroës, les habitans prierent leur Evesque, nommé Thomas, de leur monstrer une piece de la Croix qui estoit la.

  A002000332 

 Ce n'est donq pas merveille si saint Ambroise, parlant du clou de la Croix, dit que « c'est un remede pour le salut, et que par une puissance invisible il tourmente les diables »; et saint Cyrille, que jusques a son tems le bois de la Croix qui estoit en Hierusalem guerissoit les maladies, chassoit les diables et les charmes.

  A002000332 

 Et saint Gregoire le Grand, Livre troisiesme de ses Epistres, en la trente cinquiesme parle de l'huile de la sainte Croix, lequel en touchant guerissoit; et Bede tesmoigne que c'estoit un huile qui sortait de soy mesme du bois de la Croix.

  A002000365 

 De Meleine qui fut de nom sainte et d'effect, [89].

  A002000366 

 Qui d'un si riche don ne nous fut point avare..

  A002000371 

 Qui sont bien a propos jointes en mesme lieu:.

  A002000377 

 Et saint Paulin dit que ceste piece-la n'estoit monstree sinon les festes de Pasques, « hormis a la requeste de quelques devotes personnes, qui alloyent seulement en pelerinage en Hierusalem pour voir ceste sainte relique, en recompense de leur long voyage.

  A002000377 

 « Heleine laissa une partie de la Croix en une chasse d'argent, pour souvenance et monument a ceux qui seroyent conduitz du desir de la voir.

  A002000378 

 Par l'adoration solemnelle de ceste mesme Croix qui estoit en Hierusalem; « laquelle, » et ce sont les paroles de saint Paulin, « l'Evesque de ceste ville la produit [90] toutes les annees a Pasques pour estre adoree du peuple, luy estant le premier a l'honnorer: Episcopus urbis ejus quotannis, cum Pascha Domini agitur, adorandam populo princeps ipse venerantium promit.

  A002000379 

 Mays il y a bien plus, car, auparavant mesme que la Croix fust trouvee par Heleine, les Chrestiens monstroyent en quel honneur ilz avoyent la Croix, honnorans mesme le lieu ou elle avoit esté plantee; ce qui est touché par tous les autheurs, mays beaucoup plus expressement par Sozomene qui dit « que les ennemis de la Croix avoyent dressé un temple a Venus, dans lequel ilz avoyent mis l'idole d'icelle a ceste intention, que ceux qui adoreroyent Jesus Christ en ce lieu-la semblassent adorer Venus, et que, par longueur de tems, la vraye cause vint en oubli pour laquelle les hommes venerent ce lieu-la.

  A002000386 

 Et Sozomene, apres avoir raconté l'histoire de l'invention [91] de la Croix et les merveilles qui s'y firent: « Ni cela, » dit-il, « n'est pas tant esmerveillable, principalement puysque les Gentilz mesme confessent que cecy est un vers de la Sibile:.

  A002000390 

 « O bois heureux qui tins Dieu mesme en toy pendu.

  A002000394 

 Les Anciens ont honnoré la Croix luy attribuans plusieurs noms honnorables: comme Heleine et saint Ambroise l'ont appellee « Estendart de salut, Triomphe de Jesus Christ, Palme de la vie eternelle, Redemption du monde, Espee par laquelle le diable a esté tué, Remede de l'immortalité, Sacrement de salut, Bois de verité; » saint Paulin l'appelle « Defense de la vie presente, gage de l'eternelle, chose de tres grande benediction; » Macaire, Evesque de Hierusalem, l'appelle « Bois bien heureux, Croix qui a esté pour la gloire du Seigneur; » Justinien l'Empereur, « sacrum Christianorum Signum: Signe sacré des Chrestiens; » et le grand saint Cyrille, au recit du traitteur mesme, l'appelle « Bois salutaire », et ailleurs, « Trophee du Roy Jesus; » Eusebe, « Bois tres heureux; » Lactance, « Bois venerable.

  A002000401 

 « O bois heureux qui tins Dieu mesme en toy pendu,.

  A002000418 

 C'est icy une forte preuve de l'honneur et vertu de la vraye Croix, car, comme parle le traitteur, « il est aisé a recueillir que, si le bois de la Croix n'a point eu de vertu ni de saincteté, ce qui n'en est que le signe ou image n'en a non plus »: au contraire donques, si le signe et image de la Croix a beaucoup de sainteté et de vertu, la Croix mesme en aura bien davantage.

  A002000419 

 Et certes, il y a plus de probabilité en cecy, quand ce ne seroit que pour la commune opinion des Chrestiens, et que Justin le Martyr, au dialogue qu'il fit avec Triphon, appariant la Croix a la corne d'un licorne, semble la descrire en ceste sorte; et saint Irenee dit que « l'habitude ou figure de la Croix a cinq boutz ou pointes: deux en longueur, deux en largeur, une au milieu sur laquelle s'appuye celuy qui est crucifié.

  A002000419 

 Or, l'on a fait les images de la Croix en diverses sortes, selon la diversité des opinions qui ont esté de la forme et figure de la vraye Croix: car les uns l'ont peinte comme un grand T latin ou grec, comme aussi se faisoit le Thau ancien des Hebreux, duquel saint Hierosme dit qu'il estoit fait en maniere de croix.

  A002000420 

 Les autres mettoyent sur la Croix une couronne esmaillee, qui de pierres pretieuses, comme [98] Constantin fit en son Labare; qui de fleurs, comme fit saint Paulin en une belle eglise de Nole, sur l'entree de laquelle ayant fait peindre en ceste sorte une croix, il y fit mettre ces vers:.

  A002000420 

 Outre cela, les Anciens ont quelquefois peint ou façonné sur la Croix d'autres choses, pour remarquer quelques misteres et moralités: car les uns courboyent le bout de la Croix en forme d'une crosse, pour representer la lettre P des Grecz, un peu plus bas ilz y mettoyent deux pieces en forme de la lettre X, qui sont les deux premieres lettres du nom de Christ, et un peu plus bas estoit le traversier de la Croix auquel pendoit un voyle, comme on fait maintenant en nos gonfanons, pour monstrer que c'estoit l'Estendart de Jesus Christ.

  A002000424 

 Præmia: tolle Crucem qui vis auferre coronam..

  A002000428 

 Qui, fidelle, promet aux peynes et travaux.

  A002000442 

 Croix qui prend sa couleur de ce rouge et pur sang.

  A002000443 

 Qui sort des piedz, des mains, de la teste et du flanc.

  A002000463 

 C'estoit une tres honnorable persuasion que les Anciens avoyent de la sainte Croix, qui les faisoit ainsy saintement philosopher sur icelle; par ou l'on peut voir que, quand le traitteur dit que les Anciens ne faisoyent autre honneur a la Croix que de la couronner simplement de fleurs, ce n'est que faute d'en sçavoir davantage.

  A002000463 

 Le mesme saint Paulin avoit fait peindre la Croix autour de l'autel, avec une trouppe de colombes sur icelle, et force palmes, et un aigneau qui estoit sous la Croix teinte en sang; autant desseignoit-il d'en faire en une basilique qu'il faisoit bastir a Fondi: et tout ceci monstre combien d'honneur l'on portoit a la Croix.

  A002000463 

 Par les palmes et par le sang il figuroit la Royauté de Nostre Seigneur; par l'aigneau qu'il mettoit sous la Croix il representoit Nostre Seigneur, qui, estant immolé [100] sur l'autel de la Croix, a levé les pechés du monde.

  A002000463 

 Saint Paulin mettant la couronne de fleurs sur la Croix vouloit dire, comme il tesmoigne par ses vers, que par la Croix nous obtenons la couronne de gloire; par les colombes il signifioit que le chemin du ciel, qui a esté ouvert par la Croix, n'estoit que pour les simples et debonnaires; autres fois, par la trouppe de colombes il entendoit la trouppe des Apostres, qui en leur simplicité ont annoncé par tout la parole de la Croix.

  A002000468 

 Et saint Justin le Martyr traittant avec Triphon, Tertullien avec Marcion, et saint Cyprien avec tous les Juifz, ont estimé de faire un bon et ferme argument, produisans les figures de l'Ancien Testament pour l'honneur et reverence de la Croix: pourquoy ne pourrois-je raysonner sur un mesme sujet, par pareilles raysons, avec un traitteur qui se dit estre Chrestien? Or, la briefveté a laquelle je me suis lié, ne me permet pas de prendre le loysir qu'il faudroit pour faire un si grand amas; aussi lira-on avec plus de fruit ce que j'en pourrois dire es autheurs que j'ay des-ja cités, et en Jonas d'Orleans, en saint Gaudence sur l'Exode, et en la Theogonie de Cosme Hierosolymitain.

  A002000468 

 J'aurois une belle campaigne, pour monstrer l'antiquité de l'image de la Croix, si je voulois m'estendre sus un monde de figures de l'Ancien Testament, lesquelles n'ont esté autres que les images de la Croix, et ne penserois pas que ce fust une petite preuve; car, quelle rayson y pourroit-il avoir que cest ancien peuple, outre la parole de Dieu, eust encor plusieurs signes pour se rafraischir coup sur coup l'apprehension de la Croix future, et qu'il ne nous fust pas loysible d'en avoir en nostre Eglise pour nous rafraischir la memoire de la crucifixion passee? Certes, il n'y auroit si bon traitteur qui ne s'eblouist quand je luy produirois les saintes observations qu'en a fait toute l'antiquité.

  A002000468 

 Je me contenteray seulement de mettre en avant celle que tous les [102] Anciens, d'un commun accord, appliquent a la Croix: c'est le Serpent d'airain, qui fut dressé pour la guerison de ceux qui estoyent morduz de serpens; duquel parlant le traitteur, il remarque qu'il ne fut pas mis ou « dressé sur un bois traversier, comme on le peint communement, car il estoit eslevé sur un estendard, » dit-il, « ou sur une perche, comme le texte le dit.

  A002000468 

 Je remarque que le traitteur a tort de contredire en ceci a la commune opinion, qui porte que le Serpent estoit eslevé sur un bois traversier, sans avoir ni rayson ni authorité pour soy; et qu'au contraire, il est raysonnable que saint Justin le Martyr soit preferé en cest endroit, lequel, en l'Apologie pour les Chrestiens, recitant ceste histoire, tesmoigne que Moyse eslevant le Serpent le dressa en forme de croix.

  A002000468 

 Que la proprieté des motz du texte ne porte aucunement que le Serpent fut eslevé sur une perche; aussi Sanctes Pagninus a laissé le mot d'estendart, qui est sans doute le plus sortable et se rapporte mieux a ce qui estoit signifié.

  A002000469 

 Le premier qui en fit d'estoffe fut Constantin, lequel ayant obtenu une notable victoire contre Maxence, fit son gonfanon en forme de croix, enrichi d'or et de pierreries.

  A002000469 

 Mais, pour m'accommoder au traitteur, il me suffira de parler des croix qui ont esté faittes en l'ancienne Eglise, dequoy il parle ainsy: « Les signes que lon faisoit au commencement n'estoient sinon avec le mouvement de la main appliquee au front ou remuee en l'air, n'ayant subsistance en matiere corporelle, de bois, pierre, argent, or, ou autres semblables.

  A002000469 

 Pour vray, Tertullien en son Apologetique dit qu'on reprochoit aux Chrestiens de son tems qu'ilz estoyent religieux et devotz de la Croix; a quoy il ne respond autre, sinon: « Qui Crucis nos religiosos putat, consectaneus noster erit cum lignum aliquod propitiatur: Celuy qui nous pense religieux de la Croix, il sera nostre sectateur quand il honnore ou flatte quelque bois.

  A002000469 

 » Et apres avoir remonstré qu'en la religion des Romains on honnoroit et prisoit des pieces de bois qui estoyent peu differentes de la Croix, et que les faiseurs d'idoles se servoyent d'instrumens faitz en forme de croix pour faire les mesmes idoles; item, qu'ilz adoroyent les victoires, et que le dedans de leurs trophees (c'est a dire les instrumens sur lesquelz on portait les trophees) estoyent en forme de croix; item, que la religion des Romains, estant toute militaire, veneroit les enseignes et estendartz, juroit par iceux, et les prisoit plus que tous les dieux, et que les voyles ou drapeaux des estendartz n'estoyent que comme des manteaux et vestemens des croix, il conclud disant: « Je loue ceste diligence; vous n'aves pas voulu consacrer des croix nues et descouvertes, ou sans ornement.

  A002000469 

 » J'admire ceste ignorance tant hardie: qui est celuy, tant soit-il peu versé en l'antiquité, qui ne sçache que tout au fin commencement de l'Eglise, les Gentilz reprochoyent de tous costés aux Chrestiens l'usage et veneration de la Croix? ce qu'ilz n'eussent jamais fait s'ilz n'eussent veu les Chrestiens avoir des croix.

  A002000471 

 Saint Athanase, qui vivoit du tems de Constantin le Grand, au livre des Questions a Antiochus, fait ceste demande: « Pourquoy est-ce que tous nous autres fidelles faisons des croix pareilles a la Croix de Christ, et que nous ne faisons point de remembrances de la sacree lance, ou du roseau, ou de l'esponge? car ces choses sont saintes comme la Croix mesme.

  A002000471 

 » Quelle apparence, donques, y a-il que Constantin ayt esté le premier qui a fait la Croix en matiere permanente? puysque saint Athanase confesse que tous les fidelles de ce tems la faisoyent des croix de bois et les [105] honnoroyent, et en parle comme de chose toute vulgaire et accoustumee.

  A002000472 

 Et de vray, au moins ce traitteur devoit considerer que si Constantin dressa son Labare en forme de croix, pour la vision qu'il avoit eue d'une Croix a la façon de laquelle il fit dresser les autres (comme le traitteur mesme confesse que cela s'est peu faire), ce ne sera pas Constantin qui aura fait la Croix le premier en matiere subsistante, mais plustost Dieu, qui luy en fit le premier patron sur lequel les autres furent dressees.

  A002000472 

 Que si, au contraire, ce ne fut point par advertissement de Dieu, ni pour aucune vision, que Constantin fit dresser son Labare et plusieurs autres croix, mais plustost par rayson d'estat, qui est l'opinion laquelle aggree plus au traitteur, a sçavoir, que « d'autant, » ce sont ses parolles, « qu'il avoit freschement esté eslevé à la dignité imperiale, par la volonté des gens de guerre qui l'avoient preferé aux descendans de Diocletian, il advisa que le moyen de se maintenir en ceste dignité contre ses competiteurs et debateurs seroit de se faire ami des Chrestiens, que Diocletian avoit persecutez à outrance, et à ceste occasion il fit eriger des croix avant mesme qu'il fust Chrestien »; je prendray le traitteur au mot en ceste sorte:.

  A002000473 

 Et qui les avoit gardés d'en dresser jusques a ceste heure la, au moins dedans leurs maysons et oratoires? et comme pouvoit sçavoir Constantin que la maniere de flatter les [106] Chrestiens estoit de dresser des croix, s'il n'eust conneu qu'ilz en avoyent dressé auparavant et les honnoroyent? Pour vray, les Reformeurs n'eussent pas esté amis de ces anciens fideles, ni leur doctrine jugee Chrestienne, puysqu'ilz abattent leurs croix, et taschent de persuader que c'est une « corruption » d'en avoir introduit l'usage et que « c'est encor plus mal fait de le retenir; » ce sont les parolles mesmes du traitteur.

  A002000473 

 Et s'il est vray, comme sans doute il est, ce qu'il dit ailleurs, rapporté de saint Gregoire Nazianzene, que « la verité n'est point verité si elle ne l'est du tout, et qu'une pierre precieuse perd son prix à cause d'une seule tare ou d'une seule paille, » la doctrine Chrestienne n'aura plus esté pure du tems de Constantin, selon l'opinion de cest homme, puysque les Chrestiens desiroyent et se plaisoyent que l'on plantast des croix, qui est une corruption, « levain et doctrine erronee, » a son dire.

  A002000474 

 » Voyes-vous comme il rapporte le commencement de leur pretendue corruption de la doctrine Chrestienne au tems de saint Gregoire? et neanmoins, quant a la Croix, il l'a rapportee aux Chrestiens qui vivoyent du tems de Constantin [107] le Grand, lesquelz il fait (et c'est la verité) grans amateurs de l'erection des croix, que puys apres il appelle corruption.

  A002000475 

 Aussi les habitans de Socotore, isle de la mer Erithree, qui ont esté et sont Chrestiens des le tems que saint Thomas y precha, entre les autres ceremonies catholiques ilz ont celle-ci, de porter ordinairement une croix pendue au col et luy porter grand honneur.

  A002000475 

 Ceci est une chose toute conneuë et qui se fait a la veuë de tout le peuple, dont l'Evesque de Cocine en envoya une ample et authentique attestation, avec le portrait de ceste croix-la, au commencement [108] du saint Concile de Trente: qui est une marque bien expresse que les Apostres mesmes ont eu en honneur la sainte Croix.

  A002000475 

 Et comme l'Apostre qui planta la foy parmi ces peuples y porta quant et quant l'usage de la Croix, ainsy Dieu, voulant en ces derniers tems y replanter encores la mesme foy, leur a voulu recommander l'honneur de la Croix par un signalé miracle, tel que nous avons recité.

  A002000475 

 J'ay donq prouvé, non seulement que ce traitteur est ignorant d'avoir dit que Constantin estoit le premier qui avoit dressé des croix en matiere subsistante, mays encor, que l'erection des croix a esté prattiquee entre les plus anciens Chrestiens, car nous n'avons pas de gueres plus anciens autheurs que Justin et Tertullien.

  A002000481 

 Le traitteur, qui confesse le moins qu'il peut de ce qui establit la coustume ecclesiastique, apres avoir nié qu'avant le tems de Constantin il y eust des croix parmi les Chrestiens, en un autre endroit dit qu'au commencement, et mesme du tems de Theodose, « la Croix n'estoit « sinon deux bois traversans l'un l'autre, et n'y avoit « point de crucifix, et moins encores de vierge Marie, « comme depuis en quelques croix l'image du crucifix « est d'un costé, et celle de sa mere de l'autre.

  A002000482 

 Chose admirable; a ce coup le sang et l'eau commencerent a sortir et couler en tres grande abondance, si que les Juifz en ayans porté une cruche pleine en leur synagogue, tous les malades qui en furent arrousés ou mouillés furent tout soudainement gueris.

  A002000482 

 Du despuys, un Juif print logis la dedans, et, sans avoir pris garde a ceste image, ayant invité un autre Juif a manger, il en fut extremement tancé, et quoy qu'il s'excusast de ne l'avoir pas veuë, il fut accusé et deferé comme mauvais Juif, ayant une image de Jesus de Nazareth; dont les principaux des Juifz, entrans dans la mayson ou estoit l'image, l'arracherent et la mirent en terre, puys exercerent sur elle toutes les semblables actions qui furent exercees sur Jesus Christ quand on le crucifia, jusques a luy bailler un coup de lance sur l'endroit du flanc.

  A002000482 

 Je ne sçay qui peut esmouvoir cest homme a faire ceste observation, car que peut-il importer que l'on ait fait des croix simples plustost que des images du Crucifix, puysqu'aussi bien c'est chose toute certaine qu'on ne dresse pas des croix sinon pour representer le Crucifix? mais avec cela, ceste observation est du tout fause, digne d'un homme qui mesprise l'antiquité.

  A002000482 

 Or ceste image, comme il apparut par la relation qu'en fit le Chrestien auquel elle estoit, en presence de l'Evesque du lieu, avoit esté faitte de la main propre de Nicodeme qui la laissa a Gamaliel, Gamaliel a saint Jacques, saint Jacques a saint Simeon, Simeon a Zachee, et ainsy de main a main elle demeura en Hierusalem jusques au tems de la destruction de ladite ville, qu'elle fut transportee au royaume d'Agrippa, ou se retirerent les Chrestiens de Hierusalem par ce qu'Agrippa estoit sous la protection des Romains.

  A002000482 

 Saint Athanase, qui vivoit du tems de Constantin, escrit une histoire remarquable, de la malice enragee d'aucuns Juifz de la ville de Berite, lesquelz crucifierent une image tres ancienne de Jesus Christ qu'ilz avoyent trouvee parmi eux, en ceste sorte: Un Chrestien s'estoit logé en une mayson de louage, pres la synagogue des Juifz, et avoit attaché a la muraille vis a vis de son lict une image de Nostre Seigneur, laquelle contenoit en proportion la stature mesme d'iceluy.

  A002000482 

 Voyla le recit qu'en fait saint Athanase, par lequel l'on peut connoistre que ceste image la estoit l'image du Crucifix, tant parce qu'il eust esté mal aysé au Juif qui accusa celuy qui l'avoit en sa mayson, de reconnoistre si soudainement que c'estoit l'image de Jesus Christ si ce n'eust esté qu'il estoit peint en crucifié, qu'aussi parce que les Juifz n'eussent sceu representer la crucifixion de Nostre Seigneur tant par le menu, comme ilz firent, sinon sur l'image d'un crucifix.

  A002000483 

 Dedans la Liturgie de saint Chrysostome, selon la version d'Erasme, le prestre est commandé, se retournant vers l'image de Jesus Christ, de faire la reverence; ce que, non sans cause, les plus judicieux rapportent a l'image du Crucifix; car, quelle representation de Jesus Christ peut-on mettre plus a propos dedans l'eglise, et mesme vers l'autel, que celle du Crucifix? Qui verra de bon œil le carme que Lactance a fait de la Passion de Nostre Seigneur, connoistra qu'il a esté desseigné sur le rencontre que l'on fait de l'image du Crucifix qui est ordinairement au milieu de l'eglise, en laquelle il fait parler Nostre Seigneur, par un style poetique, a ceux qui entrent dedans l'eglise.

  A002000483 

 Saint Jean Damascene, qui vivoit il y a passé 800 ans, parlant de l'image du Crucifix il en tient conte comme d'une tradition ancienne et legitime.

  A002000483 

 « Par ce, » dit-il, « que chacun ne connoist pas les lettres ni ne s'addonne a la lecture, nos Peres ont advisé ensemble que ces choses, c'est a dire les misteres de nostre foy, nous fussent representés comme certains trophees es images pour soulager et ayder nostre memoire; car bien souvent, ne tenans pas par negligence la Passion de Jesus Christ en nostre pensee, voyans l'image de la crucifixion de Nostre Seigneur nous revenons a souvenance de la Passion du Sauveur, et nous prosternans nous adorons, non la matiere, mays Celuy qui est representé par l'image.

  A002000483 

 » C'est le dire de ce grand personnage, lequel un peu apres poursuit en ceste sorte: « Or ceci est une tradition non escritte, ne plus ne moins que celle de l'adoration vers le levant, a sçavoir, d'adorer la Croix, et plusieurs autres choses semblables a celles qui ont esté dittes.

  A002000484 

 Et ne fut pas une petite consolation a ce grand capitaine et a ses gens, de voir ceste marque de Christianisme en un lieu qui de tems immemorable avoit esté privé de l'Evangile..

  A002000485 

 On mettoit bien anciennement des colombes sur la Croix et autour d'icelle, pourquoy n'y peut-on bien mettre une image de la Vierge ou de quelque autre Saint? J'en ay veu la ou, au dos de la croix, il y avoit des aigneaux pour représenter Nostre Seigneur qui a esté mis sur la Croix comme un innocent aignelet, ainsy qu'il est dit en Esaye; d'autres ou il y avoit d'autres images, non seulement de la Vierge, mays encor de saint Jean, saint Pierre et autres.

  A002000485 

 Ou bien il parle de quelques croix ou peut estre il aura veu au dos du Crucifix quelque image de Nostre Dame, et lhors il aura grand tort de [113] vouloir tirer en consequence contre nous la diversité des volontés des graveurs et peintres, ou de ceux qui font faire les croix; car, a la verité, ceste façon de crucifix n'est gueres usitee en l'Eglise; si ne veux-je pas dire pourtant qu'il y ayt aucun mal en cela.

  A002000485 

 Ou bien il reprend les croix esquelles nous mettons deça et dela du Crucifix les images de Nostre Dame et de saint Jean l'Evangeliste; mays en cecy la censure seroit tres injuste, car, comme il est loysible et convenable que nous ayons l'image du Crucifix, selon la coustume mesme des plus anciens Chrestiens, il est loysible aussi d'avoir des images de Nostre Dame et des Apostres, dequoy saint Lucas sera nostre garant, qui le premier, au recit de Nicephore Calixte, fit l'image du Sauveur, de sa Mere, de saint Pierre et de saint Paul: que s'il est ainsy, ou peut-on mieux mettre les images de Nostre Dame et de saint Jean qu'aupres de la remembrance du Crucifix? quand ce ne seroit que pour representer tant mieux l'histoire de la Passion, en laquelle l'on sçait que Nostre Seigneur vit ces deux singuliers personnages pres de sa Croix et recommanda l'un a l'autre.

  A002000486 

 Au demeurant, ce que le traitteur adjouste que l'on y met l'image de Nostre Dame « comme si elle avoit esté « compagne des souffrances de nostre Sauveur et qu'elle « eust fait en partie la redemption du genre humain, » cela, dis-je, vient de son goust qui est corrompu par la defluxion d'un'humeur aigre et chagrine, avec laquelle ces reformeurs ont accoustumé de juger les actions des Catholiques; car, qui fut jamais le Catholique qui ne sceut que nous n'avons autre Sauveur ni Redempteur qu'un seul Jesus Christ? Nous mettons tres souvent la Magdeleine embrassant la Croix; que n'a-il dit que par la nous la croyons estre nostre redemptrice? Ces gens ont l'estomac et la cervelle gastés, ilz convertissent tout en venin.

  A002000486 

 Ç'a donq esté la rage que le traitteur a contre les Catholiques, qui l'a empesché de prendre garde a tant de bonnes et religieuses raysons qui peuvent estre en ce fait, pour faire une si maligne conjecture contre nos intentions.

  A002000493 

 Ce que appercevant le traitteur, affin de rendre douteuse l'histoire de ceste grande apparition, il devise en ceste sorte: « Combien que les historiens Chrestiens parlent d'une apparition de croix en l'air avec ces mots: Surmonte par ceci, si est-ce que Zosimus, historien Payen, qui vivoit de ce temps-la et qui a esté tres-exact recercheur des faits de Constantin, n'en a fait mention aucune.

  A002000493 

 Dieu neantmoins a peu faire ce miracle pour aider à la conversion de ce Prince encor Payen alors, et qui a beaucoup servi depuis à l'avancement de la gloire de Christ, de quelque affection qu'il ait esté induit, car quelques autheurs le notent de grands defauts.

  A002000493 

 Mais pour vray, l'apparition faitte a Constantin le Grand a esté, non sans cause, la plus celebree et fameuse parmi les Chrestiens, d'autant que par icelle Dieu toucha le cœur de ce grand Empereur pour luy faire embrasser le parti Chrestien, et fut comme un saint signe de la cessation du deluge du sang des Martyrs, duquel jusques a ceste heure-la toute la terre regorgeoit; et qu'au demeurant, ceste croix monstree a Constantin fut le patron d'un monde de croix, qui du despuys ont esté dressees par les empereurs et princes chrestiens.

  A002000494 

 J'admire la rage de ceste opiniastreté qui veut rendre comparable en authorité le silence ou l'oubli d'un seul historien payen, avec l'asseurance et expres tesmoignage de tant de nobles et fidelles tesmoins.

  A002000494 

 Qui ne sçait les sottises que les historiens payens, apres Tacitus et autres, ont imposees aux Chrestiens avec leur teste d'asne? Je vous laisse a penser s'ilz se sont espargnés a se taire en nos advantages et prerogatives, puysqu'ilz ne se sont pas espargnés a dire des fables et faire des contes pour honnir et vituperer le Christianisme.

  A002000495 

 Car iceluy, faisant voyage en quelque endroit avec son armee, eut en chemin ceste admirable vision, et cependant qu'il demesloit dans son cerveau que voulait dire cela, la nuit le surprint; si luy apparut Jesus Christ en son repos, avec le signe mesme qui luy estoit apparu au ciel, luy commandant qu'il fist un autre estendart sur le patron [118] de celuy-la, et qu'il s'en servist comme d'une defense es combatz qu'il avoit a faire contre ses ennemis.

  A002000495 

 Laquelle chose Eusebe, surnommé Pamphile, asseure avoir ouÿe de la bouche propre de l'Empereur qui l'affirmoit par serment, a sçavoir, qu'environ midi, le soleil commençant un peu a decliner, tant l'Empereur mesme que les gens d'armes qui estoyent avec luy avoyent veu le signe de la Croix resplendissant au ciel, formé de la splendeur d'une lumiere, auquel estoit ceste inscription: Surmonte par ceci.

  A002000495 

 « Combien que plusieurs autres choses soyent arrivees a cest empereur Constantin, par lesquelles estant induit il commença d'embrasser la religion Chrestienne, nous avons toutefois appris qu'une vision qui luy fut divinement presentee l'a principalement induit a ce faire.

  A002000496 

 Constantin, tant loué par nos devanciers, autheur du repos de l'Eglise, « Prince des princes chrestiens, » comme l'appelle saint Paulin, « tres grande lumiere de tous les empereurs qui furent onques, tres illustre precheur de la vraye pieté, » comme l'appelle Eusebe, subira en fin finale (si Dieu le permet) les censures et reproches de ces Chrestiens reformés, lesquelz, pires que des chiens, cherchent de souiller les plus pures et blanches vies des Peres du Christianisme.

  A002000496 

 » S'il eust cotté les autheurs et les defautz, quoy que c'eust esté sortir hors du chemin de mon affaire, je me fusse essayé d'affranchir ce grand Empereur de ses iniques accusations; et certes, je sçay bien en partie ce qui se pourrait dire pour charger Constantin de quelques imperfections, mais je ne veux pas faire accroire au traitteur qu'il soit plus sçavant que je le vois, ni presupposer qu'il en sçache plus que ce qu'il en dit, car je [119] le vois si passionné en cest endroit, que s'il eust sceu quelque chose en particulier il l'eust bien fait sonner..

  A002000497 

 Voyla quant a ce qui touche Constantin..

  A002000498 

 » Sozomene en dit de mesme, et tesmoigne que la nouvelle fut incontinent espanchee par tout, par le rapport des pelerins qui, de tous les coins du monde, abordoyent en Hierusalem pour y faire leurs devotions..

  A002000501 

 Je pourrois produire les autres apparitions que le docte Bellarmin apporte, comme celle qui se fit en l'air quand l'empereur Arcadius combattoit contre les Perses pour la foy Catholique, en quoy il fut aydé divinement; comme aussi celle des croix qui apparurent sur les vestemens au tems de Leon Iconomache, lhors que les heretiques exerçoyent leur rage sur les images; et quelques autres semblables desquelles les autheurs font mention: mays ce que j'en ay dit jusques a present suffit pour ce qui touche l'antiquité; qui en voudra voir davantage, qu'il lise le livret d'Alphonse Ciacone De signis sanctæ Crucis.

  A002000502 

 De nostre tems, lhors que le grand capitaine Albuquerque estoit du costé de l'isle Camarane, une grande croix pourpree et tres resplendissante apparut au ciel du costé du royaume des Abassins, laquelle fut veuë par toute l'armee des Portugois qui estoit en ces contrees la, avec une incroyable consolation; et dura l'apparition quelque piece de tems, jusques a tant qu'une blanche nuee la cacha aux yeux de ceux qui, pleurans de joye, ne se pouvoyent saouler de voir ce saint et sacré signe de nostre Redemption.

  A002000503 

 En la sedition que Pansus Aquitinus esmeut contre Alphonse roy de Congi, son frere aisné, un peu apres que la foy Catholique fut semee par les Portugois en ces pays la, l'on vit une grande multitude de soldatz rebelles fuir devant une petite poignee de personnes qui accompagnoyent le Roy; dequoy le general de l'armee de Pansus rendant rayson, il asseura qu'au commencement de l'escarmouche apparurent, autour du Roy, des hommes d'une façon plus auguste que l'ordinaire, marqués du signe de la Croix et environnés d'une tres claire lueur, combattans tres asprement; dont les soldatz de Pansus estans espouvantés, avoyent pris tout aussi tost la fuite, et que par la reconnoissant qu'il n'y avoit point d'autre Dieu que celuy des Chrestiens, il prioit qu'on le baptizast avant qu'on le fist mourir (comme il pensoit que l'on feroit), ayant esté pris prisonnier.

  A002000504 

 Or certes, les Portugois n'avoyent point de capitaine ainsy paré, qui leur fit connoistre que c'estoit une vision divine par laquelle Dieu les avoit voulu secourir, et quant et quant espouvanter et rompre leurs ennemis..

  A002000504 

 Quand Albuquerque reprit la ville de Goa, les infideles [123] demandoyent tres curieusement aux Portugois, qui pouvoit estre ce brave capitaine qui portoit une belle croix doree et des armes resplendissantes, lequel avoit fait un si grand massacre que les grandes trouppes des Mahometains avoyent esté contraintes de ceder a la petitesse des Chrestiens.

  A002000505 

 C'est ce que dit Nostre Seigneur, en saint Matthieu, en termes tant expres, qu'il n'est possible de douter de ceste verité, sinon a ceux qui ont juré le parti de l'opiniastreté; tous les Peres anciens, d'un commun consentement, l'ont presque ainsy entendu.

  A002000505 

 L'interpretation qu'on y veut apporter, de dire que lhors apparoistra le signe du Filz de l'homme, c'est a dire le Filz de l'homme mesme, qui par sa majesté se fera regarder de toutes partz comme une enseigne, est trop forcee et estiree; on voit a l'œil qu'elle ne sort pas ni ne coule des motz et paroles de l'Escriture, mais d'un prejugé auquel on veut accommoder les saintes paroles; c'est une conception qui ne suit pas l'Escriture, mais qui la veut tirer apres soy.

  A002000506 

 Or combien soit grand l'honneur qui revient de ceci [124] a la Croix, il n'y a celuy qui en puisse douter; tant parce qu'elle est appellee signe du Filz de l'homme, et que les enseignes, armoiries, signes, estendartz des princes et roys sont tres honnorables et respectables, comme tesmoigne Sozomene, et avant luy Tertullien, et l'experience mesme nous le monstre; qu'aussi parce que, comme remarquent doctement les Anciens, elle consolera les bons, estant le signe de leur salut, et espouvantera les mauvais, comme fait l'estendart d'un roy vainqueur lhors qu'il est arboré sur les murailles d'une ville rebelle; et encor d'autant qu'elle sera comme le trophee du Roy celeste, mis au plus haut du Temple de l'univers, et sera claire et lumineuse lhors que la lumiere mesme s'obscurcira en sa propre source; comme tesmoignent saint Cyrille, Hypolite le Martyr, et saint Ephrem qui dit qu'elle paroistra et sera produitte devant le Roy comme le sceptre et verge de sa majesté..

  A002000518 

 Mays le Roy qui, mort en Croix,.

  A002000521 

 Ainsi jadis fut ordonné que les instrumens des contracts qui se passoient devant notaires publics devoient avoir le signe de la Croix, comme il en est parlé au livre du Code; et en pareilles choses politiques nous ne rejettons pas l'usage de la Croix materielle.

  A002000526 

 Or saint Cyrille, pour luy faire response, fait un beau denombrement des principaux articles de nostre foy, et puys adjouste: « Le Bois salutaire nous fait souvenir de toutes ces choses, et nous advise de penser que, comme dit saint Paul, ainsy qu' un est mort pour tous, ainsy faut-il que les vivans ne vivent plus a soy, mays a Celuy qui est mort et ressuscité. » Le traitteur mesme produit en ceste sorte ce passage de saint Cyrille, confessant que la croix que les Chrestiens mettoyent devant leurs maysons estoit la marque et l'enseigne publique de Jesus Christ; confession bien contraire a ce qu'il avoit dit, que la Passion de Nostre Seigneur estoit irrepresentable..

  A002000532 

 » Mays cela, n'est-ce pas un usage religieux? La confession et protestation de la foy n'est-ce pas une action purement Chrestienne? Et de fait, qui prendroit la croix politiquement, elle ne representeroit que mal heur et malediction; si donques l'usage de la Croix n'est que religieux, pour estre bon ou peut-il estre mieux employé qu'es choses sacrees? Si la Croix est bien seante devant les villes et maysons pour monstrer que les habitans de telz lieux font profession de Chrestienté, ne sera-elle pas mieux a propos es eglises et temples pour monstrer que ceux qui s'y assemblent font profession de Chrestienté, que ce sont lieux chrestiens et non mosquees turquesques?.

  A002000533 

 Au demeurant, les Anciens mettoyent la Croix es eglises, tesmoin ce que j'ay recité cy devant de saint Paulin qui en tesmoigne tout ouvertement, et de Lactance Firmien, de l'intention duquel on ne sçauroit douter si l'on considere comme il parle:.

  A002000538 

 Ille ego qui casus hominum miseratus acerbos..

  A002000545 

 Ce qui se peut, a mon advis, rendre françois en ceste sorte:.

  A002000547 

 « Toy qui viens sur le seuil, du milieu de ce temple.

  A002000551 

 Je suis cil qui, d'un cœur et d'un œil pitoyable,.

  A002000562 

 Celuy qui faisoit faire la croix, l'ayant trouvee plus [133] pesante, cuyda que cest apprentif eust changé ou alteré le fin or qu'il luy avoit baillé, et commençoit fort a se fascher; mais le garçon luy fit ceste vraye et sainte excuse, que n'ayant pas le moyen de faire une croix entiere du sien pour dedier a Dieu, il avoit au moins voulu employer ce peu qu'il avoit pour rendre plus belle et grosse celle qu'il luy avoit fait, et qu'au reste il n'y avoit que du fin or.

  A002000562 

 Le bon pere Nylus, en une epistre qui est recitee au II Concile de Nicee, conseilloit a Olimpiodorus de faire mettre la Croix en l'eglise du costé du levant, et deça et dela es murailles les histoires du Viel et Nouveau Testament.

  A002000562 

 Qui ne voit qu'il introduit l'image du Crucifix au milieu de l'eglise, admonestant celuy qui entre? Autant en dis-je de ce que j'ay rapporté de la Liturgie de saint Jean Chrysostome.

  A002000562 

 Response qui pleut tant a celuy qui avoit commandé la croix, que n'ayant point d'enfans il adopta cestuy-la.

  A002000563 

 » C'est le dire du grand saint Chrysostome qui, pour vray, n'eust pas eu a faire un si grand denombrement des lieux et choses esquelles la Croix estoit employee, si de son tems l'Eglise eust esté formee sur le patron de la reformation des huguenotz. Pourroit-on bien dire de Geneve, la Rochelle et autres telles villes ce que saint Chrysostome dit de l'Eglise de son tems? Nous n'y voyons aucune croix erigee ni aux portes de ville, ni devant les maysons, chasteaux, forteresses, contratz, testamentz: au contraire, on les a renversees, effacees autant que l'on a peu.

  A002000570 

 Les Ariens avoyent composé des himnes et chansons pour leur secte, et les faisoyent chanter alternativement en leurs processions, sur tout aux solemnités, Dimanche et Samedi; saint Chrysostome douta que, par ce moyen, quelques uns de son peuple ne fussent attirés (plusieurs se laissent aller a ces delicatesses exterieures sans sonder le merite et le fonds de l'affaire, tesmoins les pseaumes de Marot), et partant il dressa son peuple a semblable [137] maniere de chanter, et dans peu de tems les Catholiques surpasserent en ceci les heretiques, non seulement en nombre, mais en appareil; car les images et enseignes de la Croix, faites d'argent, precedoyent avec des flambeaux allumés, et l'eunuque de l'Imperatrice avoit charge de fournir aux despens et faire dresser des psalmes et himnes: c'est Sozomene qui fait ce recit ici.

  A002000571 

 Qu'advint-il? La contagion environne de toutes pars la cité, mais arrivant justement jusques au lieu ou la procession avoit esté, comme si elle eust veu la les bornes et limites de son pouvoir, non seulement elle n'osa pas entrer dedans, mais encor ce qui estoit des-ja d'infection fut par ce moyen repoussé: saint Gregoire de Tours, qui vivoit il y a pres de mill'ans, en est mon autheur.

  A002000572 

 Ainsy elle reluit en la Table sacree, ainsy en l'ordination des prestres, ainsy encor de rechef es Cenes mistiques avec le Cors de Jesus Christ; on la void celebrer par tout... » Qui ne void donq combien expressement saint Augustin et saint Chrysostome tesmoignent que la Croix estoit employee a tout, et sur tout es choses saintes et sacrees, qui n'estoyent pas estimees pour telles si elles n'estoyent signees de la Croix.

  A002000572 

 Saint Chrysostome en avoit dit au paravant tout de mesme en ceste sorte: « Portons d'un cœur joyeux la Croix de Jesus Christ comme une couronne, car toutes les choses qui profitent a nostre salut sont consumees par icelle; car, quand nous sommes regenerés la Croix de Jesus Christ y est, quand nous sommes repeuz de la tres sacree viande, quand nous sommes colloqués pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tous-jours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000572 

 « En fin, » dit-il, « qui est le signe de Jesus Christ que chacun connoist, sinon la Croix de Jesus Christ? lequel signe s'il n'est appliqué ou au front des croyans, ou a la mesme eau par laquelle ilz sont regenerés, ou a l'huile par lequel ilz sont chresmés, ou au sacrifice duquel ilz sont nourris, rien de tout cela ne se parfait a droit.

  A002000572 

 » C'est le tesmoignage de saint Augustin, car jaçoit que ce sermon ne fust pas de saint Augustin, comme respond le traitteur (chose certes tres mal aysee a prouver contre le propre tiltre et inscription), si est-ce que ce point ici est de saint Augustin, car il dit tout le mesme en ses Traittés sur saint Jean qui sont indubitablement siens.

  A002000572 

 » Il repete le mesme ailleurs, disant: « Ceste maudite et abominable marque de dernier supplice, a sçavoir la Croix, a esté faite plus illustre que les couronnes et diademes, car le chef n'est point tant aorné par une couronne royale comme par la Croix, qui est plus digne que tout honneur; et de celle qu'au paravant on aborrissoit, on en [140] herche si curieusement la figure si que l'on la trouve par tout, vers les princes, sujetz, hommes, femmes, vierges, mariees, serfz, libres; a tout coup chacun se signe d'icelle, la formant en nostre tres noble membre, car on la figure tous les jours en nostre front comme en une colomne.

  A002000573 

 Je sçay qu'il y a plusieurs pointz en ce que j'ay dit qui se rapportent au simple signe de la Croix, mays il y en a beaucoup qui ne peuvent estre entenduz que de la croix faitte en matiere subsistante, comme quand il est dit que on mettoit la Croix es maysons, murailles, fenestres, en la Table sacree, et qu'avec le caractere d'icelle on dedioit les basiliques: or je n'ay pas osé separer ce que mes autheurs avoyent conjoint..

  A002000574 

 Mays ayant monstré le contraire quant a l'image de la Croix, je puis dire: Hé je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres, Chrysostome, Augustin, Paulin, eussent mis en usage une chose qu'ilz eussent conneu estre inutile et pernicieuse? Mays le mieux est qu'ilz tesmoignent non seulement de leur fait, ains aussi de la prattique du Christianisme de leur aage; ainsy Justinien l'Empereur fit ceste loy: « Que l'Evesque, consacrant une eglise ou monastere, consacre [143] le lieu a Dieu par oraison, fichant en iceluy le signe de nostre salut (nous entendons la vrayement adorable et honnorable Croix); ainsy qu'il commence l'edifice mettant un si bon et propre fondement.

  A002000574 

 Or, je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres eussent privé a leur escient l'Eglise d'une chose qu'ilz eussent conneu luy estre utile et salutaire? » Les pauvres huguenotz avoyent esté apprins comme cela par le pere de leur reformation; on leur a monstré mille fois que c'estoit une fauseté, et que es cinq cens, voire es trois cens premieres annees, il y avoit des images es eglises: ilz dient neanmoins, autant impudemment que jamais, que l'ancienneté ne mettoit point des images aux eglises.

  A002000574 

 [142] Calvin avoit dit que « si l'authorité de l'Eglise ancienne a quelque vigueur entre nous, nous notons que par l'espace de cinq cens ans ou environ, du tems que la Chrestienté estoit en sa vigueur et qu'il y avoit plus grande pureté de doctrine, les temples des Chrestiens ont esté netz et exemptz de telle souilleure »; il parle ainsy des images de Jesus Christ et des Saintz, et peu apres il dit que « si on compare un aage avec l'autre, l'integrité de ceux qui se sont passés d'images, merite bien d'estre prisee au pris de la corruption qui est survenue despuys.

  A002000575 

 Mais que peut tout cela contre les images de la Croix et du Crucifix qui representent au vray la Passion de Nostre Seigneur, ainsy qu'elle est descritte en l'Evangile? Si un evesque trouvoit dans quelque eglise de sa charge l'image d'un Crucifix qui representast Nostre Seigneur non cloué mais attaché avec des cordes sur la croix, comme l'on voit par la faute des peintres, en plusieurs images, le bon et le mauvais larron penduz en ceste sorte, feroit-il pas son devoir de dechirer et rompre telle image? et faudroit-il dire pourtant qu'il rejettast l'usage des images propres et bien faittes?.

  A002000576 

 De pareille force est le tesmoignage du Concile Elibertin, cité par le traitteur, auquel il est dit « qu'en l'eglise on ne doit point avoir de peintures, afin que ce qui est honoré et adoré ne soit peint és parois.

  A002000576 

 Je dis secondement, que la defense du Concile Elibertin, selon la portee de la rayson laquelle y est alleguee, ne s'estend pas aux images mobiles, mays a celles seulement qui sont peintes en et sur les murailles, et ne serait a l'adventure pas mal que telle defense fust observee parce que telles images sont sujettes a se gaster, desfaire et effacer, non sans quelque mespris de leur saint et sacré usage, qui est la rayson du Concile disant: « Ne quod colitur aut adoratur in parietibus depingatur: Affin que ce qui est honnoré ou adoré ne soit peint es murailles.

  A002000576 

 Mays qui voudra voir quelque chose de plus, touchant ces deux objections, qu'il lise ceux qui ont traitté la controverse des images.

  A002000576 

 » Troisiesmement, je dis que puysqu'on ne peut pas sçavoir le propre et particulier motif de ce Concile, et qu'il n'estoit que provincial et de dix-neuf evesques seulement, il n'est raysonnable de le vouloir rendre [145] opposant au general consentement et a la coustume de l'Eglise ancienne qui recevoit les images aux eglises, comme j'ay prouvé cy devant.

  A002000581 

 Or ces grans personnages vivoyent en la fleur de l'Eglise, dont saint Thomas et saint Bonaventure ont dit l'honneur de la Croix et des autres images estre une tradition Apostolique; car, voyans qu'il a commencé tout aussi tost que le Christianisme, et que si l'on remonte d'aage en aage dans le tems des Apostres on en trouvera une observation perpetuelle, ilz se sont tenuz en la regle de saint Augustin qui porte, que « l'on croit tres justement que ce que l'Eglise universelle tient, et n'est institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, n'a point esté baillé sinon par l'authorité Apostolique.

  A002000581 

 Or, qui ne sçait qu'anciennement les Chrestiens adoroyent vers le levant? Ce Pere donq vouloit que la Croix fust mise au lieu vers lequel se faisoit l'adoration.

  A002000581 

 Si donc au commencement, lors que l'Eglise a esté pure et la verité syncere, le signe de la Croix n'a point esté fait, elle n'a point esté dressee, saluee ni adoree, c'est tres-mal fait d'avoir introduit ceste corruption (qui ne peut estre bonnement appellee coustume), et c'est encor plus mal fait de la retenir.

  A002000581 

 » C'est un discours du traitteur, auquel je responds en ceste sorte: si lhors que l'Eglise estoit pure, au commencement, on a fait le signe de la Croix, on l'a dressee, saluee et honnoree, c'est tres mal fait d'avoir introduit la presomption (qui ne se peut bonnement appeller reformation) d'abattre, mespriser et deshonnorer le signe de la Croix; certes, au commencement on ne faisoit pas ainsy.

  A002000581 

 » Et la mesme est recitee l'epistre du bienheureux pere Nylus au Proconsul Olympiodorus qui vouloit bastir un temple, par ou il luy conseille de mettre l'unique et seule image de la Croix au lieu sacré vers l'orient.

  A002000582 

 Or, ce fut Constantin qui abolit le supplice de la croix, « d'autant qu'il honnoroit beaucoup la Croix, tant pour l'ayde qu'il avoit receuë aux combatz en vertu d'icelle, que pour la divine vision qu'il en avoit eue, » comme parle Sozomene; lequel dit a ce propos une chose bien remarquable si elle est conferee avec un trait d'Eusebe en la vie de Constantin.

  A002000582 

 Qui ne voit maintenant que le tabernacle de la Croix duquel parle Eusebe, n'estoit autre chose que l'eglise ou chapelle portative de laquelle Sozomene tesmoigne? Il y avoit donq, au camp de Constantin, [150] une eglise de Sainte Croix, et non seulement la Croix estoit en l'eglise, mais l'eglise mesme estoit dediee a Dieu sous le nom et vocable de la Croix: grande preuve de l'honneur qu'on portoit a la Croix..

  A002000583 

 A mesme intention les empereurs Theodose et Valentin ont fait ceste loy: « Ayans sur tout un grand soin de conserver la religion de la supreme Divinité, qu'il ne soit loysible a personne de graver ou peindre le signe du Sauveur Jesus Christ, ou en terre, ou en pierre ou en marbre qui soit mis a terre.

  A002000599 

 Qui donques niera qu'il nous faille honnorer.

  A002000600 

 L'image de la Croix, ou qui peut l'ignorer? [151].

  A002000631 

 C'est qu'il le veut rendre capable du Christianisme, [152] qui fait brusler les idoles et honnorer la Croix.

  A002000631 

 Mays a quoy, je vous prie, visoit la bravade que les payens faisoyent aux Chrestiens, recitee par Minutius Felix au huitiesme Livre joint a ceux d'Arnobe: « Voicy des supplices pour vous, et des tormens et des croix, non plus pour adorer mays pour souffrir »? n'estoit-ce pas une presupposition de l'honneur que les Chrestiens faisoyent a la Croix qui leur faisoit avancer ces parolles: Ecce vobis supplicia, tormenta, et jam non adorandæ sed subeundæ cruces? En voyla bien asses pour convaincre le traitteur, qui a bien osé dire que du tems de la pure et primitive Eglise on n'a dressé ni veneré la Croix, ou bien, qui revient tout en un, qu'il ne luy faut porter aucun honneur religieux; car, a quel autre honneur se peut rapporter ce que j'ay produit jusques icy? [153].

  A002000637 

 Le traitteur, non content d'avoir dit en general qu'il ne faut venerer la Croix ni la dresser a aucun usage religieux, se jette a faire des reproches a l'Eglise sur certaines particulieres actions d'honneur qui se font a la Croix, lesquelles, selon son souverain advis, ne sont autres qu'idolatries et forceneries.

  A002000638 

 De mesme estoffe est la priere Françoise qui se lit presques en toutes les Heures, qu'on appelle; au moins l'ay-je leuë en celles que Michel Jove a imprimees à Lyon, l'an 1568, qui sont à l'usage de Rome; en voici les termes:.

  A002000638 

 Et afin qu'il ne semble qu'on leur face tort par tels propos, voici les mots [154] dont ils usent quand ils benissent le bois de la Croix: Seigneur, que tu daignes benir ce bois de la Croix, à ce qu'il soit remede salutaire au genre humain, fermeté de foy, avancement de bonnes œuvres, redemption des ames, defense contre les cruels traicts des ennemis; item: Nous adorons ta Croix; item: O Croix qui dois estre adoree, o Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as merité de porter le talent du monde, doux bois, doux cloux, portans doux faix, sauve la presente compagnie assemblee en tes louanges; item: Croix fidele, arbre seule noble entre toutes, nulle forest n'en porte de telle en rameaux, en fleur et en germe; le bois doux soustient des doux cloux et un faix doux.

  A002000638 

 Les choses sont allees si avant que la Croix a esté ise és temples; a esté saluee par ces mots: O Crux ave, c'est à dire, Croix bien te soit, qui sont propos ineptes; 2. et incontinent invoquee en disant: Auge piis justitiam reisque dona veniam, c'est à dire, augmente la justice aux bons et donne pardon aux coulpables; 3.

  A002000638 

 item, Crucem tuam adoramus Domine, c'est à dire, Seigneur nous adorons ta Croix; qui sont propos blasphematoires, car c'est Jesus Christ à qui telle priere doit estre faite et dressee, c'est Jesus Christ qui est le Fils lequel doit estre baisé et non pas le bois de sa Croix... mais d'autant que l'Eglise Romaine s'addresse à la croix materielle, il appert que c'est idolatrie insupportable.

  A002000641 

 Qui du corps Dieu fut aornee,.

  A002000649 

 Pareilles inepties et blasphemes se commettent autour de la lance, de laquelle saincte lance la feste se celebre le Vendredi apres les octaves de Pasques, et lui est addressee la priere suivante: Bien te soit fer triumphal, qui entrant en la [155] poictrine vitale ouvre les huis du ciel; heureuse lance, navre-nous de l'amour de celui qui a esté percé par toi.

  A002000651 

 Ilz trouvent mauvais que l'on parle a la Croix, qu'on la salue, et beaucoup plus qu'on l'invoque, puysqu'elle n'a ni sentiment ni entendement; mais a ce conte il se faudroit moquer des saintz Prophetes, qui en mille endroitz ont addressé leurs paroles aux choses insensibles: O Cieux jettes la rosee d'en haut, et que les [156] nues pleuvent le Juste, que la terre s'ouvre et qu'elle germe le Sauveur; O cieux, oyes ce que je dis; J'invoque a tesmoins le ciel et la terre; Benisses, soleil et lune, le Seigneur; Loues-le, soleil et lune; Qu'as-tu, o mer, qui te fasse fuir, et toy, o Jordain, que tu sois retourné arriere? Saint André ne vit pas si tost la croix en laquelle il devoit estre crucifié qu'il s'escrie saintement: « O bonne Croix qui as receu ton ornement des membres de mon Seigneur, long tems desiree, soigneusement aymee, cerchee sans relasche, et en fin preparee a mon esprit desireux, reçois-moy d'entre les hommes et me rends a mon Maistre, affin que celuy-la me reçoive par toy, qui par toy m'a racheté.

  A002000651 

 Qui ne sçait combien les apostrophes et prosopopees sont en commun usage a toute sorte de gens? Et quelle plus grande ineptie que de faire le fin a reprendre semblables termes? Et quel danger peut-il avoir en ce langage:.

  A002000651 

 » La devote Paula, entree dans l'estable ou Nostre Seigneur nasquit, avec des larmes entremeslees de joye, souspiroit en ceste sorte: « Je te salue, o Bethleem, mayson de pain, en laquelle est né ce Pain qui est descendu du ciel; je te salue Ephrata, region tres fertile et porte fruit, de laquelle Dieu est la fertilité.

  A002000656 

 qui a son patron et modelle en l'Escriture Sainte, et mille traitz des plus anciens Peres pour garantz? La rosee qu'Esaye demande aux cieux, n'est autre que le Sauveur; et David demande au feu, gresle, neige, glace, qu'elles louent Dieu; et saint André a la Croix, qu'elle le rende a son Maistre; mays ces choses leur sont autant impossibles que de pardonner aux pecheurs..

  A002000657 

 Ceste priere, donques, « Donne aux bons accroist de justice », n'a que le son exterieur des paroles qui va a la Croix, le sens et l'intention se rapporte du tout au Crucifix.

  A002000657 

 Quand Josué demande au soleil qu'il cesse son mouvement, c'est prier Dieu qu'il l'arreste; quand nous demandons a la Croix qu'elle pardonne aux pecheurs, c'est prier le Crucifié qu'il nous pardonne par sa Passion; et si les paroles semblent mal addressees quant a leur propre signification, elles sont neanmoins redressees par l'intention de ceux qui les proferent, et n'y a aucune messeance, parce que ces façons de parler sont ordinaires, familieres et bien entendues de ceux qui ne sont pas chicaneurs et mal affectionnés..

  A002000657 

 Voicy un exemple signalé: Josué desire que le soleil et la lune s'arrestent et parent au milieu de leur carriere; a quoy, je vous prie, s'addresse-il pour en avoir l'effect? Quant a l'intention, pour vray, il fait sa requeste a Dieu: Tunc locuutus est Josue Domino, in die qua tradidit Amorrhæum in conspectu filiorum Israël: Alhors Josué parla au Seigneur, en la journee que Dieu livra l'Amorrheen a la veuë des enfans d'Israël. Voyla son intention qui va droit a Dieu, mais quant a ses paroles elles n'arrivent que jusques au soleil et a la lune: Dixitque coram eis: Sol, contra Gabaon ne movearis, et luna contra vallem Aialon: Et dit devant iceux: O soleil, n'avance point contre Gabaon, et toy, o lune, contre la vallee d'Aïalon. Voyla les paroles qui sont dressees au soleil et a la lune, et voicy [158] l'effect qui ne part que de la main de Dieu: Stetit itaque sol in medio cæli, et non festinavit occumbere spatio unius diei; non fuit postea et antea tam longa dies, obediente Deo voci hominis: Donques le soleil s'arresta au milieu du ciel et ne se coucha point par l'espace d'un jour; onques auparavant ni apres, jour ne fut si grand, Dieu obeissant ou secondant a la voix de l'homme.

  A002000658 

 Ce n'est pourtant pas pour absurdité que j'estime estre en l'estoffe de ceste rime-la que j'en parle ainsy, car elle ne contient rien qui n'aye une bonne intelligence, comme il appert asses de ce que j'ay dit cy devant..

  A002000658 

 Or veut-il faire passer ceste calomnie sous corde, parce que bien souvent les libraires joignent avec les Heures en un mesme volume plusieurs traittés et oraisons, bien souvent mal a propos, sans congé ni rayson; mays luy qui ose bien censurer les œuvres de saint Augustin, et en rejetter plusieurs pieces comme n'ayans le style et la gravité assortissante aux autres, quoy qu'elles soyent comprises sous le mesme tiltre, n'a-il pas conneu que ces rimes françoises et autres telles oraisons ne sont pas des appartenances de l'office et des Heures de Rome? Il est sot s'il ne l'a consideré, il est imposteur s'il l'a consideré.

  A002000665 

 C'est donq une chicanerie estrange d'appeller cela idolatrie, puysque tout l'honneur en revient a Jesus Christ, qui n'est pas un idole mais vray Dieu..

  A002000665 

 Je dis qu'on bayse asses par honneur le prince et le roy quand on bayse le bout de [162] son manteau ou de son sceptre, ains on ne bayse pas autrement les mains aux souverains que baysant leurs manteaux; l'honneur fait a telles appartenances se rapporte a ceux de qui elles sont.

  A002000665 

 Le traitteur et de Beze trouvent mauvais que nous disions, Crucem tuam adoramus Domine: Seigneur nous adorons ta Croix; car c'est le Filz qui doit estre baysé et non pas la Croix, disent-ilz.

  A002000666 

 Ilz nous reprochent la benediction de la Croix; mais, ou ilz trouvent mauvais qu'on la benie, et je leur oppose saint Paul, qui dit que toute creature est sanctifiee par la parole de Dieu et par l'oraison; ou ilz trouvent mauvais les tiltres que l'on baille a la Croix en ceste benediction et en plusieurs autres parties de nos offices, et lhors je leur oppose toute l'antiquité.

  A002000666 

 Quelz tiltres veulent-ilz lever a la Croix? Je crois que voici ceux qui les faschent le plus: Remede salutaire du genre humain, redemption des ames, tres adorable, plus sainte que tout, nostre unique esperance.

  A002000666 

 Qui ne sçait que les plus saintz et anciens Peres de l'Eglise l'ont ainsy appellee? Saint Chrysostome, en une seule [163] homelie, luy baille passé cinquante tiltres d'honneur, et entre autres il l'appelle « esperance des Chrestiens, resurrection des mortz, chemin des desesperés, triomphe contre les diables, pere des orphelins, defenseur des vefves, fondement de l'Eglise, medecin des malades.

  A002000667 

 Ces espritz clair voyans qui adorent Dieu au second ordre des Anges sont appellés Cherubins, et leurs images sont appellees Cherubins; voyla un mesme mot, mays les choses sont differentes.

  A002000667 

 Je dirois volontiers qu'ilz sont comme les chiffres zero, qui ne valent sinon a mesure des nombres qui les precedent; les noms aussi n'ont leur signification qu'a proportion de l'intention avec laquelle on les produit, comme les robbes plissees qui sont larges et estroittes selon le cors sur lequel elles sont mises.

  A002000667 

 Jesus, saint Paul et la Croix sauvent; voyla un seul mot, mays employé a plusieurs sens et differemment: quant a Jesus, il sauve comme principal agent meritoire, et qui fournit a la [165] rançon en toute abondance; au regard de saint Paul, il sauve comme procureur et solliciteur, et la Croix comme instrument et outil de nostre redemption.

  A002000667 

 La Croix est un remede salutaire, redemption des ames, tres adorable, nostre unique esperance, plus sainte que tout; cela s'entend selon le rang qu'elle tient entre les instrumens de la Passion et de nostre salut; qui l'entendroit comme du Redempteur mesme seroit inepte et sot, car le sujet en est du tout, sans difficulté, inepte et incapable..

  A002000667 

 Les paroles des gens de bien et sages sont tousjours prises sagement et en bonne part, par les gens de bien: qu'y a-il de meilleur et de plus sage que l'Eglise? c'est une malice expresse de tirer a un sens blasphematoire ses paroles, qui peuvent avoir un sens bienseant et sortable sans forcer la commune et ordinaire maniere d'entendre.

  A002000667 

 Y a-il mot de plus grande signification que le mot de Dieu, qui signifie le souverain Estre et l'Infini? neanmoins par fois le Saint Esprit l'accourcit tant qu'il le fait joindre aux creatures: J'ay dit, vous estes dieux; Dieu se trouve en l'assemblee des dieux, or au milieu il juge les dieux; Je t'ay constitué Dieu de Pharao.

  A002000668 

 Et a ce propos, quand j'ay veu Illyricus ou Simon Goulart, au Catalogue des tesmoins de leur verité pretendue, apres avoir cité saint Chrysostome attribuant a la Croix plusieurs beaux tiltres, adjouster par forme de commentaire: Encomia Crucis Chrysostomus suo more canit, signo quod signatæ rei convenit tribuens; ista vero postea pontificii non sine blasphemia et idolatria ad signum ipsum retulerunt; [166] c'est a dire: « Chrysostome, a sa façon, chante les louanges de la Croix attribuant au signe ce qui convient a la chose signifiee, mais par apres les papaux ont rapporté ces choses au signe mesme, non sans blaspheme et idolatrie; » quand j'ay veu cela, dis-je, j'ay admiré la vehemence de ceste passion qui ne permet aux novateurs de prendre en bonne part de l'Eglise Catholique les mesmes motz et les mesmes parolles qu'ilz prennent bien en bonne part de la bouche de saint Chrysostome.

  A002000668 

 Qui leur a dit, je vous prie, que parlans comme saint Chrysostome, nous entendons autrement que luy? C'est chose certaine que nous attribuons bien souvent au signe ce qui convient a la chose signifiee, comme quand nous disons: Sire, j'honnore vostre sceptre, ou bien: Seigneur, j'adore vostre Croix..

  A002000670 

 Que c'est un nom bien appliqué, car en cest endroit adoré ne veut dire autre que veneré et honnoré; or qui ne sçait que les jours [167] esquelz se sont faites quelques saintes actions, ou bien ceux esquelz on en fait memoire, sont par tout en l'Escriture appellés tres saintz, tres celebres et venerables? Le Dimanche est appellé jour du Seigneur pour ce qu'il est dedié a Dieu; saint Augustin l'appelle venerable, comme Lactance et saint Chrysostome appellent de mesme le jour de Pasques; pourquoy ne sera venerable le Vendredi dedié a Dieu en honneur de la Passion? 3.

  A002000671 

 « Le jour anniversaire revient qui represente la trois fois heureuse et vitale Croix de Nostre Seigneur, et la nous propose pour estre veneree, et nous fait chastes et nous rend plus robustes et promptz a la course de la carriere des saintes abstinences; nous, dis-je, qui d'un cœur sincere et avec levres chastes la venerons: nos qui sincero corde eam castisque labris veneramur. » Or sus donques, quel danger y a-il d'honnorer la Croix, la bayser, et de nommer le Vendredi aoré ou adoré, voire quand on le nommeroit ainsy pour l'adoration de la Croix qu'on fait ce jour-la? Pourquoy appelloit-on le jour de Pasque, Pasque, sinon parce qu'en iceluy se fit le passage du Seigneur, et de ce passage prit son nom et le jour et l'immolation laquelle s'y faisoit? Les jours prennent leur nom bien souvent de quelque action faite en [169] iceux; aussi le Vendredi peut estre dit aoré a l'occasion de l'adoration de la Croix faite en iceluy; mays comme on n'appelloit pas les tables, couteaux, nappes et autres appartenances de l'immolation de la Pasque du nom de Pasque, ainsy n'appelle-on pas aoré ni le lieu, ni l'estui, ni les doigtz, ni la main qui touchent la Croix, comme veut inferer le traitteur: la rayson est ouverte, parce que tout cela n'est pas dedié a la celebration de ceste action ou adoration comme le jour; mais le traitteur n'a ni regle ni mesure a faire des conséquences, pourveu qu'elles soyent contraires a l'antiquité ce luy est tout un..

  A002000672 

 Que si on luy addresse quelques prieres, c'est pour exprimer un desir bien affectionné, et non pour estre ouÿ ou entendu d'icelle; c'est de Nostre Seigneur duquel on attend la grace: si l'on en fait feste c'est pour remercier Dieu de la Passion de [170] son Filz et de son sang respandu, dequoy la lance ayant esté l'instrument elle en est aussi le memorial, et en esmeut en nous la vive apprehension qui nous fait faire feste; quoy que nos calendriers ordinaires ne font aucune mention de ceste solemnité, qui n'est aucunement commandee en l'Eglise Romaine..

  A002000673 

 Il n'y a rien de si grave et bienseant dequoy Democrite ne rie, rien de si ferme dequoy Pyrrho ne doute; la temerité de l'heretique, qui n'a ni front ni respect mays tient ses conceptions pour des divinités, se rit et mocque de toutes choses: qui des ceremonies, qui des paroles, qui du Purgatoire, qui de la Trinité, qui de l'Incarnation, qui du Baptesme, qui de l'Eucharistie, qui de l'Epistre de saint Jaques, qui des Machabees, et tous avec une esgale asseurance; ilz sont assis sur la chaire pestilente de mocquerie, leurs mocqueries empestent beaucoup plus les simples que leurs discours..

  A002000679 

 Entre autres, en la bataille qu'il gaigna sur Maxence, il reconneut que Dieu l'avoit tres favorablement assisté par l'enseigne de la Croix; car estant de retour d'icelle, apres qu'il eut rendu graces a Dieu, il fit poser des escriteaux et colomnes en divers endroitz, esquelz il declairoit a un chacun la force et vertu du signe salutaire de la Croix; et, particulierement, il fit dresser au fin milieu d'une principale place de Rome sa statue tenant en main une grande croix, et fit inciser en caracteres [172] qui ne se pouvoyent effacer ceste inscription latine:.

  A002000679 

 Non seulement autour de la croix qui apparut a Constantin estoyent escrittes ces parolles, Surmonte par ceci, mais Nostre Seigneur luy commanda qu'il fist faire une pareille croix pour s'en servir comme d'une defense en bataille, dont il fit dresser son Labare, richement esmaillé, en ceste forme-la, duquel il se servoit comme d'un rempart contre tout l'effort de ses ennemis, et sur ce patron fit faire plusieurs autres croix qu'il faisoit tousjours porter en teste de son armee.

  A002000687 

 Au [173] contraire, celuy qui print la croix au lieu de cestuy-ci, quoy qu'on luy greslast dessus une infinité de dars, ne peut onques estre offensé, les fiesches venans toutes se ramasser et ficher dans l'arbre ou lance de l'estendart.

  A002000687 

 Chose miraculeuse, qu'en si peu de lieu il y eust si grande quantité de fiesches, et que celuy qui le portoit demeurast ainsy sain et sauve.

  A002000687 

 De mesme, les Scythes et Sauromates qui avoyent rendu tributaires les empereurs precedens, furent reduitz sous l'Empire par Constantin, qui dressa contre eux ceste mesme enseigne triomphante, se confiant en l'ayde de son Sauveur; et partant il vouloit que sur les armes on gravast le signe du Trophee salutaire, et qu'on le portast en teste de son armee: c'est encor un recit d'Eusebe..

  A002000687 

 Et partant on deputa cinquante soldatz des plus entenduz et vaillans qui accompagnoyent ordinairement l'estendart pour le prendre et porter tour a tour.

  A002000688 

 Combien de merveilles furent faittes par l'image du Crucifix en la ville de Berite au rapport de saint Athanase? Apres la mort de Julien l'apostat, se fit un si grand tremblement de terre que la mer sortant de ses propres bornes, il sembloit que Dieu menaçast le monde d'un deluge universel; les citoyens d'Epidaure, estonnés de cela, accoururent a saint Hilarion, qui pour lhors estoit en ce païs la, et le mirent au rivage, ou, tout, aussi tost qu'il eut fait trois signes de Croix au sable, la mer qui s'estoit tant enflee, demeura ferme devant luy, et apres avoir fait grand bruit se retira petit a petit en elle mesme: saint Hierosme en est le tesmoin..

  A002000689 

 Ainsy saint Chrysostome raconte que de son tems on marquoit de la Croix les maysons, les navires, les chemins, les lictz, les cors des animaux malades, et ceux qui estoyent possedés du diable, « tant chacun tire a soy, » dit-il, « ce don admirable.

  A002000689 

 Cosroes envoya certains Turcz marqués a Constantinople; l'Empereur, voyant qu'ilz portoyent l'image de la croix au front, s'enquit d'eux pourquoy ilz portoyent ce signe duquel au reste ilz ne tenoyent conte; ilz respondirent que jadis en Perse estoit advenuë une grande peste, contre laquelle certains Chrestiens qui estoyent parmi eux leur baillerent pour remede de faire ce signe la: c'est Nicephore Calixte qui le dit.

  A002000689 

 Les habitans d'une certaine ville du Japon, ayans apprins par l'experience et par les Portugois qui y estoyent que la Croix servoit de grand remede contre les diables, firent dresser des croix en presque toutes leurs maysons, avant mesme qu'ilz fussent Chrestiens, au rapport du grand François Xavier.

  A002000689 

 » La rayson de leur retraitte est parce que, comme dit saint Cyrille, « quand ilz voyent la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a brisé la teste du dragon; » « et si la veuë seule d'un gibbet, » dit saint Chrysostome, « nous fait horreur, combien devons-nous croire que le diable ayt de frayeur quand il voit la lance par laquelle il a receu le coup mortel »? Je ne veux pas oublier a dire que parmi les barbares des Indes, long tems avant nostre aage, on trouva ceste marque de l'Evangile; nos croix y estoyent en diverses façons en credit, on en honnoroit les sepultures, on les appliquoit a se defendre des visions nocturnes et a les mettre sur les couches des enfans contre les enchantemens..

  A002000690 

 Quel pouvoir aves-vous de juger si rigoureusement ces vieux Chrestiens et les autheurs qui les louent?.

  A002000690 

 Si vous dites que non, convainques donq Sozomene et plusieurs autres autheurs de fauseté, et quelz tesmoins aves-vous pour leur opposer? que s'ilz l'ont adoree, confesses que nous ne faisons que ce qui se faisoit en la plus pure Eglise.

  A002000691 

 Ainsy, a qui demanderoit pourquoy les Genazareens desiroyent si ardemment de toucher le seul bord ou frange de la robbe de Nostre Seigneur, on respondroit que c'est d'autant qu'ilz tenoyent ceste robbe comme instrument de miracles et guerisons.

  A002000691 

 Apres ceste response le traitteur nous veut rejetter dessus nostre propre argument en ceste sorte: « La conclusion peut estre faite au contraire, assavoir, si la Croix doit estre adoree pource qu'elle fait miracle, il s'ensuit que la croix qui ne fait pas miracle ne doit estre adoree.

  A002000691 

 Les prelatz qui font leur devoir sont dignes de double honneur; et, je vous prie, ceux qui ne font leur devoir doivent-ilz estre mesprisés? Au contraire saint Paul tesmoigne qu'on leur doit, ce nonobstant, honneur et reverence; la rayson est parce que leur bonne vie n'est pas la totale cause du devoir que l'on a de ces honneurs, mays la dignité du grade qu'ilz tiennent sur nous..

  A002000691 

 Or est-il certain que de cent mille croix il ne s'en trouvera trois qui facent miracle, quand bien on advouëra les contes qu'on en fait, comme l'effect le monstre et les histoires des exorcistes le conferment.

  A002000691 

 » Voyla pas une ignorance lourde? Le formel et premier fondement pour lequel la Croix est honnorable c'est la representation de Jesus Christ crucifié, que toutes les croix font autant l'une que l'autre; mays outre cela il y a des autres particulieres et secondes raysons qui rendent une croix plus honnorable et desirable que l'autre: si non seulement elle represente Nostre Seigneur, mays a esté touchee par iceluy ou par ses Saintz, ou a esté employee a quelque [177] œuvre miraculeuse, certes elle en sera d'autant plus honnorable, mays quand ni l'un ni l'autre ne se rencontreroit, l'image de la Croix ne laisseroit pourtant d'estre sainte a cause de sa representation.

  A002000692 

 Ainsy Constantin vit autour de la seule croix qui lui apparut au ciel ces motz: Surmonte par ce signe; mais cela ne s'entendoit pas seulement de la [180] croix particuliere qui estoit au ciel, ains encor des autres pareilles.

  A002000692 

 Hé pour Dieu, nos anciens Peres, arboristes spirituelz, nous descrivent la Croix pour un arbre tout pretieux, propre a la guerison et remede de nos maux, et sur tout des diableries et enchantemens; ilz nous font foy de plusieurs [179] asseurees experiences et preuves qu'ilz en ont faites: pourquoy ne priserons-nous toutes les croix, qui sont arbres de mesme espece et sorte que celles qui firent jadis miracle? pourquoy ne les jugerons-nous de mesme qualité et proprieté puysqu'elles sont de mesme forme et figure? Si ce n'est pas a tout propos et indifféremment que la Croix fait miracle, ce n'est pas qu'elle n'ait autant de vertu en nos armees qu'en celle de Constantin, mais que nous n'avons pas tant de disposition qu'on avoit alhors, ou que le souverain Medecin qui applique cest arbre salutaire ne juge pas expedient de l'appliquer a tel effect; mais c'est sans doute, qu'ayant tous-jours une mesme forme de representer la Passion, elle a tous-jours aussi une mesme vigueur et force autant qu'il est en soy.

  A002000692 

 Pline et Mathiole nous descrivent une herbe propre contre la peste, la colique, la gravelle, nous voyla a la cultiver pretieusement en nos jardins; peut estre neanmoins que de mille millions de plantes de ceste espece la, il n'y en aura pas trois qui ayent fait les operations que ces autheurs nous en promettent: nous les prisons donq toutes parce qu'estans de mesme sorte et espece que les trois ou quattre qui ont fait operation, elles sont aussi de mesme valeur ou qualité.

  A002000693 

 Au demeurant, quand le traitteur allegue les histoires des exorcistes, je ne sçay ou il a l'esprit; car puysque ainsy est, que de chasser les diables est une marque qui suit les croyans et l'Eglise, et que parmi les Reformeurs il ne se voit ni exorciste ni aucune guerison de demoniaques, il devroit meshui reconnoistre ou est la vraye Eglise: or cela est hors de nostre sujet.

  A002000693 

 Cependant, Picard que vous appelles saint par moquerie, l'estoit a bon escient pour le zele qu'il avoit au service de Dieu; la Sorbonne vous desplait tous-jours, aussi est-ce un arsenal infallible contre vos academies. Et n'est pas vray que les croix de Rome soyent plus saintes que les autres, comme vous dites en gossant, car elles n'ont point d'autre qualité que celles des autres provinces, ni ne sont le siege de la sainteté plus que les autres; leur sainteté c'est le rapport qu'elles ont a Jesus Christ, lequel elles representent ou qu'elles soyent, et ne sont point le siege du Pape (duquel sans doute vous avies envie de parler, o petit traitteur, si un peu de [182] honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eust retenu pour ce coup), du Pape, dis-je, lequel estant appellé Sainteté pour l'excellence de l'office qu'il a au service de Jesus Christ en l'Eglise, se tient neanmoins pour bien honnoré d'honnorer le seul signe de ceste premiere, absolue et souveraine Sainteté qui est Jesus Christ crucifié.

  A002000693 

 Mais quant aux exorcismes « du tant sainct et renommé docteur Picard et autres Sorbonistes » ou du « moine de sainct Benoist mené à Rome par le cardinal Gondy » qui ne peurent sortir leur effect, ainsy que dit le traitteur, ce n'est pas grand' merveille; l'oraison de saint Paul ne valut rien moins pour n'avoir obtenu le bannissement de cest esprit charnel; l'oraison obtient les miracles, mais non pas tousjours ni infalliblement, et ne faut pour cela mespriser sa vertu.

  A002000700 

 Est-il raysonnable que ce traitteur qui, a plusieurs passages de saint Augustin, ne respond autre sinon que les livres allegués ne sont pas de saint Augustin, sans autre rayson sinon qu'Erasme et les docteurs de Louvain l'ont ainsy jugé, est-il raysonnable, dis-je, qu'il soit receu a produire un huitiesme livre d'Arnobe Contre les Gentilz, puysque c'est chose asseuree qu'Arnobe n'en a escrit que sept? A l'adventure que le traitteur ne sçavoit pas ceci; mais un homme si aigre et chagrin a censurer les autres, ne peut estre excusé par l'ignorance, laquelle ne sert qu'aux humbles.

  A002000700 

 Si est-ce, dit le petit traitteur, que « ces mots expres se lisent au huictieme livre d'Arnobe, respondant à l'objection des Payens qui blasmoient les Chrestiens comme s'ils eussent honoré la Croix: nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix.

  A002000700 

 Voyci les paroles de saint Hierosme, qui estoit tout voysin d'Arnobe: « Arnobe, » dit-il, « a basti sept livres contre les Gentilz, et autant son disciple Lactance.

  A002000700 

 « Arnobe, » dit-il, « qui vivoit l'an 330, livre VIII Contre les Gentilz, refutant ceste calomnie comme si les Chrestiens eussent adoré les croix (lesquelles ilz faisoyent en l'air a fin d'estre reconneuz par ceste profession exterieure d'avec les payens), respond en ceste sorte: Nous n'honnorons ni desirons les croix, vous voirement qui consacres des dieux de bois, adores par fortune des croix de bois comme parties de vos dieux.

  A002000700 

 » Je viens de rencontrer ceste mesme objection en Illyricus au livre X du Catalogue des tesmoins de la verité pretendue, qui est, ce me semble, le lieu ou ce traitteur l'a puisee; mays il ne la couppe pas du tout si courte que cestuy-cy.

  A002000700 

 » Or je remarque que ces deux livres reformés ont ceste contrarieté, que ce que le petit traitteur applique aux croix [185] materielles, le Catalogue l'assigne au signe fait en l'air, mays ilz n'ont qu'une intention, de contredire a l'Eglise: l'un ne veut confesser ce qui est presupposé en l'objection des payens, a sçavoir, que les Chrestiens eussent si anciennement des croix en matiere subsistante, et l'autre, le confessant, veut monstrer par la qu'il ne les faut point honnorer.

  A002000701 

 « Arnobe, » dit Illyricus, « vivoit environ l'an 330 »: environ ce tems-la vivoyent Constantin le Grand, saint Athanase, saint Anthoine, saint Hilarion, Lactance Firmien; un peu auparavant vivoyent Origene, Tertullien, Justin le Martyr; un peu apres, saint Chrysostome, saint Hierosme, saint Augustin, saint Ambroise, saint Ephrem: Constantin fait dresser des croix pour se rendre aggreable aux Chrestiens, et les rend adorables a ses soldatz; saint Athanase proteste que les Chrestiens adorent la Croix, et que c'est un pregnant remede contre les diables; saint Hilarion l'employe contre les desbordemens de la mer; Lactance, disciple d'Arnobe, fait un chapitre tout entier de la vertu de la Croix; Origene exhorte qu'on s'arme de la sainte Croix; Tertullien confesse que les Chrestiens sont religieux de la Croix, autant en fait Justin le Martyr; saint Chrysostome en parle comme nous avons veu, et saint Ephrem aussi; saint Ambroise asseure qu'en [187] ce signe de Jesus Christ gist le bon heur et prosperité de tous nos affaires; saint Hierosme loüe Paula prosternee devant la Croix; saint Augustin tesmoigne que ceste Croix est employee en tout ce qui concerne nostre salut: n'ay-je pas donq rayson de dire ce que saint Augustin dit a Julien, qui alleguoit saint Chrysostome contre la croyance des Catholiques: Itane, dit-il, ista verba sancti Joannis Episcopi audes tanquam e contrario tot taliumque sententiis collegarum ejus opponere, eumque ab illorum concordissima societate sejungere et eis adversarium constituere? Sera-il donq dit, petit traitteur, qu'il faille apposer ces paroles d'Arnobe « comme contraires a tant et de telles sentences de ses collegues, et le separer de leur tres accordante compaignie, et le leur constituer ennemy et adversaire »? Pour vray, si Arnobe vouloit que la Croix ne fust aucunement ni desiree ni honnoree, il desmentiroit tous les autres; si au contraire les autres Peres vouloyent que la Croix fust desiree et honnoree de toute sorte d'honneur et en toute façon, ilz desmentiroyent Arnobe, ou l'autheur du Livre que le traitteur luy attribue.

  A002000702 

 Au rebours, la Croix n'a pas esté desiree ni honnoree comme une divinité ou comme les idoles, ce qui n'est point contraire a ce qu'ont dit les Anciens.

  A002000702 

 Ell'a certes esté honnoree, non d'un honneur civil, car elle n'a point [188] d'excellence civile qui le merite, ni d'un honneur religieux absolu et supreme, car elle n'a point d'excellence absolue et supreme, mays d'un honneur religieux subalterne, moyen et relatif, comme son excellence est vrayement religieuse, mays dependante, et puisee du rapport, appartenance et proportion qu'elle a au Crucifix.

  A002000702 

 Les Gentilz donques qui voyoyent la Croix estre en honneur parmi les Chrestiens, croyoyent qu'elle fust tenue pour Dieu comme leurs idoles, et le reprochoyent aux Chrestiens.

  A002000703 

 Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes [189] digne de respect, car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cest endroit imite, voire mesme presque es paroles, Tertullien et Justin le Martyr, ne se contentant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par apres fait deux choses: l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorees et enrichies, [et que] leurs trophees de victoire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié: Signa ipsa et cantabra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratæ cruces sunt et ornatæ? trophæa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recommandable selon la nature mesme, alleguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix; puys conclud en ceste sorte: Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son intention.

  A002000704 

 Arnobe donques luy mesme, sur le Pseaume LXXXV, interpretant ces parolles, Fac mecum signum in bonum, il introduit les Apostres parlans ainsy: « Car iceluy Seigneur ressuscitant et montant au ciel, nous autres ses Apostres et [190] Disciples aurons le signe de sa Croix a bien avec tous les fidelles, si que les ennemis visibles et invisibles voyent en nos frontz ton saint signe et soyent confonduz, car en ce signe-la tu nous aydes, et en iceluy tu nous consoles, o Seigneur, qui regnes es siecles des siecles.

  A002000708 

 L'Eglise me dit que j'honnore la Croix, il n'y a huguenot si affilé qui peut monstrer que l'Escriture le defende; mais l'Escriture, qui recommande tant l'Eglise, recommande asses les croix dressees en l'Eglise et par l'Eglise..

  A002000710 

 Dont nous recueillons du moindre au plus grand: si les images en general, et specialement celle de la Croix, ne se font point par l'ordonnance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs [195] sens), voire des images introduites depuis je ne sçay combien de temps, combien doivent-elles estre mises au loin? De faict, quand les choses deviennent en tel poinct qu'elles n'ont peu estre commencees par tel et mesme poinct, c'est chose manifeste qu'il les faut oster, comme Ezechias a osté le serpent à cause qu'il n'a peu estre dressé au commencement pour estre encensé; et à cause de l'abus survenu touchant icelui il a bien fait de l'oster du tout.

  A002000710 

 En fin je produis l'honnorable rang que le Serpent d'airain, figure de la Croix, tenoit parmi les Israëlites, [194] pour monstrer qu'autant en est-il deu aux autres images de la Croix qui sont parmi le Christianisme.

  A002000710 

 Icelui avoit esté basti par le commandement de Dieu, pourtant ce n'estoit pas une idole, car, combien que par la Loy generale Dieu eust defendu de faire image de chose qui fust au ciel, en la terre, ni és eaux sous la terre, si est-ce que n'estant astreint à sa Loy ains estant au dessus d'icelle, il a peu dispenser, comme de faict il a dispensé lui-mesme de sa Loy, et a commandé de faire ce serpent qui a esté figure de l'exaltation de Jesus Christ eslevé en croix, comme lui-mesme le tesmoigne en sainct Jean, chap. 3.

  A002000710 

 La rayson est considerable, comme je vay faire voir par les repliques que j'opposeray a ce qu'en dit le traitteur, lequel, avec un grand appareil, produit ce mesme Serpent d'airain contre nous affin qu'il nous morde, en ceste sorte: « Mais ce qui est allegué du 21.

  A002000710 

 chap. des Nombres ne doit estre passé legerement, car s'il y a exemple qui rabbate formellement et fermement l'abus commis touchant la Croix, c'est celui du serpent d'airain.

  A002000710 

 » Et peu apres: « Or voyons ce qui est advenu: depuis « adonc jusques au temps du bon roi Ezechias, c'est à dire par l'espace d'environ 735 ans, il n'a point esté parlé de ce serpent d'airain.

  A002000711 

 I. Vous dites, o traitteur, que le Serpent d'airain a esté fait par le commandement de Dieu qui l'a dit a Moyse; mays je dis que les croix se font par le commandement de Dieu qui le suggere a l'Eglise et le luy a enseigné par la tradition apostolique: vous me monstreres que Dieu a parlé a Moyse, je vous monstreray qu'il enseigne et assiste perpetuellement l'Eglise en façon qu'elle ne peut errer..

  A002000713 

 Item, que n'ayant esté dressé (quant a ce que porte le seul texte de l'Escriture) sinon affin qu'il fust remede a ceux qui estoyent morduz des serpens au desert, il ne laissa pas d'estre soigneusement conservé en la terre de promission parmi le peuple d'Israël, avec une honnorable memoire, l'espace d'environ 735 ans, comme vous dites.

  A002000713 

 Ne touchoit-il pas a eux de la lever si c'eust esté mal fait de la garder hors l'usage pour lequel elle avoit esté faite? ces espritz si roides et francz au service de leur Maistre, eussent-ilz dissimulé ceste faute? Item, que n'aves-vous remarqué que ceste image n'eust pas esté conservee si longuement si on n'en eust eu quelque conception honnorable? quelle rayson y pouvoit-il avoir de la retenir, ni pour sa forme ni pour sa matiere? Certes, elle ne pouvoit avoir autre rang que d'un recommandable et sacré memorial du benefice receu au desert, ou d'une sainte representation du mistere futur de l'exaltation du Filz de Dieu, qui sont deux usages religieux et honnorables, mays beaucoup plus propres a l'image de la Croix, qui sert de remembrance du mistere passé de la crucifixion et du mistere a advenir du jour du jugement.

  A002000714 

 Apres que l'on a offert et dedié l'encens a Dieu, on le jette vers le peuple, non pour le luy offrir, mays pour luy faire part de la chose sanctifiee; on en jette vers les autelz, mays c'est a Dieu, comme a celuy qui est adoré sur l'autel; on en jette vers les reliques et memoires des Martyrs, mays c'est a Dieu, en action de graces de la victoire qu'ilz ont obtenue par sa bonté; on en jette es temples et lieux de prieres pour exprimer le désir que l'on a que l'oraison des fideles monte a Dieu comme l'encens: en quoy un grand personnage de nostre aage a parlé un peu bien rudement, disant que l'encens est offert aux creatures; ce sont inadvertances qui arrivent quelquefois aux plus grans, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A002000714 

 Ceux qui nous reprochent les idolatries ne sont pas des Ezechias, ce sont les racleures du peuple et des monasteres, gens passionnés qui osent accuser d'adultere la Susanne que le vray Daniel a mille fois prononcee innocente [200] en la Sainte Escriture.

  A002000714 

 Dont nous concluons au rebours de ce que vous aves fait, petit traitteur: si les saintes images en general, et specialement celle de la Croix, sont dressees par l'ordonnance de l'Eglise et par consequent de Dieu, quoy que vituperees par l'outrecuidance et defiance des hommes (qui ont cuidé que Dieu ne les pouvoit ni voir ni ouÿr sinon qu'ilz eussent renversé telles images), voire des images receües despuys un tems immemorable, combien doivent-elles estre retenues et conservees? Ezechias fit bien d'abattre le Serpent d'airain parce que le peuple idolatroit en iceluy; Moyse, Josué, Gedeon, Samuel et David firent bien de le retenir pendant que le peuple n'en abusoit pas: or l'Eglise, ni les Catholiques par son consentement, n'abusa onques de la Croix ni autres images; il les faut donques retenir.

  A002000714 

 IV. Mays que n'aves-vous consideré que celuy qui abattit le Serpent d'airain estoit establi roy sur Israël, et luy touchoit de faire ceste execution, et qu'au contraire les brise-croix de nostre aage ont seditieusement commencé leur ravage sans authorité ni pouvoir legitime.

  A002000714 

 Ni ne faut mettre en conte l'abus qui peut arriver chez quelque particulier; cela ne touche point a la cause publique, il n'est raysonnable d'y avoir esgard au prejudice du reste: le moyen de redresser l'usage de la Croix ne git pas a la renverser, mais a bien dresser et instruire les peuples.

  A002000721 

 Cependant les [202] Chrestiens, qui ne trouvent point l'image en sa place, vont suivans la trace du sang respandu des l'Eglise jusques dans la mayson ou elle estoit cachee; elle fut rapportee en son lieu, et le larron lapidé.

  A002000721 

 Chose admirable, qu'aucun ne peut douter estre advenue par la vertu divine: le sang sortit abondamment du coup qui avoit esté donné a l'image; ce meschant ne s'en appercevant point jusques a ce qu'entrant dans sa mayson, esclairé a la lumiere du feu, il se voit fort ensanglanté; tout esperdu il serre en un coin ceste image et n'ose plus toucher ce qu'il avoit si meschamment desrobbé.

  A002000721 

 Dieu a tesmoigné combien il a aggreable l'image du Crucifix et de la Croix, par mille chastimens qu'il a miraculeusement exercés sur ceux qui par fait ou parolle ont osé injurier telle representation.

  A002000722 

 Quand Dieu, pour faire connoistre a ces belistres qu'il faut porter honneur a l'image pour l'honneur de celuy qu'elle represente, prenant l'injure a soy, la vengeance s'en ensuivit quant et quant: ilz sont tout a coup espris [203] de rage et se ruent les uns sur les autres pour se deschirer, dont l'un meurt sur la place, les autres sont menés sur le Rhosne vers Lyon pour chercher remede a ceste fureur qui les brusloit et desfaisoit en eux mesmes.

  A002000723 

 Julien l'Apostat leva du Labare ou estendart des Romains la croix que Constantin y avoit fait former, a fin d'attirer les gens au paganisme; ceste mesme haine qu'il portoit a nostre Sauveur le poussa a cest autre dessein: Eusebe escrit que la femme qui fut guerie au toucher de la robbe de Nostre Seigneur, fit peu apres dresser, en memoire de ce benefice, une tres belle statue de bronze devant la porte [204] de sa mayson, en la ville de Cesaree de Philippe, autrement ditte Paneade, ou Nostre Seigneur estoit representé d'un costé avec sa robbe frangee, et de l'autre ceste femme a genoux, tendant la main vers iceluy; Julien sçachant ceci, comme raconte Sozemene, fit renverser ceste statue et mettre la sienne au lieu d'icelle; mays cela fait, un feu descend du ciel qui terrasse et met en pieces la statue de Julien, laquelle demeura toute noircie et comme bruslee jusques au tems de Sozomene.

  A002000735 

 Ainsy la vertu de religion, qui a pour sa propre et naturelle occupation de rendre a Dieu autant que faire se peut l'honneur qui luy est deu, tire au service de son dessein les actions vertueuses, les dressant toutes a l'honneur de Dieu; elle se sert de la foy, constance, temperance, par le bien croire, le martyre, le jeusne: c'estoyent desja des actions vertueuses et bonnes d'elles mesmes, la religion ne fait que les contourner a sa particuliere intention qui est d'en honnorer Dieu.

  A002000735 

 Ce droit d'annoblir les actions lesquelles d'elles-mesmes seroyent roturieres et indifferentes, appartient a la religion comme a la princesse des vertus; c'est une marque de sa souveraineté, dont elle s'y plait tant que jamais il n'y eut religion qui ne se servit de telles actions, lesquelles sont et s'appellent proprement ceremonies des lhors qu'elles entrent au service de la religion.

  A002000735 

 Et pour vray, puysque l'homme tout entier avec toutes ses actions et dependances doit honneur a Dieu, et qu'il est composé d'ame et de cors, d'interieur et d'exterieur, et qu'en l'exterieur il y a des actions indiffeérentes, ce n'est pas merveille si la religion, qui a le soin d'exiger de luy ce tribut, demande et reçoit en payement des actions exterieures, indifferentes et corporelles..

  A002000735 

 Mais non seulement elle employe ces actions qui d'elles mesmes sont utiles et bonnes, ains met en besoigne des actions indifferentes et lesquelles d'ailleurs seroyent du tout inutiles: [211] comme ce bon homme de l'Evangile, qui envoya en sa vigne ceux qu'il trouva oyseux et desquelz aucun ne s'estoit voulu servir jusques a l'heure.

  A002000735 

 Un habile homme rend utiles et met en œuvre tous ses gens, non seulement ceux qui sont de nature active et vigoureuse, mais encor les plus molz.

  A002000736 

 Venons a l'Evangile: combien y voit-on de ceremonies en nos Sacremens, en la guerison des aveugles, ressuscitation des mortz, au lavement des piedz des Apostres? L'huguenot dira qu'en cela Dieu a fait ce qu'il luy a pleu, qui ne doit estre tiré en consequence par nous autres; mais voicy saint Jean qui baptise, saint Paul qui se tond en Cenchree selon son vœu, il prie les genoux en terre avec l'Eglise Miletaine: toutes ces actions estoyent d'elles mesmes steriles et infructueuses, mays estans employees au dessein de la religion, elles ont esté ceremonies honnorables et de grand poids..

  A002000737 

 Or je dis ainsy: que le signe de la Croix de soy-mesme n'a aucune force, ni vertu, ni qualité qui merite aucun honneur, et partant je confesse « que Dieu n'opere point par seules figures ou characteres, » comme dit le traitteur, et qu' « és choses naturelles la vertu procede [213] de l'essence et qualité d'icelles, és supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ou figure; » mays je sçai aussi que Dieu, employant sa vertu miraculeuse, se sert bien souvent des signes, ceremonies, figures et caracteres, sans pourtant attacher son pouvoir a ces choses la. Moyse touchant la pierre avec sa verge, Helisee frappant sur l'eau avec le manteau d'Helie, les malades s'appliquans l'ombre de saint Pierre, les mouchoirs de saint Paul ou la robbe de Nostre Seigneur, les Apostres oignans d'huile plusieurs malades (choses qui n'estoyent aucunement commandees), que faisoyent-ilz autre que des pures ceremonies, lesquelles n'avoyent aucune naturelle vigueur et neanmoins estoyent employees pour des effectz admirables? Faudroit-il dire pour cela que la vertu de Dieu fut clouee et attachee a ces ceremonies? Au contraire, la vertu de Dieu, qui employe tant de sortes de signes et ceremonies, monstre par la qu'elle n'est attachee a aucun signe ni ceremonie..

  A002000738 

 J'ay dit qu'elle representoit par l'expression de la figure de la Croix, pour toucher la difference avec laquelle le signe de la Croix d'un costé, et l'Eucharistie de l'autre, representent le mistere de la Passion: car l'Eucharistie le represente principalement a rayson de la totale identité de celuy lequel y est offert et de celuy qui fut offert sur la Croix, qui n'est qu'un mesme Jesus Christ; mais le signe de la Croix fait le mesme exprimant la forme et figure de la Passion.

  A002000738 

 J'ay dit que ceste ceremonie estoit Chrestienne; d'autant que la Croix et tout ce qui la represente est folie aux payens, et scandale aux Juifz, lesquelz, comme a remarqué le docte Genebrard alleguant le Rabby Kimhi, l'ont en telle abomination, que mesme ilz ne la veulent pas nommer par son nom, mays l'appellent stamen et subtegmen, estaim et trame, qui sont les filetz que les tisserans croisent en faisant leur toile.

  A002000738 

 J'ay dit que ceste ceremonie representoit la Passion; et a la verité c'est son premier et principal usage duquel [215] tous les autres dependent, qui l'a fait differer de plusieurs autres ceremonies Chrestiennes qui servent a representer des autres misteres.

  A002000738 

 Je sçai qu'en l'ancienne Loy, voire en celle de nature, plusieurs choses se sont passees pour représenter la mort du Messie, mais ce n'ont esté que des ombres et marques obscures et confuses au pris de ce qui se fait maintenant; ce n'estoyent pas ceremonies ordinaires a ceste Loy, mais comme des eloyses qui les esclairoyent en passant.

  A002000739 

 On porte premier la main en haut vers la teste en disant, Au nom du Pere, pour monstrer que le Pere est la premiere Personne de la sainte Trinité et principe originaire des deux autres; puys on la porte en bas vers le ventre, en disant, et du Filz, pour monstrer que le Filz procede du Pere qui l'a envoyé ça bas au ventre de la Vierge; et de la, on traverse la main de l'espaule ou partie gauche a la droite, en disant, et du Saint Esprit, pour monstrer que le Saint Esprit, estant la troisiesme Personne de la sainte Trinité, procede du Pere et du Filz, et est leur lien d'amour et charité, et que par sa grace nous avons l'effect de la Passion.

  A002000743 

 A ce tesmoignage nous adjoindrons, à cause de briefveté, tous les autres suivans, qui sont jusques au nombre de dix, pource qu'ils se rapportent presque tous à ce qui est dit que les Chrestiens se signoient au front.

  A002000743 

 D'autre part, d'autant que les Payens se moquoient de la Croix de Jesus Christ, et disoient que c'estoit folie et honte de croire et esperer en un qui avoit esté crucifié et mort, tout au contraire les Chrestiens, sçachans que toute nostre gloire ne gist qu'en la Croix de Jesus Christ, et qu'icelle est la grande puissance et sagesse de Dieu en salut à tous croyans, ont voulu monstrer qu'ils n'avoient point honte d'icelle, et faisoient ouvertement ce signe pour dire qu'ils estoient des chevaliers croisez, c'est à dire des disciples de Jesus Christ.

  A002000743 

 Nous recognoissons donc qu'anciennement ceste coustume de se signer au front a esté introduite; par qui et comment, il ne conste pas.

  A002000744 

 » Je luy demande qu'il me nomme ceux qui n'en ont pas parlé; car tous, ou bien peu s'en faut, en ont parlé: falloit-il donques dire « quelques uns », comme s'il ne parloit que de deux ou de trois?.

  A002000745 

 Il dit qu'ilz n'en ont pas parlé en l'intention qu'on pretend aujourd'huy: mais s'il entend de l'intention des Catholiques, je luy feray voir le contraire clair comme le soleil; s'il entend de l'intention que les ministres huguenotz imposent aux Catholiques, comme seroit ce que dit le traitteur d'attribuer au seul signe ce qui est propre au Crucifié, je confesse que les Anciens n'y ont pas pensé, c'est une imposture trop malicieuse..

  A002000748 

 Il dit fort gentilement qu'on ne sçait « par qui ni comment » ceste coustume de se signer a esté anciennement introduitte: la ou je luy replique, avec saint Augustin, que « Ce que l'Eglise universelle tient, et n'a point esté institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, est tres bien creu n'avoir esté baillé sinon par l'authorité apostolique »; et avec saint Leon, qu' « Il ne faut pas douter que tout ce qui est receu en l'Eglise pour coustume de devotion, ne provienne de la tradition apostolique et de la doctrine du Saint Esprit.

  A002000748 

 » Voyla la regle avec laquelle les Anciens [221] jugeoyent des coustumes ecclesiastiques, selon laquelle le signe de la Croix, qui a tousjours esté observé en l'Eglise, et ne sçait-on par qui ni comment il a esté institué, doit estre rapporté a l'institution apostolique.

  A002000754 

 » Or sus, ce tant libre et universel usage de ce saint signe, peut-il estre reduit a la seule profession de foy? En tout œuvre, se levant le matin, se couchant le soir, la nuict en l'obscurité, et es lieux non habités, a quel propos feroit-on ceste [224] profession de foy ou personne ne la voit? Mais il y a plus: ces Peres qui recommandent tant l'usage de ce signe n'apportent jamais pour rayson la seule profession de foy, ains encor la defense et protection que nous en pouvons recevoir comme d'une cuirasse et corcelet a l'espreuve, ainsy que saint Ephrem l'appelle..

  A002000754 

 » Saint Chrysostome: « La Croix reluit par tout, es lieux qui sont et ne sont habités.

  A002000761 

 Ç'a esté une solemnelle observation aux Juifz et Chrestiens de prier par l'eslevation des mains, ains c'est une ceremonie tant naturelle que presque toutes nations l'ont employee, comme pour reconnoissance que le ciel est le domicile de la gloire de Dieu; tesmoin celuy qui disoit:.

  A002000770 

 Voulant rendre rayson de ce que l'Escriture ne tesmoigne point expressement des miracles faitz par le bois de la Croix, au lieu de [228] dire que c'est parce que ces miracles-la ont esté faitz long teins apres que le Nouveau Testament fut escrit, qui est la vraye et claire rayson, il se met a dire en ceste sorte: « Certes, il semble qu'il n'y ait eu autre raison sinon que Dieu n'a pas voulu arrester les hommes à telles choses terriennes; comme aussi sainct Paul nous enseigne par son exemple que nous ne devons point cognoistre Jesus Christ selon la chair, 2.

  A002000772 

 Et saint Paul, enseignant que les hommes doivent prier a teste nue et les femmes a teste couverte, qui n'est qu'une pure ceremonie, [229] il ne presse ceux qui voudroient chicaner au contraire, sinon de ceste parole: Nous n'avons point telle coustume, ni l'Eglise de Dieu.

  A002000772 

 S'il faut servir Dieu selon son ordonnance, il faut sur tout obeir a l'Eglise et garder ses coustumes; qui fait autrement, le Sauveur le prononce estre payen et publicain.

  A002000773 

 Si pour honnorer et servir Dieu en esprit et verité il faut rejetter les ceremonies qui ne sont commandees en termes expres dans l'Escriture, donques saint Paul ne devoit pas ordonner aux hommes de prier descouvertz et les femmes affeublees, puysqu'il n'en avoit aucun commandement, ni les Apostres defendre le sang et suffoqué.

  A002000774 

 Et « je ne sçai comment, » dit saint Augustin, « ces mouvemens du cors ne se pouvans faire sinon que l'esmotion de l'esprit precede, et de rechef ces mouvemens estans faitz au dehors perceptiblement, l'esmotion invisible et interieure en croist, si que l'affection du cœur qui a precedé a produire ces mouvemens exterieurs croist et s'augmente par ce qu'ilz sont faitz et produitz.

  A002000774 

 Je laisse a part la naïfve intelligence de ces parolles de Nostre Seigneur, qui oppose l'adoration en esprit a l'adoration propre aux Juifz, qui estoit presque toute en figures, ombres et ceremonies exterieures, et l'adoration en verité a l'adoration fause, vaine, heretique et schismatique des Samaritains; ce que je fais icy n'a pas besoin de plus long discours..

  A002000774 

 Les ceremonies sont-elles contraires a l'esprit et verité, pour bannir l'un par l'establissement de l'autre? Qui chargea Abraham, Aaron, Moyse, David, saint Paul, saint Pierre et mille autres, de prier les mains levees et les genoux en terre? et cela les empeschoit-il de prier en esprit et verité, ou d'estre vrays adorateurs? C'est une ignorance effrontee de tirer les Escritures a des sens tant ineptes; c'est une impieté formee, non pas une pieté reformee.

  A002000774 

 Mais qui ouÿt jamais telle consequence? il faut prier en esprit et verité, donques il ne faut pas prier avec ceremonie.

  A002000774 

 Tant s'en faut que prier en esprit et verité soit prier sans ceremonies, qu'a peyne se peut-il faire que celuy qui prie en esprit et verité ne face des actions et gestes exterieurs assortissans aux affections interieures, tant les mouvemens interieurs de l'ame ont de prise sur les mouvemens du cors.

  A002000775 

 Si parce que saint Paul nous enseigne de ne connoistre pas Jesus Christ selon la chair il ne se faut amuser a la Croix, ni a semblables choses terriennes, pourquoy fait-on conte de la mort et Passion de Jesus Christ, qui n'appartiennent qu'a sa chair et pour le tems de sa mortalité? Que voules-vous dire, o traitteur? Qu'il ne faut connoistre Jesus Christ selon la chair? Si vous entendes selon vostre chair ou celle des autres hommes, je le confesse absolument; mais vous seres inepte de rejetter, par la, la Croix, car la Croix n'est ni selon vostre chair ni selon la mienne, elle luy est contraire et ennemie.

  A002000776 

 Or peut estre vouloit-il alleguer ce qui est dit en ce chap. III aux Colossiens, et qui joindroit bien mieux a son propos: Si vous estes resuscités avec Jesus Christ, cherches les choses qui sont en haut, la ou Jesus Christ est seant a la dextre du Pere; savoures les choses qui sont la sus, non celles qui sont sur la terre. Car, s'ensuivroit-il point de ces paroles qu'il ne faut tenir aucun conte de la Croix, de la Creche, du Sepulchre, et autres reliques de Nostre Seigneur qui sont ici bas en terre? A la verité cela seroit bien employé contre ceux qui arresteroyent leurs intentions et termineroyent leurs desirs aux choses qui sont icy bas; Cherches, leur diroit-on, ce qui est en haut: Sursum corda; mais nous ne tenons point arrestees nos affections ni a la Croix ni aux autres reliques, nous les portons au royaume des cieux, employans a la recherche d'iceluy toutes les choses qui nous peuvent ayder a relever nos cœurs vers Celuy auquel elles se rapportent: il faut monter au ciel, c'est la nostre visee et dernier sejour, les choses saintes d'icy bas nous servent d'eschellons pour y atteindre.

  A002000777 

 Cherches Jesus Christ et ce qui est en haut, ce me dites-vous.

  A002000777 

 Les mariniers, qui voguent a l'aspect et conduitte des estoilles, ne vont pas au ciel pour cela mais en terre, aussi ne visent-ilz pas au ciel sinon pour chercher la terre; au contraire, les Chrestiens, ne respirans qu'au ciel ou est leur thresor et le port asseuré de leurs esperances, regardent bien souvent aux choses d'icy bas, mais ce n'est pas pour aller a la terre, ains pour aller au ciel.

  A002000783 

 Puysqu'on peut prier par les saintes et legitimes ceremonies, pourquoy ne priera-on pas par le signe de la Croix, sainte et Chrestienne ceremonie? Mays parlons pour ce coup de la benediction des creatures qui a accoustumé d'estre faitte en l'Eglise, laquelle n'est autre qu'une priere et bon souhait par lequel on demande a Dieu quelque grace et bienfait pour la creature sur laquelle on a quelque advantage ou superiorité, car c'est sans contradiction que ce qui est moindre est beni par le meilleur.

  A002000785 

 Mays puysque le Sauveur, dira peut estre l'huguenot, benissant ses Apostres, n'usa point du signe de la Croix, pourquoy est-ce que vous l'employes? Pour vray, je ne sçai si le Sauveur fit ce signe, car l'Escriture qui ne l'asseure pas ne le nie pas aussi; si sçai-je bien que le Crucifix mesme, benissant, n'a pas eu besoin d'user du signe de la Croix, car qu'a-il besoin de s'invoquer soy mesme, ou protester que la benediction vient de luy? Au demeurant, [238] le signe de la Croix estoit asses es mains de Nostre Seigneur sans qu'il fist aucun mouvement.

  A002000785 

 Or on observe encor en toutes les benedictions ecclesiastiques ces deux choses, mais avec une plus claire manifestation des misteres qui y sont contenuz.

  A002000785 

 Que dira l'huguenot? Si on leve la main pour benir, c'est a l'imitation du Sauveur qui, montant au ciel, benit les Disciples eslevant les mains; si on fait le signe de la Croix, c'est pour monstrer d'ou nos benedictions ont leur vigueur et force.

  A002000786 

 Or combien ceste coustume aye esté prattiquee en l'ancienne Eglise, en voici des preuves certaines: « Toutes choses qui profitent a nostre salut sont consommees par la Croix, » dit saint Chrysostome; saint Denis, parlant de ceux qu'on consacroit: « Or, » dit-il, « l'evesque benissant imprime en chacun d'iceux le signe de la Croix; » saint Cyprien atteste que « sans ce signe il n'y a rien de saint; » ainsy saint Hilarion benit avec la main ceux qui luy amenerent un gentilhomme françois de la cour de l'Empereur pour estre delivré du malin esprit; et Ruffin nomme une douzaine d'hermites « par les mains, » dit-il, « desquelz il eut cest honneur d'estre beni; » saint Augustin, ayant visité un malade chez lequel il trouva l'Evesque du lieu, « ayant, » dit-il, « receu la benediction de l'Evesque, nous nous retirasmes; » ce fut sans doute par le signe de la Croix, « sans lequel il n'y a rien de saint.

  A002000786 

 Un certain simple homme print charge de le faire, et creusant sous les principales colomnes l'une apres l'autre mettoit du bois dessous pour les appuyer, puys y voulut mettre le feu affin que les colomnes tombassent, mays le diable, en forme horrible et noire, venoit empescher la force et prise du feu; ce qui fut soudain rapporté a Marcel Evesque du lieu, lequel courant en l'eglise, fit apporter de l'eau, laquelle ayant mise a l'autel, prosterné en terre il prioit nostre doux Seigneur qu'il ne laissast pas faire plus grand progres a l'impieté, et faisant le signe de la Croix sur l'eau, il commande a Equitius, son diacre, qu'il coure et aille arrouser le feu, de ceste eau benite, ce qu'il fit; et soudain le diable, qui ne pouvoit souffrir la force de ceste eau, s'enfuit, et le feu allumé par l'eau son contraire comme si c'eust esté huile, s'attache au bois et en peu de tems le consomme, si que les colomnes n'ayans plus leur appuy cheurent et tirerent a ruyne apres elles toutes les autres avec ce qu'elles portoyent.

  A002000786 

 » Ainsy prend-il de l'eau en sa main en arrousant tous les fourneaux, et tout aussi tost les charmes furent aneantis et le feu sortit devant tous, dont le peuple present s'en retourna jettant ce grand cri: « Il n'y a qu'un Dieu, qui ayde aux Chrestiens.

  A002000786 

 » Ce recit est de saint Epiphane, qui met le signe de la Croix en usage pour les benedictions.

  A002000787 

 Car voicy son projet: s'il leur pouvoit persuader d'honnorer ces idoles, sa cause s'en alloit gaignee; s'ilz s'y rendoyent difficiles, il pouvoit prendre occasion de se venger d'eux comme de perturbateurs des coustumes romaines, qui auroyent par ce refus offensé et la Republique et l'Empereur.

  A002000787 

 Cependant l'Empereur, taschant tousjours plus a l'advancement de ce dessein, le tems estant venu de faire monstre aux soldatz et les payer, il fit apporter pres de soy et de ces idoles du feu et de l'encens, et faisoit commander aux soldatz qui recevoyent leur paye de jetter de l'encens sur le feu, comme si c'eust esté une ordinaire ceremonie [242] militaire entre les Romains.

  A002000787 

 Julien l'Apostat fit peindre aupres de sa statue (laquelle estoit en la place publique selon la coustume) l'image de Jupiter, comme venant du ciel, luy apportant la couronne et pourpre qui sont les habitz imperiaux; item, Mars et Mercure vis a vis de luy, le regardans comme pour tesmoigner qu'il estoit homme et vaillant et bien disant; affin que par la, sous pretexte de l'honneur qu'on avoit decreté aux Empereurs, il forçast tacitement les sujetz a honnorer les idoles peintes avec l'image d'iceluy.

  A002000787 

 Or, aucuns de ceux qui avoyent fait cest acte par ignorance et inconsideration se trouvans le soir a table, beuvans les uns aux autres selon la coustume, invoquoyent Jesus Christ sur leur breuvage et faisoyent le signe de la Croix; un de ceux qui estoyent assis leur dit, comme ilz osoyent invoquer Jesus Christ et faire son signe, veu qu'ilz l'avoyent renié peu au paravant.

  A002000787 

 Or, peu s'apperceurent de ceste tromperie, qui ne voulans plus adorer (c'est a dire honnorer), comme ilz souloyent au paravant, l'image de l'Empereur ainsy mise parmi ces idoles, comme elle estoit, en furent en fin martyrisés; mays le menu peuple, allant a la bonne foy sans y entendre autre mal, pensant seulement rendre l'honneur ordinaire a l'Empereur, faisoit la reverence a ces idoles.

  A002000787 

 Sozomene, qui raconte ceste histoire, ne dit pas qu'ilz fissent le signe de la Croix (affin que mon adversaire ne se trompe a penser que je me sois trompé, comme luy a fait si souvent), mais c'est saint Gregoire Nazianzene..

  A002000788 

 Et de plus, mal est prins bien souvent a ceux qui ont mesprisé de faire ce saint signe avant que de manger et boire: tesmoin la religieuse qui mangea une laittue, et le religieux qui beut sans faire le signe de la Croix, qui furent aussi tost saisis du malin. Le traitteur fait deux reproches a ces tesmoignages: l'un, « Qui ne void, » dit-il, « que c'est fable? » L'autre: « Sainct Paul dit [244] que la viande nous est sanctifiee par la Parole de Dieu, et par la priere, et ne parle point du signe de Croix, ne d'autre.

  A002000788 

 Tesmoin saint Gregoire de Tours, en la gracieuse histoire qu'il escrit d'un prestre heretique qui voulant prévenir, non seulement a benir mais encor a manger, un bon prestre Catholique Romain (car le mot y est) qui estoit en mesme table, et l'ayant en effect prevenu au premier, second et troisiesme plat qu'on apporta sur table, au quatriesme en fin, l'ayant signé (l'humeur de son heresie ne portoit pas de rejetter le signe de la Croix comme fait celle des reformeurs), mettant le premier morceau en bouche il le trouva si chaud qu'il en creva, faisant un grand bruit, qui bailla occasion au nostre de dire, Periit memoria hujus cum sonitu, et a celuy qui les avoit chez soy, tous deux, de se faire Catholique sur le champ.

  A002000788 

 » Il a tort, car ces recitz n'ont rien d'impossible, rien d'inepte, et partent d'une bouche honnorable; c'est de saint Gregoire le Grand qui vaut mieux que tous ces reformés, en doctrine et authorité: sera-il donq permis au premier venu de desmentir ainsy les Anciens? Au demeurant, le dire de saint Paul, que les viandes sont sanctifiees par la priere, confirme ce que nous avons dit; car, parce que le signe de la Croix est une priere briefve, aysee, vigoureuse et ordinaire es benedictions des viandes, dire qu'a faute de faire la Croix le diable saisit un religieux et une religieuse, c'est a dire que ce fut a faute de faire ceste priere la, qui estoit la plus aysee et familiere, et a plus forte rayson autre quelcomque; bien qu'encores soit-il vray que le signe de la Croix a une particulière force contre les diables, outre celle qui est commune a toute priere, comme nous verrons cy apres.

  A002000794 

 Ou est-ce donques que le signe de la Croix est plus sortable qu'aux Sacremens, quand ce ne seroit que pour protester que la Passion est la fontaine des eaux salutaires qu'ilz nous communiquent? Les consecrations sont les plus excellentes invocations qui se fassent en l'Eglise: le saint signe, estant un si propre moyen de prier, ne peut estre mieux employé qu'a cest effect; aussi a ce esté une forme ordinaire a l'ancienne Eglise de consacrer avec le signe de la Croix.

  A002000795 

 Saint Chrysostome: « Ainsy la Croix reluit en la [246] Table sacree, es ordinations des prestres, ainsy de rechef avec le Cors de Jesus Christ es Cenes mistiques; » et ailleurs, parlant de la Croix: « Tout ce qui profite a nostre salut est consommé par icelle; car estans regenerés, la Croix y est, quand nous sommes nourris de la tres sacree viande, lhors que nous sommes establis pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tousjours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000795 

 Saint Cyprien: « Nous nous glorifions en la Croix du Seigneur, de laquelle la vertu parfait tous les Sacremens, sans lequel signe il n'y a rien de saint, ni aucune consecration est reduitte a son effect »; et ailleurs: « En fin, quicomque soyent les administrateurs des Sacremens, quelles que soyent les mains avec lesquelles on baigne ou oigne ceux qui viennent au Baptesme, quelle poitrine que ce soit de laquelle les motz sacrés sortent, l'authorité ou vigueur de l'operation donne l'effect a tous les Sacremens en la figure de la Croix.

  A002000795 

 » Mays j'ay des-ja produit ces tesmoignages ailleurs, avec plusieurs autres qui peuvent estre rapportés icy; en voicy d'autres.

  A002000800 

 Or, parce qu'on a la honte au front, Celuy qui a dit: De celuy qui a honte de moy devant les hommes, j'auray honte de luy devant mon Pere qui est es cieux, il a mis sur le lieu de la honte et [249] pudeur la mesme ignominie que les payens mesprisent.

  A002000801 

 Les Israelites avoient commandement de Dieu de faire ce qu'ils ont fait sur leurs surseuils, mais les Chrestiens n'ont point esté commandez de se signer sur le front; aussi en est procedé un erreur tres-pernicieux, né premierement de simplicité, accreu depuis par ignorance, et à present debattu par opiniastreté, d'attribuer au bois de la Croix ce qui est propre au seul Crucifié.

  A002000801 

 » Ce sont encor paroles de saint Augustin, par lesquelles il monstre que, comme les enfans d'Israël marquoyent du sang de l'aigneau Pascal les posteaux et sursueilz de leur domicile pour estre garantis de l'extermination, ainsy les Chrestiens sont signés au front, comme au sursueil de tout l'homme, du signe du sang et de la Passion de l'Aigneau qui leve les pechés du monde, pour estre en asseurance contre tous les ennemis de leur salut.

  A002000804 

 Car si nous taschons de rejetter les coustumes non escrittes comme n'estans guere importantes, [254] nous condamnerons aussi imprudemment les choses necessaires a salut qui sont en l'Evangile; ains plustost nous ravallerons la predication mesme de la foy, a une parole nuë et vaine.

  A002000804 

 De ce genre est (affin que je cotte de premier ce qui est le premier et tres vulgaire) que nous signons du signe de la Croix ceux qui ont mis leur esperance en Jesus Christ: qui l'a enseigné par escrit? » Aves-vous ouÿ, petit traitteur, ce grand et ancien maistre, comme il tient l'observation de se signer au front pour toute commandee, quoy qu'elle ne soit expressement escritte? Que luy sçauries-vous opposer, sinon qu'il est homme, a vostre accoustumee? Et certes il est homme, mais tres chrestien et tres entendu en la loy Evangelique, regentant en l'Eglise au tems de sa plus grande pureté.

  A002000804 

 Mais, parce qu'il n'est pas du tout expres en l'Escriture, les Apostres le laisserent expressement en l'autre partie de la doctrine Chrestienne et Evangelique, appellee Tradition: « Quelle que soit la conversation et action qui nous exerce, nous touchons nostre front du signe de la Croix.

  A002000804 

 » Ce sont les paroles de l'ancien Tertullien; et saint Basile disoit peu apres: « Nous avons quelques articles qui sont prechés en l'Eglise de la doctrine baillee en escrit, nous en recevons aussi quelques autres de la tradition des Apostres laissee en mistere, » c'est a dire en secret, « lesquelz tous deux ont pareille force pour la pieté, et personne n'y contredit pour peu qu'il sçache quelz sont les droitz ecclesiastiques.

  A002000804 

 » On ne peut pas, diray-je a mesme, monstrer expressement que l'oraison qui se fait par le signe de la Croix soit expressement commandee, toutefois ce n'est pas a dire qu'elle ne le soit, veu que jamais elle n'est excluse quand il est commandé de prier.

  A002000805 

 Et ce pendant le traitteur calomnie, disant qu'on attribue au bois de la Croix ce qui est propre au Crucifié, car jamais nous n'y pensasmes ni ne le fismes, comme j'ay monstré cy devant.

  A002000805 

 IV. En fin je voudrais bien que le traitteur cottast le tems auquel est né l'erreur d'attribuer au bois ce qui est propre au Crucifié.

  A002000805 

 S'il entend parler de l'honneur de la Croix, qu'il reprend en l'Eglise Catholique, il ne [255] sçauroit monstrer quand il est né, car il a tousjours esté; et est inepte disant qu'il est né de simplicité, car saint Ambroise, saint Paulin, saint Augustin et mille autres telz Peres qui ont enseigné cest honneur, comme j'ay asses prouvé es deux premiers Livres, estoyent a la verité simples comme colombes, mais ilz estoyent aussi, a l'egal, prudens comme serpens; si que leur sainte simplicité ne pouvoit enfanter aucun erreur.

  A002000805 

 Voyla l'injure que ces novateurs font a l'ancienneté, bien mal adoucie de l'attribuer a simplicité; car ceste simplicité errante et mere d'erreur s'appelle folie en ceux qui ont charge des peuples.

  A002000805 

 » Car par la il attribue a nostre aage la science et connoissance avec opiniastreté, aux predecesseurs une simple ignorance, et aux plus anciens Chrestiens une simplicité ignorante, puysqu'autre simplicité ne peut causer l'erreur: la ou, au contraire, ces Anciens si clairvoyans seroyent bien plus inexcusables d'avoir donné commencement a l'erreur, s'il y en avoit, que nous qui en serions les sectateurs beaucoup moins entenduz et sçavans; ce seroit nous qui errerions par simplicité et ignorance a la suite des Anciens.

  A002000813 

 Dieu appella l'homme qui estoit vestu de lin, dit le prophete Ezechiel, et qui avoit l'escritoire de l'escriveur sur ses reins, et le Seigneur luy dit: Passe par le milieu de la cité au milieu de Hierusalem, et marque de Thau les frons des hommes qui gemissent et souspirent pour toutes les abominations qui se font au milieu d'icelle.

  A002000813 

 Et tout incontinent apres il commande a six personnes qui portoyent les vases de la mort en leurs mains, de massacrer tout ce qui se trouveroit dans la cité.

  A002000815 

 II. Apres que le traitteur a ainsy colloqué son opinion touchant la version de ce lieu, il poursuit ainsy: « Vrai est que Theodotion et l'interpretation Vulgaire ont retenu le mot de Thau, le prenant materiellement comme on parle aux escholes, sur quoi plusieurs ont [260] philosophé à leur plaisir: car, comme le mesme sainct Hierosme escrit, les uns ont dit que par la lettre Thau, qui est la derniere de l'alphabet Hebrieu, estoient signifiez ceux qui avoient une science parfaite; les autres ont dit que par la mesme lettre estoit entendue la Loy, qui en Hebrieu est appelee Thorah, duquel mot la premiere lettre est Thau; et finalement le mesme sainct Hierosme, laissant le charactere dont a usé le Prophete, a recherché le charactere des Samaritains, et dit que Thau, entre les Samaritains, a la ressemblance d'une croix, mais il ne peint point la figure de ce Thau des Samaritains; et pourtant icelui, sentant que ce sien dire estoit recerché de trop loin, adjouste, incontinent apres, une autre exposition, c'est assavoir, que comme la lettre Thau est la derniere en l'alphabet, ainsi par icelle estoient representés les gens de bien estans de reste de la multitude des mal vivans.

  A002000818 

 Aussi, quoy que saint Hierosme produise plusieurs sens, si ne sont-ilz pas contraires, mais peuvent tous joindre ensemble sur celuy que saint Hierosme estime le plus sortable, et lequel est plus doux et naïf: car le comble de connoissance, signifié par la fin et comble des lettres, qui est Thau, gist a sçavoir et prattiquer la Loy, laquelle est encor signifiee par Thau, d'autant que le mot Thorah, qui signifie la Loy, se commence par Thau.

  A002000819 

 Saint [262] Hierosme repete ailleurs la troisiesme interpretation, qui monstre asses qu'il la tient pour loyale; j'ay cité le lieu ci dessus.

  A002000820 

 (Voyes ce qu'en dit saint Hierosme in Prologo galeato.) Ezechiel donques, qui escrivit avant la mutation, [263] se servit de l'ancienne forme des lettres hebraïques, selon lesquelles le Thau estoit semblable a la Croix.

  A002000820 

 Qui ne sçait qu'Esdras a esté le dernier en la continuelle succession des Prophetes? Or, ce fut Esdras qui changea les anciennes lettres des Hebreux en celles que nous avons maintenant, mais les Samaritains les retindrent.

  A002000820 

 Tant s'en faut donques que saint Hierosme ait laissé le caractere dont usa le Prophete, qu'au contraire il l'est allé rechercher dans l'antiquité des lettres hebraïques, qui estoit demeuree parmi les Samaritains.

  A002000820 

 Y a-il si pauvre homme qui ne sçache qu'Ezechiel a vescu avant Esdras? puisque celuy-la mourut en la captivité, et celuy-ci apres icelle et la restauration du Temple.

  A002000821 

 « Mais soit, » dit-il, « que la lettre Thau ait esté peinte en charactere Hebrieu, ou en charactere Samaritain par une seule figure, il est aisé à voir qu'il y a peu de similitude à une croix entiere: [264] car le charactere Hebrieu est fait ainsi, ﬨ, et le charactere Samaritain ainsi, T, qui n'est pas la vraye figure d'une croix, car il y defaut la partie du dessus, où estoit fiché l'escriteau ou titre de la croix, comme l'a bien remarqué Lypsius, au chap. 10.

  A002000823 

 Il a tort aussi d'alleguer que le caractere Hebreu est fait ainsy, ח, car c'est le caractere tel qu'on le fait aujourd'huy, duquel nous ne parlons pas, ains de celuy qui estoit au tems d'Ezechiel, lequel, comme dit saint Hierosme, ressembloit a la Croix..

  A002000826 

 La ou je dis que [comme] Thau veut dire un signe et une lettre particuliere, ressemblante a la Croix, si la Prophetie s'entend d'un signe absolument, il faudra tousjours le rapporter a iceluy de la Croix, a cause de l'excellence d'iceluy, comme j'ay dit ci devant; et de plus, ce signe estant exprimé par un mot qui a en teste et en sa premiere lettre la figure de la Croix, et non seulement [266] cela, mais signifie encor un certain seul caractere qui a semblance de croix, nous sommes tousjours plus contrains, par la consideration de tant de circonstances, a prendre ce signe de la Prophetie pour celuy de la Croix.

  A002000828 

 Premierement il appert par ce qui est recité au huictieme et neufvieme chapitres d'Ezechiel, que tout ce qui est là dit, a esté representé en vision mentale, tellement que la chose n'a esté reellement faite.

  A002000829 

 C'est donc hors de raison que ce qui a esté dit pour un certain temps et lieu, et pour certaines personnes, soit destourné et assigné ailleurs que n'a jamais esté l'intention de l'Esprit de Dieu qui a parlé par la bouche d'Ezechiel.

  A002000830 

 Combien y a-il de propheties qui visent a la verité de l'Evangile, qui neanmoins quant a leur premier sens ne touchoyent qu'a ce qui se faisoit en l'ombre et figure de la Loy vielle? Voyla le Psalme LXXI, Deus judicium tuum regi da; il vise du tout a nostre Sauveur et a sa royauté, quoy [268] que immediatement il fut dressé pour Salomon, lequel y sert d'ombre et figure a representer Jesus Christ, Prince de la paix eternelle.

  A002000830 

 Item, ce qui est dit es Livres des Rois, Je luy seray Pere et il me sera filz, ne s'entend-il pas tout droit, et en son premier sens, du roy Salomon, filz de Bersabee? neanmoins cela se rapporte et revient au Sauveur du monde, sinon que, pour retenir vos inepties en crédit, vous rejetties encor l'Epistre aux Hebreux, car ce texte y est appliqué formellement a Jesus Christ.

  A002000830 

 Mays, quand ce n'eust esté que pour la reverence des Anciens qui ont rapporté le Thau d'Ezechiel a la Croix, le traitteur devoit plustost passer les annees a en rechercher les raysons, que de dire ainsy insolemment que c'estoit chose hors de rayson, que ce texte estoit destourné, et que ce n'avoit jamais esté l'intention du Saint Esprit qu'il fust ainsy entendu.

  A002000830 

 Pour ne voir la raison qui a esmeu nos Peres a dire [269] quelque chose, on ne doit pour cela les juger des-raisonnables; il seroit mieux de dire comme cest autre: ce que j'en entens est beau, et aussi, crois-je, ce que je n'entens pas.

  A002000830 

 » Saint Cyprien: « Qu'en ce signe de la Croix soit le salut a tous ceux qui en sont marqués au front, Dieu le dit par Ezechiel: Passe par le milieu de Hierusalem, et tu marqueras le signe sur ceux qui gemissent; » ( et notabis signum, dit-il).

  A002000831 

 Ainsy le Psalme LXXI, le dire du Livre des Rois et de l'Exode que j'ay allegué, est bien plus entierement observé en Jesus Christ qui en estoit le dernier sujet, qu'en Salomon ou en l'aigneau Pascal qui estoit le premier.

  A002000831 

 Aussi quand les Apostres appliquent les propheties et figures a nostre Sauveur ou a l'Eglise, ilz usent ordinairement de ces termes: Affin que ce qui est escrit fust accompli.

  A002000831 

 VI. Passons au reste du dire du traitteur sur ce point: « Il ne se trouvera jamais, » dit-il, « que les « Juifs ayent esté marquez au front de quelque marque que ce soit, et moins encor de la croix, qui estoit une chose odieuse et ignominieuse adonc parmi toutes les nations.

  A002000831 

 » Ici je vous arreste, o traitteur, et vous somme de me dire si les termes d'Ezechiel ne portent pas que les gemissans seroyent marqués au front? vous ne le sçauries nier: ou donques ilz furent marqués, et lhors vous parles mal disant qu'ilz ne furent onques marqués, ou ilz ne furent point marqués, et lhors je vous demande quand c'est que la Prophetie fut verifiee ainsy exactement comme ses termes portent? Ce n'a pas esté en la Hierusalem temporelle, ce sera donq en la Hierusalem spirituelle, qui est l'Eglise.

  A002000832 

 Corinth., I. c'est lui qui nous a oincts et marquez, et qui nous a donné le gage de son Esprit en nos cœurs.

  A002000832 

 VII. Neanmoins, le traitteur poursuit ainsy: « Or donc, le vrai sens du passage d'Ezechiel est, que Dieu declare que lors que ce grand jugement seroit exercé sur la ville de Jerusalem, ceux seulement en seroient exemptez qui seroient marquez par l'Esprit de Dieu; et ceste façon de dire est prinse de ce qui se lit au chap. XI. d'Exode, où... il est commandé aux Israelites de mettre du sang de l'Agneau sur le surseuil de leurs habitations, afin que l'Ange voye la marque de ce sang et passe outre sans offenser les Israelites.

  A002000832 

 de l'Apocalypse est fait mention de ceux qui sont marquez, qui sont ceux qui sont appelez ailleurs esleus de Dieu, ou ceux que le Seigneur advouë pour siens pource qu'il les a comme cachettés de son seel, et, comme l'Escriture parle, a escrit leurs noms au livre de vie.

  A002000835 

 Que les marqués de l'Apocalipse nous asseurent de plus fort, car ce sont ceux qui, pour protestation de leur foi et invocation du Sauveur, auront esté signés du signe de la Croix, comme ont dit les anciens interpretes; autres ne sont esleuz que ceux qui auront confessé de bouche, de cœur, par signes et par œuvres, autant qu'ilz pourront, avec l'Apostre, qu'ilz n'ont autre gloire qu'en la Croix de Jesus Christ.

  A002000841 

 Voyci ses motz: « En sens contraire est-il dit au XVI. de l'Apocalypse, que l'Ange verse sa phiole pour navrer de playe mauvaise ceux qui ont la marque de la beste, c'est à dire les serviteurs de l'Antechrist.

  A002000842 

 Ceste alternative, ou en leur main, ou en leur front, ne monstre-elle [277] pas que sera une marque perceptible, et autre que d'estre affectionné a l'Antechrist? Et comme pourroit-elle, autrement, mettre difference entre ceux qui avoyent pouvoir de traffiquer, et ceux qui ne l'avoyent pas, si elle n'estoit visible? comme sçauroit-on ceux qui auroyent le nombre, ou le nom, ou la marque, si elle estoit au cœur? Or, ce qui est dit au chapitre seiziesme de l'Apocalipse, se rapporte a ce qui avoit esté dit au chapitre treiziesme; si donq en l'un des lieux la marque de l'Antechrist est descritte visible, elle sera aussi visible et exterieure en l'autre, la chose est toute claire: c'est donq mal entendu de dire que ceste marque de l'Antechrist n'est point reelle ni perceptible.

  A002000842 

 Le diable, qui n'est qu'un esprit, ne se contente pas de recevoir l'hommage des sorciers, mais leur imprime une marque corporelle, comme font foi mille informations et procedures faites contre eux: qui doute donques [276] que cest homme de peché, si exact disciple du diable, n'en face de mesme, et qu'il ne veuille avoir, comme anciennement plusieurs faisoyent, des serviteurs marqués et stigmatiqués? 4.

  A002000842 

 Que si l'Antechrist, comme singe, voulant faire et contrefaire le Christ, marquera ses gens au front, et par la les obligera a ne se point signer de la Croix, comme dit Hippolite, combien affectionnement devons-nous retenir l'usage de ce saint signe, pour protester que nous sommes Chrestiens et jamais n'obeirons a l'Antechrist? Les ministres avoyent enseigné leurs huguenotz que les couronnes des ecclesiastiques estoyent les marques de la beste, mais voyans qu'ilz ne pouvoyent porter une plus expresse marque de beste que de dire cela, puysque [278] d'un costé, la plus grande partie des papaux (qu'ilz appellent) ne la portent pas, et saint Jean tesmoigne que tous les sectateurs de la beste porteront sa marque, et d'autre costé, que ceux qui ne portent pas la couronne clericale ne laissent pas de trafiquer, et qu'au contraire le traffic est prohibé a ceux qui la portent, cela les a fait jetter a ceste interpretation, que la marque de la beste devoit estre invisible: c'est tousjours marque de beste, ou d'opiniastreté bestiale, comme je viens de monstrer..

  A002000842 

 Qui ne voit ici separee l'obeissance d'avec la marque? et qui ne suivra plustost ces Anciens non passionnés, que ces novateurs tout transportés du desir d'establir leurs fantasies par quelque pretexte des Escritures? 5.

  A002000842 

 Saint Hippolite cest ancien martyr, Primasius, Bede, Rupert ont ainsy entendu; voyci les paroles du premier, parlant de l'Antechrist: « Tout incontinent, chacun estant pressé de famine viendra a luy et l'adorera, et a ceux-la il donnera le caractere en la main droitte et au front, affin qu'aucun ne peigne de sa main la pretieuse Croix en son front »; et peu apres: « Ainsy ce seducteur leur baillera quelque peu de vivres, et ce pour son seau et cachet infame »; item: « Et il marquera ceux qui luy obeiront, de son seau ».

  A002000843 

 » Coustume, laquelle, comme elle est du tout mesprisee par les huguenotz, aussi estoit-elle superstitieusement observee par les Isins, heretiques Indois, qui non contens de faire simplement le signe de la Croix au baptesme de leurs enfans, le leur impriment sur le front avec un fer chaud.

  A002000849 

 Saint Anthoine bravoit ainsy les diables: « Si vous aves quelque vigueur, si le Seigneur vous a baillé quelque pouvoir sur moy, venes, me voicy, devores celuy qui vous est accordé; que si vous ne pouves, pourquoy le tasches-vous en vain? car le signe de la Croix et la foy au Seigneur nous est un mur inexpugnable.

  A002000849 

 Saint Cyrille Hierosolimitain: « C'est le signe des fidelles et la terreur des demons, car il a triomphé » (il parle de Nostre Seigneur) « d'iceux en ce signe; monstre-le hardiment, car voyans la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a froissé le chef du dragon.

  A002000849 

 Saint Martial, disciple de Nostre Seigneur: « Ayes tous-jours en esprit, en bouche et en signe, la Croix du Seigneur auquel vous aves creu, vray Dieu et Filz de Dieu; car la Croix du Seigneur est vostre armeure invincible contre Satan, heaume defendant la teste, cuirasse conservant la poitrine, bouclier rabattant les traitz du malin, espee qui ne permet que l'iniquité et embusches diaboliques de la meschante puissance s'approchent d'elle; par ce seul signe la victoire celeste nous a esté donnee, et par la Croix le Baptesme a esté sanctifié.

  A002000849 

 » Et bien tost apres: « Vienne qui cherche l'experience de ces choses, a sçavoir, de la pompe des demons, de la tromperie des devinemens et merveilles de la magie, qu'il use du signe de la Croix (qu'ilz pensent estre ridicule) nommant seulement Jesus Christ: il verra par iceluy chasser les diables, les devins se taire, et toute magie et enchantement se destruire.

  A002000850 

 » La Croix le fortifie, et faire la Croix s'appelle « invoquer Jesus Christ », ce qui est remarquable..

  A002000851 

 Lactance raconte que quelques Chrestiens, assistans a leurs maistres qui sacrifioyent aux idoles, faisans le signe de la Croix chasserent leurs dieux, si qu'ilz ne peurent figurer leurs devinations dans les entrailles de leurs victimes; ce qu'entendans les devins, ilz irritoyent ces seigneurs, a la sollicitation des demons, contre la Religion Chrestienne, et les induisoyent a faire mille outrages aux eglises: dont Lactance ayant conclud contre le paganisme pour la Religion Chrestienne, il dit en ceste sorte: « Mais les payens disent que ces dieux ne fuyent pas devant la Croix par crainte, mais par haine.

  A002000851 

 Ouy, comme si quelqu'un pouvoit haïr sinon celuy qui nuit ou peut nuire; ains [284] il estoit seant a la majesté de ces dieux de punir et tourmenter ceux qu'ilz haïssoyent, plustost que de fuir; mays d'autant qu'ilz ne peuvent s'approcher de ceux esquelz ilz voyent la marque celeste, ni nuire a ceux que l'Estendart immortel contregarde comme un rempart inexpugnable, ilz les faschent et affligent par les hommes, et les persecutent par les mains d'autruy; ce qu'a la verité, s'ilz confessent, nous avons gain de cause.

  A002000852 

 Vincit quod pejus est, hæc dixit simul et persuasit. » [285] Ce sont paroles de saint Gregoire Nazianzene, qui recite l'histoire, avec Theodoret et l' Histoire tripartite..

  A002000854 

 I. Il respond donq a ce dernier exemple que, « qui voudroit en un mot se desvelopper de ce passage, diroit que tels Dialogues sont remplis de recits frivoles.

  A002000854 

 Qui a donques peu inciter ce traitteur a faire ce jugement contre saint Gregoire, sinon la rage dont il est animé pour soustenir ses opinions?.

  A002000854 

 Saint Gregoire le Grand, ancien et venerable Pere, fait ce recit; le traitteur, qui au plus ne peut estre que quelque vain ministre, l'accuse de niaiserie et mensonge: a qui croirons-nous? Grand cas si tout ce qui ne revient pas au goust de ces novateurs doit estre tenu pour fable.

  A002000855 

 Car il ne suffit pas de dire que quelque chose soit advenue, mais il faut sçavoir si Dieu en est l'autheur, si c'est chose qui tende au salut des hommes et à la gloire de Dieu... 2.

  A002000855 

 Et parlant de l'exemple de Julien l'Apostat, il dit que l'exemple d'un tel miserable ne doit estre allegué pour establir une doctrine en l'Eglise, cartel exemple n'est pas louable... tellement qu'on peut bien faire ceste conclusion: puis que Julian l'Apostat et semblables ont fait ce signe et en ont esté, comme on dit, secourus, il est apparent que cela ne procede de Dieu, ains qu'il est venu de Satan qui l'a de plus en plus voulu troubler et enlacer, par le juste jugement de Dieu.

  A002000855 

 Mais s'il a voulu que ceux qui estoient ja peu voyans vissent encores moins, ou que mesmes ils devinssent [287] aveugles, recognoissons ses jugemens et retenons pure sa verité.

  A002000855 

 » 3. Que si ces effectz sont faitz « par la force de Jesus Christ, ç'a esté moyennant l'invocation du Nom d'icelui et non par un signe; que si ç'a esté par mauvais moyen, un charme aura esté chassé par un contre-charme... Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes; lequel Satan, se voyant deschassé de son fort par Jesus Christ, a basti un autre fort contre le mesme Jesus Christ, en employant à tel effect la simplicité des Chrestiens... et en fuyant devant la Croix il a fait comme ceux qui reculent pour plus avancer.

  A002000856 

 Et quant a ce que le traitteur dit, que le diable a employé a cest effect la simplicité des Chrestiens, il y auroit de l'apparence si on luy produisoit le tesmoignage de quelques idiotz; mais quand on luy produit les Martial, Ignace, Origene, Chrysostome, Augustin, comme ose-il les accuser d'une simplicité folle, ou plustost de niaiserie? Y a-il homme qui vive qui leur soit comparable, nomplus en suffisance qu'en sainteté, parlant de la plus part?.

  A002000856 

 J'oppose, que ces responses ressentent puamment l'heretique et desesperé; ç'a esté le train ordinaire aux anciens rebelles d'attribuer les miracles aux charmes et a l'operation des diables: tesmoins les Scribes et Pharisiens qui attribuoyent les œuvres de [289] Jesus Christ a Beelzebub, les Vigilantiens, au rapport de saint Hierosme, et les Ariens selon saint Ambroise.

  A002000856 

 N'est-ce pas la gloire de Dieu et le bien des hommes que le diable soit dompté et rejetté? Certes, entre les grans effectz de la crucifixion du Filz de Dieu, il y conte luy-mesme celuy ci: Maintenant le prince de ce monde sera mis dehors; et c'est cela qui fait que le diable fuit devant la Croix comme devant la vive representation de ceste crucifixion.

  A002000856 

 Si, ces grans Peres que nous avons cités, et en si grand nombre, nous inviteroyent-ilz bien a faire le signe de la Croix s'ilz doutoyent que le diable n'en fust l'autheur? Et qui doutera que Jesus Christ en soit l'autheur, s'il considere, comme Lactance deduit, combien cela tend a l'honneur de Dieu, que le simple signe de sa Passion chasse ses ennemis? 3.

  A002000856 

 leur contrarieté, incertitude et doute; il ne sçait a qui bailler l'honneur de ces evenemens: « Si c'est par la force de Jesus Christ... si c'est [288] par mauvais moyens... Il s'est peu faire que pour engraver une plus profonde pensee de la mort et passion de Jesus Christ... Que si ç'a esté Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes... » Quelz embarrassemens: monstre-il pas, avec ces irresolutions, qu'il est bien empesché, et qu'il va sondant le guay pour essayer s'il pourra trouver quelque response? 2.

  A002000857 

 Et de vray, qu'y aura-il de resolu au monde s'il est loysible de bailler ces sens aux miracles et actions extraordinaires? sera-il pas aysé a l'obstination d'attribuer la resuscitation des mortz mesmes aux illusions diaboliques? Mays qu'estoit-il besoin au diable de faire le fin avec Julien l'Apostat, nomplus qu'avec le Juif duquel saint Gregoire le Grand fait le recit? qu'eust-il pretendu par ceste simulation, avec des gens qui luy estoyent des-ja tout voués? que pouvoit-il acquerir davantage sur Julien, qui l'adoroit et descendoit pour se rendre a luy? Notes, je vous prie, le mot de saint Gregoire Nazianzene, quand il dit que Julien eut recours « au viel remede », c'est a sçavoir, a la Croix, remede qu'il avoit appris du tems qu'il estoit Catholique.

  A002000857 

 Et quant au fait de Julien l'Apostat, lequel le traitteur dit ne devoir estre suivi, ains plustost rejetté, je remonstre que c'est un trait de mauvaise foy au traitteur de gauchir ainsy a la rayson vive; car, qui produit onques ce fait comme de Julien l'Apostat? On l'avance pour monstrer que le signe de la Croix a tant de vertu contre les malins, que non seulement ilz le craignent en bonnes mains, mais encor es mains de qui que ce soit, dequoy le cas advenu a Julien fait une claire preuve.

  A002000858 

 Cela va bien; mais la Croix n'est pas faux prophete, c'est un signe saint, signe de Christianisme, comme a confessé le traitteur mesme, dont en la main de qui qu'il soit le diable le craint.

  A002000858 

 Et tant de Saintz qui ont employé ce signe a œuvres miraculeuses, les osera-on bien infamer du nom de faux prophetes? [293].

  A002000858 

 Quelle finesse seroit-ce au diable de fuir devant la Croix? puysque par ceste fuite les siens entrent en defiance de son pouvoir, et les bons en sont consolés, comme font foy tant de Peres, qui tous reprochent au malin et a ceux de son parti ceste sienne fuite, et Julien qui en fut tout esbranlé, et le Juif converti.

  A002000859 

 En fin, tant d'autres miracles se sont faitz par le signe de la Croix, outre la fuite des malins, qui ne se peuvent rapporter a aucune simulation ou stratageme d'iceluy, qu'on ne doit pas nomplus le croire de ceux ci.

  A002000865 

 La Croix pour deux raysons a tant de vigueur contre l'ennemy: l'une, d'autant qu'elle luy represente la mort du Sauveur qui le dompta et subjugua, ce que sa superbe obstinee hait et craint extremement; l'autre, parce que le signe de la Croix est une courte et pregnante invocation du Redempteur, et en ceste derniere consideration il peut estre employé en toutes occasions ou peut estre employee la priere et oraison.

  A002000866 

 Il accuse sa feinte et simulation, et son seducteur tout ensemble, avec la somme d'argent qu'il avoit receuë pour ce jeu auquel il perdit la veuë, et demande ayde et remede a nos Evesques Catholiques, lesquelz ayans sondé sa foy eurent pitié de luy, « et se prevenans l'un l'autre d'un mutuel honneur, » (ce sont les propres paroles de saint Gregoire de Tours, qui est mon autheur) « une sainte contention s'esmeut entre eux qui seroit celuy-la qui feroit le signe de la bienheureuse Croix sur ses yeux: Vindimialis et Longinus prioyent Eugene, Eugene au contraire les prioit qu'ilz luy imposent les mains; ce qu'ayans fait et luy tenans les mains sur la teste, saint Eugene, faisant le signe de la Croix sur les yeux de l'aveugle, dit: Au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit, vray Dieu, lequel nous confessons trine en une egalité et toute puissance, que tes yeux soyent ouvertz; et tout aussi tost, la douleur ostee, il revint a sa premiere santé.

  A002000866 

 Mais ce fut un vray miracle heretique: car ce pauvre homme qui feignoit d'estre aveugle se trouva reellement aveugle, avec une si vehemente douleur d'yeux qu'il luy sembloit qu'on les luy crevast.

  A002000867 

 Il y a, en ceste histoire, trois ou quattre pointz de mauvaise digestion pour vostre estomach, o traitteur, si vous n'estes gueri despuys vostre traitté: les eglises des Saintz, ou l'on va prier Dieu; les saintes psalmodies avec les Litanies, en forme de processions; la benediction episcopale sur le peuple avec le signe de la Croix (Sanctus Episcopus illos consignans, dit saint Amphilochius, qui est mon autheur); le signe de la Croix employé pour faire ce miracle; et ce qu'il est dit, que saint Basile estant entré fit le divin mistere, fecit divinum mysterium, car c'est une phrase qui n'est pas sortable ni a la priere, laquelle ilz avoyent ja faitte toute la nuit, ni au sermon, car precher ne s'appelle pas, faire, mais publier, le divin mistere, ni certes a vostre cene, en laquelle il ne se fait rien de divin, mais s'administre seulement un pain ja fait et preparé.

  A002000868 

 C'est estre insensé, car qui dit jamais qu'aucune guerison ou miracle, fait ou par le signe de la Croix ou autrement, doive estre rapporté a autre qu'a Dieu seul, qui est le Dieu de toute consolation? Nostre different gist a sçavoir si Dieu employe le signe de la Croix a faire des miracles par les hommes, puysque c'est chose hors de doute qu'il employe bien souvent plusieurs choses aux effectz surnaturelz.

  A002000868 

 Le traitteur dit que non, et ne sçait pourquoy nous disons qu'ouy et le prouvons par experience; est-ce pas ineptie de repliquer que c'est Dieu qui fait ces miracles, puysqu'on ne demande pas qui les fait, mais comment et [299] par quelz instrumens et moyens? C'est Dieu qui la guerit, et pouvoit la guerir sans la renvoyer a l'autre femme qui la signa; il ne veut pas, mais la renvoye a ces moyens desquelz il se veut servir.

  A002000868 

 Quant au recit, il le fait ainsy: « Une certaine dame de Carthage fut guerie d'un chancre à la mammelle, ayant esté advertie en dormant de remarquer avec le signe de la Croix la premiere femme baptizee qui viendroit au devant d'elle.

  A002000868 

 Voulons-nous estre plus sages que luy, et dire que ces moyens ne sont pas sortables? il luy plait que nous les employions, les voulons-nous rejetter? Or c'est saint Augustin qui est autheur de ce recit, et l'estime tellement propre a la louange de Dieu, qu'il dit tout suivant qu'il avoit fort tancé ceste dame guerie de ce qu'elle n'avoit pas asses publié ce miracle.

  A002000869 

 Ainsy le grand saint Anthoine, rencontrant ce monstre sylvestre, faune ou hyppocentaure, qui le vint trouver lhors qu'il alloit voir saint Paul premier hermite, il fit incontinent le signe de la Croix pour s'asseurer.

  A002000869 

 Au demeurant, l'oraison du signe de la Croix estoit en si grand credit en l'ancienne et primitive Eglise, qu'on l'employoit a tous rencontres; on s'en servoit comme d'un general preservatif de tous malheurs, en mer, en terre, comme dit saint Chrysostome, es cors des bestes malades, et en ceux qui estoyent possedés du diable.

  A002000869 

 Si que les Anciens faisoyent grande profession de prier Dieu levans les bras haut en forme de croix, comme il appert de mille tesmoignages, mays sur tout de celuy que j'ay produit de l'ancien Origene, cy dessus: par ou, non seulement ilz faisoyent comme un perpetuel signe de Croix, mays mortifioyent encores la chair, imitans Moyse qui surmonta Amalech lhors qu'il prioit Dieu en ceste sorte, figurant et presageant la Croix de Nostre Seigneur qui est la source de toutes les faveurs que peuvent recevoir nos prieres.

  A002000882 

 Quelques uns ont dit que la vraye Croix, qui avoit touché au corps de Jesus Christ, devoit estre adoree de latrie, ou pour le moins de hyperdulie, mais que les autres devoient estre servies de l'honneur de dulie; c'est à dire, que la vraye [303] Croix devoit estre reveree de l'honneur deu à Christ, et les autres croix devoient estre honorees de l'honneur que les serviteurs doivent à leurs maistres: et c'est la belle resolution du present second plaquard.

  A002000884 

 Et remarque ce pendant que les questionnaires, qui espluchent si menuement les differences d'honneur qu'on doit a la Croix, monstrent asses qu'ilz sont saisis de la sainte et pure jalousie de laquelle j'ay traitté en l'Avant-Propos: car, comme ilz veulent attribuer a la Croix l'honneur qui luy est deu, selon le rang qu'elle tient entre les dependances de nostre Sauveur, aussi prennent-ilz soigneusement garde de ne luy en bailler que ce qu'il faut, et sur tout de n'alterer en rien l'honneur de Dieu, ni baillant moins de respect a sa Croix, ni plus aussi, qu'il ne veut et requiert.

  A002000891 

 Si donq je dis que l'honneur est une protestation ou reconnoissance, je l'entends, non de celle qui se fait par les apparences exterieures, autrement les Anges et espritz ne sçauroyent honnorer, mays de celle qui se passe en la volonté qui se resoult d'estimer une personne selon son merite, car ceste resolution est la vraye et essentielle forme de l'honneur..

  A002000892 

 Or, si l'honneur gist proprement en la volonté, il faut qu'il tende au bien, qui est le seul objet d'icelle; jamais elle ne s'employe sinon a son but et objet, ou aux appartenances d'iceluy.

  A002000892 

 Or, si le bien honneste ou la vertu se considere simplement comme bien, il sera aussi simplement et seulement en objet a l'amour; mays si on le considere comme excellent, eminent et superieur, c'est lhors qu'il s'attirera l'honneur comme son propre tribut, lequel a son naturel mouvement au bien honneste sous la consideration particuliere de quelque excellence et eminence: de quelque excellence, dis-je, car, soit que le [306] bien honneste ayt quelque excellence sur celuy qui honnore ou non, il suffit qu'il ayt quelque excellence pour estre un vray sujet de l'honneur.

  A002000893 

 Que s'il est dit quelquefois que les choses inanimees et les diables donnent honneur a Dieu, ce n'est pas que cest honneur-la sorte de ces choses comme de la cause, mais seulement comme d'un'occasion que les hommes en prennent d'honnorer Dieu; ou c'est parce que telles choses font les exterieures demonstrations d'honneur, lesquelles, quoy que privees de leur ame, qui est l'intention interieure, ne laissent pas de retenir devant les peuples le nom d'honneur, ainsy que l'homme mort est appellé homme.

  A002000893 

 Si ces choses honnoroyent la vertu, elles seroyent honnorables elles mesmes pour ce respect, d'autant qu'honnorer la vertu est chose honnorable; comme au contraire, qui est honnorable il peut honnorer, car il a la vertu, et la vertu ne peut loger qu'en ceux qui la prisent et honnorent.

  A002000898 

 L'adoration est une speciale maniere et sorte d'honneur: car l'excellente bonté pour laquelle on honnore un autre peut estre de deux façons; ou elle est eminente, superieure et advantageuse sur celuy qui honnore, ou non.

  A002000898 

 Si, au contraire, l'excellence de la bonté pour laquelle on honnore se trouve superieure et advantageuse sur l'honnorant, lhors il y va, non d'un simple honneur, mays de l'honneur d'adoration; et partant, comme l'honneur n'est que la profession ou reconnoissance de l'excellence de la [309] bonté de quelqu'un, aussi l'adoration est la reconnoissance de l'excellence de la bonté eminente et superieure a l'endroit de celuy qui honnore.

  A002000899 

 Et, pour la troisiesme, il faut faire au dehors des signes et demonstrations de la sousmission qui est en la volonté..

  A002000899 

 Il faut se sousmettre, reconnoistre et faire profession d'inferieurité, ce qui touche a la volonté.

  A002000900 

 Mays en laquelle de ces actions consiste la vraye et propre substance de l'adoration? Ce n'est pas en la premiere, car les diables et ceux desquelz parle saint Paul, qui, connoissans Dieu, ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ains secoüans le joug ont dit, nous ne servirons point, ilz l'ont conneu, mays non pas reconneu.

  A002000902 

 Que s'il est dit qu'ilz jettent leurs couronnes aux piedz de Celuy qui sied au throsne, bien que leur adoration soit exprimee par une action exterieure si ne se doit-elle pas entendre que de l'esprit; car, comme leurs couronnes et felicités sont spirituelles, aussi l'hommage, reconnoissance et sousmission qu'ilz en font, n'est que purement spirituelle..

  A002000903 

 2. Mais, pour Dieu, les paralytiques et percluz qui n'ont aucun encens, ni genoux, ni mouvement a leur disposition, peuvent-ilz pas adorer Dieu? ou s'ilz sont exemps de la loy qui dit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu?.

  A002000905 

 Et de fait, qui diroit jamais que les actions exterieures des hypocrites, voire les genuflexions de ceux qui baffoüoyent nostre Sauveur au jour de sa Passion, luy mettans la couronne d'espines en teste et le roseau en main, plians les genoux devant luy, fussent des vrayes adorations et non pas plustost des vrays vituperes et affrons? L'Escriture appelle bien cela adorer et saluer, mais elle declaire tout sur le champ qu'elle l'entend, non selon la realité et substance, mais selon l'exterieure apparence et feinte, disant qu'ilz se mocquoyent de luy.

  A002000905 

 Qui oseroit appeller ces malheureux vrays adorateurs, et non pas plustost vrays mocqueurs? Les choses portent aucunes fois le nom de ce dont elles ont les apparences, sans pour cela laisser d'estre indignes de le porter; comme quand les enfans de ce monde sont appellés prudens, et leur ruse ou finesse, [311] sagesse, quoy que ce ne soit que folie devant Dieu et en realité; ainsy appelle les impertinences du traitteur, raysons, quoy qu'elles soyent indignes de ce nom..

  A002000906 

 L'idolatre dresse toutes ses actions a l'idole, c'est cela qui le fait idolatre; au contraire, l'intention du Catholique, en toutes ses actions, est toute portee a son Dieu, c'est cela qui le fait Catholique.

  A002000906 

 La consequence est sotte; car encor que ces actions soyent pareilles es uns et es autres d'estoffe et de matiere, si ne le sont-elles pas de forme, de façon et intention: or, Dieu ne regarde pas tant ce qui se fait, comme la maniere avec laquelle il se fait.

  A002000906 

 Nous faisons quelque chose de ce que font les idolatres, mais nous ne faisons rien comme eux: l'objet de nostre Religion est Dieu vivant, qui la rend toute sainte et sacree..

  A002000906 

 Pour faire que flechir le genouïl soit idolatrie, il y faut deux parties: l'une, que ce soit a un idole, car qui flechiroit le genouïl au nom de Jesus, comme il est raysonnable que chacun face, ou devant prince, seroit-il idolatre? l'autre, que non seulement le genouïl flechisse a l'idole, mays que ce soit volontairement; il faut que le cœur plie a mesme que le cors, car l'idolatrie, comme tout autre peché, prend a l'ame et a l'intention, que si l'exterieur a quelque mal il sort de la comme de sa source.

  A002000906 

 Qui est affectionné aux idoles, quand il n'auroit [312] ni genouïl ni jambe et seroit plus immobile qu'une pierre, il est neanmoins vray idolatre; et, au contraire, qui auroit tous-jours les genoux plantés en terre ne seroit pour tout cela idolatre sans ces deux conditions, l'une, qu'il fust ainsy volontairement, l'autre, que ce fust a l'honneur d'un idole.

  A002000906 

 » « Cela, » dit-il, « se void par la façon de parler de l'Escriture, qui par « le flechissement de genoux designe l'idolatrie, comme il appert par la response faite à Elie, 1.

  A002000907 

 Il faut donq conclure indubitablement que la vraye et pure essence de l'adoration gist en l'action interieure [313] de la volonté, par laquelle on se sousmet a celuy qui est adoré; et que la connoissance, action de l'entendement, precede la sousmission comme fondement; au contraire, l'action exterieure suit la sousmission comme effect et dependance d'icelle.

  A002000913 

 L'honneur part d'une volonté bien ordonnee, qui fait profession et reconnoissance de quelque excellence: [315] les damnés ont leur volonté toute desordonnee et gastee, qui ne fait profession que de mal; s'ilz reconnoissent quelque superieurité, ce n'est jamais que forcement et ne peut estre adoration.

  A002000913 

 Les diables et damnés ne peuvent adorer, j'en ay dit la rayson n'agueres; ilz connoissent la bonté, mais ilz la detestent et blasphement, leur volonté la hait et abomine: Qui te confessera en enfer, o Seigneur Dieu? disoit David.

  A002000921 

 » « Qui adora jamais les Martyrs, qui cuyda jamais un homme estre Dieu?» Il prend la le mot d'adorer pour l'honneur qui se fait a Dieu..

  A002000922 

 Saint Ambroise: « Heleine, » dit-il, « trouva la Croix du Seigneur; elle adora le Roy, non le bois parce certes que cela est erreur payen, mais elle adora Celuy qui pendit au bois.

  A002000922 

 » Aves-vous ouÿ, reformés, les plaintes de ceste canaille retaillee? ilz regrettent [318] l'honneur et la vertu de la Croix: Seigneur Dieu, que voules-vous devenir, vous autres, qui en faites de mesme?.

  A002000922 

 » Il parle la de l'adoration en sorte qu'il semble ne vouloir qu'elle appartienne qu'a Dieu, mais bien tost apres il l'estend encores aux creatures: « Heleine fit sagement qui esleva la Croix sur la teste des roys, a fin que la Croix de Jesus Christ spit adoree es roys; cela n'est pas insolence, mais devotion et pieté, lhors qu'on defere a la sacree Redemption.

  A002000923 

 » Le mesme, instruisant l'ame fidelle, au livre De la virginité: « Si un homme juste, » dit-il, « entre chez toy, luy allant au rencontre tu adoreras en terre a ses piedz avec crainte et tremblement, car ce ne sera pas luy que tu adoreras, mais Dieu qui l'envoye.

  A002000925 

 Et que toutefois ce mesme mot panche un peu plus et est plus duisant a signifier l'honneur deu a Dieu seul, consideration qui a meu les Anciens d'employer a l'ordinaire autres paroles que celle d'adoration pour signifier la reverence deuë aux Saintz et autres creatures, ou s'ilz n'y ont employé d'autres motz ilz ont limité celuy d'adoration par quelque moderation.

  A002000926 

 Ainsy, au devis qui se passa entre Nostre Seigneur et la Samaritaine, le mot d'adorer, qui y est mis tout court sans autre addition, signifie non seulement l'adoration deuë a Dieu seul, mais la plus excellente de toutes celles qui se font a Dieu, qui est le sacrifice, comme prouvent plusieurs grans personnages, par raysons inevitables..

  A002000926 

 Bref, l'adoration n'appartient pas egalement a Dieu et aux creatures, il y a a dire de l'infinité; celle qui est deuë a Dieu est si excellente en comparaison de tout autre faitte aux creatures, que n'y ayant presque aucune proportion, les autres adorations ne sont presque pas adoration au prix de celle qui appartient a Dieu.

  A002000926 

 Le second principe est, qu'entre toutes les adorations celle qui appartient a Dieu est incomparablement la plus grande et pretieuse; elle est le suc de toute adoration, ou, comme Anastase, Evesque de Theopolis, dit, l'emphase et excellence de tout l'honneur.

  A002000926 

 Si que l'adoration estant la supreme sorte d'honneur, elle est particulierement propre a la supreme excellence de Dieu; et si bien elle peut estre attribuee aux creatures, c'est par une tant esloignee proportion et analogie, que si, par quelque evidente circonstance, on ne reduit la signification du mot d'adoration a l'honneur des creatures, elle panchera tous-jours [320] a l'hommage deu a Dieu, suivant le viel proverbe des logiciens, le mot equivoque ou qui signifie deux diverses choses, estant mis tout seul a part soy sans autre declairation, est tous-jours prins en sa signification plus digne et fameuse: analogum, per se sumptum, stat pro famosiori significato.

  A002000927 

 J'ay dit ceci, tant parce qu'en cest aage si fascheux et chicaneur il est expedient qu'on sçache parfaittement ce que valent les motz, qu'aussi pour respondre au traitteur qui, nous reprochant que nous adorons la Croix et les images, se baillant beau jeu sur nous, dit que « la replique est frivole de dire qu'on ne les adore pas puis qu'on ne met pas sa fiance en elles »; car je dis, au contraire, que le traitteur est extremement frivole de s'imaginer ceste replique pour nous, laquelle nous n'advouons pas ainsy crue comme elle est couchee, ains, nous tenans sur la demarche de l'Escriture Sainte et de nos devanciers, nous confessons qu'on peut loysiblement adorer les saintes creatures, notamment la Croix, et disons tout haut avec saint Athanase: « Nous adorons la figure de la Croix », et avec Lactance: « Flechisses le genou, et adores le bois venerable de la Croix.

  A002000934 

 Et n'y a, a l'adventure, aucune action exterieure, pour humble qu'elle soit, qui ne puisse estre employee a l'honneur des creatures, estant produitte avec une intention bien reglee, sinon le seul sacrifice, avec ses principales et necessaires appartenances, lequel ne se peut dresser qu'a Dieu seul en reconnoissance de sa souveraine seigneurie; car, a qui ouÿt-on jamais dire: je t'offre ce sacrifice, o Pierre, o Paul? Hors de la, tout l'exterieur est sortable a la reverence des creatures, n'entendant toutefois y comprendre les parolles, entre lesquelles il y en a beaucoup qui ne peuvent estre appliquees qu'a Dieu seul.

  A002000934 

 Jacob se prosterne egalement devant Dieu et devant son frere, mais la differente intention qui le porte a ces prostrations et inclinations rend l'adoration qu'il fait a Dieu, se prosternant, toute differente de celle qu'il fait a son frere.

  A002000934 

 Si l'action de Nostre Seigneur fut adoration aussi bien que celle de la Magdeleine (vous estes asses bon pour le vouloir soustenir, principalement si vous esties un peu surpris de colere), donq il adora les creatures: pourquoy donq ne voules-vous pas que nous en faisions de mesme? Pour vray, establir l'essence et les differences des adorations es actions exterieures, c'est la prendre sur Nostre Seigneur qui l'establit dans l'esprit; et sur le diable mesme, lequel ne se contente pas de demander a Jesus Christ qu'il s'incline, mays veut que, s'inclinant, il l'adore: Si te prosternant, dit-il, tu m'adores, je te donneray toutes ces choses; il ne se soucie point de l'inclination et prostration, si l'adoration ne l'accompagne.

  A002000934 

 Tel connoist en son ame quelque excellent advantage d'un autre sur luy, qui neanmoins ne le voudra pas reconnoistre a proportion de ce qu'il le connoist, ains beaucoup moins ou plus: tesmoin ceux qui, connoissans Dieu ne l'ont pas adoré comme Dieu.

  A002000934 

 [324] Le traitteur, qui met l'essence de l'adoration en la genuflexion et autres actions externes, comme font tous les schismatiques de nostre aage, est obligé par consequent de dire, que, la ou il y a pareille prostration ou reverence exterieure il y a aussi pareille adoration.

  A002000939 

 Si elle est infinie et divine, l'adoration qui luy est deuë est supreme, absolue et souveraine, et s'appelle latrie, d'autant que, comme dit saint Augustin, « selon l'usage avec lequel ont parlé ceux qui nous ont basti les divines paroles, le service qui appartient a adorer Dieu, ou tousjours ou au moins si souvent que c'est presque tousjours, est appellé latrie: Latria, secundum consuetudinem qua locuti sunt qui nobis divina eloquia condiderunt, aut semper aut tam frequenter [327] ut pæne semper, ea dicitur servitus quæ pertinet ad colendum Deum; » autre mot n'y a-il en la langue latine qui signifie simplement l'adoration deuë a Dieu seul.

  A002000940 

 Mais parce que de ceste seconde sorte d'excellence il y a une innombrable varieté et diversité, divisons-la encores en ses plus generales pieces, et l'adoration qui luy appartient sera de mesme divisee.

  A002000940 

 Si elle est surnaturelle, il luy faut une adoration moyenne, qui ne soit ni purement humaine ou civile, car l'excellence n'est ni humaine ni civile, ni aussi divine ou supreme, car l'excellence a laquelle elle se rapporte est infiniment moindre que la divine et est tousjours subalterne; et peut-on bien appeller ceste adoration, religieuse, car nous ne nous sousmettons aux choses surnaturelles que par l'instinct de la religion pieuse, devote, ou conscientieuse, mais particulierement on l'appelle dulie entre les theologiens: car iceux, voyans le mot grec de dulie s'appliquer indifferemment au service de Dieu et des creatures, et qu'au contraire le mot de latrie n'est presque employé qu'au service de Dieu seul, ilz ont appellé adoration de latrie celle qu'on fait a Dieu, et celle qu'on fait aux creatures surnaturellement excellentes, adoration de dulie; et pour mettre encores quelque difference en l'honneur des creatures, ilz ont dit que les plus signalees s'honnoroyent d'hyperdulie, les autres de l'ordinaire et generale dulie.

  A002000944 

 Mays Dieu, qui n'est capable d'autre excellence que de l'independante, n'est capable d'autre adoration que de l'independante; la maniere d'avoir la perfection avec dependance et d'ailleurs que de soy, est trop basse et vile pour Dieu, et beaucoup plus la maniere de l'avoir par imputation ou relation; ces menus honneurs ne sont pas sortables pour une excellence infinie..

  A002000944 

 Ou elle l'aura en soy, mays non pas de soy, comme ont plusieurs hommes et les Anges, qui ont reellement en eux les bontés et vertus pour lesquelles on les honnore, mays ilz ne les ont pas d'eux mesmes, ains par la grace de Dieu; et partant, l'honneur qui leur est deu est a la verité absolu, mays non pas supreme ni independant, ains subalterne et dependant, car, comme ilz tiennent leur excellence de Dieu, aussi l'honneur qu'on leur fait a rayson d'icelle doit estre rapporté a Dieu: de ceste sorte d'adoration n'est capable que la creature intelligente et vertueuse, car autre que celle-la ne peut avoir la vertu en soy, qui est l'excellence pour laquelle on honnore.

  A002000944 

 Ou la chose adorable n'aura reellement, ni de soy ni en soy, l'excellence pour laquelle on adore, mays seulement par une certaine imputation et relation, a cause de l'alliance, appartenance, ressemblance, proportion et rapport qu'elle a avec la chose qui en soy mesme a l'excellence et bonté; et lhors l'adoration deuë aux choses pour ce respect est appellee respective, rapportee ou relative: de laquelle sont capables toutes les creatures, tant raysonnables qu'autres, hormis les miserables damnés, qui n'ont autre rapport qu'a la misere, laquelle offusque en eux tout ce qui y peut estre demeuré de leurs naturelles facultés.

  A002000944 

 Ou la chose que nous adorons a l'excellence, pour laquelle nous adorons, en soy mesme et de soy mesme, et l'adoration absolue et independante, souveraine et supreme luy sera deuë: c'est Dieu seul qui est capable [329] de cest honneur, parce qu'il est seul en soy, de soy et par soy mesme excellent, ains l'excellence mesme.

  A002000945 

 L'honneur absolu subalterne n'est que pour les creatures intelligentes, lesquelles seules ont en soy la vertu [330] qui requiert l'honneur absolu, mais elles ne l'ont pas de soy, et partant il est subalterne.

  A002000945 

 L'honneur, donques, souverain et supreme est deu a Dieu, non seulement pour la perfection infinie qui est en luy, mais encor pour la maniere avec laquelle il l'a, car il l'a de soy mesme et par soy mesme.

  A002000951 

 De mesme, selon la premiere consideration, l'image de Nostre Seigneur est plus honnorable que le cors d'un martyr, d'autant qu'elle appartient a une infinie excellence, et le cors du martyr n'appartient qu'a une excellence limitee; mais selon la seconde consideration le cors du saint est plus venerable que l'image de Nostre Seigneur, [332] car encor que l'image de Dieu appartient a une excellence infinie, si luy appartient-elle presque infiniment peu, au prix de ce que le cors appartient de fort pres au martyr, duquel il est une partie substantielle qui ressuscitera pour estre faitte participante de la gloire.

  A002000951 

 La difference de leur adoration ne se prend pas du sujet auquel elles appartiennent, mais de la façon en laquelle elles luy appartiennent; elles appartiennent a un mesme sujet, mais non pas en mesme façon ains diversement, c'est ce qui en diversifie et rend differentes les venerations..

  A002000951 

 Par exemple, je veux mettre en comparaison l'image du prince avec le filz d'un amy: si je considere la qualité des excellences pour lesquelles j'honnore et l'un et l'autre, j'honnoreray plus l'image du prince que le filz de l'amy (je suppose que ce filz ne me soit respectable que pour l'amour du pere), parce que l'image du prince appartient a une personne qui m'est plus honnorable; mais si je considere le rang et degré d'appartenance que chacune de ces choses tient a l'endroit des excellences pour lesquelles on les honnore, j'honnoreray beaucoup plus le filz de mon amy que l'image du prince, car, bien que je prise plus le prince que le simple amy, si est-ce que l'image appartient incomparablement moins au prince que le filz a l'amy.

  A002000951 

 Pour donq donner le juste prix d'honneur respectif ou relatif qui est deu aux choses, il faut considerer et poiser l'excellence a laquelle elles appartiennent, et quant et quant le rang et grade d'appartenance qu'elles ont a l'endroit de ceste excellence.

  A002000954 

 Il faut donq accourcir encor ces deux noms par quelque addition; mais ou prendra-on ceste addition? Il la faut chercher en la qualité de l'excellence a laquelle vise l'adoration: si elle vise a l'excellence divine, il la faut appeller adoration relative de latrie, car l'honneur qui a pour son sujet la Divinité est appellé latrie; si elle vise a l'excellence surnaturelle creée, on l'appelle adoration relative de dulie, ou hyperdulie, selon le plus et le moins de l'excellence, car ainsy appelle-on l'honneur deu aux excellences surnaturelles; si l'adoration vise a une excellence purement humaine, elle se nommera adoration relative humaine, ou civile..

  A002000955 

 Qui voudra encor plus particulariser ces adorations, selon le divers rang de rapport et appartenance que la chose qu'il en veut honnorer tient a l'endroit de l'excellence a laquelle il vise, il le pourra faire aysement disant, par exemple: j'honnore telle chose d'adoration de latrie respective, comme relique, ou image, ou memorial, ou instrument de Jesus Christ.

  A002000956 

 Et n'y a celuy qui doive trouver estrange que ces menus honneurs imparfaitz et relatifz portent les noms des honneurs absolus et parfaitz de latrie, superdulie et dulie, car, comme pourroit-on mieux nommer les feuilles que du nom de l'arbre qui les produit et duquel elles dependent? Les choses que nous honnorons d'honneur relatif sont appartenances et dependances des excellences absolues; les honneurs que nous leur faisons sont aussi des appartenances et dependances des honneurs [334] absolus que nous portons aux excellences absolues.

  A002000956 

 La Croix est une appartenance de Jesus Christ, l'honneur de la Croix est appartenance de l'honneur de Jesus Christ; l'honneur de Jesus Christ s'appelle justement latrie, l'honneur de la Croix est une appartenance de latrie, c'est une feuille de ce grand arbre, c'est une plume de cest aigle qui vise droit au soleil de la Divinité.

  A002000956 

 Pourquoy appelle-on l'image de saint Claude, saint Claude, et le cors mort d'iceluy encores, sinon pour la relation et rapport que l'une et l'autre appartenance ont a ce Saint, vivant? De mesme peut-on appeller l'honneur deu au cors et image de ce Saint, du nom de l'honneur deu au Saint mesme, car autant de proportion que l'image ou le cors d'un saint homme a a la personne du saint propre, autant en a l'honneur deu au cors et a l'image d'un saint avec l'honneur qui est deu a la personne d'iceluy.

  A002000957 

 La rayson est parce que, selon la regle des logiciens, le mot qui signifie deux ou plusieurs choses, l'une principalement et directement, l'autre par similitude et proportion, estant mis a part seul et sans limitation il signifie tousjours la chose principalement signifiee: analogum per se sumptum stat pro famosiori significato.

  A002000957 

 Le docte Bellarmin le prouve suffisamment, quand il ne produiroit autre que le Concile septiesme general, qui determine clairement qu'il faut honnorer les images mais non pas de latrie, car ce qui se dit a ce propos des images appartient a toutes autres appartenances exterieures de Dieu; et certes, puysque l'honneur de latrie est le souverain, il n'est deu qu'a la souveraine excellence.

  A002000957 

 Que si j'ay tousjours dit qu'il ne falloit pas mesme dire simplement qu'on adoroit les creatures, sinon qu'on y employast des circonstances qui restreignissent la signification du mot adorer, d'autant qu'il panche plus a l'honneur de Dieu qu'a celuy des creatures, combien plus ay-je rayson de dire qu'il ne faut jamais mettre en usage le mot seul de latrie pour aucun autre honneur que pour celuy de Dieu seul, puysque ce mot de latrie a esté particulierement choisi et destiné a ceste seule signification, et ne peut meshuy avoir autre usage sinon par proportion et extension.

  A002000964 

 Les honneurs, donq, qui visent a Jesus Christ comme a leur principe et fin finale seulement, ne se peuvent ni doivent nommer en aucune façon latrie; mays ceux qui se rapportent a Jesus Christ comme a leur objet se peuvent et doivent appeller latrie, mays relative et imparfaitte.

  A002000964 

 Or, l'honneur de la Vierge et des Saintz a pour son objet leur propre excellence, qui se trouve reellement en leurs personnes, et partant il a son propre nom de dulie et hyperdulie, bien qu'il se rapporte par apres a Dieu comme a sa fin et a son principe.

  A002000970 

 » Or la mort et Passion est passee, Jesus Christ ne meurt plus, il ne souffre plus; on peut donq honnorer les choses absentes et qui ne sont point.

  A002000971 

 Tel fut l'honneur que l'antiquité rendoit a la Croix, souhaittant d'en avoir les petites pieces qui en furent esparses par tout le monde, au rapport de saint Chrysostome et saint Cyrille; pareil a celuy que saint Jean portoit aux soliers de Nostre Seigneur, qu'il s'estimoit indigne de manier, pareil a celuy qu'Helisee deferoit au manteau d'Helie, qu'il gardoit si cherement, et saint Athanase a celuy de saint Anthoine, et egal a celuy que tous les Chrestiens portent au tres saint Sepulchre de Nostre Seigneur, predit par le prophete Esaye en termes expres..

  A002000972 

 A ceste façon d'adorer et considerer la Croix, se rapportent presque toutes les plus solemnelles parolles, louanges et ceremonies qui se prattiquent en l'Eglise Catholique a l'endroit de la Croix; mais entre autres, tout le saint et devot hymne composé par le bon Theodulphe, ancien Evesque d'Orleans; voyons-le en toutes ses pieces, latin et françois:.

  A002000972 

 Car tout ainsy que la gloire de Nostre Seigneur, au jour de sa Transfiguration, espandit et communiqua ses rayons jusques sur ses vestemens qu'elle rendit blancz comme neige, de mesme, la latrie de laquelle nous adorons Jesus Christ crucifié est si vive et abondante, qu'elle rejallit et redonde a tout ce qui le touche et luy appartient: telle fut l'opinion de ceste pauvre dame qui se contentoit de toucher le bord de la robbe du Sauveur; ainsy baysons-nous la pourpre et robbe des grans.

  A002000972 

 Pour vray, aucun n'honnore le roy a cause de sa robbe, mays aussi aucun ne separe la robbe, du roy, pour adorer simplement la personne royale; on fait la reverence au roy vestu, et nous adorons Jesus Christ crucifié; l'adoration portee au Crucifix fait reverberation [340] et reflexion a la Croix, aux clouz, a la couronne, comme a choses qui luy sont unies, jointes et attachees: dont ceste adoration, ou plustost coadoration, estant un accessoire de l'adoration faitte au Filz de Dieu, elle porte le nom et appellation de son principal, ressentant aussi de sa nature.

  A002001014 

 Cil qui toute chair a creée..

  A002001023 

 Que Dieu, par le bois qui le serre,.

  A002001031 

 Heureux qui tins es bras pendu.

  A002001046 

 Ne disons-nous pas ordinairement: il appella cinquante cuirasses, cinquante lances, cent mousquetz, cent chevaux? n'appellons-nous pas, l'Enseigne d'une compaignie, celuy qui porte l'enseigne? Si parlans des chevaux nous entendons les chevaliers, si par les mousquetz, [342] lances, cuirasses, nous entendons ceux qui portent les mousquetz, lances et cuirasses, pourquoy par la Croix n'entendrons-nous bien le Crucifix? Ne parlons-nous pas souvent du Roy de France et du Duc de Savoye sous les noms de Fleur de lis et Croix blanche, parce que ce sont les armes de ces souverains Princes? pourquoy ne parlerons-nous du Sauveur sous le nom de la Croix, qui est sa vraye enseigne? C'est donq en ce sens qu'on s'addresse a la Croix, qu'on la salue et invoque; comme aussi nous nous addressons au siege et y appelions, pour dire qu'on appelle a celuy qui sied au siege.

  A002001046 

 Qui ne voit qu'en toutes ces parolles on considere la Croix comme un arbre auquel est pendant le pretieux fruit de vie, Createur du monde, comme un throsne sur lequel est assis le Roy des roys? C'est de mesme quand l'Eglise chante ce que le petit traitteur nous reproche: « O Croix qui dois estre adoree, ô Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as mérité de porter le talent du monde; doux bois, doux cloux portans doux faix... » C'est la version du traitteur, qui n'est pas, certes, trop exacte; le latin est plus beau: O Crux adoranda, o Crux speciosa, hominibus amabilis, sanctior universis, quæ sola digna fuisti portare talentum mundi; dulce lignum, dulces clavos, dulcia ferens pondera... Et ailleurs: Crux fidelis, inter omnes arbor una nobilis, nulla silva talem profert, fronde, flore, germine; dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus, sustinet; qui est une piece de l'hymne composé par le bon pere Fortunatus, Evesque de Poitiers.

  A002001050 

 D'autre part, il y a des signes qui ne representent ni signifient aucune chose naturellement, mays par l'institution et volonté des personnes, comme quand anciennement les commissaires de guerre ou contrerolleurs mettoyent le Thita, Θ, pour signe de mort, et le Thau, T, pour signe de vie:.

  A002001050 

 Il y a deux sortes de signes: car les uns representent et signifient naturellement, par la dependance, appartenance, rapport ou proportion qu'ilz ont a l'endroit des choses representees par iceux; ainsy les fumees et lesses des cerfz et sangliers, ou leurs foyes et traces, sont signes naturelz des bestes qui les ont jettees et faittes, par la dependance et rapport qu'elles ont avec icelles; ainsy la fumee est signe du feu, et l'ombre du cors.

  A002001054 

 ou quand Raab mit une cordelle rouge pendue a sa [344] fenestre, pour marque de la sauvegarde que les Israëlites devoyent a sa mayson: car quelle convenance ou proportion y a-il entre les choses signifiees et telz signes, qui se puisse dire naturelle? Je ne dis pas que ces signes ayent esté institués sans rayson ni mistere, mays je dis que de leur nature ilz n'avoyent aucun rapport a ce qu'ilz signifioyent, et qu'il a esté besoin que, par l'institution humaine, ilz ayent esté assignés et contournés a cest usage; la ou les signes naturelz, sans l'entremise d'aucune institution, par la naturelle liaison et proportion qu'ilz ont avec leurs objetz, ilz les signifient et representent..

  A002001056 

 Je maintiens donq que les Croix des Chrestiens n'ont autre naturelle signification que de la Passion de Jesus Christ, puysque les Chrestiens ne prisent autre image ou figure de croix, sinon celle en particulier qui est image de la Croix de leur Sauveur..

  A002001056 

 Mais comme je ne traitte ici que de la Croix de Jesus Christ, aussi n'entens-je parler d'autre figure de croix que de celle qui, particulierement et destinement, est employee a representer Jesus Christ crucifié.

  A002001056 

 Voyla l'honneur deu a la Croix comme signe naturel de nostre Sauveur souffrant et patissant pour nous, [345] auquel, pour l'affranchir de tous reproches, il a esté expedient de faire entrevenir l'institution du peuple Chrestien; car puysque la figure de la croix, selon sa nature, n'a nomplus de proportion a la Croix du Sauveur qu'a celle des larrons qui furent crucifiés pres de luy, ou de tant et tant de milliers de crucifix qu'on a fait mourir ailleurs et a autres occasions, pourquoy prend-on ainsy indistinctement les croix pour remembrances et signes naturelz de la seule Passion du Sauveur, plustost que des autres? Certes, je l'ay des-ja dit, il a esté besoin que l'institution du peuple Chrestien ait eu lieu en cest endroit, pour retrancher et accourcir la signification et representation que la figure de la croix pouvoit avoir naturellement, a ce qu'elle ne fust en usage pour autre que pour representer et signifier la sainte crucifixion du Redempteur; ce qui a esté observé des le tems de Constantin le Grand.

  A002001057 

 Autres fois on honnore l'ambassadeur en guise du roy, de l'honneur propre au roy, et lhors, a proprement parler, c'est le roy qui est honnoré en son ambassadeur, et non pas l'ambassadeur mesme, parce que proprement l'ambassadeur n'est pas le roy, il tient seulement lieu pour le roy, et le represente par la fiction et supposition que les hommes en font.

  A002001057 

 Car, qui ne voit en ceste celebrité le triomphe deferé non a l'image, mays a Nostre Dame representee par l'image? et de plus, ceste image representer la Vierge, non d'une simple representation selon sa portee naturelle, mays d'une representation instituee [347] par la fiction et estimation arbitraire des hommes? Ainsy voit-on ordinairement les effigies et images deshonnorees pour les malfaiteurs qu'on ne peut attrapper: on pend et brusle leurs representations en leur place, comme si c'estoit eux, et lhors le deshonneur ne se fait pas a l'image proprement, mays au malfaiteur au lieu duquel elle est supposee; aussi ne dit-on pas, on a pendu l'image de tel ou tel malfaiteur, mays plustost, on a pendu tel et tel en effigie, d'autant que telles executions ne se font sur les images sinon entant qu'en icelles on tient, par la fiction du droit, les malfaiteurs estre chastiés, desfaitz et punis..

  A002001057 

 Il y en a d'autres non moins a propos; comme celuy qui est recité par Nicetas Choniates, au Livre cinquiesme des gestes de l'empereur Manuel Comnenus, de l'image de Nostre Dame assise sur un char triomphal d'argent doré, et menee parmi la ville de Constantinople, en reconnoissance de la victoire obtenue sur les Pannoniens par l'Empereur, a la faveur de l'intercession de la glorieuse Vierge.

  A002001057 

 Par exemple: l'ambassadeur du roy est aucunes fois honnoré comme ambassadeur, et lhors il est luy mesme honnoré a proprement parler; car aussi, a proprement parler, il est ambassadeur, qui est la qualité pour laquelle on l'honnore, bien que ce soit en contemplation d'autruy, a sçavoir, du roy.

  A002001058 

 Et c'est ainsy, pour revenir au point, que l'image de la Croix, outre la naturelle qualité qu'elle a de representer Jesus Christ crucifié, qui la rend honnorable d'un honneur de latrie imparfaitte, outre cela, dis-je, elle peut estre destinee et mise en œuvre par le choix et fiction des hommes a tenir le lieu et la place du Crucifix, ou plustost de la vraye Croix entant que jointe au Crucifix: et consideree en ceste sorte, l'honneur et reverence qu'on luy fait ne vise proprement qu'au Crucifix, ou a la Croix jointe au Sauveur, et non a l'image de la Croix, qui n'a autre usage, en ce cas, que de prester son exterieure presence pour recevoir les actions exterieures deuës au Crucifix, au lieu et place d'iceluy qu'elle represente et signifie, et cela sert a l'exterieure protestation de l'adoration que nous faisons au Crucifix..

  A002001059 

 Et de fait, comme on attribue tous les honneurs des jours de la Nativité, Passion et Resurrection de Nostre Seigneur aux jours qui les representent [349] et tiennent leur place, selon l'institution des anniversaires et commemorations qu'on en fait, aussi fait-on pareilz honneurs a l'image de la Croix, quant a l'exterieur, qu'au Crucifix, mais ce n'est que pour commemoration, et en vertu de la supposition que l'on fait que l'image represente le Crucifix et soit en son lieu a la reception de ces ceremonies exterieures.

  A002001059 

 Et l'autre Apostre, aisné de saint Pierre: « Je te salue, o Croix, qui as esté dediee au cors de Jesus Christ, et ornee par les perles de son cors; o bonne Croix, qui as pris ta beauté et ton lustre des membres du Seigneur », et ce qui suit, au recit des prestres d'Achaïe.

  A002001059 

 Et qu'il soit ainsy, on use de paroles qui le descouvrent asses, car celuy qui fait le saint office chante: « Ecce lignum Crucis, Voici le bois de la Croix, auquel le salut du monde a esté pendu; » et on luy respond: « Venes et adorons.

  A002001059 

 Qui ne void que les croix ni de l'un ni de l'autre des freres n'estoyent pas la vraye Croix du Sauveur? et neanmoins ilz s'addressent a icelles ne plus ne moins comme si c'eust esté la mesme Croix de salut.

  A002001059 

 » Or on ne regarde point si l'image proposee est de bronze, ou d'argent, ou d'autre matiere, qui monstre asses que lhors qu'on l'appelle bois, c'est entant qu'on la presente au lieu et en guise de la vraye Croix.

  A002001060 

 On peut dire que la Croix est encor adoree, selon quelque exterieure apparence, quand on prie Dieu devant la Croix sans autre intention que de monstrer qu'on prie en vertu de la mort et Passion du Sauveur; mais on peut beaucoup mieux dire que cela n'est adorer la Croix ni peu ni prou, puysque ni l'action exterieure ni l'interieure n'est dressee a la Croix; ne plus ne moins que lhors que nous adorons du costé d'Orient, selon l'ancienne tradition, nous n'adorons en aucune façon l'Orient, mais monstrons seulement que nous adorons Dieu tout puissant, qui s'est levé a nous d'en haut pour esclairer tout homme venant en ce monde..

  A002001061 

 C'est pourquoy la bienheureuse Paule, adorant la vraye Croix qui estoit en Hierusalem de son tems, se prosternoit devant elle comme si elle y [350] eust veu le Sauveur pendant, au recit de saint Hierosme en son epitaphe.

  A002001067 

 Il ne sera donq que bon de le bien considerer touchant la prohibition qu'il contient, de ne faire similitude quelconque, qui est ce qui touche a nostre propos.

  A002001067 

 Tu ne te feras aucune idole taillee, ni similitude quelconque des choses qui sont au ciel en haut, ni en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras: car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux.

  A002001068 

 Ceste interpretation, donq, combat l'Escriture, l'Eglise, la nature, et n'est aucunement sortable aux paroles precedentes, qui defendent pluralité de dieux, a quoy la defense des images ne sert a rien, ni aux paroles suivantes, qui defendent l'adoration des similitudes, car a quoy faire defendre l'adoration, s'il n'est loysible de les avoir ni faire? si on defend d'avoir simplement aucune similitude, qu'est-il besoin d'en defendre l'adoration?.

  A002001069 

 Ceste opinion est plus notoirement contraire a l'Escriture que la precedente: car les Juifz et Mahometains ont au moins pretexte es motz du commandement, qui portent tout net qu'on ne face aucune similitude; mais ceux de ceste autre ligue ne sçauroyent produire un seul brin de l'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images es eglises qu'ailleurs.

  A002001069 

 Dieu proposa l'ornement des images en ce vieux Temple, a la veuë d'un peuple si enclin a l'idolatrie; qui gardera l'Eglise d'orner les siens des remembrances de la Croix et des glorieux soldatz qui, sous cest Estendart, ont abattu toute l'idolatrie? Aussi, certes, l'a-elle fait de tous tems; jamais elle n'eut temple (qu'on sçache) sans Croix, comme j'ay prouvé ci dessus.

  A002001069 

 Les Juifz ont au moins quelque escorce de l'Escriture a leur advantage en ce point, mais ceux ci, qui ne font que crier l'Escriture, n'en ont ni suc ni escorce, et neanmoins, qui ne les croira a leur parole ilz le proclameront [353] idolatre et antechrist.

  A002001069 

 Que si les eglises sont maysons du Roy des roys, les ornemens y sont fort convenables; le temple est image du Paradis, pourquoy n'y logera-on les portraitz de ce qui est en Paradis? quelles plus saintes tapisseries y peut-on attacher? Et outre tout cela, ceste interpratation, tant prisee par les novateurs, ne joint aucunement a l'intention de la loy qui veut rejetter toute idolatrie; car, ne peut-on pas avoir des idoles et idolatrer hors les temples aussi bien que dans iceux? Certes, l'idole de Laban ne laissoit pas d'estre idole, encor qu'elle ne fust en l'eglise ou Temple, ni le veau d'or aussi.

  A002001069 

 Voyla un grand exemple pour nous, qui le nous veut arracher des mains il doit apporter une grande authorité a garend; nostre exemple est en l'Escriture, il faut une aussi grande authorité pour nous en prohiber l'imitation, il ne suffira pas d'y apporter des discours.

  A002001070 

 III. Autres ont dit que par ceste defense les autres ressemblances ne sont rejettees, sinon celles qui sont faittes pour representer immediatement et formellement Dieu selon l'essence et nature divine.

  A002001071 

 Or telles images, a proprement [354] parler, doivent representer aux sens exterieurs la forme et figure des choses dont elles sont images, par la similitude qu'elles ont avec icelles: mais le sens exterieur n'est pas capable d'apprehender par aucune connoissance la nature de Dieu, infinie et invisible; et quelle forme ou figure peut avoir similitude avec une nature qui n'a ni forme ni figure, et qui est nompareille? Ce qui soit dit sans rejetter les images esquelles on represente Dieu le Pere en forme d'un viellard, et le Saint Esprit en forme de colombe ou de langues de feu; car elles ne sont pas images de Dieu le Pere, ou du Saint Esprit, a proprement parler, mais sont images des apparences et figures par lesquelles Dieu s'est manifesté, selon l'Escriture, lesquelles apparences et figures ne representoyent pas Dieu par maniere d'images, mais par maniere de simples signes.

  A002001072 

 Mays au bout de la, je dis que le commandement de Dieu a beaucoup plus d'estendue que ne porte ceste consideration; car, si ce commandement ne defend que les images de la Divinité, a quoy faire sera-il particularisé de ne faire similitude quelconque des choses qui [355] sont au ciel, en terre et es eaux? Item, qui adoreroit l'idole d'une chose creée, ne seroit-il pas idolatre, contre ce commandement? Donques, ceste interpretation n'est pas legitime ni sortable a la loy..

  A002001074 

 L'idolatrie gist en deux sortes d'actions: les unes sont interieures, par lesquelles on croit et reconnoit pour Dieu ce qui n'est pas Dieu; les autres sont exterieures, par lesquelles on proteste de l'interieur par les inclinations et sousmissions exterieures.

  A002001074 

 Les premieres actions peuvent estre sans les secondes, et semblablement les secondes sans les premieres; car celuy qui est affectionné aux idoles, quoy qu'il n'en face aucune demonstration, il est idolatre, et celuy qui volontairement adore ou honnore les idoles exterieurement, quoy qu'il ne leur aye aucune affection, il est idolatre exterieurement, et tant l'un que l'autre offense l'honneur deu a Dieu.

  A002001074 

 Que s'il est ainsy, comme je n'en doute point, ceste prohibition de ne faire aucune similitude se doit entendre non absolument et simplement, mais selon la fin et intention du commandement, comme s'il estoit dit: Tu n'auras point d'autres dieux que moy; tu ne te feras aucune idole, ni aucune similitude, a sçavoir, pour l'avoir en qualité de Dieu, ni les adoreras point ni serviras en ceste qualité-la; en maniere que tout ce qui est porté en ce commandement soit entierement rapporté a ce seul point, de n'avoir autre Dieu que le vray Dieu, de ne donner a chose quelconque l'honneur deu a sa divine Majesté, et en somme de n'estre point idolatre.

  A002001075 

 Car, si ce n'est qu'un seul commandement qui defende de ne faire semblance quelconque et de ne les adorer, il faut que l'une ou l'autre des deux parties qu'il contient soit la principale et fondamentale, et que l'autre se rapporte a elle, comme a son but et projet: que si l'une ne se rapportoit a l'autre et n'en dependoit, ce seroyent deux commandemens et non un seul.

  A002001075 

 Donques, la principale partie de ce commandement, qui est toute sa substance, son intention et projet, est la prohibition de n'adorer ni servir aux idoles et similitudes des choses creées; et l'autre prohibition, de ne les faire point, se rapporte a ne les adorer point ni servir, comme s'il estoit dit: Tu ne te feras aucune [357] idole ni semblance quelconque, pour les adorer et servir..

  A002001075 

 Or, je vous prie, quelle jugera-on estre la principale partie de ce second commandement (je parle ainsy pour eviter debat), ou ceste-ci: Tu ne te feras aucune idole taillee, ni similitude quelconque, ou celle-ci: Tu ne les adoreras ni serviras? Pour vray, on ne peut dire que la prohibition de ne faire aucune similitude soit le projet et but de tout le commandement, car a ce conte-la il ne faudroit avoir ni faire image quelconque, qui est une rage trop expresse.

  A002001076 

 Voyla le vray suc de ce commandement, ce qui se peut connoistre evidemment par les grans advantages que ceste interpretation tient sur toutes les autres, car:.

  A002001077 

 Elle est puisee tout nettement de la parole de Dieu, en laquelle ce qui est dit obscurement en un lieu a accoustumé d'estre dit plus clairement en un autre, notamment es articles d'importance et necessaires.

  A002001077 

 Or, ce qui est dit ici par reduplication de negative, Tu ne feras aucune idole, ni semblance quelconque, tu ne les adoreras ni serviras, est mis au Levitique purement et simplement, ainsy que nous le declairons, en ceste sorte: Vous ne vous feres aucune idole et statue, ni dresseres des tiltres, ni mettres aucune pierre insigne en vostre terre pour l'adorer.

  A002001078 

 Ceste interpretation joint tres bien a toutes les autres pieces non seulement du premier commandement, mays de toute la premiere Table, lesquelles ne visent qu'a l'establissement du vray honneur de Dieu; car elle leve toute occasion a l'idolatrie et a toute superstition qui peut offenser la jalousie de Dieu, sans neanmoins lever le droit usage des images, ni imposer a Dieu une jalousie desreglee et excessive, selon ce que j'ay dit en l'Avant-Propos..

  A002001079 

 Et comme ceste interpretation ne rejette aucunement le vray usage des images, en quoy les Juifz et Turcz errent, aussi rejette-elle et abolit tout usage des images, statues et similitudes qui est contraire a l'honneur de Dieu, non seulement es temples et eglises, ce qui ne suffit pas, comme pensent follement plusieurs novateurs, ni seulement des similitudes faittes pour representer la Divinité, qui ne suffit pas nomplus, comme estiment plusieurs autres, mais absolument [358] tout usage idolatrique: qui est le vray et unique projet de ce premier commandement..

  A002001080 

 L'idolatrie [intérieure] ne consiste pas a se representer en l'ame les creatures par les especes et images intelligibles, mais seulement a se les representer comme divinités; tout de mesme, l'idolatrie exterieure ne consiste pas a se representer les creatures par les ressemblances et images sensibles, mais seulement a se les representer comme divinités: si que, comme le commandement, Tu n'auras autres dieux devant moy, ne defend point de se representer interieurement les creatures, aussi la prohibition, Tu ne te feras similitude quelconque, ne defend pas de se representer exterieurement les creatures, mais de les representer pour Dieu en les adorant et servant; c'est cela seul qui est defendu, tant pour l'interieur que pour l'exterieur..

  A002001081 

 Et de plus, ceste interpretation est du tout conforme a la tres ancienne et catholique coustume de la sainte Eglise, laquelle a tousjours eu des images, notamment de la Croix, qui est autant a dire comme asseurer qu'elle est selon l'intention du Saint Esprit.

  A002001082 

 Car la Croix, prinse en la façon que la prennent les Catholiques, ne peut estre ni idole ni sujet d'idolatrie, tant s'en faut qu'elle le soit, idole n'estant autre que la representation d'une chose qui n'est point de la condition qu'on la represente, et une image fause, comme dit le prophete Habacuch, et l'apostre saint Paul: or, la Croix represente une chose tres veritable, c'est a sçavoir, la mort et Passion du Sauveur; et ne la fait-on pas pour l'adorer et servir, mais pour adorer et servir en icelle et par icelle le Crucifix, suivant le vray mot de saint Athanase: Qui adorat imaginem, in illa adorat ipsum Regem.

  A002001082 

 De mesme, que l'on honnore la Croix en tout et par tout, puysqu'on ne l'honnore que pour tant plus honnorer Dieu; que toute la veneration qu'on luy porte est relative et dependante, ou accessoire, a l'endroit de la supreme adoration deuë a sa divine Majesté; que ce n'est qu'une branche de ce grand arbre: cela n'est en façon quelconque defendu, puysque ceste semblance et figure n'est pas employee a l'action pour laquelle les similitudes sont prohibees, qui est l'idolatrie.

  A002001082 

 Que l'on ayt, donques, des images de la Croix aux champs, es villes, sur les eglises, dans les eglises, sur les autelz; tout cela n'est que bon et saint, car estant fait et institué et prattiqué pour la conservation de la memoire que nous devons avoir des benefices de Dieu, et pour honnorer tant plus sa divine bonté, ainsy que j'ay monstré tout au long de ces Livres, il ne sçauroit [359] estre defendu en la premiere Table, qui ne vise qu'a l'establissement du vray service de Dieu et abolissement de l'idolatrie.

  A002001085 

 C'est pourquoy, ayant rencontré en ses Commentaires sur Josué une grande et claire confession en faveur du juste usage des images, je l'ay voulu mettre en ce bout de livre, a fin qu'on connoisse combien la verité de la creance Catholique est puissante, qui s'est eschappee et levee des mains de ce grand et violent ennemy qui la detenoit en injustice.

  A002001085 

 Il n'y en a point qui ayt contredit a la sainte Eglise avec tant de vehemence et chagrin que celuy-la, ni qui en ayt recherché plus curieusement les occasions, et sur tout touchant le point des images.

  A002001086 

 A quoy les deux tribus et demy firent response qu'ilz craignoyent qu'a l'advenir la posterité des autres tribus ne voulust forclorre leurs enfans de l'acces du vray autel qui estoit en Canaan, sous pretexte de la separation que le Jordain faisoit entre l'habitation des uns et des autres, d'autant que l'une estoit deça et l'autre dela laditte riviere.

  A002001086 

 Calvin traduit ainsy, et sur l'excuse des deux tribus et demy fait ce commentaire: « Neanmoins si semble-il qu'il y a eu encor quelque faute en eux, a cause que la Loy defend de dresser des statues de quelque façon qu'elles soyent: mays l'excuse est facile, que la Loy ne condamne nulles images sinon celles qui servent de representer Dieu; ce pendant, de lever un monceau de pierres en signe de trophee, ou pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou pour reduire en memoire quelque [362].

  A002001086 

 Les Israëlites qui estoyent demeurés en Canaan eurent nouvelles de l'edification de cest autel, et douterent que les Rubenites, Gadites et ceux de la my-tribu de Manassé ne voulussent faire schisme et division en la religion, d'avec le reste du peuple de Dieu, au moyen de cest autel.

  A002001087 

 enefice de Dieu excellent, la Loy ne l'a jamais defendu en passage quelconque, autrement et Josué et plusieurs saintz Juges et Roys qui sont venuz apres luy se fussent souillés en une nouveauté profane.

  A002001088 

 Ce Commentaire est considerable, car ce fut la derniere besoigne de son autheur (comme dit Beze en sa preface sur iceluy), et qui le represente le mieux, et partant ce qu'il y a dit doit prevaloir contre tout ce qu'il a dit en ses autres escritz, inconsiderement et eschauffé au desbat qu'il avoit suscité.

  A002001096 

 Ce sont des pointz qui rendent suspecte, ains convaincue d'attentat, toute la procedure des censures que les reformeurs font contre nous qui sommes Catholiques, auxquelz ilz sont inferieurs en tant et tant de façons, et si notoirement..

  A002001096 

 Les Catholiques sont en une ferme et indubitable possession du tiltre de vraye Eglise, tabernacle de Dieu avec les hommes, autel sur lequel seul l'odeur de suavité est aggreable a Dieu; les novateurs qui ne font que naistre de la terre, comme potirons, n'en ont qu'une vaine et fade usurpation.

  A002001096 

 Les Catholiques, qui sont les accusés, sont le tige et cors de l'Eglise; les novateurs ne sont que branches taillees et membres retranchés, 2.

  A002001096 

 Mais si nous considerons nostre condition, de nous qui sommes Catholiques, et celle des novateurs qui nous accusent si asprement, nous verrons que tout y va a contrepoids, 1.

  A002001097 

 L'erection des remembrances et similitudes servit d'occasion a l'une et a l'autre accusation: a l'une, l'erection de la similitude de l'autel de la Loy, a l'autre, l'eslevation de la remembrance de l'autel de la Croix; mays il y a cela a dire entre l'une et l'autre erection, que l'erection de la similitude de l'autel de la Loy estoit une œuvre notoirement nouvelle, qui, partant, meritoit bien d'estre consideree comme elle fut avec un peu de soupçon, et que l'approbation d'icelle fust precedee d'un bon examen; mays l'erection de la similitude de l'autel de la [365] Croix, prattiquee de tous tems en l'Eglise, portoit par son antiquité une ample exemption de toute censure et accusation..

  A002001099 

 Tout au contraire, les reformeurs qui sont nos accusateurs, quoy que notoirement inferieurs, 1.

  A002001099 

 renversans, brisans et rompans, de leur propre authorité, les Croix dressees, sans autre examen de la droitte pretention ni du droit pretendu de ceux qui les avoyent eslevees; 4.

  A002001101 

 Les dix tribus n'avoyent autre projet que d'empescher le schisme et division, ce fut la charité qui les poussa a cest office de correction.

  A002001101 

 Qui pourra asses louer le zele qu'ilz font paroistre en l'offre qu'ilz font a ceux qu'ilz veulent corriger? Que si la terre de vostre possession est immonde, passes en la terre de la possession de l'Eternel, en laquelle le tabernacle de l'Eternel a sa demeurance, et ayes vos possessions entre nous, et ne vous rebelles point etc.

  A002001102 

 Et quant au point particulier dont il est question, ilz ont fait voir clairement qu'ilz n'ont esté portés d'autre affection au brisement et destruction des Croix de pierre et de bois, que pour ravir et envoler celles d'or et d'argent, renversans l'ancienne discipline Chrestienne qui ne donne prix a la Croix que pour la figure, puysqu'ilz ne la prisent que pour la matiere..

  A002001103 

 La charité les pousse egalement a se formaliser sur l'erection de l'autel nouveau et a recevoir l'excuse de ceux qui l'avoyent erigé; le cas neanmoins estoit extremement chatouilleux en cas de religion, la separation des habitations rendroit le soupçon du schisme fort juste: mais, charité est toute patiente, ell'est benigne, elle ne pense point mal, elle ne se plaist point sur l'iniquité, mais se complaist a la verité, elle croit tout, elle espere tout..

  A002001104 

 Il n'y a excuse qu'ilz n'accusent, il n'y a rayson qui les paye.

  A002001111 

 Ce sont ennemis implacables; leur cœur est de bouë, la clairté l'endurcit; il n'y a satisfaction qui les contente; si on ne se rend a la merci de leur impiteuse correction, la rage de leur mal-talent ne reçoit aucun [369] remede.

  A002001112 

 Plantés donq sur nos genoux, liés avec les bras de la sainte meditation, liés, dis-je, et noués au pied de cest arbre, o Catholiques mes Freres, plus les paroles, les escritz, les deportemens de nos accusateurs respireront une haine irreconciliable a l'endroit de la Croix et de ses devotz, plus de nostre costé devons-nous souspirer chaudement pour eux, et crier de tout nostre cœur a Celuy qui pend aux branches, pour feuille, fleur et fruit, Seigneur, pardonnes-leur, car ilz ne sçavent ce qu'ils font:.

  A002001119 

 C'est ce que j'ay desiré faire en cest escrit pour les simples qui en ont plus de besoin, aussi leur cœur plus tendre et humide pourra peut estre bien recevoir l'impression du signe de la Croix d'une si foible main comme est la mienne, la ou les cœurs de pierre et de bronze de ceux qui pensent estre quelque chose ne presteroyent jamais sinon au ciseau et burin de quelque plus ferme ouvrier.

  A002001119 

 Il n'y a glace qui ne fonde a tel vent, ni telle amertume qui n'adoucisse au plonger de ce bois.

  A002001119 

 Que si mon insuffisance et lascheté me prive de tout autre gain, au moins auray-je ce bon heur d'avoir combattu pour le plus digne Estendart qui fut, est, et sera, et qui est le plus envié du monde..

  A002001120 

 L'enseigne de la Croix ne fut pas plus tost desployee, qu'elle fut exposee a la contradiction des Juifz, heretiques et perfides, desquelz parlant saint Paul: Plusieurs, disoit-il, cheminent, desquelz je vous parlois bien souvent, et maintenant je le dis en plorant, ennemis de la Croix de Jesus Christ. C'estoyent des reformeurs qui estimoyent indigne de la personne du Filz de Dieu qu'il eust esté crucifié, ainsy que le grand cardinal Baronius deduit doctement et au long en ses Annales.

  A002001137 

 Encor quil sache que les placquars quil veut combattre, ne demandent autr'honneur pour la Croix que a cause de la representation quelle fait de Nostre Seigneur, et par consequent un honneur respectif et qui se rapporte ailleurs, si ne laisse-il pas de dire, pag 5 et 6, que ces placquars contiennent choses idolatriques, que nos precheurs prechent l'idolatrie..

  A002001137 

 L'autre partie, reconnoissant fort bien que nous ne recognoissons qu'un seul Dieu et que lhonneur que nous portons a la Croix est tout autre que celuy qui est deu a Dieu, ne laissent pour cela de crier que nous sommes idolatres.

  A002001139 

 il nous veut prendre par un autre biais: « Quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur a un seul Dieu et a son Filz, et en departir une portion a aucun homme, ou a la Croix materielle, ou a creature qui soit.

  A002001139 

 » Par ou il semble vouloir dire, qu'encor que nous adorions Jesuschrist et le reconnoissions pour seul Dieu avec le Pere et le S t Esprit, nous ne laissons pas d'estr'idolatres disans: Seigneur nous adorons ta Croix, qui sont, dit-il, paroles blasphematoires..

  A002001140 

 Quelques uns ont dit que la vraye Croix, qui avoit touché au cors de Jesuschrist, devoit estr'adoree de latrie ou pour le moins d'hiperdulie, mais que les autres croix devoyent estre servies de lhonneur de dulie; cest a dire, que la vraye Croix devoit estre reveree de lhonneur deu a Christ, et les autres croix devoyent estr'honnorees de lhonneur que les serviteurs doivent a leurs maistres: et c'est la belle resolution du present second placquart.

  A002001143 

 Par ou lon void que le mot d'adorer s'employe pour toute sorte de reverence qui se fait a Dieu, aux Anges, aux hommes saintz, aux hommes non saintz, et aux creatures inanimees; mais ce seul lieu de Paralipom.

  A002001144 

 de Civit. c. 1, et epist. 59, ad Deogratias; et neanmoins a qui considerera de pres la maniere de parler de l'Escriture et des Anciens, il verra que le mot d'adorer panche un peu plus a la signification de lhonneur deu a Dieu seul, que non pas aux autres.

  A002001145 

 : Invenit Helena Crucem Domini; Regem adoravit, non lignum utique, quia hic gentilis est error, sed adoravit illum qui pependit in ligno.

  A002001146 

 Arianos: Creatura creaturam non adorat. Et le mesme, lib. de Virginitate: Si homo justus ædes tuas intraverit, cum timore et tremore occurrens illi adorabis humi ad pedes illius, non enim eum sed Deum adorabis qui illum mittit..

  A002001148 

 in Gen., que il n'est pas dit: Tu adoreras le seul Seigneur ton Dieu, mays ouÿ bien: Tu serviras au seul Seigneur ton Dieu, ou au grec le mot de latrie est employé, qui signifie un service deu a Dieu seul.

  A002001149 

 Si que entre toutes les sortes d'honneur, l'adoration est la plus excellente, et entre toutes les adorations celle-la qui se fait a Dieu est incomparablement la plus digne (dont Anast., Episc. Theopoleos, act. 4 a 7 æ sinodi, dit qu'ell'est, Emphasis seu excellentia honoris ), ains si digne qu'au prix des autres elle seule s'apell'adoration.

  A002001150 

 Or en fin, comme que ce soit, parmi le vulgaire du Christianisme ce mot d'adorer ne se rapporte qu'a lhonneur qui est deu a Dieu, qui sera cause que nous le laisserons a ce seul usage comm'au principal; et parlans de lhonneur deu aux creatures nous mettrons en œuvre des motz plus communs et d'indubitable signification, ou moins douteuse, comm'est honnorer, reverer, venerer et semblables..

  A002001151 

 Et partant, comme l'honneur n'est que le tesmoignage de l'excellence de quelqun en general, aussi l'adoration n'est que le tesmoignage d'un'excellence advantageuse et superieure, a l'endroit de celuy qui adore..

  A002001151 

 On cest'excellence, de laquell'on rend tesmoignage par l'honneur, est advantageuse a celuy que nous honnorons, sur nous, et lhors nous le pouvons, ains devons, adorer, puysque la rayson veut que nous nous reconnoissions et faisions profession d'estr'inferieurs a ceux qui ont quelque advantage d'excellence et eminence sur nous.

  A002001151 

 Or cest'excellence peut estre de deux sortes: car, ou c'est un'excellence qui ne rend celuy qui la possede advantageux ou superieur sur celuy qui le veut honnorer, et lhors il ni a lieu que pour le simpl'honneur et ne se peut former aucun'adoration; tel est l'honneur que s'entreportent les gens de bien les uns aux autres, comme, par exemple, S t Basile a S t Gregoire Naz., tesmoin Eustratius sur le p r chapitre du 9 des Ethiques, selon le dire de l'Apostre: Honore invicem prævenientes, Ro.

  A002001152 

 Dei, c. 1, Latria, secundum consuetudinem qua locuti sunt qui nobis Divina eloquia condiderunt (basti), aut semper aut tam frequenter ut pæne semper, ea dicitur servitus quæ pertinet ad colendum Deum..

  A002001152 

 Si l'excellence surpasse infiniment, comme fait la [376] Divine, l'adoration est absolue et sauverayne, qui ne peut jamais estre trop humble et reconnoissante, et est apellee latrie: car, comme dit S t Aug., l. 10 de Civit.

  A002001153 

 Car ayans remarqué que le mot grec de dulie s'appliqu'indifferemment au service de Dieu et des creatures, et que le mot de latrie, comme dit le grand S t Aug. en plusieurs endroitz, n'est presqu'appliqué qu'au service de Dieu, ilz ont appellé le service deu a un seul Dieu, latrie, et celuy qui se peut rapporter aux creatures, dulie.

  A002001154 

 est la principale et formelle: car la premiere est bien souvent sans adoration, comm'es Diables, qui, reconnoissans la majesté de Dieu, ne l'adorent pourtant pas ains s'opposent tant quilz peuvent a son excellence, et ceux desquelz parle S t Pol, Rom. 1, qui, connoissans Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu; la troysiesme peut estre faitte par mocquerie et hipocrisie; la seule seconde est tousjours vraÿe adoration..

  A002001155 

 Il s'ensuit de ce qui a esté deduit jusques a præsent, 1.

  A002001155 

 qu'autre que la creature ne peut adorer; car Dieu qui ne peut rencontrer hors de soi aucune excellence qui soit advantageuse sur luy, ains devance de l'infinité toute autre perfection, il ne peut adorer chose quelqu'onque.

  A002001156 

 Mays la vertu pour laquell'on reçoit honneur n'est pas tousjours nostre, ains bien souvent d'autruy: comm'on honore les superieurs quoy que mauvais, pour la vertu de Dieu et de la republique de laquell'ilz tiennent le lieu; ainsy les peres et maistres sont honnorables pour la participation quilz ont de la dignité de Dieu qui est supreme Pere, principe, recteur et Seig r; ainsy les vieux, parce que la viellesse est un signe de sagesse, comme tesmoignant de l'experience; ainsy les riches, comm'ayans un bon instrument pour ayder et conserver la republique.

  A002001156 

 Puys on honnore encor les autres excellences qui sont ou comm'instrumens, ou comme des acheminemens a la vertu.

  A002001158 

 Il s'ensuit encor que la creature irraysonnable n'estant capable d'aucun honneur puysqu'elle ne peut estre ni vertueuse ni bonteuse, si on l'honnore on ne la doit honnorer pour ce qui est d'elle mesme ni pour son propre estoc, mais comm'appartenance, instrument, signe ou acheminement de la vertu ou du vertueux.

  A002001159 

 Or ces choses qui n'ont aucun motif en elles mesme pour estre honnorees sinon le rapport qu'elles ont a Dieu ou aux creatures intelligentes et vertueuses, ces choses, dis je, peuvent estr'honnorees en diverses sortes.

  A002001160 

 Ainsy la chaire, l'espee, les armes du pere seront comme certains messagers qui remettront le pere en la memoyre du filz, et cependant le filz laissera-la toutes ces choses, et ne pensant plus qu'au pere, l'honnorera de tout son cœur, [et] luy reservera toutes les caresses.

  A002001160 

 Et lhors ces choses seront comme les fourriers, qui ayans conduitz les autres au logis en sortent eus mesme et ni arrestent plus..

  A002001160 

 il se peut faire qu'une chose appartenante a un ami nous fera simplement resouvenir de celuy a qui ell'appartient, et partant sera cause par ce souvenir qu'elle reveille en nous, que nous honnorerons celuy a qui ell'appartient; et lhors, si l'on dit que nous honnorons ceste chose la, ce sera parler fort improprement, car toute nostre intention s'addresse a l'amy, et non a la chose qui luy appartient, laquelle, ayant remis l'amy dedans nostre memoyre, luy quitte la place en sortant elle mesme, de façon que bien souvent nous ne pensons plus a elle, tant s'en faut que nous l'honnorions.

  A002001161 

 Ce qui se resoult a ceste explication: Mon pere pouvoit estre icy; s'il y estoit, comme je l'honnorerois..

  A002001164 

 « L'excuse est facile, que la Loy ne condamne nulles images sinon celles qui servent de representer Dieu; ce pendant, de lever un monceau de pierres en signe de trophee, ou pour tesmoignage d'un miracle qui aura esté fait, ou pour reduire en memoire quelque benefice de Dieu excellent, la Loy ne l'a jamais defendu en passage quelconque.

  A002001172 

 En voyla asses pour mon dessein, mais il semble qu'une solemnelle objection demeure encor sus pied, qui peut arrester le cours de la creance Catholique.

  A002001172 

 Mettons donq au net la prohibition divine en ses termes: Tu ne te feras aucune statue, ni toute similitude qui est au ciel en haut, et en la terre a bas, ni des choses qui sont es eaux sous terre, tu ne les adoreras ni serviras: car je suis le Seigneur ton Dieu, fort, jaloux, et ce qui suit.

  A002001173 

 Premierement, je ne doute point que ceste prohibition ne soit une piece et appartenance du premier commandement, qui porte: Tu n'auras point de dieux estrangers devant moy, et partant je ne conte pas ceste prohibition pour second commandement, mais pour une partie du premier, auquel est [379] defendue l'idolatrie tout entiere: car l'idolatrie parfaitte git en deux sortes d'actions, interieures et exterieures; les interieures sont defendues par la premiere partie de ce premier commandement, qui porte: Tu n'auras point de dieux estrangers devant moy; les exterieures sont rejettees par les paroles suyvantes: Tu ne te feras aucun idole ou statue, et ce qui s'ensuit.

  A002001174 

 Que si neanmoins quelqu'un veut opiniastrement debattre que la seconde defense proposee en ce premier chef des commandemens, Tu ne te feras aucune statue, et ce qui suit, soit un commandement a part et separé, qui face non une seconde partie du premier commandement, mais un second commandement de la premiere Table, pour ne m'entretenir hors de mon dessein a le convaincre par rayson, je diray seulement qu'au moins ne sçauroit on nier que la defense de ne faire aucune similitude ou statue ne soit un mesme commandement avec ce qui s'ensuit: Tu ne les adoreras ni serviras, et n'aÿe rapport a ce premier point: Tu n'auras aucuns dieux estrangers devant moy.

  A002001176 

 Par nature on fait l'image de soymesme aux yeux de ceux qui nous voyent, es verres, es eaux, en l'air, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001177 

 Car, quand a l'Escriture, les Talmudistes et semblable canaille se couvrent au moins des motz d'icelle, qui portent tout a plat qu'on ne face aucune similitude; mais ceux de cest'autre ligue ne sçauroyent produire un seul brin d'Escriture qui porte qu'il soit moins loysible d'avoir des images aux temples ou eglises qu'ailleurs.

  A002001177 

 Et pour vray, la rayson naturelle monstre que si les eglises sont maysons du Roi des roix, les ornemens y sont tres convenables, et si elles sont maysons du Saint des Saintz, les ornemens y doivent estre les plus saintz; or plus saintz ornemens n'y peut on mettre que les representations des choses saintes; le temple est image du ciel, pourquoy ni logera-on les images de ce qui est au ciel?.

  A002001177 

 Les Juifz n'ont nomplus le suc de l'Escriture que ceux ci, mais ilz ont pour le moins l'escorce touchant ce point; et ceux ci, qui ne font que crier l'Escriture, n'en produisent ni suc ni escorce, mais avancent leur volonté comme parole de Dieu, et qui ne les croira ilz le proclameront antichrist.

  A002001177 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, et celles des vaches, lions et grenades, estoyent anciennement, sinon dans le Temple? et quand aux Cherubins, au lieu du Temple le plus sacré et considerable, Voyla [380] un exemple signalé pour nous; qui le nous voudra ravir, il faut quil apporte une grande authorité a garend, il ne suffira pas de faire des discours; nostre exemple est en l'Escriture et de Dieu, il faut l'Escriture ou l'Eglise pour nous en oster l'imitation.

  A002001177 

 Si Dieu voulut ainsyn orner ce vieux Temple a la veuë d'un peuple si sujet a l'idolatrie, qui gardera l'Eglise d'orner les siens des images de la Croix et de ceux qui sous ce saint Estendart ont renversé toute l'idolatrie? Aussi certes l'a-elle fait de tous tems, et ne sçauroit on monstrer que les Chrestiens ayent eu jamais des eglises ou temples qu'elle ny aye eu des Croix et autres images, comme j'ay suffisamment prouvé ci dessus.

  A002001178 

 Il y en a d'autres qui ont dit que, par ceste prohibition, autres images ou similitudes n'estoyent defendues sinon celles qui servent de representer Dieu selon la nature de sa Divinité: et je m'y accorde simplement et purement, s'ilz rejettent les images qu'on feroit pour representer la propre forme et essence Divine immediatement; car Dieu estant infini et invisible il ne sçauroit estre representé par les choses visibles immediatement et formellement.

  A002001178 

 Or, tout ce qui est signe n'est pas image, quoy que ce qui est image soit signe: ainsin la colombe et les feux descendans estoyent signes, non image du Saint Esprit; ainsi quand les Anges parloyent en forme d'homme, ceste forme la estoit signe, non image de l'Ange.

  A002001178 

 Quelle forme peut avoir aucune convenance avec Celuy qui n'a aucune forme? Et toutes les images que l'on fait de Dieu le Pere et du Saint Esprit ne servent a autre qu'a representer les figures et formes sous lesquelles et par lesquelles il s'est manifesté selon l'Escriture, lesquelles formes et figures ne représentoyent pas Dieu selon sa Divinité par maniere d'images et statues de Dieu, mais par maniere de simples signes.

  A002001178 

 Si donques on dit que le commandement de Dieu rejette les images qui seroyent faittes pour représenter au sens exterieur la Divinité, comme c'est le propre des images de représenter leurs propres objetz, je suys de cest advis-la, laissant neanmoins le bon usage des images qui représentent les apparitions Divines, ou quelque proprieté de sa Divine Majesté par quelque misterieuse et secrette signification.

  A002001178 

 est interrompue; ici se termine tout ce qui a pu en être retrouvé.] [381].

  A002001188 

 Ce commandement divin est une figure qui represente la vertu du signe de la Croix: car Thau se peint en ceste sorte, T. Pour monstrer la vertu de ce signe, S. Athanase dit, au livre de l' Incarnation, que le signe de la Croix chasse tous enchantemens et sorceleries et les rend de nulle valleur.

  A002001188 

 Justin Martyr, voisin des Apostres, qui vivoit l'an 150, en la question 118, monstre comme de son temps on faisoit [406] le signe de la Croix.

  A002001188 

 Le signe de Thau, en Ezechiel, c. 9, et en l'Apocalypse, c. 7, qui estoit escrit au front des gemissans pour les garder de mal, signifie la Croix et benediction que l'on met au front des croyans; ainsi que tesmoignent S. Cyprien fort voysin des Apostres, livre 1.

  A002001188 

 S. Basile le Grand qui vivoit il y a plus de douze cens ans, au liv. du S. Esprit, c. 27, monstre que les Apostres ont apprins à faire le signe de la Croix et qu'eux le faisoient.

  A002001194 

 Concile de Nicene, action 4: « Pendant que les deux bois sont conjoincts, nous adorons la representation à cause de Jesus Christ qui y a esté crucifié, mais les deux bois separez, nous les rejettons, voire bruslons.

  A002001194 

 De sorte qu'ayant le Sauveur souffert si volontairement, il rapporta de sa Croix tres grande gloire et consolation, ayant vaincu Satan et rachepté l'homme; ce qui engloutit et surmonte infiniment toute la douleur et ignominie soufferte.

  A002001194 

 Et puis en icelle, comme dit sainct Athanase, docteur Grec (qui vivoit l'annee 340 apres Jesus Christ), en la question 41.

  A002001194 

 Il est bien vray que mourant pour Dieu ou la patrie, la mort en est glorieuse; en memoire de laquelle on pourroit en honnorer les instruments: sur tout si cela avoit causé quelque grand bien, comme a faict la Croix, vray autel du souverain sacrifice qui est Jesus Christ, selon sainct Paul, Heb. c. 7, et Colloss.

  A002001194 

 Sedulius, ancien autheur Chrestien, qui vivoit il y a plus d'onze cens ans, dit: Neve quis ignoret speciem Crucis esse colendam.

  A002001194 

 chap.: Adonc apparoistra au ciel le signe du fils de l'homme; où sainct Chrisost., homilie 77 [in Matt.], sainct Augustin, sermon 130 de Tempore, sainct Hierosme, sainct Hilaire et autres sur sainct Matthieu, interpretent cela de la Croix, qui apparoistra comme l'Estendard divin au jour du jugement.

  A002001194 

 sur Josué, lict, « triomphant d'eux au bois de la Croix », et le Grec s'y rapporte bien qui est: ἐυ αὐτῷ (i. e. σταυρῷ).

  A002001194 

 » Bois qui apporta, certes, douleur et ignominie au Sauveur, mais si honnorable et glorieux que le Sainct Esprit l'a fait celebrer par plusieurs figures et propheties au vieil Testament.

  A002001201 

 Partant, S t Gregoire de Nice, qui vivoit en Grece l'an de nostre Seigneur 380, escrit que sainte Macrine, sa seur, et S t Basile portoient sur eux une Croix avec fort grande reverence.

  A002001216 

 S t Cyrille Alexandrin, qui vivoit l'an 430, liv. 6.

  A002001216 

 contre l'Empereur Julien l'Apostat lequel se moquoit des Chrestiens qui adoroient la Croix, les soustient, et dit: « Le bois de salut nous remet en memoire et souvient des benefices receus de Jesus Christ, et nous incite a penser que, comme saint Paul dit, Luy seul est mort pour tous et est resuscité.

  A002001217 

 a Antioche, dit: « Nous pouvons monstrer que nous n'adorons pas le bois, mais la representation, si nous separons les deux bois qui font la Croix, et alhors n'y ferons plus honneur.

  A002001223 

 Il contiendra environ 24 feuilles in 12, de la lettre de Cicero que nous appelions, qui est celle dont les Extraits de la dispute du P. Cherubin sont imprimez; et l'impression en coustera pour le moins 68 fl. S'il vous plaist donc, vous m'en escrirez, et si j'ay moyens, je le pourroy mettre sur la presse à la prochaine feste de Toussaincts.

  A002001223 

 Je ne vous representeray point d'avantage l'affection que je vous ay particuliere, qui me feroit courir à toute bride en l'execution de vostre vouloir de tout mon possible.

  A002001223 

 Que si vous pouviez retrouver quelque librayre en cette ville qui le voulut faire imprimer à ses despends, je vous promets d'y fournir mon industrie et l'ortographe, car il ne l'est aucunement, et y rapporter tout ce que doit celuy qui est et sera tousjours.

  A002001236 

 Et une chose miraculeuse est advenue contre ces brise-croix, que tous ceux qui premiers mirent leurs mains sacrileges sur les bois, pierres et autres matieres, tant dedans que hors les eglises, veuillant faire perdre la memoire de la mort et Passion de nostre Sauveur, en moins de trois ans, et aux mesmes jours qu'ils commirent cest execrable crime de leze majesté Divine, se sont trouvez morts et estouffez, privez de toute sepulture, ayde et consolation, soit de leurs confreres ou autres, et n'est demeuré et resté en terre aucun de leur race et progenie: Vultus autem Domini super facientes mala, ut perdat de terra memoriam eorum.

  A002001236 

 Si ceux de Geneve vouloyent confesser la verité, ils trouveroyent, aux cayers et registres de leur maison de ville, les noms, surnoms, d'aages, qualitez et demeurances de ceux qui firent la revolte et defection et forfaits; [et les] supputateurs du temps que les autheurs et instruments de l'apostasie ont vescu apres, [verraient qu'] ils ne furent triennaux possesseurs de leurs impietés et meschancetez; la memoire desquels et de tous les leurs, ascendants, descendants et collateraux, dans les trois ans fut esteincte et faillie, et justo Dei judicio; et si l'on pouvoit recouvrer un livret qui en a esté fait par le feu Cardinal Sadolet, intitulé: Prodigiosissima portenta civitatis Genevæ, post repudiationem et abdicationem Catholicæ et Orthodoxæ religionis, l'on y liroit des choses tres espouvantables et tres-veritables..

  A002001238 

 Sur ce que le mesme Calvin prend à garent et pour tuteur de son impieté sainct Ambroise, c'est une fausseté; car ce grand Archevesque et Evesque de Milan (en son troisiesme tome), De obitu Theodosii, se conformant avec toute l'antiquité pour l'adoration de la Croix, dit: Invenit Helena titulum; Regem adoravit, non lignum utique, quia hic gentilis est error et vanitas impiorum, sed adoravit illum qui pependit in ligno, scriptus in titulo, etc..

  A002001239 

 L'imposteur et trompeur a voulu dire que si tous les morceaux de la saincte Croix estoyent amassez et reduicts en un gros monceau, il y auroit la charge et voyage d'un navire; et encores que ladicte Croix pouvoit estre portee par un seul homme, que trois cents ne seroyent forts et puissants pour la porter; que les superstitieux [414] ont prins ce pretexte de controuver que les pieces qui en sont esté levees n'ont partant diminué ni amoindri le poids et gros corps de ladicte Croix..

  A002001240 

 Or, Calvin, s'il se faut arrester à la seule escorce et superficie de la lettre Evangelique, les Catholiques et heretiques conviennent au texte de l'Evangile: Qui vult venire post me, abneget semetipsum, tollat crucem Christi et sequatur eum.

  A002001240 

 Tous ceux qui suyvent Nostre Seigneur et ont porté et portent sa Croix, tant vifs que morts, sont plus de milliers et millions qu'il n'y a de vingtaines en trois cents; une seule navire, voire tous les vaisseaux des mers, ni les basteaux de toutes les rivieres du monde ne les pourroyent comprendre et contenir: il s'ensuit donques qu'il n'y a reliquiaire plus copieux et abundant que la saincte Croix; ce que ledict Calvin allegue commentum.

  A002001241 

 Quand aux autres choses qui sont esté instruments de sa mort et Passion, comme les cloux, couronne, lance et autres, nous ne les adorons aucunement de l'adoration de Latrie comme la Croix, pource que ces choses ne representent point l'image de Jesus-Christ comme la Croix, quæ est signum filii hominis quod apparebit in cælo; et partant l'Ange dict aux femmes: Jesum quæritis crucifixum; non, lanceatum aut spinea corona coronatum, et hujusmodi.

  A002001242 

 La premiere est la dignité et noblesse: car par l'attouchement du corps et effusion du sang de Nostre Sauveur, la Croix a esté rendue tres-digne et tres-noble; ainsi le tesmoigne l'Eglise: Crux fidelis inter omnes, arbor una nobilis, etc. La seconde est la saincteté qui est par le moyen dudict attouchement: car tout ainsi comme le Sauveur par l'attouchement de sa tres-pure et tres-nette chair a baillé et conferé la force et vertu regenerative aux eaux, ita, contactu suæ carnis, il a sanctifié le bois de la Croix; ainsi nous enseigne nostre Mere l'Eglise: O Crux splendidtor cunctis astris, in mundo celebris, hominibus multum amabilis, sanctior universis.

  A002001242 

 La troisiesme chose, que la Croix a esté et est tres-vertueuse et miraculeuse; tellement que l'Apostre dict: Mot crucis iis qui salvi fiunt virtus Dei est.

  A002001243 

 Et la Croix tollit omne crimen; tellement que tres à propos, aux eglises de Lyon, suyvant leur office ancien, chacun jour de vendredy aux vespres l'on chante ce beau hymne de Prudentius, que j'eusse traduit en vulgaire, n'eust esté que je l'ay veu torné et mis en rithme françoise en certaines Heures qui sont imprimees en Latin et François, dés six ou sept ans en ça..

  A002001255 

 Qui mille per meandros,.

  A002001286 

 Ce livre se peut justement intituler, Thesaurus præciosissimus; quem qui sibi comparaverit, avec peu d'argent il se trouvera mirablement edifié en la doctrine que tous devons tenir, pour nous acquerir, in vita et morte beneficium Crucis, et Paradis à la fin.

  A002001297 

 Les oyseaux empennez qui sont dans les bocages.

  A002001320 

 Qui tasche d'atterrer ce signe de la loy..

  A002001330 

 Qui coule incessamment au pied du sacré Bois..

  A002001337 

 Bell'arbre qui produits des pommes si flairantes,.

  A002001339 

 Qui as tant espanchez de tes fleurs odorantes,.

  A002001352 

 Semblable à un Orphé qui par un doux langage.

  A002001358 

 Qui fais si bien valoir ton talent precieux,.

  A002001367 

 Oublieray-je celuy qui en sa docte escole.

  A002001373 

 Je luy rendray l'honneur qui rejaillit de toy:.

  A002001375 

 C'est luy qui t'a guidé en ta syncere foy..

  A002001472 

 Qui n'en fait point de cas? non mesme de ce Bois,.

  A002001473 

 Qui du sang de mon Dieu prit sa couleur plus belle..

  A002001474 

 Aussi renies-tu ceste chair qui patit,.

  A002001475 

 Et le sang qui en Croix de ceste chair sortit,.

  A002001476 

 Niant present le corps qui la Croix represente..

  A002001479 

 A qui sa Croix sent mal, sa mort est plus puante..

  A002001496 

 Cil qui combat pour toy se rendre le vainqueur.


03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html
  A003000019 

 Chapitre VI. De la premiere purgation, qui est celle des pechés mortelz.

  A003000020 

 Chapitre VII. De la seconde purgation, qui est celle des affections du peché.

  A003000083 

 Chapitre IX. Pour les secheresses qui arrivent en la meditation.

  A003000143 

 Chapitre V. Encouragement a l'ame qui est es tentations.

  A003000153 

 Chapitre XV. Confirmation et esclaircissement de ce qui a esté dit par un exemple notable.

  A003000171 

 Chapitre XVII. Response a deux objections qui peuvent estre faittes sur cette Introduction.

  A003000184 

 De la premiere purgation qui est celle des pechez mortels - Chap.

  A003000185 

 De la seconde purgation qui est celle des affections du peche - Chap.

  A003000242 

 Du second poinct de la preparation qui consiste en l'invocation - Chap.

  A003000243 

 poinct de la preparation qui consiste en la proposition du mystere - Chap.

  A003000249 

 Advis touchant les secheresses qui arrivent en la meditation - Chap.

  A003000302 

 Encouragement a l'ame qui est en ces tentations - Chap.

  A003000316 

 Second poinct de l'exercice, qui comprend l'examen de l'estat de nostre ame, et de son proffit.

  A003000331 

 Response a deux objections qui peuvent estre faites sur tous les advis et exercices des trois parties de cette Introduction - Chap.

  A003000341 

 Je ne puis, certes, ni veux, ni dois escrire en cette Introduction que ce [5] qui a des-ja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet; ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur, mais le bouquet que j'en ay fait sera different des leurs, a rayson de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003000341 

 La bouquetiere Glycera sçavoit si proprement diversifier la disposition et le meslange des fleurs, qu'avec les mesmes fleurs elle faisoit une grande varieté de bouquetz, de sorte que le peintre Pausias demeura court, voulant contrefaire a l'envi cette diversité d'ouvrage, car il ne sceut changer sa peinture en tant de façons comme Glycera faisoit ses bouquetz: ainsy le Saint Esprit dispose et arrange avec tant de varieté les enseignemens de devotion, qu'il donne par les langues et les plumes de ses serviteurs, que la doctrine estant tous-jours une mesme, les discours neanmoins qui s'en font sont bien differens, selon les diverses façons desquelles ilz sont composés.

  A003000342 

 Ceux qui ont traitté de la devotion ont presque tous regardé l'instruction des personnes fort retirees du commerce du monde, ou au moins ont enseigné une sorte de devotion qui conduit a cette entiere retraitte.

  A003000342 

 Il est vray que cela est malaysé, et c'est pourquoy je desirerois que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur qu'on n'a pas fait jusques a present; comme, tout foible que je suis, je m'essaye par cet escrit de contribuer quelque [6] secours a ceux qui d'un cœur genereux feront cette digne entreprise..

  A003000342 

 Mon intention est d'instruire ceux qui vivent es villes, es mesnages, en la cour, et qui par leur condition sont obligés de faire une vie commune quant a l'exterieur, lesquelz bien souvent, sous le pretexte d'une pretendue impossibilité, ne veulent seulement pas penser a l'entreprise de la vie devote, leur estant advis que, comme aucun animal n'ose gouster de la graine de l'herbe nommee palma Christi, aussi nul homme ne doit pretendre a la palme de la pieté chrestienne tandis qu'il vit emmi la presse des affaires temporelles.

  A003000343 

 Elle, despuis, les communiqua a un grand, docte et devot Religieux, lequel estimant que plusieurs en pourroyent tirer du prouffit, m'exhorta fort de les faire publier: ce qui luy fut aysé de me persuader, parce que son amitié avoit beaucoup de pouvoir sur ma volonté, et son jugement, une grande authorité sur le mien..

  A003000343 

 Mais ce n'a toutefois pas esté par mon election ou inclination que cette Introduction sort en public: une ame vrayement pleine d'honneur et de vertu ayant, il y a quelque tems, receu de Dieu la grace de vouloir aspirer a la vie devote, desira ma particuliere assistance pour ce regard; et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long tems auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour ce dessein, je me rendis fort soigneux de la bien instruire, et l'ayant conduitte par tous les exercices convenables a son desir et sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, affin qu'elle y eust recours a son besoin.

  A003000345 

 J'addresse mes paroles a Philothee, parce que, voulant reduire a l'utilité commune de plusieurs ames ce que j'avois premierement escrit pour une seule, je l'appelle du nom commun a toutes celles qui veulent estre devotes; car Philothee veut dire amatrice ou amoureuse de Dieu..

  A003000346 

 Regardant donq en tout ceci une ame qui, par le desir de la devotion, aspire a l'amour de Dieu, j'ay fait cette Introduction de cinq Parties, en la premiere desquelles je m'essaye, par quelques remonstrances et exercices, de convertir le simple desir de Philothee en une entiere resolution, qu'elle fait a la parfin apres sa confession generale par une solide protestation, suivie de la tressainte Communion, en laquelle, se donnant a son Sauveur et le recevant, elle entre heureusement en son saint amour.

  A003000347 

 Cet aage est fort bigearre, et je prevois bien que plusieurs diront qu'il n'appartient qu'aux religieux et gens de devotion de faire des conduittes si particulieres a la pieté; qu'elles requierent plus de loysir que n'en peut avoir un Evesque chargé d'un diocese si pesant comme est le mien; que cela distrait trop l'entendement qui doit estre employé a choses importantes.

  A003000347 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoyent pour le moins autant affectionnés a leurs charges que nous, et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroyent a leur assistance, comme il appert par leurs epistres; imitans en cela les Apostres qui, emmi la moisson generale de l'univers, recueilloyent neanmoins certains espis plus remarquables avec une speciale et particuliere affection.

  A003000347 

 Qui ne sçait que Timothee, Tite, Philemon, Onesime, sainte Thecle, Appia estoyent les chers enfans du grand saint Paul, comme saint Marc et sainte Petronille de saint Pierre? sainte Petronille, dis-je, laquelle, comme preuvent [9] doctement Baronius et Galonius, ne fut pas fille charnelle, mais seulement spirituelle, de saint Pierre.

  A003000348 

 C'est une peyne, je le confesse, de conduire les ames en particulier, mais une peyne qui soulage, pareille a celle des moissonneurs et vendangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesoignés et chargés; c'est un travail qui delasse et avive le cœur par la suavité qui en revient a ceux qui l'entreprennent, comme fait le cinamome ceux qui le portent parmi l'Arabie heureuse.

  A003000349 

 Au demeurant, mon cher Lecteur, il est vray que j'escris de la vie devote sans estre devot, mais non pas certes sans desir de le devenir, et c'est encor cette affection qui me donne courage a t'en instruire; car, comme disoit un grand homme de lettres, la bonne [10] façon d'apprendre c'est d'estudier, la meilleure c'est d'escouter, et la tresbonne c'est d'enseigner.

  A003000350 

 Alexandre fit peindre la belle Campaspé, qui luy estoit si chere, par la main de l'unique Apelles; Apelles, forcé de considerer longuement Campaspé, a mesure qu'il en exprimoit les traitz sur le tableau en imprima l'amour en son cœur, et en devint tellement passionné, qu'Alexandre l'ayant reconneu et en ayant pitié la luy donna en mariage, se privant pour l'amour de luy de la plus chere amie qu'il eust au monde: « En quoy, » dit Pline, « il monstra la grandeur de son cœur, autant qu il eust fait par une bien grande victoire.

  A003000359 

 Celuy qui est adonné au jeusne se tiendra pour bien dévot pourveu qu'il jeusne, quoy que son cœur soit plein de rancune; et n'osant point tremper sa langue dedans le vin ni mesme dans l'eau, par sobrieté, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la mesdisance et calomnie.

  A003000359 

 Les gens de Saül cherchoyent David en sa mayson; Michol ayant mis une statue dedans un lict et l'ayant couverte des habillemens de David, leur fit accroire que c'estoit David mesme qui dormoit malade: ainsy beaucoup de personnes se couvrent de certaines actions exterieures appartenantes a la sainte devotion, et le monde croit que ce soyent gens vrayement devotz et spirituelz; mais en verité ce ne sont que des statues et fantosmes de devotion..

  A003000360 

 Ainsy les pecheurs ne volent point en Dieu, ains font toutes leurs courses en la terre et pour la terre; les gens de bien qui n'ont pas encor atteint la devotion volent en Dieu par leurs bonnes actions, mais rarement, lentement et pesamment; les personnes devotes volent en Dieu frequemment, promptement et hautement.

  A003000360 

 C'est pourquoy celuy qui n'observe tous les commandemens de Dieu ne peut estre estimé ni bon ni devot, puisque pour estre bon il faut avoir la charité, et pour estre devot il faut avoir, outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables..

  A003000361 

 Car tout ainsy qu'un homme qui est nouvellement gueri de quelque maladie chemine autant qu'il luy est nécessaire, mais lentement et pesamment, de mesme le pecheur estant gueri de son iniquité, il chemine autant què Dieu luy commande, pesamment neanmoins et lentement jusques a tant qu'il ayt atteint a la devotion; car alhors, comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voÿe des commandemens de Dieu, et, de plus, il passe et court dans les sentiers des conseilz et inspirations celestes.

  A003000361 

 En fin, la charité et la devotion ne sont non plus differentes l'une de l'autre que la flamme l'est du feu, d'autant que la charité estant un feu spirituel, quand elle est fort enflammee elle s'appelle devotion: si que la devotion n'adjouste rien au feu de la charité, sinon la flamme qui rend la charité prompte, active et diligente, non seulement a l'observation des commandemens de Dieu, mais a l'exercice des conseilz et inspirations celestes..

  A003000365 

 Ceux qui descourageoyent les Israëlites d'aller en la terre de promission leur disoyent que c'estoit un païs qui devoroit les habitans, c'est a dire, que l'air y estoit si malin qu'on n'y pouvoit vivre longuement, et que reciproquement les habitans estoyent des gens si prodigieux qu'ilz mangeoyent les autres hommes comme [16] des locustes: ainsy le monde, ma chere Philothee, diffame tant qu'il peut la sainte devotion, depeignant les personnes devotes avec un visage fascheux, triste et chagrin, et publiant que la devotion donne des humeurs melancholiques et insupportables.

  A003000367 

 Le sucre adoucit les fruitz mal meurs et corrige [17] la crudité et nuisance de ceux qui sont bien meurs; or, la devotion est le vray sucre spirituel, qui oste l'amertume aux mortifications et la nuisance aux consolations: elle oste le chagrin aux pauvres et l'empressement aux riches, la desolation a l'oppressé et l'insolence au favorisé, la tristesse aux solitaires et la dissolution a celuy qui est en compaignie; elle sert de feu en hiver et de rosee en esté, elle sçait abonder et souffrir pauvreté, elle rend esgalement utile l'honneur et le mespris, elle reçoit le playsir et la douleur avec un cœur presque tous-jours semblable, et nous remplit d'une suavité merveilleuse..

  A003000368 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costés entre les-quelz on monte, et ausquelz les eschellons se tiennent, representent l'orayson qui impetre l'amour de Dieu et les Sacremens qui le conferent; les eschellons ne sont autre chose que les divers degrés de charité par lesquelz l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et support du prochain, ou montant par la contemplation a l'union amoureuse de Dieu.

  A003000368 

 Le reste de [18] leurs cors est couvert, mais d'une belle et legere robbe, parce qu'ilz usent voyrement de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenans que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes..

  A003000368 

 Or voyes, je vous prie, ceux qui sont sur l'eschelle: ce sont des hommes qui ont des cœurs angeliques, ou des Anges qui ont des cors humains; ilz ne sont pas jeunes, mais ilz le semblent estre, parce qu'ilz sont pleins de vigueur et agilité spirituelle; ilz ont des aisles pour voler, et s'eslancent en Dieu par la sainte orayson, mais ilz ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une sainte et amiable conversation; leurs visages sont beaux et gais, d'autant qu'ilz reçoivent toutes choses avec douceur et suavité; leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont tout a descouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et leurs actions n'ont aucun dessein ni motif que de plaire a Dieu.

  A003000369 

 Si la charité est un lait, la dévotion en est la cresme; si elle est une plante, la devotion en est la fleur; si elle est une pierre pretieuse, la devotion en est l'esclat; si elle est un baume pretieux, la devotion en est l'odeur, et l'odeur de suavité qui conforte les hommes et resjouit les Anges..

  A003000374 

 Dieu commanda en la creation aux plantes de porter leurs fruitz, chacune selon son genre: ainsy commande-il aux Chrestiens, qui sont les plantes vivantes de son Eglise, qu'ilz produisent des fruitz de devotion, un chacun selon sa qualité et vacation.

  A003000374 

 Je vous prie, Philothee, seroit il a propos que l'Evesque voulust estre solitaire comme les Chartreux? Et si les mariés ne vouloient rien amasser non plus que les Capucins, si l'artisan estoit tout le jour a l'eglise comme le religieux, et le religieux tous-jours exposé a toutes sortes de rencontres pour le service du prochain, comme l'Evesque, cette devotion ne seroit elle pas ridicule, desreglee et insupportable? Cette faute neanmoins arrive bien souvent, et le monde qui ne discerne pas, ou ne veut pas discerner, entre la devotion et l'indiscretion de ceux qui pensent estre devotz, murmure et blasme la devotion, laquelle ne peut mais de ces desordres..

  A003000376 

 Il est mesme arrivé que plusieurs ont perdu la perfection en la solitude, qui est neanmoins si desirable pour la perfection, et l'ont conservee parmi la multitude, qui semble si peu favorable a la perfection: Loth, dit saint Gregoire, qui fut si chaste en la ville, se souïlla en la solitude.

  A003000376 

 Il est vray, Philothee, que la devotion purement contemplative, monastique et religieuse ne peut estre exercee en ces vacations la; mais aussi, outre ces trois sortes de devotion, il y en a plusieurs autres, propres a perfectionner ceux qui vivent es estatz seculiers.

  A003000380 

 Je vous en dis de mesme, ma Philothee: voules-vous a bon escient vous acheminer a la devotion? cherchés quelque homme de bien qui vous guide et conduise; c'est ici l'advertissement des advertissemens.

  A003000380 

 Va donq, repliqua le pere, et cherche quelque homme qui te conduise.

  A003000381 

 La bienheureuse Mere Therese voyant que madame Catherine de Cardone faisoit des grandes penitences, desira fort de l'imiter en cela, contre l'advis de son confesseur qui le luy defendoit, auquel elle [22] estoit tentee de ne point obeir pour ce regard; et Dieu luy dit: « Ma fille, tu tiens un bon et asseuré chemin.

  A003000381 

 La devote Princesse sainte Elisabeth se sousmit avec une extreme obeissance au docteur Maistre Conrad; et voyci l'un des advis que le grand saint Louys fit a son filz avant que mourir: « Confesse-toy souvent, eslis un confesseur » idoine, qui soit « preud'homme et qui te puisse seurement enseigner » a faire les choses qui te sont necessaires..

  A003000381 

 » Aussi elle aymoit tant cette vertu, qu'outre l'obeissance qu'elle devoit a ses superieurs, elle en voua une toute particuliere a un excellent homme, s'obligeant de suivre sa direction et conduite, dont elle fut infiniment consolee; comme, apres et devant elle, plusieurs bonnes ames, qui pour se mieux assujettir a Dieu, ont sousmis leur volonté a celle de ses serviteurs, ce que sainte Catherine de Sienne loue infiniment en ses Dialogues.

  A003000382 

 L'ami fidelle est un medicament de vie et d'immortalité; ceux qui craignent Dieu le treuvent. Ces divines paroles regardent principalement l' immortalité, comme vous voyes, pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cet ami fidelle qui guide nos actions par ses advis et conseilz, et par ce moyen nous garantit [23] des embusches et tromperies du malin; il nous sera comme un tresor de sapience en nos afflictions, tristesses et cheutes; il nous servira de medicament pour alleger et consoler nos cœurs es maladies spirituelle; il nous gardera du mal, et rendra nostre bien meilleur; et quand il nous arrivera quelque infirmité, il empeschera qu'elle ne soit pas a la mort, car il nous en relevera..

  A003000382 

 L'ami fidelle, dit l'Escriture Sainte, est une forte protection; celuy qui Va treuvé a treuvè un tresor.

  A003000383 

 Mais qui treuvera cet ami? Le Sage respond: Ceux qui craignent Dieu; c'est a dire, les humbles qui desirent fort leur avancement spirituel.

  A003000383 

 Puisqu'il vous importe tant, Philothee, d'aller avec une bonne guide en ce saint voyage de devotion, pries Dieu avec une grande instance qu'il vous en fournisse d'une qui soit selon son cœur, et ne doutes point; car, quand il devroit envoyer un Ange du ciel, comme il fit au jeune Tobie, il vous en donnera une bonne et fidelle..

  A003000384 

 Or, ce doit tous-jours estre un Ange pour vous: c'est a dire, quand vous l'aures treuvee, ne la considerés pas comme un simple homme, et ne vous confies point en iceluy ni en son sçavoir humain, mais en Dieu, lequel vous favorisera et parlera par l'entremise de cet homme, mettant dedans le cœur et dedans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bonheur; si que vous le deves escouter comme un Ange qui descend du ciel pour vous y mener.

  A003000385 

 Et pour cela, choisisses en un entre mille, dit Avila; et moy je dis entre dix mille, car il s'en treuve moins que l'on ne sçauroit dire qui soyent capables de cet office.

  A003000389 

 La fille estrangere, pour espouser l'Israëlite, devoit oster [25] la robbe de sa captivité, rogner ses ongles et raser ses cheveux: et l'ame qui aspire a l'honneur d'estre espouse du Filz de Dieu, se doit despouiller du viel homme et se revestir du nouveau, quittant le peché; puis, rogner et raser toutes sortes d'empeschemens qui destournent de l'amour de Dieu.

  A003000389 

 Les fleurs, dit l'Espoux sacré, apparoissent en nostre terre, le tems d'esmonder et tailler est venu. Qui sont les fleurs de nos cœurs, o Philothee, sinon les bons desirs? Or, aussi tost qu'ilz paroissent, il faut mettre la main a la serpe, pour retrancher de nostre conscience toutes les œuvres mortes et superflues.

  A003000390 

 L'ame qui monte du peché a la devotion est comparee a l'aube, laquelle s'eslevant ne chasse pas les tenebres en un instant, mais petit a petit.

  A003000390 

 La guerison, dit l'aphorisme, qui se fait tout bellement, est tous-jours plus asseuree; les maladies du cœur, aussi bien que celles du cors, viennent a cheval et en poste, mais elles s'en revont a pied et au petit pas..

  A003000396 

 Cherches le plus digne confesseur que vous pourres; prenes en main quelqu'un des petitz livres qui ont esté faitz pour ayder les consciences a se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger; lises les bien, et remarques de point en point en quoy vous aves offencé, a prendre despuis que vous eustes l'usage de rayson jusques a l'heure presente; et si vous vous defies de vostre memoire, mettes en escrit ce que vous aurés remarqué.

  A003000397 

 Il arrive souvent que les confessions ordinaires de ceux qui vivent d'une vie commune et vulgaire sont pleines de grans defautz: car souvent on ne se prepare point ou fort peu, on n'a point la contrition requise, ains il advient maintes fois que l'on se va confesser avec une volonté tacite de retourner au peché, d'autant qu'on ne veut pas eviter l'occasion du peché, ni prendre les expediens necessaires a l'amendement de la vie; et en tous ces cas ici la confession generale est requise pour asseurer l'ame.

  A003000397 

 Mais outre cela, la confession generale nous appelle a la connoissance de nous mesmes, nous provoque a une salutaire confusion pour nostre vie passee, nous fait admirer la misericorde de Dieu qui nous a attendus en patience; elle apaise nos cœurs, delasse nos espritz, excite en nous des bons propos, donne sujet a nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables a nostre condition, et nous ouvre le cœur pour avec confiance nous bien declarer aux confessions suivantes..

  A003000402 

 Ainsy il y a des penitens qui sortent en effect du peché et n'en quittent pourtant pas l'affection: c'est a dire, ilz proposent de ne plus pecher, mais c'est avec un certain contrecœur qu'ilz ont de se priver et abstenir des malheureuses delectations du peché; leur cœur renonce au peché et s'en esloigne, mais il ne laisse pas pour cela de se retourner souventefois de ce costé la, comme fit la femme de Loth du costé de Sodome.

  A003000402 

 Car ainsy ces foibles et lasches penitens s'abstiennent pour quelque tems du peché, mais c'est a regret; ilz voudraient bien pouvoir pecher sans estre damnés, ilz parlent avec ressentiment et goust du peché et estiment contens ceux qui les font.

  A003000402 

 Ilz s'abstiennent du peché comme les malades font des melons, lesquelz ilz ne mangent pas parce que le medecin les menace de mort s'ilz en mangent; mais ilz s'inquietent de s'en abstenir, ilz en parlent et marchandent s'il se pourrait faire, ilz les veulent au moins sentir, et estiment bien heureux ceux qui en peuvent manger.

  A003000402 

 Un homme resolu de se venger changera de volonté en la [30] confession, mais tost apres on le treuvera parmi ses amis qui prend playsir a parler de sa querelle, disant que si ce n'eust esté la crainte de Dieu, il eust fait ceci et cela, et que la loy divine en cet article de pardonner est difficile; que pleust a Dieu qu'il fust permis de se venger! Ha, qui ne voit qu'encor que ce pauvre homme soit hors du peché, il est neanmoins tout embarrassé de l'affection du peché, et qu'estant hors d'Egypte en effect, il y est encor en appetit, desirant les aulx et les oignons qu'il y souloit manger! comme fait cette femme qui, ayant detesté ses mauvaises amours, se plaist neanmoins d'estre muguettee et environnee.

  A003000403 

 Les ames lesquelles sorties de l'estat du peché ont encor ces affections et allanguissemens, ressemblent a mon advis aux filles qui ont les pasles couleurs, lesquelles ne sont pas malades, mais toutes leurs actions sont malades: elles mangent sans goust, dorment sans repos, rient sans joye, et se traisnent plustost que de cheminer; car de mesme, ces ames font le bien avec des lassitudes spirituelles si grandes, qu'elles ostent toute la grace a leurs bons exercices, qui sont peu en nombre et petitz en effect.

  A003000403 

 O Philothee, puisque vous voulés entreprendre la vie devote, il ne vous faut pas seulement quitter le peché, mais il faut tout a fait esmonder vostre cœur de toutes les affections qui dependent du peché; car, outre le danger qu'il y auroit de faire recheute, ces miserables affections allanguiroyent perpetuellement vostre esprit, et l'appesentiroyent en telle sorte qu'il ne pourroit pas faire les bonnes œuvres promptement, diligemment et frequemment, en quoy gist neanmoins la vraye essence de la devotion.

  A003000407 

 Or, le premier motif pour parvenir a cette seconde purgation, c'est la vive et forte apprehension du grand mal que le peché nous apporte, par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde et vehemente contrition; car tout ainsy que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soit, et sur tout estant jointe a la vertu des Sacremens, nous purge suffisamment du peché, de mesme quand elle est grande et vehemente, elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003000407 

 Une haine ou rancune foible et debile nous fait avoir a contrecœur celuy que nous haïssons et nous fait fuir sa compaignie; mais si c'est une haine mortelle et violente, non seulement nous fuyons et abhorrons celuy a qui nous la portons, ains nous avons a degoust et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliés, parens et amis, non pas mesme son image, ni chose qui luy appartienne.

  A003000408 

 Que si vous n'estes encor pas duite a faire la meditation, voyes ce qui en sera dit en la seconde Partie..

  A003000408 

 Vous les feres l'une apres l'autre selon que je les ay marquees, n'en prenant qu'une pour chaque jour, laquelle vous feres le matin, s'il est possible, qui est le tems le plus propre pour toutes les actions de l'esprit, et la ruminerés le reste de la journee.

  A003000425 

 O mon ame, sçache que le Seigneur est ton Dieu; c'est luy qui t'a fait, et tu ne t'es pas faitte toy mesme.

  A003000426 

 Je ne veux donq plus des-ormais me complaire en moy mesme, qui de ma part ne suis rien.

  A003000426 

 Je veux changer de vie et suivre des-ormais mon Createur, et m'honnorer de la condition de l'estre qu'il m'a donné, l'employant tout entierement a l'obeissance de sa volonté par les moyens qui me seront enseignés, et desquelz je m'enquerray vers mon pere spirituel..

  A003000432 

 O Dieu, fortifies moy en ces affections et resolutions; o Sainte Vierge, recommandes les a la misericorde de vostre Filz, avec tous ceux pour qui je dois prier, etc..

  A003000442 

 Dieu ne vous a pas mise en ce monde pour aucun besoin qu'il eust de vous, qui luy estes du tout inutile, mais seulement affin d'exercer en vous sa bonté, vous donnant sa grace et sa gloire.

  A003000443 

 Estant creée et mise en ce monde a cette intention, toutes actions contraires a icelle doivent estre rejettees et evitees, et celles qui ne servent de rien a cette fin doivent estre mesprisees, comme vaines et superflues..

  A003000444 

 Considerés le malheur du monde qui ne pense point a cela, mais vit comme s'il croyoit de n'estre creé que pour bastir des maysons, planter des arbres, assembler des richesses et faire des badineries..

  A003000447 

 Confondes-vous, reprochant a vostre ame sa misere, qui a esté si grande ci devant qu'elle n'a que peu ou point pensé a tout ceci.

  A003000447 

 Helas, ce dires-vous, que pensois-je, o mon Dieu, quand je ne pensois point en vous? dequoy me resouvenois-je quand je vous oubliois? qu'aymois-je quand je ne vous aymois pas? Helas, je me devois repaistre de la verité, et je me remplissois de la vanité, et servois le monde qui n'est fait que pour me servir..

  A003000449 

 Et vous, o mon Dieu, mon Sauveur, vous seres doresnavant le seul objet de mes pensees; non, jamais je n'appliqueray mon esprit a des cogitations qui vous soient desaggreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie, de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercee en mon endroit; vous seres les delices de mon cœur et la suavité de mes affections.

  A003000449 

 Ha donq, telz et telz fatras et amusemens ausquelz je m'appliquois, telz et telz vains exercices ausquelz j'employois mes journees, telles et telles affections qui engageoient mon cœur, me seront [37] des-ormais en horreur; et a cette intention j'useray de telz et telz remedes..

  A003000452 

 Remercies Dieu qui vous a faite pour une fin si excellente.

  A003000464 

 Mais cela consideres-le avec une comparayson de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastés de cors, de santé, de membres; les autres abandonnés a la merci des opprobres, et du mespris et deshonneur; les autres accablés de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussies si miserable..

  A003000465 

 Combien y en a-il qui ont esté nourris rustiquement et en une extreme ignorance; et la Providence divine vous a fait eslever civilement et honnorablement..

  A003000471 

 Et comment mon ame ne sera-elle pas meshuy sujette a Dieu, qui a fait tant de merveilles et de graces en moy et pour moy?.

  A003000472 

 Ha donq, Philothee, retires vostre cors de telles et telles voluptés, rendes-le sujet au service de Dieu qui a tant fait pour luy; appliques vostre ame a le connoistre et reconnoistre, par telz et telz exercices qui sont requis pour cela; employés soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu.

  A003000490 

 Consideres a part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general lequel s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyes donq combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous, vous aves abusé contre le Donateur; singulierement, combien d'inspirations mesprisees, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003000494 

 Demandes pardon, et vous jettés aux pieds du Seigneur comme un enfant prodigue, comme une Magdeleine, comme une femme qui auroit souillé le lit de son mariage de toutes sortes d'adulteres.

  A003000497 

 Je feray tout ce que je pourra y pour en deraciner entierement les plantes de mon cœur, particulierement de telz et de telz qui me sont plus ennuyeux.

  A003000498 

 Et pour ce faire, j'embrasseray constamment les moyens qui me seront conseillés, ne me semblant d'avoir jamais asses fait pour reparer de si grandes fautes..

  A003000501 

 Remerciés Dieu qui vous a attendue jusques a cette heure, et vous a donné ces bonnes affections..

  A003000514 

 Au contraire, la devotion et les bonnes œuvres vous sembleront alhors si desirables et douces: et pourquoy n'ay je suivi ce beau et gracieux chemin? Alhors les pechés qui sembloyent bien petitz, paroistront gros comme des montagnes, et vostre devotion, bien petite..

  A003000514 

 Consideres qu'alhors le monde finira pour ce qui vous regarde, il n'y en aura plus pour vous; il renversera sans dessus dessous devant vos yeux.

  A003000537 

 Apres ce deluge de flammes et de foudres, tous les hommes ressusciteront de la terre, excepté ceux qui sont des-ja ressuscités, et a la voix de l'Archange comparoistront en la vallee de Josaphat.

  A003000539 

 Ce souverain Juge, par son commandement redoutable et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns a sa droite, les autres a sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003000541 

 Consideres la derniere sentence des mauvais: Alles, mauditz, au feu eternel qui est preparé au diable et a ses compaignons.

  A003000541 

 Il les appelle mauditz: o mon ame, quelle malediction! malediction generale, qui comprend tous les maux; malediction irrevocable, qui comprend tous les tems et l'eternité.

  A003000542 

 Consideres la sentence contraire des bons: Venes, dit le Juge; ah, c'est le mot aggreable de salut par lequel Dieu nous tire a soy et nous reçoit dans le giron de sa bonté; benis de mon Pere: o chere benediction, qui comprend toute benediction! possedés le royaume qui vous est preparé des la constitution du monde.

  A003000545 

 O Dieu, qui me peut asseurer pour cette journee, en laquelle les colomnes du ciel trembleront de frayeur?.

  A003000546 

 Detestés vos pechés, qui seulz vous peuvent perdre en cette journee espouvantable..

  A003000550 

 Remercies Dieu qui vous a donné moyen de vous asseurer pour ce jour-la, et le tems de faire penitence..

  A003000561 

 Imagines-vous une ville tenebreuse, toute bruslante de soufre et de poix puante, pleyne de citoyens qui n'en peuvent sortir..

  A003000565 

 Outre tous ces tourmens, il y en a encor un plus grand, qui est la privation et perte de la gloire de Dieu, laquelle ilz sont forclos de jamais voir.

  A003000571 

 Je feray donques tel et tel effort pour eviter le peché, qui seul me peut donner cette mort eternelle..

  A003000583 

 Beny soyes vous a jamais, o nostre doux et souverain Createur et Sauveur, qui nous estes si bon, et nous communiqués si liberalement vostre gloire.

  A003000583 

 Consideres en fin quel bien ilz ont tous de jouir de Dieu qui les gratifie pour jamais de son amiable regard, et par iceluy respand dedans leurs cœurs un abisme de delices.

  A003000583 

 Et reciproquement, Dieu benit d'une benediction perpetuelle tous ses Saintz: Benites soyes vous a jamais, dit il, mes cheres creatures, qui m'aves servi et qui me loüerés eternellement avec si grand amour et courage..

  A003000583 

 Quel bien d'estre a jamais uni a son Principe! Ilz sont la comme des heureux oyseaux, qui volent et chantent a jamais dedans l'air de la Divinité qui les environne de toutes parts de playsirs incroyables; la, chacun a qui mieux mieux, et sans envie, chante les louanges du Createur.

  A003000588 

 Allons, o ma chere ame, allons en ce repos infini, cheminons a cette benite terre qui nous est promise; que faisons-nous en cett' Egypte?.

  A003000589 

 Je m'empescheray donq de telles choses, qui me destournent ou retardent de ce chemin..

  A003000590 

 Je feray donq telles et telles choses qui m'y peuvent conduire..

  A003000603 

 Et encores que l'un et l'autre soit ouvert pour vous recevoir, selon que vous le choisirés, si est-ce que Dieu, qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice ou l'autre par sa misericorde, desire neanmoins d'un desir nompareil que vous choisissies le Paradis; et vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces et mille secours pour vous ayder a la montee..

  A003000604 

 Jesus Christ, du haut du Ciel, vous regarde en sa debonnaireté et vous invite doucement: Viens, o ma chere ame, au repos eternel entre les bras de ma bonté, qui t'a preparé les delices immortelles en l'abondance de son amour.

  A003000604 

 Voyes de vos yeux interieurs la Sainte Vierge qui vous convie maternellement: Courage, ma fille, ne veuille pas mespriser les desirs de mon Filz, ni tant de souspirs que je jette pour toy, respirant avec luy ton salut eternel.

  A003000604 

 Voyes les Saintz qui vous exhortent, et un million de saintes ames qui vous convient doucement, ne desirans que de voir un jour vostre cœur joint au leur, pour loüer Dieu a jamais, et vous asseurans que le chemin du Ciel n'est point si malaysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, treschere amie; qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montees, il verra que nous sommes venues en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003000617 

 En fin, vous verres une calamiteuse republique, tyrannisee de ce roy maudit, qui vous fera compassion..

  A003000617 

 Imagines-vous d'estre derechef en une rase campagne, avec vostre bon Ange toute seule, et a costé gauche, vous voyes le diable assis sur un grand throsne haut eslevé, avec plusieurs des espritz infernaux aupres de [54] luy, et tout autour de luy, une grande troupe de mondains qui tous a teste nuë le reconnoissent et luy font hommage, les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003000617 

 Voyes la contenance de tous les infortunés courtisans de cet abominable roy: regardés les uns furieux de haine, d'envie et de cholere; les autres qui s'entretuent; les autres haves, pensifz et empressés a faire des richesses; les autres attentifz a la vanité, sans aucune sorte de playsir qui ne soit inutile et vain; les autres vilains, perdus, pourris en leurs brutales affections.

  A003000618 

 Bref, voyes les yeux du Sauveur qui les console, et que tous ensemblement aspirent a luy..

  A003000618 

 Du costé droit, voyes Jesus Christ crucifié, qui, avec un amour cordial, prie pour ces pauvres endiablés, aflin qu'ilz sortent de cette tyrannie, et qui les appelle a soy; voyes une grande troupe de devotz qui sont autour de luy avec leurs Anges.

  A003000618 

 Qu'il fait beau voir cette troupe de vierges, hommes et femmes, plus blanche que le lys, cette assemblee de vefves, pleines d'une sacree mortification et humilité! Voyes le rang de plusieurs personnes mariees qui vivent si doucement ensemble avec respect mutuel, qui ne peut estre sans une grande charité: voyes comme ces devotes ames marient le soin de leur mayson exterieure avec le soin de l'interieure, l'amour du mari avec celuy de l'Espoux celeste.

  A003000618 

 [55] Ceux qui ont des afflictions en ce peuple devot, ne se tourmentent pas beaucoup et n'en perdent point contenance.

  A003000620 

 La Vierge Sainte avec saint Joseph, saint Louys, sainte Monique, et cent mille autres qui sont en l'escadron de ceux qui ont vescu emmi le monde, vous invitent et encouragent..

  A003000630 

 Le scorpion qui nous a piqués est veneneux en nous piquant, mais estant reduit en huile c'est un grand medicament contre sa propre piqueure: le peché n'est honteux que quand nous le faisons, mais estant converti en confession et penitence, il est honnorable et salutaire.

  A003000630 

 Quand vous seres arrivee devant vostre pere spirituel, imaginés-vous d'estre en la montagne de Calvaire sous [57] les pieds de Jesus Christ crucifié, duquel le sang pretieux distille de toutes partz pour vous laver de vos iniquités; car, bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neanmoins le merite de son sang respandu qui arrouse abondamment les penitens autour des confessionnaux.

  A003000630 

 Si nous sommes bien humbles, Philothee, nostre péché nous desplaira infiniment parce que Dieu en est offencé, mais l'accusation de nostre peché nous sera douce et aggreable, parce que Dieu en est honnoré: ce nous est une sorte d'allegement de bien dire au medecin le mal qui nous tourmente.

  A003000631 

 Ouy, c'est Dieu, Philothee, que vous escoutes, puisqu'il a dit a ses vicaires: Qui vous escoute, m'escoute.

  A003000635 

 Je soussignee, constituee et establie en la presence de Dieu eternel et de toute la cour celeste, ayant [58] consideré l'immense misericorde de sa divine bonté envers moy, tresindigne et chetifve creature, qu'elle a creée de rien, conservee, soustenue, delivree de tant de dangers, et comblee de tant de bienfaitz; mais sur tout ayant consideré cette incomprehensible douceur et clemence avec laquelle ce tresbon Dieu m'a si benignement toleree en mes iniquités, si souvent et si amiablement inspiree, me conviant a m'amender, et si patiemment attendue a penitence et repentance jusques a cette N. annee de mon aage, nonobstant toutes mes ingratitudes, desloyautés et infidelités par lesquelles, differant ma conversion et mesprisant ses graces, je l'ay si impudemment offencé; apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré Baptesme je fus si heureusement et saintement voüee et dediee a mon Dieu pour estre sa fille, et que, contre la profession qui fut alhors faitte en mon nom, j'ay tant et tant de fois si malheureusement et detestablement profané et violé mon esprit, l'appliquant et l'employant contre la divine Majesté; en fin, revenant maintenant a moy-mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le throsne de la justice divine, je me reconnois, advouë et confesse pour legitimement atteinte et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la Mort et Passion de Jesus Christ, a rayson des pechés que j'ay commis, pour lesquelz il est mort et a souffert le tourment de la croix, si que je suis digne, par consequent, d'estre a jamais perdue et damnee..

  A003000637 

 Ceci est ma volonté, mon intention et ma resolution inviolable et irrevocable, laquelle j'advouë et confirme sans reserve ni exception, en la mesme presence sacree de mon Dieu et a la veuë de l'Eglise triomphante, et en la face de l'Eglise militante ma Mere, qui entend cette mienne declaration en la personne de celuy qui, comme officier d'icelle, m'escoute en cette action.

  A003000643 

 Mais d'autant que ces affections renaissent aysement en l'ame, a rayson de nostre infirmité et de nostre concupiscence, qui peut estre mortifiee mais qui ne peut mourir pendant que nous vivons icy bas en terre, je vous donneray des advis lesquelz estans bien prattiqués vous preserveront des-ormais du peché mortel et de toutes les affections d'iceluy, affin que jamais il ne puisse avoir place en vostre cœur.

  A003000647 

 A mesure que le jour se fait, nous voyons plus clairement dans le mirouër les taches et souïlleures de nostre visage; ainsy, a mesure que la lumiere interieure du Saint Esprit esclaire nos consciences, nous voyons [62] plus distinctement et plus clairement les pechés, inclinations et imperfections qui nous peuvent empescher d'atteindre a la vraye devotion; et la mesme lumiere qui nous fait voir ces tares et deschetz, nous eschauffe au desir de nous en nettoyer et purger..

  A003000656 

 Ainsy les anciens Nazariens s'abstenoyent non seulement de tout ce qui pouvoit enivrer, mais aussi des raisins et du verjus; non point que le raisin et le verjus enivre, mais parce qu'il y avoit danger en [65] mangeant du verjus d'exciter le desir de manger des raisins, et en mangeant des raisins, de provoquer l'appetit a boire du moust et du vin.

  A003000656 

 Les cerfz ayans prins trop de venaison s'escartent et retirent dedans leurs buissons, connoissans que leur graisse les charge en sorte qu'ilz ne sont pas habiles a courir, si d'adventure ilz estoyent attaqués: le cœur de l'homme se chargeant de ces affections inutiles, superflues et dangereuses, ne peut sans doute promptement, aysement et facilement courir apres son Dieu, qui est le vray point de la devotion.

  A003000661 

 Il y en a qui de leurs naturelz sont legers, les autres rebarbatifz, les autres durs a recevoir les opinions d'autruy, les autres sont inclinés a l'indignation, les autres a la cholere, les autres a l'amour; et en somme, il se treuve peu de personnes esquelles on ne puisse remarquer quelques sortes de telles imperfections.

  A003000661 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amandiers amers en amandiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le [67] suc; pourquoy est-ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses; il n'y a point aussi de naturel si revesche qui, par la grace de Dieu premierement, puis par l'industrie et diligence, ne puisse estre dompté et surmonté.

  A003000666 

 L'orayson mettant nostre entendement en la clarté et lumiere divine, et exposant nostre volonté a la chaleur de l'amour celeste, il n'y a rien qui purge tant nostre entendement de ses ignorances et nostre volonté de ses affections depravees: c'est l'eau de benediction qui, par son arrousement, fait reverdir et fleurir les plantes de nos bons desirs, lave nos ames de leurs imperfections et desaltere nos cœurs de leurs passions.

  A003000667 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et Passion de Nostre Seigneur: en le regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy; vous apprendrés ses contenances, et formerés vos actions au modelle des siennes.

  A003000672 

 Si vous me croyes, vous dires vostre Pater, vostre Ave Maria et le Credo en latin; mais vous apprendrés aussi a bien entendre les paroles qui y sont, en vostre langage, affin que, les disant au langage commun de l'Eglise, vous puissies neanmoins savourer le sens admirable et delicieux de ces saintes oraysons, lesquelles il faut dire fichant profondement vostre pensee et excitant vos affections sur le sens d'icelles, et ne vous hastant nullement pour en dire beaucoup, mais vous estudiant de dire ce que vous dires cordialement; car un seul Pater dit avec sentiment vaut mieux que plusieurs recités vistement et couramment..

  A003000673 

 Il est bon aussi de dire les litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saintz, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuelz et Heures appreuvees, a la charge neanmoins que si vous aves le don de l'orayson mentale, vous luy gardies tous-jours la principale place; en sorte que si apres icelle, ou pour la multitude des affaires ou pour quelque autre rayson, vous ne pouves point faire de priere vocale, vous ne vous en metties point en peyne pour cela, vous contentant de dire simplement, devant ou apres la meditation, l'Orayson Dominicale, la Salutation Angelique et le Symbole des Apostres..

  A003000673 

 Le chapelet est une tres utile maniere de prier, pourveu que vous le sçachies dire comme il convient: et pour ce faire, ayes quelqu'un des petitz livres qui enseignent la façon de le reciter.

  A003000675 

 Que si en toute la journee vous ne pouves la faire, il faut reparer cette perte, multipliant les oraysons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de devotion, avec quelque penitence qui empesche la suite de ce defaut; et, avec cela, faites une forte resolution de vous remettre en train le jour suivant..

  A003000679 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode pour cela, en attendant que, par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont esté composés sur ce sujet, et sur tout par l'usage, vous en puissies estre plus amplement instruite.

  A003000680 

 Helas, Philothee, nous ne voyons pas Dieu qui nous est present; et, bien que la foy nous advertisse de sa presence, si est-ce que ne le voyans pas de nos yeux, nous nous en oublions bien souvent, et nous comportons comme si Dieu estoit bien loin de nous; car encor que nous sçachions bien qu'il est present a toutes choses, si est-ce que n'y pensans point, c'est tout autant comme si nous ne le sçavions pas.

  A003000680 

 Les aveugles ne voyans pas un prince qui leur est present, ne laissent pas de se tenir en respect s'ilz sont advertis de sa presence; mais la verité est que, d'autant qu'ilz ne le voyent pas, ilz s'oublient aysement qu'il soit present, et s'en estans oubliés, ilz perdent encor plus aysement le respect et la reverence.

  A003000681 

 En la consideration donq de cette verité, vous exciterés une grande reverence en vostre cœur a l'endroit de Dieu, qui luy est si intimement present..

  A003000682 

 Le troisiesme moyen, c'est de considerer nostre Sauveur, lequel en son humanité regarde des le Ciel toutes les personnes du monde, mais particulierement les Chrestiens qui sont ses enfans, et plus specialement [75] ceux qui sont en priere, desquelz il remarque les actions et deportemens.

  A003000683 

 La quatriesme façon consiste a se servir de la simple imagination, nous representans le Sauveur en son humanité sacree comme s'il estoit pres de nous, ainsy que nous avons accoustumé de nous representer nos amis et de dire: je m'imagine de voir un tel qui fait ceci et cela, il me semble que je le vois, ou chose semblable.

  A003000688 

 Il vous servira encor d'adjouster l'invocation de vostre bon Ange et des sacrees personnes qui se treuveront au mystere que vous medités: comme en celuy de la mort de Nostre Seigneur, vous pourres invoquer Nostre Dame, saint Jean, la Magdeleine, le bon larron, affin que les sentimens et mouvemens interieurs qu'ilz y receurent vous soyent communiqués; et en la meditation de vostre [77] mort, vous pourres invoquer vostre bon Ange, qui se treuvera present, affin qu'il vous inspire des considerations convenables; et ainsy des autres mysteres..

  A003000692 

 Apres ces deux pointz ordinaires de la meditation, il y en a un troisiesme qui n'est pas commun a toutes sortes de meditations: c'est celuy que les uns appellent fabrication du lieu, et les autres, leçon interieure.

  A003000692 

 J'en dis de mesme quand vous mediteres la mort, ainsy que je l'ay marqué en la meditation d'icelle, comme aussi a celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres ou il s'agit de choses visibles et sensibles; car, quant aux autres mysteres, de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes creés, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003000692 

 Par exemple, si vous voules mediter Nostre Seigneur en croix, vous vous imaginerés d'estre au mont de Calvaire et que vous voyes tout ce qui se fit et se dit au jour de la Passion; ou, si vous voules, car c'est tout un, vous vous imaginerés qu'au lieu mesme ou vous estes se fait le crucifiement de Nostre Seigneur, en la façon que les Evangelistes le descrivent.

  A003000697 

 Apres l'action de l'imagination, s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites affin d'esmouvoir nos affections en Dieu et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude [79] et des autres pensees et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins et intentions, comme pour devenir sçavant, pour en escrire ou disputer.

  A003000697 

 Que si vostre esprit treuve asses de goust, de lumiere et de fruit sur l'une des considerations, vous vous y arresteres sans passer plus outre, faysant comme les abeilles qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel a recueillir.

  A003000702 

 Or, je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustés une resolution speciale en cette sorte: or sus donques, je ne me piqueray plus de telles paroles fascheuses qu'un tel et une telle, mon voysin ou ma voysine, mon domestique ou ma domestique disent de moy, ni de tel et tel mespris qui m'est fait par cestui-ci ou cestui-la; au contraire, je diray et feray telle et telle chose pour le gaigner et adoucir, et ainsy des autres.

  A003000706 

 En fin j'ay remarqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria, qui est la generale et necessaire priere de tous les fidelles..

  A003000707 

 [82] Ceux qui se sont promenés en un beau jardin n'en sortent pas volontier sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et tenir le long de la journee: ainsy nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir un ou deux ou trois pointz que nous aurons treuvés plus a nostre goust, et plus propres a nostre avancement, pour nous en resouvenir le reste de la journee et les odorer spirituellement.

  A003000709 

 C'est le grand fruit de la meditation, sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile, mais nuisible, parce que les vertus meditees et non prattiquees enflent quelquefois l'esprit et le courage, nous estant bien advis que nous sommes telz que nous avons resolu et delibvré d'estre, ce qui est sans doute veritable si les resolutions sont vives et solides; mais elles ne sont pas telles, ains vaines et dangereuses, si [83] elles ne sont prattiquees.

  A003000709 

 Il faut donq par tous moyens s'essayer de les prattiquer, et en chercher les occasions petites ou grandes: par exemple, si j'ay resolu de gaigner par douceur l'esprit de ceux qui m'offencent, je chercheray ce jour la de les rencontrer pour les saluer amiablement; et si je ne les puis rencontrer, au moins de dire bien d'eux, et prier Dieu en leur faveur..

  A003000710 

 Un homme qui auroit receu dans un vaisseau de belle porcelaine, quelque liqueur de grand prix pour l'apporter dans sa mayson, il iroit doucement, ne regardant point a costé, mais tantost devant soy, de peur de heurter a quelque pierre ou faire quelque mauvais pas, tantost a son vase pour voir s'il panche point.

  A003000712 

 Ce que je dis non seulement pour les autres affections, mays aussi pour l'action de graces, l'offrande et la priere qui se peuvent faire parmi les considerations; car il ne les faut non plus retenir que les autres affections, bien que, par apres, pour la conclusion de la meditation, il faille les repeter et reprendre.

  A003000718 

 Combien de courtisans y a-il qui vont cent fois l'annee en la chambre du prince sans esperance de luy parler, mais seulement pour estre veus de luy et rendre leur devoir.

  A003000722 

 Outre cette orayson mentale entiere et formee, et les autres oraysons vocales que vous deves faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraysons plus courtes, et qui sont comme ageancemens et surjeons de l'autre grande orayson, entre lesquelles, la premiere est celle qui se fait le matin, comme une preparation generale a toutes les œuvres de la journee.

  A003000725 

 Par exemple, si je prevoy de devoir traitter de quelque affaire avec une personne passionnee et prompte a la cholere, non seulement je me resouldray de ne point me relascher a l'offenser, mais je prepareray des paroles de douceur pour la prevenir, ou l'assistance de quelque personne qui la puisse contenir.

  A003000725 

 Prevoyes quelz affaires, quelz commerces et quelles occasions vous pouves rencontrer cette journee-la pour servir Dieu, et quelles tentations vous pourront survenir de l'offenser, ou par cholere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement; et, par une sainte resolution, preparés-vous a bien employer les moyens qui se doivent offrir a vous de servir Dieu et avancer vostre devotion; comme au contraire, disposes-vous a bien eviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003000726 

 Et comme si vous tenies vostre cœur en vos mains, offrés-le avec tous vos bons desseins a la divine Majesté, la suppliant de le prendre en sa protection et le fortifier pour bien reussir en son service, et ce par telles ou semblables paroles intérieures: O Seigneur, voyla ce pauvre et miserable cœur qui, par vostre bonté, a conceu plusieurs bonnes affections; mais helas, il est trop foible et chetif pour effectuer le bien qu'il desire, si vous ne luy departes vostre celeste benediction, laquelle a cette intention je vous requiers, o Pere debonnaire, par le merite de la Passion de vostre Filz, a l'honneur duquel je consacre cette journee et le reste de ma vie.

  A003000732 

 Quant a l'examen de conscience qui se doit tous-jours faire avant qu'aller coucher, chacun sçait comme il le faut prattiquer..

  A003000734 

 On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour; et pour faire cela plus aysement, on considerera ou, avec qui, et en quelle occupation on a esté.

  A003000743 

 Bienheureuse sera l'ame qui pourra dire en verité a Nostre Seigneur: Vous estes ma mayson de refuge, mon rempart asseuré, mon toit contre la pluye et mon ombre contre la chaleur..

  A003000744 

 J'ay eslevé mes yeux a vous, o mon Dieu, qui habites au Ciel.

  A003000744 

 Resouvenés vous donq, Philothee, de faire tous-jours plusieurs retraittes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmi les conversations et affaires; et cette solitude mentale ne peut nullement estre empeschee par la multitude de ceux qui vous sont autour, car ilz ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre cors, si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003000746 

 Lesquelles paroles, outre leur sens litteral (qui tesmoigne que ce grand Roy prenoit quelques heures pour se tenir solitaire en la contemplation des choses spirituelles), nous monstrent en leur sens mystique trois excellentes retraittes et comme trois hermitages, dans lesquelz nous pouvons exercer nostre solitude a l'imitation de nostre Sauveur, lequel sur le mont de Calvaire fut comme le pelican de la solitude, qui de son sang ravive ses [93] poussins mortz; en sa Nativité dans une establerie deserte, il fut comme le hibou dedans la masure, plaignant et pleurant nos fautes et pechés; et au jour de son Ascension, il fut comme le passereau, se retirant et volant au ciel qui est comme le toit du monde; et en tous ces trois lieux, nous pouvons faire nos retraittes emmi le tracas des affaires.

  A003000752 

 Le pelerin qui prend un peu de vin pour res-jouir son cœur et rafraischir sa bouche, bien qu'il s'arreste un peu pour cela, ne rompt pourtant pas son voyage, ains prend de la force pour le plus vistement et aysement parachever, ne s'arrestant que pour mieux aller..

  A003000752 

 Philothee, nostre esprit s'addonnant a la hantise, privauté et familiarité de son Dieu, se parfumera tout de ses perfections; et si, cet exercice n'est point malaysé, car il se peut entrelacer en toutes nos affaires et occupations, sans aucunement les incommoder, d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit en ces eslancemens interieurs, on ne fait que des petitz et courtz divertissemens qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup a la poursuite de ce que nous faysons.

  A003000753 

 Il est vray qu'il y a certains motz qui ont une force particuliere pour contenter le cœur en cet endroit, comme sont les eslancemens semés si dru dedans les Pseaumes de David, les invocations diverses du nom de Jesus, et les traitz d'amour qui sont imprimés au Cantique des Cantiques.

  A003000753 

 Plusieurs ont ramassé beaucoup d'aspirations vocales, qui vrayement sont fort utiles; mais par mon advis, vous ne vous astreindres point a aucune sorte de paroles, ains prononcerés ou de cœur ou de bouche celles que l'amour vous suggerera sur le champ, car il vous en fournira tant que vous voudres.

  A003000754 

 A quoy mesme toutes choses les invitent, et n'y a creature qui ne leur annonce la louange de leur Bienaymé; et, comme dit saint Augustin apres saint Anthoine, tout ce qui est au monde leur parle d'un langage muet mais fort intelligible en faveur de leur amour; toutes choses les provoquent a des bonnes pensees, desquelles par apres naissent force saillies et aspirations en Dieu.

  A003000754 

 En fin, comme ceux qui sont amoureux d'un amour humain et naturel ont presque tous-jours leurs pensees tournees du costé de la chose aymee, leur cœur plein d'affection envers elle, leur bouche remplie de ses louanges, et qu'en son absence ilz ne perdent point [95] d'occasion de tesmoigner leurs passions par lettres, et ne treuvent point d'arbre sur l'escorce duquel ilz n'escrivent le nom de ce qu'ilz ayment; ainsy ceux qui ayment Dieu ne peuvent cesser de penser en luy, respirer pour luy, aspirer a luy et parler de luy, et voudroyent, s'il estoit possible, graver sur la poitrine de toutes les personnes du monde le saint et sacré nom de Jesus.

  A003000755 

 Saint Fulgence, Evesque de Ruspe, se treuvant en une assemblee generale de la noblesse romaine que Theodoric roy des Gots haranguoit, et voyant la splendeur de tant de seigneurs qui estoyent en rang chacun selon sa qualité: « O Dieu, » dit-il, « combien doit estre belle la Hierusalem celeste, puisqu'ici bas on voit si pompeuse Rome la terrestre! Et si en ce monde tant de splendeur est concedee aux amateurs de la vanité, quelle gloire doit estre reservee en l'autre monde aux contemplateurs de la verité! ».

  A003000756 

 Un levreau pressé des chiens accourut sous le cheval de ce saint Prelat, qui pour lhors voyageoit, comme a un refuge que le peril eminent de la mort luy suggeroit; et les chiens clabaudans tout autour n'osoyent entreprendre de violer l'immunité a laquelle leur proye avoit eu recours; spectacle certes extraordinaire, qui faisoit rire tout le train, tandis que le grand Anselme, pleurant et gemissant: Ha, vous ries, disoit-il, mais la pauvre beste ne rit pas; les ennemis de l'ame, poursuivie et mal menee par divers destours en toutes sortes de pechés, l'attendent au destroit de la mort pour la ravir et devorer, et elle, toute effrayee, cherche par tout secours et refuge; que si elle n'en treuve point, ses [97] ennemis s'en moquent et s'en rient.

  A003000757 

 Constantin le Grand escrivit honnorablement a saint Anthoine, dequoy les religieux qui estoyent autour de luy furent fort estonnés, et il leur dit: « Comme admires-vous qu'un Roy escrive a un homme? Admires plustost dequoy Dieu eternel a escrit sa loy aux mortelz, ains leur a parlé bouche a bouche en la personne de son Filz.

  A003000758 

 » Le grand saint Basile dit que la rose emmi les espines fait cette remonstrance aux hommes: « Ce qui est de plus aggreable en ce monde, o mortelz, est meslé de tristesse; rien n'y est pur: le regret est tous-jours collé a l'allegresse, la viduité au mariage, le soin a la fertilité, l'ignominie a la gloire, la despense aux honneurs, le degoust aux delices et la maladie a la santé.

  A003000759 

 L'autre voyant un fleuve flotter s'escrioit ainsy: Mon ame n'aura jamais repos qu'elle ne se soit abismee dedans la mer de la Divinité qui est son origine; et sainte Françoise, considerant un aggreable ruysseau sur le rivage duquel elle s'estoit agenouillee pour prier, fut ravie en extase, repetant plusieurs fois ces paroles tout bellement: « La grace de mon Dieu coule ainsy doucement et souefvement comme ce petit ruysseau.

  A003000760 

 Malheureux sont ceux qui destournent les creatures de leur Createur pour les contourner au peché; bienheureux sont ceux qui contournent les creatures a la gloire de leur Createur, et employent leur vanité a l'honneur de la verité.

  A003000760 

 Voyla, ma Philothee, comme l'on tire les bonnes pensees et saintes aspirations de ce qui se presente en la varieté de cette vie mortelle.

  A003000765 

 Je ne vous ay encor point parlé du soleil des exercices spirituelz, qui est le tressaint, sacré et tres-souverain Sacrifice et Sacrement de la Messe, centre de la religion chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere ineffable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement a nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003000766 

 L'orayson faitte en l'union de ce divin Sacrifice a une force indicible, de sorte, Philothee, que par iceluy, l'ame abonde en celestes faveurs comme appuyee sur son Bienaymè, qui la rend si pleine d'odeurs et suavités spirituelles, qu'elle ressemble a une colomne de fumee de bois aromatique, de la myrrhe, de Vencens et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dit es Cantiques.

  A003000769 

 Despuis le Credo jusques au Pater noster, appliques vostre cœur aux mysteres de la Mort et Passion de nostre Redempteur, qui sont actuellement et essentiellement representés en ce saint Sacrifice, lequel avec le prestre et avec le reste du peuple, vous offrirés a Dieu le Pere pour son honneur et pour vostre salut.

  A003000774 

 Vous sentirés mille douceurs de devotion par ce moyen, comme faisoit saint Augustin, qui tesmoigne en ses Confessions que oyant les divins Offices au commencement de sa conversion, son cœur se fondoit en suavité, et ses yeux, en larmes de pieté.

  A003000780 

 Les saintes ames des trespassés qui sont en Paradis avec les Anges et, comme dit Nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office, d'inspirer en nous et d'aspirer pour nous par leurs saintes oraysons.

  A003000788 

 Soyes devote a la parole de Dieu: soit que vous l'escouties en devis familiers avec vos amis spirituelz, soit que vous l'escouties au sermon, oyes-la tous-jours avec attention et reverence; faites en bien vostre prouffit et ne permettes pas qu'elle tombe a terre, ains receves-la comme un pretieux baume dans vostre cœur, a l'imitation de la Tressainte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans le sien toutes les paroles que l'on disoit a la louange de son Enfant.

  A003000790 

 Car bien que beaucoup des actions des Saintz ne soyent pas absolument imitables par ceux qui vivent emmi le monde, si est-ce que toutes peuvent estre suivies ou de pres ou de loin: la solitude de saint Paul premier ermite est imitee en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous parlerons, et avons parlé ci dessus; l'extreme [107] pauvreté de saint François, par les prattiques de la pauvreté telles que nous les marquerons, et ainsy des autres.

  A003000790 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres, comme la Vie de la bienheureuse Mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les Vies des premiers Jesuites, celle de saint Charles Borromee, Archevesque de Milan, de saint Louys, de saint Bernard, les Chroniques de saint François et autres pareilles.

  A003000794 

 Nous appelions inspirations tous les attraitz, mouvemens, reproches et remords interieurs, lumieres et connoissances que Dieu fait en nous, prevenant nostre cœur en ses benedictions par son soin et amour paternel, affin de nous resveiller, exciter, pousser et attirer aux saintes vertus, a l'amour celeste, aux bonnes resolutions, bref, a tout ce qui nous achemine a nostre [108] bien eternel.

  A003000795 

 Ainsy Dieu voulant faire en nous, par nous et avec nous, quelque action de grande charité, premierement, il nous la propose par son inspiration; secondement, nous l'aggreons; tiercement, nous y consentons; car, comme pour descendre au peché il y a trois degrés, la tentation, la delectation et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter a la vertu: l'inspiration, qui est contraire a la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire a la delectation de la tentation, et le consentement a l'inspiration, qui est contraire au consentement a la tentation..

  A003000796 

 Aussi le gentilhomme qui auroit longuement servi une damoiselle, seroit bien fort desobligé si, apres cela, elle ne vouloit aucunement entendre au mariage qu'il desire.

  A003000797 

 Et si c'est un bon signe et chose fort utile de se plaire a ouïr la parolle de Dieu, qui est comme une inspiration exterieure, c'est chose bonne aussi et aggreable a Dieu de se plaire en l'inspiration interieure: c'est ce playsir, duquel parlant l'Espouse sacree, elle dit: Mon ame s'est fondue d'ayse, quand mon Bienaymè a parlé.

  A003000798 

 Aussi le gentilhomme qui apres avoir longuement recherché une damoiselle et luy avoir rendu son service aggreable, en fin seroit rejetté et mesprisé, auroit bien plus de sujet de mescontentement que si la recherche n'avoit point esté aggreée ni favorisee..

  A003000798 

 Ce fut ce qui arriva a l'Espouse; car, quoy que la douce voix de son Bienaymé luy eust touché le cœur d'un saint ayse, si est-ce neanmoins qu'elle ne luy ouvrit pas la porte, mais s'en excusa d'une excuse frivole; dequoy l'Espoux justement indigné, passa outre et la quitta.

  A003000798 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux; car si estans inspirés et nous estans pleus en l'inspiration, nous refusons neanmoins par apres le consentement a Dieu, nous sommes extrêmement mesconnoissans et offençons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003000799 

 Resolvés-vous, Philothee, d'accepter de bon cœur toutes les inspirations qu'il plaira a Dieu de vous faire; et quand elles arriveront, receves-les comme les ambassadeurs du Roy celeste, qui desire contracter mariage avec vous.

  A003000800 

 Le consentement estant donné, il faut avec un grand soin procurer les effectz, et venir a l'execution de l'inspiration, qui est le comble de la vraye vertu; car d'avoir le consentement dedans le cœur sans venir a l'effect d'iceluy, ce seroit comme de planter une vigne sans vouloir qu'elle fructifiast..

  A003000805 

 La lyonne qui a esté accostee du leopard va vistement se laver pour oster la puanteur que cette accointance luy a laissee, affin que le lyon venant n'en soit point offensé et irrité: l'ame qui a consenti au peche doit avoir horreur de soy mesme, et se nettoyer au plus tost, pour le respect qu'elle doit porter aux yeux de sa divine Majesté qui la regarde.

  A003000808 

 De mesme, ne vous accuses pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle devotion comme vous deves; mays si vous aves eu des distractions volontaires, ou que vous ayes negligé de prendre le lieu, le tems et la contenance requise pour avoir l'attention en la priere, accuses-vous en tout simplement, selon que vous treuverés y avoir manqué, sans alleguer cette generalité, qui ne fait ni froid ni chaud en la Confession..

  A003000808 

 Ne faites pas seulement ces accusations superflues que plusieurs font par routine: je n'ay pas aymé Dieu tant que je devois; je n'ay pas prié avec tant de devotion que je devois; je n'ay pas cheri le prochain comme je devois; je n'ay pas receu les Sacremens avec la reverence que je devois, et telles semblables: la rayson est, parce qu'en disant cela vous ne dires rien de particulier qui puisse faire entendre au confesseur l'estat de vostre conscience, d'autant que tous les Saintz de Paradis et tous les hommes de la terre pourroyent dire les mesmes choses s'ilz se confessoyent.

  A003000809 

 Dites si vous vous estes longuement arrestee en vostre mal, d'autant que la longueur du tems accroist pour l'ordinaire de beaucoup le peché, y ayant bien de la difference entre une vanité passagere, qui se sera escoulee en nostre esprit l'espace d'un quart d'heure, et celle en laquelle nostre cœur aura trempé un jour, deux jours, trois jours.

  A003000809 

 Il faut donq dire le fait, le motif et la duree de nos pechés; car encores que communement on ne soit pas obligé d'estre si pointilleux en la declaration des pechés venielz, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser, si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre a la sainte devotion, doivent estre soigneux de bien faire connoistre au medecin spirituel le mal, pour petit qu'il soit, duquel ilz veulent estre gueris..

  A003000809 

 Ne vous contentes pas de dire vos pechés venielz quant au fait, mais accuses-vous du motif qui vous a [113] induit a les commettre.

  A003000810 

 Et s'il est encor besoin de particulariser les paroles pour vous [114] bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire; car s'accusant ainsy naifvement, on ne descouvre pas seulement les pechés qu'on a fait, mais aussi les mauvaises inclinations, coustumes, habitudes et autres racines du peché, au moyen dequoy le pere spirituel prend une plus entiere connoissance du cœur qu'il traitte et des remedes qui luy sont propres.

  A003000810 

 Il faut neanmoins tous-jours tenir couvert le tiers qui aura cooperé a vostre peché, tant qu'il sera possible..

  A003000810 

 N'espargnes point de dire ce qui est requis pour bien faire entendre la qualité de vostre offence, comme le sujet que vous aves eu de vous mettre en cholere, ou de supporter quelqu'un en son vice.

  A003000810 

 Par exemple, un homme lequel me desplait, me dira quelque legere parole pour rire, je le prendray en mauvaise part et me mettray en cholere; que si un autre qui m'eust esté aggreable en eust dit une plus aspre, je l'eusse prins en bonne part.

  A003000811 

 Prenes garde a une quantité de pechés qui vivent et regnent bien souvent insensiblement dedans la conscience, affin que vous les confessies et que vous puissies vous en purger; et a cet effect, lises diligemment les chapitres VI, XXVII, XXVIII, XXIX, XXXV et XXXVI de la troisiesme Partie et le chapitre viii de la quatriesme Partie..

  A003000812 

 Ne changes pas aysement de confesseur, mais en ayant choisi un, continues a luy rendre conte de vostre conscience aux jours qui sont destinés pour cela, luy disant naifvement et franchement les pechés que vous aures commis; et de tems en tems, comme seroit de mois en mois ou de deux mois en deux mois, dites-luy encor l'estat de vos inclinations, quoy que par icelles vous n'ayes pas peché, comme si vous esties tourmentee de la tristesse, du chagrin, ou si vous estes portee a la joye, aux desirs d'acquerir des biens, et semblables inclinations.

  A003000815 

 Le Sauveur a institué ce Sacrement tres auguste de l'Eucharistie qui contient reellement sa chair et son sang, affin que qui le mange vive eternellement; c'est pourquoy, quicomque en use souvent avec devotion affermit tellement la santé et la vie de son ame, qu'il est presque impossible qu'il soit empoisonné d'aucune sorte de mauvaise affection.

  A003000815 

 O Philothee, les Chrestiens qui seront damnés demeureront sans replique lhors que le juste Juge leur fera voir le tort qu'ilz ont eu de mourir spirituellement, puisqu'il leur estoit si aysé de se [116] maintenir en vie et en santé par la manducation de son Cors qu'il leur avoit laissé a cette intention.

  A003000816 

 » Ce sont les propres paroles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupere ni loüe absolument que l'on communie tous les jours, mais laisse cela a la discretion du pere spirituel de celuy qui se voudra resouldre sur ce point; car la disposition requise pour une si frequente Communion devant estre fort exquise, il n'est pas bon de le conseiller generalement; et parce que cette disposition la, quoy qu'exquise, se peut treuver en plusieurs bonnes ames, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generalement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier.

  A003000818 

 On ne peut pas bien arrester cecy en general, il faut faire ce que le pere spirituel dira; bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions est celle de mois a mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003000818 

 Par exemple, si vous estes en quelque sorte de subjection, et que ceux a qui vous deves de l'obeissance ou de la reverence soyent si mal instruitz ou si bigearres qu'ilz s'inquietent et troublent de vous voir si souvent communier, a l'adventure, toutes choses considerees, sera-il bon de condescendre en quelque sorte a leur infirmité, et ne communier que de quinze jours en quinze jours; mais cela s'entend en cas qu'on ne puisse aucunement vaincre la difficulté.

  A003000818 

 Plusieurs legitimes empeschemens peuvent neanmoins vous arriver, non point de vostre costé mais de la part de ceux avec lesquelz vous vives, qui donneroyent occasion au sage conducteur de vous dire que vous ne communies pas si souvent.

  A003000819 

 Si vous estes bien prudente, il n'y a ni mere, ni [118] femme, ni mari, ni pere qui vous empesche de communier souvent: car, puisque le jour de vostre Communion, vous ne laisseres pas d'avoir le soin qui est convenable a vostre condition, que vous en seres plus douce et plus gracieuse en leur endroit et que vous ne leur refuseres nulle sorte de devoirs, il n'y a pas de l'apparence qu'ilz veuillent vous destourner de cet exercice, qui ne leur apportera aucune incommodité, sinon qu'ilz fussent d'un esprit extremement coquilleux et desraysonnable; en ce cas, comme j'ay dit, a l'adventure que vostre directeur voudra que vous usies de condescendance..

  A003000820 

 Certes, en la primitive Eglise, les Chrestiens communioient tous les jours, quoy qu'ilz fussent mariés et benis de la generation des enfans; c'est pourquoy j'ay dit que la frequente Communion ne donnoit nulle sorte d'incommodité ni aux peres, ni aux femmes, ni aux maris, pourveu que l'ame qui communie soit prudente et discrete..

  A003000820 

 Il faut que je die ce mot pour les gens mariés: Dieu treuvoit mauvais en l'ancienne Loy que les creanciers fissent exaction de ce qu'on leur devoit es jours des festes, mais il ne treuva jamais mauvais que les debiteurs payassent et rendissent leurs devoirs a ceux qui les exigeoient.

  A003000821 

 Quant aux maladies corporelles, il n'y en a point qui soit empeschement legitime a cette sainte participation, si ce n'est celle qui provoquerait frequemment au vomissement..

  A003000826 

 Le matin leves-vous avec grande joye, pour le bonheur que vous esperés, et vous estant confessee, alles avec grande confiance, mais aussi avec grande humilité, prendre cette viande celeste qui vous nourrit a l'immortalité.

  A003000826 

 O Philothee, imaginés-vous que comme l'abeille ayant recueilli sur les fleurs la rosee du ciel et le suc plus exquis de la terre, et l'ayant reduit en miel, le porte dans sa ruche, ainsy le prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Filz de Dieu, qui comme une rosee est descendu du Ciel, et vray Filz de la Vierge, qui comme fleur est sorti de la terre de nostre humanité, il le met en viande de suavité dedans vostre bouche et dedans vostre cors.

  A003000829 

 Dites leur que ceux qui n'ont pas beaucoup d'affaires mondaines doivent souvent communier parce qu'ilz en ont la commodité, et ceux qui ont beaucoup d'affaires mondaines, parce qu'ilz en ont necessité, et que celuy qui travaille beaucoup et qui est chargé de peynes doit aussi manger les viandes solides et souventesfois.

  A003000835 

 C'est un grand defaut en plusieurs qui, entreprenans l'exercice de quelque vertu particuliere, s'opiniastrent d'en produire des actions en toutes sortes [124] de rencontres, et veulent, comme ces anciens philosophes, ou tous-jours pleurer ou tous-jours rire; et font encor pis quand ilz blasment et censurent ceux qui, comme eux, n'exercent pas tous-jours ces mesmes vertus.

  A003000835 

 Le juste est comme l'arbre qui est planté sur le cours des eaux, qui porte son fruit en son tems, parce que la charité arrousant une ame, produit en elle les œuvres vertueuses chacune en sa saison.

  A003000836 

 Il y a neanmoins des vertus lesquelles ont leur usage presque universel, et qui ne doivent pas seulement faire leurs actions a part, ains doivent encor respandre leurs qualités es actions de toutes les autres vertus.

  A003000837 

 Chaque vacation a besoin de prattiquer quelque speciale vertu: autres sont les vertus d'un prelat, autres celles d'un prince, autres celles d'un soldat, autres celles d'une femme mariee, autres celles d'une vefve; et bien que tous doivent avoir toutes les vertus, tous neanmoins ne les doivent pas egalement prattiquer, mais un chacun se doit particulierement addonner a celles qui sont requises au genre de vie auquel il est appellé..

  A003000837 

 Entre les exercices des vertus, nous devons preferer celuy qui est plus conforme a nostre devoir, et non pas celuy qui est plus conforme a nostre goust.

  A003000838 

 Entre les vertus qui ne regardent pas nostre devoir particulier, il faut preferer les plus excellentes et non pas les plus apparentes.

  A003000838 

 Il y a de mesme certaines vertus lesquelles, pour estre proches de nous, sensibles et, s'il faut ainsy dire, materielles, sont grandement estimees et tous-jours preferees par le vulgaire: ainsy prefere-il communement l'aumosne temporelle a la spirituelle, la haire, le jeusne, la nudité, la discipline et les mortifications du cors a la douceur, a la debonnaireté, a la modestie et autres mortifications du cœur, qui neanmoins sont bien plus excellentes.

  A003000839 

 Or, sur quelque tentation survenue tant au ladre qu'a Euloge de se quitter l'un l'autre, ilz s'addresserent au grand saint Anthoine qui leur dit: « Gardes bien, mes enfans, de vous separer l'un de l'autre; car estans tous deux proches de vostre fin, si l'Ange ne vous treuve pas ensemble, vous coures grand peril de perdre vos couronnes.

  A003000841 

 En quoy ilz imitent les brodeurs qui, sur divers fonds, couchent en belle varieté les soyes, l'or et l'argent pour en faire toutes sortes de fleurs; car ainsy ces ames pieuses qui entreprennent quelque particulier exercice de devotion, se servent d'iceluy comme d'un fonds pour leur broderie spirituelle, sur lequel elles prattiquent la varieté de toutes les autres vertus, tenans en cette sorte leurs actions et affections mieux unies et rangees par le rapport qu'elles en font a leur exercice principal, et font ainsy paroistre leur esprit.

  A003000846 

 Car, comme les sangliers pour aiguiser leurs defenses les frottent et fourbissent avec leurs autres dens, lesquelles reciproquement en demeurent toutes fort affilees et tranchantes, ainsy l'homme vertueux ayant entreprins de se perfectionner en la vertu de laquelle il a plus de besoin pour sa defense, il la doit limer et affiler par l'exercice des autres vertus, lesquelles en affinant celle la, en deviennent toutes plus excellentes et mieux polies; comme il advint a Job, qui s'exerçant particulierement en la patience, contre tant de tentations desquelles il fut agité, devint parfaittement saint et vertueux en toutes sortes de vertus.

  A003000850 

 Cette basse et grossiere crainte qui engendre les scrupules excessifz es ames de ceux qui sortent nouvellement du train des pechés, est une vertu recommandable en ce commencement, et presage certain d'une future pureté de conscience; mais cette mesme crainte seroit blasmable en ceux qui sont fort avancés, dedans le cœur desquelz doit regner l'amour, qui petit a petit chasse cette sorte de crainte servile..

  A003000850 

 Saint Augustin dit excellemment que ceux qui commencent en la devotion commettent certaines fautes, lesquelles sont blasmables selon la rigueur des lois de la perfection, et sont neanmoins louables, pour le bon presage qu'elles donnent d'une future excellence de pieté, a laquelle mesme elles servent de disposition.

  A003000851 

 Saint Bernard en ses commencemens estoit plein de rigueur et d asprete envers ceux qui se rangeoyent sous sa conduite, ausquelz il annonçoit d'abord qu'il falloit quitter le cors et venir a luy avec le seul esprit.

  A003000851 

 [129] Voyes vous, Philothee, c'estoit le zele tres ardent d'une parfaitte pureté qui provoquoit ce grand Saint a cette sorte de methode, et ce zele estoit une grande vertu, mais vertu neanmoins qui ne laissoit pas d'estre reprehensible.

  A003000852 

 C'est bon signe en un malade quand au sortir de sa maladie les jambes luy enflent, car cela denote que la nature des-ja renforcee rejette les humeurs superflues; mays ce mesme signe seroit mauvais en celuy qui ne seroit pas malade, car il [130] feroit connoistre que la nature n'a pas asses de force pour dissiper et resouldre les humeurs.

  A003000852 

 J'atteste Jesus auquel elle a servi et auquel je desire servir, que je ne mens ni d'un costé ni d'autre, ains produis naifvement ce qui est d'elle, comme Chrestien d'une Chrestienne; c'est a dire, j'en escris l'histoire, non pas un panegyrique, et que ses vices sont les vertus des autres.

  A003000852 

 » Il veut dire que les deschetz et defautz de sainte Paule eussent tenu lieu de vertu en une ame moins parfaitte, comme a la verité il y a des actions qui sont estimees imperfections en ceux qui sont parfaitz, lesquelles seroyent neanmoins tenues pour grandes perfections en ceux qui sont imparfaitz.

  A003000853 

 Il y a certaines choses que plusieurs estiment vertus et qui ne le sont aucunement, desquelles il faut que je vous die un mot: ce sont les extases ou ravissemens, les insensibilités, impassibilités, unions deifiques, eslevations, transformations, et autres telles perfections desquelles certains livres traittent, qui promettent d'eslever l'ame jusqu'à la contemplation purement intellectuelle, a l'application essentielle de l'esprit et vie supereminente.

  A003000853 

 Mais pour tout cela, il ne faut pas pretendre a telles graces, puisqu'elles ne sont nullement necessaires pour bien servir et aymer Dieu, qui doit estre nostre unique pretention; aussi, bien souvent ne sont-ce pas des graces qui puissent estre acquises par le travail et industrie, puisque ce sont plustost des passions que des actions, lesquelles nous pouvons recevoir, mais non pas faire en nous.

  A003000853 

 Voyés-vous, Philothee, ces perfections ne sont pas vertus; ce sont plustost des recompenses que Dieu donne pour les vertus, ou bien encor plustost des eschantillons des felicités de la vie future, qui quelquefois sont presentés aux hommes pour leur faire desirer les pieces toutes entieres qui sont la haut en Paradis.

  A003000854 

 Certes, les pretentions si hautes et eslevees des choses extraordinaires sont grandement sujettes aux illusions, tromperies et fausetés; et arrive quelquefois que ceux qui pensent estre des anges ne sont pas seulement bons hommes, et qu'en leur fait il y a plus de grandeur es paroles et termes dont ilz usent, qu'au sentiment et en l'œuvre.

  A003000859 

 Il y en a qui ne veulent souffrir sinon les tribulations qui sont honnorables, comme par exemple, d'estre blessés a la guerre, d'estre prisonniers de guerre, d'estre mal traittés pour la religion, de s'estre appauvris par quelque querelle en laquelle ilz soyent demeurés maistres; et ceux-ci n'ayment pas la tribulation, mais l'honneur qu'elle apporte.

  A003000859 

 Le vray patient et serviteur de Dieu supporte egalement les tribulations conjointes a l'ignominie et celles qui sont honnorables.

  A003000860 

 Il y en a d'autres qui veulent bien avoir quelque incommodité du mal, ce leur semble, mays non pas l'avoir toute: ilz ne s'impatientent pas, disent-ilz, d'estre malades, mais de ce qu'ilz n'ont pas de l'argent pour se faire panser, ou bien de ce que ceux qui sont autour d'eux en sont importunés.

  A003000860 

 Soyes patiente, non seulement pour le gros et principal des afflictions qui vous surviendront, mais encores pour les accessoires et accidens qui en dependront.

  A003000861 

 Quand il vous arrivera du mal, opposés a iceluy les remedes qui seront possibles et selon Dieu, car de faire autrement, ce seroit tenter sa divine Majesté: mais aussi cela estant fait, attendes avec une entiere resignation l'effect que Dieu aggreera.

  A003000862 

 Je suis l'advis de saint Gregoire: Quand vous seres accusee justement pour quelque faute que vous aures commise, humilies-vous bien fort, confesses que vous merités l'accusation qui est faitte contre vous.

  A003000863 

 Plaignes vous le moins que vous pourres des tortz qui vous seront faitz; car c'est chose certaine que pour l'ordinaire, qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tous-jours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faites point vos plaintes a des personnes aysees a s'indigner et mal penser.

  A003000863 

 Que s'il est expedient de vous plaindre a quelqu'un, ou pour remedier a l'offense, ou pour accoiser vostre esprit, il faut que ce soit a des ames tranquilles et qui ayment bien Dieu; car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueroyent a de plus grandes inquietudes; au lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheront plus avant en vostre pied..

  A003000864 

 Or, cela est vrayment une patience, mais une patience fause qui, en effect, n'est autre chose qu'une tres delicate et tres fine ambition et vanité: Ilz ont de la gloire, dit l'Apostre, mais non pas envers Dieu.

  A003000865 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas), resouvenes-vous de la parolle de Nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant né elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est né au monde; car vous aves conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressenties du travail; mais ayés bon courage, car, ces douleurs passees, la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003000866 

 Et comme le miel qui est fait des fleurs de thim, herbe petite et amere, est le meilleur de tous, ainsy la vertu qui s'exerce en l'amertume des plus viles, basses et abjectes tribulations est la plus excellente de toutes..

  A003000867 

 Consideres les peynes que les Martyrs souffrirent jadis, et celles que tant de personnes endurent, plus griefves, sans aucune proportion, que celles esquelles vous estes, et dites: helas, mes travaux sont des consolations et mes espines des roses, en comparayson de ceux qui, sans secours, sans assistence, sans allegement, vivent en une mort continuelle, accablés d'afflictions infiniment plus grandes.

  A003000872 

 Il y en a qui se rendent fiers et morgans pour estre sur un bon cheval, pour avoir un pennache en leur chapeau, pour estre habillés somptueusement; mais qui ne void cette folie? car s'il y a de la gloire pour cela, elle est [140] pour l'oyseau et pour le tailleur; et quelle lascheté de courage est ce d'emprunter son estime d'un cheval, d'une plume, d'un goderon? Les autres se prisent et regardent pour des moustaches relevees, pour une barbe bien peignee, pour des cheveux crespés, pour des mains douillettes, pour sçavoir danser, joüer, chanter; mais ne sont ilz pas lasches de courage, de vouloir encherir leur valeur et donner du surcroist a leur reputation par des choses si frivoles et folastres? Les autres, pour un peu de science, veulent estre honnorés et respectés du monde, comme si chacun devoit aller a l'escole chez eux et les tenir pour maistres: c'est pourquoy on les appelle pedans.

  A003000872 

 La noblesse de la race, la faveur des grans, l'honneur populaire, ce sont choses qui ne sont pas en nous, mais ou en nos predecesseurs, ou en l'estime d'autruy.

  A003000872 

 Nous appelions vaine la gloire qu'on se donne ou pour ce qui n'est pas en nous, ou pour ce qui est en nous mais non pas a nous, ou pour ce qui est en nous et a nous, mais qui ne merite pas qu'on s'en glorifie.

  A003000873 

 Les perles qui sont conceuës ou nourries au vent et au bruit des tonnerres n'ont que l'escorce de perle, et sont vuides de substance; et ainsy les vertus et belles qualités des hommes qui sont receuës et nourries en l'orgueil, en la vantance et en la vanité, n'ont qu'une simple apparence du bien, sans suc, sans moelle et sans solidité.

  A003000874 

 Et comme ceux qui odorent la mandragore de loin et en passant reçoivent beaucoup de suavité, mais ceux qui la sentent de pres et longuement en deviennent assoupis et malades, ainsy les honneurs rendent une douce consolation a celuy qui les odore de loin et legerement, sans s'y amuser ou s'en empresser; mais a qui s'y affectionne et s'en repaist, ilz sont extremement blasmables et vituperables..

  A003000874 

 Les honneurs, les rangs, les dignités sont comme le saffran, qui se porte mieux et vient plus abondamment d'estre foulé aux pieds.

  A003000874 

 Quand le paon fait sa roue pour se voir, en levant ses belles plumes il se herisse de tout le reste, et monstre de part et d'autre ce qu'il a d'infame; les fleurs qui sont belles plantees en terre, flestrissent estans maniees.

  A003000874 

 Si nous sommes pointilleux pour les rangs, pour les [143] seances, pour les tiltres, outre que nous exposons nos qualités a l'examen, a l'enqueste et a la contradiction, nous les rendons viles et abjectes; car l'honneur qui est beau estant receu en don, devient vilain quand il est exigé, recherché et demandé.

  A003000876 

 Car, comme ceux qui viennent du Peru, outre l'or et l'argent qu'ilz en tirent, apportent encor des singes et perroquetz, parce qu'ilz ne leur coustent gueres et ne chargent pas aussi beaucoup leur navire; ainsy ceux qui pretendent a la vertu ne laissent pas de prendre leurs rangs et les honneurs qui leur sont deus, pourveu toutefois que cela ne leur couste pas beaucoup de soin et d'attention, et que ce soit sans en estre chargés de trouble, d'inquietude, de disputes et contentions.

  A003000876 

 Je ne parle neanmoins pas de ceux desquelz la dignité regarde le public, ni de certaines occasions particulieres qui tirent une grande consequence; car en cela, il faut que chacun conserve ce qui luy appartient, avec une prudence et discretion qui soit accompagnee de charité et courtoisie..

  A003000876 

 Qui peut avoir des perles ne se charge pas de coquilles; et ceux qui pretendent a la vertu ne s'empressent point pour les honneurs.

  A003000881 

 Il ne faut pas craindre que la connoissance de ce qu'il a mis en nous nous enfle, pourveu que nous soyons attentifz a cette verité, que ce qui est de bon en nous n'est pas de nous.

  A003000883 

 J'en dis de mesme de quelques paroles [147] d'honneur ou de respect qui, a la rigueur, ne semblent pas veritables; car elles le sont neanmoins asses, pourveu que le cœur de celuy qui les prononce ait une vraye intention d'honnorer et respecter celuy pour lequel il les dit; car encor que les motz signifient avec quelque exces ce que nous disons, nous ne faisons pas mal de les employer quand l'usage commun le requiert.

  A003000883 

 Or, je tiens cette regle si generale que je n'y apporte nulle exception: seulement j'adjouste que la civilité requiert que nous presentions quelquefois l'advantage a ceux qui manifestement ne le prendront pas, et ce n'est pourtant pas ni duplicité ni fause humilité; car alhors le seul offre de l'advantage est un commencement d'honneur, et puisqu'on ne peut le leur donner entier on ne fait pas mal de leur en donner le commencement.

  A003000884 

 Il faut donq humblement et saintement oser tout ce qui est jugé propre a nostre avancement par ceux qui conduisent nos ames..

  A003000884 

 Le superbe qui se fie en soy mesme a bien occasion de n'oser rien entreprendre; mais l'humble est d'autant plus courageux qu'il se reconnoist plus impuissant: et a mesure qu'il s'estime chetif il devient plus hardi parce qu'il a toute sa confiance en Dieu, qui se plait a magnifier sa toute puissance en nostre infirmité, et eslever sa misericorde sur nostre misere.

  A003000885 

 Car ainsy l'humilité couvre et cache toutes nos vertus et perfections humaines, et ne les fait jamais paroistre que [149] pour la charité, qui estant une vertu non point humaine mais celeste, non point morale mais divine, elle est le vray soleil des vertus, sur lesquelles elle doit tous-jours dominer: si que les humilités qui prejudicient a la charité sont indubitablement fauses..

  A003000885 

 Quand la charité le requiert, il faut communiquer rondement et doucement avec le prochain, non seulement ce qui luy est necessaire pour son instruction, mais aussi ce qui luy est utile pour sa consolation; car l'humilité qui cache et couvre les vertus pour les conserver, les fait neanmoins paroistre quand la charité le commande, pour les accroistre, aggrandir et perfectionner.

  A003000886 

 En suite dequoy je vous diray que si pour les actions d'une vraye et naifve devotion, on vous estime vile, abjecte ou folle, l'humilité vous fera res-jouir de ce bienheureux opprobre, duquel la cause n'est pas en vous, mais en ceux qui le font.

  A003000886 

 Que si quelques grans serviteurs de Dieu ont fait semblant d'estre folz pour se rendre plus abjectz devant le monde, il les faut admirer et non pas imiter; car ilz ont eu des motifz pour passer a cet exces qui leur ont esté si particuliers et extraordinaires, que personne n'en doit tirer aucune consequence pour soy.

  A003000890 

 Il y a néanmoins difference entre la vertu d'humilité et l'abjection; car l'abjection, c'est la petitesse, bassesse et vileté qui est en nous, sans que nous y pensions; mais quant a la vertu d'humilité, c'est la veritable connoissance et volontaire reconnoissance de nostre abjection.

  A003000890 

 Or, je dis maintenant qu'il ne faut pas seulement aymer le mal, ce qui se fait par la vertu de la patience; mays il faut aussi cherir l'abjection, ce qui se fait par la vertu de l'humilité..

  A003000891 

 Un jeune gentilhomme ou une jeune dame qui ne s'abandonnera pas au desreglement d'une troupe desbauchee, a parler, jouer, danser, boire, vestir, sera brocardé et censuré par les autres, et sa modestie sera nommee ou bigoterie ou affaiterie: aymer cela, c'est aymer son abjection.

  A003000892 

 Il y a mesme des fautes esquelles il n'y a aucun mal que la seule abjection; et l'humilité ne requiert pas qu'on les face expressement, mais elle requiert bien qu'on ne s'inquiete point quand on les aura commises: telles sont certaines sottises, incivilités et inadvertances, lesquelles comme il faut eviter avant qu'elles soyent faittes, pour obeir a la civilité et prudence, aussi faut il quand elles sont faittes, acquiescer a l'abjection qui nous en revient, et l'accepter de bon cœur pour suivre la sainte humilité.

  A003000892 

 Je dis bien davantage: si je me suis desreglé par cholere ou par dissolution a dire des parolles indecentes et desquelles Dieu et le prochain est offencé, je me repentiray vivement et seray extremement marri de l'offence, laquelle je m'essayeray de reparer le mieux qu'il me sera possible; mays je ne laisseray pas d'aggreer l'abjection et le mespris qui m'en arrive; et si l'un se pouvoit separer d'avec l'autre, je rejetterois ardemment le peché et garderois humblement l'abjection..

  A003000893 

 Mais quoy que nous aymions l'abjection qui s'ensuit du mal, si ne faut il pas laisser de remedier au mal qui l'a causee, par des moyens propres et legitimes, et sur tout quand le mal est de consequence.

  A003000893 

 Si j'ay fait une chose qui n'offense personne, je ne m'en excuseray pas, parce qu'encor que ce soit un defaut, si est-ce qu'il n'est pas permanent; je ne pourrois donques m'en excuser que pour l'abjection qui m'en revient; or c'est cela que l'humilité ne peut permettre: [153] mais si par mesgarde ou par sottise j'ay offensé ou scandalisé quelqu'un, je repareray l'offense par quelque veritable excuse, d'autant que le mal est permanent et que la charité m'oblige de l'effacer.

  A003000894 

 Ah! qui nous fera la grace de pouvoir dire avec ce grand Roy: J'ay choisi d'estre abject en la mayson de Dieu, plustost que d'habiter es tabernacles des pecheurs? Nul ne le peut, chere Philothee, que Celuy qui pour nous exalter, vesquit et mourut en sorte qu'il fut l' opprobre des hommes et l'abjection du peuple..

  A003000894 

 Que s'il en falloit choisir, les plus grandes sont les meilleures; et celles la sont estimees les plus grandes qui sont plus contraires a nos inclinations, pourveu qu'elles soyent conformes a nostre vacation; car, pour le dire une fois pour toutes, nostre choix et election gaste et amoindrit presque toutes nos vertus.

  A003000895 

 Je vous ay dit beaucoup de choses qui vous sembleront dures quand vous les considererés; mais croyes-moy, elles seront plus douces que le sucre et le miel quand vous les prattiquerés.[154].

  A003000899 

 Car par la loüange nous voulons persuader aux autres d'estimer l'excellence de quelqu'un; par l'honneur nous protestons que nous l'estimons nous mesmes; et la gloire n'est autre chose, a mon advis, qu'un certain esclat de reputation qui rejaillit de l'assemblage de plusieurs louanges et honneurs: si que les honneurs et loüanges sont comme des pierres pretieuses, de l'amas desquelles reussit la gloire comme un esmail.

  A003000899 

 Elle consent bien neanmoins a l'advertissement du Sage, qui nous admoneste d' avoir soin de nostre renommee, parce que la bonne renommee est une estime, non d'aucune excellence, mais seulement d'une simple et commune preud'hommie et integrité de vie, laquelle l'humilité n'empesche pas que nous ne reconnoissions en nous mesmes, ni par consequent que nous en desirions la reputation.

  A003000899 

 Or, l'humilité ne pouvant souffrir que nous ayons aucune opinion d'exceller ou devoir estre preferés aux autres, ne peut aussi permettre que nous recherchions la louange, l'honneur ni la gloire qui sont deuës a la seule excellence.

  A003000900 

 Conservons nos vertus, ma chere Philothee, parce qu'elles sont aggreables a Dieu, grand et souverain objet de toutes nos actions; mais comme ceux qui veulent garder les fruitz ne se contentent pas de les confire, ains les mettent dedans des vases propres a la conservation d'iceux, de mesme, bien que l'amour divin soit le principal conservateur de nos vertus, si est-ce que nous pouvons encor employer la bonne renommee comme fort propre et utile a cela..

  A003000900 

 Outre cela, comme les feuilles des arbres, qui d'elles mesmes ne sont pas beaucoup prisables, servent neanmoins de beaucoup, non seulement pour les embellir, mais aussi pour conserver les fruitz tandis qu'ilz sont encor tendres; ainsy la bonne renommee, qui de soy mesme n'est pas une chose fort desirable, ne laisse pas d'estre tres utile, non seulement pour l'ornement de nostre vie, mais aussi pour la conservation de nos vertus, et principalement des vertus encor tendres et foibles: l'obligation de maintenir nostre reputation et d'estre telz que l'on nous estime, force un courage genereux, d'une puissante et douce violence.

  A003000901 

 Certes, Philothee, qui veut avoir reputation envers tous, la perd envers tous; et celuy merite de perdre l'honneur, qui le veut prendre de ceux que les vices rendent vrayement infames et deshonnorés..

  A003000901 

 Il ne faut pas pourtant que nous soyons trop ardens, exactes et pointilleux a cette conservation, car ceux qui sont si douilletz et sensibles pour leur reputation ressemblent a ceux qui pour toutes sortes de petites [156] incommodités prennent des medecines: car ceux ci, pensans conserver leur santé la gastent tout a fait, et ceux la, voulans maintenir si delicatement leur reputation la perdent entierement; car par cette tendreté ilz se rendent bigearres, mutins, insupportables, et provoquent la malice des mesdisans.

  A003000901 

 La crainte excessive de perdre la renommee tesmoigne une grande defiance du fondement d'icelle, qui est la verité d'une bonne vie.

  A003000901 

 Les crocodiles n'endommagent que ceux qui les craignent, ni certes la mesdisance sinon ceux qui s'en mettent en peyne.

  A003000901 

 Les villes qui ont des pontz de bois sur des grans fleuves craignent qu'ilz ne soyent emportés a toutes sortes de debordemens; mais celles qui les ont de pierre n'en sont en peyne que pour des inondations extraordinaires: ainsy ceux qui ont une ame solidement chrestienne mesprisent ordinairement les debordemens des langues injurieuses; mais ceux qui se sentent foibles s'inquietent a tout propos.

  A003000902 

 Ainsy, bien que la renommee soit coupee, ou mesme tout a fait rasee par la langue des mesdisans, qui est, dit David, comme un rasoir affilé, il ne se faut point inquieter, car bien tost elle renaistra non seulement aussi belle qu'elle estoit, ains encores plus solide.

  A003000902 

 La reputation n'est que comme une enseigne qui fait connoistre ou la vertu loge; la vertu doit donq estre en tout et par tout preferee.

  A003000902 

 Or, la racine de la renommee, c'est la bonté et la probité, laquelle tandis qu'elle est en nous peut tous-jours reproduire l'honneur qui luy est deu..

  A003000908 

 Le baume (qui, comme j'ay dit cy dessus, prend tous-jours le dessous parmi toutes les liqueurs) represente l'humilité, et l'huyle d'olive, qui prend tous-jours le dessus, represente la douceur et debonnaireté, laquelle surmonte toutes choses et excelle entre les vertus comme estant la fleur de la charité laquelle, selon saint Bernard, est en sa perfection quand non seulement elle est patiente, mais quand outre cela elle est douce et debonnaire.

  A003000908 

 Le saint chresme, duquel par tradition apostolique on use en l'Eglise de Dieu pour les confirmations et benedictions, est composé d'huyle d'olive meslee avec le baume, qui represente entre autres choses les deux cheres et bienaymees vertus qui reluisoient en la sacree Personne de Nostre Seigneur, lesquelles il nous a singulierement recommandees, comme si par icelles nostre cœur devoit estre specialement consacré a son service et appliqué a son imitation: Apprenes de moy, dit-il, que je suis doux et humble de cœur.

  A003000909 

 Mais prenes garde, Philothee, que ce chresme mystique composé de douceur et d'humilité soit dedans vostre cœur; car c'est un des grans artifices de l'ennemi de faire que plusieurs s'amusent aux paroles et contenances exterieures de ces deux vertus, qui n'examinans pas bien leurs affections interieures, pensent estre humbles et doux et ne le sont néanmoins nullement en effect; ce que l'on reconnoist parce que, nonobstant leur ceremonieuse douceur et humilité, a la moindre parole qu'on leur dit de travers, a la moindre petite injure qu'ilz reçoivent, ilz s'eslevent avec une arrogance nompareille.

  A003000909 

 On dit que ceux qui ont prins le preservatif que l'on appelle communement la grace de saint Paul, n'enflent point estans morduz et piqués de la vipere, pourveu que la grace soit de la fine: de mesme, quand l'humilité et la douceur sont bonnes et vrayes, elles nous garantissent de l'enflure et ardeur que les injures ont accoustumé de provoquer en nos cœurs.

  A003000911 

 Ainsy, tandis que la rayson regne et exerce paisiblement les chastimens, corrections et reprehensions, quoy que ce soit rigoureusement et exactement, chacun l'ayme et l'appreuve; mais quand elle conduit avec soy l'ire, la cholere et le courroux, qui sont, dit saint Augustin, ses soldatz, elle se rend plus effroyable qu'amiable et son propre cœur en demeure tous-jours foulé et maltraitté.

  A003000911 

 On ne prise pas tant la correction qui sort de la passion, quoy qu'accompagnee de rayson, que celle qui n'a aucune autre origine que la rayson seule: car l'ame raysonnable estant naturellement sujette a la rayson, elle n'est sujette a la passion que par tyrannie; et partant, quand la rayson est accompagnee de la passion elle se rend odieuse, sa juste domination estant avilie par la societé de la tyrannie.

  A003000912 

 Il est donq mieux d'entreprendre de sçavoir vivre sans cholere que de vouloir user moderement et sagement de la cholere, et quand par imperfection et foiblesse nous nous treuvons surpris d'icelle, il est mieux de la repousser vistement que de vouloir marchander avec elle; car pour peu qu'on luy donne de loysir, elle se rend maistresse de la place et fait comme le serpent, qui tire aysement tout son cors ou il peut mettre la teste.

  A003000913 

 Mais tous-jours je vous advertis que l'orayson qui se fait contre la cholere presente et pressante doit estre prattiquee doucement, tranquillement, et non point violemment; ce qu'il faut observer en tous les remedes qu'on use contre ce mal.

  A003000914 

 Et ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromatique et odorant, c'est a dire la suavité de la [165] conversation civile avec les estrangers, mais aussi la douceur du lait entre les domestiques et proches voysins: en quoy manquent grandement ceux qui en rue semblent des anges, et en la mayson, des diables..

  A003000918 

 En quoy font une grande faute plusieurs qui, s'estans mis en cholere, se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre despités; car par ce moyen ilz tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere: et si bien il semble que la seconde cholere ruine la premiere, si est ce neanmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere, a la premiere occasion qui s'en presentera; outre que ces choleres, despitz et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent a l'orgueil et n'ont origine que de l'amour propre, qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaitz..

  A003000919 

 Au contraire, celuy qui hait la mesdisance se tourmentera d'avoir fait une legere murmuration, et ne tiendra nul conte d'une grosse faute commise contre la chasteté, et ainsy des autres; ce qui n'arrive pour autre chose, sinon d'autant qu'ilz ne font pas le jugement de leur conscience par rayson, mais par passion..

  A003000919 

 Il faut donq avoir un desplaysir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car comme un juge chastie bien mieux les meschans faysant ses sentences [166] par rayson et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion, d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsy nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentances tranquilles et constantes, que non pas par des repentances aigres, empressees et choleres, d'autant que ces repentances faittes avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003000919 

 Par exemple, celuy qui affectionne la chasteté se despitera avec une amertume nompareille de la moindre faute qu'il commettra contre icelle, et ne se fera que rire d'une grosse mesdisance qu'il aura commise.

  A003000922 

 Que si neanmoins quelqu'un ne treuve pas que son cœur puisse estre asses esmeu par cette douce correction, il pourra employer le reproche et une reprehension dure et forte pour l'exciter a une profonde confusion, pourveu qu'apres avoir rudement gourmandé et courroucé son cœur, il finisse par un allegement, terminant tout son regret et courroux en une douce et sainte confiance en Dieu, a l'imitation de ce grand penitent qui voyant son ame affligee la relevoit en cette sorte: Pourquoy es-tu triste, o mon ame, et pourquoy me troubles-tu? Espere en Dieu, car je le beniray encor comme le salut de ma face et mon vray Dieu..

  A003000928 

 Celuy qui se haste, dit Salomon, court fortune de chopper et heurter des pieds.

  A003000928 

 Les bourdons font bien plus de bruit et sont bien plus empressés que les abeilles, mais ilz ne font sinon la cire et non point de miel: ainsy ceux qui s'empressent d'un souci cuisant et d'une sollicitude bruyante, ne font jamais ni beaucoup ni bien.

  A003000928 

 Les fleuves qui vont doucement coulant en la plaine portent les grans bateaux et riches marchandises, et les pluyes qui tombent doucement en la campagne la fecondent d'herbes et de graines; mais les torrens et rivieres qui a grans flotz courent sur la terre, ruinent leurs voysinages et sont inutiles au traffic, comme les pluyes vehementes et tempestueuses ravagent les champs et les prairies.

  A003000928 

 Recevés donq les affaires qui vous arriveront en paix, et taschés de les faire par ordre, l'un apres l'autre; car si vous les voules faire tout a coup ou en desordre, vous feres des effortz qui vous fouleront et allanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés accablee sous la presse, et sans effect..

  A003000929 

 Et en tous vos affaires appuyes-vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos [170] desseins doivent reussir; travailles neanmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle, et puis croyes que si vous vous estes bien confiee en Dieu, le succes qui vous arrivera sera tous-jours le plus prouffitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais selon vostre jugement particulier.

  A003000929 

 Faites comme les petitz enfans qui de l'une des mains se tiennent a leur pere, et de l'autre cueillent des fraises ou des meures le long des haies; car de mesme, amassant et maniant les biens de ce monde de l'une de vos mains, tenes tous-jours de l'autre la main du Pere celeste, vous retournant de tems en tems a luy, pour voir s'il a aggreable vostre mesnage ou vos occupations.

  A003000929 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous seres parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si pressante, vous regardies plus Dieu que les affaires; et quand les affaires sont de si grande importance qu'ilz requierent toute vostre attention pour estre bien faitz, de tems en tems vous regarderés a Dieu, comme font ceux qui navigent en mer lesquelz, pour aller a la terre qu'ilz desirent, regardent plus en haut au ciel que non pas en bas ou ilz voguent.

  A003000933 

 L'obeissance consacre nostre cœur, la chasteté nostre cors et la pauvreté nos moyens a l'amour et service de Dieu: ce sont les trois branches de la croix spirituelle, toutes trois neanmoins fondees sur la quatriesme qui est l'humilité.

  A003000934 

 Obeisses en fin doucement, sans replique; promptement, sans retardation; gayement, sans chagrin; et sur tout obeisses amoureusement pour l'amour de Celuy qui pour l'amour de nous s'est fait obeissant jusques a la morte de la croix, et lequel, comme dit saint Bernard, ayma mieux perdre la vie que l'obeissance.

  A003000934 

 Par la necessaire, vous deves humblement obeir a vos superieurs ecclesiastiques, comme au Pape et a l'Evesque, au curé et a ceux qui sont commis de leur part; vous deves obeir a vos superieurs politiques, c'est a dire a vostre Prince et aux magistratz qu'il a establis sur vostre païs; vous deves en fin obeir a vos superieurs domestiques, c'est a dire a vostre pere, mere, maistre, maistresse.

  A003000935 

 Pour apprendre aysement a obeir a vos superieurs, condescendés aysement a la volonté de vos semblables, cedant a leurs opinions en ce qui n'est pas mauvais, sans estre contentieuse ni revesche; accommodes-vous volontier aux desirs de vos inferieurs autant que la rayson le permettra, sans exercer aucune authorité imperieuse sur eux tandis qu'ilz sont bons.

  A003000936 

 Or, soit qu'en le choisissant on face vœu d'obeir (comme il est dit que la Mere Therese, outre l'obeissance solemnellement voüee au superieur de son Ordre, s'obligea par un vœu simple d'obeir au Pere Gracian), ou que sans vœu on se dedie a l'obeissance de quelqu'un, tous-jours cette obeissance s'appelle volontaire, a rayson de son fondement qui depend de nostre volonté et election..

  A003000937 

 Il faut obeir a tous les superieurs, a chacun neanmoins en ce dequoy il a charge sur nous: comme, en ce qui regarde la police et les choses publiques, il faut obeir aux princes; aux prelatz, en ce qui regarde la police ecclesiastique; es choses domestiques, au pere, au maistre, au mari; quant a la conduite particuliere de l'ame, au directeur et confesseur particulier..

  A003000938 

 Faites vous ordonner les actions de pieté que vous devés observer par vostre pere spirituel, parce qu'elles en seront meilleures et auront double grace et bonté: [174] l'une, d'elles mesmes, puisqu'elles sont pieuses, et l'autre, de l'obeissance qui les aura ordonnees et en vertu de laquelle elles seront faittes.

  A003000943 

 Et encor au mariage faut-il observer l'honnesteté de l'intention, affin que s'il y a quelque messeance en la volupté qu'on exerce, il n'y ait rien que d'honneste en la volonté qui l'exerce.

  A003000943 

 Le cœur chaste est comme la mere perle qui ne peut recevoir aucune goutte d'eau qui ne vienne du ciel, car il ne peut recevoir aucun playsir que celuy du mariage, qui est ordonné du ciel; hors de la, il ne luy est pas permis seulement d'y penser, d'une pensee voluptueuse volontaire et entretenue.

  A003000944 

 Pour le premier degré de cette vertu, gardés-vous, Philothee, d'admettre aucune sorte de volupté qui soit prohibee et defendue, comme sont toutes celles qui se prennent hors le mariage, ou mesme au mariage quand elles se prennent contre la regle du mariage.

  A003000944 

 Pour le troisiesme, n'attaches point vostre affection aux playsirs et voluptés qui sont commandees et ordonnees; car bien qu'il faille prattiquer les delectations necessaires, c'est a dire celles qui regardent la fin et institution du saint mariage, si ne faut-il pas pourtant y jamais attacher le cœur et l'esprit..

  A003000945 

 Ceux qui sont en viduité doivent avoir une chasteté courageuse qui ne mesprise pas seulement les objetz presens et futurs, mais qui resiste aux imaginations que.

  A003000945 

 Et de vray, tandis que les fruitz sont bien entiers ilz peuvent estre conservés, les uns sur la paille, les autres dedans le sable, et les autres en leur propre feuillage; mais estans une fois entamés, il est presque impossible de les garder que par le miel et le sucre, en confiture: ainsy la chasteté qui n'est point encor blessee ni violee peut estre gardee en plusieurs sortes, mais estant une fois entamee, rien ne la peut conserver [177] qu'une excellente devotion, laquelle, comme j'ay souvent dit, est le vray miel et sucre des espritz..

  A003000945 

 Pour ce sujet, saint Augustin admire la pureté de son cher Alipius qui avoit totalement oublié et mesprisé les voluptés charnelles, lesquelles il avoit neanmoins quelquefois experimentees en sa jeunesse.

  A003000945 

 les playsirs loysiblement reçeuz au mariage peuvent produire en leurs espritz, qui pour cela sont plus tendres aux amorces deshonnestes.

  A003000946 

 Les vierges ont besoin d'une chasteté extremement simple et douillette, pour bannir de leur cœur toutes sortes de curieuses pensees et mespriser d'un mespris absolu toutes sortes de playsirs immondes, qui, a la verité, ne meritent pas d'estre desirés par les hommes, puisque les asnes et pourceaux en sont plus capables qu'eux.

  A003000946 

 Que donques ces ames pures se gardent bien de jamais revoquer en doute que la chasteté ne soit incomparablement meilleure que tout ce qui luy est [178] incompatible, car, comme dit le grand saint Hierosme, l'ennemi presse violemment les vierges au desir de l'essay des voluptés, les leur representant infiniment plus plaisantes et delicieuses qu'elles ne sont, ce qui souvent les trouble bien fort, « tandis, » dit ce saint Pere, « qu'elles estiment plus doux ce qu'elles ignorent.

  A003000947 

 Et comme l'on void beaucoup de riches desrober, non point par indigence, mais par avarice, aussi voit-on beaucoup de gens mariés se desborder par la seule intemperance et lubricité, nonobstant le legitime objet auquel ilz se devroyent et pourroyent arrester, leur concupiscence estant comme un feu volage qui va brusletant ça et la sans s'attacher nulle part.

  A003000947 

 Il est vray que la sainte licence du mariage a une force particuliere pour esteindre le feu de la concupiscence, mais l'infirmité de ceux qui en jouissent passe aysement de la permission a la dissolution, et de l'usage a l'abus.

  A003000947 

 Mais quant a ceux qui sont mariés, c'est chose veritable, et que neanmoins le vulgaire ne peut penser, que la chasteté leur est fort necessaire, parce qu'en eux elle ne consiste pas a s'abstenir absolument des playsirs charnelz, mais a se contenir entre les playsirs.

  A003000948 

 Certes, sainte Catherine de Sienne vit entre les damnés plusieurs ames grandement tourmentees pour avoir violé la sainteté du mariage: [180] ce qui estoit arrivé, disoit-elle, non pas pour la grandeur du peché, car les meurtres et les blasphemes sont plus enormes, mais « d'autant que ceux qui le commettent n'en font point de conscience », et par consequent continuent longuement en iceluy..

  A003000949 

 Non, Philothee, Nul ne verra Dieu sans la chasteté, nul n'habitera en son saint tabernacle qui ne soit net de cœur; et, comme dit le Sauveur mesme, Les chiens et impudiques en seront bannis, et Bienheureux sont les netz de cœur, car ilz verront Dieu..

  A003000954 

 Les cors humains ressemblent a des verres, qui ne peuvent estre portés les uns avec les autres en se touchant sans courir fortune de se rompre, et aux fruitz, lesquelz, quoy qu'entiers et bien assaisonnés, reçoivent [181] de la tare s'entretouchans les uns les autres.

  A003000955 

 L'Espouse sacree, au Cantique des Cantiques, a ses mains qui distillent la myrrhe, liqueur preservative de la corruption; ses levres sont bandees d'un ruban vermeil, marque de la pudeur des paroles; ses yeux sont de colombe, a rayson de leur netteté; ses oreilles ont des pendans d'or, enseigne de pureté; son nés est parmi les cedres du Liban, bois incorruptible.

  A003000955 

 Les abeilles non seulement ne veulent pas toucher les charognes, mais fuient et haïssent extremement toutes sortes de puanteurs qui en proviennent.

  A003000956 

 A ce propos, je vous represente le mot que l'ancien Pere Jean Cassian rapporte comme sorti de la bouche du grand saint Basile, qui, parlant de soy mesme, dit un [182] jour: «Je ne sçay que c'est que des femmes, et ne suis pourtant pas vierge.

  A003000956 

 Il y a certaines privautés et passions indiscretes, folastres et sensuelles, qui a proprement parler ne violent pas la chasteté, et neanmoins elles l'affoiblissent, la rendent languissante et ternissent sa belle blancheur.

  A003000957 

 Au contraire, hantés les gens chastes et vertueux, pensés et lises souvent aux choses sacrees, car la parole de Dieu est chaste et rend ceux qui s'y plaisent chastes, qui fait que David la compare au topase, pierre pretieuse, laquelle par sa proprieté amortit l'ardeur de la concupiscence..

  A003000958 

 Tenes-vous tous-jours proche de Jesus Christ crucifié, et spirituellement par la meditation et reellement par la sainte Communion: car tout ainsy que ceux qui couchent sur l'herbe nommee agnus castus deviennent chastes et pudiques, de mesme reposant vostre cœur sur Nostre Seigneur, qui est le vray Aigneau chaste et vous verrés que bien tost vostre ame et vostre cœur se treuveront purifiés de toutes souïlleures et lubricités..

  A003000962 

 Celuy est riche d'esprit lequel a ses richesses dedans son esprit, ou son esprit dedans les richesses; celuy est pauvre d'esprit qui n'a nulles richesses dans son esprit, ni son esprit dedans les richesses.

  A003000965 

 Moyse vit le feu sacré qui brusloit un buisson et ne le consumoit nullement, mais au contraire, le feu prophane de l'avarice consume et devore l'av aricieux et ne le brusle aucunement; au moins, emmi ses ardeurs et chaleurs plus excessives, il se vante de la plus douce fraischeur du monde, et tient que son alteration insatiable est une soif toute naturelle et suave..

  A003000965 

 On s'excuse sur la charge des enfans qui presse, sur la sagesse qui requiert qu'on s'establisse en moyens: jamais on n'en a trop, il se treuve tous-jours certaines necessités d'en avoir davantage; et mesme les plus avares, non seulement ne confessent pas de l'estre, mays ilz ne [185] pensent pas en leur conscience de l'estre; non, car l'avarice est une fievre prodigieuse, qui se rend d'autant plus insensible qu'elle est plus violente et ardente.

  A003000966 

 Celuy qui desire ardemment, longuement et avec inquietude de boire, quoy qu'il ne veuille pas boire que de l'eau, si tesmoigne-il d'avoir la fievre..

  A003000967 

 Ce fut le peché d'Achab qui voulut avoir justement la vigne de Naboth, qui la vouloit encor plus justement garder: il la desira ardemment, longuement et avec inquietude, et partant il offensa Dieu.

  A003000967 

 Celuy qui possede un bien justement, n'a-il pas plus de rayson de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement? et pourquoy donques estendons-nous nostre desir sur sa commodité pour l'en priver? Tout au plus si ce desir est juste, certes, il n'est pas pourtant charitable; car nous ne voudrions nullement qu'aucun desirast, quoy que justement, ce que nous voulons garder justement.

  A003000968 

 Si vous affectionnes fort les biens que vous aves, si vous en estes fort embesoignee, mettant vostre cœur en iceux, y attachant vos pensees et craignant d'une crainte vive et empressee de les perdre, croyes-moy, vous aves encor quelque sorte de fievre; car les febricitans boivent l'eau qu'on leur donne avec un certain empressement, avec une sorte d'attention et d'ayse que ceux qui sont sains n'ont point accoustumé d'avoir: il n'est pas possible de se plaire beaucoup en une chose, que l'on n'y mette beaucoup d'affection.

  A003000969 

 Ne desirés donq point d'un desir entier et formé le bien que vous n'aves pas; ne mettes point fort avant vostre cœur en celuy que vous aves; ne vous desolés point des pertes qui vous arriveront, et vous aures quelque sujet de croire qu'estant riche en effect vous ne l'estes point d'affection, mays que vous estes pauvre d'esprit et par consequent bienheureuse, car le Royaume des deux vous appartient.

  A003000974 

 Mays il faut donq que ce soit un soin plus grand et solide que celuy que les mondains ont de leurs biens, car ilz ne s'embesoignent [188] que pour l'amour d'eux mesmes, et nous devons travailler pour l'amour de Dieu: or, comme l'amour de soy mesme est un amour violent, turbulent, empressé, aussi le soin qu'on a pour luy est plein de trouble, de chagrin, d'inquietude; et comme l'amour de Dieu est doux, paisible et tranquille, aussi le soin qui en procede, quoy que ce soit pour les biens du monde, est amiable, doux et gracieux.

  A003000975 

 Il est vray que Dieu vous le rendra, non seulement en l'autre monde, mais en cestui ci, car il n'y a rien qui face tant prosperer temporellement que l'aumosne; mais en attendant que Dieu vous le rende vous seres tous-jours appauvrie de cela.

  A003000975 

 O le saint et riche appauvrissement que celuy qui se fait par l'aumosne!.

  A003000976 

 L'amour egale les amans: Qui est infirme avec lequel je ne sois infirme? dit saint Paul.

  A003000976 

 [189] Il pouvoit dire: Qui est pauvre avec lequel je ne sois pauvre? parce que l'amour le faisoit estre tel que ceux qu'il aymoit.

  A003000978 

 Quand il visitoit les hospitaux des malades (ce qu'il faisoit fort souvent), il se mettoit ordinairement a servir ceux qui avoient les maux les plus horribles, comme ladres, chancreux et autres semblables, et leur faisoit tout son service a teste nue et les genoux a terre, [190] respectant en leur personne le Sauveur du monde, et les cherissant d'un amour aussi tendre qu'une douce mere eust sceu faire son enfant.

  A003000979 

 Bienheureux sont ceux qui sont ainsy pauvres, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A003000979 

 J'ay eu faim, vous m'aves repeu, j'ay eu froid, vous m'aves revestu: possedés le Royaume qui vous a esté preparé des la constitution du monde, dira le Roy des pauvres et des rois en son grand jugement..

  A003000980 

 En fin, il est facile d'avoir souvent besoin de quelque chose, pour riche qu'on soit; or cela, c'est estre pauvre en effect de ce qui nous manque.

  A003000980 

 Il n'est celuy qui en quelque occasion n'ait quelque manquement et defaut de commodités.

  A003000981 

 Esaü se presenta a son pere avec ses mains toutes couvertes de poil, et Jacob en fit de mesme; mais parce que le poil qui estoit es mains de Jacob ne tenoit pas a sa peau, ains a ses gans, on luy pouvoit oster son poil sans l'offencer ni escorcher: au contraire, parce que le poil des mains d'Esaü tenoit a sa peau, qu'il avoit toute velue de son naturel, qui luy eust voulu arracher son poil luy eust bien donné de la douleur: il eust bien crié, il se fust bien eschauffé a la defense.

  A003000981 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilités, les larcins, les proces, o c'est alhors la vraye saison de pratiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions [191] de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment a cet appauvrissement.

  A003000985 

 Combien y a-il de grans mondains qui, avec beaucoup de contradictions, sont allés rechercher avec un soin nompareil la sainte pauvreté dedans les cloistres et les hospitaux? Ilz ont pris beaucoup de peyne pour la treuver, tesmoin saint Alexis, sainte Paule, saint Paulin, sainte Angele et tant d'autres; et voyla, Philothee, que, plus gracieuse en vostre endroit, elle se vient presenter chez vous; vous l'aves rencontree sans la chercher et sans peyne: embrasses-la donq comme la chere amie de Jesus Christ, qui naquit, vesquit et mourut avec la pauvreté, qui fut sa nourrice toute sa vie..

  A003000986 

 Le premier est qu'elle ne vous est point arrivee par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre sans qu'il y ait eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003000988 

 Ne vous plaignes donq pas, ma chere Philothee, de vostre pauvreté; car on ne se plaint que de ce qui desplait, et si la pauvreté vous desplait vous n'estes plus pauvre d'esprit, ains riche d'affection.

  A003000989 

 N'ayes point de honte d'estre pauvre ni de demander l'aumosne en charité; receves celle qui vous sera donnee, avec humilité, et acceptes le refus avec douceur.

  A003000994 

 Et ne suffit pas qu'il soit mutuel, mais il faut que les parties qui s'entr'ayment sçachent leur reciproque affection, car si elles l'ignorent elles auront de l'amour, mais non pas de l'amitié.

  A003000994 

 Il faut avec cela qu'il y ayt entre elles quelque sorte de communication qui soit le fondement de l'amitié..

  A003000995 

 Car, comme le miel est plus excellent quand il se cueille es fleurons des fleurs plus exquises, ainsy l'amour fondé sur une plus exquise communication est le plus excellent; et comme il y a du miel en Heraclee de Ponte, qui est veneneux et fait devenir insensés ceux qui le mangent, parce qu'il est recueilli sur l'aconit qui est abondant en cette region-la, ainsy l'amitié fondee sur la communication des faux et vicieux biens est toute fause et mauvaise..

  A003000997 

 Ce sont ordinairement les amitiés des jeunes gens, qui se tiennent aux moustaches, aux cheveux, aux œillades, aux habitz, a la morgue, a la babillerie: amitiés dignes de l'aage des amans qui n'ont encor aucune vertu qu'en bourre ni nul jugement qu'en bouton; aussi telles amitiés ne sont que passageres et fondent comme la neige au soleil.

  A003000997 

 J'appelle playsirs sensuelz ceux qui s'attachent immediatement et principalement aux sens exterieurs, comme le playsir de voir la beauté, d'ouïr une douce voix, de toucher et semblables.

  A003000997 

 L'amitié fondee sur la communication des playsirs sensuelz est toute grossiere, et indigne du nom d'amitié, comme aussi celle qui est fondee sur des vertus frivoles et vaines, parce que ces vertus dependent aussi des sens.

  A003000997 

 Or, comme tout cela regarde les sens, aussi les amitiés qui en proviennent s'appellent sensuelles, vaines et frivoles, et meritent plustost le nom de folastrerie que d'amitié.

  A003000997 

 Oyes parler la pluspart des filles, des femmes et des jeunes gens, ilz ne se feindront nullement de dire: un tel gentilhomme est fort vertueux, il a beaucoup de perfections, car il danse bien, il joue bien a toutes sortes de jeux, il s'habille bien, il chante bien, il cajole bien, il a bonne mine; et les charlatans tiennent pour les plus vertueux d'entre eux ceux qui sont les plus grans bouffons.

  A003001001 

 Et bien que ces sottes amours vont ordinairement fondre et s'abismer en des charnalités et lascivetés fort vilaines, si est ce que ce n'est pas le premier dessein de ceux qui les exercent; autrement ce ne seroyent plus amourettes, ains impudicités manifestes.

  A003001001 

 Ilz se passeront mesme quelquefois plusieurs annees sans qu'il arrive, entre ceux qui sont atteins de cette folie, aucune chose qui soit directement contraire a la chasteté du cors, iceux s'arrestans seulement a detremper leurs cœurs en [197] souhaitz, desirs, souspirs, muguetteries et autres telles niaiseries et vanités, et ce pour diverses pretentions..

  A003001003 

 Ces amitiés sont toutes mauvaises, folles et vaines: mauvaises, d'autant qu'elles aboutissent et se terminent en fin au peché de la chair, et qu'elles desrobent l'amour et par consequent le cœur a Dieu, a la femme et au mari, a qui il estoit deu; folles, parce qu'elles n'ont ni fondement ni rayson; vaines, parce qu'elles ne rendent aucun prouffit, ni honneur, ni contentement.

  A003001004 

 Garde bien, o ma langue parleuse, de dire ce qui arrivera par apres; si diray-je neanmoins encor cette verité: rien de tout ce que les jeunes gens et les femmes disent ou font ensemble en ces [199] folles complaisances n'est exempt de grans esguillons.

  A003001004 

 Saint Gregoire Nazianzene, escrivant contre les femmes vaynes, dit merveilles sur ce sujet; en voyci une petite piece qu'il addresse voyrement aux femmes, mais bonne encores pour les hommes: «Ta naturelle beauté suffit pour ton mari; que si elle est pour plusieurs hommes, comme un filet tendu pour une troupe d'oyseaux, qu'en arrivera-il? celuy la te plaira qui se plaira en ta beauté, tu rendras œillade pour œillade, regard pour regard; soudain suivront les sousris et petitz motz d'amour, laschés a la desrobee pour le commencement, mais bien tost on s'apprivoisera et passera-on a la cajolerie manifeste.

  A003001005 

 Le Sage [200] s'escrie: Qui aura compassion d'un enchanteur piqué par le serpent? Et je m'escrie apres luy: o folz et insensés, cuydes-vous charmer l'amour pour le pouvoir manier a vostre gré? Vous vous voules joüer avec luy, il vous piquera et mordra mauvaisement; et sçaves-vous ce qu'on en dira? chacun se moquera de vous et on rira dequoy vous aves voulu enchanter l'amour, et que sur une fause asseurance vous aves voulu mettre dedans vostre sein une dangereuse coleuvre, qui vous a gasté et perdu d'ame et d'honneur..

  A003001005 

 O qu'il dit bien, ce grand Evesque: Que penses-vous faire? Donner de l'amour, non pas? Mais personne n'en donne volontairement qui n'en prenne necessairement; qui prend est pris en ce jeu.

  A003001006 

 Ah! ce grand Dieu qui s'estoit reservé le seul amour de nos ames, en reconnoissance de leur creation, conservation et redemption, exigera un compte bien estroit de ces folles deduites que nous en faysons; que s'il doit faire un examen si exacte des parolles oyseuses, qu'est ce qu'il fera des amitiés oyseuses, impertinentes, folles et pernicieuses? [201].

  A003001007 

 Le noyer nuit grandement aux vignes et aux champs esquelz il est planté, parce qu'estant si grand, il attire tout le suc de la terre, qui ne peut par apres suffire a nourrir le reste des plantes; ses feuillages sont si touffus qu'ilz font un ombrage grand et espais, et en fin il attire les passans a soy, qui, pour abattre son fruit, gastent et foulent tout autour.

  A003001011 

 O Philothee, aymés un chacun d'un grand amour charitable, mais n'ayes point d'amitié qu'avec ceux qui peuvent communiquer avec vous de choses vertueuses; et plus les vertus que vous mettres en vostre commerce seront exquises, plus vostre amitié sera parfaitte.

  A003001012 

 Il m'est advis que toutes les autres amitiés ne sont que des ombres au prix de celle ci, et que leurs liens ne sont que des chaisnes de verre ou de jayet, en comparayson de ce grand lien de la sainte devotion qui est tout d'or.

  A003001013 

 Au monde, tous ne conspirent pas a mesme fin, tous n'ont pas le mesme esprit; il faut donq sans doute se tirer a part et faire des amitiés selon nostre pretention; et cette particularité fait voirement une partialité, mais une partialité sainte, qui ne fait aucune division sinon celle du bien et du mal, des brebis et des chevres, des abeilles et des freslons, separation necessaire..

  A003001013 

 Car attendu qu'en un monastere bien reglé le dessein commun de tous tend a la vraye devotion, il n'est pas requis d'y faire ces particulieres communications, de peur que cherchant en particulier ce qui est commun, on ne passe des particularités aux partialités; mais quant a ceux qui sont entre les mondains et qui embrassent la vraÿe vertu, il leur est necessaire de s'allier les uns aux autres par une sainte et sacree amitié; car par le moyen d'icelle ilz s'animent, ilz s'aydent, ilz s'entreportent au bien.

  A003001013 

 Et comme ceux qui cheminent en la plaine n'ont pas besoin de se prester la main, mais ceux qui sont es chemins scabreux et glissans s'entretiennent l'un l'autre pour cheminer plus seurement, ainsy ceux qui sont es Religions n'ont pas besoin des amitiés particulieres, mais ceux qui sont au monde en ont necessité pour s'asseurer et secourir les uns les autres, parmi tant de mauvais passages qu'il leur faut franchir.

  A003001014 

 Que s'il ne faut pas croire ceux qui disent que toutes choses sont en toutes choses, si nous faut-il pourtant adjouster foy que nous estions tous deux en l'un de nous, et l'un en l'autre; une seule pretention avions-nous tous deux, de cultiver la vertu et accommoder les desseins de nostre vie aux esperances futures, sortans ainsy hors de la terre mortelle avant que d'y mourir.

  A003001015 

 Saint Paul reprochant le detraquement des Gentilz, les accuse d'avoir esté gens sans affection, c'est a dire qui n'avoient aucune amitié.

  A003001019 

 Il faut estre sur sa garde pour n'estre point trompé en ces amitiés, notamment quand elles se contractent entre personnes de divers sexe, sous quel pretexte que ce soit, car bien souvent Satan donne le change a ceux qui ayment.

  A003001019 

 Le miel d'Heraclee, qui est si veneneux, ressemble a l'autre qui est si salutaire: il y a grand danger de prendre l'un pour l'autre ou de les prendre meslés, car la bonté de l'un n'empescheroit pas la nuysance de l'autre.

  A003001020 

 En fin le miel d'Heraclee donne une grande amertume en la bouche: ainsy les fauses amitiés se convertissent et terminent en paroles et demandes charnelles et puantes, ou, en cas de refus, a des injures, calomnies, impostures, tristesses, confusions et jalousies qui aboutissent bien souvent en abrutissement et forcenerie; mais la chaste amitié est tous-jours egalement honneste, civile et [207] amiable, et jamais ne se convertit qu'en une plus parfaitte et pure union d'espritz, image vive de l'amitié bienheureuse que l'on exerce au Ciel..

  A003001020 

 Le miel d'Heraclee estant avalé excite un tournoyement de teste, et la fause amitié provoque un tournoyement d'esprit qui fait chanceler la personne en la chasteté et devotion, la portant a des regards affectés, mignards et immoderés, a des caresses sensuelles, a des souspirs desordonnés, a des petites plaintes de n'estre pas aymee, a des petites, mais recherchees, mais attrayantes contenances, galanterie, poursuitte des baysers, et autres privautés et faveurs inciviles, presages certains et indubitables d'une prochaine ruine de l'honnesteté; mais l'amitié sainte n'a des yeux que simples et pudiques, ni des caresses que pures et franches, ni des souspirs que pour le Ciel, ni des privautés que pour l'esprit, ni des plaintes sinon quand Dieu n'est pas aymé, marques infallibles de l'honnesteté.

  A003001020 

 Le miel d'Heraclee trouble la veuë, et cette amitié mondaine trouble le jugement, en sorte que ceux qui en sont atteins pensent bien faire en mal faisant, et cuydent que leurs excuses, pretextes et paroles soyent des vrayes raysons; ilz craignent la lumiere et ayment les tenebres, mais l'amitié sainte a les yeux clairvoyans et ne se cache point, ains paroist volontier devant les gens de bien.

  A003001020 

 Vous connoistrés l'amitié mondaine d'avec la sainte et vertueuse, comme l'on connoist le miel d'Heraclee d'avec l'autre: le miel d'Heraclee est plus doux a la langue que le miel ordinaire, a rayson de l'aconit [206] qui luy donne un surcroist de douceur, et l'amitié mondaine produit ordinairement un grand amas de paroles emmiellees, une cajolerie de petitz motz passionnés et de louanges tirees de la beauté, de la grace et des qualités sensuelles; mais l'amitié sacree a un langage simple et franc, ne peut loüer que la vertu et grace de Dieu, unique fondement sur lequel elle subsiste.

  A003001021 

 Saint Gregoire Nazianzene dit que le paon faisant son cri lhors qu'il fait sa rouë et pavonnade excite grandement les femelles qui l'escoutent a la lubricité: quand on voit un homme pavonner, se parer et venir comme cela cajoler, chuchoter et barguigner aux oreilles d'une femme ou d'une fille, sans pretention d'un juste mariage, ha! sans doute ce n'est que pour la provoquer a quelque impudicité; et la femme d'honneur bouchera ses oreilles pour ne point ouïr le cri de ce paon et la voix de l'enchanteur qui la veut enchanter finement: que si elle escoute, o Dieu, quel mauvais augure de la future perte de son cœur!.

  A003001022 

 Les jeunes gens qui font des contenances, grimaces et caresses, ou disent des parolles esquelles ilz ne voudroient pas estre surprins par leurs peres, meres, maris, femmes ou confesseurs tesmoignent en cela qu'ilz traittent d'autre chose que de l'honneur et de la conscience.

  A003001026 

 O ma Philothee, pour Dieu, soyes rigoureuse en telles occasions: le cœur et les oreilles s'entretiennent l'un a l'autre, et comme il est impossible d'empescher un torrent qui a pris sa descente par le pendant d'une montaigne, aussi est-il difficile d'empescher que l'amour qui est tombé en l'oreille ne face soudain sa cheute dans le cœur.

  A003001029 

 Si vous vous pouves esloigner de l'objet je l'appreuverois infiniment, car comme ceux qui ont esté [210] mordus des serpens ne peuvent pas aysement guerir en la presence de ceux qui ont esté autrefois blessés de la mesme morseure, aussi la personne qui est piquee d'amour guerira difficilement de cette passion, tandis qu'elle sera proche de l'autre qui aura esté atteinte de la mesme piqueure.

  A003001030 

 Il ne faut point mesnager pour un amour qui est si contraire a l'amour de Dieu..

  A003001030 

 Mais qui ne peut s'esloigner que doit il faire? Il faut absolument retrancher toute conversation particuliere, tout entretien secret, toute douceur des yeux, tout sousris, et generalement toutes sortes de communications et amorces qui peuvent nourrir ce feu puant et fumeux; ou pour le plus s'il est force de parler au complice, que ce soit pour declairer par une hardie, courte et severe protestation le divorce eternel que l'on a juré.

  A003001031 

 Mais si, pour l'imperfection de vostre repentir, il vous reste encor quelques mauvaises inclinations, procurés pour vostre ame une solitude mentale, selon ce que je vous ay enseigné ci devant, et retirés vous y le plus que vous pourres, et par mille reiterés eslancemens d'esprit renoncés a toutes vos inclinations, reniés les de toutes vos forces; lisés plus que l'ordinaire des saintz livres, confessés vous plus souvent que de coustume et vous communiés, conferés humblement et naifvement de toutes les suggestions et tentations qui vous arriveront pour ce regard avec vostre directeur, si vous pouves, ou au moins avec quelque ame fidele et prudente; et ne doutés point que Dieu ne vous affranchisse de toutes passions, pourveu que vous continuies fidelement en ces exercices..

  A003001031 

 Non feront, Philothee, si vous aves conceu autant de detestation de vostre mal comme il merite, car si cela est, vous ne seres plus agitee d'aucun mouvement que de celuy d'un extreme horreur de cet infame amour et de tout ce qui en depend, et demeureres quitte de toute autre affection envers l'objet abandonné, que de celle d'une tres pure charité pour Dieu.

  A003001032 

 Ah, ce me dires vous, mais ne sera ce point une ingratitude, de rompre si impiteusement une amitié? O que bienheureuse est l'ingratitude qui nous rend aggreables a Dieu! Non, de par Dieu, Philothee, ce ne sera pas ingratitude, ains un grand benefice que vous feres a l'amant, car en rompant vos liens vous rompres les siens, puisqu'ilz vous estoyent communs, et bien [212] que pour l'heure il ne s'apperçoive pas de son bonheur, il le reconnoistra bien tost apres et avec vous chantera pour action de grace: O Seigneur, vous aves rompu mes liens, je vous sacrifieray l'hostie de loüange et invoqueray vostre saint Nom..

  A003001036 

 Certes, les abeilles qui amassent le miel d'Heraclee ne cherchent que le miel, mais avec le miel elles succent insensiblement les qualités veneneuses de l'aconit sur lequel elles font leur cueillette.

  A003001036 

 Comme donq ceux qui tirent le gravier du l'age en separent l'or qu'ilz y treuvent pour l'emporter, et laissent le sable sur le rivage, de mesme ceux qui ont la communication de quelque bonne amitié doivent en separer le sable des imperfections, et ne le point laisser entrer en leur ame.

  A003001036 

 Et nous voyons des maris, des femmes, des enfans, des amis qui ayans en grande estime leurs amis, leurs peres, leurs maris et leurs femmes acquierent, ou par condescendance ou par imitation, mille mauvaises petites humeurs au commerce de l'amitié qu'ilz ont ensemble.

  A003001036 

 Or donq, Philothee, il faut bien prattiquer en ce sujet la parolle que le Sauveur de nos ames souloit dire, ainsy que les [213] Anciens nous ont appris: «Soyes bons changeurs» et monnoyeurs, c'est a dire, ne recevés pas la fause monnoye avec la bonne, ni le bas or avec le fin or; separés le pretieux d'avec le chetif: ouy, car il n'y a presque celuy qui n'ait quelque imperfection.

  A003001039 

 L'une est du Sage: Qui craint Dieu aura pareillement une bonne amitié; l'autre est de saint Jacques: L'amitié de ce monde est ennemie de Dieu..

  A003001043 

 Ceux qui traittent des choses rustiques et champestres asseurent que si on escrit quelque mot sur une amande bien entiere et qu'on la remette dans son noyau, le pliant et serrant bien proprement et le plantant ainsy, tout le fruit de l'arbre qui en viendra se treuvera escrit et gravé du mesme mot.

  A003001043 

 Pour moy, Philothee, je n'ay jamais peu appreuver la methode de ceux qui pour reformer l'homme commencent par l'exterieur, par les [216] contenances, par les habitz, par les cheveux.

  A003001044 

 Bref, qui a gaigné le cœur de l'homme a gaigné tout l'homme.

  A003001044 

 C'est pourquoy, chere Philothee, j'ay voulu avant toutes choses graver et inscrire sur vostre cœur ce mot saint et sacré: VIVE JESUS, asseuré que je suis qu'apres cela, vostre vie, laquelle vient de vostre cœur comme un amandier de son noyau, produira toutes ses actions qui sont ses fruitz, escrites et gravees du mesme mot de salut, et que comme ce doux Jesus vivra dedans vostre cœur, il vivra aussi en tous vos deportemens, et paroistra en vos yeux, en vostre bouche, en vos mains, voyre mesme en vos cheveux; et pourrés saintement dire, a l'imitation de saint Paul: Je vis, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy.

  A003001046 

 Je dirois volontier comme saint Hierosme dit a la bonne dame Leta: «Les jeusnes longs et immoderés me desplaisent bien fort, sur tout en ceux qui sont en aage encor tendre.

  A003001046 

 Le defaut de cette moderation es jeusnes, disciplines, haires et aspretés rend inutiles au service de la charité les meilleures annees de plusieurs, comme il fit mesme a saint Bernard qui se repentit d'avoir usé de trop d'austerité; et d'autant qu'ilz l'ont maltraitté au commencement, ilz sont contrains de le flatter a la fin.

  A003001047 

 Si le travail que vous feres vous est necessaire, ou fort utile a la gloire de Dieu, j'ayme mieux que vous souffries la peyne du travail que celle du jeusne: c'est le sentiment de l'Eglise, laquelle, pour les travaux utiles au service de Dieu et du prochain, descharge ceux qui les font du jeusne mesme commandé.

  A003001048 

 Et en cette nonchalance de ce qu'on doit manger et qu'on boit gist la perfection de la prattique de ce mot sacré: Manges ce qui [219] vous sera mis devant. J'excepte neanmoins les viandes qui nuisent a la santé ou qui mesme incommodent l'esprit, comme font a plusieurs les viandes chaudes et espicees, fumeuses, venteuses; et certaines occasions esquelles la nature a besoin d'estre recreée et aydee, pour pouvoir soustenir quelque travail a la gloire de Dieu.

  A003001048 

 Il me semble que nous devons avoir en grande reverence la parolle que nostre Sauveur et Redempteur Jesus Christ dit a ses Disciples: Manges ce qui sera mis devant vous.

  A003001049 

 La haire matte puissamment le cors; mais son usage n'est pas pour l'ordinaire propre ni aux gens mariés, ni aux delicates complexions, ni a ceux qui ont a supporter d'autres grandes peynes.

  A003001051 

 L'asnesse, qui voyoit l'Ange, s'arresta par trois diverses fois comme restive; Balaam cependant la frappoit cruellement de son baston pour la faire avancer, jusques a la troisiesme fois qu'elle, estant couchee tout [220] a fait sous Balaam, luy parla par un grand miracle, disant: Que t'ay-je fait? pourquoy tu m'as battue des-ja par trois fois? Et tost apres, les yeux de Balaam furent ouvertz, et il vit l'Ange qui luy dit: Pourquoy as-tu battu ton asnesse? si elle ne se fust destoumee de devant moy je t'eusse tué et l'eusse reservee.

  A003001051 

 Voyes-vous, Philothee, Balaam est la cause du mal, et il frappe et bat la pauvre asnesse qui n'en peut mais..

  A003001052 

 Helas, c'est toy qui me jettes dans le feu, et tu ne veux pas que je brusle; tu me jettes la fumee aux yeux, et tu ne veux pas qu'ilz [221] s'enflamment.

  A003001052 

 Helas, chere amie, vous battes le pauvre asne, vous affligés vostre cors, et il ne peut mais de vostre mal, ni dequoy Dieu a son espee desgainee sur vous; corrigés vostre cœur qui est idolatre de ce mari, et qui permettoit mille vices a l'enfant et le destinoit a l'orgueil, a la vanité et a l'ambition.

  A003001052 

 O pauvre ame, si ta chair pouvoit parler comme l'asnesse de Balaam, elle te diroit: pourquoy me frappes-tu, miserable? c'est contre toy, o mon ame, que Dieu arme sa vengeance, c'est toy qui es la criminelle; pourquoy me conduis-tu aux mauvaises conversations? pourquoy appliques-tu mes yeux, mes mains, mes levres aux lascivetés? pourquoy me troubles-tu par des mauvaises imaginations? Fay des bonnes pensees, et je n'auray pas de mauvais mouvemens; hante les gens pudiques, et je ne seray point agitee de ma concupiscence.

  A003001057 

 Rechercher les conversations et les fuir, ce sont deux extremités blasmables en la devotion civile, qui est celle de laquelle je vous parle.

  A003001058 

 Car, comme ceux qui ont esté mordus des chiens enragés ont la sueur, l'haleyne et la salive dangereuse, et principalement pour les enfans et gens de delicate complexion, ainsy ces vicieux et desbordés ne peuvent estre frequentés qu'avec hazard et peril, sur tout par ceux qui sont de devotion encores tendre et delicate..

  A003001058 

 On appelle mauvaises conversations celles qui se font pour quelque mauvaise intention, ou bien quand ceux qui entreviennent en icelles sont vicieux, indiscretz et dissolus; et pour celles la, il s'en faut destourner, comme les abeilles se destournent de l'amas des taons et freslons.

  A003001060 

 Les autres conversations ont pour leur fin l'honnesteté, comme sont les visites mutuelles et certaines assemblees qui se font pour honnorer le prochain; et quant a celles la, comme il ne faut pas estre superstitieuse a les prattiquer, aussi ne faut-il pas estre du tout incivile a les mespriser, mais satisfaire avec modestie au devoir que l'on y a, affin d'eviter egalement la rusticité et la legereté..

  A003001061 

 La vigne plantee parmi les oliviers porte des raisins onctueux et qui ont le goust des olives: une ame qui se treuve souvent parmi les gens de vertu ne peut qu'elle ne participe a leurs qualités.

  A003001062 

 Il y a des gens qui ne font nulle sorte de contenance ni de mouvement qu'avec tant d'artifice que chacun en est ennuyé; et comme celuy qui ne voudroit jamais se pourmener qu'en comptant ses pas, ni parler qu'en chantant, seroit fascheux au reste des hommes, ainsy ceux qui tiennent un maintien artificieux et qui ne font rien qu'a cadence, importunent extremement la conversation, et en cette sorte de gens il y a tous-jours quelque espece de presomption.

  A003001062 

 Pour vous res-jouir en Nostre Seigneur, il faut que le sujet de vostre joye soit non seulement loysible mays honneste: ce que je dis, parce qu'il y a des choses loysibles qui pourtant ne sont pas honnestes; et affin que vostre modestie paroisse, gardes-vous des insolences lesquelles sans doute sont tous-jours reprehensibles: faire tomber l'un, noircir l'autre, piquer le tiers, faire du mal a un fol, ce sont des risees et joyes sottes et insolentes..

  A003001063 

 Et a l'exemple encores de saint Ambroise, duquel parlant saint Augustin, il dit que souvent estant entré en sa chambre (car on ne refusoit l'entree a personne) il le regardoit lire; et apres avoir attendu quelque tems, de peur de l'incommoder, il s'en retournoit sans mot dire, pensant que ce peu de tems qui restait a ce grand Pasteur pour revigorer et recreer son esprit, apres le tracas de tant d'affaires, ne luy devoit pas estre osté.

  A003001063 

 Mais tous-jours, outre la solitude mentale a laquelle vous vous pouves retirer emmi les plus grandes conversations, ainsy que j'ay dit ci dessus, vous deves aymer la solitude locale et reelle, non pas pour aller es desertz, [224] comme sainte Marie Egyptienne, saint Paul, saint Anthoine, Arsenius et les autres Peres solitaires, mais pour estre quelque peu en vostre chambre, en vostre jardin et ailleurs, ou plus a souhait vous puissies retirer vostre esprit en vostre cœur, et recreer vostre ame par des bonnes cogitations et saintes pensees, ou par un peu de bonne lecture, a l'exemple de ce grand Evesque Nazianzene qui, parlant de soy mesme, «Je me pourmenois,» dit-il, «moy mesme avec moy mesme sur le soleil couchant, et passois le tems sur le rivage de la mer; car j'ay accoustumé d'user de cette recreation pour me relascher et secouer un peu des ennuis ordinaires;» et la dessus il discourt de la bonne pensee qu'il fit, que je vous ay recitee ailleurs.

  A003001067 

 Dieu mesme requiert l'honnesteté corporelle en ceux qui s'approchent de ses autelz et ceux qui ont la charge principale de la devotion..

  A003001068 

 Mais quant aux vrayes vefves, qui le sont non seulement de cors mais aussi de cœur, nul ornement ne leur est convenable, sinon l'humilité, la modestie et la devotion; car si elles veulent donner de l'amour aux hommes elles ne sont pas vrayes vefves, et si elles n'en veulent pas donner, pourquoy en portent-elles les outilz? Qui ne veut recevoir les hostes, il faut qu'il oste l'enseigne de son logis.

  A003001068 

 On se moque tous-jours des vielles gens quand ilz veulent faire les jolis: c'est une folie qui n'est supportable qu'a la jeunesse..

  A003001068 

 On se pare ordinairement mieux es jours de feste, selon la grandeur du jour qui se celebre; en tems de penitence, comme en Caresme, on se demet bien fort; aux noces on porte les robbes nuptiales, et aux assemblees funebres, les robbes de deuil; aupres des princes on rehausse l'estat, lequel on doit abaisser entre les domestiques.

  A003001069 

 Les hommes qui sont si lasches que de s'amuser a ces muguetteries sont par tout descriés comme hermaphrodites, et les femmes vaines sont tenues pour imbecilles en chasteté; au moins si elles en ont, elle n'est pas visible parmi tant de fatras et bagatelles.

  A003001069 

 Tenes-vous tous-jours, tant qu'il vous sera possible, du costé de la simplicité et modestie, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté et la meilleure excuse pour la laideur.

  A003001073 

 Et comme les abeilles ne demeslent autre chose que le miel avec leur petite bouchette, ainsy vostre langue sera tous-jours emmiellee de son Dieu, et n'aura point de plus grande suavité que de sentir couler entre vos levres des louanges et benedictions de son nom, ainsy qu'on dit de saint François, qui prononçant le saint nom [228] du Seigneur, sucçoit et lechoit ses levres, comme pour en tirer la plus grande douceur du monde..

  A003001074 

 Mais parlés tous-jours de Dieu comme de Dieu, c'est a dire reveremment et devotement, non point faisant la suffisante ni la prescheuse, mais avec l'esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant autant que vous sçaves (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de la devotion et des choses divines, goutte a goutte, tantost dedans l'oreille de l'un, tantost dedans l'oreille de l'autre, priant Dieu au secret de vostre ame qu'il luy plaise de faire passer cette sainte rosee jusques dans le cœur de ceux qui vous escoutent.

  A003001075 

 Ne parles donq jamais de Dieu ni de la devotion par maniere d'acquit et d'entretien, mais tous-jours avec attention et devotion: ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs qui font profession de devotion, lesquelz a tous propos disent des parolles saintes et ferventes par maniere d'entregent et sans y penser nullement; et après les avoir dites, il leur est advis qu'ilz sont telz que les parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003001079 

 Car, comme le poison du cors entre par la bouche, aussi celuy du cœur entre par l'oreille, et la langue qui le produit est meurtriere, d'autant qu'encor qu'a l'adventure le venin qu'elle a jetté n'ait pas fait son effect, pour avoir treuvé les cœurs des auditeurs munis de quelque contrepoison, si est ce qu'il n'a pas tenu a sa malice qu'elle ne les ait fait mourir.

  A003001079 

 Et que personne ne me die qu'il n'y pense pas, car Nostre Seigneur qui connoist les pensees a dit que la bouche parle de l'abondance du cœur; et si nous n'y pensions pas mal, le malin neanmoins en pense beaucoup, et se sert tous-jours secrettement de ces mauvais motz pour en transpercer le cœur de quelqu'un.

  A003001079 

 Gardes vous soigneusement de lascher aucune parole deshonneste; car encor que vous ne les disies pas avec mauvaise intention, si est ce que ceux qui les oyent, les peuvent recevoir d'une autre sorte.

  A003001079 

 On dit que ceux qui ont mangé de l'herbe qu'on appelle angelique ont tous-jours l'haleyne douce et [230] aggreable; et ceux qui ont au cœur l'honnesteté et chasteté, qui est la vertu angelique, ont tous-jours leurs parolles nettes, civiles et pudiques.

  A003001080 

 Et ceux qui pensent estre galans hommes a dire de telles parolles en conversation ne sçavent pas pourquoy les conversations sont faittes; car elles doivent estre comme essaims d'abeilles assemblees pour faire le miel de quelque doux et vertueux entretien, et non pas comme un tas de guespes qui se joignent pour succer quelque pourriture.

  A003001081 

 Or, la derision et moquerie ne se fait jamais sans ce mespris; c'est pourquoy elle est un fort grand peché, en sorte que les docteurs ont rayson de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offence que l'on puisse faire au prochain par les paroles, parce que les autres offences se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle-ci se fait avec mespris et contemnement..

  A003001082 

 Mays quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres avec une modeste gayeté et joyeuseté, ilz appartiennent a la vertu nommee eutrapelie par les Grecz, que nous pouvons appeller bonne conversation; [231] et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles que les imperfections humaines fournissent.

  A003001082 

 Saint Louys, quand les religieux vouloyent luy parler des choses relevees apres disner: Il n'est pas tems d'alleguer, disoit-il, mais de se recreer par quelque joyeuseté et quolibetz: que chacun die ce qu'il voudra honnestement; ce qu'il disoit favorisant la noblesse qui estoit autour de luy pour recevoir des caresses de sa Majesté.

  A003001086 

 C'est chose egalement necessaire pour n'estre point jugés, de ne point juger les autres et de se juger soy mesme; car, comme Nostre Seigneur nous defend l'un, l'Apostre nous ordonne l'autre disant: Si nous nous jugions nous mesmes, nous ne serions point jugés. Mais, o Dieu, nous faysons tout au contraire; car ce qui nous est defendu nous ne cessons de le faire, jugeans a tout propos le prochain, et ce qui nous est commandé, qui est de nous juger nous mesmes, nous ne le faysons jamais..

  A003001086 

 Non, dit le saint Apostre, ne juges pas avant le tems, jusques a ce que le Seigneur vienne, qui revelera le secret des tenebres et manifestera les conseilz des cœurs.

  A003001086 

 O que les jugemens temeraires sont desaggreables a Dieu! Les jugemens des enfans des hommes sont temeraires parce qu'ilz ne sont pas juges les uns des autres, et jugeans [232] ilz usurpent l'office de Nostre Seigneur; ilz sont temeraires parce que la principale malice du peché depend de l'intention et conseil du cœur, qui est le secret des tenebres pour nous; ilz sont temeraires parce qu'un chacun a asses a faire a se juger soy mesme, sans entreprendre de juger son prochain.

  A003001087 

 Aucuns jugent temerairement non point par aigreur mais par orgueil, leur estant advis qu'a mesure qu'ilz depriment l'honneur d'autruy, ilz relevent le leur propre: espritz arrogans et presomptueux, qui s'admirent eux mesmes et se colloquent si haut en leur propre estime qu'ilz voyent tout le reste comme chose petite et basse: Je ne suis pas comme le reste des hommes, disoit ce sot Pharisien..

  A003001087 

 Il y a des cœurs aigres, amers et aspres de leur nature, qui rendent pareillement aigre et amer tout ce qu'ilz reçoivent et convertissent, comme dit le Prophete, le jugement en absynthe, ne jugeans jamais du prochain qu'avec toute rigueur et aspreté: ceux ci ont grandement besoin de tomber entre les mains d'un bon medecin spirituel, car cette amertume de cœur leur estant naturelle, elle est malaysee a vaincre; et bien qu'en soy elle ne soit pas peché, ains seulement une imperfection, elle est neanmoins dangereuse, parce qu'elle introduit et fait regner en l'ame le jugement temeraire et la mesdisance.

  A003001088 

 Les autres jugent par passion, et pensent tous-jours bien de ce qu'ilz ayment et tous-jours mal de ce qu'ilz haïssent, sinon en un cas admirable et neanmoins veritable, auquel l'exces de l'amour provoque a faire mauvais jugement de ce qu'on ayme: effect monstrueux, mais aussi provenant d'un amour impur, imparfait, troublé et malade, qui est la jalousie, laquelle, comme chacun sçait, sur un simple regard, sur le moindre sousris du monde condamne les personnes de perfidie et d'adultere.

  A003001088 

 Quelques uns n'ont pas cet orgueil manifeste, ains seulement une certaine petite complaisance a considerer le mal d'autruy pour savourer et faire savourer plus [233] doucement le bien contraire duquel ilz s'estiment doués; et cette complaisance est si secrette et imperceptible, que si on n'a bonne veuë on ne la peut pas descouvrir, et ceux mesme qui en sont atteins ne la connoissent pas si on ne la leur monstre.

  A003001089 

 Certes, ce peché de jugement temeraire est une jaunisse spirituelle, qui fait paroistre toutes choses mauvaises aux yeux de ceux qui en sont atteins; mais qui en veut guerir il faut qu'il mette les remedes non aux yeux, non a l'entendement, mais aux affections qui sont les pieds de l'ame: si vos affections sont douces, vostre jugement sera doux; si elles sont charitables, vostre jugement le sera de mesme..

  A003001089 

 Mais quelz remedes? Ceux qui boivent le suc de l'herbe ophiusa d'Ethiopie cuydent par tout voir des serpens et choses effroyables: ceux qui ont avalé l'orgueil, l'envie, l'ambition, la haine, ne voyent rien qu'ilz ne treuvent mauvais et blasmable; ceux la pour estre gueris doivent prendre du vin de palme, et j'en dis de mesme pour ceux-ci: beuves le plus que vous pourrés le vin sacré de la charité, elle vous affranchira de ces mauvaises humeurs qui vous font faire ces jugemens tortus.

  A003001089 

 Toutes choses paroissent jaunes aux yeux des icteriques et qui ont la grande jaunisse; l'on dit que pour les guerir de ce mal, il leur faut faire porter de l'esclere sous la plante de leur pied.

  A003001090 

 Il faut tous-jours faire de mesme, Philothee, jugeant en faveur du prochain, autant qu'il nous sera possible; que si une action pouvoit avoir cent visages, il la faut regarder en celuy qui est le plus beau.

  A003001090 

 Mais le Sauveur crucifié, ne pouvant excuser du tout le peché de ceux qui le crucifioyent, au moins en amoindrit-il la malice, alleguant leur ignorance.

  A003001091 

 Il est vray qu'il se sert de la voix des magistratz pour se rendre intelligible a nos oreilles: ilz sont ses truchemens et interpretes et ne doivent rien [236] prononcer que ce qu'ilz ont appris de luy, comme estans ses oracles; que s'ilz font autrement, suivans leurs propres passions, alhors c'est vrayement eux qui jugent et qui par consequent seront jugés, car il est defendu aux hommes, en qualité d'hommes, de juger les autres..

  A003001091 

 Mais ne peut-on donq jamais juger le prochain? Non certes, jamais; c'est Dieu, Philothee, qui juge les criminelz en justice.

  A003001092 

 De voir ou connoistre une chose ce n'est pas en juger, car le jugement, au moins selon la phrase de l'Escriture, presuppose quelque petite ou grande, vraye ou apparente difficulté qu'il faille vuider; c'est pourquoy elle dit que ceux qui ne croyent point sont des-ja jugés, parce qu'il n'y a point de doute en leur damnation.

  A003001093 

 En fin, ceux qui ont bien soin de leurs consciences ne sont gueres sujetz au jugement temeraire; car comme les abeilles voyans le brouïllart ou tems nubileux se [237] retirent en leurs ruches a mesnager le miel, ainsy les cogitations des bonnes ames ne sortent pas sur des objetz embrouillés ni parmi les actions nubileuses des prochains: ains, pour en eviter le rencontre, se ramassent dedans le cœur pour y mesnager les bonnes resolutions de leur amendement propre.

  A003001094 

 J'excepte ceux qui ont charge des autres, tant en la famille qu'en la republique; car une bonne partie de leur conscience consiste a regarder et veiller sur celle des autres.

  A003001098 

 O que n'ay-je un des charbons du saint autel pour toucher les levres des hommes, affin que leur iniquité fust ostee et leur peché nettoyé, a l'imitation du Seraphin qui purifia la bouche d'Isaye! Qui osteroit la mesdisance du monde, en osteroit une grande partie des pechés et de l' iniquité..

  A003001099 

 La mesdisance est une espece de meurtre, car nous avons trois vies: la [238] spirituelle qui gist en la grace de Dieu, la corporelle qui gist en l'ame, et la civile qui consiste en la renommee; le peché nous oste la premiere, la mort nous oste la seconde, et la mesdisance nous oste la troisiesme.

  A003001099 

 Mais le mesdisant par un seul coup de sa langue fait ordinairement trois meurtres: il tue son ame et celle de celuy qui l'escoute, d'un homicide spirituel, et oste la vie civile a celuy duquel il mesdit; car, comme disoit saint Bernard, et celuy qui mesdit et celuy qui escoute le mesdisant, tous deux ont le diable sur eux, mais l'un l'a en la langue et l'autre en l'oreille.

  A003001099 

 Or, le serpent a la langue fourchue et a deux pointes, comme dit Aristote; et telle est celle du mesdisant, qui d'un seul coup pique et empoisonne l'oreille de l'escoutant et la reputation de celuy de qui elle parle..

  A003001100 

 Je vous conjure donques, treschere Philothee, de ne jamais mesdire de personne, ni directement ni indirectement: gardés-vous d'imposer des faux crimes et pechés au prochain, ni de descouvrir ceux qui sont secretz, ni d'aggrandir ceux qui sont manifestes, ni d'interpreter en mal la bonne œuvre, ni de nier le bien que vous sçaves estre en quelqu'un, ni le dissimuler malicieusement, ni le diminuer par paroles, car en toutes ces façons vous offenseries grandement Dieu, mais sur tout accusant fausement et niant la verité au prejudice du prochain; car c'est double peché de mentir et nuire tout ensemble au prochain..

  A003001101 

 Ceux qui pour mesdire font des prefaces d'honneur, ou qui disent de petites gentillesses et gausseries entre deux, sont les plus fins et veneneux mesdisans de tous.

  A003001101 

 La mesdisance dite par forme de gausserie est encores plus cruelle que toutes; car, comme la ciguë n'est pas de soy un venin fort pressant, ains asses lent et auquel on peut aysement remedier, mais estant pris avec le vin il est irremediable, ainsy la mesdisance qui de soy passerait legerement par une oreille et sortiroit par l'autre, comme l'on dit, s'arreste fermement en la cervelle des escoutans quand elle est presentee dedans quelque mot subtil et joyeux.

  A003001101 

 Ne voyes-vous pas l'artifice? Celuy qui veut tirer a l'arc tire tant qu'il peut la fleche a soy, mais ce n'est que pour la darder plus puissamment: il semble que ceux ci retirent leur mesdisance a eux, mais ce n'est que pour la descocher plus fermement, affin qu'elle penetre plus avant dedans les cœurs des escoutans.

  A003001103 

 Helas, puisque la bonté de Dieu est si grande qu'un seul moment suffit pour impetrer et recevoir sa grace, quelle asseurance pouvons-nous avoir qu'un homme qui estoit hier pecheur le soit aujourd'huy? Le jour precedent ne doit pas juger le jour present, ni le jour present ne doit pas juger le jour precedent: il n'y a que le dernier qui les juge tous.

  A003001104 

 Encor qu'il faille estre extremement delicat a ne point mesdire du prochain, si faut-il se garder d'une extremité en laquelle quelques uns tombent, qui, pour eviter la mesdisance, loüent et disent bien du vice.

  A003001105 

 Ma langue, tandis que je parle du prochain, est en ma bouche comme un rasoir en la main du chirurgien qui veut trancher entre les nerfz et les tendons: il faut que le coup que je donneray soit si juste, que je ne die ni plus ni moins que ce qui en est.

  A003001105 

 On recite devant des filles les privautés indiscretes de telz et de telles, qui sont manifestement perilleuses; la dissolution d'un tel ou d'une telle en paroles ou en contenances qui sont manifestement lubriques: si je ne blasme librement ce mal et que je le veuille excuser, ces tendres ames qui escoutent prendront occasion de se relascher a quelque chose pareille; leur utilité donq requiert que tout franchement je blasme ces choses-la sur le champ, sinon que je puisse reserver a faire ce bon office plus a propos et avec moins d'interest de ceux de qui on parle, en une autre occasion.

  A003001105 

 Pour loüablement blasmer les vices d'autruy, il faut que l'utilité ou de celuy duquel on parle ou de ceux a qui l'on parle le requiere.

  A003001108 

 Quand vous oyes mal dire, rendés douteuse l'accusation, si vous le pouves faire justement; si vous ne pouves pas, excuses l'intention de l'accusé; que si cela ne se peut, tesmoignes de la compassion sur luy, escartes ce propos-la, vous resouvenant et faisant resouvenir la compaignie que ceux qui ne tombent pas en faute en doivent toute la grace a Dieu.

  A003001113 

 Qui chemine simplement, dit le Sage, il chemine confidemment.

  A003001114 

 J'ay dit, je prendray garde a mes voÿes pour ne point pecher en ma langue; Hé, Seigneur, mettes des gardes a ma bouche et une porte qui ferme mes levres, disoit David..

  A003001115 

 Et me semble qu'il faut fuir les deux extremités: car de faire trop l'entendu et le severe, refusant de contribuer aux devis familiers qui se font es conversations, il semble qu'il y ait ou manquement de confiance, ou quelque sorte [245] de desdain; de babiller aussi et cajoler tous-jours, sans donner ni loysir ni commodité aux autres de parler a souhait, cela tient de l'esventé et du leger..

  A003001116 

 Saint Louys ne treuvoit pas bon qu'estant en compaignie l'on parlast en secret et en conseil, et particulierement a table, affin que l'on ne donnast soupçon que l'on parlast des autres en mal: «Celuy,» disoit il, «qui est a table en bonne compaignie, qui a a dire quelque chose joyeuse et plaisante, la doit dire que tout le monde l'entende; si c'est chose d'importance, on la doit taire sans en parler.».

  A003001121 

 Prendre l'air, se promener, s'entretenir de devis joyeux et amiables, sonner du luth ou autre instrument, chanter en musique, aller a la chasse, ce sont recreations si honnestes que pour en bien user il n'est besoin que de la commune prudence, qui donne a toutes choses le rang, le tems, le lieu et la mesure..

  A003001127 

 Cela est bon pour monstrer que celuy qui gaigne ne fait pas tort aux autres, mais il ne s'ensuit pas que la convention ne soit desraysonnable et le jeu aussi; car le gain qui doit estre le prix de l'industrie, est rendu le prix du sort, qui ne merite nul prix puisqu'il ne depend nullement de nous..

  A003001127 

 Mais quel grand mal y a-il, me dires-vous? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la rayson, mais selon le sort, qui tombe bien souvent a celuy qui par habilité et industrie ne meritoit rien: la rayson est donq offensee en cela.

  A003001133 

 On les fait de nuit, et parmi les tenebres et obscurités il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux et vicieux, en un sujet qui de soy mesme est fort susceptible du mal; on y fait des grandes veilles, apres [249] lesquelles on perd les matinees des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles: en un mot, c'est tous-jours folie de changer le jour a la nuit, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres a des folastreries.

  A003001135 

 Les balz, les danses et telles assemblees tenebreuses attirent ordinairement les vices et pechés qui regnent en un lieu: les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours; et comme ces exercices ouvrent les pores du cors de ceux qui les font, aussi ouvrent-ilz les pores du cœur, au moyen dequoy, si quelque serpent sur cela vient souffler aux oreilles quelque parole lascive, quelque muguetterie, quelque cajolerie, ou que quelque basilic vienne jetter des regards impudiques, des œillades d'amour, les cœurs sont [250] fort aysés a se laisser saisir et empoisonner.

  A003001135 

 Les champignons, selon Pline, estans spongieux et poreux comme ilz sont, attirent aysement toute l'infection qui leur est autour, si que estans pres des serpens ilz en reçoivent le venin.

  A003001136 

 Mais sur tout on dit qu'apres les champignons il faut boire du vin pretieux; et je dis qu'apres les danses il faut user de quelques saintes et bonnes considerations, qui empeschent les dangereuses impressions que le vain playsir qu'on a receu pourroit donner a nos espritz.

  A003001142 

 Elle oste mesme la malice a celles qui sont aucunement mauvaises: c'est pourquoy les jeux de hazard qui autrement seroient blasmables, ne le sont pas, si quelquefois la juste condescendance nous y porte..

  A003001142 

 Pour joüer et danser loysiblement, il faut que ce soit par recreation et non par affection; pour peu de tems et non jusques a se lasser ou estourdir, et que ce soit [252] rarement; car, qui en fait ordinaire, il convertira la recreation en occupation.

  A003001143 

 Quant a sainte Elizabeth d'Hongrie, elle joüoit et dansoit parfois se treuvant es assemblees de passetems, sans interest de sa devotion, laquelle estoit si bien enracinee dedans son ame que, comme les rochers qui sont autour du lac de Riette croissent estans battus des vagues, ainsy sa devotion croissoit emmi les pompes et vanités ausquelles sa condition l'exposoit; ce sont les grans feux qui s'enflamment au vent, mays les petitz s'esteignent si on ne les y porte a couvert.

  A003001148 

 Mais tandis que la divine Providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnes-luy pour le moins vos cheveux: je veux dire, supportes tout doucement les menues injures, ces petites incommodités, ces pertes de peu d'importance qui vous sont journalieres; car par le moyen de ces petites occasions, employees avec amour et dilection, vous gaigneres entierement [254] son cœur et le rendres tout vostre.

  A003001148 

 Preparés-vous donq, Philothee, a souffrir beaucoup de grandes afflictions pour Nostre Seigneur, et mesme le martyre; resoulvés-vous de luy donner tout ce qui vous est de plus pretieux, s'il luy plaisoit de le prendre: pere, mere, frere, mari, femme, enfans, vos yeux mesme et vostre vie, car a tout cela vous deves apprester vostre cœur.

  A003001149 

 Et n'estime pas moins la petite et basse meditation qu'elle faisoit parmi les offices vilz et abjectz, que les extases et ravissemens qu'elle eut si souvent, qui ne luy furent peut estre donnés qu'en recompense de cette humilité et abjection.

  A003001150 

 Mettes la main a chose forte, vous exerçant a l'orayson et meditation, a l'usage des Sacremens, a donner de l'amour de Dieu aux ames, a respandre de bonnes inspirations dedans les cœurs, et en fin a faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vacation; mais n'oublies pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille, c'est a dire, prattiqués ces petites et humbles vertus lesquelles comme fleurs croissent au pied de la Croix: le service des pauvres, la visitation des malades, le soin de la famille, avec les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui ne vous laissera point oysive; et parmi toutes ces choses-la, entrejettés des pareilles considerations a celles que je viens de dire de sainte Catherine..

  A003001151 

 Les grandes occasions de servir Dieu se presentent rarement, mais les petites sont ordinaires: or, qui sera fidelle en peu de chose, dit le Sauveur mesme, on l'establira sur beaucoup.

  A003001155 

 Nous ne sommes hommes que par la rayson, et c'est pourtant chose rare de treuver des hommes vrayement raysonnables, d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la rayson, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petitz renardeaux desquelz il est parlé aux Cantiques, demolissent les vignes; car, d'autant qu'ilz sont petitz on n'y prend pas garde, et parce qu'ilz sont en quantité ilz ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003001156 

 Il y a des enfans vertueux que leurs peres et meres ne peuvent presque voir, pour quelque imperfection corporelle; il y en a des vicieux qui sont les favoris, pour quelque grace corporelle..

  A003001156 

 Nous voudrions que le prochain nous laschast son bien en le payant, n'est-il pas [257] plus juste qu'il le garde en nous laissant nostre argent? nous luy sçavons mauvais gré dequoy il ne nous veut pas accommoder, n'a-il pas plus de rayson d'estre fasché dequoy nous le voulons incommoder? Si nous affectionnons un exercice, nous mesprisons tout le reste et contrerollons tout ce qui ne vient pas a nostre goust.

  A003001156 

 S'il y a quelqu'un de nos inferieurs qui n'ait pas bonne grace ou sur lequel nous ayons une fois mis la dent, quoy qu'il face nous le recevons a mal, nous ne cessons de le contrister et tous-jours nous sommes a le calanger; au contraire, si quelqu'un nous est aggreable d'une grace sensuelle, il ne fait rien que nous n'excusions.

  A003001157 

 Bref, nous sommes comme les perdrix de Paphlagonie qui ont deux cœurs; car nous avons un cœur doux, gracieux et courtois en nostre endroit, et un cœur dur, severe, rigoureux envers le prochain.

  A003001158 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas a restitution, d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger a nous en amender, car ce sont des grans defautz de rayson et de charité; et, au bout de la, ce ne sont que tricheries, car on ne perd rien a vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur royal, egal et raysonnable.

  A003001162 

 Mais je vous dis de plus, ma Philothee: ne desires point les choses qui sont dangereuses a l'ame, comme sont les balz, les jeux et telz autres passetems; ni les honneurs et charges, ni les visions et extases, car il y a beaucoup de peril, de vanité et de tromperie en telles choses.

  A003001162 

 Mais nous faysons ordinairement des desirs des femmes grosses, qui veulent des cerises fraisches en l'automne et des raisins frais au printems..

  A003001162 

 Ne desires pas les choses fort esloignees, c'est a dire qui ne peuvent arriver de long tems, comme font plusieurs qui par ce moyen lassent et dissipent leurs coeurs inutilement, et se mettent en danger de grande inquietude.

  A003001162 

 Si un jeune homme desire fort d'estre pourveu de quelque office avant que le tems soit venu, dequoy, je vous prie, luy sert ce desir? Si une femme mariee desire d'estre religieuse, a quel propos? Si je desire d'acheter le bien de mon voysin avant qu'il soit prest a le vendre, ne perds-je pas mon tems en ce desir? Si estant malade, je desire prescher ou dire la sainte Messe, visiter les autres malades et faire les exercices de ceux qui sont en santé, ces desirs ne sont-ilz pas vains, puysqu'en ce tems-la il n'est pas en mon pouvoir [260] de les effectuer? Et ce pendant ces desirs inutiles occupent la place des autres que je devrois avoir, d'estre bien patient, bien resigné, bien mortifié, bien obeissant et bien doux en mes souffrances, qui est ce que Dieu veut que je prattique pour lhors.

  A003001163 

 Je n'appreuve nullement qu'une personne attachee a quelque devoir ou vacation, s'amuse a desirer une autre sorte de vie que celle qui est convenable a son devoir, ni des exercices incompatibles a sa condition presente; car cela dissipe le cœur et l'allanguit es exercices necessaires.

  A003001163 

 Non, je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit ni meilleur jugement, car ces desirs sont frivoles et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est; ni que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or, cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaitz, ilz ne font nulle nuysance, pourveu qu'ilz ne soyent pas frequens..

  A003001164 

 L'ennemi nous procure souvent des grans desirs pour des objetz absens et qui ne se presenteront jamais, affin de divertir nostre esprit des objetz presens esquelz, pour petitz qu'ilz soyent, nous pourrions faire grand prouffit.

  A003001164 

 Ne desirés pas les croix, sinon a mesure que vous aures bien supporté celles qui se seront presentees; car c'est un abus de desirer le martyre et n'avoir pas le courage de supporter une injure.

  A003001164 

 Nous combattons les monstres d'Afrique en imagination, et nous [261] nous laissons tuer en effect aux menus serpens qui sont en nostre chemin, a faute d'attention.

  A003001165 

 Choisisses donq, par l'advis de vostre pere spirituel, entre tant de desirs ceux qui peuvent estre prattiqués et executés maintenant; ceux-la, faites les bien valoir: cela fait, Dieu vous en envoyera d'autres, lesquelz aussi en leurs saisons vous prattiqueres, et ainsy vous ne perdres pas le tems en desirs inutiles.

  A003001165 

 Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons desirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre; et ceux qui ne peuvent estre effectués presentement, il les faut serrer en quelque coin du cœur jusques a ce que leur tems soit venu, et ce pendant effectuer ceux qui sont meurs et de saison; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituelz, mais pour les mondains: sans cela nous ne sçaurions vivre qu'avec inquietude et empressement.

  A003001170 

 C'est la pepiniere du Christianisme, qui remplit la terre de fideles pour accomplir au Ciel le nombre des esleuz; si que la conservation du bien du mariage est extremement importante a la republique, car c'est sa racine et la source de tous ses ruisseaux.

  A003001171 

 Qui veut avoir des aigneletz beaux et mouchetés, comme Jacob, il faut comme luy presenter aux brebis quand elles s'assemblent pour parier, des belles baguettes de diverses couleurs; et qui veut avoir un heureux succes au mariage, devroit en ses noces se representer la sainteté et dignité de ce Sacrement; mais en lieu de cela il y arrive mille desreglemens en passe-tems, festins et paroles: ce n'est donq pas merveille si les effectz en sont desreglés..

  A003001173 

 Ce fut Dieu qui amena Eve a nostre premier pere Adam et la luy donna a femme: c'est aussi Dieu, mes amis, qui de sa main invisible a fait le nœud du sacré lien de vostre mariage, et qui vous a donné les uns aux autres; pourquoy ne vous cherisses vous d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin?.

  A003001176 

 Ce vous est grand honneur, o mariés, dequoy Dieu voulant multiplier les ames qui le puissent benir et loüer a toute eternité, il vous rend les cooperateurs d'une si digne besoigne par la production des cors dans lesquelz il respand, comme gouttes celestes, les ames en les creant, comme il les cree en les infusant dedans les cors..

  A003001177 

 Certes, la jalousie n'arrive jamais ou l'amitié est reciproquement fondee sur la vraye vertu, c'est pourquoy elle est une marque indubitable d'un amour aucunement sensuel, grossier et qui s'est addressé en lieu ou il a rencontré une vertu manque, inconstante et sujette a defiance.

  A003001179 

 Mais quant a moy, qui sçay que le grand ami de Dieu Isaac envoya des pendans d'oreilles pour les premieres arres de ses amours a la chaste Rebecca, je croy que cet [269] ornement mystique signifie que la premiere chose qu'un mari doit avoir d'une femme, et que la femme luy doit fidelement garder, c'est l'oreille, affin que nul langage ou bruit n'y puisse entrer, sinon le doux et amiable grillotis des paroles chastes et pudiques, qui sont les perles orientales de l'Evangile: car il se faut tous-jours resouvenir, que l'on empoisonne les ames par l'oreille, comme le cors par la bouche..

  A003001181 

 La mere de saint Bernard, digne mere d'un tel filz, prenant ses enfans en ses bras incontinent qu'ilz estoyent nais, lies offroit a Jesus Christ, et des lhors les aymoit avec respect comme chose sacree et que Dieu luy avoit confiee; ce qui luy reussit si heureusement qu'en fin ilz furent tous sept tressaintz..

  A003001181 

 Sainte Monique estant grosse du grand saint Augustin, le dedia par plusieurs offres a la religion Chrestienne et au service de la gloire de Dieu, ainsy que luy mesme [270] le tesmoigne disant que des-ja il avoit gousté «le sel de Dieu dans le ventre de sa mere.» C'est un grand enseignement pour les femmes chrestiennes d'offrir a la divine Majesté les fruitz de leurs ventres, mesme avant qu'ilz en soyent sortis, car Dieu qui accepte les oblations d'un cœur humble et volontaire, seconde pour l'ordinaire les bonnes affections des meres en ce tems la: tesmoin Samuel, saint Thomas d'Aquin, saint André de Fiesole et plusieurs autres.

  A003001182 

 La bonne reyne Blanche fit ardemment cet office a l'endroit du roy saint Louys son filz, car elle luy disoit souventefois: «J'aymerois trop mieux, mon cher enfant, vous voir mourir devant mes yeux, que de vous voir commettre un seul peché mortel;» ce qui demeura tellement gravé en l'ame de ce saint filz que, comme luy mesme racontoit, il ne fut jour de sa vie auquel il ne luy en souvint, mettant peyne, tant qu'il luy estoit possible, de bien garder cette divine doctrine.

  A003001183 

 Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la mayson, c'est pourquoy plusieurs ont cette veritable opinion, que leur devotion est plus fructueuse a la famille que celle des maris qui, ne faisans pas une si ordinaire residence entre les domestiques, ne peuvent pas par consequent les addresser si aysement a la vertu.

  A003001184 

 C'est la plus grande et plus fructueuse union du mari et de la femme que celle qui se fait en la sainte devotion, a laquelle ilz se doivent entreporter l'un l'autre a l'envi.

  A003001184 

 Il y a des fruitz, comme le coing, qui pour l'aspreté de leur suc ne sont gueres aggreables qu'en confiture; il y en a d'autres qui pour leur tendreté et delicatesse ne peuvent durer, s'ilz ne sont aussi confitz, comme les cerises et abricotz.

  A003001192 

 Le manger est ordonné pour conserver les personnes: or, comme manger simplement pour nourrir et conserver la personne est une bonne chose, sainte et commandee, aussi ce qui est requis au mariage pour la production des enfans et la multiplication des personnes est une bonne chose et tressainte, car c'est la fin principale des noces..

  A003001193 

 Manger, non point pour conserver la vie mais pour conserver la mutuelle conversation et condescendance que nous nous devons les uns aux autres, c'est chose grandement juste et honneste: et de mesme, la reciproque et legitime satisfaction des parties au saint Mariage est appellee par saint Paul devoir; mais devoir si grand, qu'il ne veut pas que l'une des parties [274] s'en puisse exempter sans le libre et volontaire consentement de l'autre, non pas mesme pour les exercices de la devotion, qui m'a fait dire le mot que j'ay mis au chapitre de la sainte Communion pour ce regard; combien moins donq peut-on s'en exempter pour des capricieuses pretentions de vertu ou pour les choleres et desdains..

  A003001194 

 Comme ceux qui mangent pour le devoir de la mutuelle conversation doivent manger librement et non comme par force, et de plus s'essayer de tesmoigner de l'appetit, aussi le devoir nuptial doit estre tous-jours rendu fidellement, franchement, et tout de mesme comme si c'estoit avec esperance de la production des enfans, encor que pour quelque occasion on n'eust pas telle esperance..

  A003001198 

 A la verité, le commerce nuptial qui est si saint, si juste, si recommandable, si utile a la republique, est neanmoins en certain cas dangereux a ceux qui le pratiquent; car quelquefois il rend leurs ames grandement malades de peché veniel, comme il arrive par les simples exces, et quelquefois il les fait mourir par le peché mortel, comme il arrive lhors que l'ordre establi pour la production des enfans est violé et perverti, auquel cas, selon qu'on s'esgare plus ou moins de cet ordre, les pechés se treuvent plus ou moins execrables, mais tous-jours mortelz.

  A003001198 

 Certes, l'infame et execrable action que Onan faisoit en son mariage estoit detestable devant Dieu, ainsy que dit le sacré Texte du trente huitiesme chapitre de Genese; et bien que quelques heretiques de nostre aage, cent fois plus blasmables que les Cyniques desquelz parle saint Hierosme sur l'Epistre aux Ephesiens, ayent voulu dire que c'estoit la perverse intention de ce meschant qui desplaisoit a Dieu, l'Escriture toutefois parle autrement, et asseure en particulier que la chose mesme qu'il faisoit estoit detestable et abominable devant Dieu.

  A003001199 

 C'est une vraye marque d'un esprit truant, vilain, abject et infame de penser aux viandes et a la mangeaille avant le tems du repas, et encores plus quand apres iceluy on s'amuse au playsir que l'on a pris a manger, s'y entretenant par parolles et pensees, et vautrant son esprit dedans le souvenir de la volupté que l'on a eue en avalant les morceaux, comme font ceux qui devant disner tiennent leur esprit en broche et apres disner dans les platz; gens dignes d'estre souillars de cuisine, qui font, comme dit saint Paul, un dieu de leur ventre.

  A003001199 

 L'elephant n'est qu'une grosse beste, mais la plus digne qui vive sur la terre et qui a le plus de sens; je vous veux dire un trait de son honnesteté: il ne change jamais de femelle et ayme tendrement celle qu'il a choisie, avec laquelle neanmoins il ne parie que de trois ans en trois ans, et cela pour cinq jours seulement et si secrettement que jamais il n'est veu en cet acte; mais il est bien veu pourtant le sixiesme jour auquel avant toutes choses il va droit a quelque riviere en laquelle il se lave entierement tout le cors, sans vouloir aucunement retourner au troupeau qu'il ne se soit auparavant purifié.

  A003001200 

 Car, selon saint Gregoire, celuy a une femme comme n'en ayant point qui prend tellement les consolations corporelles avec elle que pour cela il n'est point destourné des pretentions spirituelles; or, ce qui se dit du mari s'entend reciproquement de la femme.

  A003001200 

 En cet advis consiste la parfaitte prattique de l'excellente [277] doctrine que saint Paul donne aux Corinthiens: Le tems est court, dit-il; reste que ceux qui ont des femmes soyent comme n'en ayans point.

  A003001200 

 Que ceux qui usent du monde, dit le mesme Apostre, soyent comme n'en usans point.

  A003001205 

 Saint Paul instruit tous les prelatz, en la personne de son Timothee, disant: Honnore les vefves qui sont vrayement vefves.

  A003001206 

 Que non seulement la vefve soit vefve de cors, mais aussi de cœur, c'est a dire qu'elle soit resolue d'une resolution inviolable de se conserver en l'estat d'une chaste viduité; car les vefves qui ne le sont qu'en attendant l'occasion de se remarier ne sont separees des hommes que selon la volupté du cors, mais elles sont des-ja conjointes avec eux selon la volonté du cœur.

  A003001207 

 Le vœu rend les œuvres faittes en suite d'iceluy plus aggreables a Dieu, fortifie le courage pour les faire, et ne donne pas seulement a Dieu les œuvres, qui sont comme les fruitz de nostre bonne volonté, mais luy dedie encores la volonté mesme, qui est comme l'arbre de nos actions.

  A003001207 

 Or, comme j'appreuve infiniment les advis de ces deux grans personnages, aussi desirerois-je que les ames qui seront si heureuses que de les vouloir employer le facent prudemment, saintement et solidement, ayans bien examiné leurs courages, invoqué l'inspiration celeste et prins le conseil de quelque sage et devot directeur, car ainsy tout se fera plus fructueusement.

  A003001208 

 Outre cela, il faut que ce renoncement de secondes noces se face purement et simplement pour, avec plus de pureté, contourner toutes ses affections en Dieu, et joindre de toutes pars son cœur avec celuy de sa divine Majesté; car si le desir de laisser les enfans riches ou quelqu'autre sorte de pretention mondaine arreste la vefve en viduité, elle en aura peut estre la loüange, mais non pas certes devant Dieu, puisque devant Dieu rien ne peut avoir une veritable louange que ce qui est fait pour Dieu..

  A003001209 

 La vefve donq qui vit en ces folles delices, vivante est morte, et n'est a proprement parler qu'une idole de viduité.

  A003001209 

 La vefve qui vit en delices, dit saint Paul, est morte en vivant.

  A003001210 

 Le retranchement des superfluités mondaines est requis a quicomque veut vivre pieusement; mays il est sur tout necessaire a la vraye vefve qui, comme une chaste tourterelle, vient tout fraischement de pleurer, gemir et lamenter la perte de son mari.

  A003001210 

 Quand Noëmi revint de Moab en Bethleem, les femmes de la ville qui l'avoyent conneuë au commencement de son mariage s'entredisoyent l'une a l'autre: N'est-ce point ici Noëmi? Mais elle respondit: Ne m'appelles point, je vous prie, Noëmi, car Noëmi veut dire gracieuse et belle, ains appelles moy Mara, car le Seigneur a rempli mon ame d'amertume: ce qu'elle disoit d'autant que son mari luy estoit mort.

  A003001211 

 D'aymer le mari tandis qu'il est en vie, c'est chose asses triviale entre les femmes; mais l'aymer tant qu'apres la mort d'iceluy on n'en veuille point d'autre, c'est un rang d'amour qui n'appartient qu'aux vrayes vefves.

  A003001212 

 La vefve laquelle a des enfans qui ont besoin de son addresse et conduitte, et principalement en ce qui regarde leur ame et l'establissement de leur vie, ne peut ni doit en façon quelconque les abandonner; car l'apostre saint Paul dit clairement qu'elles sont obligees a ce soin la, pour rendre la pareille a leurs peres et meres, et d'autant encores que si quelqu'un n'a soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il est pire qu'un infidelle.

  A003001213 

 Si quelque force forcee n'oblige la conscience de la vraye vefve aux embarrassemens exterieurs, telz que sont les procès, je luy conseille de s'en abstenir du tout, et suivre la methode de conduire ses affaires qui sera plus paisible et tranquille, quoy qu'il ne semblast pas que ce fust la plus fructueuse.

  A003001214 

 Et comme le fer qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant a cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant soudain que le diamant est esloigné, ainsy le cœur de la vefve, qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ni suivre les attraitz de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment a l'odeur des parfums celestes, comme disant, a l'imitation de l'Espouse sacree: O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevés-moy pour toute vostre; tirés-moy apres vous, nous courrons a l'odeur de vos onguens..

  A003001216 

 Bref, la vraye vefve est en l'Eglise une petite violette de mars, qui respand une suavité nompareille par l'odeur de sa devotion, et se tient presque tous-jours cachee sous les larges feuilles de son abjection, et par sa couleur moins esclatante tesmoigne la mortification; elle vient es lieux frais et non cultivés, ne voulant estre pressee de la conversation des mondains, pour mieux conserver la fraischeur de son cœur contre toutes les chaleurs que le desir des biens, des honneurs ou mesme des amours luy pourrait apporter.

  A003001217 

 Et faut tous-jours avoir devant les yeux cette doctrine des Anciens, que ni la viduité ni la virginité n'ont point de rang au Ciel que celuy qui leur est assigné par l'humilité..

  A003001217 

 J'aurois beaucoup d'autres choses a dire sur ce sujet; mais j'auray tout dit quand j'auray dit que la vefve jalouse de l'honneur de sa condition lise attentivement les belles epistres que le grand saint Hierosme escrit a Furia et a Salvia, et a toutes ces autres dames qui furent si heureuses que d'estre filles spirituelles d'un si grand Pere, car il ne se peut rien adjouster a ce qu'il leur dit, sinon cet advertissement: que la vraye vefve ne doit jamais ni blasmer ni censurer celles qui passent aux secondes ou mesme troisiesmes et quatriesmes noces; car en certains cas Dieu en dispose ainsy pour sa plus grande gloire.

  A003001221 

 Les epistres de saint Hierosme vous fourniront tous les advis qui vous sont necessaires; et puisque vostre condition vous oblige a l'obeissance, choisisses une guide, sous la conduitte de laquelle vous puissies plus saintement dedier vostre cœur et vostre cors a sa divine Majesté.

  A003001221 

 Mais si vostre bonheur vous appelle aux chastes et virginales noces spirituelles, et qu'a jamais vous veuilles [286] conserver vostre virginité, o Dieu, conservés vostre amour le plus delicatement que vous pourres pour cet Espoux divin qui, estant la pureté mesme, n'ayme rien tant que la pureté, et a qui les premices de toutes choses sont deuës, mais principalement celles de l'amour.

  A003001226 

 Qui ne voit que le monde est un juge inique, gracieux et favorable pour ses enfans, mais aspre et rigoureux aux enfans de Dieu?.

  A003001226 

 Si vous esties du monde, dit le Sauveur, le monde aymeroit ce qui est sien; mais parce que vous n'estes pas du monde, partant il vous hait.

  A003001229 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous evitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël le jour mesme de leur naissance.

  A003001234 

 Il est vray, nous sommes encor de petitz mouchons en la devotion, nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre a la cime de la perfection chrestienne; mais si commençons-nous a prendre forme [293] par nos desirs et resolutions, les aisles nous commencent a sortir, il faut donq esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles et que nous volerons; et tandis, vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devotz nous ont laissés, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, affin que non seulement nous puissions voler au tems de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future..

  A003001238 

 en fin elle consent ou elle refuse; qui sont en somme les trois degrés pour [294] descendre a l'iniquité: la tentation, la delectation et le consentement.

  A003001240 

 Il faut donq estre fort courageuse, Philothee, emmi les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincue pendant qu'elles vous desplairont, en bien observant cette difference qu'il y a entre sentir et consentir, qui est qu'on les peut sentir encor qu'elles nous desplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puisque le playsir pour l'ordinaire sert de degré pour venir au consentement.

  A003001240 

 Que donq les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ilz voudront d'amorces et d'appastz, qu'ilz demeurent tous-jours a la porte de nostre cœur pour entrer, qu'ilz nous facent tant de propositions qu'ilz voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, [295] il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le prince espoux de la princesse que j'ay representee ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de playsir.

  A003001241 

 Mays quant a la delectation qui peut suivre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tous-jours la superieure ains fait son cas a part, il arrive maintesfois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'apostre saint Paul descrit, quand il dit que sa chair convoite contre son esprit, qu'il y a une loy des membres et une loy de l'esprit, et semblables choses..

  A003001242 

 C'en est de mesme de la charité, qui est nostre vie spirituelle, parmi les grandes et violentes tentations: car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre, ce semble, toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroist plus en nulle part sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit; encores semble-il qu'il n'y soit pas, et a-on peyne de le treuver.

  A003001242 

 Il y est neanmoins en verité, puisque, quoy que tout soit en trouble en nostre [296] ame et en nostre cors, nous avons la resolution de ne point consentir au peché ni a la tentation, et que la delectation qui plait a nostre homme exterieur desplait a l'interieur, et quoy qu'elle soit tout autour de nostre volonté, si n'est-elle pas dans icelle: en quoy l'on voit que telle delectation est involontaire, et estant telle ne peut estre peché..

  A003001246 

 Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, qui couché et attaché avec des escharpes de soye bien delicatement sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraitz d'une impudique femme, qui estoit couchee avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit-il pas sentir d'estranges accidens? ses sens ne devoyent-ilz pas estre saisis de la delectation, et son imagination extrêmement occupee de cette presence des objetz voluptueux? Sans doute, et neanmoins parmi tant de troubles, emmi un si terrible orage de tentations et entre tant de voluptés qui sont tout autour de luy, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu et que sa volonté n'y consent nullement, puisque son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son cors a son commandement sinon la langue, il se la coupa avec les [297] dens et la cracha sur le visage de cette vilaine ame qui tourmentait la sienne plus cruellement par la volupté, que les bourreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens; aussi, le tyran qui se defioit de la vaincre par les douleurs, pensoit la surmonter par ces playsirs..

  A003001247 

 Ce qui dura fort longuement, jusques a tant qu'un jour Nostre Seigneur luy apparut, et elle luy dit: «Ou esties-vous, mon doux Seigneur, quand mon cœur estoit plein de tant de tenebres et d'ordures?» A quoy il respondit: «J'estois dedans ton cœur, ma fille.» «Et comment,» repliqua-elle, «habities-vous dedans mon cœur, dans lequel il y avoit tant de vilenies? habites-vous donq en des lieux si deshonnestes?» Et Nostre Seigneur luy dit: «Dis-moy, ces tiennes sales cogitations de ton cœur te donnoyent-elles playsir ou tristesse, amertume ou delectation?» Et elle dit: «Extreme amertume et tristesse.» Et luy repliqua: «Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensees qui estoyent autour de ta volonté et ne pouvoyent l'expugner l'eussent sans doute surmontee et seroyent [298] entrees dedans, eussent esté receuës avec playsir par ton liberal arbitre, et ainsy eussent donné la mort a ton ame; mais parce que j'estois dedans, je mettois ce desplaysir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se refusoit tant qu'il pouvoit a la tentation, et ne pouvant pas tant qu'il vouloit, il en sentoit un plus grand desplaysir et une plus grande haine contre icelle et contre soy mesme, et ainsy ces peynes estoyent un grand merite et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force.».

  A003001247 

 Il fit donques toutes sortes d'impudiques suggestions a son cœur, et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compaignons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalités et lubricités a sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroyent bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel, comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure qui ne fust agitee de cette tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003001248 

 O Dieu, quelle detresse a une ame qui ayme Dieu, de ne sçavoir seulement pas s'il est en elle ou non, et si l'amour divin, pour lequel elle combat, est du tout esteint en elle ou non! Mais c'est la fine fleur de la perfection de l'amour celeste que de faire souffrir et combattre l'amant pour l'amour, sans sçavoir s'il a l'amour pour lequel et par lequel il combat..

  A003001248 

 Voyes vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entree dedans le cœur et avoit environné la volonté, laquelle seule, assistee de son Sauveur, resistoit par des amertumes, des desplaysirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au péché qui l'environnoit.

  A003001252 

 Ma Philothee, ces grans assautz et ces tentations si puissantes ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames lesquelles il veut eslever a son pur et excellent amour; mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soyent asseurees d'y parvenir, car il est arrivé [299] maintesfois que ceux qui avoyent esté constans en des si violentes attaques, ne correspondans pas par apres fidelement a la faveur divine, se sont treuvés vaincus en des bien petites tentations.

  A003001252 

 Quelques tentations donques qui vous arrivent et quelque delectation qui s'ensuive, tandis que vostre volonté refusera son consentement, non seulement a la tentation mais encor a la delectation, ne vous troublés nullement, car Dieu n'en est point offensé..

  A003001257 

 La princesse de laquelle nous avons parlé ne peut mais de la recherche deshonneste qui luy est faitte, puisque, comme nous avons presupposé, elle luy arrive contre son gré; mais si au contraire elle avoit par quelques attraitz donné sujet a la recherche, ayant voulu donner de l'amour a celuy qui la muguette, indubitablement elle seroit coulpable de la recherche mesme; et quoy qu'elle en fist la delicate, elle ne laisseroit pas d'en meriter du blasme et de la punition.

  A003001257 

 Par exemple, je sçay que jouant j'entre volontier en rage et blaspheme, et que le jeu me sert de tentation a cela: je peche toutes fois et quantes que je joüeray, et suis coulpable de toutes les tentations qui m'arriveront au jeu.

  A003001258 

 C'est tous-jours chose blasmable a la jeune [301] princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition sale et deshonneste qui luy est faitte, mais encores apres l'avoir ouïe elle prend playsir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet objet; car bien qu'elle ne veuille pas consentir a l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neanmoins a l'application spirituelle de son cœur par le contentement qu'elle y prend, et c'est tous-jours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur ou le cors a chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement a l'application du cœur, que sans icelle l'application du cors ne peut estre peché.

  A003001258 

 Quand la delectation qui arrive de la tentation peut estre evitee, c'est tous-jours peché de la recevoir, selon que le playsir que l'on y prend et le consentement que l'on y donne est grand ou petit, de longue ou de petite duree.

  A003001259 

 De mesme donq, si quelqu'un me propose quelque stratageme plein d'invention et d'artifice pour me venger de mon ennemi, et que je ne prenne pas playsir ni ne donne aucun consentement a la vengeance qui m'est [302] proposee, mais seulement a la subtilité de l'invention de l'artifice, sans doute je ne peche point, bien qu'il ne soit pas expedient que je m'amuse beaucoup a ce playsir, de peur que petit a petit il ne me porte a quelque delectation de la vengeance mesme..

  A003001259 

 Par exemple, si le galant qui luy veut donner de l'amour sonnoit exquisement bien du luth et qu'elle print playsir, non pas a la recherche qui est faitte de son amour, mais a l'harmonie et douceur du son du luth, il n'y auroit point de peché, bien qu'elle ne devrait pas continuer longuement en ce playsir, de peur de faire passage d'iceluy a la delectation de la recherche.

  A003001259 

 Quand la delectation qui suit la tentation a peu estre evitee, et que neanmoins on ne l'a pas evitee, il y a tous-jours quelque sorte de peché selon que l'on y a peu ou prou arresté, et selon la cause du playsir que nous y avons prins.

  A003001260 

 On est quelquefois surprins de quelque chatouillement de delectation qui suit immediatement la tentation, devant que bonnement on s'en soit prins garde; et cela ne peut estre pour le plus qu'un bien leger peché veniel, lequel se rend plus grand si, apres que l'on s'est apperceu du mal ou l'on est, on demeure par negligence quelque tems a marchander avec la delectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser; et.

  A003001267 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de desployer son cœur et de communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons a nostre directeur; car notés que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes et les filles, qui de prime abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ni aux maris: ou au contraire Dieu, en ses inspirations, demande sur toutes choses que nous les fassions reconnoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003001269 

 Et comme la chaste femme ne doit respondre un seul mot ni regarder en face le vilain poursuivant qui luy propose quelque deshonnesteté, mays le quittant tout court, doit a mesme instant retourner son cœur du costé de son espoux et rejurer la fidelité qu'elle luy a promise, sans s'amuser a barguigner, ainsy la devote ame, se voyant assaillie de quelque tentation, ne doit nullement s'amuser a disputer ni respondre, mais tout simplement se retourner du costé de Jesus Christ son Espoux, et luy protester derechef de sa fidelité et de vouloir estre a jamais uniquement toute sienne.

  A003001274 

 Bref, ces menues tentations de choleres, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folastrerie, de vanités, de duplicités, d'affaiterie, d'artifices, de cogitations deshonnestes, ce sont les continuelz exercices de ceux mesmes qui sont plus devotz et resolus: c'est pourquoy, ma chere Philothee, il faut qu'avec grand soin et diligence nous nous preparions a ce combat; et soyes asseuree qu'autant de victoires que nous rapportons contre ces petitz ennemis, autant de pierres pretieuses seront mises en la couronne de gloire que Dieu nous prepare en son Paradis.

  A003001278 

 Or donq, quant a ces menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d'envie, d'amourettes, et semblables tricheries qui, comme mouches et moucherons, viennent passer devant nos yeux et tantost nous piquer sur la joüe, tantost sur le nés, parce qu'il est impossible d'estre tout a fait exempt de leur importunité, la meilleure resistance qu'on leur puisse faire c'est de ne s'en point tourmenter; car tout cela ne peut nuire, quoy qu'il puisse faire de l'ennui, pourveu que l'on soit bien resolu de vouloir servir Dieu.

  A003001281 

 Et voyla quant aux menues et frequentes tentations, avec lesquelles qui voudroit s'amuser par le menu, il se morfondrait et ne ferait rien.

  A003001285 

 Considerés de tems en tems quelles passions dominent le plus en vostre ame; les ayant descouvertes, prenés une façon de vivre qui leur soit toute contraire, en pensees, en parolles et en œuvres.

  A003001286 

 Si vous estes inclinee a l'avarice, penses souvent a la folie de ce peché qui nous rend esclaves de ce qui n'est creé que pour nous servir; qu'a la mort aussi bien [309] audra-il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensees.

  A003001287 

 Si vous estes sujette a vouloir donner ou recevoir de l'amour, penses souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres; combien c'est une chose indigne de prophaner et employer a passetems la plus noble affection qui soit en nostre ame; combien cela est sujet au blasme d'une extreme legereté d'esprit.

  A003001292 

 La tristesse n'est autre chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré, soit que le mal soit exterieur, comme pauvreté, maladie, mespris, soit qu'il soit interieur, comme ignorance, secheresse, repugnance, tentation.

  A003001293 

 Vous voyes donq que la tristesse, laquelle au commencement est juste, engendre l'inquietude; et l'inquietude engendre par apres un surcroist de tristesse qui est extremement dangereux..

  A003001294 

 L'inquietude est le plus grand mal qui arrive en l'ame, excepté le peché; car, comme les seditions et troubles interieurs d'une republique la ruinent entierement et l'empeschent qu'elle ne puisse resister a l'estranger, ainsy nostre cœur estant troublé et inquieté en soy mesme perd la force de maintenir les vertus qu'il avoit acquises, et quant et quant le moyen de resister aux tentations de l'ennemi, lequel fait alhors toutes sortes d'effortz pour pescher, comme l'on dit, en eau trouble..

  A003001295 

 L'inquietude provient d'un desir desreglé d'estre delivré du mal que l'on sent, ou d'acquerir le bien que l'on espere; et neanmoins il n'y a rien qui empire plus le [311] mal et qui esloigne plus le bien, que l'inquietude et empressement.

  A003001295 

 Quand donq vous serés pressee du desir d'estre delivree de quelque mal ou de parvenir a quelque bien, avant toute chose mettes vostre esprit en repos et tranquillité, faites rasseoir vostre jugement et vostre volonté, et puys, tout bellement et doucement, pourchasses l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables; et quand je dis tout bellement, je ne veux pas dire negligemment, mays sans empressement, trouble et inquietude; autrement en lieu d'avoir l'effect de vostre desir vous gasteres tout et vous embarrasseres plus fort..

  A003001296 

 Car, comme ceux qui craignent de perdre quelque chose qui leur est pretieuse la tiennent bien serree en leur main, ainsy, a l'imitation de ce grand Roy, nous devons tous-jours dire: O mon Dieu, mon ame est au hazard, c'est pourquoy je la porte tous-jours en mes mains, et en cette sorte je n'ay point oublié vostre sainte loy.

  A003001297 

 Quand vous sentires arriver l'inquietude, recommandes-vous a Dieu et resoulves-vous de ne rien faire du tout de ce que vostre desir requiert de vous que l'inquietude ne soit totalement passee, sinon que ce fust chose qui ne se peust differer; et alhors il faut, avec un doux et tranquille effort, retenir le courant de vostre desir, l'attrempant et moderant tant qu'il vous sera possible, et sur cela, faire la chose non selon vostre desir, mais selon la rayson..

  A003001298 

 Si vous pouves descouvrir vostre inquietude a celuy qui conduit vostre ame, ou au moins a quelque confident et devot ami, ne doutes point que tout aussi tost vous ne soyes accoisee; car la communication des douleurs du cœur fait le mesme effect en l'ame que la saignee fait au cors de celuy qui est en fievre continue: c'est le remede des remedes.

  A003001302 

 Il est vray qu'elle en fait plus de mauvaises que de bonnes, car elle n'en fait que deux [313] bonnes, a sçavoir, misericorde et penitence; et il y en a six mauvaises, a sçavoir, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie et impatience; qui a fait dire au Sage: La tristesse en tue beaucoup et n'y a point de prouffit en icelle, parce que, pour deux bons ruysseaux qui proviennent de la source de tristesse, il y en a six qui sont bien mauvais..

  A003001302 

 La tristesse qui est selon Dieu, dit saint Paul, opere la penitence pour le salut; la tristesse du monde opere la mort. La tristesse donques peut estre bonne et mauvaise, selon les diverses productions qu'elle fait en nous.

  A003001304 

 La mauvaise tristesse trouble l'ame, la met en inquietude, donne des craintes desreglees, desgouste de l'orayson, assoupit et accable le cerveau, prive l'ame de conseil, de resolution, de jugement et de courage, et abat les forces: bref, elle est comme un dur hiver qui fauche toute la beauté de la terre et engourdit tous les animaux; car elle oste toute suavité de l'ame et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultés..

  A003001305 

 Quelqu'un est-il triste, dit saint Jacques, qu'il prie: la priere est un souverain remede, car elle esleve l'esprit en Dieu qui est nostre unique joye et consolation; mais en priant, uses d'affections et parolles, soit interieures soit exterieures, qui tendent a la confiance et amour de Dieu, comme: o Dieu de misericorde, mon tres bon Dieu, mon Sauveur debonnaire, Dieu de mon cœur, ma joye, mon esperance, mon cher Espoux, le Bienaymé de mon ame, et semblables..

  A003001306 

 Chantes des cantiques spirituelz, car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen; tesmoin l'esprit qui assiegeoit ou possedoit Saül, duquel la violence estoit reprimee par la psalmodie..

  A003001306 

 Contraries vivement aux inclinations de la tristesse; et bien qu'il semble que tout ce que vous feres en ce tems la se face froidement, tristement et laschement, ne [314] laisses pourtant pas de le faire; car l'ennemi, qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estans faittes avec resistance elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger.

  A003001308 

 Qui me separera de l'amour de mon Dieu? et semblables..

  A003001309 

 La discipline moderee est bonne contre la tristesse, parce que cette volontaire affliction exterieure impetre la consolation interieure, et l'ame, sentant des douleurs de dehors, se divertit de celles qui sont au dedans.

  A003001310 

 Descouvres tous les ressentimens, affections et suggestions qui proviennent de vostre tristesse a vostre conducteur et confesseur, humblement et fidellement; [315] cherches les conversations des personnes spirituelles et les hantes le plus que vous pourres pendant ce tems-la.

  A003001314 

 Dieu continue l'estre de ce grand monde en une perpetuelle vicissitude, par laquelle le jour se change tous-jours en nuit, le printems en esté, l'esté en automne, l'automne en hiver et l'hiver en printems, et l'un des jours ne ressemble jamais parfaittement l'autre: on en void de nubileux, de pluvieux, de secs, de venteux, varieté qui donne une grande beauté a cet univers.

  A003001314 

 Il en est de mesme de l'homme, qui est, selon le dire des Anciens, un « abregé du monde; » car jamais il n'est en un mesme estat, et sa vie escoule sur cette terre comme les eaux, flottant et ondoyant en une perpetuelle diversité de mouvemens, qui tantost l'eslevent aux esperances, tantost l'abaissent par la crainte, tantost le plient a droite par la consolation, tantost a gauche par l'affliction, et jamais une seule de ses journees, ni mesme une de ses heures, n'est entierement pareille a l'autre.

  A003001315 

 Que le navire prenne telle route qu'on voudra, qu'il cingle au ponant ou levant, au midi ou septentrion, et quelque vent que ce soit qui le porte, jamais pourtant son eguille marine ne regardera que sa belle estoile et le pole.

  A003001315 

 Que tout se renverse sans dessus dessous, je ne dis pas seulement autour de nous, mais je dis en nous, c'est a dire que nostre ame soit triste, joyeuse, en douceur, en amertume, en paix, en trouble, en clarté, en tenebres, en tentations, en repos, en goust, en desgoust, en secheresse, en tendreté, que le soleil la brusle ou que la rosee la rafraischisse, ha! si faut-il pourtant qu'a jamais et tous-jours la pointe de nostre cœur, nostre esprit, nostre volonté superieure, qui est nostre bussole, regarde incessamment et tende perpetuellement a l'amour de Dieu son Createur, son Sauveur, son unique et souverain bien.

  A003001315 

 Qui nous separera de l'amour et charité de Dieu? Non, jamais rien ne nous separera de cet amour: ni la tribulation, ni l'angoisse, ni la mort, ni la vie, ni la douleur presente, ni la crainte des accidens futurs, ni les artifices des malins espritz, ni la hauteur des consolations, ni la profondité des afflictions, ni la tendreté, ni la secheresse ne nous doit jamais separer de cette sainte charité qui est fondee en Jesus Christ..

  A003001317 

 Je dis donq que la dévotion ne consiste pas en la douceur, suavité, consolation et tendreté sensible du cœur, qui nous provoque aux larmes et souspirs et nous donne une certaine satisfaction aggreable et savoureuse en quelques exercices spirituelz.

  A003001317 

 Non, chere Philothee, la devotion et cela ne sont pas une mesme chose; car il y a beaucoup d'ames qui ont de ces tendretés et consolations, qui neanmoins ne laissent pas d'estre fort vicieuses, et par consequent n'ont aucun vray amour de Dieu et, beaucoup moins, aucune vraye devotion.

  A003001317 

 Saul poursuivant a mort le pauvre David, qui fuyoit devant luy es desers d'Engaddi, entra tout seul en une caverne en laquelle David avec ses gens estoyent cachés; David, qui en cette occasion l'eut peu mille fois tuer, luy donna la vie et ne voulut seulement pas luy faire peur, ains l'ayant laissé sortir a son ayse l'appella par apres pour luy remonstrer son innocence, et luy faire connoistre qu'il avoit esté a sa merci.

  A003001318 

 Ainsy se treuve-il des personnes qui considerans la bonté de Dieu et la Passion du Sauveur sentent des grans attendrissemens de cœur, qui leur font jetter des souspirs, des larmes, des prieres et actions de graces fort sensibles, si qu'on diroit qu'elles ont le cœur saysi d'une bien grande devotion.

  A003001318 

 Mais quand ce vient a l'essay, on treuve que comme les pluyes passageres d'un esté bien chaud, qui tombans en grosses gouttes sur la terre ne la penetrent point et ne servent qu'a la production des champignons, ainsy ces larmes et tendretés tombans sur un cœur vicieux et ne le penetrans point, luy sont tout a fait inutiles: car pour tout cela, les pauvres gens ne quitteroyent pas un seul liard du bien mal acquis qu'ilz possedent, ne renonceroyent pas une [319] seule de leurs perverses affections, et ne voudroyent pas avoir pris la moindre incommodité du monde pour le service du Sauveur sur lequel ilz ont pleuré; en sorte que les bons mouvemens qu'ilz ont eus, ne sont que des certains champignons spirituelz, qui non seulement ne sont pas la vraye devotion, mais bien souvent sont des grandes ruses de l'ennemi, qui, amusant les ames a ces menues consolations, les fait demeurer contentes et satisfaittes en cela, a ce qu'elles ne cherchent plus la vraye et solide devotion, qui consiste en une volonté constante, resolue, prompte et active d'executer ce que l'on sçait estre aggreable a Dieu..

  A003001319 

 La devotion donq ne gist pas en ces tendretés et sensibles affections, qui quelquefois procedent de la nature qui est ainsy molle et susceptible de l'impression qu'on luy veut donner, et quelquefois viennent de l'ennemi qui, pour nous amuser a cela, excite nostre imagination a l'apprehension propre pour telz effectz..

  A003001319 

 Telles sont la pluspart de nos tendres devotions: voyans donner un coup de lance qui transperce le cœur de Jesus Christ crucifié, nous pleurons tendrement.

  A003001320 

 Ce sont des petitz avant-goustz des suavités immortelles que Dieu donne aux ames qui le cherchent; ce sont des grains sucrés qu'il donne a ses petitz enfans pour les amorcer; ce sont des eaux cordiales qu'il leur presente pour les conforter, et ce sont aussi quelquefois des arres des recompenses eternelles.

  A003001320 

 Ces tendretés et affectueuses douceurs sont neanmoins quelquefois tres bonnes et utiles; car elles excitent l'appetit de l'ame, confortent l'esprit, et adjoustent a la promptitude de la devotion une sainte gayeté et allegresse qui rend nos actions belles et aggreables mesmes en l'exterieur.

  A003001320 

 Et comme ceux qui ont l'herbe scitique en la bouche en reçoivent une si extreme douceur qu'ilz ne sentent ni faim ni soif, ainsy ceux a qui Dieu a donné cette manne celeste des suavités et consolations interieures ne peuvent desirer ni recevoir les consolations du monde, pour au moins y prendre goust et y amuser leurs affections.

  A003001320 

 Les mammelles [321] et le laict, c'est a dire les faveurs du divin Espoux, sont meilleures a l'ame que le vin le plus pretieux des playsirs de la terre: qui en a gousté tient tout le reste des autres consolations pour du fiel et de l'absynthe.

  A003001320 

 On dit qu'Alexandre le Grand, singlant en haute mer, descouvrit premierement l'Arabie heureuse par le sentiment qu'il eut des suaves odeurs que le vent luy donnoit; et sur cela, se donna du courage et a tous ses compaignons: ainsy nous recevons souvent des douceurs et suavités en cette mer de la vie mortelle, qui sans doute nous font pressentir les delices de cette Patrie celeste a laquelle nous tendons et aspirons..

  A003001321 

 Le cœur est bon qui a de bonnes affections, et les affections et passions sont bonnes qui produisent en nous des bons effectz et saintes actions.

  A003001321 

 Mais, ce me dires-vous, puisqu'il y a des consolations sensibles qui sont bonnes et viennent de Dieu, et que neanmoins il y en a des inutiles, dangereuses, voyre pernicieuses, qui viennent ou de la nature ou mesme de l'ennemi, comment pourray-je discerner les unes des autres et connoistre les mauvaises ou inutiles entre les bonnes? C'est une generale doctrine, treschere Philothee, pour les affections et passions de nos ames, que nous les devons connoistre par leurs fruitz.

  A003001322 

 Connoissons que nous sommes encor de petitz enfans qui avons besoin du laict, et que ces grains sucrés nous sont donnés parce que nous avons encor l'esprit tendre et delicat, qui a besoin [323] d'amorces et d'appastz pour estre attiré a l'amour de Dieu.

  A003001322 

 Finalement je vous advertis que s'il vous arrivoit quelque notable abondance de telles consolations, tendretés, larmes et douceurs, ou quelque chose d'extraordinaire en icelles, vous en conferiés fidellement avec vostre conducteur affin d'apprendre comme il s'y faut moderer et comporter, car il est escrit: As-tu treuvé le miel? mange-en ce qui suffit..

  A003001322 

 Il faut, outre tout cela, renoncer de tems en tems a telles douceurs, tendretés et consolations, separans nostre cœur d'icelles et protestans qu'encor que nous les acceptions humblement et les aymions, parce que Dieu nous les envoye et qu'elles nous provoquent a son amour, ce ne sont neanmoins pas elles que nous cherchons, mais Dieu et son saint amour: non la consolation, mais le Consolateur; non la douceur, mais le doux Sauveur; non la tendreté, mais [324] Celuy qui est la suavité du ciel et de la terre; et en cette affection nous nous devons disposer a demeurer fermes au saint amour de Dieu, quoy que de nostre vie nous ne deussions jamais avoir aucune consolation, et de vouloir dire egalement sur le mont de Calvaire, comme sur celuy de Thabor: O Seigneur, il m'est bon d'estre avec vous, ou que vous soyes en croix, ou que vous soyes en gloire.

  A003001322 

 La mere donne la dragee a l'enfant affin qu'il la bayse: baysons donq ce Sauveur qui nous donne tant de douceurs.

  A003001322 

 Les ayans receuës ainsy humblement, employons les soigneusement selon l'intention de Celuy qui les nous donne.

  A003001322 

 Mais apres cela, parlant generalement et pour l'ordinaire, recevons humblement ces graces et faveurs et les estimons extremement grandes, non tant parce qu'elles le sont en elles mesmes, comme parce que c'est la main de Dieu qui nous les met au cœur; comme feroit une mere qui pour amadouer son enfant, luy mettroit elle mesme les grains de dragee en bouche, l'un apres l'autre, car si l'enfant avoit de l'esprit, il priseroit plus la douceur de la mignardise et caresse que sa mere luy fait, que la douceur de la dragee mesme.

  A003001322 

 il nous faut beaucoup humilier devant Dieu; gardons-nous bien de dire pour ces douceurs: o que je suis bon! Non, Philothee, ce sont des biens qui ne nous rendent pas meilleurs, car, comme j'ay dit, la devotion ne consiste pas en cela; mais disons: o que Dieu est bon a ceux qui esperent en luy, a l'ame qui le recherche! Qui a le sucre en bouche ne peut pas dire que sa bouche soit douce, mais ouy bien que le sucre est doux: ainsy, encor que cette douceur spirituelle est fort bonne, et Dieu qui nous la donne est tresbon, il ne s'ensuit pas que celuy qui la reçoit soit bon.

  A003001326 

 Helas, que l'ame qui est en cet estat est digne de compassion, et sur tout quand ce mal est vehement; car alhors, a l'imitation de David, elle se repaist de larmes jour et nuit, [325] tandis que par mille suggestions l'ennemi, pour la desesperer, se moque d'elle et luy dit: ah, pauvrette, ou est ton Dieu? par quel chemin le pourras-tu treuver? qui te pourra jamais rendre la joye de sa sainte grace?.

  A003001326 

 Vous ferés donq ainsy que je vous viens de dire, tres-chere Philothee, quand vous aves des consolations; mais ce beau tems si aggreable ne durera pas tous-jours, ains il adviendra que quelquefois vous seres tellement privee et destituee du sentiment de la devotion, qu'il vous sera advis que vostre ame soit line terre deserte, infructueuse, sterile, en laquelle il n'y ait ni sentier ni chemin pour treuver Dieu, ni aucune eau de grace qui la puisse arrouser, a cause des secheresses qui, ce semble, la reduiront totalement en friche.

  A003001328 

 Comme une mere refuse le sucre a son enfant qui est sujet aux vers, ainsy Dieu nous oste les consolations quand nous y prenons quelque vayne complaisance et que nous sommes sujetz aux vers de l'outrecuidance: Il m'est bon, o mon Dieu, que vous m'humilies; ouy, car avant que je fusse humilié je vous avois offensé..

  A003001329 

 Quand nous negligeons de recueillir les suavités et delices de l'amour de Dieu lhors qu'il en est tems, il les escarte de nous en punition de nostre paresse: l'Israëlite qui n'amassoit la manne de bon matin ne le pouvoit plus faire apres le soleil levé, car elle se treuvoit toute fondue..

  A003001332 

 Il a rempli de biens, dit Nostre Dame, les affamés, et les riches il les a laissé vuides: ceux qui sont riches des playsirs mondains ne sont pas capables des spirituelz..

  A003001333 

 Aves-vous bien conservé les fruitz des consolations receuës? vous en aures donq des nouvelles, car a celuy qui a, on luy en donnera davantage; et a celuy qui n'a pas ce qu'on luy a donné, mais qui l'a perdu par sa faute, on luy ostera mesme ce qu'il n'a pas; c'est a dire on le privera des graces qui luy estoient preparees.

  A003001333 

 Il est vray, la pluye vivifie les plantes qui ont de la verdeur; mais a celles qui ne l'ont point elle leur oste encor la vie qu'elles n'ont point, car elles en pourrissent tout a fait..

  A003001334 

 Si, au contraire, vous ne voyes rien en particulier qui vous semble avoir causé cette secheresse, ne vous amuses point a une plus curieuse recherche, mais avec toute simplicité, sans plus examiner aucune particularité, faites ce que je vous diray..

  A003001336 

 Oste-toy d'ici, o bize infructueuse qui desseche mon ame, et venès, o gracieux vent des consolations, et soufflés dans mon jardin, et ses bonnes affections respandront l'odeur de suavité..

  A003001337 

 Alles a vostre confesseur, ouvres-luy bien vostre cœur, faites-luy bien voir tous les replis de vostre ame, prenes les advis qu'il vous donnera, avec grande simplicité et humilité: car Dieu qui ayme infiniment l'obeissance, rend souvent utiles les conseilz que l'on prend d'autruy, et sur tout des conducteurs des ames, encor que d'ailleurs il n'y eust pas grande apparence; comme il rendit prouffitables a Naaman les eaux du Jourdain, desquelles Helisee, sans aucune apparence de rayson humaine, luy avoit ordonné l'usage..

  A003001338 

 Nous devons donq en toutes sortes d'afflictions, tant corporelles que spirituelles, et es distractions ou soustractions de la devotion sensible qui nous arrivent, dire de tout nostre cœur et avec une profonde sousmission: Le Seigneur m'a donné des consolations, le Seigneur me les a ostees, son saint Nom soit beni; car perseverans en cette humilité, il nous rendra ses delicieuses faveurs, comme il fit a Job qui usa constamment de pareilles paroles en toutes ses desolations..

  A003001339 

 Finalement, Philothee, entre toutes nos secheresses et sterilités ne perdons point courage, mais attendans en patience le retour des consolations, suivons tous-jours nostre train; ne laissons point pour cela aucun exercice de devotion, ains, s'il est possible, multiplions nos bonnes œuvres, et ne pouvans presenter a nostre cher Espoux des confitures liquides, presentons-luy en des seches, car ce luy est tout un, pourveu que le cœur qui les luy offre soit parfaittement resolu de le vouloir aymer.

  A003001340 

 C'est donq un grand abus de plusieurs, et notamment des femmes, de croire que le service que nous faisons a Dieu, sans goust, sans tendreté de cœur et sans sentiment soit moins aggreable a sa divine Majesté, puisqu'au contraire nos actions sont comme les roses, lesquelles bien qu'estans fraisches elles ont plus de grace, estans neanmoins seches elles ont plus d'odeur [330] et de force: car tout de mesme, bien que nos œuvres faittes avec tendreté de cœur nous soyent plus aggreables, a nous, dis-je, qui ne regardons qu'a nostre propre delectation, si est-ce qu'estans faittes en secheresse et sterilité, elles ont plus d'odeur et de valeur devant Dieu.

  A003001341 

 La bienheureuse Angele de Foligny dit que «l'orayson la plus aggreable a Dieu est celle qui se fait par force et contrainte,» c'est a dire celle a laquelle nous nous rangeons, non point pour aucun goust que nous y ayons, ni par inclination, mais purement pour plaire a Dieu, a quoy nostre volonté nous porte comme a contrecœur, forçant et violentant les secheresses et repugnances qui s'opposent a cela.

  A003001341 

 Moins il y a de nostre interest particulier en la poursuitte des vertus, plus la pureté de l'amour divin y reluit: l'enfant bayse aysement sa mere qui luy donne du sucre, mais c'est signe qu'il l'ayme grandement s'il la bayse apres qu'elle luy aura donné de l'absynthe ou du chicotin.

  A003001346 

 C'est chose ordinaire a presque tous ceux qui commencent a servir Dieu et qui ne sont encor point experimentés es soustractions de la grace ni es vicissitudes spirituelles, que leur venant a manquer ce goust de la devotion sensible, et cette aggreable lumiere qui les invite a se haster au chemin de Dieu, ilz perdent tout a coup l'haleyne et tombent en pusillanimité et tristesse de cœur.

  A003001348 

 Que Dieu donne ordinairement quelque avant-goust [334] des delices celestes a ceux qui entrent a son service, pour les retirer des voluptés terrestres et les encourager a la poursuite du divin amour, comme une mere qui pour amorcer et attirer son petit enfant a la mammelle met du miel sur le bout de son tetin.

  A003001348 

 Que c'est neanmoins aussi ce bon Dieu qui quelquefois, selon sa sage disposition, nous oste le laict et le miel des consolations, affin que, nous sevrant ainsy, nous apprenions a manger le pain sec et plus solide d'une devotion vigoureuse, exercee a l'espreuve des desgoustz et tentations.

  A003001348 

 Que c'est un souverain remede de descouvrir son mal a quelque ami spirituel qui nous puisse soulager..

  A003001349 

 En fin, pour conclusion de cet advertissement qui est si necessaire, je remarque que, comme en toutes choses de mesme en celles cy, nostre bon Dieu et nostre ennemi ont aussi des contraires pretentions: car Dieu nous veut conduire par icelles a une grande pureté de cœur, a un entier renoncement de nostre propre interest en ce qui est de son service, et un parfait despouillement de nous mesmes; mais le malin tasche d'employer [335] ces travaux pour nous faire perdre courage, pour nous faire retourner du costé des playsirs sensuelz, et en fin nous rendre ennuyeux a nous mesmes et aux autres, affin de decrier et diffamer la sainte devotion.

  A003001350 

 Quelquefois les desgoustz, les sterilités et secheresses proviennent de l'indisposition du cors, comme quand par l'exces des veilles, des travaux et des jeusnes on se treuve accablé de lassitudes, d'assoupissemens, de pesanteurs et d'autres telles infirmités, lesquelles bien qu'elles dependent du cors ne laissent pas d'incommoder l'esprit, pour l'estroitte liaison qui est entre eux.

  A003001357 

 Nostre nature humaine deschoit aysement de ses bonnes affections, a cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous-jours contrebas si elle ne s'esleve souvent en haut a vive force de resolution, ainsy que les oyseaux retombent soudain en terre s'ilz ne multiplient les eslancemens et traitz d'aisles pour se maintenir au vol. Pour cela, chere Philothee, vous aves besoin de reiterer et repeter fort souvent les bons propos que vous aves fait de servir Dieu, de peur que, ne le faysant pas, vous ne retombiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire car les cheutes spirituelles ont cela de propre, qu'elles nous precipitent tous-jours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut a la devotion..

  A003001358 

 Ainsy celuy qui a un vray soin de son cher cœur doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus; et outre cela, il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin, au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est a dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defautz qui y peuvent estre.

  A003001358 

 Il n'y a point d'horloge, pour bon qu'il soit, qu'il ne faille remonter ou bander deux fois le jour, au matin et au soir, et puys, outre cela, il faut qu'au moins une fois l'annee l'on le demonte de toutes pieces, pour oster les rouïlleures qu'il aura contractees, redresser les pieces forcees et reparer celles qui sont usees.

  A003001358 

 Les anciens Chrestiens le prattiquoient soigneusement au jour anniversaire du Baptesme de Nostre Seigneur, auquel, comme dit saint Gregoire Evesque de Nazianze, ilz renouvelloient la profession et les protestations qui se font en ce Sacrement: faisons-en de mesme, ma chere Philothee, nous y disposans tres volontier, et nous y employans fort serieusement..

  A003001364 

 Le premier, c'est d'avoir quitté, rejetté, detesté, renoncé pour jamais tout peché mortel; le second, c'est d'avoir dedié et consacré vostre ame, vostre cœur, vostre cors, avec tout ce qui en depend, a l'amour et service de Dieu; le troisiesme, c'est que s'il vous arrivoit de tomber en quelque mauvaise action, vous vous en releveries soudainement, moyennant la grace de Dieu.

  A003001365 

 Consideres a qui vous aves fait cette protestation, car c'est a Dieu.

  A003001365 

 Si les paroles raysonnables donnees aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons donnees a Dieu: Ha, Seigneur, disoit David, c'est a vous a qui mon cœur l'a dit; mon cœur a projette cette bonne parole; non, jamais je ne l'oublieray..

  A003001366 

 Consideres en presence de qui, car ç'a esté a la veuë de toute la cour celeste: helas, la Sainte Vierge, saint Joseph, vostre bon Ange, saint Louys, toute cette [341] benite trouppe vous regardoit et souspiroit sur vos parolles des souspirs de joye et d'approbation, et voyoit des yeux d'un amour indicible vostre cœur prosterné aux pieds du Sauveur, qui se consacroit a son service.

  A003001369 

 C'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003001369 

 Ne prenes-vous point a bonheur de sçavoir parler a Dieu par l'orayson, d'avoir affection a le vouloir aymer, d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoyent, d'avoir evité plusieurs pechés et embarrassemens de conscience, et en fin, d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussies pas fait, vous unissant a cette souveraine source de graces eternelles? Ha, que ces graces sont grandes! il faut, ma Philothee, les peser au poids du sanctuaire.

  A003001374 

 Ce second point de l'exercice est un peu long; et pour le prattiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le facies tout d'une traitte, mays a plusieurs fois, [343] comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003001374 

 Il n'est pas requis ni expedient que vous facies a genoux, sinon le commencement et la fin qui comprend les affections.

  A003001376 

 Invoques le Saint Esprit, luy demandant lumiere et clarté affin que vous vous puissies bien connoistre, avec saint Augustin qui s'escrioit [344] devant Dieu en esprit d'humilité: O Seigneur, que je vous connoisse et que je me connoisse; et saint François qui interrogeoit Dieu disant: «Qui estes-vous et qui suis-je?» Protestes de ne vouloir remarquer vostre avancement pour vous en res-jouir en vous mesme, mais pour vous res-jouir en Dieu, ni pour vous en glorifier, mais pour glorifier Dieu et l'en remercier.

  A003001381 

 Quel est vostre cœur contre le peché mortel? Aves-vous une resolution forte a ne le jamais commettre pour quelque chose qui puisse arriver? et cette resolution a-elle duré des vostre protestation jusques a present? En cette resolution consiste le fondement de la vie spirituelle.

  A003001382 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des commandemens de Dieu? Les treuves-vous bons, doux, aggreables? Ha, ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il ayme les bonnes viandes et rejette les mauvaises..

  A003001383 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des pechés venielz? On ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy par la; mais y en a-il point auquel vous ayes une speciale inclination? et, ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayes affection et amour?.

  A003001384 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des exercices spirituelz? Les aymes-vous? les estimes-vous? vous faschent-ilz point? en estes-vous point desgoustee? auquel vous sentes-vous moins ou plus inclinee? Ouïr la parolle de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituelz, s'apprester a la Communion, se communier, restreindre ses affections: qu'y a-il en cela qui repugne a vostre cœur? Et si vous treuves quelque chose a quoy ce cœur aye moins d'inclination, examines d'ou vient ce desgoust, qu'est-ce qui en est la cause..

  A003001385 

 Il en prend de mesme des [346] ames qui ayment bien Dieu; quoy qu'elles soyent empressees, quand le souvenir de Dieu s'approche d'elles, elles perdent presque contenance a tout le reste, pour l'ayse qu'elles ont de voir ce cher souvenir revenu, et c'est un extremement bon signe..

  A003001389 

 Quant aux œuvres, penses si vous aves a cœur la gloire exterieure de Dieu et de faire quelque chose a son honneur; car ceux qui ayment Dieu ayment, avec Dieu, l'ornement de sa mayson..

  A003001395 

 Tenes-vous bon ordre en l'amour de vous mesme? car il n'y a que l'amour desordonné de nous mesmes qui nous ruine.

  A003001404 

 Mais, pour parler en general, quel est vostre cœur a l'endroit du prochain? l'aymes-vous bien cordialement et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades, car c'est la ou on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effect ou par paroles.

  A003001405 

 Estes-vous point prompte a parler du prochain en mauvaise part, sur tout de ceux qui ne vous ayment pas? faites-vous point de mal au prochain ou directement ou indirectement? Pour peu que vous soyes raysonnable, vous vous en appercevres aysement..

  A003001409 

 J'ay estendu ainsy au long ces pointz, en l'examen desquelz gist la connoissance de l'avancement spirituel qu'on a fait; car quant a l'examen des pechés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point a s'avancer.

  A003001412 

 En nostre haine envers le peché qui se treuve en nous, envers le peché qui se treuve es autres; car nous devons desirer l'exterminement de l'un et de l'autre.

  A003001418 

 Quelles affections en fin tiennent nostre cœur empesché? quelles passions le possedent? en quoy s'est-il principalement detraqué? Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: d'autant que, comme un joueur de luth pinçant toutes les cordes, celles qu'il treuve dissonnantes il les accorde, ou les tirant ou les laschant, ainsy, apres avoir tasté l'amour, la haine, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons mal accordantes a l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace et le conseil de nostre pere spirituel.

  A003001421 

 Remercies Dieu de ce peu d'amendement que vous aures treuvé en vostre vie des vostre resolution, et reconnoisses que ç'a esté sa misericorde seule qui l'a fait en vous et pour vous..

  A003001435 

 Consideres la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel connoist non seulement tout ce monde visible, mais connoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis; connoist qu'il y a un Dieu tres souverain, tres bon et ineffable; connoist qu'il y a une eternité, et de plus connoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en [353] Paradis et pour jouir de Dieu eternellement.

  A003001436 

 Repensés hardiment aux plus chers et violens amusemens qui ont occupé autrefois vostre cœur, et jugés en verité s'ilz n'estoyent pas pleins d'inquietude moleste et de pensees cuisantes et de soucis importuns, emmi lesquelz vostre pauvre cœur estoit miserable..

  A003001436 

 Voyes vostre cœur comme il est genereux, et que, comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, ains s'arrestent seulement sur les fleurs, ainsy vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir.

  A003001442 

 Mettes en comparayson les vertus, et les vices qui leur sont contraires: quelle suavité en la patience au prix de la vengeance; de la douceur au prix de l'ire et du chagrin; de l'humilité au prix de l'arrogance et ambition; de la liberalité au prix de l'avarice; de la charité au prix de l'envie de la sobrieté au prix des desordres! Les vertus ont cela d'admirable, qu'elles delectent l'ame d'une douceur et suavité nompareille apres qu'on les a exercees, ou les vices la laissent infiniment recreuë et mal menee.

  A003001443 

 Ah, qui vous connoistroit pourrait bien dire avec la Samaritaine: Domine, da mihi hanc aquam: Seigneur, donnes-moy cette eau; aspiration fort frequente a la Mere Therese et a sainte Catherine de Gennes, quoy que pour differens sujetz.

  A003001443 

 Des vices, qui n'en a qu'un peu n'est pas content, et qui en a beaucoup est mescontent; mais des vertus, qui n'en a qu'un peu, encor a-il des-ja du contentement, et puis tous-jours plus en avançant.

  A003001447 

 Consideres l'exemple des Saintz de toutes sortes: qu'est-ce qu'ilz n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devotz? Voyes ces Martyrs invincibles en leurs resolutions, quelz tourmens n'ont-ilz pas souffert pour les maintenir? Mais sur tout, ces belles et florissantes dames, plus blanches que les lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité, les unes a douze, les autres a treize, quinze, vingt et vingt cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer a leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la profession de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourans plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligés, et consoler les tourmentés, et ensevelir les trespassés.

  A003001452 

 Consideres l'amour avec lequel Jesus Christ Nostre Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulierement au jardin des Olives et sur le mont de Calvaire: cet amour vous regardoit, et par toutes ces peynes et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces resolutions.

  A003001453 

 Ouy sans doute; comme une femme enceinte prepare le berceau, les linges et bandelettes, et mesme une nourrice pour l'enfant qu'elle espere faire, encor qu'il ne soit pas au monde, ainsy Nostre Seigneur ayant sa bonté grosse et enceinte de vous, pretendant de vous enfanter au salut et vous rendre sa fille, prepara sur l'arbre de la Croix tout ce qu'il falloit pour vous: vostre berceau spirituel, vos linges et bandelettes, vostre nourrice et tout ce qui estoit convenable pour vostre bonheur.

  A003001454 

 Ceci est bien doux: ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eust point eu d'autre ame au monde en qui il eust pensé, ainsy que le soleil esclairant un endroit [358] de la terre ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairoit point ailleurs et qu'il esclairast cela seul; car tout de mesme Nostre Seigneur pensoit et soignoit pour tous ses chers enfans, en sorte qu'il pensoit a un chacun de nous comme s'il n'eust point pensé a tout le reste.

  A003001454 

 Ceci, Philothee, doit estre gravé en vostre ame, pour bien cherir et nourrir vostre resolution qui a esté si pretieuse au cœur du Sauveur..

  A003001463 

 Helas, Seigneur, mais vous l'aves planté, et aves dans vostre sein paternel gardé eternellement ce bel arbre pour mon jardin: helas, combien y a-il d'ames qui n'ont point esté favorisees de cette façon; et comme donques pourrois-je jamais asses m'humilier sous vostre misericorde! O belles et saintes resolutions, si je vous conserve, vous me conserverés; si vous vives en mon ame, mon ame vivra en vous.

  A003001463 

 Vives donques a jamais, o resolutions, qui estes eternelles en la misericorde de mon Dieu; soyes et vives eternellement en moy, que jamais je ne vous abandonne..

  A003001464 

 Apres ces affections il faut que vous particularisies les moyens requis pour maintenir ces cheres resolutions, et que vous protesties de vous en vouloir fidellement servir: la frequence de l'orayson, des Sacremens, des bonnes œuvres, l'amendement de vos fautes reconneuës [360] au second point, le retranchement des mauvaises occasions, la suite des advis qui vous seront donnés pour ce regard.

  A003001469 

 Non, nous ne serons plus nous mesmes, car nous aurons le cœur changé, et le monde qui nous a tant trompés sera trompé en nous, car ne s'appercevant pas de nostre changement que petit a petit, il pensera que nous soyons tous-jours des Esaü, et nous nous treuverons des Jacob..

  A003001474 

 Le monde vous dira, ma Philothee, que ces exercices et ces advis sont en si grand nombre que qui voudra les observer il ne faudra pas qu'il vaque a autre chose.

  A003001474 

 Saint Louys, Roy admirable et pour la guerre et pour la paix, et qui avec un soin nompareil administrait justice et manioit les affaires, oyoit tous les jours deux Messes, disoit l'espres et Complies avec son chapelain, faisoit sa meditation, visitoit les hospitaux, tous les vendredis se confessoit et prenoit la discipline, entendoit tres souvent les predications, [363] faisoit fort souvent des conferences spirituelles, et avec tout cela ne perdoit pas une seule occasion du bien public exterieur qu'il ne fist et n'executast diligemment, et sa cour estoit plus belle et plus florissante qu'elle n'avoit jamais esté du tems de ses predecesseurs.

  A003001475 

 Et s'il s'en treuve qui n'ayent pas ce don en aucune sorte de degré (ce que je ne pense pas pouvoir arriver que fort rarement), le sage pere spirituel leur fera aysement suppleer le defaut par l'attention qu'il leur enseignera d'avoir, ou a lire ou a ouïr lire les mesmes considerations qui sont mises es meditations.

  A003001479 

 Refaites tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation, et a tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oublieray vos justifications, o mon Dieu, car en icelles vous m'aves vivifiee. Et quand vous sentirés quelque detraquement en vostre ame, prenes vostre protestation en main, et prosternee en esprit d'humilité proferes-la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003001480 

 Car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu et qu'on s'est consacré a son amour d'une speciale affection est fort aggreable a sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ait honte de luy ni de sa Croix; et puis, elle coupe chemin a beaucoup de semonces que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation a la poursuite.

  A003001480 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre, et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent a l'amour de Dieu.

  A003001481 

 En fin, treschere Philothee, je vous conjure par tout ce qui est de sacré au Ciel et en la terre, par le Baptesme que vous avés receu, par les mammelles que Jesus Christ sucça, par le cœur charitable duquel il vous ayma et par les entrailles de la misericorde en laquelle vous esperés, continues et perseveres en cette bienheureuse entreprise de la vie devote.

  A003001494 

 Animés les paroles qui y sont de vostre benediction, à ce que les ames, pour lesquelles je l'ay fait en puissent recevoir les inspirations sacrées que je leur desire, et particulierement celle d'implorer sur moy vostre immense misericorde, affin que monstrant aux autres le chemin de la devotion en ce monde, je ne sois pas repreuvé et confondu eternellement en l'autre: ains qu'avec eux je chante à jamais, pour cantique de triomphe, le mot que de tout mon cœur je prononce, pour tesmoignage de fidelité, entre les hasards de cette vie mortelle, VIVE JESUS, VIVE JESUS..

  A003001498 

 Je ne puis, ny veux, ny dois escrire en cette Introduction que ce qui a desja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet: ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur: mais le bouquet, que j'en ay fait sera differant des leurs, à raison de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003001498 

 La bouquetiere Glycera changeoit en tant de sortes la disposition et le meslange des fleurs, qu'elle mettoit en ses bouquets, que le peintre Pausias voulant contrefaire à l'envy cette varieté d'ouvrage demeura court, ne pouvant pas diversifier sa peinture en tant de façons comme Glycera faisoit ses bouquets: ainsi le Sainct Esprit dispose et arrange les enseignemens de devotion, qu'il donne par les langues, et les plumes de ses serviteurs, avec tant de varieté, que la doctrine estant tousjours une mesme, les discours neantmoins qui s'en font sont bien differens, selon les diverses façons desquelles ils sont composez.

  A003001499 

 Ceux qui ont traitté de la devotion ont presque tous regardé l'instruction des personnes fort retirées du commerce du monde, ou au moins ont enseigné une sorte de devotion qui conduit à cette entiere retraicte.

  A003001499 

 Il est vray que cela est malaysé: et c'est pourquoy je desirerois que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur qu'on n'a pas fait jusques à present, comme tout foible que je suis, je m'essaye par cet escrit, de contribuer quelque secours à ceux qui avec un courageux dessein ont commencé cette entreprise..

  A003001499 

 Mon intention est d'instruire ceux qui vivent és villes, és mesnages, en la cour, et qui par leur condition sont obligez de faire une vie commune quant à l'exterieur, lesquels bien souvent sous le pretexte d'une pretendue impossibilité ne veulent seulement pas penser à l'entreprinse de la vie devote, leur estant advis, que comme nul animal n'ose gouster de la graine de l'herbe nommée Palma Christi, qu'aussi nul ne doit pretendre à la palme de pieté, et devotion, tandis qu'il vit emmy la presse des affaires temporelles: et je leur monstre que comme les meres perles vivent emmy la mer, sans prendre nulle goutte d'eau marine, et que vers les isles Chelidoines il y a des fontaines d'eau bien douce au milieu de la mer, et que les piraustes volent dedans les flammes sans [7*] brusler leurs aisles; ainsi peut une ame genereuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, treuver des sources d'une douce pieté au milieu des ondes ameres de ce siecle, et voler entre les flammes de tant de convoitises que le monde allume de toutes parts, sans, brusler les aisles des sacrez desirs et sainctes affections de la vie devote.

  A003001500 

 Elle depuis les communiqua à un grand, docte, et devot Religieux, lequel estimant que plusieurs en pourroient tirer du proffit, il m'exhorta fort de les faire publier: ce qui luy fut aysé de me persuader, parce que son amitié avoit beaucoup de pouvoir sur ma volonté, et son jugement une grande authorité sur le mien..

  A003001500 

 Une ame pleine d'honneur et de vertu, ayant il y a quelque temps receu la grace de Dieu de vouloir aspirer à la vie devote desira ma particuliere assistence pour ce regard: et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long temps auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour cette entreprinse, je me rendis fort soigneux de la bien instruire; et l'ayant conduicte par tous les exercices convenables à son dessein, et à sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, afin qu'elle y eut recours à son besoin.

  A003001501 

 Si cet essay t'agrée, tu verras ce qui y manque à mon premier loisir, et quelque jour une autre sorte de besoigne de plus grande haleine, s'il plait à Dieu..

  A003001502 

 J'adresse mes paroles à Philothee, parce que voulant reduire à l'utilité commune de plusieurs ames ce que j'avois premierement escrit pour une seule, je l'appelle du nom commun à toutes celles qui veulent estre devotes: car Philothee veut dire amatrice ou amoureuse de Dieu..

  A003001503 

 Cest aage est fort bigearre, et je prevois bien que plusieurs [8*] diront qu'il n'appartient qu'aux Religieux et gens de devotion de faire des conduites si particulieres à la pieté, qu'elles requierent plus de loisir que n'en peut avoir un Evesque chargé d'un Diocese si pesant, que cela distrait trop l'entendement qui doit estre employé à choses si importantes..

  A003001504 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoient pour le moins autant affectionnez à leur charge que nous: et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroient à leur assistence: comme il appert par leurs epistres, imitans les Apostres, qui emmy la moisson generale de l'univers recueilloient neantmoins certains espics plus remarquables, avec une speciale et particuliere affection.

  A003001504 

 Qui ne sçait que Thimothee, Tite, Philemon, Onesime, saincte Thecle, Appia estoient les chers enfans du grand sainct Paul, comme sainct Marc, et saincte Petronille de sainct Pierre: saincte Petronille, dis-je, laquelle, comme preuvent doctement Baronius, et Galonius, ne fut pas fille charnelle, mais seulement spirituelle de sainct Pierre: et sainct Jean n'escrit il pas une de ses Epistres canoniques à la devote dame Electa?.

  A003001505 

 C'est un travail qui delasse, et avive le cœur par la suavité qui en revient à ceux qui l'entreprennent, comme fait le Cinamome ceux qui le portent en l'Arabie heureuse.

  A003001505 

 C'est une peine, je le confesse, que de conduire les ames, en particulier; mais une peine qui soulage, pareille à celle des moissonneurs et vandangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesongnés et chargés.

  A003001507 

 Au demeurant, mon cher Lecteur, il est vray que j'escris de la vie devote, sans estre devot, mais non pas certes sans desir de le devenir: et c'est cette seule affection qui me pousse à t'en instruire.

  A003001508 

 Alexandre fit peindre la belle Campaspé, qui luy estoit si chere par la main de l'unique Apelles; Apelles forcé de considerer longuement Campaspé, à mesure qu'il en exprimoit les traits sur le tableau, il en imprima l'amour en son cœur, et en devint tellement passionné, qu'Alexandre l'ayant recogneu, et en ayant pitié la luy donna en mariage, se privant pour l'amour de luy de la plus chere amie qu'il eut au monde.

  A003001515 

 Ames revesches à la devotion, et qui n'en ayant la practique, vous gabbez de ceux qui s'y baignent; voycy qui est digne d'estre leu pour vous y faire prendre goust.

  A003001515 

 Et vous, ô Ames devotes, qui doucement goustez les souefves fruicts que produit l'arbre de pieté et devotion, lisez ce livre, et vous y treuverez que vous contentera, et verrez qu'en iceluy brille le zelle et l'affection du Reverendissime sieur Autheur, au salut des ames, duquel en tant d'instances la saincte Foy paroist, et le livre ne propose rien qui ne soit conforme, et à la Foy et à la saincte Eglise Chrestienne, Catholique, Apostolique et Romaine..

  A003001536 

 Arelius peignoit toutes les faces des images qu'il faisoit à l'air et ressemblance des femmes qu'il aymoit, et chacun peint la devotion selon sa passion et fantesie: celuy qui est adonné au jeusne, pourveu qu'il jeusne, il se tiendra pour bien devot, quoy [13*] que son cœur soit plein de rancune; et n'osant pas tremper sa langue dedans le vin ny mesme dans l'eau, par sobrieté, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la medisance et calomnie; un autre s'estimera devot parce que il dit une grande multitude d'oraisons tous les jours; quoy qu'apres cela sa langue se fonde toute en parolles facheuses, arrogantes et injurieuses parmy ses domestiques et voisins: l'autre tire fort volontiers l'aumosne de sa bourse, pour la donner aux pauvres: mais il ne peut tirer la douceur de son cœur, pour pardonner à ses ennemis: l'autre pardonnera à ses ennemis, mais de tenir raison à ses creanciers, jamais qu'à vive force de justice.

  A003001536 

 Les gents de Saul cherchoient David en sa maison: Michol ayant mis une statue dedans un lict, et l'ayant couverte des habillemens de David, leur fist acroire que c'estoit David mesme qui dormoit malade.

  A003001537 

 C'est pourquoy celuy qui n'observe tous les commandemens de Dieu, ne peut estre estimé ny bon ny devot, puis que pour estre bon il faut avoir la charité, et pour estre devot il faut avoir outre la charité, une grande vivacité et promptitude aux actions charitables..

  A003001537 

 Les pecheurs ne volent point en Dieu; mais font toutes leurs courses en la terre et pour la terre: les gents de bien qui n'ont pas encore attaint à la devotion volent en Dieu par leurs bonnes actions; mais rarement, lentement, et negligemment.

  A003001538 

 Car tout ainsi qu'un homme qui est nouvellement guery de quelque maladie, chemine autant qu'il luy est necessaire, mais lentement et pesemment: ainsi le pecheur estant guery de son iniquité, il chemine autant que Dieu le luy commande; pesemment neantmoins, et lentement jusques à tant qu'il ayt atteint à la devotion.

  A003001538 

 Si que la devotion n'adjouste rien au feu de la charité sinon la flame qui rend la charité prompte, active et diligente..

  A003001542 

 Ceux qui décourageoient les Israëlites d'aller en la terre de promission, leur disoient qu'elle estoit toute pleine de gens qui mangeoient les hommes.

  A003001544 

 Le sucre adoucit les fruits mal meurs, et corrige la crudité et nuisance de ceux qui sont bien meurs.

  A003001544 

 Or la devotion est le vray sucre spirituel qui oste l'amertume aux mortifications, et la nuisance aux consolations: elle oste le chagrin aux pauvres, et l'empressement aux riches, la desolation à l'opressé et l'insolence au favorisé, la tristesse aux solitaires, et la dissolution à celuy qui est en compagnie: elle sert de feu en hyver et de rosee en esté: elle sçait abonder et souffrir pauvreté: elle rend esgallement utile l'honneur, et le mespris: elle reçoit le plaisir et la douleur avec un cœur presque tousjours semblable, et remplit d'une suavité merveilleuse..

  A003001545 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costez entre lesquels on monte, et ausquels les eschellons se tiennent, representent l'oraison qui impetre l'amour de Dieu, et les Sacremens qui le conferent: les eschellons ne sont autre chose que les divers degrez de charité, par lesquels l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et suport du prochain, ou montant par la contemplation en l'union amoureuse de Dieu.

  A003001545 

 Ils ne sont pas jeunes, mais ils le semblent estre, parce qu'ils sont plains de vigueur et agilité spirituelle: ils ont des aisles pour voler, et s'eslancer en Dieu par la [16*] sainte oraison: mais ils ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une saincte et amiable conversation: leurs visages sont beaux et guays, d'autant qu'ils reçoivent toutes choses avec douceur et suavité: leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont toutes à decouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et actions n'ont nul dessein ny motif, que de plaire à Dieu: le reste de leurs corps est couvert, mais d'une belle et legere robe, parce qu'ils usent de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenant que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes.

  A003001545 

 Or voyés, je vous prie, ceux qui sont sur l'eschelle; ce sont des hommes qui ont des cœurs Angelicques, ou des Anges qui ont des corps humains.

  A003001545 

 Si la charité est un laict, la devotion en est la cresme: si elle est une plante, la devotion en est la fleur: si elle est une pierre precieuse, la devotion en est l'esclat: si elle est un baume precieux, la devotion en est l'odeur, et odeur de suavité, qui conforte les hommes, et resjouyt les Anges..

  A003001549 

 Dieu commanda en la creation aux plantes de porter leurs fruits, chacun selon son genre; ainsi commende il aux Chrestiens, qui sont les plantes vivantes de son Eglise, qu'ils produisent des fruicts de devotion, un chacun selon sa qualité et vocation.

  A003001549 

 Je vous prie, Philothee, seroit il à propos que l'Evesque voulut estre solitaire comme le Chartreux; et si les mariez ne vouloient rien amasser non plus que les Capucins, si l'artisan estoit tout le jour à l'Eglise comme les religieux, et si le religieux estoit tousjours au tracas des affaires comme un advocat, cette devotion ne seroit elle pas ridicule, desreglée et insuportable? Cette faute neantmoins arrive bien souvent: et le monde qui ne [17*] discerne pas, ou ne veut pas discerner entre la devotion et indiscretion de ceux qui pensent estre devots, murmure et blasme la devotion, laquelle neantmoins ne peut mays de ces desordres..

  A003001551 

 Il est mesme arrivé que plusieurs ont perdu la perfection en la solitude, qui est neantmoins si desirable pour la perfection, et l'ont conservé parmy la multitude, qui semble si peu favorable à la perfection.

  A003001551 

 Il est vray, Philothee, que la devotion purement contemplative, monastique, et religieuse ne se peut pas exercer en ces vocations: mais aussi, outre ces trois sortes de devotion, il y en a plusieurs autres propres à perfectionner ceux qui vivent és estats seculiers.

  A003001551 

 Loth, dit S. Gregoire, qui fut si chaste en la ville, se souilla en la solitude: où que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer à la vie parfaite.

  A003001555 

 Je vous en dis de mesme, ma Philothee: voulez vous à bon escient vous acheminer à la devotion, cherchés quelque homme de bien qui vous guide et conduise.

  A003001555 

 Le jeune Tobie commandé d'aller en Rages; Je ne sçay nullement le chemin, dit il: va donc, dit le pere, et cherche quelque homme qui te conduise.

  A003001556 

 Ces divines parolles regardent principallement l'immortalité, comme vous voyez: pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cest amy fidelle, qui guide nos actions par ses advis et conseils, et par ce moyen nous garantit des embuches, et tromperies du maling; il nous sera comme un thresor de sapience: et en nos afflictions, tristesses, et cheutes, il nous servira de medicament, pour alleger, consoler, et relever nos cœurs és maladies spirituelles.

  A003001556 

 L'amy fidelle, dit l'Escriture Sainte, est une forte protection: celuy qui l'a treuvé a treuvé un thresor: l'amy fidelle est un medicament de vie et d'immortalité: et ceux qui craignent Dieu le treuvent.

  A003001556 

 La bien heureuse mere Therese, voyant que madame Catherine de Cardone faisoit de grandes penitences, elle desira fort de l'imiter en cela, contre l'advis de son Confesseur qui le luy defendoit, auquel elle estoit tentée de ne point obéir en cet endroit; et Dieu luy dit: Ma fille, tu tiens un bon et asseuré chemin: vois tu la penitence qu'elle fait? mais moy je fais plus de cas de ton obéissance: aussi elle aimoit tant ceste vertu, qu'outre l'obeïssance qu'elle devoit à ses Supérieurs, elle en voila une toute particulière à un excellent homme, s'obligeant de suyvre sa direction et conduite: dont elle fut infiniment consolee, comme après et devant elle plusieurs bonnes ames, qui pour se mieux assubjetir à Dieu ont soubmis leur volonté à celle de ses serviteurs, ce que sainte Catherine de Sienne louë infiniment en ses Dialogues.

  A003001557 

 Mais qui treuvera cest amy? le Sage respond: Ceux qui craignent Dieu: c'est à dire les humbles, qui desirent fort leur advencement spirituel.

  A003001557 

 Puis qu'il vous importe tant, Philothee, d'aller avec une bonne guide en ce saint voyage de devotion, priez Dieu avec une grande instance, qu'il vous en fournisse d'une qui soit selon son cœur: et ne doutés point que quant il devroit envoyer un Ange du Ciel, comme il fit au jeune Tobie, il vous en donnera une bonne et fidelle..

  A003001558 

 C'est à dire, quand vous l'aurez treuvé, ne le considerez pas comme un simple homme, et ne vous confiés point en luy, ny en son sçavoir humain; mais en Dieu, lequel vous favorisera, et parlera par l'entremise de cest homme, mettant dedans le cœur et dans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bon-heur.

  A003001558 

 Si que vous le devez escouter comm' un Ange qui descend du Ciel pour vous y mener.

  A003001559 

 Et pour cela choisissez en un entre mille, dit Avila, et moy je dis entre dix mille: car il s'en treuve moins que l'on ne sçauroit dire qui soient capables de cest office.

  A003001563 

 Qui sont les fleurs de nos cœurs, ô Philothee, sinon les bons desirs? Or tout aussi tost qu'ils paroissent il faut mettre la main à la sarpe, pour retrancher de nostre conscience toutes les œuvres mortes, et superflues: la fille estrangere, pour espouser l'Israëlite, devoit oster la robe de sa captivité, rongner ses ongles, et raser ses cheveux: et l'ame qui aspire à l'honneur d'estre espouse du Fils de Dieu, se doit despouïller du vieil homme, et se revestir du nouveau, quittant le peché, et rongner et raser toutes sortes d'empeschemens qui nous destournent de l'amour de Dieu.

  A003001564 

 L'ame qui remonte du peché à la devotion est comparée à l'aube laquelle s'eslevant ne chasse pas les tenebres en mesme instant, mais petit à petit: la guerison, dit l'aphorisme, qui se fait tout bellement, est tousjours la plus asseurée: les maladies du cœur aussi bien que celles du corps viennent à cheval et en poste, mais elles s'en revont à pied et au petit pas.

  A003001569 

 Cerches le plus digne Confesseur que pourrez: prenez en main quelqu'un des petits livrets qui ont esté faits pour ayder les consciences à se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger: lisez les bien, et remarqués de poinct en poinct en quoy vous aurez offencé, à prendre depuis que vous eustes l'usage de raison, jusques à l'heure [22*] presente.

  A003001570 

 Il arrive souvent que les confessions ordinaires de ceux qui vivent une vie commune et vulgaire sont pleines de grands deffauts: car souvent on ne se prepare point, ou fort peu, on n'a point la contrition requise.

  A003001570 

 Mais outre cela la confession generalle nous rappelle à la cognoissance de nous mesme, nous provoque à une salutaire confusion, pour nostre vie passee: nous fait admirer la misericorde de Dieu, qui nous a attendu en patience: elle apaise nos cœurs, delasse nos esprits, excite en nous des bons propos, donne sujet à nostre pere spirituel de nous faire des advis plus convenables à nostre condition, et nous ouvre le cœur, pour avoir confiance de nous bien declarer aux confessions suyvantes.

  A003001574 

 Ainsi il y a des penitens qui sortent en effect du peché, et n'en quittent pas pourtant l'affection: c'est à dire ils proposent de ne plus pecher, mais c'est avec certain contrecœur, qu'ils ont de se priver et abstenir des malheureuses delectations du peché.

  A003001574 

 Ils s'abstiennent du peché, comme les malades font des melons: lesquels ils ne mangent pas, parce que le medecin les menasse de mort s'ils en mangent: mais ils s'inquietent de s'en abstenir: ils en parlent, et marchandent s'il se pourroit faire: ils les veulent au moins sentir, et estiment bien heureux ceux qui en peuvent manger.

  A003001574 

 Ils voudroient bien pouvoir pecher sans estre damnés: ils parlent avec resentiment, et goust du péché, et estiment contans ceux qui le font.

  A003001574 

 Un homme resolu de se venger, changera de volonté en la confession; mais tost apres on le treuvera parmy ses amis qu'il prend plaisir à parler de sa querelle, disant que si ce n'eut esté la crainte de Dieu, il eut fait cecy et cela, que la loy divine en cet article de pardonner est difficile: que pleust à Dieu, qu'il fut permis de se venger! Ha qui ne voit qu'encor que ce pauvre homme soit hors du peché, il est neantmoins tout embarrassé de l'affection du peché, et qu'estant hors d'Egypte en effect il y est encor en appetit, desirant les aulx et les oignons qu'il y souloit manger: comme fait cette femme, qui ayant detesté ses mauvaises amours se plaist neantmoins d'estre muguettée et environnée.

  A003001575 

 Car de mesme ces ames font le bien avec des lassitudes spirituelles si grandes, qu'elles font perdre la grace à leurs bons exercices, qui sont peu en nombre, et petits en effect..

  A003001575 

 Les ames lesquelles sorties de l'estet du peché ont encor ces affections, et alanguissemens, ressemblent à mon advis à ces filles qui ont les pasles couleurs; lesquelles ne sont pas malades, mais toutes leurs actions sont malades: elles mangent sans goust, dorment sans repos, rient sans joye, et se trainent plustost que de cheminer.

  A003001575 

 O Philothee, puis que vous voulez entreprendre la vie devote, il ne vous faut pas seulement quitter le peché, mais il faut tout [24*] à fait emonder vostre cœur et retrancher de vostre ame toutes les affections qui dependent du peché: car outre le danger, qu'il y auroit de faire recheute, toutes ces affections alanguiroient perpetuellement vostre esprit, et l'apesantiroient en telle sorte, qu'il ne pourroit pas faire les bonnes œuvres promptement, diligemment, et frequemment, en quoy gist neantmoins la vraye essence de la devotion.

  A003001579 

 Car tout ainsi que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soyt estant joincte à la vertu des Sacremens, nous purge suffisemment du peché; de mesme quand elle est grande, et vehemente elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003001579 

 Mais si c'est une haine mortelle, et violente, non seulement nous fuyons, et aborrons celuy à qui nous la portons, ains nous avons à degoust, et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliez, parens et amis, non pas mesme son image ny chose qui luy apartient: ainsi quand le penitent ne hayt le péché que par une legere quoy que vraye contrition, il se resoult voirement bien de ne plus pecher: mais quand il le hayt d'une contrition puissante, et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances, et acheminemens [25*] du peché.

  A003001580 

 Or pour parvenir à cette apprehension, et contrition, il faut que vous vous exerciez soigneusement aux meditations suyvantes, lesquelles estant bien pratiquées deracineront de vostre cœur moyennant la grace de Dieu, le peché, et les principalles affections du peché: aussi les ay je dressées tout à fait pour cest usage: vous les ferez l'une apres l'autre, selon que je les ay marquées, n'en prenant qu'une pour chasque jour, laquelle vous ferez le matin s'il est possible, qui est le temps le plus propre pour toutes les actions de l'esprit..

  A003001599 

 O mon ame sçache que le Seigneur est ton Dieu: c'est luy qui t'a fait, et tu ne t'es pas faitte toy mesme.

  A003001600 

 Je ne veux donc plus desormais me complaire en moy mesme, qui de ma part ne suis rien.

  A003001601 

 Je veux changer de vie, et suyvre desormais mon Createur, et m'honnorer de la condition de l'estre qu'il m'a donnée, l'employant tout entierement à l'obéissance de sa volonté par les moyens qui me seront enseignez..

  A003001606 

 O Dieu, fortifiez moy en ces affections, et resolutions: ô sainte Vierge recommandez les à la misericorde de vostre Fils, avec tous ceux pour qui je dois prier, etc. Pater noster, Ave..

  A003001615 

 Dieu ne vous a pas mise en ce monde pour aucun besoin qu'il eust de vous, qui luy estes du tout inutile: mais seulement afin d'exercer en vous sa bonté, vous donnant sa grace, et sa gloire.

  A003001616 

 Estant creée, et mise en ce monde à cette intention, toutes actions contraires à icelle doivent estre rejettées et esvitées, et celles qui ne servent de rien à cette fin doivent estre mesprisees comme vaines et superflues..

  A003001617 

 Considerés le malheur du monde qui ne pense point à cela, mais vit comme s'il croyoit de n'estre creé que pour bastir des maisons, planter des arbres, assembler des richesses, et faire des badineries..

  A003001620 

 Confondez vous, reprochant à vostre ame sa misere, qui a esté si grande cy devant, qu'elle n'a que peu ou point pensé à tout cecy.

  A003001620 

 Helas, ce direz vous, que pensois je, ô mon Dieu, quand je ne pensois point en vous? dequoy me resouvenois je quand je vous oubliois? qu'aimois je quand je ne vous aymois pas? helas je me devois repaistre de la verité, et je me remplissois de la vanité, et servois le monde qui n'est fait que pour me servir.

  A003001622 

 Et vous, ô mon Dieu, mon Seigneur, vous serez d'oresnavant le seul objet de mes pensees: non, jamais je n'appliqueray mon esprit à des cogitations qui vous soient desagreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercée en mon endroit: vous serez les delices de mon cœur, et la suavité de mes affections..

  A003001625 

 Ha donc tels, et tels fatras, et amusemens ausquels je m'appliquois: tels, et tels vains exercices ausquels j'employois mes journees: telles, et telles affections qui engageoient mon cœur me seront desormais en horreur, et à cette intention j'useray de tels, et tels remedes..

  A003001628 

 Remerciez Dieu qui vous a fait pour une fin si excellente.

  A003001638 

 Mais cela considerez le avec une comparaison de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastez de corps, de santé, de membres: les autres abandonnez à la mercy des opprobres, du mespris et deshonneur: les autres accablez de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussiez si miserable..

  A003001639 

 Combien y en a il qui ont estez nourris rustiquement et en une extreme ignorance; et la providence divine vous a fait eslever civillement et honnorablement..

  A003001645 

 Et comment mon ame ne sera elle pas meshuy subjecte à Dieu qui a fait tant de merveilles et de graces en moy et pour moy?.

  A003001648 

 Ah doncques retirez, Philothee, vostre corps de telles et telles voluptés: rendez le subject au service de Dieu, qui a tant fait pour luy: appliquez vostre ame à le cognoistre, et recognoistre par tels et tels exercices qui sont requis pour cela: employez soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu; ouy, je frequenteray l'oraison, les Sacremens, j'escouteray la sainte parolle, je pratiqueray les inspirations..

  A003001663 

 Considerez à part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general qui s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyez donques combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous vous avez abusé contre le donateur; singulierement combien d'inspirations mesprisées, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003001667 

 au pied de nostre Seigneur comme un enfant prodigue, comme une Magdelaine, comme une femme qui auroit souillé le lict de son mariage de toutes sortes d'adulteres.

  A003001672 

 Je feray tout ce que je pourray pour en desraciner entierement les plantes de mon cœur, particulierement de tels et de tels qui me sont plus ennuyeux..

  A003001673 

 Et pour ce faire j'embrasseray constamment les moyens qui me sont conseillez, ne me semblant d'avoir jamais assez fait pour reparer de si grandes fautes..

  A003001678 

 Remerciez Dieu, qui vous a attendu jusques à cette heure, et vous a donné ces bonnes affections: faites luy offrande de vostre cœur pour les effectuer.

  A003001687 

 Considerez, qu'alors le monde finira pour ce qui vous regarde: il n'y en aura plus pour vous: il renversera s'en dessus dessous devant vos yeux; ouy, car alors les plaisirs, les vanitez, les joyes mondaines, les affections vaines, vous aparoistront comme des fantosmes, et nuages.

  A003001687 

 O pourquoy n'ay je suivy ce beau et gracieux chemin? alors les pechez qui sembloient bien petits paroistront gros comme des montaignes, et vostre devotion paroistra alors d'avoir esté bien petite..

  A003001709 

 Apres ce deluge de flammes, et de foudres, tous les hommes ressusciteront de la terre (excepté ceux qui sont desja ressuscitez), et à la voix de l'Archange comparoistront en la vallee de Josaphat.

  A003001711 

 Ce souverain Juge par son commandement redoutable, et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns à sa droitte, les autres à sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003001713 

 Considerez la derniere sentence des mauvaises ames: Allez maudites au feu eternel, qui est preparé au Diable et à ses compagnons.

  A003001713 

 Il les appelle maudits; O mon ame quelle malediction? malediction generalle, qui comprend tous les maux: malediction irrevocable, qui comprend tous les temps et l'eternité.

  A003001714 

 Considerez la sentence contraire des bons: Venez, dit le Juge, (ah c'est le mot agreable de salut par lequel Dieu nous tire à soy, et nous reçoit dans le giron de sa bonté) benis de mon Pere: ô chere benediction, qui comprend toute benediction! possedez le Royaume qui vous est preparé, dés la constitution du monde: ô Dieu, quelle grace? car ce Royaume n'aura jamais fin..

  A003001717 

 Tremble, ô mon ame, à ce souvenir: ô Dieu, qui me peut asseurer pour cette journee, en laquelle les colomnes du Ciel trembleront de frayeur?.

  A003001718 

 Detestez vos pechez, qui seuls vous peuvent perdre en cette journee espouventable..

  A003001724 

 Remerciez Dieu qui vous a donné moyen de vous asseurer pour ce jour là, et le temps de faire penitence: offres luy vostre cœur pour la faire..

  A003001732 

 Imaginez vous une ville tenebreuse, toute bruslante de soufre, et de poix puante, pleine de citoyens, qui n'en peuvent sortir..

  A003001736 

 Outre tous ces tourmens, il y en a encor un plus grand, qui est la privation et perte de la gloire de Dieu, lequel ils sont forclos de jamais voir.

  A003001744 

 je feray doncques tel et tel effort pour esviter le peché qui seul me peut donner cette mort immortelle.

  A003001754 

 Beny soyez vous à jamais, ô nostre doux, et souverain Createur, et Sauveur, qui nous estes si bon, et nous communiquez si liberallement vostre gloire: et reciproquement Dieu benit d'une benediction perpetuelle tous ses Saints; Benites soyes vous à jamais, dit il, mes cheres creatures qui m'avez servy, et qui me louerez eternellement avec si grand amour, et courage..

  A003001754 

 Considerez en fin, quel bien ils ont tous de jouïr de Dieu, qui les gratifie pour jamais de son amiable regard, et par iceluy respend dedans leur cœur un abisme de delices.

  A003001754 

 Quel bien d'estre à jamais [38*] uny à son principe? Ils sont là comme des heureux oyseaux qui volent, et chantent à jamais dedans l'air de la Divinité, qui les environne de toutes parts de plaisirs incroyables; là chacun à qui mieux mieux, et sans envie, chante les louanges du Createur.

  A003001759 

 O puis qu'il vous a pieu, mon bon, et souverain Seigneur, redresser mes pas en vos voyes, non jamais plus je ne retourneray en derriere: allons, ô ma chere ame, allons en ce repos infini: cheminons à cette benite terre qui nous est promise: que faisons nous en cet Egypte?.

  A003001762 

 Je m'empescheray donques de telles, et telles choses qui me destournent ou retardent de ce chemin..

  A003001763 

 Je feray donques telles, et telles choses qui m'y peuvent advancer..

  A003001777 

 Et encor que l'un, et l'autre soit ouvert pour vous recevoir selon que vous le choisirez, si est ce que Dieu qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice, ou l'autre par sa misericorde, desire neantmoins d'un desir nompareil que vous choisissiez le Paradis, et que vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces, et mille secours pour vous ayder à la montee..

  A003001778 

 Jesus Christ, du haut du Ciel vous regarde en sa debonnaireté, et vous invite doucement; Vien, ô ma chere ame, vien au repos eternel entre les bras de ma bonté qui t'a preparé les delices immortelles en l'abondance de son amour.

  A003001778 

 Qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montés, il verra que nous sommes venus en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003001778 

 Voyez de vos yeux interieurs la sainte Vierge qui vous convie maternellement.

  A003001778 

 Voyez saint Louys, qui vous exhorte, et un million de sainctes Dames qui vous convient doucement, desirans de voir un jour vostre cœur joinct au leur pour loüer Dieu à jamais: et vous asseurent que le chemin du Ciel n'est point si mal aysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, hardiment, [40*] treschere sœur.

  A003001793 

 En fin vous verrez une calamiteuse republicque, tirannisée de ce Roy maudit, qui vous fera compassion..

  A003001793 

 Imaginez vous d'estre derechef en une raze campagne avec vostre bon Ange toute seule, et à costé gauche vous voyez le diable assis sur un grand trosne haut eslevé avec plusieurs des [41*] esprits infernaux au pres de luy, et tout autour de luy une grande troupe de mondains, qui tous à teste nue le reconnoissent, et luy font hommage: les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003001793 

 Voyez la contenance de tous ces infortunez courtisans de ce Roy abominable: regardez les uns furieux de haine, d'envie, et de colere: les autres qui s'entretüent; les autres haves, pensifs et empressez à faire des richesses; les autres attentifs à la vanité, sans aucune sorte de plaisir qui ne soit inutile et vain; les autres vilains, perdus, pourris en leurs brutalles affections.

  A003001794 

 Ceux qui ont des afflictions en ce peuple devot, ne se tourmentent pas beaucoup, et n'en perdent point contenance; bref, voyez les yeux du Sauveur qui les console, et que tous ensemblement ils aspirent à ce Sauveur..

  A003001794 

 Du costé droit voyez Jesus Christ crucifié, qui avec un amour cordial prie pour ces pauvres endiablez, affin qu'ils sortent de cette tirannie, et qui les appelle à soy.

  A003001794 

 Mais sur tout voyez le rang de plusieurs personnes mariées qui vivent si doucement ensemble avec un respect mutuel, qui ne peut estre sans une grande charité: voyez comme ces devotes ames marient le soing de leur maison exterieure avec le soing de l'interieure: l'amour du mary avec celuy de l'Espoux celeste: regardez generallement par tout: vous les verrez tous avec une contenance douce, devote, amiable, qu'ils escoutent nostre Seigneur, et tous le voudroient planter au milieu de leur cœur.

  A003001794 

 Voyez une grande troupe de devots qui sont autour de luy avec leurs Anges.

  A003001796 

 La Vierge saincte avec sainct Joseph, saint Louys, saincte Monique, et cent autres qui sont en l'escadron des mariés vous invitent et encouragent..

  A003001809 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode de [43*] pratiquer, en attendant que par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont estez composez sur ce sujet, et sur tout par l'usage vous en puissiez estre plus amplement instruite..

  A003001811 

 Helas Philothee, nous ne voyons pas Dieu qui nous est present: et bien que la foy nous advertisse de sa presence, si est ce que ne le voyans pas de nos yeux, nous nous en oublions bien souvent, et lors nous nous comportons comme si Dieu estoit bien loing de nous: car encor que nous sçachions bien qu'il est present à toutes choses, si est ce que n'y pensant point, c'est tout autant comme si nous ne le sçavions pas: c'est pourquoy tousjours avant l'oraison, il faut provoquer nostre ame à une atentive pensee, et consideration de cette presence de Dieu.

  A003001811 

 Les aveugles ne voyant pas un Prince qui leur est present, ne laissent pas de se maintenir en respect, s'ils sont advertis de sa presence: mais la verité est que parce que ils ne le voyent pas, ils s'oublient aysement qu'il soit present, et s'en estans oubliez ils perdent encore plus aysement le respect, et la reverence.

  A003001812 

 En la consideration donques de cette verité, vous exciterez une grande reverence en vostre cœur à l'endroit de Dieu, qui luy est si intimement present..

  A003001813 

 Le troisiesme moyen c'est de considerer nostre Sauveur lequel en son humanité regarde dés le Ciel toutes les personnes du monde, mais particulierement les Chrestiens qui sont ses enfans, et plus specialement ceux qui sont en priere, desquels il remarque les actions et deportemens: or cecy n'est pas une simple imagination, mais une vraye verité.

  A003001814 

 La quatriesme façon consiste à se servir de la simple imagination, nous representans le Sauveur en son humanité sacrée, comme s'il estoit pres de nous: ainsi que nous avons accoustumé de nous representer nos amis, et de dire: je m'imagine de voir un tel qui fait cecy, et cela: il me semble que je le vois, et chose semblable.

  A003001818 

 Vous servira encore adjouster l'invocation de vostre bon Ange, et des sacrées personnes qui se trouverent ou qui se treuveront au mystere que vous meditez; comme en celuy de la mort de nostre Seigneur, vous pourrez invoquer nostre Dame, S. Jean, Magdelene, le bon larron, afin que les sentimens, et mouvemens interieurs qu'ils y receurent vous soyent communiquez: et en la meditation de vostre mort, vous pourrez invoquer vostre bon Ange, qui se trouvera presant, afin qu'il vous inspire des considerations convenables, et ainsi des autres mysteres.

  A003001821 

 Apres ces deux poincts ordinaires de la meditation, il en y a un troisiesme qui n'est pas commun à toutes sortes de meditations.

  A003001821 

 Comme aussi à celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres où il s'agit de choses visibles, et sensibles: car quant aux autres mysteres de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes crées, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003001821 

 Par exemple si vous voulez mediter nostre Seigneur en croix, vous vous imaginerez d'estre au mont de Calvaire, et que vous voyez tout ce qui se fait, et tout ce qui se dit.

  A003001825 

 Apres l'action de l'imagination s'ensuit l'action de l'entendement que nous appelions meditation, qui n'est autre chose qu'une ou plusieurs considerations faites afin d'esmouvoir nos affections en Dieu, et aux choses divines: en quoy la meditation est differente de l'estude, et des autres pensees, et considerations, lesquelles ne se font pas pour acquerir la vertu ou l'amour de Dieu, mais pour quelques autres fins, et intentions.

  A003001825 

 Que si vostre esprit treuve assez de goust, de lumiere, et de fruict sur l'une des considerations, vous vous y arresterez sans passer plus outre, faisant comme les abeilles, qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel à receuillir.

  A003001833 

 Or je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustez une resolution specialle en cette sorte: or sus doncques je ne me picqueray plus des parolles facheuses, [49*] qu'un tel, et une telle, mon voisin ou ma voisine, mon domestique, ou ma domestique disent de moy, ny de tel et tel mespris qui m'est fait par cestuy cy ou cestuy là: au contraire je diray, et feray telle, et telle chose pour le gaigner, et adoucir, et ainsi des autres affections.

  A003001838 

 Ceux qui se sont promenez en un beau jardin n'en sortent pas volontiers, sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et sentir le long de la journée: ainsi nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir, un, ou deux, ou trois poincts que nous aurons treuvez plus à nostre goust, et plus propres à nostre amendement, pour nous en resouvenir le reste de la journee, et les odorer spirituellement.

  A003001842 

 C'est le grand fruit de la meditation sans lequel elle est bien souvent, non seulement inutile mais nuisible, parce que les vertus meditées, et non pratiquées enflent bien souvent l'esprit, et le courage: nous estant bien advis que nous sommes tels que nous avons resolu, et deliberé d'estre: ce qui est sans doute veritable, quand les resolutions sont vives, et solides, mais elles ne sont pas telles, si elles ne sont pratiquees, ains sont vaines, et dangereuses.

  A003001842 

 Par exemple si j'ay resolu de gaigner par douceur l'esprit de ceux qui m'offencent, je chercheray ce jour là de les rencontrer pour les salüer amiablement: et si je ne les puis rencontrer, au moins de dire bien d'eux, et prier Dieu en leur faveur..

  A003001843 

 Il arrive aussi maintefois qu'au sortir de l'oraison, tandis que nos bonnes affections sont encores toutes chaudes en nostre cœur, quelque occasion se presente à nous de faire quelque chose requise, qui nous semblera bien eslongnee de telles affections: là dessus, Philothee, nous nous inquietons, et contristons.

  A003001844 

 Ce que je dis non seulement pour les autres affections, mais aussi pour l'action de graces, l'offrande et la priere, qui se peuvent faire parmy les considerations: et ne les faut non plus retenir que les autres affections; bien que par apres pour la conclusion de la meditation il faille les repeter, et reprendre.

  A003001849 

 Combien de courtisans y a il qui vont cent fois l'annee en la chambre du Roy ou du Prince, sans esperance de luy parler, mais seulement pour estre veus de luy rendre leur devoir, et tesmoigner leur affection.

  A003001853 

 Le scorpion qui nous a piquez, est veneneux en nous piquant, mais estant reduit en huile c'est un grand medicament contre sa propre piqueure.

  A003001853 

 Si nous sommes bien humbles, Philothee, nostre peché nous deplaira infiniment, parce que Dieu en a esté offencé: mais l'acusation de nostre peché nous sera douce et agreable, parce que Dieu en est honoré: ce nous est une sorte d'allegement de bien dire au medecin le mal qui nous tourmente..

  A003001854 

 Quand vous serez arrivée devant vostre Pere spirituel, imaginez vous que vous estes en la montagne de Calvaire sous les pieds de Jesus-Christ crucifié, duquel le sang precieux distille de toutes parts pour vous laver de vos iniquitez: car bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neantmoins le merite de ce sang respandu, qui arrouse abondamment les penitens au tour des confessionnaux.

  A003001855 

 Et cela fait, escoutez l'advertissement, et les ordonnances du serviteur de Dieu, et dittes en vostre cœur: Parlez, Seigneur, car vostre servante vous escoute: c'est Dieu, Philothee, que vous escoutez, puis qu'il a dit à ses [54*] Vicaires: Celuy qui vous escoute m'escoute.

  A003001859 

 Apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré baptesme je fus si heureusement, et saintement vouée, et dediée à mon Dieu, pour estre sa fille: et que contre la profession qui fut alors faitte en mon nom j'ay tant et tant de fois, si malheureusement, et detestablement profané, et violé mon esprit, l'apliquant, et employant contre la divine Majesté: en fin revenant maintenant à moy mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le trosne de la justice divine, je me recognois, advoüe, et confesse pour legitimement atteinte, et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la mort, et passion de Jesus Christ, à raison des pechez que j'ay commis, pour lesquels il est mort, et a souffert le tourment de la croix, dont je suis digne par consequent d'estre à jamais perdue, et damnée..

  A003001861 

 Mais helas si par suggestion de l'ennemy, ou par quelque infirmité humaine, il m'arrivoit de contrevenir en chose quelconque à ceste mienne resolution et consecration, je proteste dés maintenant et me propose, moyennant la grace du Sainct Esprit, de m'en relever, si tost que je m'en appercevray, me convertissant derechef à la misericorde divine, sans retardation ny dilation quelconque: cecy est ma volonté, mon intention et ma resolution inviolable et irrevocable, laquelle j'advouë et confirme sans reserve ny exception, en la mesme presence sacree de mon Dieu, à la veuë de l'Eglise triomphante, et en la face de l'Eglise militante ma mere, qui entend ceste mienne declaration, en la personne de celuy qui comme officier d'icelle m'escoute en cette action.

  A003001865 

 Mais d'autant que ces affections renaissent aysement en l'ame, à raison de nostre infirmité et de nostre concupiscence, qui peut estre mortifiée, mais qui ne peut mourir pendant que nous vivons icy bas en terre, je vous donneray les advis suivans, lesquelz estant bien pratiquez, vous preserveront desormais du peché mortel et de toutes les affections d'iceluy, afin que jamais il ne puisse avoir place en vostre cœur.

  A003001871 

 Qui ne voit que le monde est un juge inique, gracieux et favorable pour ses enfans, mais aspre et rigoureux aux enfans de Dieu..

  A003001871 

 Si vous estiez du monde, dit le Sauveur, le monde aimeroit ce qui est sien: mais [59*] parce que vous n'estes pas du monde, par tant il vous hayt.

  A003001874 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion, que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous esvitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël, le jour mesme de leur naissance.

  A003001879 

 Il est vray, nous sommes encores comme des petits mouchons en la devotion: nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre à la cime de la perfection Chrestienne.

  A003001883 

 A mesure que le jour se fait, nous voyons plus clairement dans le miroüer les tasches et soüillures de nostre visage: ainsi à mesure que la lumiere interieure du S. Esprit esclaire en nos consciences, nous voyons plus distinctement et plus clairement les pechez, inclinations, et imperfections, qui nous peuvent empescher d'atteindre à la vraye devotion: et la mesme lumiere, qui nous fait voir ces tares et dechets, nous eschauffe aussi au desir de nous en nettoyer et purger..

  A003001886 

 Il veut dire que les mouches qui ne s'arrestent guere sur l'onguent, mais le mangent en passant ne gastent que ce qu'elles prenent, le reste demeurant en son entier: quand elles meurent emmy l'onguent, elles luy ostent son pris, et le mettent à dédain.

  A003001892 

 Ainsi les anciens Nazariens s'abstenoient non seulement de tout ce qui pouvoit enyvrer, mais aussi des raisins, et du verjus: non point que les raisins ny le verjus enyvre, mais parce qu'il y avoit danger en mangeant du verjus d'exciter le desir de manger des raisins, et en mangeant des raisins de provoquer l'appetit à boire du moust, et du vin.

  A003001896 

 Il n'y a point aussi de naturel si revesche qui par la grace de Dieu premierement, puis par l'industrie et diligence ne puisse estre dompté et surmonté.

  A003001896 

 Il y en a qui de leurs natures sont legers, les autres rebarbatifs, les autres durs a recevoir les opinions d'autruy, les autres sont inclinez à l'indignation, les autres à la colere, les autres à l'amour: et en somme il se treuve peu de personnes esquelles on ne puisse remarquer quelques sortes de telles imperfections.

  A003001896 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amendiers amers en amendiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le suc; pourquoy est ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses.

  A003001900 

 Il n'y a rien qui purge tant nostre entendement de ses ignorances et nostre volonté de ses affections depravées, c'est l'eau de benediction qui par son arrousement fait reverdir et fleurir les plantes de nos bons desirs, lave nostre ame de ses imperfections, et desaltere nos cœurs de leurs passions..

  A003001901 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et passion de nostre Seigneur; en la regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy, vous apprendrez ses contenances, et formerez vos actions au modelle des siennes: il est la lumiere du monde: c'est doncques en luy, par luy, et pour luy que nous devons estre esclairez et illuminez: c'est l'arbre de desir, à l'ombre duquel nous nous devons rafraischir: c'est la vive fontaine de Jacob pour le lavement de toutes nos soüilleures.

  A003001904 

 Un homme qui auroit receu dans un vaisseau de belle porcelegne quelque liqueur de grand prix [68*] pour l'apporter dans sa maison, il iroit doucement ne regardant point à costé: mais tantost devant soy, de peur de heurter à quelque pierre, ou faire quelque mauvais pas, tantost à son vase pour voir s'il panche point; vous en devez faire de mesme.

  A003001906 

 Le chapelet est une tres-utile maniere de prier, pourveu que vous le sçachiez dire comme il convient: et pour ce faire ayez quelqu'un des petits livrets qui enseignent la façon de le reciter..

  A003001906 

 Si vous me croyez, vous direz vostre Pater, vostre Ave Maria, et le Credo en latin: mais vous apprendrez aussi à bien entendre les parolles qui y sont en vostre langage, afin que le disant au langage commun de l'Eglise, vous puissiez neantmoins savourer le sens admirable et delicieux de ces saintes oraisons, lesquelles il faut dire, fichant profondement vostre pensee, et excitant vos affections sur le sens d'icelles, et ne vous hastant nullement pour en dire beaucoup: mais vous estudiant de dire ce que vous direz cordialement: car un seul Pater dit avec ce sentiment vaut mieux que plusieurs recitez vistement et couramment.

  A003001907 

 Il est bon aussi de dire les Letanies de nostre Seigneur, de nostre Dame, et des Saincts, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuels et Heures approuvées; à la charge neantmoins que si vous avez le don de l'oraison mentale, vous luy gardiez tousjours la principale place.

  A003001910 

 Que si toute la journée vous ne pouvies la faire, il faut reparer ceste perte, multipliant les oraisons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de devotion, avec quelque penitence qui empeschast la suytte de cette negligence, et avec cela faire une forte resolution de se remettre en train le jour suyvant..

  A003001914 

 Outre ceste oraison mentale entiere et formée, et les autres oraisons vocales que vous devez faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraisons plus courtes, et qui sont comme adjancements et surjons de l'autre grande oraison: entre lesquelles la premiere est celle qui se fait le matin comme une preparation à toutes les œuvres de la journée: or vous la ferez en ceste sorte.

  A003001917 

 Par exemple, si je prevoy de devoir traitter de quelque affaire avec une personne passionnée et prompte à la colere, non seulement je me resoudray de ne point me relascher à l'offencer, mais je prepareray des parolles de douceur pour le prevenir, ou l'assistance de quelque personne qui le puisse contenir.

  A003001917 

 Prevoyez quelles affaires, quels commerces, et quelles occasions vous pouvez rencontrer ceste journee là pour servir Dieu: et quelles tentations vous pourront survenir de l'offencer, ou par colere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement: et par une saincte resolution preparez vous à bien employer les moyens qui se doivent offrir à vous de servir Dieu, et advancer vostre devotion: comme au contraire disposez vous à bien esviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003001918 

 O Seigneur, voila ce pauvre et miserable cœur, qui par vostre bonté a conceu plusieurs bonnes affections; mais helas il est trop foible, et chetif pour effectuer le bien qu'il desire, si vous ne luy departez vostre celeste benediction, laquelle à cette intention je vous requiers, ô Pere debonnaire, par le meritede la passion de vostre Fils, à l'honneur duquel je consacre cette journée, et le reste de ma vie.

  A003001924 

 On examine comme on s'est comporté en toutes les heures du jour: et pour faire cela plus aysement on considere, où, avec qui, et en quelles occupations on a esté: si l'on treuve d'avoir fait quelque bien on en fait action de graces à Dieu: si au contraire l'on a fait quelque mal en pensees, en parolles, ou en œuvres on en demande pardon à sa divine Majesté, avec resolution de s'en confessera la premiere occasion, et de s'en amender soigneusement: apres cela on recommande à la providence divine, son corps, son [72*] ame, l'Eglise, les parens, les amis.

  A003001924 

 Quant à l'examen de conscience qui se doit tousjours faire avant qu'aller coucher, chacun sçait comme il faut le pratiquer.

  A003001930 

 Bien heureuse sera l'ame qui pourra dire en verité à nostre Seigneur: Vous estes ma maison de refuge, mon rempart asseuré, mon toit contre la pluye et mon ombre contre la chaleur..

  A003001931 

 Le pelerin, qui prend un peu de vin pour resjouïr son cœur et rafraichir sa bouche, encore qu'il s'arreste un peu pour le prendre ne rompt pour cela pas son voyage, ains prend de la force pour le plus vistement, et aysement parachever, et ne s'arreste que pour mieux aller..

  A003001931 

 O Philothee, nostre esprit, s'adonnant à la hantise, privauté, et familiarité de son Dieu, il se parfumera tout de ses perfections: et si cest exercice n'est point malaisé; car il se peut entrelasser à toutes nos affaires et occupations, sans nullement les incommoder: d'autant que, soit en la retraitte spirituelle, soit aux eslancemens interieurs on ne fait que des petites, et courtes diversions, qui n'empeschent nullement, ains servent de beaucoup à la poursuitte de ce que nous faisons.

  A003001932 

 Il est vray qu'il y a de [74*] certains mots qui ont une force particuliere pour contanter le cœur en cet endroit, comme sont les eslancemens semez si dru dedans les Pseaumes de David, et les invocations diverses du nom de Jesus, avec les traits d'amour qui sont imprimez au Cantique des Cantiques.

  A003001933 

 En fin comme ceux qui sont amoureux d'un amour humain et naturel, ont presque tousjours leurs pensees tournées du costè de la chose aimée, leur cœur plein d'affection à icelle, et leur bouche pleine de ses louanges: et qu'en absence ils ne perdent point d'occasion de representer leurs affections par lettres, et ne treuvent point d'arbre sur l'escorce duquel ils n'escrivent le nom de ce qu'ils aiment; ainsi ceux qui ayment Dieu ne peuvent cesser de penser, et aspirer en luy, de parler de luy: et voudroient s'il estoit possible graver sur la poitrine de toutes les personnes du monde le sainct, et sacré nom de Jesus..

  A003001934 

 Je ne puis me contenir de dire la pensee du grand sainct Basile, lequel considerant la rose emmy les espines, dit qu'elle parle aux hommes, leur faisant cette remonstrance: Ce qui est de plus agreable en ce monde, ô mortels, est meslé de tristesse: rien n'y est pur, le regret est tousjours collé à l'alegresse, la viduité au mariage, le soing à la fertilité, l'ignominie à la gloire, la despance aux honneurs, le degoust aux delices, et la maladie à la santé.

  A003001934 

 L'autre voyant un fleuve flotter: ô Dieu, dit il, ces eaux n'auront jamais repos qu'elles ne soyent abismées dedans la mer d'où elles sont sorties; mais ny mon cœur aussi n'aura jamais ny paix ny tranquillité, qu'il ne se soit plongé dedans son origine qui est Dieu.

  A003001939 

 Je ne vous ay encor point parlé du Soleil des exercices spirituels, qui est le tres-sainct, tres-sacré et tres-souverain Sacrifice, et Sacrement de la Messe, centre de la religion Chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere inefable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement à nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003001940 

 L'oraison faite en l'union de ce divin Sacrifice a une force [76*] indicible: de sorte, Philothee, que l'ame par iceluy abonde en celestes faveurs, comme appuyée sur son Bien-aymé, qui la rend si pleine d'odeurs et suavitez spirituelles qu'elle ressemble à une colonne de fumee de bois aromatiques, de la mirrhe, de l'encens, et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dict és Cantiques..

  A003001943 

 Depuis le Credo jusqu'au Pater noster, appliquez vostre cœur aux mysteres de la mort et Passion de nostre Redempteur, qui sont actuellement et essentiellement representez en ce sainct Sacrifice; lequel avec le Prestre et le reste du peuple vous offrirez à Dieu le Pere pour son honneur, et pour vostre salut.

  A003001948 

 Vous sentirez mille douceurs de devotion par ce moyen, comme faisoit sainct Augustin, qui tesmoigne en ses Confessions, que oyant les divins offices au commencement de sa conversion, son cœur se fondoit en suavité, et ses yeux en larmes de pieté.

  A003001954 

 Les sainctes ames des Trespassez qui sont en Paradis avec les Anges, et comme dit nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office d'inspirer en nous, et d'aspirer pour nous par leurs sainctes oraisons..

  A003001963 

 L'ame qui a consenty au peché doit avoir horreur de soy mesme, et se nettoyer au plustost pour le respect qu'elle doit porter aux yeux de sa divine Majesté qui la regarde.

  A003001963 

 La lionne qui a esté accostée du leopart va vistement se laver pour oster la puanteur que ceste accointance luy a laissée, afin que le lion venant n'en soit point offensé et irrité.

  A003001967 

 De mesme ne vous accusez pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle devotion comme vous devez: mais si vous avez eu des distractions volontaires, ou que vous ayez negligé de prendre le lieu, le temps, et la contenance requise, pour avoir l'attention en la priere, accusez vous en tout simplement, selon que vous treuverez y avoir manqué, sans alleguer ceste generalité, qui ne fait ny froid ny chaud en la confession..

  A003001967 

 La raison est, parce qu'en disant cela vous ne dites rien de particulier qui puisse faire entendre au Confesseur l'estat de vostre conscience: d'autant que tous les Saincts de Paradis, et tous les hommes de la terre pourroient dire les mesmes choses s'ils se confessoient.

  A003001968 

 Au moyen dequoy le Pere spirituel prend une plus entiere connoissance du cœur qu'il traitte, et des remedes qui luy sont propres.

  A003001968 

 Il faut neantmoins tousjours tenir couvert le tiers qui aura cooperé à vostre peché tant qu'il sera possible.

  A003001968 

 N'espargnez point de dire ce qui est requis pour bien faire entendre la qualité de vostre offence, comme seroit à dire, le sujet que vous avez eu de vous mettre en colere, ou de suporter quelqu'un en son vice: par exemple, un homme lequel me desplait, me dira quelque legere parolle pour rire: je le prendray en mauvaise part, et me mettray en colere.

  A003001968 

 Ne vous contentez pas de dire vos pechez veniels quant au fait, mais accusez vous du motif qui vous a induit à les commettre.

  A003001968 

 Que si un autre qui m'eust esté agreable en eut dit une plus aspre, je l'eusse prins en bonne part.

  A003001968 

 Si vous avez peché à jouer, expliquez si ç'a esté pour le desir du gain, ou pour le plaisir de la conversation, ainsi des autres: car encore que communement on ne soit pas obligé d'estre si pointileux en la declaration des pechez veniels, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser; si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre à la saincte devotion, ils doivent estre soigneux de bien faire cognoistre au medecin spirituel, le mal pour petit qu'il soit, duquel ils veulent estre gueris.

  A003001969 

 Ne changez pas aysement de Confesseur; mais en ayant choisi un, continuez à luy rendre conte de vostre conscience aux jours qui sont destinez pour cela, luy disant nayvement les pechez que vous aurez commis, et de temps en temps, comme seroit de mois en mois, ou de deux mois en deux mois dittes luy encore l'estat de vos inclinations quoy que par icelles vous n'ayez pas peché.

  A003001969 

 Prenez garde à une quantité de pechez qui vivent et regnent bien souvant insensiblement dedans la conscience, affin que vous les confessiez, et que vous puissiez vous en purger: et à cest effet lisez diligemment le chapitre 39. et 45.

  A003001973 

 Le Sauveur a institué le Sacrement tres auguste de l'Eucharistie qui contient reellement sa chair et son sang, affin que qui le mange il vive eternellement.

  A003001973 

 O Philothee, les Chrestiens qui seront damnés demeureront sans replique lors que le juste Juge leur fera veoir le tort qu'ils ont eu de mourir spirituellement, puis qu'il leur estoit aysé de se maintenir en vie, et en santé par la manducation de son corps qu'il leur avoit laissé à cette intention.

  A003001974 

 Ce sont les propres parolles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupere, ny ne loue absolument que l'on communie tous les jours, mais laisse cela à la discretion du Pere spirituel de celuy qui se voudra resoudre sur ce poinct.

  A003001976 

 Bien que je puisse dire asseurement que la plus grande distance des Communions c'est celle de mois à mois, entre ceux qui veulent servir Dieu devotement..

  A003001976 

 Par exemple, si vous estes en quelque sorte de subjection, et que ceux à qui vous devez de l'obeïssance ou de la reverence soyent si mal instruits ou si bigearres qu'ils s'inquietent et troublent de vous voir si souvent communier, à l'adventure toute chose considerée, sera il bon de condescendre en quelque sorte à leur infirmité, et ne communier que de quinze jours en quinze jours: mais cela s'entend en cas qu'on ne puisse nullement vaincre la difficulté.

  A003001976 

 Plusieurs legitimes empeschemens peuvent neantmoins vous [86*] arriver: non point de vostre costé, mais de la part de ceux avec lesquels vous vivez, qui donneroient occasion au sage Pere spirituel de vous dire que vous ne communiez pas si souvent.

  A003001977 

 Si vous estes bien prudente, il n'y a ny maistre, ny femme, ny mary, ny pere, ny mere qui vous empesche de communier souvent: car puis que le jour de vostre Communion vous ne laisserez pas d'avoir le soing qui est convenable à vostre condition, que vous en serez plus douce et plus gratieuse en leur endroit, que vous ne leur refuserez nulles sortes de devoirs; il n'y a pas de l'apparence qu'ils veuillent vous destourner de cet exercice, qui ne leur apportera nulle incommodité, sinon qu'ils fussent d'un esprit extremement coquilleux et desraisonnable: et en ce cas, comme j'ay dit, à l'adventure que le Pere spirituel voudra que vous usiez de condescendence..

  A003001978 

 C'est pourquoy j'ay dit que la frequente Communion ne donnoit nulle sorte d'incommodité, ny aux meres, ny aux femmes, ny aux marys: pourveu que l'ame qui communie soit prudente et discrette.

  A003001978 

 Dieu treuvoit mauvais en l'ancienne Loy que les creanciers fissent exaction de ce qu'on leur devoit és jours des Festes; mais il ne treuva jamais mauvais que les debiteurs payassent et rendissent leurs devoirs à ceux qui les exigeoient.

  A003001978 

 Quant aux maladies corporelles, il n'y en a nulle qui soit empeschement legitime à ceste saincte participation, si ce n'est celle qui provoqueroit frequemment au vomissement..

  A003001984 

 O Philothee, imaginez vous que comme l'abeille ayant recueilly sur les fleurs la rosee du ciel, et le suc plus exquis de la terre, elle le porte dans la ruche, ainsi le Prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Fils de Dieu, qui est descendu du Ciel, et vray Fils de la Vierge, qui comme fleur est sorty de la terre de nostre humanité, il le met comme un miel de suavité dedans vostre bouche, et dedans vostre corps.

  A003001984 

 Que si la nuict vous vous resveillez, remplissez soudain vostre cœur et vostre bouche de quelques parolles odorantes, par le [88*] moyen desquelles vostre ame soit parfumee pour recevoir l'Espoux, lequel veillant pendant que vous dormez se prepare à vous apporter mille graces et faveurs, si de vostre part vous estes disposee à les recevoir: le matin levez vous avec grande joye pour le bon-heur que vous esperez: et vous estant confessée allez avec grande confiance, mais aussi avec grande humilité prendre ceste viande celeste qui vous nourrit à l'immortalité.

  A003001987 

 Dites leur que ceux qui n'ont pas beaucoup d'affaires mondaines doivent souvent communier, parce que ils en ont la commodité: et ceux qui ont beaucoup d'affaires mondaines, parce que ils en ont necessité; et que celuy qui travaille beaucoup, et qui est chargé de peine, doit aussi manger des viandes solides et souventefois.

  A003001992 

 Ce sont les trois branches de la croix spirituelle: toutes trois neantmoins fondées sur la quatriesme qui est l'humilité..

  A003001997 

 Et sur tout obeïssez amoureusement, pour l'amour de Celuy qui pour l'amour de vous s'est fait obéissant jusques à la mort et la mort de la Croix: et lequel, comme dit S. Bernard, ayma mieux perdre la vie que l'obéissance..

  A003001997 

 Par la necessaire vous devez humblement obeïr à vos superieurs Ecclesiastiques, comme au Pape, à l'Evesque, au Curé, et à ceux qui sont commis de leur part.

  A003001998 

 Pour apprendre aysement à obéir aux Superieurs, condescendez aysement à la volonté de vos semblables, cedant à leurs opinions en ce qui n'est mauvais, sans estre contentieuse ny revesche: accommodez vous volontiers aux desirs de vos inferieurs, autant que la raison le permettra, sans exercer aucune authorité imperieuse sur eux, tandis qu'ils sont bons.

  A003002000 

 Or soit qu'en le choisissant on face vœu d'obeir (comme il est dit que la mere Therese outre l'obeissance solemnellement vouée au superieur de son Ordre, s'obligea par un vœu simple d'obeïr au pere Gratien), ou que sans vœu on se dedie à l'obeissance de quelqu'un, tousjours cette obéissance s'apelle volontaire à raison de son fondement qui depend de nostre volonté et election..

  A003002001 

 Il faut obeïr à tous les superieurs, à chacun neantmoins en ce dequoy il a charge de nous, comme en ce qui regarde la police, et les choses publiques, il faut obeir aux Princes et Magistrats, aux Prelatz en ce qui regarde la police ecclesiastique, és choses domestiques au pere, au maistre, au mary: et quant à la conduite particuliere de l'ame au directeur et Confesseur particulier.

  A003002002 

 Faites vous ordonner les actions de pieté que vous devés exercer par vostre Pere spirituel, parce qu'elles en seront meilleures, et auront double grace et bonté: l'une d'elles mesmes, puis qu'elles sont pieuses, et l'autre de l'obeissance qui les aura ordonnées, et en vertu de laquelle elles seront faites..

  A003002006 

 Tout ce qui luy est contraire se nomme souïlleure, ordure, vilenie: on appelle la chasteté honnesteté, et la profession d'icelle, honneur; elle s'apelle integrité, et son contraire corruption.

  A003002007 

 Et encore au Mariage faut-il observer l'honnesteté de l'intention, afin que s'il y a quelque messeance en la volupté qu'on exerce, il n'y aye rien que d'honnesteté en la volonté qui l'exerce..

  A003002007 

 Il n'est jamais permis de tirer aucun impudique plaisir de nos corps, sinon en un legitime mariage, duquel la saincteté puisse par une juste compensation reparer le dechet qui se reçoit par la delectation.

  A003002008 

 La chasteté est comme la mere perle, qui ne peut recevoir aucune goutte d'eau qui ne vienne du ciel; car elle ne peut recevoir aucun plaisir que celuy du Mariage, qui est ordonné du Ciel.

  A003002009 

 Car bien qu'il faille pratiquer les delectations necessaires, c'est à dire celles qui dependent du sainct Mariage, si ne faut il pas pourtant jamais y attacher le cœur et l'esprit..

  A003002009 

 Pour le premier degré de cette vertu, gardés vous, Philothee, d'admettre aucune sorte de volupté qui soit prohibée et defendue.

  A003002009 

 Pour le second, retranchés, tant qu'il vous sera possible les delectations inutiles et superflues, quoy que loisibles et non defendues: pour le troisiesme n'attachés point vostre affection aux plaisirs et voluptés, qui vous sont commandées et ordonnées.

  A003002010 

 Or les mesmes considerations doivent estre faittes pour les voluptés charnelles entre les maryez, qui seuls en peuvent user, je dis user sans en abuser.

  A003002014 

 Les corps humains ressemblent aux verres, qui ne peuvent estre portés les uns avec les autres en se touchant, sans courir fortune de se rompre.

  A003002015 

 L'Espouse sacrée au Cantique des Cantiques, a ses mains qui distillent la mirrhe, liqueur preservative de la corruption.

  A003002015 

 Les abeilles non seulement ne veulent pas toucher les charongnes, mais fuyent et hayssent extremement toutes sortes de puanteurs qui en proviennent.

  A003002017 

 Au contraire hantez les gens chastes et vertueux, pensez et lisez souvent aux choses sacrées: car la parolle de Dieu est chaste, et rend ceux qui s'y plaisent chastes.

  A003002017 

 Qui fait que David la compare au topaze pierre precieuse, laquelle par sa proprieté amortit l'ardeur de la concupiscence..

  A003002018 

 Car tout ainsi que ceux qui couchent sur l'herbe nommée Agnus castus, deviennent chastes et pudiques; de mesme reposant vostre cœur sur nostre Seigneur, qui est le vray Agneau chaste et immaculé, vous verrez que bien tost vostre ame et vostre chair se treuveront purifiées de toutes souillures de lubricité..

  A003002022 

 [98*] Celuy est pauvre d'esprit, qui n'a nulles richesses dans son esprit, ny son esprit dedans les richesses.

  A003002024 

 On s'excuse sur la charge des enfans qui presse, sur la sagesse, qui requiert qu'on s'establisse en moyens.

  A003002025 

 Celuy qui desire ardemment, longuement et avec inquietude de boire, quoy qu'il ne vueille boire que de l'eau, si tesmoigne il d'avoir la fievre.

  A003002026 

 Ce fust le peché d'Achab, qui voulut avoir justement la vigne de Naboth, qui la vouloit encor plus justement garder; il la desira ardemment, longuement, et avec inquietude: et partant il offença Dieu..

  A003002026 

 Celuy qui possede un bien justement, n'a il pas plus de raison de le garder justement, que nous de le vouloir avoir justement? Et pourquoy donc estendons nous nostre desir sur sa commodité pour l'en priver? tout au plus si ce desir est juste, certes il n'est pourtant pas charitable: car nous ne voudrions pas nullement qu'aucun desirast, quoy que justement, ce que nous voulons garder justement.

  A003002028 

 Car les febricitans boivent l'eau qu'on leur donne, avec un certain empressement, avec une sorte d'attention et d'aise, que ceux qui sont sains n'ont point accoustumé d'avoir.

  A003002030 

 Ne desirez donc point d'un desir entier et formé le bien que vous n'avez pas: ne mettez point fort avant vostre cœur en celuy que vous avez: ne vous desolez point des pertes qui vous arriveront; et vous aurez quelque sujet de croire qu'estant riche en effet, vous ne estes point d'affection; mais que vous estes pauvre d'esprit, et par consequent bien-heureuse, car le Royaume des Cieux vous appartient..

  A003002037 

 Il est vray que Dieu vous le rendra, non pas seulement en l'autre monde, [103*] mais en cellui-cy: car il n'y a rien qui fasse tant prosperer temporellement que l'aumosne: mais en attendant que Dieu vous le rende vous serez tousjours appauvrie de cela.

  A003002037 

 O le sainct et riche appauvrissement que celuy qui se fait par l'aumosne!.

  A003002038 

 Il pouvoit dire: Qui est pauvre avec lequel je ne sois pauvre? parce que l'amour le faisoit estre tel que ceux qu'il aimoit.

  A003002038 

 L'amour esgale les amans: Qui est infirme avec lequel je ne sois infirme? dit sainct Paul.

  A003002041 

 Bien-heureux sont ceux qui sont ainsi pauvres, car à eux appartient le Royaume des Cieux.

  A003002041 

 Possedez le Royaume qui vous a esté preparé dés la constitution du monde, dira le Roy des pauvres, et des Roys, en son grand Jugement..

  A003002042 

 En fin il est facile d'avoir souvent besoing de quelque chose, pour riche qu'on soit: or cela c'est estre pauvre en effet, de ce qui nous manque.

  A003002042 

 Il n'est celuy presque qui en quelque occasion n'ait quelque manquement et defaut de commoditez.

  A003002043 

 Au contraire, parce que le poil des mains d'Esaü tenoit à sa peau, qu'il avoit toute velue de son naturel, qui luy eut voulu arracher son poil, luy eut bien donné de la douleur: il eut bien crié, il se fut bien eschauffé à la deffence.

  A003002043 

 Mais parce que le poil qui estoit és mains de Jacob, ne tenoit pas à sa peau, ains à ses gans, on luy pouvoit oster son poil sans l'oflfencer ny escorcher.

  A003002043 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilitez, les larcins, les proces, ô c'est allors la vraye saison de prattiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment à cet appauvrissement.

  A003002048 

 Combien y a il de grands mondains qui avec beaucoup de contradictions sont allés rechercher, avec un soin nompareil la sainte pauvreté, dedans les cloistres, et les hospitaux? Ils ont pris beaucoup de peine pour la treuver.

  A003002048 

 Embrassez la donques comme la chere amie de Jesus-Christ, qui nasquist, vescut et mourut avec la pauvreté, qui fut sa nourrisse toute sa vie..

  A003002049 

 Le premier, c'est qu'elle ne vous est point arrivée par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre, sans qu'il y ayt eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003002051 

 Ne vous plaignés donc pas, ma chere Philothee, de vostre pauvreté: car on ne se plaint que de ce qui desplait; et si la pauvreté vous desplait, vous n'estes plus pauvre d'esprit, ains riche d'affection..

  A003002053 

 N'ayez point de honte d'estre pauvre, ny de demander l'aumosne en charité: recevés celle qui vous sera donnée avec humilité, et acceptés les refus avec douceur.

  A003002057 

 Dieu mesme requiert l'honnesteté corporelle en ceux qui s'aprochent de ses autels, et qui ont la charge principalle de la devotion..

  A003002058 

 Mais quant aux vrayes vefves, qui le sont, non seulement de corps, mais aussi de cœur, nul ornement ne leur est convenable, sinon l'humilité, la modestie et la devotion: car si elles veulent donner de l'amour aux [108*] hommes, elles ne sont pas vrayes vefves; et si elles n'en veulent pas donner, pourquoy en portent elles les outils? Qui ne veut recevoir les hostes, il faut qu'il oste l'enseigne de son logis.

  A003002058 

 On se moque tousjours des vieilles gens quand ils veulent faire les jolis: c'est une folie qui n'est supportable qu'à la jeunesse..

  A003002058 

 On se pare ordinairement mieux és jours de Festes selon la grandeur du jour qui se celebre.

  A003002059 

 Les hommes qui sont si lasches que de s'amuser à ces mugueteries sont par tout descriez comme hermaphrodites.

  A003002059 

 Tenez vous tous-jours tant qu'il vous sera possible, du costé de la simplicité, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté, et la meilleure excuse pour la laideur.

  A003002063 

 Recercher les conversations, et les fuïr, ce sont deux extremitez blasmables en la devotion civile, qui est celle de laquelle je vous parle.

  A003002064 

 Car comme ceux qui ont estez mordus des chiens enragez ont la sueur, l'haleine et la salive dangereuse, et principalement pour les enfans et gens de delicate complexion; ainsi ces vicieux et debordez ne peuvent estre frequentez qu'avec hazard et peril: sur tout par ceux qui sont de devotion encore tendre et delicate..

  A003002064 

 On appelle mauvaises conversations celles qui se font pour quelque mauvaise intention, ou bien quand ceux qui entreviennent en icelles sont vicieux, indiscrets et dissolus; et pour celles là, il s'en faut destourner, Philothee, comme les abeilles se destournent de l'amas des taons et frelons.

  A003002066 

 Les autres conversations ont pour leur fin l'honnesteté, comme sont les visites mutuelles, et certaines assemblées qui se font pour honnorer le prochain.

  A003002067 

 La vigne plantée parmi les oliviers porte des raisins unctueux, et qui ont le goust des olives; une ame qui se treuve souvent parmi les gens de vertu, ne peut qu'elle ne participe à leurs qualitez.

  A003002068 

 Ce que je dis, parce qu'il y a des choses loisibles qui pourtant ne sont pas honnestes; et afin que vostre modestie paroisse, gardez vous des insolences, lesquelles sans doute sont tousjours reprehensibles.

  A003002068 

 Et comme celuy qui ne voudroit jamais se promener qu'en contant ses pas, ny parler qu'en chantant, seroit fascheux au reste des hommes; ainsi ceux qui tiennent un maintien artificieux, et qui ne font rien qu'à cadence, importunent extremement la conversation, et en ceste sorte de gens il y a tousjours quelque espece de vanité et de presomption.

  A003002068 

 Il y a des gens qui ne font nulle sorte de contenance ny de mouvement, qu'avec tant d'artifice que chacun en est ennuyé.

  A003002072 

 C'est l'exercice que faisoit le Roy David parmi tant d'occupations [111*] qu'il avoit (comme il tesmoigne par mille traits de ses Pseaumes) comme quand il dit: O Seigneur, et moy je suis tousjours avec vous, Je voyois mon Dieu tousjours devant moy, J'ay eslevé mes yeux à vous, ô mon Dieu, qui habitez au Ciel, Mes yeux sont tous-jours à Dieu.

  A003002072 

 Resouvenez vous cependant, ô Philothee, de faire tousjours plusieurs retraictes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmy les conversations, ainsi que j'ay marqué cy dessus; et ceste solitude mentale ne peut nullement estre empeschée par la multitude de ceux qui vous sont autour, parce qu'ils ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre corps: si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003002074 

 Lesquelles parolles, outre leur sens literal (qui tesmoigne que ce grand Roy prenoit quelques heures pour se tenir solitaire en la contemplation des choses spirituelles) en leur sens mystique nous monstrent trois excellentes retraittes et comme trois hermitages dans lesquels nous pouvons exercer nostre solitude, à l'imitation de nostre Sauveur: lequel sur le mont de Calvaire fut comme le pelican de la solitude, qui de son sang ravive ses poussins morts: en sa Nativité dans une establerie deserte il fut comme le hyboux dedans la mazure, pleignant et pleurant nos pechez: et au jour de son Ascension, il fut comme le passereau, se retirant et volant au Ciel qui est comme le toict du monde; et en tous ces trois lieux nous pouvons nous retirer au temps de nostre solitude.

  A003002078 

 Gardez vous soigneusement de lascher aucune parolle deshonneste: car encore que vous ne les dissiez pas avec mauvaise intention, si est-ce que ceux qui les oyent les peuvent recevoir d'une autre sorte.

  A003002078 

 La parolle deshonneste tombant dans un cœur foible, s'estend et se dilatte comme une goutte d'huile tombant sur le drap; et quelquefois elle saisit tellement le cœur, qu'elle le remplit de mille pensées et tentations lubriques: et ceux qui pensent estre galants hommes à dire de telles parolles en conversation, ne sçavent pas pourquoy les conversations sont faictes; car elles doivent estre comme esseins d'abeilles, assemblées pour faire le miel de quelque doux et vertueux entretien, et non pas comme un tas de guespes qui se joignent pour succer quelque pourriture.

  A003002079 

 Dont les Docteurs ont raison de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offense que l'on puisse faire au prochain par les parolles; parce que les autres offenses se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle cy se fait avec mespris et contemnement.

  A003002083 

 Que si vous pouvés absolument n'en point dire, ce sera chose beaucoup meilleure, à raison du danger qu'il y a de mesprendre entre nous autres, qui ne sommes pas parfaits comme saint Jean Baptiste, et saint Paul: et puis la verité est que si l'esprit de Dieu ne fait dire telles paroles, comme il faisoit en eux, elles n'apportent nulle sorte de correction.

  A003002083 

 Qui dira à son frere, sot, dit nostre Seigneur, il sera coulpable du feu d'enfer.

  A003002087 

 Quant à la medisance c'est la peste des conversations; bien heureux est celuy qui en est preservé.

  A003002088 

 Il faut que le coup que j'en donneray soit si juste, que je ne die ny plus ny moins que ce qui en est..

  A003002088 

 S'il se treuve une personne qui soit vrayement medisante ne dittes pas pour l'excuser qu'elle est libre et franche.

  A003002089 

 Par exemple on recite devant des filles les privautés de telles et de telles, qui sont manifestement perilleuses; la dissolution d'un tel ou d'une telle, en paroles, ou en gestes, qui sont manifestement lubriques.

  A003002089 

 Si je ne blasme librement ce mal, et que je vueïlle l'excuser, ces tendres ames qui sont presantes prendront occasion de se relacher à quelque chose semblable.

  A003002093 

 Escartés ce propos là, vous resouvenant et la compagnie, que ceux qui ne tombent pas en faute, en doivent toute la grace à Dieu.

  A003002098 

 Qui chemine simplement, dit le Sage, il chemine confidemment.

  A003002099 

 Car de faire trop l'entendu et le severe, refusant de contribuer aux devis familiers qui se font aux conversations, il semble qu'il y aye, ou manquement de confiance, ou quelque sorte de desdain: de babiller aussi et cajoler tousjours, sans donner ny loisir, ny commodité aux autres de parler à souhait, cela tient de l'esventé et leger..

  A003002100 

 Celuy, disoit-il, qui est à table en bonne compagnie, qui a à dire quelque chose joyeuse et plaisante, la doit dire que tout le monde l'entende: si c'est chose d'importance on la doit taire, sans en parler.

  A003002105 

 Prendre l'air, se promener, s'entretenir de devis joyeux et amiables, jouer du luth, ou autres instrumens, chanter musique, aller à la chasse, ce sont recreations si honnestes, que pour en bien user il n'est besoin que de la commune prudence, qui donne à toutes choses le rang, le temps, le lieu et la mesure..

  A003002110 

 Il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux, [119*] et vicieux en un sujet qui de soy-mesme est fort susceptible du mal.

  A003002111 

 Apres les champignons il faut boire du vin precieux; apres les danses il faut mettre dans son cœur quelques bonnes pensées, qui empeschent le plaisir vain que l'on a pris, de faire des mauvaises impressions.

  A003002111 

 Et comme ces exercices ouvrent les pores du corps de ceux qui les font, aussi ouvrent-ils les pores du cœur.

  A003002111 

 Les champignons selon Pline estans spongieux et poreux, comme ils sont, attirent aysement toute l'infection qui leur est autour; si que les serpens les approchans ils en reçoivent le venin; les bals, les danses, et telles assemblées tenebreuses, attirent ordinairement les vices et pechez, qui regnent en un lieu, les querelles, les envies, les moqueries, les folles amours.

  A003002116 

 Mais nous avons ainsi convenu, me direz vous: cela est bon, pour monstrer que celuy qui gaigne ne fait pas tort aux autres: mais il ne s'ensuit pas que la convention ne soit desraisonnable, et le jeu aussi: car le gain qui doit estre le prix de l'industrie, est rendu le prix du sort, qui ne merite nul prix, puis qu'il ne depend nullement de nous..

  A003002116 

 Mais quel grand mal a il, me direz vous? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la raison, mais selon le sort qui tumbe bien souvent à celluy qui par habilité et industrie ne meritoit rien: la raison est donq offencée en cela.

  A003002123 

 Mais en un mot, dansés et joüés, Philothee, quand pour condescendre et complaire à la conversation en laquelle vous estes, la prudence et discretion vous le conseilleront; car la condescendence comme dependante de la charité, rend les choses indifferentes bonnes, et les dangereuses permises: elle oste mesme la malice à celles qui ne sont qu'un peu mauvaises.

  A003002127 

 Mais quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres, avec une modeste gayeté et joyeuseté, ils appartiennent à la vertu nommée Eutrapelie par les Grecs, et que nous pouvons appeller bonne conversation; et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles, que les imperfections humaines fournissent: il se faut seulement garder de passer de cette honneste joyeuseté à la moquerie.

  A003002127 

 Saint Louys quand des Religieux vouloient luy parler de choses relevées apres disner: Il n'est pas temps d'alleguer, disoit il, mais de se recreer par quelque joyeuseté et quolibets; que chacun die ce qu'il voudra honnestement: ce qu'il disoit, favorisant la noblesse qui estoit autour de luy pour recevoir des caresses de sa Majesté.

  A003002132 

 L'amitié est un amour mutuel: et si il n'est pas mutuel, ce n'est pas une amitié: et ne suffit pas qu'il soit mutuel, il faut encor que les parties qui s'entreaiment le sçachent: et qu'avec cela il y ayt entre elles quelque sorte de communication, qui soit le fondement de l'amitié.

  A003002133 

 Et comme il y a du miel en Heraclée de Ponte, qui est veneneux, et fait devenir insensés ceux qui le mangent, parce qu'il est recueilly sur l'aconit, qui est abondant en cette region là; ainsi l'amitié fondée sur la communication des faux et vicieux biens, est toute fausse et mauvaise..

  A003002135 

 Ce sont ordinairement les amitiés des jeunes gens, qui se tiennent aux moustaches, aux cheveux, aux œillades, aux habits, à la morgue, à la [125*] babillerie; amitiés dignes de l'aage des amans, qui n'ont encor aucune vertu qu'en bourre, ny nul jugement qu'en boutton: aussi telles amitiés ne sont que passageres, et fondent comme la neige au soleil.

  A003002135 

 J'apelle plaisirs sensuels ceux qui s'attachent immediatement, et principallement aux sens exterieurs, comme le plaisir de voir la beauté, d'ouïr une douce voix, de toucher, et semblables.

  A003002135 

 L'amitié fondée sur la communication des plaisirs sensuels est toute grossiere, et indigne du nom d'amitié: comme aussi celle qui est fondée sur des vertus frivoles et vaines, parce que ces vertus dependent aussi des sens.

  A003002135 

 Or comme tout cela regarde les sens, aussi les amitiés qui en proviennent s'apellent sensuelles, vaines, frivoles: et meritent plustost le nom de folastrerie que d'amitié.

  A003002139 

 O Philothee, aymez un chacun d'un grand amour charitable: mais n'ayez point d'amitié qu'avec ceux qui peuvent communiquer avec vous de choses vertueuses; et plus les vertus que vous mettez en vostre commerce seront exquises, plus vostre amitié sera parfaicte.

  A003002140 

 Il m'est advis que toutes les autres amitiés ne sont que des ombres au prix de celle-cy, et que leurs liens ne sont que des chaisnes de verre ou de jayet, en comparaison de ce grand lien de la sainte devotion, qui est tout d'or..

  A003002142 

 N'escoutez point ceux qui veulent qu'on n'ait aucune sorte de particuliere amitié, comme si ceste particularité estoit contraire à la perfection.

  A003002142 

 S. Hierosme, S. Augustin, S. Bernard et tous les plus parfaicts du monde ont eu des particulieres amitiez; et S. Paul reprochant le detraquement des Gentils, les accuse qu'ils estoient gens sans affection: c'est à dire qui n'affectionnoient personne, ny n'avoient nulle sorte d'amitié.

  A003002146 

 Il faut prendre garde de n'estre point trompée en ces amitiés, notamment quand elles se contractent entre les personnes de divers sexe, sous quel pretexte que ce soit: car bien souvent Satan donne le change à ceux qui aiment.

  A003002147 

 Apres cela, le miel d'Heraclee donne une grande amertume en la bouche; ainsi ces amitiés fausses et mondaines degenerent en tristesses, afflictions d'esprit, insolences, confusions, et charnalitez, qui se terminent bien souvent en folie et abbrutissement..

  A003002147 

 Le miel d'Heraclée rend une douceur extraordinaire à la langue; à raison de l'aconit qui accroist la douceur ordinaire du miel: et l'amitié mondaine commence par une composition et agencement de parolles emmiellées, qui tiennent desja fort de la cajolerie: le miel d'Heraclee estant avalé excite un tournoyement de teste, et l'amitié mondaine petit à petit fait un tournoyement d'esprit, qui fait chanceler la devotion, et porte à des petits fatras de caresses sensuelles, lesquelles presagent la future cheute de la pureté: le miel d'Heraclee trouble la veüe, et ceste amitié mondaine va troublant le jugement, en sorte que l'on pense bien faire en mal faisant, ou au moins on s'excuse au mal, et le veut on couvrir par parolles et pretextes.

  A003002152 

 Comme par exemple, si un jeune homme desire fort d'estre prouveu de quelque office avant que le temps soit venu, dequoy je vous prie luy sert ce desir? si une femme mariée desire d'estre religieuse, à quel propos? si je desire d'avoir le bien d'autruy justement, avant qu'il soit prest à le vendre, ne perds je pas mon temps en ce desir? Si estant malade je desire de faire les offices de ceux qui sont en santé, cela ce sont des desirs des femmes grosses, qui desirent les cerises fraisches en hyver, et la neige en esté.

  A003002152 

 Ne desirez jamais aucune chose mauvaise: car le seul desir vous rendroit mauvaise: et ne desirez point les choses dangereuses, comme sont les jeux, les bals, les autres passetemps perilleux, ny les honneurs, les charges, ny les visions: ne desirez point les choses fort esloignées, comme font plusieurs, qui desirent les choses qui ne peuvent arriver de long temps: en quoy ils lassent leur cœur inutilement, et se mettent en danger d'inquietude.

  A003002153 

 Je n'appreuve nullement qu'une personne attachée à quelque devoir ou vocation s'amuse à desirer une autre sorte de vie, que celle qui est convenable à son devoir, ny des exercices incompatibles à sa condition presente: car cela dissipe le cœur et l'allanguit és exercices necessaires.

  A003002153 

 Non je ne voudrois pas mesmement que l'on desirast d'avoir meilleur esprit, ny meilleur jugement: car ces desirs sont frivoles, et tiennent la place de celuy que chacun doit avoir de cultiver le sien tel qu'il est: ny que l'on desire les moyens de servir Dieu que l'on n'a pas, mais que l'on employe fidellement ceux qu'on a. Or cela s'entend des desirs qui amusent le cœur; car quant aux simples souhaits ils ne font nulle nuysance, pourveu qu'ils ne soyent pas frequens..

  A003002154 

 Ne desirez pas les croix, sinon à mesure que vous aurez bien supportées celles qui se seront presentées: car c'est un abus de desirer le martyre, et n'avoir pas le courage de supporter une injure.

  A003002155 

 Choisissez par l'advis de vostre Pere spirituel entre tant de desirs, ceux qui peuvent estre prattiquez et executez maintenant, et ceux-là faites les bien valoir.

  A003002155 

 Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons desirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre; et ceux qui ne peuvent estre effectuez presentement, il les faut serrer en quelque coing du cœur, jusques à ce que leur temps soit venu: et cependant effectuer ceux qui sont meurs et de saison; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituels, mais pour les mondains: sans cela nous ne sçaurions vivre qu'avec inquietude et empressement..

  A003002159 

 Nous ne sommes hommes que par la raison: et c'est pourtant chose rare de trouver des hommes vrayement raisonnables: d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la raison, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites mais dangereuses injustices et iniquitez, qui sont comme les petits renardeaux, desquels il est parlé aux Cantiques, qui demolissent les vignes: parce qu'ils sont petits on n'y prend pas garde, mais parce qu'ils sont en quantité ils ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003002161 

 Bref nous sommes comme les perdrix de Paphlagonie, qui ont deux cœurs: car nous avons un cœur doux, gracieux et courtois en nostre endroit: et un cœur dur, severe, rigoureux envers le prochain.

  A003002161 

 Il y a des enfans vertueux que leurs peres et meres ne peuvent presque voir pour quelque imperfection corporelle: il y en a des vicieux qui sont les favorys pour quelque grace corporelle.

  A003002161 

 S'il y a quelqu'un de nos inferieurs qui n'ait pas bonne grace, ou sur lequel nous ayons une fois mis la dent, quoy qu'il face nous le recevons à mal; nous ne cessons de le contrister, et tousjours nous sommes à le calanger.

  A003002161 

 Si nous affectionnons un exercice, nous mesprisons tout le reste, et contrerollons tout ce qui ne vient pas à nostre goust.

  A003002162 

 Toutes ces injustices sont petites, parce qu'elles n'obligent pas à restitution: d'autant que nous demeurons seulement dans les termes de la rigueur en ce qui nous est favorable; mais elles ne laissent pas de nous obliger à nous en amander, car ce sont des grands defauts de raison et de charité; et au bout de là ne sont que tricheries: car on ne perd [131*] rien à vivre genereusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur esgal et raisonnable.

  A003002166 

 La tristesse n'est autre "chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré: soit que le mal soit exterieur, comme pauvreté, maladie, mespris: soit qu'il soit interieur, comme ignorance, secheresse, repugnance, tentation.

  A003002168 

 Vous voyez donques que la tristesse, laquelle au commencement est juste engendre l'inquietude, et l'inquietude engendre par apres un surcroist de tristesse, qui est extremement dangereux.

  A003002169 

 L'inquietude est le plus grand mal qui arrive en l'ame, excepté le peché.

  A003002170 

 L'inquietude provient d'un desir dereglé d'estre delivré du mal que l'on sent, ou d'acquerir le bien que l'on espere: et neantmoins, il n'y a rien qui empire plus le mal, et qui esloigne plus le bien que cette inquietude et empressement.

  A003002170 

 Quand donques, ma Philothee, vous serés pressée de quelque desir d'estre delivrée de quelque mal, ou de parvenir à quelque bien, avant toute chose mettés vostre esprit en repos et tranquillité: faittes rasseoir vostre jugement et vostre volonté: et puis tout bellement et tout doucement pourchassés l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables: et quand je dis tout bellement je ne veux pas dire negligemment, mais sans empressement, trouble et inquietude: autrement en lieu d'avoir l'effet de vostre desir, vous gasterés tout, et vous embarrasserez plus fort..

  A003002172 

 Quand vous sentirés arriver l'inquietude, recommandez vous à Dieu, et resolvez vous de ne rien faire du tout de ce que vostre desir requiert de vous, que l'inquietude ne soit totallement passée: sinon que ce fut chose qui ne se peut differer; et alors il faut avec un doux et tranquille effort, retenir le courant de vostre desir, et l'attremper ou moderer tant qu'il vous sera possible, et faire la chose, non selon vostre desir, mais selon la raison..

  A003002173 

 Si vous pouvés decouvrir vostre inquietude à celluy qui conduit vostre ame, ou au moins à quelque confident et devot amy, ne doutez [133*] point que tout aussi tost vous ne soyez accoisée: car la communication des douleurs du cœur fait le mesme effet en l'ame, que la seignée fait au corps de celuy qui est en fievre continue; c'est le remede des remedes..

  A003002177 

 Il est vray qu'elle en fait plus de mauvaises que de bonnes: car elle n'en fait que deux bonnes, à sçavoir misericorde et penitence; et il y en a six mauvaises, à sçavoir, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie, et impatience; qui a faict dire au Sage, La tristesse en tue beaucoup, et n'y a point de proffit en icelle, parce que pour deux bons ruisseaux qui proviennent de la source de tristesse, il y en a six qui sont bien mauvais..

  A003002177 

 La tristesse qui est selon Dieu, dit S. Paul, opere la penitence pour le salut: la tristesse du monde opere la mort.

  A003002179 

 La mauvaise tristesse trouble l'ame, la met en inquietude, donne des craintes desreglées, degouste de l'oraison, assoupit et accable le cerveau, prive l'ame de conseil, de resolution et de jugement, décourage et abbat les forces; et bref elle est comme un dur hyver, qui fauche toute la beauté de la terre, et engourdit tous les animaux: car elle oste toute la suavité de l'ame, et la rend presque percluse et impuissante en toutes ses facultez..

  A003002180 

 La priere est un souverain remede: elle eslete l'esprit en Dieu, qui est nostre unique joye et consolation: mais en priant usez d'affections et parolles, soit interieures, soit exterieures, qui tendent à la confiance et amour de Dieu, [134*] comme, ô Dieu de misericorde, mon tres-bon Dieu, mon Sauveur debonnaire, Dieu de mon cœur, ma joye, mon esperance, mon cher Espoux, le Bien-aimé de mon ame, et semblables..

  A003002181 

 Contrariez vivement aux inclinations de la tristesse: et bien qu'il semble que tout ce que vous ferez en ce temps-là se face froidement, tristement, et laschement, ne laissez pourtant pas de le faire: car l'ennemy qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estant faictes avec resistence elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger..

  A003002182 

 Chantez des Cantiques spirituels, car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen: tesmoing l'esprit qui assiegeoit ou possedoit Saül, duquel la violence estoit reprimée par la psalmodie..

  A003002184 

 Faictes des actions exterieures de ferveur, quôy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baisant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au Ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles-cy, Mon Bien-aymé est à moy, et moy à luy: mon Bien-aimé m'est un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes mammelles; Mes yeux se fondent sur vous, ô mon Dieu, disans, Quand me consolerez vous? O Jesus soyez moy Jesus; Vive Jesus, et mon ame vivra; Qui me separera de l'amour de mon Dieu? et Semblables..

  A003002185 

 La discipline moderée est bonne contre la tristesse, parce que ceste volontaire affliction exterieure impetre la consolation interieure: et l'ame sentant des douleurs de dehors, se divertit de celles qui sont au dedans: la frequentation de la saincte Communion est excellente, car ce pain celeste affermit le cœur, et resjoüit l'esprit..

  A003002186 

 Decouvrez tous les ressentimens, affections, et suggestions qui proviennent de vostre tristesse à vostre conducteur et Confesseur, humblement et fidellement: cerchez les conversations de personnes spirituelles, et les hantez le plus que vous pourrez pendant ce temps là.

  A003002190 

 Soyez devote à la parolle de Dieu; et soit que vous l'escoutiez en devis familiers avec vos amis spirituels, soit que vous l'escoutiez au sermon, oyez la tousjours avec attention et reverence, faictes en bien vostre proffit, et ne permettez pas qu'elle tombe à terre, ains recevez la comme un precieux baume dans vostre cœur, à l'imitation de la tres-saincte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans son cœur toutes les parolles que l'on disoit à la louange de son enfant; et resouvenez vous que nostre Seigneur recueille les parolles que nous luy disons en nos prieres, à mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003002191 

 Il est vray qu'il y a certaines histoires qui donnent plus de lumiere pour la conduitte de nostre vie que d'autres; comme la vie de la B. H. mere Therese, laquelle est admirable pour cela, les vies des premiers Jesuistes, celle du B. H.Cardinal [136*] Boromee, de S. Louys, de S. Bernard; les Croniques de S. François, et autres pareilles.

  A003002191 

 Lisez aussi les histoires et vies des Saincts, esquelles comme dans un miroûer vous verrez le pourtrait de la vie Chrestienne: et accommodez leurs actions à vostre proffit selon vostre vocation: car bien que beaucoup des actions des Saincts ne soyent pas imitables par ceux qui vivent emmy le monde; si est ce neantmoins que toutes peuvent estre suyvies ou de prés ou de loing.

  A003002195 

 Et vous, ma Philothee, parlés souvent de Dieu és devis familiers que vous ferés avec vos amis et voisins: mais tousjours parlés en comme de Dieu, c'est à dire reveremment et devotement: non point faisant la suffisante ny la prescheuse, mais avec esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de ce que vous sçaurez de la devotion et des choses divines, goutte à goutte, tantost dedans l'aureille de l'un, tantost dedans l'aureille de l'autre: priant Dieu au secret de vostre ame, qu'il luy plaise de faire passer ceste saincte rosée jusques dedans le cœur de ceux qui vous escoutent..

  A003002197 

 Ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs personnes qui font profession de devotion, lesquelles à tout propos disent des parolles sainctes et ferventes par maniere d'entregent, et sans y penser nullement: et apres les avoir dittes, il leur est advis qu'ils sont tels que leurs parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003002202 

 Mais tandis que la divine providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles, et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnez luy pour le moins vos cheveux: je veux dire supportez tout doucement les menues injures, ces petites incommoditez, ces pertes de peu d'importance, qui vous sont journalieres: car par le moyen de ces petites occasions, employées avec amour, et dilection, vous gaignerez entierement son cœur, et le rendrez tout vostre.

  A003002202 

 Preparez vous doncques, Philothee, à souffrir beaucoup de grandes afflictions pour nostre Seigneur, et mesme à endurer le martyre: resolvez-vous de luy donner tout ce qui vous est de plus precieux, s'il luy plaisoit de le prendre; pere, mere, frere, mary, femme, enfans, vos yeux mesme et vostre vie, car à tout cela vous devez apprester vostre cœur.

  A003002203 

 Je n'estime pas moins, dis je, cette oraison, que les ravissemens et extases qu'elle eust, qui ne luy furent peut estre donnés que pour recompense de cette humilité et abjection.

  A003002204 

 Mettez la main à chose forte, vous exerçant à l'oraison et meditation, à l'usage des Sacremens, à donner de l'amour de Dieu aux ames, à respendre des bonnes inspirations dedans les cœurs: et en fin à faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vocation: mais n'obliés pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille: c'est à dire prattiqués ces petites et humbles vertus, lesquelles comme fleurs [139*] croissent au pied de la croix; le service des pauvres, la Visitation des malades, le soin de la famille, et toutes les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui provoque à ne point demeurer oisive, ny de cœur, ny de corps; et parmi toutes ces choses là entre-jettez des pareilles considerations que celles que je viens de dire de saincte Catherine..

  A003002205 

 Les grandes occasions de servir Dieu se presentent rarement, mais les petites sont ordinaires: or qui sera fidelle en peu de chose, dit le Sauveur mesme, on l'establira sur beaucoup.

  A003002209 

 Bref ces menues tentations de choleres, de soupçons, de jalousie, d'envie, d'amourettes, de folastrerie, de vanités, de duplicités, d'affaiterie, d'artifices, de cogitations deshonnestes, ce sont les continuels exercices de ceux mesmes qui sont plus devots et resolus.

  A003002213 

 Ainsi Dieu voulant faire en nous, par nous, et avec nous quelque action de grande charité, premierement il nous la propose par son inspiration, secondement nous l'agreons, troisiesmement nous y consentons; car comme pour descendre au [141*] peche il y a trois degrez, la tentation, la delectation, et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter à la vertu: l'inspiration, qui est contraire à la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire à la delectation de la tentation, et le consentement à l'inspiration, qui est contraire au consentement à la tentation..

  A003002214 

 Aussi le Gentil-homme qui auroit longuement servy une Damoiselle seroit bien fort desobligé, si apres cela elle ne vouloit nullement entendre au Mariage qu'il desire..

  A003002215 

 Le plaisir que l'on prend aux inspirations est un grand acheminement à la grace de Dieu, et desja on commence à plaire par iceluy à sa divine Majesté: car si bien cette delectation n'est pas encore un entier consentement, c'est une certaine disposition à iceluy; et si c'est un bon signe et chose fort utile de se plaire à oüir la parole de Dieu, qui est comme une inspiration exterieure, c'est chose bonne aussi et agreable à Dieu de se plaire en l'inspiration interieure.

  A003002216 

 Ce fut ce qui arriva à l'Espouse sacrée: car quoy que la douce voix de son bien-Aimé luy eust touché le cœur d'un sainct ayse, si est-ce neantmoins qu'elle ne luy ouvrit pas la porte, mais s'en excusa d'une excuse frivole: dequoy l'Espoux justement indigné il passa outre et la quitta: aussi le Gentilhomme qui apres avoir longuement recerché une Damoiselle, et luy avoir rendu son service agreable, en fin seroit rejette et mesprisé, auroit bien plus de sujet de mécontentement que si sa recerche n'avoit point esté agreée ny favorisée.

  A003002216 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux, car si estans inspirés et nous estant pleuz en l'inspiration nous refusons neantmoins par apres le consentement à Dieu, nous sommes extremement mescognoissans et offensons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003002216 

 Resolvez vous, Philothee, d'accepter de bon cœur toutes les inspirations qu'il plairra à Dieu de vous faire: et quand elles arriveront, recevez les comme les Ambassadeurs du Roy celeste, qui desire contracter mariage avec vous.

  A003002218 

 Le consentement estant donné, il faut avec un grand soin en procurer les effets, et venir à l'execution de l'inspiration, qui est le comble de la vraye vertu: car d'avoir le consentement dedans le cœur, sans venir à l'effet d'iceluy, ce seroit comme de planter une vigne sans vouloir qu'elle fructifiast..

  A003002223 

 Ainsi Satan, le monde, et la chair, voyant une ame espousée au Fils de Dieu luy envoye des tentations et suggestions, par lesquelles le peché luy est proposé, sur lesquelles elle se plait, ou elle se deplait: en fin elle [143*] consent, ou elle refuse; qui sont en somme les trois degrez pour descendre à l'iniquité, la tentation, la delectation, et le consentement.

  A003002225 

 Que doncques les ennemis de nostre salut nous presentent tant qu'ils voudront d'amorces et d'apasts: qu'ils demeurent tousjours à la porte de nostre cœur pour entrer: qu'ils nous facent tant de propositions qu'ils voudront; mais tandis que nous aurons resolution de ne point nous plaire en tout cela, il n'est pas possible que nous offensions Dieu, non plus que le Prince espoux de la Princesse que j'ay representé, ne luy peut sçavoir mauvais gré du message qui luy est envoyé, si elle n'y a prins aucune sorte de plaisir.

  A003002226 

 Mais quant à la delectation qui peut suyvre la tentation, pour autant que nous avons deux parties en nostre ame, l'une inferieure, et l'autre superieure, et que l'inferieure ne suit pas tousjours la superieure, ains fait son cas à part; il arrive maintefois que la partie inferieure se plait en la tentation, sans le consentement, ains contre le gré de la superieure: c'est la dispute et la guerre que l'Apostre S. Paul descrit quand il dit que sa chair convoite contre son esprit; qu'il y a une loy des membres, et une loy de l'esprit, et semblables choses..

  A003002227 

 Car la tentation jettant sa delectation en la partie inferieure, couvre ce semble toute l'ame de cendres, et reduit l'amour de Dieu au petit pied, car il ne paroit plus nulle part, sinon au milieu du cœur, au fin fond de l'esprit, encor semble il qu'il n'y soit pas, et on a peine de le treuver: il y est neantmoins en verité, puisque quoy que tout soit en trouble en nostre ame et en nostre corps, nous avons la resolution de ne point consentir au peché ny à la tentation, et que la delectation qui plait à nostre homme exterieur desplait à l'interieur: et quoy qu'elle soit tout autour de nostre volonté, si n'est elle pas dans icelle; en quoy l'on voit que telle delectation est involontaire, et estant telle elle ne peut estre peché.

  A003002227 

 Il y estoit neantmoins puis qu'on l'y treuve; et avec iceluy on peut rallumer tous les autres charbons desja esteints: c'en est de mesme de la charité, qui est nostre vie spirituelle, parmy les grandes et violentes tentations.

  A003002231 

 Le jeune homme duquel parle S. Hierosme, qui couché et attaché sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraits des impudiques femmes qui s'estoient couchées avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit il pas sentir d'estranges esmotions charnelles? ses sens ne devoient ils pas estre saisis de la delectation, et son imagination extremement occupée de ceste presence des objets voluptueux? sans doute; et neantmoins parmi tant de troubles, emmy un si terrible orage de tentations, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu, que sa volonté qui sent tout autour de soy tant de voluptez n'y consent toutefois nullement: puis que son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son corps à son commandement, sinon la langue, il se la coupa avec les dents, et la cracha sur le visage de ces vilaines ames qui tourmentoient la sienne plus cruellement par la volupté, que les borreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens..

  A003002232 

 Ce qui dura fort longuement, jusques à tant qu'un jour nostre Seigneur s'apparut à elle, et elle luy dit: Ou estiés vous, mon doux Seigneur, quand mon cœur estoit plain de tant de tenebres et tant d'ordures? A quoy il respondist: J'estois dedans ton [146*] cœur, ma fille.

  A003002232 

 Et comment, repliqua-elle, habitiés-vous dedans mon cœur dans lequel il y avoit tant de vilenies? habités vous donques en des lieux si deshonnestes? Et nostre Seigneur luy dit: Dy moy, ces tiennes salles cogitations de ton cœur te donnoient-elles plaisir ou tristesse, amertume ou delectation? Et elle dit: Extreme amertume et tristesse: et il luy repliqua: Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensées qui estoient au tour de ta volonté et ne pouvoient l'expugner, l'eussent sans doute surmontée et seroient entrées dedans, et eussent esté recettes avec plaisir par le libre arbitre, et ainsi eussent donné la mort à ton ame: mais parce que j'estois dedans, je mettois ce deplaisir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se reffusoit tant qu'il pouvoit à la tentation: et ne pouvant pas tant qu'il vouloit il en sentoit un plus grand deplaisir, et une plus grande hayne contre icelle et contre soy-mesme: et ainsi ces peines estoient un grand merite, et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force..

  A003002232 

 Il fit donc toutes sortes d'impudiques suggestions à son cœur: et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compagnons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalitez et lubricitez à sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroient bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure, qui ne fut agitée de ceste tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003002233 

 Mais c'est la fine fleur et la perfection de l'amour celeste que de faire souffrir et combattre pour luy, sans sçavoir si on l'a, et si il est en celuy qui combat pour et par luy..

  A003002233 

 Voyez vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entrée dedans le cœur, et avoit environné la volonté, laquelle seule asistée de son Sauveur resistoit par des amertumes, des desplaisirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au peché qui l'environnoit? O Dieu quelle detresse à une ame qui ayme Dieu de ne sçavoir seulement pas si il est en elle ou non, et si l'amour divin pour lequel elle combat est du tout esteint en elle, ou non.

  A003002237 

 Ma Philothee, ces grands assauts et ces tentations si puissantes, ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames, lesquelles il veut eslever à son pur et excellent amour: mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soient asseurées d'y parvenir: car il est [147*] arrivé maintefois que ceux qui avoient esté constans en des si violentes attaques, ne correspondant pas par apres fidellement à la faveur divine se sont treuvés vaincus en des biens petites tentations.

  A003002238 

 Quelles tentations donques qui vous arrivent et quelle delectation qui s'en ensuive, tandis que vostre volonté refusera son consentement, non seulement à la tentation, mais encor à la delectation, ne vous troublés nullement, Philothee, car Dieu n'en est point offencé.

  A003002242 

 La Princesse de laquelle nous avons parlé ne peut mais de la recherche deshonneste qui luy est faite, puis que, comme nous avons presuposé, elle luy arrive contre son gré.

  A003002242 

 Mais si au contraire elle avoit par quelques attraits, donné sujet à la recherche, ayant voulu donner de l'amour au Prince qui la recherche, indubitablement elle seroit coulpable de la recherche mesme: et quoy qu'elle en fit la delicate, elle ne laisseroit pas d'en meriter du blasme et de la punition.

  A003002242 

 Par exemple, je sçay que pendant que je me mets à joüer j'entre volontiers en rage et blaspheme, et que le jeu me sert de tentation à cela: je peche toutefois et quantes que je joueray, et suis coulpable de toutes les tentations qui m'arriveront au jeu.

  A003002243 

 C'est tousjours chose blasmable à la jeune Princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition salle et deshonneste qui luy est faicte, mais encore apres l'avoir ouïe elle prend plaisir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet object: car bien qu'elle ne vueille pas consentir à l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neantmoins à l'application spirituelle de son cœur, par [149*] le contentement qu'elle y prend: et c'est tousjours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur, ou le corps à chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement à l'application du cœur, que sans icelle l'application du corps ne peut estre peché..

  A003002243 

 Quand la delectation qui m'arrive de la tentation peut estre esvitée, c'est tousjours peché de la recevoir, selon que le plaisir que l'on y prend, et le consentement que l'on y donne est grand, ou petit, de longue ou de petite durée.

  A003002245 

 De mesme doncque si quelqu'un me propose quelque stratageme plein d'invention et d'artifice pour me venger de mon ennemy, et que je ne prenne pas plaisir, ny ne donne nul consentement à la vengeance qui m'est proposée, mais seulement à la subtilité de l'invention et de l'artifice, sans doute je ne peche point: bien qu'il ne soit pas expedient que je m'amuse beaucoup à ce plaisir, de peur que petit à petit il ne me porte à quelque delectation de la vengeance mesme..

  A003002245 

 Par exemple, si le galand qui luy veut donner de l'amour sonnoit exquisiment bien du luth, et qu'elle print plaisir, non pas à la recherche qui est faite de son amour, mais à l'harmonie et douceur du son du luth, il n'y auroit point de peché, bien qu'elle ne devroit pas continuer longuement en ce plaisir, de peur de faire passage d'iceluy à la delectation de la recherche.

  A003002245 

 Quand la delectation qui suyt la tentation a peu estre esvitee, et que neantmoins on ne l'a pas esvitée, il y a tousjours quelque sorte de peché selon que l'on y a peu ou prou arresté, et selon la cause du plaisir que nous y avons prins.

  A003002246 

 On est quelquefois surprins de quelque chatouillement de delectation qui suit immediatement la tentation devant que bonnement on s'en soit prins garde: et cela ne peut estre qu'un bien leger peché veniel, lequel se rend plus grand, si apres que l'on s'est aperceu du mal où l'on est, on demeure par negligence quelque temps à marchander avec la delectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser: et encore plus grand si en s'en appercevant on demeure en icelle quelque temps par vraye negligence, sans nulle sorte de propos de [150*] la rejetter: mais lors que volontairement et de propos deliberé nous sommes resolus de nous plaire en telles delectations, ce propos mesme deliberé est un grand peché, si l'object pour lequel nous avons delectation est notablement mauvais.

  A003002254 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de deployer son cœur et communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons à nostre directeur; car notez que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire, c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes [151*] et les filles, qui de prim'abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ny aux marys: ou au contraire Dieu en ses inspirations demande sur toutes choses que nous les fassions recognoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003002256 

 Et comme la chaste femme ne doit respondre un seul mot, ny regarder en face le vilain poursuivant, qui luy propose quelque deshonnesteté, mais le quittant tout court doit à mesme instant retourner son cœur du costé de son espoux, et rejurer la fidellité qu'elle luy a promise, sans s'amuser à barguiner; ainsi la devote ame se voyant assaillie de quelque tentation ne doit nullement s'amuser à disputer ny respondre, mais tout simplemennt se retourner du costé de Jesus Christ son Espoux, et luy protester de rechef de sa fidellité et de vouloir estre toute sienne..

  A003002260 

 Mais quant aux menues tentations de vanité, de soupçon, de chagrin, de jalousie, d'envie, d'amourettes, et semblables tricheries, qui comme mouches et moucherons viennent passer devant nos yeux, et tantost nous picquer sur la joüe, tantost sur le nez; parce qu'il est [152*] impossible d'estre tout à fait exempt de leur importunité, la meilleure resistence qu'on leur puisse faire c'est de ne s'en point tourmenter: car tout cela ne peut point nuire, quoy qu'il puisse faire de l'ennuy, pourveu que l'on soit bien resolu de vouloir servir Dieu..

  A003002262 

 Tout cecy s'entend des menues et frequentes tentations, avec lesquelles qui voudroit s'amuser par le menu, il se morfondroit et ne feroit rien.

  A003002266 

 Considerez de temps en temps quelles passions dominent le plus en vostre ame: et les ayant decouvertes prenez une façon de vivre qui leur soit toute contraire, en pensées, en parolles, et en œuvres.

  A003002266 

 Si vous estes inclinée à l'avarice, pensez souvent à la folie de ce peché, qui nous rend esclaves de ce qui n'est crée que pour nous servir: qu'à la mort aussi bien faudra il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera, ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensées: parlez fort contre l'avarice, et louez fort le mespris du monde: violentez vous à faire souvent des aumosnes et des charitez, et à laisser escouler quelques occasions d'assembler..

  A003002267 

 Si vous estes subjette à vouloir donner ou recevoir de l'amour, pensez souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres: combien c'est une chose indigne de prophaner et employer à passetemps la plus noble affection qui soit [154*] en nostre ame, combien cela est subjet au blasme d'une extreme legereté d'esprit: parlez souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi, le plus qu'il vous sera possible, des actions conformes à cela, evitant toutes affaiteries, et mugueteries..

  A003002273 

 Ne vous laissés nullement persuader de recevoir aucune sorte de cholere et d'ire chés vous, ny pour un sujet ny pour un autre: car pour petite qu'elle soit, depuis qu'une fois elle est entrée dedans le cœur, il est malaysé de l'en sortir, et d'empescher qu'elle ne tyrannise nostre ame: aussi n'est elle utile à chose du monde, puisque, comme dit l'Apostre S. Jaques, l'ire de l'homme n'opere point la [155*] justice de Dieu, et jamais à l'adventure ne s'est il treuvé homme sage qui ne se soit repenty de s'estre mis en cholere..

  A003002275 

 L'Espouse au Cantique des Cantiques n'a pas seulement le miel en ses levres, et au bout de sa langue, mais elle l'a encor dessous la langue, c'est à dire dans la poitrine: et n'y a pas seulement du miel, mais encor du laict: aussi ne faut il pas seulement avoir la parolle douce à l'endroit du prochain, mais aussi toute la poitrine, c'est à dire tout l'interieur de nostre ame; et ne faut pas seulement avoir la douceur du miel, qui est aromathique et odorant, c'est à dire la suavité de la conversation civile avec les estrangers, mais aussi la douceur du laict entre les domestiques et proches voisins: en quoy manquent grandement ceux qui en ruë semblent des Anges, et en la maison des diables..

  A003002279 

 Au contraire celluy qui hayt la medisance se tourmentera d'avoir fait une legere murmuration, et ne tiendra nul compte d'une grosse faute commise contre la chasteté, ainsi des autres: ce qui n'arrive pour autre chose, sinon qu'ils ne font pas le jugement de leur conscience par raison, mais par passion..

  A003002279 

 Il faut donques avoir un deplaisir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car tout [156*] ainsi qu'un Juge chastie bien mieux les meschans faisant ses sentences par raison, et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion: d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsi nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentences tranquilles et constantes, que non pas par des repentences aigres, empressées et choleres, d'autant que ces repentances faites avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003002279 

 L'une des bonnes prattiques que nous sçaurions faire de la douceur, c'est celle de laquelle le sujet est en nous-mesme, ne despitant jamais contre nous mesme, ny contre nos imperfections: car encore que la raison veut que quand nous faisons des fautes, nous en soyons desplaisans et marris; si faut il neantmoins que nous nous empeschions d'en avoir une deplaisance aigre et chagrine, depiteuse et cholere: en quoy font une grande faute plusieurs qui s'estans mis en cholere se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre dépités: car par ce moyen ils tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere; et si bien il semble que la seconde cholere ruyne la premiere, si est ce neantmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere à la premiere occasion qui s'en presentera.

  A003002279 

 Outre ce que ces choleres, despits et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent à la superbe et orgueil, et n'ont origine que de l'amour propre qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaits.

  A003002279 

 Par exemple, celluy qui affectionne la chasteté se despitera avec une amertume non-pareille de la moindre faute qu'il commettra contre icelle, et ne se fera que rire d'une grosse medisance qu'il aura commise.

  A003002288 

 Il y en a qui ne veulent souffrir sinon les tribulations qui sont honnorables; comme par exemple d'estre blessez à la guerre, d'estre prisonnier de guerre, d'estre mal traicté pour la Religion, de s'estre appauvry par quelque querelle, en laquelle ils soyent demeurez maistres: et ceux cy n'ayment pas la tribulation, mais l'honneur qu'elle apporte.

  A003002288 

 Le vray patient et serviteur de Dieu supporte esgallement les tribulations conjointes à l'ignominie, et celles qui sont honnorables: d'estre mesprisé, reprins, et accusé par les meschans, ce n'est que douceur [158*] à un homme de courage: mais d'estre reprins, accusé et mal traitté par les gens de bien, par les amis, par les parens, c'est là où il y va du bon.

  A003002289 

 Il y en a d'autres qui veulent bien avoir quelque incommodité du mal ce leur semble, mais non pas toutes: ils ne s'impatientent pas, disent ils, d'estre malades, mais de ce qu'ils n'ont pas de l'argent pour se faire penser, ou bien de ce que ceux qui sont autour d'eux en sont importunez.

  A003002289 

 Soyez patiente, Philothee, non seulement pour le gros et principal des afflictions qui vous surviendront, mais encore pour les accessoires et accidens qui en dependront.

  A003002290 

 Quand il vous arrivera du mal, opposez à iceluy les remedes qui seront possibles, et selon Dieu, car de faire autrement ce seroit tenter sa divine Majesté: mais aussi cela estant fait, attendez avec une entiere resignation l'effet que Dieu agréera: s'il luy plaist que les remedes vaincquent le mal, vous le remercierez avec humilité: mais s'il luy plaist que le mal surmonte les remedes, benissez le avec patience.

  A003002291 

 Je suis de l'advis de S. Gregoire: Quand vous serez accusée justement, pour quelque faute que vous aurez commise, humiliez vous bien fort: confessez que vous meritez plus que l'accusation qui est faite contre vous.

  A003002292 

 Plaignez vous le moins que vous pourrez des torts qui vous seront faits: car c'est chose certaine, que pour l'ordinaire qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tousjours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faictes point vos plaintes à des personnes aysées à s'indigner et mal penser.

  A003002292 

 Que s'il est expedient de vous plaindre à quelqu'un, ou pour remedier à l'offence, ou pour acoiser vostre esprit; il faut que ce soit à des ames tranquilles, et qui aiment bien Dieu: car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueront à plus grandes inquietudes: en lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheroient plus avant en vostre pied..

  A003002293 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas) resouvenez vous de la parole de nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant nay elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est nay au monde; car vous avez conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressentiez du travail; mais ayez bon courage, car ces douleurs passées la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003002294 

 Et comme le miel qui est fait des fleurs de thim, herbe petite et amere, est le meilleur de tous, ainsi la vertu qui s'exerce en l'amertume des plus viles, basses et abjectes tribulations est la plus excellente de toutes..

  A003002301 

 Celuy qui se haste, dit Salomon, court fortune de chopper et heurter des pieds.

  A003002301 

 Les fleuves qui vont doucement coulant en la plaine, portent les grands batteaux et riches marchandises, et les pluyes qui tombent doucement en la campagne la fecondent d'herbes et de graines; mais les torrens et rivieres qui à grands flots courent sur la terre, ruinent le voisinage, et sont inutiles au trafic, comme les pluyes vehementes et tempestueuses ravagent les champs et les prairies: jamais besongne faicte avec impetuosité et empressement ne fut bien faite.

  A003002301 

 Nous faisons tousjours assez tost quand nous faisons bien: les bourdons font bien plus de bruit, et sont bien plus empressez que les abeilles, mais ils ne font sinon la cire et non point le miel: ainsi ceux qui s'empressent d'un soucy cuisant et d'une sollicitude bruyante ne font jamais ny beaucoup ny bien..

  A003002302 

 Recevez doncque les affaires qui vous arriveront en paix, et taschez de les faire par ordre, et l'une apres l'autre: car si vous voulez les faire tout à coup ou en desordre, vous ferez des efforts qui vous fouleront et alanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés acablée soubs la presse, et sans effet.

  A003002303 

 En toutes vos affaires appuyez vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos desseins doivent reussir: travaillés neantmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle: et puis croyes que si vous vous estes bien confiée en Dieu, le succes qui vous arrivera de vos desseins sera tousjours le plus profitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais, selon vostre jugement particulier..

  A003002304 

 Faittes comme les petits enfans, qui de l'une des mains se tiennent à leur pere, et de l'autre cueillent des fraises ou des meures le long des hayes: car de mesme amassant et maniant les biens de ce monde de l'une de vos mains tenes tousjours de l'autre la main du Pere celeste, vous retournant de temps en temps à luy, pour voir s'il a agreable vostre mesnage ou vos occupations.

  A003002304 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous serés parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si presente, vous regardiez plus Dieu que les affaires: et quand les affaires sont de si grande importance qu'elles requierent toute vostre attention pour les bien faire, de temps en temps, vous regarderez à Dieu, comme font ceux qui navigent en mer, lesquels pour aller à la terre qu'ils desirent, regardent plus en haut au Ciel que non pas en bas, où ils voguent: ainsi Dieu travaillera avec vous, en vous, et pour vous, et vostre travail sera suivy de consolations.

  A003002309 

 Ainsi celuy qui a un vray soin de son cher cœur, doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus: et outre cela il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est à dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defauts qui y peuvent estre.

  A003002309 

 Il n'y a point d'horloge pour bonne qu'elle soit qu'il ne faille remonter ou bander deux fois le jour, au matin et au soir: et puis outre cela, il faut qu'au moins une fois l'annee on la demonte de toutes pieces pour oster les rouïllures qu'elle aura contractées, redresser les pieces forcées, et reparer celles qui sont usées.

  A003002309 

 Nostre nature humaine decheoit aysement de ses bonnes affections, à cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous jours contre bas, si elle ne s'esleve souvent en haut à vive force de resolutions; ainsi que les oyseaux retumbent souvent en terre, s'ils ne multiplient les eslancemans et traits d'aisle, pour se maintenir au vol. Pour cela, ma Philothee, vous avés besoin de reïterer et repeter fort souvent les bons propos que vous avés fait de servir Dieu, de peur que ne le [165*] faisant pas vous ne retumbiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire: car les cheutes spirituelles ont cela de propre qu'elles nous precipitent tousjours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut à la devotion.

  A003002310 

 Les anciens Chrestiens le prattiquoyent soigneusement au jour anniversaire de leur Baptesme: auquel, comme dit saint Gregoire Evesque de Nazianze, ils renouvelloient la profession et les protestes qui se font en ce Sacrement.

  A003002315 

 Le second c'est d'avoir dedié et consacré vostre ame, vostre cœur, vostre corps, avec tout ce qui en depend à l'amour et service de Dieu.

  A003002316 

 Considerez à qui vous avez faicte ceste protestation, car c'est à Dieu.

  A003002316 

 Si les parolles raisonnables données aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons données à Dieu? Ah Seigneur, disoit David, c'est à vous à qui mon cœur l'a dict: mon cœur a projetté ceste bonne parolle: non, jamais je ne l'oubliray..

  A003002317 

 Considerez en presence de qui: car ç'a esté à la veuë de toute la cour celeste.

  A003002317 

 Helas la saincte Vierge, vostre bon Ange, S. Louys, toute ceste beniste troupe vous regardoit, et souspiroit sur vos parolles des souspirs de joye et d'approbation; et voyoit des yeux d'un amour indicible vostre cœur prosterné au pied du Sauveur qui se consacroit au service de sa divine bonté: on fit une joye particuliere pour cela parmi la Hierusalem celeste, et maintenant on en fera la commemoration, si de bon cœur vous renouveliez vos resolutions..

  A003002320 

 Ne prenez vous point à bon-heur de sçavoir parler à Dieu par l'oraison? d'avoir affection à le vouloir aimer? d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoient? d'avoir esvité plusieurs pechez et embarrassemens de conscience? et en fin d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussiez pas fait, vous unissant à ceste souveraine source des graces eternelles? ah que ces graces sont grandes; il faut, ma fille, les peser au poids du Sanctuaire: c'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003002325 

 Il n'est pas requis ny expedient que vous faciez à genoux sinon le commencement et la fin qui comprend les affections.

  A003002325 

 Le second poinct de l'exercice est un peu long, et pour le pratiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le faciez tout d'une traitte, mais à plusieurs fois: comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003002331 

 Invoquez le S. Esprit, luy demandant lumiere et clarté, afin que vous vous puissiez bien cognoistre, avec S. Augustin, qui s'escrioit devant Dieu en esprit d'humilité: O Seigneur, que je vous cognoisse, et que je me cognoisse, et S. François qui interrogeoit Dieu, disant: Qui estes vous, et qui suis je?.

  A003002341 

 Quel est vostre cœur contre le peché mortel? avez vous une resolution forte de ne le jamais commettre pour quelque chose qui [170*] puisse arriver, et ceste resolution a elle duré de vostre protestation jusques à present?.

  A003002342 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des commandemens de Dieu? les trouvés vous bons, doux, agreables? ah ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il aime les bonnes viandes, et rejette les mauvaises..

  A003002343 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des pechez veniels? on ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy, par là, mais y en a-il point auquel vous ayez une speciale inclination? et ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayez affection et amour?.

  A003002344 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des exercices spirituels? les aymez-vous? les estimez-vous? vous faschent ils point? en estes vous point degoustée? auquel vous sentez vous moins inclinée? auquel vous sentez vous plus inclinée? ouïr la parole de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituels, s'apprester à la Communion, se communier, restraindre ses affections, qu'y a-il en cela qui repugne à vostre cœur? et si vous treuvez quelque chose à quoy ce cœur aye moins d'inclination, examinez d'où vient ce degoust, qu'est ce qui en est la cause?.

  A003002346 

 Il en prend de mesme des ames qui aiment bien Dieu; quoy qu'elles soient embarrassees, quand le souvenir de Dieu s'approche d'elles, elles perdent presque contenance à tout le reste, pour l'ayse qu'elles ont de voir ce cher souvenir revenu, et c'est un extreme bon signe..

  A003002355 

 Tenez vous bon ordre en l'amour de vous mesme? car il n'y a que l'amour desordonné de nous mesme, qui nous ruine.

  A003002364 

 Mais pour parler en general, quel est vostre cœur à l'endroit du prochain? l'aymés vous bien cordiallement, et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades: car c'est là où on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effet, ou par parolles.

  A003002365 

 Estes vous point prompte à parler du prochain en mauvaise part? sur tout de ceux qui ne vous ayment pas? faites vous point de mal au prochain, ou directement, ou indirectement? pour peu que vous soyés raisonnable vous vous en apercevrés aysement..

  A003002369 

 J'ay estendu ainsi au long ces poincts, en l'examen desquels gist la connoissence de l'avancement spirituel qu'on a fait: car quant à l'examen des péchés, cela est pour les confessions de ceux qui ne pensent point à s'avancer.

  A003002373 

 En nostre hayne, envers le peché qui se treuve en nous, envers le peché qui se treuve és autres: car nous devons desirer l'exterminement de l'un et de l'autre..

  A003002380 

 Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: comme un joueur de luth connoist estat de son luth, pinçant toutes les cordes; et celles qu'il treuve dissonnantes il les acorde, ou les tirant, ou les lachant; ainsi apres avoir tasté l'amour, la hayne, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons malaccordantes à l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace, et le conseil de nostre Pere spirituel.

  A003002384 

 Remerciés Dieu de ce peu d'amendement que vous aurés treuvé en vostre vie dés vostre resolution, et reconnoistrés que ç'a esté sa misericorde seule qui l'a fait en vous, et pour vous..

  A003002396 

 Considerez la noblesse et excellence de vostre ame, qui a un entendement lequel cognoist non seulement tout ce monde visible, mais cognoist encor qu'il y a des Anges et un Paradis, cognoist qu'il y a un Dieu tres-souverain, tres-bon, et ineffable: cognoist qu'il y a [175*] une eternité; et de plus cognoist ce qui est propre pour bien vivre en ce monde visible, pour s'associer aux Anges en Paradis, et pour jouir de Dieu eternellement..

  A003002397 

 Repensés hardiment aux plus chers et violens amusemens, qui ont occupé autrefois vostre cœur; et jugez en verité s'ils n'estoient pas pleins d'inquietude moleste, et de pensees cuisantes, et de soucys importuns, emmy lesquels vostre pauvre cœur estoit miserable..

  A003002397 

 Vostre ame a de plus une volonté toute noble, laquelle peut aymer Dieu, et ne le peut hayr en soy-mesme: voyez vostre cœur comme il est genereux; et que comme rien ne peut arrester les abeilles de tout ce qui est corrompu, mais elles s'arrestent seulement sur les fleurs; ainsi vostre cœur ne peut estre en repos qu'en Dieu seul, et nulle creature ne le peut assouvir.

  A003002403 

 Considerez que les vertus et la devotion peuvent seules rendre vostre ame contente en ce monde: voyez combien tout cela est beau: mettez en comparaison les vertus et les vices qui leur sont contraires.

  A003002404 

 Des vices qui n'en a qu'un peu n'est pas contant, et qui en a beaucoup est mescontant: mais des vertus qui n'en a qu'un peu, encor a-il desja du contentement, et puis tousjours plus en avançant.

  A003002404 

 O vie devote que vous estes belle, douce, agreable, et souëfve! vous adoucissez les tribulations et rendez souëfves les consolations: sans vous le bien est mal, et les plaisirs pleins d'inquietudes, troubles et defaillances: ah qui vous cognoistroit pourroit bien dire avec la Samaritaine, Domine da mihi hanc aquam; Seigneur donnez moy cette eau; aspiration fort frequente à la M. Therese, et à saincte Catherine de Genes..

  A003002408 

 Considerez l'exemple des Saincts de toutes sortes; qu'est-ce qu'ils n'ont pas fait pour aymer Dieu et estre ses devots? Voyez ces Martyrs invincibles en leurs resolutions; quels tourmens n'ont ils pas soufferts pour la maintenir? mais sur tout ces belles et florissantes dames, plus blanches que le lys en pureté, plus vermeilles que la rose en charité; les unes à douze, les autres à treize, quinze, vingt, et vingt et cinq ans, ont souffert mille sortes de martyres, plustost que de renoncer à leur resolution, non seulement en ce qui estoit de la protestation de la foy, mais en ce qui estoit de la protestation de la devotion: les unes mourant plustost que de quitter la virginité, les autres plustost que de cesser de servir les affligez, et consoler les tourmentez, et ensevelir les trespassez.

  A003002413 

 Cet amour vous regardoit, et par toutes ces peines et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire, pour maintenir, nourrir, fortifier, et consommer ces resolutions.

  A003002415 

 Ah mon Dieu, que nous devrions profondement mettre cecy en nostre memoire! Est il possible que j'aye esté aymé et si doucement aymé de mon Sauveur, qu'il allast penser en moy, en mon particulier, en toutes ces petites occurrences, par lesquelles il m'a tiré à luy: et combien doncques devons nous aymer, cherir, et bien employer tout cela à nostre utilité? Cecy est bien doux; ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eut point eu d'autre ame au monde en qui il eut pensé; ainsi que le Soleil esclairant un endroit de la terre, ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairast point ailleurs, et qu'il esclairast cela seul.

  A003002415 

 Cecy, ma fille, doit estre gravé en nostre ame, pour bien cherir et nourrir une resolution, qui a esté si pretieuse au cœur du Sauveur..

  A003002425 

 Helas combien y a-il d'ames qui n'ont point esté favorisées de ceste façon; et comme doncques pourrois je jamais assez m'humilier sous vostre misericorde?.

  A003002426 

 Vivez doncques à jamais, ô resolutions, qui estes eternelles en la misericorde de mon Dieu: soyez et vivez eternellement en moy, que jamais je ne vous abandonne..

  A003002427 

 La frequence de l'oraison, des Sacremens, des bonnes œuvres, l'amendement de vos fautes reconnues en la deuziesme partie, le retranchement des mauvaises occasions, la suitte des advis qui vous seront donnés pour ce regard..

  A003002434 

 Non nous ne serons plus nous mesme: car nous aurons le cœur changé: et le monde qui nous a tant trompez, sera trompé en nous: car ne s'appercevant pas de nostre changement que petit à petit, il pensera que nous soyons tousjours des Esaü, et nous nous treuverons des Jacob..

  A003002439 

 Le monde vous dira, ma Philothee, que ces exercices et ces advis sont en si grand nombre, que qui voudra les observer il ne faudra pas qu'il vacque à autre chose.

  A003002439 

 S. Louys, Roy admirable, et pour la guerre et pour la paix, et qui avec un soin nompareil administrait justice, et manioit les affaires, ouyoit tous les jours deux Messes, disoit Vespre et Complie avec son Chapelein: faisoit la méditation, visitoit les hospitaux, tous les vendredys se confessoit, et prenoit la discipline: ouyoit tres souvent les predications, faisoit fort souvent des conferences spirituelles: et avec tout cela ne perdoit pas une seule occasion du bien publiq exterieur, qu'il ne fist et n'executast diligemment.

  A003002440 

 Et s'il s'en treuve qui n'ayt pas ce don en aucune sorte de degré (ce que je ne pense pas pouvoir arriver que fort rarement) le sage Pere spirituel luy fera aysement suppleer le defaut par l'attention qu'il luy enseignera d'avoir ou à lire ou à ouïr lire les mesmes considerations qui sont mises és meditations..

  A003002444 

 Refaittes tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation: et à tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oubliray vos justifications, ô mon Dieu, car en icelles vous m'avés vivifiée; et quand vous sentirez quelque detraquement en vostre ame, prenés vostre protestation en main, et prosternée en esprit d'humilité proferés la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003002445 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre; et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent à l'amour de Dieu; advoüés hardiment, que vous vous essaïés de mediter, que vous aymeriés mieux mourir que de pecher mortellement, que vous voulés frequenter les Sacremens, et suyvre les conseils de vostre Directeur (bien que souvent il ne soit pas necessaire de le nommer, pour plusieurs raisons) car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu, et qu'on s'est consacré à son amour, [183*] d'une specialle affection, est fort aggreable à sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ayt honte de luy ny de sa Croix: et puis elle coupe chemin à beaucoup de semonces, que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation à la poursuitte.


04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A004000022 

 Chapitre VIII. Quelle est la convenance qui excite l'amour 23.

  A004000029 

 Chapitre XV. De la convenance qui est entre Dieu et l'homme.

  A004000035 

 Chapitre II. Qu'en Dieu il n'y a qu'un seul acte qui est sa propre Divinité.

  A004000047 

 Chapitre XIV. Du sentiment de l'amour divin qui se reçoit par la foy.

  A004000081 

 Chapitre IX. D'un certain reste d'amour lequel demeure maintefois en l'ame qui a perdu la sainte charité 102.

  A004000084 

 Des deux principaux exercices de l'amour sacré qui se font par complaysance et bienveuillance 106.

  A004000098 

 Description de la theologie mystique qui n'est autre chose que l'orayson.

  A004000103 

 Chapitre VI. Que la contemplation se fait sans peyne qui est la troisiesme difference entre icelle et la meditation 132.

  A004000117 

 O Jesus mon Sauveur, a qui puis-je mieux dedier les paroles de vostre amour qu'au cœur tres aymable de la Bienaymee de vostre ame?.

  A004000118 

 Mais, o Mere toute triomphante, qui peut jetter ses yeux sur vostre majesté sans voir a vostre dextre celuy que vostre Filz voulut si souvent, pour l'amour de vous, honnorer du tiltre de Pere, le vous ayant uni par le lien celeste d'un mariage tout virginal, a ce qu'il fust vostre secours et coadjuteur en la charge de la conduite et education de sa divine enfance? O grand saint Joseph, Espoux tres aymé de la Mere du Bienaymé, hé, combien de fois aves vous porté l'Amour du Ciel et de la terre entre vos bras, tandis que, embrasé des doux embrassemens et baysers de ce divin Enfant, vostre ame fondoit [1] d'ayse Ihors qu'il prononçoit tendrement a vos oreilles (o Dieu, quelle suavité!) que vous esties son grand ami et son cher Pere bienaymé!.

  A004000119 

 Hé, je vous conjure par ce cœur de vostre doux Jesus qui est le Roy des cœurs, que les vostres adorent, animés mon ame et celles de tous ceux qui liront cet escrit, de vostre toute puissante faveur envers le Saint Esprit, affin que nous immolions meshuy en holocauste toutes nos affections a sa divine Bonté, pour vivre, mourir et revivre a jamais, emmi les flammes de ce celeste feu que Nostre Seigneur vostre Filz a tant desiré d'allumer en nos cœurs, que pour cela il ne cessa de travailler et souspirer jusques a la mort et la mort de la croix.

  A004000119 

 O Mere bienaymee du Bienaymé? o Espoux bienaymé de la Bienaymee! prosterné sur ma face devant vos pieds, qui porterent mon Sauveur, je voile, dedie et consacre ce petit ouvrage d'amour a l'immense grandeur de vostre dilection.

  A004000127 

 Le Saint Esprit enseigne que les levres de la divine Espouse, c'est a dire de l'Eglise, ressemblent a l'escarlatte et au bornal qui distille le miel, affin que chacun sache que toute la doctrine qu'elle annonce consiste en la sacree dilection, plus esclattante en vermeil que l'escarlatte, a cause du sang de l'Espoux qui l'enflamme, plus douce que le miel, a cause de la suavité du Bienaymé qui la comble de delices.

  A004000135 

 Certes, l'Eglise est paree d'une varieté excellente d'enseignemens, sermons, traittés et livres pieux, tous grandement beaux et aymables a la veüe, a cause du meslange admirable que le Soleil de justice fait des rayons de sa divine sagesse avec les langues des Pasteurs, qui sont leurs plumes, et avec leurs plumes qui tiennent aussi quelquefois lieu de langues et font le riche pennage de cette colombe mystique.

  A004000135 

 Mays parmi toute la diversité des couleurs de la doctrine qu'elle publie, on descouvre par tout le bel or de la sainte dilection, qui se fait excellemment entrevoir, dorant de son lustre incomparable toute la science des Saintz et la rehaussant au dessus de toute science.

  A004000136 

 Mays comme nous sçavons bien que toute la clarté du jour provient du soleil, et disons neanmoins pour l'ordinaire que le soleil n'esclaire pas sinon quand a descouvert il darde ses rayons en quelque endroit, de mesme, bien que toute la doctrine chrestienne soit de l'amour sacré, si est ce que nous n'honnorons pas indistinctement toute la theologie du tiltre de ce divin [4] amour, ains seulement les parties d'icelle qui contemplent l'origine, la nature, les proprietés et les operations d'iceluy en particulier..

  A004000137 

 O qu'il fait bon ouir parler des choses du Ciel, saint Paul qui les avoit apprises au Ciel mesme! et qu'il fait bon voir ces ames nourries dans le sein de la dilection, escrire de sa sainte suavité! Pour cela mesme entre les Scholastiques, ceux qui en ont le mieux et le plus discouru ont pareillement excellé en pieté.

  A004000137 

 Or, c'est la verité que plusieurs escrivains ont admirablement traitté ce sujet, sur tout ces anciens Peres, qui, servans tres amoureusement Dieu, parloyent aussi divinement de son amour.

  A004000137 

 Saint Thomas en a fait un traitté digne de saint Thomas; saint Bonaventure et le bienheureux Denis le Chartreux en ont fait plusieurs tres excellens sous divers tiltres; et quant a Jean de Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, Sixte le Sienois en parle ainsy: «Il a si dignement discouru des cinquante proprietés du divin amour qui sont ça et la deduites au Cantique des Cantiques, qu'il semble que luy seul ayt tenu le conte des affections de l'amour de Dieu.» Certes, cet homme fut extremement docte, judicieux et devot..

  A004000138 

 Qui a jamais mieux exprimé les celestes passions de l'amour sacré que sainte Catherine de Gennes, sainte Angele de Foligni, sainte Catherine de Sienne, sainte Matilde?.

  A004000139 

 Ce grand et celebre cardinal Belarmin a aussi depuis peu fait voir un petit livret intitulé l'Escalier four monter a Dieu par les creatures, qui ne peut estre qu'admirable, partant de cette tres sçavante main et tres devote ame, qui a tant escrit, et si doctement, pour le bien de l'Eglise..

  A004000139 

 Le Pere Jean de Jesus Maria, de l'Ordre des Carmes deschaussés, a composé un livret qui porte de mesme le nom de l'Art d'aymer Dieu, lequel est fort estimé.

  A004000140 

 Je ne veux rien dire du Parenetique de ce fleuve d'eloquence qui flotte meshuy parmi toute la France par la multitude et varieté de ses sermons et beaux escritz; l'estroitte consanguinité spirituelle que mon ame a contractee avec la, sienne, lors que par l'imposition [6] de mes mains il receut le caractere sacré de l'ordre episcopal, pour le bonheur du diocese de Belley et l'honneur de l'Eglise, outre mille nœuds d'une sincere amitié qui nous lient ensemble, ne permettent pas que je puisse parler avec credit de ses ouvrages, entre lesquelz ce Parenetique de l'Amour divin fut une des premieres saillies de la non pareille affluence d'esprit que chacun admire en luy.

  A004000140 

 Mays en fin, la bienheureuse Therese de Jesus a si bien escrit des mouvemens sacrés de la dilection, en tous les livres qu'elle a laissés, qu'on est ravi de voir tant d'eloquence en une si grande humilité, tant de fermeté d'esprit en une si grande simplicité; et sa tres sçavante ignorance fait paroistre tres ignorante la science de plusieurs gens de lettres, qui, apres un grand tracas d'estude, se voyent honteux de n'entendre pas ce qu'elle escrit si heureusement de la prattique du saint amour.

  A004000141 

 Or, quoy que ce Traitté que je te presente, mon cher Lecteur, suive de bien loin tous ces excellens livres, sans espoir de les pouvoir aconsuivre, si est ce que j'espere tant en la faveur des deux amans celestes auxquelz je le dedie, qu'encor te pourra-il rendre quelque sorte de service, et que tu y rencontreras beaucoup [7] de bonnes considerations qu'il ne te seroit pas si aysé de treuver ailleurs, comme reciproquement tu treuveras ailleurs plusieurs belles choses qui ne sont pas icy.

  A004000142 

 La nature mesme, qui est une si sage ouvriere, projettant la production des raysins, produit quant et quant, comme par une prudente inadvertence, tant de feuilles et de pampres, qu'il y a peu de vignes qui n'ayent besoin en leur sayson d'estre esfeuillees et esbourgeonnees..

  A004000142 

 Que si outre cela tu treuves quelque autre chose, ce sont des surcroissances qu'il n'est presque pas possible d'eviter a celuy qui, comme moy, escrit entre plusieurs distractions: mais je croy bien pourtant que rien ne sera sans quelque sorte d'utilité.

  A004000143 

 La douceur des lecteurs rend douce et utile la lecture; et pour t'avoir plus favorable, mon cher Lecteur, je te veux icy rendre rayson de quelques pointz qui autrement, a l'aventure, te mettroyent en mauvaise humeur..

  A004000144 

 Cependant, plusieurs peut estre aussi eussent treuvé mauvais de ne voir pas icy toute la suite de ce qui appartient au traitté du celeste amour.

  A004000144 

 Les quattre premiers Livres, et quelques chapitres des autres, pouvoyent sans doute estre obmis au gré des ames qui ne cherchent que la seule prattique de la sainte dilection, mays tout cela neanmoins leur sera bien utile, si elles le regardent devotement.

  A004000145 

 Je cite aucunefois l'Escriture Sainte en autres termes que ceux qui sont portés par l'edition ordinaire: o vray Dieu, mon cher Lecteur, ne me fay pas pour cela ce tort de croire que je veuille me departir de cette edition-la; ah non, car je sçai que le Saint Esprit l'a authorisee par le sacré Concile de Trente, et que partant nous nous y devons tous arrester; ains au contraire, je n'employe les autres versions que pour le service de celle ci, quand elles expliquent et confirment son vray sens.

  A004000146 

 J'ay souvent cité le sacré Psalmiste en vers, et ç'a esté pour recreer ton esprit et selon la facilité que j'en ay eu par la belle traduction de Philippe des Portes, abbé de Tiron, de laquelle neanmoins je me suis quelquefois departi: non certes cuydant de pouvoir faire mieux les vers que ce fameux poete, car je serois un grand impertinent si n'ayant jamais seulement pensé a cette sorte d'escrire, je pretendois d'y reuscir en un aage et en une condition de vie qui m'obligeroit de m'en retirer si jamais j'y avois esté engagé; mays en quelques endroitz ou il y pouvoit avoir plusieurs intelligences, je n'ay pas suivi ses vers parce que je ne voulois pas suivre son sens; comme au Psalme CXXXII, il a entendu un mot latin qui y est, des franges de la robbe, que j'ay estimé devoir estre pris pour le collet: c'est pourquoy j'ay fait la traduction a mon gré..

  A004000147 

 Et pour t'oster un soupçon qui te pourroit venir en l'esprit contre ma sincerité pour ce regard, je t'advertis que le chapitre XIII du septiesme Livre est extrait d'un sermon que fis a Paris, a Saint Jean en Greve, le jour de l'Assumption de Nostre Dame, l'an 1602..

  A004000147 

 Je ne dis rien que je n'aye appris des autres: or, il [10] me seroit impossible de me resouvenir de qui j'ay receu chasque chose en particulier, mays je t'asseure bien que si j'avois tiré de quelque autheur des grandes pieces dignes de quelque remarque, je ferois conscience de ne luy en rendre pas la louange qu'il en meriteroit.

  A004000148 

 Car tout ainsy, dit-il, que les voyagers, sachans qu'il y a quelque beau jardin a vingt ou vingt cinq pas de leur chemin, se destournent aysement de si peu pour l'aller voir, ce qu'ilz ne feroyent pas s'ilz sçavoyent qu'il fust plus esloigné de leur route, de mesme ceux qui sçavent que la fin d'un chapitre n'est guere esloignee du commencement, ilz entreprennent volontier de le lire, ce qu'ilz ne feroyent pas, pour aggreable qu'en fust le sujet, s'il failloit beaucoup de tems pour en achever la lecture.

  A004000148 

 J'ay donq eu rayson de suivre en cela mon inclination, puisqu'elle fut aggreable a ce grand personnage, qui a esté l'un des plus saintz prelatz et des plus sçavans docteurs que l'Eglise ayt eu de nostre aage, et lequel, lhors qu'il m'honnora de sa lettre, estoit le plus ancien de tous les docteurs de la faculté de Paris..

  A004000149 

 J'admiray qu'il se treuvast des hommes qui, pour vouloir paroistre hommes, se monstrassent en effect si peu hommes; car je te laisse a penser, mon cher Lecteur, si la devotion n'est pas egalement pour les hommes comme pour les femmes, et s'il ne faut pas lire avec pareille attention et reverence la seconde Epistre de saint Jean, addressee a la sainte dame Electa, comme la troysiesme qu'il destine a Caïus, et si mille et mille lettres ou excellens traittés des anciens Peres de l'Eglise doivent estre tenus pour inutiles aux hommes, d'autant qu'ilz sont addressés a des saintes femmes de ce tems-la.

  A004000149 

 Mays outre cela, c'est l'ame qui aspire a la devotion que j'appelle Philothee, et les hommes ont une ame aussi bien que les femmes.

  A004000150 

 Toutefois, pour imiter en cette occasion le grand Apostre qui s'estimoit redevable a tous, j'ay changé d'addresse en ce Traitté, et parle a Theotime: que si d'aventure il se treuvoit des femmes (or cette impertinence seroit plus supportable en elles) qui ne voulussent pas lire les enseignemens qu'on fait a un homme, je les prie de croire que le Theotime auquel je parle est l'esprit humain, qui desire faire progres en la dilection sainte, esprit qui est egalement es femmes comme es hommes..

  A004000151 

 Ce Traitté donq est fait pour ayder l'ame des-ja devote a ce qu'elle se puisse avancer en son dessein, et pour cela il m'a esté force de dire plusieurs choses un peu moins conneües au vulgaire et qui par consequent sembleront plus obscures: le fond de la science est tous-jours un peu plus malaysé a sonder, et se treuve peu de plongeons qui veuillent et sachent aller recueillir les perles et autres pierres precieuses dans les entrailles de l'ocean.

  A004000151 

 Et certes, comme je n'ay pas voulu suivre ceux qui mesprisent quelques livres qui traittent d'une certaine vie sureminente en perfection, aussi n'ay-je pas voulu parler de cette sureminence; car ni je ne puis censurer les autheurs, ni authoriser les censeurs d'une doctrine que je n'entens pas..

  A004000153 

 A cette cause, mon cher Lecteur, je te diray que comme ceux qui gravent ou entaillent sur les pierres precieuses, ayans la veue lassee a force de la tenir bandee sur les traitz deliés de leurs ouvrages, tiennent volontier devant eux quelque belle esmeraude, affin que la regardant de tems en tems ilz puissent recreer en son verd et remettre en nature leurs yeux alangouris, de mesme en cette varieté d'affaires que ma condition me donne incessamment, j'ay tous-jours des petitz projetz de quelque traitté de pieté, que je regarde quand je puis, pour alleger et deslasser mon esprit..

  A004000153 

 Au demeurant, quelques gens de marque de divers endroitz m'ont adverti que certains livretz ont esté publiés sous les seules premieres lettres du nom de leurs autheurs, qui se treuvent les mesmes avec celles du mien; qui a fait estimer a quelques uns que ce fussent besoignes sorties de ma main, non sans un peu de scandale de ceux qui cuydoyent que je me fusse detraqué de ma simplicité, pour enfler mon stile de paroles pompeuses, mon discours de conceptions mondaines, et mes conceptions d'une eloquence altiere et empanachee.

  A004000154 

 Pour cela j'ay donq fort peu escrit, et beaucoup moins mis en lumiere; et pour suivre le conseil et la volonté de mes amis je te diray que c'est, affin que tu n'attribues pas la louange [14] du travail d'autruy a celuy qui n'en merite point du sien propre..

  A004000155 

 Il y a dix neuf ans que me treuvant a Thonon, petite ville situee sur le lac de Geneve, laquelle lhors se convertissoit petit a petit a la foy Catholique, le ministre adversaire de l'Eglise crioit par tout que l'article catholique de la reelle presence du Cors du Sauveur en l'Eucharistie destruysoit le Symbole et l'analogie de la foy (car il estoit bien ayse de dire ce mot d'Analogie non entendu par ses auditeurs, affin de paroistre fort sçavant); et sur cela, les autres predicateurs catholiques avec lesquelz j'estois la, me chargerent d'escrire quelque chose en refutation de cette vanité; et je fis ce qui me sembla convenable, dressant une briefve Meditation sur le Symbole des Apostres, pour confirmer la verité, et toutes les copies furent distribuees en ce diocese, ou je n'en treuve plus aucune..

  A004000156 

 Peu apres, Son Altesse vint deça les montz, et treuvant les balliages de Chablaix, Gaillart et Ternier, qui sont es environs de Geneve, a moytié disposés de recevoir la sainte religion Catholique, qui en avoit esté arrachee par le malheur des guerres et revoltes, il y avoit pres de soixante et dix ans, elle se resolut d'en restablir l'exercice en toutes les parroisses et d'abolir celuy de l'heresie.

  A004000157 

 On peut louer beaucoup de riches actions de ce grand Prince, entre lesquelles je voy la preuve de son indicible vaillance et science militaire, qu'il vient de rendre maintenant admiree de toute l'Europe; mays toutefois, quant a moy, je ne puis asses exalter le restablissement de la sainte religion en ces troys balliages que je viens de nommer, y ayant veu tant de traitz de pieté, assortis d'une si grande varieté d'actions de prudence, constance, magnanimité, justice et debonnaireté, qu'en cette seule petite piece, il me sembloit de voir, comme en un tableau raccourci, tout ce qu'on loue es princes qui jadis ont le plus ardemment servi a la gloire de Dieu [16] et de l'Eglise: le theatre estoit petit, mais les actions grandes.

  A004000158 

 Or, en cette occasion on replanta par toutes les advenues et places publiques de ces quartiers-la, les victorieuses enseignes de la Croix; et parce que peu auparavant on en avoit planté une fort solemnellement a Annemasse, pres Geneve, un certain ministre fit un petit traitté contre l'honneur d'icelle, contenant une invective ardente et veneneuse, a laquelle pour cela il fut treuvé bon que l'on respondit: et Monseigneur Claude de Granier, mon predecesseur, duquel la memoire est en benediction, m'en imposa la charge selon le pouvoir qu'il avoit sur moy, qui le regardois non seulement comme mon Evesque, mais comme un saint serviteur de Dieu.

  A004000161 

 L'architecte est un sot, qui, privé de rayson,.

  A004000164 

 Or je dediay cette piece la a Madame la Duchesse de Vandosme, lhors encor fille et toute jeune princesse, mais en laquelle on voyoit des-ja fort connoissablement les traitz de cette excellente vertu et pieté qui reluisent maintenant en elle, dignes de l'extraction et nourriture d'une si devote et pieuse mere.

  A004000165 

 Et d'abord on me proposa la necessité qu'il y avoit d'advertir les confesseurs de quelques pointz d'importance; et pour cela j'escrivis vingt cinq Advertissemens, que je fis imprimer pour les faire courir plus aysement parmi ceux a qui je les addressois, mais despuis ilz ont esté reimprimés en divers lieux..

  A004000166 

 Et moy, sachant la qualité de ces censeurs, je loue leur intention que je pense avoir esté bonne; mays j'eusse neanmoins desiré qu'il leur eust pleu de considerer que la premiere proposition est puisee de la commune et veritable doctrine des plus saintz et sçavans theologiens, que j'escrivois pour les gens qui vivent emmi le monde et les cours, qu'au partir de la j'inculque soigneusement l'extreme peril qu'il y a es danses; et que, quant à la seconde proposition, avec le mot de quolibet, elle n'est pas de moy, mais de cet admirable roy saint Loüys, docteur digne d'estre suivi en l'art de bien conduire les courtisans a la vie devote.

  A004000166 

 Troys ou quattre ans apres, je mis en lumiere l' Introduction a la Vie devote, pour les occasions et en la façon que j'ay remarqué en la Preface d'icelle; dont je n'ay rien a te dire, mon cher Lecteur, sinon que, si ce livret a receu generalement un gracieux et doux accueil, voire mesme parmi les plus graves prelatz et docteurs de l'Eglise, il n'a pas pourtant esté exempt d'une rude censure de quelques uns qui ne m'ont pas seulement blasmé, mais m'ont asprement baffoüé en publiq de ce que je dis a Philothee que le bal est une action de soymesme indifferente, et qu'en recreation on peut dire des quolibetz.

  A004000168 

 Et c'est une bonne partie de ce que je te communique maintenant que je dois a cette benite assemblee, parce que celle qui en est la Mere et y preside, sachant que j'escrivois sur ce sujet et que neanmoins malaysement pourrois-je tirer la besoigne au jour, si Dieu ne m'aydoit fort specialement et que je ne fusse continuellement pressé, ell'a eu un soin continuel de prier et faire prier pour cela, et [20] de me conjurer saintement de recueillir tous les petitz morceaux de loysir qu'elle estimoit pouvoir estre sauvés, par ci par la, de la presse de mes empeschemens, pour les employer a ceci: et parce que cette ame m'est en la consideration que Dieu sçait, elle n'a pas eu peu de pouvoir pour animer la mienne en cette occasion..

  A004000168 

 Icy certes je parle pour les ames avancees en la devotion; car il faut que je te die que nous avons en cette ville une Congregation de filles et vefves qui, retirees du monde, vivent unanimement au service de Dieu, sous la protection de sa tressainte Mere; et comme leur pureté et pieté d'esprit m'a souvent donné des grandes consolations, aussi ay-je tasché de leur en rendre frequemment par la distribution de la sainte parole, que je leur ay annoncee tant en sermons publiqs qu'en colloques spirituelz, et presque tous-jours en la presence de plusieurs religieux et gens de grande devotion: dont il m'a falu traitter maintefois des sentimens plus delicatz de la pieté, passant au dela de ce que j'avois dit a Philothee.

  A004000170 

 A cette intention, j'ay dedié cette œuvre a la Mere de dilection et au Pere de l'amour cordial, comme j'avois dedié l' Introduction au divin Enfant qui est le Sauveur des amans et l'amour des sauvés.

  A004000170 

 Certes, comme les femmes tandis qu'elles sont fortes et habiles a produire aysement les enfans, leur choysissent ordinairement des parreins entre leurs amis de ce monde, mays quand leur foiblesse et indisposition rend leurs enfantemens difficiles et perilleux, elles invoquent les Saintz du Ciel et vouent de faire tenir leurs enfans par quelque pauvre ou par quelque personne devote, au nom de saint Joseph, de saint François d'Assise, de saint François de Paule, de saint Nicolas, ou de quelqu'autre Bienheureux qui puisse impetrer de Dieu le bon succes de leur grossesse et une naissance vitale pour l'enfant; de mesme, avant que je fusse Evesque, [21] me treuvant avec plus de loysir et moins d'apprehension pour escrire, je dediay les petitz ouvrages que je fis aux princes de la terre; mais maintenant qu'accablé de ma charge j'ay mille difficultés d'escrire, je ne consacre plus rien qu'aux princes du Ciel, affin qu'ilz m'obtiennent la lumiere requise, et que, si telle est la volonté divine, ces escritz ayent une naissance fructueuse et utile a plusieurs..

  A004000171 

 Cependant je sousmetz tous-jours de tout mon cœur mes escris, mes paroles et mes actions a la correction de la tressainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, sachant qu'elle est la colomne et fermeté de la verité, dont elle ne peut ni faillir ni defaillir, et que «nul ne peut avoir Dieu pour Pere qui n'aura cette Eglise pour mere.».

  A004000179 

 Affin qu'une musique soit belle, il ne faut pas seulement que les voix soyent nettes, claires et bien distinguees, mays qu'elles soyent alliees en telle sorte les unes aux autres, qu'il s'en fasse une juste consonance et harmonie, par le moyen de l'union qui est en la distinction et la distinction qui est en l'union des voix, que non sans cause on appelle un accord discordant, ou plustost une discorde accordante..

  A004000180 

 Et c'est pourquoy, jamais, a proprement parler, nous n'attribuons la beauté corporelle sinon aux objetz des deux sens qui sont les plus connoissans et qui servent le plus a l'entendement, qui sont la veüe et l'ouye; si que nous ne disons pas: voyla des belles odeurs ou des belles saveurs; mays nous disons bien: voyla des belles voix et des belles couleurs..

  A004000180 

 Or, comme dit excellemment l'angelique saint Thomas apres le grand saint Denis, la beauté et la bonté, [23] bien qu'elles ayent quelque convenance, ne sont pas neanmoins une mesme chose: car le bien est ce qui plait a l'appetit et volonté, le beau, ce qui plait a l'entendement et a la connoissance; ou, pour le dire autrement, le bon est ce dont la jouissance nous delecte, le beau, ce dont la connoissance nous aggree.

  A004000181 

 Les voix, pour estre belles, doivent estre claires et nettes, les discours intelligibles, les couleurs esclattantes et resplendissantes: l'obscurité, l'ombre, les tenebres sont laides et enlaidissent toutes choses, parce qu'en icelles rien n'est connoissable, ni l'ordre, ni la distinction, ni l'union, ni la convenance; qui a fait dire a saint Denis que Dieu, «comme souveraine beauté, est autheur de la belle convenance, du beau lustre et de la bonne grace qui est en toutes choses, faisant esclatter, en forme de lumiere, les distributions et departemens de son rayon,» par lesquelz toutes choses sont rendues belles, voulant que pour establir la beauté il y eust la convenance, la clarté et la bonne grace..

  A004000182 

 Ainsy, en la souveraine beauté de nostre Dieu nous reconnoissons l'union, ains l'unité de l'essence en la distinction des Personnes, avec une infinie clarté, jointe a la convenance incomprehensible de toutes les perfections des actions et mouvemens, comprises tres souverainement et, par maniere de dire, jointes et adjustees excellemment en la tres unique et tres simple perfection du pur acte divin qui est Dieu mesme, immuable et invariable, ainsy que nous dirons ailleurs..

  A004000182 

 Mais quant aux choses animees et vivantes, leur beauté n'est pas accomplie sans la bonne grace, laquelle, outre la convenance des parties parfaittes qui fait la beauté, adjouste la convenance des mouvemens, gestes et actions, qui est comme [24] l'ame et la vie de la beauté des choses vivantes.

  A004000183 

 Ainsy, Theotime, parmi l'innumerable multitude et varieté d'actions, mouvemens, sentimens, inclinations, habitudes, passions, facultés et puissances qui sont en l'homme, Dieu a establi une naturelle monarchie en la volonté, qui commande et domine sur tout ce qui se treuve en ce petit monde; et semble que Dieu ait dit a la volonté ce que Pharao dit a Joseph: Tu seras sur ma mayson; tout le peuple obeira au commandement de ta bouche; sans ton commandement nul ne remuera.

  A004000183 

 Dieu donq, voulant rendre toutes choses bonnes et belles, a reduit la multitude et distinction d'icelles en une parfaite unité et, pour ainsy dire, il les a toutes rangees a la monarchie, faisant que toutes choses s'entretiennent les unes aux autres, et toutes a luy qui est le souverain Monarque.

  A004000189 

 C'est ainsy, Theotime, que Nostre Seigneur enseigne qu' il y a des eunuques qui sont telz pour le Royaume des cieux, c'est a dire qui ne sont pas eunuques d'impuissance naturelle, mais par l'industrie de laquelle leur volonté se sert pour les retenir dans la sainte continence.

  A004000189 

 Il faut oster ou donner a la faculté qui produit, les objetz et sujetz et les alimens qui la fortifient, selon que la rayson le requiert; il faut divertir les yeux, ou les couvrir de leur chaperon naturel et les fermer, si on veut qu'ilz ne voyent pas; et avec ces artifices on les reduira au point que la volonté desire.

  A004000189 

 Le medecin traittant un enfant de berceau, ne luy commande chose quelconque, mays il ordonne bien a la nourrice qu'elle luy fasse telle et telle chose; ou bien quelquefois il ordonne qu'elle mange telle ou telle viande, qu'elle prenne tel medicament, dont la qualité se respandant dans le laict, et le laict dans le cors du petit enfant, la volonté du medecin reussit en ce petit malade qui n'a pas seulement le pouvoir d'y penser.

  A004000189 

 Qui veut chevir de ces facultés, il faut user d'industrie.

  A004000189 

 Si l'on appelle un esclave, il vient; si on luy dit qu'il arreste, il arreste: mais il ne faut pas attendre cette obeissance d'un espervier ou faucon; qui le veut faire revenir, il luy faut monstrer le leurre, qui le veut accoiser, il luy faut mettre le chaperon.

  A004000190 

 Il est vray qu'elle ne les peut pas manier ni ranger si absolument comme elle fait les mains, les pieds ou la langue, a rayson des facultés sensitives, et notamment de la fantasie, qui n'obeissent pas d'une obeissance prompte et infallible a la volonté, et desquelles puissances sensitives la memoire et l'entendement ont besoin pour operer: mays toutefois, la volonté les remue, les employe et applique selon qu'il luy plaist, bien que non pas si fermement et invariablement que la fantasie variante et volage ne les divertisse maintefois, les distraisant ailleurs; de sorte que comme l'Apostre s'escrie: Je fay non le bien que je veux, mays le mal que je hay, aussi nous sommes souvent contrains de nous plaindre dequoy nous pensons, non le bien que nous aymons, mais le mal que nous haïssons..

  A004000194 

 Avant que l'Empereur soit creé, il est sousmis aux electeurs qui dominent sur luy, pouvans ou le choisir a la dignité imperiale ou le rejetter; mays s'il est une fois esleu et eslevé par eux, ilz sont des lhors sous luy, et il domine sur eux.

  A004000196 

 Au contraire, si tost que nous connoissons le mal, nous le haïssons; s'il est absent, nous le fuyons; si nous pensons de ne pouvoir l'eviter, nous le craignons; si nous estimons de le pouvoir eviter, nous nous enhardissons et encourageons; mais si nous le sentons comme present, nous nous attristons, et lhors l'ire et le courroux accourt soudain pour rejetter et repousser le mal, ou du moins s'en venger; que si l'on ne peut, on demeure en tristesse; mais si l'on l'a repoussé ou que l'on se soit vengé, on ressent la satisfaction et assouvissement, qui est un playsir de triomphe, car comme la possession du bien res-jouit le cœur, la victoire contre le mal assouvit le courage.

  A004000197 

 Cependant la mer en fin s'apaise, le danger passe, et l'asseurance redonnant a un chacun la liberté de causer, voire mesme de railler, un certain voluptueux asiatique, se moquant du Stoïcien, luy reprochoit qu'il avoit eu peur et qu'il estoit devenu have et pasle au danger, et que luy au contraire estoit demeuré ferme, sans effroy; a quoy le Stoïcien repartit par le recit de ce que Aristippus, philosophe socratique, avoit respondu a un homme qui pour mesme sujet l'avoit piqué d'un mesme reproche: «Car,» luy dit-il, «toy, tu as eu rayson de ne t'estre point soucié pour l'ame d'un meschant brouillon; mais moy j'eusse eu tort de ne point craindre la perte de l'ame d'Aristippus;» et le bon de l'histoire est que Aulus Gellius, tesmoin oculaire, la recite.

  A004000197 

 Et c'est affin d'exercer nos volontés en la vertu et vaillance spirituelle, que cette multitude de passions est laissee en nos ames, Theotime; de sorte que les Stoïciens, qui nierent qu'elles se treuvassent en l'homme sage, eurent grand tort; mays d'autant plus, que ce qu'ilz nioyent en paroles ilz le prattiquoyent en effect, au recit de saint Augustin qui raconte cette gracieuse histoire.

  A004000197 

 Mais quant a la repartie qu'elle contient, le Stoïcien qui la fit favorisa plus sa promptitude que sa cause, puisque, alleguant un compaignon de sa crainte, il laissa preuvé, par deux irreprochables tesmoins, que les Stoïciens estoyent touchés de la crainte, et de la crainte qui respand ses effectz es yeux, au visage et en la contenance, et qui par consequent est une passion..

  A004000198 

 Grande folie de vouloir estre sage d'une sagesse impossible! L'Eglise, certes, a condamné la folie de cette sagesse que certains anachoretes presomptueux voulurent introduire jadis, contre lesquelz toute l'Escriture, mays sur tout le grand Apostre, crie que nous avons une loy en nos cors qui repugne a la loy de nostre esprit.

  A004000198 

 «Entre nous autres Chrestiens,» dit le grand saint Augustin, «selon les Escritures Saintes et la doctrine saine, les citoyens de la sacree Cité de Dieu, vivans selon Dieu au pelerinage de ce monde, craignent, desirent, se deulent et se res-jouissent.» Ouy mesme le Roy souverain de cette Cité a craint, desiré, s'est doulu et res-joui jusques a pleurer, blesmir, trembler et suer le sang, bien qu'en luy ces mouvemens n'ont pas esté des passions pareilles aux nostres; dont [31] le grand saint Hierosme, et apres luy l'Escole, ne les a pas osé nommer du nom de passions, pour la reverence de la personne en laquelle ilz estoyent, ains du nom respectueux de propassions, pour tesmoigner que les mouvemens sensibles en Nostre Seigneur y tenoyent lieu de passions, bien qu'ilz ne fussent pas passions; d'autant qu'il ne patissoit ou souffroit chose quelconque de la part d'icelles, sinon ce que bon luy sembloit et comme il luy plaisoit, les gouvernant et maniant a son gré; ce que nous ne faysons pas, nous autres pecheurs, qui souffrons et patissons ces mouvemens en desordre contre nostre gré, avec un grand prejudice du bon estat et police de nos ames..

  A004000203 

 Saint Augustin, reduisant toutes les passions et affections a quatre, comme ont fait Boëce, Ciceron, Virgile et la pluspart de l'antiquité: «L'amour, » dit-il, «tendant a posseder ce qu'il ayme s'appelle convoitise» ou desir; «l'ayant et possedant, il s'appelle joye; fuyant ce qui luy est contraire, il s'appelle crainte: que si cela luy arrive et qu'il le sente, il s'appelle tristesse; et partant, ces passions sont mauvaises si l'amour est mauvais, bonnes, s'il est bon.» «Les citoyens de la Cité de Dieu craignent, desirent, se deulent, se res-jouissent, et parce que leur amour est droit, toutes ces affections sont aussi droites.» «La doctrine chrestienne assujettit l'esprit a Dieu, affin qu'il le guide et secoure, et assujettit a l'esprit toutes ces passions, affin qu'il les bride et modere, en sorte qu'elles soyent converties au service de la justice et vertu.» «La droite volonté est l'amour bon, la volonté mauvaise est l'amour mauvais;» c'est a dire en un mot, Theotime, que l'amour domine tellement en la volonté, qu'il la rend toute telle qu'il est..

  A004000205 

 Elle est donq maistresse sur les amours, comme une damoiselle sur les amans qui la recherchent, parmi lesquelz elle peut eslire celuy qu'elle veut.

  A004000205 

 Mais il y a une liberté en la volonté qui ne se treuve pas en la femme mariee; et c'est que la volonté peut rejetter son amour quand elle veut, appliquant l'entendement aux motifz qui l'en peuvent desgouster et prenant resolution de changer d'objet: car ainsy, pour faire vivre et regner l'amour de Dieu en nous, nous amortissons l'amour propre, et, si nous ne pouvons l'aneantir du tout, au moins nous l'affoiblissons, en sorte que, s'il vit en nous, il n'y regne plus; comme au contraire, nous pouvons, en quittant l'amour sacré, adherer a celuy des creatures, qui est l'infame adultere que le celeste Espoux reproche si souvent aux pecheurs.

  A004000205 

 Mays pour tout cela il ne s'ensuit pas que la volonté [33] ne soit encor regente sur l'amour, d'autant que la volonté n'ayme qu'en voulant aymer, et, de plusieurs amours qui se presentent a elle, elle peut s'attacher a celuy que bon luy semble: autrement il n'y auroit point d'amour ni prohibé ni commandé.

  A004000205 

 Mays tout ainsy qu'apres le mariage elle perd sa liberté, et de maistresse devient sujette a la puissance du mari, demeurant prise par celuy qu'elle a pris, de mesme la volonté qui choisit l'amour a son gré, apres qu'elle en a embrassé quelqu'un, elle demeure asservie sous luy; et comme la femme demeure sujette au mari qu'elle a choisi tandis qu'il vit, et que s'il meurt elle reprend sa precedente liberté, pour se remarier a un autre, ainsy pendant qu'un amour vit en la volonté il y regne, et elle demeure sousmise a ses mouvemens; que si cet amour vient a mourir, elle pourra par apres en reprendre un autre.

  A004000210 

 Combien de fois avons-nous des passions en l'appetit sensuel ou convoitise, contraires aux affections que nous sentons en mesme tems dans l'appetit raysonnable ou dans la volonté? Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, se coupant la langue a belles dens, et la crachant sur le nés de cette maudite femme qui l'enflammoit a la volupté, ne tesmoignoit-il pas d'avoir en la volonté une extreme affection de desplaysir, contraire a la passion du playsir que, par force, on luy faisoit sentir en la convoitise et appetit sensuel? Combien de fois tremblons nous de crainte entre les [35] hazards ausquelz nostre volonté nous porte et nous fait demeurer? combien de fois haïssons nous les voluptés esquelles nostre appetit sensuel se plait, aymans les biens spirituelz esquelz il se desplait? En cela consiste la guerre que nous sentons tous les jours entre l'esprit et la chair; entre nostre homme exterieur, qui depend des sens, et l'homme interieur, qui depend de la rayson; entre le viel Adam, qui suit les appetitz de son Eve ou de sa convoitise, et le nouvel Adam, qui seconde la sagesse celeste et la sainte rayson..

  A004000211 

 Et certes, Theotime, ilz n'eurent pas tort de vouloir qu'il y eust des eupathies et bonnes affections en la partie raysonnable de l'homme, mais ilz eurent tort de dire qu'il n'y avoit point de passions en la partie sensitive et que la tristesse ne touchoit point le cœur de l'homme sage; car, laissant a part que eux mesmes en estoyent troublés, comme il a esté dit, se pourroit-il bien faire que la sagesse nous privast de la misericorde, qui est une vertueuse tristesse laquelle arrive en nos cœurs pour nous porter au desir de delivrer le prochain du mal qu'il endure? Aussi, le plus homme de bien de tout le paganisme, Epictete, ne suivit pas cet erreur, que les passions ne s'eslevassent point en l'homme sage, ainsy que saint Augustin atteste, lequel mesme monstre encores que la dissension des Stoïciens [36] avec les autres philosophes en ce sujet, n'a pas esté qu'une pure dispute de paroles et desbat de langage..

  A004000212 

 Or ces affections que nous sentons en nostre partie raysonnable sont plus ou moins nobles et spirituelles selon qu'elles ont leurs objectz plus ou moins relevés, et qu'elles se treuvent en un degré plus eminent de l'esprit: car il y a des affections en nous qui procedent du discours que nous faysons selon l'experience des sens; il y en a d'autres, formees sur le discours tiré des sciences humaines; il y en a encor d'autres qui proviennent des discours faitz selon la foy; et, en fin, il y en a qui ont leur origine du simple sentiment et acquiescement que l'ame fait a la verité et volonté de Dieu..

  A004000213 

 Et ces affections surnaturelles sont principalement trois: l'amour de l'esprit envers les beautés des mysteres de la foy, l'amour envers l'utilité des biens qui nous sont promis en l'autre vie, et l'amour envers la souveraine bonté de la tressainte et eternelle Divinité.

  A004000213 

 Les affections du troisiesme rang se nomment chrestiennes, parce qu'elles prennent leur naissance des discours tirés de la doctrine de Nostre Seigneur, qui nous fait cherir la pauvreté volontaire, la chasteté parfaitte, la gloire du Paradis.

  A004000213 

 Les premieres sont nommees affections naturelles; car, qui est celuy qui ne desire naturellement d'avoir la santé, les provisions requises au vestir et a la nourriture, les douces et aggreables conversations? Les secondes affections sont nommees raysonnables, d'autant qu'elles sont toutes appuyees sur la connoissance spirituelle de la rayson, par laquelle nostre volonté est excitee a rechercher la tranquillité du cœur, les vertus morales, le vray honneur, la contemplation philosophique des choses eternelles.

  A004000213 

 Mais les affections du supreme degré sont nommees divines et surnaturelles, parce que Dieu luy mesme les respand en nos espritz, et qu'elles regardent et tendent en Dieu sans l'entremise d'aucun discours ni d'aucune lumiere naturelle; selon qu'il est aysé de concevoir par ce que nous dirons ci apres des acquiescemens et sentimens qui se prattiquent au sanctuaire de l'ame.

  A004000217 

 La volonté gouverne toutes les autres facultés de l'esprit humain, mays elle est gouvernee par son amour qui la rend telle qu'il est.

  A004000218 

 L'amour divin est voyrement le puisné entre toutes les affections du cœur humain; car, comme dit l'Apostre, ce qui est animal est premier, et le spirituel apres; mais ce puisné herite toute l'authorité, et l'amour propre, comme un autre Esaü, est destiné a son service; et non seulement tous les autres mouvemens de l'ame, comme ses freres, l'adorent et luy sont sousmis, mais aussi l'entendement et la volonté, qui luy tiennent lieu de pere et de mere.

  A004000218 

 Tout est sujet a ce celeste amour, qui veut tous-jours estre ou roy ou rien, ne pouvant vivre qu'il ne regne, ni regner si ce n'est souverainement..

  A004000220 

 Le salut est monstré a la foy, il est preparé a l'esperance, mais il n'est donné qu'a la charité: la foy monstre le chemin de la terre promise, comme une colomne de nuee et de feu, c'est a dire claire-obscure; l'esperance nous nourrit de sa manne de suavité; mais la charité nous y introduit, comme l'Arche de l'alliance qui nous fait le passage au Jourdain, c'est a dire au jugement, et qui demeurera au milieu du peuple en la terre celeste, promise aux vrays Israëlites, en laquelle ni la colomne de la foy ne sert plus de guide, ni on ne se repaist plus de la manne d'esperance..

  A004000226 

 Car je vous prie, Theotime, qu'est ce que le bien sinon ce que chacun veut? et qu'est ce que la volonté sinon la faculté qui porte et fait tendre au bien, ou a ce qu'elle estime tel? La volonté donques appercevant et sentant le bien par l'entremise de l'entendement qui le luy represente, ressent a mesme tems une soudaine delectation et complaisance en ce rencontre, qui l'esmeut et incline, doucement mays puissamment, vers cet object aymable, [40] affin de s'unir a luy; et pour parvenir a cette union, elle luy fait chercher tous les moyens plus propres..

  A004000229 

 Bref, la complaysance est le premier esbranlement ou la premiere esmotion que le bien fait en la volonté; et cette esmotion est suivie du mouvement et escoulement par lequel la volonté s'avance et s'approche de la chose aymee, qui est le vray et propre amour.

  A004000229 

 Mais en fin pourtant, Theotime, la complaysance et le mouvement ou escoulement de la volonté en la chose aymable est, a proprement parler, l'amour; en sorte neanmoins que la complaysance ne soit que le commencement de l'amour, et le mouvement ou escoulement du cœur qui s'en ensuit soit le vray amour essentiel.

  A004000229 

 Si que l'un et l'autre peut estre voirement nommé amour, mais diversement: car, comme l'aube du jour peut estre appellee jour, aussi cette premiere complaisance du cœur en la chose aymee peut estre nommee amour, parce que c'est le premier ressentiment de l'amour; mais comme le vray cœur du jour se prend des la fin de l'aube jusques au soleil couché, aussi la vraye essence de l'amour consiste au mouvement et escoulement du cœur, qui suit immediatement la complaysance et se termine a l'union.

  A004000230 

 Ainsy est ce de la complaysance qui esbranle la volonté: c'est elle qui la meut, et c'est elle qui la fait reposer en la chose aymee, quand elle s'est unie a icelle.

  A004000230 

 Ce mouvement d'amour estant donq ainsy dependant de la complaysance, en sa naissance, conservation et perfection, et se treuvant tous-jours inseparablement conjoint avec icelle, ce n'est pas merveille si ces grans espritz ont estimé que l'amour et la complaisance fussent une mesme chose, bien qu'en verité, l'amour estant une vraye passion de l'ame, il [43] ne peut estre la simple complaysance, mais faut qu'il soit le mouvement qui proceded'icelle..

  A004000230 

 Le poids des choses les esbranle, les meut et les arreste: c'est le poids de la pierre qui luy donne l'esmotion et le bransle a la descente, soudain que les empeschemens luy sont ostés; c'est le mesme poids qui luy fait continuer son mouvement en bas; et c'est en fin le mesme poids encores qui la fait arrester et accoiser quand elle est arrivee en son lieu.

  A004000230 

 Plusieurs grans personnages ont creu que l'amour n'estoit autre chose que la mesme complaysance, en quoy ilz ont eu beaucoup d'apparence de rayson; car non seulement le mouvement d'amour prend son origine de la complaysance que le cœur ressent a la premiere rencontre du bien, et aboutit a une seconde complaysance qui revient au cœur par l'union a la chose aymee, mais, outre cela, il tient sa conservation de la complaysance, et ne peut vivre que par elle, qui est sa mere et sa nourrice, si que soudain que la complaisance cesse, l'amour cesse.

  A004000232 

 Bref, ces souhaitz ou velleités ne sont autre chose qu'un petit amour qui se peut appeller amour de simple approbation, parce que, sans aucune pretention, l'ame aggree le bien qu'elle connoist, et, ne le pouvant desirer en effect, elle proteste qu'elle le desireroit volontier et que vrayement il est desirable..

  A004000232 

 Et ce mouvement s'appelle souhait, ou, comme disent les Scholastiques, velleité, qui n'est autre chose qu'un commencement de vouloir lequel n'a point de suite; d'autant que la volonté voyant qu'elle ne peut atteindre a cet objet a cause de l'impossibilité ou de l'extreme difficulté, elle arreste son mouvement et le termine en cette simple affection de souhait, comme si elle disoit: Ce bien que je voy et auquel je ne puis pretendre, m'est a la verité fort aggreable; et bien que je ne le puis vouloir ni esperer, si est ce que, si je le pouvois vouloir ou desirer, je le desirerois ou voudrois volontier.

  A004000233 

 Ce n'est pas encor tout, Theotime, car il y a des desirs et souhaitz qui sont encor plus imparfaitz que ceux que nous venons de dire, d'autant que leur mouvement n'est pas arresté par l'impossibilité ou extreme difficulté, mais par la seule incompatibilité qu'ilz ont avec des autres desirs ou vouloirs plus puissans; comme quand un malade desire de manger des potirons ou melons, et quoy qu'il en ait a son commandement, il ne veut neanmoins pas en manger, parce qu'il craint d'empirer son mal: car qui ne voici deux desirs en cet [45] homme, l'un de manger des potirons, et l'autre de guerir? mays parce que celuy de guerir est plus grand, il estouffe et suffoque l'autre, l'empeschant de produire aucun effect.

  A004000233 

 Et ces souhaitz, qui sont arrestés non point par l'impossibilité mais par l'incompatibilité qu'ilz ont avec des plus puissans desirs, s'appellent voirement souhaitz et desirs, mais souhaitz vains, suffoqués et inutiles.

  A004000233 

 Jephté souhaitoit de conserver sa fille, mays parce que cela estoit incompatible avec le desir d'observer son vœu, il voulut ce qu'il ne souhaitoit pas, qui estoit de sacrifier sa fille, et souhaita ce qu'il ne voulut pas, qui estoit de conserver sa fille.

  A004000233 

 Or, a mesure que les choses incompatibles avec ce qui est souhaité sont moins aymables, les souhaitz sont plus imparfaitz, puisqu'ilz sont arrestés et comme estouffés par des si foibles contraires: ainsy le souhait que Herodes eut de ne point faire mourir saint Jean fut plus imparfait que celuy que Pilate avoit de delivrer Nostre Seigneur; car celuy ci craignoit la calomnie et l'indignation du peuple et de Cesar, et celuy la de contrister une seule femme.

  A004000237 

 C'est donq aussi l'homme qui, par la faculté affective que nous appelions volonté, tend et se complait au bien, et qui a cette grande convenance avec iceluy, laquelle est la source et origine de l'amour.

  A004000237 

 Nous disons que l'œil void, l'oreille entend, la langue parle, l'entendement discourt, la memoyre se resouvient et la volonté ayme: mais nous sçavons bien toutefois que c'est l'homme, a proprement parler, qui, par diverses facultés et differens organes, fait toute cette varieté d'operations.

  A004000237 

 Or, ceux la n'ont pas bien rencontré qui ont creu que la ressemblance estoit la seule convenance qui produisoit l'amour; car qui ne sçait que les viellars les plus sensés ayment tendrement et cherement les petitz enfans, et sont reciproquement aymés d'eux; que les sçavans ayment les ignorans, pourveu [47] qu'ilz soyent dociles, et les malades, leurs medecins? Que si nous pouvons tirer quelqu'argument de l'image d'amour qui se void es choses insensibles, quelle ressemblance peut faire tendre le fer a l'aymant? un aymant n'a-il pas plus de ressemblance avec un autre aymant ou avec une autre pierre, qu'avec le fer qui est d'un genre tout différent? Et bien que quelques uns, pour reduire toutes les convenances a la ressemblance, asseurent que le fer tire le fer, et l'aymant tire l'aymant, si est ce qu'ilz ne sçauroyent rendre rayson pourquoy l'aymant tire plus puyssamment le fer, que le fer ne tire le fer mesme.

  A004000237 

 Or, il en est de mesme de l'amour humain, car il se prend quelquefois plus fortement entre des personnes de contraires qualités, qu'entre celles qui sont fort semblables..

  A004000238 

 Ainsy l'amour ne se fait pas tous-jours par la ressemblance et simpathie, ains par la correspondance et proportion, qui consiste en ce que par l'union d'une chose a une autre elles puissent recevoir mutuellement de la perfection et devenir meilleures.

  A004000238 

 La convenance donq qui cause l'amour ne consiste pas tous-jours en la ressemblance, mais en la proportion, rapport ou correspondance de l'amant a la chose aymee: car ainsy ce n'est pas la ressemblance qui rend aymable le medecin au malade, ains la correspondance de la necessité de l'un avec la suffisance de l'autre, d'autant que l'un a besoin du secours que l'autre peut donner; comme aussi le medecin ayme le malade, et le sçavant son apprentif, parce qu'ilz peuvent exercer leurs facultés sur eux.

  A004000240 

 La convenance donq de l'amant a la chose aymee est la premiere source de l'amour, et cette convenance consiste en la correspondance, qui n'est autre chose que le mutuel rapport qui rend les choses propres a s'unir pour s'entrecommuniquer quelque perfection.

  A004000244 

 Et pour nous [50] eslever plus doucement a la consideration de cet amour spirituel qui s'exerce entre Dieu et nous, par la correspondance des mouvemens de nos cœurs avec les inspirations de sa divine Majesté, il employe une perpetuelle representation des amours d'un chaste berger et d'une pudique bergere.

  A004000245 

 On connoist l'homme au visage, dit l'Escriture; et Aristote, rendant rayson de ce que a l'ordinaire on ne peint sinon la face des grans hommes, «c'est d'autant,» dit-il, «que le visage monstre qui nous sommes.».

  A004000246 

 Mays pourtant, nous ne respandons nos discours ni les pensees qui procedent de la portion spirituelle de nos ames, que nous appelions rayson et par laquelle nous sommes differens d'avec les animaux, sinon par nos paroles et par consequent par le moyen de la bouche; si que verser son ame, et respandre son cœur, n'est autre chose que parler.

  A004000247 

 Ainsy donq le bayser estant la vive marque de l'union des cœurs, l'Espouse qui ne pretend en toutes ses poursuites que d'estre unie avec son Bienaymé, Qu'il me bayse, dit-elle, d'un bayser de sa bouche; comme si elle s'escrioit: Tant de souspirs et de traitz enflammés que mon amour jette incessamment, n'impetreront-ilz jamais ce que mon ame desire? Je cours, hé, n'atteindray-je jamais au prix pour lequel je m'eslance, qui est d'estre unie cœur a cœur, esprit a esprit avec mon Dieu, mon Espoux et ma vie? Quand sera-ce que je respandray mon ame dans son cœur, et qu'il versera [52] son cœur dedans mon ame, et qu'ainsy heureusement unis, nous vivrons inseparables!.

  A004000248 

 Ces unités de cœur, d'ame et d'esprit signifient la perfection de l'amour, qui joint plusieurs ames en une: ainsy est il dit, que l'ame de Jonathas estoit collee a l'ame de David, c'est a dire, comme l'Escriture adjouste, il ayma David comme son ame propre.

  A004000252 

 Il faut pourtant prendre garde qu'il y a des unions naturelles, comme celle de ressemblance, consanguinité et de la cause avec son effect, et d'autres, lesquelles, n'estans pas naturelles, peuvent estre dites volontaires, car bien qu'elles soyent selon la nature, elles ne se font neanmoins que par nostre volonté; comme celle qui prend son origine des bienfaitz, qui unissent indubitablement celuy qui les reçoit a celuy qui les fait, celle de la conversation et compaignie, et autres semblables.

  A004000252 

 Or, quand l'union est naturelle, elle produit l'amour, et l'amour qu'elle produit nous porte a une nouvelle union volontaire qui perfectionne la naturelle: ainsy le pere et le filz, la mere et la fille, ou deux freres, estans naturellement unis par la communication d'un mesme sang, sont excités par cette union a l'amour, et par l'amour sont portés a une union de volonté et d'esprit qui peut estre dite volontaire, d'autant qu'encor que son fondement soit naturel, son action neanmoins est deliberee; et en ces amours produitz par l'union naturelle, il ne faut point chercher d'autre correspondance que celle de l'union mesme, par laquelle la nature prevenant la volonté, l'oblige d'appreuver, aymer et perfectionner l'union qu'elle a [54] des-ja faitte.

  A004000253 

 Mais a quelle sorte d'union tend-il? N'aves-vous pas remarqué, Theotime, que l'Espouse sacree exprime son souhait d'estre unie avec son Espoux, par le bayser, et que le bayser represente l'union spirituelle qui se fait par la reciproque communication des ames? Certes, c'est l'homme qui ayme, mais il ayme par la volonté, et partant, la fin de son amour est de la nature de sa volonté: mais sa volonté est spirituelle, c'est pourquoy l'union que son amour pretend est aussi spirituelle; d'autant plus que le cœur, siege et source de l'amour, non seulement ne seroit pas perfectionné par l'union qu'il auroit aux choses corporelles, mays en seroit avili.

  A004000255 

 Il est rare que ceux qui sçavent beaucoup, sçachent bien ce qu'ilz sçavent, parce que la vertu et force de l'entendement espanchee en la connoissance de plusieurs choses, est moins forte et vigoureuse que quand elle est ramassee a la consideration d'un seul objet.

  A004000255 

 Il y a donq de la difference entre voir, ouyr, ou sçavoir plus, et voir, ouyr, ou sçavoir mieux; car qui void mieux void moins, et qui void plus ne void pas si bien.

  A004000255 

 Ne voyons-nous pas que le feu, symbole de l'amour, forcé de sortir par la seule bouche du canon, fait un esclat prodigieux, qu'il feroit beaucoup moindre s'il avoit ouverture par deux ou par trois endroitz? Puis donq que l'amour est [56] un acte de nostre volonté, qui le veut avoir non seulement noble et genereux, mais fort, vigoureux et actif, il en faut retenir la vertu et la force dans les limites des operations spirituelles; car qui voudroit l'appliquer aux operations de la partie sensible ou sensitive de nostre ame, il affoibliroit d'autant les operations intellectuelles, esquelles, toutefois, consiste l'amour essentiel..

  A004000256 

 Au contraire, ceux qui, allechés des playsirs sensuelz, appliquent leurs ames a la jouissance d'iceux, ilz descendent de leur moyenne condition a la plus basse des bestes brutes, et meritent autant d'estre appellés brutaux par leurs operations comme ilz sont hommes par leur nature: malheureux, en ce qu'ilz ne sont hors d'eux mesmes que pour entrer en une condition infiniment indigne de leur estat naturel..

  A004000256 

 Ceux donques qui, touchés des voluptés divines et intellectuelles, laissent ravir leur cœur aux sentimens d'icelles, sont voirement hors d'eux mesmes, c'est a dire au dessus de la condition de leur nature; mais par une bienheureuse et desirable sortie, par laquelle, entrans en un estat plus noble et relevé, ilz sont autant anges par l'operation de leur ame, [57] comme ilz sont hommes par la substance de leur nature, et doivent estre ditz ou anges humains ou hommes angeliques.

  A004000257 

 Ainsy ces hommes angeliques qui sont ravis en Dieu et aux choses celestes, perdent tout a fait, tandis que leur extase dure, l'usage et l'attention des sens, le mouvement et toutes actions exterieures, parce que leur ame, pour appliquer sa vertu et activeté plus entierement et attentivement a ce divin object, la retire et ramasse de toutes ses autres facultés, pour la contourner de ce costé la.

  A004000258 

 Les bœufs de Job labouroyent la terre, tandis que les asnes inutiles paissoyent autour d'eux, mangeans les pasturages deus aux bœufs qui travaillovent: tandis que la partie intellectuelle de nostre ame travaille a l'amour honneste et vertueux, sur quelque objet qui en est digne, il arrive souvent que les sens et facultés de la partie inferieure tendent a l'union qui leur est propre et leur sert de pasture; bien que l'union ne soit deüe qu'au cœur et a l'esprit, qui seul aussi peut produire le vray et substantiel amour..

  A004000258 

 Maintenant je dis que, quand l'ame prattique l'amour par les actions sensuelles et qui la portent au dessous de soy, il est impossible qu'elle n'affoiblisse d'autant [58] plus l'exercice de l'amour superieur; de sorte que, tant s'en faut que l'amour vray et essentiel soit aydé et conservé par l'union a laquelle l'amour sensuel tend, qu'au contraire il s'affoiblit, se dissipe et perit par icelle.

  A004000259 

 Helisee, ayant gueri Naaman le Syrien, se contenta de l'avoir obligé, refusant au reste son or, son argent et les meubles qu'il luy avoit offert; mais Giesi, cet infïdele serviteur, courant apres iceluy, demanda et prit, outre le gré de son maistre, ce qu'il avoit refusé: l'amour intellectuel et cordial, qui est certes, ou doit estre, le maistre en nostre ame, refuse toutes sortes d'unions corporelles et sensuelles, et se contente en la simple bienveuillance; mais les puissances de la partie sensitive, qui sont ou doivent estre les servantes de l'esprit, demandent, cherchent et prennent ce qui a esté refusé par la rayson, et, sans prendre permission d'icelle, s'avancent a vouloir faire leurs unions abjectes et serviles, deshonnorans, comme Giesi, la pureté de l'intention de leur maistre qui est l'esprit; et a mesure que l'ame se convertit a tells [59] unions grossieres et sensibles, elle se divertit de l'union delicate, intellectuelle et cordiale..

  A004000260 

 Vous voyés donques bien, Theotime que ces unions qui regardent les complaysances et passions animales, non seulement ne servent de rien a la production et conservation de l'amour, mais luy sont grandement nuisibles et l'affoiblissent extremement: aussi, quand l'inceste Ammon, qui pasmoit et perissoit d'amour pour Thamar, eut passé jusques aux unions sensuelles et brutales, il fut tellement privé de l'amour cordial, qu'onques plus il ne la peut voir, et la poussa indignement dehors, violant aussi cruellement le droit de l'amour comme il avoit violé impudemment celuy du sang..

  A004000261 

 Le basilique, le romarin, la marjoleine, l'hysope, le clou de girofle, la cannelle, la noix muscade, les citrons et le musc, mis ensemble et demeurans en cors, rendent voirement une odeur bien aggreable par le meslange de leur bonne senteur; mays non pas a beaucoup pres de ce que fait l'eau qui en est distillee, en laquelle les suavités de tous ces ingrediens, separees de leur cors, se meslent beaucoup plus excellemment, s'unissans en une tres parfaite odeur qui penetre bien plus l'odorat qu'elles ne feroient pas, si avec elle et son eau les cors des ingrediens se treuvoyent conjointz et unis.

  A004000262 

 «Il y a cette difference,» comme dit saint Gregoire, «entre les playsirs spirituelz et les corporelz: que les corporelz donnent du desir avant qu'on les ayt, et du desgoust quand on les a; mais les spirituelz, au contraire, donnent du desgoust avant qu'on les ayt, et du playsir quand on les a.» Si que l'amour animal, qui pretend par l'union qu'il fait a la chose aymee de combler et perfectionner sa complaisance, treuvant qu'au contraire il la destruit en la terminant, demeure grandement desgousté de telle union: qui a fait dire au grand Philosophe, que presque tout animal, apres la jouissance de son plus ardent et pressant playsir corporel, demeuroit triste, morne et estonné, comme un [61] marchand qui, ayant pensé gaigner beaucoup, se treuve trompé et engagé dans une rude perte; ou au contraire, l'amour intellectuel treuvant en l'union qu'il fait a son objet plus de contentement qu'il n'avoit esperé, y perfectionnant sa complaisance, il la continue en s'unissant et s'unit tous-jours plus en la continuant..

  A004000266 

 Or cette inclination ne procede d'aucune connoissance que l'un ait de la nuisance de son contraire ou de l'utilité de celuy avec lequel il a convenance, ains seulement d'une proprieté [62] occulte et secrette, qui produit cette contrarieté et antipathie insensible, comme aussi la complaysance et simpathie..

  A004000266 

 avec l'olivier; ainsy voyons-nous que naturellement il y a contrarieté entre l'homme et le serpent, en sorte que la seule salive de l'homme qui est a jeun fait mourir le serpent, et que, au contraire, l'homme et la brebis ont une merveilleuse convenance et se plaisent l'un avec l'autre.

  A004000267 

 Secondement, nous avons en nous l'appetit sensitif, par le moyen duquel nous sommes portés a la recherche et a la fuite de plusieurs choses, par la connoissance sensitive que nous en avons; tout ainsy comme les animaux, desquelz les uns appetent une chose et les autres une autre, selon la connoissance qu'ilz ont qu'elle leur est convenable ou non: et en cet appetit reside, ou d'iceluy provient l'amour que nous appelions sensuel ou brutal, qui, a proprement parler, ne doit neanmoins pas estre appellé amour, ains simplement appetit..

  A004000268 

 Or, en nostre ame entant qu'elle est raysonnable, nous remarquons manifestement deux degrés de perfection, que le grand saint Augustin, et apres luy tous les docteurs, ont appellé deux portions de l'ame, l'inferieure et la superieure: desquelles celle la est dite inferieure, qui discourt et fait ses consequences selon ce qu'elle apprend et experimente par les sens; et celle la est dite superieure, qui discourt et fait ses consequences selon la connoissance intellectuelle, qui n'est point fondee sur l'experience des sens, ains sur le discernement et jugement de l'esprit; aussi cette portion superieure est appellee communement esprit et partie mentale de l'ame, comme l'inferieure est ordinairement appellee le sens ou sentiment, et rayson humaine..

  A004000269 

 Or, cette portion superieure peut discourir selon deux sortes de lumieres: ou bien selon la lumiere naturelle, comme ont fait les philosophes et tous ceux qui ont discouru par science; ou selon la lumiere surnaturelle, comme font les theologiens et chrestiens, entant qu'ilz establissent leurs discours sur la foy et parole de Dieu revelee, et encor plus particulierement ceux desquelz [63] l'esprit est conduit par des particulieres illustrations, inspirations et esmotions celestes.

  A004000270 

 Abraham, selon l'inferieure portion de son ame, dit cette parole qui tesmoigne quelque sorte de defiance, quand l'Ange luy annonça qu'il auroit un filz: Pensés-vous qu'a un homme de cent ans puisse naistre un enfant? mais selon la superieure, il creut en Dieu, et il luy fut imputé a justice.

  A004000270 

 En quoy il tesmoigne deux volontés: l'une inferieure, par laquelle il se faschoit de l'envoyer, l'autre superieure, par laquelle il se resolut de l'envoyer; car le discours pour lequel il se faschoit de l'envoyer, estoit fondé sur le playsir qu'il sentoit de l'avoir aupres de soy et le desplaysir qui luy revenoit de la separation d'iceluy, qui sont des fondemens perceptibles et sensibles; mais la resolution qu'il print de l'envoyer estoit fondee sur une rayson de l'estat de sa famille, pour la prevoyance de la necessité future et approchante.

  A004000273 

 En suite dequoy il fit la priere que le calice de la Passion fust transporté de luy, c'est a dire qu'il en fust exempt; en quoy il exprime manifestement le vouloir de la portion inferieure de son ame, laquelle discourant sur les tristes et angoisseux objetz de la Passion qui luy estoit preparee, et de laquelle la vive image estoit representee en son imagination, il en [65] tira, par une consequence tres raysonnable, la fuite et esloignement d'iceux, dont il fait la demande a son Pere: par ou l'on remarque clairement que la portion inferieure de l'ame n'est pas la mesme chose que le degré sensitif d'icelle, ni la volonté inferieure une mesme chose avec l'appetit sensuel; car l'appetit sensuel, ni l'ame selon son degré sensitif, ne sont pas capables de faire aucune demande ni priere, qui sont des actes de la faculté raysonnable, et particulierement ilz ne sont pas capables de parler a Dieu, objet auquel les sens ne peuvent atteindre, pour en donner la connoissance a l'appetit.

  A004000273 

 Et ne faut pas dire qu'il souffrit seulement selon le cors, ni mesme selon l'ame entant qu'elle estoit sensible, ou, qui est la mesme chose, selon le sens; car luy mesme atteste, qu'avant qu'il souffrit aucun tourment exterieur, ni mesme qu'il vit les bourreaux aupres de soy, son ame estoit triste jusques-a la mort.

  A004000273 

 Mais l'exemple de nostre Sauveur est admirable pour ce sujet, et apres la consideration duquel il n'y a plus a douter de la distinction de la portion superieure et inferieure de l'ame; car, qui ne sçait, entre les theologiens, qu'il fut parfaittement glorieux des l'instant de sa conception au ventre de la Vierge? et neanmoins il fut a mesme tems sujet aux tristesses, regretz et afflictions de cœur.

  A004000277 

 Il y avoit trois parvis au Temple de Salomon: l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le second estoit pour les Israëlites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour l'ordre Levitique; et en fin, outre tout cela, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle l e seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A004000277 

 «Je te cherchois,» dit saint Augustin, «hors de moy, et» je ne te treuvois point, parce que «tu estois en moy.» En ce temple mistique, il y a aussi troys parvis, qui sont troys differens degrés de rayson: au premier nous discourons selon l'experience des sens; au second nous discourons selon les sciences humaines; au troisiesme nous discourons selon la foy; et en fin, outre cela, il y a une certaine eminence et supreme pointe de la rayson et faculté spirituelle, qui n'est point conduitte par la lumiere du discours ni de la rayson, ains par une simple veüe de l'entendement et un simple sentiment de la volonté, par lesquelz l'esprit acquiesce et se sousmet a la verité et a la volonté de Dieu..

  A004000278 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor la lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dedans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de la clarté que l'ouverture de la porte rendoit; et toute la veüe qui se fait en la supreme pointe de l'ame est en certaine façon obscurcie et couverte par les renoncemens et resignations que l'ame fait, ne voulant pas tant regarder et voir la beauté de la verité et la verité de la bonté qui luy est presentee, qu'elle veut l'embrasser et l'adorer: de sorte que l'ame voudroit presque fermer les yeux, soudain qu'elle a commencé a. voir la dignité de la volonté de Dieu, affin que, sans s'occuper davantage a la considerer, elle peust plus puissamment et parfaitement l'accepter et, par une complaysance absolue, s'unir infiniment et se sous-mettre a elle..

  A004000278 

 au Sanctuaire il n'y avoit point de fenestres pour esclairer; en ce degré de l'esprit il n'y a point de discours qui illumine.

  A004000279 

 Enfin, au Sanctuaire estoit l'Arche de l'alliance, et en icelle, ou au moins joignant icelle, estoyent les tables de la Loy, la manne dans une cruche d'or, et la verge d'Aaron qui fleurit et fructifia en une nuit; et en cette supreme pointe de l'esprit se treuvent: 1.

  A004000280 

 De sorte, Theotime, qu'en la partie superieure de la rayson il y a deux degrés; en l'un desquelz se font les discours qui dependent de la foy et lumiere surnaturelle, et en l'autre se font les simples acquiescemens de la foy, de l'esperance et de la charité.

  A004000281 

 Mais si la foy, l'esperance et la charité se forment par ce saint acquiescement en la pointe de l'esprit, comment est-ce qu'au degré inferieur se peuvent faire les discours qui dependent de la lumiere de la foy? Ainsy que nous voyons que les advocatz au barreau [69] disputent avec beaucoup de discours sur les faitz et droitz des parties, et que le Parlement ou Senat resoult d'en haut toutes les difficultés par un arrest, lequel estant prononcé, les advocatz et auditeurs ne laissent pas de discourir entr'eux sur les motifs que le Parlement peut avoir eu, de mesme, Theotime, apres que les discours, et sur tout la grace de Dieu, ont persuadé a la pointe et supreme eminence de l'esprit d'acquiescer et former l'acte de la foy par maniere d'arrest, l'entendement ne laisse pas de discourir derechef sur cette mesme foy ja conceue, pour considerer les motifs et raysons d'icelle; mais cependant, les discours de theologie se font au parquet et barreau de la portion superieure de l'ame, et les acquiescemens, en haut, au siege et tribunal de la pointe de l'esprit.

  A004000286 

 Mays si celuy a qui nous voulons du bien ne l'a pas encor, nous le luy desirons, et partant, cet amour se nomme amour de desir..

  A004000286 

 Si celuy a qui nous voulons du bien l'a des-ja et le possede, alhors nous le luy voulons par le playsir et contentement que nous avons dequoy il l'a et le possede; et ainsy se forme l'amour de complaysance, qui n'est autre chose que l'acte de la volonté par lequel elle s'unit et joint au playsir, contentement et bien d'autruy.

  A004000288 

 Si nous aymons simplement l'ami, sans le preferer aux autres, l'amitié est simple; si nous le preferons, alhors cette amitié s'appellera dilection, comme qui diroit amour de election, parce qu'entre plusieurs choses que nous aymons, nous choisissons celle-la pour la preferer..

  A004000294 

 Mais le grand saint Denis, comme excellent Docteur de la proprieté des noms divins, parle bien plus avantageusement en faveur du nom d'amour; enseignant que les theologiens, c'est a dire les Apostres et premiers disciples d'iceux (car ce Saint n'avoit point veu d'autres theologiens), [72] pour desabuser le vulgaire et dompter la fantasie d'iceluy, qui prenoit le nom d'amour en sens prophane et charnel, ilz l'ont plus volontier employé es choses divines que celuy de dilection; et quoy qu'ilz estimassent que l'un et l'autre estoit pris pour une mesme chose, «il a toutefois semblé a quelques uns d'entre eux que le nom d'amour estoit plus propre et convenable a Dieu que celuy de dilection; si que le divin Ignace a escrit ces paroles: Mon amour est crucifié.» Ainsy, comme ces anciens theologiens employoient le nom d'amour es choses divines, affin de luy oster l'odeur d'impureté de laquelle il estoit suspect selon l'imagination du monde, de mesme, pour exprimer les affections humaines, ilz ont pris playsir d'user du nom de dilection, comme exempt du soupçon de deshonnesteté; dont quelqu'un d'entr'eux a dit, au rapport de saint Denis: «Ta dilection est entree en mon ame, ainsy que la dilection des femmes.» En fin, le nom d'amour represente plus de ferveur, d'efficace et d'activeté que celuy de dilection; de sorte qu'entre les Latins, dilection est beaucoup moins qu'amour: «Clodius,» dit leur grand Orateur, «me porte dilection, et pour le dire plus excellemment, il m'ayme.» Et partant, le nom d'amour, comme plus excellent, a esté justement donné a la charité, comme au principal et plus eminent de tous les amours: si que pour toutes ces raysons, et parce que je pretendois de parler des actes de la charité plus que de l'habitude d'icelle, j'ay appellé ce petit ouvrage, Traitté de l'Amour de Dieu.

  A004000294 

 Origene dit en quelque lieu, qu'a son advis, l'Escriture divine voulant empescher que le nom d'amour ne donnast quelque sujet de mauvaise pensee aux espritz infirmes, comme plus propre a signifier une passion charnelle qu'une affection spirituelle, en lieu de ce nom-la d'amour elle a usé de ceux de charité et de dilection, qui sont plus honnestes.

  A004000298 

 Si tost que l'homme pense un peu attentivement a la Divinité, il sent une certaine douce émotion de cœur, qui tesmoigne que Dieu est Dieu du cœur humain; et jamais nostre entendement n'a tant de playsir qu'en cette pensee de la Divinité, de laquelle la moindre connoissance, comme dit le prince des philosophes, vaut mieux que la plus grande des autres choses, comme le moindre rayon du soleil est plus clair que le plus grand de la lune ou des estoiles, ains est plus lumineux que la lune et les estoiles ensemble.

  A004000300 

 L'homme se connoist et s'ayme soy mesme par des actes produitz et exprimés de son entendement et de sa volonté, qui procedans de l'entendement et de la volonté distingués l'un de l'autre, restent neanmoins et demeurent inseparablement unis en l'ame et es facultés desquelles ilz procedent.

  A004000301 

 C'est donq un doux et desirable rencontre que celuy de l'affluence et de l'indigence, et ne sçauroit-on presque dire qui a plus de contentement, ou le bien abondant a se respandre et communiquer, ou le bien defaillant et indigent a recevoir et tirer, si Nostre Seigneur n'avoit dit que c'est chose plus heureuse de donner que de recevoir.

  A004000302 

 Ainsy, Theotime, nostre defaillance a besoin de l'abondance divine par disette et necessité, mays l'affluence divine n'a besoin de nostre indigence que par excellence de perfection et bonté: bonté qui neanmoins ne devient pas meilleure en se communiquant, car elle n'acquiert rien en se respandant hors de soy, au contraire elle donne; mays nostre indigence demeureroit manquante et miserable si l'abondance de la bonté ne la secouroit..

  A004000302 

 Le vin nouveau bouillonne et s'eschauffe en soy mesme par la force de sa bonté, et ne se peut contenir dans les tonneaux, mais vos mammelles sont encores meilleures, elles pressent vostre poitrine par des eslans continuelz, poussant leur laict qui redonde, comme requerant d'estre deschargees: et pour attirer les enfans de vostre cœur a les venir tetter, elles respandent une odeur attrayante plus que toutes les senteurs des parfums.

  A004000303 

 Nostre ame donques, considerant que rien ne la contente parfaittement et que sa capacité ne peut estre remplie par chose quelconque qui soit au monde, voyant que son entendement a une inclination infinie de sçavoir tous-jours davantage, et sa volonté un appetit insatiable d'aymer et treuver du bien, n'a-elle pas rayson d'exclamer: Ah, donques je ne suis pas faite pour ce monde! Il y a quelque souverain bien duquel je depens, et quelque ouvrier infini qui a imprimé en moy cet interminable desir de sçavoir et cet appetit qui ne peut estre assouvi: c'est pourquoy il faut que je tende et [76] m'estende vers luy, pour m'unir et joindre a sa bonté a laquelle j'appartiens et suis.

  A004000307 

 Et ce secours, d'un costé seroit naturel, comme convenable a la nature, et tendant a l'amour de Dieu entant [77] qu'il est Autheur et souverain Maistre de la nature; et d'autre part il seroit surnaturel, parce qu'il correspondroit, non a la nature simple de l'homme, mais a la nature ornee, enrichie et honnoree de la justice originelle, qui est une qualité surnaturelle procedante d'une tres speciale faveur de Dieu.

  A004000307 

 Mays quant a l'amour sur toutes choses qui seroit prattiqué selon ce secours, il seroit appellé naturel, d'autant que les actions vertueuses prennent leur nom de leurs objectz et motifs, et cet amour dont nous parlons tendroit seulement a Dieu, selon qu'il est reconneu Autheur, Seigneur et souveraine fin de toute creature par la seule lumiere naturelle, et par consequent aymable et estimable sur toutes choses par inclination et propension naturelle..

  A004000307 

 S'il se treuvoit des hommes qui fussent en l'integrité et droitture originelle en laquelle Adam se treuva lhors de sa creation, bien que d'ailleurs ilz n'eussent aucune autre assistence de Dieu que celle qu'il donne a chasque creature affin qu'elle puisse faire les actions qui luy sont convenables, non seulement ilz auroyent l'inclination d'aymer Dieu sur toutes choses, mays aussi ilz pourroyent naturellement executer cette si juste inclination: car, comme ce divin Autheur et Maistre de la nature coopere et preste sa main forte au feu pour monter en haut, aux eaux pour couler vers la mer, a la terre pour descendre en bas et y demeurer quand elle y est; ainsy, ayant luy mesme planté dans le cœur de l'homme une speciale inclination naturelle, non seulement d'aymer le bien en general, mays d'aymer en particulier et sur toutes choses sa divine bonté qui est meilleure et plus aymable que toutes choses, la suavité de sa providence souveraine requeroit qu'il contribuait aussi a ces bienheureux hommes que nous venons de dire, autant de secours qu'il seroit necessaire affin que cette inclination fust prattiquee et effectuee.

  A004000309 

 Entre les perdrix il arrive souvent que les unes desrobbent les œufs des autres affin de les couver, [78] soit pour l'avidité qu'elles ont d'estre meres, soit pour leur stupidité qui leur fait mesconnoistre leurs œufs propres.

  A004000309 

 Et voyci chose estrange, mais neanmoins bien tesmoignee, car le perdreau qui aura esté esclos et nourri sous les aysles d'une perdrix estrangere, au premier reclam qu'il oyt de sa vraye mere qui avoit pondu l'œuf duquel il est procedé, il quitte la perdrix larronnesse, se rend a sa premiere mere et se met a sa suite, par la correspondance qu'il a avec sa premiere origine; correspondance toutefois qui ne paroissoit point, ains fut demeuree secrette, cachee et comme dormante au fond de la nature, jusques a la rencontre de son object, que soudain excitee, et comme resveillee, elle fait son coup, et pousse l'appetit du perdreau a son premier devoir.

  A004000309 

 Il en est de mesme, Theotime, de nostre cœur; car quoy qu'il soit couvé, nourri et eslevé emmi les choses corporelles, basses et transitoires, et, par maniere de dire, sous les aysles de la nature, neanmoins, au premier regard qu'il jette en Dieu, a la premiere connoissance qu'il en reçoit, la naturelle et premiere inclination d'aymer Dieu, qui estoit comme assoupie et imperceptible, se resveille en un instant, et a l'improuveu paroist, comme une estincelle qui sort d'entre les cendres, laquelle touchant nostre volonté, luy donne un eslan de l'amour supreme deu au souverain et premier Principe de toutes choses.

  A004000313 

 Helas, Theotime, quelz beaux tesmoignages, non seulement d'une grande connoissance de Dieu, mays aussi d'une forte inclination envers iceluy, ont esté laissés par ces grans philosophes, Socrate, Platon, Trismegiste, Aristote, Hippocrate, Seneque, Epictete! Socrate, le plus loüé d'entr'eux, connoissoit clairement l'unité de Dieu, et avoit tant d'inclination a l'aymer que, comme saint Augustin tesmoigne, plusieurs ont estimé qu'il n'enseigna jamais la philosophie morale pour autre occasion que pour espurer les espritz, affin qu'ilz peussent mieux contempler le souverain bien qui est la tres unique Divinité.

  A004000313 

 Que diray-je du grand Aristote, qui avec tant d'efficace appreuve l'unité de Dieu et en a parlé si honnorablement en tant d'endroitz?.

  A004000314 

 Mais, o Dieu eternel! ces grans espritz qui avoyent tant de connoissance de la Divinité et tant de propension a l'aymer, ont tous manqué de force et de courage a la bien aymer.

  A004000315 

 N'est ce pas grande pitié, Theotime, de voir Socrate, au recit de Platon, parler en mourant des dieux comme s'il y en avoit plusieurs, luy qui sçavoit si bien qu'il n'y en avoit qu'un seul? N'est ce pas chose deplorable que Platon ayt ordonné que l'on sacrifie a plusieurs dieux, luy qui sçavoit si bien la verité de l'unité divine? Et Mercure Trismegiste n'est il pas lamentable, de lamenter et plaindre si laschement l'abolissement de l'idolatrie, luy qui en tant d'endroitz avoit parlé si dignement de la Divinité?.

  A004000316 

 Car quelle compassion, je vous prie, de voir cet excellent philosophe parler parfois de Dieu avec tant de goust, de sentiment et de zele, qu'on le prendroit pour un Chrestien sortant de quelque sainte et profonde meditation, et neanmoins ailleurs, d'occasion en occasion, mentionner les dieux a la payenne? Hé, ce bon homme, qui connoissoit si bien l'unité divine et avoit tant de goust de la bonté d'icelle, pourquoy n'a-il pas eu la sainte jalousie de l'honneur divin, affin de ne point gauchir ni dissimuler en un sujet de si grande importance?.

  A004000317 

 Car ainsy nostre cœur humain produit bien naturellement certains commencemens d'amour envers Dieu, mais d'en venir jusques a l'aymer sur toutes choses, qui est la vraye maturité de l'amour deu a cette supreme Bonté, cela n'appartient qu'aux cœurs animés et assistés de la grace celeste et qui sont en l'estat de la sainte charité; et ce petit amour imparfait, duquel la nature en elle mesme sent les eslans, ce n'est qu'un certain vouloir sans vouloir, un vouloir qui voudrait mais qui ne veut pas, un vouloir sterile qui ne produit point de vrays effectz, un vouloir paralytique qui void la piscine salutaire du saint amour mais qui n'a pas la force de s'y jetter; et en fin, ce vouloir est un avorton de la bonne volonté, qui n'a pas la vie de la genereuse vigueur [82] requise pour en effect preferer Dieu a toutes choses: dont l'Apostre, parlant en la personne du pecheur, s'escrie: Le vouloir est bien en moy, mais je ne treuve pas le moyen de l'accomplir..

  A004000317 

 En somme, Theotime, nostre chetifve nature, navree par le peché, fait comme les palmiers que nous avons de deça, qui font voirement certaines productions imparfaittes et comme des essais de leurs fruitz, mais de porter des dattes entieres, meures et assaisonnees, cela est reservé pour des contrees plus chaudes.

  A004000322 

 Il vit que nous estions environnés de chair, un vent qui se dissipe en courant, et qui ne revient plus; c'est pourquoy, selon les entrailles de sa misericorde, il ne nous voulut pas du tout ruiner ni nous oster le signe de sa grace perdue, affin que le regardans, et sentans en nous cette arriance et propension a l'aymer, nous taschassions de ce faire, et que personne ne peust justement dire: [83] Qui nous monstrera le bien? Car encor que par la seule inclination naturelle nous ne puissions pas parvenir au bonheur d'aymer Dieu comme il faut, si est ce que, si nous l'employions fïdellement, la douceur de la pieté divine nous donneroit quelque secours, par le moyen duquel nous pourrions passer plus avant; que si nous secondions ce premier secours, la bonté paternelle de Dieu nous en fourniroit un autre plus grand, et nous conduiroit de bien en mieux, avec toute suavité, jusques au souverain amour auquel nostre inclination naturelle nous pousse: puisque c'est chose certaine qu'a celuy qui est fidele en peu de chose et qui fait ce qui est en son pouvoir, la benignité divine ne denie jamais son assistance pour l'avancer de plus en plus..

  A004000323 

 Tout de mesme que les cerfz ausquelz les grans princes font quelquefois mettre des colliers avec leurs armoiries, bien que par apres ilz les font lascher et mettre en liberté dans les forestz, ne laissent pas d'estre reconneus par quicomque les rencontre, non seulement pour avoir une fois esté pris par le prince duquel ilz portent les armes, mays aussi pour luy estre encor reservés: car ainsy conneut-on l'extreme viellesse d'un cerf qui fut rencontré, comme quelques historiens disent, trois cens ans apres la mort de Cesar, parce qu on luy treuva un collier ou estoit la devise de Cesar, et ces motz: Cesar m'a lasché.

  A004000324 

 C'est pourquoy le grand Prophete royal appelle cette inclination non seulement lumiere, parce qu'elle nous fait voir ou nous devons tendre, mais aussi joye et allegresse, parce qu'elle nous console en nostre egarement, nous donnant esperance que Celuy qui nous a empreinte et laissee cette belle marque de nostre origine, pretend encor et desire de nous y ramener et reduire, si nous sommes si heureux que de nous laisser reprendre a sa divine Bonté.

  A004000332 

 Theotime, le soleil n'est ni rouge, ni noir, ni pasle, ni gris, ni verd: ce grand luminaire n'est point sujet a ces vicissitudes et changemens de couleurs, n'ayant pour toute couleur que sa très claire et perpetuelle lumiere, laquelle, si ce n'est par miracle, est invariable; mays nous parlons de la sorte parce qu'il nous semble estre tel, selon la varieté des vapeurs qui sont entre luy et nos yeux, lesquelles le font paroistre de diverses façons..

  A004000333 

 Et comme le soleil n'a aucune de toutes les couleurs que nous luy attribuons, ains une seule tres claire lumiere qui est par dessus toute couleur et qui rend visiblement colorees toutes les couleurs, aussi en Dieu il n'y a aucune des perfections que nous imaginons, ains une seule tres pure excellence qui est au dessus de toute perfection et qui donne la perfection a tout ce qui est parfait..

  A004000333 

 Mais cependant, en Dieu il n'y a ni varieté ni difference quelcomque de perfections, ains il est luy mesme une tres seule, tres simple et tres uniquement unique perfection; car tout ce qui est en luy n'est que luy mesme, et toutes les excellences que nous disons estre en luy en une si grande diversité, elles y sont en une tres simple et tres pure unité.

  A004000334 

 Et pour cela, Dieu respondant par l'Ange au pere de Samson, qui luy demandoit son nom: [88] Pourquoy demandes-tu mon nom, dit-il, qui est admirable? comme s'il vouloit dire: Mon nom peut estre admiré, mais non pas prononcé par les creatures; il doit estre adoré, mais il ne peut estre compris que par moy, qui seul sçay proferer le propre nom par lequel au vray et naifvement j'exprime mon excellence.

  A004000334 

 Nostre esprit est trop foible pour former une pensee qui puisse representer une excellence tant immense, laquelle comprenant en sa tres simple et tres unique perfection, distinctement et parfaittement, toutes autres perfections, en une façon infiniment excellente et eminente que nostre esprit ne peut penser, nous sommes forcés, pour parler aucunement de Dieu, d'user d'une grande quantité de noms, disant qu'il est bon, sage, tout puissant, vray, juste, saint, infini, immortel, invisible; et certes, nous parlons veritablement: Dieu est tout cela ensemble, parce qu'il est plus que tout cela, c'est a dire il l'est en une sorte si pure, si excellente et si relevee, qu'en une tres simple perfection il a la vertu, force et excellence de toute perfection..

  A004000335 

 Ainsy la manne estoit une seule viande, laquelle comprenant en soy le goust et la vertu de toutes les autres viandes, on eut peu dire qu'elle avoit le goust du citron, du melon, du raisin, de la prune et de la poire; mais on eut encor plus veritablement dit qu'elle n'avoit pas tous ces goustz, ains un seul goust qui estoit le sien propre, lequel neanmoins contenoit en son unité tout ce qui pouvoit estre d'aggreable et desirable en toute la diversité des autres goustz; comme l'herbe dodecatheos, «laquelle,» ce dit Pline, «guerissant de toutes, maladies,» n'est ni rhubarbe, ni sené, ni rose, ni betoine, ni buglosse, ains un seul simple qui en l'unique simplicité de sa proprieté a autant de force que tous les autres medicamens ensemble.

  A004000336 

 Mays pourtant, que tout esprit loüe le Seigneur, le nommant de tous les noms les plus eminens qui se pourront treuver; et pour la plus grande loüange que nous luy puissions rendre, confessons que jamais il ne peut estre asses loüé, et pour le plus excellent nom que nous luy puissions attribuer, protestons que son nom est sur tout nom, et que nous ne pouvons le dignement nommer..

  A004000340 

 Car ainsy sont diverses les facultés de voir, d'ouïr, de gouster, toucher, se mouvoir, se nourrir, entendre, vouloir, et les habitudes de parler, marcher, jouer, chanter, coudre, sauter, nager; comme aussi les actions et les œuvres qui proviennent de ces facultés et habitudes, sont grandement differentes..

  A004000340 

 Nous avons une grande diversité de facultés et habitudes, qui produisent aussi une grande varieté d'actions, et ces actions une multitude non pareille d'ouvrages.

  A004000341 

 Et si, en cela nous n'offençons pas la verité; car encor qu'en Dieu il n'y ait pas multitude d'actions, ains un seul acte qui est la Divinité mesme, cet acte toutefois est si parfait, qu'il comprend excellemment la force et la vertu de tous les actes qui sembleroyent estre requis pour toute la diversité des effectz que nous voyons..

  A004000347 

 Ainsy saint Chrysostome remarque que ce que Moyse a dit en plusieurs paroles, descrivant la creation du monde, le glorieux saint Jean l'a exprimé en un seul mot, disant que par le Verbe, c'est a dire par cette Parole eternelle qui est le Filz de Dieu, tout a esté fait.

  A004000348 

 Ainsy, Theotime, la nature, comme le peintre, multiplie et diversifie ses actes a mesure que ses besoignes sont differentes, et luy faut un grand tems pour faire des grans effectz; mais Dieu, comme l'imprimeur, a donné l'estre a toute la diversité des creatures qui ont esté, sont et seront, par un seul trait de sa toute puissante volonté, tirant de son idee, comme de dessus une planche bien taillee, cette admirable différence de personnes et d'autres choses qui s'entresuivent es saysons, es aages, es siecles, chacune en son ordre, selon qu'elles devoyent estre: cette souveraine unité de l'acte divin estant opposee a la confusion et au desordre, et non a la distinction ou varieté, qu'elle employe, au contraire, pour en composer la beauté, reduisant toutes les differences et diversités a la proportion, et la proportion a l'ordre, et l'ordre a l'unité du monde, qui comprend toutes choses creées tant visibles qu'invisibles; lesquelles toutes ensemble s'appellent univers, peut estre parce que toute leur diversité se reduit en unité, comme qui diroit unidivers, c'est a dire unique et divers, unique avec diversité et divers avec unité..

  A004000348 

 Imaginons, je vous prie, d'un costé un peintre qui fait l'image de la naissance du Sauveur (et j'escris ceci es jours dediés a ce saint mystere): il donnera sans doute mille et mille traitz de pinceau, et mettra non seulement des jours mais des semaines et des moys a façonner ce tableau, selon la varieté des personnages et autres choses qu'il y veut representer.

  A004000348 

 Mais d'autre costé, voyons un imprimeur d'images qui, ayant mis sa feuille sur la planche taillee du mesme mystere de la Nativité, ne donnera qu'un seul coup de presse: en ce seul coup, Theotime, il fera tout son ouvrage, et soudain il tirera son image, laquelle en belle taille douce representera tres aggreablement tout ce qui a deu estre imaginé selon l'histoire sacree; et bien qu'il n'ayt fait qu'un seul mouvement, son ouvrage toutefois portera [92] grande quantité de personnages et d'autres choses differentes, bien distinguees, chacune en son ordre, en son rang, en son lieu, en sa distance et en sa proportion; et qui ne sçauroit pas le secret, il seroit tout estonné de voir sortir d'un seul acte une si grande varieté d'effectz.

  A004000349 

 En signe dequoy, l'Escriture nous ayant rapporté que Dieu au commencement dit: Soyent faitz les luminaires au firmament du ciel, et qu'ilz separent le jour de la nuit, et qu'ilz soyent en signes, en tems, et jours et annees, nous voyons encor maintenant cette perpetuelle revolution et entresuite de tems et de saysons qui durera jusques [93] a la fin du monde, pour nous apprendre que, comme.

  A004000354 

 aussi le seul eternel vouloir de sa divine Majesté estend sa force de siecle en siecle et jusques aux siecles des siecles, pour tout ce qui a esté, qui est et sera eternellement, sans que chose quelconque ayt estre que par ce seul tres unique, tres simple et tres eternel Acte divin, auquel soit honneur et gloire.

  A004000359 

 Et quant a la chose publique, il disposa de faire une mayson royale et une cour pour sa majesté, et en icelle tant de maistres d'hostelz, de gentilzhommes et autres courtisans; et pour le peuple, des juges et autres magistratz qui exerçassent la justice.

  A004000359 

 Et quant a la religion, il determina qu'il falloit edifier un Temple de telle et telle longueur, largeur, hauteur, tant de porches et parvis, tant de [94] fenestres, et ainsy de tout le reste qui appartenoit au Temple; puis, tant de sacrificateurs, tant de chantres et autres officiers du Temple.

  A004000360 

 Mais d'autant que la disposition est inutile sans la creation ou levee des officiers, et que la creation est vaine sans la providence qui regarde a ce qui est requis pour la conservation des officiers creés ou erigés, et qu'en fin cette conservation qui se fait par le bon gouvernement n'est autre chose que la providence effectuee, partant, non seulement la disposition mais aussi la creation et le bon gouvernement de Salomon, furent appellés du nom de providence: aussi ne disons-nous pas qu'un homme ayt de la providence, sinon quand il gouverne bien..

  A004000360 

 Mais il ne s'arresta pas la, Theotime; car apres avoir fait son projet et deliberé en soy mesme des moyens propres pour en venir a bout, venant a la prattique, il crea tous les officiers selon qu'il avoit disposé, et, par un bon gouvernement, il fit faire toutes les provisions requises a leur entretenement et a l'execution de leurs charges: de sorte qu'ayant la connoissance de l'art de bien regner, il executa la disposition qu'il avoit fait a [95] part soy pour la creation de divers officiers, et mit en effect sa providence par le bon gouvernement dont il usa; et par ainsy, son art de regner, qui consistoit en la disposition et en la providence ou prouvoyance, fut prattiqué par la creation des officiers et par le gouvernement et bonne conduite.

  A004000360 

 Or, ayant ainsy disposé et fait estat a part soy de toutes les parties principales requises a son royaume, il vint a l'acte de la providence, et fit conte en son esprit de tout ce qui estoit requis pour edifier le Temple, pour entretenir les officiers sacrés, les ministres et magistratz royaux et les gens de guerre dont il avoit fait le projet; et se resolut d'envoyer a Hiram pour avoir les bois necessaires, de faire commerce au Peru, en Ophir, et, en somme, de prendre tous les moyens convenables pour avoir toutes les choses requises pour l'entretenement et bonne conduite de son entreprise.

  A004000361 

 Or maintenant, Theotime, parlans des choses divines selon l'impression que nous avons prise en la consideration des choses humaines, nous disons que Dieu ayant eu une eternelle et tres parfaite connoissance de l'art de faire le monde pour sa gloire, il disposa avant toutes choses en son divin entendement toutes les pieces principales de l'univers qui pouvoient luy rendre de l'honneur, c'est a dire la nature angelique et la nature humaine; et en la nature angelique, la varieté des hierarchies et des ordres que l'Escriture Sainte et les sacrés Docteurs nous enseignent; comme aussi entre les hommes, il disposa qu'il y auroit cette grande diversité que nous y voyons.

  A004000361 

 Puis, en cette mesme eternité, il prouveut et fît estat a part soy de tous les moyens requis aux hommes et aux Anges pour parvenir a la fin a laquelle il les avoit destinés, et fit ainsy l'acte de sa providence; et sans s'arrester la, pour effectuer sa disposition il a reellement creé les Anges et les hommes, et pour effectuer sa providence il a fourni et fournit par son gouvernement tout ce qui est necessaire aux creatures raysonnables pour parvenir a la gloire: si que, pour le dire en un mot, la providence souveraine n'est autre chose que l'acte par lequel Dieu veut fournir [96] aux hommes et aux Anges les moyens necessaires ou utiles pour parvenir a leur fin.

  A004000362 

 Dieu donques voulant prouvoir l'homme des moyens naturelz qui luy sont requis pour rendre gloire a sa divine Bonté, il a produit en faveur d'iceluy tous les autres animaux et les plantes; et pour prouvoir aux autres animaux et aux plantes, il a produit varieté de terroirs, de saysons, de fontaines, de vens, de pluyes; et tant pour l'homme que pour les autres choses qui luy appartiennent, il a creé les elemens, le ciel et les astres, establissant par un ordre admirable que presque toutes les creatures servent les unes aux autres reciproquement: les chevaux nous portent, et nous les pansons; les brebis nous nourrissent et vestent, et nous les paissons; la terre envoye des vapeurs a l'air, et l'air des pluyes a la terre; la main sert au pied, et le pied porte la main.

  A004000362 

 O, qui verroit ce commerce et traffiq general que les creatures font ensemble avec une si grande correspondance, de combien de passions amoureuses seroit-il esmeu envers cette souveraine Sagesse, pour s'escrier: Vostre Providence, o grand Pere eternel, gouverne toutes choses! Saint Basile et saint Ambroise en leurs Exhamerons, le bon Louys de Grenade en son Introduction au Symbole, et Louis Richeome en plusieurs de ses beaux opuscules, donneront beaucoup de motifs aux ames bien nees pour prouffiter en ce sujet..

  A004000363 

 Il estoit, par exemple, raysonnable de chastier la curiosité du poëte Æschilus, lequel ayant appris d'un devin qu'il mourroit accablé de la cheute de quelque mayson, se tint tout ce jour-la en une rase campagne pour eviter le destin; et demeurant ferme, teste nue, un faucon qui tenoit entre ses serres une tortue en l'air, voyant ce chef chauve et cuydant que ce fust la pointe d'un rocher, lascha la tortue droit sur iceluy, et voyla que Æschilus meurt sur le champ, accablé de la mayson et escaille d'une tortue.

  A004000363 

 Il y a toutefois, certes, des cas fortuitz et des accidens inopinés; mays [97] ilz ne sont ni fortuitz ni inopinés qu'a nous, et sont sans doute tres certains a la Providence celeste, qui les prevoit et les destine au bien public de l'univers.

  A004000363 

 Selon nous, ce cas fut inopiné; mais au regard de la Providence, qui regardoit de plus haut et voyoit la concurrence des causes, ce fut un exploit de justice par lequel la superstition de cet homme fut punie..

  A004000364 

 Les adventures de l'ancien Joseph furent admirables en varieté et en passages d'une extremité a l'autre: ses freres qui l'avoyent vendu pour le perdre, furent tout estonnés de le voir devenu vice-roy, et apprehendoyent infiniment qu'il ne se ressentist du tort qu'ilz luy avoyent fait: Mais non, leur dit-il, ce n'est pas tant par vos menees que je suis envoyé ici, comme par la Providence divine; vous avés eu des mauvais desseins sur moy, mais Dieu les a reduitz a bien.

  A004000364 

 Voyes vous, Theotime, le monde eust appelle fortune [98] ou evenement fortuit ce que Joseph dit estre un projet de la Providence souveraine, qui range et reduit toutes choses a son service; et il en est ainsy de tout ce qui se passe au monde, et mesme des monstres, la naissance desquelz rend les œuvres accomplies et parfaittes plus estimables, produit de l'admiration et provoque a philosopher et faire plusieurs bonnes pensees, et, en somme, ilz tiennent lieu en l'univers comme les ombres es tableaux, qui donnent grace et semblent relever la peinture..

  A004000369 

 Dieu conneut eternellement qu'il pouvoit faire une quantité innumerable de creatures, en diverses perfections et qualités, ausquelles il se pourroit communiquer; et considerant qu'entre toutes les façons de se communiquer il n'y avoit rien de si excellent que de se joindre a quelque nature creée, en telle sorte que la creature fust comme entee et inseree en la Divinité, pour ne faire avec elle qu'une seule personne, son infinie bonté, qui de soy mesme et par soy mesme est portee a la communication, se resolut et determina d'en faire une de cette maniere; affin que, comme eternellement il y a une communication essentielle en Dieu, par laquelle le Pere communique toute son infinie et [99] indivisible Divinité au Filz en le produisant, et le Pere et le Filz ensemble, produisans le Saint Esprit luy communiquent aussi leur propre unique Divinité, de mesme cette souveraine Douceur fust aussi communiquee si parfaittement hors de soy a une creature, que la nature creée et la Divinité, gardant une chacune leurs proprietés, fussent neanmoins tellement unies ensemble qu'elles ne fussent qu'une mesme personne..

  A004000371 

 Outre cela, la sacree Providence determina de produire [100] tout le reste des choses, tant naturelles que surnaturelles, en faveur du Sauveur, affin que les Anges et les hommes peussent en le servant participer a sa gloire; en suite dequoy, bien que Dieu voulut creer tant les Anges que les hommes avec le franc-arbitre, libres d'une vraye liberté pour choisir le bien et le mal, si est-ce neanmoins que, pour tesmoigner que de la part de la Bonté divine ilz estoyent dediéz au bien et a la gloire, elle les crea tous en justice originelle, laquelle n'estoit autre chose qu'un amour tres suave qui les disposoit, contournoit et acheminoit a la felicité eternelle..

  A004000372 

 Et parce que la nature angelique ne pourroit faire ce peché que par une malice expresse, sans tentation ni motif quelcomque qui la peust excuser, et que d'ailleurs une beaucoup plus grande partie de cette mesme nature demeureroit ferme au service du Sauveur, partant, Dieu, qui avoit si amplement glorifié sa misericorde au dessein de la creation des Anges, voulut aussi magnifier sa justice, et en la fureur de son indignation resolut d'abandonner pour jamais cette triste et malheureuse trouppe de perfides, qui en la furie de leur rebellion l'avoient si vilainement abandonné..

  A004000373 

 C'estoit la nature humaine de laquelle il avoit resolu de prendre une piece bien heureuse pour l'unir a sa Divinité; il vit que c'estoit une nature imbecille, un vent qui va et ne revient pas, c'est a dire qui se dissipe en allant; il eut esgard a la surprise que Satan avoit faitte au premier homme et a la grandeur de la tentation qui le ruina; il vit que toute la race des [101] hommes perissoit par la faute d'un seul: si que, par ces raysons, il regarda nostre nature en pitié et se resolut de la prendre a merci..

  A004000374 

 Mais affïn que la douceur de sa misericorde fust ornee de la beauté de sa justice, il delibera de sauver l'homme par voÿe de redemption rigoureuse, laquelle ne se pouvant bien faire que par son Filz, il establit qu'iceluy rachetteroit les hommes, non seulement par une de ses actions amoureuses qui eust esté plus que tres suffisante a rachetter mille millions de mondes, mais encor par toutes les innumerables actions amoureuses et passions douloreuses qu'il feroit et souffriroit, jusques a la mort et la mort de la croix, a laquelle il le destina, voulant qu'ainsy il se rendist compaignon de nos miseres, pour nous rendre par apres compaignons de sa gloire.

  A004000378 

 Estant donq ainsy, que toute volonté bien disposee qui se determine de vouloir plusieurs objectz esgalement presens, ayme mieux, et avant tous, celuy qui est le plus aymable, il s'ensuit que la souveraine Providence faisant son eternel projet et dessein de tout ce qu'elle produiroit, elle voulut premierement et ayma, par une preference d'excellence, le plus aymable object de son amour, qui est nostre Sauveur; et puis, par ordre, les autres creatures, selon que plus ou moins elles appartiennent au service, honneur et gloire d'iceluy..

  A004000379 

 Ainsy le grand Sauveur fut le premier en l'intention divine et en ce projet eternel que la divine Providence fit de la production des creatures: et en contemplation de ce fruict desirable fut plantee la vigne de l'univers et establie la succession de plusieurs generations, qui, a guise de feuilles et de fleurs, le devoyent preceder, comme avant coureurs et preparatifz convenables a la production de ce raisin que l'Espouse sacree loue tant es Cantiques, et la liqueur duquel res-jouit Dieu et les hommes..

  A004000379 

 Ainsy tout a esté fait pour ce divin homme, qui pour cela est appellé aisné de toute creature, possédé par la divine Majesté au commencement des voÿes d'icelle, avant qu'elle fit chose quelconque, creé au commencement, avant les siecles: car en luy toutes choses sont faittes, et il est avant tous, et toutes choses sont establies en luy, et il est chef de toute l'Eglise, tenant en tout et par tout la primauté.

  A004000380 

 Et tant s'en faut que le peché d'Adam ayt surmonté la debonnaireté divine, que tout au contraire il l'a excitee et provoquee: si que, par une suave et tres amoureuse antiperistase et contention, elle s'est revigoree a la presence de son adversaire, et comme ramassant ses forces pour vaincre, elle a fait surabonder la grace ou l'iniquité avoit abondé; de sorte que la sainte Eglise, par un saint exces d'admiration, s'escrie, la veille de Pasques: «O peché d'Adam, a la verité necessaire, qui a esté effacé par la mort de Jesus Christ; o coulpe bien heureuse, qui a mérité d'avoir un tel et si grand Redempteur!» Certes, Theotime, nous pouvons dire comme cet ancien: « Nous estions perdus, si nous n'eussions esté perdus;» c'est a dire, nostre perte nous a esté a prouffit, puisqu'en effect la nature humaine a receu plus de graces par la redemption de son Sauveur, qu'elle n'en eust jamais receu par l'innocence d'Adam, s'il eust perseveré en icelle..

  A004000380 

 Mays donq maintenant, mon Theotime, qui doutera de l'abondance des moyens du salut, puisque nous avons un si grand Sauveur, en consideration duquel nous avons esté faitz, et par les merites duquel nous avons esté rachetés? Car il est mort pour tous, parce [103] que tous estoyent mortz; et sa misericorde a esté plus salutaire pour racheter la race des hommes, que la misere d'Adam n'avoit esté veneneuse pour la perdre.

  A004000381 

 Car encor que la divine Providence ait laissé en l'homme des grandes marques de sa severité parmi la grace mesme de sa misericorde, comme par exemple, la necessité de mourir, les maladies, les travaux, la rebellion de la sensualité, si est-ce que la faveur celeste surnageant a tout cela, prend playsir de convertir toutes ces miseres au plus grand prouffit de ceux qui l'ayment, faysant naistre la patience sur les travaux, le mespris du monde sur la necessité de mourir, et mille victoires sur la concupiscence: et comme l'arc-en-ciel touchant l'espine aspalatus la rend plus odorante que les lys, aussi la redemption de Nostre Seigneur touchant nos miseres, elle les rend plus utiles et aymables que n'eust jamais esté l'innocence originelle.

  A004000381 

 Les Anges ont plus de joye au Ciel, dit le Sauveur, sur un pecheur penitent, que sur nonante neuf justes, qui [104] n'ont pas besoin de penitence: et de mesme, l'estat de la redemption vaut cent fois mieux que celuy de l'innocence.

  A004000386 

 Ainsy il destina premierement pour sa tressainte Mere une faveur digne de l'amour d'un Filz qui, estant tout sage, tout puissant et tout bon, se devoit preparer une Mere a son gré: et partant, il voulut que sa redemption luy fust appliquee par maniere de remede preservatif, affin que le peché, qui s'escouloit de generation en generation, ne parvinst point a elle.

  A004000387 

 De cette maniere donques, Dieu destourna de sa glorieuse Mere toute captivité, luy donnant le bonheur des deux estatz de la nature humaine, puisqu'elle eut l'innocence que le premier Adam avoit perdue, et jouît excellemment de la redemption que le second luy acquit; en suite dequoy, comme un jardin d'eslite qui devoit porter le fruit de vie, elle fut rendue florissante en toutes sortes de perfections, ce Filz de l'amour eternel ayant ainsy paré sa Mere de robbe d'or, recamee en belle varieté, affin qu'elle fust la Reyne de sa dextre, c'est a dire la premiere de tous les esleuz, qui jouiroit des delices de la dextre divine.

  A004000387 

 Dieu disposa aussi d'autres faveurs pour un petit nombre de rares creatures qu'il vouloit mettre hors du danger de la damnation, comme il est certain de saint Jean Baptiste, et tres probable de Hieremie et de quelques autres, que la divine Providence alla saisir dans le ventre de leur mere, et des Ihors les establit en la perpetuité de sa grace affin qu'ilz demeurassent fermes en son amour, bien que sujetz aux retardemens et pechés venielz, qui sont contraires a la perfection de l'amour et non a l'amour mesme.

  A004000387 

 Et ces ames, en comparayson des autres, sont comme des reynes, tous-jours couronnees de charité, qui tiennent le rang principal en l'amour du Sauveur, apres sa Mere, laquelle est la Reyne des reynes; Reyne, non seulement couronnee d'amour, mays de la perfection de l'amour, et, qui plus est, couronnee de son Filz propre qui est le souverain object de l'amour, puisque les enfans sont la couronne de leurs peres et meres..

  A004000387 

 Si que cette Mere sacree, comme toute reservee a son Filz, fut par luy rachetee, non seulement de la damnation, mais aussi de tout peril de la damnation, luy asseurant la grace et la perfection de la grace; en sorte qu'elle marchast comme une belle aube qui, commençant a poindre, va continuellement croissant en clarté jusques au plein jour.

  A004000388 

 Telz furent les Apostres, David, Magdeleine [107] et plusieurs autres, qui pour un tems demeurerent hors de l'amour de Dieu; mais en fin, estans une bonne fois convertis, furent confirmés en la grace jusques a la mort: de sorte que des Ihors, demeurans voirement sujetz a quelques imperfections, ilz furent toutefois exemptz de tout peché mortel, et par consequent du peril de perdre le divin amour; et furent comme des amies sacrees de l'Espoux celeste, parees voirement de la robbe nuptiale de son tressaint amour, mais non pas pourtant couronnees, parce que la couronne est un ornement de la teste, c'est a dire de la premiere partie de la personne; or, la premiere partie de la vie des ames de ce rang ayant esté sujette a l'amour des choses terrestres, elles ne peuvent porter la couronne de l'amour celeste, ains leur suffit d'en porter la robbe, qui les rend capables du lit nuptial de l'Espoux divin et d'estre eternellement, bienheureuses avec luy..

  A004000392 

 Mays apres cela, cette souveraine Bonté respandit une abondance de graces et benedictions sur toute la race des hommes et la nature des Anges, de laquelle tous ont esté arrousés comme d'une pluye qui tombe sur les bons et les mauvais; tous ont esté esclairés comme d'une [108] lumiere qui illumine tout homme venant en ce monde; tous ont receu leur part, comme d'une semence qui tombe non seulement sur la bonne terre, mays emmi les chemins, entre les espines et sur les pierres; affin que tous fussent inexcusables devant le Redempteur, s'ilz n'employent cette tres abondante redemption pour leur salut..

  A004000393 

 Mais pourtant, Theotime, quoy que cette tres abondante suffisance de graces soit ainsi versee sur toute la nature humaine, et qu'en cela nous soyons tous esgaux qu'une riche abondance de benedictions nous est offerte a tous, si est-ce neanmoins que la varieté de ces faveurs est si grande, qu'on ne peut dire qui est plus admirable, ou la grandeur de toutes les graces en une si grande diversité, ou la diversité en tant de grandeurs.

  A004000393 

 Qui ne void qu'entre les Chrestiens les moyens du salut sont plus grans et puissans qu'entre les barbares, et que parmi les Chrestiens il y a des peuples et des villes ou les pasteurs sont plus fructueux et capables? Or, de nier que ces moyens exterieurs ne sovent pas des faveurs de la Providence divine, ou de revoquer en doute qu'ilz ne contribuent pas au salut et a la perfection des ames, ce seroit estre ingrat envers la Bonté celeste, et desmentir la veritable experience qui nous fait voir que, pour l'ordinaire, ou ces moyens exterieurs abondent, les interieurs ont plus d'effect et reussissent mieux..

  A004000394 

 Aussi nostre Sauveur compare sa grace aux perles, lesquelles, comme dit Pline, s'appellent autrement unions, parce qu'elles sont tellement uniques une chacune en ses qualités, qu'il ne s'en treuve jamais deux qui soyent parfaitement pareilles; et comme une estoile est differente de l'autre en clarté, ainsy seront differens les hommes les uns des autres en la gloire, signe evident qu'ilz l'auront esté en la grace.

  A004000394 

 Et comme au Ciel, nul ne sçait le nom nouveau sinon celuy qui le reçoit, parce que chacun des Bienheureux a le sien particulier selon l'estre nouveau de la gloire qu'il acquiert, ainsy en terre chacun reçoit une grace si particuliere, que toutes sont diverses.

  A004000394 

 Or, cette varieté en la grace, ou cette grace en la varieté, fait une tres sacree beauté et tres suave harmonie qui res-jouit toute la sainte cité de Hierusalem la celeste..

  A004000395 

 Mais il se faut bien garder de jamais rechercher pourquoy la supreme Sagesse a departi une grace a l'un plustost qu'a l'autre, ni pourquoy il fait abonder ses faveurs en un endroit plustost qu'en l'autre: non, Theotime, n'entrés jamais en cette curiosité; car ayans tous suffisamment, ains abondamment, ce qui est requis pour le salut, quelle rayson peut avoir homme du monde de se plaindre, s'il plait a Dieu de departir ses graces plus largement aux uns qu'aux autres? Si quelqu'un s'enqueroit pourquoy Dieu a fait les melons plus gros que les frayses, ou les lys plus grans que les violettes, pourquoy le romarin n'est pas une rose, ou pourquoy l'œillet n'est pas un soucy, pourquoy le paon [110] est plus beau qu'une chauvesouris, ou pourquoy la figue est douce et le citron aigrelet, on se moqueroit de ses demandes et on luy diroit: pauvre homme, puisque la beauté du monde requiert la varieté, il faut qu'il y ait des differentes et inegales perfections es choses, et que l'une ne soit pas l'autre; c'est pourquoy les unes sont petites, les autres grandes, les unes aigres, les autres douces, les unes plus, et les autres moins belles.

  A004000399 

 Bien que la redemption du Sauveur nous soit appliquee en autant de differentes façons comme il y a d'ames, si est-ce neanmoins que l'amour est le moyen universel de nostre salut, qui se mesle par tout et sans lequel rien n'est salutaire, ainsy que nous dirons ailleurs.

  A004000399 

 En quoy il tesmoigne bien, Theotime, qu'il ne nous a pas laissé l'inclination naturelle de l'aymer, pour neant; car affin qu'elle ne soit oyseuse, il nous presse de l'employer par ce commandement general, et affin que ce commandement puisse estre prattiqué, il ne laisse homme qui vive auquel il ne fournisse abondamment tous les moyens requis a cet effect..

  A004000399 

 Hé, dit-il, je suis venu pour mettre le feu au monde, que pretens-je sinon qu'il arde? Mais pour declarer plus vivement l'ardeur de ce desir, il nous commande cet amour en termes admirables: Tu aymeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton ame, de toutes tes forces, c'est le premier et le plus grand commandement. Vray Dieu, Theotime, que le cœur divin est amoureux de nostre amour! Ne suffisoit-il pas qu'il eust publié une permission par laquelle il nous eust donné congé de l'aymer, comme Laban permit a Jacob d'aymer sa belle Rachel et de la gaigner par ses services? Mays non, il declare plus avant sa passion amoureuse envers nous, et nous commande de l'aymer de tout nostre pouvoir, affin que la consideration de sa Majesté et de nostre misere, qui font une tant infinie disparité et inegalité de luy a nous, ni autre pretexte quelconque, ne nous divertist de l'aymer.

  A004000399 

 Pour cela, Theotime, le doux Jesus, qui nous a rachetés par son sang, desire infiniment que nous l'aymions, affin que nous soyons eternellement sauvés, et desire que nous soyons sauvés, affin que nous l'aymions eternellement, son amour tendant a nostre salut et nostre salut a son amour.

  A004000400 

 Or, vivre selon Dieu, c'est aymer; et qui n'ayme pas, il demeure en la mort.

  A004000405 

 Ce sont paroles de Dieu, par lesquelles il promet que le Sauveur venant au monde, establira un nouveau regne en son Eglise, qui sera son Espouse vierge et vraye Israëlite spirituelle.

  A004000405 

 Or, comme vous voyes, Theotime, ce n'a pas esté par aucun merite des œuvres que nous eussions fait, mais selon sa misericorde qu'il nous a sauvés, par cette charité ancienne, ains eternelle, qui a esmeu sa divine Providence de nous attirer a soy.

  A004000407 

 Mais nous autres humains, nous ressemblons plustost aux apodes: car s'il nous advient de quitter l'air du saint amour divin pour prendre terre et nous attacher aux creatures, ce que nous faysons toutes les fois que nous offençons Dieu, nous mourons voirement, mais non pas d'une mort si entiere qu'il ne nous reste un peu de mouvement, et, avec cela, des jambes et des pieds, c'est a dire quelques menues affections qui nous peuvent faire faire quelques essays d'amour; mays cela pourtant est si foible, qu'en verité nous ne pouvons plus de nous mesmes desprendre nos cœurs du peché, ni nous relancer au vol de la sacree dilection, laquelle, chetifz que nous sommes, nous avons perfidement et volontairement quittee..

  A004000409 

 Helas, qui le delivrera? L'Ange descend du Ciel, et frappant sur le flanc du grand saint Pierre prisonnier, le resveille, disant: Sus, leve-toy; et l'inspiration vient du Ciel comme un Ange, laquelle battant droit sur le cœur du pauvre pecheur, l'excite affin qu'il se leve de son iniquité..

  A004000409 

 Mais voyés derechef cet Apostre sacré dormant dans la prison d'Herodes, lié de deux chaisnes: il est la en qualité de martyr, et neanmoins il represente le pauvre homme qui dort emmi le peché, prisonnier et esclave de Satan.

  A004000409 

 Or, ce premier eslan ou esbranlement que Dieu donne en nos cœurs pour les inciter a leur bien, se fait voirement en nous, mais non pas par nous; car il arrive a l'improveu avant que nous y ayons ni pensé [116] ni peu penser, puisque nous n'avons aucune suffisance pour de nous mesmes, comme de nous mesmes, penser aucune chose qui regarde nostre salut; mais toute nostre suffisance est de Dieu, lequel ne nous a pas seulement aymés avant que nous fussions, mais encor affin que nous fussions, et que nous fussions saintz: en suite dequoy il nous previent es benedictions de sa douceur paternelle, et excite nos espritz pour les pousser a la sainte repentance et conversion.

  A004000409 

 Voyés, je vous prie, Theotime, le pauvre prince des Apostres tout engourdi dans son peché en la triste nuit de la Passion de son Maistre: il ne pensoit non plus a se repentir de son peché que si jamais il n'eust conneu son divin Sauveur; et comme un chetif apode atterré, il ne se fust onques relevé, si le coq, comme instrument de la divine Providence, n'eust frappé de son chant a ses oreilles, a mesme que le doux Redempteur, jettant un regard salutaire comme une sagette d'amour, transperça ce cœur de pierre qui rendit par apres tant d'eau, a guise de l'ancienne pierre lhors qu'elle fut frappee par Moyse au desert.

  A004000410 

 Je dormois, dit cette devote Espouse, et mon Espoux, qui est mon cœur, veilloit; hé, voy-le cy qu'il m'esveille, m'appellant par le nom de nos amours, et j'entens bien que c'est luy a sa voix.

  A004000410 

 N'est-il pas donq vray, mon cher Theotime, que cette premiere esmotion et secousse que l'ame sent, quand Dieu, la prevenant d'amour, l'esveille et l'excite a quitter le peché et se retourner a luy, et non seulement cette secousse, ains tout le resveil se fait en nous et pour nous, mays non pas par nous? Nous sommes esveillés, mays nous ne nous sommes pas esveillés de nous mesmes; c'est l'inspiration qui nous a esveillés, [117] et pour nous esveiller, elle nous a esbranlés et secoués.

  A004000414 

 Certes, au jour du jugement, les Ninivites et la reyne de Saba se leveront contre les Juifz et les convaincront d'estre dignes de damnation; parce que, quant aux Ninivites, estans idolatres et de nation barbare, a la voix de Jonas ilz se convertirent et firent penitence; et quant a la reyne de Saba, quoy qu'elle fust engagee dans les affaires d'un royaume, neanmoins, ayant ouï la renommee de [118] la sagesse de Salomon, elle quitta tout pour le venir ouïr: et cependant les Juifz, oyans de leurs oreilles la divine sagesse du vray Salomon, Sauveur du monde, voyans de leurs yeux ses miracles, touchans de leurs mains ses vertus et bienfaitz, ne laisserent pas de s'endurcir et resister a la grace qui leur estoit offerte.

  A004000414 

 Malheur a toy, Corozaïn, malheur a toy, Bethsaïda; car si en Tyr et en Sidon eussent esté faittes les vertus qui ont esté faittes en toy, ilz eussent fait penitence avec la haire et la cendre: c'est la parole du Sauveur.

  A004000414 

 Voyés donq derechef, Theotime, que ceux qui ont receu moins d'attraitz sont tirés a la penitence, et ceux qui en ont plus receu s'obstinent; ceux qui ont moins de sujet de venir, viennent a l'eschole de la Sagesse, et ceux qui en ont plus, demeurent en leur folie..

  A004000415 

 Ainsy se fera le jugement de comparayson, comme tous les Docteurs ont remarqué, qui ne peut avoir aucun fondement sinon en ce que les uns, ayans esté favorisés d'autant ou plus d'attraitz que les autres, auront neanmoins refusé leur consentement a la misericorde; et les autres, assistés d'attraitz pareilz, ou mesme moindres, auront suivi l'inspiration et se seront rangés a la tressainte penitence.

  A004000415 

 Car, comme pourroit-on autrement reprocher avec rayson aux impenitens leur impenitence, par la comparayson de ceux qui se sont convertis? Certes, Nostre Seigneur monstre clairement, et tous les Chrestiens entendent simplement, qu'en ce juste jugement on condamnera les Juifz par comparayson des Ninivites, parce que ceux la ont eu beaucoup de faveur et n'ont eu aucun amour, beaucoup d'assistance et nulle repentance; ceux cy, moins de faveur et beaucoup d'amour, moins d'assistance et beaucoup de penitence..

  A004000417 

 Comme sera-il donq arrivé que quelques uns des Seraphins, voire le premier de tous, selon la plus probable et commune opinion des Anciens, soyent descheus, tandis qu'une multitude innombrable des autres Anges, inferieurs en nature et en grace, ont excellemment et courageusement perseveré? D'ou vient que Lucifer, tant eslevé par nature et sureslevé par grace, est tombé, et que tant d'Anges, moins avantagés, sont demeurés debout en leur fidelité? Certes, ceux qui ont perseveré en doivent toute la louange a Dieu, qui par sa misericorde les a creés et maintenus bons; mais Lucifer et tous ses sectateurs, a qui peuvent-ilz attribuer leur cheute sinon, comme dit saint Augustin, a leur propre volonté, qui a par sa liberté quitté la grâce divine qui les avoit si doucement prevenus? Comment es-tu tombé, o grand Lucifer, qui tout ainsy qu'une belle aube sortois en ce monde invisible, revestu de la charité premiere, comme du commencement de la clarté d'un beau jour qui devoit croistre jusques au [120] midy de la gloire eternelle? La grace ne t'a pas manqué, car tu l'avois, comme ta nature, la plus excellente de tous, mais tu as manqué a la grace; Dieu ne t'avoit pas destitué de l'operation de son amour, mais tu privas son amour de ta cooperation; Dieu ne t'eust jamais rejetté, si tu n'eusses rejetté sa dilection.

  A004000417 

 O Dieu tout bon, vous ne laissés que ceux qui vous laissent, vous ne nous ostés jamais vos dons, sinon quand nous vous ostons nos cœurs.

  A004000421 

 Quoy que le Saint Esprit, comme une source d'eau vive, aborde de toutes pars nostre cœur pour respandre sa grace en iceluy, toutefois, ne voulant pas qu'elle entre en nous sinon par le libre consentement [121] de nostre volonté, il ne la versera point que selon la mesure de son bon playsir et de nostre propre disposition et cooperation, ainsy que dit le sacré Concile, qui aussi, comme je pense, a cause de la correspondance de nostre consentement avec la grace, appelle la reception d'icelle reception volontaire..

  A004000422 

 En ce sens saint Paul nous exhorte de ne point recevoir la grace de Dieu en vain: car, comme un malade qui ayant receu la medecine en sa main ne l'avaleroit pas dans son estomach, auroit voirement receu la medecine, mais sans la recevoir, c'est a dire il l'auroit receüe en une façon inutile et infructueuse, de mesme, nous recevons la grace de Dieu en vain, quand nous la recevons a la porte du cœur et non pas dans le consentement du cœur; car ainsy nous la recevons sans la recevoir, c'est a dire nous la recevons sans fruit, puisque ce n'est rien de sentir l'inspiration sans y consentir.

  A004000422 

 Il arrive que, estans inspirés de faire beaucoup, nous ne consentons pas a toute l'inspiration, ains seulement a quelque partie d'icelle; comme firent ces bons personnages de l'Evangile, qui, sur l'inspiration que Nostre Seigneur leur fit de le suivre, vouloyent reserver, l'un d'aller premier ensevelir son pere, et l'autre d'aller prendre congé des siens..

  A004000423 

 A mesure que nostre cœur se dilate, ou, pour mieux parler, a mesure qu'il se laisse eslargir et dilater, et qu'il ne refuse pas le vuide de son consentement a la misericorde divine, elle verse tous-jours et [122] respand sans cesse dans iceluy ses sacrees inspirations, qui vont croissant et nous font croistre de plus en plus en l'amour sacré; mays quand il n'y a plus de vuide et que nous ne prestons pas davantage de consentement, elle s'arreste..

  A004000424 

 Mais pourquoy avons-nous abusé de nostre liberté? Theotime, il ne faut pas passer plus avant, car, comme dit saint Augustin, la depravation de nostre volonté ne provient d'aucune cause, ains de la defaillance de la cause qui commet le peché.

  A004000425 

 Et le Saint luy dit: Certes, je me tiens pour le plus grand pecheur du monde, et qui sers le moins Nostre Seigneur.

  A004000426 

 Aussi, cet apophtegme a esté loué et repeté par tous les plus devotz qui sont venus despuis, entre lesquelz plusieurs ont estimé que le grand apostre saint Paul avoit dit en mesme sens qu'il estoit le premier de tous les pecheurs..

  A004000426 

 Or, je tiens pour oracle le sentiment de ce grand docteur en la science des Saintz, qui, nourri en l'eschole du Crucifix, ne respiroit que les divines inspirations.

  A004000426 

 Vous voyés, Theotime, l'advis de cet homme, qui ne fut presque pas homme, ains un Seraphin en terre.

  A004000427 

 La bienheureuse Mere Therese de Jesus, vierge certes aussi toute angelique, parlant de l'orayson de quietude, dit ces paroles: «Il y a plusieurs ames lesquelles arrivent jusques a cet estat, et celles qui passent outre sont en bien petit nombre, et ne sçay qui en est la cause.

  A004000431 

 Ainsy sa misericorde convertit et gratifie ordinairement les ames en une maniere si douce, suave et delicate, qu'a peyne apperçoit-on son mouvement; et neanmoins il arrive quelquefois, que cette Bonté souveraine, surpassant ses rivages ordinaires, comme un fleuve enflé et pressé de l'affluence de ses eaux qui se desborde emmi la plaine, elle fait une effusion de ses graces si impetueuse, quoy qu'amoureuse, qu'en un moment elle detrempe et couvre [125] toute une ame de benedictions, affin de faire paroistre les richesses de son amour, et que, comme sa justice procede communement par voye ordinaire, et quelquefois par voye extraordinaire, aussi sa misericorde fasse l'exercice de sa liberalité par voÿe ordinaire sur le commun des hommes, et sur quelques uns aussi par des moyens extraordinaires..

  A004000431 

 Je laisse a part ces vocations toutes puissantes et ces attraitz saintement violens, par lesquelz Dieu en un instant a transferé quelques ames d'eslite de l'extremité de la coulpe a l'extremité de la grace, faysant en elles, par maniere de dire, une certaine transsubstantiation morale et spirituelle, comme il arriva au grand Apostre, qui de Saul, vaysseau de persecution, devint subitement Paul, vaysseau d'élection.

  A004000431 

 Je ne parleray point ici, mon cher Theotime, de ces graces miraculeuses qui ont presque en un moment transformé les loups en bergers, les rochers en eau et les persecuteurs en predicateurs.

  A004000431 

 La justice divine nous chastie en ce monde par des punitions qui, pour estre ordinaires, sont aussi presque tous-jours inconneües et imperceptibles; quelquefois neanmoins il fait des deluges et abismes de chastimens, pour faire reconnoistre et craindre la severité de son indignation.

  A004000432 

 Sans doute, Theotime, nous ne sommes pas tirés a Dieu par des liens de fer, comme les taureaux et les buffles, ains par maniere d'allechemens, d'attraitz delicieux et de saintes inspirations, qui sont en somme les liens d'Adam et d'humanité; c'est a dire proportionnés et convenables au cœur humain, auquel la liberté est naturelle.

  A004000433 

 En cette sorte donq, trescher Theotime, nostre franc arbitre n'est nullement forcé ni necessité par la grace; ains, nonobstant la vigueur toute puissante de la main misericordieuse de Dieu, qui touche, environne et lie l'ame de tant et tant d'inspirations, de semonces et d'attraitz, cette volonté humaine demeure parfaittement [126] libre, franche et exempte de toute sorte de contrainte et de necessité.

  A004000434 

 Mais ce qui est autant admirable que veritable, c'est que quand nostre volonté suit l'attrait et consent au mouvement divin, elle le suit aussi librement comme librement elle resiste, quand elle resiste, bien que le consentement a la grace depende beaucoup plus de la grace que de la volonté, et que la resistance a la grace ne depende que de la seule volonté: tant la main de Dieu est amiable au maniement de nostre cœur, tant elle a de dexterité pour nous communiquer sa force sans nous oster nostre liberté, et pour nous donner le mouvement de son pouvoir sans empescher celuy de nostre vouloir; adjustant sa puissance a sa suavité en telle sorte que, comme en ce qui regarde le bien sa puissance nous donne suavement le pouvoir, aussi sa suavité maintient puissamment la liberté de nostre vouloir.

  A004000434 

 Si tu sçavois le don de Dieu, dit le Sauveur a la Samaritaine, et qui est celuy qui te dit, donne-moy a boire, toy mesme peut estre luy eusses demandé, et il t'eust donné de l'eau vive.

  A004000439 

 Ainsy, mon cher Theotime, quand l'inspiration, comme un vent sacré, vient pour nous pousser en l'air du saint amour, elle se prend a nostre volonté, et par le sentiment de quelque celeste delectation elle l'esmeut, estendant et despliant l'inclination naturelle, qu'elle a au bien, en sorte que cette inclination mesme luy serve de prise pour saisir nostre esprit: et tout cela, comme j'ay dit, se fait «en nous, sans nous,» car c'est la faveur divine qui nous previent en cette sorte.

  A004000439 

 Le mesme vent qui releve les apodes se prend premierement a leurs plumes, comme parties plus legeres et susceptibles de son agitation, par laquelle il donne d'abord du mouvement a leurs aysles, les estendant et despliant en sorte qu'elles luy servent de prise pour saisir l'oyseau et l'emporter en l'air.

  A004000439 

 Que si l'apode ainsy enlevé contribue le mouvement de ses aysles a celuy du vent, le mesme vent qui l'a poussé l'aydera de plus en plus a voler fort aysement.

  A004000439 

 Que si nostre esprit ainsy saintement prevenu, sentant les aysles de son inclination esmeües, despliees, estendues, poussees et agitees par ce vent celeste, contribue tant soit peu son consentement, ah, quel bonheur, Theotime; car la mesme inspiration et faveur qui nous a saisi, meslant [129] son action avec nostre consentement, animant nos foibles mouvemens de la force du sien, et vivifiant nostre imbecille cooperation par la puissance de son operation, elle nous aydera, conduira et accompaignera d'amour en amour, jusques a l'acte de la tressainte foy, requis pour nostre conversion..

  A004000440 

 0 Jesus, que c'est un playsir delicieux de voir l'amour celeste, qui est le soleil des vertus, quand petit a petit, par des progres qui insensiblement se rendent sensibles, il va desployant sa clarté sur une ame, et ne cesse point qu'il ne l'ayt toute couverte de la splendeur de sa presence, luy donnant en fin la parfaitte beauté de son jour! 0 que cette aube est gaye, belle, amiable et aggreable! Mays pourtant il est vray que, ou l'aube n'est pas jour, ou, si elle est jour, c'est un jour commençant, un jour naissant, c'est plustost l'enfance du jour que le jour mesme: et de mesme, sans doute, ces mouvemens d'amour qui precedent l'acte de la foy requis a nostre justification, ou ilz ne sont pas amour, a proprement parler, ou ilz sont un amour commençant et imparfait; ce sont les premiers bourgeons verdoyans que l'ame eschauffee du soleil celeste, comme un arbre mystique, commence a jetter au printems, qui sont plustost presages de fruitz que fruitz..

  A004000441 

 Helas, Theotime, le pauvre Pachome, quoy que de bon naturel, dormoit pour lhors dans la couche de son infidelité; et voyla que tout a coup, Dieu se treuve a la porte de son cœur, et par le bon exemple de ces Chrestiens, comme par une douce voix, il l'appelle, l'esveille et luy donne le premier sentiment de la chaleur vitale de son amour; car a peyne eut-il ouï parler, comme je viens de dire, de l'aymable loy du Sauveur, que tout rempli d'une nouvelle lumiere et consolation interieure, se retirant a part et ayant quelque tems pensé en soy mesme, il haussa les mains au ciel, et avec un profond souspir il se print a dire: «Seigneur Dieu, qui avés fait le ciel et la terre, si vous daignés jetter vos yeux sur ma bassesse et sur ma peyne et me donner connoissance de vostre Divinité, je vous prometz de vous servir, et d'obeir toute ma vie a vos commandemens.» Depuis cette priere et promesse, l'amour du vray bien et de la pieté prit un tel accroissement en luy, qu'il ne cessoit point de prattiquer mille et mille exercices de vertu..

  A004000441 

 Saint Pachome, Ihors encor tout jeune soldat et sans connoissance de Dieu, enroollé sous les enseignes de l'armee que Constance avoit dressee contre le tyran Maxence, vint avec la trouppe de laquelle il estoit, loger au pres d'une petite ville non guere esloignee de Thebes, ou, non seulement luy, mais toute l'armee se treuva en extreme disette de vivres: ce qu'ayant entendu les habitans de la petite ville, qui par bonne rencontre estoyent fidelles de Jesus Christ, et par consequent amis et secourables au prochain, ilz prouveurent soudain a la necessité des soldatz, mais avec tant de [130] soin, de courtoisie et d'amour, que Pachome en fut tout ravi d'admiration; et demandant quelle nation estoit celle-la, si bonteuse, amiable et gracieuse, on luy dit que c'estoyent des Chrestiens; et s'enquerant derechef quelle loy et maniere de vivre estoit la leur, il apprit qu'ilz croyoient en Jesus Christ, Filz unique de Dieu, et faisoyent bien a toutes sortes de personnes, avec ferme esperance d'en recevoir de Dieu mesme une ample recompence.

  A004000442 

 Il m'est advis, certes, que je voy en cet exemple un rossignol qui, se resveillant a la prime aube, commence a se secouer, s'estendre, desployer ses plumes, voleter de branche en branche dans son buisson, et petit a petit gazouiller son delicieux ramage: car n'aves-vous pas pris garde, comme le bon exemple de ces charitables Chrestiens excita et resveilla en sursaut le bienheureux Pachome? Certes, cet estonnement d'admiration qu'il [131] en eut ne fut autre chose que son resveil, auquel Dieu le toucha, comme le soleil touche la terre, avec un rayon de sa clarté, qui le remplit d'un grand sentiment de playsir spirituel.

  A004000443 

 Cependant voyes, je vous prie, Theotime, comme Dieu va doucement renforçant peu a peu la grace de son inspiration dedans les cœurs qui consentent, les tirant apres soy comme de degré en degré sur cette eschelle de Jacob.

  A004000448 

 Et neanmoins, l'acte de la foy consiste en cet acquiescement de nostre esprit, lequel ayant receu l'aggreable lumiere de la verité, il y adhere par maniere d'une douce, mais puissante et solide asseurance et certitude, qu'il prend en l'authorité de la revelation qui luy en est faitte..

  A004000448 

 Mais ne faut il pas qu'en effect je sois infiniment aymable, puisque les sombres tenebres et les espais brouillars entre lesquelz je suis, non pas veüe mais seulement entreveüe, ne me peuvent empescher d'estre si aggreable, que l'esprit, me cherissant sur tout, fendant la presse de toutes autres connoissances, il me fait faire place et me reçoit comme sa reyne, dans le trosne le plus relevé qui soit en son palais, d'ou je donne la loy a toute science et assujettis tout discours et tout sentiment humain? Ouy vrayement, Theotime, tout ainsy que les chefz de l'armee d'Israël se despouillans de leurs vestemens, les mirent ensemble et en firent comme un trosne royal sur lequel ilz assirent Jehu, crians: Jehu est roy, de mesme, a l'arrivee de la foy, l'esprit se despouille de tous discours et argumens, et les sousmettant a la foy, il la fait asseoir sur iceux, la reconnoissant comme reyne, et crie avec une grande joye: Vive la foy! Les discours et argumens pieux, les miracles et autres avantages de la religion chrestienne, la rendent certes extremement croyable et connoissable; mays la seule foy la rend creüe et reconneüe, faysant aymer la beauté de sa verité [134] et croire la verité de sa beauté, par la suavité qu'elle respand en la volonté et la certitude qu'elle donne a l'entendement.

  A004000448 

 Mon Dieu, Theotime, pourrois-je bien dire ceci? La foy est la grande amie de nostre esprit, et peut bien parler aux sciences humaines qui se vantent d'estre plus evidentes et claires qu'elle, comme l'Espouse sacree parloit aux autres bergeres: Je suis brune, mais belle.

  A004000448 

 O discours humains, o sciences acquises, je suis brune, car je suis entre les obscurités des simples revelations, qui sont sans aucune evidence apparente, et me font paroistre noyre, me rendant presque mes-connoissable; mais je suis pourtant belle en moy mesme a cause de mon infinie certitude, et si les yeux des mortelz me pouvoient voir telle que je suis par nature, ilz me treuveroyent toute belle.

  A004000449 

 L'enqueste donq et la dispute se fait au parvis des prestres, entre les docteurs; mais la resolution et l'acquiescement se fait au Sanctuaire, ou le Saint Esprit, qui anime le cors de l'Eglise, parle par les bouches des chefz d'icelle, selon que Nostre Seigneur l'a promis.

  A004000449 

 Vous aves ouy dire, Theotime, qu'es Conciles generaux il se fait des grandes disputes et recherches de la verité, par discours, raysons et argumens de theologie; mays la chose estant debattue, les Peres, c'est a dire les Evesques, et specialement le Pape qui est le chef des Evesques, concluent, resoulvent et determinent, et la determination estant prononcee chacun s'y arreste et y acquiesce pleinement, non point en consideration des raysons alleguees en la dispute et recherche precedente, mays en vertu de l'authorité du Saint Esprit qui, presidant invisiblement es Conciles, a jugé, determiné et conclu par la bouche de ses serviteurs qu'il a establis Pasteurs du Christianisme.

  A004000454 

 Le cœur humain tend a Dieu par son inclination naturelle, sans sçavoir bonnement quel il est; mais quand il le treuve a la fontaine de la foy, et qu'il le void si bon, si beau, si doux et si debonnaire envers tous, et si disposé a se donner comme souverain bien a tous ceux qui le veulent, o Dieu, que de contentemens et que de sacrés mouvemens en l'esprit, pour s'unir a jamais a cette bonté si souverainement aymable! J'ay en fin treuvé, dit l'ame ainsy touchee, j'ay treuvé ce que je desirois, et je suis maintenant contente.

  A004000455 

 Certes, ou que nous veuillions ou que nous ne veuillions pas, nostre esprit tend au souverain bien: mays qui est ce souverain bien? Nous ressemblons a ces bons Atheniens qui faysoient sacrifice au vray Dieu, lequel neanmoins leur estoit inconneu, jusques a ce que le grand saint Paul leur en annonça la connoissance: car ainsy nostre cœur, par un profond et secret instinct, tend en toutes ses actions et pretend a la felicité, et la va cherchant ça et la, comme a tastons, sans sçavoir toutefois ni ou elle reside ni en quoy elle consiste, jusques a ce que la foy la luy monstre et luy en descrit les merveilles [138] infinies: et lhors ayant treuvé le tresor qu'il cherchoit, helas, quel contentement a ce pauvre cœur humain, quelle joye, quelle complaysance d'amour! Hé, je l'ay rencontré, Celuy que mon ame cherchoit sans le connoistre; o que ne sçavois-je a quoy tendoyent mes pretentions quand rien de tout ce que je pretendois ne me contentoit, parce que je ne sçavois pas ce que, en effect, je pretendois! Je pretendois d'aymer, et ne connoissois pas ce qu'il failloit aymer; et partant, ma pretention ne treuvant pas son veritable amour, mon amour estoit tous-jours en une veritable mais inconneüe pretention: j'avois bien asses de presentiment d'amour pour me faire pretendre, mays je n'avois pas asses de sentiment de la bonté qu'il failloit aymer, pour exercer l'amour..

  A004000455 

 Nous sentons quelquefois de certains contentemens qui viennent comme a l'improuveue, sans aucun sujet apparent, et ce sont souvent des presages de quelque plus grande joye: dont plusieurs estiment que nos bons Anges, prevoyans les biens qui nous doivent advenir, nous en donnent ainsy des presentimens; comme au contraire ilz nous donnent des craintes et frayeurs emmi les perilz inconneuz, affin de nous faire invoquer Dieu et demeurer sur nos gardes.

  A004000473 

 Ainsy donques, affin que l'inquietude et la douloureuse langueur que les effortz de l'amour desirant causeroient en nos espritz, ne nous portast a quelque defaillance de courage et ne nous reduisist au desespoir, le mesme Bien souverain qui [140] nous incite a le desirer si fortement, nous asseure aussi que nous le pourrons obtenir fort aysement, par mille et mille promesses qu'il nous en a faittes en sa Parolle et par ses inspirations, pourveu que nous veuillions employer les moyens qu'il nous a preparés et qu'il nous offre pour cela..

  A004000473 

 Ce desir est juste, Theotime, car qui ne desireroit un bien si desirable? mais ce seroit un desir inutile, ains qui ne serviroit que d'un continuel martyre a nostre cœur, si nous n'avions asseurance de le pouvoir un jour assouvir.

  A004000473 

 Celuy qui, pour le retardement de ce bonheur, protestoit que ses larmes luy estoyent un pain ordinaire nuit et jour, tandis que son Dieu luy estoit absent, et que ses adversaires l'enqueroyent, ou est ton Dieu? helas, qu'eust il fait s'il n'eust eu quelque sorte d'esperance de pouvoir une fois jouir de ce bien apres lequel il souspiroit? Et la divine Espouse va toute esploree et alangourie d'amour, dequoy elle ne treuve pas si tost le Bienaymé qu'elle cherche: l'amour du Bienaymé avoit creé en elle le desir, le desir avoit fait naistre l'ardeur du pourchas, et cette ardeur luy causoit la langueur, qui eust aneanti et consumé son pauvre cœur si elle n'eust eu quelqu'esperance de rencontrer en fin ce qu'elle pourchassoit.

  A004000475 

 Et de vray, Theotime, entre esperer et aspirer il y a seulement cette difference: que nous esperons les choses que nous attendons, par le moyen d'autruy, et nous aspirons aux choses que nous pretendons, par nos propres moyens, de nous mesmes; et d'autant que nous parvenons a la jouissance de nostre souverain bien qui est Dieu, premierement et principalement par sa faveur, grace et misericorde, et que neanmoins cette mesme misericorde veut que nous cooperions a sa faveur, contribuans la foiblesse de nostre consentement a la force de sa grace, partant, nostre esperance est aucunement meslee d'aspirement: si que nous n'esperons pas tout a fait sans aspirer, et n'aspirons jamais sans tout a fait esperer; en quoy l'esperance tient tous-jours le rang principal, comme fondee sur la grace divine, sans laquelle, tout ainsy que nous ne pouvon pas seulement [141] penser a nostre souverain bien selon qu'il convient pour y parvenir, aussi ne pouvons-nous jamais sans icelle y aspirer comme il faut pour l'obtenir. L'aspirement donques est un rejetton de l'esperance, comme nostre cooperation l'est de la grace: et tout ainsy que ceux qui veulent esperer sans aspirer seront rejettés comme couards et negligens, de mesme ceux qui veulent aspirer sans esperer sont temeraires, insolens et presomptueux.

  A004000475 

 Mais cependant, et l'un et l'autre se fait par cet amour desirant qui tend a nostre souverain bien, lequel, a mesure qu'il est plus asseurement esperé, est aussi tous-jours plus aymé; ains l'esperance n'est autre chose que l'amoureuse complaysance que nous avons en l'attente et pretention de nostre souverain bien.

  A004000479 

 Je ne dis pas, toutefois, qu'il revienne tellement a nous, qu'il nous fasse aymer Dieu seulement pour l'amour de nous: o Dieu, nenny; car l'ame qui n'aymeroit Dieu que pour l'amour d'elle mesme, establissant la fin de l'amour qu'elle porte a Dieu en sa propre commodité, helas, elle commettroit un extreme sacrilege.

  A004000479 

 Si une femme n'aymoit son mari que pour l'amour de son valet, elle aymeroit son mari en valet et son valet en mari; l'ame aussi qui n'ayme Dieu que pour l'amour d'elle mesme, elle s'ayme comme elle devroit aymer Dieu, et elle ayme Dieu comme elle se devroit aymer elle mesme..

  A004000480 

 Car quand je dis: j'ayme Dieu pour moy, c'est comme si je disois: j'ayme avoir Dieu, j'ayme que Dieu soit a moy, qu'il soit mon souverain bien; qui est une sainte [143] affection de l'Espouse celeste, laquelle cent fois proteste par exces de complaysance: Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne, il est a moy et je suis a luy; mais dire: j'ayme Dieu pour l'amour de moy mesme, c'est comme qui diroit: l'amour que je me porte est la fin pour laquelle j'ayme Dieu, en sorte que l'amour de Dieu soit dependant, subalterne et inferieur a l'amour propre que nous avons envers nous mesmes; qui est une impieté nompareille..

  A004000482 

 Mais il y a des biens dont nous jouissons d'une jouissance de dependance, participation et sujettion, comme nous faysons de la bienveuillance de nos pasteurs, princes, pere, mere, ou de leur presence et faveur: car l'amour que nous leur portons est aussi, certes, amour de convoitise, quand nous les aymons entant qu'ilz sont nos princes, nos pasteurs, nos peres, nos meres, puisque ce n'est pas la qualité de pasteur, ni de prince, ni de pere, ni de mere, qui nous les fait aymer, ains parce qu'ilz sont telz en nostre endroit et a nostre regard; mays cette convoitise est un amour de respect, de reverence, d'honneur; car nous aymons, par exemple, nos peres, non parce qu'ilz sont nostres, mays parce que nous sommes a eux.

  A004000484 

 Or, quand je dis que nous aymons souverainement Dieu, je ne dis pas que nous l'aymions pour cela du souverain amour, car le souverain amour n'est qu'en la charité; mais en l'esperance l'amour est imparfait, parce qu'il ne tend pas a sa bonté infinie entant qu'elle est telle en elle mesme, ains seulement entant qu'elle nous est telle: et neanmoins, parce qu'en cette sorte d'amour il n'y a point de plus excellent motif que celuy qui provient de la consideration du souverain bien, nous disons que par iceluv nous aymons souverainement, quoy qu'en verité nul, par ce seul amour, ne puisse ni observer les commandemens de Dieu ni avoir la vie eternelle, parce que c'est un amour qui donne plus d'affection que d'effect, quand il n'est pas accompagné de la charité..

  A004000488 

 Et j'ay enclos en la pœnitence le propos de [146] reparer l'offence, parce que la repentance ne deteste pas asses le mal quand elle laisse volontairement subsister son principal effect, qui est l'offence et l'injure: or, elle le laisse subsister, tandis que le pouvant en quelque sorte reparer elle ne le fait pas..

  A004000489 

 Aussi Aristote, reconnoissant cette sorte de penitence, asseure que l'intemperant, lequel de propos deliberé s'adonne aux voluptés, «est tout a fait incorrigible, parce qu'il ne se sçauroit repentir, et celuy qui est sans penitence est incurable.».

  A004000489 

 Il y en a, certes, une qui est purement morale et humaine: comme fut celle d'Alexandre le Grand, lequel ayant tué son cher Clitus cuyda se laisser mourir de faim, tant la force de la pœnitence fut grande, dit Ciceron; et celle d'Alcibiades, qui, convaincu par Socrates de n'estre pas sage, se print a pleurer amerement, triste et affligé de n'estre pas ce qu'il devoit estre, dit saint Augustin.

  A004000490 

 Certes, Seneque, Plutarque et les Pytagoriciens, qui recommandent tant l'examen de conscience, et sur tout le premier, qui parle si vivement du trouble que le remors interieur excite en l'ame, ont entendu sans doute qu'il y avoit une repentance; et quant au sage Epictete, il descrit si bien la reprehension que nous devons prattiquer envers nous mesmes, qu'on ne sçauroit presque mieux dire..

  A004000491 

 Il y a encor une autre pœnitence qui est voirement morale, mais religieuse pourtant, et en certaine façon [147] divine, d'autant qu'elle procede de la connoissance naturelle que l'on a d'avoir offencé Dieu en pechant; car en verité plusieurs philosophes ont sceu qu'on faisoit chose aggreable a la Divinité de vivre vertueusement, et que, par consequent, on l'offençoit en vivant vitieusement.

  A004000491 

 Le bon homme Epictete fait un souhait de mourir en vray Chrestien (comme il est fort probable qu'aussi fit il), et, entre autres choses, il dit qu'il seroit content s'il pouvoit en mourant eslever ses mains a Dieu et luy dire: «Je ne vous ay point, quant a ma part, fait de deshonneur;» et de plus, il veut que son philosophe face un serment admirable a Dieu de ne jamais desobeir a sa divine Majesté, ni blasmer ou accuser chose quelconque qui arrive de sa part, ni de s'en plaindre en façon que ce soit; et ailleurs il enseigne que Dieu et «nostre bon Ange » sont presens a nos actions.

  A004000494 

 Or cette sorte de repentance, attachee a la science et dilection de Dieu que la nature peut fournir, estoit une dependance de la religion morale; mays comme la rayson naturelle a donné plus de connoissance que d'amour aux philosophes, qui ne l'ont pas glorifié a [148] proportion de la notice qu'ilz en avoyent, aussi la nature a fourni plus de lumiere pour faire entendre combien Dieu estoit offencé par le peché, que de chaleur pour exciter le repentir requis a la reparation de l'offence..

  A004000495 

 Neanmoins, bien que la penitence religieuse ayt en quelque façon esté reconneüe par quelques uns des philosophes, si est ce que ç'a esté si rarement et foiblement, que ceux qui ont eu la reputation d'estre les plus vertueux d'entre eux, c'est a dire les Stoïciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais: dequoy ilz ont fait une maxime autant contraire a la rayson que la proposition sur laquelle ilz la fondoyent estoit contraire a l'experience, a sçavoir, que l'homme sage ne pechoit point..

  A004000497 

 De cette veritable apprehension naissent plusieurs motifs qui, ou tous, [149] ou plusieurs ensemble, ou chascun en particulier, nous peuvent porter a la repentance..

  A004000498 

 Car nous considerons parfois que Dieu, qui est offencé, a establi une punition rigoureuse en enfer pour les pecheurs, et qu'il les privera du Paradis preparé aux gens de bien.

  A004000498 

 Hé, qui ne craindroit une si grande perte et une si grande peine! Et cette double crainte, dont l'une est servile et l'autre mercenaire, nous porte grandement a nous repentir des pechés par lesquelz nous les avons encourues; et a cet effect, en la sacree Parole, cette crainte nous est cent fois et cent fois intimee..

  A004000498 

 Or, comme le desir du Paradis est extremement honnorable, aussi la crainte de le perdre est grandement prisable; et non seulement cela, mais le desir du Paradis estant fort estimable, la crainte de son contraire, qui est l'enfer, est bonne et louable.

  A004000499 

 D'autres fois, nous considerons la laideur et la malice du peché, selon que la foy nous l'enseigne; comme par exemple, que par iceluy la ressemblance et image de Dieu que nous avons, est barbouillee et desfiguree, la dignité de nostre esprit deshonnoree, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous avons violé nostre devoir envers le Createur du monde, et perdu le bien de la societé des Anges pour nous associer et assujettir au diable, nous rendans esclaves de nos passions et renversans l'ordre de la rayson, offencans nos bons Anges a qui nous sommes tant obligés..

  A004000500 

 Quelquefois encor nous sommes provoqués a pœnitence par la beauté de la vertu, qui nous donne autant de biens que le peché nous cause de maux: et de plus, nous y sommes maintefois excités par l'exemple des Saintz; car, qui eut jamais peu voir les exercices de l'incomparable pœnitence de Magdeleine, de Marie Ægiptiaque ou des penitens du monastere surnommé [150] Prison, dont saint Jean Clymacus a fait la description, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés, puisque la seule lecture de l'histoire y provoque ceux qui ne sont pas du tout hebetés?.

  A004000503 

 Elle est a la verité louable, car ni la Sainte Escriture ni l'Eglise ne nous exciteroient pas par telz motifs, si la pœnitence qui en provient n'estoit bonne; et on void manifestement que c'est chose grandement raysonnable de se repentir du peché pour ces considerations, ains qu'il est impossible de ne se repentir pas, a qui les considere attentivement: mays pourtant c'est une pœnitence, certes, imparfaite, d'autant que l'amour divin n'y entre encor point.

  A004000503 

 Or, tous ces motifs nous sont enseignés par la foy et religion Chrestienne, et partant, la penitence qui en provient est grandement louable, quoy qu'imparfaite.

  A004000504 

 C'est bien fait, certes, et cela ne se peut nier, de se repentir de ses pechés pour eviter la peine de l'enfer et obtenir le Paradis; mais qui prendroit resolution de ne se vouloir jamais repentir pour aucun autre sujet, il forclorroit volontairement le mieux, qui est de se repentir pour l'amour de Dieu, et commettroit un grand peché.

  A004000504 

 Et qui seroit le pere qui ne treuvast mauvais que son filz le voulust voirement servir, mais non jamais avec amour ou par amour?.

  A004000504 

 La volonté qui embrasse le bien, simplement, est fort bonne, mais si elle l'embrasse en rejettant le mieux, elle est certes desreglee, non pas acceptant l'un, mais en repoussant l'autre: ainsy, le vœu de donner aujourd'huy l'aumosne est bon, mais le vœu de ne la donner qu'aujourd'huy seroit mauvais, parce qu'il forclorroit le mieux, qui est de la donner aujourd'huy et demain et tous-jours, quand on pourra.

  A004000505 

 De commencer d'apprendre, cela est fort loüable, mais qui commenceroit en intention de ne jamais se perfectionner, il feroit contre toute rayson.

  A004000505 

 La crainte et les autres motifs de [152] repentance dont nous avons parlé sont bons pour le commencement de la sagesse chrestienne, qui consiste en la pœnitence; mais qui voudroit, de propos deliberé, ne point parvenir a l'amour, qui est la perfection de la pœnitence, il offenceroit grandement Celuy qui a tout destiné a son amour, comme a la fin de toutes choses..

  A004000506 

 Conclusion: la repentance qui forclost l'amour de Dieu est infernale, pareille a celle des damnés; la repentance qui ne rejette pas l'amour de Dieu, quoy qu'elle soit encor sans iceluy, est une bonne et desirable repentance, mais imparfaite, et qui ne peut nous donner le salut jusques a ce qu'elle ayt atteint a l'amour et qu'elle se soit meslee avec iceluy: si que, comme le grand Apostre a dit que s'il donnoit son cors a brusler et tous ses biens aux pauvres, sans avoir la charité, cela luy seroit inutile, aussi pouvons-nous dire en verité, que quand nostre penitence seroit si grande que sa douleur fist fondre nos yeux en larmes et fendre nos cœurs de regret, si nous n'avons pas le saint amour de Dieu tout cela ne nous serviroit de rien pour la vie eternelle..

  A004000510 

 La nature, que je sache, ne convertit jamais le feu en eau, quoy que plusieurs eaux se convertissent en feu; mais Dieu le fit pourtant une fois par miracle: car, ainsy qu'il est escrit au Livre des Machabees, lhors que les enfans d'Israël furent concluitz en Babylone du [153] tems de Sedecias, les prestres, par l'advis de Hieremie, cacherent le feu sacré en une vallee, dans un puits sec, et au retour, les enfans de ceux qui avoyent ainsi caché le feu l'allerent chercher, selon ce que leurs peres leur avoyent enseigné; et ilz le treuverent converti en une eau fort espaisse, laquelle estant tiree par eux et respandue sur les sacrifices, selon que Nehemias l'ordonnoit, soudain que les rayons du soleil l'eurent touchee, elle fut convertie en un grand feu..

  A004000514 

 L'amour imparfait le desire et le requiert, la pœnitence le cherche et le treuve, l'amour parfait le tient et le serre: ainsy qu'on dit des rubis d'Ethiopie, qui ont naturellement leur feu fort blafastre, mais estans mis dans le vinaigre, il esclatte et jette son brillement fort clair; car l'amour qui precede le repentir est pour l'ordinaire [155] imparfait, mais estant detrempé dans l'aigreur de la pœnitence, il se renforce et devient amour excellent..

  A004000515 

 Mais, ce me dires-vous, quelle vertu ou proprieté de l'amour peut avoir la repentance, si elle n'a pas l'action? Theotime, le motif de la parfaite repentance, c'est la bonté de Dieu laquelle il nous desplait d'avoir offencee; or, ce motif n'est motif sinon parce qu'il esmeut et donne le mouvement, mais le mouvement que la bonté divine donne au cœur qui la considere ne peut estre que le mouvement d'amour, c'est a dire d'union: c'est pourquoy la vraye repentance, bien qu'il ne soit pas advis et qu'on ne voye pas la propre action de l'amour, reçoit neanmoins tous-jours le mouvement de l'amour et la qualité unissante d'iceluy, par laquelle elle nous reunit et rejoint a la divine bonté.

  A004000515 

 Mays quelle difference y a-il, me repliqueres-vous, entre ce mouvement unissant de la penitence et l'action propre de l'amour? Theotime, l'action de l'amour est un mouvement d'union voirement, mais il se fait par complaysance: or, le mouvement d'union qui est en la penitence se fait, non par voye de complaysance, ains de desplaysir, de repentance, de reparation, de reconciliation; entant donq que ce mouvement unit, il a la qualité de l'amour, entant qu'il est amer et douloureux, il a la qualité de la penitence; et, en somme, de sa naturelle condition c'est un vray mouvement de penitence, mais qui a la vertu et qualité unissante de l'amour.

  A004000516 

 Ainsy le vin theriacal n'est pas appelle theriacal pour contenir la propre substance de la theriaque, car il n'y en a point du tout; mais on le nomme ainsy parce que la plante de la vigne ayant esté detrempee en theriaque, les raisins et le vin qui en sont provenus ont tiré la vertu et l'operation de la theriaque contre toute sorte de venins.

  A004000516 

 Si donques la penitence, selon l'Escriture, efface le peché, sauve l'ame, la rend aggreable a Dieu et la justifie, qui sont des effectz appartenans a l'amour et qui semblent ne devoir estre attribués qu'a luy, il ne le faut pas treuver estrange; car bien que l'amour ne se treuve pas tous-jours luy mesme en la pœnitence parfaitte, sa vertu neanmoins et sa proprieté y est tous-jours, s'y estant escoulee par le motif amoureux duquel elle provient..

  A004000517 

 Ains plustost, la fin de la pœnitence est dans le commencement de l'amour, comme le pied d'Esaü estoit dans la main de Jacob; de telle façon que lhors qu'Esaü achevoit sa naissance, Jacob commençoit la sienne, la fin de la naissance de l'un estant jointe, liee, et qui plus est, environnee du commencement de la naissance de l'autre; car ainsy le commencement de l'amour parfait ne suit pas seulement la fin de la pœnitence, mais il s'attache, il se lie, et, pour le dire en un mot, ce commencement d'amour se mesle avec la fin de la repentance, et en ce moment du meslange, la pœnitence et contrition merite la vie eternelle..

  A004000517 

 Car ainsy le Saint Esprit jettant dans nostre entendement la consideration de la grandeur de nos pechés, entant que par iceux nous avons offencé une si souveraine bonté, et nostre volonté recevant la reflexion de cette connoissance, le repentir croist petit a petit si fort, avec une certaine chaleur affective et desir de retourner en grace avec Dieu, qu'en fin ce mouvement arrive a tel signe, qu'il brusle et unit avant mesme que l'amour soit du tout formé: amour qui, toutefois, comme un feu sacré, s'allume immediatement en ce point la; de sorte que la repentance ne parvient jamais a ce signe de brusler et reunir le cœur a Dieu, qui est son extreme perfection, qu'elle ne se treuve toute convertie en feu et flamme [157] d'amour, la fin de l'un servant de commencement a l'autre.

  A004000517 

 Ni ne faut pas non plus s'estonner que la force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit formé; puisque nous voyons que par la reflexion des rayons du soleil battant sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et propre qualité du feu, s'augmente petit a petit si fort, qu'elle commence a brusler avant qu'elle ayt bonnement produit le feu, ou, au moins, avant que nous l'ayons apperceu.

  A004000518 

 Et partant, nous devons tous avoir force telles oraysons jaculatoires, faites par maniere de repentance amoureuse et de souhaitz requerans nostre reconciliation avec Dieu, affin que par icelles, prononçans devant le Sauveur nostre tribulation, nous respandions nos ames devant et dedans son cœur pitoyable, qui les recevra a mercy.

  A004000518 

 Or, parce que cette repentance amoureuse se prattique ordinairement par des eslans ou eslevemens du cœur en Dieu, pareilz a ceux des anciens pœnitens: Je suis vostre, o mon Dieu, sauves-moy; Ayés misericorde de moy, ayés-en misericorde, car mon ame se confie en vous; Sauves-moy, Seigneur, car les eaux submergent mon ame; Faites-moy comme un de vos mercenaires; Seigneur, soyes-moy propice, a moy, pauvre pecheur, ce n'est pas sans rayson que quelques uns ont dit que l'orayson justifioit; car l'orayson repentante, ou la repentance suppliante, eslevant l'ame en Dieu et la reunissant a sa bonté, obtient sans doute le pardon, en vertu du saint amour qui luy donne le mouvement sacré.

  A004000522 

 Aussi, le grand saint Augustin prononce solemnellement cette remarquable parole: «Escoute une fois, o homme, et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré;» en laquelle, son intention n'est pas de parler du premier mouvement que Dieu fait «en nous, sans nous,» [159] Ihors qu'il nous excite et esveille du sommeil de peché; car, comme pourrions nous demander le reveil, puisque personne ne peut prier avant qu'estre esveillé? mays il parle de la resolution que l'on prend d'estre fidele, car il estime que croire c'est estre tiré, et partant, il admonneste ceux qui ont esté excités a croire en Dieu, de demander le don de la foy.

  A004000522 

 Et personne, certes, ne pouvoit mieux sçavoir les difficultés qui se passent ordinairement entre le premier mouvement que Dieu fait en nous et la parfaite resolution de bien croire, que saint Augustin, qui, ayant receu une si grande varieté d'attraitz, par les paroles du glorieux saint Ambroyse, par la conference faite avec Potitian et mille autres moyens, ne laissa pas neanmoins d'user de tant de remises et d'avoir tant de peyne a se resoudre; si que a luy, de vray, plus qu'a nul autre, on eust peu bien dire, ce qu'il dit par apres aux autres: Helas, Augustin, si tu n'es pas tiré, si tu ne croys pas, «prie que tu sois tiré» et que tu croyes..

  A004000523 

 Et ce pendant nous demeurons en pleyne [160] liberté de consentir aux attraitz celestes ou de les rejetter; car, comme le sacré Concile de Trente a clairement resolu, «si quelqu'un disoit que le franc arbitre de l'homme, estant meu et incité de Dieu, ne coopere en rien, en consentant a Dieu qui l'esmeut et l'appelle affin qu'il se dispose et prepare pour obtenir la grace de la justification, et qu'il ne peut n'y consentir point s'il veut, certes, un tel seroit excommunié » et reprouvé de l'Eglise.

  A004000523 

 Que si nous ne repoussons point la grace du saint amour, elle se va dilatant par des continuelz accroissemens dedans nos ames, jusques a ce qu'elles soyent entierement converties: comme les grans fleuves, qui treuvans les playnes ouvertes se respandent et prennent tous-jours plus de place..

  A004000524 

 Saint Pierre, comme un apode, relevé par l'inspiration que les yeux de son Maistre luy donnerent, se laissant librement mouvoir et porter a ce doux vent du Saint Esprit, regarde les yeux salutaires qui l'avoyent excité, il lit en iceux, comme au livre de vie, la douce semonce de pardon que la debonaireté divine luy offre, il en tire un juste motif d'esperance, il sort de la cour, il considere l'horreur de son peché et le deteste, il pleure, il gemit, il prosterne son miserable cœur devant celuy de la misericorde de son Seigneur, il crie merci pour sa faute, il se resout a une inviolable fidelité: et par ce progres de mouvemens prattiqués a la faveur de la grace qui le conduit, l'assiste et l'ayde continuellement, il parvient [161] en fin a la sainte remission de ses pechés, passant ainsy de grace en grace, selon que saint Prosper asseure, que «sans la grace on ne court point a la grace.».

  A004000525 

 Ainsy donq, pour conclure ce point, l'ame prevenue de la grace, sentant les premiers attraitz et consentant a leur douceur, comme revenant a soy apres une si longue pasmayson, elle commence a souspirer ces paroles: Helas, o mon cher Espoux, mon ami, tires moy, je vous prie, et me prenes par dessous le bras, car je ne puis autrement aller; mais si vous me tires, nous courrons: vous, en m'aydant par l'odeur de vos parfums, et moy, correspondant par mon foible consentement et odorant vos suavités qui me renforcent et revigorent toute, jusqu'a ce que le bausme de vostre nom sacré, c'est a dire l'onction salutaire de ma justification soit respandue en moy.

  A004000525 

 Voyes vous, Theotime, elle ne prieroit pas si elle n'estoit excitee, mais si tost qu'elle l'est et qu'elle sent les attraitz, elle prie qu'on la tire; estant tiree elle court, mays elle ne courroit pas si les parfums qui l'attirent, et par lesquelz on la tire, ne luy avivoient le cœur par la force de leur odeur precieuse; et comme elle court plus fort et qu'elle s'approche de plus pres de son celeste Espoux, elle sent tous-jours plus delicieusement les suavités qu'il respand, jusques a ce qu'en fin luy mesme s'escoule dedans son cœur par maniere de bausme respandu, si qu'elle s'escrie, comme surprise de ce contentement, non si tost attendu et inopiné: O mon Espoux, vous estes un bausme versé dans mon sein! ce n'est pas merveille si les jeunes ames vous cherissent.

  A004000530 

 Mais cette amitié est une vraye amitié, [163] car elle est reciproque, Dieu ayant aymé eternellement quicomque l'a aymé, l'ayme ou l'aymera temporellement; elle est declaree et reconneüe mutuellement, attendu que Dieu ne peut ignorer l'amour que nous avons pour luy, puisque luy mesme nous le donne, ni nous aussi ne pouvons ignorer celuy qu'il a pour nous, puisqu'il l'a tant publié et que nous reconnoissons tout ce que nous avons de bon comme veritables effectz de sa bienveuillance; et, en fin, nous sommes en perpetuelle communication avec luy, qui ne cesse de parler a nos cœurs par inspirations, attraitz et mouvemens sacrés.

  A004000531 

 Et partant, Theotime, ce n'est pas un amour que les forces de la nature ni humaine ni angelique puissent produire, ains le Saint Esprit le donne et le respand en nos cœurs; et comme nos ames, qui donnent la vie a nos cors, n'ont pas leur origine de nos cors, mays sont mises dans nos cors par la providence naturelle de Dieu, ainsy la [164] charité, qui donne la vie a nos cœurs, n'est pas extraitte de nos cœurs, mays elle y est versee comme une celeste liqueur, par la providence surnaturelle de sa divine Majesté..

  A004000532 

 C'est pourquoy, avec la foy et l'esperance, elle fait sa residence en la pointe et cime de l'esprit, et comme une reyne de majesté elle est assise dans la volonté comme en son throsne, d'ou elle respand sur toute l'ame ses suavités et douceurs, la rendant par ce moyen toute belle, aggreable et aymable a la divine Bonté: de sorte que, si l'ame est un royaume duquel le Saint Esprit soit le Roy, la charité est la reyne, seante a sa dextre en robbe d'or recamee de belles varietés; si l'ame est une reyne, espouse du grand Roy celeste, la charité est sa couronne qui embellit royalement sa teste; mais si l'ame avec son cors est un petit monde, la charité est le soleil qui orne tout, eschauffe tout et vivifie tout..

  A004000540 

 Le sacré Concile de Trente nous asseure que «les amis de Dieu, allans de vertu en vertu, sont renouvelles de jour en jour, c'est a dire croissent par bonnes œuvres en la justice qu'ilz ont receüe par la grace divine, et sont de plus en plus justifiés, selon ces celestes advertissemens: Qui est juste, qu'il soit derechef justifié,» et qui est saint, qu'il soit encor plus sanctifié; Ne doute point d'estre justifié jusques a la mort; Le sentier des justes s'avance et croist, connue une lumiere resplendissante, jusques au jour parfait; Faisans la verité avec charité, croissons en tout en Celuy qui est le chef, a sçavoir Jesus Christ; et, en fin, Je vous prie que vostre charité croisse de plus en plus: qui sont toutes paroles sacrees selon David, saint Jean, l'Ecclesiastique et saint Paul..

  A004000541 

 Et de demeurer en un estat de consistence longuement, il est impossible: qui ne gaigne, perd en ce traffiq; qui ne monte, descend en cette eschelle; qui n'est vainqueur, est vaincu en ce combat.

  A004000541 

 Je n'ay jamais sceu qu'il se treuvast aucun animal qui [167] n'eust point de bornes et limites en sa croissance, sinon le crocodile, qui estant extremement petit en son commencement, ne cesse jamais de croistre tandis qu'il est en vie; en quoy il represente egalement et les bons et les mauvais: car l' outrecuidance de ceux qui haïssent Dieu monte tous-jours, dit le grand roy David, et les bons croissent comme l'aube du jour, de splendeur en splendeur.

  A004000541 

 Qui est le prix, sinon Jesus Christ? et comme le pourres-vous apprehender si vous ne le suivés? Que si vous le suivés, vous ires et courres tous-jours, car il ne s'arresta jamais, ains continua la course de son amour et obeissance, jusques a la mort et la mort de la croix..

  A004000542 

 Bienheureux sont ceux qui sont purs en la voÿe, qui marchent en la loy du Seigneur; malheureux sont ceux qui sont souillés, qui ne marchent point en la loy du Seigneur.

  A004000543 

 De sorte que la charité mesme qui est en nostre Redempteur, entant qu'il est homme, quoy qu'elle soit grande au dessus de tout ce que les Anges et les hommes peuvent comprendre, si est-ce qu'elle n'est pas infinie en son estre et d'elle mesme; ains seulement en l'estime de sa dignité et de son merite, parce qu'elle est la charité [169] d'une personne d'infinie excellence, c'est a dire d'une Personne divine, qui est le Filz eternel du Pere tout puissant..

  A004000543 

 L'esprit de Dieu peut eslever le nostre et l'appliquer a toutes les actions surnaturelles qu'il luy plait, tandis qu'elles ne sont pas infinies: d'autant qu'entre les choses petites et les grandes, pour excessives qu'elles soyent, il y a tous-jours quelque sorte de proportion, pourveu que l'exces des excessives ne soit pas infini; mais entre le fini et l'infini il n'y a nulle proportion, et pour y en mettre, il faudroit, ou relever le fini et le rendre infini, ou ravaler l'infini et le rendre fini, ce qui ne peut estre.

  A004000543 

 La vraye vertu n'a point de limites, elle va tous-jours outre; mais sur tout la sainte charité, qui est la vertu des vertus, et laquelle ayant un object infini, seroit capable de devenir infinie si elle rencontroit un cœur capable de l'infinité, rien n'empeschant cet amour d'estre infini que la condition de la volonté qui le reçoit et qui doit agir par iceluy; condition a rayson de laquelle, comme jamais personne ne verra Dieu autant qu'il est visible, aussi onques nul ne le peut aymer autant qu'il est aymable.

  A004000543 

 Le cœur qui pourroit aymer Dieu d'un amour egal a la divine bonté, auroit une volonté infiniment bonne, et cela ne peut estre qu'en Dieu seul.

  A004000550 

 Car, comme en l'Arabie heureuse, non seulement les plantes de nature aromatique, mays toutes les autres sont odorantes, participant au bonheur de ce solage, ainsy en l'ame charitable, non seulement les œuvres excellentes de leur nature, mais aussi les petites besoignes, se ressentent de la vertu du saint amour et sont en bonne odeur devant la majesté de Dieu, qui, a leur consideration, augmente la sainte charité.

  A004000550 

 Les poilz de chevre presentés anciennement au Tabernacle estoyent bien receus, et tenoyent lieu entre les saintes offrandes; et les petites actions qui procedent de la charité, sont aggreables a Dieu et ont leur place entre les merites.

  A004000550 

 Or je dis que Dieu fait cela, parce que la charité ne produit pas ses [170] accroissemens comme un arbre qui pousse ses rameaux et les fait sortir par sa propre vertu les uns des autres; ains, comme la foy, l'esperance et la charité sont des vertus qui ont leur origine de la Bonté divine, aussi en tirent-elles leur augmentation et perfection, a guise des avettes, lesquelles estant extraittes du miel prennent aussi leur nourriture d'iceluy..

  A004000551 

 O Seigneur, nous fait dire la sainte Eglise nostre Mere, «donnés-nous l'augmentation de la foy, de l'esperance et de la charité;» et c'est a l'imitation de ceux qui disoient au Sauveur: Seigneur, accroisses la foy en nous; et selon l'advis de saint Paul, qui asseure que Dieu seul est puissant de faire abonder en nous toute grace..

  A004000552 

 C'est donq Dieu qui fait cet accroissement, en consideration de l'employte que nous faysons de sa grace, selon qu'il est escrit: A celuy qui a, c'est a dire, qui employe bien les faveurs receües, on luy en donnera davantage, et il abondera.

  A004000552 

 Or, comme au thresor du Temple, les deux petites pittes de la pauvre vefve furent [171] estimees, et qu'en effect, par l'addition des petites pieces, les thresors s'aggrandissent et leur valeur s'augmente d'autant, ainsy les moindres petites bonnes œuvres, quoy que faites un peu laschement et non selon toute l'estendue des forces de la charité que l'on a, ne laissent pas d'estre aggreables a Dieu et d'avoir leur valeur aupres de luy: de sorte qu'encor que d'elles mesmes elles ne puissent pas causer aucun accroissement a l'amour precedent, estans de moindre vigueur que luy, la Providence divine toutefois, qui en tient compte et par sa bonté en fait estat, les recompense soudain de l'accroissement de la charité pour le present, et de l'assignation d'une plus grande gloire au Ciel pour l'advenir..

  A004000553 

 Or, jamais Dieu n'ayme davantage une ame qui a de la charité, qu'il ne luy en donne aussi davantage; nostre amour envers luy estant le propre et particulier effect de son amour envers nous..

  A004000553 

 Theotime, les abeilles font le miel delicieux qui est leur ouvrage de haut prix, mays la cire, qu'elles font aussi, ne laisse pas pour cela de valoir quelque chose et de rendre leur travail recommandable: le cœur amoureux doit tascher de produire ses œuvres avec grande ferveur et de haute estime, afhn d'augmenter puissamment sa charité; mays si, toutefois, il en produit de moindres, il ne perdra point la recompense, car Dieu luy en sçaura gré, c'est a dire l'en aymera tous-jours un peu plus.

  A004000554 

 A mesure que nous regardons plus vivement nostre ressemblance qui paroist en un miroüer, elle nous regarde aussi plus attentivement; et a mesure que Dieu jette plus amoureusement ses doux yeux sur nostre ame, qui est faitte a son image et semblance, nostre ame reciproquement regarde sa divine Bonté plus attentivement et ardemment, correspondant selon sa petitesse a tous les accroissemens que cette souveraine Douceur fait de son divin amour envers elle.

  A004000554 

 Certes, le sacré Concile de Trente parle ainsy: «Si quelqu'un dit que la justice receüe n'est pas conservee, et que mesmes elle n'est pas augmentee devant Dieu par bonnes œuvres, [172] mays que les œuvres sont seulement fruitz et signes de la justification acquise, et non pas cause de l'augmenter, anatheme.» Voyés-vous, Theotime, la justification qui se fait par la charité est augmentee par les bonnes œuvres, et, ce qu'il faut remarquer, c'est par les bonnes œuvres sans exception; car, comme dit excellemment saint Bernard sur un autre sujet, «rien n'est excepté ou rien n'est distingué.» Le Concile parle des bonnes œuvres indistinctement et sans reserve, nous donnant a connoistre, que non seulement les grandes et ferventes, ains aussi les petites et foibles, font augmenter la sainte charité; mais les grandes, grandement, et les petites, beaucoup moins..

  A004000555 

 Au commerce des vertus morales, les petites œuvres ne donnent point d'accroissement a la vertu de laquelle elles procedent, ains si elles sont bien petites elles l'affoiblissent; car une grande liberalité perit quand elle s'amuse a donner des choses de peu, et de liberalité elle devient chicheté: mais au traffiq des vertus qui viennent de la misericorde divine, et sur tout de la charité, toutes œuvres donnent accroissement.

  A004000555 

 Or, ce n'est pas merveille si l'amour sacré, comme roy des vertus, n'a rien, ou petit ou grand, qui ne soit aymable, puisque le baume, prince des arbres aromatiques, n'a ni escorce ni feuille qui ne soit odorante: et que pourroit produire l'amour, qui ne fust digne d'amour et ne tendist a l'amour? [173].

  A004000559 

 Neanmoins, le mesme amour qui luy donna ce grand assaut de douleur, luy donna quant et quant la force de le soustenir, et il le mit en action pour, avec une promptitude nompareille, remedier au mal de la chere compaigne de sa vie: si que, ouvrant de vistesse un buffet qui estoit la, il prend une eau cordiale infiniment pretieuse, et en ayant rempli sa bouche, il ouvre de force les levres et les dens serrees de cette bienaymee princesse; puis, soufflant et jettant cette pretieuse liqueur qu'il tenoit en sa bouche, dedans celle de sa pauvre pasmee, et espluyant au nez, sur les temples et sur l'endroit du cœur d'icelle le reste de la phiole, il la fit en fin revenir a soy et reprendre sentiment; puis il la releve doucement, et a force de remedes il la revigore et ravive en telle sorte, qu'elle commença a se lever sur pied et se promener tout bellement avec luy; mays non pas toutefois sans son ayde: car il l'alloit relevant et soustenant par dessous le bras, jusques a ce qu'en fin il luy mit un epitheme de si grande vertu et si pretieux sur l'endroit du cœur, que lhors, se sentant tout a fait remise en sa [174] premiere santé, elle marchoit toute seule d'elle mesme, son cher espoux ne la soustenant plus si fort, ains seulement luy tenant doucement sa main droite entre les siennes et son bras droit replié sur le sien et sur sa poitrine.

  A004000560 

 Et tout cela, mon Theotime, Dieu le fait «en nous, sans nous,» par sa bonté toute aymable qui nous previent de sa douceur.

  A004000560 

 Mais puisqu'il n'est plus requis qu'il employe son amour a mourir pour nous, quand il void l'ame ainsy precipitee en l'iniquité il accourt pour l'ordinaire a son ayde, et d'une misericorde nompareille entr'ouvre la porte du cœur, par des eslans et remors de conscience qui procedent de plusieurs clartés et apprehensions qu'il a jettees dedans nos espritz, avec des mouvemens salutaires, par le moyen desquelz, comme par des eaux odorantes et vitales, il fait revenir l'ame a soy et la remet en des bons [175] sentimens.

  A004000560 

 Or, quand l'ame qui a cet honneur commet le peché, elle tombe pasmee d'une defaillance spirituelle, et cet accident est a la verité bien inopiné; car, qui pourroit jamais penser qu'une creature voulust quitter son Createur et souverain bien, pour des choses si legeres comme sont les amorces du peché? Certes, le Ciel s'en estonne, et si Dieu estoit sujet aux passions, il tomberoit a cœur failli pour ce malheur, comme lhors qu'il fut mortel il expira sur la croix pour nous en racheter.

  A004000560 

 Que si l'ame estant ainsy excitee, adjouste son consentement au sentiment de la grace, secondant l'inspiration qui l'a prevenue et recevant les secours et remedes requis que Dieu luy a preparés, il la revigorera, et la conduira par divers mouvemens de foy, d'esperance et de pœnitence, jusques a ce qu'elle soit tout a fait remise en la vraye santé spirituelle, qui n'est autre chose que la charité.

  A004000561 

 C'est pourquoy, encor qu'elle puisse aller d'elle mesme, elle en doit toute la gloire a son Dieu qui luy a donné une santé si vigoureuse et si forte; car, soit que le Saint Esprit nous fortifie par les mouvemens qu'il imprime en nos cœurs, ou qu'il nous soustienne par la charité qu'il y respand, soit qu'il nous secoure par maniere d'assistence, en nous relevant et portant, ou qu'il renforce nos cœurs, versant en iceux l'amour revigorant et vivifiant, c'est tous-jours en luy et par luy que nous vivons, que nous marchons et que nous operons.

  A004000564 

 Sur tout l'assistance speciale de Dieu est requise a l'ame qui a le saint amour, es entreprises signalees et extraordinaires; car bien que la charité, pour petite qu'elle soit, nous donne asses d'inclination et, comme je pense, une force suffisante pour faire les œuvres necessaires au salut, si est-ce neanmoins que, pour aspirer et entreprendre des actions excellentes et extraordinaires, nos cœurs ont besoin d'estre poussés et rehaussés par la main et le mouvement de ce grand [177] amoureux celeste, comme la princesse de nostre parabole, laquelle, quoy que bien remise en santé, ne pouvoit faire des montees ni aller bien viste, que son cher espoux ne la relevast et soustinst fortement.

  A004000565 

 Ne voyes-vous pas le jeune homme de l'Evangile, que Nostre Seigneur aymoit, et qui, par consequent, estoit en charité? il n'avoit, certes, nulle pensee de vendre tout ce qu'il avoit pour le donner aux pauvres et suivre Nostre Seigneur; ains, quand Nostre Seigneur luy en eut donné l'inspiration, encor n'eut-il pas le courage de l'executer.

  A004000566 

 Saint Anthoine fut assailli d'une effroyable legion de demons, desquelz ayant asses longuement soustenu les effortz, non sans une peyne et des tourmens incroyables, en fin il vit le toit de sa cellule se fendre, et un rayon celeste fondre dans l'ouverture, qui dissipa en un moment la noyre et tenebreuse trouppe de ses ennemis et luy osta toute la douleur des coups receus en cette bataille: dont il conneut la presence speciale de Dieu, et jettant un profond souspir du costé de la vision: «Ou esties vous, o bon Jesus,» dit-il, «ou esties vous? pourquoy ne vous estes vous pas treuvé ici des le commencement, pour remedier a ma peyne?» «Anthoine,» luy fut il respondu d'en haut, «j'estois ici, mais j'attendois l'issue de ton combat: or, parce que tu as esté brave et vaillant, je t'ayderay tous-jours.» Mais en quoy consistoit la vaillance et le courage de ce grand soldat spirituel? Il le declara luy mesme une autre fois, qu'estant attaqué par un diable qui avoüa d'estre l'esprit de fornication, ce glorieux Saint, apres plusieurs parolles dignes de son grand courage, commença a chanter le verset 7 du Psalme CXVII:.

  A004000571 

 Il en est de mesme de tous les grans assautz que nos ennemis nous livrent, et nous pouvons bien dire comme Jacob, que c'est l' Ange qui nous garentit de tout mal, et chanter, avec le grand roy David, [179].

  A004000573 

 C'est Dieu, qui gouverne le monde;.

  A004000589 

 Tout ainsy donq qu'une douce mere, menant son petit enfant avec elle l'ayde et supporte selon qu'elle void la necessité, luy laissant faire quelques pas de luy mesme es lieux moins dangereux et bien plains, tantost le prenant par la main et l'affermissant, tantost le mettant entre ses bras et le portant, de mesme Nostre Seigneur a un soin continuel de la conduite de ses enfans, c'est a dire de ceux qui ont la charité, les faisant marcher devant luy, leur tendant la main es difficultés, et les portant luy mesme es peynes qu'il void leur estre autrement insupportables.

  A004000590 

 En cette conduite que la douceur de Dieu fait de nos ames des leur introduction a la charité jusques a la finale perfection d'icelle, qui ne se fait qu'a l'heure de la mort, consiste le grand don de la perseverance, auquel Nostre Seigneur attache le tres grand don de la gloire eternelle, selon qu'il a dit: Qui perseverera jusques a la fin, il sera sauvé.

  A004000591 

 Et quant a ceux-ci, ilz n'ont pas besoin de grande varieté de secours, ains, si quelque grande tentation ne leur survient, ilz peuvent faire une si courte perseverance avec la seule charité qui leur est donnee et les assistances par lesquelles ilz se sont convertis; car ilz arrivent au port sans navigation, et font leur pelerinage en un seul sault que la [181] puissante misericorde de Dieu leur fait faire si a propos, que leurs ennemis les voyent triompher avant que de les sentir combattre: de sorte que leur conversion et leur perseverance n'est presque qu'une mesme chose, et qui voudroit parler exactement selon la proprieté des motz, la grace qu'ilz reçoivent de Dieu, d'avoir aussi tost l'issue que le commencement de leur pretention, ne sçauroit estre bonnement appellee perseverance; bien que, toutefois, parce que quant a l'effect elle tient lieu de perseverance en ce qu'elle donne le salut, nous ne laissons pas aussi de la comprendre sous le nom de perseverance.

  A004000591 

 Mais la suite des secours et assistances n'est pas egale en tous ceux qui perseverent; car es uns elle est fort courte, comme en ceux qui se convertissent a Dieu peu avant leur mort, ainsy qu'il advint au bon larron; au sergent qui, voyant la constance de saint Jacques, fit sur le champ profession de foy et fut rendu compaignon du martyre de ce grand Apostre; au portier bienheureux qui gardoit les quarante Martyrs en Sebaste, lequel voyant l'un d'iceux perdre courage et quitter la palme du martyre, se mit en sa place, et en un moment se rendit Chrestien, martyr et glorieux tout ensemble; au notaire duquel il est parlé en la vie de saint Anthoine de Padoüe, qui ayant toute sa vie esté un faux vilain, fut neanmoins martyr en sa mort; et a mille autres, que nous avons veu et leu avoir esté si heureux que de mourir bons, ayant vescu mauvais.

  A004000592 

 Tous-jours neanmoins la perseverance est le don le plus desirable que nous puissions esperer en cette vie, et lequel, comme parle le sacré Concile, «nous ne pouvons avoir d'ailleurs que de Dieu, qui seul peut affermir celuy qui est debout, et relever celuv qui tumbe;» c'est pourquoy il le faut continuellement demander, employant les moyens que Dieu nous a enseignés pour l'obtenir: l'orayson, le jeusne, l'aumosne, l'usage des Sacremens, la hantise des bons, l'ouÿe et la lecture des saintes paroles..

  A004000593 

 Et de fait, selon l'opinion du grand saint Bernard, nous pouvons tous dire en verité apres l'Apostre, que « ni la mort, ni la vie, ni les forces, ni les anges, ni la profondeur, ni la hauteur ne nous pourra jamais separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ: ouy, car nulle creature ne nous peut arracher de ce saint amour, mays nous pouvons nous mesmes seulz le quitter et l'abandonner par nostre propre volonté, hors laquelle il n'y a rien a craindre pour ce regard.».

  A004000593 

 Or, parce que le don de l'orayson et de la devotion est liberalement accordé a tous ceux qui de bon cœur veulent consentir aux inspirations celestes, il est, par consequent, en nostre pouvoir de perseverer.

  A004000594 

 Ainsy, trescher Theotime, nous devons, selon l'advis du saint Concile, «mettre toute nostre esperance en Dieu qui parachèvera nostre salut qu'il a commencé en nous, pourveu que nous ne manquions pas a sa grace.» Car il ne faut pas penser que celuy qui dit au paralitique: Va et ne veuille plus pecher, ne luy donnast aussi le pouvoir d'eviter le vouloir qu'il luy defendoit; et certes, il n'exhorteroit jamais les fideles a perseverer, s'il n'estoit prest a leur en donner le pouvoir.

  A004000604 

 En fin le Roy celeste ayant mené l'ame qu'il ayme jusques a la fin de cette vie, il l'assiste encor en son bienheureux trespas, par lequel il la tire au lict nuptial de la gloire eternelle, qui est le fruit delicieux de la sainte perseverance.

  A004000604 

 Et alhors, cher Theotime, cette ame toute ravie d'amour pour son Bienaymé, se representant la multitude des faveurs et secours dont il l'a prevenue et assistee tandis qu'elle estoit en son pelerinage, elle bayse incessamment cette douce main secourable qui l'a conduite, tiree et portee en chemin, et confesse que c'est de ce divin Sauveur qu'elle tient tout son bonheur, puisqu'il a fait pour elle tout ce que le grand patriarche Jacob souhaittoit pour son voyage, lhors qu'il eut veu l'eschelle du ciel.

  A004000604 

 O Seigneur, dit elle donq alhors, vous aves esté avec moy et m'aves gardee en la voÿe par laquelle je suis venue, vous m'aves donné le pain de vos Sacremens pour ma nourriture, vous m'aves revestue de la robbe nuptiale de charité, vous m'aves heureusement amenee en ce sejour de gloire qui est vostre mayson, o mon Pere eternel.

  A004000610 

 Et a ceux desquelz il previt qu'elle seroit acceptee, il voulut fournir les sacrés mouvemens de la pœnitence; et a ceux qui seconderoyent ces mouvemens, il disposa de donner la sainte charité; et a ceux qui auroyent la charité, il delibera de donner les secours requis pour perseverer; et a ceux qui employeroyent ces divins secours, il resolut de leur donner la finale perseverance et glorieuse felicité de son amour eternel..

  A004000610 

 Il voulut premierement, d'une vraye volonté, qu'encor apres le peché d'Adam tous les hommes fussent sauvés; mays en une façon et par des moyens convenables a la condition de leur nature, douee de franc arbitre; c'est a dire, il voulut le salut de tous ceux qui voudroyent contribuer leur consentement aux graces et faveurs qu'il leur prepareroit, offriroit et departiroit a cette intention.

  A004000611 

 Nous pouvons donq rendre rayson de l'ordre des effectz de la providence qui regarde nostre salut, en descendant du premier jusques au dernier, c'est a dire depuis le fruit qui est la gloire, jusques a la racine de ce bel arbre qui est la redemption du Sauveur.

  A004000612 

 Et que cette suite des effectz de la Providence ayt esté ainsy ordonnee avec la mesme dependance qu'ilz ont les uns des autres en l'eternelle volonté de Dieu, la sainte Eglise le tesmoigne quand elle fait la preface d'une de ses solemnelles prieres en cette sorte: «O Dieu eternel et tout puissant, qui estes Seigneur des vivans et des mortz, et qui usés de misericorde envers tous ceux que vous prevoyes devoir estre a l'advenir vostres par foy et par œuvre;» comme si elle avouoit que la gloire, qui est le comble et le fruit de la misericorde divine envers les hommes, n'est destinee que pour ceux que la divine sapience a preveu qu'a l'advenir, obeissans a la vocation, viendroyent a la foy vive qui opere par la charité..

  A004000613 

 En somme, tous ces effectz dependent absolument de la redemption du Sauveur, qui les a merités pour nous a toute rigueur de justice, par l'amoureuse obeissance qu'il a prattiquee jusques a la mort et la mort de la croix, laquelle est la racine de toutes les graces que nous recevons, nous qui sommes greffes spirituelz entés sur son tige.

  A004000613 

 Que si ayans esté entés nous demeurons en luy, nous porterons sans doute, par la vie de la grace qu'il nous communiquera, le fruit de la gloire qui nous est preparé; que si nous sommes comme jettons et greffes rompus sur cet arbre, c'est a dire, que par nostre resistance nous rompions le progres et l'entresuite des effectz de sa debonnaireté, ce ne sera pas merveille si en fin on nous retranche du tout, et qu'on nous mette dans le feu eternel, comme branches inutiles..

  A004000614 

 Or il est en nous d'estre siens: car bien que ce soit un don de Dieu d'estre a Dieu, c'est toutefois un don que Dieu ne refuse jamais a personne, ains l'offre a tous, pour le donner a ceux qui de bon cœur consentiront de le recevoir..

  A004000619 

 Les fleuves coulent incessamment et, comme dit le Sage, ilz retournent au lieu duquel ilz sont issus: la mer, qui est le lieu de leur naissance, est aussi le lieu de leur dernier repos; tout leur mouvement ne tend qu'a les unir avec leur origine.

  A004000620 

 Elle le treuve donq, ce Bienaymé, car il luy fait sentir sa presence par mille consolations; elle le tient, car ce sentiment produit [187] des fortes affections par lesquelles elle le serre et l'embrasse; elle proteste de ne le quitter jamais, oh non, car ces affections passent en resolutions eternelles; et toutefois, elle ne pense pas le bayser du bayser nuptial jusques a ce qu'elle soit avec luy en la mayson de sa mere, qui est la Hierusalem celeste, comme dit saint Paul.

  A004000620 

 La celeste amante l'exprime delicatement: Je l'ay en fin treuvé, dit-elle, Celuy que mon ame cherit; je le tiens, et ne le quitteray point jusques a ce que je l'introduise dans la mayson de ma mere et dans la chambre de celle qui m'a engendree.

  A004000622 

 Pour cela, selon la naifveté du texte hebrieu et [188] selon la traduction des septantes interpretes, elle souhaitte plusieurs baysers: Qu'il me bayse, dit-elle, des baysers de sa bouche! Mais d'autant que ces menus baysers de la vie presente se rapportent tous au bayser eternel de la vie future, comme essays, preparatifs et gages d'iceluy, la sacree vulgaire Edition a saintement reduit les baysers de la grace a celuy de la gloire, exprimant le souhait de l'amante celeste en cette sorte: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! comme si elle disoit: Entre tous les baysers, entre toutes les faveurs que l'Ami de mon cœur, ou le cœur de mon ame m'a preparés, hé, je ne souspire ni n'aspire qu'a ce grand et solemnel bayser nuptial qui doit durer eternellement, et en comparayson duquel les autres baysers ne meritent pas le nom de bayser, puisqu'ilz sont plustost signes de l'union future entre mon Bienaymé et moy, qu'ilz ne sont pas l'union mesme..

  A004000626 

 Or, non seulement chacun en particulier aura plus d'amour au Ciel qu'il n'en eut jamais en terre, mays l'exercice de la moindre charité qui soit en la vie celeste sera de beaucoup plus heureux et excellent, a parler generalement, que celuy de la plus grande charité qui soit, ou ayt esté, ou qui sera en cette vie caduque, car la haut tous les Saintz prattiquent leur amour incessamment, sans remise quelconque, tandis qu'ici bas les plus grans serviteurs de Dieu, tirés et tirannisés des necessités de cette vie mourante, sont contrains de souffrir mille et mille distractions qui les ostent souvent de l'exercice du saint amour..

  A004000626 

 Quand, apres les travaux et hazards de cette vie mortelle, les bonnes ames arrivent au port de l'eternelle, elles montent au plus haut et dernier degré d'amour auquel elles puissent parvenir; et cet accroissement final leur estant conferé pour recompense de leurs merites, il leur est departi, non seulement a bonne mesure, mais encor a mesure pressee, entassee et qui respand de toutes pars par dessus, comme dit Nostre Seigneur: de sorte que l'amour qui est donné pour salaire est tous-jours plus grand en un chacun que [189] celuy lequel luy avoit esté donné pour meriter.

  A004000627 

 Au Ciel, Theotime, l'attention amoureuse des Bienheureux est ferme, constante, inviolable, qui ne peut ni perir ni diminuer; leur intention est tous-jours pure, exempte du meslange de toute autre intention inferieure: en somme, ce bonheur de voir Dieu clairement et de l'aymer invariablement est incomparable.

  A004000627 

 Et qui pourroit jamais egaler le bien, s'il y en a quelqu'un, de vivre entre les perilz, les tourmentes continuelles, agitations et vicissitudes perpetuelles qu'on souffre sur mer, au contentement qu'il y a d'estre en un palais royal ou toutes choses sont a souhait, ains ou les delices surpassent incomparablement tout souhait?.

  A004000628 

 Certes, il n'y a pas de l'apparence que la charité du grand saint Jean, des Apostres et hommes apostoliques n'ait esté plus grande, tandis mesme qu'ilz vivoyent ici bas, que celle des petitz enfans, qui mourans en la seule grace baptismale, jouissent de la gloire immortelle..

  A004000629 

 Ce n'est pas l'ordinaire non plus que les hommes mortelz ayent plus de charité que les immortelz; et toutefois il y en a eu de mortelz qui, estans inferieurs en l'exercice de l'amour aux immortelz, les ont neanmoins devancés en la charité et habitude amoureuse.

  A004000629 

 Ce n'est pas l'ordinaire que les bergers soyent plus vaillans que les soldatz; et toutefois David, petit berger, [190] venant en l'armee d'Israël, treuva que tous estoyent plus habiles aux exercices des armes que luy, qui neanmoins se treuva plus vaillant que tous.

  A004000635 

 Mays quant a la tressainte Vierge, o Dieu, avec quelle devotion devoit elle aymer son cors virginal! non seulement parce que c'estoit un cors doux, humble, pur, obeissant au saint amour et qui estoit tout embaumé de mille sacrees suavités, mays aussi parce qu'il estoit la source vivante de celuy du Sauveur et luy appartenoit si estroittement, d'une appartenance incomparable.

  A004000636 

 Mais si jamais elle songea, comme l'ancien Joseph, a sa grandeur future, quand au ciel elle seroit revestue du soleil, couronnee d'estoiles, et la lune a ses pieds, c'est a dire toute environnee de la gloire de son Filz, couronnee de celle des Saintz, et l'univers sous elle; ou que, comme Jacob, elle vid le progres et les fruitz de la Redemption faite par son Filz en faveur des Anges et des hommes, Theotime, qui pourroit jamais s'imaginer l'immensité de si grandes delices? Que de colloques avec son cher Enfant, que de suavités de toutes pars!.

  A004000638 

 En somme, comme l'abeston, pierre pretieuse, conserve a jamais le feu qu'il a conceu, par une proprieté nompareille, ainsy le cœur de la Vierge Mere demeura perpetuellement enflammé du saint amour qu'elle receut de son Filz; mays avec cette difference, que le feu de l'abeston qui ne peut estre esteint, ne peut non plus estre agrandi.

  A004000638 

 Et les flammes sacrees de la Vierge ne pouvant ni perir, ni diminuer, ni demeurer en mesme estat, ne cesserent jamais de prendre des accroissemens incroyables jusques au Ciel, lieu de leur origine; tant il est vray que cette Mere est la Mere de belle dilection, c'est a dire, la plus aymable comme la plus amante, et la plus amante comme la plus aymee Mere de cet unique Filz, qui est aussi le plus aymable, le plus amant et le plus aymé Filz de cette unique Mere..

  A004000643 

 La verité est l'objet de nostre entendement, qui a, par consequent, tout son contentement a descouvrir et connoistre la verité des choses; et selon que les verités sont plus excellentes nostre entendement s'applique plus delicieusement et plus attentivement a les considerer..

  A004000643 

 Si que chaque objet exerce une puissante mais amiable violence sur le sens qui luy est destiné; violence qui prend plus ou moins de force selon que l'excellence est moindre ou plus grande, pourveu qu'elle soit proportionnee a la capacité du sens qui en veut jouir: car l'œil qui se plaist tant en la lumiere, n'en peut pourtant supporter l'extremité et ne sçauroit regarder fixement le soleil; et pour belle que soit une musique, si elle est forte et trop proche de nous, elle nous importune et offence nos oreilles.

  A004000644 

 Quel playsir pensés-vous, Theotime, qu'eussent ces anciens philosophes qui conneurent si excellemment tant de belles verités en la nature? Certes, toutes les voluptés ne leur estoyent rien en comparayson de leur bien-aymee philosophie, pour laquelle quelques uns d'entre eux quittèrent les honneurs, les autres des grandes richesses, d'autres leur païs; et s'en est treuvé tel qui, de sens rassis, s'est arraché les yeux, se privant pour jamais de la jouissance de la belle et aggreable lumiere corporelle, pour s'occuper plus librement a considerer la verité des choses par la lumiere spirituelle, car on lit cela de Democrite; tant la connoissance de la verité est delicieuse: dont Aristote a dit fort souvent que la felicité et beatitude humaine consiste en la sapience, qui est la connoissance des verités eminentes..

  A004000646 

 Que si les verités divines sont de si grande suavité estans proposees en la lumiere obscure de la foy, o Dieu, que sera-ce quand nous les contemplerons en la clarté du midy de la gloire? La Reyne de Saba qui, a la grandeur de la renommee de Salomon, avoit tout quitté pour le venir voir, estant arrivee en sa presence et ayant escouté les merveilles de la sagesse qu'il respandoit en ses propos, toute esperdue et comme pasmee d'admiration, s'escria que ce qu'elle avoit appris par [197] ouï dire de cette celeste sagesse n'estoit pas la moitié de la connoissance que la veüe et l'experience luy en donnoyent.

  A004000650 

 Alexandre ayant englouti tout ce bas monde, qu'en effect, qu'en esperance, ouït dire a un chetif homme du monde qu'il y avoit encor plusieurs autres mondes; et comme un petit enfant qui veut pleurer pour une pomme qu'on luy refuse, cet Alexandre que les mondains appellent le Grand, plus fol neanmoins qu'un petit enfant, se prend a pleurer a chaudes larmes dequoy il n'y avoit pas apparence qu'il peust conquerir les autres mondes, puisqu'il n'avoit encor pas l'entiere possession de celuy cy.

  A004000650 

 Celuy qui jouissant plus pleinement du monde que jamais nul ne fit, en est toutefois si peu content qu'il pleure de tristesse dequoy il n'en peut avoir d'autres, que la folle persuasion d'un miserable cajolleur luy fait imaginer: dites-moy, je vous prie, Theotime, monstre-il pas que la soif de son cœur ne peut estre assouvie en cette vie, et que ce monde n'est pas suffisant pour le desalterer? O admirable, mays aymable inquietude du cœur humain! Soyes, soyes a jamais sans repos ni tranquillité quelcomque en cette terre, mon ame, jusques a ce que vous ayes rencontré les fraisches eaux de la vie immortelle et la tressainte Divinité, qui seules peuvent esteindre vostre alteration et accoiser vostre desir..

  A004000650 

 Le desir qui precede la jouissance aiguise et affine le ressentiment d'icelle, et plus le desir a esté pressant et puissant, plus la possession de la chose desiree est aggreable et delicieuse.

  A004000650 

 O Jesus! mon cher Theotime, quelle joye pour le cœur humain de voir la face de la Divinité, face tant desiree, ains face l'unique desir de nos ames! Nos cœurs ont une soif qui ne peut estre estanchee par les contentemens de la vie mortelle; contentemens desquelz les plus estimés et pourchassés, [198] s'ilz sont moderés, ilz ne nous desalterent pas, et s'ilz sont extremes, ilz nous estouffent.

  A004000651 

 Ce pendant, Theotime, imaginés-vous, avec le Psalmiste, ce cerf, qui mal mené par la meute n'a plus ni vent ni jambes, comme il se fourre avidement dans l'eau qu'il va questant, avec quelle ardeur il se presse et serre dans cet element: il semble qu'il se voudroit volontier fondre et convertir en eau, pour jouir plus pleinement de cette fraischeur.

  A004000657 

 Nous voyons et entendons ainsy, Theotime, tout ce que nous voyons ou entendons en cette vie mortelle, ouy mesme les choses de la foy: car, comme le miroüer ne contient pas la chose que l'on y void ains seulement la representation et espece d'icelle, laquelle representation arrestee par le miroüer en produit une autre en l'œil qui regarde; de mesme, la parole de la foy ne contient pas les choses qu'elle annonce, ains seulement elle les represente, et cette representation des choses divines, qui est en la parole de la foy, en produit une autre, laquelle nostre entendement, moyennant la grace de Dieu, accepte et reçoit comme representation de la sainte verité, et nostre volonté s'y complait et l'embrasse comme une verité honnorable, utile, aymable et tres bonne.

  A004000658 

 O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement.

  A004000664 

 Ainsy verrons-nous donq cette eternelle et admirable generation du Verbe et Filz divin, par laquelle il nasquit eternellement a l'image et semblance du Pere: image et semblance vive et naturelle, qui ne represente aucuns accidens ni aucun exterieur, puisqu'en Dieu tout est substance et n'y peut avoir accident, tout est interieur et n'y peut avoir aucun exterieur; mais image qui represente la propre substance du Pere si vivement, si naturellement, tant essentiellement et substantiellement, que pour cela elle ne peut estre que le mesme Dieu avec luy, sans distinction [203] ni difference quelcomque d'essence ou substance, ains avec la seule distinction des Personnes.

  A004000665 

 Ainsy Dieu, qui est seul, n'est pas pourtant solitaire; car il est seul en sa tres unique et tres simple Divinité, mays il n'est pas solitaire, puisqu'il est Pere et Filz en deux Personnes.

  A004000665 

 O Theotime, Theotime, quelle joye, quelle allegresse, de celebrer cette eternelle naissance qui se fait en la splendeur des Saintz, de la celebrer, dis-je, en la voyant, et de la voir en la celebrant!.

  A004000667 

 Comme l'Espoux qui, en maintien royal,.

  A004000669 

 vision, Theotime, qui combla tellement le cœur amiable du petit Bernard, d'ayse, de jubilation et de delices spirituelles, qu'il en eut toute sa vie des ressentimens extremes; et partant, combien que depuis, comme une abeille sacree, il recueillit tous-jours de tous les divins mysteres le miel de mille douces et divines consolations, si est-ce que la solemnité de Noël luy apportoit une particuliere suavité, et parloit avec un goust nompareil de cette nativité de son Maistre.

  A004000674 

 Le Pere souspire cet amour, le Filz le souspire aussi; mais parce que le Pere ne souspire cet amour que par la mesme volonté et pour la mesme bonté qui est egalement et uniquement en luy et en son Filz, et le Filz mutuellement ne souspire ce souspir amoureux que pour cette mesme bonté et par cette mesme volonté, partant ce souspir amoureux n'est qu'un seul souspir, ou un seul esprit eslancé par deux souspirans..

  A004000674 

 Or, le Pere et le Filz se treuvans non seulement egaux et unis, ains un mesme Dieu, une mesme bonté, une mesme essence et une mesme unité, quel amour doivent-ilz avoir l'un a l'autre! Mays cet amour ne se passe pas comme l'amour que les creatures intellectuelles ont entre elles ou envers leur Createur (car l'amour creé se fait par plusieurs et divers eslans, souspirs, unions et liaysons qui s'entresuivent et font la continuation de l'amour avec une douce vicissitude de mouvemens spirituelz); car l'amour divin du Pere eternel envers son Filz est prattiqué en un seul souspir, eslancé reciproquement par le Pere et le Filz, qui, en cette sorte, demeurent unis et liés ensemble.

  A004000674 

 Ouy, mon Theotime, car la bonté du Pere et du Filz n'estant qu'une seule tres uniquement unique bonté, commune a l'un et a l'autre, l'amour de cette bonté ne peut estre qu'un seul amour; parce qu'encor [206] qu'il y ayt deux amans, a sçavoir le Pere et le Filz, neanmoins il n'y a que leur seule tres unique bonté, qui leur est commune, laquelle est aymee, et leur tres unique volonté qui ayme, et partant il n'y a aussi qu'un seul amour, exercé par un seul souspir amoureux.

  A004000675 

 Et d'autant que le Pere et le Filz qui souspirent, ont une essence et volonté infinie par laquelle ilz souspirent, et que la bonté pour laquelle ilz souspirent est infinie, il est impossible que le souspir ne soit infini; et d'autant qu'il ne peut estre infini qu'il ne soit Dieu, partant cet Esprit souspiré du Pere et du Filz est vray Dieu, et parce qu'il n'y a ni peut avoir qu'un seul Dieu, il est un seul vray Dieu avec le Pere et le Filz.

  A004000675 

 Mais de plus, parce que cet amour est un acte qui procede reciproquement du Pere et du Filz, il ne peut estre ni le Pere ni le Filz desquelz il est procedé, quoy qu'il ait la mesme bonté et substance du Pere et du Filz, ains faut que ce soit une troisiesme Personne divine, laquelle avec le Pere et le Filz ne soit qu'un seul Dieu; et d'autant que cet amour est produit par maniere de souspirs ou d'inspirations, il est appellé Saint Esprit..

  A004000678 

 Qui mille suavités donne,.

  A004000689 

 Mais, o Dieu, si l'amitié humaine est tant agreablement aymable et respand une odeur si delicieuse sur ceux qui la contemplent, que sera-ce, mon bienaymé Theotime, de voir l'exercice sacré de l'amour reciproque du Pere envers le Filz eternel! Saint Gregoire Nazianzene raconte que l'amitié incomparable qui estoit entre luy et son grand saint Basile estoit celebree par toute la Grece, et Tertulien tesmoigne que les payens admiroient cet amour plus que fraternel qui regnoit entre les premiers Chrestiens: o quelle feste, quelle solemnité! de quelles louanges et benedictions doit estre celebree, de quelles admirations doit estre honnoree et aymee l'eternelle et souveraine amitié du Pere et du Filz! Qu'y a-il d'aymable et d'amiable si l'amitié ne l'est pas? et si l'amitié est amiable et aymable, quelle amitié le peut estre en comparayson de cette infinie amitié qui est entre le Pere et le Filz, et qui est un mesme Dieu tres unique avec eux? Nostre cœur, Theotime, s'abismera d'amour, en l'admiration de la beauté et suavité de l'amour que ce Pere eternel et ce Filz incomprehensible prattiquent divinement et eternellement.

  A004000693 

 L'entendement creé verra donq l'essence divine sans aucune entremise d'espece ou representation, mais il ne la verra pas neanmoins sans quelqu'excellente lumiere qui le dispose, esleve et renforce pour faire une veüe si haute et d'un object si sublime et esclattant; car, comme la chouette a bien la veüe asses forte pour voir la sombre lumiere de la nuict sereine, mais non pas toutefois pour voir la clarté du midi, qui est trop brillante pour estre receüe par des yeux si troubles et imbecilles, ainsy nostre entendement, qui a bien asses de force pour considerer les verités naturelles par son discours, et mesme les choses surnaturelles de la grace par la lumiere de la foy, ne sauroit pas neanmoins, ni par la lumiere de la nature ni par la lumiere de la foy, atteindre jusques a la veüe de la substance divine en elle mesme.

  A004000694 

 Les plongeons, dit Pline, qui pour pescher les pierres precieuses s'enfoncent dans la mer, prennent de l'huyle en leur bouche, affin que le respandant ilz ayent plus de jour pour voir dedans les eaux entre lesquelles ilz nagent: Theotime, l'ame bienheureuse estant enfoncee et plongee dans l'ocean de la divine essence, Dieu respandra dans son entendement la sacree lumiere de gloire, qui luy fera jour en cet abisme de lumiere inaccessible, affin que par la clarté de la gloire nous voyions la clarté de la Divinité:.

  A004000704 

 Non, Theotime, car Dieu estant tres uniquement un et tres simplement indivisible, on ne le peut voir qu'on ne le voye tout; et d'autant qu'il est infini, sans limite, ni borne, ni mesure quelcomque en sa perfection, il n'y a ni peut avoir aucune capacité hors de luy, qui jamais puisse totalement comprendre ou penetrer l'infinité de sa bonté, infiniment essentielle et essentiellement infinie..

  A004000704 

 Or, ce sera cette lumiere de gloire, Theotime qui donnera la mesure a la veüe et contemplation des Bien-heureux; et selon que nous aurons plus ou moins de cette sainte splendeur, nous verrons aussi plus ou moins clairement, et par consequent plus ou moins heureusement, la tressainte Divinité, qui, regardee diversement, nous rendra de mesme differemment glorieux.

  A004000705 

 Cette lumiere creée du soleil visible, qui est limitee et finie, est tellement veüe toute de tous ceux qui la regardent, qu'elle n'est pourtant jamais veüe totalement de pas un, ni mesme de tous ensemble.

  A004000705 

 Il en est presqu'ainsy de tous nos sens: entre plusieurs qui oyent une excellente musique, quoy que tous l'entendent toute, les uns pourtant ne l'oyent pas si bien ni avec tant de [211] playsir que les autres, selon que les aureilles sont plus ou moins delicates.

  A004000705 

 La manne estoit savouree toute de quicomque la mangeoit, mais differemment neanmoins, selon la diversité des appetitz de ceux qui la prenoyent, et ne fut jamais savouree totalement, car elle avoit plus de differentes saveurs qu'il n'y avoit de varieté de gousts es Israelites: Theotime, nous verrons et savourerons la haut au Ciel toute la Divinité, mais jamais nul des Bienheureux ni tous ensemble ne la verront ou savoureront totalement; cette infinité divine aura tous-jours infiniment plus d'excellences que nous ne sçaurions avoir de suffisance et de capacité, et nous aurons un contentement indicible de connoistre, qu'apres avoir assouvi tout le desir de nostre cœur et rempli pleynement sa capacité en la jouissance du bien infini, qui est Dieu, neanmoins il restera encor en cette infinité des infinies perfections a voir, a jouïr et posseder, que sa divine Majesté entend et void, elle seule se comprenant soy mesme..

  A004000707 

 Et sur ce sujet, les espritz bienheureux sont ravis de deux admirations: l'une, pour l'infinie beauté qu'ilz contemplent, et l'autre, pour l'abisme de l'infinité qui reste a voir en cette mesme beauté.

  A004000707 

 O Dieu, que ce qu'ilz voyent est admirable! mais o Dieu, que ce qu'ilz ne voyent pas l'est beaucoup plus! Et toutefois, Theotime, la tressainte beauté qu'ilz voyent estant infinie, elle les rend parfaitement satisfaitz et assouvis; et se contentans d'en jouir selon le rang qu'ilz tiennent au Ciel, a cause de la tres aymable Providence divine qui en a ainsy ordonné, ilz convertissent la connoissance qu'ilz ont de ne posseder pas ni ne pouvoir posseder totalement leur object, en une simple complaysance d'admiration, par laquelle ilz ont une joye souveraine de voir que la beauté qu'ilz ayment est tellement infinie qu'elle ne peut estre totalement conneüe que par elle mesme: car en cela consiste la divinité de cette Beauté infinie, ou la beauté de cette infinie Divinité.

  A004000715 

 En suite dequoy il leur fait faire cette priere: Ne me rejettés point de devant vostre face et ne m'ostés point vostre Saint Esprit; Et ne nous induises point en tentation; affin qu'ilz fassent leur salut avec un saint tremblement et une crainte sacree, sçachans qu'ilz ne sont pas plus invariables et fermes a conserver l'amour de Dieu que le premier Ange avec ses sectateurs, et Judas, [215] qui l'ayans receu le perdirent, et en le perdant se perdirent eternellement eux mesmes; ni que Salomon, qui, l'ayant une fois quitté, tient tout le monde en doute de sa damnation; ni que Adam, Eve, David, saint Pierre, qui estans enfans de salut ne laisserent pas de descheoir pour un tems de l'amour sans lequel il n'y a point de salut.

  A004000715 

 Helas, o Theotime, qui sera donq asseuré de conserver l'amour sacré en cette navigation de la vie mortelle, puisqu'en la terre et au Ciel tant de personnes d'incomparable dignité ont fait des si cruelz naufrages!.

  A004000715 

 Nous ne faysons pas ces discours pour ces grandes ames d'eslite que Dieu, par une tres speciale faveur, maintient et confirme tellement en son amour, qu'elles sont hors le hazard de jamais le perdre; nous parlons pour le reste des mortelz, auxquelz le Saint Esprit addresse ces advertissemens: Qui est debout, qu'il prenne garde a ne point tomber.

  A004000716 

 Mais, o Dieu eternel, comme est-il possible, dires-vous, qu'une ame qui a l'amour de Dieu le puisse jamais perdre? Car ou l'amour est, il resiste au peché: et comme se peut il donq faire que le peché y entre, puisque l'amour est fort comme la mort, aspre au combat comme l'enfer? comme peuvent les forces de la mort ou de l'enfer, c'est a dire les pechés, vaincre l'amour qui pour le moins les esgale en force, et les surmonte en assistance et en droit? Mays comme peut-il estre qu'une ame raysonnable, qui a une fois savouré une si grande douceur comme est celle de l'amour divin, puisse onques volontairement avaler les eaux ameres de l'offence? Les enfans, tout enfans qu'ilz sont, estans nourris au lait, au beurre et au miel, abhorrent l'amertume de l'absinthe et du chicotin, et pleurent jusques a pasmer quand on leur en fait gouster: hé donques, o vray Dieu, l'ame une fois jointe a la bonté du Createur, comme le peut-elle quitter pour suivre la vanité de la creature?.

  A004000717 

 Mays aves-vous jamais veu cette petite merveille que chacun sçait, et de laquelle chacun ne sçait pas la rayson? Quand on perce un tonneau bien plein, il ne respandra point son vin qu'on ne luy donne de l'air par dessus, ce qui n'arrive pas aux tonneaux [216] esquelz il y a des-ja du vuide, car on ne les a pas plus tost ouvertz que le vin en sort.

  A004000717 

 Mon cher Theotime, les cieux mesmes s'esbahissent, leurs portes se froissent de frayeur, et les Anges de paix demeurent esperdus d'estonnement sur cette prodigieuse misere du cœur humain, qui abandonne un bien tant aymable pour s'attacher a des choses si deplorables.

  A004000718 

 Ainsy le vin qui est bien espuré et separé de sa lie peut aysement estre garenti de tourner et pousser, mais celuy qui est sur sa lie y est presque tous-jours sujet.

  A004000718 

 Icy, parmi les crepuscules de l'aube du jour, nous craignons qu'en lieu de l'Espoux nous ne rencontrions quelqu'autre objet qui nous amuse et deçoive; mais quand nous le treuverons la haut ou il repaist et repose au midy de sa gloire, il n'y aura plus moyen d'estre trompés, car sa lumiere sera trop claire, et sa douceur nous liera si serré a sa bonté que nous ne pourrons plus vouloir nous en desprendre..

  A004000719 

 Nous sommes comme le corail, qui dans l'ocean, lieu de son origine, est un arbrisseau pasleverd, foible, flechissant et pliable; mais estant tiré hors du fond de la mer, comme du sein de sa mere, il devient presque [217] pierre, se rendant ferme et impliable, a mesme qu'il change son verd blafastre en un vermeil fort vif: car ainsy, estans encor emmi la mer de ce monde, lieu de nostre naissance, nous sommes sujetz a des vicissitudes extremes, pliables a toutes mains, a la droitte de l'amour celeste par l'inspiration, a la gauche de l'amour terrestre par la tentation; mais si une fois tirés hors de cette mortalité, nous avons changé le pasleverd de nos craintives esperances au vif vermeil de l'asseuree jouissance, jamais plus nous ne serons muables, ains demeurerons a tous-jours arrestés en l'amour eternel..

  A004000720 

 Il est impossible de voir la Divinité et ne l'aymer pas; mays ici bas, ou, sans la voir, nous l'entrevoyons seulement au travers des ombres de la foy, comme en un miroüer, nostre connoissance n'est pas si grande qu'elle ne laisse encor l'entree a la surprise des autres objetz et biens appareils, lesquelz, entre les obscurités qui se meslent en la certitude et verité de la foy, se glissent insensiblement comme petitz renardeaux, et demolissent nostre vigne fleurie.

  A004000724 

 Certes, le peché veniel, ni mesme l'affection au peché veniel, n'est pas contraire a l'essentielle resolution de la charité, qui est de preferer Dieu a toutes choses: d'autant que par ce peché nous aymons quelque chose hors de la rayson, mais non pas contre la rayson; nous deferons un peu trop, et plus qu'il n'est convenable, a la creature, mais non pas en la preferant au Createur; nous nous amusons plus qu'il ne faut aux choses terrestres, mais nous ne quittons pas pour cela les celestes: en somme, cette sorte de peché nous retarde au chemin de la charité, mais il ne nous en oste pas, et partant, le peché veniel n'estant pas contraire a la charité, il ne la destruit jamais, ni en tout ni en partie..

  A004000724 

 L'ame est maintefois contristee et affligee dans le cors, jusques mesme a quitter plusieurs membres d'iceluy, qui demeurent privés de mouvement et sentiment, encores qu'elle n'abandonne pas le cœur, ou elle est tous-jours toute entiere jusques a l'extremité de la vie.

  A004000725 

 Certes, la concupiscence ayant conceu, elle engendre le peché; mais ce peché, quoy que peché, n'engendre pas tous-jours la mort de l'ame, ains seulement lhors qu'il a une malice entiere et qu'il est consommé et accompli, comme dit saint Jacques: qui en cela establit si clairement la difference entre le peché veniel et le peché mortel, que je ne sçay comme il s'est treuvé des gens en nostre siecle qui ayent eu la hardiesse de le nier..

  A004000725 

 Dieu fit sçavoir a l'Evesque d'Ephese qu'il avoit delaissé sa premiere charité; ou il ne dit pas qu'il estoit sans charité, mais seulement qu'elle n'estoit plus telle qu'au commencement, c'est a dire qu'elle n'estoit plus prompte, fervente, fleurissante et fructueuse: ainsy que nous avons accoustumé de dire d'un homme, qui de brave, joyeux et gaillard est devenu chagrin, paresseux et maussade: Ce n'est plus celuy d'autrefois; car nous ne voulons pas entendre que ce ne soit pas le mesme selon la substance, mais seulement selon les actions et exercices; et de mesme, Nostre Seigneur a dit qu'es derniers jours la charité de plusieurs se rafroidira, [219] c'est a dire, elle ne sera pas si active et courageuse, a cause de la crainte et de l'ennuy qui oppressera les cœurs.

  A004000726 

 Neanmoins, le peché veniel est peché, et par consequent il desplait a la charité, non comme chose qui luy soit contraire, mays comme chose contraire a ses operations et a son progres, voire mesme a son intention, laquelle estant que nous rapportions toutes nos operations a Dieu, elle est violee par le peché veniel, qui porte les actions par lesquelles nous le commettons, non pas voirement contre Dieu, mais hors de Dieu et de sa volonté: et comme nous disons d'un arbre qui a esté rudement touché et reduit en friche par la tempeste, que rien n'y est demeuré, parce qu'encor que l'arbre est entier, neanmoins il est resté sans fruit, de mesme, quand nostre charité est battue des affections que l'on a aux pechés venielz, nous disons qu'elle est diminuee et defaillie, non que l'habitude de l'amour ne soit entiere en nos espritz, mais parce qu'elle est sans les œuvres qui sont ses fruitz..

  A004000727 

 Aussi, les affections au peché veniel n'abolissent pas la charité, mays elles la tiennent comme un esclave, liee pieds et [220] mains, empeschant sa liberté et son action; cette affection nous attachant par trop a la jouissance des creatures, nous prive de la privauté spirituelle entre Dieu et nous, a laquelle la charité, comme vraye amitié, nous incite, et, par consequent, elle nous fait perdre les secours et assistances interieures, qui sont comme les espritz vitaux et animaux de l'ame, du defaut desquelz provient une certaine paralisie spirituelle, laquelle en fin si on n'y remedie nous conduit a la mort.

  A004000727 

 Car en somme, la charité estant une qualité active, ne peut estre long tems sans agir ou perir; elle est, disent nos Anciens, de l'humeur de Rachel, qui aussi la representoit.

  A004000728 

 Ce qui arrive d'autant plus aysement, que par le peché veniel l'ame se dispose au mortel; car, comme cet ancien ayant continué a porter tous les jours un mesme veau, le porta en fin encor qu'il fut devenu un gros bœuf, la coustume ayant petit a petit rendu insensible a ses forces l'accroissement d'un si lourd fardeau, ainsy celuy qui s'affectionne a joüer des testons joüeroit en fin des escus, des pistoles, des chevaux, et apres ses chevaux toute sa chevance; qui lasche la.

  A004000728 

 bride aux menues choleres, se treuve en fin furieux et insupportable; qui s'addonne a mentir par raillerie, est grandement en danger de mentir avec calomnie..

  A004000729 

 En fin, Theotime, nous disons de ceux qui ont la complexion fort foible, qu'ilz n'ont point de vie, qu'ilz n'en ont pas une once, ou qu'ilz n'en ont pas plein le [221] poing, parce que ce qui doit bien tost finir semble en effect n'estre plus; et ces ames faineantes, addonnees aux playsirs et affectionnees aux choses transitoires, peuvent bien dire qu'elles n'ont plus de charité, puisque si elles en ont, elles sont en voÿe de la perdre bien tost..

  A004000733 

 Quand donq nous n'usons pas de la charité qui est en nous, c'est a dire quand nous n'employons pas nostre esprit aux exercices de l'amour sacré, ains que le tenans diverti a quelque autre occupation, ou que paresseux en soy mesme il se tient inutile et negligent, alhors, Theotime, il peut estre touché de quelque object mauvais, et surpris de quelque tentation; et bien que l'habitude de la charité en mesme tems soit au fond de nostre ame et qu'elle face son office, nous inclinant a rejetter la suggestion mauvaise, si est-ce qu'elle ne nous presse pas ni nous porte a l'action de la resistance, qu'a mesure que nous la secondons, comme les habitudes ont coustume de faire: et partant, nous laissant en nostre liberté, il advient maintefois que le mauvais object ayant jetté bien avant ses attraitz dans nostre cœur, nous nous attachons a luy par une complaysance excessive, laquelle venant a croistre il nous est malaysé de nous en desfaire, et comme des espines, selon que dit Nostre Seigneur, [222] elle suffoque en fin la semence de la grace et dilection celeste.

  A004000734 

 Helas, Theotime, si nous ne nous amusions pas en la vanité des playsirs caduques, et sur tout en la complaysance de nostre amour propre, ains qu'ayans une fois la charité, nous fussions soigneux de voler droit, la part ou elle nous porte, jamais les suggestions et tentations ne nous attrapperoyent; mais parce que, comme colombes seduites et deceües de nostre propre estime, nous retournons sur nous mesmes et entretenons trop nos espritz parmi les creatures, nous nous treuvons souvent surpris entre les serres de nos ennemis, qui nous emportent et devorent..

  A004000734 

 On void que les pigeons touchés de vanité se pavonnent quelquefois en l'air et font des esplanades ça et la, se mirant en la varieté de leur pennage, et lhors les tierceletz et faucons qui les espient viennent fondre sur eux et les attrappent, ce qu'ilz ne feroient jamais si les pigeons voloient leur droit vol, d'autant qu'ilz ont l'aisle plus roide que les oyseaux de proye.

  A004000735 

 Dieu ne veut pas empescher que nous ne soyons attaqués de tentations, affin que resistans, nostre charité soit plus exercee, et puisse par le combat emporter la victoire et par la victoire obtenir le triomphe; mais que nous ayons quelque sorte d'inclination a nous delecter en la tentation, cela vient de la condition de nostre nature, qui ayme tant le bien que pour cela elle est sujette d'estre allechee par tout ce qui a apparence de bien.

  A004000735 

 Que si nous tenions nostre foy, laquelle sçait discerner entre les vrays biens qu'il faut pourchasser et les faux qu'il faut rejetter, vivement attentive a son devoir, certes, elle serviroit de sentinelle asseuree a la charité et luy donneroit advis du mal qui s'approche du cœur sous pretexte de bien, et la charité le repousseroit soudain: mais parce que nous tenons ordinairement nostre foy, ou dormante ou moins attentive qu'il ne seroit requis pour la conservation de nostre charité, nous sommes aussi souvent surpris de la tentation, laquelle seduisant nos sens, et nos sens incitans la partie inferieure de nostre ame a rebellion, il advient que maintefois la partie superieure de la rayson cede a l'effort de cette revolte, et, commettant le peché, elle perd la charité..

  A004000736 

 Car de mesme, trescher Theotime, l'amour propre treuvant nostre foy hors d'attention et sommeillante, il nous presente des biens vains mais apparens, seduit nos sens, nostre imagination et les facultés de nos ames, et presse tellement nos francs arbitres qu'il les conduit a l'entiere revolte contre le saint amour de Dieu; lequel alhors, comme un autre David, sort de nostre cœur avec tout son train, c'est a dire avec les dons du Saint Esprit et les autres [224] vertus celestes, qui sont compaignes inseparables de la charité si elles ne sont ses proprietés et habilités; et ne reste plus en la Hierusalem de nostre ame aucune vertu d'importance, sinon Sadoc le voyant, c'est a dire le don de la foy qui nous peut faire voir les choses eternelles, avec son exercice, et encor Abiathar, c'est a dire le don de l'esperance avec son action, qui tous deux demeurent bien affligés et tristes, maintenans toutefois en nous l'Arche de l'alliance, c'est a dire la qualité et le filtre de Chrestien qui nous est acquis par le Baptesme..

  A004000745 

 L'amour de Dieu, qui nous porte jusques au mespris de nous mesmes, nous rend citoyens de la Hierusalem celeste; l'amour de nous mesmes, qui nous pousse jusques au mespris de Dieu, nous rend esclaves de la Babylone infernale.

  A004000745 

 Ouy, Theotime, car en ce mespris de Dieu consiste le peché mortel, et un seul peché mortel bannit la charité de l'ame, d'autant qu'il rompt le lien et l'union d'icelle avec Dieu, qui est l'obeissance et sousmission a sa volonté; et comme le cœur humain ne peut estre vivant et divisé, aussi la charité, qui est le cœur de l'ame et l'ame du cœur, ne peut jamais estre blessee qu'elle ne soit tuee: ainsy qu'on dit des perles, qui conceües de la rosee celeste perissent si une seule goutte de l'eau marine entre dedans leur escaille.

  A004000748 

 En somme, Theotime, comme la pierre pretieuse nommee prassius, perd sa lueur en la presence de quel venin que ce soit, ainsy l'ame perd [227] en un instant sa splendeur, sa grace et sa beauté, qui consiste au saint amour, a l'entree et presence de quel peché mortel que ce soit; dont il est escrit que l'ame qui pechera mourra..

  A004000748 

 Que si Agar, qui n'estoit qu'une ægyptienne, veyant son filz en danger de mourir n'eut pas le courage de demeurer au pres de luy, ains le voulut quitter, disant: Ah, je ne sçaurois voir mourir cet enfant! quelle merveille y a-il que la charité, fille de douceur et suavité celeste, ne puisse voir mourir son enfant, qui est le propos de ne jamais offencer Dieu? Si que, a mesure que nostre franc arbitre se resout de consentir au peché, donnant par mesme moyen la mort a ce sacré propos, la charité meurt avec iceluy, et dit en son dernier souspir: Hé non, jamais je ne verray mourir cet enfant.

  A004000752 

 Ainsy le sacré Concile de Trente inculque divinement a tous les enfans de l'Eglise sainte, que la grace divine ne manque jamais a ceux qui font ce qu'ilz peuvent, invoquans le secours [228] celeste; que «Dieu n'abandonne jamais ceux qu'il a une fois justifiés, sinon qu'eux mesmes les premiers l'abandonnent,» de sorte que, s'ilz ne manquent a la grace ilz obtiendront la gloire.

  A004000752 

 Comme ce seroit une effronterie impie de vouloir attribuer aux forces de nostre volonté les œuvres de l'amour sacré que le Saint Esprit fait en nous et avec nous, aussi seroit-ce une impieté effrontee de vouloir rejetter le defaut d'amour qui est en l'homme ingrat, sur le manquement de l'assistance et grace celeste; car le Saint Esprit crie par tout, au contraire, que nostre perte vient de nous; que le Sauveur a apporté le feu du saint amour, et ne desire rien plus sinon qu'il brusle nos cœurs; que le salut est preparé devant la face de toutes nations, lumiere pour esclairer les Gentilz, et pour la gloire d'Israël; que la divine Bonté ne veut point qu'aucun perisse, mays que tous viennent a la connoissance de la verité; veut que tous hommes soyent sauvés, le Sauveur d'iceux estant venu au monde affin que tous receussent l'adoption des enfans; et le Sage nous advertit clairement: Ne dis point: il tient a Dieu.

  A004000752 

 En somme, Theotime, le Sauveur est une lumiere qui esclaire tout homme qui vient en ce monde..

  A004000753 

 Mays les uns esveillés se levent, et gaignans païs allerent heureusement au giste; les autres, non seulement ne se levent pas, mais tournans le dos au soleil et enfonçans leurs chapeaux sur leurs yeux, passerent la leur journee a dormir, jusques a ce que, surpris de la nuit et voulans neanmoins aller au logis, ilz s'esgarent qui ça qui la dans une forest, a la merci des loups, sangliers et autres bestes sauvages.

  A004000753 

 Or dites, de grace, Theotime: ceux qui sont arrivés, ne devoyent-ilz pas sçavoir tout le gré de leur contentement au soleil, ou, pour parler chrestiennement, au Createur du soleil? Ouy certes, car ilz ne pensoyent nullement a s'esveiller quand il en estoit tems; le soleil leur fit ce bon office, et par une aggreable semonce de sa clarté et de sa chaleur, les vint aimablement resveiller.

  A004000753 

 Plusieurs voyagers, environ l'heure de midi un jour d'esté, se mirent a dormir a l'ombre d'un arbre; mays tandis que leur lassitude et la fraicheur de l'ombrage les tient en sommeil, le soleil s'avançant sur eux leur porta droit aux yeux sa plus forte lumiere, laquelle par l'eclat de sa clarté faisoit des transparences, comme par des petitz esclairs, autour de la prunelle des yeux de ces dormans, et par la chaleur qui perçoit leurs paupieres les força d'une douce violence de s'esveiller.

  A004000754 

 Au contraire, ces pauvres errans n'avoyent-ilz pas tort de crier dans ce bois: Hé, qu'avons-nous fait au soleil pour quoy il ne nous a pas fait voir sa lumiere comme a nos compaignons, affin que nous fussions arrivés [229] au logis sans demeurer en ces effroyables tenebres? Car, qui ne prendroit la cause du soleil, ou plustost de Dieu, en main, mon cher Theotime, pour dire a ces chetifs malencontreux: Qu'est ce, miserables, que le soleil pouvoit bonnement faire pour vous, qu'il ne l'ayt fait? ses faveurs estoyent esgales envers tous vous autres qui dormiés: il vous aborda tous avec une mesme lumiere, il vous toucha de mesmes rayons, il respandit sur vous une chaleur pareille; et, malheureux que vous estes, quoy que vous vissiés vos compaignons levés prendre le bordon pour tirer chemin, vous tournastes le dos au soleil, et ne voulustes pas employer sa clarté ni vous laisser vaincre a sa chaleur..

  A004000755 

 Tous les hommes sont voyageurs en cette vie mortelle; presque tous nous nous sommes volontairement endormis en l'iniquité, et Dieu, Soleil de justice, darde sur tous, tres suffisamment ains abondamment, les rayons de ses inspirations, il eschauffe nos cœurs de ses benedictions, touchant un chascun des attraitz de son amour: hé, que veut dire donq que ces attraitz en attirent si peu et en tirent encor moins? Ah, certes, ceux qui estans attirés, puis tirés, suivent l'inspiration, ont grande occasion de s'en res-jouir, mais non pas de s'en glorifier: qu'ilz se resjouissent, parce qu'ilz jouissent d'un grand bien; mais qu'ilz ne s'en glorifient pas, puisque c'est par la pure bonté de Dieu, qui leur laissant l'utilité de son bienfait s'en est reservé la gloire..

  A004000756 

 Ainsy les Japonois se plaignans au bienheureux François Xavier [230] leur Apostre, dequoy Dieu, qui avoit eu tant de soin des autres nations, sembloit avoir oublié leurs predecesseurs, ne leur ayant point fait avoir sa connoissance, par le manquement de laquelle ilz auroyent esté perdus, l'homme de Dieu leur respondit que la divine loy naturelle estoit plantee en l'esprit de tous les mortelz, laquelle si leurs devanciers eussent observee, la celeste lumiere les eust sans doute esclairés; comme au contraire, l'ayant violee, ilz meriterent d'estre damnés.

  A004000756 

 Malheur sur malheur a ceux qui ne reconnoissent pas que leur malheur provient de leur malice!.

  A004000756 

 Mays ilz n'ont pas rayson de se douloir et plaindre sinon d'eux mesmes, qui ont mesprisé ains ont esté rebelles a la lumiere, revesches aux attraitz et se sont obstinés contre l'inspiration: de sorte qu'a leur malice seule doit estre a jamais malediction et confusion, puisqu'ilz sont seulz autheurs de leur perte, seulz ouvriers de leur damnation.

  A004000756 

 Mays quant a ceux qui demeurent au sommeil de peché, o Dieu, qu'ilz ont une grande rayson de lamenter, gemir, pleurer et regretter! car ilz sont au malheur le plus lamentable de tous.

  A004000763 

 Mays dis moy derechef, je te prie, homme vil et abject, es tu pas ridicule quand tu penses avoir part en la gloire de ta conversion parce que tu n'as pas repoussé l'inspiration? n'est ce pas la fantasie des voleurs et tirans, de penser donner la vie a ceux auxquelz ilz ne l'ostent pas? et n'est ce pas une forcenee impieté de penser que tu ayes donné la sainte, efficace et vive activeté a l'inspiration divine, parce que tu ne la luy as pas ostee par ta resistence? Nous pouvons empescher les effeetz de l'inspiration, mais nous ne les luy pouvons pas donner: elle tire sa force et venu de la bonté divine, qui est le lieu de son origine, et non de la volonté humaine, qui est le lieu de son abord.

  A004000764 

 C'est donq l'inspiration qui imprime en nostre franc arbitre l'heureuse et suave influence, par laquelle non seulement [234] elle luy fait voir la beauté du bien, mais elle l'eschauffe, l'ayde, le renforce et l'esmeut si doucement, que par ce moyen il se plie et escoule librement au parti du bien..

  A004000764 

 Nostre franc arbitre peut arrester et empescher la course de l'inspiration, et quand le vent favorable de la grace celeste enfle les voyles de nostre esprit, il est en nostre liberté de refuser nostre consentement et empescher par ce moyen l'effect de la faveur du vent; mays quand nostre esprit single et fait heureusement sa navigation, ce n'est pas nous qui faisons venir le vent de l'inspiration, ni qui en remplissons nos voyles, ni qui donnons le mouvement au navire de nostre cœur, ains seulement nous recevons le vent qui vient du Ciel, consentons a son mouvement et laissons aller le navire sous le vent, sans l'empescher par la remore de nostre resistence.

  A004000765 

 Et quant a celle qui a conceu la perle et qui est restee engrossee de la rosee, elle n'a rien en cela qu'elle ne tienne du ciel, non pas mesme son ouverture par laquelle elle a receu la rosee; car sans le ressentiment des rayons de l'aurore, qui l'ont doucement excitee, elle ne fust pas venue en la surface de la mer ni n'eust pas ouvert son escaille.

  A004000765 

 Le ciel prepare les gouttes de la fraiche rosee au primtems et les espluÿe sur la face de la mer, et les mereperles qui ouvrent leurs escailles reçoivent ces gouttes, lesquelles se convertissent en perles: mais au contraire, les mereperles qui tiennent leurs escailles fermees n'empeschent pas que les gouttes ne tumbent sur elles, elles empeschent neanmoins qu'elles ne tumbent pas dans elles.

  A004000765 

 Or, le ciel a il pas envoÿé sa rosee et son influence sur l'une et l'autre mereperle? pourquoy donq l'une a-elle par effect produit sa perle, et l'autre non? Le ciel avoit esté liberal pour celle qui est demeuree sterile, autant qu'il estoit requis pour l'emperler et rendre enceinte du bel union; mais elle a empesché l'effect de son benefice, se tenant fermee et couverte.

  A004000765 

 Theotime, si nous avons quelqu'amour envers Dieu, a luy en soit l'honneur et la gloire, qui a tout fait en nous et sans lequel rien n'a esté fait, a nous en soit l'utilité et l'obligation; car c'est le partage de sa divine bonté avec nous: il nous laisse le fruict de ses bienfaitz, et s'en reserve l'honneur et la louange; et certes, puisque nous ne sommes tous rien que par sa grace, nous ne devons rien estre que pour sa gloire.

  A004000770 

 Mais sur tout nous sommes bigearres en ce qui regarde la Providence divine touchant la diversité des moyens qu'elle nous distribue pour nous tirer a son saint amour, et par son saint amour a la gloire.

  A004000771 

 Et bien que le tressaint Esprit, parlant en l'Escriture Sainte, rende rayson en plusieurs endroitz de presque tout ce que nous sçaurions desirer, touchant ce que sa Providence fait en la conduite des hommes au saint amour et au salut eternel, si est-ce neanmoins qu'en plusieurs occasions il declare qu'il ne faut nullement se departir du respect qui est deu a sa volonté, de laquelle nous devons adorer le propos, le decret, le bon playsir et l'arrest; au bout duquel, comme souverain Juge et souverainement equitable, il n'est pas raysonnable qu'elle manifeste ses motifs, ains suffit qu'elle die simplement: et pour cause.

  A004000772 

 C'est pourquoy ce divin Apostre conclud en cette sorte le long discours qu'il en avoit fait: O profondité des richesses de la sagesse et science de Dieu! que ses jugemens sont incomprehensibles et ses voyes imperceptibles! Qui [237] connoist les pensees du Seigneur? ou qui a esté son conseiller? Exclamation par laquelle il tesmoigne que Dieu fait toutes choses avec grande sagesse, science et rayson, mais en telle sorte neanmoins, que l'homme n'estant pas entré au divin conseil duquel les jugemens et projetz sont infiniment eslevés au dessus de nostre capacité, nous devons devotement adorer ses decretz comme tres equitables, sans en rechercher les motifs qu'il retient en secret par devers soy, affin de tenir nostre entendement en respect et humilité par devers nous..

  A004000772 

 Et qui considerera en tranquillité d'esprit le IX, X et XI chapitre de l'Epistre aux Romains, verra clairement que la volonté de Dieu n'a point rejetté le peuple Juif sans rayson; mais neanmoins cette rayson ne doit point estre recherchee par l'esprit humain, qui, au contraire, est obligé de s'arrester purement et simplement a reverer le decret divin, l'admirant avec amour comme infiniment juste et equitable, et l'aymant avec admiration comme impenetrable et incomprehensible.

  A004000773 

 Escoute une fois et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré.» «Certes, c'est asses au Chrestien vivant encor de la foy et ne voyant pas ce qui est parfait, mays sçachant seulement en partie, de sçavoir et croire que Dieu ne deslivre personne de la damnation sinon par misericorde gratuite, par Jesus Christ Nostre Seigneur, et qu'il ne damne personne sinon par sa tres equitable verité, par le mesme Jesus Christ Nostre Seigneur: mais de sçavoir pourquoy il deslivre celuy cy plustost que celuy la, recherche qui pourra une si grande profondité de ses jugemens, mais qu'il se garde du precipice;» car «ses decretz ne sont pas pour cela injustes, encor qu'ilz soyent secretz.» «Mais pourquoy deslivre-il donq ceux ci plustost que ceux la? Nous disons derechef: O homme, qui es tu qui respondes a Dieu? S es jugemens sont incomprehensibles et ses voÿes inconneües; et adjoustons ceci: Ne t'enquiers pas des choses qui sont au dessus de toy et ne recherche pas ce qui est au dela de tes forces.» «Or, il ne fait pas misericorde a ceux ausquelz, par une verité tres secrete et tres esloignee des pensees humaines, il juge qu'il ne doit pas departir sa faveur ou misericorde.» [238].

  A004000773 

 «Personne,» dit-il, «ne vient au Sauveur sinon estant tiré: qui c'est qu'il tire et qui c'est qu'il ne tire pas, pourquoy il tire celuy cy et non pas celuy la, n'en veuille pas juger si tu ne veux errer.

  A004000774 

 Or, pourquoy la divine Providence donne-elle des evenemens si divers a une si pareille naissance? Certes, on peut dire que la Providence de Dieu ne viole pas ordinairement les lois de la nature; si que l'un de ces bessons estant vigoureux, et l'autre estant trop foible pour supporter l'effort de la sortie du ventre maternel, celuy ci est mort avant que de pouvoir estre baptizé, et l'autre a vescu; la Providence n'ayant pas voulu empescher le cours des causes naturelles, lesquelles en cette occurrence auront esté la rayson de la privation du Baptesme en celuy qui ne l'a pas eu.

  A004000774 

 «Alhors,» dit saint Augustin, «ce ne sera plus chose secrette pourquoy l'un plustost que l'autre est eslevé, la cause estant esgale de l'un et de l'autre; ni pourquoy des miracles n'ont pas esté faitz parmi ceux entre lesquelz s'ilz eussent esté faitz ilz eussent fait penitence, et ont esté faitz parmi ceux qui n'estoyent pas pour croire.» Et ailleurs, ce mesme Saint, parlant des pecheurs dont Dieu laisse l'un en son iniquité et en releve l'autre: «Or, pourquoy il retient l'un,» dit-il, «et ne retient pas l'autre, il n'est pas possible de le comprendre ni loysible de s'en enquerir, puisqu'il suffit de savoir qu'il depend de luy qu'on demeure debout, et ne vient pas de luy qu'on tumbe;» et derechef: «Cela est caché et tres esloigné de l'esprit humain, au moins du mien.».

  A004000775 

 «Peut estre,» dit il, «que c'est par la prevision des biens qui se feront par celuy qui est tiré, entant qu'ilz proviennent aucunement de la volonté: mais de sçavoir dire quelz biens sont ceux, la prevision desquelz sert de motif a la divine volonté, ni je ne le sçay pas distinctement ni je ne m'en veux pas enquerir, et il n'y a point de rayson que de quelque sorte de convenance, de maniere que nous en pourrions dire quelqu'une, et c'en seroit une autre; c'est pourquoy nous ne sçaurions avec certitude marquer la vraye rayson ni le vray motif de la volonté de Dieu pour ce regard, car, comme dit saint Augustin, bien que la verité en soit tres certaine, elle est neanmoins tres esloignee de nos pensees, de sorte que nous n'en sçaurions rien dire d'asseuré, sinon par la revelation de Celuy auquel toutes choses sont conneües.

  A004000779 

 Aymons donq et adorons en esprit d'humilité cette profondité des jugemens de Dieu, Theotime, «la-quelle,» comme dit saint Augustin, «le saint Apostre ne descouvre pas, ains l'admire, quand il exclame: O profondité des jugemens de Dieu!» «Qui pourroit compter le sable de la mer, les gouttes de la pluye, et mesurer la largeur de l'abisme?» dit cet excellent esprit de saint Gregoire Nazianzene, «et qui pourra sonder la profondité de la divine sagesse, par laquelle elle a creé toutes choses et les modere comme elle veut et entend? Car de vray, il suffit qu'a l'exemple de l'Apostre, sans nous arrester a la difficulté et obscurité d'icelle, nous l'admirions: O profondité des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! o que ses jugemens sont inscrutables et ses voÿes inaccessibles! Qui a conneu le sentiment du Seigneur? et qui a esté son conseiller?» Theotime, les raysons de la volonté divine ne peuvent estre penetrees par nostre esprit, jusques a ce que nous voyons la face de Celuy qui atteint de bout a bout fortement, et dispose toutes choses suavement, faisant tout ce qu'il fait en nombre, poids et mesure, et auquel le Psalmiste dit: Seigneur, vous aves tout fait en sagesse..

  A004000780 

 Combien de fois nous arrive-il d'ignorer comment et pourquoy les œuvres mesmes des hommes se font? Et donques, dit le mesme saint Evesque de Nazianze, «l'artisan n'est pas ignorant, encor que nous ignorons son artifice, ni de mesme, certes, les choses de ce monde [241] ne sont pas temerairement et imprudemment faites, encor que nous ne sachions pas leurs raysons.» Si nous entrons en la boutique d'un horloger, nous treuverons quelquefois un horologe qui ne sera pas plus gros qu'une orange, auquel il y aura neanmoins cent ou deux cens pieces, desquelles les unes serviront a la monstre, les autres a la sonnerie des heures et du resveille-matin; nous y verrons des petites roues dont les unes vont a droite, les autres a gauche, les unes tournent par dessus, les autres par bas, et le balancier qui a coups mesurés va balançant son mouvement de part et d'autre: et nous admirons comme l'art a sceu joindre une telle quantité de si petites pieces les unes aux autres, avec une correspondance si juste, ne sçachans ni a quoy chasque piece sert ni a quel effect elle est faitte ainsy, si le maistre ne le nous dit, et seulement en general nous sçavons que toutes servent pour la monstre ou pour la sonnerie.

  A004000780 

 On dit que les bons Indois s'amuseront des jours entiers aupres d'un horologe pour ouïr sonner les heures a point nommé, et ne pouvans deviner comme cela se fait, ilz ne dient pas pourtant que c'est sans art et rayson, ains demeurent ravis d'amour et d'honneur envers ceux qui gouvernent les horologes, les admirans comme gens plus qu'humains..

  A004000781 

 Or il ne nous manifeste pas son art, affin que nous l'admirions avec plus de reverence, jusqu'a ce qu'estans [242] au Ciel il nous ravisse en la suavité de sa sagesse, lhors qu'en l'abondance de son amour il nous descouvrira les raysons, moyens et motifs de tout ce qui se sera passé en ce monde au prouffit de nostre salut eternel..

  A004000782 

 Croyons donq, que comme Dieu est le facteur et Pere de toutes choses, aussi en a-il le soin par sa providence qui serre et embrasse toute la machine des creatures, et sur tout croyons qu'il preside a nos affaires, de nous autres qui le connoissons, encor que nostre vie soit agitee de tant de contrarietés d'accidens: dont la rayson nous est inconneüe affin, peut estre, que ne pouvans pas arriver a cette connoissance, nous admirions la rayson souveraine de Dieu qui surpasse toutes choses; car, envers nous, la chose est aysement mesprisee qui est aysement conneüe, mais ce qui surpasse la pointe de nostre esprit, plus il est difficile d'estre entendu, plus aussi il nous excite a une grande admiration.» Certes, les raysons de la providence celeste seroyent bien basses si nos petitz espritz y pouvoyent atteindre; elles seroyent moins aymables en leur suavité et moins admirables en leur majesté, si elles estoyent moins esloignees de nostre capacité..

  A004000782 

 «Nous ressemblons,» dit derechef le grand Nazianzene, «a ceux qui sont affligés du vertigo ou tournoyement de teste: il leur est advis que tout tourne sans dessus dessous autour d'eux, bien que ce soit leur cervelle et imagination qui tournent, et non pas les choses; car ainsy, rencontrans quelques evenemens desquelz les causes nous sont inconneües, il nous semble que les choses du monde sont administrees sans rayson parce que nous ne la sçavons pas.

  A004000783 

 Exclamons donques, Theotime, en toutes occurrences, mais exclamons d'un cœur tout amoureux envers la providence toute sage, toute puissante et toute douce de nostre Pere eternel: O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! O Seigneur Jesus, Theotime, que les richesses de la bonté divine sont excessives! Son amour envers nous est un abisme incomprehensible; c'est pourquoy il nous a preparé une [243] riche suffisance, ou plustost une riche affluence de moyens propres pour nous sauver, et pour les nous appliquer suavement il use d'une sagesse souveraine, ayant par son infinie science preveu et conneu tout ce qui estoit requis a cet effect.

  A004000784 

 Allons en paix, Theotime, au chemin du tres saint amour, car qui aura le divin amour en la mort, apres la mort il jouira eternellement de l'amour.

  A004000784 

 Car, qui peut penetrer le sens, l'intelligence et l'intention de Dieu? Qui a esté son conseiller pour sçavoir ses projetz et leurs motifs? ou qui l'a jamais prevenu par quelque service? N'est-ce pas luy, au contraire, qui nous previent es benedictions de sa grace pour nous couronner en la felicité de sa gloire? Ah, Theotime, toutes choses sont de luy qui en est le createur, toutes choses sont par luy qui en est gouverneur, toutes choses sont en luy qui en est le protecteur; a luy soit honneur et gloire es siecles des siecles, Amen.

  A004000788 

 Certes, la vie d'un homme qui, tout alangouri, va petit a petit mourant dans un lit, ne merite presque plus que l'on l'appelle vie, puisque encor qu'elle soit vie, elle est toutefois tellement meslee avec la mort, qu'on ne sçauroit dire si c'est une mort encor vivante ou une vie mourante.

  A004000788 

 Et cet amour qui est en son declin et qui va perissant et defaillant, est appellé amour imparfait; parce que, encores qu'il soit entier en l'ame, il n'y est pas ce semble entierement, c'est a dire, il ne tient quasi plus a l'ame et est sur le point de l'abandonner.

  A004000788 

 La charité, tandis qu'elle est en nous, produit force actions d'amour envers Dieu, par le frequent exercice desquelles nostre ame prend une certaine habitude et coustume d'aymer Dieu, qui n'est pas la charité, ains seulement un pli et inclination que la multitude des actions a donné a nostre cœur.

  A004000788 

 Or, la charité estant separee de l'ame par le peché, il y reste maintefois une certaine ressemblance de charité qui nous peut decevoir et amuser vainement; et je vous diray que c'est.

  A004000790 

 Que si quelqu' idiot sans experience eust ouy ces repetitions de paroles, il eust creu qu'il y eust eu quelqu'homme au fond du puits qui les eust faites; mais nous sçavions des-ja, par la philosophie, qu'il n'y avoit personne dans le puits qui redist nos paroles, ains que seulement il y avoit quelques concavités, en l'une desquelles nos voix estans ramassees et ne pouvans passer outre, pour ne point perir du tout et employer les forces qui leur restoyent, elles produisoyent des secondes voix, et ces secondes voix, ramassees dans une autre concavité, en produisoyent des troisiesmes, et ces troisiesmes en pareille façon des quatriesmes, et ainsy consecutivement jusques a onze: si que ces voix-la faites dans le puits n'estoyent plus nos voix, ains des ressemblances et images d'icelles.

  A004000791 

 Et neanmoins, il y a bien de la difference entre la charité et l'amour humain qu'elle produit en nous: car la voix de la charité prononce, intime et opere tous les commandemens de Dieu dedans nos cœurs; l'amour humain qui reste apres elle, les dit voirement et intime quelquefois tous, mais il ne les opere jamais tous, ains quelques uns seulement; la charité prononce et assemble toutes les syllabes, c'est a dire toutes les circonstances des commandemens de Dieu; cet amour humain en laisse tous-jours quelqu'une en arriere, et sur tout celle de la droite et pure intention.

  A004000791 

 Et quant au ton, la charité l'a fort esgal, doux et gracieux; mais cet amour humain va tous-jours ou trop haut es choses terrestres ou trop bas es celestes, et ne commence jamais sa besoigne qu'apres que la charité a cessé de faire la sienne: car tandis que la charité est en l'ame, elle se sert de cet amour humain, qui est sa creature, et l'employe pour faciliter ses operations, si que, pendant ce tems la, les œuvres de cet amour, comme d'un serviteur, appartiennent a la charité qui en est la dame.

  A004000791 

 Mays la charité estant esloignee, alhors les actions de cet amour sont du tout a luy et [247] n'ont plus l'estime et valeur de la charité; car, comme le baston d'Elisee, en l'absence d'iceluy, quoy qu'en la main du serviteur Giesi qui l'avoit receu de celle d'Elisee, ne faisoit nul miracle, aussi les actions faites en l'absence de la charité, par la seule habitude de l'amour humain, ne sont d'aucun merite ni d'aucune valeur pour la vie eternelle, quoy que cet amour humain ayt appris a les faire de la charité et ne soit que son serviteur.

  A004000791 

 Or je veux maintenant dire ainsy: quand le saint amour de charité rencontre une ame maniable et qu'il fait quelque long sejour en icelle, il y produit un second amour, qui n'est pas un amour de charité quoy qu'il provienne de la charité, ains c'est un amour humain, lequel neanmoins ressemble tellement la charité, qu'encores que par apres elle perisse en l'ame, il est advis qu'elle y soit tous-jours, d'autant qu'elle y a laissé apres soy cette sienne image et ressemblance qui la represente; en sorte qu'un ignorant s'y tromperoit, ainsy que les oyseaux firent en la peinture des raysins de Zeuxis, qu'ilz cuyderent estre des vrays raysins, tant l'art avoit proprement imité la nature.

  A004000795 

 Les parfumiers, quoy qu'ilz ne soyent plus en leurs boutiques, portent long tems l'odeur des parfums qu'ilz ont maniés; ainsy ceux qui ont esté es cabinetz des onguens celestes, c'est a dire en la tressainte charité, ilz en gardent encor quelque tems apres la senteur..

  A004000797 

 Nous avons veu des jeunes gens bien nourris en l'amour de Dieu, qui se detraquans, ont demeuré quelque tems au milieu de leur malheureuse decadence qu'on ne laissoit pas de voir en eux des grandes marques de leur vertu passee, et que, l'habitude acquise du tems de la charité repugnant au vice present, on avoit peyne durant quelques mois de discerner s'ilz estoyent hors de la charité ou non, et s'ilz estoyent vertueux ou vitieux; jusques a ce que le progres faisoit clairement connoistre que ces exercices vertueux ne prenoient pas leur origine de la charité presente, mais de la charité passee, non de l'amour parfait, mais de l'imparfait que la charité avoit laissé apres soy comme marque du logement qu'elle avoit fait en ces ames-la..

  A004000798 

 Que s'il ne peut faire les actions de l'amour parfait, il n'en est pourtant pas a mespriser, car la condition de sa nature est telle: ainsy les estoiles qui en comparayson du soleil sont fort imparfaites, sont neanmoins extremement belles regardees en particulier, et ne tenant point de rang en la presence du soleil elles en tiennent en son absence..

  A004000799 

 Toutefois, quoy que cet amour imparfait soit bon en soy, il nous est neanmoins perilleux, pour autant que souvent nous nous contentons de l'avoir luy seul, parce [249] que, ayant plusieurs traitz exterieurs et interieurs de la charité, pensans que ce soit elle mesme que nous avons, nous nous amusons et estimons d'estre saintz, tandis qu'en cette vaine persuasion, les pechés qui nous ont privés de la charité croissent, grossissent et multiplient si fort qu'en fin ilz se rendent maistres de nostre cœur.

  A004000800 

 Hé Dieu, n'est-ce pas une grande pitié de voir une ame qui se flatte en cette imagination d'estre sainte, demeurant en repos comme si elle avoit la charité, se treuver toutefois en fin que sa sainteté est fainte, et que son repos n'est qu'une lethargie et sa joye une manie? [250].

  A004000804 

 Mais quel moyen, me dires vous, de discerner si c'est Rachel ou Lia, la charité ou l'amour imparfait, qui me donne les sentimens de devotion dont je suis touché? Si examinant en particulier les objetz des desirs, des affections et des desseins que vous aves presentement, vous en treuves quelqu'un pour lequel vous voulussies contrevenir a la volonté et au bon playsir de Dieu, pechant mortellement, c'est hors de doute que tout le sentiment, toute la facilité et promptitude que vous aves a servir Dieu n'a point d'autre source que de l'amour humain et imparfait; car si l'amour parfait regnoit en vous, o Seigneur Dieu! il romproit toute affection, tout desir, tout dessein duquel l'objet serait si pernicieux, et ne pourroit souffrir que vostre cœur le regardast..

  A004000805 

 Mais remarqués que j'ay dit cet examen devoir estre fait des affections que vous aves presentement; car il n'est pas besoin de vous imaginer celles qui pourroyent naistre par apres, puis qu'il suffit que nous soyons fideles es occurrences presentes, selon la diversité des tems, et que chasque saison a bien asses de son travail et de sa peyne..

  A004000806 

 Que si toutefois vous voulies exercer vostre cœur a la vaillance spirituelle par la representation de diverses rencontres et de divers assautz, vous le pourries utilement faire, pourveu qu'apres les actes de cette vaillance imaginaire que vostre cœur aurait fait, vous ne vous estimassies point plus vaillant; car les enfans d'Ephraïm, qui faisoyent merveilles a bien descocher leurs arcs es essays de guerre qu'ilz faisoyent entr'eux, [251] quand ce vint au fait et au prendre, au jour de la bataille, ilz tournerent le dos, et n'eurent seulement pas l'asseurance de mettre leurs fleches au trait ni de regarder la pointe de celles de leurs ennemis..

  A004000807 

 Car, comme plusieurs ont perdu le cœur en l'assaut, plusieurs aussi y ont perdu la crainte, et ont pris du courage et resolution en la presence du peril et de la necessité, qui ne l'eussent jamais sceu prendre en son absence; et ainsy, plusieurs serviteurs de Dieu, se representans les tentations absentes s'en sont effrayés jusques presque a perdre courage, qui les voyans presentes se sont comportés fort courageusement..

  A004000807 

 Mais si la desfiance se rendoit si demesuree qu'il nous semblast de n'avoir ni force ni courage, et que partant il nous arrivast du desespoir sur le sujet des tentations imaginees, comme si nous n'estions pas en la charité et grace de Dieu, il nous faut alhors faire resolution, malgré nostre sentiment et descouragement, de bien estre fideles en tout ce qui nous arrivera, jusques a la tentation qui nous met en peyne, et esperer que lhors qu'elle arrivera Dieu multipliera sa grace, redoublera son secours et nous fera toute l'assistance requise, et que ne nous donnant pas la force pour une guerre imaginaire et non necessaire, il nous la donnera quand ce viendra au besoin.

  A004000808 

 Ainsy, mon cher Theotime, il n'est pas necessaire que nous ayons tous-jours le sentiment et mouvement du courage requis a surmonter le lion rugissant qui va ça et la rodant pour nous devorer; cela nous pourroit donner de la vanité et presomption: il suffit bien que nous ayons bon desir de combattre vaillamment, et une parfaite confiance que l'Esprit divin nous assistera de son secours lhors que l'occasion de l'employer se presentera..

  A004000808 

 Samson n'avoit certes pas tous-jours son [252] courage, ains il est marqué en l'Escriture, que le lion des vignes de Tamnatha venant a luy furieusement et rugissant, l'esprit de Dieu le saisit, c'est a dire, Dieu luy donna le mouvement d'une nouvelle force et d'un nouveau courage, et il mit en pieces le lion comme il enst fait un chevreau; et tout de mesme quand il desfit les mille Philistins qui le vouloyent desfaire en la campaigne de Lechi.

  A004000817 

 L'amour n'est autre chose, ainsy que nous avons dit, sinon le mouvement et escoulement du cœur, qui se fait envers le bien par le moyen de la complaysance que l'on a en iceluy; de sorte que la complaysance est le grand motif de l'amour, comme l'amour est le grand mouvement de la complaysance..

  A004000818 

 Nous sçavons par la foy que la Divinité est un abisme incomprehensible de toute perfection, souverainement infini en excellence et infiniment souverain en bonté; et cette verité que la foy nous enseigne, nous la considerons attentivement par la meditation, regardans cette immensité de biens qui sont en Dieu, ou tous ensemble [255] par maniere d'assemblage de toutes perfections, ou distinctement considerant ses excellences l'une apres l'autre: comme par exemple, sa toute puissance, sa toute sagesse, sa toute bonté, son eternité, son infinité.

  A004000818 

 Or, quand nous avons rendu nostre entendement fort attentif a la grandeur des biens qui sont en ce divin object, il est impossible que nostre volonté ne soit touchee de complaysance en ce bien, et lhors nous usons de nostre liberté et de l'authorité que nous avons sur nous mesmes, provoquans nostre propre cœur a repliquer et renforcer sa premiere complaysance par des actes d'approbation et res-jouissance: O, dit alhors l'ame devote, que vous estes beau, mon Bienaymé, que vous estes beau! vous estes tout desirable, ains vous estes le desir mesme; tel est mon Bienaymé, et il est l'Ami de mon cœur, o filles de Hierusalem.

  A004000819 

 Ainsy, appreuvans le bien que nous voyons en Dieu et nous res-jouissans d'iceluy, nous faysons l'acte d'amour que l'on appelle complaysance, car nous nous playsons du playsir divin infiniment plus que du nostre propre; et c'est cet amour qui donnoit tant de contentement aux Saintz quand ilz pouvoyent raconter les perfections de leur Bienaymé, et qui leur faisoit prononcer avec tant de suavité que Dieu estoit Dieu.

  A004000819 

 Il est Dieu de nostre cœur par cette complaysance, d'autant que par icelle nostre cœur l'embrasse et le rend sien; il est nostre heritage, d'autant que par cet acte nous jouissons des biens qui sont en Dieu, et comme d'un heritage nous en tirons toute sorte de playsir et de contentement.

  A004000821 

 O Dieu, quelle joye aurons nous au Ciel, Theotime, lhors que nous verrons le Bienaymé de nos cœurs, comme une mer infinie de laquelle les eaux ne sont que perfection et bonté! Alhors, comme des cerfs qui longuement pourchassés et malmenés, s'abouchans a une claire et fraische fontaine tirent a eux la fraischeur de ses belles eaux, ainsy nos cœurs, apres tant de langueurs et de desirs, arrivans a la source forte et vivante de la Divinité, tireront par leur complaysance toutes les perfections de ce Bienaymé, et en auront la parfaite jouissance par la res-jouissance qu'ilz y prendront, se remplissans de ses delices immortelles: et en cette sorte le cher Espoux entrera dedans nous comme dans son lit nuptial, pour communiquer sa joye eternelle a nostre ame; selon qu'il dit luy mesme, que si nous gardons la sainte loy de son amour, il viendra et fera son sejour en nous.

  A004000821 

 Tel est le doux et noble larcin d'amour, qui sans decolorer le Bienaymé se colore de ses couleurs, sans le despouiller se revest de sa robbe, sans luy rien oster prend tout ce qu'il a, et sans l'appauvrir s'enrichit de ses biens; comme l'air prend la lumiere sans amoindrir la splendeur originaire du soleil, et le miroüer la grace du visage sans diminuer celle de l'homme qui se mire..

  A004000822 

 Cette ame, donques, avoit une telle complaysance et se sentoit tant honnoree en la bonté divine qui reluit en la vie, mort et passion du Sauveur, qu'il ne prenoit aucun playsir qu'en cet honneur; et c'est cela qui luy fait dire: Ja n'advienne que je me glorifie sinon en la Croix de mon Sauveur; comme il dit aussi, qu'il ne vivoit pas luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy.

  A004000822 

 Mays par quel canal et conduit estoit venu le doux Jesus dans le cœur de saint Paul? Par le canal de la complaysance, comme il le declaire luy mesme disant: Ja n'advienne que je me glorifie sinon en la Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ; car, si vous y prenes bien garde, entre se glorifier en une personne et se complayre en icelle, prendre a gloire et prendre a playsir une chose, il n'y a pas autre difference sinon que celuy qui prend une chose a gloire, outre le playsir il adjouste l'honneur, l'honneur n'estant pas sans playsir, bien que le playsir puisse estre sans honneur.

  A004000826 

 En somme, l'aphorisme des medecins est vray, que ce qui est savouré nourrit; et celuy des philosophes: ce qui plaist, paist..

  A004000826 

 Nous nous paissons avec luy de sa douceur par le playsir que nous y prenons, et rassasions nostre cœur es perfections divines par l'ayse que nous en avons: et ce repas est un souper a cause du repos qui le suit, la complaysance nous faysant doucement reposer en la suavité du bien qui nous delecte et duquel nous repaissons nostre cœur; car, comme vous sçaves, Theotime, le cœur se paist des choses esquelles il se plaist, si que, en nostre langue françoise, on dit que l'un se paist de l'honneur, l'autre des richesses, comme le Sage avoit dit que la bouche des folz se paist d'ignorance; et la souveraine Sagesse proteste que sa viande, c'est a dire son playsir, n'est autre chose que de faire la volonté de son Pere.

  A004000826 

 O Dieu, que l'ame est heureuse qui prend son playsir a sçavoir et connoistre que Dieu est Dieu et que sa bonté est une infinie bonté; car ce celeste Espoux, par cette porte de la complaysance, entre en elle et soupe avec nous, comme nous avec luy.

  A004000827 

 Ainsy tirons nous le cœur de Dieu dedans le nostre, et il y respand son baume pretieux; et ainsy se prattique ce que la sainte Espouse dit avec tant d'allegresse: Le Roy de mon cœur m'a menee dans ses cabinetz; nous tressaillirons et nous res-jouirons en vous, nous ramentevans de vos mammelles plus aymables que le vin; les bons vous ayment. Car je vous prie, Theotime, qui sont les cabinetz de ce Roy d'amour, sinon ses tetins qui abondent en varieté de douceurs et suavités? La poitrine et les mammelles de la mere sont les cabinetz des tresors du petit enfant; il n'a point d'autres richesses que celles la, qui luy sont plus pretieuses que l'or et le topaze, plus aymables que le reste du monde..

  A004000828 

 Ah, les justes et bons vous ayment! et comme pourroit-on estre bon et n'aymer pas une si grande bonté? Les princes terrestres ont leurs tresors es cabinetz de leur palais, leurs armes en leurs arsenalz: mays le Prince celeste, il a son tresor en son sein, ses armes dans sa poitrine; et parce que son tresor est sa bonté, comme ses armes sont ses amours, son sein et sa poitrine ressemble a celle d'une douce mere qui a deux beaux tetins comme deux cabinetz, riches en douceur de bon lait, armés d'autant de traitz pour assujettir le cher petit poupon comme il en peut faire de traittes en tettant..

  A004000828 

 Hé, n'a-elle pas rayson, cette belle ame, de s'escrier: O mon Roy, que vos richesses sont aymables et que vos amours sont riches! Hé, qui en a plus de joye, ou vous qui en jouïsses, ou moy qui m'en res-jouïs? Nous tressaillirons d'allegresse en la souvenance de vostre sein et de vos tetins si leçons en toute excellence de suavité: moy, parce que mon Bienaymé en jouït, vous, parce que vostre bienaymee s'en res-jouït; car ainsy nous en jouissons tous deux, puisque vostre bonté vous fait jouir de ma res-jouissance, et mon amour me fait res-jouir de vostre jouissance.

  A004000828 

 L'ame, donques, qui contemple les tresors infinis des perfections divines en son Bienaymé, se tient pour trop heureuse et riche, d'autant que l'amour rend sien par complaysance tout le bien et contentement de ce cher Espoux.

  A004000830 

 Le lait, qui est une viande cordiale toute d'amour, represente la science et theologie mystique, c'est a dire le doux savourement provenant de la complaysance amoureuse que l'esprit reçoit lhors qu'il medite les perfections de la Bonté divine; mais le vin signifie la science ordinaire et acquise qui se tire a force de speculation, sous le pressoir de plusieurs argumens et disputes.

  A004000830 

 Or, le lait que nos ames succent es mammelles de la charité de Nostre Seigneur, vaut mieux incomparablement que le vin que nous tirons des discours humains: car ce lait prend son origine de l'amour celeste, qui le prepare a ses enfans avant mesme qu'ilz y ayent pensé; il a un goust amiable et suave, son odeur surpasse tous les parfums, il rend l'haleine franche et douce comme d'un enfant de lait, il donne une joye sans insolence, il enivre sans hebeter, il ne leve pas le sens, mais il le releve..

  A004000831 

 Helas, l'ame qui tient par amour son Sauveur entre les bras de ses affections, combien delicieusement sent-elle les parfums des perfections infinies qui se retreuvent en luy, et avec quelle complaysance dit-elle en soy mesme: Ah, voyci que la senteur de mon Dieu est comme la senteur d'un jardin fleurissant! hé, que ses mammelles sont pretieuses, respandans des parfums souverains! Ainsy l'esprit du grand saint Augustin, balançant entre les sacrés contentemens qu'il avoit a considerer d'un costé le mystere de la naissance de son Maistre, et de l'autre part le mystere de la Passion, s'escrioit tout ravi en cette complaysance:.

  A004000841 

 Or, quand nous accroissons et renforçons cette premiere complaysance par le moyen [263] de l'exercice de l'amour, ainsy que nous avons declaré es chapitres precedens, alhors nous attirons dedans nostre cœur les perfections divines, et jouissons de la divine bonté par la res-jouissance que nous y prenons, prattiquans cette premiere partie du contentement amoureux que l'Espouse sacree exprime disant: Mon Bien-aymé est a moy; mays parce que cette complaysance amoureuse estant en nous qui l'avons, ne laisse pas d'estre en Dieu en qui nous la prenons, elle nous donne reciproquement a sa divine bonté: si que par ce saint amour de complaysance nous jouissons des biens qui sont en Dieu comme s'ilz estoyent nostres, mays parce que les perfections divines sont plus fortes que nostre esprit, entrant en iceluy elles le possedent reciproquement; de sorte que nous ne disons pas seulement que Dieu est nostre par cette complaysance, mais aussi que nous sommes a luy..

  A004000843 

 Qui est plus l'un a l'autre, ou la perle a l'ouïtre, ou l'ouïtre a la perle? La perle est a l'ouïtre qui l'a attiree a soy, mais l'ouïtre est a la perle laquelle luy donne la valeur et l'estime.

  A004000844 

 Le chef des Apostres, ayant dit en sa premiere Epistre que les anciens Prophetes avoient manifesté les graces qui devoient abonder parmi les Chrestiens, et entre autres choses la Passion de Nostre Seigneur et la gloire qui la devoit suivre, tant par la resurrection de son cors que par l'exaltation de son nom, en fin il conclud que les Anges mesmes desirent de regarder les mysteres de la redemption en ce divin Sauveur: auquel, dit-il, les Anges desirent regarder.

  A004000844 

 Mais comme donq se peut il entendre que les Anges qui voyent le Redempteur, et en iceluy tous les mysteres de nostre salut, desirent neanmoins encor de le voir? Theotime, ilz le voyent, certes, tous-jours, mais d'une veüe si aggreable et delicieuse que la complaysance qu'ilz en ont les assouvit sans leur oster le desir, et les fait desirer sans leur oster l'assouvissement; la jouissance n'est pas diminuee par le desir, ains en est perfectionnee, comme leur desir n'est pas estouffé, ains affiné par la jouissance..

  A004000845 

 La jouissance d'un bien qui contente tous-jours ne flestrit jamais, ains se renouvelle et fleurit sans cesse, elle est tous-jours aymable, tous-jours desirable; le continuel contentement des celestes amoureux produit un desir perpetuellement content, comme leur continuel desir fait naistre en eux un contentement perpetuellement desiré.

  A004000845 

 Le bien qui est fini termine le desir quand [265] il donne la jouissance et oste la jouissance quand il donne le desir, ne pouvant estre possedé et desiré tout ensemble; mais le bien infini fait regner le desir dans la possession et la possession dans le desir, ayant dequoy assouvir le desir par sa sainte presence et dequoy le faire tous-jours vivre par la grandeur de son excellence, laquelle nourrit en tous ceux qui la possedent un desir tous-jours content et un contentement tous-jours desireux..

  A004000846 

 Imaginés-vous, Theotime, ceux qui tiennent en leurs bouches l'herbe scitique; car, a ce qu'on dit, ilz n'ont jamais ni faim ni soif, tant elle les rassasie, et jamais pourtant ilz ne perdent l'appeit, tant elle les sustente delicieusement.

  A004000846 

 Les espritz perdus ont un mouvement eternel sans nul meslange de tranquillité; nous autres mortelz, qui sommes encor en ce pelerinage, avons tantost du repos, tantost du mouvement en nos affections; les espritz bienheureux ont tous-jours le repos en leurs mouvemens et le mouvement en leur repos, n'y ayant que Dieu seul qui ait le repos sans mouvement, parce qu'il est souverainement un acte pur et substantiel.

  A004000847 

 Qui desire Dieu en le possedant, ne le desire pas pour le chercher, mais pour exercer cette affection dedans le bien mesme duquel il jouit; car le cœur ne fait pas ce mouvement de desir comme pretendant a la jouissance pour l'avoir, puisqu'il l'a des-ja, mais comme s'estendant en la jouissance laquelle il a; non pour obtenir le bien, mais pour s'y recreer et entretenir; non pour en jouir, mais pour s'y esjouir: ainsy que nous marchons et nous esmouvons pour aller en quelque delicieux jardin, auquel estans arrivés nous ne laissons pas de marcher et nous remuer derechef, non plus pour y venir, mais pour nous pourmener et passer le tems en iceluv; nous avons marché pour aller jouir de l'amenité du jardin, y estans, nous marchons pour nous esjouir en la jouissance d'iceluy..

  A004000851 

 En somme, Theotime, l'ame qui est en l'exercice de l'amour de complaysance crie perpetuellement en son sacré silence: Il me suffit que Dieu soit Dieu, que sa bonté soit infinie, que sa perfection soit immense; que je meure ou que je vive il importe peu pour moy, puisque mon cher Bienaymé vit eternellement d'une vie toute triomphante.

  A004000851 

 La mort mesme ne peut attrister le cœur qui sçait que son souverain amour est vivant; c'est asses pour l'ame qui ayme, que celuy qu'elle ayme plus que soy mesme soit comblé de biens eternelz, puisqu'elle vit plus en celuy qu'elle ayme qu'en celuy qu'elle anime, ains qu'elle ne vit pas elle mesme, mais son Bienaymé vit en elle.

  A004000855 

 La compassion, condoleance, commiseration ou misericorde n'est autre chose qu'une affection qui nous fait participer a la passion et douleur de celuy que nous aymons, tirant la misere qu'il souffre dans nostre cœur: dont elle est appellee misericorde, comme qui diroit, une misere de cœur, comme la complaysance tire dedans le cœur de l'amant le playsir et contentement de la chose aymee.

  A004000855 

 Or c'est l'amour qui fait l'un et l'autre effect par la vertu qu'il a d'unir le cœur qui ayme a ce qui est aymé, rendant par ce moyen les biens et les maux des amis, communs; et ce qui se passe en la compassion, donne beaucoup de clarté a ce qui regarde la complaysance..

  A004000856 

 Helas, les mesmes clouz qui crucifierent le cors de ce divin Enfant crucifierent aussi le cœur de la Mere, les mesmes espines qui percerent son chef outrepercerent l'ame de cette Mere toute douce; elle eut les mesmes miseres de son Filz par commiseration, les mesmes douleurs par condoleance, les mesmes passions par compassion; et en somme, l'espee de la mort qui transperça le cors de ce tresaymé Filz outreperça de mesme le cœur de cette tres amante Mere: dont elle pouvoit bien dire qu'il luy estoit un bouquet de myrrhe au milieu de ses mammelles, c'est a dire en sa poitrine et au milieu de son cœur.

  A004000856 

 La compassion tire sa grandeur de celle de l'amour qui la produit: ainsy sont grandes les condoleances des meres sur les afflictions de leurs enfans uniques, comme l'Escriture tesmoigne souvent.

  A004000858 

 Mais qu'est-ce a dire, il revescut ou il resuscita? Theotime, les espritz ne meurent de leur propre mort que par le peché, qui les separe de Dieu lequel est leur vraye vie surnaturelle, mais ilz meurent quelquefois de la mort d'autruy; et cela arriva au bon Jacob duquel nous parlons, car l'amour, qui tire dans le cœur de l'amant le bien et le mal de la chose aymee, l'un par complaysance, l'autre par commiseration, tira la mort de l'aymable Joseph dans le cœur de l'amant Jacob; et par un miracle impossible a toute autre puissance qu'a celle de l'amour, l'esprit de ce bon pere estoit plein de la mort de celuy qui estoit vivant et regnant, d'autant que l'affection ayant esté trompee devança l'effect..

  A004000859 

 O Dieu, Theotime, quelle joye, et que ce viellard l'exprime excellemment! car, que veut-il dire par ces paroles: Maintenant je mourray content, puisque j'ay veu ta face, sinon que son allegresse est si grande qu'elle est capable de rendre joyeuse et aggreable la mort mesme, qui est la plus triste et horrible chose du monde?.

  A004000859 

 Or, quand au contraire il sceut qu'en verité son filz estoit en vie, l'amour qui avoit si longuement tenu le trespas presupposé du filz dans l'esprit de ce bon pere, voyant qu'il avoit esté deceu, rejetta promptement cette fainte mort, et en sa place fit entrer la veritable vie de ce mesme enfant.

  A004000860 

 Dites-moy, je vous prie, Theotime, qui ressent plus le bien de Joseph, ou luy qui en jouit, ou Jacob qui s'en res-jouit? Certes, si le bien n'est bien que pour le contentement qu'il nous donne, le pere en a autant et plus que le filz; car le filz, avec la dignité de vice-roy qu'il possede, a par consequent beaucoup de soin et d'affaires, mais le pere jouit par complaysance et possede purement ce qui est de bon en cette grandeur et dignité de son filz, sans charge, sans soin et sans peyne.

  A004000860 

 Je mourray joyeux, dit-il: helas, qui ne void son contentement? si la mort mesme ne peut troubler sa joye, qui la pourra donq jamais alterer? si son ayse vit emmi les detresses de la mort, qui la pourra jamais esteindre? L'amour est fort comme la mort, et les allegresses de l'amour surmontent les tristesses de la mort, car la mort ne les peut faire mourir, ains les avive: si que, comme il y a un feu qui par merveille se nourrit en une fontayne proche de Grenoble, ainsy que nous sçavons fort asseurement et que mesme le grand saint Augustin atteste, aussi la sainte charité est si forte qu'elle nourrit ses flammes et ses consolations emmi les plus tristes angoisses de la mort, et les eaux des tribulations ne peuvent esteindre son feu.

  A004000864 

 Quand je voy mon Sauveur sur le mont des Olives, avec son ame triste jusques a la mort, hé, Seigneur Jesus, ce dis-je, qui a peu porter ces tristesses de la mort dans l'ame de la vie, sinon l'amour, qui excitant la commiseration, attira par icelle nos miseres dans vostre cœur souverain? Or une ame devote, voyant cet abisme d'ennuis et de detresses en ce divin Amant, comme peut elle demeurer sans une douleur saintement amoureuse? Mays considerant d'ailleurs que toutes les afflictions de son Bienaymé ne procedent pas d'aucune imperfection ni manquement de force, ains de la grandeur de sa treschere dilection, elle ne peut qu'elle ne se fonde toute d'un amour saintement douloureux, si qu'elle s'escrie: Je suis noyre de douleur par compassion, mais je suis belle d'amour par complaysance.

  A004000865 

 Helas, il souffre des douleurs insupportables, ce divin Amant bienaymé, c'est cela qui m'attriste et me fait pasmer d'angoisse; mais il prend playsir a souffrir, il ayme ses tourmens et meurt d'ayse de mourir de douleur pour moy: c'est pourquoy, comme je suis dolente de ses douleurs, je suis aussi toute ravie d'ayse de son amour; non seulement je m'attriste avec luy, mais je me glorifie en luy..

  A004000866 

 Alhors se prattique la douleur de l'amour et l'amour de la douleur; alhors la condoleance amoureuse et la complaysance douloureuse, comme des autres Esaii et Jacob, debattans a qui fera plus d'effort, mettent l'ame en des convulsions et agonies incroyables, et se fait une extase amoureusement douloureuse et douloureusement amoureuse.

  A004000866 

 Ce fut cet amour, Theotime, qui attira sur l'amoureux seraphique saint François les stigmates, et sur l'amoureuse angelique sainte Catherine de Sienne les ardentes blesseures du Sauveur: la complaysance amoureuse ayant aiguisé les pointes de la compassion douloureuse, ainsy que le miel rend plus penetrant et sensible l'amertume de l'absynthe, comme au contraire la souefve odeur des roses est affinee par le voysinage des aulx qui sont plantés pres des rosiers.

  A004000867 

 Hé, veut dire le divin amoureux de l'ame, je suis chargé des peynes et sueurs de ma Passion, qui se passa presque toute, ou es tenebres de la nuit ou en la nuit des tenebres que le soleil s'obscurcissant fit au plus fort de son midy; ouvre donq ton cœur devers moy, comme les mereperles leurs escailles du costé du ciel, et je respandray sur toy la rosee de ma Passion, qui se convertira en perles de consolation.

  A004000867 

 Qui est cette rosee, et qui sont ces gouttes de la nuit, sinon les afflictions et peynes de sa Passion? Les perles, certes (comme nous avons dit asses souvent), ne sont autre chose que gouttes de la rosee que la fraicheur de la nuit espluÿe sur la face de la mer, receües dans les escailles des ouïtres ou mereperles.

  A004000871 

 En l'amour que Dieu exerce envers nous, il commence tous-jours par la bienveuillance, voulant et faisant en nous tout le bien qui y est, auquel par apres il se complait.

  A004000871 

 Il fit David selon son cœur par bienveuillance, puis il le treuva selon son cœur par complaysance; il crea premierement l'univers pour l'homme et l'homme en l'univers, donnant a chasque chose le degré de bonté qui luy estoit convenable, par sa pure bienveuillance, puis il appreuva tout ce qu'il avoit fait, treuvant que tout estoit tres bon, et se reposa par complaysance en son ouvrage..

  A004000873 

 Ah! mais pourtant, o le sacré Bienaymé de mon ame, je ne desire pas de pouvoir desirer aucun bien a vostre Majesté, ains je me complais de tout mon cœur en ce supreme degré de bonté que vous aves, auquel ni par desir ni mesme par pensee on ne peut rien adjouster; mais si ce desir estoit possible, o Divinité infinie, o Infinité divine, mon ame voudroit estre ce desir et n'estre rien autre que cela, tant elle desireroit de desirer pour vous ce qu'elle se complait infiniment de ne pouvoir pas desirer, puisque l'impuissance de faire ce desir provient de l'infinie infinité de vostre perfection qui surpasse tout souhait et toute pensee! Hé, que j'ayme cherement l'impossibilité de vous pouvoir desirer aucun bien, o mon Dieu, puisqu'elle provient de l'incomprehensible immensité de vostre abondance, laquelle est si souverainement infinie, que s'il se treuvoit un desir infini il serait infiniment assouvi par l'infinité de vostre bonté, qui le convertirait en une infinie complaysance..

  A004000873 

 Ne pouvans donq point faire aucun desir absolu pour Dieu, nous en faisons des imaginaires et conditionnelz en cette sorte: Je vous ay dit, Seigneur, vous estes mon Dieu, qui, tout plein de vostre infinie bonté, ne pouves avoir indigence ni de mes biens ni de chose quelconque; mais si, par imagination de chose impossible, je pouvois penser que vous eussies besoin de quelque bien, je ne cesserois jamais de vous le souhaitter au prix de ma vie, de mon estre et de tout ce qui est au monde.

  A004000874 

 Ce desir, donques, par imagination de choses impossibles, peut estre quelquefois utilement prattiqué emmi les grans sentimens et ferveurs extraordinaires; aussi [276] dit-on que le grand saint Augustin en faisoit souvent de pareille sorte, eslançant par exces d'amour ces paroles: Hé, Seigneur, je suis Augustin et «vous estes Dieu; mais si toutefois ce qui n'est ni ne peut estre estoit, que je fusse Dieu et que vous fussies Augustin, je voudrois, en changeant de qualité avec vous, devenir Augustin affin que vous fussies Dieu.».

  A004000875 

 Et Ihors, mon Theotime, nous ne desirons pas la complaysance pour le playsir qu'elle nous donne, mais parce seulement que ce playsir est en Dieu: car, comme nous ne desirons pas la condoleance pour la douleur qu'elle met en nos cœurs, mais parce que cette douleur nous unit et associe a nostre Bienaymé douloureux, ainsy n'aymons-nous pas la complaysance parce, qu'elle nous rend du playsir, mais d'autant que ce playsir se prend en l'union du playsir et bien qui est en Dieu; auquel pour nous unir davantage, nous voudrions nous complaire d'une complaysance infiniment plus grande, a l'imitation de la tressainte Reyne et Mere d'amour, de laquelle l' ame sacree magnifioit et aggrandissoit perpetuellement Dieu; et affin que l'on sceust que cet aggrandissement se faysoit par la complaysance qu'elle avoit en la divine Bonté, elle declare que son esprit avoit tressailli de contentement en Dieu son Sauveur.

  A004000879 

 Un religieux demanda au devot frere Gilles, l'un des premiers et plus saintz compaignons de saint François, ce qu'il pourroit faire pour estre plus aggreable a Dieu, et il luy respondit en chantant: «L'une a l'un, l'une a l'un;» ce que par apres expliquant: «Donnes tous-jours,» dit-il, toute vostre ame, qui est une, a Dieu seul, qui est un.» L'ame s'escoule par les playsirs, et la diversité d'iceux la dissipe et l'empesche de se pouvoir appliquer attentivement a celuy qu'elle doit prendre en Dieu.

  A004000880 

 Que si l'ame qui est en cette sainte affection rencontre [278] les creatures, pour excellentes qu'elles soyent, voire mesme quand ce seroyent les Anges, elle ne s'arreste point avec icelles, sinon autant qu'il faut pour estre aydee et secourue en son desir: Dites moy donques, leur fait elle, dites moy, je vous en conjure, aves vous point veu Celuy qui est l'Ami de mon ame? La glorieuse amante Magdeleine rencontra les Anges au sepulchre, qui luy parlerent sans doute angeliquement, c'est a dire bien suavement, voulans appayser l'ennuy auquel elle estoit; mais au contraire, toute espleuree, elle ne sceut prendre aucune complaysance ni en leur douce parole, ni en la splendeur de leurs habitz, ni en la grace toute celeste de leur maintien, ni en la beauté toute aymable de leurs visages, ains, toute couverte de larmes: Ilz m'ont enlevé mon Seigneur, disoit elle, et je ne sçai ou ilz me l'ont mis.

  A004000881 

 Or, pour encor mieux magnifier ce souverain Bienaymé, l'ame va tous-jours cherchant la face d'iceluy, c'est a dire, avec une attention tous-jours plus soigneuse et ardente, elle va remarquant toutes les particularités des beautés et perfections qui sont en luy, faysant un progres continuel en cette douce recherche de motifs qui la puissent perpetuellement presser de se plaire de plus en plus en l'incomprehensible bonté qu'elle ayme.

  A004000885 

 L'honneur, mon cher Theotime, n'est pas en celuy que l'on honnore, mays en celuy qui honnore; car, combien de fois arrive-il que celuy que nous honnorons n'en sçait rien et n'y a seulement pas pensé? combien de fois louons-nous ceux qui ne nous connoissent pas ou qui dorment? Et toutefois, selon l'estime commune des hommes et leur ordinaire façon de concevoir, il semble que c'est faire du bien a quelqu'un quand on luy fait de l'honneur, et qu'on luy donne beaucoup quand on luy donne des tiltres et des louanges; et nous ne faysons pas difficulté de dire qu'une personne est riche d'honneur, de gloire, de reputation, de louange, encor qu'en verité nous sachions bien que tout cela, est hors de la personne honnoree et que bien souvent elle n'en reçoit aucune sorte de prouffit, suivant ce mot attribué au grand saint Augustin: «O pauvre Aristote, tu es loué ou tu es absent, et tu es bruslé ou tu es present.» Quel bien revient il, je vous prie, a Cesar et Alexandre le Grand, de tant de vaines paroles que plusieurs vaines ames employent a leur louange?.

  A004000886 

 Dieu, comblé d'une bonté qui surmonte toute louange et tout honneur, ne reçoit aucun advantage ni surcroist de bien pour toutes les benedictions que nous luy donnons; il n'en est ni plus riche, ni plus grand, ni plus [281] content, ni plus heureux, car son heur, son contentement, sa grandeur et ses richesses ne sont ni ne peuvent estre que la divine infinité de sa bonté.

  A004000886 

 Toutefois, parce que, selon nostre apprehension ordinaire, l'honneur est estimé l'un des plus grans effectz de nostre bienveuillance envers les autres, et que par iceluy non seulement nous ne presupposons point d'indigence en ceux que nous honnorons, mais plustost nous protestons qu'ilz abondent en excellence, partant nous employons cette sorte de bienveuillance envers Dieu; qui non seulement l'aggree, mais la requiert comme conforme a nostre condition, et si propre pour tesmoigner l'amour respectueux que nous luy devons, que mesme il nous a ordonné de luy rendre et rapporter tout honneur et gloire..

  A004000887 

 Ainsy donq, l'ame qui a pris une grande complaysance en l'infinie perfection de Dieu, voyant qu'elle ne peut luy souhaiter aucun aggrandissement de bonté, parce qu'il en a infiniment plus qu'elle ne peut desirer ni mesme penser, elle desire au moins que son nom soit beni, exalté, loüé, honnoré et adoré de plus en plus.

  A004000887 

 Et commençant par son propre cœur, elle ne cesse point de le provoquer a ce saint exercice, et comme une avette sacree elle va voletant ça et la sur les fleurs des œuvres et excellences divines, recueillant d'icelles une douce varieté de complaysances, desquelles elle fait naistre et compose le miel celeste de benedictions, louanges et confessions honnorables, par lesquelles, autant qu'elle peut, elle magnifie et glorifie le nom de son Bienaymé, a l'imitation du grand Psalmiste, qui ayant environné et comme parcouru en esprit les merveilles de la divine Bonté, immoloit sur l'autel de son cœur l'hostie [282] mistique des eslans de sa voix, par cantiques et psalmes d'admiration et benediction:.

  A004000896 

 Mais ce desir de loüer Dieu que la sainte bienveuillance excite en nos cœurs, Theotime, est insatiable; car l'ame qui en est touchee voudroit avoir des louanges infinies pour les donner a son Bienaymé, parce qu'elle void que ses perfections sont plus qu'infinies: si que, se treuvant bien esloignee de pouvoir satisfaire a son souhait, elle fait des extremes effortz d'affection pour en quelque sorte loüer cette bonté toute louable, et ces effortz de bienveuillance s'aggrandissent admirablement par la complaysance; car a mesure que l'ame treuve Dieu bon, savourant de plus en plus la suavité d'iceluy et se complaysant en son infinie beauté, elle voudroit aussi relever plus hautement les louanges et benedictions qu'elle luy donne.

  A004000898 

 O Dieu, mon Theotime, que le cœur ardemment pressé de l'affection de loiier son Dieu reçoit une douleur grandemént delicieuse et une douceur grandement douloureuse, quand, apres mille effortz de louange, il se treuve si court! Helas, il voudroit, ce pauvre rossignol, tous-jours plus hautement lancer ses accens et perfectionner sa melodie, pour mieux chanter les benedictions de son cher Bienaymé! A mesure qu'il lotie il se plait a louer, et a mesure qu'il se plait a loüer il se desplait de ne pouvoir encor mieux louer; et pour se contenter au mieux qu'il peut en cette passion, il fait toute sorte d'effortz, entre lesquelz il tombe en langueur: comme il advenoit au tres glorieux saint François, qui, emmi les playsirs qu'il prenoit a lotier Dieu et chanter ses cantiques d'amour, jettoit une grande affluence de larmes et laissoit souvent tomber de foiblesse ce que pour lhors il tenoit en main, demeurant comme un sacré philomele a cœur failli, et perdant souvent le respirer a force d'aspirer aux louanges de Celuy qu'il ne pouvoit jamais asses lotier..

  A004000899 

 Or l'amant sacré est comme cela: car toutes les facultés de son ame sont autant de tuyaux qu'il a en sa poitrine, pour resonner les cantiques et louanges du Bienaymé; sa devotion, au milieu de toutes, est la langue de son cœur, selon saint Bernard, par laquelle il reçoit la rosee des perfections divines, les sucçant et attirant a soy comme son aliment, par la tressainte complaysance qu'il y prend; et par cette mesme langue de devotion, il fait toutes ses voix d'orayson, de louange, de cantiques, de psalmes, de benedictions, selon le tesmoignage d'une des plus insignes cygales spirituelles qui ait jamais esté ouïe, laquelle chantoit ainsy:.

  A004000904 

 Qui du Seigneur taise le prix..

  A004000906 

 Car n'est ce pas comme s'il eust dit: Je suis une cygale mystique; mon ame, mes espritz, mes pensees, et toutes les facultés qui sont ramassees au dedans de moy sont des orgues: o qu'a jamais tout cela benisse le nom et retentisse les louanges de mon Dieu!.

  A004000916 

 Ainsy le glorieux Psalmiste, tout esmeu de la passion saintement desreglee qui le portoit a louer Dieu, va sans ordre, sautant du ciel a la terre et de la terre au ciel, appellant pesle mesle les Anges, les poissons, les montz, les eaux, les dragons, les oyseaux, les serpens, le feu, la gresle, le brouillatz, assemblant par ses souhaitz toutes les creatures, affin que toutes ensemble s'accordent a magnifier pieusement leur Createur: les unes celebrant elles mesmes les divines louanges, et les autres donnant le sujet de le louer par les merveilles de leurs differentes proprietés, lesquelles manifestent la grandeur de leur Facteur.

  A004000916 

 Le cœur atteint et pressé du desir de louer plus qu'il ne peut la divine Bonté, apres divers effortz sort maintefois de soy mesme pour convier toutes les creatures a le secourir en son dessein; comme nous voyons avoir fait les trois enfans en la fornaise, en cet admirable Cantique de benedictions par lequel ilz excitent tout ce qui est au ciel, en la terre et sous terre a rendre graces a Dieu eternel, en le louant et benissant souverainement.

  A004000916 

 Si que ce divin Psalmiste royal ayant composé une grande quantité de [286] Pseaumes, avec cette inscription, Loués Dieu, apres avoir discouru parmi toutes les creatures pour leur faire les saintes semonces de benir la Majesté celeste, et parcouru une grande varieté de moyens et instrumens propres a la celebration des louanges de cette eternelle Bonté, en fin, comme tombant en defaillance d'haleyne, il conclud toute sa sacree psalmodie par cet eslan: Tout esprit loue le Seigneur; c'est a dire: Tout ce qui a vie, ne vive ni ne respire que pour benir le Createur, selon l'encouragement qu'il avoit donné ailleurs:.

  A004000919 

 De l'Eternel, a qui mieux mieux:.

  A004000923 

 Ainsy la celeste Espouse se sentant presque esvanouïe entre les violens essays qu'elle faysoit de benir et magnifier le bienaymé Roy de son cœur: Hé, crioyt elle a ses compaignes, ce divin Espoux m'a menee par la contemplation en ses celiers a vin, me faysant savourer les delices incomparables des perfections de son excellence, et je me suis tellement detrempee et saintement enivree par la complaysance que j'ay prise en cet abisme de beauté, que mon ame va languissant, blessee d'un desir amoureusement mortel [287] qui me presse de louer a jamais une si eminente bonté.

  A004000923 

 Helas, venes, je vous supplie, au secours de mon pauvre cœur qui va tout maintenant definir! soustenes le, de grace, et l'appuyes de toutes fleurs, confortes le et l' environnes de pommes, autrement il tumbe pasmé.

  A004000924 

 C'est cette divine passion qui fait tant faire de predications, qui fait passer entre tant de hazards les Xaviers, les Berzees, les Anthoines; cette multitude de Jesuites, de Capucins et de religieux, et autres ecclesiastiques de toutes sortes, es Indes, au Jappon, en Maraignan, affin de faire connoistre, reconnoistre et adorer le nom sacré de Jesus emmi ces grans peuples.

  A004000924 

 C'est cette passion sainte qui fait tant escrire de livres de pieté, tant fonder d'eglises, d'autelz, de maysons pieuses; et, en somme, qui fait veiller, travailler et mourir tant de serviteurs de Dieu entre les flammes du zele qui les consume et devore.

  A004000928 

 Car sachés, Theotime, qu' une voix sort du throsne divin, qui ne cesse de crier aux heureux habitans de la glorieuse Hierusalem celeste: Dites a Dieu louange, o vous qui estes ses serviteurs et qui le craignes, grans et petitz; a quoy toute cette multitude innombrable de Saintz, les chœurs des Anges et les chœurs des hommes assemblés, respond, chantant de toute sa force: Alleluia, loués Dieu.

  A004000928 

 L'ame amoureuse voyant qu'elle ne peut assouvir le desir qu'elle a de louer son Bienaymé tandis qu'elle vit entre les miseres de ce monde, et sachant que les louanges qu'on rend au Ciel a la divine Bonté se chantent d'un air incomparablement plus aggreable: O Dieu, dit-elle, que les louanges respandues par ces bienheureux espritz devant le throsne de mon Roy celeste sont louables! que leurs benedictions sont dignes d'estre benites! o que de bonheur d'ouïr cette melodie de la tressainte eternité, en laquelle, par une tres souëfve rencontre de voix dissemblables et de tons dispareilz, se font ces admirables accors esquelz toutes les parties avançant les unes sur les autres par une suite continuelle et incomprehensible liayson de chasses, on entend de toutes pars retentir des perpetuelz alleluia! Voix pour leur esclat comparees aux tonnerres, aux trompettes, au bruit des vagues de la mer agitee; mais voix qui aussi pour leur incomparable douceur et suavité sont comparees a la melodie des harpes, delicatement et delicieusement sonnees par la main des plus excellens joueurs, et voix qui toutes s'accordent a dire le joyeux cantique paschal: Alleluia, loués Dieu, amen, loués Dieu.

  A004000929 

 Mais quelle est cette voix admirable, qui sortant du throsne divin annonce les alleluia aux esleuz, sinon la tressainte complaysance, laquelle estant receüe dedans l'esprit leur fait ressentir la douceur des perfections divines, en suite de laquelle naist en eux l'amoureuse bienveuillance, source vive des louanges sacrees? Ainsy, par effect, la complaysance procedant du throsne vient intimer les grandeurs de Dieu aux Bienheureux, et la bienveuillance les excite a respandre reciproquement devant le throsne les parfums de louange: c'est pourquoy, par maniere de responce, ilz chantent eternellement alleluia, c'est a dire loués Dieu.

  A004000929 

 O que ce temple est aymable, ou tout retentit en louanges! Que de douceur a ceux qui vivent en ce sacré sejour, ou tant de philomeles et rossignolz celestes chantent avec cette sainte contention d'amour les cantiques d'eternelle suavité!.

  A004000930 

 Le cœur, donq, qui ne peut en ce monde ni chanter ni ouïr les louanges divines a son gré, entre en des desirs nompareilz d'estre deslivré des liens de cette vie, pour aller en l'autre ou on loue si parfaitement le Bienaymé celeste: et ces desirs s'estans ainsy emparés du cœur, se rendent quelquefois si puissans et pressans dans la poitrine des amans sacrés, que, bannissans tous autres desirs, ilz mettent en degoust toutes choses terrestres et rendent l'ame toute alangourie et malade d'amour; voire mesme cette sainte passion passe aucune-fois si avant, que si Dieu le permet on en meurt..

  A004000931 

 Theotime, voyés de grace cet esprit qui, comme un celeste rossignol enfermé dans la cage de son cors, clans laquelle il ne peut chanter a souhait les benedictions de son eternel amour, sçait qu'il gazouilleroit et prattiqueroit mieux son beau ramage s'il pouvoit gaigner l'air, pour jouir de sa liberté et de la societé des autres philomeles entre les gaves et fleurissantes collines de la contree bienheureuse; c'est pourquoy il exclame: Helas, o Seigneur de ma vie, hé, par vostre bonté toute douce, deslivrés-moy, pauvre que je suis, de la cage de mon cors, retirés-moy de cette petite prison, affïn qu'affranchi de cet esclavage je puisse voler ou mes chers compaignons m'attendent la haut au Ciel, pour me joindre a leurs chœurs et m'environner de leur joye! la, Seigneur, alliant ma voix aux leurs, je feray avec eux une douce harmonie d'airs et d'accens delicieux, chantant, louant et benissant vostre misericorde..

  A004000932 

 Cet admirable Saint, comme un orateur qui veut finir et conclure tout ce qu'il a dit par quelque courte sentence, mit cette heureuse fin a tous ces souhaitz et desirs desquelz ces dernieres paroles furent l'abbregé; paroles auxquelles il attacha si fortement son ame, qu'il expira en les souspirant.

  A004000937 

 Ainsy, Theotime, entre tous les chœurs des hommes et tous les chœurs des Anges, on entend cette voix hautaine de la tressainte Vierge, qui, relevee au dessus de tout, rend plus de louange a Dieu que tout le reste des creatures; aussi le Roy celeste la convie tout particulierement a chanter: [292] Monstre-moy ta face, dit-il, o ma Bienaymee, que ta voix sonne a mes oreilles; car ta voix est toute douce, et ta face toute belle..

  A004000937 

 Estant il y a deux ans a Milan, ou la veneration des recentes memoires du grand Archevesque saint Charles m'avoit attiré avec quelques uns de nos ecclesiastiques, nous ouïsmes en diverses eglises plusieurs sortes de musiques; mais en un monastere de filles, nous ouïsmes une religieuse de laquelle la voix estoit si admirablement delicieuse, qu'elle seule respandoit incomparablement plus de suavité dans nos espritz que ne fit tout le reste ensemble, qui, quoy qu'excellent, sembloit neanmoins n'estre fait que pour donner lustre et rehausser la perfection et l'esclat de cette voix unique.

  A004000938 

 Dieu provoque l'ame et donne la grace requise pour la production des autres [293] louanges, mais celles du Redempteur, luy qui est Dieu les produit luy mesme: c'est pourquoy elles sont infinies..

  A004000939 

 Ainsy, apres avoir ouï toutes les louanges que tant de differentes creatures, a l'envi les unes des autres, rendent unanimement a leur Createur, quand en fin on escoute celle du Sauveur, on y treuve une certaine infinité de merite, de valeur, de suavité, qui surmonte toute esperance et attente du cœur; et l'ame alhors, comme resveillee d'un profond sommeil et tout a coup ravie par l'extremité de la douceur de telle melodie: Hé, je l'entens; o la voix, la voix de mon Bienaymé! voix reyne de toutes les voix, voix au prix de laquelle les autres voix ne sont qu'un muet et morne silence.

  A004000939 

 Celuy qui, le matin, ayant ouï asses longuement entre les boscages voysins un gazouillement aggreable d'une grande quantité de serins, linottes, chardonneretz et autres telz menus oyseaux, entendroit en fin un maistre rossignol, qui en parfaitte melodie rempliroit l'air et l'oreille de son admirable voix, sans doute qu'il prefereroit ce seul chantre boscager a toute la trouppe des autres.

  A004000940 

 Mais comme [294] ceux qui regardent au travers des treillis voyent et ne sont qu'entreveus, ainsy le divin amour de ce cœur, ou plustost ce cœur du divin amour, void tous-jours clairement les nostres et les regarde des yeux de sa dilection, mais nous ne le voyons pas pourtant, seulement nous l'entrevoyons: car, o Dieu! si nous le voyions ainsy qu'il est, nous mourrions d'amour pour luy puisque nous sommes mortelz, comme luy mesme mourut pour nous tandis qu'il estoit mortel, et comme il en mourrait encor, si maintenant il n'estoit immortel.

  A004000940 

 Tout y fleurit, tout y respand de la douceur et du parfum: les tourterelles, qui sont les plus sombres de tous les ovseaux, y resonnent neanmoins leurs ramages.

  A004000940 

 Viens, ma bienaymee toute chere, et pour me voir plus clairement, viens es mesmes fenestres par lesquelles je te regarde, viens considerer mon cœur en la caverne de l'ouverture de mon flanc, qui fut faite lhors que mon cors, comme une mayson reduite en masures, fut si piteusement demoli sur l'arbre de la Croix.

  A004000944 

 Car tout ainsy qu'estans en une chambre nous ne recevons pas la lumiere selon la grandeur de la clarté du soleil qui la respand, mays selon la grandeur de la fenestre par laquelle il la communique, de mesme les actions humaines du Sauveur ne sont pas infinies, bien qu'elles soyent d'infinie valeur, d'autant qu'encor que la Personne divine les fasse, elle ne les fait pas toutefois selon l'estendue de son infinité, mais selon la grandeur finie de son humanité par laquelle elle les fait: de sorte que comme les actions humaines de nostre doux Sauveur sont infinies en comparayson des nostres, aussi sont-elles finies en comparayson de l'essentielle infinité de la Divinité.

  A004000944 

 Elles sont d'infinie valeur, estime et dignité, parce qu'elles procedent d'une personne qui est Dieu, mais elles sont d'essence et nature finie, parce que Dieu les fait selon sa nature et substance humaine, qui est finie.

  A004000944 

 La louange donq qui part du Sauveur entant qu'il est homme, n'estant pas de tout point infinie, elle ne peut correspondre de toutes pars a la grandeur infinie de la Divinité a laquelle elle est destinee: c'est pourquoy, apres le premier ravissement d'admiration qui nous saisit quand nous avons rencontré une louange si glorieuse [296] comme est celle que le Sauveur donne a son Pere, nous ne laissons pas de reconnoistre que la Divinité est encor infiniment plus louable qu'elle ne peut estre louee, ni par toutes les creatures ni par l'humanité mesme du Filz eternel..

  A004000944 

 Toutes les actions humaines de nostre Sauveur sont infinies en valeur et merite, a rayson de la Personne qui les produit, qui est un mesme Dieu avec le Pere et le Saint Esprit; mays elles ne sont pas pourtant de nature et essence infinie.

  A004000945 

 Ainsy, mon Theotime, a mesure que nous montons par bienveuillance vers la Divinité, pour entonner et ouïr ses louanges, nous voyons qu'il est tous-jours au dessus de toute louange, et finalement nous connoissons qu'il ne peut estre loué selon qu'il merite sinon par luy mesme, qui seul peut dignement esgaler sa souveraine bonté par une souveraine louange..

  A004000945 

 Que si c'est cette beauté de la lumiere qui provoque les alouettes a chanter, comme il est fort probable, ce n'est pas merveille si elles chantent plus clairement a mesure qu'elles volent plus hautement, s'eslevant esgalement en chant et en vol, jusques a tant que ne pouvant presque plus chanter elles commencent a descendre de ton et de cors, rabbaissant petit a petit leur vol comme leur voix.

  A004000946 

 Alhors nous exclamons: «Gloire soit au Pere, et au Filz, et au Saint Esprit;» et affin qu'on sçache que ce n'est pas la gloire des louanges creées que nous souhaittons a Dieu par cet eslan, ains la gloire essentielle et eternelle qu'il a en luy mesme, par luy mesme, de luy mesme, et qui est luy mesme, nous adjoustons: «Ainsy qu'il l'avoit au commencement, et maintenant, et tous-jours, et es siecles des siecles, Amen;» comme si nous disions par souhait: Qu'a jamais Dieu soit glorifié de la gloire qu'il avoit avant toute creature, en son infinie eternité et eternelle infinité.

  A004000947 

 O Dieu, quelle complaysance, quelle joye a l'ame qui ayme, de voir son desir assouvi, puisque son Bien-aymé se loue, benit et magnifie infiniment soy mesme! Mays en cette complaysance naist derechef un nouveau desir de louer, car le cœur voudroit louer cette si digne louange que Dieu se donne a soy mesme, l'en remerciant profondement et rappellant derechef toutes choses a son secours pour venir avec luy glorifier la gloire de Dieu, benir sa benediction infinie, et louer sa louange eternelle: si que, par ce retour et repetition de louange sur louange, il s'engage, entre la complaysance et la bienveuillance, en un tres heureux labyrinthe d'amour, tout abismé en cette immense douceur, louant souverainement la Divinité dequoy elle ne peut estre asses louee que par elle mesme.

  A004000952 

 Qui ne se chante qu'en silence..

  A004000963 

 L'un nous remplit de complaysance, de bienveuillance, d'eslans, de souhaitz, de souspirs et d'ardeurs spirituelles, nous faisant prattiquer les sacrees infusions et meslanges de nostre esprit avec celuy de Dieu; l'autre respand en nous la solide resolution, la fermeté de courage et l'inviolable obeissance requise pour effectuer les ordonnances de la [301] volonté de Dieu, et pour souffrir, aggreer, appreuver et embrasser tout ce qui provient de son bon playsir.

  A004000965 

 Ce traitte est donques difficile, sur tout a qui n'est pas homme de grande orayson..

  A004000965 

 Dieu seul est celuy qui, par son infinie science, void, sonde et penetre tous les tours et contours de nos espritz; il entend nos pensees de loin, il treuve tous nos sentiers, faufilans et destours; sa science en est admirable, elle prevaut au dessus de nostre capacité et nous n'y pouvons atteindre.

  A004000967 

 Mays dequoy devisons-nous en l'orayson? quel est le sujet de nostre entretien? Theotime, on n'y parle que de Dieu; car, de qui pourroit deviser et s'entretenir l'amour que du bienaymé? Et pour cela, l'orayson et la theologie mystique ne sont qu'une mesme chose.

  A004000968 

 Or elle s'appelle mystique parce que la conversation y est toute secrette, et ne se dit rien en icelle entre Dieu et l'ame que de cœur a cœur, par une communication incommunicable a tout autre qu'a ceux qui la font.

  A004000968 

 Qui eut peu deviner que cette Espouse estant endormie eut neanmoins devisé avec son Espoux? Mays ou l'amour regne, on n'a point besoin du bruit des paroles exterieures ni de l'usage des sens pour s'entretenir et s'entreouïr l'un l'autre.

  A004000969 

 L'orayson est une manne, pour l'infinité des goustz amoureux et des pretieuses suavités qu'elle donne a ceux qui en usent; mais elle est secrette, parce qu'elle tombe avant la clarté d'aucune science, en la solitude mentale, ou l'ame, traittant seule a seule avec son Dieu, Qui est celle-ci, peut-on dire d'elle, qui monte par le desert, comme une nuee de parfums, de myrrhe, d'encens et de toutes les poudres du parfumeur? Aussi, le desir du secret l'avoit incitee de faire cette supplication a son Espoux: Venés, mon Bienaymé, sortons aux chams, sejournons es villages.

  A004000969 

 Pour cela l'amante celeste est appellee tourterelle, oyseau qui se plait es lieux ombrageux et solitaires, esquelz elle ne se sert de son ramage que pour son unique paron, ou le flattant tandis qu'il est en vie, ou le regrettant apres sa mort.

  A004000970 

 L'amour desire le secret, et quoy que les amans n'ayent rien a dire de secret ilz se playsent toutefois a le dire secretement: et c'est en partie, si je ne me trompe, parce qu'ilz ne veulent parler que pour eux mesmes, et disans quelque chose a haute voix il leur est advis que ce n'est plus pour eux seulz, partie parce qu'ilz ne disent pas les choses communes a la façon commune, ains avec des traitz particuliers et qui ressentent la speciale affection avec laquelle ilz parlent Le langage de l'amour est commun quant aux paroles, mais quant a la maniere et prononciation il est si particulier que nul ne l'entend sinon les amans.

  A004000971 

 Voyes-vous, Theotime, que le silence des amans affligés parle de la prunelle des yeux et par les larmes? Certes, en la theologie mistique [305] c'est le principal exercice de parler a Dieu et d'ouïr parler Dieu au fond du cœur; et parce que ce devis se fait par des tres secretes aspirations et inspirations, nous l'appelions colloque de silence: les yeux parlent aux yeux et le cœur au cœur, et nul n'entend ce qui se dit que les amans sacrés qui parlent..

  A004000975 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a sa volonté en la loy du Seigneur, et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; mais au second Psalme: Pourquoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont-ilz medité choses vaines? La meditation, donques, se fait pour le bien et pour le mal: toutefois, d'autant qu'en l'Escriture Sainte le mot de meditation est employé ordinairement pour l'attention que l'on a aux choses divines, affin de s'exciter a les aymer, il a esté, par maniere de dire, canonizé du commun consentement des theologiens, aussi bien que le nom d'ange et de zele, comme au contraire, celuy de dol et de demon a esté diffamé; si que maintenant, quand on nomme la medication, on entend parler de celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A004000976 

 Quelquefois nous pensons attentivement a quelque chose pour apprendre ses causes, ses effectz, ses qualités; et cette pensee s'appelle estude, en laquelle l'esprit fait comme les hanetons qui voletent sur les fleurs et les feuilles indistinctement pour les manger et s'en nourrir.

  A004000977 

 Ainsy, plusieurs sont tous-jours songears, et attachés a certaines pensees inutiles sans sçavoir presque a quoy ilz pensent, et, ce qui est admirable, ilz n'y sont attentifs que par inadvertance et voudroyent ne point avoir telles cogitations; tesmoin celuy qui disoit: Mes pensees se sont dissipees, tourmentant mon cœur.

  A004000977 

 Plusieurs aussi estudient, et par une occupation tres laborieuse se remplissent de vanité, ne pouvans resister a la curiosité; mais il y en a peu qui s'employent a mediter, pour eschauffer leur cœur au saint amour celeste.

  A004000978 

 Ezechias donq, pour monstrer qu'emmi son ennuy il faysoit plusieurs oraysons vocales: Je crieray, dit il, comme le poussin de l'arondelle, ouvrant ma bouche pour pousser devant Dieu plusieurs voix lamentables; et pour tesmoigner d'autre part qu'il employoit aussi la sainte orayson mentale: Je mediteray, adjouste il, comme la colombe, roulant et contournant mes pensees dedans mon cœur par une attentive consideration, affin de m'exciter a benir et louer la souveraine misericorde de mon Dieu, qui m'a retiré des portes de la mort, ayant compassion de ma misere.

  A004000979 

 Ainsy celuy qui avoit dit: Je mediteray comme la colombe, exprimant sa conception d'une autre sorte: Je repenseray, dit il, devant vous, o mon Dieu, toutes mes annees en l'amertume de mon ame; car mediter et repenser pour exciter les affections, n'est qu'une mesme chose.

  A004000979 

 Dont Moyse advertissant le peuple de repenser les faveurs receues de Dieu, il adjouste cette rayson: Affin, dit il, que tu observes ses commandemens, et que tu chemines en ses voyes, et que tu le craignes; et Nostre Seigneur mesme fait ce commandement a Josué: Tu mediteras au livre de la Loy jour et nuit, affin que tu gardes et faces ce qui est escrit en iceluy.

  A004000979 

 En ce sens l'Apostre nous exhorte en cette sorte: Repenses a Celuy qui a receu une telle contradiction des pecheurs, affin que vous ne vous lassies, manquans de courage; quand il dit repenses, c'est autant comme s'il disoit, medités.

  A004000980 

 La meditation n'est autre chose que le ruminement mystique, requis pour n'estre point immonde, auquel une des devotes bergeres qui suivoyent la sacree Sulamite nous invite; car elle asseure que la sainte doctrine est comme un vin pretieux, digne non seulement d'estre beue par les pasteurs et docteurs, mais d'estre soigneusement savouree, et par maniere de dire, maschee et ruminee: Ton gosier, dit elle, dans lequel se forment les paroles saintes, est un vin tres bon, digne de mon Bienaymé pour estre beu, et de ses levres et de ses dens pour estre ruminé.

  A004000987 

 La veüe de tant de merveilles engendra dans son cœur un extreme amour, et cet amour produisit un nouveau desir de voir tous-jours plus et jouir de la presence de celuy auquel elle les avoit veües, dont elle s'escrie: Hé, que bienheureux sont les serviteurs qui sont tous-jours autour de vous et oyent vostre sapience! Ainsy nous commençons quelquefois a manger pour exciter nostre appetit, mays l'appetit estant resveillé nous poursuivons a manger pour contenter l'appetit; et nous considerons au commencement la bonté de Dieu pour exciter nostre volonté a l'aymer, mays l'amour estant formé dans nos cœurs, nous considerons cette mesme bonté pour contenter nostre amour, qui ne se peut assouvir de tous-jours voir ce qu'il ayme.

  A004000987 

 Voyés la reyne de Saba, Theotime, comme considerant par le menu la sagesse de Salomon en ses responces, en la beauté de sa mayson, en la magnificence de sa table, es logis de ses serviteurs, en l'ordre que tous ceux de sa cour tenoyent pour l'exercice de leurs charges, en leurs vestemens et maintiens, en la [312] multitude des holocaustes qu'ilz offroyent en la mayson du Seigneur, elle demeura toute esprise d'un ardent amour qui convertit sa meditation en contemplation, par laquelle estant toute ravie hors de soy mesme, elle dit plusieurs paroles d'extreme contentement.

  A004000988 

 Il est vray, Theotime, que comme l'ancien Joseph fut la couronne et la gloire de son pere, luy donna un grand accroissement d'honneurs et de contentemens et le fit rajeunir en sa viellesse, ainsy la contemplation couronne son pere, qui est l'amour, le perfectionne et luy donne le comble d'excellence; car l'amour ayant excité en nous l'attention contemplative, cette attention fait naistre reciproquement un plus grand et fervent amour, lequel en fin est couronné de perfections lhors qu'il jouit de ce qu'il ayme.

  A004000992 

 Mais qui a plus de force, je vous prie, ou l'amour pour faire regarder le Bienaymé ou la veüe pour le faire aymer? Theotime, la connoissance est requise a la production de l'amour, car jamais nous ne sçaurions aymer ce que nous ne connoissons pas; et a mesure que la connoissance attentive du bien s'augmente, l'amour aussi prend davantage de croissance, pourveu qu'il n'y ayt rien qui empesche son mouvement.

  A004000992 

 Mays neanmoins, il arrive maintefois que la connoissance ayant produit l'amour sacré, l'amour ne s'arrestant pas dans les bornes de la connoissance qui est en l'entendement, passe outre et s'avance bien fort au dela d'icelle: si que, en cette vie mortelle, nous pouvons avoir plus d'amour que de connoissance de Dieu; dont le grand saint Thomas asseure que souvent «les plus simples et les femmes abondent en devotion,» et sont ordinairement plus capables de l'amour divin que les habiles gens et sçavans.

  A004000993 

 Le fameux abbé de Saint André de Verceil, maistre de saint Anthoine de Padoüe, en ses Commentaires sur saint Denys, repete plusieurs fois que «l'amour penetre ou la science exterieure ne sçauroit atteindre,» et dit que «plusieurs Evesques ont jadis penetré le mistere de la Trinité, quoy qu'ilz ne fussent pas doctes;» admirant sur ce propos son disciple saint Anthoine de Padoüe «qui, sans science mondayne, avoit une si profonde theologie mistique, que comme un autre saint Jean Baptiste on le pouvoit nommer une lampe luisante et ardente.» «Le bienheureux frere Gilles, des premiers compaignons de saint François, dit un jour a saint Bonaventure: O que vous estes heureux, vous autres doctes, car vous sçaves maintes choses par lesquelles vous loües Dieu; mays nous autres idiotz que ferons nous? Et saint Bonaventure respondit: La grace de pouvoir aymer Dieu suffit.

  A004000994 

 Si que la connoissance du bien donne la naissance a l'amour, mais non pas la mesure; comme nous voyons que la connoissance d'une injure esmeut la cholere, laquelle, si elle n'est soudain estouffee, devient presque tous-jours plus grande que le sujet ne requiert: les passions ne suivant pas la connoissance qui les esmeut, mais la laissant bien souvent en arriere, elles s'avancent sans mesure ni limite quelcomque devers leur object..

  A004000995 

 Nous fouissons la terre pour treuver l'or et l'argent, employans une peyne presente pour un bien qui n'est encor qu'esperé, de sorte que la connoissance incertaine nous met en un travail present et reel; puis, a mesure que nous descouvrons la veine de la miniere, nous en cherchons tous-jours davantage et plus ardemment.

  A004000995 

 Or cela arrive encor plus fortement en l'amour sacré, d'autant que nostre volonté n'y est pas appliquee par une connoissance naturelle, mays par la lumiere de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité du bien qui est en Dieu, nous donne asses de sujet de l'aymer de tout nostre pouvoir.

  A004000996 

 A vostre advis, Theotime, qui aymeroit plus la lumiere, ou l'aveugle né qui sçauroit tous les discours que les philosophes en font et toutes les louanges qu'ilz luy donnent, ou le laboureur qui d'une veüe bien claire sent et ressent l'aggreable splendeur du beau soleil levant? Celuy-la en a plus de connoissance, et celuy-ci plus de jouissance; et cette jouissance produit un amour [316] bien plus vif et animé que ne fait la simple connoissance du discours, car l'experience d'un bien nous le rend infiniment plus aymable que toutes les sciences qu'on en pourroit avoir.

  A004000996 

 Nous commençons d'aymer par la connoissance que la foy nous donne de la bonté de Dieu, laquelle par apres nous savourons et goustons par l'amour, et l'amour aiguise nostre goust et nostre goust affine nostre amour: si que, comme nous voyons entre les effortz des vens les ondes s'entrepresser et s'eslever plus haut, comme a l'envi, par le rencontre qu'elles font l'une de l'autre, ainsy le goust du bien en rehausse l'amour et l'amour en rehausse le goust, selon que la divine Sagesse a dit: Ceux qui me goustent auront encor appetit, et ceux qui me boivent seront encor alterés.

  A004000996 

 Qui ayma plus Dieu, je vous prie, ou le theologien Ocham, que quelques uns ont nommé le plus subtil des mortelz, ou sainte Catherine de Gennes, femme idiote? Celuy la le conneut mieux par science, celle ci par experience, et l'experience de celle ci la conduisit bien avant en l'amour seraphique, tandis que celuy la, avec sa science, demeura bien esloigné de cette si excellente perfection..

  A004000998 

 Il faut neanmoins advoüer que la volonté attiree par la delectation qu'elle sent en son object, est bien plus fortement portee a s'unir avec luy quand l'entendement de son costé luy en propose excellemment la bonté, car elle y est alhors tiree et poussee tout ensemble; [317] poussee par la connoissance, tiree par la delectation: si que la science n'est point de soy mesme contraire, ains est fort utile a la devotion, et si elles sont jointes ensemble elles s'entr'aydent admirablement, quoy qu'il arrive fort souvent que, par nostre misere, la science empesche la naissance de la devotion, d'autant que la science enfle et enorgueillit, et l'orgueil, qui est contraire a toute vertu, est la ruine totale de la devotion.

  A004001002 

 La meditation considere par le menu et comme piece a piece les objectz qui sont propres a nous esmouvoir; mays la contemplation fait une veüe toute simple et ramassee sur l'object qu'elle ayme, et la consideration ainsy unie fait aussi un mouvement plus vif et fort.

  A004001002 

 La premiere sorte ressemble a la meditation, en laquelle nous considerons, par exemple, les effectz de la misericorde divine, pour nous exciter a son amour; mays la seconde est semblable [318] a la contemplation, en laquelle nous regardons, d'un seul trait arresté de nostre esprit, toute la varieté des mesmes effectz comme une seule beauté composee de toutes ces pieces qui font un seul brillant de splendeur.

  A004001003 

 C'est pourquoy le divin Espoux estime tant que sa bienaymee le regarde d' un seul œil, et que sa perruque soit si bien tressee qu'elle ne semble qu' un seul cheveu; car, qu'est-ce regarder l'Espoux d' un seul œil, que de le voir d'une simple veüe attentive, sans multiplier les regars? et qu'est-ce porter ses cheveux ramassés, que de ne point respandre [319] sa pensee en varieté de considerations? O que bienheureux sont ceux qui, apres avoir discouru sur la multitude des motifs qu'ilz ont d'aymer Dieu, reduisans tous leurs regars en une seule veue et toutes leurs pensees en une seule conclusion, arrestent leur esprit en l'unité de la contemplation, a l'exemple de saint Augustin ou de saint Bruno, prononçans secrettement en leur ame, par une admiration permanente, ces paroles amoureuses: O bonté, bonté! O bonté tous-jours ancienne et tous-jours nouvelle! et a l'exemple du grand saint François, qui, planté sur ses genoux en orayson, passa toute la nuit en ces paroles: O Dieu, vous estes «mon Dieu et mon tout!» les inculquant continuellement, au recit du bienheureux frere Bernard de Quinteval, qui l'avoit ouy de ses oreilles..

  A004001003 

 La meditation est semblable a celuy qui odore l'œillet, la rose, le romarin, le thym, le jasmin, la fleur d'orange, l'un apres l'autre, distinctement; mais la contemplation est pareille a celuy qui odore l'eau de senteur composee de toutes ces fleurs: car celuy cy en un seul sentiment reçoit toutes les odeurs unies que l'autre avoit senti divisees et separees, et n'y a point de doute que cette unique odeur qui provient de la confusion de toutes ces senteurs, ne soit elle seule plus suave et pretieuse que les senteurs desquelles elle est composee, odorees separement l'une apres l'autre.

  A004001004 

 Il vid, dit l'Escriture, que la lumiere estoit bonne, que le ciel et la terre estoit une bonne chose; puis les herbes et plantes, le soleil, la lune et les estoiles, les animaux et en somme toutes les creatures, ainsy qu'il les creoit l'une apres l'autre, jusques a ce qu'en fin tout l'univers estant accompli, la divine meditation, par maniere de dire, se changea en contemplation; car, regardant toute la bonté qui estoit en son ouvrage, d'un seul trait de son œil, il vid, dit Moyse, tout ce qu'il avoit fait, et [320] tout estoit tres bon. Les pieces differentes considerees separement par maniere de meditation estoient bonnes, mays regardees d'une seule veüe toutes ensemble, par forme de contemplation, elles furent treuvees tres bonnes: comme plusieurs ruysseaux qui, s'unissans, font une riviere, qui porte des plus grandes charges que la multitude des mesmes ruysseaux separés n'eust sceu faire..

  A004001006 

 Certes, a mesure que l'eau s'esloigne de son origine, elle se divise et dissipe ses sillons, si avec un grand soin on ne la contient ensemble: et les perfections se separent et partagent a mesure qu'elles sont [321] esloignees de Dieu, qui est leur source; mais quand elles s'en approchent, elles s'unissent jusques a ce qu'elles soyent abismees en cette souverainement unique perfection, qui est l' unité necessaire et la meilleure partie, que Magdeleine choysit, laquelle ne luy sera point ostee..

  A004001006 

 Et le grand saint Augustin, suivi par saint Thomas, dit qu'au Ciel nous n'aurons pas ces grandes vicissitudes, varietés, changemens et retours de pensees et cogitations «qui vont et reviennent d'object en object et de chose a autre; ains, qu'avec une seule pensee nous pourrons estre attentifs a la diversité de plusieurs choses» et en recevoir la connoissance.

  A004001010 

 Quelquefois nous regardons seulement a quelqu'une des perfections de Dieu, comme, par exemple, a son infinie bonté, sans penser aux autres attributz ou vertus d'iceluy; comme un espoux arrestant simplement sa veüe sur le beau teint de son espouse, qui par ce moyen regarderoit voirement tout son visage, d'autant que le teint est respandu sur presque toutes les pieces d'iceluy, et toutefois ne seroit attentif, ni aux traitz, ni a la grace, ni aux autres parties de la beauté: car de mesme quelquefois, l'esprit regardant la bonté souveraine de la Divinité, bien qu'il voye en icelle la justice, la sagesse, la puissance, il n'est neanmoins en attention que pour la bonté, a laquelle la simple veüe de sa contemplation s'addresse..

  A004001011 

 Quelquefois aussi nous sommes attentifs a regarder en Dieu plusieurs de ses infinies perfections, mais d'une veüe simple et sans distinction; comme celuy qui d'un trait d'œil, passant sa veüe des la teste jusques aux pieds de son espouse richement paree, auroit attentivement tout veu en general et rien en particulier, ne [322] sçachant bonnement dire, ni quel carquant ni quelle robbe elle portoit, ni quelle contenance elle tenoit ou quel regard elle faisoit, ains seulement que tout y estoit beau et aggreable: car ainsy, par la contemplation, 0u tire maintefois un seul trait de simple consideration sur plusieurs grandeurs et perfections divines tout ensemble; et n'en sçauroit-on toutefois dire chose quelcomque en particulier, sinon que tout est parfaitement bon et beau..

  A004001012 

 Et en fin, nous regardons d'autres fois, non plusieurs ni une seule des perfections divines, ains seulement quelqu'action ou quelqu'œuvre divine a laquelle nous sommes attentifs; comme, par exemple, a l'acte de la misericorde par lequel Dieu pardonne les pechés, ou a l'acte de la creation, ou de la resurrection du Lazare, ou de la conversion de saint Paul: ainsy qu'un espoux qui ne regarderoit pas les yeux, ains seulement la douceur du regard que son espouse jette sur luy, ne considereroit point sa bouche, mais la suavité des paroles qui en sortent.

  A004001012 

 Et lhors, Theotime, l'ame fait une certaine saillie d'amour, non seulement sur l'action qu'elle considere, mais sur Celuy duquel elle procede: Vous estes bon, Seigneur, et en vostre bonté apprenes moy vos justifications; Vostre gosier, c'est a dire la parole qui en provient, est très suave, et vous estes tout desirable; Helas, que vos paroles sont douces a mes entrailles, plus que le miel a ma bouche! Ou bien avec saint Thomas: Mon Seigneur et mon Dieu! et avec sainte Magdeleine: Rabboni! ha, mon Maistre!.

  A004001013 

 En quoy elle differe d'avec la meditation, qui se fait presque tous-jours avec peyne, travail et discours, nostre esprit allant par icelle de consideration en consideration, [323] cherchant en divers endroitz, ou le Bienaymé de son amour, ou l'amour de son Bienaymé..

  A004001015 

 Or, en tous ces divins mysteres, qui comprennent tous les autres, il y a dequoy bien manger et bien boire pour tous les chers amis, et dequoy s'enivrer pour les treschers amis: les uns mangent et boivent, mais ilz mangent plus qu'ilz ne boivent et ne s'enivrent pas; les autres mangent et boivent, mais ilz boivent beaucoup plus qu'ilz ne mangent, et ce sont ceux qui s'enivrent.

  A004001015 

 Sainte et sacree ivresse, qui, au contraire de la corporelle, nous aliene non du sens spirituel mais des sens corporelz; qui ne nous hebete ni abestit pas, ains nous angelise et, par maniere de dire, divinise; qui nous met hors de nous, non pour nous ravaler et ranger avec les bestes, comme fait l'ivresse terrestre, mais pour nous eslever au dessus de nous et nous ranger avec les Anges, en sorte que nous vivions plus en Dieu qu'en nous mesmes, estans attentifs et occupés par amour a voir sa beauté et nous unir a sa bonté..

  A004001015 

 [324] Or manger, c'est mediter, car en meditant on masche, tournant ça et la la viande spirituelle entre les dens de la consideration, pour l'esmier, froisser et digerer, ce qui se fait avec quelque peyne; boire, c'est contempler, et cela se fait sans peyne ni resistance, avec playsir et coulamment; mais s'enivrer, c'est contempler si souvent et si ardemment, qu'on soit tout hors de soy mesme pour estre tout en Dieu.

  A004001016 

 Or, d'autant que pour parvenir a la contemplation nous avons pour l'ordinaire besoin d'ouïr la sainte parole, de faire des devis et colloques spirituelz avec les autres, a la façon des anciens anachoretes, de lire des livres devotz, de prier, mediter, chanter des cantiques, former des bonnes pensees; pour cela la sainte contemplation estant la fin et le but auquel tous ces exercices tendent, ilz se reduisent tous a elle, et ceux qui les prattiquent sont appellés contemplatifs; comme aussi cette sorte d'occupation est nommee vie contemplative a rayson de l'action de nostre entendement, par laquelle nous regardons la verité de la beauté et bonté divine avec une attention amoureuse, c'est a dire avec un amour qui nous rend attentifs, ou bien avec une attention qui provient de l'amour et augmente l'amour que nous avons envers l'infinie suavité de Nostre Seigneur.

  A004001020 

 Celuy, dit la bienheureuse Mere Therese de Jesus, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement se fait comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes se retirent au dedans d'elles mesmes quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, ains il nous advient quand il plait a Dieu de nous faire cette grace..

  A004001020 

 Je ne parle pas icy, Theotime, du recueillement par lequel ceux qui veulent prier se mettent en la presence de Dieu, rentrans en eux mesmes, et retirans, par maniere de dire, leur ame dedans leur cœur pour parler a Dieu; car ce recueillement se fait par le commandement de l'amour, qui, nous provoquant a l'orayson, nous fait prendre ce moyen de la bien faire, de sorte que nous faysons nous mesmes ce retirement de nostre esprit.

  A004001021 

 Et comme qui mettroit un morceau d'aymant entre plusieurs eguilles, verroit que soudain toutes leurs pointes se retourneroyent du costé de leur aymant bienaymé et se viendroyent attacher a luy, aussi lhors que Nostre Seigneur fait sentir au milieu de nostre ame sa tres delicieuse presence, toutes nos facultés retournent leurs pointes de ce costé la, pour se venir joindre a cette incomparable douceur..

  A004001021 

 Rien n'est si naturel au bien que d'unir et attirer a soy les choses qui le peuvent sentir, comme font nos ames, lesquelles tirent tous-jours et se rendent a leur tresor, c'est a dire a ce qu'elles ayment.

  A004001021 

 [326] Il arrive donq quelquefois que Nostre Seigneur respand imperceptiblement au fond du cœur une certaine douce suavité qui tesmoigne sa presence, et Ihors les puissances, voire mesme les sens exterieurs de l'ame, par un certain secret consentement se retournent du costé de cette intime partie ou est le tres aymable et trescher Espoux.

  A004001024 

 Car, comme la mereperle, ayant receu les gouttes de la fraiche rosee du matin, se resserre, non seulement pour les conserver pures de tout le meslange qui s'en pourroit faire avec les eaux de la mer, mais aussi pour l'ayse qu'elle ressent d'appercevoir l'aggreable fraicheur de ce germe que le ciel luy envoye; ainsy arrive-il a plusieurs saintz et devotz fideles, qu'ayans receu le divin Sacrement qui contient la rosee de toutes benedictions celestes, leur ame se resserre et toutes leurs facultés se recueillent, non seulement pour adorer ce Roy souverain nouvellement present d'une presence admirable a leurs entrailles, mais pour l'incroyable [328] consolation et rafraichissement spirituel qu'ilz reçoivent, de sentir par la foy ce germe divin de l'immortalité en leur interieur.

  A004001024 

 Or ce mesme contentement peut estre prattiqué par imitation entre ceux qui, ayans communié, sentent par la certitude de la foy ce que non la chair ni le sang, mais le Pere celeste leur a revelé: que leur Sauveur est en cors et en ame present d'une tres reelle presence a leur cors et a leur ame, par ce tres adorable Sacrement.

  A004001024 

 Ou vous noteres soigneusement, Theotime, qu'en somme tout ce recueillement se fait par l'amour, qui sentant la presence du Bienaymé par les attraitz qu'il respand au milieu du cœur, ramasse et rapporte toute l'ame vers iceluy par une tres amiable inclination, par un tres doux contournement et par un delicieux repli de toutes les facultés du costé du Bienaymé, qui les attire a soy par la force de sa suavité, avec laquelle il lie et tire les cœurs, comme on tire les cors par les cordes et liens materielz..

  A004001025 

 Il arrive quelquefois que toutes nos puissances interieures se resserrent et ramassent en elles mesmes, par l'extreme reverence et douce crainte qui nous saisit en consideration de la souveraine majesté de Celuy qui nous est present et nous regarde; ainsy que, pour distraitz que nous soyons, si le Pape ou quelque grand prince comparoit, nous revenons a nous mesmes et retournons nos pensees sur nous, pour nous tenir en contenance et respect.

  A004001026 

 Certes, je connois une ame a laquelle si tost qu'on mentionnoit quelque mystere ou sentence qui luy ramentevoit un peu plus expressement que l'ordinaire la presence de Dieu, tant en confession qu'en particuliere conference, elle rentroit si fort en elle mesme qu'elle avoit peyne d'en sortir pour parler et respondre; en telle sorte, qu'en son exterieur elle demeuroit comme destituee de vie et tous les sens engourdis, jusques a ce que l'Espoux luy permist.de sortir, qui estoit quelquefois asses tost et d'autres fois plus tard..

  A004001030 

 L'ame, estant donq ainsy recueillie dedans elle mesme en Dieu ou devant Dieu, se rend parfois si doucement attentive a la bonté de son Bienaymé, qu'il luy semble que son attention ne soit presque pas attention, tant elle est simplement et delicatement exercee; comme il arrive en certains fleuves, qui coulent si doucement et egalement, qu'il semble a ceux qui les regardent ou navigent sur iceux de ne voir ni sentir aucun mouvement, parce qu'on ne les voici nullement ondoyer ni flotter.

  A004001031 

 Mon Bienaymé est a moy et moy je suis a luy, qui paist entre les lys tandis que le jour aspire et que les ombres s'inclinent.

  A004001032 

 Et ce qui est encor plus admirable, c'est que la volonté n'apperçoit point cet ayse et contentement qu'elle reçoit, jouissant insensiblement d'iceluy; d'autant qu'elle ne pense pas a soy, mais a Celuy la presence duquel luy donne ce playsir: comme il arive maintefois que, surpris d'un leger sommeil, nous entr'oyons seulement ce que nos amis disent autour de nous ou ressentons les caresses qu'ilz nous font, presque imperceptiblement, sans sentir que nous sentons..

  A004001033 

 Neanmoins l'ame qui en ce doux repos jouit de ce delicat sentiment de la presence divine, quoy qu'elle ne s'apperçoive pas de cette jouissance, tesmoigne toutefois clairement combien ce bonheur luy est precieux et aymable, quand on le luy veut oster ou que quelque chose l'en destourne: car alhors, la pauvre ame fait des plaintz, crie, voire quelquefois pleure, comme un petit enfant [331] qu'on a esveillé avant qu'il eust asses dormi, lequel, par la douleur qu'il ressent de son reveil, monstre bien la satisfaction qu'il avoit en son sommeil.

  A004001034 

 Et ce divin Amant, jaloux de l'amoureux sommeil et repos de cette bienaymee, tança Marthe qui la vouloit esveiller: Marthe, Marthe, tu es bien embesoignee et te troubles apres plusieurs choses; une seule chose neanmoins est requise: Marie a choisi la meilleure part, qui ne luy sera point ostee.

  A004001035 

 Les peintres peignent ordinairement le bienaymé saint Jean, en la cene, non seulement reposant, mais dormant sur la poitrine de son Maistre; parce qu'il y fut assis a la façon des Levantins, en sorte que sa teste tendoit vers le sein de son cher Amant, sur lequel, comme il ne dormoit pas du sommeil corporel, n'y ayant aucune vraysemblance en cela, aussi ne doute-je point que se treuvant si pres des mammelles de la douceur eternelle, il n'y fit un profond, mistique et doux sommeil, [332] comme un enfant d'amour qui, attaché au tetin de sa mere, allaite en dormant et dort en allaitant.

  A004001035 

 O Dieu, quelles delices a ce Benjamin, enfant de la joye du Sauveur, de dormir ainsy entre les bras de son Pere, qui, le jour suivant, comme le Benoni, enfant de douleur, le recommanda aux douces mammelles de sa Mere! Rien n'est plus desirable au petit enfant, soit qu'il veille ou qu'il dorme, que la poitrine de son pere et le sein de sa mere..

  A004001040 

 Or il en est de mesme de l'ame qui est en repos et quietude devant Dieu; car elle succe presqu'insensiblement la douceur de cette presence, sans discourir, sans operer, et sans faire chose quelconque par aucune de ses facultés sinon par la seule pointe de la volonté, qu'elle remue doucement et presqu'imperceptiblement, comme la bouche par laquelle entre la delectation et l'assouvissement insensible qu'elle prend a jouir de la presence divine.

  A004001041 

 [334] Hé, la Mere de Dieu, Nostre Dame et Maistresse, estant grosse, ne voyoit pas son divin Enfant, mais le sentant dedans ses entrailles sacrees, vray Dieu, quel contentement en ressentoit-elle! Et sainte Elizabetli, ne jouit-elle pas admirablement des fruitz de la divine presence du Sauveur, sans le voir, au jour de la tressainte Visitation? L'ame non plus n'a aucun besoin, en ce repos, de la memoire, car elle a present son Amant; elle n'a pas aussi besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de se representer en image, soit exterieure soit interieure, celuy de la presence duquel on jouit? De sorte qu'en fin c'est la seule volonté qui attire doucement, et comme en tettant tendrement, le lait de cette douce presence, tout le reste de l'ame demeurant en quietude avec elle, par la suavité du playsir qu'elle prend..

  A004001046 

 Il y a des espritz actifs, fertiles et foisonnans en considerations; il y en a qui sont souples, replians et qui ayment grandement a sentir ce qu'ilz font, qui veulent tout voir et esplucher ce qui se passe en eux, retournans perpetuellement leur veue sur eux mesmes pour reconnoistre leur avancement; il y en a encor d'autres qui ne se contentent pas d'estre contens s'ilz ne sentent, regardent et savourent leur contentement, et sont semblables a ceux qui, estans bien vestus contre le froid, ne penseroyent pas l'estre s'ilz ne sçavoyent combien de robbes ilz portent, ou qui voyans leurs cabinetz pleins d'argent, ne penseroyent pas estre riches s'ilz ne sçavoyent le compte de leurs escus..

  A004001047 

 Il y a bien de la difference, Theotime, entre s'occuper en Dieu qui nous donne du [336] contentement, et s'amuser au contentement que Dieu nous donne..

  A004001047 

 Or tous ces espritz sont ordinairement sujetz d'estre troublés en la sainte orayson; car si Dieu leur donne le sacré repos de sa presence, ilz le quittent volontairement pour voir comme ilz se comportent en iceluy et pour examiner s'ilz y ont bien du contentement, s'inquietans pour sçavoir si leur tranquillité est bien tranquille et leur quietude bien quiete: si que, en lieu d'occuper doucement leur volonté a sentir les suavités de la presence divine, ilz employent leur entendement a discourir sur les sentimens qu'ilz ont; comme une espouse qui s'amuseroit a regarder la bague avec laquelle elle auroit esté espousee, sans voir l'espoux mesme qui la luy auroit donnee.

  A004001048 

 Et comme l'enfant qui, pour voir ou il a ses pieds, a osté sa teste du sein de sa mere, y retourne tout incontinent parce qu'il est fort mignard, ainsy faut il que si nous nous appercevons d'estre distraitz par la curiosité de sçavoir ce que nous faysons en l'orayson, soudain nous remettions nostre cœur en la douce et paysible attention de la presence de Dieu, de laquelle nous estions divertis.

  A004001048 

 L'ame, donq, a qui Dieu donne la sainte quietude amoureuse en l'orayson, se doit abstenir tant qu'elle peut de se regarder soy mesme ni son repos, lequel pour estre gardé ne doit point estre curieusement regardé; car qui l'affectionne trop le perd, et la juste regle de le bien affectionner c'est de ne point l'affecter.

  A004001048 

 Neanmoins il ne faut pas croire qu'il y ait aucun peril de perdre cette sacree quietude par les actions du cors ou de l'esprit qui ne se font ni par legereté ni par indiscretion; car, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une superstition d'estre si jaloux de ce repos, que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, de peur de le perdre: d'autant que Dieu qui donne cette paix, ne l'oste pas pour telz mouvemens necessaires, ni pour les distractions et divagations de l'esprit quand elles sont involontaires; et la volonté estant une fois bien amorcee a la presence divine ne laisse pas d'en savourer les douceurs, quoy que l'entendement ou la memoire se soyent eschappés et desbandés apres des pensees estrangeres et inutiles..

  A004001049 

 Certes, nous avons veu une ame extremement attachee et jointe a son Dieu, laquelle neanmoins avoit l'entendement et la memoire tellement [337] libre de toute occupation interieure, qu'elle entendoit fort distinctement ce qui se disoit autour d'elle et s'en resouvenoit fort entierement, encor qu'il luy fut impossible de respondre ni de se desprendre de Dieu, auquel elle estoit attachee par l'application de sa volonté.

  A004001049 

 Il est vray qu'alhors la quietude de l'ame n'est pas si grande comme si l'entendement et la memoire conspiroyent avec la volonté, mais toutefois elle ne laisse pas d'estre une vraye tranquillité spirituelle, puisqu'elle regne en la volonté, qui est la maistresse de toutes les autres facultés.

  A004001049 

 Mais je dis tellement attachee, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans en recevoir une grande douleur qui la provoquoit a des gemissemens, lesquelz mesme elle faisoit au plus fort de sa consolation et quietude; comme nous voyons les petitz enfans grommeler et faire des petitz plaintz quand ilz ont ardemment desiré le lait et qu'ilz commencent a tetter; ou comme fit Jacob qui, en baysant.

  A004001049 

 la belle et chaste Rachel, jettant un cri, pleura de la vehemence de la consolation et tendreté qu'il sentoit: si que cette ame de laquelle je parle, ayant la seule volonté engagee, et l'entendement, memoire, ouïe et imagination libre, ressembloit, comme je pense, au petit enfant qui allaitant pourroit voir, ouïr et mesme remuer les bras, sans pour cela quitter son cher tetin..

  A004001050 

 Et notés qu'alhors la volonté retenue en quietude par le playsir qu'elle prend en la presence divine, elle ne se remue point pour ramener les autres puissances qui s'esgarent; d'autant que si elle vouloit entreprendre cela elle perdroit son repos, s'esloignant de son cher Bienaymé, et perdroit sa peyne de courir ça et la pour attrapper ces puissances volages, lesquelles aussi bien ne peuvent jamais estre si utilement appellees a leur devoir que par la perseverance de la volonté en la sainte quietude, car petit a petit toutes les facultés sont attirees par le playsir que [338] la volonté reçoit et duquel elle leur donne certains ressentimens, comme des parfums, qui les excitent a venir aupres d'elle pour participer au bien dont elle jouit..

  A004001050 

 Mays pourtant la paix de l'ame seroit bien plus grande et plus douce si on ne faysoit point de bruit autour d'elle et qu'elle n'eust aucun sujet de se mouvoir ni quant au cœur ni quant au cors, car elle voudroit bien estre toute occupee en la suavité de cette presence divine; mais ne pouvant quelquefois s'empescher d'estre divertie es autres facultés, elle conserve au moins la quietude en la volonté, qui est la faculté par laquelle elle reçoit la jouissance du bien.

  A004001054 

 Suivant ce que nous avons dit, la sainte quietude a donq divers degrés: car quelquefois elle est en toutes les puissances de l'ame, jointes et unies a la volonté; quelquefois elle est seulement en la volonté, en laquelle elle est aucunes fois sensiblement et d'autres fois imperceptiblement, d'autant qu'il arrive parfois que l'ame tire un contentement incomparable de sentir, par certaines douceurs interieures, que Dieu luy est present, comme il advint a sainte Elizabeth quand Nostre Dame la visita; et d'autres fois l'ame a une certaine ardente suavité d'estre en la presence de Dieu, laquelle pour lhors luy est imperceptible, comme il advint aux disciples pelerins qui ne s'apperceurent bonnement de l'aggreable playsir dont ilz estoyent touchés, marchans avec Nostre Seigneur, sinon quand ilz furent arrivés et qu'ilz l'eurent reconneu en la divine fraction du pain..

  A004001055 

 Et d'autres fois elle sent parler l'Espoux, mais elle ne sçauroit luy parler, parce que l'ayse de l'ouïr ou la reverence qu'elle luy porte la tient en silence, ou bien parce qu'elle est en secheresse et tellement alangourie d'esprit qu'elle n'a de force que pour ouïr et non pas pour parler; comme il arrive corporellement quelquefois a ceux qui commencent a s'endormir ou qui sont grandement affoiblis par quelque maladie..

  A004001055 

 Quelquefois, non seulement l'ame s'apperçoit de la presence de Dieu, mais elle l'escoute parler par certaines clartés et persuasions interieures qui tiennent lieu de paroles.

  A004001056 

 Et remarqués, je vous prie, qu'il faut plus de soin pour se mettre en la presence de Dieu que pour y demeurer lhors que l'on s'y est mis, car pour s'y mettre il faut appliquer sa pensee et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais quand on s'est mis en cette presence, on s'y tient par plusieurs autres moyens, tandis que, soit par l'entendement, soit par la volonté, on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, le regardant, ou quelque chose pour l'amour de luy; l'escoutant, ou ceux qui parlent pour luy; parlant a luy, ou a quelqu'un pour l'amour de luy, et faisant quelqu'œuvre, quelle qu'elle soit, pour son honneur et service.

  A004001057 

 Et quoy donques! conclueroit on, tu ne desires rien sinon d'estre une immobile statue la dedans cette creuse niche? Non certes, diroit en fin cette sage statue, non, je ne veux rien estre sinon une statue, et tous-jours dedans cette niche tandis que mon sculpteur le voudra, me contentant d'estre ici et ainsy, puisque c'est le contentement de celuy a qui je suis et par qui je suis ce que je suis..

  A004001057 

 Mavs si l'on continuoit la dispute avec la statue et qu'on luy dist: Mays ne voudrois-tu pas bien avoir du mouvement pour t'approcher de l'ouvrier qui t'a fait, affin de luy faire quelque autre meilleur service? sans doute elle le nieroit et protesteroit qu'elle ne voudroit pas faire autre chose [341] sinon que son maistre le voulust.

  A004001058 

 Ouy certes, Theotime, car si nous l'aymons, nous nous endormons non seulement a sa veue mais a son gré, et non seulement par sa volonté mais selon sa volonté; et semble que ce soit luy mesme, nostre Createur et Sculpteur celeste, qui nous jette la sur nos litz, comme des statues dans leurs niches, affin que nous nichions dans nos litz comme les oyseaux couchent dans leurs nids; puis a nostre resveil, si nous y pensons bien, nous treuvons que Dieu nous a tous-jours esté present, et que nous ne nous sommes pas non plus esloignés ni separés de luy.

  A004001063 

 Les choses humides et liquides reçoivent aysement les figures et limites qu'on leur veut donner, d'autant qu'elles n'ont nulle fermeté ni solidité qui les arreste ou borne en elles mesmes.

  A004001063 

 Mettes de la liqueur dans un vaysseau, et vous verres qu'elle demeurera bornee dans les limites du vaysseau, lequel s'il est rond ou quarré la liqueur sera de mesme, n'ayant aucune limite ni figure, sinon celle du vaysseau qui la contient..

  A004001064 

 On appelle cœur de fer, de boys ou de pierre celuy qui ne reçoit pas aysement les impressions divines, ains demeure en sa propre volonté, emmi les inclinations qui accompaignent nostre nature depravee; au contraire, un cœur doux, maniable et traittable est appellé un cœur fondu et liquefié: Mon cœur, dit David parlant en la personne de Nostre Seigneur sur la croix, mon cœur est fait comme de la cire fondue, au milieu de mon ventre: Cleopatra, cette infame reyne d'Ægypte, voulant encherir sur tous les exces et toutes les dissolutions que Marc Anthoine avoit fait en banquetz, fit apporter a la fin d'un festin qu'elle faysoit a son tour, un bocal de fin vinaigre, dedans lequel elle jetta une des perles qu'elle portoit en ses oreilles, estimee deux centz cinquante mille escus; puis la perle estant resolue, fondue et liquefiee, elle l'avala, et eust encor enseveli l'autre perle, qu'elle avoit en l'autre oreille, dans la cloaque de son vilain estomach, si Lucius Plancus ne l'eust empeschee.

  A004001065 

 Et comme l'on void qu'un bornai ou costeau touché des rayons ardens, sort de soy mesme et quitte sa forme pour s'escouler devers l'endroit duquel les rayons le touchent, ainsy l'ame de cette amante s'escoula du costé de la voix de son Bienaymé, sortant d'elle mesme et des limites de son estre naturel pour suivre Celuy qui luy parloit..

  A004001065 

 L'amour de l'Espoux estoit dans son cœur et sous ses mammelles comme un vin nouveau bien puissant qui ne peut estre retenu dans son tonneau, car il se respandoit de toutes pars; et parce que l'ame suit son amour, apres que l'Espouse a dit: Vos mammelles sont meilleures que le vin, respandant des unguens pretieux, elle adjouste: Vous aves nom, huyle respandue; et comme l'Espoux avoit respandu son amour et son ame dans le cœur de l'Espouse, aussi l'Espouse reciproquement verse son ame dans le cœur de l'Espoux.

  A004001066 

 Mays comme se fait cet escoulement sacré de l'ame en son Bienaymé? Une extreme complaysance de l'amant en la chose aymee produit une certaine impuissance spirituelle qui fait que l'ame ne se sent plus aucun pouvoir de demeurer en soy mesme; c'est pourquoy, comme un baume fondu, qui n'a plus de fermeté ni de solidité, elle se laisse aller et escouler en ce qu'elle [345] ayme: elle ne se jette pas par maniere d'eslancement ni elle ne se serre pas par maniere d'union, mais elle se va doucement coulant, comme une chose fluide et liquide, dedans la Divinité qu'elle ayme.

  A004001067 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que l'escoulement d'une ame en son Dieu n'est autre chose qu'une veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors des bornes de son maintien naturel, toute meslee, absorbee et engloutie en son Dieu: dont il arrive que ceux qui parviennent a ce saint exces de l'amour divin, estans par apres revenuz a eux, ne voyent rien en la terre qui les contente, et vivans en un extreme aneantissement d'eux mesmes demeurent fort alangouris en tout ce qui appartient aux sens, et ont perpetuellement au cœur la maxime de la bienheureuse vierge Therese de Jesus: «Ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien.» Et semble que telle fut la passion amoureuse de ce grand ami du Bienaymé, qui disoit: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy; et: Nostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A004001068 

 Telz furent, je pense, les sentimens des grans bienheureux Philippe Nerius et François Xavier, quand, accablés des consolations celestes, ilz demandoyent a Dieu qu'il se retirast pour un peu d'eux, puisqu'il vouloit que leur vie parust aussi encor un peu au monde, ce qui ne se pouvoit tandis qu'elle estoit toute cachee et absorbee en Dieu..

  A004001072 

 L'amour est la premiere, ains le principe et l'origine de toutes les passions; c'est pourquoy c'est luy qui entre le premier dans le cœur, et parce qu'il penetre et perce jusques au fin fond de la volonté ou il a son siege, on dit qu'il blesse le cœur.

  A004001072 

 Les autres affections entrent voirement aussi, mais c'est par l'entremise de l'amour, car c'est luy qui, perçant le cœur, leur fait le passage; ce n'est que la pointe du dard qui blesse, le reste aggrandit seulement la blesseure et la douleur..

  A004001072 

 Qui n'ayme pas beaucoup la chose publique, ne se met pas beaucoup en peyne si elle se ruine; qui n'ayme guere Dieu, ne hait non plus guere le peché.

  A004001073 

 Et qui l'a blessé? l'amour..

  A004001073 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains si bien serrés et rangés, et par leurs belles couronnes, representent naifvement, ainsy que dit saint Gregoire, la tressainte charité, toute vermeille a cause de son ardeur envers Dieu, comblee de toute la varieté des vertus, et qui seule obtient et porte la couronne des recompenses eternelles; mays le suc des grenades, qui, comme nous sçavons, est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé d'aigreur et de douceur, qu'on ne sçauroit discerner s'il res-jouit le goust ou bien parce qu'il a son aigreur doucette, ou bien parce qu'il a une douceur aigrette.

  A004001073 

 Mais cela, comme se peut-il faire? On a veu tel jeune homme entrer en conversation, libre, sain et fort gay, qui ne prenant pas garde a soy, sent bien, avant que d'en sortir, que l'amour se servant des regars, des maintiens, des paroles, voire mesme des cheveux d'une imbecille et foible creature, comme d'autant de fleches, aura feru et blessé son chetif cœur en sorte que le voyla tout triste, morne et estonné.

  A004001074 

 piqué un enfant, certes, vous auries beau luy dire: ah, mon enfant, l'abeille qui t'a piqué c'est celle la mesme qui fait le miel que tu treuves si bon; car, il est vray, diroit-il, son miel est bien doux a mon goust, mais sa piqueure est bien douloureuse, et tandis que son eguillon est dedans ma joüe je ne puis m'accoyser; et ne voyes vous pas que ma face en est toute enflee? Theotime, certes l'amour est une complaysance, et par consequent il est fort aggreable, pourveu qu'il ne laisse point dedans nos cœurs l'eguillon du desir; mais quand il le laisse, il laisse avec iceluy une grande douleur.

  A004001075 

 Les premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, parce que le cœur qui sembloit sain, entier et tout a soy mesme tandis qu'il n'aymoit pas, commence, lhors qu'il est atteint d'amour, a se separer et diviser de soy mesme pour se donner a l'objet aymé: or cette division ne se peut faire sans douleur, puisque la douleur n'est autre chose que la division des choses vivantes qui se tiennent l'une a l'autre.

  A004001075 

 Mays, Theotime, parlant de l'amour sacré, il y a en [349] la prattique d'iceluy une sorte de blesseure que Dieu luy mesme fait quelquefois en l'ame qu'il veut grandement perfectionner: car il luy donne des sentimens admirables et des attraitz non pareilz pour sa souveraine bonté, comme la pressant et sollicitant de l'aymer; et lhors elle s'eslance de force comme pour voler plus haut vers son divin objet, mays demeurant courte parce qu'elle ne peut pas tant aymer comme elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale.

  A004001075 

 O miserable que je suis, disoit l'un de ceux qui ont experimenté ce travail, qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors, si vous y prenes garde, Theotime, ce n'est pas le desir d'une chose absente qui blesse le cœur, car l'ame sent que son Dieu est present, il l'a des-ja menee dans son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour; mays quoy que des-ja il la voye toute sienne, il la presse, et descoche de tems en tems mille et mille traitz de son amour, luy monstrant par des nouveaux moyens combien il est plus aymable qu'il n'est aymé: et elle, qui n'a pas tant de force pour l'aymer que d'amour pour s'efforcer, voyant ses effortz si imbecilles en comparayson du desir qu'elle a pour aymer dignement Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent outree d'un tourment incomparable; car, autant d'eslans qu'elle fait pour voler plus haut en son desirable amour, autant reçoit-elle de secousses de douleur..

  A004001076 

 Or ce desir qui ne peut reuscir est comme un dard dans le flanc d'un esprit genereux; [350] mais la douleur qu'on en reçoit ne laisse pas d'estre aymable, d'autant que quicomque desire bien d'aymer, ayme aussi bien a desirer, et s'estimeroit le plus miserable de l'univers s'il ne desiroit continuellement d'aymer ce qui est si souverainement aymable: desirant d'aymer il reçoit de la douleur, mays aymant a desirer il reçoit de la douceur..

  A004001077 

 Celuy des mortelz qui ne desire pas d'aymer davantage la divine Bonté, il ne l'ayme pas asses: la suffisance en ce divin exercice ne suffit pas a celuy qui s'y veut arrester comme si elle luy suffisoit.

  A004001077 

 Vray Dieu, Theotime, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont en Paradis, voyans que Dieu est encor plus aymable qu'ilz ne l'ayment, pasmeroyent et periroyent eternellement du desir de l'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu n'imposoit a la leur le repos admirable dont elle jouit; car ilz ayment si souverainement cette souveraine volonté, que son vouloir arreste le leur et le contentement divin les contente, acquiesçans d'estre bornés en leur amour par la volonté mesme de laquelle la bonté est l'object de leur amour.

  A004001082 

 Et ce doux Maistre pour l'esprouver, et comme se desfiant d'estre aymé: Pierre, dit il, m'aymes tu? Ah, Seigneur, vous blesses ce pauvre cœur qui, grandement affligé, s'escrie amoureusement mais douloureusement: Mon Maistre, vous sçaves toutes choses, vous sçaves certes bien que je vous ayme.

  A004001082 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedee, et le malin esprit estant pressé de dire quel estoit son nom: «Je suis,» respondit-il, «ce malheureux privé d'amour;» et soudain sainte Catherine de Gennes, qui estoit la presente, se sentit troubler et renverser toutes les entrailles, d'autant qu'elle avoit seulement ouï prononcer le mot de privation d'amour: car, comme les demons haïssent si fort l'amour divin qu'ilz tremblent lhors qu'ilz en voyent le signe ou qu'ilz en oyent le nom, c'est a dire quand ilz voyent la Croix et qu'ilz oyent prononcer le nom de Jesus, ainsy ceux qui ayment fortement Nostre Seigneur tremoussent de douleur et d'horreur quand ilz voyent quelque signe ou qu'ilz entendent quelque parole qui represente la privation de ce saint amour..

  A004001083 

 Helas, [353] cette pauvre ame qui sent bien qu'elle est resolue de plustost mourir que d'offencer son Dieu, mais ne sent pas neanmoins un seul brin de ferveur, ains au contraire une froideur extreme qui la tient toute engourdie, et si foible qu'elle tumbe a tous coups en des imperfections fort sensibles, cette ame, dis-je, Theotime, elle est toute blessee, car son amour est grandement douloureux de voir que Dieu fait semblant de ne voir pas combien elle l'ayme, la laissant comme une creature qui ne luy appartient pas; et luy est advis qu'emmi ses defautz, ses distractions et froideurs, Nostre Seigneur descoche contre elle ce reproche: Comme peux-tu dire que tu m'aymes, puisque ton ame n'est pas avec moy? ce qui luy est un dard de douleur au travers de son cœur; mais un dard de douleur qui procede d'amour, car si elle n'aymoit pas elle ne seroit pas affligee de l'apprehension qu'elle a de ne pas aymer..

  A004001084 

 La vie passee est en horreur a la vie presente de celuy qui a passé sa vie precedente sans aymer la souveraine Bonté..

  A004001084 

 Quelquefois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir que nous avons d'avoir esté jadis sans aymer Dieu: «O que tard je vous ay aymé, Beauté antique et nouvelle!» disoit ce Saint qui avoit esté trente ans heretique.

  A004001085 

 L'amour mesme nous blesse quelquefois par la seule consideration de la multitude de ceux qui mesprisent l'amour de Dieu, si que nous pasmons de detresse pour ce sujet, comme faysoit celuy qui disoit: Mon zele, o Seigneur, m'a fait secher de douleur parce que mes ennemis n'ont pas gardé ta loy.

  A004001086 

 Le Bienaymé est un bouquet de myrrhe amere, et ce bouquet amer est reciproquement le Bienaymé, qui demeure cherement colloqué entre les tetins de la bienaymee, c'est a dire le plus aymé de tous les bienaymés..

  A004001086 

 Mays, comme que ce soit, cecy est admirable es blesseures receües par le divin amour, que la douleur en est aggreable; et tous ceux qui la sentent y consentent, et ne voudroyent pas changer cette douleur a toute la douceur de l'univers.

  A004001090 

 Mais outre cela, l'amour, quand il est vehement, porte si impetueusement l'ame en la chose aymee et l'occupe si fortement, qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; si que, pour nourrir cet amour et le seconder, il semble que l'ame abandonne tout autre soin, tout autre exercice et soy mesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, deschiré, nud, deschaux, chetif, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est «pauvre,» parce qu'il fait quitter tout pour la chose aymee; il est « sans mayson,» parce qu'il fait sortir l'ame de son domicile pour suivre tous-jours celuy qui est aymé; il est «chetif,» pasle, maigre et desfait, parce qu'il fait perdre le sommeil, le boire et le manger; il est «nud et deschaux,» parce qu'il fait quitter toutes autres affections pour prendre celles de la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» parce qu'il fait demeurer a descouvert le cœur qui ayme, luy faisant manifester ses passions par des souspirs, plaintes, louanges, soupçons, jalousies; il est tout estendu comme un gueux «aux portes,» parce qu'il fait que l'amant est perpetuellement attentif aux yeux et a la bouche de la chose qu'il ayme, et tous-jours attaché a ses oreilles pour luy parler et mendier des faveurs desquelles il n'est jamais assouvi: or, les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes de l'ame.

  A004001091 

 Certes, je sçai bien, Theotime, que Platon parloit ainsy de l'amour abject, vil et chetif des mondains, mays neanmoins ces proprietés ne laissent pas de se treuver en l'amour celeste et divin; car, voyes un peu ces premiers maistres de la doctrine chrestienne, c'est a dire ces premiers docteurs du saint amour evangelique, et oyes ce que disoit l'un d'entr'eux qui avoit le plus eu de travail: Jusques a maintenant, dit-il, nous avons faim et soif, et sommes nuds, et sommes souffletés, [356] et sommes vagabonds; nous sommes rendus comme les ballieures de ce monde et comme la racleure et peleure de tous.

  A004001091 

 Qui les avoit reduit, je vous prie, a cet estat sinon l'amour? Ce fut l'amour qui jetta saint François nud devant son Evesque et le fit mourir nud sur la terre, ce fut l'amour qui le fit mendiant toute sa vie; ce fut l'amour qui envoya le grand François Xavier, pauvre, indigent, deschiré, ça et la parmi les Indes et entre les Japponois; ce fut l'amour qui reduisit le grand Cardinal saint Charles, Archevesque de Milan, a cette extreme pauvreté, parmi toutes les richesses que sa naissance et sa dignité luy donnoyent, que, comme dit cet eloquent orateur d'Italie, monseigneur Panigarole, il estoit comme un chien en la mayson de son maistre, ne mangeant qu'un peu de pain, ne beuvant qu'un peu d'eau et couchant sur un peu de paille..

  A004001092 

 Hé, ne prenes pas garde a mon teint, car je suis voirement brune, d'autant que mon Bienaymé, qui est mon soleil, a dardé les rayons de son amour sur moy; rayons qui esclairent par leur lumiere, mais qui par leur ardeur m'ont rendue haslee et noyrastre, et me touchant de leur splendeur ilz m'ont ostee ma couleur.

  A004001092 

 Oyons, de grace, la sainte Sulamite, comme elle s'escrie presque en cette sorte: Quoy que, a rayson de mille consolations que mon amour me donne, je sois plus belle que les riches tentes de mon Salomon, je veux dire plus belle que le Ciel qui n'est qu'un pavillon inanimé de sa majesté royale, puisque je suis son pavillon animé, si suis-je neanmoins toute noyre, deschiree, poudreuse et toute gastee de tant de blesseures et de coups que ce mesme amour me donne.

  A004001092 

 [357] La passion amoureuse me fait trop heureuse de me donner un tel Espoux comme est mon Roy, mais cette mesme passion qui me tient lieu de mere, puisqu'elle seule m'a mariee et non mes merites, elle a des autres enfans qui me donnent des assautz et des travaux nompareilz, me reduisans a telle langueur, que comme d'un costé je ressemble une reyne qui est au costé de son roy, aussi de l'autre je suis comme une vigneronne qui dans une chetifve cabanne garde une vigne, et une vigne encor qui n'est pas sienne..

  A004001093 

 Ce grand serviteur de Dieu, homme tout seraphique, voyant la vive image de son Sauveur crucifié, effigiee en un Seraphin lumineux qui luy apparut sur le mont Alverne, il s'attendrit plus qu'on ne sçauroit imaginer, saisi d'une consolation et d'une compassion souveraine; car regardant ce beau miroüer d'amour que les Anges ne se peuvent jamais assouvir de regarder, helas, il pasmoit de douceur et de contentement! Mais voyant aussi d'autre part la vive representation des playes et blesseures de son Sauveur crucifié, il sentit en son ame ce glaive impiteux qui transperça la sacree poitrine de la Vierge Mere au jour de la Passion, avec autant de douleur interieure que s'il eust esté crucifié avec son cher Sauveur.

  A004001093 

 Qui pourroit jamais descrire les langueurs amoureuses des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, ou de sainte Angele de Foligni, ou de sainte Christine, ou de la bienheureuse Mere Therese, ou de saint Bernard, ou de saint François? Et quant a ce dernier, sa vie ne fut autre chose que larmes, souspirs, plaintes, langueurs, definemens, pasmaysons amoureuses; mais rien n'est si admirable en tout cela, que cette admirable communication que le doux Jesus luy fit de ses amoureuses et pretieuses douleurs, par l'impression de ses playes et stigmates.

  A004001095 

 Mais de faire les ouvertures en la chair par dehors, l'amour qui estoit dedans ne le pouvoit pas bonnement faire: c'est pourquoy l'ardent Seraphin venant au secours, darda des rayons d'une clarté si penetrante, qu'elle fit reellement les playes exterieures du Crucifix, en la chair, que l'amour avoit imprimees interieurement en l'ame.

  A004001097 

 Et en somme, comme penses-vous, Theotime, qu'une ame qui a une fois un peu a souhait tasté les consolations divines, puisse vivre en ce monde meslé de tant de miseres, sans douleur et langueur presque perpetuelle? On a maintefois ouy ce grand homme de Dieu, François Xavier, lançant sa voix au Ciel, lhors qu'il croyoit estre bien solitaire, en cette sorte: Hé, mon Seigneur, non, de grace, ne m'accablés pas d'une si grande affluence de consolations; ou si par vostre infinie bonté il vous plaist me faire ainsy abonder en delices, tirés-moy donq en Paradis, car, qui a une fois bien gousté en l'interieur vostre douceur il luy est force de vivre en amertume tandis qu'il ne jouit pas de vous.

  A004001101 

 et avec le grand Apostre: O moy, miserable homme, qui me delivrera du cors de cette mortalite!.


05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A005000012 

 De l'union de l'ame avec son Dieu qui se parfait en l'orayson.

  A005000014 

 Chapitre II. Des divers degrés de la sainte union qui se fait en l'orayson.

  A005000021 

 Chapitre IX. Du supreme effect de l'amour affectif, qui est la mort des amans, et premièrement de ceux qui moururent en amour.

  A005000022 

 Chapitre X. De ceux qui moururent par l'amour et pour l'amour divin.

  A005000024 

 Chapitre XII. Histoire merveilleuse du trespas d'un gentilhomme qui mourut d'amour sur le mont d'Olivet 23.

  A005000027 

 De l'amour de conformité par lequel nous unissons nostre volonté a celle de Dieu qui nous est signifiee par ses commandemens conseilz et inspirations.

  A005000029 

 Chapitre II. De la conformité de sousmission qui procédé de l'amour de bienveuillance.

  A005000032 

 Chapitre V. De la conformité de nostre volonté a celle de Dieu, qui nous est signifiee par ses commandemens 33.

  A005000037 

 Chapitre X. Comme il se faut conformer a la volonté divine qui nous est signifiee par les inspirations, et premièrement de la variété des moyens par lesquelz Dieu nous inspire.

  A005000038 

 Chapitre XI. De l'union de nostre volonté a celle de Dieu es inspirations qui sont donnees pour la prattique extraordinaire des vertus, et de la perseverance en la vocation, premiere marque de l'inspiration.

  A005000039 

 Chapitre XII. De l'union de la volonté humaine a celle de Dieu es inspirations qui sont contre les lois ordinaires, et de la paix et douceur de cœur, seconde marque de l'inspiration.

  A005000040 

 Chapitre XIII. Troisiesme marque de l'inspiration, qui est la sainte obeissance a l'Eglise et aux supérieurs 45.

  A005000049 

 Chapitre VII. De l'indiference que nous devons prattiquer en ce qui regarde nostre avancement es vertus 57.

  A005000053 

 Chapitre XI. De la perplexité du cœur qui ayme sans sçavoir qu'il plait au Bienaymé.

  A005000056 

 Chapitre XIV. Esclaircissement de ce qui a esté dit touchant le trespas de nostre volonté.

  A005000068 

 Chapitre IX. Confirmation de ce qui a esté dit, par une comparayson notable.

  A005000075 

 Chapitre XVI. Que l'exemple de plusieurs Saintz qui semblent avoir exercé leur zele avec cholere, ne fait rien contre l'advis du chapitre precedent.

  A005000083 

 Chapitre VI. De l'excellence du prix que l'amour sacré donne aux actions issues de luy mesme, et a celles qui procèdent des autres vertus.

  A005000091 

 Chapitre XIV. Prattique de ce qui a esté dit au chapitre precedent.

  A005000142 

 Du suprem'effect de l'amour, qui est de nous faire mourir et ceux qui sont mortz d'amour 198.

  A005000157 

 Car il y a, certes, difference entre unir et joindre une chose a l'autre, et serrer ou presser une chose contre une autre ou sur une autre: d'autant que pour joindre et unir il n'est besoin que d'une simple application d'une chose a l'autre, en sorte qu'elles se touchent et soyent ensemble, ainsy que nous joignons les vignes aux ormeaux, et les jasmins aux treilles des berceaux que l'on fait es jardins; mais pour serrer et [5] presser il faut faire une application forte qui accroisse et augmente l'union: de sorte que serrer c'est intimement et fortement joindre, comme nous voyons que le lierre se joint aux arbres; car il ne s'unit pas seulement, mais il se presse et serre si fort à eux, que mesme il penetre et entre dans leurs escorces..

  A005000160 

 Nous usons mesme de ce mot, selon nostre langage, es choses morales: il me presse de faire cecy ou cela, il me presse de demeurer; c'est a dire, il n'employe pas seulement sa persuasion ou sa priere, mais il l'employe avec contention et effort: comme firent les pelerins en Emaüs, qui non seulement supplierent Nostre Seigneur, mais le presserent et serrerent a force, le contraignant d'une amoureuse violence d'arrester au logis avec eux..

  A005000162 

 Mais d'autres fois l'union se fait, non par des eslancemens repetés, ains par maniere d'un continuel insensible pressement et avancement du cœur en la divine bonté; car, comme nous voyons qu'une grande et pesante masse de plomb, d'airain ou de pierre, quoy qu'on ne la pousse point, se serre, enfonce et presse tellement contre la terre sur laquelle elle est posee, qu'en fin avec le tems on la treuve toute enterree, a cause de l'inclination de son poids qui par sa pesanteur la fait tous-jours tendre au centre, ainsy nostre cœur estant une fois joint a son Dieu, s'il demeure en cette union et que rien ne l'en divertisse, il va s'enfonçant continuellement, par un insensible progres d'union, jusques a ce qu'il soit tout en Dieu, a cause de l'inclination sacree que le saint amour luy donne, de s'unir tous-jours davantage a la souveraine bonté: car, comme dit le grand apostre de France, «l'amour est une vertu unitive,» c'est a dire, qui nous porte a la parfaite union du souverain bien.

  A005000163 

 Ainsy les arbres qui ayment d'estre transplantés, apres qu'ilz le sont, estendent leurs racines et se fourrent bien avant dans le sein de la terre qui est leur element et leur aliment, nul ne s'appercevant de cela tandis qu'il se fait, ains seulement quand il est fait.

  A005000163 

 Et c'est ce que nous enseigne le grand David quand il compare les sacrees paroles au miel; car, qui ne sçait que la douceur du miel s'unit de plus en plus a nostre sens par un progres continuel de savourement, lhors que le tenans longuement en la bouche, ou que l'avalans tout bellement, sa saveur penetre plus avant le sens de nostre goust? Et de mesme ce sentiment de la bonté celeste, exprimé par cette parole de saint Bruno: O Bonté! ou par celle de saint Thomas: Mon [9] Seigneur et mon Dieu! ou par celle de Magdeleine: Hé mon Maistre! ou par celle de saint François: «Mon Dieu et mon tout!» ce sentiment, dis je, demeurant un peu longuement dedans un cœur amoureux, il se dilate, il s'estend et s'enfonce par une intime penetration en l'esprit, et de plus en plus le detrempe tout de sa saveur, qui n'est autre chose qu'accroistre l'union; comme fait l'onguent pretieux ou le baume, qui, tumbant sur le coton, se mesle et s'unit tellement de plus en plus, petit a petit, avec iceluy, qu'en fin on ne sçauroit plus dire si le coton est parfumé ou s'il est parfum, ni si le parfum est coton ou le coton parfum.

  A005000163 

 O qu'heureuse est une ame qui en la tranquillité de son cœur conserve amoureusement le sacré sentiment de la presence de Dieu! car son union avec la divine bonté croistra perpetuellement, quoy qu'insensiblement, et detrempera tout l'esprit d'iceluy de son infinie suavité..

  A005000164 

 Or, quand je parle du sacré sentiment de la presence de Dieu, en cet endroit, je n'entens pas parler du sentiment sensible, mais de celuy qui reside en la cime et supreme pointe de l'esprit, ou le divin amour regne et fait ses exercices principaux..

  A005000169 

 Quelquefois nous cooperons, lhors qu'estans tirés nous courons volontier pour seconder la douce force de la bonté qui nous tire et nous serre a soy par son amour..

  A005000170 

 Et quelquefois aussi, comme il nous a attirés insensiblement a l'union, il continue insensiblement a nous ayder et secourir, et nous ne sçavons comme une si grande union se fait, mais nous sçavons bien que nos forces ne sont pas asses grandes pour la faire: si que nous jugeons bien par la que quelque secrette puissance fait son insensible action en nous; comme les nochers qui portent du fer, lhors que, sous un vent fort foible, ilz sentent leurs vaysseaux singler puissamment, connoissent qu'ilz sont proches des montaignes de l'aymant qui les tirent imperceptiblement, et voyent en cette sorte un connoissable et perceptible avancement provenant d'un moyen inconneu et imperceptible.

  A005000170 

 Quelquefois il nous semble que nous commençons a nous joindre et serrer a Dieu avant qu'il se joigne a nous, parce que nous sentons l'action de l'union de nostre costé sans sentir celle qui se fait de la part de Dieu; lequel toutefois, sans doute, nous previent tous-jours, bien que tous-jours nous ne sentions pas sa prevention, car s'il ne s'unissoit a nous, jamais nous ne nous unirions a luy; il nous choisit et saisit tous-jours avant que nous le choisissions ni saisissions.

  A005000171 

 Aucunes fois cette union se fait si insensiblement que nostre cœur ne sent ni l'operation divine en nous ni nostre cooperation, ains il treuve la seule union insensiblement toute faite, a l'imitation de Jacob, qui, sans y penser, se treuva marié avec Lia; ou plustost comme un autre Samson, mais plus heureux, il se treuve lié et serré des cordes de la sainte union sans que nous nous en soyons apperceus.

  A005000173 

 Quelquefois cette union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent toutes autour de la volonté, non pour s'unir elles mesmes a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour donner plus de commodité a la volonté de faire son union; car si les autres facultés estoyent appliquees une chacune a son object propre, l'ame, operant par icelles, ne pourroit pas si parfaitement s'employer a l'action par laquelle l'union se fait avec Dieu.

  A005000175 

 Et pour monstrer que tous-jours toute l'union se fait par la grace de Dieu, qui nous tire a soy et par ses attraitz esmeut nostre ame et anime le mouvement de nostre union envers luy, elle s'escrie, comme toute impuissante: Tirés moy; mais pour tesmoigner qu'elle ne se laissera pas tirer comme une pierre ou comme un forçat, ains qu'elle cooperera de [13] son costé et meslera son foible mouvement parmi les puissans attraitz de son Amant: nous courrons, dit-elle, a l'odeur de vos parfums.

  A005000183 

 Hé, que cherches vous, o Mere de la vie, en ce mont de Calvaire et en ce lieu de mort? Je cherche, eust elle dit, mon Enfant qui est la vie de ma vie.

  A005000184 

 Et cet effect de l'amour fut mesme prattiqué entre David et Jonathas, car il est dit que l'ame de Jonathas fut collee a celle de David: aussi est-ce un axiome celebré par les anciens Peres, que l'amitié qui peut finir ne fut jamais vraye amitié, ainsy que j'ay dit ailleurs..

  A005000184 

 O Dieu, Theotime, combien plus doit estre attachee et serree l'ame qui est amante de son Dieu, quand elle est unie a la divinité de l'infinie Douceur et qu'elle est prise et esprise en cet object d'incomparables [16] perfections! Telle fut celle du grand vaysseau d'election qui s'escrioit: Affin que je vive a Dieu, je suis affigé a la croix avec Jesus Christ; aussi proteste-il que rien, non pas la mort mesme, ne le peut separer de son Maistre.

  A005000184 

 Voyés, je vous prie, cet homme pris et serré par attention a la suavité d'une harmonieuse musique, ou bien (ce qui est extravagant) a la niaiserie d'un jeu de cartes: vous l'en voules retirer et vous ne pouves, quelles affaires qu'il ayt au logis on ne le peut arracher, il en perd mesme le boire et le manger.

  A005000187 

 Imagines vous donques, que saint Paul, saint Denis, saint Augustin, saint Bernard, saint François, sainte Catherine de Gennes ou de Sienne sont encor en ce monde, et qu'ilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonne ame, mais non pas si sainte comme eux, qui fust en l'orayson d'union a mesme tems: je vous [18] demande, mon cher Theotime, qui est plus uni, plus serré, plus attaché a Dieu, ou ces grans Saintz qui dorment, ou cette ame qui prie? Certes, ce sont ces admirables amans; car ilz ont plus de charité, et leurs affections, quoy qu'en certaine façon dormantes, sont tellement engagees et prises a leur Maistre qu'elles en sont inseparables.

  A005000187 

 Mays affin d'eviter tout equivoque, saches, Theotime, que la charité est un lien et un lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus estroittement uni et lié a Dieu.

  A005000187 

 Mays, ce me dires vous, comme se peut-il faire qu'une ame qui est en l'orayson d'union, et mesme jusques a l'extase, soit moins unie a Dieu que ceux qui dorment, pour saintz qu'ilz soyent? Voyci que je vous dis, Theotime: celle la est plus avant en l'exercice de l'union, et ceux ci sont plus avant en l'union; ceux ci sont unis et ne s'unissent pas, puisqu'ilz dorment, et celle la s'unit, estant en l'exercice et prattique actuelle de l'union..

  A005000187 

 Or, nous ne parlons pas de cette union qui est permanente en nous par maniere d'habitude, soit que nous dormions, soit que nous veillions; nous parlons de l'union qui se fait par l'action et qui est un des exercices de la charité et dilection.

  A005000188 

 Au demeurant, cet exercice de l'union avec Dieu se peut mesme prattiquer par des courtz et passagers mais frequens eslans de nostre cœur en Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires faites a cette intention: Ah, Jesus, qui me donnera la grace que je sois un seul esprit avec vous! En fin, Seigneur, rejettant la multiplicité des creatures, je ne veux que vostre unité! O Dieu, vous estes le seul un et la seule unité necessaire a mon ame! Helas, cher Ami de mon cœur, unisses ma pauvre unique ame a vostre tres unique bonté.

  A005000192 

 Et c'en est de mesme en la tres infame extase ou abominable ravissement qui arrive a l'ame lhors que, par les amorces des playsirs brutaux, elle est mise hors de sa propre dignité spirituelle et au dessous de sa condition naturelle: car, entant que volontairement elle suit cette malheureuse volupté et se precipite hors de soy mesme, c'est a dire hors de l'estat spirituel, on dit qu'elle est en l'extase sensuelle; mais entant que les [20] appatz et allechemens sensuelz la tirent puissamment et, par maniere de dire, l'entraisnent dans cette basse et vile condition, on dit qu'elle est ravie et emportee hors de soy mesme, parce que ces voluptés bestiales la demettent de l'usage de la rayson et intelligence avec une si furieuse violence que, comme dit l'un des plus grans philosophes, l'homme estant en cet accident semble estre tumbé en epilepsie, tant l'esprit demeure absorbé et comme perdu.

  A005000193 

 L'admiration se fait en nous par le rencontre d'une verité nouvelle que nous ne connoissions pas ni n'attendions pas de connoistre; et si a la nouvelle verité que nous rencontrons est jointe la beauté et bonté, l'admiration qui en provient est grandement delicieuse.

  A005000194 

 Et quelquefois, outre cela, Dieu donne a l'ame une lumiere non seulement claire, mais croissante comme l'aube du jour; et alhors, comme ceux qui ont treuvé une miniere d'or fouillent tous-jours plus avant pour treuver tous-jours davantage de ce tant desiré metail, ainsy l'entendement va de plus en plus s'enfonçant en la consideration et admiration de son divin objet; car ne plus ne moins que l'admiration a causé la philosophie et attentive recherche des choses naturelles, elle a aussi causé la contemplation et theologie mystique.

  A005000194 

 Or l'admiration des choses aggreables attache et colle fortement l'esprit a la chose admiree: tant a rayson de l'excellence de la beauté qu'elle luy descouvre, qu'a rayson de la nouveauté de cette excellence; l'entendement ne se pouvant asses assouvir de voir ce qu'il n'a [21] encor point veu et qui est si aggreable a voir.

  A005000198 

 De mesme, quant au bien, [22] sa vraye image c'est la lumiere, sur tout en ce que la lumiere recueille, reduit et convertit a soy tout ce qui est (dont le soleil, entre les Grecs, est nommé d'une parole laquelle monstre qu'il fait que toutes choses soyent ramassees et serrees, rassemblant les dispersees, comme la bonté convertit a soy toutes choses), estant non seulement la souveraine unité, mays souverainement unissante, d'autant que toutes choses la desirent comme leur principe, leur conservation et leur derniere fin.

  A005000198 

 Dieu attire les espritz a soy par sa souveraine beauté et incomprehensible bonté: excellences qui, toutes deux, ne sont neanmoins qu'une supreme Divinité, tres uniquement belle et bonne tout ensemble.

  A005000198 

 Et quant au beau, parce qu'il attire et rappelle a soy toutes choses, les Grecs l'appellent d'un nom qui est tiré d'une parole qui veut dire appeller.

  A005000199 

 Comme beau, comblant nostre entendement de delices, il respand son amour dans nostre volonté; comme bon, remplissant nostre volonté de son amour, il excite nostre entendement a le contempler, [23] l'amour nous provoquant a la contemplation et la contemplation a l'amour: dont il s'ensuit que l'extase et le ravissement depend totalement de l'amour, car c'est l'amour qui porte l'entendement a la contemplation et la volonté a l'union.

  A005000199 

 Entant qu'elle est belle et claire, elle attire tous les yeux qui ont veüe au monde; entant qu'elle est bonne et qu'elle eschauffe, elle attire a soy tous les appetitz et toutes les inclinations du monde corporel, car elle tire et esleve les exhalations et vapeurs, elle tire et fait sortir les plantes et les animaux de leurs origines, et ne se fait aucune generation a laquelle la chaleur vitale de ce grand luminaire ne contribue.

  A005000201 

 Et partant, le malin esprit peut extasier, s'il faut ainsy parler, et ravir l'entendement, luy representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent eslevé et suspendu au dessus de ses forces naturelles, et par telles clartés il peut encor donner a la volonté quelque sorte d'amour vain, mol, tendre et imparfait, par maniere de complaysance, satisfaction et consolation sensible; mais de donner la vraye extase de la volonté, par laquelle elle s'attache uniquement et puissamment a la Bonté divine, cela n'appartient qu'a cet Esprit souverain par lequel la charité de Dieu est respandue dedans nos cœurs..

  A005000201 

 Or, l'extase de l'admiration estant seule ne nous fait pas meilleurs, suivant ce qu'en dit celuy qui avoit esté ravi en extase jusques au troisiesme ciel: Si je connoissois, dit-il, tous les misteres et toute la science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien.

  A005000205 

 En effect, Theotime, on a veu en nostre aage plusieurs personnes qui croyoient elles mesmes, et chacun avec elles, qu'elles fussent fort souvent ravies divinement en extase, et en fin, toutefois, on descouvroit que ce n'estoyent qu'illusions et amusemens diaboliques.

  A005000205 

 Mays ce qui est admirable, c'est que son extase passoit si avant qu'il ne sentoit mesme pas quand on luy appliquoit le feu, sinon apres qu'il estoit revenu a soy; et neanmoins, si quelqu'un parloit un peu fort et a voix claire, il l'entendoit comme de loin, et n'avoit aucune respiration.

  A005000205 

 [25] Un certain prestre du tems de saint Augustin se mettoit en extase tous-jours quand il vouloit, chantant ou faysant chanter certains airs lugubres et pitoyables, et ce, pour seulement contenter la curiosité de ceux qui desiroyent voir ce spectacle.

  A005000206 

 Je ne dis pas qu'on ne puisse avoir des ravissemens, des visions, mesme prophetiques, sans avoir la charité; car je sçay bien que, comme on peut avoir la charité sans estre ravi et sans prophetiser, aussi peut-on estre ravi et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui en son ravissement a plus de clarté en l'entendement pour admirer Dieu que de chaleur en la volonté pour l'aymer, il doit estre sur ses gardes, car il y a danger que cette extase ne soit fause et ne rende l'esprit plus enflé qu'edifié, le mettant [26] voirement, comme Saül, Balaam et Caïphe, entre les prophetes, mais le laissant néanmoins entre les repreuvés..

  A005000207 

 La seconde marque des vrayes extases consiste en la troysiesme espece d'extase que nous avons marquee ci dessus, extase toute sainte, toute aymable et qui couronne les deux autres; et c'est l'extase de l'œuvre et de la vie.

  A005000207 

 Mays, outre les commandemens divins, il y a des inspirations celestes, pour l'execution desquelles il ne faut pas seulement que Dieu nous esleve au dessus de nos forces, mais aussi qu'il nous tire au dessus des instinctz et des inclinations de nostre nature; d'autant qu'encor que ces inspirations ne sont pas contraires a la rayson humaine, elles l'excedent toutefois, la surmontent et sont au dessus d'icelle: de sorte que lhors, nous ne vivons pas seulement une vie civile, honneste et chrestienne, mais une vie surhumaine, spirituelle, devote et extatique, c'est a dire une vie qui est en toute façon hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005000209 

 Nostre vie nouvelle c'est l'amour celeste qui vivifie et anime nostre ame, et cet [28] amour est tout caché en Dieu et es choses divines avec Jesus Christ; car puisque, comme disent les lettres sacrees de l'Evangile, apres que Jesus Christ se fut un peu laissé voir a ses disciples en montant la haut au Ciel, en fin une nuee l'environna qui l'osta et cacha de devant leurs yeux, Jesus Christ donques est caché au Ciel en Dieu.

  A005000209 

 Nous en faysons de mesme, Theotime, si nous sommes spirituelz; car nous quittons nostre vie humaine pour vivre d'une autre vie plus eminente, au dessus de nous mesmes, cachans toute cette vie nouvelle en Dieu avec Jesus Christ, qui seul la void, la connoist et la donne.

  A005000209 

 Or, Jesus Christ est nostre amour, et nostre amour est la vie de nostre ame: donques nostre vie est cachee en Dieu avec Jesus Christ; et quand Jesus Christ qui est nostre amour, et par consequent nostre vie spirituelle, viendra paroistre au jour du jugement, alhors nous apparoistrons avec luy en gloire, c'est a dire, Jesus Christ nostre amour nous glorifiera, nous communiquant sa felicité et splendeur..

  A005000213 

 Ainsy saint Ignace, au rapport de saint Denis, disoit que son amour estoit crucifié; comme s'il eust voulu dire: Mon amour naturel et humain, avec toutes les passions qui en dependent, est attaché sur la croix, je l'ay fait mourir comme un amour mortel qui faisoit vivre mon cœur d'une vie mortelle; et comme mon Sauveur fut crucifié et mourut selon sa vie mortelle pour resusciter a l'immortelle, aussi je suis mort avec luy sur la croix selon mon amour naturel, qui estoit la vie mortelle de mon ame, affin que je resuscitasse a la vie surnaturelle d'un amour qui, pouvant estre exercé au Ciel, est aussi par consequent immortel..

  A005000213 

 Ainsy, Theotime, l'amour est le premier acte et principe de nostre vie devote ou spirituelle, par lequel nous vivons, sentons et nous esmouvons, et nostre vie spirituelle est telle que sont nos mouvemens affectifz; et un cœur qui n'a point de mouvement et d'affection, il n'a point d'amour, comme au contraire un cœur qui a de l'amour n'est point sans mouvement affectif.

  A005000213 

 L'ame est le premier acte et principe de tous les mouvemens vitaux de l'homme, et, comme parle Aristote, elle est «le principe par lequel nous vivons, sentons et entendons:» dont il s'ensuit que nous connoissons la diversité des vies selon la diversité des mouvemens, en sorte mesme que les animaux qui n'ont point de mouvement naturel sont du tout sans vie.

  A005000214 

 Bienheureux sont [30] ceux qui vivent une vie surhumaine, extatique, relevee au dessus d'eux mesmes, quoy qu'ilz ne soyent point ravis au dessus d'eux mesmes en l'orayson! Plusieurs Saintz sont au Ciel, qui jamais ne furent en extase ou ravissement de contemplation; car, combien de Martyrs et grans Saintz et Saintes voyons-nous en l'histoire n'avoir jamais eu en l'orayson autre privilege que celuy de la devotion et ferveur? Mais il n'y eut jamais Saint qui n'ayt eu l'extase et ravissement de la vie et de l'operation, se surmontant soy mesme et ses inclinations naturelles..

  A005000214 

 Quand donques on void une personne qui en l'orayson a des ravissemens par lesquelz elle sort et monte au dessus de soy mesme en Dieu, et neanmoins n'a point d'extase en sa vie, c'est a dire ne fait point une vie relevee et attachee a Dieu, par abnegation des convoytises mondaines et mortification des volontés et inclinations naturelles, par une interieure douceur, simplicité, humilité, et sur tout par une continuelle charité, croyés, Theotime, que tous ses ravissemens sont grandement douteux et perilleux; ce sont ravissemens propres a faire admirer les hommes, mais non pas a les sanctifier.

  A005000215 

 Et qui ne void, Theotime, je vous prie, que c'est l'extase de la vie et operation de laquelle le grand Apostre parle principalement, quand il dit: Je vis, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy? car il l'explique luy mesme en autres termes aux Romains, disant que nostre viel homme est crucifié ensemblement avec Jesus Christ, que nous sommes mortz au peché avec luy, et que de mesme nous sommes resuscités avec luy pour marcher en nouveauté de vie, affin de ne servir plus au peché.

  A005000215 

 Voyla deux hommes representés en un chacun de nous, Theotime, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme on dit de l'aigle qui estant devenue vielle va traisnant ses plumes et ne peut plus prendre son vol; l'autre vie est de l' homme nouveau, qui est aussi une vie nouvelle, comme celle de l'aigle laquelle deschargee de ses vielles plumes qu'elle a secouees dans la mer, en prend des nouvelles, et s'estant rajeunie vole en la nouveauté de ses forces..

  A005000216 

 Mais quicomque veut parvenir a nouvelle vie, il faut qu'il passe par la mort de la vielle, crucifiant sa chair avec tous les vices et toutes les convoitises d'icelle, et l'ensevelissant sous les eaux du saint Baptesme ou de la pœnitence: comme Naaman qui noya et ensevelit dans les eaux du Jordain sa vielle vie ladresse et infecte, pour vivre une vie nouvelle, saine et nette.

  A005000221 

 Il est vray, certes; si un Jesus Christ est mort pour tous, donques tous sont morts en la personne de cet unique Sauveur qui est mort pour eux, et sa mort leur doit estre imputee, puisqu'elle a esté enduree pour eux et en leur consideration..

  A005000221 

 Mays en fin saint Paul fait le plus fort, le plus pressant et le plus admirable argument qui fut jamais fait, ce me semble, pour nous porter tous a l'extase et ravissement de la vie et operation.

  A005000221 

 Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci.

  A005000222 

 Mais qu'est ce qu'il a desiré de nous sinon que nous nous conformassions a luy, affin, dit l'Apostre, que ceux qui vivent ne vivent plus desormais a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort et resuscité pour eux.

  A005000222 

 Mais que s'ensuit il de cela? Il m'est advis que j'oye cette bouche apostolique, comme un tonnerre, qui exclame aux oreilles de nos cœurs: Il s'ensuit donques, o Chrestiens, ce que Jesus Christ a desiré de nous en mourant pour nous.

  A005000222 

 Vray Dieu, Theotime, que cette consequence est forte en matiere d'amour! Jesus Christ est mort pour nous, il nous a donné la vie par sa mort, [33] nous ne vivons que parce qu'il est mort, il est mort pour nous, a nous et en nous: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui nous l'a acquise par sa mort; nous ne devons donq plus vivre a nous, mais a luy; non en nous, mais en luy; non pour nous, mais pour luy..

  A005000228 

 Hé, que reste-il donq? quelle conclusion avons-nous plus a prendre, mon cher Theotime, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesmes, ains a Celuy qui est mort pour eux? c'est a dire, que nous consacrions au divin amour de la mort de nostre Sauveur tous les momens de nostre vie, rapportans a sa gloire toutes nos proyes, toutes nos conquestes, toutes nos œuvres, toutes nos actions, toutes nos pensees et toutes nos affections.

  A005000228 

 Voyons-le, Theotime, ce divin Redempteur, estendu sur la croix, comme sur son bucher d'honneur ou il meurt d'amour pour nous, mais d'un amour plus douloureux que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour mesme: hé, que ne nous jettons-nous en esprit sur luy, pour mourir sur la croix avec luy, qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir! Je le tiendray, devrions nous dire si nous avions la generosité de l'aigle, et ne le quitteray jamais; je mourray avec luy et brusleray dedans les flammes de son amour, un mesme feu consumera ce divin Createur et sa chetifve creature; mon Jesus est tout mien et je suis toute sienne, je vivray et mourray sur sa poitrine, ni la mort ni la vie ne me separera jamais de luy..

  A005000233 

 Or je dis ordinairement Theotime, parce que quelquefois l'amour sacré est bien si violent, que mesme par effect il cause la separation du cors et de l'ame, faisant mourir les amans d'une mort tres heureuse, qui vaut mieux que cent vies..

  A005000234 

 Le bienheureux Hommebon, Cremonnois, oyant un jour la sainte Messe, planté sur ses deux genoux en extreme devotion, ne se leva point a l'Evangile selon la coustume, et pour cela ceux qui estoyent autour de luy le regarderent, et virent qu'il estoit trespassé.

  A005000235 

 En un homme dormant, il semble que toutes ses habitudes dorment avec luy, et qu'elles se resveillent aussi avec luy; ainsy donq, l'homme juste mourant subitement, ou accablé d'une mayson qui luy tumbe dessus, ou tué par le foudre, ou suffoqué d'un catherre, ou bien mourant hors de son bon sens par la violence de quelque fievre chaude, il ne meurt certes pas en l'exercice de l'amour divin, mais il meurt neanmoins en l'habitude d'iceluy; dont le Sage a dit: Le juste, s'il [37] est prevenu de la mort, il sera en refrigere; car il suffit pour obtenir la vie eternelle de mourir en l'estat et habitude de l'amour et charité..

  A005000236 

 Le bienheureux et venerable Bede, ayant sceu par revelation l'heure de son trespas, alla a Vespres (et c'est oit le jour de l'Ascension), et «se tenant debout, appuyé seulement aux accoudoirs de son siege, sans maladie quelconque, finit sa vie au mesme instant qu'il finit de chanter Vespres,» comme justement pour suivre son Maistre montant au Ciel, affin d'y jouir du beau matin de l'eternité qui n'a point de Vespres..

  A005000236 

 Saint Augustin mourut en l'exercice de la sainte contrition, qui n'est pas sans amour; saint Hierosme, exhortant ses chers enfans a l'amour de" Dieu, du prochain et de la vertu; saint Ambroyse, tout ravi, devisant doucement avec son Sauveur, soudain apres avoir receu le tres divin Sacrement de l'autel; saint Anthoyne de Padoüe, apres avoir recité un hymne a la glorieuse Vierge Mere, et parlant en grande joye avec le Sauveur; saint Thomas d'Acquin, joignant les mains, eslevant ses yeux au ciel, haussant fortement sa voix et prononçant par maniere d'eslan, avec grande ferveur, ces paroles du Cantique, qui estoyent les dernieres qu'il avoit exposees: Venes, o mon cher Bienaymé, et sortons ensemble aux chams.

  A005000241 

 Les saintz Evesques Stanislaus et Thomas de Cantorberi furent aussi tués pour un sujet qui ne regardoit pas la foy, mais la charité; et en fin une grande partie de saintes Vierges et Martyres furent massacrees pour le zele qu'elles eurent a garder la chasteté que la charité leur avoit fait dedier a l'Espoux celeste..

  A005000241 

 Mays pourtant il y a eu des Martirs qui moururent expressement pour la charité seule, comme le grand Precurseur du Sauveur, qui fut martyrisé pour la correction fraternelle; et les glorieux Princes des Apostres, saint Pierre et saint Paul, mais principalement saint Paul, moururent pour avoir converti a la sainteté et chasteté les femmes que l'infame Neron avoit desbauchees.

  A005000242 

 Mais il y en a, entre les amans sacrés, qui s'abandonnent si absolument aux exercices de l'amour divin, que ce saint feu les devore et consume leur vie.

  A005000243 

 O Dieu, Theotime, que cette mort est heureuse! que douce est cette amoureuse sagette qui, nous blessant de cette playe incurable de la sacree dilection, nous rend pour jamais languissans et malades d'un battement de cœur si pressant qu'en fin il faut mourir! De combien penses-vous que ces sacrees langueurs et les travaux supportés pour la charité avançassent les jours aux divins amans, comme a sainte Catherine de Sienne, a saint François, au petit Stanislas Koska, a saint Charles et a plusieurs centaines d'autres qui moururent si jeunes? Certes, quant a saint François, des qu'il eut receu les saintes stigmates de son Maistre, il eut de si fortes et penibles douleurs, tranchees, convulsions et maladies, qu'il ne luy demeura que la peau et les os, et sembloit plustost une anatomie ou une image de la mort, qu'un homme vivant et respirant encores.

  A005000247 

 Mays ce qui appartient au souverain degré d'amour, c'est que quelques uns meurent d'amour; et c'est lhors que non seulement l'amour blesse l'ame en sorte qu'il la met en langueur, mays quand il la transperce, donnant son coup droit dans le milieu du cœur, et si fortement qu'il pousse l'ame dehors de son cors: ce qui se fait ainsy.

  A005000247 

 Or, c'est le plus violent effect que l'amour fasse en une ame, et qui requiert auparavant une grande nudité de toutes les affections qui peuvent tenir le cœur attaché ou au monde ou au cors; en sorte que, comme le feu ayant separé petit a petit l'essence de sa masse et l'ayant du tout espuree, fait en fin sortir la quintessence, aussi le saint amour [42] ayant retiré le cœur humain de toutes humeurs, inclinations et passions, autant qu'il se peut, il en fait par apres sortir l'ame, affin que par cette mort, pretieuse aux yeux divins, elle passe en la gloire immortelle..

  A005000248 

 Le grand saint François, qui en ce sujet de l'amour celeste me revient tous-jours devant les yeux, ne pouvoit pas eschapper qu'il ne mourust par l'amour, a cause de la multitude et grandeur des langueurs, extases et defaillances que sa dilection envers Dieu luy donnoit; mais, outre cela, Dieu qui l'avoit exposé a la veüe de tout le monde comme un miracle d'amour, voulut que non seulement il mourust pour l'amour, ains qu'il mourust encor d'amour.

  A005000248 

 Qui ne void, je vous prie, Theotime, que cet homme seraphique, qui avoit tant desiré d'estre martyrisé et de mourir pour l'amour, mourut en fin d'amour, ainsy que je l'ay expliqué ailleurs?.

  A005000249 

 Sainte Magdeleyne ayant l'espace de trente ans demeuré en la grotte que l'on void encor en Provence, ravie tous les jours sept fois et eslevee en l'air par les Anges, comme pour aller chanter les sept Heures canoniques en leur chœur, en fin un jour de Dimanche elle vint a l'eglise, en laquelle son cher Evesque saint Maximin la treuvant en contemplation, les yeux pleins de larmes et les bras eslevés, il la communia; et tost apres elle rendit son bienheureux esprit, qui derechef alla pour jamais aux pieds de son Sauveur, jouir de [43] la meilleure part, qu'elle avoit des-ja choisie en ce monde..

  A005000250 

 Puis, estant revenu en sa chambre et remis dans son lit, apres s'estre asses longuement entretenu par l'orayson avec Nostre Seigneur, il exhorta saintement les assistans a servir Dieu de tout leur cœur; et en fin voyant les Anges venir a luy, prononçant avec extreme suavité ces paroles: Mon Dieu, je vous recommande mon ame et la remetz entre vos mains, il expira; et le pauvre medecin converti, le voyant ainsy trespassé, l'embrassant et fondant en larmes sur iceluy: «O grand Basile, serviteur de Dieu,» dit-il, «en verité, si vous eussies voulu, vous ne fussies non plus mort aujourd'huy qu'hier.» Qui ne void que cette mort fut toute d'amour? Et la bienheureuse Mere Therese de Jesus revela apres son trespas, qu'elle estoit morte d'un assaut et impetuosité d'amour, qui avoit esté si violent que, la nature ne le pouvant supporter, l'ame s'en estoit allee avec le bienaymé object de ses affections.

  A005000254 

 Et bien que le recit que je veux faire ne soit ni tant publié ni si bien tesmoigné comme la grandeur de la merveille qu'il contient le requerroit, il ne perd pas pour cela sa verité: car, comme dit excellemment saint Augustin, «a peyne sçait on les miracles,» pour magnifiques qu'ilz soyent, «au lieu mesme ou ilz se font,» et encor que ceux qui les ont veu les racontent, on a peyne de les croire; mays ilz ne laissent pas pour cela d'estre veritables, et en matiere de religion les ames bien faites ont plus de suavité a croire les choses esquelles il y a plus de difficulté et d'admiration..

  A005000254 

 Outre ce qui a esté dit, j'ay treuvé une histoire laquelle pour estre extremement admirable n'en est que plus croyable aux amans sacrés; puisque, comme dit le saint Apostre, la charité croid tres volontier toutes choses, c'est a dire elle ne pense pas aysement qu'on mente, et s'il n'y a des marques apparentes de fauseté en ce qu'on luy represente, elle ne fait pas difficulté de les croire, mais sur tout quand ce sont choses qui exaltent et magnifient l'amour de Dieu envers les hommes ou l'amour des hommes envers Dieu: d'autant que la charité, qui est reyne souveraine des vertus, se plaist, a la façon des princes, es choses qui servent a la gloire de son empire et domination.

  A005000255 

 De Bethanie il va dans le desert, et y void, des yeux de son esprit, le Sauveur jeusnant, combattant et vainquant l'ennemi; puis les Anges qui le servent de viandes admirables..

  A005000255 

 Un fort illustre et vertueux chevalier alla donq un jour outre mer en Palestine, pour visiter les saintz lieux esquelz Nostre Seigneur avoit fait les œuvres de nostre redemption; et pour commencer dignement ce saint [45] exercice, avant toutes choses il se confessa et communia devotement; puis alla en premier lieu en la ville de Nazareth, ou l'Ange annonça a la Vierge tressainte la tres sacree Incarnation, et ou se fit la tres adorable conception du Verbe eternel; et la, ce digne pelerin se mit a contempler l'abisme de la Bonté celeste qui avoit daigné prendre chair humaine pour retirer l'homme de perdition.

  A005000256 

 Si monte en fin ce devot pelerin sur le mont Calvaire, ou il void en esprit la croix estendue sur terre, et Nostre Seigneur tout nud que l'on renverse et que l'on cloue pieds et mains sur icelle tres cruellement; il contemple de suite comme on leve la croix et le Crucifié en l'air, et le sang qui ruisselle de tous les endroitz du divin cors pendu.

  A005000257 

 Mais ses compaignons et serviteurs qui virent ainsy subitement tumber comme mort ce pauvre amant, estonnés de cet accident, coururent de force au medecin, qui venant, treuva qu'en effect il estoit trespassé; et pour faire jugement asseuré des causes d'une mort tant inopinee, s'enquiert de quelle complexion, de quelles mœurs et de quelles humeurs estoit le defunct, et il apprit qu'il estoit d'un naturel tout doux, amiable, devot a merveille et grandement ardent en l'amour de Dieu.

  A005000257 

 Puys, resuscitant avec luy, il va en Emaüs et void tout ce qui se passe entre le Seigneur et les deux disciples; et en fin, revenant sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension, et la, voyant les dernieres marques et vestiges des pieds du divin Sauveur, prosterné sur icelles et les baysant mille et mille fois avec des souspirs d'un amour infini, il commença a retirer a soy toutes les forces de ses affections, comme un archer retire la corde de son arc quand il veut descocher sa fleche; puis se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «O Jesus,» dit il, « mon doux Jesus, je ne sçai plus ou vous chercher et suivre en terre; hé! Jesus, Jesus mon amour, accordes donq a ce cœur qu'il vous suive et s'en aille apres vous la haut.» Et avec ces ardentes paroles il lança quant et quant son ame au Ciel, comme une sacree sagette que, comme divin archer, [47] il tira au blanc de son tres heureux object.

  A005000257 

 Sur quoy: «Sans doute,» dit le medecin, «son cœur s'est donques esclatté d'exces et de ferveur d'amour.» Et affin de mieux affermir son jugement il le voulut ouvrir, et treuva ce brave cœur ouvert, avec ce sacré mot gravé au dedans d'iceluy: «Jesus mon amour!» L'amour donques fit en ce cœur l'office de la mort, separant l'ame du cors sans concurrence d'aucune autre cause: et c'est saint Bernardin de Sienne, autheur fort docte et fort saint, qui fait ce recit au premier de ses sermons de l'Ascension..

  A005000258 

 Certes, un autre autheur presque du mesme aage, qui a celé son nom par humilité, mais qui seroit neanmoins digne d'estre nommé, en un livre qu'il a intitulé Miroüer des spirituelz, raconte une autre histoire encor plus admirable; car il dit qu'es quartiers de Provence, il y avoit un seigneur grandement addonné a l'amour de Dieu et a la devotion du tressaint Sacrement de l'autel.

  A005000258 

 Je voy bien, a la verité, que cette histoire est grandement extraordinaire et qui meriteroit un tesmoignage de plus grand poids; mais apres la tres veritable histoire du cœur fendu de sainte Claire de Montefalco, que tout le monde peut voir encor maintenant, et celle des stigmates de saint François, qui est tres asseuree, mon ame ne treuve rien de malaysé a croire parmi les effectz du divin amour..

  A005000258 

 Or un jour, estant extremement affligé d'une maladie qui luy donnoit des vomissemens continuelz, on luy apporta la divine Communion, laquelle n'osant recevoir a cause du danger qu'il y avoit de la rejetter, il supplia son curé de la luy mettre au moins sur la poitrine et le signer avec icelle du signe de la Croix: ce qui fut fait, et en un moment cette poitrine enflammee du saint amour se fendit, et tira dedans soy [48] le celeste aliment dans lequel estoit le Bienaymé, et a mesme tems expira.

  A005000262 

 Helas, combien de douceur, de charité et de misericorde furent exercees par ce bon Pere nourricier envers le Sauveur lhors qu'il nasquit petit enfant au monde! et qui pourroit donq croire, qu'iceluy sortant de ce monde, ce divin Filz ne luy rendist la pareille au centuple, le comblant de suavités celestes? Les cigoignes sont un vray portrait de la mutuelle pieté des enfans envers les peres et des peres envers les enfans; car, comme ce sont des oyseaux passagers, elles portent leurs peres et meres vieux, en leurs passages, ainsy qu'estant encor petites leurs peres et meres [49] les avoyent portees en mesme occasion.

  A005000262 

 On ne peut quasi pas bonnement douter que le grand saint Joseph ne fust trespassé avant la Passion et Mort du Sauveur, qui, sans cela, n'eust pas recommandé sa Mere a saint Jean.

  A005000262 

 Quand le Sauveur estoit encor petit enfant, le grand Joseph son Pere nourricier, et la tres glorieuse Vierge sa Mere, l'avoyent porté maintefois, et specialement au passage qu'ilz firent de Judee en Egypte et d'Egypte en Judee: hé, qui doutera donq que ce saint Pere, parvenu a la fin de ses jours, n'ayt reciproquement esté porté par son divin Nourrisson au passage de ce monde en l'autre, dans le sein d'Abraham, pour de la le transporter dans le sien, a la gloire, le jour de son Ascension? Un Saint qui avoit tant aymé en sa vie ne pouvoit mourir que d'amour; car son ame ne pouvant a souhait aymer son cher Jesus entre les distractions de cette vie, et ayant achevé le service qui estoit requis au bas aage d'iceluy, que restoit-il sinon qu'il dist au Pere eternel: O Pere, j'ay accompli l'œuvre que vous m'avies donnee en charge; et puis au Filz: O mon Enfant, comme vostre Pere celeste remit vostre cors entre mes mains au jour de vostre venue en ce monde, ainsy en ce jour de mon despart de ce monde je remetz mon esprit entre les vostres..

  A005000263 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient-il de dire au Sauveur: Vous estes mon vray Filz, et je vous ayme comme mon vray Filz? et a qui de toutes les creatures fut il jamais dit par le Sauveur: Vous estes ma vraye Mere et je vous ayme comme ma vraye Mere, vous estes ma vraye Mere toute mienne et je suis vostre vray Filz tout vostre? Si donques un serviteur amant osa bien dire, et le dit en verité, qu'il n'avoit point d'autre vie que celle de son Maistre, helas, combien hardiment et ardemment devoit exclamer cette Mere: Je n'ay point d'autre vie que la vie de mon Filz, ma vie est toute en la sienne, et la sienne toute en la mienne; car ce n'estoit plus union, ains unité de cœur, d'ame et de vie entre cette Mere et ce Filz..

  A005000263 

 Et je dis de Mere unique et d'Enfant unique, parce que tous les autres enfans des hommes partagent la reconnoissance de leur production entre le pere et la mere; mays en celuy cy, comme toute sa naissance humaine dependit de sa seule Mere, laquelle seule contribua, ce qui estoit requis a la vertu du Saint Esprit pour la conception de ce divin Enfant, aussi a elle seule fut deu et rendu tout l'amour qui provient de la.

  A005000263 

 Si les premiers Chrestiens furent ditz n'avoir qu' un cœur et une ame, a cause de leur parfaite mutuelle dilection; si saint Paul ne vivoit plus luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy, a rayson de l'extreme union de son cœur a celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit comme morte en son cœur qu'elle animoit, pour vivre dans le cœur du Sauveur qu'elle aymoit; o [50] vray Dieu, combien est il plus veritable que la sacree Vierge et son Filz n'avoyent qu' une ame, qu' un cœur et qu'une vie, en sorte que cette sacree Mere, vivant ne vivoit pas elle, mais son Filz vivoit en elle! Mere la plus amante et la plus aymee qui pouvoit jamais estre; mays amante et aymee d'un amour incomparablement plus eminent que celuy de tous les ordres des Anges et des hommes, a mesure que les noms de Mere unique et de Filz unique sont aussi des noms au dessus de tous autres noms en matiere d'amour.

  A005000263 

 Telle, comme je pense, fut la mort de ce grand Patriarche, homme choisi pour faire les plus tendres et amoureux offices qui furent ni seront jamais faitz a l'endroit du Filz de Dieu, apres ceux qui furent pratiqués par sa celeste Espouse, vraye Mere naturelle de ce mesme Filz; de laquelle il est impossible d'imaginer qu'elle soit morte d'autre sorte de mort que de celle d'amour: mort la plus noble de toutes, et deue par consequent a la plus noble vie qui fut onques entre les creatures, mort de laquelle les Anges mesmes desireroyent de mourir s'ilz estoyent capables de mort.

  A005000265 

 Mays la douce Mere, qui aymoit plus que tous, fut plus que tous outrepercee du glaive de douleur: la douleur du Filz fut alhors une espee tranchante qui passa au travers du cœur de la Mere, d'autant que ce cœur de mere estoit collé, joint et uni a son Filz d'une union si parfaite, que rien ne pouvoit blesser l'un qu'il ne navrast aussi vivement l'autre.

  A005000265 

 Or cette poitrine maternelle estant ainsy blessee d'amour, non seulement ne chercha pas la guerison de sa blesseure, mays ayma sa blesseure plus que toute guerison, gardant cherement les traitz de douleur qu'elle avoit receu, a cause de l'amour qui les avoit descochés dans son cœur, et desirant continuellement [52] d'en mourir, puisque son Filz en estoit mort, qui, comme dit toute l'Escriture Sainte et tous les docteurs, mourut entre les flammes de la charité, holocauste parfait pour tous les pechés du monde..

  A005000265 

 Plusieurs amans sacrés furent presens a la mort du Sauveur; entre lesquelz, ceux qui eurent le plus d'amour eurent le plus de douleur, car l'amour alhors estoit tout detrempé en la douleur et la douleur en l'amour, et tous ceux qui pour leur Sauveur estoyent passionnés d'amour furent amoureux de sa Passion et douleur.

  A005000270 

 Ainsy, pour l'ordinaire, les Saintz qui moururent d'amour sentirent une grande varieté d'accidens et symptomes de dilection, avant que d'en venir au trespas; force eslans, force assautz, force extases, force langueurs, force agonies, et sembloit que leur amour enfantast par effort et a plusieurs reprises leur bienheureuse mort: ce qui se fit a cause de la debilité de leur amour, non encores absolument parfait, qui ne pouvoit pas continuer sa dilection avec une egale fermeté.

  A005000270 

 Les estoiles sont merveilleusement belles a voir et jettent des clartés aggreables, mais si vous y aves pris garde, c'est par brillemens, estincellemens et eslans qu'elles produisent leurs rayons, comme si elles enfantoyent la lumiere avec effort, a diverses reprises; soit que leur clarté estant foible ne puisse pas agir si continuellement avec egalité, soit que nos yeux imbecilles ne fassent pas leur veüe constante et ferme a cause de la grande distance qui est entr'eux et ces astres.

  A005000271 

 Car, comme l'on void les grans fleuves faire des bouillons et rejaillissemens avec grand bruit es endroitz raboteux, esquelz les rochers font des bancs et escueilz qui s'opposent et empeschent l'escoulement des eaux, ou au contraire, se treuvans en la plaine ilz coulent et flottent doucement, sans effort; de mesme le divin amour treuvant es ames humaines plusieurs empeschemens et resistances, comme a la verité toutes en ont, quoy que differemment, il y fait des violences, combattant les mauvaises inclinations, frappant le cœur, poussant la volonté par diverses agitations et differens effortz, affin de se faire faire place ou du moins outrepasser ces obstacles.

  A005000271 

 Mays ce fut tout autre chose en la tressainte Vierge, car, comme nous voyons croistre la belle aube du jour, non a diverses reprises et par secousses, ains par une certaine dilatation et croissance continue qui est presqu'insensiblement sensible, en sorte que vrayement on la void croistre en clarté, mais si egalement que nul n'apperçoit aucune interruption, separation ou discontinuation de ses accroissemens, ainsy le divin amour croissoit a chasque moment dans le cœur virginal de nostre glorieuse Dame, mais par des croissances douces, paisibles et continues, sans agitation, ni secousse, ni violence quelcomque.

  A005000273 

 Ainsy la glorieuse Vierge ayant eu part a toutes les miseres du genre humain, exceptees celles qui tendent immediatement au peché, elle les employa tres utilement pour l'exercice et accroissement [55] des saintes vertus de force, temperance, justice et prudence, pauvreté, humilité, souffrance, compassion: de sorte qu'elles ne donnoyent aucun empeschement, ains beaucoup d'occasions a l'amour celeste de se renforcer par des continuelz exercices et avancemens; et, chez elle, Magdeleyne ne se divertit point de l'attention avec laquelle elle reçoit les impressions amoureuses du Sauveur, pour toute l'ardeur et sollicitude que Marthe peut avoir: elle a choisi l'amour de son Filz, et rien ne le luy oste..

  A005000273 

 Les espines, selon l'opinion vulgaire, sont non seulement differentes mais aussi contraires aux fleurs, et semble que s'il n'y en avoit point au monde la chose en iroit mieux; qui a fait penser a saint Ambroise que sans le peché il n'en seroit point: mais toutefois, puisqu'il y en a, le bon laboureur les rend utiles et en fait des hayes et clostures autour des chams et jeunes arbres, ausquelz elles servent de defenses et rempars contre les animaux.

  A005000274 

 Et c'est pourquoy, comme le fer s'il estoit quitte de tous empeschemens et mesme de sa pesanteur, seroit attiré fortement, mais doucement et d'une attraction egale, par l'aymant, en sorte neanmoins que l'attraction serait tous-jours plus active et plus forte a mesure que l'un seroit plus pres de l'autre et que le mouvement seroit [56] proche de sa fin, ainsy la tressainte Mere n'ayant rien en soy qui empeschast l'operation du divin amour de son Filz, elle s'unissoit avec iceluy d'une union incomparable, par des extases douces, paysibles et sans effort; extases esquelles la partie sensible ne laissoit pas de faire ses actions, sans donner pour cela aucune incommodité a l'union de l'esprit, comme reciproquement la parfaite application de son esprit ne donnoit pas fort grand divertissement aux sens.

  A005000274 

 Nostre cœur est fait pour Dieu, qui l'alleche continuellement et ne cesse de jetter en luy les attraitz de son celeste amour; mais cinq choses empeschent la sainte attraction d'operer: 1.

  A005000274 

 l'amour propre, avec la multitude des passions desreglees qu'il produit et qui sont en nous un pesant fardeau lequel nous accable.

  A005000274 

 le peché, qui nous esloigne de Dieu; 2.

  A005000282 

 Comme la bonne terre ayant receu le grain le rend en sa saison au centuple, ainsy le cœur qui a pris de la complaysance en Dieu ne se peut empescher de vouloir reciproquement donner a Dieu une autre complaysance.

  A005000282 

 L'Escriture appelle pour cela effeminés les hommes qui ayment esperdument les femmes pour leur sexe, parce que l'amour les transforme d'hommes en femmes, quant aux mœurs et humeurs..

  A005000282 

 Le veritable amour n'est jamais ingrat, il tasche de complaire a ceux esquelz il se complait; et de la vient la conformité des amans, qui nous fait estre [59] telz que ce que nous aymons.

  A005000282 

 Le vin frais rafraichit pour un tems ceux qui le boivent; mais soudain qu'il a esté eschauffé par l'estomach dans lequel il entre, il l'eschauffe reciproquement, et plus l'estomach luy donne de chaleur, plus il luy en rend.

  A005000282 

 Nul ne nous plaist a qui nous ne desirions de plaire.

  A005000283 

 Celuy qui, attiré de la suavité des parfums, entre en la boutique d'un parfumier, en recevant le playsir qu'il prend a sentir ces odeurs il se parfume soy mesme, et au sortir de la il donne part aux autres du playsir qu'il a receu, respandant entr'eux la senteur des parfums qu'il a contractee: avec le playsir que nostre cœur prend en la chose aymee il tire a soy les qualités d'icelle, car la delectation ouvre le cœur comme la tristesse le resserre; dont l'Escriture sacree use souvent du mot de dilater, en lieu de celuy de res-jouir..

  A005000283 

 On dit qu'il y a es Indes un petit animal terrestre qui se plaist tant avec les poissons et dans la mer, qu'a force de venir souvent nager avec eux en fin il devient poisson, et d'animal terrestre il est rendu tout a fait animal marin.

  A005000283 

 Or cette transformation se fait insensiblement par la complaysance, laquelle estant entree en nos cœurs en engendre une autre, pour donner a celuy de qui nous l'avons receüe.

  A005000284 

 En somme, le playsir que l'on a en la chose est un certain fourrier qui fourre dans le cœur amant les qualités de la chose qui plaist; et pour cela la sacree complaysance nous transforme en Dieu que nous aymons, et a mesure qu'elle est grande la transformation est plus parfaite: ainsy les Saintz, qui ont grandement aymé, ont esté fort vistement et parfaitement transformés, l'amour transportant et transmettant les mœurs et humeurs de l'un des cœurs en l'autre..

  A005000284 

 Or, le cœur se treuvant ouvert par le playsir, les impressions des qualités desquelles le playsir depend entrent aysement en l'esprit; et, avec elles, les autres encores qui sont au mesme sujet, bien qu'elles nous desplaysent, ne laissent pas d'entrer en nous parmi la presse du playsir, comme celuy qui sans robbe [60] nuptiale entra au festin parmi ceux qui estoyent parés.

  A005000285 

 L'amour est un magistrat qui exerce sa puissance sans bruit, sans prevostz ni sergens, par cette mutuelle complaysance [61] par laquelle, comme nous nous plaisons en Dieu, nous desirons aussi reciproquement de luy plaire..

  A005000285 

 Nous avons repugnance d'imiter ceux que nous haïssons, es choses mesmes qui sont bonnes; et les Lacedemoniens ne voulurent pas suivre le bon conseil d'un meschant homme, sinon apres qu'un homme de bien l'auroit prononcé; au contraire, on ne peut s'empescher de se conformer a ce qu'on ayme.

  A005000286 

 L'amour est l'abbregé de toute la theologie, qui rendit tres saintement docte l'ignorance des Paulz, des Anthoines, des Hilarions, des Simeons, des François, sans livres, sans precepteurs, sans art. En vertu de cet amour la bienaymee peut dire en asseurance: Mon Bienaymé est tout mien par la complaysance, de laquelle il me plait et me paist, et moy je suis toute a luy par la bienveuillance, de laquelle je luy plais et le repais; mon cœur se paist de se plaire en luy, et le sien se paist dequoy je luy plais pour luy: tout ainsy qu'un sacré berger, il me paist comme sa chere brebis entre les lis de ses perfections, esquelles je me plais; et pour moy, comme sa chere brebis, je le pais du lait de mes affections, par lesquelles je luy veux plaire.

  A005000291 

 L'amour [62] de complaysance tire Dieu dedans nos cœurs, mais l'amour de bienveuillance jette nos cœurs en Dieu, et par consequent toutes nos actions et affections, les luy dediant et consacrant tres amoureusement; car la bienveuillance desire a Dieu tout l'honneur, toute la gloire et toute la reconnoissance qu'il est possible de luy rendre, comme un certain bien exterieur qui est deu a sa bonté..

  A005000292 

 Or ce desir se prattique, selon la complaysance que nous avons en Dieu, en la façon qui s'ensuit.

  A005000293 

 Mais notés, Theotime, que je ne traitte pas ici de l'obeissance qui est deüe a Dieu parce qu'il est nostre Seigneur et Maistre, nostre Pere et Bienfacteur; car cette sorte d'obeissance appartient a la vertu de justice et non pas a l'amour.

  A005000293 

 Non, ce n'est pas cela dont je parle a present; car encor qu'il n'y eust ni enfer pour punir les rebelles, ni Paradis pour recompenser les bons, et que nous n'eussions nulle sorte d'obligation ni de devoir a Dieu (et ceci soit dit par imagination de chose impossible et qui n'est presque pas imaginable), si est ce toutefois, que l'amour de bienveuillance nous porteroit a rendre toute obeissance [63] et sousmission a Dieu par election et inclination, voire mesme par une douce violence amoureuse, en consideration de la souveraine bonté, justice et droiture de sa divine volonté.

  A005000293 

 Voyons-nous pas, Theotime, qu'une fille, par une libre election qui procede de l'amour de bienveuillance, s'assujettit a un espoux, auquel, d'ailleurs, elle n'avoit aucun devoir? ou qu'un gentilhomme se sousmet au service d'un prince estranger, ou bien jette sa volonté es mains du superieur de quelqu'Ordre de Religion auquel il se rangera?.

  A005000294 

 Et en ce point consiste la tres profonde obeissance d'amour, laquelle n'a pas besoin d'estre excitee par menasses ou recompenses, ni par aucune loy ou par quelque commandement; car elle previent tout cela, se sousmettant a Dieu pour la seule tres parfaite bonté qui est en luy, a rayson de laquelle il merite que toute volonté luy soit obeissante, sujette et sousmise, se conformant et unissant a jamais en tout et par tout a ses intentions divines..

  A005000298 

 D'autres fois nous considerons la volonté de Dieu en ses effectz particuliers, comme es evenemens qui nous touchent et es occurrences qui nous arrivent, et finalement en la declairation et manifestation de ses intentions.

  A005000299 

 Quand donques nous resistons, Dieu ne contribue rien a nostre desobeissance, ains, laissant nostre volonté en la main de son franc arbitre, il permet qu'elle choisisse le mal; mais quand nous obeissons, Dieu contribue son secours, son inspiration et sa grace: car la permission est une action de la volonté qui de soy mesme est brehaigne, sterile, infeconde, et, par maniere de dire, c'est une action passive qui ne fait rien, ains laisse faire; au contraire, le desir est une [65] action active, feconde, fertile, qui excite, semond et presse.

  A005000300 

 Et toutefois, ce desir est un vray desir; car, comme peut on exprimer plus naifvement le desir que l'on a qu'un ami face bonne chere, que de preparer un bon et excellent festin, comme fit ce roy de la parabole evangelique, puis l'inviter, presser et presque contraindre, par prieres, exhortations et poursuites, de venir, de s'asseoir a table et de manger? Certes, celuy qui a vive force ouvriroit la bouche a un ami, luy fourreroit la viande dans le gosier et la luy feroit avaler, il ne luy donneroit pas un festin de courtoisie, mais le traitteroit en beste et comme un chappon qu'on veut engraisser.

  A005000300 

 Or c'en est de mesme de la volonté signifiee de Dieu, car par icelle Dieu desire d'un vray desir que nous facions ce qu'il declaire, et a cette occasion il nous fournit tout ce qui est requis, nous exhortant et pressant de l'employer: en ce genre de faveur on ne peut rien desirer de plus.

  A005000301 

 A quoy tendent les protestations que si souvent nous en faysons es saintes ceremonies ecclesiastiques: car pour cela nous demeurons debout tandis qu'on lit les leçons de l'Evangile, comme prestz d'obeir a la sainte signification de la volonté de Dieu que l'Evangile contient; pour cela nous baysons le livre a l'endroit de l'Evangile, comme adorans la sainte Parole qui declaire la volonté celeste.

  A005000301 

 En suite dequoy, es anciens Conciles on mettoit au milieu de toute l'assemblee des Evesques un grand throsne, et sur iceluy le livre des saintz Evangiles qui representoit la personne du Sauveur, Roy, Docteur, Directeur, Esprit et unique Cœur des Conciles et de toute l'Eglise; tant on honnoroit la signification de la volonté de Dieu exprimee en ce divin Livre.

  A005000306 

 Or, bien que tous ne se sauvent pas, cette volonté neanmoins ne laisse pas d'estre une vraye volonté de Dieu, qui agit en nous selon la condition de sa nature et de la nostre: car sa bonté le porte a nous communiquer liberalement les secours de sa grace, affin que nous parvenions au bonheur de sa gloire; mais nostre nature requiert que sa liberalité nous laisse en liberté de nous en prevaloir pour nous sauver, ou de les mespriser pour nous perdre..

  A005000316 

 Or, l'amour de complaysance, regardant ce desir divin, veut complaire a Dieu en l'observant; l'amour de bienveuillance, qui veut tout sousmettre a Dieu, sousmet par conseequent nos desirs et nos volontés a celle ci que Dieu nous a signifiee: et de la provient non seulement l'observation, mais aussi l'amour des commandemens, que David exalte d'un stile extraordinaire au Psalme cent et dix huitiesme, qu'il semble n'avoir fait que pour ce sujet:.

  A005000323 

 Mais pour exciter ce saint et salutaire amour des commandemens, nous devons contempler leur beauté, laquelle est admirable; car, comme il y a des œuvres [71] qui sont mauvaises parce qu'elles sont defendues, et des autres qui sont defendues parce qu'elles sont mauvaises, aussi y en a-il qui sont bonnes parce qu'elles sont commandees, et des autres qui sont commandees parce qu'elles sont bonnes et tres utiles: de sorte que toutes sont tres bonnes et tres aymables, parce que le commandement donne la bonté aux unes qui n'en auroyent point autrement, et donne un surcroist de bonté aux autres qui, sans estre commandees, ne laisseroyent pas d'estre bonnes.

  A005000324 

 Ains, comme il y a des personnes qui, pour aggreable que soit un medicament, ont du contrecœur a le prendre, seulement parce qu'il porte le nom de medicament, aussi y a-il des ames qui ont en horreur les actions commandees, seulement parce qu'elles sont commandees; et s'est treuvé tel homme, ce dit on, qui ayant doucement vescu dans la grande ville de Paris l'espace de quatre vingtz ans sans en sortir, soudain qu'on luy eut enjoint de par le Roy d'y demeurer encor le reste de ses jours, il alla dehors voir les chams, que de sa vie il n'avoit desiré..

  A005000325 

 Au contraire, comme une branche d' agnus castus empesche de lassitude le voyageur qui la porte, aussi la croix, la mortification, le joug, la loy du Sauveur, qui est le vray Aigneau chaste, est une charge qui delasse, qui soulage et recree les cœurs qui ayment sa divine Majesté.

  A005000325 

 Et comme le pelerin qui va gayement chantant en son voyage adjouste voirement la peyne du chant a celle du marcher, et neanmoins, en effect, par ce surcroist de peyne il se desennuye et allege du travail du chemin, aussi l'amant sacré treuve tant de suavité aux commandemens, que rien ne luy donne tant d'haleyne et de soulagement en cette vie mortelle que la gracieuse charge des preceptes de son Dieu; dont le saint Psalmiste s'escrie: O Seigneur, vos justifications ou commandemens me sont des douces chansons en ce lieu de mon pelerinage.

  A005000325 

 On dit que les muletz et chevaux chargés de figues succombent incontinent au faix et perdent toute leur force: plus douce que les figues est la loy du Seigneur; mais l'homme brutal, qui s'est rendu comme le cheval et mulet, esquelz il n'y a point d'entendement, perd le courage et ne peut treuver des forces pour porter cet amiable faix.

  A005000325 

 «On n'a point de travail en ce qui est aymé, ou s'il y a du travail c'est un travail bienaymé;» le travail meslé du saint amour est un certain aigre-doux, plus aggreable au goust qu'une pure douceur..

  A005000330 

 C'est pourquoy l'amour de complaysance, qui nous oblige de plaire au Bienaymé, nous porte par consequent a la suite de ses conseilz; et l'amour de bienveuillance, qui veut que toutes les volontés et affections luy soyent sousmises, fait que nous voulons non seulement ce qu'il ordonne, mais ce qu'il conseille et a quoy il exhorte: ainsy que l'amour et respect qu'un enfant fidele porte a son bon pere le fait resoudre de vivre non seulement selon les commandemens qu'il impose, mais encor selon les desirs et inclinations qu'il manifeste..

  A005000330 

 Il y a difference entre commander et recommander: quand on commande on use d'authorité pour obliger, quand on recommande on use d'amitié pour induire et provoquer; le commandement impose necessité, le conseil et recommandation nous incite a ce qui est de plus grande utilité; au commandement correspond l'obeissance, et la creance au conseil; on suit le conseil affin de plaire, et le commandement pour ne pas desplaire.

  A005000330 

 Le commandement tesmoigne une volonté fort entiere et pressante de celuy qui ordonne, mais le conseil ne nous represente qu'une volonté de souhait; le commandement nous oblige, le conseil nous incite seulement; le commandement rend coulpables les transgresseurs, le conseil rend seulement moins louables ceux qui ne le suivent pas; les violateurs des commandemens meritent d'estre damnés, ceux qui negligent les conseilz meritent seulement d'estre moins glorifiés.

  A005000331 

 Et Dieu ne veut pas qu'un chacun observe tous les conseilz, ains seulement ceux qui sont convenables, selon la diversité des personnes, des tems, des occasions et des forces, ainsy que la charité le requiert; car c'est elle qui, comme reyne de toutes les vertus, de tous les commandemens, de tous les conseilz et en somme de toutes les lois et de toutes les actions chrestiennes, leur donne a tous et a toutes le rang, l'ordre, le tems et la valeur..

  A005000331 

 Le conseil se donne voirement en faveur de celuy [74] qu'on conseille, affin qu'il soit parfait: Si tu veux estre parfait, dit le Sauveur, va, vens tout ce que tu as et le donne aux pauvres, et me suis; mais le cœur amoureux ne reçoit pas le conseil pour son utilité, ains pour se conformer au desir de Celuy qui conseille, et rendre l'hommage qui est deu a sa volonté: et partant, il ne reçoit les conseilz sinon ainsy que Dieu le veut.

  A005000332 

 As-tu une santé foible, inconstante, qui a besoin de grand support? ne te charge pas donq volontairement de la pauvreté effectuelle, car la charité te le defend.

  A005000332 

 Non seulement la charité ne permet pas aux peres de famille de tout vendre pour donner aux pauvres, mais leur ordonne d'assembler honnestement ce qui est requis pour l'education et sustentation de la femme, des enfans et serviteurs; comme aussi aux rois et princes d'avoir des tresors qui, provenus d'une juste espargne et non de tyranniques inventions, servent comme de salutaires [75] preservatifs contre les ennemis visibles.

  A005000332 

 Tu es un prince, par la posterité duquel les sujetz de la couronne qui t'appartient doivent estre conservés en paix et asseurés contre la tyrannie, sedition et guerre civile; l'occasion donq d'un si grand bien t'oblige de produire en un saint mariage des legitimes successeurs: ce n'est pas perdre la chasteté, ou au moins c'est la perdre chastement, que de la sacrifier au bien public en faveur de la charité.

  A005000333 

 Il y a des circonstances qui les rendent quelquefois impossibles, quelquefois inutiles, quelquefois perilleux, quelquefois nuisibles a quelques uns, qui est une des intentions pour lesquelles Nostre Seigneur dit de l'un d'iceux ce qu'il veut estre entendu de tous: Qui peut le prendre, si le prenne; comme s'il disoit, ainsy que saint Hierosme expose: Qui peut gaigner et emporter l'honneur de la chasteté «comme un prix» de reputation, qu'il le prenne, car il est exposé a ceux qui courront vaillamment.

  A005000334 

 Que si la charité fait sortir des cloistres ceux qui par vœu solemnel s'y estoyent attachés, a plus forte rayson, et pour moindre sujet, on peut, par l'authorité de cette mesme charité, conseiller a plusieurs de demeurer chez eux, garder leurs moyens, se marier, voire de prendre les armes et aller a la guerre, qui est une profession si dangereuse..

  A005000335 

 En somme, c'est une eau sacree par laquelle le jardin de l'Eglise est fecondé, et bien qu'elle n'ait qu'une couleur sans couleur, les fleurs neanmoins qu'elle fait croistre ne laissent pas d'avoir une chacune sa couleur differente: elle fait des Martyrs plus vermeilz que la rose, des Vierges plus blanches que le lys; aux uns elle donne le fin violet de la mortification, aux autres le jaune des soucis du mariage, employant diversement les conseilz pour la perfection des ames qui sont si heureuses que de vivre sous sa conduite..

  A005000339 

 Certes, ce grand Roy, qui avoit son cœur fait selon le cœur de Dieu, savouroit si fort la parfaite excellence des ordonnances divines, qu'il semble que ce soit un amoureux espris de la beauté de cette loy comme de la chaste espouse et reyne de son cœur; ainsy qu'il appert par les continuelles louanges qu'il luy donne..

  A005000339 

 O Theotime, que cette volonté divine est aymable! o qu'elle est amiable et desirable! o loy toute d'amour et toute pour l'amour! Les Hebrieux par le mot de paix entendent l'assemblage et comble de tous biens, [77] c'est a dire la felicité; et le Psalmiste s'escrie: Qu'une paix plantureuse abonde a ceux qui ayment la loy de Dieu et que nul choppement ne leur arrive! comme s'il vouloit dire: O Seigneur, que de suavité en l'amour de vos sacrés commandemens! toute douceur delicieuse saisit le cœur qui est saisi de la dilection de vostre loy.

  A005000340 

 Ainsy l'ame qui ayme Dieu est tellement transformee en la volonté divine, qu'elle merite plustost d'estre nommee volonté de Dieu, qu'obeissante ou sujette a la volonté divine: dont Dieu dit par Isaïe qu'il appellera l'Eglise chrestienne d'un nom nouveau que la bouche du Seigneur nommera, marquera et gravera dans le cœur de ses fideles.

  A005000340 

 Ce qui fut parfaitement verifié en la [78] primitive Eglise, lhors que, comme dit le glorieux saint Luc, en la multitude des croyans il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; car il n'entend pas parler du cœur qui fait vivre nos cors, ni de l'ame qui anime les cœurs d'une vie humaine, mais il parle du cœur qui donne la vie celeste a nos ames, et de l'ame qui anime nos cœurs de la vie surnaturelle: cœur et ame tres unique des vrays Chrestiens, qui n'est autre chose que la volonté de Dieu.

  A005000340 

 Helas, nous sommes en ce monde, non point pour faire nos volontés, mais celles de vostre bonté qui nous y a mis.

  A005000340 

 Il fut escrit de vous, o Sauveur de mon ame, que vous fissies la volonté de vostre Pere eternel; et par le premier vouloir humain de vostre ame, a l'instant de vostre conception, vous embrassastes amoureusement cette loy de la volonté divine et la mistes au milieu de vostre cœur pour y regner et dominer eternellement: hé, qui fera la grace a mon ame qu'elle n'ait point de volonté que la volonté de son Dieu!.

  A005000340 

 Puis, expliquant ce nom, il dit que ce sera: ma volonté en icelle; comme s'il disoit qu'entre ceux qui ne sont pas Chrestiens un chacun a sa volonté propre au milieu de son cœur, mays parmi les vrays enfans du Sauveur chacun quittera sa volonté, et n'y aura plus qu'une volonté maistresse, regente et universelle qui animera, gouvernera et dressera toutes les ames, tous les cœurs et toutes les volontés; et le nom d'honneur des Chrestiens ne sera autre chose sinon: la volonté de Dieu en eux; volonté qui regnera sur toutes les volontés et les transformera toutes en soy, de sorte que les volontés des Chrestiens et la volonté de Nostre Seigneur ne soyent plus qu'une seule volonté.

  A005000341 

 O combien excellente est l'observation de la defense des injustes voluptés, en celuy qui a mesme renoncé aux plus justes et legitimes delices! O combien celuy la est esloigné de convoiter le bien d'autruy, qui rejette toutes richesses et celles mesme que saintement il pourroit garder! Que celuy est bien esloigné de vouloir preferer sa volonté a celle de Dieu, qui pour faire la volonté de Dieu s'assujettit a celle d'un homme!.

  A005000341 

 Or, quand nostre amour est extreme a l'endroit de la volonté de Dieu, nous ne nous contentons pas de faire seulement la volonté divine qui nous est signifiee es [79] commandemens, mais nous nous rangeons encor a l'obeissance des conseilz, lesquelz ne nous sont donnés que pour plus parfaitement observer les commandemens, auxquelz aussi ilz se rapportent, ainsy que dit excellemment saint Thomas.

  A005000342 

 David estoit un jour en son preside, et la garnison des Philistins en Bethleem; or il fit un souhait disant: O si quelqu'un me donnoit a boire de l'eau de la cisterne qui est a la porte de Bethleem! Et voyla qu'il n'eut pas plus tost dit le mot, que trois vaillans chevaliers partent de la, main et teste baissee, traversent l'armee ennemie, vont a la cisterne de Bethleem, puisent de l'eau et l'apportent a David; lequel, voyant le hazard auquel ces gentilzhommes s'estoyent mis pour contenter son appetit, ne voulut point boire cette eau conquise au peril de leur sang et de leur vie, ains la respandit en oblation au Dieu eternel.

  A005000342 

 Le Sauveur, estant en ce monde, declara sa volonté en plusieurs choses par maniere de commandement, et en plusieurs autres il la signifia seulement par maniere de souhait: car il loua fort la chasteté, la pauvreté, l'obeissance et resignation parfaite, l'abnegation de la propre volonté, [80] la viduité, le jeusne, la priere ordinaire; et ce qu'il dit de la chasteté, que qui en pourroit emporter le prix qu'il le prinst, il l'a asses dit de tous les autres conseilz.

  A005000343 

 Certes, ainsy que tesmoigne le divin Psalmiste, Dieu n'exauce pas seulement l'orayson de ses fideles, ains il exauce mesme encor le seul desir d'iceux, et la seule preparation qu'ilz font en leurs cœurs pour prier, tant il est favorable et propice a faire la volonté de ceux qui l'ayment.

  A005000347 

 Dieu, au commencement du monde, commanda a la terre de germer l'herbe verdoyante faisant sa semence, et tout arbre fruitier faisant son fruit, un chacun selon son espece, qui eust aussi sa semence en soy mesme: et ne voyons nous pas par experience que les plantes et fruitz n'ont pas leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pepins, qui leur servent de geniture pour la production de plantes et d'arbres de pareille sorte? Jamais nos vertus n'ont leur juste stature et suffisance qu'elles ne produisent en nous des desirs de faire progres, qui, comme semences spirituelles, servent en la production de nouveaux degrés de vertus; et me semble que la terre de nostre cœur a commandement de germer les plantes des vertus qui portent les fruitz des saintes œuvres, une chacune selon son genre, et qui ayt les semences des desirs et desseins de tous-jours multiplier et avancer en perfection: et la vertu qui n'a point la graine ou le pepin de ces desirs, elle n'est pas en la suffisance et maturité.

  A005000347 

 Et quoy donq? tu ne veux estre ni pire ni meilleur? Helas, pauvre homme, tu veux estre ce qui ne peut estre.

  A005000347 

 Les paroles par lesquelles Nostre Seigneur nous exhorte de tendre et pretendre a la perfection sont si fortes et pressantes, que nous ne sçaurions dissimuler l'obligation que nous avons de nous engager a ce dessein: Soyes saintz, dit-il, parce que je suis saint; Qui est saint, qu'il soit encor davantage [81] sanctifié, et qui est juste, qu'il soit encor plus justifié; Soyes parfaitz ainsy que vostre Pere celeste est parfait.

  A005000347 

 Pour cela le grand saint Bernard escrivant au glorieux saint Guarin, abbé d'Aux, duquel la vie et les miracles ont tant rendu de bonne odeur en ce Diocese: «L'homme juste,» dit il, «ne dit jamais c'est asses, il a tous-jours faim et soif de la justice.» Certes, Theotime, quant aux biens temporelz, rien ne suffit a celuy auquel ce qui suffit ne suffit pas; car, qu'est ce qui peut suffire a un cœur auquel la suffisance n'est pas suffisante? Mais quant aux biens spirituelz, celuy n'en a pas ce qui luy suffit auquel il suffit d'avoir ce qui luy suffit, et la suffisance n'est pas suffisante, parce que la vraye suffisance es choses divines consiste en partie au desir de l'affluence.

  A005000348 

 C'est une heresie de dire que Nostre Seigneur ne nous a pas bien conseillés, et un blaspheme de dire a Dieu: Retire toy de nous, nous ne voulons point la science de tes voyes; mais c'est une irreverence horrible contre Celuy qui avec tant d'amour et de suavité nous invite a la perfection, de dire: je ne veux pas estre saint, ni parfait, ni avoir plus de part en vostre bienveuillance, ni suivre les conseilz que vous me donnés pour faire progres en icelle..

  A005000349 

 Et c'en est de mesme des conseilz de l'Eglise, laquelle, a rayson de la continuelle assistance du Saint Esprit qui l'enseigne et conduit en toute verité, ne peut jamais donner des mauvais advis..

  A005000349 

 On peut bien sans pecher ne suivre pas les conseilz pour l'affection que l'on a ailleurs: comme, par exemple, on peut bien ne vendre pas ce que l'on a et ne le donner pas aux pauvres, parce qu'on n'a pas le courage de faire un si grand renoncement; on peut bien aussi se marier, parce qu'on ayme une femme, ou qu'on n'a pas asses de force en l'ame pour entreprendre la guerre qu'il faut faire a la chair: mais de faire profession de ne vouloir point suivre les conseilz, ni aucun d'iceux, cela ne se peut faire sans mespris de Celuy qui les donne.

  A005000349 

 Or, quant aux hommes, on peut souvent mespriser leur conseil et ne mespriser pas ceux qui le donnent, parce que ce n'est pas mespriser un homme d'estimer qu'il ait erré: mais quant a Dieu, rejetter son conseil et le mespriser, cela ne peut provenir que de l'estime que l'on fait qu'il n'a pas bien conseillé; ce qui ne peut estre pensé que par esprit de blaspheme, comme si Dieu n'estoit pas asses sage pour sçavoir, ou asses bon pour vouloir bien conseiller.

  A005000354 

 Res-jouissons nous, Theotime, quand nous verrons des personnes entreprendre la suite des conseilz que nous ne pouvons ou ne devons pas observer; prions pour eux, benissons-les, favorisons-les et les aydons, car la charité nous oblige de n'aymer pas seulement ce qui est bon pour nous, mais d'aymer encor ce qui est bon pour le prochain..

  A005000355 

 Nous tesmoignerons asses d'aymer tous les conseilz quand nous observerons devotement ceux qui nous seront convenables; car tout ainsy que celuy qui croid un article de foy d'autant que Dieu l'a revelé par sa parole, annoncee et declairee par l'Eglise, ne sçauroit mescroire les autres, et celuy qui observe un commandement pour le vray amour de Dieu est tout prest d'observer les autres quand l'occasion s'en presentera, de mesme celuy qui ayme et estime un conseil evangelique parce que Dieu l'a donné, il ne peut qu'il n'estime consecutivement tous les autres, puisqu'ilz sont aussi de Dieu.

  A005000356 

 Qui ne peut faire le tout, qu'il face quelque partie.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé de faire aucun vœu; mais faites en pourtant quelques uns qui seront jugés propres par vostre pere spirituel, pour vostre avancement en l'amour divin.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé de rechercher celuy qui vous a offencé, car c'est a luy de revenir a soy et venir a vous pour vous donner satisfaction, puisqu'il vous a prevenu par injure et outrage; mays alles neanmoins, Theotime, faites ce que le Sauveur vous conseille, prevenes-le au bien, rendes-luy bien pour mal, jettes sur sa teste et sur son cœur un brasier ardent de tesmoignages de charité, qui le brusle tout et le force de vous aymer.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé par la rigueur de la loy de donner a tous les pauvres que vous rencontres, ains seulement a ceux qui en ont un tres grand besoin; mays ne laisses pas pour cela, suivant le conseil du Sauveur, de donner volontier a tous les indigens que vous treuveres, autant que vostre condition et les veritables necessités de vos affaires le permettront.

  A005000357 

 En quoy excella ce grand saint Bernard de Menthon, originaire de ce Diocese, lequel estant issu d'une mayson fort illustre, habita plusieurs annees entre les jougs et cimes de nos Alpes, y assembla plusieurs compaignons pour attendre, loger, secourir, deslivrer des dangers de la tourmente les voyageurs et passans, qui mourroyent souvent entre les orages, les neiges et froidures, sans les hospitaux que ce grand ami de Dieu establit et fonda es deux montz qui pour cela sont appellés de son nom, Grand Saint Bernard, au Diocese de Sion, et Petit Saint Bernard en celuy de Tarentaise.

  A005000357 

 Visiter les malades qui ne sont pas en extreme necessité, c'est une louable charité; les servir, est encor meilleur; mais se dedier a leur service, c'est l'excellence de ce conseil, que les Clercs de la Visitation des infirmes exercent par leur propre Institut, et plusieurs dames en divers lieux: a l'imitation de ce grand saint Sanson, gentilhomme et medecin romain, qui, en la ville de Constantinople ou il fut fait prestre, se dedia tout a fait, avec une admirable charité, au service des malades en un hospital qu'il y commença et que l'empereur Justinien esleva et paracheva; a l'imitation des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, de sainte Elizabeth de Hongrie et des glorieux amis de Dieu, saint François et le bienheureux Ignace de Loyola, qui, au commencement de leurs Ordres, firent cet exercice avec une ardeur et utilité spirituelle incomparable..

  A005000358 

 Le bienheureux portier de la prison de Sebaste, voyant l'un des quarante qui estoyent lhors martyrisés perdre le courage et la couronne du martyre, se mit en sa place sans que personne le poursuivit, et fut ainsy le quarantiesme de ces glorieux et triomphans soldatz de Nostre Seigneur.

  A005000358 

 Mays quand il est force d'endurer le martyre ou renoncer a la foy, le martyre ne laisse pas d'estre martyre et un excellent acte d'amour et de force; neanmoins je ne sçay s'il le faut nommer acte heroïque, n'estant pas choisi par aucun exces d'amour, ains par la necessité de la loy qui en ce cas le commande.

  A005000358 

 Or, en la prattique des actes heroïques de la vertu consiste la parfaite imitation du Sauveur, qui, comme dit le grand saint Thomas, eut des l'instant de sa conception toutes les vertus en un degré heroïque; et certes, je dirois volontier plus qu'heroïque, puisqu'il n'estoit pas simplement plus qu'homme, mais infiniment plus qu'homme, c'est a dire vray Dieu.

  A005000358 

 Que si en quelqu'occasion nous nous treuvons obligés de les exercer, cela arrive pour des occurrences rares et extraordinaires, qui les rendent necessaires a la conservation de la grace de Dieu.

  A005000362 

 Dieu ayant formé le cors humain du limon de la terre, ainsy que dit Moyse, il inspira en iceluy la respiration de vie, et il fut fait en ame vivante, c'est a dire en ame qui donnoit [89] vie, mouvement et operation au cors; et ce mesme Dieu eternel souffle et pousse les inspirations de la vie surnaturelle en nos ames, affin que, comme dit le grand Apostre, elles soyent faites en esprit vivifiant, c'est a dire en esprit qui nous face vivre, mouvoir, sentir, et ouvrer les œuvres de la grace, en sorte que Celuy qui nous a donné l'estre nous donne aussi l'operation.

  A005000362 

 Les rayons du soleil esclairent en eschauffant et eschauffent en esclairant; l'inspiration est un rayon celeste qui porte dans nos cœurs une lumiere chaleureuse, par laquelle il nous fait voir le bien et nous eschauffe au pourchas d'iceluy.

  A005000362 

 Tout ce qui a vie sur terre s'engourdit au froid de l'hyver, mais au retour de la chaleur vitale du primtems tout reprend son mouvement: les animaux terrestres courent plus vistement, les oyseaux volent plus hautement et chantent plus gayement, et les plantes poussent leurs feuilles et leurs fleurs tres aggreablement.

  A005000363 

 Et voulant voir par experience, le jour suivant, ce qu'il avoit appris par le recit de son compaignon, il treuva ces Peres dans leurs formes, rangés comme des statues de marbre en une suite de niches, immobiles a toute autre action qu'a celle de la psalmodie, qu'ilz faisoyent avec une attention et devotion vrayement angelique, selon la coustume de ce saint Ordre: si que ce pauvre jeune homme, tout ravi d'admiration, demeura pris en la consolation extreme qu'il eut de voir Dieu si bien adoré parmi les Catholiques, et se resolut, comme il fit par apres, de se ranger dans le giron de l'Eglise, vraye et unique Espouse de Celuy qui l'avoit visité de son inspiration, dans l'infame litiere de l'abomination en laquelle il estoit..

  A005000363 

 Le moyen ordinaire c'est la predication; mais quelquefois, ceux auxquelz la parole ne proffite pas sont instruitz par la tribulation, selon le dire du Prophete: L' affliction donnera intelligence a l'ouïe; c'est a dire: ceux qui par l'ouïe des menasses celestes sur les meschans ne se corrigent pas, apprendront, la verité par l'evenement et les effectz, et deviendront sages sentans l'affliction.

  A005000363 

 Saint [90] Cyprien (ce n'est pas le grand Evesque de Cartage, ains un autre qui fut laïs, mais glorieux martir) fut touché voyant le diable confesser son impuissance sur ceux qui se confient en Dieu.

  A005000364 

 Car, comme Dieu donne, par l'entremise de la nature, a chasque animal les instinctz qui luy sont requis pour sa [91] conservation et pour l'exercice de ses proprietés naturelles, aussi, si nous ne resistons pas a la grace de Dieu, il donne a un chascun de nous les inspirations necessaires pour vivre, operer et nous conserver en la vie spirituelle.

  A005000364 

 Et quant au bon Eliezer, parce qu'il ne peut autrement discerner entre les filles de Haran, ville de Nachor, celle qui estoit destinee au filz de son maistre, Dieu le luy fait connoistre par inspiration.

  A005000364 

 Les ames, certes, qui ne se contentent pas de faire ce que par les commandemens et conseilz le divin Espoux requiert d'elles, mais sont promptes a suivre les sacrees inspirations, ce sont celles que le Pere eternel a preparees pour estre espouses de son Filz bienaymé.

  A005000364 

 O que bienheureux sont ceux qui tiennent leurs cœurs ouvertz aux saintes inspirations! car jamais ilz ne manquent de celles qui leur sont necessaires pour bien et devotement vivre en leurs conditions, et pour saintement exercer les charges de leurs professions.

  A005000368 

 Il y a des inspirations qui tendent seulement a une extraordinaire perfection des exercices ordinaires de la vie chrestienne.

  A005000368 

 La charité envers les pauvres malades est un exercice ordinaire des vrays Chrestiens, mais exercice ordinaire qui fut prattiqué en perfection extraordinaire par saint François et sainte Catherine de Sienne quand ilz lechoyent et sucçoyent les ulceres des ladres et chancreux, et par le glorieux roy saint Louys quand il servoit a genoux et teste nue les malades (dont un abbé de Cisteau demeura tout esperdu d'admiration, le voyant en cette posture manier et agencer un miserable, ulceré de playes horribles et chancreuses); comme encor c'estoit une prattique bien extraordinaire de ce saint monarque de servir a table les pauvres les plus vilz et abjectz, et manger les restes de leurs potages.

  A005000368 

 Saint [93] Hierosme recevant en son hospital de Bethleem les pelerins d'Europe qui fuyoient la persecution des Goths, ne leur lavoit pas seulement les pieds, mais s'abbaissoit jusques la que de laver encor et frotter les jambes de leurs chameaux, a l'exemple de Rebecca dont nous parlions n'a guere, qui non seulement puisa de l'eau pour Eliezer, mais aussi pour ses chameaux.

  A005000370 

 Le grand saint Thomas est d'opinion qu'il n'est pas expedient de beaucoup consulter et longuement deliberer sur l'inclination que l'on a d'entrer en une bonne et bien formee Religion; et il a rayson, car la Religion estant conseillee par Nostre Seigneur en l'Evangile, qu'est-il besoin de beaucoup de consultations? Il suffit d'en faire une bonne avec quelque peu de personnes qui soyent bien prudentes et capables de tel affaire, et qui nous puissent ayder a prendre une courte et solide resolution: mais, des que nous avons deliberé et resolu, et en ce sujet et en tout autre qui regarde le service de Dieu, il faut estre fermes et invariables, sans se laisser nullement esbranler par aucune sorte d'apparence de plus grand bien; car bien souvent, dit le glorieux saint Bernard, le malin nous donne le change, et pour nous destourner d'achever un bien il nous en propose un autre qui semble meilleur, lequel apres que nous avons commencé, pour nous divertir de le parfaire il en presente un troisiesme, se contentant que nous fassions plusieurs commencemens, pourveu que nous ne fassions point de fin.

  A005000371 

 J'emprunte du grand saint Anselme, escrivant a Lanzon, une belle similitude: «Comme un arbrisseau [95] souvent transplanté ne sçauroit prendre racine, ni par consequent venir a sa perfection et rendre le fruit desiré», ainsy l'ame qui transplante son cœur de dessein en dessein ne sçauroit prouffiter ni prendre la juste croissance de sa perfection, puisque la perfection ne consiste pas en commencemens, mais en accomplissemens.

  A005000371 

 L'inspiration est suspecte qui nous pousse a quitter un vray bien que nous avons present, pour en pourchasser un meilleur a venir.

  A005000371 

 Or, il creut d'estre inspiré de quitter cette sainte Societé pour se rendre en une Religion formelle, et en fin se resolut a cela: mais le bienheureux Philippe, assistant a sa reception en l'Ordre de saint Dominique, pleuroit amerement; dont estant interrogé par François Marie Tauruse, qui despuis fut Archevesque de Sienne et Cardinal, pourquoy il jettoit ces larmes: «Je deplore,» dit-il, «la perte de tant de vertus.» Et de fait, ce jeune homme si excellemment sage et devot en la Congregation, si tost qu'il fut en la Religion devint tellement inconstant et volage, qu'agité de divers desirs de nouveautés et changemens, il donna par apres des grans et fascheux scandales..

  A005000371 

 Qui est en bon chemin, qu'il se sauve.

  A005000372 

 Ainsy nostre ennemy voyant un homme qui, inspiré de Dieu, entreprend une profession et maniere de vie propre a son avancement en l'amour celeste, il luy persuade de prendre une autre voye, de plus grande perfection en apparence, et l'ayant desvoyé de son premier chemin il luy rend petit a petit impossible la suite du second, et luy en propose un troisiesme, affin que l'occupant en la recherche continuelle de divers et nouveaux moyens pour se perfectionner, il l'empesche d'en employer aucun, et par consequent de parvenir a la fin pour laquelle il les cherche, qui est la perfection.

  A005000372 

 Les jeunes chiens a tous rencontres quittent la meute et tirent au change; mais les vieux, qui sont sages, ne prennent jamais le change, ains suyvent tous-jours les erres sur lesquelles ilz sont.

  A005000376 

 Il se faut donq comporter ainsy, Theotime, es inspirations qui ne sont extraordinaires que d'autant qu'elles nous incitent a prattiquer avec une extraordinaire ferveur et perfection les exercices ordinaires du Chrestien; mais il y a d'autres inspirations que l'on appelle extraordinaires, non seulement parce qu'elles font avancer l'ame au dela du train ordinaire, mais aussi parce qu'elles la portent a des actions contraires aux lois, regles et coustumes communes de la tressainte Eglise, et qui partant sont plus admirables qu'imitables..

  A005000377 

 La sainte damoyselle que les historiens appellent Eusebe l'Estrangere quitta Rome, sa patrie, et s'habillant en garçon, avec deux autres filles, s'embarqua pour aller outre mer et passa en Alexandrie, et de la en l'isle de Co; ou se voyant en asseurance, elle reprint les habitz de son sexe, et se remettant sur mer elle alla au païs de Carie, en la ville de Milassa, ou le grand Paul, qui l'avoit treuvee en Co et l'avoit prise sous sa conduite spirituelle, la mena, et ou par apres estant devenu Evesque, il la gouverna si saintement qu'elle dressa un monastere et s'employa au service de l'Eglise, en l'office qu'en ce tems la on appelloit de diacresse, avec tant de charité qu'elle mourut en fin toute sainte, [98] et fut reconneüe pour telle par une grande multitude de miracles que Dieu fit par ses reliques et intercessions.

  A005000377 

 Un jeune homme donna un coup de pied a sa mere, et touché de vive repentance s'en vint confesser a saint Anthoine de Padoüe, qui, pour luy imprimer plus vivement en l'ame l'horreur de son peché, luy dit entre autres choses: Mon enfant, «le pied» qui a servi d'instrument a vostre malice pour un si grand forfait, «meriteroit d'estre coupé;» ce que le garçon prit si a certes, qu'estant de retour chez sa mere, ravi du sentiment de sa contrition, il se coupa le pied.

  A005000378 

 Saint Jean, Evesque, surnommé le Silentiaire, quittant son evesché a l'insceu de tout son clergé, alla passer le reste de ses jours au monastere de Laura, sans qu'on peust onques avoir de ses nouvelles: cela n'estoit ce pas contre les regles de la tressainte residence? Et le grand saint Paulin, qui se vendit pour racheter l'enfant d'une pauvre vefve, comme le pouvoit il faire selon les lois ordinaires, puisqu'il n'estoit pas sien, ains a son Eglise et au public, par la consecration episcopale? Ces filles et femmes qui, poursuivies pour leur beauté, desfigurerent leurs visages par des blesseures volontaires affin de garder [99] leur chasteté sous la faveur d'une sainte laideur, ne faisoyent elles pas chose, ce semble, defendue?.

  A005000379 

 Ainsy les serviteurs de Dieu qui ont eu les plus hautes et relevees inspirarations, ont esté les plus doux et paisibles de l'univers: Abraham, Isaac, Jacob; Moyse est qualifié le plus debonnaire d'entre tous les hommes; David est recommandé par sa mansuetude..

  A005000379 

 Or, une des meilleures marques de la bonté de toutes les inspirations, et particulierement des extraordinaires, c'est la paix et tranquillité du cœur qui les reçoit; car l'Esprit divin est voirement violent, mais d'une violence douce, suave et paisible.

  A005000380 

 Au contraire, l'esprit malin est turbulent, aspre, remuant; et ceux qui suivent ses suggestions infernales, cuydans que ce soyent inspirations celestes, sont ordinairement connoissables parce qu'ilz sont inquietz, testus, fiers, entrepreneurs et remueurs d'affaires; qui [100] sous le pretexte de zele renversent tout sans dessus dessous, censurent tout le monde, tancent un chacun, blasment toutes les choses; gens sans conduite, sans condescendance, qui ne supportent rien, exerçans les passions de l'amour propre sous le nom de la jalousie de l'honneur divin..

  A005000384 

 Je parle d'une humilité noble, reelle, moelleuse, solide, qui nous rend souples a la correction, maniables et promptz a l'obeissance..

  A005000385 

 Car lhors que les hermites espars parmi les desertz voysins d'Antioche sceurent la vie extraordinaire qu'il faysoit sur sa colomne, en laquelle il sembloit estre ou un Ange terrestre ou un homme celeste, ilz luy envoyerent un deputé d'entr'eux, auquel ilz donnerent ordre de luy parler de leur part en cette sorte: «Pourquoy est-ce, Simeon, que laissant le grand chemin de la vie devote, frayé par tant de grans et saintz devanciers, vous en suives un autre, inconneu aux hommes et tant esloigné de tout ce qui a esté veu et ouï jusques a present? Quittés, Simeon, cette colomne, et rangés-vous meshui avec les autres a la façon de vivre et a la methode de servir Dieu usitee par les bons Peres predecesseurs.» Que si Simeon acquiesçoit a leur advis, et pour condescendre a leur volonté se monstroit prompt a vouloir descendre, ilz donnerent charge au deputé de luy laisser la liberté de perseverer en ce genre de vie ja commencee, d'autant que par son obeissance, disoyent ces bons Peres, on pourra bien connoistre qu'il a entrepris cette sorte de vie par l'inspiration divine; mais, si, au contraire, il resistoit, et que mesprisant leur exhortation il voulust suivre sa propre volonté, ilz resolurent qu'il le failloit retirer par force et luy faire abandonner sa colomne.

  A005000385 

 Tandis que l'incomparable Simeon Stylite estoit encor novice a Telede, il se rendit impliable a l'advis de ses superieurs qui le vouloyent empescher de prattiquer tant d'estranges rigueurs par lesquelles il sevissoit desordonnement contre soy mesme; si qu'en fin il fut pour cela chassé du monastere, comme peu susceptible de la mortification du cœur et trop addonné a celle du cors.

  A005000387 

 Mais y eut il jamais une plus illustre et sensible inspiration que celle qui fut donnee au glorieux saint Paul? Or, le chef principal d'icelle fut qu'il allast en la cité, en laquelle il apprendroit par la bouche d'Ananie ce qu'il avoit a faire: et cet Ananie, homme grandement celebre, estoit, comme dit saint Dorothee, Evesque de Damas.

  A005000387 

 Tous les prophetes et predicateurs qui ont esté inspirés de Dieu ont tous-jours aymé l'Eglise, tous-jours adheré a sa doctrine, tous-jours aussi esté appreuvés par icelle, et n'ont jamais rien annoncé si fortement que cette verité, que les levres du prestre gardoyent la science, et qu'on devoit requerir la loy de sa bouche: de sorte que les missions extraordinaires sont des illusions diaboliques, et non des inspirations celestes, si elles ne sont reconneües et appreuvees par les pasteurs qui sont de la mission ordinaire; car ainsy s'accordent Moyse et les Prophetes.

  A005000388 

 De mesme, tous les esleuz tournent la fleur de leur cœur, qui est l'obeissance aux commandemens, du costé de la volonté divine; mais les ames vivement esprises du saint amour ne regardent pas seulement cette divine Bonté par l'obeissance aux commandemens, ains aussi par l'union de toutes leurs affections, suivans le contour de ce divin Soleil en tout ce qu'il leur commande, conseille et inspire, sans reserve ni exception quelcomque.

  A005000388 

 Dont ilz peuvent dire avec le sacré Psalmiste: Seigneur, vous aves empoigné ma main droite, et m'aves conduit en vostre volonté, et m'aves recueilli avec beaucoup de gloire; J'ay esté fait comme un cheval envers vous, et je suis tous-jours avec vous: car, comme un cheval bien dressé se manie aysement, doucement et justement en toutes façons par l'escuyer qui le monte, aussi l'ame amante est si souple a la volonté de Dieu, qu'il en fait tout ce qu'il veut.

  A005000388 

 Et pour conclure tout ce que nous avons dit de l'union de nostre volonté a celle de Dieu qu'on appelle signifiee, presque toutes les herbes qui ont les fleurs jaunes, et mesme la cicoree sauvage qui les a bleues, les tournent tous-jours du costé du soleil et suivent ainsy son contour; mais l' heliotropium ne contourne pas seulement ses fleurs, ains encor toutes ses feuilles, a la suite de ce grand luminaire.

  A005000392 

 Saint Basile dit que la volonté de Dieu nous est tesmoignee par ses ordonnances ou commandemens, et que lhors il n'y a rien a deliberer, car il faut simplement faire ce qui est ordonné; mais que pour tout le reste il est en nostre liberté de choisir a nostre gré ce que bon nous semblera, bien qu'il ne faille pas faire tout ce qui est loysible, ains seulement ce qui est expedient: et qu'en fin, pour bien discerner ce qui est convenable, il faut ouïr l'advis du sage pere spirituel..

  A005000393 

 Car l'ennemi en toutes occurrences les met en doute si c'est la volonté de Dieu qu'elles facent une chose plustost qu'une autre: comme, par exemple, si c'est la volonté de Dieu qu'elles mangent avec l'ami ou qu'elles ne mangent pas, qu'elles prennent des habitz gris ou noirs, qu'elles jeusnent le vendredi ou le samedi, qu'elles aillent a la recreation ou qu'elles s'en abstiennent; en quoy elles consument beaucoup de tems, et tandis qu'elles s'occupent et embarrassent a vouloir discerner ce qui est meilleur, elles perdent inutilement le loysir de faire plusieurs biens, desquelz l'execution seroit plus a la gloire de Dieu que ne sçauroit estre le discernement du bien et du mieux auquel elles se sont amusees..

  A005000393 

 Mais, Theotime, je vous advertis d'une tentation ennuyeuse qui arrive maintefois aux ames qui ont un grand desir de suivre en toutes choses ce qui est le plus selon la volonté de Dieu.

  A005000394 

 Il y a mesme bien souvent de la superstition a vouloir faire cet examen; car, a quel propos mettra-on en difficulté s'il est mieux d'ouïr la Messe en une eglise qu'en une autre, de filer que de coudre, de donner l'aumosne a un homme qu'a une femme? Ce n'est pas bien servir un maistre, d'employer autant de tems a considerer ce qu'il faut faire comme a faire ce qui est requis.

  A005000395 

 Le choix de la vocation, le dessein de quelque affaire de grande consequence, de quelque œuvre de longue haleyne, ou de quelque despence bien grande, le changement de sejour, l'election des conversations, et telles semblables choses meritent qu'on pense serieusement ce qui est plus selon la volonté divine; mais es menues actions journalieres, esquelles mesme la faute n'est ni de consequence ni irreparable, qu'est il besoin de faire l'embesoigné, l'attentif et l'empesché a faire des importunes consultations? A quel propos me mettray-je en despence pour apprendre si Dieu ayme mieux que je die le Rosaire ou l'Office de Nostre Dame, puisqu'il ne sçauroit y avoir tant de difference entre l'un et l'autre qu'il faille pour cela faire une grande enqueste? que j'aille plustost a l'hospital visiter les malades qu'a Vespres? que j'aille plustost au sermon qu'en une eglise ou il y a indulgence? Il n'y a rien, pour l'ordinaire, de si apparemment remarquable en l'un plus qu'en l'autre, qu'il faille pour cela entrer en grande deliberation.

  A005000396 

 Et bien que les difficultés, tentations et diversités d'evenemens qui se rencontrent au progres de l'execution de nostre dessein, nous pourroyent donner quelque desfiance d'avoir bien choysi, il faut neanmoins demeurer ferme et ne point regarder tout cela, ains considerer que si nous eussions fait un autre choix nous eussions peut estre treuvé cent fois pis, outre que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercés en la consolation ou en la tribulation, en la paix ou en la guerre.

  A005000404 

 Rien ne se fait, hormis le peché, que par la volonté de Dieu qu'on appelle volonté absolue et de bon playsir, que personne ne peut empescher, et laquelle ne nous est point conneüe que par les effectz, qui, estans arrivés, nous manifestent que Dieu les a voulus et desseignés..

  A005000405 

 Considerons en bloc, Theotime, tout ce qui a esté, qui est et qui sera; et, tous ravis d'estonnement, nous serons contrains d'exclamer a l'imitation du Psalmiste: O Seigneur, je vous loueray parce que vous estes excessivement magnifié; vos œuvres sont merveilleuses, et mon ame le reconnoist trop plus; Vostre [109] science est admirable au dessus de moy, elle prevaut, et je ne puis y atteindre.

  A005000405 

 Et de la nous passerons a la tressainte complaysançe, nous res-jouissans dequoy Dieu est si infini en sagesse, puissance et bonté, qui sont les trois proprietés divines desquelles l'univers n'est qu'un petit essay et comme une monstre..

  A005000414 

 Ainsy la mort, les afflictions, les sueurs, les travaux, dont nostre vie abonde, qui par la [110] juste ordonnance de Dieu sont les peynes du peché, sont aussi, par sa douce misericorde, des eschellons pour monter au Ciel, des moyens pour proffiter en la grace et des merites pour obtenir la gloire.

  A005000414 

 Chose estrange mais veritable, Theotime: si les damnés n'estoyent aveuglés de leur obstination et de la hayne qu'ilz ont contre Dieu, ilz treuveroyent de la consolation en leurs peynes, et verroyent la misericorde divine admirablement meslee avec les flammes qui les bruslent eternellement.

  A005000428 

 O Dieu, neanmoins que vostre volonté soit faite, non seulement en l'execution de vos commandemens, conseilz et inspirations, qui doivent estre prattiqués par nous, mais aussi en la souffrance des afflictions et peynes qui doivent estre receües en nous, affin que vostre volonté fasse par nous, pour nous, en nous et de nous tout ce qu'il luy plaira..

  A005000432 

 Les afflictions sont comme cela: si nous les regardons hors de la volonté de Dieu, elles ont leur amertume naturelle; mais qui les considere en ce bon playsir eternel, elles sont toutes d'or, aymables et pretieuses plus qu'il ne se peut dire..

  A005000432 

 Les peynes considerees en elles mesmes ne peuvent certes estre aymees, mais regardees en leur origine, c'est a dire en la providence et volonté divine qui les ordonne, elles sont infiniment aymables.

  A005000432 

 tout d'or, mais ostés de ces eaux qui sont le lieu de leur origine ilz ont la couleur naturelle des autres poissons.

  A005000434 

 Mais la doctrine chrestienne, qui est la seule vraye philosophie, a trois principes sur lesquelz elle establit tout son exercice: l'abnegation de soy mesme, qui est bien plus que de s'abstenir des playsirs; porter sa croix, qui est bien plus que de la supporter; suivre Nostre Seigneur, non seulement en ce qui est de renoncer a soy mesme et porter sa croix, mais aussi en ce qui est de la prattique de toutes sortes de bonnes œuvres.

  A005000435 

 Aymer la volonté de Dieu es consolations, c'est un bon amour, quand en verité on ayme la volonté de Dieu et non pas la consolation en laquelle elle est; neanmoins, c'est un amour sans contradiction, sans repugnance et sans effort, car, qui n'aymeroit une si digne volonté en un sujet si aggreable? 2.

  A005000437 

 Les biens sont volontier receus de tous, mais de recevoir les maux il n'appartient qu'a l'amour parfait, qui les ayme d'autant plus qu'ilz ne sont aymables que pour le respect de la main qui les donne..

  A005000437 

 Or, voyla toutefois le grand Job, comme roy des miserables de la terre, assis sur un fumier comme sur le throsne de la misere, paré de playes, d'ulceres, de pourriture, comme de vestemens royaux assortissans a la qualité de sa royauté, avec une si grande abjection et aneantissement que, s'il n'eust parlé, on ne pouvoit discerner si Job estoit un homme reduit en fumier, ou si le fumier estoit une pourriture en forme d'homme; or, le voyla, dis-je, le grand Job, qui s'escrie: Si nous avons receu des biens de la main de Dieu, pourquoy n'en recevrons nous pas aussi bien les maux? O Dieu, que cette parole est de grand amour! Il pese, Theotime, que c'est de la main de Dieu qu'il a receu les biens, tesmoignant qu'il n'avoit pas tant estimé les biens parce qu'ilz estoyent biens, comme parce qu'ilz provenoyent de la main du Seigneur: ce qu'estant ainsy, il conclud que donques il faut supporter amoureusement les adversités, puisqu'elles procedent de la mesme main du Seigneur, esgalement aymable lhors qu'elle distribue les afflictions comme quand elle donne les consolations.

  A005000438 

 Ainsy, certes, l'amour voulant aller a la volonté de Dieu parmi les consolations, il va tous-jours en [115] crainte, de peur de prendre le change, et qu'en lieu d'aymer le bon playsir de Dieu il n'ayme le playsir propre qui est en la consolation; mais l'amour qui tire chemin devers la volonté de Dieu en l'affliction, il marche en asseurance, car l'affliction n'estant nullement aymable en elle mesme, il est bien aysé de ne l'aymer que pour le respect de là main qui la donne.

  A005000438 

 Le voyageur qui a peur de faillir le droit chemin, marchant en doute, va regardant ça et la le païs ou il est, et s'amuse presqu'a chasque bout de champ a considerer s'il se fourvoye point; mais celuy qui est asseuré de sa route va gayement, hardiment et vistement.

  A005000442 

 Toutefois il l'est encor davantage quand nous [116] recevons avec patience, doucement et aggreablement, les peynes, tourmens et tribulations, en consideration de la volonté divine qui nous les envoye.

  A005000443 

 Et c'est l'importance, que l'ame fait cette resignation parmi tant de trouble, entre tant de contradictions et repugnances, qu'elle ne s'apperçoit presque pas de la faire; au moins il luy est advis que c'est si languidement, que ce ne soit pas de bon cœur ni comme il est [117] convenable: puisque ce qui se passe alhors pour le bon playsir divin se fait non seulement sans playsir et contentement, mays contre tout le playsir et contentement de tout le reste du cœur; auquel l'amour permet bien de se plaindre, au moins de ce qu'il ne se peut pas plaindre, et de dire toutes les lamentations de Job et de Hieremie, mais a la charge que tous-jours le sacré acquiescement se fasse dans le fond de l'ame, en la supreme et plus delicate pointe de l'esprit.

  A005000443 

 Il est ainsy, Theotime: l'ame est quelquefois tellement pressee d'afflictions interieures, que toutes ses facultés et puissances en sont accablees, par la privation de tout ce qui la peut alleger, et par l'apprehension et impression de tout ce qui la peut attrister; si que, a l'imitation de son Sauveur, elle commence a s'ennuyer, a craindre, a s'espouvanter, puis a s'attrister d'une tristesse pareille a celle des mourans, dont elle peut bien dire: Mon ame est triste jusques a la mort; et du consentement de tout son interieur elle desire, demande et supplie que, s'il est possible, ce calice soit esloigné d'elle, ne luy restant plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle, attachee au cœur et bon playsir de Dieu, dit par un tres simple acquiescement: O Pere eternel, mais toutefois ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre.

  A005000443 

 La bienheureuse Angele de Foligny fait une admirable description des peynes interieures esquelles quelquefois elle s'estoit treuvee, disant que son ame estoit en tourment «comme un homme qui, pieds et mains liés, seroit pendu par le col et ne seroit pourtant pas estranglé, mais demeureroit en cet estat entre mort et vif, sans esperance de secours,» ne pouvant ni se soustenir sur ses pieds, ni s'ayder des mains, ni crier de la bouche, ni mesme souspirer ou plaindre.

  A005000443 

 Or, entre tous les essays de l'amour parfait, celuy qui se fait par l'acquiescement de l'esprit aux tribulations spirituelles est sans doute le plus fin et le plus relevé.

  A005000450 

 En quoy il fut imité par le grand Evesque saint Martin qui, parvenu a la fin de sa vie, pressé d'un extreme desir d'aller a son Dieu, ne laissa pas pourtant de tesmoigner qu'il demeureroit aussi volontier entre les travaux de sa charge pour le bien de son cher troupeau; comme si apres avoir chanté ce cantique:.

  A005000461 

 il vinst par apres a faire cette exclamation: «O Seigneur, neanmoins, si je suis encor requis au service du [120] salut de vostre peuple, je ne refuse point le travail; vostre volonté soit faite.» Admirable indiffErence de l'Apostre, admirable celle de cet homme apostolique! Ilz voyent le Paradis ouvert pour eux, ilz voyent mille travaux en terre; l'un et l'autre leur est indiffErent au choix, et n'y a que la volonté de Dieu qui puisse donner le contrepoids a leurs cœurs: le Paradis n'est point plus aymable que les miseres de ce monde si le bon playsir divin est Egalement la et icy; les travaux leur sont un Paradis si la volonté divine se treuve en iceux, et le Paradis un travail si la volonté de Dieu n'y est pas, car, comme dit David, ilz ne demandent ni au ciel ni en la terre que de voir le bon playsir de Dieu accompli: O Seigneur, qu'y a-il au ciel pour moy, ou que veux-je en terre sinon vous?.

  A005000462 

 Le cœur indifferent est comme une boule de cire entre les mains de son Dieu, pour recevoir semblablement toutes les impressions du bon playsir eternel; un cœur sans choix, egalement disposé a tout, sans aucun autre object de sa volonté que la volonté de son Dieu; qui ne met point son amour es choses que Dieu veut ains en la volonté de Dieu qui les veut: c'est pourquoy, quand la volonté de Dieu est en plusieurs choses, il choysit, a quel prix que ce soit, celle ou il y en a plus.

  A005000467 

 L'indifference se doit prattiquer es choses qui regardent la vie naturelle, comme la santé, la maladie, la beauté, la laideur, la foiblesse, la force; es choses de la vie civile, pour les honneurs, rangs, richesses; es varietés de la vie spirituelle, comme secheresses, consolations, goustz, aridités; es actions, es souffrances, et en somme en toutes sortes d'evenemens..

  A005000470 

 Ainsy nostre divin Sauveur fut affligé incomparablement en sa vie civile, condamné comme criminel de leze majesté divine et humaine, battu, foüetté, baffoüé et tourmenté, avec une ignominie extraordinaire; en sa vie naturelle, mourant entre les plus cruelz et sensibles tourmens que l'on puisse imaginer; en sa vie spirituelle, souffrant des tristesses, craintes, espouvantemens, angoisses, delaissemens et oppressions interieures qui n'en eurent ni n'en auront jamais de pareilles.

  A005000470 

 Ezechiel vid le simulachre d'une main qui le saisit par un seul flocquet des cheveux de sa teste, l'eslevant entre le ciel et la terre: Nostre Seigneur aussi, eslevé en la croix entre la terre et le ciel, n'estoit, ce semble, tenu de la main de son Pere que par l'extreme pointe de l'esprit, et, par maniere de dire, par un seul cheveu de sa teste, qui, touché de la douce main du Pere eternel, recevoit une souveraine affluence de felicité, tout le reste demeurant abismé dans la tristesse et ennuy; c'est pourquoy il s'escrie: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu delaissé?.

  A005000471 

 O que bienheureux est l'amour qui regne dans la cime de l'esprit des fideles, tandis qu'ilz sont entre les vagues et les flotz des tribulations interieures! [124].

  A005000471 

 On dit que le poisson qu'on appelle lanterne de mer, au plus fort des tempestes tient sa langue hors des ondes, laquelle est si fort luisante, rayonnante et claire, qu'elle sert de phare et flambeau aux nochers; ainsy, emmi la mer des passions dont Nostre Seigneur fut accablé, toutes les facultés de son ame demeurerent comme englouties et ensevelies dans la tourmente de tant de peynes, hormis la pointe de l'esprit, qui, exempte de tout travail, estoit toute claire et resplendissante de gloire et felicité.

  A005000475 

 On ne connoist presque point le bon playsir divin que par les evenemens, et tandis qu'il nous est inconneu il nous faut attacher le plus fort qu'il nous est possible a la volonté de Dieu qui nous est manifestee ou signifiee; mais soudain que le bon playsir de sa divine Majesté comparoit, il faut aussi tost se ranger amoureusement a son obeissance..

  A005000476 

 Mays si c'est le bon playsir divin que le mal, victorieux des remedes, apporte en fin la mort, soudain que j'en seray certifié par l'evenement j'acquiesceray amoureusement en la pointe de mon esprit, nonobstant toute la repugnance des puissances inferieures de mon ame: Ouy, Seigneur, je le veux bien, ce diray je, parce que tel a esté vostre bon playsir; il vous a ainsy pleu et il me plaist ainsy a moy, qui suis tres humble serviteur de vostre volonté..

  A005000477 

 Admirable union de ce Patriarche avec celle de Dieu, qui croyant que ce fust le bon playsir divin qu'il sacrifiast son enfant, le voulut l'entreprit si fortement! admirable celle de l'enfant, qui se sousmit si doucement au glaive paternel, pour faire vivre le bon playsir de son Dieu au prix de sa propre mort!.

  A005000478 

 Voyés Abraham, l'espee au poing, le bras relevé, prest a donner le coup de mort a son cher unique enfant; il fait cela pour plaire a la volonté divine: et voyés en mesme tems un Ange, qui, de la part de cette mesme volonté, l'arreste court; et soudain il retient son coup, esgalement prest a sacrifier son filz et a ne le sacrifier pas, la vie et la mort d'iceluy luy estant indifferentes en la presence de la volonté de Dieu.

  A005000479 

 Ce docte et saint predicateur d'Andalusie, Jean Avila, ayant dessein de dresser une compaignie de prestres reformés, pour le service de la gloire de Dieu, en quoy il avoit des-ja fait un grand progres, lhors qu'il vid celle des Jesuites en campaigne, qui luy sembla suffire pour cette sayson-la, il arresta court son dessein avec une douceur et humilité nompareille..

  A005000479 

 Le bienheureux Ignace de Loyola, ayant avec tant de travaux mis sus pied la Compaignie du nom de Jesus, de laquelle il voyoit tant de beaux fruitz et en prevoyoit encor plus de beaux a l'advenir, eut neanmoins le courage de se promettre que s'il la voyoit dissiper, qui seroit le plus aspre desplaysir qu'il peust recevoir, dans demi heure apres il en seroit resolu et s'accoyseroit en la volonté de Dieu.

  A005000480 

 O que bienheureuses sont telles ames, hardies et fortes aux entreprises que Dieu leur inspire, souples et douces a les quitter quand Dieu en dispose ainsy! Ce sont des traitz d'une indifference tres parfaite, de cesser de faire un bien quand il plait a Dieu, et de s'en retourner de moitié chemin quand la volonté de Dieu, qui est nostre guide, l'ordonne.

  A005000481 

 Mais si cela est ainsy, il ne faudra donq rien affectionner, ains laisser les affaires a la mercy des evenemens? Pardonnés-moy, Theotime, il ne faut rien oublier de tout ce qui est requis pour faire bien reuscir les entreprises que Dieu nous met en main, mais a la charge que si l'evenement est contraire nous le recevrons doucement et tranquillement; car nous avons commandement d'avoir un grand soin des choses qui regardent la gloire de Dieu et qui sont en nostre charge, mais nous ne sommes pas obligés ni chargés de l'evenement, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A005000481 

 O Seigneur, vous estes le chevalier royal qui tournes a toutes mains les espritz de vos fideles amans: vous les pousses quelquefois a toute bride, et ilz courent a toute outrance es entreprises que vous leur inspires; et puis, quand il vous semble bon, vous les faites parer au milieu de la carriere, au plus fort de leur course.

  A005000482 

 Mays derechef, si l'entreprise faite par inspiration perit par la faute de ceux a qui elle estoit confiee, comme peut-on dire alhors qu'il faut acquiescer a la volonté de Dieu? car, me dira quelqu'un, ce n'est pas la volonté de Dieu qui empesche l'evenement, ains ma faute, de laquelle la volonté divine n'est pas la cause.

  A005000488 

 Connoisses-vous que vostre retardement au chemin des vertus est provenu de vostre coulpe? or sus, humilies-vous devant Dieu, implores sa misericorde, prosternes vous devant la face de sa bonté et demandes-luy en pardon, confesses vostre faute et cries-luy mercy a l'oreille mesme de vostre confesseur pour en recevoir l'absolution: mais cela fait, demeures en paix, et ayant detesté l'offence, embrasses amoureusement [130] l'abjection qui est en vous, pour le retardement de vostre avancement au bien..

  A005000489 

 Helas, mon Theotime, les ames qui sont en Purgatoire y sont sans doute pour leurs pechés, pechés qu'elles ont detesté et detestent souverainement; mais quant a l'abjection et peyne qui leur en reste, d'estre arrestees en ce lieu la et privees pour un tems de la jouissance de l'amour bienheureux du Paradis, elles la souffrent amoureusement, et prononcent devotement le cantique de la justice divine: Vous estes juste, Seigneur, et vostre jugement equitable.

  A005000490 

 Et cependant, Theotime, ce n'est pas l'amour celeste qui fait ce trouble, car il ne se fasche que pour le peché; c'est nostre amour propre, qui voudroit que [131] nous fussions exemptz de la peyne et du travail que les assautz de l'ire nous donnent: ce n'est pas la coulpe qui nous desplait en ces eslans de la cholere, car il n'y a du tout point de peché; c'est la peyne d'y resister qui nous inquiete..

  A005000490 

 Neanmoins elle est encor sujette aux assautz et premiers mouvemens de cette passion, qui sont certains eslans, esbranlemens et saillies du cœur irrité, que la paraphrase Caldaïque appelle tremoussemens, disant: Tremousses, et ne veuilles point pecher, ou nostre sacree version a dit: Courrouces-vous, et ne veuilles point pecher; qui est en effect une mesme chose, car le Prophete ne veut dire sinon que si le courroux nous surprend, excitant en nos cœurs les premiers tremoussemens de la cholere, nous nous gardions bien de nous laisser emporter plus avant en cette passion, d'autant que nous pecherions.

  A005000490 

 Or, bien que ces premiers eslans et tremoussemens ne soyent aucunement peché, neanmoins la pauvre ame qui en est souvent atteinte se trouble, s'afflige, s'inquiete, et pense bien faire de s'attrister, comme si c'estoit l'amour de Dieu qui la provoquast a cette tristesse.

  A005000490 

 Voyés cette bonne ame, je vous prie: elle a grandement desiré et tasché de s'affranchir de la cholere, en quoy Dieu l'a favorisee, car il l'a rendue quitte de tous les pechés qui procedent de la cholere; elle mourroit plustost que de dire un seul mot injurieux ou de lascher un seul trait de hayne.

  A005000493 

 Certes, comme j'ay dit cy dessus, l'Eglise condamna l'erreur de certains solitaires qui disoyent qu'en ce monde nous pouvions estre parfaitement exemptz des passions d'ire, de convoitise, de crainte et autres semblables.

  A005000497 

 Adorons donq et benissons cette sainte permission: mais puisque la Providence qui permet le peché le hait infiniment, detestons-le avec elle, haïssons-le, desirans de tout nostre pouvoir que le peché permis ne soit point commis; et en suite de ce desir, employons tous les remedes qu'il nous sera possible pour empescher la naissance, le progres et le regne du peché, a l'imitation de Nostre Seigneur qui ne cesse d'exhorter, promettre, menasser, defendre, commander et inspirer parmi nous, pour destourner nostre volonté du peché, entant qu'il se peut faire sans luy oster sa liberté..

  A005000498 

 Mays quand le peché est commis, faysons tout ce qui est en nous affin qu'il soit effacé; comme Nostre Seigneur qui asseura Carpus, ainsy qu'il a ci devant esté noté, que s'il estoit requis, il subiroit derechef la mort pour delivrer une seule ame de peché.

  A005000498 

 Que si le pecheur s'obstine, pleurons, Theotime, souspirons, prions pour luy, avec le Sauveur de nos ames, qui, ayant jetté maintes larmes toute sa vie sur les pecheurs et sur ceux qui les representoyent, mourut en fin les yeux couvertz de pleurs et son cors tout detrempé de sang, regrettant la perte des pecheurs.

  A005000499 

 Cependant, pour obstinés que les pecheurs puissent estre, ne perdons pas courage de les ayder et servir; car, que sçavons nous si par aventure ilz feront penitence et seront sauvés? Bienheureux est celuy qui peut dire a ses prochains comme saint Paul: Je n'ay cessé ni jour ni nuit en vous admonestant un chacun de vous avec larmes; et partant je suis net du sang de tous, car je ne me suis point espargné que je ne vous aye annoncé tout le bon playsir de Dieu.

  A005000499 

 Tandis que nous sommes dans les bornes de l'esperance que le pecheur se puisse amender, qui sont tous-jours de mesme estendue que celles de sa vie, il ne faut jamais le rejetter, ains prier pour luy, et l'ayder autant que son malheur le permettra..

  A005000500 

 Il failloit, disent les Apostres aux Juifz, vous annoncer premierement la parole de Dieu; mais d'autant que vous la rejettes et vous tenes pour indignes du regne de Jesus Christ, voyci que nous nous retournons du costé des Gentilz; On vous ostera, dit le Sauveur, le Royaume de Dieu, et il sera donné a une nation qui en fera du fruit.

  A005000501 

 Ainsy le juste, qui chante les louanges de la misericorde pour ceux qui seront sauvés, se res-jouira de mesme quand il verra la vengeance les Bienheureux appreuveront avec allegresse le jugement de la damnation des repreuvés, comme celuy du salut des esleuz; et les Anges ayans exercé leur charité envers les hommes qu'ilz ont en garde, demeureront en paix les voyans obstinés ou mesmes damnés.

  A005000501 

 Au reste, il faut adorer, aymer et louer a jamais la justice vengeresse et punissante de nostre Dieu, comme nous aymons sa misericorde, parce que l'une et l'autre est fille de sa bonté: car par sa grace il nous veut faire bons, comme tres bon, ains souverainement bon qu'il est; par sa justice il veut chastier le peché, parce qu'il le hait; or il le hait, parce qu'estant souverainement bon, il deteste le souverain mal qui est l'iniquité.

  A005000505 

 Un musicien des plus excellens de l'univers, et qui jouoit parfaitement du luth, devint en peu de tems si extremement sourd qu'il ne luy resta plus aucun usage de l'ouïe; neanmoins il ne laissa pas pour cela de chanter et manier son luth delicatement a merveilles, a cause de la grande habitude qu'il en avoit, que sa surdité ne luy avoit pas ostee.

  A005000514 

 Ainsy nos cœurs, au commencement de leur devotion, ayment Dieu pour s'unir a luy, luy estre aggreables, et l'imiter en ce qu'il nous a aymés eternellement; mays, petit a petit, estans duitz et exercés au saint amour, ilz prennent imperceptiblement le change, et en lieu d'aymer Dieu pour plaire a Dieu, ilz commencent d'aymer pour le playsir qu'ilz ont eux mesmes es exercices du saint amour, et en lieu qu'ilz estoyent amoureux de Dieu, ilz deviennent amoureux de l'amour qu'ilz luy portent: ilz sont affectionnés a leurs affections, et ne se playsent plus en Dieu, mais au playsir qu'ilz ont en son amour, se contentans en cet amour entant qu'il est a eux, qu'il est dans leur esprit et qu'il en procede; car encor que cet amour sacré s'appelle amour de Dieu parce que Dieu est aymé par iceluy, il ne laisse pas d'estre nostre parce que [138] nous sommes les amans qui aymons par iceluy.

  A005000514 

 Ce chantre donques, qui chantoit au commencement a Dieu et pour Dieu, chante maintenant plus a soy mesme et pour soy mesme que pour Dieu, et s'il prend playsir a chanter, ce n'est plus tant pour contenter l'aureille de son Dieu que pour contenter la sienne; et d'autant que le cantique de l'amour divin est le plus excellent de tous, il l'ayme aussi davantage, non a cause de l'excellence divine qui y est loüee, mais parce que l'air du chant en est plus delicieux et aggreable..

  A005000514 

 Et c'est la le sujet du change; car en lieu d'aymer ce saint amour parce qu'il tend a Dieu qui est l'aymé, nous l'aymons parce qu'il procede de nous qui sommes les amans.

  A005000514 

 Or, qui ne void qu'ainsy faisant ce n'est plus Dieu que nous cherchons, ains que nous revenons a nous mesmes, aymant l'amour en lieu d'aymer le Bienaymé; aymant, dis-je, cet amour, non pour le bon playsir et contentement de Dieu, mays pour le playsir et contentement que nous en tirons nous mesmes.

  A005000518 

 De deux cantiques qui seront voirement l'un et l'autre [139] divin, il se peut bien faire que l'un sera chanté parce qu'il est divin, et l'autre parce qu'il est aggreable.

  A005000518 

 Le cantique est divin, mais le motif qui le nous fait chanter c'est la delectation spirituelle que nous en pretendons..

  A005000518 

 Vous connoistres bien cela, Theotime: car si ce rossignol mystique chante pour contenter Dieu, il chantera le cantique qu'il sçaura estre le plus aggreable a la divine Providence; mais s'il chante pour le playsir que luy mesme prend en la melodie de son chant, il ne chantera pas le cantique qui est le plus aggreable a la Bonté celeste, ains celuy qui est plus a son gré de luy mesme, et duquel il pense tirer plus de playsir.

  A005000519 

 La volonté de Dieu est en la maladie aussi bien et presqu'ordinairement mieux qu'en la santé: que si nous aymons mieux la santé, ne disons pas que c'est pour tant mieux servir Dieu; car, qui ne void que c'est la santé que nous cherchons en la volonté de Dieu, et non pas la volonté de Dieu en la santé..

  A005000519 

 Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu veut que tu chantes le cantique pastoral de sa dilection emmi ton troupeau, lequel en vertu de son saint amour il te commande par trois fois de paistre, en la personne du grand saint Pierre qui fut le premier des Pasteurs? Que me respondras-tu? qu'a Rome, qu'a Paris il y a plus de delices spirituelles, et qu'on y peut prattiquer le divin amour avec plus de suavité? O Dieu, ce n'est donq pas pour vous plaire que cet homme veut chanter, c'est pour le playsir qu'il prend a cela; ce n'est pas vous qu'il cherche en l'amour, c'est le contentement qu'il a es exercices du saint amour.

  A005000520 

 Celuy qui est en une fervente orayson ne sçait s'il est en orayson ou non, car il ne pense pas a l'orayson qu'il fait, ains a Dieu auquel il la fait.

  A005000520 

 Celuy qui priant Dieu s'apperçoit qu'il prie, n'est pas parfaittement attentif a prier; car il divertit son attention de Dieu, lequel il prie, pour penser a la priere par laquelle il le prie.

  A005000520 

 Qui est en l'ardeur de l'amour sacré il ne retourne point son cœur sur soy mesme pour regarder ce qu'il fait, ains le tient arresté et occupé en Dieu auquel il applique son amour.

  A005000521 

 Vous verres, Theotime, cet homme qui prie Dieu, ce vous semble, avec tant de devotion et qui est si ardent aux exercices de l'amour celeste; mais attendes un peu, et vous verres si c'est Dieu qu'il ayme.

  A005000526 

 O que bienheureux est le cœur qui ayme Dieu sans aucun autre playsir que celuy qu'il prend de plaire a Dieu! car, quel playsir peut-on jamais avoir plus pur et parfait que celuy que l'on prend dans le playsir de la Divinité? Neanmoins, ce playsir de plaire a Dieu n'est pas a proprement parler l'amour divin, ains seulement un fruit d'iceluy, qui en peut estre separé ainsy qu'un citron de son citronnier.

  A005000527 

 Tandis, o Dieu, que je voy vostre douce face qui tesmoigne d'aggreer le chant de mon amour, helas, que je suis consolé! car, y a-il aucun playsir qui egale le playsir de bien plaire a son Dieu? Mais quand vous retires vos yeux de moy et que je n'apperçois plus la douce faveur de la complaysance que vous prenies en mon cantique, vray Dieu, que mon ame est en grande peyne! mais sans cesser pourtant de vous aymer fidelement et de chanter continuellement l'hymne de sa dilection, non pour aucun playsir qu'elle y treuve, car elle n'en a point, ains chante pour le pur amour de vostre volonté.

  A005000528 

 La seule satisfaction d'un prince present, ou de quelque personne fortement aymee, fait delicieuses les veillees, les peynes, les sueurs, et rend les hazards desirables: mais il n'y a rien de si triste que de servir un maistre qui n'en sçait rien, ou s'il le sçait ne fait nul semblant d'en sçavoir gré; et faut bien, en ce cas la, que l'amour soit puissant, puisqu'il se soustient luy seul, sans estre appuyé d'aucun playsir ni d'aucune pretention..

  A005000528 

 Mais l'autre, qui sans voir sa mere, pour la seule connoissance qu'il avoit de sa volonté, prenoit tout ce qu'on luy apportoit de sa part, il mangeoit sans aucun playsir; car il n'avoit ni le playsir de manger, ni le contentement de voir le playsir de sa mere, ains mangeoit simplement et purement pour faire la volonté d'icelle.

  A005000528 

 On a veu tel enfant malade manger courageusement, avec un incroyable degoust, ce que sa mere luy donnoit, pour le seul desir qu'il avoit de la contenter; et alhors il mangeoit sans prendre aucun playsir en la viande, mais non pas sans un autre playsir plus estimable et relevé, qui estoit le playsir de plaire a sa mere et de la voir contente.

  A005000529 

 Or alhors, Theotime, nous travaillons non seulement sans playsir, mais avec un extreme ennuy, ne voyans ni le bien de nostre travail, ni le contentement de Celuy pour qui nous travaillons..

  A005000530 

 Et bien qu'elle n'ait pas perdu le courage, elle est pourtant si terriblement attaquee, que si elle est sans coulpe elle n'est pas sans peyne: car, pour comble de son ennuy, elle est privee de la generale consolation que l'on a presque tous-jours en tous les autres maux de ce monde, qui est l'esperance qu'ilz ne seront pas perdurables et que l'on en verra la fin; si que le cœur en ces ennuis spirituelz, tumbe en une certaine impuissance de penser a leur fin, et par consequent d'estre allegé par l'esperance.

  A005000530 

 Mays ce qui accroist le mal en cette occurrence, c'est que l'esprit et supreme pointe de la rayson ne nous peut donner aucune sorte d'allegement; car cette pauvre portion superieure de la rayson, estant, toute environnee [144] des suggestions que l'ennemi luy fait, elle est mesme toute alarmee et se treuve asses embesoignee a se garder d'estre surprise d'aucun consentement au mal, de sorte qu'elle ne peut faire aucune sortie pour desengager la portion inferieure de l'esprit.

  A005000531 

 O Dieu, mon cher Theotime, mais c'est alhors qu'il faut tesmoigner une invincible fidelité envers le Sauveur, le servant purement pour l'amour de sa volonté, non seulement sans playsir, mais parmi ce deluge de tristesses, d'horreurs, de frayeurs et d'attaques, comme fit sa glorieuse Mere et saint Jean au jour de sa Passion, qui, entre tant de blasphemes, de douleurs et de detresses mortelles, demeurerent fermes en l'amour, lhors mesme que le Sauveur, ayant retiré toute sa sainte joye dans la cime de son esprit, ne respandoit ni allegresse ni consolation quelcomque en son divin visage, et que ses yeux alangouris et couvertz des tenebres de la mort ne jettoyent plus que des regards de douleur; comme aussi le soleil, des rayons d'horreur et d'affreuses tenebres.

  A005000535 

 Le grand saint Pierre estant a la veille d'estre martyrisé, l'Ange vint en la prison, qu'il remplit toute de splendeur, esveilla saint Pierre, le fit lever, ceindre, chausser, vestir; luy osta les liens et menottes, le tira hors de la prison, et le mena au travers de la premiere et seconde garde jusques a la porte de fer qui menoit en la ville, laquelle s'ouvrit devant eux; et ayans passé une rue, l'Ange laissa la le glorieux saint Pierre en pleine liberté.

  A005000535 

 Voyla une grande varieté d'actions fort sensibles; et saint Pierre neanmoins, qui avoit esté esveillé avant toutes choses, ne pensoit pas que ce qui se faisoit par l'Ange fust vray, ains estimoit que ce fust une vision imaginaire: il estoit esveillé et ne pensoit pas l'estre, il s'estoit chaussé et vestu et ne sçavoit pas qu'il l'eust fait, il marchoit et n'estimoit.

  A005000536 

 Or il en est de mesme, Theotime, d'une ame qui est grandement chargee d'ennuis interieurs; car bien qu'elle ait le pouvoir de croire, d'esperer et d'aymer Dieu, et qu'en verité elle le fasse, toutefois elle n'a pas la force de bien discerner si elle croid, espere et cherit son Dieu, d'autant que la detresse l'occupe et accable si fort qu'elle ne peut faire aucun retour sur soy mesme pour voir ce qu'elle fait: et c'est pourquoy il luy est advis qu'elle n'a ni foy, ni esperance, ni charité, ains seulement des fantosmes et inutiles impressions de ces vertus la, qu'elle sent presque sans les sentir, et comme estrangeres, non comme domestiques de son ame.

  A005000543 

 et, comme porte la sainte version latine, apres les Septante: Nous fusmes faitz comme consolés; c'est a dire: l'admiration de la grandeur du bien qui nous arriva estoit si excessive qu'elle nous empeschoit de bien sentir la consolation que nous receusmes, et nous estoit advis que nous ne fussions pas veritablement consolés et que nous n'eussions pas une consolation en verité, ains seulement en figure et en songe..

  A005000544 

 Il ne le treuve point es sens exterieurs, car ilz n'en sont pas capables; ni en l'imagination, qui est cruellement tourmentee de diverses impressions; ni en la rayson, troublee de mille obscurités de discours et apprehensions estranges: et bien qu'en fin elle le treuve en la cime et supreme region de l'esprit, ou cette divine dilection reside, si est ce neanmoins qu'elle le mesconnoist, et luy est advis que ce n'est pas luy, parce que la grandeur des ennuis et des tenebres l'empeschent de sentir sa douceur; elle le void sans le voir et le rencontre sans le connoistre, comme si c'estoit en songe et en image.

  A005000544 

 Telz donques sont les sentimens de l'ame laquelle est entre les angoisses spirituelles, qui rendent l'amour extremement pur et net, car estant privé de tout playsir par lequel il puisse estre attaché a son Dieu, il nous joint et unit a Dieu immediatement, volonté a volonté, [147] cœur a cœur, sans aucune entremise de contentement ou pretention.

  A005000545 

 Car ainsy ce divin Sauveur, proche de sa mort et jettant les derniers souspirs, avec un grand cri et force larmes: Helas, dit-il, o mon Pere, je recommande mon esprit en vos mains; parole, Theotime, qui fut la derniere de toutes, et par laquelle le Filz bienaymé donna le souverain tesmoignage de son amour envers son Pere.

  A005000545 

 Le Filz recommanda son esprit au Pere en cette [148] derniere et incomparable detresse; et nous, lhors que les convulsions des peynes spirituelles nous ostent toute autre sorte d'allegemens et de moyens de resister, recommandons nostre esprit es mains de ce Filz eternel qui est nostre vray Pere, et baissant la teste de nostre acquiescement a son bon playsir, consignons luy toute nostre volonté..

  A005000545 

 Mais que peut donq faire l'ame qui est en cet estat? Theotime, elle ne sçait plus comme se maintenir entre tant d'ennuis, et n'a plus de force que pour laisser mourir sa volonté entre les mains de la volonté de Dieu, a l'imitation du doux Jesus, qui, estant arrivé au comble des peynes de la croix que le Pere luy avoit prefigees, et ne pouvant plus resister a l'extremité de ses douleurs, fit comme le cerf qui hors d'haleyne et accablé de la mutte, se rendant a l'homme, jette les derniers abboys, la larme à l'œil.

  A005000550 

 Et qui eust derechef demandé: Mais sçaves-vous bien, Madame, ou le Roy va? elle eust aussi respondu: Il me l'a dit en general, et neanmoins, je n'ay aucun soucy de sçavoir ou il va, ains seulement d'aller avec luy.

  A005000550 

 Imaginés-vous, Theotime, le glorieux et non jamais asses loué saint Louys qui s'embarque et fait voyle pour aller outre mer; et voyes que la Reyne, sa chere femme, s'embarque avec sa Majesté.

  A005000550 

 Or, qui eust demandé a cette brave princesse: Ou alles-vous, Madame? elle eust sans doute respondu: Je vay ou le Roy va.

  A005000550 

 Voire mais, luy eust-on peu dire, il va en Egypte, pour passer en Palestine; il logera a Damiette, dans Acre et plusieurs autres lieux: n'aves vous pas intention, Madame, d'y aller aussi? A cela elle eust respondu: Non vrayement, je n'ay nulle intention sinon d'estre aupres de mon Roy, et les lieux ou il va me sont indifferens et de nulle consideration, sinon entant qu'il y sera; je vay sans desir d'aller, car je n'affectionne rien que la presence du Roy: c'est donq le Roy qui va, et qui veut le voyage, et quant a moy je ne vay pas, je suy; je ne veux pas le voyage, ains la seule presence du Roy; le sejour, le voyage et toute sorte de diversités m'estant tout a fait indifferentes..

  A005000551 

 Certes, si on demande a quelque serviteur qui est a la suite de son maistre, ou il va, il ne doit pas respondre qu'il va en tel ou tel lieu, ains seulement qu'il suit son maistre, car il ne va nulle part par sa volonté, ains seulement par celle de son maistre; ainsy, mon Theotime, une volonté resignee en celle de son Dieu ne doit avoir aucun vouloir, ains suivre simplement celuy de Dieu.

  A005000551 

 Et comme celuy qui est dans un navire ne se remue pas de son mouvement propre, ains se laisse seulement mouvoir selon le mouvement du vaysseau [150] clans lequel il est, de mesme, le cœur qui est embarqué dans le bon playsir divin ne doit avoir aucun autre vouloir que celuy de se laisser porter au vouloir de Dieu.

  A005000551 

 Mais la volonté qui est morte a soy mesme pour vivre en celle de Dieu, elle est sans aucun vouloir particulier, demeurant non seulement conforme et sujette, mais toute aneantie en elle mesme et convertie en celle de Dieu: comme on diroit d'un petit enfant qui n'a encor point l'usage de sa volonté, pour vouloir ni aymer chose quelcomque que le sein et le visage de sa chere mere; car il ne pense nullement a vouloir estre d'un costé ni d'autre, ni a vouloir autre chose quelcomque sinon d'estre entre les bras de sa mere, avec laquelle il pense estre une mesme chose, et n'est nullement en soucy d'accommoder sa volonté a celle de sa mere, car il ne sent point la sienne et ne cuyde pas d'en avoir une, laissant le soin a sa mere d'aller, de faire et de vouloir ce qu'elle treuvera bon pour luy..

  A005000552 

 C'est certes la souveraine perfection de nostre volonté que d'estre ainsy unie a celle de nostre souverain Bien, comme fut celle du Saint qui disoit: O Seigneur, vous m'aves conduit et mené en vostre volonté; car, que vouloit-il dire, sinon qu'il n'avoit nullement employé sa volonté pour se conduire, s'estant simplement laissé guider et mener a celle de son Dieu? [151].

  A005000554 

 Et nous autres, Theotime, comme petitz enfans du Pere celeste, nous pouvons aller avec luy en deux sortes: car nous pouvons aller, premierement, marchans des pas de nostre propre vouloir, lequel nous conformons au sien, tenans tous-jours de la main de nostre obeissance celle de son intention divine et la suivant par tout ou elle nous conduit; qui est ce que Dieu requiert de nous par la signification de sa volonté, car puisqu'il veut que je fasse ce qu'il m'ordonne, il veut que j'aye le vouloir de le faire.

  A005000554 

 Il est vray que nous pouvons bien vouloir qu'ilz arrivent selon la volonté de Dieu, et ce vouloir est tres bon; mais nous pouvons bien aussi recevoir les evenemens du bon playsir celeste par une tres simple tranquillité de nostre volonté qui, ne voulant chose quelcomque, acquiesce simplement a tout ce que Dieu veut estre fait en nous, sur nous et de nous..

  A005000554 

 Mays nous pouvons aussi aller avec Nostre Seigneur sans avoir aucun vouloir propre, nous laissans simplement porter [152] a son bon playsir divin, comme un petit enfant entre les bras de sa mere, par une certaine sorte de consentement admirable qui se peut appeller union, ou plustost unité de nostre volonté avec celle de Dieu.

  A005000555 

 Et affin que vous le sachies, tandis que je suis parmi les delices de ces saintes caresses qui [153] surpassent toute suavité, il m'est advis que ma Mere est un arbre dé vie et que je suis en elle comme son fruit, que je suis son propre cœur au milieu de sa poitrine, ou son ame au milieu de son cœur: c'est pourquoy, comme son marcher suffit pour elle et pour moy, sans que je me mesle de faire aucun pas, aussi sa volonté suffit pour elle et pour moy, sans que je fasse aucun vouloir pour ce qui est d'aller ou de venir.

  A005000555 

 Et qui luy eust demandé: Mais au moins, n'alles vous pas avec vostre Mere? n'eust-il pas eu rayson de dire: Non, je ne vay nullement, ou si je vay la part ou ma Mere me porte, je n'y vay pas avec elle ni par mes propres pas, ains j'y vay par les pas de ma Mere, par elle et en elle.

  A005000555 

 Et qui luy eust repliqué: Mais au moins, o trescher divin Enfant, vous vous voules bien laisser porter a vostre douce Mere? Non fay certes, eust-il peu dire, je ne veux rien de tout cela, ains, comme ma toute bonne Mere marche pour moy, aussi elle veut pour moy: je luy laisse egalement le soin et d'aller et de vouloir aller pour moy ou bon luy semblera; et comme je ne marche que par ses pas, aussi je ne veux que par son vouloir, et des que je me treuve entre ses bras je n'ay aucune attention ni a vouloir ni a ne vouloir pas, laissant tout autre soin a ma Mere hormis celuy d'estre sur son sein, de succer son sacré chicheron, et de me tenir bien attaché a son col tres aymable pour la bayser amoureusement des baysers de ma bouche.

  A005000555 

 O que bienheureux est le ventre qui vous a porté et les mammelles que vous aves succees!.

  A005000555 

 Si on eust demandé au doux Enfant Jesus, estant porté entre les bras de sa Mere, ou il alloit, n'eust-il pas eu rayson de respondre: Je ne vay pas, c'est ma Mere qui va pour moy.

  A005000556 

 Et notés qu'il dit toute nostre sollicitude, c'est a dire, [154] autant celle que nous avons de recevoir les evenemens comme celle de vouloir ou ne vouloir pas; car il aura soin du succes de nos affaires et de vouloir pour nous ce qui sera le meilleur..

  A005000556 

 Le Sauveur de nos ames eut l'usage de rayson des l'instant de sa conception au ventre de sa Mere, et pouvoit faire tous ces discours; ouy mesme le glorieux saint Jean, son Precurseur, des le jour de la sainte Visitation: et bien que l'un et l'autre, pendant ce tems-la et celuy de l'enfance, jouit de sa propre liberté pour vouloir et ne vouloir pas les choses, si est-ce qu'ilz laisserent le soin, en ce qui estoit de leur conduite exterieure, a leurs meres, de faire et vouloir pour eux ce qui estoit requis.

  A005000561 

 Benir Dieu et le remercier pour tous les evenemens que sa providence ordonne, c'est a la verité une occupation toute sainte; mays si, tandis que nous laissons le soin a Dieu de vouloir et faire ce qu'il luy plait en nous, sur nous et de nous, sans estre attentifs a ce qui se passe quoy que nous le sentions bien, nous pouvions [155] divertir nostre cœur et appliquer nostre attention en la Bonté et Douceur divine, la benissant non en ses effectz ni es evenemens qu'elle ordonne, mais en elle mesme et en sa propre excellence, nous ferions sans doute un exercice beaucoup plus eminent..

  A005000562 

 Demetrius tenant le siege devant Rhodes, Protogenes qui estoit en une petite mayson des fauxbourgs, ne cessa jamais de travailler, mais avec tant d'asseurance et de repos d'esprit, qu'encor qu'on luy tint presque tous-jours l'espee a la gorge, il fit l'excellent chef d'œuvre d'un satyre admirable qui s'esgayoit a jouer du flageolet.

  A005000562 

 O Dieu, quelles ames, qui entre toutes sortes d'accidens tiennent tous-jours leur attention et affection sur la Bonté eternelle, pour l'honnorer et cherir a jamais!.

  A005000563 

 Et sur ces paroles elle s'endormit, tandis que son pere, jugeant [156] a propos de la saigner, disposa ce qui estoit requis; et venant a elle, ainsy qu'elle se resveilla, apres l'avoir interrogee comme elle se treuvoit de son sommeil, il luy demanda si elle vouloit pas bien estre saignee pour guerir.

  A005000563 

 La fille d'un excellent medecin et chirurgien estant en fievre continue, et sachant que son pere l'aymoit uniquement, disoit a l'une de ses amies: Je sens beaucoup de peine, mais pourtant je ne pense point aux remedes, car je ne sçai pas ce qui pourroit servir a ma guerison; je pourrois desirer une chose et il m'en faudroit une autre: ne gaigne-je donq pas mieux de laisser tout ce soin a mon pere, qui sçait, qui peut et qui veut pour moy tout ce qui est requis a ma santé? J'aurais tort d'y penser, car il y pensera asses pour moy; j'aurois tort de vouloir quelque chose, car il voudra asses tout ce qui me sera proffitable: seulement donq j'attendray qu'il veuille ce qu'il jugera expedient, et ne m'amuseray qu'a le regarder quand il sera pres de moy, a luy tesmoigner mon amour filial et luy faire connoistre ma confiance parfaite.

  A005000563 

 Mon pere, respondit elle, je suis vostre, je ne sçai ce que je dois vouloir pour guerir, c'est a vous de vouloir et faire pour moy tout ce qui vous semblera bon; car, quant a moy, il me suffit de vous aymer et honnorer de tout mon cœur, comme je fay.

  A005000566 

 Et si vous y prenes garde, l'attente de l'ame est vrayement volontaire, et toutefois ce n'est pas une action, mais une simple disposition a recevoir ce qui arrivera; et lhors que les evenemens sont arrivés et receuz, l'attente se convertit en consentement ou acquiescement, mais avant la venue d'iceux, en verité l'ame est en une simple attente, indifferente a tout ce qu'il plaira a la volonté divine d'ordonner..

  A005000566 

 Il est fort malaysé de bien exprimer cette extreme indifference de la volonté humaine qui est ainsy reduite et trespassee en la volonté de Dieu: car il ne faut pas dire, ce me semble, qu'elle acquiesce a celle de Dieu, puisque l'acquiescement est un acte de l'ame qui declaire son consentement; il ne faut pas dire non plus qu'elle accepte ni qu'elle reçoit, d'autant que accepter et recevoir sont de certaines actions qu'on peut en certaine façon appeller actions passives, par lesquelles nous embrassons et prenons ce qui nous arrive; il ne faut pas dire aussi qu'elle permet, d'autant que la permission est une action de la volonté, et par consequent un certain vouloir oysif qui ne veut voirement rien faire, mais veut pourtant laisser faire.

  A005000566 

 Il me semble donq plustost, que l'ame qui est en cette indifference et qui ne veut rien, ains laisse vouloir a Dieu ce qu'il luy plaira, doit estre ditte avoir sa volonté en une simple et generale attente; d'autant qu'attendre [158] ce n'est pas faire ou agir, ains demeurer exposé a quelqu'evenement.

  A005000567 

 Mays voyes, je vous prie, Theotime, que tout ainsy que nostre Sauveur, apres l'orayson de resignation qu'il fit au jardin des Olives et sa prise, se laissa manier et mener au gré de ceux qui le crucifierent, avec un abandonnement admirable de son cors et de sa vie entre leurs mains, aussi mit-il son ame et sa volonté, par une indifference tres parfaite, es mains de son Pere eternel.

  A005000567 

 Nostre Sauveur exprime ainsy l'extreme sous-mission de sa volonté humaine a celle de son Pere eternel: Le Seigneur Dieu, dit il, a ouvert mon aureille, c'est a dire, m'a annoncé son bon playsir touchant la multitude des travaux que je dois souffrir; et moy, dit il par apres, je ne contredis point, je ne me retire point en arriere. Qu'est ce a dire je ne contredis point, je ne me tire point en arriere? sinon: ma volonté est en une simple attente, et demeure disposee a tout ce que celle de Dieu ordonnera; en suite dequoy je baille et abandonne mon cors a la merci de ceux qui le battront, et mes joües a ceux qui les peleront, preparé a tout ce qu'ilz voudront faire de moy.

  A005000571 

 L'amour fit tout cela, Theotime: et c'est l'amour aussi qui, entrant en une ame affin de la faire heureusement mourir a soy et revivre a Dieu, la fait despouiller de tous les desirs humains et de l'estime de soy mesme, qui n'est pas moins attachee a l'esprit que la peau a la chair, et la desnue en fin des affections plus aymables, comme sont celles qu'elle avoit aux [160] consolations spirituelles, aux exercices de pieté et a la perfection des vertus, qui sembloyent estre la propre vie de l'ame devote..

  A005000572 

 Ouy, Theotime, le mesme Seigneur qui nous fait desirer les vertus en nostre commencement et qui nous les fait prattiquer en toutes occurrences, c'est luy mesme qui nous oste l'affection des vertus et de tous les exercices spirituelz, affin qu'avec plus de tranquillité, de pureté et de simplicité, nous n'affectionnions rien que le bon playsir de sa divine Majesté.

  A005000584 

 Ce commandement est comme un soleil qui donne le lustre et la dignité a toutes les loix sacrees, a toutes les ordonnances divines et a toutes les Saintes Escritures.

  A005000584 

 Tout est fait pour ce celeste amour et tout se rapporte a iceluy: de l'arbre sacré de ce commandement dependent tous les conseilz, exhortations, inspirations, et les autres commandemens, comme ses fleurs, et [165] la vie eternelle comme son fruit; et tout ce qui ne tend point a l'amour eternel tend a la mort eternelle.

  A005000585 

 Le pauvre Apelles, ne se pouvant garder d'aymer, n'osoit toutefois aymer la belle Campaspé, parce qu'elle appartenoit au grand Alexandre; mais quand il eut congé de l'aymer, combien s'en estima-il obligé a celuy qui le luy permettoit! Il ne sçavoit s'il devoit plus aymer, ou cette belle Campaspé qu'un si grand Empereur luy avoit quitté, ou ce grand Empereur qui luy avoit quitté une si belle Campaspé.

  A005000585 

 O vray Dieu, si nous le sçavions entendre, mon cher Theotime, quelle obligation aurions-nous a ce souverain Bien qui non seulement nous permet, mais nous commande de l'aymer! Helas, o Dieu, je ne sçay pas si je dois plus aymer vostre infinie beauté qu'une si divine bonté m'ordonne d'aymer, ou vostre divine bonté qui m'ordonne d'aymer une si tres infinie beauté! O beauté, combien estes vous aymable, m'estant octroyee par une si immense bonté! o bonté, que vous estes amiable de me communiquer une si eminente beauté!.

  A005000586 

 Car a mesme que la claire et belle connoissance de la divine beauté aura penetré les entendemens de ces espritz infortunés, la divine justice ostera tellement la force a la volonté, qu'elle ne pourra nullement aymer cet object que l'entendement luy proposera et representera estre tant aymable; et cette veüe qui devoit engendrer un si grand amour en la volonté, en lieu de cela y fera naistre une tristesse infinie, laquelle sera rendue eternelle par la souvenance qui demeurera a jamais en ces ames perdues de la souveraine beauté qu'ilz auront veüe: souvenance sterile de tout bien, ains fertile de travaux, de peines, de tormens et de desespoirs immortelz; d'autant qu'en la volonté se treuvera tout ensemble une impossibilité, ains une effroyable et eternelle aversion et repugnance d'aymer cette tant desirable excellence.

  A005000586 

 Dieu, au jour du jugement, imprimera es espritz des damnés l'apprehension de la perte qu'ilz feront, en une façon admirable: car la divine Majesté leur fera clairement voir la souveraine beauté de sa face et les tresors [166] de sa bonté, et a la veüe de cet abisme infini de delices, la volonté, par un effort extreme, se voudra lancer sur iceluy pour s'unir a luy et jouir de son amour; mais ce sera pour neant, d'autant qu'elle sera comme une femme qui, entre les douleurs de l'enfantement, apres avoir enduré des violentes tranchees, des convulsions cruelles et des detresses insupportables, meurt en fin sans pouvoir enfanter.

  A005000598 

 Nous sommes donques destinés au contentement qui nous est promis en la vie immortelle, par ce commandement qui nous est fait en cette vie mortelle, en laquelle nous sommes, a la verité, obligés de l'observer tres estroittement, puisque c'est la loy fondamentale que le Roy Jesus a donné aux citoyens de la Hierusalem militante, pour leur faire meriter la bourgeoisie et la joye de la Hierusalem triomphante..

  A005000598 

 Si aucune loy n'est imfosee au juste, parce que, prevenant la loy et sans avoir besoin d'estre sollicité par icelle, il fait la volonté de Dieu par l'instinct de la charité qui regne en son ame, combien devons nous estimer les Bienheureux de Paradis libres et exemptz de toute sorte de commandemens, puisque, de la jouissance en laquelle ilz sont de la souveraine beauté et bonté du Bienaymé, coule et procede une tres douce mais inevitable necessité en leurs espritz, d'aymer eternellement la tressainte Divinité? Nous aymerons Dieu au Ciel, Theotime, non comme liés et obligés par la loy, mais comme attirés et ravis par la joye que cet object si parfaittement aymable donnera a nos cœurs; alhors la force du commandement cessera pour faire place a la force du contentement, qui sera le fruit et le comble de l'observation du commandement.

  A005000599 

 Certes, la haut au Ciel nous aurons un cœur tout libre de passions, une ame toute espuree de distractions, un esprit affranchi de contradictions, et des forces [169] exemptes de repugnances; et partant nous y aymerons Dieu par une perpetuelle et non jamais interrompue dilection, ainsy qu'il est dit de ces quatre animaux sacrés qui, representans les Evangelistes, sans cesser ni jour ni nuit louoyent continuellement la Divinité.

  A005000601 

 Heureux qui loge en ta mayson!.

  A005000604 

 Et ne faut pas non plus, Theotime, que pendant l'enfance de nostre vie mortelle, nous laissions de faire ce qui est en nous, selon qu'il nous est commandé; puisque non seulement nous le pouvons, mais il est tres aysé, tout ce commandement estant de l'amour, et de l'amour de Dieu, qui, estant souverainement bon, est souverainement aymable.

  A005000608 

 Qui dit tout ne forclost rien; et toutefois, un homme ne laissera pas d'estre tout a Dieu, tout a son pere, tout a sa mere, tout au prince, tout a la republique, tout a ses enfans, tout a ses amis: en sorte qu'estant tout a un chacun, il sera encor tout a tous.

  A005000609 

 L'homme se donne tout par l'amour, et se donne tout autant qu'il ayme: il est donq souverainement donné a Dieu lhors qu'il ayme souverainement sa divine bonté; et quand il s'est ainsy donné il ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu.

  A005000609 

 Or, jamais aucun amour n'oste nos cœurs a Dieu, sinon celuy qui luy est contraire.

  A005000609 

 Sara ne se fasche point de voir [171] Ismaël autour du cher Isaac, tandis qu'il ne se joue point a le hurter et piquer; et la divine Bonté ne s'offence point de voir en nous des autres amours aupres du sien, tandis qu'ilz conservent envers luy la reverence et sousmission qui luy est deüe..

  A005000610 

 Certes, Theotime, la haut en Paradis Dieu se donnera tout a nous, et non pas en partie, puysque c'est un tout qui n'a point de parties; mais il se donnera pourtant diversement, et avec autant de differences qu'il y aura de Bienheureux: ce qui se fera ainsy, parce que, se donnant tout a tous et tout a un chacun, il ne se donnera jamais totalement ni a pas un en particulier, ni a tous en general.

  A005000611 

 Qui ne sçait que l'on proffite en ce saint amour, et que la fin des Saintz est comblee d'un plus parfait amour que le commencement?.

  A005000611 

 Theotime, non seulement entre ceux qui ayment Dieu de tout leur cœur il y en a qui l'ayment plus et les autres moins, mais une mesme personne se surpasse maintefois soy mesme en ce souverain exercice de la dilection de Dieu sur toutes choses.

  A005000612 

 Et nonobstant cela, elle ne laisse pas de dire qu'Ezechias n'eut point son semblable entre tous les roys de Juda, ni devant ni apres luy, qu'il s'unit a Dieu et [173] ne se destourna point de luy: puis, traittant de Josias, elle dit qu' il n'y eut aucun roy devant luy qui luy fust semblable, qui se retournast au Seigneur de tout son cœur, de toute son ame et de toute sa force selon toute la loy de Moyse; nul aussi apres luy ne s'esleva de semblable.

  A005000613 

 Qui le donne tout par le martire, qui tout par la virginité, qui tout par la pauvreté, qui tout par l'action, qui tout par la contemplation, qui tout par l'exercice pastoral; et tous le donnans tout par l'observance des commandemens, les uns pourtant le donnent avec moins de perfection que les autres.

  A005000614 

 Ouy mesme Jacob, qui est appelle le saint de Dieu, en Daniel, et que Dieu proteste d'avoir aymé, confesse luy mesme qu'il avoit servi Laban de toutes ses forces.

  A005000615 

 Or, une goutte de cet amour vaut mieux, a plus de force et merite plus d'estime que tous les autres amours qui jamais puissent estre es coeurs des hommes et parmi les choeurs des Anges; car tandis que cet amour vit, il regne et tient le sceptre sur toutes affections, faysant preferer Dieu en sa volonté a toutes choses indifferemment, universellement et sans reserve.

  A005000619 

 Il en avoit soixante, qui, apres celle-la, tenoyent le premier degré d'honneur et d'estime, et qui furent nommees reines; outre lesquelles il y avoit, 3.

  A005000619 

 encor quatre vingtz dames qui n'estoyent voirement pas reynes, mais qui pourtant avoyent part au lit royal en qualité d'honnorables et legitimes amies; et finalement, 4.

  A005000619 

 il y en avoit une qui estoit uniquement l'unique amie toute parfaite, toute rare, comme une singuliere colombe, avec laquelle les autres n'entroyent point en comparayson, et que pour cela il appella de son nom, Sulamite.

  A005000620 

 Car, qu'est ce quitter les porceaux, sinon se retirer des pechés? et qu'est ce venir tout [177] deschiré, drilleux et puant, sinon avoir encor l'affection embarrassee des habitudes et inclinations qui tendent au peché? Mays cependant il avoit la vie de l'ame, qui est l'amour, et comme un phœnix renaissant de sa cendre il se treuva nouvellement resuscité: il estoit mort, dit son pere, et il est revenu a vie, il est ravivé..

  A005000620 

 Elles sont neanmoins vivantes, animees et enplumees de l'amour, et de l'amour vray, autrement elles n'eussent pas quitté le peché; mais amour neanmoins encor foible et jeune, qui, environné d'une quantité d'autres amours, ne peut pas produire tant de fruitz comme il feroit s'il possedoit entierement le cœur.

  A005000620 

 Entre lesquelles il y en a qui, estant nouvellement delivrees de leurs pechés et bien resolues d'aymer Dieu, sont neanmoins encor novices, apprentisses, tendres et foibles: si que elles ayment voirement la divine suavité, mais avec meslange de tant d'autres differentes affections, que leur amour sacré estant encor comme en son enfance, elles ayment avec Nostre Seigneur quantité de choses superflues, vaynes et dangereuses.

  A005000620 

 Or, sur l'idee de ce qui se passoit en son palais, il [176] descrivit les diverses perfections des ames qui a l'avenir devoyent adorer, aymer et servir le grand Roy pacifique, Jesus Christ Nostre Seigneur.

  A005000621 

 Or, ces ames sont nommees jeunes filles, au Cantique, d'autant qu'ayant senti l' odeur du nom de l'Espoux, qui ne respire que salut et pardon, elles l'ayment d'un amour vray, mais amour qui, comme elles, est en sa tendre jeunesse.

  A005000622 

 Et ces ames qui n'ayment rien que ce que Dieu veut qu'elles ayment, mais qui excedent en la façon d'aymer, ayment voirement la divine Bonté sur toutes choses, mais non pas en toutes choses; car les choses mesmes qu'il leur est non seulement permis mais ordonné [179] d'aymer selon Dieu, elles ne les ayment pas seulement selon Dieu, ains pour des causes et motifs qui ne sont pas certes contre Dieu, mais bien hors de Dieu: de sorte qu'elles ressemblent au phœnix qui, ayant ses premieres plumes et commençant a se renforcer, se guinde des-ja en plein air, mais n'a pourtant encor asses de force pour demeurer longuement au vol, dont il descend souvent prendre terre pour s'y reposer.

  A005000622 

 L'amour de nos parens, amis, bienfacteurs, est de soy mesme selon Dieu, mais nous les pouvons aymer excessivement; comme aussi nos vocations, pour spirituelles qu'elles soyent, et nos exercices de pieté (que toutefois nous devons tant affectionner) peuvent estre aymés desreglement, lhors que l'on les prefere a l'obeissance et au bien plus universel, ou que l'on les affectionne en qualité de derniere fin, bien qu'ilz ne soyent que des moyens et acheminemens a nostre finale pretention, qui est le divin amour.

  A005000622 

 Mays il y a des ames qui, ayant des-ja fait quelque progres en l'amour divin, ont retranché tout l'amour qu'elles avoyent aux choses dangereuses, et neanmoins ne laissent pas d'avoir des amours dangereux et superflus, parce qu'elles affectionnent avec exces et par un amour trop tendre et passionné ce que Dieu veut qu'elles ayment.

  A005000622 

 Tel fut le pauvre jeune homme qui, ayant observé les commandemens de Dieu des son bas aage, ne desiroit pas les biens d'autruy, mais il affectionnoit trop tendrement ceux qu'il avoit; c'est pourquoy, quand Nostre Seigneur luy conseilla de les donner aux pauvres, il devint tout triste et melancholique: il n'aymoit rien que ce qui luy estoit loysible d'aymer, mais il l'aymoit d'un amour superflu et trop serré..

  A005000627 

 Or il y a des autres ames qui n'ayment ni les superfluités ni avec superfluité, ains ayment seulement ce que Dieu veut et comme Dieu veut: ames heureuses, puisqu'elles ayment Dieu, et leurs amis en Dieu, et leurs ennemis pour Dieu; elles ayment plusieurs choses avec Dieu, mais pas une sinon en Dieu et pour Dieu; c'est Dieu qu'elles ayment non seulement sur toutes choses mais en toutes choses, et toutes choses en Dieu; semblables au phœnix parfaitement rajeuni et revigoré, que l'on ne void jamais qu'en l'air ou sur les coupeaux des montz qui sont en l'air.

  A005000627 

 Saint Luc recite que Nostre Seigneur invita a sa suite un jeune homme qui l'aymoit voirement bien fort, mais il aymoit encor grandement son pere, et pour cela vouloit retourner a luy; et Nostre Seigneur luy retranche cette superfluité d'amour et l'excite a un amour plus pur, affin que non seulement il ayme Nostre Seigneur plus que son pere, mais qu'il n'ayme son pere qu'en Nostre Seigneur: Laisse aux mortz le soin d'ensevelir leurs mortz, mais quant a toy, qui as treuvé la vie, va, et annonce le Royaume de Dieu.

  A005000628 

 Ame toute pure, qui n'ayme pas mesme le Paradis sinon parce que l'Espoux y est aymé; mais Espoux si souverainement aymé en son Paradis, que s'il n'avoit point de Paradis a donner il n'en seroit ni [182] moins aymable ni moins aymé par cette courageuse amante, qui ne sçait pas aymer le Paradis de son Espoux, ains seulement son Espoux de Paradis, et qui ne prise pas moins le Calvaire tandis que son Espoux y est crucifié, que le Ciel ou il est glorifié.

  A005000628 

 Celuy qui pese une des petites boulettes du cœur de sainte Claire de Montefalco y treuve autant de poids comme il en treuve les pesant toutes trois ensemble; ainsy le grand amour treuve Dieu autant aymable luy seul que toutes les creatures avec luy ensemble, d'autant qu'il n'ayme toutes les creatures qu'en Dieu et pour Dieu..

  A005000628 

 Mais en fin, au dessus de toutes ces ames, il y en a une tres uniquement unique, qui est la reyne des reynes, la plus aymante, la plus aymable et la plus aymee de toutes les amies du divin Espoux, qui non seulement ayme Dieu sur toutes choses et en toutes choses, mais n'ayme que Dieu en toutes choses, de sorte qu'elle n'ayme pas plusieurs choses, ains une seule chose, qui est Dieu; et parce que c'est Dieu seul qu'elle ayme en tout ce qu'elle ayme, elle l'ayme egalement par tout, selon que le bon playsir d'iceluy le requiert, hors de toutes choses et sans toutes choses.

  A005000628 

 Or, cette sacree amante n'ayme non plus son Roy avec tout l'univers que s'il estoit tout seul sans univers, parce que tout ce qui est hors de Dieu et n'est pas Dieu ne luy est rien.

  A005000628 

 Si ce n'est qu'Hester qu'Assuerus ayme, pourquoy l'aymera-il plus lhors qu'elle est parfumee et paree que lhors qu'elle est en son habit ordinaire? Si ce n'est que mon Sauveur que j'ayme, pourquoy n'aymeray-je pas autant la montaigne de Calvaire que celle de Tabor, puisqu'il est aussi veritablement en l'une qu'en l'autre? et pourquoy ne diray je pas aussi cordialement en l'une comme en l'autre: Il est bon d'estre icy? J'ayme le Sauveur en Egypte sans aymer l'Egypte; pourquoy ne l'aymeray-je pas au festin de Simon le Lepreux sans aymer le festin? et si je l'ayme entre les blasphemes qu'on respand sur luy sans aymer les blasphemes, pourquoy ne l'aymeray-je pas parfumé de l' unguent pretieux de Magdeleyne sans aymer ni l'unguent ni la senteur? C'est le vray signe que nous n'aymons que Dieu en toutes choses quand nous l'aymons egalement en toutes choses, puisqu'estant tous-jours egal a soy mesme, l'inegalité de nostre amour envers luy ne peut avoir origine que de la consideration de quelque chose qui n'est pas luy.

  A005000629 

 Car, je vous prie, Theotime, que devoit estre celuy qui de tout son cœur chantoit a Dieu:.

  A005000629 

 De ces ames si parfaites il y en a si peu, que chacune d'icelles est appellee unique de sa mere, qui est la Providence divine; elle est dite unique colombe, qui pour tout n'ayme que son colombeau; elle est nommee parfaite, parce qu'elle est rendue par amour une mesme chose avec la souveraine perfection; dont elle peut dire avec une tres humble verité: Je ne suis que pour mon Bienaymé, et il est tout tourné devers moy.

  A005000629 

 Mays laissans cette nompareille Reyne en son incomparable eminence, on a certes veu des ames qui se sont tellement treuvees en l'estat de ce pur amour, qu'en comparayson des autres elles pouvoyent tenir rang de reynes, de colombes uniques et de parfaites amies de l'Espoux.

  A005000629 

 Or, il n'y a que la tressainte Vierge Nostre Dame qui soit parfaitement parvenue a ce degré d'excellence en l'amour de son cher Bienaymé; car elle est une colombe si uniquement unique en dilection, que toutes les autres estans mises aupres d'elle en parangon meritent plustost le nom de corneilles que de colombes.

  A005000631 

 Dans le Ciel, sinon toy, qui me peut estre cher?.

  A005000634 

 Ames rares et singulieres, qui n'ont plus aucune ressemblance avec les oyseaux dé ce monde, non pas mesme avec le phœnix, qui est si uniquement rare; ains sont seulement representees par cet oyseau que pour son excellente beauté et noblesse on dit n'estre pas de ce monde, ains du Paradis, dont il porte le nom: car ce bel oyseau desdaignant la terre, ne la touche jamais, vivant tous-jours en l'air; de sorte que lhors mesme qu'il veut se delasser, il ne s'attache aux arbres que par des petitz filetz ausquelz il demeure suspendu en l'air, hors duquel et sans lequel il ne peut ni voler ni reposer.

  A005000634 

 Et celuy qui s'escrioit: J'ay estimé toutes choses boüe et fange affin de m'acquerir Jesus Christ, ne tesmoigna-il pas qu'il n'aymoit rien hors de son Maistre, [183] et qu'il aymoit son Maistre hors de toutes choses? Et quel pouvoit estre le sentiment de ce grand amant qui souspiroit toute la nuit: «Mon Dieu est pour moy toutes choses?» Telz furent saint Augustin, saint Bernard, les deux saintes Catherines, de Sienne et de Gennes, et plusieurs autres, a l'imitation desquelz un chacun peut aspirer a ce divin degré d'amour.

  A005000634 

 Et de mesme, ces grandes ames n'ayment pas, a proprement parler, les creaturès en elles mesmes, ains en leur Createur, et leur Createur en icelles: que si elles s'attachent par la loy de la charité a quelque creature, ce n'est que pour se reposer en Dieu, unique et finale pretention de leur amour; si que, treuvant Dieu es creatures et les creatures en Dieu, elles ayment Dieu et non les creatures, comme ceux peschent aux perles qui, treuvans les perles dans les ouïstres, n'estiment toutefois leur pesche que pour les seules perles..

  A005000635 

 Au demeurant, il n'y eut, comme je pense, jamais creature mortelle qui aymast l'Espoux celeste de ce seul amour si parfaitement pur, sinon la Vierge qui fut son Espouse et Mere tout ensemble; ains au contraire, quant a la prattique de ces quatre differences d'amour on ne sçauroit guere vivre qu'on ne passe de l'un a l'autre.

  A005000635 

 Et de mesme il arrive quelquefois aux ames qui sont au rang des uniques et parfaites amantes, qu'elles se demettent et relaschent bien fort, voire mesme jusques a commettre des grandes imperfections et des fascheux pechés venielz; comme on void en plusieurs dissentions asses aigres, survenues entre des grans serviteurs de Dieu, ouï mesme entre quelques uns des divins Apostres, que l'on ne peut nier estre tumbés en quelques imperfections, par lesquelles la charité n'estoit pas certes violee, mais ouy bien toutefois la ferveur d'icelle.

  A005000635 

 Et lhors il faut confesser que ces arbres sont fructueux, autrement ilz ne seroyent pas bons; mais il ne faut pas nier non plus que quelques uns de leurs fruitz ne soyent infructueux, car qui niera que les chatons et le guy des arbres ne soit un fruit infructueux? Et qui niera que les menues choleres et les petitz exces de joye, de risee, de vanité et autres telles passions, ne soyent des mouvemens inutiles et illegitimes? et toutefois le juste en produit sept fois le jour, c'est a dire bien souvent.

  A005000635 

 Les ames qui, comme jeunes filles, sont encor [184] embarrassees de plusieurs affections vaines et dangereuses, ne laissent pas d'avoir quelquefois des sentimens de l'amour plus pur et supreme; mais parce que ce ne sont que des eloyses et esclairs passagers, on ne peut pas dire que ces ames soyent pour cela hors de l'estat des jeunes filles novices et apprentisses.

  A005000639 

 Y ayant tant de divers degrés d'amour entre les vrays amans, il n'y a neanmoins qu'un seul commandement d'amour qui oblige generalement et egalement un chacun d'une toute pareille et totalement egale obligation, quoy qu'il soit observé differemment et avec une infinie varieté de perfections, n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges au Ciel, qui ayent entr'elles une parfaite egalité de dilection; puisque comme une estoile est differente d'avec l'autre estoile en clarté, ainsy en sera-il parmi les Bienheureux resuscités, ou chacun chante un cantique de gloire, et reçoit un nom que nul ne sçait sinon celuy qui le reçoit.

  A005000640 

 C'est l'amour qui doit prevaloir [186] sur tous nos amours et regner sur toutes nos passions: et c'est ce que Dieu requiert de nous, qu'entre tous nos amours le sien soit le plus cordial, dominant sur tout nostre cœur; le plus affectionné, occupant toute nostre ame; le plus general, employant toutes nos puissances; le plus relevé, remplissant tout nostre esprit, et le plus ferme, exerçant toute nostre force et vigueur.

  A005000641 

 C'est cette supreme dilection qui met Dieu en telle estime dedans nos ames, et fait que nous prisons si hautement le bien de luy estre aggreables, que nous le [187] preferons et affectionnons sur toutes choses.

  A005000641 

 Et c'est en somme l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui est commandé a tous les mortelz en general et a un chacun d'iceux en particulier, des lhors qu'ilz ont le franc usage de la rayson: amour suffisant pour un chacun, et necessaire a tous pour estre sauvés..

  A005000641 

 Qui aymeroit son pere d'un amour seulement fraternel, certes il ne l'aymeroit pas asses; qui aymeroit sa femme seulement comme son pere, il ne l'aymeroit pas convenablement; qui aymeroit son laquais de l'amour filial, il commettroit une impertinence.

  A005000641 

 Vous sçaves, Theotime, qu'il y a plusieurs especes d'amour: comme, par exemple, il y a un amour paternel, filial, fraternel, nuptial, de societé, d'obligation, de dependence, et cent autres, qui tous sont differens en excellence, et tellement proportionnés a leurs objectz qu'on ne peut bonnement les addresser ou approprier aux autres.

  A005000645 

 On ne connoist pas tous-jours clairement, ni jamais tout a fait certainement, au moins «d'une certitude de foy,» si on a le vray amour de Dieu requis pour estre sauvé; mais on ne laisse pas pourtant d'en avoir plusieurs marques, entre lesquelles la plus asseuree et presque infallible paroist quand quelque grand amour des creatures s'oppose aux desseins de l'amour de Dieu: car alhors, si l'amour divin est en l'ame, il fait paroistre la grandeur du credit et de l'authorité qu'il a sur la volonté, monstrant par effect que non seulement il n'a point de maistre, mais que mesme il n'a point de compaignon, reprimant et renversant tout ce qui le contrarie, et se faisant obeir en ses intentions.

  A005000645 

 Quand la malheureuse trouppe des espritz diaboliques, s'estant revoltee contre son Createur, voulut attirer a sa faction [188] la sainte compaignie des espritz bienheureux, le glorieux saint Michel, animant ses compaignons a la fidelité qu'ilz devoyent a leur Dieu, crioit a haute voix, mais d'une façon angelique, parmi la celeste Hierusalem: Qui est comme Dieu? Et par ce mot il renversa le felon Lucifer avec sa suite, qui se vouloyent egaler a la divine Majesté; et de la, comme on dit, le nom fut imposé a saint Michel, puisque Michel ne veut dire autre chose sinon: Qui est comme Dieu? Et lhors que les amours des choses creées veulent tirer nos espritz a leur parti pour nous rendre desobeissans a la divine Majesté, si le grand amour divin se treuve en l'ame, il fait teste, comme un autre saint Michel, et asseure les puissances et forces de l'ame au service de Dieu par ce mot de fermeté: Qui est comme Dieu? quelle bonté y a-il es creatures, qui doive attirer le cœur humain a se rebeller contre la souveraine bonté de son Dieu?.

  A005000646 

 Lhors que le saint et brave gentilhomme Joseph conneut que l'amour de sa maistresse tendoit a la ruine de celuy qu'il devoit a son maistre: Ah, dit il, Dieu m'en garde de violer le respect que je dois a mon maistre qui se confie tant en moy! comment donq pourrois-je perpetrer ce crime et pecher contre mon Dieu? Tenes, Theotime, voyla trois amours dans le cœur de l'aymable Joseph, car il ayme sa dame, son maistre et Dieu; mais lhors que celuy de sa dame s'oppose a celuy de son maistre, il le quitte tout court et s'enfuit, comme il eust aussi quitté celuy de son maistre s'il eust esté contraire a celuy de son Dieu.

  A005000649 

 Ainsy, quand un cœur ayme Dieu en consideration de son infinie bonté, pour peu qu'il ayt de cette excellente dilection, il preferera la volonté de Dieu a toutes choses, et en toutes les occasions qui se presenteront il quittera tout pour se conserver en la grace de la souveraine Bonté, sans que chose quelconque l'en puisse separer: de sorte qu'encor que ce divin amour ne presse ni n'attendrisse tous-jours pas tant le cœur comme les autres amours, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees et excellentes qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005000653 

 Et je dis ainsy avec un si grand soin, parce qu'il se treuve des personnes qui quitteroyent courageusement les biens, l'honneur et la vie propre pour Nostre Seigneur, lesquelles neanmoins ne quitteroyent pas pour luy quelqu'autre chose de beaucoup moindre consideration..

  A005000655 

 C'est pourquoy Dieu repoussa son present, et retirant sa misericorde de luy, permit que non seulement il perdist le souverain bonheur du martyre, mais qu'encor il se precipitast au malheur de l'idolatrie; tandis que l'humble et doux Nicephore, voyant cette couronne du martyre vacante par l'apostasie de l'endurci Saprice, touché d'une excellente et extraordinaire inspiration, se pousse hardiment pour l'obtenir, disant aux archers et bourreaux: «Je suis, mes amis, je suis en verité Chrestien et crois en Jesus Christ que cestuy cy [194] a renié; mettes moy donq, je vous prie, en sa place, et tranches moy la teste.» Dequoy les archers s'estonnant infiniment, ilz en portent la nouvelle au gouverneur, qui ordonna que Saprice fust mis en liberté et que Nicephore fust supplicié: et cela advint le neufviesme febvrier, environ l'an 260 de nostre salut, ainsy que recitent Metaphraste et Surius..

  A005000655 

 Ce pendant, voyla une aspre persecution qui s'esleve contre les Chrestiens, en laquelle Saprice, entre autres, estant apprehendé, fit merveilles a souffrir mille et mille tourmens pour la confession de la foy, et specialement lhors qu'il fut roulé et agité tres rudement dans un instrument fait expres, a guise de la vis d'un pressoir, sans que jamais il perdit sa constance: dont le gouverneur d'Antioche estant extremement irrité, il le condamna a la mort; en suite dequoy il fut tiré hors de la prison, en public, pour estre mené au lieu ou il devoit recevoir la glorieuse couronne du martyre.

  A005000655 

 Ce que Nicephore n'eut pas plus tost apperceu, que soudain il accourut, et ayant rencontré son Saprice, se prosternant en terre: Helas, crioit il a haute voix, «o martyr de Jesus Christ, pardonnés moy, car je vous ay offencé!» Dequoy Saprice ne tenant conte, le pauvre Nicephore, gaignant vistement le devant par une autre rue, vint derechef en mesme humilité, le conjurant de luy pardonner, en ces termes: «O martyr de Jesus Christ, pardonnes l'offence que je vous ay faite, comme homme que je suis, sujet a faillir; car voyla que des-ormais une couronne vous est donnee par Nostre Seigneur que vous n'aves point renié, ains aves confessé son saint nom devant plusieurs tesmoins.» Mais Saprice, continuant en sa fierté, ne luy respondit pas un seul mot, ains les bourreaux seulement, admirans la perseverance de Nicephore: «Onques,» luy dirent ilz, «nous ne vismes un si grand fol; cet homme va mourir tout maintenant, qu'as-tu besoin de son pardon?» A quoy respondant Nicephore: «Vous ne sçaves pas,» dit il, «ce que je demande au confesseur de Jesus Christ, mais Dieu le sçait.» [193] Or tandis Saprice arriva au lieu du supplice, ou Nicephore derechef s'estant jette en terre devant luy: «Je vous supplie,» faisoit-il, «o martyr de Jesus Christ, de me vouloir pardonner, car il est escrit: Demandés, et il vous sera octroyé.» Paroles lesquelles ne sceurent onques fleschir le cœur felon et rebelle du miserable Saprice qui, refusant obstinement de faire misericorde a son prochain, fut aussi par le juste jugement de Dieu privé de la tres glorieuse palme du martyre; car les bourreaux luy commandans de se mettre a genoux affin de luy trancher la teste, il commença a perdre courage et de capituler avec eux, jusques a leur faire en fin finale cette deplorable et honteuse sousmission: «Hé, de grace, ne me coupés pas la teste, je m'en vay faire ce que les Empereurs ordonnent, et sacrifier aux idoles.» Ce que oyant le pauvre bon Nicephore, la larme a l'œil, il se print a crier: «Ah, mon cher frere, ne veuilles pas, je vous prie, ne veuilles pas transgresser la loy et renier Jesus Christ; ne le quittes pas, je vous supplie, et ne perdes pas la celeste couronne que vous aves acquise par tant de travaux et de tourmens.» Mais helas! ce lamentable prestre, venant a l'autel du martyre pour y consacrer sa vie a Dieu eternel, ne s'estoit pas souvenu de ce que le Prince des Martyrs avoit dit: Si tu apportes ton offrande a l'autel, et tu te resouviens, y estant, que ton frere a quelque chose contre toy, laisse la ton offrande, et va premierement te reconcilier a ton frere, et alhors revenant, tu presenteras ton oblation.

  A005000657 

 Comme peut vouloir mourir pour Dieu celuy qui ne veut pas vivre selon Dieu?.

  A005000657 

 Mais, ce me dires vous, Nostre Seigneur a-il pas assigné l'extremité de l'amour qu'on peut avoir pour luy, quand il dit que plus grande charité ne peut-on avoir que d'exposer sa vie pour ses amis? Il est certes vray, Theotime, qu'entre les particuliers actes et tesmoignages de l'amour divin il n'y en a point de si grand que de subir la mort pour la gloire de Dieu; neanmoins il est vray aussi que ce n'est qu'un seul acte et un seul tesmoignage, qui est voirement le chef d'œuvre de la charité, mais outre lequel il y en a aussi plusieurs autres que la charité [195] requiert de nous, et les requiert d'autant plus ardemment et fortement que ce sont des actes plus aysés, plus communs et ordinaires a tous les amans, et plus generalement necessaires a la conservation de l'amour sacré.

  A005000658 

 Combien y a-il de gens qui mourroyent volontier pour leurs amis, qui neanmoins ne voudroyent pas vivre en leur service et obeir a leurs autres volontés? Tel expose [196] sa vie, qui n'exposeroit pas sa bourse.

  A005000658 

 Et quoy qu'il s'en treuve plusieurs qui pour la defense de l'ami engagent leurs vies, il ne s'en treuve qu'un en un siecle qui voulust engager sa liberté, ou perdre une once de la plus vaine et inutile reputation ou renommee du monde, pour qui que ce soit..

  A005000658 

 Un esprit bien reglé, ayant volonté de subir la mort pour un ami, subiroit sans doute toute autre chose, puisque celuy-la doit avoir tout mesprisé qui auparavant a mesprisé la mort.

  A005000663 

 Mais Jacob, que l'on sçache, ne sonna mot quelconque, estonné, comme je pense, et saisi de cœur entendant l'imbecillité et l'inconstance de Rachel, qui, pour si peu de chose, avoit quitté pour toute une nuit l'honneur et la douceur de sa presence.

  A005000663 

 Or, apres tout cela, qui suffisoit pour assujettir la plus fiere fille du monde a l'amour d'un amant si fidele, c'est une honte certes de voir la foiblesse que Rachel fit paroistre en l'affection qu'elle avoit pour Jacob.

  A005000664 

 Au reste, qui en prend trop longuement l'odeur en devient muet, et qui en boit largement meurt sans remede..

  A005000664 

 Or Pline raconte que quand les chirurgiens en presentent le jus a boire a ceux sur lesquelz ilz veulent faire quelque incision, affin de leur rendre le coup insensible, il arrive maintefois que la seule odeur fait l'operation et endort suffisamment les patiens: c'est pourquoy la mandragore est une plante charmeresse, qui enchante les yeux, les douleurs, les regretz et toutes les passions par le sommeil.

  A005000665 

 Theotime, les pompes, richesses et delectations mondaines peuvent-elles estre mieux representees? Elles ont une apparence attrayante, mais qui mord dans ces pommes, c'est a dire, qui sonde leur nature, n'y treuve ni goust ni contentement; neanmoins elles charment et endorment a la vanité de leur odeur, et la renommee que les enfans du monde leur donne estourdit et assomme ceux qui s'y amusent trop attentivement ou qui les prennent trop abondamment.

  A005000666 

 N'est ce pas une lamentable merveille de voir David, si grand a surmonter la hayne, si courageux a pardonner l'injure, estre neanmoins si furieusement injurieux en l'amour, que non content de posseder justement une grande multitude de femmes, il va iniquement usurper et ravir celle du pauvre Urie, et, par une lascheté insupportable, affin de prendre plus a souhait l'amour de la femme, il donne cruellement la mort au mari? Qui n'admirera le cœur de saint Pierre, si hardi entre les soldatz armés que luy seul de toute la trouppe de son Maistre met le fer au poing et frappe, puis, peu apres, est si couard entre les femmes, qu'a la seule parole d'une servante il renie et deteste son Maistre? Et comme peut on treuver si estrange que Rachel quittast les caresses de son Jacob pour des pommes [199] de mandragore, puisqu'Adam et Eve quitterent bien la grace pour une pomme qu'un serpent leur offre a manger?.

  A005000667 

 Celuy qui a dit: Tu ne tueras point, a dit aussi: Tu ne seras point luxurieux; que si tu ne tues point, mais tu commetz la luxure, ce n'est donq pas pour l'amour de Dieu que tu ne tues pas, ains c'est par quelqu'autre motif qui te fait choisir ce commandement plustost que l'autre: choix qui fait l'heresie en matiere de charité.

  A005000667 

 Si quelqu'un me disoit qu'il ne me veut pas couper un bras pour l'amour qu'il me porte, et neanmoins me venoit arracher un œil, ou me rompre la teste, ou me percer le cors de part en part: Hé, ce dirois-je, comme me dites vous que c'est par amour que vous ne me coupes pas un bras, puisque vous m'arraches un œil qui ne m'est pas moins pretieux, ou que vous me donnes de vostre espee a travers le cors, qui m'est encores plus dangereux? C'est une maxime, que «le bien provient d'une cause vrayement entiere, et le mal de chasque defaut.» Pour faire un acte de vraye charité, il faut qu'il procede d'un amour entier, general et universel, qui s'estende a tous les commandemens divins; que si nous manquons d'amour en un seul commandement, nostre amour n'est plus entier ni universel, et le cœur dans lequel il est ne peut estre dit vrayement amant, ni par consequent vrayement bon.

  A005000671 

 Aristote a eu rayson de dire que le bien est voirement aymable, mays a un chacun principalement son bien propre, de sorte que l'amour que nous avons envers autruy provient de celuy que nous avons envers nous mesmes; car comme pouvoit dire autre chose un philosophe qui non seulement n'ayma pas Dieu, mays ne parla mesme presque jamais de l'amour de Dieu? Amour de Dieu neanmoins qui precede tout amour de nous mesmes, voire selon l'inclination naturelle de nostre volonté, ainsy que j'ay declairé au premier Livre..

  A005000672 

 Ainsy les Bienheureux sont ravis et necessités, quoy que non forcés, d'aymer Dieu, duquel ilz voyent clairement la souveraine beauté; ce que l'Escriture monstre asses quand elle compare le contentement qui comble les cœurs de ces glorieux habitans de la Hierusalem celeste a un torrent et fleuve impetueux, duquel on ne peut empescher les ondes qu'elles ne s'espanchent sur les plaines qu'elles rencontrent..

  A005000674 

 Hé, de grace, Theotime, la volonté toute destinee a l'amour du bien, comme en pourroit elle tant soit peu connoistre un souverain, sans estre de mesme tant soit peu inclinee a l'aymer souverainement? Entre tous les biens qui ne sont pas infinis, nostre volonté preferera tous-jours en son amour celuy qui luy est plus proche, et sur tout le sien propre; mais il y a si peu de proportion entre l'infini et le fini, que nostre volonté qui connoist un bien infini est sans doute esbranlee, inclinee et incitee de preferer l'amitié de l'abisme de cette bonté infinie a toute sorte d'autre amour et a celuy la encor de nous mesme..

  A005000677 

 Ce que je dis ainsy pour certains espritz chimeriques et vains qui, sur des imaginations impertinentes, roulent bien souvent des discours melancholiques qui les affligent grandement.

  A005000677 

 Mais quant a nous, Theotime, mon cher ami, nous voyons bien que nous ne pouvons pas estre vrays hommes sans avoir inclination d'aymer Dieu plus que nous mesmes, ni vrays Chrestiens sans prattiquer cette inclination: aymons plus que nous mesmes Celuy qui nous est plus que tout et plus que nous mesmes.

  A005000681 

 Comme Dieu crea l'homme a son image et semblance, aussi a-il ordonné un amour pour l'homme a l'image et semblance de l'amour qui est deu a sa Divinité: Tu aymeras, dit il, le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur; c'est le premier et le plus grand commandement.

  A005000681 

 Et c'est donq ainsy, que la mesme charité qui produit les actes de l'amour [204] de Dieu, produit quant et quant ceux de l'amour du prochain: et tout ainsy que Jacob vid qu'une mesme eschelle touchoit le ciel et la terre, servant egalement aux Anges pour descendre comme pour monter, nous sçavons aussi qu'une mesme dilection s'estend a cherir Dieu et le prochain, nous relevant a l'union de nostre esprit avec Dieu et nous ramenant a l'amoureuse societé des prochains; en sorte toutefois, que nous aymons le prochain entant qu'il est a l'image et semblance de Dieu, creé pour communiquer avec la divine Bonté, participer a sa grace et jouir de sa gloire..

  A005000682 

 Ne remarques vous pas que Raguel, sans connoistre le petit Tobie, l'embrasse, le caresse, le bayse, pleure d'amour sur luy? D'ou provient cet amour sinon de celuy qu'il portoit au viel Tobie le pere, que cet enfant ressembloit si fort? Beni sois tu, dit il: mays pourquoy? non point, certes, [205] parce que tu es un bon jeune homme, car cela je ne le sçay pas encor, mays parce que tu es filz et ressembles a ton pere, qui est un tres homme de bien..

  A005000683 

 Et pourquoy donq? O Theotime, pour l'amour de Dieu qui l'a formee a son image et semblance, et par consequent rendue capable de participer a sa bonté en la grace et en la gloire; pour l'amour de Dieu, dis-je, de qui elle est, a qui elle est, par qui elle est, en qui elle est, pour qui elle est, et qu'elle ressemble d'une façon toute particuliere.

  A005000688 

 Et partant, quel est l'amour, tel est le zele qui en est l'ardeur: si l'amour est bon, le zele en est bon, si l'amour est mauvais, le zele en est mauvais.

  A005000688 

 Or quand je parle du zele, j'entens encor parler de la jalousie, car la jalousie est une espece de zele; et, si je ne me trompe, il n'y a que cette difference entre l'un et l'autre, que le zele regarde tout le bien de la chose aymee pour en esloigner le mal contraire, et la jalousie regarde le [207] bien particulier de l'amitié pour repousser tout ce qui s'y oppose..

  A005000688 

 Quand donq l'amour est ardent et qu'il est parvenu jusques a vouloir oster, esloigner et divertir ce qui est opposé a la chose aymee, on l'appelle zele; de sorte qu'a proprement parler, le zele n'est autre chose sinon l'amour qui est en ardeur, ou plustost l'ardeur qui est en l'amour.

  A005000690 

 Que si quelquefois on est envieux de l'amour qui est porté a quelqu'un, ce n'est pas pour l'amour, ains pour les fruitz qui en dependent: un envieux se soucie peu que son compaignon soit aymé du prince, pourveu qu'il ne soit pas favorisé ni gratifié es occurrences..

  A005000694 

 Et si, il a rayson, ce grand Dieu tout uniquement bon, de vouloir tres parfaitement tout nostre cœur, [209] car nous avons un cœur petit, qui ne peut pas asses fournir d'amour pour aymer dignement la divine Bonté: n'est-il pas donques convenable que, ne luy pouvant donner tout l'amour qu'il seroit requis, il luy donne pour le moins tout celuy qu'il peut? Le bien qui est souverainement aymable ne doit-il pas estre souverainement aymé? Or, aymer souverainement, c'est aymer totalement..

  A005000695 

 Nostre amour luy est inutile, mais il nous est de grand proffit, et s'il luy est aggreable c'est parce qu'il nous est profitable; car estant le souverain bien, il se plait a se communiquer par son amour, sans que bien quelcomque luy en puisse revenir; dont il s'escrie, se plaignant des pecheurs, par maniere de jalousie: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cistemes dissipees et crevassees, qui ne peuvent retenir les eaux.

  A005000695 

 Que si, par pensee de chose impossible, ilz eussent peu rencontrer quelqu'autre fontaine d'eau vive, je supporterois aysement leur departie d'avec moy, puisque je n'ay nulle pretention en leur amour que celle de leur bonheur; mais me quitter pour perir, m'abandonner pour se precipiter, c'est cela qui me fait estonner et fascher sur leur folie.

  A005000695 

 Voyés un peu, Theotime, je vous prie, comme ce divin Amant exprime delicatement la noblesse et generosité de sa jalousie: Ilz m'ont laissé, dit-il, moy qui suis la source d'eau vive; comme s'il disoit: Je ne me plains pas dequoy ilz m'ont quitté, pour aucun dommage que leur abandonnement me puisse apporter; car quel dommage peut recevoir une source vive si on n'y vient pas puiser de l'eau? laissera-elle pour cela de ruisseler et flotter sur la terre? mais je regrette leur malheur, dequoy m'ayant laissé, ilz se sont amusés a des puitz sans eaux.

  A005000696 

 Si jamais vous y aves pris garde, vous aures veu, Theotime, que ce debonnaire animal, revenant de l'essor et treuvant sa partie avec ses compaignons, il ne se peut empescher de ressentir un peu de desfiance qui le rend aspre et bigearre; de sorte que d'abord il la vient environner, grommelant, [211] morguant, trepignant et la frappant a trait d'aisles, quoy qu'il sçache bien qu'elle est fidelle et qu'il la voye toute blanche d'innocence..

  A005000696 

 Sulamite, certes, avoit son coeur tout plein de l'amour celeste de son cher Amant, lequel, quoy qu'il ayt tout, ne se contente pas, mais par une sacree desfiance de jalousie veut encor estre sur le cœur qu'il possede, et le cachetter de soy mesme, affin que rien ne sorte de l'amour qui y est pour luy et que rien n'y entre qui puisse y faire du meslange; car il n'est pas assouvi de l'affection dont l'ame de sa Sulamite est comblee, si elle n'est invariable, toute pure, toute unique pour luy.

  A005000697 

 Un jour sainte Catherine de Sienne estoit en un ravissement qui ne luy ostoit pas l'usage des sens, et tandis que Dieu luy faisoit voir des merveilles, un sien frere passa pres d'elle, qui faysant du bruit la divertit, en sorte qu'elle se retourna pour le regarder un seul petit moment.

  A005000698 

 C'est pourquoy elle n'est pas jalouse d'une jalousie interessee, mais d'une jalousie pure, qui ne procede d'aucune convoitise, ains d'une noble et simple amitié: jalousie laquelle par apres s'estend jusques au prochain, avec l'amour duquel elle procede; car, puisque nous aymons le prochain pour Dieu comme nous mesmes, nous sommes aussi jaloux de luy pour Dieu comme nous le sommes de nous mesmes, de sorte que nous voudrions bien mourir pour l'empescher de perir..

  A005000698 

 Celles la craignent, et celles ci aussi, mais differemment, dit saint Augustin: la chaste espouse craint l'absence de son espoux, l'adultere craint la presence du sien; «celle la craint qu'il s'en aille, et celle ci craint qu'il [212] demeure;» celle la est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse, celle ci n'est point jalouse parce qu'elle n'est pas amoureuse; celle ci craint d'estre chastiee, et celle la craint de n'estre pas asses aymee, ains, en verité, elle ne craint pas a proprement parler de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses qui s'ayment elles mesmes et veulent estre aymees, mais elle craint de n'aymer pas asses Celuy qu'elle void estre tant aymable que nul ne le peut asses dignement aymer selon la grandeur de l'amour qu'il merite, ainsy que j'ay dit n'a guere.

  A005000698 

 Mais, Theotime, qui veut voir cette jalousie delicatement et excellemment exprimee, il faut qu'il lise les enseignemens que la seraphique sainte Catherine de Gennes a faitz pour declarer les proprietés du pur amour, entre lesquelles elle inculque et presse fort celle-ci: que l'amour parfait, c'est a dire l'amour estant parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'entremise ou interposition, ni le meslange d'aucune autre chose, non pas mesme des dons de Dieu, voire jusques a cette rigueur, qu'il ne permet pas qu'on affectionne le Paradis sinon pour y aymer plus parfaitement la bonté de Celuy qui le donne; de sorte que les lampes de ce pur amour n'ont point d'huile, de lumignon ni de fumee, elles sont toutes feu et flamme que rien du monde ne peut esteindre; et ceux qui ont ces lampes ardentes en leurs mains, ont la tressainte crainte des chastes espouses, non pas celle des femmes adulteres.

  A005000703 

 Theotime, qui veut bien voir quel zele ou quelle jalousie nous devons avoir pour Dieu, il ne faut sinon bien exprimer la jalousie que nous avons pour les choses humaines, et puis la renverser; car telle devra estre celle que Dieu requiert de nous pour luy..

  A005000704 

 Imagines vous, Theotime, la comparayson qu'il y a entre ceux qui jouissent de la lumiere du soleil et ceux qui n'ont que la petite clarté d'une lampe: ceux la ne sont point envieux ni jaloux les uns des autres, car ilz sçavent bien que cette lumiere la est tres suffisante pour tous, que la jouissance de l'un n'empesche point la jouissance de l'autre, et que chacun ne la possede pas moins, encor que tous la possedent generalement, que si un chacun luy seul la possedoit en particulier; mays quant a la clarté d'une lampe, parce qu'elle est petite, courte et insuffisante pour plusieurs, chacun la veut avoir en sa chambre, et qui l'a est envié des autres.

  A005000705 

 Ainsy Phinees, outré d'un saint zele, transperça saintement d'un coup de glaive [216] cet effronté Israëlite et cette vilaine Madianite qu'il treuva en l'infame traffiq de leur brutalité; ainsy le zele qui devoroit le cœur de nostre Sauveur fit qu'il esloigna, et quant et quant vengea l'irreverence et prophanation que ces vendeurs et achetteurs faisoyent dans le Temple..

  A005000705 

 Mays en quoy donq consiste le zele ou la jalousie que nous devons avoir pour la divine Bonté? Theotime, son office est premierement de haïr, fuir, empescher, detester, rejetter, combattre et abbattre, si l'on peut, tout ce qui est contraire a Dieu, c'est a dire a sa volonté, a sa gloire et a la sanctification de son nom.

  A005000706 

 Cette jalousie, Theotime, faisoit mourir et pasmer tous les jours ce saint Apostre: Je meurs, dit-il, tous les jours pour vostre gloire; Qui est infirme, que je ne sois aussi infirme? qui est scandalisé, que je ne brusle? Voyés, disent les Anciens, voyés quel amour, quel soin et quelle jalousie une mere-poule a pour ses poussins (car Nostre Seigneur n'a pas estimé cette comparayson indigne de son Evangile).

  A005000706 

 La poule est une poule, c'est a dire un animal sans courage ni generosité quelcomque, tandis qu'elle n'est pas mere; mais quand elle l'est devenue elle a un cœur de lion, tous-jours la teste levee, [216] tous-jours les yeux hagards, tous-jours elle va roulant sa veüe de toutes pars, pour peu qu'il y ait apparence de peril pour ses petitz; il n'y a ennemi aux yeux duquel elle ne se jette pour la defense de sa chere couvee, pour laquelle elle a un souci continuel qui la fait tous-jours aller glossant et plaignant: que si quelqu'un de ses poussins perit, quelz regretz! quelle cholere! C'est la jalousie des peres et meres pour leurs enfans, des pasteurs pour leurs ouailles, des freres pour leurs freres.

  A005000706 

 nous rend ardemment jaloux pour la pureté des ames qui sont espouses de Jesus Christ, selon le dire du saint Apostre aux Corinthiens: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, car je vous ay promis a un homme, a sçavoir, de vous representer une vierge chaste a Jesus Christ.

  A005000707 

 Elle craint de n'estre pas toute a son sacré Berger, et d'estre tant soit peu amusee apres ceux qui se veulent rendre ses rivaux; car elle ne veut qu'en façon du monde les playsirs, les honneurs et les biens exterieurs puissent occuper un seul brin de son amour, qu'elle a tout dedié a son cher Sauveur.

  A005000711 

 Non pas certes que le divin amour, pour vehement qu'il soit, puisse estre excessif en soy mesme ni es mouvemens ou inclinations qu'il donne aux espritz; mays parce qu'il employe a l'execution de ses projetz l'entendement, luy ordonnant de chercher les moyens de les faire reuscir, et la hardiesse ou cholere pour surmonter les difficultés qu'il rencontre, il advient tres souvent que l'entendement propose et fait prendre des voyes trop aspres et violentes, et que la cholere ou audace, estant une fois esmeüe et ne se pouvant contenir dedans les limites de la rayson, emporte le cœur dans le desordre: en sorte que le zele est, par ce moyen, exercé indiscrettement et desreglement, qui le rend mauvais et blasmable.

  A005000712 

 C'est un acte de desespoir de mettre dans une place un secours estranger qui se peut rendre le plus fort..

  A005000712 

 Certes, Theotime, la cholere est un serviteur qui, estant puissant, courageux et grand entrepreneur, fait aussi d'abord beaucoup de besoigne; mais il est si ardent, si remuant, si inconsideré et impetueux, qu'il ne fait aucun bien que pour l'ordinaire il ne face quant et quant plusieurs maux.

  A005000712 

 La cholere est un secours donné de la nature a la rayson, et employé par la grace au service du zele pour l'execution de ses desseins, mais secours dangereux et peu desirable: car si elle vient forte elle se rend maistresse, renversant l'authorité de la rayson et les loix amoureuses du zele; que si elle vient foible, elle ne fait rien que le seul zele ne fist luy seul sans elle, et tous-jours elle tient en une juste crainte que, se renforçant, elle ne s'empare du cœur et du zele, les sousmettant a sa tyrannie, tout ainsy qu'un feu artificiel qui, en un moment, embrase un edifice et ne sait-on comme l'esteindre.

  A005000714 

 Un certain moyne nommé Demophile, estimant, a son advis, que ce pauvre penitent s'approchast trop du saint autel, entra en une cholere si violente que, se ruant sur luy a grans coups de pieds, il le poussa et chassa hors de la, injuriant outrageusement le bon prestre qui selon son devoir avoit doucement recueilli ce pauvre repentant; puis, courant a l'autel il en osta les choses tressaintes qui y estoyent et les emporta, de peur, comme il vouloit faire accroire, que par rapprochement du pecheur le lieu n'eust esté prophané.

  A005000715 

 Ce que ne pouvant si tost faire, il s'en despitoit et les maudissoit, jusques a ce qu'en fin, levant les yeux au ciel, il vid le doux et tres pitoyable Sauveur qui, par une extreme pitié et compassion de ce qui se passoit, se levant de son throsne et [221] descendant jusques au lieu ou estoyent ces deux pauvres miserables, leur tendoit sa main secourable, a mesme que les Anges aussi, qui d'un costé qui d'autre, les retenoyent pour les empescher de tomber dans cet espouvantable gouffre.

  A005000715 

 Et pour conclusion, l'amiable et debonnaire Jesus, s'addressant au courroucé Carpus: Tiens, Carpus, dit-il, «frappe desormais sur moy, car je suis prest de patir encor une fois pour sauver les hommes, et cela me seroit aggreable s'il se pouvoit faire sans le peché des autres hommes; mais au surplus, advise ce qui te seroit meilleur, ou d'estre en ce gouffre avec les serpens, ou de demeurer avec les Anges qui sont si grans amis des hommes.».

  A005000715 

 Or considerés, je vous prie, mon Theotime, la violence de la passion de Carpus; car, comme il racontoit par apres luy mesme a saint Denis, il ne tenoit compte de contempler Nostre Seigneur et les Anges qui se monstroyent au Ciel, tant il prenoit playsir de voir en bas la detresse effroyable de ces deux miserables chetifs, se faschant seulement de ce qu'ilz tardoyent tant a perir, et partant s'essayoit de les precipiter luy mesme.

  A005000715 

 Premierement il luy fit voir, comme a un autre saint Estienne, le ciel tout ouvert, et Jesus Christ Nostre Seigneur assis sur un grand throsne, environné d'une multitude d'Anges qui luy assistoyent en forme humaine; puys il vid en bas la terre ouverte comme un horrible et vaste gouffre, et les deux desvoyés auxquelz il avoit souhaité tant de mal, sur le bord de ce precipice, tremblans et presque pasmés d'effroy a cause qu'ilz estoyent prestz a tumber dedans; attirés d'un costé par une multitude de serpens qui, sortans de l'abisme, s'entortilloyent a leurs jambes, et avec les queues les chatouilloyent et provoquoyent a la cheute, et de l'autre costé, certains hommes les poussoyent et frappoyent pour les faire tumber: si qu'ilz sembloyent estre sur le point d'estre abismés dans ce precipice.

  A005000716 

 Ainsy y a-il des personnes qui ne pensent pas qu'on puisse avoir beaucoup de zele si on n'a beaucoup de cholere, n'estimans pas de pouvoir rien accommoder s'ilz ne gastent tout; bien qu'au contraire, le vray zele ne se serve presque jamais de la cholere, car, comme on n'applique pas le fer et le feu aux malades que lhors qu'on ne peut faire autrement, aussi le saint zele n'employe la cholere qu'es extremes necessités.

  A005000716 

 Theotime, le saint homme Carpus avoit rayson d'entrer en zele pour ces deux hommes, et son zele avoit justement excitee la cholere contre eux, mays la cholere estant esmeüe avoit laissé la rayson et le zele en derriere; outrepassant toutes les bornes et limites du saint amour, et par consequent du zele qui en est la ferveur, elle avoit converti la hayne du peché en hayne du pecheur, et la tres douce charité en une furieuse cruauté.

  A005000720 

 Il est vray certes, mon ami Theotime, que Moyse, Phinees, Helie, Mathathias et plusieurs grans serviteurs de Dieu se servirent de la cholere pour exercer leur zele en beaucoup d'occasions signalees: mays notes, je vous prie, que c'estoyent aussi des grans personnages, qui sçavoyent bien manier leurs passions et ranger leurs choleres; pareilz a ce brave capitaine de l'Evangile qui disoit a ses soldatz: Alles, et ilz alloyent; venes, et ilz venoyent.

  A005000720 

 Les chiens sages et bien appris tirent païs ou retournent sur eux mesmes selon que le piqueur leur parle, mais les jeunes chiens apprentifs s'egarent et sont desobeissans: les grans Saintz, qui ont rendu sages leurs passions a force de les mortifier par l'exercice des vertus, peuvent aussi tourner leur cholere a toute main, la lancer et la retirer ainsy que bon leur semble; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes, ou du moins mal apprises, nous ne pouvons lascher nostre [223] ire qu'avec peril de beaucoup de desordre, parce qu'estant une fois en campaigne on ne la peut plus retenir ni ranger comme il seroit requis..

  A005000720 

 Mais nous autres, qui sommes presque tous des certaines petites gens, nous n'avons pas tant de pouvoir sur nos mouvemens; nostre cheval n'est pas si bien dressé que nous le puissions pousser et faire parer a nostre guise.

  A005000721 

 Saint Denis, parlant a ce Demophile qui vouloit donner le nom de zele a sa rage et furie: Celuy, dit il, qui veut corriger les autres, doit premierement «avoir soin d'empescher que la cholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte, sedition et confusion dans nous mesmes; de façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussees d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie, car telles paroles ne pleurent pas a Jesus Christ quand elles luy furent dites par ses Disciples, qui n'avoyent pas encor participe de ce doux et benin esprit.» Phinees, Theotime, voyant un certain malheureux Israëlite offencer Dieu avec une Moabite, il les tua tous deux; Helie avoit predit la mort d'Ochosias, lequel, indigné de cette prediction, envoya deux capitaines l'un apres l'autre, avec chacun cinquante soldatz pour le prendre, et l'homme de Dieu fit descendre le feu du ciel qui les devora.

  A005000722 

 C'est cela donq, Theotime, que veut dire saint Denis a Demophile qui alleguoit l'exemple de Phinees et d'Helie; car saint Jean et saint Jaques, qui vouloyent imiter Helie a faire descendre le feu du ciel sur les hommes, furent repris par Nostre Seigneur, qui leur fit entendre que son esprit et son zele estoit doux, [224] debonnaire et gracieux, qui n'employoit l'indignation ou le courroux que tres rarement, lhors qu'il n'y avoit plus esperance de pouvoir profiter autrement.

  A005000723 

 Ces grans Saintz estoyent inspirés de Dieu immediatement, et partant pouvoyent bien employer leur cholere sans peril; car le mesme Esprit qui les animoit a ces exploitz tenoit aussi les resnes de leur juste courroux, affin qu'il n'outrepassast les limites qu'il leur avoit prefigees.

  A005000723 

 Une ire qui est inspiree ou excitee par le Saint Esprit n'est plus l'ire de l'homme, et c'est l'ire de l'homme qu'il faut fuir, puisque, comme dit le glorieux saint Jaques, elle n'opere point la justice de Dieu: et d'effect, quand ces grans serviteurs de Dieu employoient la cholere, c'estoit pour des occurrences si solemnelles et des crimes si excessifz, qu'il n'y avoit nul danger d'exceder la coulpe par la peine..

  A005000725 

 Premierement, en faysant des grandes actions de justice pour repousser le mal: et cela n'appartient qu'a ceux qui ont les offices publiqs de corriger, censurer et reprendre en qualité de superieurs, comme les princes, magistratz, prelatz, predicateurs; mays parce que cet office est respectable, chacun l'entreprend, chacun s'en veut mesler.

  A005000725 

 Secondement, on use du zele en faysant des actions de grande vertu pour donner bon exemple, suggerant les remedes au mal, exhortant a les employer, operant le bien opposé au mal qu'on desire exterminer; ce qui appartient a un chacun, et neanmoins peu de gens le veulent faire.

  A005000726 

 Ainsy l'Espouse celeste confesse que l'amour estant fort comme la mort, laquelle sapara l'ame du cors, le zele, qui est un amour ardent, est encor bien plus fort, car il ressemble a l'enfer qui sapara l'ame de la veue de Nostre Seigneur: mays jamais il n'est dit ni ne se peut dire que l'amour ou le zele soit semblable au paché, qui seul separe de la grace de Dieu.

  A005000726 

 Et comme se pourroit il faire que l'ardeur de l'amour peust faire desirer d'estre saparé de la grace, puisque l'amour est la grace mesme, ou du moins ne peut estre sans la grace? Or le zele du grand saint Paul fut prattiqué en quelque sorte, ce me semble, par le petit saint Paul, je veux dire par saint Paulin, qui, pour oster un esclave de son esclavage, [228] se rendit esclave luy mesme, sacrifiant sa liberté pour la rendre a son prochain..

  A005000726 

 O excellence de courage et de ferveur d'esprit incroyable! il imite Jesus Christ qui pour nous fut fait malediction, qui prit nos infirmités et porta nos maladies; ou, affin que je parle plus sobrement, luy le premier apres le Sauveur ne refuse pas de souffrir et d'estre reputé impie a leur occasion.» Ainsy donq, Theotime, comme nostre Sauveur fut fouetté, condamné, crucifié, en qualité d'homme voué, destiné et dedié a porter et supporter les opprobres, ignominies et punitions deues a tous les pecheurs du monde, et a servir de sacrifice general pour le peché, ayant esté fait comme anatheme, separé et abandonné de son Pere eternel, de mesme [227] aussi, selon la veritable doctrine de ce grand Nazianzene, le glorieux Apostre saint Paul desira d'estre comblé d'ignominie, crucifié, separé, abandonné et sacrifié pour le peché des Juifz, affin de porter pour eux l' anatheme et la peine qu'ilz meritoyent.

  A005000727 

 L'ardeur du vray zele est pareille a celle du chasseur, qui est diligent, soigneux, actif, laborieux et tres affectionné au pourchas, mais sans cholere, sans ire, sans trouble; car si le travail des chasseurs estoit cholere, ireux, chagrin, il ne seroit pas si aymé ni affectionné: et de mesme, le vray zele a des ardeurs extremes, mais constantes, fermes, douces, laborieuses, egalement amiables et infatigables; tout au contraire, le faux zele est turbulent, brouillon, insolent, fier, cholere, passager, egalement impetueux et inconstant..

  A005000727 

 «O que bienheureux est,» dit saint Ambroyse, celuy qui sçait la discipline du zele!» «Tres facilement,» dit saint Bernard, «le diable se jouera de ton zele si tu negliges la science;» «que donques ton zele soit enflammé de charité, embelli de science, affermi de constance.» Le vray zele est enfant de la charité, car c'en est l'ardeur: c'est pourquoy, comme elle, il est patient, benin, sans trouble, sans contention, sans hayne, sans envie, se res-jouissant de la verité.

  A005000732 

 Celuy qui [230] habitoit en soy mesme habite maintenant en nous, et Celuy qui estoit vivant es siecles dans le sein de son Pere eternel fut par apres mortel dans le giron de sa Mere temporelle; Celuy qui vivoit eternellement de sa vie divine vescut temporellement de la vie humaine, et Celuy qui jamais eternellement n'avoit esté que Dieu sera eternellement a jamais encor homme, tant l'amour de l'homme a ravi Dieu et l'a tiré a l'extase!.

  A005000733 

 Ainsy fut-il triste et sua le sang de detresse au jardin des Olives, non seulement pour l'extreme douleur que son ame sentoit en la partie inferieure de sa rayson, mais aussi pour l'extreme amour qu'il nous portoit en la superieure portion d'icelle, la douleur luy donnant horreur de la mort et l'amour luy donnant un extreme desir d'icelle; en sorte qu'un tres aspre combat et une cruelle agonie se fit entre le desir [231] et l'horreur de la mort, jusques a grande effusion de sang, qui coula comme d'une vive source, ruisselant jusques a terre..

  A005000733 

 Il contempla le jeune homme qui avoit jusques a l'heure gardé les commandemens et desiroit d'estre acheminé a la perfection.

  A005000733 

 Il fut animé d'un zele nompareil, qui, comme dit saint Denis, se convertit en jalousie, detournant, entant qu'il fut en luy, tout mal de sa bienaymee nature humaine, au peril, ains au prix de sa propre vie; chassant le diable, prince de ce monde, qui sembloit estre son rival et compaignon.

  A005000734 

 Car, bien que les cruelz supplices fussent tres suffisans pour faire mourir qui que ce fut, si est ce que la mort ne pouvoit jamais entrer dans la vie de Celuy qui tient les clefs de la vie et de la mort, si le divin amour, qui manie ces clefs, n'eust ouvert les portes a la mort affin qu'elle allast saccager ce divin cors et luy ravir la vie; l'amour ne se contentant pas de l'avoir rendu mortel pour nous, s'il ne le rendoit mort.

  A005000734 

 Et partant il n'est pas dit que son esprit s'en alla, le quitta et se separa de luy; mais, au contraire, qu' il mit son esprit dehors, l'expira, le rendit et le remit es mains de son Pere eternel: si que saint Athanase remarque qu'il baissa la teste pour mourir, affin de consentir et pencher a la venue de la mort, laquelle autrement n'eust osé s'approcher de luy; et criant a pleine voix il remet son esprit a son Pere, pour monstrer que comme il avoit asses de force et d'haleyne pour ne point mourir, il avoit aussi tant d'amour qu'il ne pouvoit plus vivre sans faire revivre par sa mort ceux qui sans cela ne pouvoyent jamais eviter la mort, ni pretendre a la vraye vie.

  A005000734 

 Il fut donq le sacrificateur luy mesme qui s'offrit a son Pere, et s'immola en amour, a l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour..

  A005000735 

 O Dieu! Theotime, quel brasier pour nous enflammer a faire les exercices du saint amour pour le Sauveur tout bon, voyans qu'il les a si amoureusement prattiqués pour nous qui sommes si mauvais! Cette charité donq de Jesus Christ nous presse..

  A005000743 

 Certes, encor que ces vertus eussent beaucoup d'apparence, si est ce qu'en effect elles estoyent de peu de valeur, a cause de la bassesse de l'intention de ceux qui les prattiquoyent, qui ne travailloyent presque que pour l'honneur, ainsy que dit saint Augustin, ou pour quelqu'autre pretention fort legere, comme est celle de l'entretien de la societé civile, ou pour quelque petite [235] inclination qu'ilz avoyent au bien, laquelle ne rencontrant point de grande contrarieté, les portoit a des menues actions de vertu, comme par exemple, a s'entresaluer, a secourir les amis, vivre sobrement, ne point desrobber, servir fidelement les maistres, payer les gages aux ouvriers.

  A005000744 

 Excuse qui n'eust pas esté a propos si ces sages femmes eussent esté Hebrieuses, et n'est pas croyable que Pharao eust donné une commission si impiteuse contre les Hebrieuses a des femmes Hebrieuses, de mesme nation et religion; et aussi Josephe tesmoigne qu'en effect elles estoyent Egyptiennes.

  A005000745 

 Voyes-vous donq, Theotime, combien il est vray que Dieu fait estat des vertus, encor qu'elles soyent prattiquees par des personnes qui sont d'ailleurs mauvaises? S'il n'eust aggreé la misericorde des sages femmes et la justice de la guerre des Babyloniens, eust-il pris le soin, je vous prie, de les salarier? et si Daniel n'eust sceu que l'infidelité de Nabuchodonosor n'empescheroit pas que Dieu n'aggreast ses aumosnes, pourquoy les luy eust il conseillees? Certes, l'Apostre nous asseure que les payens, qui n'ont pas la foy, font naturellement ce qui appartient a la loy: et quand ilz le font, qui peut douter qu'ilz ne fassent bien et que Dieu n'en fasse conte? Les payens conneurent que le mariage estoit bon et necessaire, ilz virent qu'il estoit convenable d'eslever les enfans es artz, en l'amour de la patrie, en la vie civile, et ilz le firent: or je vous laisse a penser si Dieu ne treuvoit pas bon cela, puisqu'il avoit donné la lumiere de la rayson et l'instinct naturel a cette intention..

  A005000746 

 La rayson naturelle est un bon arbre que Dieu a planté en nous, les fruitz qui en proviennent ne peuvent estre que bons: fruitz qui en comparayson de ceux qui procedent de la grace sont a la verité de tres petit prix, mais non pas pourtant de nul prix, puisque Dieu les a prisés et pour iceux a donné des recompenses temporelles; ainsy que, selon le grand saint Augustin, il salaria les vertus morales des Romains de la grande estendue et magnifique reputation de leur Empire..

  A005000747 

 L'ame qui est en peché peut faire des biens qui, estans naturelz, sont recompensés de salaires naturelz, estans civilz, sont payés de monnoye civile et humaine, c'est a dire par des commodités temporelles.

  A005000747 

 Le peché rend sans doute l'esprit malade, qui partant ne peut pas faire des grandes et fortes operations, mais ouy bien des petites, car toutes les actions des malades ne sont pas malades: encor parle on, encor void on, encor ouït on, encor boit on.

  A005000748 

 Veillés et priés affin que vous n'entries point en tentation: si Nostre Seigneur nous disoit seulement, Veillés, nous penserions pouvoir asses faire de nous mesmes; mais quand il adjouste, priés, il monstre que s'il ne garde nos ames au tems de la tentation, en vain veilleront ceux qui les gardent..

  A005000752 

 Telles sont donques les vertus humaines, Theotime, lesquelles, quoy qu'elles soyent en un cœur bas, terrestre et grandement occupé de peché, elles ne sont neanmoins aucunement infectees de la malice d'iceluy, estant d'une nature si franche et innocente qu'elle ne peut estre corrompue par la societé de l'iniquité, selon qu'Aristote mesme a dit «que la vertu estoit une habitude de laquelle aucun ne peut abuser.» Que si les vertus, estant ainsy bonnes en elles mesmes, ne sont pas recompensees d'un loyer eternel lhors qu'elles sont prattiquees par les infideles ou par ceux qui sont en peché, il ne s'en faut nullement estonner: puisque le cœur pecheur duquel elles procedent n'est pas capable du bien [239] eternel, s'estant d'ailleurs destourné de Dieu, et que l'heritage celeste appartenant au Filz de Dieu, nul n'y doit estre associé qui ne soit en luy, et son frere adoptif; laissant a part que la convention par laquelle Dieu promet le Paradis ne regarde que ceux qui sont en sa grace, et que les vertus des pecheurs n'ont aucune dignité ni valeur que celle de leur nature, qui par consequent ne les peut relever au merite des recompenses surnaturelles, lesquelles pour cela mesme sont appellees surnaturelles, d'autant que la nature et tout ce qui en depend ne peut ni les donner ni les meriter..

  A005000753 

 C'est une des proprietés de l'amitié qu'elle rend aggreable l'ami et tout ce qui est en luy de bon et d'honneste; l'amitié respand sa grace et faveur sur toutes les actions de celuy que l'on ayme, pour peu qu'elles en soyent susceptibles; les aigreurs des amis sont des douceurs, les douceurs des ennemis sont des aigreurs.

  A005000753 

 Fendes donq vostre cœur par la sainte penitence, et mettes l'amour de Dieu dans la fente; puis, entes sur iceluy telle vertu que vous voudres, et les œuvres qui en proviendront seront parfumees de sainteté, sans qu'il soit besoin d'autre soin pour cela..

  A005000753 

 Mais les vertus qui se treuvent es amis de Dieu, quoy qu'elles ne soyent que morales et naturelles selon leur propre condition, sont neanmoins anoblies et relevees a la dignité d'œuvres saintes, a cause de l'excellence du cœur qui les produit.

  A005000753 

 Non seulement les fruitz de la charité et les fleurs des œuvres qu'elle ordonne, mais les feuilles mesmes des vertus morales et naturelles tirent une speciale prosperité de l'amour du cœur qui les produit.

  A005000753 

 Puisque le juste est planté en la mayson de Dieu, ses feuilles, ses fleurs et ses fruitz y croissent et sont dediés au service de sa Majesté: il est comme l'arbre planté pres le courant des eaux, qui porte son fruit en son tems; ses feuilles mesmes ne tumbent point, tout ce qu'il fait prosperera.

  A005000753 

 Si vous entes [240] un rosier, et que dedans la fente du tige vous metties un grain de musque, les roses qui en proviendront seront toutes musquees.

  A005000753 

 Toutes les œuvres vertueuses d'un cœur ami de Dieu sont dediees a Dieu: car, le cœur qui s'est donné soy mesme, comme n'a-il pas donné tout ce qui depend de luy mesme? qui donne l'arbre sans reserve, ne donne-il pas aussi les feuilles, les fleurs et les fruitz? Le juste fleurira comme la palme, il croistra comme le cedre du Liban.

  A005000754 

 Ainsy Dieu regarda au bon Abel premierement, et puis a ses offrandes; en sorte que les offrandes prirent leur grace et dignité devant les yeux de Dieu, de la bonté et pieté de celuy qui les presentoit.

  A005000754 

 O bonté souveraine de ce grand Dieu, laquelle favorise tant ses amans qu'elle cherit leurs moindres petites actions, pour peu qu'elles soyent bonnes, et les anoblit excellemment, leur donnant le tiltre et la qualité de saintes! Hé, c'est en contemplation de son Filz bienaymé duquel il veut honnorer les enfans adoptifs, sanctifiant tout ce qui est de bon en eux: les os, les cheveux, les vestemens, les sepulchres et jusques a l'ombre de leurs cors; la foy, l'esperance, l'amour, la religion, ouy mesme la sobrieté, la courtoisie, l'affabilité de leurs cœurs..

  A005000754 

 Si vous voules rendre sainte la vertu humaine et morale d'Epictete, de Socrates ou de Demades, faites la seulement prattiquer par une ame vrayement chrestienne, c'est a dire qui ait l'amour de Dieu.

  A005000755 

 Et notés, Theotime, que toute œuvre vertueuse doit estre estimee œuvre du Seigneur, voire mesme quand elle seroit prattiquee par un infidele: car sa divine Majesté dit a Ezechiel que Nabuchodonosor et son armee avoyent travaillé pour [241] luy, parce qu'ilz avoyent fait une guerre legitime et juste contre les Tyriens; monstrant asses par la que la justice des injustes est sienne, tend a luy et luy appartient, bien que les injustes qui font la justice ne soyent pas siens, ne tendent pas a luy et ne luy appartiennent pas.

  A005000755 

 «Adjoustes a un homme la charité,» dit saint Augustin, «tout profite; ostes en la charité, tout le reste ne profite plus:» et a ceux qui ayment Dieu toutes choses cooperent en bien, dit l'Apostre..

  A005000759 

 Car ces vertus, par leur propre condition, ont un si grand rapport a Dieu et sont si susceptibles des impressions de l'amour celeste, que pour les faire participer a la sainteté d'iceluy il ne faut sinon qu'elles soyent aupres de luy, c'est a dire en un cœur qui ayme Dieu.

  A005000759 

 Mays il y a des vertus qui, a rayson de leur naturelle alliance et correspondance avec la charité, sont aussi beaucoup plus capables de recevoir la pretieuse influence de l'amour sacré, et par consequent la communication de la dignité et valeur d'iceluy: telles sont la foy et l'esperance, qui, avec la charité, regardent immediatement Dieu, et la religion avec la penitence et devotion, [242] qui s'employent a l'honneur de sa divine Majesté.

  A005000760 

 Ainsy toutes les vertus reçoivent un nouveau lustre et une excellente dignité par la presence de l'amour sacré; mais la foy, l'esperance, la crainte de Dieu, la pieté, la penitence et toutes les autres vertus qui d'elles mesmes tendent particulierement a Dieu et a son honneur, elles ne reçoivent pas seulement l'impression du divin amour, par laquelle elles sont eslevees a une grande valeur, mais elles se penchent totalement vers luy, s'associant avec luy, le suivant et servant en toutes occasions: car en fin, mon cher Theotime, la Parole sacree attribue une certaine proprieté et force de sauver, de sanctifier et de glorifier, a la foy, a l'esperance, a la pieté, a la crainte de Dieu, a la penitence; qui tesmoigne bien que ce sont des vertus de grand prix, et qu'estant prattiquees en un cœur qui a l'amour de Dieu, elles se rendent excellemment plus fructueuses et saintes que les autres, [243] lesquelles de leur nature n'ont pas une si grande convenance avec l'amour sacré.

  A005000760 

 Et celuy qui s'escrie: Si j'ay toute la foy, en sorte mesme que je transporte les montaignes, et je n'ay point la charité, je ne suis rien, il monstre bien, certes, qu'avec la charité, cette foy luy proffiteroit grandement.

  A005000760 

 La charité donques est une vertu nompareille, qui n'embellit pas seulement le cœur auquel elle se treuve, mais benit et sanctifie aussi toutes les vertus qu'elle rencontre en iceluy, par sa seule presence, les embaumant et parfumant de son odeur celeste, par le moyen de laquelle elles sont rendues de grand prix devant Dieu: ce qu'elle fait neanmoins beaucoup plus excellemment en la foy, en l'esperance, et es autres vertus qui d'elles mesmes ont une nature tendante a la pieté..

  A005000765 

 Et il arriva selon son souhait, car Bala conceut et enfanta plusieurs enfans sur les genoux de Rachel; qui les recevoit comme veritablement siens, d'autant qu'ilz estoyent procreés de deux cors, dont celuy de Jacob luy appartenoit par la loy du mariage, et celuy de Bala par obligation de service, et d'autant encores que leur generation avoit esté faitte par son ordonnance et volonté.

  A005000766 

 Je vous dis maintenant, mon cher Theotime, que la charité et dilection sacree, plus belle cent fois que Rachel, mariee a l'esprit humain, souhaite sans cesse de produire des saintes operations: que si au commencement elle n'en peut enfanter elle mesme de sa propre extraction par l'union sacree qui luy est uniquement propre, elle appelle les autres vertus, comme ses fïdeles servantes, et les associe a son mariage, commandant au cœur de les employer, affin que d'elles il fasse naistre des saintes operations; mais operations qu'elle ne laisse pas d'adopter et estimer siennes, parce qu'elles sont produites par son ordre et commandement et d'un cœur qui luy appartient, d'autant que, comme nous avons declairé ailleurs, l'amour est maistre du cœur, et par consequent de toutes les œuvres des autres vertus faites par son consentement.

  A005000766 

 L'autre est l'amour affectif ou affectueux, qui, comme un petit Benjamin, est grandement delicat, tendre, aggreable et aymable; mais en cela plus heureux que Benjamin, que la charité, sa mere, ne meurt pas en le produisant, ains prend, ce semble, une nouvelle vie par la suavité qu'elle en ressent..

  A005000766 

 Mais, outre cela, cette divine dilection ne laisse pas d'avoir deux actes issus proprement et extraitz d'elle mesme; dont l'un est l'amour effectif, qui, comme un autre Joseph, usant de la plenitude de l'authorité royale, sousmet et range tout le peuple de nos facultés, puissances, passions et affections a la volonté de Dieu, affin qu'il soit aymé, obei et servi sur toutes choses, rendant par ce moyen executé le grand commandement celeste: Tu aymeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton ame, de tout ton esprit, de toutes tes forces.

  A005000767 

 Ainsy donques, Theotime, les actions vertueuses des enfans de Dieu appartiennent toutes a la sacree dilection: les unes, parce qu'elle mesme les produit de sa propre nature; les autres, d'autant qu'elle les sanctifie [246] par sa vitale presence; et les autres, en fin, par l'authorité et le commandement dont elle use sur les autres vertus, desquelles elle les fait naistre: et celles ci, comme elles ne sont pas, a la verité, si eminentes en dignité que les actions proprement et immediatement issues de la dilection, aussi excellent-elles incomparablement au dessus des actions qui ont toute leur sainteté de la seule presence et societé de la charité..

  A005000768 

 Ainsy, entre toutes les vertus, mon cher Theotime, la gloire de nostre salut et de nostre victoire sur l'enfer est deferee a l'amour divin, qui, comme prince et general de toute l'armee des vertus, fait tous les exploitz par lesquelz nous obtenons le triomphe: car l'amour sacré a ses actions propres, issues et procedees de luy mesme, par lesquelles il fait des miracles d'armes sur nos ennemis; puis, outre cela, il dispose, commande et ordonne les actions des autres vertus, qui pour cette cause sont nommees actes commandés ou ordonnés de l'amour; que si en fin quelques vertus font leurs operations sans son commandement, [247] pourveu qu'elles servent a son intention, qui est l'honneur de Dieu, il ne laisse pas de les advoüer siennes.

  A005000768 

 Mais pourtant, apres qu'on luy a donné toute la gloire en gros, on ne laisse pas d'en distribuer les pieces a chaque partie de l'armee, en disant ce que l'avant garde, le cors et l'arriere garde ont fait; comme les François, les Italiens, les Allemans, les Espagnolz se sont comportés; ouy mesme on loue les particuliers qui se seront signalés au combat.

  A005000768 

 Mais tous-jours reciproquement aussi, apres qu'on a eslevé ces vertus particulieres, il faut rapporter tout leur honneur a l'amour sacré, qui a toutes donne la sainteté qu'elles ont: car, que veut dire autre chose le glorieux Apostre, inculquant que la charité est benigne, patiente, qu' elle croid tout, espere tout, supporte tout, sinon que la charité ordonne et commande a la patience de patienter, et a l'esperance d'esperer, et a la foy de croire? Il est vray, Theotime, qu'avec cela il signifie encor que l'amour est l'ame et la vie de toutes les vertus; comme s'il vouloit dire, que la patience n'est pas asses patiente, ni la foy asses fidele, ni l'esperance asses confiante, ni la debonnaireté asses douce, si l'amour ne les anime et vivifie: et c'est cela mesme que nous fait entendre ce mesme vaysseau d'election, quand il dit que sans la charité rien ne luy proffite, et qu'il n'est rien; car c'est comme s'il disoit que sans l'amour il n'est ni patient, ni debonnaire, ni constant, ni fidele, ni esperant ainsy qu'il est convenable pour estre serviteur de Dieu, qui est le vray et desirable estre de l'homme.

  A005000768 

 Un grand general d'armee ayant gaigné une signalee bataille aura sans doute tout l'honneur de la victoire, et non sans cause; car il aura combattu luy mesme en teste de l'armee, pratiquant plusieurs beaux faitz d'armes, et pour le reste il aura disposé l'armee, puis ordonné et commandé tout ce qui aura esté executé: si que il est estimé d'avoir tout fait, ou par soy mesme en combattant de ses propres mains, ou par sa conduite, commandant aux autres.

  A005000772 

 «J'ay veu a Tivoli,» dit Pline, «un arbre enté de toutes les façons qu'on peut enter, qui portoit toutes sortes de fruitz; car en une branche on treuvoit des cerises, en une autre des noix, et es autres des raysins, des figues, des grenades, des pommes, et generalement toutes especes de fruitz.» Cela, Theotime, estoit admirable, mais bien plus encor de voir en l'homme chrestien la divine dilection sur laquelle toutes les vertus sont entees: de maniere que, comme l'on pouvoit dire de cet arbre qu'il estoit cerisier, pommier, noyer, grenadier, aussi l'on peut dire de la charité qu'elle est patiente, douce, vaillante, juste, ou plustost, qu'elle est la patience, la douceur et la justice mesme..

  A005000774 

 Ainsy, mon Theotime, si avec une egale charité l'un souffre la mort du martyre, et l'autre la faim du jeusne, qui ne void que le prix de ce jeusne ne sera pas pour cela egal a celuy du martyre? Non, Theotime; car, qui oseroit dire que le martyre en soy mesme ne soit pas plus excellent que le jeusne? Que s'il est plus excellent, la charité survenante ne luy ostant pas l'excellence qu'il a, ains la perfectionnant, luy laissera par consequent les avantages qu'il avoit naturellement sur le jeusne.

  A005000774 

 Certes, nul homme de bon sens n'egalera la chasteté nuptiale a la virginité, ni le bon usage des richesses a l'entiere abnegation d'icelles: et qui oseroit dire que la [250] charité survenante a ces vertus leur ostast leurs proprietés et privileges? puisqu'elle n'est pas une vertu destruisante et appauvrissante, ains bonifiante, vivifiante et enrichissante tout ce qu'elle treuve de bon es ames qu'elle gouverne.

  A005000775 

 Il est vray, toutefois, que si la dilection est ardente, puissante et excellente en un cœur, elle enrichira et perfectionnera aussi davantage toutes les œuvres des vertus qui en procederont.

  A005000776 

 Ainsy, Theotime, les petites simplicités, abjections et humiliations esquelles les grans Saintz se sont tant pleus pour se musser et mettre leur cœur a l'abri contre la vayne gloire, ayant esté faites avec une grande excellence de l'art et de l'ardeur du celeste amour, ont esté treuvees plus agreables devant Dieu que les grandes ou illustres besoignes de plusieurs autres, qui furent faites avec peu de charité et de devotion..

  A005000777 

 L'Espouse sacree blesse son Espoux avec un seul de ses cheveux, desquelz il fait tant d'estat qu'il les compare aux troupeaux des chevres de Galaad, et n'a pas plus tost loué les yeux de sa devote amante, qui sont les parties les plus nobles de tout le visage, que soudain il lotie la cheveleure, qui est la plus fresle, vile et abjecte; affin que l'on sceust qu'en une ame esprise du divin amour, les exercices qui semblent fort chetifs sont neanmoins grandement agreables a sa divine Majesté..

  A005000781 

 Mays, ce me dires vous, quelle est cette valeur, je vous prie, que le saint amour donne a nos actions? O mon Dieu, Theotime! certes, je n'aurois pas l'asseurance de le dire si le Saint Esprit ne l'avoit luy mesme declaré en termes fort expres par le grand apostre saint Paul, qui parle ainsy: Ce qui a present est momentanee [252] et leger de nostre tribulation, opere en nous sans mesure en la sublimité un poids eternel de gloire.

  A005000781 

 Nos tribulations, qui sont si legeres qu'elles passent en un moment, operent en nous, le poids solide et stable de la gloire.

  A005000782 

 Et comme les graines qui ne produiroyent d'elles mesmes que des melons de goust fade, en produisent des sucrins et muscatz si elles sont detrempees en l'eau sucree ou musquee, ainsy nos cœurs qui ne sçauroyent pas projetter une seule bonne pensee pour le service de Dieu, estans detrempés en la sacree dilection par le Saint Esprit qui habite en nous, ilz produisent des actions sacrees qui tendent et nous portent a la gloire immortelle.

  A005000782 

 Mays qui peut donner tant de vertu a ces momens passagers et a ces tribulations si legeres? L'escarlatte et la pourpre, ou fin cramoysi violet, est un drap grandement pretieux et royal, mais ce n'est pas a rayson de la laine, ains a cause de la teinture: les œuvres des bons Chrestiens sont de si grande valeur que pour icelles on nous donne le Ciel; mays, Theotime, ce n'est pas parce qu'elles procedent de nous et sont la laine de nos cœurs, ains parce qu'elles sont teintes au sang du Filz de Dieu; je veux dire, que c'est d'autant que le Sauveur sanctifie nos œuvres par le merite de son sang.

  A005000782 

 Nous sommes, quant a nous, branches seches, inutiles, infructueuses, qui ne sommes pas suffisans de penser quelque chose de nous mesme comme de nous mesme, mais toute nostre suffisance est de Dieu, qui nous a rendus officiers idoines et capables [253] de sa volonté; et partant, soudain que par le saint amour le nom du Sauveur, grand Evesque de nos ames, est gravé en nos cœurs, nous commençons a porter des fruitz delicieux pour la vie eternelle.

  A005000783 

 Or, ce n'est pas que nostre service luy soit ni necessaire ni utile; car apres que nous aurons fait tout ce qu'il nous a commandé, nous devons neanmoins advouer, par une tres humble verité ou veritable humilité, qu'en effect nous sommes serviteurs tres inutiles et tres infructueux a nostre Maistre, qui, a cause de son essentielle surabondance de bien, ne peut recevoir aucun proffit de nous; ains, convertissant toutes nos œuvres a nostre propre advantage et commodité, il fait que nous le servons autant inutilement pour luy que tres utilement pour nous, qui par des si petitz travaux gaignons des si grandes recompenses..

  A005000783 

 Recompense magnifique et qui ressent la grandeur du Maistre que nous servons, lequel, a la verité, Theotime, pouvoit, s'il luy eut pleu, exiger tres justement de nous nostre obeissance et service sans nous proposer aucun loyer ni salaire; puisque nous sommes siens par mille tiltres tres legitimes, et que nous ne pouvons rien faire qui vaille qu'en luy, par luy, pour luy et qui ne soit de luy.

  A005000784 

 Mays ne penses pas pourtant, Theotime, qu'en cette promesse il ayt tellement volu manifester sa bonté qu'il ayt oublié de glorifier sa sagesse, puisque au contraire il y a observé fort exactement les reges de l'equité, meslant admirablement la bienseance avec la liberalité: car nos œuvres sont voirement extremement petites et nullement comparables a la gloire, en leur quantité, mais elles luy sont neanmoins fort proportionnees en qualité, a rayson du Saint Esprit qui, habitant dans nos cœurs par la charité, les fait en nous, par nous et pour nous, avec un art si exquis, que les mesmes œuvres qui sont toutes nostres sont encor mieux toutes siennes, parce que, comme il les produit en nous, nous les produisons reciproquement en luy, comme il les fait pour nous, nous les faysons pour luy, et comme il les opere avec nous, nous cooperons aussi avec luy..

  A005000785 

 Ainsy l'huile de benediction versee sur le Sauveur, comme sur le chef de l'Eglise tant militante que triomphante, se respand sur la societé des Bienheureux, qui, comme la barbe sacree de ce divin Maistre, sont tous-jours attachés a sa face glorieuse, et distille encor sur la compaignie des fideles qui, comme vestemens, sont jointz et unis par dilection a sa divine Majesté; l'une et l'autre trouppe, comme composee de freres germains, ayant a cette occasion sujet de s'escrier: O que c'est une chose bonne et agreable de voir les freres bien ensemble, comme l'unguent qui descend en la barbe, la barbe d'Aaron, et jusques au bord de son vestement!.

  A005000785 

 Or le Saint Esprit habite en nous si nous sommes membres vivans de Jesus Christ, qui a rayson de cela disoit a ses Disciples: Qui demeure en moy et moy en luy, iceluy porte beaucoup de fruit; et c'est, [255] Theotime, parce que qui demeure en luy il participe a son divin Esprit, lequel est au milieu du cœur humain comme une vive source qui rejaillit et pousse ses eaux jusques en la vie eternelle.

  A005000786 

 Ainsy donq nos œuvres, comme un petit grain de moustarde, ne sont aucunement comparables en grandeur avec l'arbre de la gloire qu'elles produisent, mais elles ont pourtant la vigueur et vertu de l'operer, parce qu'elles procedent du Saint Esprit, qui, par une admirable infusion de sa grace en nos cœurs, rend nos œuvres siennes, les laissant nostres tout ensemble; d'autant que nous sommes membres d'un Chef duquel il est l'Esprit, et entés sur un arbre duquel il est la divine humeur.

  A005000789 

 On dit que le cœur est la premiere partie de l'homme qui reçoit la vie par l'union de l'ame, et l'œil la derniere; comme au contraire, quand on meurt naturellement, l'œil commence le premier a mourir et le cœur le dernier.

  A005000790 

 Encor bien, donques, qu'on puisse avoir quelques vertus separees des autres, si est-ce neanmoins que ce ne peut estre que des vertus languissantes, imparfaites et debiles: d'autant que la rayson, qui est la vie de nostre ame, n'est jamais satisfaite ni a son ayse dans une ame, qu'elle n'occupe et possede toutes les facultés et passions d'icelle; et lhors qu'elle est offencee et blessee en quelqu'une de nos passions ou affections, toutes les autres perdent leur force et vigueur, et s'alangourissent estrangement..

  A005000790 

 Et pour l'ordinaire, cette vie de nostre ame prend son commencement dans le cœur de nos passions, qui est l'amour, et s'estendant sur toutes les autres, elle vivifie en fin l'entendement mesme par la contemplation: comme, au contraire, la mort morale ou spirituelle fait sa premiere entree en l'ame par l'inconsideration ( la mort entre par les fenestres, dit le sacré Texte), et son dernier effect consiste a ruiner le bon amour, lequel perissant, toute la vie morale est morte en nous.

  A005000790 

 Toutes les vertus ne s'acquierent pas ensemblement en un instant, ains les unes apres les autres, a mesure que la rayson, qui est comme l'ame de nostre cœur, s'empare tantost d'une passion, tantost de l'autre, pour [257] la moderer et gouverner.

  A005000791 

 C'est donq un signe evident que ce cœur la n'est pas porté a la liberalité par le motif et la consideration de la rayson: dont il s'ensuit que cette liberalité qui semble estre vertu n'en a que l'apparence, puisqu'elle ne procede pas de la rayson, qui est le vray motif des vertus, ains de quelque autre motif estranger.

  A005000791 

 Qui ayme la liberalité et n'ayme pas la chasteté, il monstre bien qu'il n'ayme [258] pas la liberalité pour la beauté de la rayson; car cette beauté est encor plus grande en la chasteté, et ou la cause est plus forte, les effectz devroyent estre plus fortz.

  A005000791 

 Qui ayme une vertu pour l'amour de la rayson et honnesteté qui y reluit, il les aymera toutes, puisqu'en toutes il treuvera ce mesme sujet, et les aymera plus ou moins chacune, selon que la rayson y paroistra plus ou moins resplendissante.

  A005000791 

 Si Jacob aymoit Rachel en consideration de ce qu'elle estoit fille de Laban, pourquoy mesprisoit il Lia, qui estoit non seulement fille, ains fille aisnee du mesme Laban? Mais parce qu'il aymoit Rachel a cause de la beauté qu'il treuva en elle, jamais il ne sceut tant aymer la pauvre Lia, quoy que feconde et sage fille, d'autant qu'elle n'estoit pas si belle a son gré.

  A005000792 

 Je vous prie, Theotime, quelle prudence peut avoir un homme intemperant, injuste et poltron, puisqu'il choisit le vice et laisse la vertu? Et comme peut-on estre juste sans estre prudent, fort et temperant, puisque la justice n'est autre chose qu'une perpetuelle, forte et constante volonté de rendre a un chacun ce qui luy appartient, et que la science par laquelle le droit s'administre est nommee jurisprudence, et que pour rendre a chacun ce qui luy appartient il nous faut vivre sagement et modestement, et empescher les desordres de l'intemperance en nous, affin de nous rendre ce qui nous appartient a nous mesmes? Et le [259] mot de vertu ne signifie-il pas une force et vigueur appartenante a l'ame en proprieté, ainsy que l'on dit les herbes et pierres pretieuses avoir telle et telle vertu ou proprieté? Mais la prudence est-elle pas imprudente en l'homme intemperant? La force sans prudence, justice et temperance n'est pas une force, mais une forcenerie; et la justice est injuste en l'homme poltron, qui ne l'ose pas rendre, en l'intemperant, qui se laisse emporter aux passions, et en l'imprudent, qui ne sçait pas discerner entre le droit et le tort.

  A005000794 

 Ainsy semble-il a plusieurs d'avoir des vertus, qui n'ont toutefois que des bonnes inclinations; et parce que ces inclinations sont les unes sans les autres, il est advis que les vertus le soyent aussi..

  A005000794 

 Combien y a-il de personnes qui, par leur condition naturelle, sont sobres, simples, douces, taciturnes, voire mesme chastes et honnestes? Or tout cela semble estre vertu, et n'en a toutefois pas le merite, non plus que les mauvaises inclinations ne sont dignes d'aucun blasme, jusques a ce que, sur telles humeurs naturelles, nous ayons enté le libre et volontaire consentement.

  A005000794 

 Il y a certaines inclinations qui sont estimees vertus et ne le sont pas, ains des faveurs et avantages de la nature.

  A005000794 

 Plusieurs pensent avoir les vertus quand ilz n'exercent pas les vices contraires: celuy qui ne fut onques assailli se peut voirement vanter de n'avoir pas esté fuyart, mais non pas d'avoir esté vaillant; celuy qui n'est pas affligé se peut louer de n'estre pas impatient, mais non pas d'estre patient.

  A005000795 

 Certes, le grand saint Augustin, en une epistre qu'il escrit a saint Hierosme, monstre que nous pouvons avoir quelque sorte de vertu sans avoir les autres, et que neanmoins nous n'en pouvons point avoir de parfaites sans les avoir toutes; mais que quant aux vices on peut avoir les uns sans avoir les autres, ains il est impossible de les avoir tous ensemble: de sorte qu'il ne s'ensuit pas que qui a perdu toutes les vertus ait par consequent tous les vices, puisque presque toutes les vertus ont deux vices opposés, non seulement contraires a la vertu, mais aussi contraires entre eux mesmes.

  A005000795 

 Qui a perdu la vaillance par la temerité ne peut avoir a mesme tems le vice de couardise; et qui a perdu la liberalité par la prodigalité ne peut aussi a mesme tems estre blasmé de chicheté.

  A005000799 

 sur l'appetit de convoitise elle fait couler la temperance, qui modere les passions qui y sont; 4. et sur l'appetit irascible ou de la cholere elle fait flotter la force, qui bride et manie tous les mouvemens de l'ire..

  A005000799 

 sur l'entendement qu'on appelle prattique, c'est a dire qui discerne des actions qu'il convient faire ou fuir, la lumiere naturelle respand la prudence, qui incline nostre esprit a sagement juger du mal que nous devons eviter et chasser, et du bien que nous devons faire et pourchasser; 2.

  A005000799 

 sur nostre volonté elle fait jaillir la justice, qui n'est autre chose qu'un perpetuel et ferme vouloir de rendre a chacun ce qui luy est deu; 3.

  A005000800 

 Or ces quatre fleuves, ainsy separés, se divisent par apres en plusieurs autres, affin que toutes les actions humaines puissent estre bien dressees a l'honnesteté et felicité naturelle; mais outre cela, Dieu voulant enrichir les Chrestiens d'une speciale faveur, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de leur esprit une [262] fontaine surnaturelle que nous appelions grace, laquelle comprend voirement la foy et l'esperance, mais qui consiste toutefois en la charité, qui purifie l'ame de tous pechés, puis l'orne et l'embellit d'une beauté tres delectable et en fin espanche ses eaux sur toutes les facultés et operations d'icelle, pour donner a l'entendement une prudence celeste, a la volonté une sainte justice, a l'appetit de convoitise une temperance sacree, et a l'appetit irascible une force devote, affin que tout le cœur humain tende a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A005000801 

 Ainsy l'amour celeste treuvant plusieurs vertus en saint Paul, en saint Ambroyse, saint Denis, saint Pachome, il respandit sur icelles une aggreable clarté, les reduisant toutes a son service; mais en la Magdeleyne, en sainte Marie Egyptiaque, au bon larron, et en cent autres telz penitens qui avoyent esté grans pecheurs, le divin amour ne treuvant aucune vertu fit la fonction et les œuvres de toutes les vertus, se rendant en iceux patient, doux, humble et liberal..

  A005000802 

 Josué desfit certes vaillamment les ennemis de Dieu par la bonne conduite des armees qu'il eut en charge; mais Samson les desfaisoit encor plus glorieusement, qui de sa main propre, avec des maschoires d'asne, en tuoit a milliers.

  A005000803 

 L'Evesque donne les charges de toutes les fonctions ecclesiastiques: d'ouvrir l'eglise, [264] d'y lire, exorciser, esclairer, prescher, baptizer, sacrifier, communier, absoudre; et luy mesme aussi peut faire et fait tout cela, ayant en soy une vertu eminente qui comprend toutes les autres inferieures.

  A005000803 

 Voyci ses paroles: «Ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre» (il entend les quatre vertus cardinales), «on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: de maniere que je ne ferois nul doute de definir ces quatre vertus en sorte que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droittement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choisit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuisible.».

  A005000804 

 Celuy donq qui a la charité, a son esprit revestu d'une belle robbe nuptiale, laquelle, comme celle de Joseph, est parsemee de toute la varieté des vertus; ou plustost, il a une perfection qui contient la vertu de toutes les perfections ou la perfection de toutes les vertus.

  A005000804 

 Et par ainsy, la charité est patiente, benigne; elle n'est point envieuse, mais bonteuse; elle ne fait point de legeretés, ains elle est prudente; elle ne s'enfle point d'orgueil, ains est humble; elle n'est point ambitieuse ou desdaigneuse, ains amiable et affable; elle n'est point pointilleuse a vouloir ce qui luy appartient, [265] ains franche et condescendante; elle ne s'irrite point, ains est paisible; elle ne pense aucun mal, ains est debonnaire; elle ne se res-jouit point sur le mal, ains se res-jouit avec la verité et en la verité; elle souffre tout, elle croid aysement tout ce qu'on luy dit de bien, sans aucune opiniastreté, contention ni desfiance; elle espere tout bien du prochain, sans jamais perdre courage de luy procurer son salut; elle soustient tout, attendant sans inquietude ce qui luy est promis.

  A005000804 

 Et pour conclusion, la charité est le fin or, et enflammé, que Nostre Seigneur conseilloit a l'Evesque de Laodicee d'achetter, lequel contient le prix de toutes choses, qui peut tout, qui fait tout..

  A005000808 

 Ce que repetant le Disciple [266] bienaymé: Qui observe les commandemens de Dieu, dit-il, la charité de Dieu est parfaite en iceluy; et: Celle cy est la charité de Dieu, que nous gardions ses commandemens.

  A005000808 

 Nostre Seigneur lie tous-jours l'accomplissement des commandemens a la charité: Qui a mes commandemens, dit-il, et les observe, c'est celuy qui m'ayme; Celuy qui ne m'ayme pas ne garde pas mes commandemens; Si quelqu'un m'ayme, il gardera mes paroles.

  A005000808 

 Or, qui auroit toutes les vertus garderoit tous les commandemens: car, qui auroit la vertu de religion observeroit les trois premiers commandemens; qui auroit la pieté observeroit le quatriesme; qui auroit la mansuetude et debonnaireté observeroit le cinquiesme; par la chasteté on garderoit le sixiesme; par la liberalité on eviteroit de violer le septiesme; par la verité on feroit le huitiesme; et par la parcimonie et pudicité on observeroit le neufviesme et dixiesme.

  A005000808 

 Sans le ciment et mortier qui lie les pierres et murailles, tout l'edifice se dissout; sans les nerfs, muscles et tendons, tout le cors seroit desfait; et sans la charité, les vertus ne peuvent s'entretenir les unes aux autres.

  A005000810 

 Les vertus ont leurs commencemens, leurs progres et leur perfection, et je ne nie pas que sans la charité elles ne puissent naistre, voire mesme faire progres; mays qu'elles ayent leur perfection pour porter le tiltre de vertus faittes, formees et accomplies, cela depend de la charité, qui leur donne la force de voler en Dieu, [267] et recueillir de la misericorde d'iceluy le miel du vray merite et de la sanctification des cœurs esquelz elles se treuvent..

  A005000810 

 Toutes les vertus separees de la charité sont fort imparfaites, puisqu'elles ne peuvent sans icelle parvenir a leur fin, qui est de rendre l'homme heureux.

  A005000812 

 Car, comme Aristote dit, que celuy qui desrobboit pour pouvoir commettre la fornication estoit plus fornicateur que larron, d'autant que son affection tendoit toute a la fornication, et ne se servoit du larcin que comme d'un passage pour y parvenir; ainsy, qui observe la chasteté pour obeir, il est plus obeissant que chaste, puisqu'il employe la chasteté au service de l'obeissance.

  A005000812 

 Les autres vertus se peuvent reciproquement entr'ayder et s'exciter mutuellement en leurs œuvres et exercices; car, qui ne sçait que la chasteté requiert et excite la sobrieté, et que l'obeissance nous porte a la liberalité, a l'orayson, a l'humilité? Or, par cette communication qu'elles ont entr'elles, elles participent aux perfections les unes des autres; car la chasteté observee par obeissance a double dignité, a sçavoir, la sienne propre et celle de l'obeissance; ains elle a plus de celle de l'obeissance que de la sienne propre.

  A005000812 

 Mais pourtant, du meslange de l'obeissance avec la chasteté ne peut reuscir une vertu accomplie et parfaite, puisque la derniere perfection, qui est l'amour, leur manque a toutes deux: de sorte que, si mesmes il se pouvoit faire que toutes les vertus se treuvassent ensemble en un homme et que la seule charité luy manquast, cet assemblage de vertus seroit voirement un cors tres parfaitement accompli de toutes ses parties, tel que fut celuy d'Adam quand Dieu de sa main maistresse le forma du limon de la terre, mais cors neanmoins qui seroit sans mouvement, sans vie et sans grace, [268] jusques a ce que Dieu inspirast en iceluy le spiracle de vie c'est a dire la sacree charité, sans laquelle rien ne nous profite..

  A005000813 

 Au demeurant, la perfection de l'amour divin est si souveraine qu'elle perfectionne toutes les vertus et ne peut estre perfectionnee par icelles, non pas mesme par l'obeissance, qui est celle laquelle peut le plus respandre de perfection sur les autres; car, encor bien que l'amour soit commandé et qu'en aymant nous prattiquions l'obeissance, si est ce neanmoins que l'amour ne tire pas sa perfection de l'obeissance, ains de la bonté de celuy qu'il ayme, d'autant que l'amour n'est pas excellent parce qu'il est obeissant, mais parce qu'il ayme un bien excellent.

  A005000813 

 Certes, en aymant nous obeissons comme en obeissant nous aymons; mais si cette obeissance est si excellemment aymable, c'est parce qu'elle tend a l'excellence de l'amour, et sa perfection depend non de ce qu'en aymant nous obeissons, mais de ce qu'en obeissant nous aymons: de sorte que tout ainsy que Dieu est egalement la derniere fin de tout ce qui est bon comme il en est la premiere source, de mesme l'amour, qui est l'origine de toute bonne affection, en est pareillement la derniere fin et perfection..

  A005000817 

 Nous voyons, dit il, des navires qui portent des inscriptions fort illustres: il y en a qu'on appelle Victoire, les autres, Vaillance, les autres, Soleil; mais pour cela elles ne laissent pas d'estre sujettes aux vens et aux vagues.

  A005000818 

 Pour Dieu, Theotime, je vous prie, quelle vertu pouvoyent avoir ces gens-la qui volontairement, et comme a prix fait, renversoyent toutes les lois de la religion? Seneque avoit fait un livre Contre les superstitions, dans lequel il avoit repris l'impieté payenne avec beaucoup de liberté: Or «cette liberté,» dit le grand saint Augustin, «se treuva en ses escritz et non pas en sa vie,» puisque mesme il conseilla «que l'on rejettast de cœur la superstition, mais qu'on ne laissast pas de la prattiquer es actions; car voicy ses paroles: Lesquelles superstitions le sage observera comme commandees par les lois, non pas comme aggreables aux dieux.» Comme pouvoyent estre vertueux ceux qui, comme rapporte saint Augustin, estimoyent «que le sage se devoit tuer quand il ne pouvoit ou ne devoit plus supporter» les calamités de cette vie? et toutefois ne vouloyent pas advouer que les calamités fussent miserables, ni les miseres calamiteuses, ains maintenoyent que le sage estoit tous-jours heureux et sa vie bien heureuse.

  A005000819 

 Aussy, celuy d'entre les Stoïciens et capitaines qui, pour s'estre tué soy mesme en la ville d'Utique affin d'eviter une calamité qu'il estimoit indigne de sa vie, a esté tant loué par les cervelles profanes, fit cette action avec si peu de veritable vertu, que, comme dit saint Augustin, «il ne tesmoigna pas un courage qui voulut eviter la deshonnesteté, mais une ame infirme qui n'eut pas l'asseurance d'attendre l'adversité; car s'il eust estimé chose infame de vivre sous la victoire de Cesar, pourquoy eust il commandé d'esperer en la [270] douceur de Cesar? Comme n'eust-il conseillé a son filz de mourir avec luy,» si la mort estoit meilleure et plus honneste que la vie? Il se tua donq, ou parce qu'il envia a Cesar la gloire qu'il eust eu de luy donner la vie, ou parce qu'il apprehenda la honte de vivre sous un vainqueur qu'il haïssoit: en quoy il peut estre loué d'un gros, et encor, a l'adventure, grand courage, mais non pas d'un sage, vertueux et constant esprit.

  A005000819 

 La cruauté qui se prattique sans esmotion et de sang froid est la plus cruelle de toutes, et c'en est de mesme du desespoir; car celuy qui est le plus lent, le plus deliberé, le plus resolu, est aussi le moins excusable et le plus desesperé..

  A005000820 

 Si Lucrece ne fut pas chaste, pourquoy loue-on donq la chasteté de Lucrece? si Lucrece fut chaste et innocente en cet accident la, Lucrece ne fut elle pas meschante de tuer l'innocente Lucrece? «Si elle fut adultere, pourquoy est elle tant loüee? si elle fut pudique, pourquoy fut elle tuee?» Mais elle craignoit l'opprobre et la honte de ceux qui eussent peu croire que la deshonnesteté «qu'elle avoit soufferte violemment, tandis qu'elle estoit en vie, eust aussi esté soufferte volontairement si, apres icelle, elle fust demeuree en vie; elle eut peur qu'on l'estimast complice du peché, si ce qui avoit esté fait en elle vilainement estoit supporté par elle patiemment.» Et donq, faut-il, pour fuir la honte et l'opprobre qui depend de l'opinion des hommes, accabler l'innocent et tuer le juste? faut il maintenir l'honneur aux despens de la vertu, et la reputation au peril de l'equité? Telles furent les vertus des plus vertueux payens, envers Dieu et envers eux mesmes..

  A005000821 

 Et pour les vertus qui regardent le prochain, ilz foulerent aux pieds, et fort effrontement, par leurs lois mesmes, la principale, qui est la pieté; car Aristote, le plus grand cerveau d'entr'eux, prononce cette horrible [271] et tres impiteuse sentence: «Touchant l'exposition,» c'est a dire l'abandonnement «des enfans, ou leur education, la loy soit telle: qu'il ne faut rien nourrir de ce qui est privé de quelque membre; et quant aux autres enfans, si les lois et coustumes de la cité defendent qu'on n'abandonne pas les enfans, et que le nombre des enfans se multiplie a quelqu'un en sorte qu'il en ayt des-ja au double de la portee de ses facultés, il fa.ut prevenir et procurer l'avortement» Seneque, ce sage tant loüé: «Nous tuons,» dit il, «les monstres; et nos enfans, s'ilz sont manques, debiles, imparfaitz ou monstrueux, nous les rejettons et abandonnons.» De sorte que ce n'est pas sans cause que Tertulien reproche aux Romains qu'ilz exposoyent leurs enfans aux ondes, au froid, a la faim et aux chiens; et cela non par force de pauvreté, car, comme il dit, les presidens mesmes et magistratz prattiquoyent cette desnaturee cruauté.

  A005000821 

 O vray Dieu, Theotime, quelz vertueux voyla! et quels sages pouvoyent estre ces gens qui enseignoyent une si cruelle et brutale sagesse? Helas, dit le grand Apostre, croyans d'estre sages ilz ont esté faitz insensés, et leur fol esprit a esté obscurci; gens abandonnés au sens repreuvé.

  A005000822 

 «La convoitise humaine a fait la force des payens,» dit le Concile d'Auranges, «et la charité divine a fait celle des Chrestiens.» Les vertus des payens, dit saint Augustin, ont esté non vrayes, mais vraysemblables, [272] parce qu'elles ne furent pas exercees pour la fin convenable, mais pour des fins perissables: «Fabritius sera moins puni que Catilina, non pas que celuy la fut bon, mays parce que celuy ci fut pire; non que Fabritius eut des vrayes vertus, mais parce qu'il ne fut pas si esloigné des vrayes vertus: si que, au jour du jugement, les vertus des payens les defendront, non affin qu'ilz soyent sauvés, mais affin qu'ilz ne soyent pas tant damnés.» Un vice estoit osté par un autre vice entre les payens, les vices se faysans place les uns aux autres sans en laisser aucune a la vertu; et pour ce seul unique vice de la vayne gloire ilz reprimoyent l'avarice et plusieurs autres vices, voire mesme quelquefois ilz mesprisoyent la vanité par vanité; dont l'un d'entr'eux, qui sembloit le plus esloigné de la vanité, foulant aux pieds le lit bien paré de Platon: Que fais tu, Diogene? luy dit Platon.

  A005000823 

 Ce ne fut pas l'amour de l'honnesteté, mais l'amour de l'honneur qui poussa ces sages mondains a l'exercice des vertus; et leurs vertus de mesme furent aussi differentes des vrayes vertus comme l'honneur de l'honnesteté, et l'amour du merite d'avec l'amour de la recompense.

  A005000823 

 Ceux qui servent les princes pour l'interest font ordinairement des services plus empressés, plus ardens et sensibles; mais ceux qui servent par amour [273] les font plus nobles, plus genereux, et par consequent plus estimables..

  A005000824 

 Ainsy nos anciens Peres ont appellé les vertus des payens vertus et non vertus tout ensemble: vertus, parce qu'elles en ont la lueur et l'apparence; non vertus, parce que non seulement elles n'ont pas eu cette chaleur vitale de l'amour de Dieu qui seule les pouvoit perfectionner, mais elles n'en estoyent pas susceptibles, puisqu'elles estoyent en des sujetz infideles.

  A005000824 

 Ilz les nomment ignees, de feu, charbons ou escarboucles, parce qu'ilz ressemblent au feu en lueur et splendeur; mays ilz les appellent sans feu ou, pour dire ainsy, ininflammables, parce que non seulement leur lueur n'a nulle chaleur, mais ilz ne sont nullement susceptibles de chaleur, et n'y a feu qui les puisse eschauffer.

  A005000824 

 «Y ayant de ce tems-la,» dit saint Augustin, «deux Romains grans en vertu, Cesar et Caton, la vertu de Caton fut de beaucoup plus approchante de la vraye vertu que celle de Cesar;» et ayant dit en quelque lieu que «les philosophes destitués de la vraye pieté avoyent resplendi en lumiere de vertu,» il s'en desdit au livre de ses Retractations, estimant que cette louange estoit trop grande pour les vertus si imparfaites comme furent celles des payens: qui, en verité, ressemblent à ces vers a feu et luisans qui ne sont luisans qu'emmi la nuit, et le jour venu perdent leur lueur; car de mesme, ces vertus payennes ne sont vertus qu'en comparayson des vices, mais en comparayson des vertus des vrays Chrestiens ne meritent nullement le nom de vertus..

  A005000825 

 Je veux bien, Theotime, qu'il y eust quelque fermeté de courage en Caton, et que cette fermeté fust louable en soy: mais qui veut se prevaloir de son exemple, il faut que ce soit en un juste et bon sujet; non pas se donnant la mort, mais la souffrant lhors que la vraye vertu le requiert, non pour la vanité de la gloire, mais pour la gloire de la verité: comme il advint a nos Martyrs, qui, avec des courages invincibles, firent tant de miracles de constance et valeur, que les Catons, les Horaces, les Seneques, les Lucreces, les Arries ne meritent certes nulle consideration en comparayson.

  A005000825 

 Parce neanmoins qu'elles ont quelque chose de bon, elles peuvent estre comparees aux pommes vereuses, car elles ont la couleur, et ce peu de substance qui leur reste, aussi bonne que les vertus entieres; mais le ver de la vanité est au milieu, qui les gaste: c'est pourquoy, qui en veut user doit separer le bon d'avec le [274] mauvais.

  A005000825 

 Tesmoins les Laurens, les Vincens, les Vitaux, les Erasmes, les Eugenes, les Sebastiens, les Agathes, les Agnes, Catherines, Perpetues, Felicités, Symphoroses, Natalies, et mille milliers d'autres; qui me font tous les jours admirer les admirateurs des vertus payennes, non tant parce qu'ilz admirent desordonnement les vertus imparfaites des payens, comme parce qu'ilz n'admirent point les vertus tres parfaites des Chrestiens, vertus cent fois plus dignes d'admiration et seules dignes d'imitation..

  A005000829 

 Le grand ami de Dieu, Abraham, n'eut de Sara, sa femme principale, que son trescher unique Isaac, qui seul aussi fut son heritier universel; et bien qu'il eust encor Ismael d'Agar, et plusieurs autres enfans de [275] Cetura, ses femmes servantes et moins principales, si est ce toutefois qu'il ne leur donna sinon quelques presens et legatz pour les des-jetter et exhereder, d'autant que n'estans pas advoüés de la femme principale ilz ne pouvoyent pas aussi luy succeder.

  A005000829 

 Theotime, il n'y a que les enfans, c'est a dire les actes, de la tressainte charité qui soyent heritiers de Dieu, coheritiers de Jesus Christ, et les enfans ou actes que les autres vertus conçoivent et enfantent sur ses genoux, par son commandement, ou au moins sous les aisles et la faveur de sa presence.

  A005000830 

 Or il y a de plus: quand en la production des actions des vertus morales la volonté se rend desobeissante a sa dame, qui est la charité, comme quand par l'orgueil, la vanité, l'interest temporel, ou par quelqu'autre mauvais motif les vertus sont destournees de leur propre nature, certes alhors ces actions sont chassees et bannies de la mayson d'Abraham et de la societé de Sara, c'est a dire, elles sont privees du fruit [276] et des privileges de la charité, et par consequent demeurent sans valeur ni merite: car ces actions la, ainsy infectees d'une mauvaise intention, sont en effect plus vicieuses que vertueuses, puisqu'elles n'ont de la vertu que le cors exterieur, l'interieur appartenant au vice qui leur sert de motif; tesmoin les jeusnes, offrandes et autres actions du Pharisien..

  A005000831 

 Et ce sont ces œuvres que les theologiens appellent mortifiees, parce qu'estant nees en vie, sous la faveur de la dilection, et comme un Ismael en la famille d'Abraham, elles perdent par apres la vie et le droit d'heriter, par la desobeissance [277] et rebellion suivante, de la volonté humaine qui est leur mere..

  A005000832 

 O Dieu, Theotime, quel malheur! Si le juste se destourne de sa justice et qu'il face l'iniquité, on n'aura plus memoire de toutes ses justices, il mourra en son peché, dit Nostre Seigneur en Ezechiel: de sorte que le peché mortel ruine tout le merite des vertus; car, quant a celles qu'on prattique tandis qu'il regne en l'ame, elles naissent tellement mortes qu'elles sont a jamais inutiles pour la pretention de la vie eternelle; et quant a celles que l'on a prattiquees avant qu'il fust commis, c'est a dire tandis que la dilection sacree vivoit en l'ame, leur valeur et merite perit et meurt soudain a son arrivee, ne pouvans conserver leur vie apres la mort de la charité qui la leur avoit donnee..

  A005000833 

 Le lac que les prophanes appellent communement Asphaltite, et les autheurs sacrés mer Morte, a une malediction si grande que rien ne peut vivre de ce que l'on y met: quand les poissons du fleuve Jordain l'approchent ilz meurent, si promptement ilz ne rebroussent contremont; les arbres de son rivage ne produisent rien de vivant, et bien que leurs fruitz ayent l'apparence et forme exterieure pareille aux fruitz des autres contrees, neanmoins, quand on les veut arracher, on treuve que ce ne sont que escorces et peleures pleines de cendres qui s'en vont au vent: marques des infames pechés pour la punition desquelz cette contree, peuplee de quatre cités plantureuses, fut jadis convertie en cet abisme de puanteur et d'infection; et rien aussi ne peut, ce semble, mieux representer le malheur du peché, que ce lac abominable qui prit son origine du plus execrable desordre que la chair humaine puisse commettre.

  A005000833 

 Le peché donq, comme une mer Morte et mortelle, tue tout ce qui l'aborde: rien n'est vivant de [278] tout ce qui naist en l'ame qu'il occupe, ni de tout ce qui croist autour de luy.

  A005000833 

 O Dieu, nullement, Theotime: car non seulement le peché est une œuvre morte, mays elle est tellement pestilente et veneneuse, que les plus excellentes vertus de l'ame pecheresse ne produisent aucune action vivante; et quoy que quelquefois les actions des pecheurs ayent une grande ressemblance avec les actions des justes, ce ne sont toutefois qu'escorces pleines de vent et de poussiere, regardees voirement et mesme recompensees par la Bonté divine de quelques presens temporelz, qui leur sont donnés comme aux enfans des chambrieres, mais escorces pourtant qui ne sont ni ne peuvent estre savourees ni goustees par la divine justice, pour estre salariees de loyer eternel.

  A005000839 

 Dieu donques n'oublie pas les œuvres de ceux qui, ayans perdu la dilection par le peché, la recouvrent par la penitence.

  A005000840 

 Que si neanmoins, par apres, ce pauvre homme tombé en peché se releve et retourne en l'amour divin par penitence, Dieu ne se resouviendra plus de son peché; et s'il ne se resouvient plus du peché, il se resouviendra donques des bonnes œuvres precedentes et de la recompense qu'il leur avoit promise, puisque le peché, qui seul les avoit ostees de la memoire divine, est totalement effacé, aboli, aneanti: si que alhors la justice de Dieu oblige sa misericorde, ou plustost la misericorde de Dieu oblige sa justice, de regarder derechef les bonnes œuvres passees, comme si jamais il ne les avoit oubliees; autrement le sacré penitent n'eust pas osé dire a son Maistre: Rendes moy l'allegresse de vostre salutaire, et me confirmes de vostre esprit principal. Car, comme vous voyes, non seulement il requiert une nouveauté d'esprit et de cœur, mais il pretend qu'on luy rende l'allegresse que le peché luy avoit ravie: or cette allegresse n'est autre chose que le vin du celeste amour, qui res-jouit le cœur de l'homme..

  A005000841 

 Et cet oubli des bonnes œuvres des justes, apres qu'ilz ont quitté leur justice et dilection, consiste en ce qu'elles nous sont rendues inutiles tandis que le peché nous rend incapables de la vie eternelle, qui est leur fruit; et partant, si tost que par le retour de la charité nous sommes remis au rang des enfans de Dieu, et par consequent rendus susceptibles de la gloire immortelle, Dieu se resouvient de nos bonnes œuvres anciennes, et elles nous sont derechef rendues fructueuses.

  A005000841 

 Il n'est pas raysonnable que le peché ayt autant de force contre la charité comme la charité en a contre le peché, car le peché procede de nostre foiblesse, et la charité de la puissance divine: si le peché abonde en malice pour ruiner, la grace surabonde pour reparer; et la misericorde de Dieu, par laquelle il efface le peché, s'exalte tous-jours et se rend glorieusement triomphante contre la rigueur du jugement, par lequel Dieu avoit oublié les bonnes œuvres qui precedoyent le peché.

  A005000842 

 Mays que les œuvres saintes, qui comme douces abeilles font le miel du merite, estant noyees dans le peché puissent par apres revivre, quand, couvertes des cendres de la penitence, on les remet au soleil de la grace et charité, tous les theologiens le disent et enseignent bien clairement; et lhors il ne faut pas douter qu'elles ne soyent utiles et fructueuses comme avant le peché.

  A005000847 

 de plaire a Dieu? qui sont trois diverses fins, dont la premiere est moindre, la seconde n'est pas presque plus excellente, et la troisiesme est beaucoup plus eminente [285] que la fin ordinaire de l'aumosne: si que nous pouvons, comme vous voyes, donner diverses perfections a nos actions, selon la varieté des motifs, fins et intentions que nous prenons en les faysant..

  A005000848 

 Cet autre se communie a Pasques pour ne point estre blasmé de son voysinage et pour obeir a Dieu; qui doute qu'il ne fasse bien? Mais s'il se communie autant ou plus pour eviter le blasme que pour obeir a Dieu, qui doute qu'il ne fasse impertinemment, egalant ou preferant le respect humain a l'obeissance qu'il doit a Dieu? Je puis jeusner le caresme, ou par charité affin de plaire a Dieu, ou par obeissance parce que l'Eglise l'ordonne, ou par sobrieté, ou par diligence pour mieux estudier, ou par prudence affin de faire quelque espargne requise, ou par chasteté affin de dompter le cors, ou par religion pour mieux prier.

  A005000848 

 Or, si je veux, je puis assembler toutes ces intentions et jeusner pour tout cela, mais en ce cas il faut tenir bonne police a ranger ces motifs: car si je jeusnois principalement pour espargner, plus que pour obeir a l'Eglise, plus pour bien estudier que pour plaire a Dieu, qui ne void que je pervertis le droit et l'ordre, preferant mon interest a l'obeissance de l'Eglise et au contentement de mon Dieu? Jeusner pour espargner est [286] bon; jeusner pour obeir a l'Eglise est meilleur; jeusner pour plaire a Dieu est tres bon: mais encores qu'il semble que de trois biens on ne puisse pas composer un mal, si est-ce que qui les colloqueroit en desordre, preferant le moindre au meilleur, il feroit sans doute un desreglement blasmable..

  A005000848 

 Tenes, voyla cet homme qui entre en charge pour servir le public et pour acquerir de l'honneur: s'il a plus de pretention de s'honnorer que de servir la chose publique, ou qu'il soit egalement desireux de l'un et de l'autre, il a tort et ne laisse pas d'estre ambitieux, car il renverse l'ordre de la rayson, egalant ou preferant son interest au bien public; mais si, pretendant pour sa fin principale de servir le public, il est bien ayse aussi parmi cela d'accroistre l'honneur de sa famille, certes, on ne le sçauroit blasmer, parce que non seulement ses deux pretentions sont honnestes, mais elles sont bien rangees.

  A005000849 

 Ainsy, faire une action pour un seul motif raysonnable, pour petit qu'il soit, la rayson n'en est point offencee: mais qui veut avoir plusieurs motifs, il les doit ranger selon leurs qualités; autrement il commet peché, car le desordre est un peché, comme le peché est un desordre.

  A005000849 

 Il faut donner a chasque fin le rang qui luy convient, et, par consequent, le souverain a celle de plaire a Dieu..

  A005000849 

 Qui veut plaire a Dieu et a Nostre Dame fait tres bien; mais qui voudroit plaire a Nostre Dame egalement ou plus qu'a Dieu, il commettrait un desreglement insupportable, et on luy pourroit dire ce qui fut dit a Caïn: Si vous aves bien offert, mais aves malpartagé, cesses, vous aves peché.

  A005000849 

 Un homme qui n'invite qu'un de ses amis n'offence nullement les autres; mais s'il les invite tous et qu'il donne les premieres seances aux moindres, reculant les plus honnorables au bas bout, n'offence-il pas ceux ci et ceux la tout ensemble? ceux ci parce qu'il les deprime contre la rayson, ceux la parce qu'il les fait paroistre sotz.

  A005000850 

 Or le souverain motif de nos actions, qui est celuy du celeste amour, a cette souveraine proprieté, qu'estant plus pur il rend l'action qui en provient plus pure: si que les Anges et Saintz de Paradis n'ayment chose aucune pour autre fin quelcomque que pour celle de l'amour de la divine Bonté et par le motif de luy vouloir plaire; ilz s'entr'ayment voirement tous tres ardemment, ilz nous ayment aussi, ilz ayment les vertus, mais tout cela pour plaire a Dieu seulement.

  A005000854 

 Or, venant donq a l'action, je me pousse au peril, prevenu partous ces motifs; mais pour les relever tous au degré de l'amour divin et les purifier [288] parfaitement, je diray en mon ame de tout mon cœur: O Dieu eternel, qui estes le trescher amour de mes affections, si la vaillance, l'obeissance au prince, l'amour de la patrie et la magnanimité ne vous estoyent aggreables, je ne suivrois jamais leurs mouvemens que je sens maintenant; mais parce que ces vertus vous plaisent j'embrasse cette occasion de les prattiquer, et ne veux seconder leur instinct et inclination sinon parce que vous les aymes et que vous le voules..

  A005000854 

 Par exemple, si je veux m'exposer vaillamment aux hazards de la guerre, je le puis considerant divers motifs: car le motif naturel de cette action c'est celuy de la force et vaillance, a laquelle il appartient de faire entreprendre par rayson les choses perilleuses; mais, outre celuy cy, j'en puis avoir plusieurs autres, comme celuy d'obeir au prince que je sers, celuy de l'amour envers le public, celuy de la magnanimité, qui me fait plaire en la grandeur de cette action.

  A005000854 

 Purifions donq, Theotime, tant que nous pourrons, toutes nos intentions: et puisque nous pouvons respandre sur toutes les actions des vertus le motif sacré du divin amour, pourquoy ne le ferons nous pas? rejettans es occurrences toutes sortes de motifs vicieux, comme la vayne gloire et l'interest propre, et considerans tous les bons motifs que nous pouvons avoir d'entreprendre l'action qui se presente alhors, affin de choisir celuy du saint amour, qui est le plus excellent de tous, pour en arrouser et detremper tous les autres.

  A005000855 

 Qui desrobbe pour ivroigner, il est plus ivroigne que larron, selon Aristote; et celuy donques qui exerce la vaillance, l'obeissance, l'affection envers sa patrie, la magnanimité, pour plaire a Dieu, il est plus amoureux divin que vaillant, obeissant, bon citoyen et magnanime, parce que toute sa volonté, en cet exercice, aboutit et vient fondre dans l'amour de Dieu, n'employant tous les autres motifs que pour parvenir a cette fin.

  A005000857 

 En cette sorte faut il animer toutes nos actions de ce bon playsir celeste, aymant principalement l'honnesteté et beauté des vertus parce qu'elle est aggreable a Dieu: car, mon cher Theotime, il se treuve des hommes qui ayment esperdument la beauté de quelques vertus, non seulement sans aymer la charité, mais avec mespris de la charité.

  A005000857 

 Qui ne sçait qu'il y a eu des pauvres de Lyon qui, pour louer avec exces la mendicité, se firent heretiques, et de mendians devindrent des faux belitres? Qui ne sçait la vanité des Enthousiastes, Messaliens, Euchites, qui quitterent la dilection pour vanter l'orayson? Qui ne sçait qu'il y a eu des heretiques qui, pour exalter la charité envers les pauvres, deprimoyent la charité envers Dieu, attribuant tout le salut des hommes a la vertu de l'aumosne, selon que saint Augustin le tesmoigne? quoy que le saint Apostre exclame que qui donne tout son bien aux pauvres, et il n'a pas la charité, cela ne luy proffite point..

  A005000858 

 L'amour, Theotime, est l'estendart en l'armee des vertus, elles se doivent toutes ranger a luy; c'est le seul drapeau sous lequel Nostre Seigneur les fait combattre, luy qui est le vray general de l'armee.

  A005000862 

 Telles sont les qualités par lesquelles l'esprit est rendu doux, obeissant et pliable aux loix de la rayson naturelle qui est en nous..

  A005000863 

 Ainsy, Theotime, le Saint Esprit qui habite en nous, voulant rendre nostre ame souple, maniable et obeissante a ses divins mouvemens et celestes inspirations, qui [291] sont les loix de son amour, en l'observation desquelles consiste la felicité surnaturelle de cette vie presente, il nous donne sept proprietés et perfections, pareilles presque aux sept que nous venons de reciter, qui, en l'Escriture Sainte et es livres des theologiens, sont appellees dons du Saint Esprit.

  A005000863 

 la force est l'amour qui encourage et anime le cœur pour executer ce que le conseil a determiné devoir estre fait; 6.

  A005000863 

 la pieté est l'amour qui adoucit le travail et nous fait cordialement, aggreablement et d'une affection filiale employer aux œuvres qui plaisent a Dieu nostre Pere; et 7.

  A005000863 

 la sapience n'est autre chose en effect que l'amour qui savoure, gouste et experimente combien Dieu est doux et suave; 2.

  A005000863 

 la science, au contraire, n'est autre chose que le mesme amour qui nous tient attentifs a nous connoistre nous mesmes et les creatures, pour nous faire remonter a une plus parfaite connoissance du service que nous devons a Dieu; 4.

  A005000863 

 pour conclusion, la crainte n'est autre chose que l'amour entant qu'il nous fait fuir et eviter ce qui est desaggreable a la divine Majesté..

  A005000865 

 nous nous encourageons, recevans une sainte force pour surmonter les difficultés qui peuvent estre en ce dessein; au 5.

  A005000866 

 Et je metz ainsy cette double crainte es deux derniers degrés, pour accorder toutes les traductions avec la sainte et sacree edition ordinaire; car si en l'Hebrieu le mot de crainte est repeté par deux fois, ce n'est pas sans mystere, ains pour monstrer qu'il y a un don de crainte filiale, qui n'est autre chose que le don de pieté, et un don de la crainte servile, qui est le commencement de tout nostre acheminement a la souveraine sagesse..

  A005000866 

 La charité ce pendant comprend les sept dons, et ressemble a une belle fleur de lys, qui a six feuilles [293] plus blanches que la neige, et au milieu les beaux marteletz d'or de la sapience, qui poussent en nos cœurs les goustz et savouremens amoureux de la bonté du Pere nostre Createur, de la misericorde du Filz nostre Redempteur et de la suavité du Saint Esprit nostre Sanctificateur.

  A005000870 

 C'est cette admirable amante qui voudroit ne point aymer les goustz, les delices, les vertus et les consolations spirituelles, de peur d'estre divertie, pour peu que ce soit, de l'unique amour qu'elle porte a son Bienaymé, protestant que c'est luy mesme et non ses biens qu'elle recherche, et criant a cette intention: Hé, monstres moy, mon Bienaymé, ou vous paisses et reposes au midy, affin que je ne me divertisse point apres les playsirs qui sont hors de vous..

  A005000870 

 Imagines vous, Theotime, une espouse de cœur colombin, qui ayt la perfection de l'amour nuptial: son amour est incomparable, non seulement en excellence, mais aussi en une grande varieté de belles affections et qualités qui l'accompaignent.

  A005000870 

 Telle, certes, est la crainte de l'ame qui a [294] l'excellente dilection: car elle s'asseure tant de la souveraine bonté de son Espoux, qu'elle ne craint pas de le perdre, mais elle craint bien toutefois de ne jouir pas asses de sa divine presence et que quelqu'occasion ne le fasse absenter pour un seul moment; elle a bien confiance de ne luy desplaire jamais, mais elle craint de ne luy plaire pas autant que l'amour le requiert; son amour est trop courageux pour entrer voire mesme au seul soupçon d'estre jamais en sa disgrace, mais il est aussi si attentif qu'elle craint de ne luy estre pas asses unie: ouy mesme, l'ame arrive quelquefois a tant de perfection qu'elle ne craint plus de n'estre pas asses unie a luy, son amour l'asseurant qu'elle le sera tous-jours, mais elle craint que cette union ne soit pas si pure, simple et attentive comme son amour luy fait pretendre.

  A005000871 

 De cette sacree crainte des divines espouses, furent touchees ces grandes ames de saint Paul, saint François, sainte Catherine de Gennes et autres, qui ne vouloyent aucun meslange en leurs amours, ains taschoyent de le rendre si pur, si simple, si parfait, que ni les consolations ni les vertus mesmes ne tinssent aucune place entre leur cœur et Dieu; en sorte qu'elles pouvoyent dire: Je vis, mais non plus moy mesme, ains Jesus Christ vit en moy; «Mon Dieu m'est toutes choses;» Ce qui n'est point Dieu ne m'est rien; Jesus Christ est ma vie; «Mon amour est crucifié;» et telles autres paroles d'un sentiment extatique..

  A005000872 

 Ouy de vray, Theotime, car les craintes d'estre damné et perdre le Paradis sont effroyables et angoisseuses; et comme sçauroyent elles demeurer avec la sacree dilection, qui est toute douce, toute suave? [296].

  A005000872 

 Vous verres toutefois, Theotime, une honneste dame, qui, ne voulant pas manger son pain en oysiveté, non plus que celle que Salomon a tant loüee, couchera la soye en une belle varieté de couleurs sur un satin bien blanc, pour faire une broderie de plusieurs belles fleurs, qu'elle rehaussera par apres fort richement d'or et d'argent selon les assortissemens convenables.

  A005000884 

 Car l'ame, quoy que juste, se void maintefois attaquee par des tentations extremes, et l'amour, tout courageux qu'il est, a fort a faire a se bien maintenir, a rayson de la condition de la place en laquelle il se treuve, qui est le cœur humain, variable et sujet a la mutinerie des passions; alhors donq, Theotime, l'amour employe la crainte au combat, et s'en sert pour repousser l'ennemy.

  A005000884 

 Si la tentation d'orgueil, d'avarice ou de quelque playsir voluptueux m'attaque: Hé, ce diray-je, sera-il bien possible que pour des choses si vaynes mon cœur voulust quitter la grace de son Bienaymé! Mais si cela ne suffit pas, l'amour excitera la crainte: Hé, ne vois-tu pas, miserable cœur, que secondant cette tentation, les effroyables flammes d'enfer t'attendent, et que tu perds l'heritage eternel du Paradis? On se sert de tout es extremes necessités; comme le mesme Jonathas fit, quand, passant ces aspres rochers qui estoyent entre luy et les Philistins, il ne se servoit pas seulement de ses pieds, mais gravissoit et grimpoit a belles mains comme il pouvoit.

  A005000885 

 Ainsy Joseph, envoyant a son pere plusieurs charges de toutes les richesses d'Egypte, ne luy donna pas seulement les tresors, comme principaux presens, mais aussi les asnes qui les portoyent..

  A005000885 

 Et comme celuy qui donne une grenade la donne voirement pour les grains et le suc qu'elle a au dedans, mais ne laisse pas pourtant de donner aussi l'escorce, comme une dependance d'icelle, de mesme, bien que le Saint Esprit, entre ses dons sacrés, confere celuy de la crainte amoureuse aux ames des siens, affin qu'elles craignent Dieu en pieté, comme leur Pere et leur Espoux, si est-ce, toutefois, qu'il ne laisse pas de leur donner encor la crainte servile et mercenaire, comme un accessoire de l'autre plus excellente.

  A005000885 

 Outre que, comme la peleure d'une pomme, qui est de peu d'estime en soy mesme, sert toutefois grandement a conserver la pomme qu'elle couvre, aussi la crainte servile, qui est de peu de prix en sa propre condition au regard de l'amour, luy est neanmoins grandement utile a sa conservation pendant les hazards de cette vie mortelle.

  A005000885 

 Tout ainsy donques que les nochers qui partent sous un vent favorable, en une sayson propice, n'oublient pourtant jamais les cordages, ancres et autres choses requises en tems de fortune et parmi la tempeste, aussi, quoy que le serviteur de Dieu jouisse du repos et de la douceur du saint amour, il ne doit jamais estre desprouveu de la crainte des jugemens divins, pour s'en servir entre les orages et assautz des tentations.

  A005000896 

 Aussi les tonnerres, tempestes, foudres, sont appellés voix du Seigneur par le Psalmiste, qui dit de plus qu' elles font la parole d'iceluy, parce qu'elles annoncent sa crainte et sont comme ministres de sa justice; et ailleurs, souhaittant que la divine Majesté se fasse redouter a ses ennemis: Lances, dit-il, des esclairs, et vous les dissiperes; descoches vos dards, et vous les troubleres; ou il appelle les foudres, sagettes et dards du Seigneur.

  A005000896 

 Certes, Platon, en son Gorgias et ailleurs, tesmoigne qu'entre les payens il y avoit quelque sentiment de crainte, non seulement pour les chastimens que la souveraine justice de Dieu prattique en ce monde, mais aussi pour les punitions qu'il exerce en l'autre vie sur les ames de ceux qui ont des pechés incurables.

  A005000896 

 En la tormente qui fit periller Jonas, les mariniers craignirent d'une grande crainte, et crierent soudain un chacun a son Dieu.

  A005000896 

 Les esclairs, tonnerres, foudres, tempestes, inondations, tremble-terre et autres telz accidens inopinés excitent mesme les plus indevotz a craindre Dieu; et la nature, prevenant le discours en telles occurrences, pousse le cœur, les yeux et les mains mesmes devers le ciel pour reclamer le secours de la tressainte Divinité, selon le sentiment commun du genre humain, qui est, dit Tite Live, que ceux qui servent la Divinité prosperent, et ceux qui la mesprisent sont affligés.

  A005000898 

 Mays il y a une «autre crainte, qui prend origine de la foy, laquelle nous apprend qu'apres cette vie mortelle il y a des supplices effroyablement eternelz ou eternellement effroyables, pour ceux qui en ce monde auront offencé la divine Majesté et seront decedés sans s'estre reconciliés avec elle; qu'a l'heure de la mort les ames seront jugees du jugement particulier, et a la fin du monde tous comparoistront resuscités pour estre derechef jugés du jugement universel: car ces verités chrestiennes, Theotime, frappent le cœur qui les considere d'un espouvantement extreme.

  A005000898 

 Nostre Seigneur, qui estoit venu pour nous apporter la loy d'amour, ne laisse pas de nous inculquer cette crainte: Craignes, dit-il, Celuy qui peut jetter le cors et l'ame en la gehenne.

  A005000898 

 Nous avons conceu de vostre crainte, o Dieu, et enfanté l'esprit de salut, est-il dit en Isaye; c'est a dire: Vostre face courroucee nous a espouvantés, et nous a fait concevoir et enfanter l'esprit de penitence, qui est l'esprit de salut; ainsy que le Psalmiste avoit dit: Mes os n'ont point de paix, ains tremblent devant la face de vostre ire.

  A005000899 

 A cette crainte on en peut adjouster une autre, certes moins malicieuse, mais autant inutile, comme fut celle du juge Felix, qui, oyant parler du jugement divin, fut tout espouvanté, et toutefois ne laissa pas pour cela de continuer en son avarice; et celle de Balthazar, qui, voyant cette main prodigieuse qui escrivoit sa condamnation contre la paroy, fut tellement effrayé qu'il changea de visage, et les jointures de ses reins se desserroyent, et ses genoux tremoussans s'entrehurtoy ent l'un a l'autre, et neanmoins ne fit point penitence.

  A005000899 

 Certes, celuy qui ayme le peché et le voudroit volontier commettre malgré la volonté de Dieu, encor qu'il ne le veuille commettre craignant seulement d'estre damné, il a une crainte horrible et detestable; car, bien qu'il n'ait pas la volonté de venir a l'execution du peché, il a neanmoins l'execution en sa volonté, puisqu'il la voudroit faire si la crainte ne le tenoit, et c'est comme par force qu'il n'en vient pas aux effectz.

  A005000899 

 Que si la crainte ne forclost pas la volonté de pecher, [302] ni l'affection au peché, certes elle est meschante et pareille a celle des diables, qui cessent souvent de nuire de peur d'estre tormentés par l'exorcisme, sans cesser neanmoins de desirer et vouloir le mal, qu'ilz meditent a jamais; pareille a celle du miserable forçat, qui voudroit manger le cœur du comite, quoy qu'il n'ose quitter la rame de peur d'estre battu; pareille a la crainte de ce grand heresiarque du siecle passé, qui confesse d'avoir haï Dieu, d'autant qu'il punissoit les meschans.

  A005000900 

 La crainte donq de ceux qui, comme esclaves, observent la loy de Dieu pour eviter l'enfer est fort bonne; mais beaucoup plus noble et desirable est la crainte des Chrestiens mercenaires, qui, comme serviteurs a gages, travaillent fidellement, non pas certes principalement pour aucun amour qu'ilz ayent encores envers leurs maistres, mais pour estre salariés de la recompense qui leur est promise.

  A005000900 

 O si l'œil pouvoit voir, si l'aureille pouvoit ouïr, ou qu'il peust monter au cœur de l'homme ce que Dieu a preparé a ceux qui le [303] servent, hé, quelle apprehension auroit-on de violer les commandemens divins, de peur de perdre ces recompenses immortelles! quelles larmes, quelz gemissemens jetteroit on quand par le peché on les auroit perdues! Or, cette crainte neanmoins seroit blasmable si elle enfermoit en soy l'exclusion du saint amour; car qui dirait: je ne veux point servir Dieu pour aucun amour que je luy veuille porter, mais seulement pour avoir les recompenses qu'il promet, il ferait un blaspheme, preferant la recompense au Maistre, le bienfait au Bienfacteur, l'heritage au Pere, et son propre proffit a Dieu tout puissant; ainsy que nous avons plus amplement monstré au Livre second..

  A005000901 

 Ceux la donques craignent Dieu d'une affection filiale, qui ont peur de luy desplaire purement et simplement [304] parce qu'il est leur pere tres doux, tres benin et tres aymable..

  A005000902 

 Car, comme les jeunes garçons qui commencent a monter a cheval, quand ilz sentent leur cheval porter un peu plus haut, ne serrent pas seulement les genoux, ains se prennent a belles mains a la selle, mais quand ilz sont un peu plus exercés ilz se tiennent seulement en leurs serres, de mesme les novices et apprentifs au service de Dieu, se treuvans esperdus parmi les assautz que leurs ennemis leur livrent au commencement, ilz ne se servent pas seulement de la crainte filiale, mais aussi de la mercenaire et servile, et se tiennent comme ilz peuvent pour ne point deschoir de leur pretention.

  A005000902 

 Toutefois, quand il arrive que cette crainte filiale est jointe, meslee et detrempee avec la crainte servile de la damnation eternelle, ou bien avec la crainte mercenaire de perdre le Paradis, elle ne laisse pas d'estre fort aggreable a Dieu, et s'appelle crainte initiale, c'est a dire crainte des apprentifs, qui entrent es exercices de l'amour divin.

  A005000906 

 Ainsy, qui diroit: le fruit de la vigne c'est le raysin, le moust, le vin, l'eau de vie, la liqueur res-jouissant le cœur de l'homme, le breuvage confortant l'estomach, il ne voudroit pas dire que ce fussent des fruitz de differente espece, ains seulement qu'encor que ce ne soit qu'un seul fruit, il a neanmoins une quantité de diverses proprietés, selon qu'il est employé diversement..

  A005000906 

 Certes, la charité est l'unique fruit du Saint Esprit, mais parce que ce fruit a une infinité d'excellentes proprietés, l'Apostre, qui en veut representer quelques unes par maniere de monstre, parle de cet unique fruit comme de plusieurs, a cause de la multitude des proprietés qu'il contient en son unité, et parle reciproquement de tous ces fruitz comme d'un seul, a cause de l'unité en laquelle est comprise cette varieté.

  A005000906 

 La charité de Dieu est respandue en, nos coeurs par le Saint Esprit qui nous est donné.

  A005000907 

 L'Apostre donq ne veut dire autre chose sinon que le fruit du Saint Esprit est la charité, laquelle est joyeuse, paisible, patiente, benigne, bonteuse, longanime, douce, fidele, modeste, continente, chaste; c'est a dire, que le divin amour nous donne une joye et consolation interieure, avec une grande paix de cœur qui se conserve entre les adversités par la patience, et qui nous rend gracieux et benins a secourir le prochain par une bonté cordiale envers iceluy; bonté qui n'est point variable, ains constante et perseverante, d'autant qu'elle nous donne un courage de longue estendue, au moyen dequoy nous sommes rendus doux, affables et condescendans envers tous, supportans leurs humeurs et imperfections et leur gardant une loyauté parfaite, tesmoignans une simplicité accompaignee de confiance, tant en nos paroles qu'en nos actions, vivans modestement et humblement, retranchans toutes superfluités et tous desordres au boire, manger, vestir, coucher, jeux, passetems et autres telles convoitises voluptueuses [306] par une sainte continence, et reprimant sur tout les inclinations et seditions de la chair par une soigneuse chasteté: affin que toute nostre personne soit occupee en la divine dilection, tant interieurement, par la joye, paix, patience, longanimité, bonté et loyauté; comme aussi exterieurement, par la benignité, mansuetude, modestie, continence et chasteté..

  A005000908 

 Or, la dilection est appellee fruit entant qu'elle nous delecte et que nous jouissons de sa delicieuse suavité, comme une vraye pomme de Paradis recueillie de l'arbre de vie, qui est le Saint Esprit, enté sur nos espritz humains et habitant en nous par sa misericorde infinie.

  A005000909 

 En qualité de beatitude, elle nous fait prendre a faveur extreme et singulier honneur les affrontz, calomnies, vituperes et opprobres que le monde nous fait, et nous fait quitter, renoncer et rejetter toute autre gloire sinon celle qui procede du bienaymé Crucifix, pour laquelle nous nous glorifions en l'abjection, abnegation et aneantissement de nous mesmes; ne voulans autres marques de majesté que la couronne d'espines du Crucifix, le sceptre de son roseau, le mantelet de mespris qui luy fut imposé, et le throsne de sa Croix, sur lequel les amoureux sacrés ont plus de contentement, de joye, de gloire et de felicité, que jamais Salomon n'eut sur son throsne d'ivoire..

  A005000909 

 En qualité de don, la dilection nous rend souples et maniables aux inspirations interieures, qui sont comme les commandemens et conseilz secretz de Dieu, a l'execution desquelz sont employés les sept dons du Saint Esprit; si que la dilection est le don des dons.

  A005000909 

 En qualité de fruit, elle nous donne un goust et playsir extreme en la prattique de la vie devote, qui se sent es douze fruitz du Saint Esprit; et partant elle est le fruit des fruitz.

  A005000910 

 Ainsy la dilection est maintefois representee par la grenade, qui, tirant ses proprietés du grenadier, peut estre dite la vertu d'iceluy; comme encor elle semble estre son don, qu'il offre a l'homme par amour; et son fruit, puisqu'elle est mangee pour recreer le goust de l'homme; et en fin elle est, par maniere de dire, sa gloire et beatitude, puisqu'elle porte la couronne et diademe.

  A005000914 

 Ne voyons nous pas les hommes qui ont donné leur cœur en proye a l'amour vil et abject des femmes, comme ilz ne desirent que selon cet amour, ilz n'ont playsir qu'en cet amour, ilz n'esperent ni desesperent que pour ce sujet, ilz ne craignent ni n'entreprennent que pour cela, ilz n'ont a contrecœur ni ne fuyent que ce qui les en destourne, ilz ne s'attristent que de ce qui les en prive, ilz n'ont de cholere que par jalousie, ilz ne triomphent que par cette infamie.

  A005000915 

 Car en somme, cette sacree dilection est l'eau salutaire de laquelle Nostre Seigneur disoit: Celuy qui boira de l'eau que je luy donneray, il n'aura jamais soif.

  A005000915 

 Non vrayement, Theotime; qui aura l'amour de Dieu un peu abondamment, il n'aura plus ni desir, ni crainte, ni esperance, ni courage, ni joye que pour Dieu, et tous ses mouvemens seront accoysés en ce seul amour celeste..

  A005000916 

 L'amour divin et l'amour propre sont dedans nostre cœur comme Jacob et Esaü dans le ventre de Rebecca: ilz ont une antipathie et repugnance fort grande l'un a l'autre, et s'entrechoquent dedans le cœur continuellement; dont la pauvre ame s'escrie: Helas, moy miserable, qui me deslivrera du cors de cette mort, affin que le seul amour de mon Dieu regne paisiblement en moy? Mais il faut pourtant que nous ayons courage, esperans en la parole de Nostre Seigneur, qui promet en commandant, et commande en promettant la victoire a son amour; et semble qu'il dit a l'ame ce qu'il fit dire a Rebecca: Deux nations sont en ton ventre et deux peuples seront separés dans tes entrailles; et l'un des peuples surmontera l'autre, et l'aisné servira au moindre. Car, comme Rebecca n'avoit que deux enfans en son ventre, mais parce que d'iceux devoyent naistre deux peuples il est dit qu'elle avoit deux nations en son ventre, aussi l'ame ayant dedans son cœur deux amours, a par consequent deux grandes peuplades de mouvemens, affections et passions; et comme les deux enfans de Rebecca, par la contrarieté de leurs mouvemens luy donnoyent des grandes convulsions et douleurs de ventre, aussi les deux amours de nostre ame donnent des grans travaux a nostre cœur; et comme il fut dit qu'entre les deux enfans de cette dame le plus grand serviroit le moindre, aussi a-il esté ordonné que des deux amours de nostre cœur, le sensuel servira le spirituel, c'est a dire que l'amour propre servira l'amour de Dieu.

  A005000917 

 Mays quand fut-ce que l'aisné des peuples qui estoyent dans le ventre de Rebecca servit le puisné? Certes, ce ne fut jamais que lhors que David subjuga en guerre les Idumeens, et que Salomon les maistrisa en paix.

  A005000918 

 Or, la façon avec laquelle l'amour divin doit subjuguer l'appetit sensuel est pareille a celle dont Jacob usa, quand pour bon presage et commencement de ce qui devoit arriver par apres, Esaü sortant du ventre de sa mere, Jacob l'empoigna par le pied, comme pour l'enjamber, supplanter et tenir sujet, ou, comme on dit, l'attacher par le pied, a guise d'un oyseau de proye, tel qu'Esaü fut en qualité de chasseur et terrible homme.

  A005000919 

 En quoy donq prens-tu cette esperance? Je puis aussi resister a cette esperance luy en opposant une plus solide: Espere en Dieu, o mon ame, car c'est luy qui deslivrera tes pieds du piege; Jamais nul n'espera en luy, qui ait esté confondu; Jette tes pretentions es choses eternelles et perdurables.

  A005000920 

 Il guerit ses disciples de la crainte mondaine, leur imprimant dans le cœur une crainte superieure: Ne craignes pas, dit il, ceux qui tuent les cors, mais craignes Celuy qui peut damner l'ame et le cors pour la gehenne.

  A005000920 

 Voulant une autre fois les guerir d'une basse joye, il leur en assigne une plus relevee: Ne vous res-jouisses pas, dit il, dequoy les espritz malins vous sont sujetz, mais dequoy vos noms sont escritz au Ciel; et luy mesme aussi rejette la joye par la tristesse: Malheur a vous qui ries, car vous pleureres..

  A005000921 

 Si la crainte est excessive: Hé, Dieu, Pere eternel, qu'est ce que peuvent craindre vos enfans et les poussins qui vivent sous vos aisles? Or sus, je feray ce qui est convenable pour eviter le mal que je crains; mais apres cela: Seigneur, je suis vostre, sauves moy, s'il vous plait; et ce qui m'arrivera je l'accepteray, parce que telle sera vostre bonne volonté.

  A005000926 

 Car David, saint Pierre, la Magdeleyne, pleurerent pour leurs pechés; Agar pleura voyant son filz presque mort de soif; Hieremie sur la ruine de Hierusalem; Nostre Seigneur sur les Juifz; et son grand Apostre, gemissant, dit ces paroles: Plusieurs marchent, lesquelz je [314] vous ay souvent dit, et le vous dis derechef en pleurant, qui sont ennemis de la Croix de Jesus Christ..

  A005000926 

 Et quant a la tristesse, comme peut elle estre utile a la sainte charité, puisque entre les fruitz du Saint Esprit la joye est mise en rang joignant la charité? Neanmoins, le grand Apostre dit ainsy: La tristesse qui est selon Dieu opere la penitence stable en salut; mais la tristesse du monde opere la mort.

  A005000927 

 Il y a donq une tristesse de ce monde, qui provient pareillement de trois causes: car 1.

  A005000927 

 On dit qu'il y a un poisson nommé pescheteau, et surnommé diable de mer, qui, esmouvant et poussant ça et la le limon, trouble l'eau tout autour de soy pour se tenir en icelle comme dans l'embusche, des laquelle, soudain qu'il apperçoit les pauvres petitz poissons, il se rüe sur eux, les brigande et les devore; d'ou peut estre est venu le mot de pescher en eau trouble, duquel on use communement.

  A005000927 

 elle provient quelquefois de l'ennemy infernal, qui par mille suggestions tristes, melancholiques et fascheuses, obscurcit l'entendement, alangourit la volonté et trouble toute l'ame; et comme un brouillard espais remplit la teste et la poitrine de rume, et par ce moyen rend la respiration difficile et met en perplexité le voyageur, ainsy le malin remplissant l'esprit humain de tristes pensees, il luy oste la facilité d'aspirer en Dieu, et luy donne un ennuy et descouragement extreme, affin de le desesperer et le perdre.

  A005000929 

 Or, cette tristesse est commune aux bons et aux mauvais: mais aux bons elle est moderee par l'acquiescement et resignation en la volonté de Dieu, comme on vid en Tobie, qui de toutes les adversités dont il fut touché rendit graces a la divine Majesté; et en Job, qui en benit le nom du Seigneur; et en Daniel, qui convertit ses douleurs en cantiques.

  A005000930 

 Certes, la tristesse de la vraye penitence ne doit pas tant estre nommee tristesse que desplaysir, ou sentiment et detestation du mal: tristesse qui n'est jamais ni ennuyeuse ni chagrine; tristesse qui n'engourdit point l'esprit, ains qui le rend actif, prompt et diligent; tristesse qui n'abbat point le cœur, ains le releve par la priere et l'esperance, et luy fait faire les eslans de la ferveur de devotion; tristesse laquelle, au fort de ses amertumes, produit tous-jours la douceur d'une incomparable consolation, suivant le precepte du grand saint Augustin: Que le penitent s'attriste tous-jours, mais que tous-jours il se res-jouisse de sa tristesse.

  A005000930 

 [316] «La tristesse,» dit Cassian, qui opere la solide penitence et l'aggreable repentance de laquelle on ne se repent jamais, elle «est obeissante, affable, humble, debonnaire, souëfve, patiente, comme estant issue et descendue de la charité: si que s'estendant a toute douleur de cors et contrition d'esprit, elle est, en certaine façon, joyeuse, animee et revigoree de l'esperance de son proffït; elle retient toute la suavité de l'affabilité et longanimité, ayant en elle mesme les fruitz du Saint Esprit que le saint Apostre raconte: Or les fruitz du Saint Esprit sont, charité, joye, paix, longanimité, bonté, benignité, foy, mansuetude, continence.» Telle est la vraye penitence, et telle la bonne tristesse, qui certes n'est pas proprement triste ni melancholique, ains seulement attentive et affectionnee a detester, rejetter et empescher le mal du peché pour le passé et pour l'advenir.

  A005000931 

 Si elle est accidentelle, nous recourrons a ce qui est marqué au huitiesme Livre, affin de voir combien les tribulations sont aymables aux enfans de Dieu, et que la grandeur de nos esperances en la vie eternelle doit rendre presque [317] inconsiderables tous les evenemens passagers de la temporelle..

  A005000932 

 Au reste, parmi toutes les melancholies qui nous peuvent arriver, nous devons employer l'authorité de la volonté superieure pour faire tout ce qui se peut en faveur du divin amour.

  A005000932 

 Certes, il y a des actions qui dependent tellement de la disposition et complexion corporelle, qu'il n'est pas en nostre pouvoir de les faire a nostre gré; car un melancholique ne sçauroit tenir ni ses yeux, ni sa parole, ni son visage en la mesme grace et suavité qu'il auroit s'il estoit deschargé de cette mauvaise humeur; mais il peut bien, quoy que sans grace, dire des paroles gracieuses, honteuses et courtoises, et, malgré son inclination, faire par rayson les choses convenables, en paroles et en oeuvres de charité, douceur et condescendance.

  A005000941 

 Pour moy, je parle en ce Traitté, de l'amour surnaturel que Dieu respand en nos cœurs par sa bonté, et duquel la residence est en la supreme pointe de l'esprit; pointe qui est au dessus de tout le reste de nostre ame, et qui est independante le toute complexion naturelle.

  A005000941 

 [319] Et puis, bien que les ames enclines a la dilection ayent d'un costé quelque disposition qui les rend plus propres a vouloir aymer Dieu, d'autre part, toutefois, elles sont si sujettes a s'attacher par affection aux creatures aymables, que leur inclination les met autant en peril de se divertir de la pureté de l'amour sacré par le meslange des autres, comme elles ont de facilité a vouloir aymer Dieu: car le danger de mal aymer est attaché a la facilité d'aymer..

  A005000942 

 Il est pourtant vray que ces ames ainsy faites, estant une fois bien purifiees de l'amour des creatures, font des merveilles en la dilection sainte, l'amour treuvant une grande aysance a se dilater en toutes les facultés du cœur; et de la procede une tres aggreable suavité, laquelle ne paroist pas en ceux qui ont l'ame aigre, aspre, melancholique et revesche..

  A005000943 

 Le cœur de naturel doux aymera plus aysement, plus aimablement, plus doucement, mais non pas plus solidement ni plus parfaitement; ains, l'amour qui naistra emmi les espines et repugnances d'un naturel aspre et sec, sera plus brave et plus glorieux, comme l'autre sera aussi plus delicieux et gracieux..

  A005000944 

 Seulement, Theotime, je dirois volontier a tous les hommes: O mortelz, si vous aves le cœur enclin a l'amour, hé, pourquoy ne pretendes vous au celeste et divin? mays si vous estes rudes et amers de cœur, helas, pauvres gens, puisque vous estes privés de l'amour naturel, pourquoy n'aspires vous a l'amour surnaturel, qui vous sera amoureusement donné par Celuy qui vous appelle si saintement a l'aymer? [320].

  A005000948 

 Qu'est-ce qui presse si fort les avettes d'accroistre leur miel, sinon l'amour qu'elles ont pour luy? O cœur de mon ame, qui es creé pour aymer le bien infini, quel amour peux tu desirer sinon cet amour qui est le plus desirable de tous les amours? Helas, o ame de mon cœur, quel desir peux-tu aymer sinon le plus aymable de tous les desirs? O amour des desirs sacrés, o desirs du saint amour! o que j'ay convoité de desirer vos perfections!.

  A005000949 

 C'est nostre partie sensuelle et animale qui appete de manger, mais c'est nostre partie raysonnable qui desire cet appetit; et d'autant que la partie sensuelle n'obeit pas tous-jours a la partie raysonnable, il arrive maintefois que nous desirons l'appetit et ne le pouvons pas avoir.

  A005000949 

 O Dieu, qui nous fera la grace, Theotime, que nous bruslions de ce desir, qui est le desir des pauvres et la preparation de leur cœur, que Dieu exauce volontier! Qui n'est pas asseuré d'aymer Dieu, il est pauvre; et s'il desire d'aymer, il est mendiant, mais mendiant de l'heureuse mendicité de laquelle le Sauveur a dit: Bienheureux sont les mendians d'esprit, car a eux appartient le Royaume des deux..

  A005000949 

 Qui desire ardemment l'amour aymera bien tost avec ardeur.

  A005000950 

 Tel fut saint Augustin quand il s'escria: «O aymer! o marcher! o mourir a soy mesme! o parvenir a Dieu!» Tel saint François, disant: «Que je meure de ton amour,» o l'Ami de mon cœur, «qui as daigné mourir pour mon amour!» Telles sainte Catherine de Gennes et la bienheureuse Mere Therese, quand, comme biches spirituelles, pantelantes et mourantes de la soif du divin amour, elles lançoyent cette voix: Hé, Seigneur, donnés moy cette eau!.

  A005000951 

 Qui bien desire la dilection, bien la cherche qui bien la cherche, bien la treuve; qui bien la treuve, il a treuvé la source de la vie, de laquelle il puisera le salut du Seigneur.

  A005000955 

 Certes, ces ames qui foisonnent continuellement en desirs, desseins et projetz, ne desirent jamais comme il faut le saint amour celeste, ni ne peuvent bien sentir la trace amoureuse et piste du divin Bienaymé, qui est comparé au chevreuil et petit fan de biche..

  A005000956 

 Si le cœur qui pretend a l'amour divin est fort enfoncé dans les affaires terrestres et temporelles il fleurira tard et difficilement; mais s'il n'est dans le monde que justement autant que sa condition le requiert, vous le verres bien tost fleurir en dilection et respandre son odeur aggreable..

  A005000957 

 Les ames qui desirent tout de bon d'aymer Dieu ferment leurs entendemens aux discours des choses mondaines, pour l'employer plus ardemment es meditations des choses divines, et ramassent toutes leurs pretentions sous l'unique intention qu'ilz ont d'aymer uniquement Dieu.

  A005000958 

 Qui pretend au divin amour doit soigneusement reserver son loysir, son esprit et ses affections pour cela.

  A005000958 

 Un religieux demanda au bienheureux Gilles ce qu'il pourroit faire de plus aggreable a Dieu; et il luy respondit en chantant: «Une a un, une a un;» c'est a dire, «une seule ame a un seul Dieu.» Tant de desirs et d'amours en un cœur sont comme plusieurs enfans sur une mammelle, qui ne pouvans tetter tous ensemble, la pressent tantost l'un, tantost l'autre, a l'envi, et la font en fin tarir et dessecher.

  A005000962 

 La curiosité, l'ambition, l'inquietude, avec l'inadvertence et inconsideration de la fin pour laquelle nous sommes en ce monde, sont cause que nous avons mille fois plus d'empeschemens que d'affaires, plus de tracas que d'oeuvre, plus d'occupation que de besoigne; et ce sont ces embarrassemens, Theotime, c'est a dire les niaises, vaynes et superflues occupations desquelles nous nous chargeons, qui nous divertissent de l'amour de Dieu, et non pas les vrays et legitimes exercices de nos vocations.

  A005000973 

 Qui veut vivre devot; rarement es armees.

  A005000977 

 Et les Israëlites avoyent rayson de s'excuser aux Babiloniens qui les pressoyent de chanter les sacrés cantiques de Syon:.

  A005000984 

 Mais ne voyes vous pas aussi que ces pauvres gens estoyent non seulement parmi les Babiloniens, ains encor captifs des Babiloniens? Quicomque est esclave [326] des faveurs de la cour, du succes du palais, de l'honneur de la guerre, o Dieu, c'en est fait, il ne sçauroit chanter le cantique de l'amour divin; mais celuy qui n'est en cour, en guerre, au palais, que par devoir, Dieu l'assiste, et la douceur celeste luy sert d'epitheme sur le cœur, pour le preserver de la peste qui regne en ces lieux la..

  A005000985 

 Ainsy ne fut il atteint d'aucun mal, la divine Providence conservant celuy qui avoit en elle une confiance si pure qu'elle n'estoit meslee ni de timidité ni de temerité.

  A005000985 

 Dieu a soin de mesme de ceux qui ne vont a la cour, au palais, a la guerre, sinon par la necessité de leur devoir; et ne faut en cela ni estre si craintif que l'on abandonne les bonnes et justes affaires faute d'y aller, ni si outre-cuydé et presomptueux que d'y aller ou demeurer sans l'expresse necessité du devoir et des affaires..

  A005000989 

 Dieu est innocent a l'innocent, bon au bon, cordial au cordial, tendre envers les tendres; et son amour le porte quelquefois a faire des traitz d'une sacree et sainte mignardise pour les ames qui par une amoureuse pureté et simplicité se rendent comme petitz enfans aupres de luy..

  A005000995 

 Il y a des ames qui font des grans projetz de faire des excellens services a Nostre Seigneur, par des actions eminentes et des souffrances extraordinaires, mais actions et souffrances desquelles l'occasion n'est pas presente ni ne se presentera peut estre jamais; et sur cela pensent d'avoir fait un trait de grand amour: en quoy elles se trompent fort souvent, comme il appert en ce que, embrassant par souhait, ce leur semble, des grandes croix futures, elles fuyent ardemment la charge des presentes, qui sont moindres.

  A005000996 

 Hé, Dieu nous garde de ces ardeurs imaginaires, qui nourrissent bien souvent dans le fond de nos cœurs la vayne et secrette estime de nous mesme! Les grandes œuvres ne sont pas tous-jours en nostre chemin; mais nous pouvons a toutes heures en faire des petites excellemment, c'est a dire, avec un grand amour.

  A005000996 

 Voyes ce Saint, je vous prie, qui donne un verre d'eau pour Dieu, au pauvre passager alteré: il fait peu de chose, ce semble; mais l'intention, la douceur, la dilection dont il anime son œuvre est si excellente, qu'elle convertit cette simple eau en eau de vie, et de vie eternelle..

  A005001002 

 Si je jeusne, mais pour espargner, mon jeusne n'est pas de bonne espece; si c'est par temperance, mais que j'aye quelque peché [330] mortel en mon ame, le poids manque a cette œuvre, car c'est la charité qui donne le poids a tout ce que nous faysons; si c'est seulement par conversation et pour m'accommoder a mes compaignons, cette œuvre n'est pas marquee au coin d'une intention appreuvee: mais si je jeusne par temperance, et que je sois en la grace de Dieu, et que j'aye intention de plaire a sa divine Majesté par cette temperance, l'œuvre sera une bonne monnoye, propre pour accroistre en moy le thresor de la charité..

  A005001003 

 Ainsy y a il des ames qui font beaucoup de bonnes œuvres et croissent fort peu en charité, parce qu'elles les font ou froidement et laschement, ou par instinct et inclination de nature plus que par inspiration de Dieu ou ferveur celeste; et au contraire, il y en a qui font peu de besoigne, mais avec une volonté et intention si sainte, qu'elles font un progres extreme en dilection: elles ont peu de talent, mais elles le mesnagent si fidelement, que le Seigneur les en recompense largement.

  A005001003 

 Il y a des personnes qui mangent beaucoup, et sont tous-jours maigres, extenuees et alangouries, parce qu'elles n'ont pas la force digestive bonne; il y en a d'autres qui mangent peu, et sont tous-jours en bon point et vigoureuses, parce qu'elles ont l'estomach bon.

  A005001006 

 Il n'est pas besoin qu'un enfant demeurant en la mayson et puissance de son pere declaire que ce qu'il acquiert est acquis a son pere, car sa personne estant a son pere, tout ce qui en depend luy appartient aussi: il suffit aussi que nous soyons enfans de Dieu par dilection, pour rendre tout ce que nous faisons entierement destiné a sa gloire..

  A005001008 

 Quand un peintre tient et conduit la main de l'apprentif, le trait qui en procede est principalement attribué au peintre; parce qu'encor que l'apprentif ait contribué le mouvement de sa main et l'application du pinceau, si est ce que le maistre a aussi de sa part tellement meslé son mouvement avec celuy de l'apprentif, qu'imprimant en iceluy, l'honneur de ce qui est de bien au trait luy est specialement deferé, encor qu'on ne laisse pas de louer l'apprentif a cause de la souplesse avec laquelle il a accommodé son mouvement a la conduite du maistre.

  A005001009 

 Le motif de la divine charité respand une influence de perfection particuliere sur les actions vertueuses de ceux qui se sont specialement dediés a Dieu pour le servir a jamais.

  A005001009 

 Telz sont les Evesques et prestres, qui, par une consecration sacramentelle et par un caractere spirituel qui ne peut estre effacé, se vouent, comme serfs stigmatisés et marqués, au perpetuel service de Dieu; telz les religieux, qui, par leurs vœux ou solemnelz ou simples, sont immolés a Dieu en qualité d'hosties vivantes et raysonnables; telz tous ceux qui se rangent aux congregations pieuses, dediés a jamais a la gloire divine.

  A005001009 

 Telz tous ceux encor qui, a dessein, se procurent des profondes et puissantes resolutions de suivre la volonté de Dieu, faisans pour cela des retraittes de quelques jours, affin d'exciter leurs ames par divers [333] exercices spirituelz a l'entiere reformation de leur vie: methode sainte, familiere aux anciens Chrestiens, mais despuis presque tout a fait delaissee, jusques a ce que le grand serviteur de Dieu, Ignace de Loyola, la remit en usage du tems de nos peres..

  A005001011 

 Et pourquoy donq, je vous prie, ne seront-ilz l'un comme l'autre estimés faire la distribution des pieces de leurs sommes en vertu de leurs premiers propos et fondamentales resolutions? et si l'un, distribuant ses escuz sans attention, ne laisse pas de jouir de l'influence de son premier dessein, pourquoy l'autre, distribuant ses actions, ne jouira-il pas du fruit de sa premiere intention? Celuy qui destinement s'est rendu esclave amiable de la divine Bonté, luy a par consequent dedié toutes ses actions..

  A005001011 

 Mais de grace, Theotime, quelle difference y a-il entre celuy qui offre cent escuz a Dieu et celuy qui luy offre toutes ses actions? Certes'il n'y en a point, sinon que l'un offre une somme d'argent, et l'autre une somme d'actions.

  A005001013 

 Certes, saint Bonaventure advoüe qu'un homme qui s'est acquis une si grande inclination et coustume de bien faire que souvent il le fait sans speciale attention, ne laisse pas de meriter beaucoup par telles actions, lesquelles sont anoblies par la dilection, de laquelle elles proviennent comme de la racine et source originaire de cette heureuse habitude, facilité et promptitude..

  A005001017 

 Quand les paonnesses couvent en des lieux bien blancs, les pouletz sont aussi tous blancs; et quand nos intentions sont en l'amour de Dieu, lhors que nous projettons quelque bon oeuvre, ou que nous nous jettons en quelque vacation, toutes les actions qui s'en ensuivent prennent leur valeur et tirent leur noblesse de la dilection de laquelle elles ont leur origine: car, qui ne void que les actions qui sont propres a ma vocation ou requises a mon dessein, dependent de cette premiere election et resolution que j'ay faitte?.

  A005001019 

 Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu..

  A005001020 

 Cela fait, desployans, s'il faut ainsy dire, et eslevans les bras de nostre consentement, embrassons cherement, ardemment et tres amoureusement, soit le bien qui se presente a faire, soit le mal qu'il nous faut souffrir, en consideration de ce que Dieu l'a voulu eternellement, pour luy complaire et obeir a sa providence..

  A005001020 

 Eslevons en ces occurrences nos cœurs et nos espritz en Dieu, enfonçons nostre consideration et estendons nostre pensee dans la tressainte et glorieuse eternité; voyons qu'en icelle la divine Bonté nous cherissoit tendrement, destinant pour nostre salut tous les moyens convenables a nostre progres en sa dilection, et particulierement la commodité de faire le bien qui se presente alhors a nous, ou de souffrir le mal qui nous arrive.

  A005001021 

 C'est pourquoy, se representant la grandeur des peynes, travaux et hazards qu'il luy seroit force de subir pour ce sujet, il s'immola en esprit au bon playsir de Dieu, et baysant tendrement cette croix, il s'escria du fond de son cœur, a l'imitation de saint André: «Je te salue, o croix pretieuse,» je te salue, o tribulation bienheureuse! O affliction sainte, que tu es aymable, puisque tu es issue du sein amiable de ce Pere d'eternelle misericorde, qui t'a voulu de toute eternité et t'a destiné pour ce cher peuple et pour moy! O croix, mon cœur te veut, puisque celuy de mon Dieu t'a voulu; o croix, mon ame te cherit et t'embrasse de toute sa dilection! [337].

  A005001022 

 En cette sorte devons nous entreprendre les plus grandes affaires et les plus aspres tribulations qui nous puissent arriver.

  A005001026 

 Il sacrifia, certes, toutes les plus fortes affections naturelles qu'il pouvoit avoir, Ihors qu'oyant la voix de Dieu qui luy disoit: Sors de ton pais, et de ta parentee, et de la mayson de ton pere, et viens au païs que je te monstreray, il sortit soudain et se mit promptement en chemin, sans sçavoir ou il iroit.

  A005001027 

 Et tandis, ilz arrivent sur le mont destiné, ou soudain Abraham construit un autel, arrange le bois sur iceluy, lie son Isaac et le colloque sur le bucher; il estend sa main droite, empoigne et tire a soy le glaive, il hausse le bras, et comme il est prest de descharger le coup pour immoler cet enfant, l'Ange crie d'en haut: Abraham, Abraham; qui respond: Me voyci. Et l'Ange luy dit: Ne tue pas l'enfant, c'est asses; maintenant je connois que tu crains Dieu, et n'as pas espargné ton filz pour l'amour de moy.

  A005001027 

 Mays cecy n'est rien en comparayson de ce qu'il fit [338] par apres, quand Dieu l'appellant par deux fois et ayant veu sa promptitude a respondre, il luy dit: Prens Isaac ton enfant unique, lequel tu aymes, et va en la terre de vision, ou tu l'offriras en holocauste sur l'un des montz que je te monstreray. Car voyla ce grand homme qui part soudain avec ce tant aymé et tant aymable filz, fait trois journees de chemin, arrive au pied de la montaigne, laisse la ses valetz et l'asne, charge son filz Isaac du bois requis a l'holocauste, se reservant de porter luy mesme le glaive et le feu.

  A005001028 

 Hé, voyes donq, de grace, quel holocauste ce saint homme fit en son cœur! sacrifice incomparable, sacrifice qu'on ne peut asses estimer, sacrifice qu'on ne peut asses louer! O Dieu! qui sçauroit discerner quelle des deux dilections fut la plus grande, ou celle d'Abraham qui pour plaire a Dieu immole cet enfant tant aymable, ou celle de cet enfant qui pour plaire a Dieu veut bien estre immolé, et pour cela se laisse lier et [339] estendre sur le bois, et comme un doux aignelet attend paisiblement le coup de mort, de la chere main de son bon pere?.

  A005001028 

 Theotime, qui void la femme de son prochain pour la convoiter, il a des-ja adulteré en son cœur; et qui lie son filz pour l'immoler, il l'a des-ja sacrifié en son cœur.

  A005001029 

 Car d'un costé c'est voirement une merveille, mais non pas si grande, de voir que Abraham, des-ja viel et consommé en la science d'aymer Dieu, et fortifié de la recente vision et parole divine, face ce dernier effort de loyauté et dilection envers un Maistre duquel il avoit si souvent senti et savouré la suavité et providence; mais de voir Isaac, au primtems de son aage, encor tout novice et apprentif en l'art d'aymer son Dieu, s'offrir, sur la seule parole de son pere, au glaive et au feu pour estre un holocauste d'obeissance a la divine volonté, c'est chose qui surpasse toute admiration..

  A005001031 

 Qui le voudra garder pour l'amour propre en ce monde, le perdra pour l'amour eternel en l'autre; et qui le perdra pour l'amour de Dieu en ce monde, il le conservera pour le mesme amour en l'autre.

  A005001031 

 Qui luy donnera la liberté en ce monde, l'aura serf et esclave en l'autre, et qui l'asservira a la Croix en ce monde, l'aura libre en l'autre, ou, estant abismé en la jouissance de la divine Bonté, sa liberté se treuvera convertie en amour et l'amour en liberté, mais liberté de douceur infinie; sans effort, sans peyne et sans repugnance quelconque, nous aymerons invariablement a jamais le Createur et Sauveur de nos ames.

  A005001036 

 La Bonté divine consideree en elle mesme n'est pas seulement le premier motif de tous, mais le plus grand, le plus noble et le plus puissant, car c'est celuy qui ravit les Bienheureux et comble leur felicité.

  A005001040 

 motif est la gloire eternelle que la divine Bonté nous a destinee, qui est le comble des bienfaitz de Dieu envers nous; dont il est aucunement discouru des le chapitre IX jusques a la fin du Livre III..

  A005001045 

 Par exemple: O qu'aymable est ce grand Dieu, qui par son infime bonté a donné son Filz en redemption pour tout le monde! Helas, ouy, pour tous en general, mais en particulier encor pour moy, qui suis le premier des pecheurs! Ah! il m'a aymé; je dis, il m'a aymé moy, mais je dis moy mesme, tel que je suis, et s'est livré a la Passion pour moy!.

  A005001046 

 O Dieu, mon Theotime, quelle asses digne dilection pourrions nous avoir pour l'infinie bonté de nostre Createur, qui de toute eternité a projetté de nous creer, conserver, gouverner, racheter, sauver et glorifier tous en general et en particulier? Hé! qui estois-je lhors que je n'estois pas? moy, [343] dis-je, qui estant maintenant quelque chose, ne suis rien qu'un simple chetif vermisseau de terre.

  A005001048 

 Les bienfaitz ne nous [344] eschauffent point si nous ne regardons la volonté eternelle qui les nous destine, et le cœur du Sauveur qui les nous a merités par tant de peynes, et sur tout en sa Mort et Passion..

  A005001052 

 Or en fin, pour conclusion, la Mort et Passion de Nostre Seigneur est le motif le plus doux et le plus violent qui puisse animer nos cœurs en cette vie mortelle: et c'est la verité que les abeilles mistiques font leur plus excellent miel dans les playes de ce Lyon de la tribu de Juda, esgorgé, mis en pieces et deschiré sur le mont de Calvaire; et les enfans de la Croix se glorifient en leur admirable probleme, que le monde n'entend pas: de la mort, qui devore tout, est sortie la viande de nostre consolation; et de la mort, plus forte que tout, est issue la douceur du miel de nostre amour.

  A005001053 

 Aussi, la haut en la gloire celeste, apres le motif de la Bonté divine conneüe et consideree en elle mesme, celuy de la mort du Sauveur sera le plus puissant pour ravir les espritz bienheureux en la dilection de Dieu; en signe dequoy, en la Transfiguration, qui fut un eschantillon de la gloire, Moyse et Helie parloyent avec Nostre Seigneur de l'exces qu'il devoit accomplir en Hierusalem.

  A005001058 

 Tout amour qui ne prend son origine de la Passion du Sauveur est frivole et perilleux.

  A005001067 

 O amour eternel, mon ame vous requiert et vous choisit eternellement! Hé, «venes, Saint Esprit, et enflammes nos cœurs de vostre dilection.» Ou aymer ou mourir! Mourir et aymer! Mourir a tout autre amour pour vivre a celuy de Jesus, affin que nous ne mourions point eternellement; ains que vivans en vostre amour eternel, o Sauveur de nos ames, nous chantions eternellement: VIVE JESUS! J'ayme Jesus! Vive Jesus [346] que j'ayme! J'ayme Jesus, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A005001068 

 Ces choses, Theotime, qui par la grace et faveur de la charité ont esté escrittes a vostre charité, puissent tellement s'arrester en vostre cœur que cette charité treuve en vous le fruit des saintes œuvres, non les feuilles des loüanges.

  A005001081 

 Le beau titre de ce Livre, la belle reputation, et la saine doctrine du Reverendissime Prelat, autheur d'iceluy, le grand profit qu'en rapporteront les belles et chrestiennes ames de toutes qualitez de personnes, et le temps qui s'est escoulé depuis qu'on a desiré qu'il veid le jour, font qu'il le doit voir, et il le merite, car ce n'est rien que doctrine Orthodoxe et Catholique qu'il enseigne..

  A005001087 

 En quoy les Ames devotes de ce siecle nous semblent avoir autant de saincte obligation à remercier et magnifier la Divine Bonté, qui a voulu accroistre et favorablement gratifier l'honneur de leurs ans de la precieuse jouissance de cet Œuvre, et de la desirable presence de l'Autheur qui l'a composé, comme celles des siecles passés, si on leur en eust donné advis, eussent eu de juste occasion de regretter que l'un et l'autre ait esté refusé et ait manqué à la gloire et au bien de leurs jours..

  A005001105 

 Nous à ces causes desirant gratifier ledit Rigaud, et empescher qu'il ne soit privé de son travail et labeur, Vous mandons, ordonnons, et enjoignons par ces presentes, comme nous avons permis et permettons de grace speciale audit Rigaud, qu'il puisse imprimer ou faire imprimer, vendre et debiter, tant de fois que bon luy semblera, ledit livre, pendant le temps de Dix ans entiers et consecutifs, à compter du jour et datte que ledit livre sera achevé d'imprimer, faisant pour cet effect tres-expresses inhibitions, et deffences à tous Marchands, Libraires, et Imprimeurs, de nostre Royaume, de n'imprimer ou faire imprimer ledit livre, ny l'exposer en vante: sans l'exprez congé, et permission dudit Rigaud, ou de ceux qui auront droict de luy, sur peine de dix mille livres d'amande, applicable moitié à nous, et l'autre moitié audit suppliant, et confiscation des exemplaires qui seront treuvez avoir esté mis en vente contre la teneur des presentes; lesquels seront saisis et mis en nostre main, par le premier de nos Juges, Officiers, Huissiers, ou Sergents sur ce requis, luy monstrant ces presentes ou coppie d'icelles, deuëment collationnées: ausquels donnons pouvoir, commission et mandement special, de proceder a rencontre de tous ceux qui y contreviendront par toutes voyes deuës et raisonnables, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, clameur de Haro, Chartre Normande, prise à partie et toutes autres Lettres à ce contraires, ausquelles nous avons derogé et derogeons par ces presentes.

  A005001128 

 Ainsy sçavons-nous bien que c'est l'homme qui void, qui oyt, qui parle, qui entend, qui se resouvient, qui veut et qui ayme; mais pour monstrer que cette varieté [355] d'operations se fait par diverses facultés et differens organes, nous disons que l'œil void, l'oreille oyt, la langue parle, l'entendement entend, la memoyre se resouvient et la volonté veut et ayme.

  A005001128 

 C'est pourquoy, encor que la volonté soit la faculté de nostr'ame qui tend et nous porte au bien, c'est toutefois nous, a proprement parler, qui par icelle nous esmouvons au bien et qui nous y complaysons, et qui avons avec iceluy cette grande convenance laquelle est le fondement de la complaysance et de l'amour..

  A005001128 

 Or je dis ceci, Philothee, affin que vous sachies que la convenance au bien delaquelle la volonté reçoit complaysance, n'est pas une convenance de la seule volonté, mais de l'homme mesme avec le bien, laquelle neanmoins ne peut sentir avec complaysance que par la faculté que nous appelions volonté, car c'est l'homme qui a la convenance.

  A005001133 

 Ou bien, puis que la rayson n'est autre chose que la naturelle et essentielle puissance de discourir, disons quil y a 4 divers degrés en [la puissance de discourir,] qui sont comme quatre portions: la premiere est la puissance de discourir selon les choses experimentees; la 2 e est de discourir selon les sciences humaines; la 3.

  A005001133 

 Premier: troys grans parvis, dont l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le [356] second estoit pour les Israelites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour tout l'ordre hierarchique; et en fin, outre tous ces parvis, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle le seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A005001133 

 est de discourir selon les revelations generales; la quatriesme n'est pas a proprement parler une puissance de discourir ou raysonner, ains plus tost une certaine eminente et supreme pointe de la rayson et faculté mentale, qui n'est point conduite par la lumiere du discours ni de la rayson, mays par une simple veüe de l'entendement, lequel acquiesce et se sousmet avec la volonté au secret et bon playsir de Dieu..

  A005001134 

 Au Sanctuaire toute la lumiere entroit par la porte; en ce degré on n'a point de lumiere que celle qui provient du discours que l'on a fait de la souveraine æquité, bonté et infinité de la volonté de Dieu, lequel discours produit, par maniere de consequence, cette simple veüe, quil faut aymer et acquiescer a la volonté de Dieu, et cette simple veue est toute la clarté qui esclaire en ce sanctuaire.

  A005001134 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor cette lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de clarté que l'ouverture de la porte pouvoit rendre; et cette simple veüe qui se fait en la supreme portion de l'ame est aussi obscurcie par les acquiescemens, renoncemens et resignations que l'ame fait en Dieu, ne voulant pas tant regarder et voir qu'offrir et acquiescer: de sorte que presque elle ferme les yeux, soudain qu'ell'a commencé a voir la volonté de Dieu, affin [que], sans s'amuser a la contempler et considerer, elle puisse tant mieux l'adorer, accepter, s'y complayre et acquiescer amoureusement par l'union de sa volonté propre a celle de son Dieu..

  A005001134 

 au Sanctuaire il n'y avoit point de fenestres qui esclairassent; en ce degré il n'y a point de discours qui illumine.

  A005001135 

 au Sanctuaire estoit l'Arche de l'alliance, et en cett'Arche, ou au moins joignant icelle, la manne dans une cruche d'or, la verge d'Aaron qui fleurit miraculeusement, et les tables de la Loy donnees a Moyse.

  A005001139 

 Les discours theologiques, les argumens, les miracles mesme et autres advantages de la religion Chrestienne la rendent certes extremement croyable; mays pour la rendre creüe et reconneüe en effect il y faut la foy, qui est un don de Dieu par lequel nostr'ame embrasse [360] la certitude des saintes propositions catholiques, ayme leur beauté, acquiesce a leur verité sans voir, sans discourir, sans argumenter, ains par une simple obeissance et seule croyance..

  A005001139 

 Mays faut il pas qu'en effect je sois infiniment belle, puisque [parmi] les noyres obscurités et au travers de tant de tenebres sombres, entre lesquelles je ne puis estre veiie ains seulement entreveüe, neanmoins encor suis-je si aggreable que le roy de l'ame, qui est l'esprit, m'ayme tres uniquement, et fendant la presse de toutes autres connoissances me reçoit et me loge dans sa plus belle chambre, et me fait asseoir comme reyne dans le trosne plus relevé de ses acquiescemens, d'ou je donne la loy et assujettis, comme mon captif, tout discours et tout sentiment humain.

  A005001139 

 Mon Dieu, ma Philothee, pourrois-je bien exprimer ceci? La foy est la grand'amie de nostr'entendement, si que elle peut bien dire aux sciences du monde, qui se veulent presque rendre ses compaignes, comme l'Espouse sacree disoit aux Cantiques: O discours humains, je suis brune, mais je suis belle: je suis brune, car je suis entre les brunes obscurités des simples revelations, qui me font paroistre noyre et me rendent presque mesconnoissable; mais je suis pourtant extremement belle en moy mesme, et qui me verroit icy bas comm'on me void la haut au Ciel, il verroit bien que je suis plus blanche que le lis.

  A005001140 

 Or c'est en cet acquiescement que consiste l'acte de la foy, lequel acte est produit par nostr'esprit, mais esprit entant quil est esclairé d'une douce, souaive et aggreable lumiere divine, qui luy fait aggreer, et doucement mais tres puissamment et solidement adhasrer a la verité proposee, par maniere d'asseurance quil prend de sa tres certaine verité sur la revelation qui luy en est faite..

  A005001140 

 Quelle merveille fut ce que tant de merveilles miraculeuses furent faites par N. S r entre les Juifz, et que les Juifz entr'icelles creurent si peu a la sainte verité? Car ces merveilles rendoyent la doctrine de Celuy qui les faysoit infiniment croyable; mais dautant que les cœurs n'estoyent pas disposés a recevoir le don de la foy, et que sans la foy ce qui est le plus croyable n'est pas creu, partant ilz demeurerent en leur infidelité: ilz voyoyent le fond des argumens, et n'acquiesçoyent point a la conclusion.

  A005001141 

 L'austruche produit les œufz sur le rivage sablonneux des ondes, mays le soleil seul en fait esclorre le poussin; et les docteurs, par leurs argumens et discours, jettent dans l'ame la doctrine de verité toute debattue, mays les seulz celestes rayons du Soleil de justice en font esclorre l'acquiescement et certification absolue, qui est le vray effect et acte de foy.

  A005001141 

 L'enqueste donq et la dispute se fait au parvis des prestres; mais la resolution et acquiescement se fait dans le Sanctuaire, non point en vertu des raysons debattues au parvis, mais en vertu de la presence du S t Esprit, qui anime le cors de l'Eglise et le fait parler par les chefz d'icelle.

  A005001141 

 Vous aves ouy dire peut estre, ma chere Philothee, qu'es Conciles generaux se font des grandes disputes et enquestes de la verité, par des raysons et argumens de theologie, et tandis que cet examen des raysons se fait il n'y a nul acquiescement ni des uns ni des autres a la verité; mays la chose estant debattue, les Peres du Christianisme, c'est a dire les Evesques, et mesme le primier et souverain Evesque, resoulvent de la difficulté, et la determination estant faite chacun acquiesce, pleynement, non point en vertu des raysons alleguees, mays en vertu de lauthorité du S t Esprit, qui a decerné et jugé par l'entremise de ses serviteurs.

  A005001142 

 La s te verge qui aboutit en un sommet fleury et affruyté, represente la patience et probation qui engendre l'esperance fleurie, et laquell'esperance ne confond point, par ce qu'ell'est suivie de son fruit.

  A005001142 

 Mays sur tout on y void l'Arche de l'alliance, qui represente la charité, par l'or, le prince des metaux, et qui est le plus pretieux et le prix des autres, parce que par la proportion quilz ont avec iceluy on les estime; et par le boys de Sethim, beau et incorruptible, par ce que la foy et l'esperance cesseront, les Sacremens se descouvriront, mays la charité demeurera parfaite en sa beauté au Ciel; au milieu de laquelle, comm'en ses entrailles, est la loy de Dieu, parce que la plus excellente action de l'amour se fait en obeissance.

  A005001142 

 Or les coudees representent naïfvement les œuvres, par ce que c'est la mesure qui se prend des le coude a la main, qui est la partie du bras qui sert immediatement a l'œuvre.

  A005001146 

 O Dieu, mais sil le veut, pourquoy ne nous sauvons pas tous? C'est par ce quil ne le veut pas de sa volonté inevitable, ains de sa volonté attrayante, laquelle exerce suffisamment en nous sa bonté pour nous rendre capables du salut, mays qui n'exerce pas pourtant sa toute puissance pour nous mettre hors du danger et du pouvoir de nous damner si nous voulons.

  A005001148 

 Et par ce que quicomque veut donner les moyens propres et convenables qui conduisent a quelque fin, il veut aussi la fin pour laquelle il les donne, partant il est tout vray que Dieu, qui nous donne en effect toutes les commodités requises a nostre salut, veut aussi veritablement nostre salut que veritablement il nous en veut donner les moyens.

  A005001148 

 Mays avec cette difference toutefois, que quand aux [364] moyens il nous les donne a tous en effect, car, qui est celuy qui peut dire que la grace de Dieu luy soit refusee? mays quant au salut, sa divine Majesté ne le donne en effect qu'a [ceux] qui se prevalent des moyens quilz ont d'y parvenir: cette Bonté souveraine nous donnant les moyens du salut sans nous vouloir pour cela necessiter de les employer; il nous les met en main, mais il laysse en nostre liberté d'en user ou de n'en user point..

  A005001155 

 Mays de pœnitence pour avoir offencé Dieu, il y en a si peu d'apparence entre les Philosophes, que ceux qui ont esté les plus vertueux, comme les Stoiciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais, et en ont fait une maxime aussi insolente comme celle sur laquelle ilz l'ont fondee, que l'homme sage ne pechoit point.

  A005001158 

 Que si la repentance [que nous avons conçeue] du peché n'est pas si grande qu'elle nous porte a vouloir satisfaire a celuy qui est offencé, et reparer l'injure au mieux quil se peut, ce n'est pas une vraye penitence, ains un foible commencement de pœnitence, une penitence foible, debile et sans vigueur..

  A005001159 

 Il y a donq une pœnitence humaine, par laquelle on se repent d'avoir mal fait quelque chose par ce que de soymesme le mal estant conneu desplait: ainsy, ceux qui font des fautes es œuvres de leur mestier se repentent de les avoir faites.

  A005001159 

 Il y en a une mondaine, par laquelle on se repent d'avoir fait quelquefois du bien, a cause des pertes temporelles qui en proviennent.

  A005001159 

 Il y en a une morale, qui provient de quelqu'honneste motif, comme fut celle d'Alexandre sus alleguee, car il vit quil avoit violé et la rayson et l'amitié: et de celle ci parle Aristote, I. 7.

  A005001159 

 des Ethiques, c. 7, quand il dit que l'intemperant lequel choysit par deliberation de vaquer aux voluptés ne se peut repentir; dont «il est incorrigible, car qui ne se repend, quem non pœnitet, incurabilis est, il est incurable;» comme sil disoit que le peché sans pœnitence est incurable.

  A005001160 

 Certes, Epictete, Seneque, qui parlent si bien du trouble de l'ame vicieuse par le remors de la conscience, entendent aussi qu'il y ait une repentance; et de fait, Epictete, 1.

  A005001171 

 chap. XI. Et l. 1. c. XIIII, il veut que son Philosophe face un serment admirable a Dieu de ne jamais luy desobeir, ni de blasmer, accuser ou se plaindre de chose quelcomque qui arrive de sa part.

  A005001172 

 Et ceste repentance morale est attachee a la connoissance et amour de Dieu que la nature peut fournir, et [est] une dependance de la religion morale; et comme la nature peut fournir a l'homme plus de connoissance que d'amour des choses divines, ains en a fourni, ainsy que dit saint Paul des Philosophes, qui ayans conneu Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu (y ayant plus d'aysance de bien penser que de bien dire, et infiniment plus de bien dire que de bien faire), aussi la nature a fourni plus de connoissance que Dieu estoit offencé par le peché, que de repentance pour reparation de l'offence.

  A005001173 

 Mays en somme, cette pœnitence morale n'est qu'une ombre en comparayson de celle qui est revelee es Escritures, et particulerement en l'Evangile.

  A005001173 

 Or sachans que nous avons offencé Dieu, plusieurs motifs nous peuvent porter a la repentance, et bien souvent ilz s'entresuivent tous les uns apres les autres; comme quand, sous la conduite de quelque directeur, nous allons excitans la contrition par les meditations qui ont, a cet effect, esté mises en l' Introduction: et en effect, il est bon de faire cette suite pour plus profondement jetter les fondemens d'une parfaite resolution..

  A005001175 

 Comm'encor quand, touchés de l'exemple des Saintz, ou mors ou vivans, nous nous repentons; car, qui eut jamais peu voir, par exemple, le monastere appellé Prison, dont s t Clymacus parle, auquel on faysoit tant d'exercices d'un'incomparable pœnitence, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés?.

  A005001175 

 Par exemple, entant que par le peché la ressemblance et image de Dieu que nous avons est souillee, la dignité de nostre esprit deshonnorée, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous violons le devoir que nous avons d'honnorer Dieu entant quil est nostre Createur, nous perdons lhonneur de la societé des Saintz, nous nous associons et rendons sujetz du Diable, nous nous rendons esclaves de nos passions, renversans l'ordre et la police que Dieu avoit establie en nous, sousmettans la rayson a la passion, nous nous rendons ingratz a nostre bon Ange qui nous ayme tant: car ce sont tous des inconveniens et malheurs que nous sçavons par la foy provenir du peché.

  A005001177 

 Or, ma chere Philothee, en toutes ces repentances le s t amour de Dieu n'y entre point; car ne voyes vous pas que c'est la crainte de la peyne, le desir du Paradis, l'interest de nostre ame, pour sa beauté interieure, son honneur, sa dignité, son propre bien, et, en un mot, nostre propre amour, quoy qu'amour s t et juste, qui nous porte a repentance, et non l'amour que nous devons a Dieu [369] comme au souverain bien et premiere bonté, alaquelle, comm'au supreme objet de nostre volonté et affection, nous devrions regarder simplement..

  A005001178 

 Et qui seroit le pere qui treuvast bonne la volonté d'un enfant, quand il dirait que si son pere ne luy avoit præparé un bon hæritage il l'offenceroit? Mays je dis que ces repentances que la consideration de nostre propre interest, quoy que spirituel et louable, produit en nous, n'enferment point et ne comprenent point encor l'amour [de] Dieu; elles ne le rejettent pas, mais elles ne le contiennent pas non plus; elles ne sont pas contre luy, mais elles sont encor sans luy; il n'en est pas exclus ou forclos, mais il n'y est enclos non plus.

  A005001178 

 Je ne dis pas que ces repentances rejettent l'amour de Dieu: non certes, Philothee, car si par exemple, quelqu'un se repentant d'offencer Dieu pour ce que par le peché il perd le Paradis, entendant et deliberant que si Dieu ne donnoit point de Paradis a ceux qui vivent bien, il ne voudroit pas bien vivre, helas, il commettroit un grand peché, car il præfereroit son interest et son bien propre a la bonté et Majesté divine; il aymeroit mieux le don que le Donnateur, qui seroit un'affection fort desordonnee et desreglee.

  A005001178 

 La volonté qui exclud et rejette le mieux ne peut estre bonne.

  A005001178 

 Le bien n'est pas bien pour nous quand il forclost le mieux qui est en nostre liberté et qui nous est plus propre..

  A005001179 

 La crainte, donques, qui est le commencement de sagesse et de pœnitence est bonne, car c'est le commencement du bien; mais si elle forclost le mieux ell'est mauvaise, car le commencement est bon tenant lieu de commencement, mais sil tient lieu de fin il est mauvais, car il est en desordre.

  A005001180 

 Or cett'attrition imparfaite, et qui n'est que pour certains pechés, elle ne suffit nullement a la vraye pœnitence, car, comme dit le sacré Concile de Trente, elle doit estre de tous les pechés passés et forclorre tous les pechés a venir; et lhors, avec le tressaint Sacrement elle suffit, mais sans iceluy il faut avoir l'absolue contrition..

  A005001180 

 Or toutes ces repentances qui procedent de la crainte de l'enfer, du desir du Ciel, de la consideration des autres maux et inconveviens que le peché nous apporte, elles sont quelques fois si fortes [370] qu'elles arrachent de nos ames toutes les affections qu'elle avoit eues au peché, et la determinent a ne vouloir plus pecher: et lhors elles s'appellent attritions des pœnitens.

  A005001180 

 Tel qui a le bien d'autruy et ne le veut nullement rendre ne laissera pas d'avoir des grans remors et extremes repentances d'avoir tué un homme; la cholere l'a transporté, ell'est passee, et par consequent la repentance est aysee.

  A005001181 

 En fin donq, nous pouvons detester le peché, non pour l'endommagement quil fait a nostr'ame delaquelle il souille la beauté, defigure l'image divine, non pour le desir d'avoir le Paradis, non pour la crainte d'estre damnés, mays par ce que le peché offence Dieu qui est souverainement bon, et souverainement bien aymable et souverainement bienaymé.

  A005001186 

 C'est pourquoy, comme le vin theriacal n'est pas appellé theriacal pour avoir la substance de theriaque, mais seulement la vertu et l'operation de la theriaque contre tous venins, aussi la repentance amoureuse n'est pas appellee amoureuse pour avoir tous-jours la substance et propre action de l'amour, mais par ce qu'elle contient, ou l'action propre de l'amour, ou la vertu, le mouvement et l'operation de l'amour, qui est de reunir l'affection et la volonté a Dieu tres estroittement et inseparablement.

  A005001187 

 Et cet amour qui donne mouvement a la repentance est un vray amour, mais non encor parfait, jusques a ce que son mouvement soit en son plus haut degré; car alhors, soudain l'amour parfait est produit en l'ame, c'est a dire la tresste vertu de charité qui rend l'ame toute chere a son Dieu.

  A005001187 

 Et ne faut pas treuver estrange, Philothee, que la vertu et force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit du tout formé, [puisque nous voyons] que par la reflexion des rayons du soleil dardés sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et proprieté du feu, s'augmente petit [a petit] si fort, qu'en fin, avant qu'elle produise le feu elle brusle, en sorte que commençant a brusler elle produit le feu; ainsy l'ame qui considerant la souveraine Bonté reçoit les rayons de ses attraitz, [372] fayt reflection sur soymesme et sur ses pechés [avec une certaine chaleur] affective, qui est la proprieté de l'amour, lequel par apres jette ses flammes et fait son action manifeste et son operation formee.

  A005001188 

 C'est moy, Seigneur, qui ay peché, qui ay mesprisé vostre amour, vilipendé vostre bonté et rejetté vostre grace.

  A005001188 

 On considere combien on est coulpable de cette coulpe: Estonnés vous, o cieux, et que ses portes se desolent extremement, car mon ame a fait deux maux; elle vous a quitté, o Dieu eternel, vous qui estes la source inespuisable des eaux vives de toute bonté, et se retourne du costé de la creature pour fouir et creuser des puis, puis crevassés et dissipés qui ne peuvent contenir aucunes eaux de vray contentement.

  A005001193 

 [Il y a donq un peché qui n'engendre] pas la mort, et partant qui n'est pas mortel; et neanmoins il est peché, et partant il desplait a la charité, non comme chose qui luy soit contraire, mais comme chose qui est contraire a ses actions et a son excellence, a son progres.

  A005001195 

 ...aux actions contraires a la charité......car qui se plait a mentir par joyeuseté, il se dispose a mentir en tous sujetz, et qui se plait au simple courroux, est grandement incliné au courroux desreglé et dommageable.

  A005001195 

 Et en somme, la charité, qui nous est donnee pour agir selon la volonté de Dieu, n'arreste guere en un cœur qui ne l'employe pas: ou ell'agit ou elle perit; elle veut avoir des enfans, comme Rachel, [374] ou mourir.

  A005001201 

 Et dites moy, Philothee, de quoy peut on accuser le ciel en cette diversité d'evenemens? a-il pas envoyé sa rosee et ses influences sur l'un'et l'autre mere perle? pourquoy donq l'une a elle par effect produit sa perle, et l'autre non? Il n'y a rien en celle qui l'a produit qu'elle ne doive reconnoistre du ciel, non pas mesme son ouverture par laquelle ell'a receu la goutte; car, sans la souefve fraicheur de la rousee et le sentiment des premiers rayons de l'aube qui l'ont doucement excitee, elle n'eut pas ouvert son escaille.

  A005001201 

 Mays comme celle qui s'est emperlee et comm'engrossee de sa chere geniture s'en peut voirement donner de la joye et non pas de la louange, ainsy celle qui demeure sterile n'en peut accuser le ciel, qui avoit esté autant liberal envers elle quil estoit requis pour la rendre enceinte de la perle: tout le manquement vient d'elle, et s'en doit donner tout le blasme.

  A005001202 

 Deux hommes dormoyent a l'ombre d'un buysson; mays tandis quilz sont la, ou la lassitude et la fraicheur de l'ombre leur tient les yeux bandés, le soleil s'avançant sur eux leur porta droit aux yeux ses rayons du midi, et par l'eclat de sa splendeur et par la chaleur qui en provient, il force l'un et l'autre a s'esveiller.

  A005001202 

 L'autre aussi futvivement touché de [375] la clarté et chaleur du soleil, qui au travers de[ses] paupieres fait certaine transparence comme des petitz esclairs autour de la prunelle de ses yeux fermés; mais non seulement il, n'ouvre pas les yeux, qu'au contraire, tournant le dos au soleil, il met sa face en terre, et se rendormant, passe-la sa journee, jusques a ce que, se voyant surpris de la nuit, il se plaint par des cris effroyables de quoy il demeure exposé a la merci des loups, ou mesme des lions rugissans, si toutefois ceci arriva en Affrique..

  A005001203 

 Qui ne void, ma chere Philothee, que si le premier de ces deux voyageurs se vantoit de s'estr'eveillé, d'avoir esté esclairé, d'avoir veu, comme si cela luy estoit arrivé de son industrie, on se mocqueroit de luy et on luy diroit: Miserable, es tu allé querir les rayons du soleil? leur as tu donné la force d'esclairer? est ce de toy quilz tiennent la proprieté quilz ont de rendre les choses visibles, et de donner aux yeux la commodité de voir? Il est vray que tu pouvois t'empescher d'ouvrir tes yeux, mays il n'est pas vray que sans eux tu les eusses ouvertz, ains il est vray que c'est eux qui te les ont fait ouvrir: ilz t'ont rendu voyant, et tu ne les as pas rendu visibles.

  A005001203 

 Tu dois confesser tout cela, et benir le Createur du soleil qui luy a donné une si aymable et amiable activité et operation..

  A005001210 

 Car, puis que le salut depend de la grace, pourquoy blasmera on de leur perte ceux qui n'ont pas eu la grace sans laquelle ilz ne pouvoyent eviter de perir? Mays sil est ainsy, disentles autres, que les repreuvés sont rejettes de la gloire par ce quilz ont rejetté la grace, silz sont abandonnés a la malediction par ce quilz ont abandonné la benediction, donques les esleuz ont une grande part a lhonneur de leur salut par ce quilz ont consenti a la grace, ont cooperé a l'inspiration et secondé le mouvement celeste.

  A005001212 

 ...et a poussé en elle l'eau cordiale de l'inspiration, laquelle faysant son operation l'a remise en sentiment et revigoree: qu'y a-t-il en tout ceci qu'elle n'ayt receu? Que si elle repliquoit qu'au moins elle a receu les remedes: Ingrate que tu es, luy dirois-je, il est vray, tu as receu [377] les remedes; mais recevoir du bien n'est ce pas a l'indigent et souffreteux? ne suffit il pas pour t'oster tout sujet de vanité que tu n'as rien que tu n'ayes receu? Ouy, chetifve creature, tu as tout receu; et ce que tu ne consideres pas, c'est que tu as receu le pouvoir mesme de recevoir, qui est un bienfait tres particulier de ton Sauveur: car sans luy, non seulement tu n'ouvrois point la bouche, tu ne pensois point a ton salut, mais tu ne pouvois pas y penser, tant les ressortz du mouvement de ton ame estoyent empeschés du catharre de ton iniquité.

  A005001233 

 Douce et admirable science, qui s'apprend par conference avec son objet, en le savourant et goustant! Or il y a divers degrés de cette theologie mystique, ou bien de l'oraison, que je marqueray briefvement.

  A005001233 

 Mes yeux se [sont] presque escoulés, disans: quand me consoleres vous? Bref, le langage d'amour ne consiste pas es paroles, mais es regars, es souspirs, es contenances, voire mesme au silence: c'est pourquoy la theologie mistique ne consiste pas a ouïr parler de Dieu, ni a lire, ni a escrire de Dieu, mais a ouïr parler Dieu, a sentir ses mouvemens, ses inspirations et ses clartés; ni nous ne parlons pas de Dieu seulement, mais a Dieu; c'est a luy a qui on parle de luy, et c'est luy qui parle de soy mesme a nous.

  A005001237 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a toute son affection en la loy du Seigneur et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; c'est a [380] dire, qui desirant observer la loy de Dieu, il la meditera jour et nuit, affin que de la source de la meditation proviennent des ruisseaux continuelz d'affections, et des affections s'en ensuivent les actions.

  A005001237 

 Mays au second Psalme, ell'est prise en mauvaise part, pour l'attentive et ordinaire pensee des rebelles contre la fidelité deüe a N. S. le Roy Jesus: P our quoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont ilz medité choses vaines? Or neanmoins, par ce qu'en l'Escriture S te ce mot est pris le plus souvent en bonne part, pour l'attentive pensee qu'on a aux choses saintes pour s'exciter a les aymer, il est maintenant ordinairement tenu pour saint, a esté canonizé par le commun consentement des Theologiens, aussi bien que celuy d'ange et de zele, comm'au contraire, celuy de dæmon et de dol a esté diffamé; si que maintenant, quand ceux qui traittent des choses divines parlent de la meditation, ilz entendent celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A005001238 

 Ainsy plusieurs prennent playsir a faire des cogitations sur divers objetz, et sont tous-jours songears et attentifs, et ne sçauroient dire pourquoy; ains, la plus part du tems, ilz sont attentifz par inadvertence, et s'ilz pouvoyent ilz ne feroyent nullement telles pensees, ni n'y prendroyent playsir, qui souvent mesme leur sont desagreables; tesmoin celuy qui disoit: Mes cogitations se sont dissipees, tormentant mon cœur.

  A005001238 

 La pensee est comme les mousches, qui volent ça et la sur les fleurs sans amour ni dessein; l'estude comme les hanetons, qui mangent les feuilles et les fleurs indistinctement pour en vivre; la meditation comme l'abeille, qui de toutes les fleurs n'en retire que le miel qu'ell'emporte..

  A005001239 

 Et c'est pourquoy celuy qui avoit dit: Je mediteray comme la colombe, pour exprimer d'autte façon sa conception il dit: Je repenseray, o mon Dieu, toutes mes annees en l'amertume de mon ame; car mediter n'est autre chose que repenser souvent en une chose pour quelque dessein qui regarde l'affection.

  A005001239 

 Mais pourquoy veut il que nous repensions et meditions en N. S r qui a tant souffert? Non certes affin que nous devenions sçavans, mais affin que nous devenions patiens comm'il l'a esté.

  A005001239 

 v. 3: Repenses a Celuy qui a souffert un telle contradiction ou persecution des pecheurs, affin que vous ne vous lassies, manquans de courage; quand il dit repenses, c'est autant comme sil disoit medites, consideres diligemment.

  A005001239 

 v. 8, dit a Josué: Tu mediteras au livre de la Loy jour et nuit, affin que tu gardes et faces ce qui est escrit en iceluy; alhors tu dresseras ta voye et l'entendras.

  A005001240 

 24, qui estoit un animal net et pur, sortoit devers le soir pour mediter, pour prier ou se retirer en Dieu, pour conferer avec Dieu, pour exercer son esprit en Dieu, pous s'aliener de soy mesme; car les plus sçavans interpretes expliquent ainsy ce passage: Parap.

  A005001240 

 Or toute la sainte doctrine, dit une des devotes bergeres qui accompagnoyent la celeste Sullamite, ell'est comme un vin prœcieux, digne non seulement d'estre beu par les [382] bergers et docteurs, mais d'estre savouré, et par maniere de dire, masché et ruminé; Cant.

  A005001247 

 La meditation ne semble avoir qu'une seule difference d'avec l'estude, qui consiste en la fin; car l'estude tend a nous rendre plus doctes, et la meditation a nous rendre plus affectionnés a Dieu.

  A005001250 

 Mays qui a plus de force, ou l'amour pour faire regarder ou le regard pour fair'aymer? Certes, egalement.

  A005001250 

 S t Bonaventure, interrogé si une pauvre simple femme pourroit autant aymer Dieu que luy, respondit qu'oüy; dont S t Gilles fit un'exclamation admirable, quil faut voir, comm'encor ce que l'abbé de S t André de Verceil dit a S t Anthoine, qui est es Chroniques, sur ce sujet..

  A005001251 

 La connoissance est requise a la production de l'amour, car jamais la volonté ne sçauroit aymer une chose qu'elle ne connoist pas, et a mesure que la connoissance croist, nostr'amour s'augmente davantage, sil n'y a rien qui empesche son mouvement naturel.

  A005001253 

 A vostre advis, Philothee, qui connoist mieux la bonté du vin: ou le medecin absteme qui n'en beut onques, ou le gromeur et taste vin de Greve? Celuy-la, sans doute, en sçait plus par discours, et celluy ci par experience.

  A005001253 

 Ceux qui me goustent auront encor faim, et ceux qui me boivent auront encor soif. Qui goustoit plus Dieu, ou le bon Guillaume Ocham, que quelques uns ont estimé le plus subtil des mortelz, ou S te Cath.

  A005001253 

 Mays qui l'ayme plus? qui l'estime plus? Indubitablement celuy ci, qui, le savourant et experimentant sa douceur, sa force res-jouissante, a un certain motif pressant pour le bien aymer.

  A005001253 

 Qui ayme plus la lumiere et qui l'estime plus: ou celuy qui estant né aveugle et n'ayant jamais joüy des effectz de cette noble clarté sçauroit neanmoins tous les discours qu'en font les Philosophes et toutes les louanges que les sçavans luy donnent, ou celuy qui avec une veüe bien claire sent et ressent l'aggreable splendeur d'un beau soleil levant? Celuy-lâ, certes, en a plus de science, celui [ci] plus de jouissance; celuy [la] en a une certaine connoissance morte, ou pour le moins languissante, celuy ci une connoissance vive, animee, et qui respand dans le cœur un amour fort affectionné.

  A005001253 

 de Genes ou S te Angele de Foligni, pauvres et simples femmes? Celles ci le connoissoyent par experience, celuy la par science: or la connoissance de l'experience est celle la principalement qui excite l'amour..

  A005001254 

 La connoissance du bien le fait naistre, mais estant nay il vit et croist par la delectation qui l'attire et luy donne force; ainsy que nous voyons es petitz enfans, auxquels il faut de la persuasion pour leur faire recevoir dans leurs bouches le miel et le sucre, mays despuis quilz l'ont tasté et senti la douceur, ilz l'ayment esperdument..

  A005001259 

 Ou bien il regarde seulement en general la bonté divine qui occupe son cœur, sans penser nullement aux autres attributz, c'est a dire aux autres grandeurs; comme si un homme arrestoit sa veiie sur le beau teint de son espouse sans estre attentif ni aux traitz ni au reste de la grace de son visage, et lhors il regarde tout le visage, car le teint estant respandu sur tout son visage, on ne le peut regarder qu'on ne voye tout, quoy qu'on ne soit pas attentif a tout: ainsy le cœur regarde la bonté divine, et bien qu'il voye en cette bonté la justice, la puissance, la sapience, il n'est neanmoins attentif qu'a la seule bonté..

  A005001260 

 D'autrefois, il regarde plusieurs attributz et est attentif a les regarder, mais comme d'une veüe totalement uniforme et sans distinction; comme celuy qui regardant l'espouse d'un seul trait d'œil quil feroit, passant sa veue des la teste jusques aux pieds, n'auroit rien regardé distinctement, quoy qu'il auroit tout veu attentivement, et ne sçauroit dire autre, ni quel carquant ni quelle robbe elle porte, ni quelles bagues, ni quelz yeux, ni quelle bouche, ni quelles mains, ains sçauroit seulement dire que tout est beau et qu'ell'est toute belle: car ainsy on regarde la toute puissance, la toute justice, la toute sagesse de Dieu, non point distinctement, mays d'une simple veüe qui tire son regard d'un seul trait sur ces attributz, sans nulle interruption; et neanmoins ne sçauroit dire rien en particulier, ains seulement en general que tout est bon, quil [388] est tout beau, quil est tout desiderable, ainsy que Dieu mesme fit au commencement du monde: car il vid la bonté de tout ce quil faysoit separement et qu'un chacun ouvrage estoit bon; puis, d'un seul trait de son regard, il vid que tout estoit tres bon..

  A005001266 

 63, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement est comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes ci rentrent dedans soy quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, mais seulement quand il plait a Dieu de nous faire cette grace.

  A005001266 

 Car on n'entend pas parler de ce recueillement que tous ceux qui veulent prier doivent faire, rentrant en eux mesme comme l'enfant prodigue, et retirant par maniere de dire l'ame dedans le cœur pour parler a N. S.; mais d'un recueillement qui se fait, non par le commandement de l'amour, mais en vertu de l'amour: c'est l'amour qui le fait luy mesme, et ne le fait pas faire..

  A005001268 

 Les fleurs de la flambe ou du glay, tant blanches que bleues, se ferment a la lueur du soleil; c'est, comme je pense, pour posseder et mieux recueillir sa chaleur vitale qu'elles sentent au milieu d'elles: ainsy les ames qui sentent en leur fond la lueur et chaleur du S t Esprit, pour en jouir se ramassent en elles mesmes..

  A005001268 

 Ou bien il respand quelques odeurs de ses vestemens qui les advertit de sa presence; et tout a coup elles se ramassent au tour de luy, comme qui mettroit un morceau d'aymant au milieu de plusieurs eguilles, il verroit que soudain toutes les pointes de ces eguilles se retourneroyent du costé de cet aymant bienaymé et se viendroyent joindre et attacher a luy: car ainsy, quand par quelque sorte de douceur ou de sentiment interieur nostre Seig r fait appercevoir sa presence au milieu de l'ame, toutes les facultés retournent leurs pointes de ce costé la pour se venir joindre a luy.

  A005001269 

 Le seul nom de Marie prononcé la fait toute presente; ses [390] facultés estoyent absentes du Sauveur qui luy estoyt present, par ce qu'elle ignoroit sa presence, laquelle soudain quil luy fait entendre, ses facultés retournent et embrassent cette chere presence: cette douce voix rappelle l'ame a soy.

  A005001270 

 Or ce recueillement, comme vous voyes, se fait par la douceur dont nostre cœur est touché, sentant en quelque sorte la presence de son bien au milieu de soy; c'est pourquoy il se fait doucement, par une aggreable inclination, par un doux retour, par une delicieuse retraitte que le playsir interieur fait faire aux facultés, et ne treuve rien qui l'exprime mieux que la retraitte des abelles qui se fait par la douce amorce [de] l'odeur du vin emmiellé.

  A005001271 

 C'est cela que quelques uns appellent introversion, c'est a dire retour de l'ame en soymesme et au dedans de soy mesme, y appercevant le S t Esprit qui l'attire insensiblement par des attraitz secretz mais delicieux, dont il appelle ses puissances et les rameyne en dedans comme les repliant sur elles mesme..

  A005001272 

 Or l'ame estant ainsy toute retiree, concentree, recueillie et ramassee en elle mesme autour de son Bienaymé qu'elle y sent, ou elle opere de l'entendement, considerant la beauté et la bonté de ce divin object, ou de la volonté, l'embrassant amoureusement par les pieds, comm'une autre Magdeleyne; et lhors se fait une contemplation d'ardeur et de certaine sorte de ferveur comme quasi d'empressement, qui remue toute l'ame a se serrer et presser au tour de son Bienaymé, comme feroyt un'espouse, laquelle inopinement auroit treuvé son espoux en sa chambre, revenu de quelque long voӱage.

  A005001274 

 Telles sont les ferveurs du grand S t Aug in en ses Confessions; ou vous voyes fort souvent des souspirs, des exclamations et des traitz amoureux dont l'un n'attend pas l'autre, mais semblent a une girandole de feus artificielz qui jettent de toutes pars des flammes: car ainsy, en cette ferveur, l'ame jette un meslange et confusion d'actions et passions amoureuses, sans autre methode que celle que l'empressement lui suggere, qui est de se haster et ne tenir aucune methode.

  A005001276 

 Ainsy Anne, mere de Samuel, estant en sa ferveur, faysoit une contenance qui la faysoit sembler ivre a Heli.

  A005001276 

 Cette ferveur est representee par celle du moust qui boillonne dedans son tonneau, ainsy qu'Eliu le dit en Job, 32, v. [18,] 19: Je suis tout plein de paroles, dit il, et l'esprit de mes entrailles me presse; voyci que [393] mon ventre est comme du moust qui n'a point de respirait, qui romp les tonneaux pour neufs quilz soyent..

  A005001277 

 Ainsy les grans princes mesme ramassent plus soigneusement leurs barons et chevaliers quand ilz doivent estre en la presence de quelqu'autre grand prince; et comme le soleil, par sa veue, fait recueillir en soymesme les flambes, les touchant seulement de son rayon: car ainsy Dieu touchant d'un trait de ses inspirations les cœurs qui le regardent et se mettent en sa presence, il les ramasse et recueille tout en eux mesme, pour estr'attentifs a Dieu.

  A005001277 

 Ce qui nous fait ainsy recueillir c'est une certaine reverence sensible qui saysit nostre cœur, comme nous voyons que, pour distraitz que nous soyons, si nous sçavons que le Roy nous regarde, nous rentrons en nous mesme pour nous bien tenir en sa presence avec le respect convenable.

  A005001277 

 Il arrive que quelquefois cette Bonté celeste nous envoye certaine douceur qui nous fait resserrer en nous mesme et ramasser nos puissances au dedans de nous, affin que de toute nostre ame nous adorions nostre Souverain, lequel nous est proposé hors de nous, soit au Ciel, soit en la terre.

  A005001277 

 Le recueillement c'est comme les ouistres et meres perles, qui, ayant receu les goustes du ciel, lafraiche rossee du matin, se resserrent pour la conserver non meslee, et pour l'ayse qu'elles ressentent d'appercevoir cette fraicheur si douce, et ce germe que le ciel leur envoie..

  A005001279 

 C'est ce « sommeil des puissances» dont parle la M. Therese, par lequel les facultés de l'ame sont totalement sans action, hormis la volonté, laquelle pourtant ne fait autre chose que recevoir le contentement de la presence du Bienaymé, demeurant tout'accoisee et satisfaite et assovie: assovissement et satisfaction neanmoins qu'elle n'apperçoit point, mais dont elle jouit en une certaine façon imperceptible; car elle ne pense point a son contentement ni a son bonheur, ains seulement a la presence de son Bienaymé, qui est la source de son contentement: comme il arrive quelquefois qu'un leger sommeil nous surprenant, nous entr'oyons seulement ce que ceux que nous aymons disent aupres de nous, ou ressentons quelque sorte de caresses qu'ilz nous font, ainsy quil arriva a la tressainte Sulamite quand elle disoit: Je dors, mays mon cœur veille; voyla que mon Bienaymé me dit: Sus, leve toy..

  A005001279 

 Et c'est cela, a mon advis, que la B. vierge Therese appelle «orayson de quietude,» et qui ressemble a cet exercice d'amour que mesme les amans humains font, lhors que, ne parlans point a la personne qu'ilz ayment, ilz se contentent d'estre au lieu ou ell'est, proche d'elle, prenans simplement playsir a cette presence, sans discourir ni sur la beauté ni sur les perfections de l'object aymé, assovis, ce semble, et satisfaitz d'estr'aupres d'iceluy, savourans cette seule presence, non par aucun discours, mais par une tres simple attention quilz ont a cette presence, en laquelle ilz ont leur contentement et repos.

  A005001279 

 Voyes comm'elle dit ailleurs; Mon Bienaymé est a moy et moy a luy, qui se paist entre les lys, tandis que le jour aspire et que les ombres s'inclinent; elle le laisse paistre, et se contente de sçavoir quil est la pour elle et elle pour luy.

  A005001280 

 Or, l'ame qui est en ce doux sommeil et qui n'a que la seule simple attention delicieuse de son Espoux, ne voudroit jamais partir de la, ni changer ce repos, non pas mesme au plus grand bien de ce monde.

  A005001282 

 Il en est de mesme de l'ame qui est en repos et quietude par la presence de Dieu: elle succe presqu'insensiblement la douceur de cette jouissance, car elle ne discourt point, elle n'opere point par aucune faculté de son ame, sinon par la seule volonté, laquelle estant la bouche par laquelle entre le contentement et la delectation interieure, elle remue doucement et presque sans remuement, sucçant le bien de cette presence.

  A005001282 

 N'aves vous jamais veu (et j'emprunte cette similitude d'une des plus grandes Sulamites de cet aage, la mere Therese), ou n'aves jamais pris garde, ma chere Philothee, aux petitz enfans, qui, s'attachans a la mammelle de leur mere, grommelent au commencement, succent ardamment, pressent des levres et serrent si fort le sucheron et tetin, que mesme ilz font douleur a leur mere.

  A005001282 

 Que si on incommode ce cher enfant, et que, par ce quil semble endormi, on veuille luy oster le testin, il monstre bien alhors quil ne dort pas pour ce regard, quoy quil dorme pour tout le reste; car il apperçoit le mal de cette privation, qui tesmoigne bien quil savouroit le bien de la jouissance.

  A005001283 

 Mays je pense bien pourtant quil y fit un grand sommeil mistique, et quil fut comme un enfant d'amour, attaché au tetin de sa mere, qui en dormant suce le lait et dort en suçant.

  A005001284 

 (Ces deux exemples sont admirables et les faut bien faire valoir.) Elle n'a pas besoin de la memoire, car ell'a present son object; elle n'a pas besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de s'imaginer celuy que l'on a en presence reelle? Car imaginer n'est autre chose que se representer une chose en image, quoy qu'image interieure, et celuy qui a le cors n'a pas besoin de regarder l'image, ains l'image luy seroit une diversion.

  A005001284 

 Elle ne luy demande rien, car elle ne veut que luy qu'ell'a treuvé; elle ne cherche plus rien, car ell'a treuvé Celuy qu'elle cherchoit; elle ne s'amuse pas a discourir par l'entendement, par ce qu'elle void d'une veüe simple et si douce son Bienaymé, que le discours la divertiroit et mettroit en travail: et mesme quelquefois elle ne le void point par l'entendement, et ne se soucie point de le voir, se contentant de le sentir par le seul ayse de la volonté, comme la S te Vierge, qui ayant N. S. en son ventre, le sentoit sans le voir, ou comme S te Elizabeth qui, sans le voir, jouissoit du fruit de sa presence en la Visitation.

  A005001284 

 Si que la seule volonté est celle qui doucement et suavement attire, comm'en tettant, le contentement de cette presence..

  A005001286 

 Or en cette tranquillité il arrive quelquefois une tentation subtile: car si l'esprit a qui Dieu la donne est grandement actif, fertile et foisonnant en considerations, ou qui ayme grandement sentir ce quil fait et retourner sa veue sur soymesme, pour se voir et reconnoistre son avancement ou savourer son contentement... Car il y a des espritz de cette condition, qui veulent tout voir et sçavoir ce qui se passe en eux, et ne se contentent pas de savourer le bien silz ne savourent encor le contentement; et, [par] maniere de dire, encor quilz soyent contens, il leur est advis quilz ne le sont pas s'ilz ne sentent le contentement d'estre contens, et sont comme ceux qui, se sentans bien vestus contre le froid, ne penseroyent pas l'estre [398] silz ne contoyent combien de robbes ilz portent, ou comme ceux qui, estantz bien rassassiés ou desalterés, ne seroyent pas contens silz ne sçavoyent la quantité et qualité de ce qu'ilz ont beu et mangé..

  A005001287 

 Il y a bien de la difference, Philothee, entre aymer Dieu qui me donne du contentement et aymer le contentement que Dieu me donne..

  A005001287 

 O Dieu, Philothee, quilz font une grande faute! car ilz troublent volontairement le doux repos que Dieu leur avoit donné, et en lieu de s'occuper en l'amour de Dieu ilz s'occupent en l'amour d'eux mesme; en lieu de se tenir attentifs a Dieu ilz sont attentifz a eux mesmes, et ne se tenant plus a Dieu qui les contentoit, ilz s'attachent au contentement quil leur donne: comme si un esclave que le roy auroit attaché a soy par une chaisne d'or pour le sauver, en lieu de considerer la bonté de ce prince consideroit la valeur de la chaisne.

  A005001288 

 L'ame, donq, qui est si heureuse d'avoir treuvé la paix et quietude amoureuse en Dieu, se doit abstenir tant qu'elle peut de se regarder soymesme ni son contentement, car elle le perdra en l'aymant, et le conservera en le negligeant pour ne point quitter la source d'ou il provient.

  A005001288 

 Mays pourtant il ne faut pas croire qu'il y ait peril de perdre cette sainte quietude par les actions ni du cors ni de l'esprit qui ne se font point par legereté ni par indiscretion; car il faut croire la B. M. Therese, laquelle estime que c'est superstition d'estre si jaloux de cette quietude que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, pour la mieux conserver: car, certes, Dieu qui donne cette paix ne l'oste pas pour telz mouvemens exterieurs, non, ni mesme pour les distractions et evagations involontaires de l'esprit; car la volonté estant une fois bien amorcee ne laisse pas de savourer le fruit de cette quietude, quoy que l'entendement ou la memoire s'eschappent..

  A005001289 

 Nous avons veu un'ame extremement attachee a Dieu, [399] avoir neanmoins eu l'entendement tellement libre, qu'ell'entendoit fort distinctement ce qui se disoit autour d'elle et s'en resouvenoit, bien que toutefois il luy fut impossible de pouvoir respondre ni de se desprendre de Dieu; auquel ell'estoit occupee par l'application de la volonté en telle sorte, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans une douleur extreme qui la provoquait au gemissement: et semble que ce fut comm'un enfant qui, ayant la bouche au tetin de sa mere, pourroit voir, ouïr et mesme remuer les bras pour prendre quelque chose, sans toutefois se desprendre du sucheron, ni cesser de tetter..

  A005001290 

 Neanmoins, l'ame qui est en cette quietude voudrait bien n'estre point distraitte; sa paix serait bien plus douce si on ne luy faysoit point de bruit au tour, si elle n'avoit nul sujet de se remuer ni quant au cors ni quant au cœur: car en fin toute l'ame prend contentement a cette presence, et partant elle y voudrait estre toute; mais ne pouvant quelquefois empescher quelque sorte de divertissement, au moins conserve elle la paix en la faculté par laquelle elle la reçoit, qui est la volonté.

  A005001290 

 Volonté laquelle n'a garde de se fascher de la distraction des autres facultés, car a mesure qu'elle voudrait avoir soin de les empescher et se fascheroit de leur divertissement, elle se divertirait elle mesme de son objet, perdrait son contentement, et en lieu de la quietude aupres de Dieu, elle se mettrait a la course apres les autres puissances, lesquelles aussi bien elle ne sçauroit ramener plus puissamment que perseverant en sa paix, alaquelle petit a petit en fin les autres reviennent par la douceur que la volonté reçoit, delaquelle elle leur communique certains ressentimens, comme des odeurs, qui les attirent au retour..

  A005001291 

 O Dieu quel playsir! En d'autres occasions elle le sent, luy parle et l'entend parler, par certaines clartés qu'elle reçoit dans le cœur, qui luy tiennent lieu de paroles.

  A005001292 

 Car imagines vous quil ne leur eut dit sinon: Demeures icy, ou que, quand il leur dit: Dormes et vous reposes, il leur eut enjoint de dormir, et quil n'eut pas dit cela pour les reprendre, leur permettant de dormir au tems auquel il sçavoit bien quilz ne le pourroyent pas faire: car en ce cas-la, silz fussent demeurés-la dormans, ilz eussent esté en la presence de leur Maistre, qui n'estoit guere loin, sans le sentir en façon quelcomque; et l'enfant qui dort dans le giron de sa mere est certes en sa presence, sans neanmoins s'en appercevoir.

  A005001294 

 Quand nous nous esveillons, nous treuvons que nous sommes presens a Dieu, qui ne s'est point esloigné de nous, ni nous de luy.

  A005001295 

 Car en fin, comme dient tous les Saintz qui ont traitté de cette matiere, c'est la vraye et essentielle extase de l'amour de n'avoir pas sa volonté en soy mesme, mais en la volonté de Dieu, ni n'avoir pas son contentement en soymesme, mais au contentement de Dieu.

  A005001295 

 Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un simple acquiescement a la volonté de Dieu est souverainement excellente, par ce qu'ell'est pure de tout l'interest des facultés de l'ame, qui ne jouissent d'aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, par laquelle elle se contente de n'avoir aucun contentement que d'estre sans contentement pour l'amour du contentement de Dieu.

  A005001300 

 Alhors l'union est parfaitte, et celle que l'enfant fait procede de celle de la mere; en sorte que cett'union tant serree et pressee n'est qu'une seule, qui procede de la mere et de l'enfant, mais de l'enfant en telle sorte que tout procede pourtant de la mere: car elle l'a attiré a soy, elle l'a embrassé, elle l'a appliqué a cett'union, elle l'a incité; et les forces de l'enfant sont si foibles quil n'eut sceu se serrer si fort a sa mere si elle ne l'eut serré, si que ce quil fait ressemble plustost un essay d'union qu'une union..

  A005001300 

 Imagines vous un enfant (car cette comparayson est toute d'amour pur et doit estre suivie) qui, voyant sa mere assisse, laquelle luy presente son giron et son sein, vient se jetter tout entre ses bras: il se ramasse tout la dans ce sein desirable, dans lequel il plie tout son cors; sa mere, le tenant, le serre et le colle sur sa poitrine, et joint ses levres aux siennes; luy, amorcé de cette caresse par laquelle sa mere l'unit tout a soy, non seulement consent, mays tant quil peut il se serre luy mesme et se presse sur le sein et sur le visage de sa chere mere, et de son costé coopere a cette amoureuse union.

  A005001303 

 Car il y a difference entre joindre une chose a un'autre, et serrer ou presser une chose contr'un'autre et sur un'autre: car joindre et unir se fait par une simple application d'une chose, comme nous joignons, en sorte qu'elles se touchent, les vignes ou le jasmin aux arbres; mais presser et serrer se fait par un'application forte qui accroist et augmente l'union et conjunction: si que serrer c'est fortement et intimement joindre, comme le lierre se joint a un arbre; car il le serre et le presse si fort, que mesme il penetre et entre dedans son escorce..

  A005001304 

 Ainsy les pelerins desirans que nostre Seigneur demeurast en Emaüs, qui aussi le vouloyt bien, non seulement ilz appliquerent leur persuasion pour le faire demeurer avec eux, disans: Seigneur, demeures avec nous, car la nuit s'approche, il se fait tard, mais ilz le presserent et le serrerent a force, le contraignans d'un'amiable contrainte de demeurer.

  A005001305 

 Quelquefois, par la seule volonté qui s'estend et se serre le plus estroittement a son Dieu: Hé, Seigneur, quand seray-je tout en vous? Quand viendray et paroistray devant vostre face? Joignes, Seig r, de plus en plus cett'ame a vostre bonté; et cœt..

  A005001306 

 Quelquefois cett'union se fait encor avec l'entendement, qui de plus en plus se serre a Dieu, non pour l'entendre, mais pour estre avec son object, par ce que la volonté le tire apres soy et l'applique a cela, l'amour respandant dans l'entendement ce playsir special d'estre fiché en Dieu; comme nous voyons quil respand une profonde et speciale attention en nos yeux pour regarder fixement ce que nous aymons, quoy que les yeux d'ailleurs eussent d'autres objectz plus aggreables..

  A005001307 

 Quelquefois cett'union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent autour de la volonté, non pour s'unir elles mesme a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour ne point destourner la volonté, ains luy donner toute commodité de s'unir de plus en plus a ce divin objet; c'est pourquoy, de peur de la destourner, elles la suivent, car si les autres puissances estoyent appliquees a leurs particuliers objectz, l'ame qui opere par elles seroit distraitte et divertie par la varieté des actions, et ne pourroit pas si parfaitement s'employer a celle de l'amour.

  A005001311 

 Ainsy mesme l'ame de Jonathas est ditte collee a l'ame de David; et, comme dit S t Aug in, celuy entendoit bien la force de l'amour qui disoit a son ami: a Dieu, «la moytié de mon ame;» car quand l'amitié est parfaite ell'est indissoluble, inseparable et æternelle, ainsy que je l'ay dit ailleurs..

  A005001311 

 En fin, quand cett'union est non seulement tres serree et estroitte, mais que la chose unie peut malaysement estre separee et desprise, [comme une] greffe qui s'attache a l'arbre, elle s'appelle par le grand s t Thomas et les Theologiens inhæsion ou adhæsion, parce que par cett'union non seulement on est fort uni et serré, mais on est attaché, affigé, collé a la chose, on se tient a elle, on est pris l'un a l'autre en sorte quil y a peyne de s'en desprendre; comm'il [arrive] quand la chose qui se prend a un'autre est visqueuse et gluante, ou qu'elle [est] attachee par des cloux ou par plusieurs neuds et liens entrelacés.

  A005001311 

 Telle fut l'union de celuy qui disoit: Christo confixus sum cruci; Je suis affigé et cloüé a la croix pour Jesus Christ (vide locum et Commentar.); et ailleurs: Qui nous separera de la charité de Jesus Christ? Je suis asseuré que ni la mort, ni les angoisses, et cœt.

  A005001312 

 Ilz sont plus estroittement unis en effect et en affection encores, car leurs affections, quoy que dormantes, sont toutes engagees indissolublement a l'amour de leur Maistre; mays pourtant cett'ame qui est la en l'orayson, ell'est plus avant en l'exercice de l'union qu'eux.

  A005001312 

 Mays en cet endroit nous ne parlons pas du lien permanent par lequel nostr'ame est attachee a Dieu en vertu des resolutions que la sainte charité nous donne: c'est sans doute, Philothee, que la charité est un lien et lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus attaché a Dieu, plus indissolublement, plus inseparablement, plus estroittement.

  A005001312 

 Nous parlons de l'union de nostre esprit a Dieu qui se fait par l'action de l'amour, c'est a dire de l'union qui est un des exercices de l'amour.

  A005001312 

 Philothee, imagines vous donques que (il importe que vous m'entendies) S t Paul, S t Augustin, S t Denis, S t François, S te Catherine de Sienne ou de Genes sont encor en ce [406] monde, et quilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonn'ame, mais non si s te comm'eux, car il y en a peu qui leur soient comparables, qui est en l'orayson d'union a mesme tems: je vous demande, chere Philothee, qui est plus joint a Dieu, plus uni, plus attaché? O Dieu, vous me confesseres que ce sont ces heureux personnages; car leur charité, qui est, comme l'un d'eux tesmoigne, le lien de perfection, est bien plus grande et plus forte que celle de cett'autre ame qui est en l'orayson d'union.

  A005001313 

 Ainsy un'ame qui est en l'exercice de l'union, et qui est parvenue jusques a l'inhæsion, si on la retire de cet exercice ell'en ressent de la douleur; elle ne se peut oster de la: si on destourne son entendement, elle se tient a la volonté; et si on la fait encor desprendre de la volonté, l'occupant a quelque exercice fort divertissant de celuy la, elle retourne a tous momens du costé de son cher object, faysant des traitz d'union [407] comm'a la desrobbee; experimentant la peyne et le serrement de cœur du grand S t Pol, car ell'est pressee de deux desirs: l'un d'estre delivree de l'occupation alaquelle on l'appelle, et demeurer avec Jesus Christ; l'autre, d'aller neanmoins a l'œuvre de l'obeissance que l'union mesme avec Jesus Christ luy enseigne estre plus requise..

  A005001315 

 Ah, qui me donnera la grace que je sois un esprit avec vous! En fin, Seigneur, l'unité m'est necessaire; pourquoy me troublerois-je en la multiplicité des choses? Hé, doux Ami de mon ame, que cett'unique soit pour l'Unique! Unisses ma pauvr'uniqu'ame a vostre unique bonté! Hé, vous estes tout mien, quand seray-je toute vostre! O cher aymant, tires ce fer a vous! soyes mon tire cœur comme l'aymant est un tire fer.

  A005001319 

 Les choses humides ou liquides sont celles, disent les Philosophes, qui n'ont point de bornes ni de figure fermes d'elles mesme, et qui sont aysees a recevoir les bornes et les figures des autres choses.

  A005001319 

 Voyes, je vous prie, Philothee, l'eau, le vin, l'huile et toutes choses liquides: si vous les respandes dans un vaisseau, elles n'auront point de bornes que celles que le vaisseau leur donnera, ni point de figure que la figure du vaisseau; si le vaisseau est quarré elles le seront aussi, sil est rond ou triangulaire elles auront la mesme figure, de sorte qu'on peut dire que ces choses liquides n'ont ni figure ni bornes aucunes que les bornes et figures de ce qui les contient..

  A005001320 

 On appelle cœur de pierre, ou de fer, ou de bois, un cœur qui ne prend point aysement les figures et resolutions qu'on luy veut imprimer; au contraire, un cœur doux, maniable et traittable, il est appellé un cœur amolly, fondu, liquefié.

  A005001321 

 Et comme le s t Espoux respand son amour et son ame en celle de l'Espouse, aussi reciproquement l'Espouse sacree respand la sienne apres l'Espoux: Mon ame s'est fondue, dit elle; c'est a dire: comme l'on void que le vent meridional soufflant sur la neige des montaignes la fait fondre, et se fondant elle quitte sa place, sortant d'elle mesme pour ruisseler es vallees, ainsy la parole de mon Bienaymé, venant comm'un vent en mon ame, la fait fondre d'amour, et ell'est sortie d'elle mesme, s'escoulant apres son amant (par ce qu'en l'Hebrieu et Caldaique et es Sept, il y a: Anima mea egressa est, ut dilectus meus locutus est; vide Sa, Rio, Ghisler, Lyranus.) Ou bien: mon ame a esté comm'un bornai ou cousteau de cire, qui, touché des rays ardens du soleil, sortant de soymesme, de sa forme, de son estre, flue et s'ecoule devers l'endroit dont il est touché; car ainsy mon ame s'est escoulee du costé de la voix de mon bienaymé..

  A005001321 

 Les mammelles signifient l'amour, qui a son siege dans [le] cœur et dans la poitrine; or cest amour est plus fort [410] et meilleur que le vin, respandant un odeur admirable en suavité.

  A005001322 

 Elle commence par une parfaite complaysance que l'amant prend en la chose aymee; cette complaysance engendre une certaine impuissance spirituelle qui fait que l'ame ne se sent plus aucune force ni vigueur pour se tenir en elle mesme, ne pouvant plus demeurer en soy ou elle n'a plus aucun'attention ni playsir, ains comm'un baume fondu qui n'a plus aucune subsistence, elle se laisse tout'aller et s'escoule toute en son amant: elle ne se jette pas, ni elle ne se joint pas, ni elle ne se serre pas, mais elle tumbe, par maniere de dire, et flue, comm'une cire fondue, en ce qu'ell'ayme; elle ne peut se soustenir en elle mesme, ains se dissout et se deffait, s'escoulant toute dans le cœur qu'ell'ayme.

  A005001322 

 Ne voyes vous pas, Philothee, les nuees comm'elles demeurent la en l'air suspendues, comme si elles estoyent attachees au ciel? elles demeurent en elles mesme et se soustiennent, en sorte que quelquefois elles semblent des rideaux [411] qui sont tendus pour nous cacher le ciel.

  A005001323 

 Et aussi, ceux qui sont tumbés en cet exces d'amour en ressentent les effectz de l'extase, car, revenuz a eux mesme, ilz ne touchent plus ni voyent les playsirs de la terre qu'avec degoust, ont un extreme aneantissement d'eux mesme, n'estiment rien que le Ciel, et demeurent extremement alangouris quant aux sens exterieurs, et voudroyent ne jamais estre revenus a eux mesme, sil playsoit ainsy a Dieu, ains avoir perseveré en ce meslange, ou plustost abismement d'eux mesme en Dieu.

  A005001323 

 Il semble que telle fut la passion amoureuse qui fit dire au grand s t Paul: Je vis, mais non plus moy, ains Jesuschrist vit en moy; et quand il disoit ailleurs: Nostre vie est cachee en Dieu avec Jesuschrist.

  A005001323 

 Or la verité est que cette liquefaction, cet escoulement d'un'ame en Dieu, est a proprement parler une grande et veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors de ses propres bornes, hors de son propre maintien, et se treuve toute absorbee et engloutie et comme toute meslee en son Dieu, ainsy qu'une goutte d'eau qui tumbe dans un grand vaisseau de vin.

  A005001323 

 portent en leur texte: Mon ame est sortie quand mon Bienaymé a parlé; c'est a dire, elle est tumbee en extase; et nostre version ordinaire latine, disant la mesme chose, l'exprime par cette parole: Mon ame s'est fondue; qui est la mesme chose, car ce qui se fond coule hors de soymesme.

  A005001327 

 Les autres passions n'entrent dedans le cœur que par l'entremise de l'amour, mais l'amour entre luy mesme par sa propre force; et par ce que l'amour est la premiere passion du cœur, c'est luy seul qui le blesse: la tristesse, la crainte, la hayne ne piquent le cœur que par l'amour.

  A005001327 

 Pourquoy, je vous prie, Philothee, haissons-nous le mal sinon par ce que nous aymons le bien? pourquoy nous attristons nous des maux apprehendés comme presens sinon par ce quilz nous privent du bien? pourquoy craignons nous le mal futur sinon par ce que nous desirions et esperions le bien? C'est l'amour seul qui nous donne toutes les passions, c'est luy aussi qui nous blesse et navre le cœur..

  A005001328 

 Et qui l'a blessé? l'amour..

  A005001328 

 Les paroles, les yeux, le maintien, voyre mesme les cheveux, luy servent de sagettes; et tel qui entre en conversation, libre, sain et gay, ne prenant pas garde aux traitz et attraitz de l'amour, s'en reva engagé, blessé et triste.

  A005001328 

 Qui le rend triste? c'est quil est blessé.

  A005001329 

 Car tout ainsy que si une abeille avoit piqué le visage d'un enfant, vous auries beau luy dire: ah, mon cher enfant, c'est l'abeille mesme qui a fait le miel que tantost vous avés gousté avec tant de playsir; il vous diroit: il est vray, mais son eguillon m'a percé, et tandis quil est dans ma joue je ne puis vivre en repos; ne voyes vous pas comme ma joue en est emflee? Aussi il est vray que l'amour est un mouvement de complaysance, pourveu quil ne nous laisse point l'eguillon du desir; mais quand il le laisse, sans doute nous avons un'extreme douleur, mais parce que c'est une douleur d'amour ell'est aymable et amiable.

  A005001329 

 Hé, qui me delivrera du cors de cette mort? Voyes cet autre amoureux: Mon ame a soif de son Dieu fort et vivant; hé, quand viendray-je et apparoistray-je devant la face de mon Dieu? Mes larmes ont esté mon pain nuit et jour, tandis qu'on me dit: ou est ton Dieu? Voyes la sacree Sullamite comm'elle parle aux filles de Hierusalem: Helas, dit elle, je vous conjure, si vous rencontres mon Bienaymé, de luy annoncer ma peyne, par ce que je languis et suis blessee d'amour.

  A005001329 

 Oyes les cris douloureux mais amoureux de ce cœur apostolique, transpercé du dard de la charité: Je desire d'estre deslié et estre avec Jesus Christ, qui me seroit beaucoup meilleur; il considere son object absent.

  A005001330 

 (Il faut mettre ceci par comparayson. Une ville prise par les Romains, lhors que les soldatz de Rome se sont renduz les plus fortz, ilz arborent l'estendart, et cœt.; ainsy le Roy paysible des cœurs, Jesus Christ, ayant pris le cœur de sa chere Sulamite et l'ayant remply de mille passions amoureuses, il mit l'estendart d'amour sur son cœur.) Or lhors, tout'amoureuse qu'ell'est, il la presse, et descoche de tems en tems mille traitz d'amour, par exces, luy monstrant combien il est encor plus aymable qu'elle ne l'ayme: et elle, qui n'a pas tant de force pour aymer que d'amour pour s'efforcer d'aymer davantage, voyant ses effortz n'estre pas asses fortz pour aymer selon son desir Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent toute blessee; et autant d'eslancemens qu'elle fait, autant elle reçoit de secousses d'amour.

  A005001330 

 C'est lhors quil tesmoigne sa presence a l'ame et la presse d'amour, il la sollicite et luy fait vivement connoistre sa douceur infiniment aymable, car il presse en cette sorte: il luy donne des sentimens admirables de sa souveraine bonté, qui donne des attraitz non pareilz a l'ame, laquelle s'eslançant comme pour voler a son objet, et demeurant courte par [ce] qu'elle ne peut tant l'aymer comm'elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale.

  A005001330 

 Ell'est attiree puissamment, et elle se sent impuissante a voler ou est sa proye, par ce qu'ell'est encor attachee aux miseres de cette vie mortelle; la voyla donq terriblement tourmentee: O miserable homme que je suis,qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors ce n'est pas le desir de chose absente, car elle sent son Espoux present, il l' a menee en son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour, comme sur une ville pleyne de passions amoureuses.

  A005001330 

 Les [414] premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, par ce que le cœur qui sembloit sain et entier et tout a soy mesme tandis quil n'aymoit pas, il commence a recevoir du tourment, a se separer et diviser de soymesme pour se donner a l'objet aymé: or la douleur se fait par la division des choses qui se treuvent l'un'a l'autre et sont unies.

  A005001330 

 Quand nous aymons des-ja fort nostre object, si nous en sommes absens, l'amour alhors a un eguillon, a sçavoir, le desir qui nous pique et blesse incessamment; c'est pourquoy nous plaignons alhors et souspirons comme gens affligés et blessés.

  A005001332 

 Et le desir qui ne peut reuscir est comm'un dard dans les flancz d'un courage genereux; mays pourtant la douleur que l'on en reçoit est une douleur aggreable, car quicomque desire d'aymer, il ayme aussi a desirer, et s'estimeroit le plus miserable homme du monde sil ne desiroit pas d'aymer ce quil voyd estre si souverainement aymable: il desire d'aymer, voyla sa douleur; mays il ayme a desirer, voyla sa consolation..

  A005001333 

 Dieu, donq, comme tirant des sagettes du carquoys de son infinie beauté, blesse l'ame, luy faysant clairement voir qu'elle ne l'ayme pas asses; car qui ayme Dieu en ce monde en sorte quil ne voudroit et ne desire l'aymer davantage, il ne l'ayme pas comm'il faut.

  A005001333 

 Jamay celuy ne l'ayme asses, qui croid de l'aymer asses: la suffisance en l'amour n'est jamais suffisante.

  A005001333 

 Vray Dieu, Philothee, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont au Ciel n'ont pas tous un egal amour, et voyans tous neanmoins que Dieu est plus aymable qu'ilz ne l'ayment ni l'aymeront jamais, sans doute ilz periroyent et pasmeroyent eternellement d'un desir d'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu, quilz voyent avoir si misericordieusement et surabondamment recompensé leurs merites par l'amour (je parle des esleuz qui ont esté en usage de franc arbitre), ne leur imposoit l'admirable repos dont ilz jouissent; car ilz ayment si uniquement la volonté de Dieu, que le contentement de Dieu les contente et sa volonté arreste la leur, et acquiescent parfaitement d'estre bornés en leur amour pour l'amour de la volonté divine.

  A005001334 

 Voyes vous le pellican? Ainsy que, ramassant en un'histoire ce qui se dit de luy, on le peut recueillir, il blesse par amour ses petitz, car il fait son nid en terre, si que les serpens les viennent souvent piquer: or quand cela arrive, le pellican vient, et comme pour faire sortir le venin avec leur sang, il les tue de son propre bec; puis, se blessant soymesme, il les vivifie de son sang.

  A005001335 

 Helas! alhors l'ame, quoy qu'asseuree, ressent neanmoins des cruelles douleurs; car comme ceux qui ont des extremes aversions et répugnances a quelque chose n'en peuvent seulement pas [417] voir les ombres et les figures, non pas mesm'ouir les noms, aussi un'ame extremement amoureuse ne peut mesmement pas souffrir les semblans que Dieu fait de se desfier de nostre amour.

  A005001335 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedëe, et le malin esprit estant pressé de respondre quel estoit son nom, il dit quil estoit «ce malheureux privé d'amour.» S te Catherine de Genes, qui estoit la presente, se sentit esmouvoir toutes les entrailles entendant le mot de privation d'amour: et comme les demons voyans le seul signe de l'amour de Dieu, oyans le seul nom de son amour, qui est Jesus et la Croix, tremblent, sont tourmentés et fuyent, par ce quilz haissent souverainement l'amour qui fit incarner le Filz de Dieu, ainsy ceux qui aiment Dieu tremoussent aux moindres signes ou paroles qui representent la privation de cet amour, comme sont ces paroles de desfiance: M'aymes-tu? car encor que nous sachions qu'elles ne sont pas de desfiance, neanmoins, par ce qu'elles en ont l'apparence, elles nous affligent..

  A005001336 

 Quelque fois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir du tems que nous avons esté sans aymer Dieu, d'ou, ce semble, procedoit cette voix de S t Augustin: «O que tard je t'ay» reconneu, «Beauté antique!» Car la vie est plus ennuyeuse que la mort a ceux qui connoissent que la vie est sans vie tandis qu'on vit sans aymer la vraye vie..

  A005001337 

 D'autrefois cette blesseure se fait par la seule consideration de la multitude de ceux qui mesprisent l'amour de Dieu qui est tant aymable, si que ilz pasment de douleur, comme celuy qui disoyt: Mon zele me fait secher de douleur par ce que mes ennemis n'ont pas gardé ta loy.

  A005001338 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains rangés et serrés ensemble, et par sa couronne, represente naifvement, selon l'advis de s t Greg., la sainte charité, enflammee de l'amour de son Dieu, contenant toute la varieté des vertus, et qui est la seule vertu couronnee de la gloire; mays son suc, Philothee, comme nous sçavons, qui est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé de douceur et d'aigreur, qu'on ne sçauroit discerner sil est plus aggreable par ce quil a une douceur aigrette, ou par ce quil a un'aigreur doucette.

  A005001339 

 † Et ce qui est admirable c'est que les cœurs blessés de l'amour, non seulement sentent la douleur, mays y consentent, et ne voudroyent pour chose du monde ne l'avoir pas.

  A005001340 

 Les cors mesme de ceux qui sont blessés d'amour en demeurent malades, affoiblis et alangouris, comme l'on vid Ammon malade presqu'a mort pour l'amour de Tamar; et c'est chose asses conneüe que l'amour humain a la force non seulement de blesser le cœur, mais de rendre le cors malade jusques a la mort: ce qui se fait par la liayson que l'ame a avec le cors, [d'autant] que comme la passion et le temperament du cors a beaucoup de pouvoir de tirer l'ame a soy, aussi les passions de l'ame ont une grande force pour remuer les humeurs et changer les qualités du cors.

  A005001341 

 Qui les avoit reduit a cet estat si langoureux? L'amour, le grand amour pour lequel ilz avoyent tout quitté affin de suivre leur Bienaymé.

  A005001341 

 Voyes les [Apostres], deschaux, nuds, pauvres, indigens, parmi les ondes de la mer, sur la dure, mendians; et en somme tellement aneantis au monde, [que] si le monde est une mayson ilz en sembloyent les ballieures, sil est une pomme ilz en sembloyent les peleures; comme dit cet Apostre qui pour avoir plus souffert que nul autre le pouvoit aussi mieux dire.

  A005001342 

 Hé, ne prenes pas garde que suis brune, car mon Bienaymé, qui est mon soleil, a dardé ses rayons amoureux sur moy; rayons qui m'esclairent, mais qui me rendent haslee et bruslee, et ce mesme soleil qui me donne sa clarté m'oste ma couleur.

  A005001342 

 L'amour qui me rend si heureuse que de me donner un si excellent ami comm'est mon Salomon, a des autres enfans qui me donnent des assaux et me reduisent a telle langueur, que comme d'un costé je ressemble a une reyne qui est a costé de son roy, d'autre part je ressemble a une vigneronne qui dans une vile cabanne garde les vignes; et si encor ne gardé je pas ma vigne, car toutes mes douleurs amoureuses sont encor dediees a mon Bienaymé..

  A005001343 

 C'est chose admirable de voir les langueurs amoureuses de s te Catherine de Sienne et de Gennes, de s te Angele de Foligni, de la Bienheureuse Mere Therese; mays qui pourrait jamais exprimer les merveilles des effectz que l'amour celeste fit au cœur et au cors de s t François? Car sa vie n'est presque que de larmes, de souspirs, de plaintes amoureuses: et en fin vous voyes un Seraphin qui le stigmatise et le blesse par des rayons sortans des endroitz de l'ouverture du flanc, et des pertuis des mains et des pieds d'un'image de Jesus Christ crucifié quil portoit; de sorte que cinq playes demeurent imprimees en ce bienaymé serviteur, es mesmes endroitz esquelz son Maistre les avoit receues pour nous rachetter.

  A005001343 

 L'histoire dit que cet homme seraphique voyant l'image de son Seigneur crucifié entre les aisles du Seraphin qui la portoit, il s'attendrit infiniment.

  A005001345 

 C'est l'amour donq qui fit passer les douleurs interieures de ce grand amant en l'exterieur, et blessa le cors du mesme dard dont il avoit esté blessé.

  A005001345 

 Et a ce grand desir de conformité, a cet effort d'amour que l'ame de cet admirable amant faysoit pour se blesser soymesme et blesser son cors des playes du Sauveur, l'amour souverain et divin envoya le secours du Seraphin, qui cooperant aux essais et eslancemens que l'ame faysoit interieurement pour blesser son cors par son action exterieure, il ouvrit la chair de ce divin homme, la blessant es endroitz quil desiroit.

  A005001345 

 Ou bien, on sait que l'arbrisseau du baume a pour son fruit cette pretieuse liqueur qui est la plus odorante et excellente de toutes, mais ce fruit il ne le peut produire que le maistre ne vienne luy donner l'incision.

  A005001353 

 Ainsy Dieu se plaint: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cisternes dissipees qui ne peuvent contenir les eaux. Il nous veut donq tout pour soy, affin que nous vivions, et ne perissions point; qui est un vray amour d'amitié.

  A005001355 

 Imagines vous, Philothee, la comparayson quil y a entre ceux qui possedent la lumiere du soleil et ceux qui n'ont que la petite clarté d'une lampe.

  A005001356 

 C'est la jalouzie pour laquelle nous voudrions que toutes choses, mais sur tout nostre ame fut unie inseparablement a Dieu, qui faysoit dire: Ni la mort, ni l'angoisse, ni les choses presentes.

  A005001356 

 Le zele est une passion amoureuse que les Philosophes n'ont pas bien conneüe, car ilz ont creu que c'estoit une mesme chose avec l'envie; au moins Aristote le definit: «Une tristesse du bien d'autruy par ce que nous ne l'avons pas,» qui est, en effect, la vraye definition de l'envie.

  A005001356 

 Mays nos sacrés Theologiens ont bien veu que le zele [425] appartenoit a l'amour, ains n'est qu'un'ardeur de l'amour; car, quand l'amour est excellent et quil est parvenu jusques a vouloir oster et esloigner tout ce qui est contraire a la chose aymee, il s'appelle zele.

  A005001357 

 L'amour, donques, parvenu jusques a ce degré d'ardeur qui le fait hair, fuir, chasser, bannir et esloigner tout ce qui est contraire [a] la chose aymee, il s'appelle zele.

  A005001357 

 Le zele donq, a proprement parler, est l'ardeur de l'amour qui s'oppose a tout ce qui est contraire au bien que nous aymons.

  A005001357 

 Or, Dieu nous ayant donné pour resister au mal et le surmonter, et pour surmonter les difficultés quil y a en la conqueste du bien, l'esperance, la hardiesse et la cholere, quand l'amour est vehement et quil tend ardemment au bien de la chose aymee il espere puissamment, il est hardi et ose fortement, et employe pour l'execution de ce quil espere et quil ose, la cholere et l'ire, par le moyen delaquelle, sil ne peut empescher le mal, il fait au moins vangeance de ceux qui le font et qui en sont les causes.

  A005001358 

 Au contraire, voyes ce pere, qui, comme Job, va transissant de crainte que ses enfans, engagés es conversations du monde, n'offencent Dieu; voyes cette mere, qui n'oste point les yeux de dessus sa fille, de peur qu'elle ne s'egare et s'engage en quelque commerce deshonneste: c'est le zele qui les porte, mais zele qui provient du juste amour que les pere et mere ont pour leurs enfans, qui les fait desirer que tout vice soit esloigné d'eux.

  A005001358 

 Voyes ce courtisan: il ayme demesurement Ihonneur et la gloire de posseder son prince; sil void un autr'autour de luy qui entre en quelque sorte de credit, il se meurt de regret, il le hait, il ne le peut souffrir, il l'esloigne s'il peut, et ne laisse en arriere aucun'occasion de luy nuire: c'est un zele mauvais, qui procede d'un amour mauvais.

  A005001360 

 (Entant quil nous appartient; contre le zele qui non est secundum scientiam: les corrections indiscretes.).

  A005001360 

 De la, le zele devorant la s te poitrine de N. S r luy fit esloigner, et quant et quant vanger, l'irreverence et prophanation du Temple que les vendeurs et achetteurs y commettoyent; de la, le zele de Phinees qui d'un coup de poignard transperça cet effronté Israelite et sa Madianite quil avoit treuvé en l'infame Commerce de leur charnalité; Nu.

  A005001360 

 Par ce que nous l'aymons souverainement nous devons aussi hair tout ce qui luy est contraire, entant quil luy est contraire; et non seulement le hair, mais le fuir; et non seulement le fuir, mays l'empescher d'estre si nous pouvons; et non seulement l'empescher d'estre, mais si nous ne pouvons pas l'empescher, estre extremement marris quil soyt; et non seulement estre marris, mays avoir une s te affection d'ire pour vanger, entant quil nous appartient, la contrarieté faite a Dieu.

  A005001361 

 Quels tourmens, Philothee, quelz exces d'amour ont eu les serviteurs de Dieu pour les ames! Qui est infirme que je ne le sois? qui est scandalisé que je n'en brusle? Ce zele ou jalousie des ames est representé, ainsy que nos peres ont dit, par la continuelle peyne que la poule a pour ses poussins.

  A005001361 

 effect du zele que nous avons pour Dieu, c'est un'ardeur que nous avons pour la pureté des ames qui sont ses espouses, comme le grand s t Paul disoit aux Cor. 2. c. II. initio: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a un homme, de vous representer une vierge chaste a Jesuschrist; vide s t Th.

  A005001362 

 C'est pourquoy elle s'escrie: Hé Dieu, qu'y a il au ciel pour moy et que desire-je autre que vous sur la terre? [428] Dieu de mon cœur et mon heritage! C'est pourquoy on quitte tout, et sachant que S t Paul a dit que les mariés ont leur cœur partagé par ce quilz doivent plaire a leurs parties, on se resoult a la chasteté sainte, on estime toutes choses comm'un fumier affin de gaigner nostre Seigneur, on quitte tout ce qui peut mettre division en nostre cœur: les honneurs, les richesses, les playsirs..

  A005001363 

 C'est une tressainte reverence que l'amour produit, qui nous fait souverainement desirer d'estr'agreables a Dieu et ne permettre que nous perdions aucun'occasion de luy estre tous-jours plus aggreables.

  A005001363 

 Mays en quoy consiste cette crainte? La jalousie que nous avons pour Dieu ne nous met point en peyne si Dieu en ayme des autres ou sil ne nous ayme pas bien, mais si nous ne l'aymons pas bien nous mesme, si nous avons chose qui luy puisse desplaire.

  A005001363 

 effect c'est une sainte crainte des chastes espouses, la crainte parfaite, la crainte amoureuse, crainte delaquelle parle le Psalmiste disant: La crainte de Dieu est sainte; qui persevere, dure et demeure au siecle des siecles.

  A005001364 

 C'est pourquoy, l'amour d'estr'aymé estant fort grand et estant arrivé jusques au zele, il veut repousser tout ce qui est contraire au bien quil ayme: or, le bien qu'il ayme estant d'estre aymé, il veut repousser tout ce qui l'empesche d'estre pleynement aymé; or, entre les choses qui l'empeschent d'estr'aymé parfaitement, l'un'est d'avoir des compaignons et rivaux; c'est pourquoy, sil s'apperçoit d'en avoir, il entre en la passion de la jalousie..

  A005001364 

 La difference quil y a entre la jalousie et le zele, comme il y en a entre l'amour et l'amitié; car le zele est un exces d'amour qui arrive jusques a ce signe, de vouloir esloigner, etc. La jalousie est un exces [d']amour qui veut esloigner tout ce qui nous empesche de posseder le bien de l'amitié: c'est pourquoy le zele est general, et la jalouzie un'espece particuliere de zele.

  A005001364 

 Quand nous aymons ardemment les choses corporelles, le zele qui s'en ensuit se termine pour l'ordinaire en envie, par ce que les choses corporelles et exterieures, comme la beauté, la gloire, les richesses, les honneurs, les rangs, sont si particulieres et bornees, finies et imparfaites, que [429] quand l'un les possede il empesche lautre de les posseder si pleynement, et estant communiquees a plusieurs la communication en est moins parfaite pour un chascun.

  A005001366 

 Qui vid jamais une plus aspre vengeance que celle dont les enfans de Jacob userent contre Sichem pour le violement de Dina, de l'integrité delaquelle ilz avoyent rayson d'estre jaloux, puisqu'elle estoit leur seur? Certes, lhors que Dieu s'est pleynement donné a un'ame par amour, il en est infiniment jaloux, et chastie asprement les infidelités qu'elle commet.

  A005001366 

 Voyes vous, Philothee, Sullamite avoit le cœur tout plein de l'amour de son unique Bienaymé, qui est l' affluence des delices; or, affin que jamais cette divine affection n'en sorte et qu'onques aucun autre amour n'y entre, ains qu'il demeure pur et net de tout autre meslange, ce celeste Bienaymé l'advertit disant: Je suis dedans ton cœur et sur ton cœur, car j'en suis l'habitateur et le maistre; je suis emmi ton cœur comme le cœur de ton cœur; mais je veux encor estre sur ton cœur comme le chef de ton cœur, affin que rien n'y entre que ce que j'y mettray, et que seul je le possede parfaitement.

  A005001367 

 Un jour S te Catherine de Siene estant ravie d'un ravissement qui ne luy ostoit pas l'usage des sens, tandis que Dieu luy monstroit ses merveilles, un sien frere passa pres d'elle, et par le bruit quil fit la provoqua a se retourner devers luy et le regarder un seul petit moment, apres lequel elle remit ses yeux sur le divin objet dont sort Espoux l'avoit gratifiee.

  A005001368 

 Celle la n'est point jalouse par ce qu'elle n'est point amoureuse, celle ci est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse; mais elle n'est pas jalouse de sa propre jalousie, ell'est jalouse de la jalousie de son espoux: elle ne craint pas de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses, qui est la jalousie qui regarde son interest; mais elle craint de n'aymer pas asses, qui est la jalousie qui regarde l'interest de son espoux.

  A005001368 

 L'ame, donq, qui a du zele amoureux, ne peut souffrir en soy aucun'imperfection qu'elle croye estre desagreable a son Bienaymé.

  A005001370 

 Un certain moyne nommé Demophile, voyant ce pœnitent s'approcher trop pres, a son advis, du s t autel, entra en un zele si ardent, quil se rua sur luy et le chassa a grands coups de pieds, injuriant et outrageant cruellement le prestre qui selon son devoir recevoit doucement et amiablement ce pauvre pœnitent; puis, courant a l'autel, en osta les choses tressaintes qui y estoyent, c'est a dire le divin Sacrement de l'Eucharistie, et les emporta, de peur, comm'il cuydoit, que par rapprochement du pecheur le lieu n'eut esté prophané.

  A005001371 

 Et pour conclusion, le doux Jesus dit au courroucé Carpus: «Frappe desormais sur moy, car je suis prest de patir encor une fois pour sauver ces hommes, et cela [435] me seroit aggreable sil se pouvoit faire sans le peché des autres hommes; au surplus, advise ce qui te seroit meilleur, ou d'estre en ce gouffre avec les serpens, ou de demeurer avec les Anges qui sont si grans amis des hommes.».

  A005001371 

 Il vid premierement, comme un autre s t Estienne, le ciel ouvert, et Jesus Christ nostre Seigneur sur [un throsne en] iceluy, environné d'une multitude d'Anges qui luy assistoyent en forme humaine; puys il vid en bas la terre ouverte comm'un horrible et vaste gouffre, et les deux desvoyés auxquelz il avoit souhaité tant de mal, sur le bord de ce precipice, tremblans et presque pasmés d'effroy a cause quilz estoyent prestz a tumber dedans; attirés par une quantité de serpens qui sortoyent de l'abisme, s'entortilloyent a leurs jambes, et avec leurs queues les chatouilloyent et provoquoyent a la cheute, outre certains hommes qui aussi, de leur costé, les poussoyent et frappoyent pour les faire tumber: si quilz sembloyent estre sur le point de tumber, en partie malgré eux, estans peu a peu contraintz par force, et en partie de leur bon gré, volontairement induitz et attirés par le mal.

  A005001371 

 Or consideres, je vous prie, ma chere Philothee, la violence de l'indignation de Carpus; car il racontoit luymesme a s t Denis quil ne tenoit compte de contempler N. S. et les Anges qui se monstroyent au Ciel, tant [il] prenoit playsir a voir en bas la detresse effroyable de ces deux miserables, se faschant seulement de ce quilz tardoyent tant a perir: si que il s'essayoyt de les precipiter luy mesme, ce que ne pouvant si tost faire, il s'en despitoit et les maudissoit.

  A005001371 

 Quand, en fin, levant ses yeux au ciel, il vid Nostre Seigneur qui, par un'extreme pitié et compassion de ce qui se passoit, se levant de son throne, descendant jusques au lieu ou estoyent ces pauvres miserables, il leur tendoit sa main secourable, comm'encor les Anges, qui d'un costé qui d'autre, les retenoyent pour les empescher de tomber.

  A005001374 

 C'est un acte de desespoir de mettre dedans une citadelle un secours estranger qui se peut aysement rendre le plus fort.

  A005001374 

 La cholere est un secours de la rayson et du zele pour l'assister en l'execution de ses desseins, mais secours dangereux et peu desirable: car si elle vient forte elle se rend maistresse, et viole toutes les loix du zele et de la rayson; et si elle vient foible, elle ne fait rien que le seul zele ne fit sans elle, et tous-jours elle donne de la peine parce qu'on a juste sujet de craindre qu'elle ne croisse et s'empare du cœur et du zele, pour l'assujettir a sa tyrannie, car c'est un feu artificiel qui embrase en un moment et qu'on ne sçait comm'esteindre quand il est allumé.

  A005001375 

 Les chiens sages et bien appris tirent pais et retournent sur eux mesme selon que le piqueur leur parle, mais les apprentis et jeunes chiens s'esgarent et sont desobeissans: les grans personnages, qui ont rendu sages leurs passions a force de l'exercice des vertus, les peuvent employer selon qu'ilz veulent; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes et apprentisses, nous ne les pouvons employer qu'avec peril..

  A005001375 

 Mays consideres, Philothee, que c'estoyent des grans personnages, qui sçavoyent manier leur cholere et qui avoyent plein pouvoir sur leurs passions; pareilz a ce digne cappitaine evangelique qui disoyt a ses soldatz: Ailes, et ilz alloyent; venes, et ilz venoyent.

  A005001375 

 Mays nous autres, qui sommes presque tous des petites gens, nous n'avons pas tant d'authorité; nostre cheval n'est pas si bien dressé que nous le puissions pousser et faire parer quand il nous plait.

  A005001376 

 Ces zeles estoyent inspirés du Ciel immediatement, et par consequent estoyent privilegiés, pouvans employer la cholere sans peril; car le S t Esprit qui les animoit a ces exploitz tenoit aussi les renes de leur juste courroux, affin quil ne passast les limites quil leur avoit prefigé..

  A005001379 

 Mays l'amour propre nous trompe souvent, et prætent le zele pour exercer ses passions sous un honnorable praetexte; et parce que le zele se sert quelquefois de la cholere, la cholere en contre-change se sert souvent du nom de zele pour s'excuser et couvrir son ignominie: car de se servir du zele mesme, en verité, cela ne se peut; dautant que c'est le propre de toutes les vertus, mais surtout de la charité, d'estre «si bonnes que nul ne peut en abuser.» Et y a des personnes qui ne pensent pas y avoir autre sorte de zele que la cholere, ni autre instrument du zele que l'ire, et qui ne pensent rien accommoder s'ilz ne gastent tout; ou, au contraire, le vray zele n'employe la cholere que fort rarement et es extremes maux, car comm'on n'applique le feu et le fer aux malades que rarement et quand on ne peut moins faire, aussi le zele n'employe la cholere qu'es extremités..

  A005001380 

 C'est un instrument qui est grandement dangereux, peu de gens s'en sçavent bien servir; il n'appartient qu'aux grans Saintz, desquelz Dieu tient la main par une tres speciale providence.

  A005001380 

 Le zele requiert que celuy qui repousse l'injure faite a Dieu ayt charge de ce faire; la cholere pousse souvent ceux qui ne doivent pas sinon compatir, pleurer, demander a Dieu le remede.

  A005001380 

 Math., «le zele qui refuse le pardon c'est une fureur plustost qu'un zele:» ainsy Lamech tua Cain, pensant que ce fut une beste; Simon le lepreux blasme Magdeleyne comme pecheresse, qui estoit des-ja sainte.

  A005001381 

 NOTA. Fortis ut mors dilectio, dura sicut infernus œmulatio; la mort separe l'ame du cors, et l'enfer separe l'ame de nostre Seig r et de son Paradis (non pas de sa grace, car c'est le peché qui en separe, auquel l'amour n'est pas comparé): [439] ainsy s t Paul, ainsy Moyse, anathema a Christo ut Christus anathema a Pâtre, propter amorem.

  A005001381 

 Nam quo sensu Christus factus est pro nobis peccatum, aut peccatarium, aut maledictum, eodem Paulus vult fieri anathema; quandoquidem anathema etiam sacrificium significat, et qui occidebantur, tanquam damnati, dicebantur anathema; Hier., epist. ad Algasiam, q. 9.

  A005001381 

 O incredibilem animi prœstantiam et spiritus fervorem! Christum, qui nostra causa maledictum factus est, qui infirmitates nostras suscepit et morbos portavit, imitatur; aut, ut parcius dicam, primus ipse post Christum aliquid eorum causa perpeti, et quasi impius, non recusat modo ipsi salutem consequantur.» Quibus verbis indicat genuinum sensum loci Apostoli, quidquid Card. Tolet.

  A005001382 

 C., que luy disoyent ses Disciples qui n'avoyent pas encor participé de ce bon, doux et benin esprit.» Voyes vous, Philothee, Phinees voyant un Israelite se souiller de luxure avec une Moabite il les tua tous deux; Helie avoit prædit la mort d'Ochozias, lequel, indigné de cette prædiction, envoya deux cappitaines de cinquante hommes l'un apres lautre pour le prendre, et il fit descendre le feu du ciel qui les devora, et tous leurs compaignons.

  A005001382 

 Et le grand s t Denis dit excellemment a Demophile, que celuy qui veut corriger les autres doit premierement «avoir soin d'empescher que lacholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte et sedition et confusion dans nous mesme.» Et apres, il dit au mesme: «De façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussées d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie; car telles paroles ne pleurent pas a Jes.

  A005001383 

 C'est cela, Philothee, que S t Denis veut representer a Demophile qui alleguoyt l'exemple de Phinees et d'Helie; car S t Jean et S t Jaques, qui vouloyent imiter Helie, furent repris par N. S., qui leur fit entendre que son esprit et son zele estoit un esprit et un zele doux, debonaire et benin, et qui n'employoit la vengeance et cholere que tres rarement, et lhors qu'il n'y avoit plus esperance de pouvoir prouffiter autrement.

  A005001383 

 Cela n'appartient qu'aux perfaitz, qui ont en main les resnes de leurs passions pour les faire avancer a propos et retirer quand il est tems..

  A005001384 

 En fin, la discretion qui accompaigne le vray zele luy fait non seulement discerner que c'est quil doit entreprendre, mays comment il le doit entreprendre; elle ne fait pas seulement choysir un juste sujet, mays des moyens convenables pour empescher le mal et conserver le bien..

  A005001384 

 Le B. Ignace Loyole se jette en hiver dans un estang, pour attendre un pecheur, affin de le destourner de l'iniquiquil alloit perpetrer: c'est un zele excellent qui le pousse a souffrir.

  A005001384 

 in Psal. 118: Beatus qui novit zeli disciplinam.

  A005001386 

 C'est chose estrange de la jalouzie des chameaux, qui lhors de leurs amours, non seulement s'irritent de sentir approcher les animaux de leurs especes, mais mesme se rendent furieux contre tout'autre espece d'animaux et contre les hommes silz les apperçoivent venir pres d'eux.

  A005001386 

 La parfaite jalouzie de l'ame, non seulement ne veut souffrir les approches des affections qui sont contraires au s t amour, mais rejette tout ce qui peut ombrager et donner de la distraction, bref, qui peut estre entre Dieu et elle.

  A005001389 

 Ainsy ce mesme amour entrant dedans un'ame pour la faire heureusement mourir au peché et resusciter a la grace, il la fait despouiller, par le mespris du monde, de toutes sortes d'affections qu'elle portoit aux choses du monde; puis elle luy fait quitter la peau mesme, c'est a dire l'estime et l'amour d'elle mesme; et en fin il la desnue mesme de la vie, de l'affection aux vertus, aux exercices spirituelz, aux consolations interieures, qui sembloyent estre la vie de l'ame: et par ainsy il luy donne la mort, la separant de tout ce qu'ell'avoit, ains de tout ce qu'ell'estoit.

  A005001389 

 Et de cette jalouzie provient la tressainte nudité du cœur et le parfait despouillement de l'amour pur, car la jalouzie est comme la mort qui nous despouille de tout, c'est a dire l'ame de son cors et de tout; et comme l'ame despouillee de son cors ne le reprend jamais que Dieu ne le luy rende par la resurrection, ainsy l'ame despouillee de toutes affections par le saint amour ne les reprend jamais que Dieu ne le luy ordonne.

  A005001391 

 Imagines vous un enfant autant obeissant qu'Isaac, qui se seroit revestu pour le froid, qu'un pere luy dit: despouilles vous tout nud; il osteroit sans doute tous ses habitz l'un apres lautre, et jamais ne demanderoit de se revestir.

  A005001392 

 Ilz quitterent leurs femmes, ceux qui en avoyent; despuis, s'ilz les reprirent, ce fut avec changement d'affection, car en lieu quilz les avoyent precedemment par affection nuptiale, ilz les eurent par affection de frere a seur, dit S t Paul: N'avons nous pas ce pouvoir, mulierem sororem circumducendi?.

  A005001398 

 ...qui a descouvert une beauté nouvelle par la contemplation, ne se contente pas de l'admirer, mais va de plus en plus enfonçant sa consideration sur son objet pour treuver davantage de merveilles.

  A005001398 

 Cependant, cette admiration tenant l'ame hors de soymesme, attentive aux choses celestes, elle la met en extase et en ravissement: et souvent il arrive que la volonté estant touchee de l'amour et de la delectation sacree qui en provient, l'entendement entre en admiration de voir cette douceur; et reciproquement il advient maintefois que l'entendement estant en admiration pour quelque nouvelle veue et connoissance des beautés celestes, la volonté entre en amour de sentir le contentement et assovissement de l'entendement; et qu'ainsy ces deux facultés s'entreprestent l'un'a lautre et se communiquent mutuellement leur ravissement: le regard de la beauté nous fait aymer, et l'amour pareillement nous fait regarder.

  A005001398 

 Et comme ceux qui s'arrestent en la pleyne lumiere du soleil, pour le playsir quilz ont a voir plus clairement les choses, tantost apres ilz sentent la chaleur, et ceux qui y sont pour recevoir la chaleur ne peuvent tenir les yeux si biens fermés quilz n'en voyent la lueur, ainsy ceux qui sont ravis en la contemplation des misteres en passent pour l'ordinaire aysement au ravissement de l'amour, et ceux qui sont en l'extase d'amour se treuvent pour l'ordinaire saysis de l'extase de l'admiration.

  A005001399 

 Et tous-jours vous sçaurés que l'extase de l'amour est la meilleure, car lautre ne nous fait pas meilleurs si ell'est seule, le s t Apostre disant: Si je connoissois tous les misteres et toute science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien. C'est pourquoy le malin esprit peut extasier, pour parler ainsy, et ravir l'entendement, representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent suspens, et par le moyen de telles illusions il peut provoquer la volonté a certaine [446] sorte d'amour imparfait, tendre et fort aggreable a la nature; comm'en effect il a souvent abusé plusieurs personnes par de telles amorces et faulses extases..

  A005001400 

 Certes, s t Aug in recite d'un certain prestre nommé Restitutus, qui se mettoit en extase tous-jours quand il vouloit, chantant ou faysant chanter quelqu'air lamentable, lugubre ou piteux, et ce pour seulement contenter la curiosité de ceux qui vouloyent voir tel spectacle.

  A005001401 

 Je ne dis pas quil ne se puisse faire qu'on ayt des ravissemens, des visions, voire qu'on puisse avoir l'esprit de prophetie sans avoir la charité; car c'est chose certaine que comm'on peut avoir la charité sans estre ravi, aussi on peut estre ravi, avoir des visions et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui a plus de clarté en l'entendement, par le ravissement, que de chaleur en la volonté pour aymer Dieu, il doit estre en grand peyne [447] et souci, ou que son ravissement ne soit naturel, ou quil soit procuré par le malin, ou quil n'en devienne plus enflé qu'edifié, et quil ne soit, comme Saul, Balaam et Caiphe, entre les prophetes, et non entre les esleuz..

  A005001402 

 La 2 e marque des vrayes extases de l'ame est une troysiesme extase, qui [est] l'extase toute desirable, toute aymable et qui couronne les deux autres; qui est l'extase de la vie.

  A005001402 

 Mays, outre les commandemens, il y a des conseilz et des inspirations evangeliques, qui nous eslevent a une vie qui, a la verité, n'est pas contraire, mais qui excede et surpasse toute l'inclination naturelle: et lhors que nous prattiquons ces conseilz et inspirations nous faysons une vie surhumaine, c'est a dire une vie qui est hors et au dessus de nostre condition naturelle..

  A005001404 

 C'est pourquoy icy nous n'aymons rien que pour le Ciel et Jesus Christ; et quand Jesus Christ qui est nostre vie, c'est a dire nostr'amour, apparoistra au jour du jugement, alhors nous apparoistrons avec luy en gloire; c'est a dire, nostr'amour nous glorifiera et monstrera sa felicité et splendeur.

  A005001404 

 Il colloque en Dieu toutes ses consolations, tous ses playsirs, toutes ses richesses, tous ses honneurs, et cependant les couvre, affin qu'on ne les voye pas, d'humilité, d'abjection; si que, avec Jesus Christ, il couvre (comme Jesus Christ qui cacha sa Divinité) sa gloire, sa felicité sous l'ignominie de la croix: ainsy nous cachons nostre vie, c'est a dire nostre esperance, nostre consolation, la grace abondante, sous la croix.

  A005001404 

 Item, tout cela est en Dieu; nos pensees, nostr'amour, qui est la vie de nostr'ame, car c'est le poids ( Amor meus, pondus meum ), c'est le principe de tout mouvement affectif, il est caché en Dieu au Ciel avec Jesus Christ.

  A005001404 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit luy mesme sa vie, a la faveur, neanmoins, des rayons du soleil, pour en recevoir une plus belle et plus vigoureuse; les bigatz et vers de soye changent de vie, et de vers deviennent papillons; comme font aussi les abeilles, qui naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, puis enfin deviennent mousches.

  A005001405 

 Et comme l'on connoist la vie des animaux par leur mouvement, et les animaux qui sont sans vie sont sans mouvement naturel, en sorte que la vie semble consister au mouvement, dont les choses mortes n'ont nul mouvement, aussi un cœur sans amour n'a point de mouvement moral, et on connoit la vie morale du cœur par ses mouvemens affectifs: en sorte quil semble la vie estre le principe de tous les mouvemens naturelz et animaux, comme l'amour, vie morale, est le principe de tous les mouvemens moraux; et comme en l'ame gist la vie naturelle de l'homme, aussi en l'amour gist la vie morale..

  A005001406 

 C., nous avons caché nostre vie morale en luy: quand il se manifestera aussi, luy qui estant nostre amour est nostre vie, nous serons aussi manifestés en cette gloire de nostr'amour et de nostre vie.

  A005001406 

 S t Ignace disoit: Amor meus crucifixus est; c'est a dire: Jesuschrist estant crucifié, j'ay crucifié avec luy mon amour, et par consequent toutes mes affections sont crucifiees avec luy qui est ma vie et mon amour; j'ay crucifié ma chair et tout son amour, avec toutes les passions et convoytises qui en dependent; mon amour naturel est crucifié, attaché a la Croix de mon Sauveur, ou je l'ay fait mourir par ce que c'estoit un amour mortel et une vie mortelle: et comme N. S. fut crucifié et mourut selon sa vie mortelle pour resusciter selon l'immortelle, aussi je suis mort avec luy sur la croix a ma vie morale mortelle de mon ame, et suis resuscité a la vie morale immortelle..

  A005001407 

 Bienheureux sont ceux qui vivent une vie surnaturelle, extatique et eslevee de la terre, quoy qu'ilz ne soyent point ravis ni en extase en l'orayson.

  A005001407 

 Plusieurs Saintz sont au Ciel, qui ne furent jamais en l'extase de la contemplation, mais il n'y en a point qui, ou peu ou prou, n'ayt esté en extase de vie et d'action..

  A005001407 

 Quand donques vous voyes un homme qui a des extases et est hors et dessus soy en l'orayson, et neanmoins il ne l'est pas en sa vie, il vit selon le sens, selon le monde, et n'a point d'exces de pieté, de mortification, de conversation en sa vie: quil ayt tant d'exces quil voudra en l'orayson, telz ravissemens sont grandement perilleux et douteux; ce sont ravissemens qui le peuvent rendre plus admirable, mais non pas plus saint.

  A005001408 

 Car manifestement, le grand Apostre represente deux hommes en chacun de nous, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme celle d'une viell'aigle, ou d'un cerf qui mue et quitte sa teste dans son buisson; et lautre, une vie nouvelle, de l' homme nouveau..

  A005001409 

 En la premiere vie le viel homme vit au peché et fait une vie toute mortelle, ains qui est la mort mesme; en la seconde vie il vit a Dieu, et cette vie est la vraye vie vitale et une vie vive.

  A005001409 

 Et pour parvenir a cette seconde vie, il faut quil passe par la mort de la premiere, mourant a la vielle vie et au peché, ce qui se fait crucifiant sa chair avec tous ses vices et ses concupiscences, et l'ensevelissant dans le s t Baptesme ou dedans la sainte Pœnitence: comme l'aigle, qui se plonge et fourre dans la mer pour y laisser ses vielles plumes, et sortant de la toute nue, comme renaissante, comme quand elle fut esclose de sa coque, elle recommence une nouvelle vie et prend des nouvelles plumes; comme Naaman, qui prit une nouvelle vie dedans les eaux du Jordain, et on pouvoit dire de luy quil estoit un autr'homme, qui estoit mort a la ladrerie et vivoit a la netteté et santé..

  A005001411 

 Cor. 5, cet admirable amant de Dieu fait un argument admirable, et le plus pressant qui fut jamais fait, ce me semble, pour nous porter a cett'extase de vie delaquelle nous [451] parlons.

  A005001411 

 Ouy, car la mort de Celuy qui est mort pour tous est estimee estre la mort de tous, elle doit estre imputee a un chacun de ceux pour qui Celluy la est mort; car sil est mort pour nous, nous sommes tous morts en sa personne, la mort quil a soufferte estant une mort qui estoit deüe a tous.

  A005001412 

 C. est mort pour nous, nostre vie nous est donnee par sa mort, nous ne vivons que par ce quil est mort, nous luy devons donques toute nostre vie: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui est mort pour nous; nostre vie ne doit plus estre qu'en luy, a luy et pour luy, puisqu'il est mort en nous, pour nous et a nous..

  A005001412 

 Que s'ensuit il de la? Il s'ensuit donques, exclame de tout cœur l'Apostre, que ceux qui vivent, ne vivent plus desormais a eux mesme, mais a Celuy qui est mort pour eux.

  A005001413 

 Et comm'il commençoit a brusler, l'aigle survint, qui voyant cela, se jetta dans le mesme feu, bruslant et mourant courageusement avec sa pauvre chere maistresse..

  A005001414 

 Que reste-il, sinon que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesme, que nous rapportions toutes nos proyes, toutes nos œuvres, toutes nos intentions et actions a ce sauverain Seigneur, et que nous consacrions a son amour tous les momens de nostre vie; et que le considerans sur la croix comme sur son bucher d'honneur, ou il brusle d'amour et meurt d'un amour douloureux plus que la mort mesme, ou d'une mort plus amoureuse que l'amour, nous nous jettions sur luy en la croix, nous nous crucifions sur luy, et mourions courageusement pour l'amour de Celuy qui, pour l'amour de nous, a bien voulu mourir..

  A005001419 

 Car il ne met division entre l'esprit et l'ame, entre l'ame et le cors que pour monstrer a chascun son rang et son office, affin que l'ame soit sujette a l'esprit, et la chair a l'ame, et l'esprit a Dieu; comme font les maistres de camp ou mareschaux, qui divisent l'armee en plusieurs bataillons, non pour les separer, ains pour les mieux ranger, et unir a un mesme effect et a mesme dessein, de sorte que la distinction sert a l'union.

  A005001419 

 L'amour, qui est aussi fort que la mort, nous divise d'avec le monde, d'avec tout ce qui est au monde, et passe jusques a faire la division entre l'ame et l'esprit, et [453] par maniere [de dire,] nous divise nous mesme de nous mesme, c'est a dire, nostr'homme interieur d'avec l'exterieur.

  A005001419 

 Mays pourtant l'amour qui fait tant de divisions, ne separe pas ordinairement l'ame d'avec son cors, ains permet que l'ame et le cors demeurent jointz et liés ensemble, se contentant de rendre le cors spirituel et l'ame spirituelle.

  A005001420 

 Tous les esleuz meurent en l'amour de Dieu; car l'amour de Dieu et la grace n'estant non plus differens que le feu entant quil est lumineux et beau, et le feu entant quil est chaud et ardent, qui ne meurt en l'amour de Dieu ne meurt pas en la grace de Dieu, et qui meurt hors de la grace de Dièu il n'est pas esleu, car ceux la seulz sont esleuz desquelz Dieu praevoit quilz mourront en sa grace.

  A005001422 

 O Dieu, que c'est une mort heureuse que de mourir par l'amour! [Heureux] celuy auquel l'amour cause ainsy la mort! Quelle douce sajette qui nous fait tant perdre de sang qu'en fin nous en mourons!.

  A005001423 

 Ce qui se fait par maniere de ravissement, lhors que l'ame attiree par son object amoureux, affin de se joindre de plus pres, ne pouvant tirer apres soy le cors, elle s'eslance de son costé et l'object la ravit du sien, en telle sorte qu'elle le quitte; et pour s'unir a son Bienaymé elle quitte sa bienaymee chair, l'amour attirant et tirant aussi durement et fortement l'ame que l'enfer pour la faire tenir separee du cors.

  A005001423 

 Or ce grand espurement se fait par les actes [de] l'amour unitif dont nous avons discouru en ce Livre, par lesquelz le saint amour affoibli les forces de la chair, qui veut retenir l'esprit, comme la femme de Puthiphar, Joseph, par son manteau, par l'amour de soymesme.

  A005001423 

 Ou bien, comme le feu dans le boys separe les parties ignees et aeriennes, les evaporant en fumee, et laisse la les matieres terrestres et grossieres; ou comme la force du feu separe dans l'allambiq l'eau naphe du cors des fleurs, ainsy l'amour, quand il est enflammé, separe l'ame du cors: ce qui est le plus violent effect que l'amour face en un'ame, et faut que l'ame qui est ainsy tiree hors du cors soit grandement deschargee de toutes sortes d'affections pesantes, terrestres et corporelles, et qu'elle ne tienne plus a rien du monde.

  A005001424 

 Et c'est un jugement temeraire et un esprit populaire qui juge de la varieté des genres de mort la varieté des evenemens apres la mort: si l'homme est craignant Dieu, toutes mortz luy sont bonnes.

  A005001424 

 Les uns meurent en la s te charité, qui est l'amour habituel, en l'habitude de l'amour, ayans l'amour dedans le cœur, mais non pas en l'action de l'amour; et de cette mort meurent ordinairement les esleuz.

  A005001424 

 Or il arrive maintefois que les gens de bien et les esleuz meurent de mort soudaine, et lhors qu'en effect ilz ne pensoyent pas a Dieu, comme font ceux qui meurent apoplectiques ou letargiques, ou qui meurent de mal de chaud, en resverie et frenesie: car bien que les saintz et esleuz ne meurent jamais de mort improuveue, par ce que toute leur vie n'est presque qu'une meditation de la mort, si est [ce] quilz meurent bien de certains genres de mort esquelz ilz n'ont pas l'usage de rayson, ni par consequent l'usage [456] de la charité et de l'amour.

  A005001424 

 Si des foibles espritz eussent veu tumber le feu du ciel et tuer le grand S t Symeon Stilite ilz eussent esté grandement scandalisés, comme furent, au siecle passé, quelques religieux du monastere dans lequel le vertueux et tres pieux Jean Thaulere mourut, ayans veu les horribles gestes et convulsions dont il fut agité pendant quil agonizoit et tendoit au trespas; dont ilz furent par apres desabusés par le recit d'une vision qui leur fut fait, par laquelle il apparoissoit de sa felicité, quoy que la bonté et pureté de sa vie passee les en deut asses asseurer..

  A005001425 

 Certes, encor faut nommer ce grand bienheureux homme, le venerable Bede, qui ayant sceu l'heure de sa mort, alla a Vespres le jour de l'Ascension, et estant en son siege debout, appuyé sur les accoudoirs, sans aucune maladie, finissant Vespres il finit sa vie perissable, pour commencer celle en laquelle tout est mattin et n'y a plus de Vespres; Marullus.

  A005001425 

 Le grand S t Thomas d'Acquin mourut exhortant ceux qui estoyent autour de luy, et sur le fin passage de sa mort il jetta les yeux au ciel, joignant les mains et, comme dit Sixte le Siennois, prononçant avec une grande ferveur et haussant fortement la voix, par maniere d'orayson jaculatoire, ces paroles du Cantique des Cantiques, qui estoyent les dernieres quil avoit exposees: Veni, dilecte mi, egrediamur in agrum, il eslança son esprit.

  A005001425 

 Quelques uns des Saintz et esleus meurent non seulement en la charité et amour de Dieu, mais en l'exercice et en l'action de la charité et saint amour; et cela arrive a presque tous ceux qui pendant leur vie ont esté fort ardens en l'exercice de l'amour divin.

  A005001425 

 Qui recite aussi une pareille fin du s t Hommebon, Cremonnois, qui mourut oyant Messe, planté sur ses genoux, si doucement que personne ne s'en apperceut, jusques a ce qu'a la fin on vit quil ne se levoit point pour l'Evangile, contre sa coustume, et en le regardant on vid quil estoit trespassé emmi le Sacrifice de l'amour divin, en la posture de l'amour..

  A005001425 

 S t Hierosme mourut exhortant ses chers enfans spirituelz d'aymer Dieu, le prochain et la vertu; S t Ambroyse, devisant doucement avec son Sauveur qui l'estoit venu visiter un peu avant son trespas, ainsy que S t Bassian, Ev.

  A005001425 

 Telle fut la mort de S t Aug in, [qui] mourut en l'exercice de la sainte contrition, lisant les Pseaumes pœnitentielz et pleurant amerement ses pechés; mais la contrition, principalement es hommes parfaitz, est toute fondee, meslee et unie a l'amour de Dieu.

  A005001426 

 S t Jean l'Evangeliste, entrant dedans sa propre sepulture sans avoir aucun sentiment de maladie, et avec ces paroles: Mon Seig r J. C., soyes avec moy, et prenant doucement et amoureusement congé de ceux qui l'avoyent accompaigné, par ces paroles: La paix soit avec vous, mes freres, et se couchant sur son manteau comme pour faire un delicieux sommeil, environné d'une grande lumiere; ou soit quil mourut reellement, ou soit quil mourut de la mort mistique, ou soit que son ame fut separee du cors, ou que tout entier il fut separé du commerce commun des hommes et que son ame ravie et absorbee laissast pour un tems son cors comme mort, si est ce pourtant quil passa en l'amour et d'amour.

  A005001426 

 S t Paul, premier hermite, mourut a genoux, la teste droite et les mains levees: qui peut croire quil mourut sinon d'amour, ou pour le moins en l'amour? Le grand s t Jean Chrisostome ayant eu revelation de son trespas et de son salut tout ensemble, par s t Basilisque, evesq. et martyr, donnant tout ce quil avoit de reste aux pauvres et mourant apres avoir receu le S t Sacrement, il ne peut mourir qu'en l'amour de Dieu.

  A005001427 

 Qui ne void que non seulement il mourut en amour, mais par l'amour et d'amour? mais il mourut encor pour l'amour, car il desira les souffrances de l'amour, pour l'amour quil portoit a son Seig r..

  A005001428 

 Quant a S te Magdeleyne, elle mourut d'amour, car ayant l'espace de trente ans demeuré en la S te Baume ou grotte que l'on void en Provence, ravie tous les jours sept fois par les Anges, qui l'eslevoyent en l'air pour oüir leur celeste musique, en fin un jour de Dimanche elle vint en un'eglise, en laquelle son cher s t Maximin, Evesque, la treuvant en orayson, eslevee en l'air, les bras estendus en haut, les yeux pleins de larmes, il la communia; et bien tost apres elle rendit l'esprit.

  A005001429 

 Dieu luy recommanda son Filz pour le sauver des mains d'Herodes et pour le faire rapporter d'Egipte en la terre de promission; et maintenant le Filz le recommande au Pere, qui le transporte tout plein d'amour de l'Egipte, lieu de sejour pour les enfans d'Israel, au sein d'Abraham, en attendant de le ravir par apres luymesme au Ciel, au jour de son Ascension.

  A005001429 

 Hé Dieu, quelle mort devoit faire ce grand Patriarche! Il estoit vice pere de N. S., en lieu du Pere eternel qui, quant a ce qui regardoit la vie de N. S., ne vouloit pas employer ordinairement sa Majesté.

  A005001429 

 Mays quant a s t Joseph, il m'est impossible de douter quil ne mourut non seulement en l'amour, mais par l'amour et d'amour; car qui croiroit que le cher Enfant de son cœur, son Sauveur et son Dieu, ne l'assistast pas a l'heure de son trespas, et quil ne mourut pas entre les bras de Celuy quil avoit si souvent porté entre les siens? Beati misericordes: il avoit tant receu de douceurs, de misericorde, de charité, de ce bon Pere nourricier lhors quil vint au monde, quil ne pouvoit quil ne luy rendit la pareille.

  A005001430 

 Outre tous ces Saintz, j'ay treuvé deux histoires, lesquelles sont dautant plus croyables aux amans qu'elles sont admirables; car l'amour de Dieu, comme dit l'Apostre, omnia credit, il croit volontier, notamment ce qui magnifie son regne.

  A005001430 

 de Civit. c. 8, les miracles qui se font, pour illustres qu'ilz soyent, «a peyne les sçait on au lieu mesme ou ilz se font,» et encor que ceux qui les ont veu les racontent, on a peyne de les croire; mays pour cela ilz ne laissent pas d'estres veritables, et en matiere de religion les ames bien faites ont plus de suavité a croire les choses esquelles il y a plus de difficulté et d'admiration..

  A005001431 

 Il alla en Bethleem, au lieu de la Nativité, ou, qui pourroit exprimer combien de larmes il respandit, contemplant celles desquelles le Filz eternel de Dieu, s'estant rendu petit Enfant de la Vierge, avoit premierement arrousé ce s t estable, baysant et rebaysant cent et cent fois cette terre sacree, et lechant la poussiere sur laquelle la premiere enfance du divin petit Poupon avoit esté receüe.

  A005001431 

 Or, avant que de commencer ce s t exercice, avant toutes choses il se confessa et communia devotement; il alla en Nazareth, au lieu ou l'Ange annonça a la tressainte Vierge la tres sacree Incarnation, et ou se fit l'adorable conception du Verbe eternel; et lâ, il se mit a contempler l'abisme de la Bonté celeste qui avoit daigné prendre chair humaine pour retirer l'homme de sa perdition.

  A005001431 

 S t Bernardin, duquel la doctrine a presque egalé la sainteté, au premier sermon de l'Ascension, raconte un'histoire pleyne d'extreme douceur, d'un fort noble chevalier qui alla outre mer pour visiter les sains lieux esquelz N. S. avoit faites les œuvres de nostre redemption.

  A005001433 

 Et poussant ses paroles au Ciel, il y lança quant et quand son ame, bienheureuse sagette, que l'amour sacré, comme un divin archer, tira dedans le blanc de [462] son celeste object! Ses compaignons et serviteurs voyans cet accident, estonnés et dolens, courent au medecin, qui venant, treuve qu'en effect il estoit mort; et pour faire jugement sur les causes d'une mort tant inopinee, s'enquiert de quelle complexion, de quelles meurs et humeurs estoit ce brave defunct, auquel on respondit quil estoit d'un naturel tout aggreable, doux, amiable, devot a merveilles et grandement ardent en l'amour de Dieu.

  A005001433 

 Puys, en sortant comme resuscité avec luy, il va en Emaus avec les deux pelerins, et en fin il retourne sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension; et la, prosterné sur les marques et vestiges des pieds du Sauveur, qui les y laissa imprimees admirablement, il les bayse de sa bouche comme sil eut voulu y coller ses levres; et apres avoir retiré a soy toutes les forces de son amour, comme un archer fait la chorde de son arc quand il veut descocher sa fleche, se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «Ah mon doux Jesus,» dit il, «je ne sçai plus ou vous suivre en la terre; accordes, de grace, a ce cœur, que maintenant il vous suive et aille vers vous au Ciel.

  A005001435 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient il de dire a N. S.: Vous estes mon Filz, et je vous ayme comme mon Filz? et a qui fut il jamais dit par N. S., de toutes les creatures: Vous estes ma Mere, et je vous ayme comme ma Mere, mays comme ma Mere toute mienne, et comme ma Mere a qui je suis tout sien? En somme, si jamais il y eut une si grande union entre un serviteur extremement amoureux de son maistre quil peut dire de n'avoir point d'autre vie que celle de son maistre, l'union de la Vierge avec son Filz pouvoit bien faire cet effect, car ce n'estoit plus union mais unité entre cette si douce Mere et ce Enfant delicieux..

  A005001435 

 Cette tressainte Vierge n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz; et si jamais il fut dit avec verité par S t Luc que les premiers Chrestiens n'avoyent qu' un [463] cœur et qu'un'ame, et par S t Pol, quil vivoit voirement luy mesme, mais non plus luymesme, ains Nostre Seig r vivoit en luy, a rayson de l'extreme union d'amour que ce divin Apostre sentoit entre son cœur et celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit morte ou ell'animoit et vive ou ell'aymoit, combien plus veritable est il que la Mere et le Filz n'avoyent qu'une mesme vie, et que la Mere ne vivoit que de la vie de son Filz! Mere la plus aymante et la plus aymee qui pouvoyt jamais estre; mays amour de Filz et de Mere plus eminent, parfait et superexcellent que celuy, non de s t Paul seulement, mais des Cherubins et Seraphins, et encor de tous amours imaginables, dautant que les noms de mere et de filz sont excellens en matiere d'amour au dessus de tout autre nom.

  A005001435 

 En fin, quant a N. D., il m'a tous-jours esté impossible de croire qu'elle mourut d'autre mort que de la mort d'amour; car c'est la plus noble mort de toutes, et qui est deue a la plus noble vie de toutes celles des pures creatures, et les Anges desireroyent de mourir, silz avoyent dequoy pouvoir mourir, de cette s te mort.

  A005001435 

 Mays noms qui conviennent uniquement a cette Mere et a ce Filz, puisque toutes les autres meres partagent avec le pere la production de leurs enfans, et les enfans reciproquement la reconnoissance qu'ilz doivent a rayson de leur production entre le pere et la mere; mays icy toute la production du Filz, en ce qui dependoit de la generation humaine, appartient a la Mere, qui seule a donné le concours a la vertu du S t Esprit pour la conception de ce divin Enfant: si que leur amour et leur union est dautant plus excellente qu'ell'a un nom different de tous les autres amours.

  A005001437 

 Plusieurs furent presens a la mort du Sauveur: ceux d'entr'eux qui le haissoyent n'eurent aucune compassion a sa si lamentable Passion, au contraire ilz s'en rioyent et res-jouissoyent; mays entre ceux qui l'aymoyent, ceux................

  A005001444 

 Et quand il y auroit un peu plus de prieres en l'un qu'en l'autre, neanmoins ce n'est pas chose qui face une difference remarquable pour laquelle la volonté de Dieu soit plus tost en l'une qu'en lautre.

  A005001444 

 Mays es menues actions ordinaires et qui ne sont pas de grande consequence, esquelles mesme la faute seroit aysement reparable quand il y en auroit, il n'est pas besoin de plus grand'attention pour discerner ce que Dieu veut, que celle qui est ordinaire et par laquelle on n'est point arresté; ains il se faut contenter de ce que d'abord l'amour de Dieu et du prochain nous suggere.

  A005001444 

 Que je visite plus tost un malade qui a besoin de consolation que d'aller recevoir moy mesme quelque consolation au sermon, il y a peu de difference; je feray donq ce qui me semblera meilleur d'abord, sans lasser mon esprit a disputer.

  A005001445 

 Car si bien les difficultés et evenemens qui s'en ensuivront sembleront nous donner desfiance d'avoir bien choysi, neanmoins c'est faute de voir ce qui fut arrivé faysant un autre choix, qui eut esté cent fois pis; et encor, c'est que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercé en la consolation par le bon succes, ou en la patience et abjection par le mauvais..

  A005001447 

 C'est l'occean de la perfection divine qui fait que Dieu void tout et prouvoit a tout; et comme rien n'est caché a la chaleur du soleil, qui penetre jusques dans les entrailles de la terre pour cooperer a la generation des mineraux, aussi rien n'est hors la providence divine: elle void tout, elle dispose tout; et comme le soleil esclaire tous les yeux de ceux qui le regardent, aussi parfaitement comme sil n'en esclairoit qu'un, ainsy Dieu prouvoit....

  A005001447 

 La providence de Dieu embrasse toutes choses grandes et petites, et rien n'arrive ni au ciel ni en la terre qui ne soit sous ses loix et ne soit conduit sous son authorité.

  A005001452 

 Car c'est le haut point de la philosophie chrestienne, qui surmonte celle des Stoiques, d'aggreer, par un acquiescement de la supreme pointe de l'esprit, que toutes les facultés de l'ame et tout ce qui est en elle soit affligé, ou par la privation des vertus et qualités qui les peuvent res-jouir, ou par des [467] apprehensions et impressions de celles qui les peuvent attrister.

  A005001452 

 Et l'importance est qu'elle dit cela parmi tant de trouble, de contradiction et de repugnances, qu'a peyne s'apperçoit on qu'elle le die; au moins, parmi de si grans tourmens, il semble a l'ame que ce qui se dit, se dit languidement et comm'a demi, qu'on ne le die pas de bon cœur, puisqu'on le dit sans playsir, sans contentement, et contre le consentement de tout le reste du cœur..

  A005001453 

 S te Angele de Foligni fait un'admirable similitude, disant que son ame estoit en tel tourment quelquefois «comme un homme qui, pieds et mains liés, seroit pendu par le col et ne serait pourtant pas estranglé, mais demeurerait en cet estat entre mort et vif, sans avoir aucun'esperance d'estre delivré ni estre secouru,» ne pouvant ni s'appuyer des pieds, ni s'ayder des mains, ni crier de la bouche, non pas mesme se plaindre ni jetter de souspirs.

  A005001461 

 L'indifference nous porte a l'exclamation de David: O Dieu de mon cœur, et le seul heritage que je prœtens! Qu'y a-il au ciel pour moy, et que veux-je en terre sinon vous? Qui ne cherche que Dieu, ni en terre parmi les miseres, ni au Ciel parmi les fœlicités, qu'est ce qui ne luy est pas indifferent?.

  A005001462 

 En somme, le cœur indifferent est comm'un cœur de cire pour Dieu, affin de recevoir avec egale facilité toutes les impressions quil plait a sa divine Providence luy donner; c'est un cœur pliable, sans nulle resistence entre les mains de Dieu; c'est un cœur qui n'a point de choix, egalement disposé a tout ce que la volonté de Dieu veut, n'ayant autre object de sa volonté que celle de Dieu; qui n'a point d'amour aux choses que Dieu veut, ains seulement a la volonté de Dieu: c'est pourquoy, pour peu quil voye la volonté de Dieu inclinée d'une part, encor quil y en ayt de l'autre part, sans avoir nulle sorte d'egard a tout le reste il court ou la volonté de Dieu semble plus grande.

  A005001463 

 Les cœurs mondains sont de diverses humeurs: les uns suivent les honneurs, et ou il y a plus d'honneur ilz y courent plus ardemment, au travers de mille dangers, mille peynes, mille maux; les autres suivent l'utilité, et sans avoir egard a chose quelcomque, ou il y en a plus, ilz y vont plus impetueusement; les autres suivent la volupté, au peril de lhonneur, des biens et de la santé; et «chacun est tiré de ce qui luy plait.» Le cœur indifferent n'a point d'autr'attrait que la volonté de Dieu, si que les tourmens, les travaux luy sont inconsiderables en presence de la volonté de Dieu.

  A005001471 

 Mays si l'entreprise faite pour la gloire de Dieu et par son inspiration perit par la faute de celuy a qui Dieu l'avoit confiee, il semble qu'alhors il n'y ait point de volonté de Dieu alaquelle on se doive conformer: car, me dira celuy la, ce n'est pas la volonté de Dieu, c'est ma faute.

  A005001473 

 Or cette sainte indifference se doit prattiquer es choses qui dependent de la vie civile, comm'en lhonneur, es richesses, es rangs, es conditions, pour les avoir ou ne les avoir point, tout ainsy quil plait a Dieu nous les donner; en la vie naturelle, comme en la santé, en la maladie et en telz autres accidens; en la vie spirituelle, comm'es secheresses, aridités, froideurs et autres travaux interieurs..

  A005001474 

 En souffrant ce quil plait a Dieu, ou es biens de la vie civile, ou en ceux de la naturelle, ou en ceux de la surnaturelle, ou en tous trois ensemblement: a l'exemple de Job, qui, quant a la vie civile, fut mocqué, baffoüé et tenu pour fol par ses plus chers amis, qui est le haut point de mortification; quant a la vie naturelle, fut ulceré de l'ulcere le plus dur de tous, et de tant de sortes de maladies quil ne s'en peut exprimer davantage; en la spirituelle, souffrant des abandonnemens, des langueurs, des pressures, convulsions, estraintes, angoisses et douleurs spirituelles insupportables, ainsy que ses plaintes et lamentations font foy.

  A005001475 

 Voyes en fin son indifference au combat a droite et a gauche, et sur tout comme leur tristesse est joyeuse, leur pauvreté riche, leur mort vitale, leurs deshonneurs honnorables; c'est a dire, comm'ilz sont joyeux d'estre tristes, contens d'estre pauvres, vivans d'estre revigorés par les perilz de la mort, et glorieux d'estre avilis: qui tesmoigne bien que leurs afflictions et tribulations [473] n'arrivoyent pas jusques a la cime de l'esprit, en laquelle nostre volonté faysant hommage a celle de Dieu, se resjouit de la voir prattiquee, soit en la tribulation, soit en la consolation..

  A005001475 

 Voyes, je vous prie, Philothee, la vie apostolique comm'ell'est affligee selon le monde, selon le cors et selon l'ame; car, comme remarque S t Thomas, toutes les especes d'afflictions sont comprises en ce denombrement, mesmement les angoisses qui travaillent le cœur, les blessures qui travaillent le cors, les prisons qui infament la personne.

  A005001483 

 ... et ma harpe, car je me leveray au point du jour, c'est comme sil eut dit: Mon cœur, qui est le chantre, est prest; mon cœur, qui est le psalterion et la harpe, est bien accordé, il est praeparé; et donques, je chanteray et psalmodieray magnifiquement et glorieusement.

  A005001484 

 Ce chantre, donques, qui chantoyt au commencement a Dieu et pour Dieu, chante encor a Dieu voyrement, mais pour l'amour de son chant.

  A005001484 

 Si je n'ayme mon amour que par ce quil tend a Dieu, Philothee, j'ayme Dieu en mon amour et mon amour en Dieu; mais si j'ayme mon amour qui tend en Dieu par ce quil est mien, par ce que c'est moy qui ayme, par ce que cest amour qui va vers Dieu sort de moy, part de mon cœur, par ce quil nayt en moy et qu'en fin c'est mon amour (dautant qu'estant amour de Dieu comme de son object, il est amour de mon cœur comme de son sujet), qui ne void que ce n'est plus Dieu que je regarde, mays que de Dieu je suis revenu a moymesme, et que j'ayme cest amour par ce quil est mien, non par ce quil est a Dieu? L'amour de Dieu m'avoit emporté a Dieu, il m'avoit tiré de moymesme pour me complaire en Dieu, et maintenant, l'amour de moymesme me rapporte a moymesme pour me complaire en ma complaysance, pour aymer non plus Dieu, mays mon amour de Dieu: et dautant que c'est l'amour de Dieu que j'ayme, qui est le plus aggreable amour de tous, l'amour que j'en ay m'amuse plus aggreablement, plus fortement et intimement.

  A005001486 

 Car si nostre chantre chante pour Dieu, il chantera plus volontier le cantique que Dieu desirera le plus de luy; mais sil chante pour le playsir quil prend a chanter, il ne chantera pas le cantique qui est plus aggreable a Dieu, ains celuy qui luy est plus aggreable a luy mesme.

  A005001487 

 Ceux qui sont au mariage voudroyent chanter le cantique des religieux et prattiquer le s t amour comm'eux, entre les commodités spirituelles des cloistres.

  A005001493 

 Le cœur indifferent ne travaillant plus pour aucun playsir, non pas mesme pour le plus pur playsir qu'on puisse avoir, qui est le playsir de plaire a Dieu, il ne travaille que pour l'amour de la volonté de Dieu: amour pur, desnué et quitte de toute autre sorte d'interest.

  A005001494 

 Alhors l'ame estant a son advis sans remede et sans ressource, elle dit pour conclusion, et comme jettant les derniers abois aupres de Celuy qui la poursuit: In manus tuas.

  A005001494 

 C'est la parole essentielle de l'amour, c'est l'ame de l'amour, et c'est aussi celle la seule qui luy reste pour tout en ses ennuis mortelz, et apres laquelle s'ensuit la mort amoureuse de l'ame..

  A005001497 

 Sans user de nostre vouloir nous pouvons simplement acquiescer aux evenemens; et mesme, sans aucun acquiescement, nous pouvons recevoir les evenemens par une tres simple tranquillité, un repos de nostre volonté, qui, ne voulant rien vouloir, laisse vouloir et faire a la volonté de Dieu ce qu'il luy plaist, en nous, de nous, sur nous, jettant toute nostre sollicitude et tout nostre soin en luy, affin qu'il ayt soin de nous.

  A005001498 

 O chere ame, que vous estes heureuse de n'employer point vostre volonté a vouloir, mays a jouir de ce que plus vous pouvies vouloir, desirer et souhaiter, qui sont les suaves amour! de vostre Espoux..

  A005001500 

 C'est la façon en laquelle Nostre Seigneur exprime par Isaïe les sentimens et peynes de sa Passion: Dominus Deus aperuit, etc. Voyla qu'il proteste qu'il les attend avec une sousmission la plus douce, la plus tranquille qu'il est possible: Je ne contredis point, dit-il, ni je ne dis que je les [accepte,] mais je laisse mon esprit entre vos mains; ni je ne vay au devant, ni je ne fuis, mais je les attens, prest a tout ce qu'il vous plaira faire de moy; et comme j'ay laissé mon cors entre les mains des cruelz executeurs de la volonté des Juifz et de Pilate, comme une petite brebis qui est entre les mains et a la mercy de celuy qui la tond, qui se laisse tourner en toutes postures sans resistance, aussi, o Pere eternel, remetz-je et abandonne mon esprit entre vos mains, affin que vous exercies vostre volonté sainte sur iceluy a vostre gré, sans contradiction ni resistance quelconque..

  A005001500 

 Il est fort difficile d'exprimer l'estat d'une ame totalement abandonnee entre les mains de Dieu, qui ne veut rien, ains laisse faire a Dieu selon son saint playsir.

  A005001500 

 Il ne faut pas dire, ce me semble, qu'elle fait un acquiescement, ni qu'elle accepte, ni mesme qu'elle reçoit, car la reception semble estre une action passive ou une passion active: il semble plustost que l'ame, sans rien faire, est en une simple attente, qui n'est qu'une disposition a laisser faire.

  A005001507 

 Ainsy, quand un cœur ayme Dieu comme Dieu, en qualité de Dieu, pour peu quil ayt de cet amour, il præferera Dieu a toutes choses en toutes les occasions qui se presenteront de faire [479] choix, ou la perte de Dieu ou la perte de la creature: car si bien il aura peut estre d'autres amours plus ardantes et passionnees, neanmoins cellui ci sera le meilleur et le plus prætieux.

  A005001507 

 Il est vray, Philothee, vous verres une mere tellement embesoignee de son enfant, qui semble qu'elle n'ayt aucun autre amour que celuy la: elle n'a plus d'yeux que pour le regarder, ni plus de baysers que pour le caresser, ni plus de soin que pour l'eslever, ni plus de poitrine que pour l'alaiter, et semble qu'ell'ayt quitté l'amour du mari pour celuy de l'enfant; mays pourtant, sil failloit venir au choix de perdre ou l'un ou lautre, alhors on verroit bien qu'ell'estime plus son mari que dix enfans, et que si bien l'amour de l'enfant estoit le plus empressé, le plus tendre, le plus passionné, lautre neanmoins estoit le plus excellent, le plus fin et le meilleur.

  A005001507 

 Les chiennes font plusieurs petitz d'une littee, et les lionnes n'en font jamais qu'un; mais aussi c'est un lyon que les lionnes font, qui est plus estimable que cent mille chiens..

  A005001508 

 En quoy donq consiste l'excellence de ce vray amour de Dieu au dessus de tous autres amours? En ce que cet amour, quoy que moins sensible et pressant que les autres, il met Dieu en tell'estime dedans nos ames et fait que nous le prisons si hautement, que nous quitterions plus tost toutes choses que de le quitter, le preferans a tout et le cherissans sur tout, lhors que nous sommes reduitz a la necessité ou de le quitter ou de quitter tout autre chose: et c'est l'amour d'excellence ou l'excellence de l'amour qui nous est commandé.

  A005001509 

 Mays il est bien vray que qui doit aymer Dieu de tout son cœur ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu ou qui soit contraire a cet amour; c'est pourquoy entre les amans il y a de la difference, et bien que tous ceux qui ont le vray [480] amour de Dieu Tayment par consequent de tout leur cœur, de toute leur ame, de toute leur force.......

  A005001511 

 Ainsy, au reng des uniques et parfaites amantes, il arrive quelques fois que cet amour si relevé cesse pour un peu, et l'on prattique seulement l'amour des reynes, ou celluy des simples amies, ou mesme celuy des fillettes, jusques a commettre des pechés venielz, par des affections qui, n'estant pas contraires a l'amour de Dieu, sont neanmoins outre cet amour et sans l'amour de Dieu.

  A005001511 

 Car, comme nous voyons que les bons arbres ne produisent jamais du fruit veneneux, mais en produisent bien neanmoins de vert et inutile, qui ne meurit point, ainsy l'homme de bien ne produit jamais des actions de peché mortel, mais ouï bien des actions mal meures, aspres et inutiles du peché veniel.

  A005001511 

 Je ne dis pas que celuy qui fait ces actions ou qui a ces affections soit sans l'amour de Dieu, mais je dis que les affections quil a sont hors et sans l'amour de Dieu; c'est pourquoy elles sont pechés venielz, desquelz personne, que l'on soit asseuré, n'a jamais esté exempt, sinon la très uniquement unique parfaite Mere du Sauveur.

  A005001512 

 Y ayant donques tant de degrés d'amantz, qui tous doivent observer la loy de Dieu et estre sauvés par ce chemin, N. S. a establi un commandement qui les regarde tous et les oblige tous; lequel est aussi observé par un chacun des esleuz, quoy que differemment et avec une infinie varieté de perfections; n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges ni d'estoiles au ciel, qui ayent un'absolue egalité et parité de perfection et de charité..

  A005001513 

 Et neanmoins, c'est toute nostre ame qui ayme, tout nostre cœur, quoy que non pas totalement, toute nostre force, quoy que non pas totalement, ains selon qu'elle peut tendre a nostre Seigneur, et que nous en sommes les maistres; car nostr'ame entant que vegetante et sensuelle, elle n'est pas nostre par obeissance, ni moralement, ains la seule ame intellectuelle et spirituelle..

  A005001513 

 Mays notes que quand il est dit que nous devons aymer de toutes nos forces, de tout nostre cœur, de toute nostre puissance, cela s'entend [481] de tout le cœur, de toute l' ame, de toute la force qui est capable d'aymer Dieu, et entant qu'ell'en est capable: de sorte que cela regarde, non l'appetit sensuel, non les forces de la partie inferieure, mays seulement la partie spirituelle de l'ame; tant par ce qu'elle seule est en nostre absolue puyssance, lautre estant pour l'ordinaire rebelle contre nostre rayson, qu'aussi par ce qu'ell'est incapable d'aymer Dieu, qui, estant un object spirituel, ne peut estre aussi aymé que par le cœur entant quil est spirituel.

  A005001519 

 Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, delaquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatres parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A005001519 

 Un fleuve sortoit du lieu de delices pour arrouser le Paradis terrestre, qui de lâ se divisoit ou separoit en quatre chefs; Gen.

  A005001519 

 celuy de force, qui gouverne l'appetit irascible.

  A005001519 

 fleuve est celuy de la temperance, qui gouverne l'appetit de convoitise; le 4.

  A005001519 

 fleuve, de la prudence, qui incline nostre entendement a veritablement discerner le mal qui doit estre evité, d'avec le bien qui doit estre fait; [le 2., de] la justice, qui regne principalement en la volonté, puis qu'elle n'est autre chose qu'une perpetuelle et constante volonté de rendre a chacun ce qui luy est deü; le 3.

  A005001520 

 Et non seulement cela, mais en vertu de la charité qui la rend active, elle respand sur les puissances de nostr'ame certaines vertus qui sont de mesme espece, ou au moins toutes semblables aux quatre vertus cardinales, et pour cela elles portent leurs noms: sur l'entendement elle pousse une prudence sainte, sur la volonté une justice sacree, sur l'appetit de la convoitise une temperance religieuse, et sur l'appetit irascible une force devote; si que par ces quatre fleuves toutes les actions humaines sont addressees par la charité a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A005001520 

 Or, outre cela, Nostre Seigneur voulant favoriser l'homme pieux, affin de rendre le paradis du cœur humain plus aggreable et delicieux, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de nostre ame une fontaine surnaturelle que nous appelions grace, composee de la foy, esperance et charité, qui espanche ses eaux sur toute nostre ame et l'arrouse tout entierement, la rendant gracieuse, amene et grandement aymable a sa divine Majesté.

  A005001521 

 Et d'autant que ces vertus qui fluent de la charité comme de leur source sont superieures aux quatres vertus cardinales, si elles les rencontrent en quelqu'ame elles les reduysent a l'obeissance de la charité, se meslent avec elles, et les perfectionnent comme le vin perfectionne l'eau avec laquelle il se mesle.

  A005001527 

 Le peché ruine nostr'ame, et les actions bonnes que nous avons faites præcedemment sont par luy non exterminees mais mortifiees; elles ont encor leur estre, mais infructueux pour nous quant a la vie eternelle: que si la grace revient, qui est un œuvre de Dieu, non seulement elle vivifie nostre ame, mais toutes œuvres que le peché avoit mortifiees; et outre cela elle ne mortifie pas seulement la vie mortelle du peché, mais elle l'abolit entierement.

  A005001533 

 Ainsy il est bien mieux que la charité croye, espere, souffre, que de souffrir seulement en charité; un amour souffrant, qu'une souffrance aymante: car quand la souffrance est aymante elle communique sa vertu, qui est moindre, a l'amour; mais quand l'amour est souffrant il communique sa vertu, qui est grande, a la souffrance.

  A005001533 

 Il faut avouer que quand la charité non seulement se treuve en l'ame qui fait les actions des vertus, mays qu'elle mesme les ordonne, elle les rend incroyablement plus nobles, car la vertu alhors est comme un instrument que la charité employe.

  A005001535 

 Cela soit pour les actions frequentes, ordinaires et qui ne peuvent estre preveiies, car celles qui peuvent estre preveiies il les faut dedier specialement et purifier l'intention, et si elles durent, renouveller souvent, de peur du change.

  A005001535 

 O que bienheureux sont ceux qui sçavent faire le despouillement de soy mesme duquel nous avons parlé ci dessus! car par ce moyen ilz, n'ont qu'a faire un petit souspir ou un petit regard en Dieu, pour tesmoignage qu'ilz confirment leurs despouillemens et qu'ilz ne veulent rien qu'en Dieu et pour Dieu, et qu'ilz ne s'ayment eux mesmes, ni chose du monde, que pour cela.


06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html
  A006000020 

 Sur le depart des Sœurs de la Visitation qui s'en alloyent pour fonder une nouvelle maison de leur Institut.

  A006000043 

 I. Entretiens qui ne se trouvent dans aucune édition antérieure des vrays entretiens spirituels.

  A006000048 

 E. Recueil des questions qui ont esté faites en nostre Monastere de Lyon, à nostre bien-heureux Pere 152.

  A006000073 

 Nous confessons neantmoins (ce que tout le monde croira facilement d'un ouvrage qui est passé par des mains si indignes que les nostres) que quielque diligence et quelque soin que nous y ayons apporté, il ne nous a pas esté possible de faire ce recueil si exactement qu'il ne nous soit eschappé beaucoup de choses excellentes, et que celles que nous avons retenues n'ayent aussi perdu beaucoup de leur force et des advantages qu'elles avoyent en sortant d'une si digne et si venerable bouche.

  A006000073 

 Que si bien ils ne sont pas elabourés à l'égal du reste de ses livres, si les discours n'en sont pas si bien tissus, s'il se rencontre quelque chose qui pourroit sembler a quelqu'un moins digne de son eminente doctrine et de la reputation que ses autres œuvres luy ont acquise, ce n'est pas de merveille, car jamais il ne les a veus ni leus; et vous sçavez que les enfans sevrés de la mammelle de leur mere avant le temps, ne se portent pas si bien que ceux qui en sont entierement nourris: tousjours il y a de la compassion aux enfans qui naissent apres le decés de leur pere..

  A006000073 

 Toutesfois, il nous sera permis de dire avec toute verité, qu'une [1] grande partie des enseignemens qu'il nous a laissés y sont si naïfvement deduits et si fidelement rapportés, que quiconque aura eu le bon-heur de l'entendre ou qui sera versé en la lecture de ses livres, y recognoistra aussi tost son esprit, et ne fera point de difficulté de mettre ces Entretiens, sinon au rang des autres œuvres, qui sont immediatement sorties de ses mains, au moins au rang de celles qui ont en quelque façon l'honneur de luy appartenir.

  A006000074 

 Certes, nous voulons croire de nostre prochain, que ç'a esté un bon zele, plustost qu'aucune autre consideration, qui l'a induit à les mettre au jour: mais nous ne sçaurions luy estre si indulgentes que nous ne nous plaignions charitablement de luy, non de nous avoir osté ce qui sembloit estre nostre (car nous n'avons rien à nous, et les biens spirituels le sont encor moins que les autres parce qu'ils doivent estre plus communiqués), mais d'avoir soustrait ces Entretiens d'une telle sorte, que, les tirant avec peine, il a esté impossible qu'il ne les ayt mis en pieces et qu'il ne les ayt donnés par lambeaux comme il les avoit pris.

  A006000074 

 Et mesmes, que ce sont des copies recopiées plusieurs fois par des filles, lesquelles y ont adjousté quantité de petites choses, ramassées par cy par là, qui avoyent esté dites à des particulieres, mais non comme le Bienheureux les a dites, faute de memoire: en suite de quoy, celuy qui les a soustraits a esté contraint de substituer en la place de ce qui luy manquoit beaucoup de choses estrangeres, qu'il a adjoustées pour la liaison du discours, lesquelles ont apporté un si grand changement à l'ouvrage qu'à peine est-il recognoissable, ainsi qu'il sera aysé de remarquer par la conference des deux impressions..

  A006000074 

 Mais estant arrivé (nous ne sçavons dire par quels moyens) qu'ils ont esté imprimés à nostre insceu, avec un grand nombre de fort notables manquemens et en un tres-mauvais estat; ce qu'ayant veu Monseigneur de Geneve, tres digne frere et successeur de ce bien-heureux Prelat, a obtenu le Privilege mis ci apres, et voyant qu'il y alloit de la reputation de son saint frere, nous a commandé d'en donner promptement une veritable copie, pour remedier au mal de cette mauvaise impression et faire voir au [2] vray ce qui en a esté recueilli dans ce monastere.

  A006000075 

 C'est le souhait continuel que nous faisons pour vous et pour nous, qui sommes en JESUS CHRIST,.

  A006000075 

 Il a esté donc necessaire, nos tres-cheres Sœurs, de communiquer ces Entretiens premierement à ceux de qui nous dependons et de qui nous devons prendre conseil, et lesquels ont pris la peine de reparer les defauts qu'ils avoient contractés entre nos mains; puis de les mettre en lumiere et les donner au public en la forme qu'ils doivent estre, pour pouvoir veritablement porter le nom des Entretiens de nostre bien-heureux Pere.

  A006000075 

 Neantmoins, ayant tousjours esté un des Salutaires conseils et desirs de nostre bien-heureux Pere, Instituteur et Fondateur, et qu'il nous a declaré dans l'un de ses Entretiens, que l'esprit de nos maisons fust communiqué au prochain, pour donc ne pas frustrer du fruict des saintes instructions que nous avons receuës, l'obeissance et la charité veut que nous en fassions part au public: elle ordonne aussi qu'ils nous soyent particulierement dediés, comme à celles à qui ils sont particulierement propres, puisque c'est à nous à qui nostre bien-heureux Pere les a faits.

  A006000075 

 Nous esperons que nostre bien-heureux Pere, qui nous l'a donné de la part de Nostre Seigneur, nous obtiendra de sa divine bonté le moyen de le bien employer, et de nous en servir pour sa gloire et pour le salut de nos ames.

  A006000075 

 Peut estre y trouverez-vous quelques choses qui sont si particulieres pour nos maisons, que vous jugerez n'estre pas à propos de les publier si librement, l'esprit du monde n'estant pas tousjours disposé à recevoir [3] les escrits de pieté avec la simplicité et la reverence qui leur est dette.

  A006000093 

 Mais pourtant, si quelqu'une les violoit volontairement, à dessein, avec mespris, ou bien avec scandale tant des Sœurs que des estrangers, elle commettroit sans doute une grande offense; car on ne sçauroit exempter de coulpe celle qui avilit et deshonore les choses de Dieu, desment sa profession, renverse la Congregation, et dissipe les fruits de bon exemple et de bonne odeur qu'elle doit produire envers le prochain: si bien qu'un tel mespris volontaire seroit en fin suivi de quelque grand chastiment du Ciel, et specialement de la privation des graces et dons du Saint Esprit, qui sont ordinairement ostés à ceux qui abandonnent leurs bons desseins et quittent le chemin auquel Dieu les a mis.

  A006000094 

 Celuy là y tombe qui par mespris viole ou laisse à faire quelque ordonnance, non seulement volontairement, mais de propos deliberé; car s'il la viole par inadvertance, oubli, ou surprise de quelque passion, c'est autre chose: car le mespris enclost en soy une volonté deliberée, et qui se determine destinément à faire ce qu'elle fait.

  A006000094 

 De là il s'ensuit que celuy qui viole l'ordonnance ou desobeit par mespris, non seulement il desobeit, mais il veut desobeir; non seulement il fait la desobeissance, mais il la fait avec intention de desobeir.

  A006000095 

 Car qui mange contre le commandement, consequemment ou ensemblement, il commet desobeissance, quoy que s'il la pouvoit eviter en mangeant il ne la voudroit pas commettre; comme celuy qui [6] en beuvant trop voudroit bien ne s'enivrer pas, quoy que neantmoins en beuvant il s'enivre: mais celuy qui mange par mespris de la Regle et par desobeissance, veut la desobeissance mesme, en sorte qu'il ne feroit pas l'œuvre ni ne la voudroit pas s'il n'estoit esmeu à ce faire par la volonté qu'il a de desobeir.

  A006000095 

 Il s'ensuit encor, que celuy qui desobeit par quelque allechement ou surprise de passion voudroit bien pouvoir contenter sa passion sans desobeir, et à mesme temps qu'il prend plaisir, par exemple, à manger, il est marri que ce soit avec desobeissance; [mais celuy qui desobeit par desobeissance et mespris n'est pas marri de desobeir, ains au contraire il prend son plaisir à desobeir: de maniere qu'en l'un] la desobeissance suit ou accompaigne l'œuvre, mais en l'autre, la desobeissance precede l'œuvre et luy sert de cause et de motif, quoy que par friandise.

  A006000096 

 Or, ceste desobeissance formelle et ce mespris des choses bonnes et saintes n'est jamais sans quelque peché, pour le moins veniel, non pas mesme és choses qui ne sont que conseillées: car bien qu'on puisse ne point suivre les conseils des choses saintes, par l'élection d'autres choses, sans aucunement offenser, si est-ce qu'on ne peut pourtant les laisser par mespris et contemnement, sans offense; d'autant que tout bien ne nous oblige pas à le suivre, mais ouy bien à l'honorer et estimer, et par consequent, à plus forte raison, à ne le point mespriser et vilipender..

  A006000097 

 Davantage, il s'ensuit que celuy qui viole la Regle et Constitutions par mespris, il l'estime vile et inutile, qui est une tres grande presomption et outrecuidance: ou bien, s'il l'estime utile et ne veut pas pourtant se sousmettre à icelle, alors il rompt son dessein avec grand interest du prochain, auquel il donne scandale et [7] mauvais exemple, il contrevient à la societé et promesse faite à la compagnie, et met en desordre une maison devote, qui sont des tres grandes fautes..

  A006000103 

 Ces signes, pourtant, ne sont pas si certains que quelquefois ils n'arrivent pour d'autres causes que pour celle du mespris: car il peut arriver qu'une personne se mocque de celuy qui la reprend, pour le peu d'estime qu'elle fait de luy, et qu'elle persevere par infirmité, et qu'elle conteste par despit et colere, et qu'elle desbauche les autres pour avoir des compaignes et excuser son mal.

  A006000103 

 Neantmoins, il est aisé à juger par les circonstances, quand tout cela se fait par mespris; car, en fin, l'effronterie et manifeste libertinage suit ordinairement le mespris, et ceux qui l'ont au cœur en fin le poussent jusques à la bouche, et ils disent, comme David le remarque: Qui est nostre maistre?.

  A006000104 

 Mais, mon Dieu, qui ne void la tromperie! car ce que l'un estimera peu, l'autre l'estimera beaucoup, et reciproquement; de maniere qu'en une compagnie l'un ne tiendra compte d'une regle, et le second en mesprisera une autre, le troisiesme une autre: ainsi tout sera en desordre.

  A006000104 

 Si faut-il que j'adjouste un mot d'une tentation qui peut arriver sur ce poinct: c'est que quelquefois une [8] personne n'estime pas d'estre desobeissante et libertine quand elle ne mesprise qu'une ou deux regles, lesquelles luy semblent de peu d'importance, pourveu qu'elle observe toutes les autres.

  A006000105 

 De sorte que, qui veut vivre heureusement et parfaitement il faut qu'il s'accoustume à vivre selon la raison, les Regles et l'obeissance, et non selon ses inclinations ou aversions; et qu'il estime toutes les Regles, qu'il les honore et qu'il les cherisse, au moins par la volonté superieure: car s'il en mesprise une maintenant, demain il en mesprisera une autre, et l'autre jour encore une autre, et dés qu'une fois le lien du devoir est rompu, tout ce qui estoit lié, petit à petit s'esparpille et dissipe..

  A006000106 

 Ne plaise pas à Dieu que jamais aucune des Filles de la Visitation s'esgare si fort du chemin de l'amour de Dieu, qu'elle s'aille perdre dedans ce mespris des Regles, par desobeissance, dureté et obstination de cœur; car, que luy pourroit-il arriver de pis ni de plus malheureux? attendu mesme qu'il y a si peu de regles particulieres et propres de la Congregation; la pluspart et quasi toutes estant, ou bien des regles generales qu'il faudroit qu'elles observassent en leurs maisons du monde si elles vouloient vivre tant soit peu avec honneur, reputation et crainte de Dieu, [9] ou bien qui regardent la manifeste bienseance d'une maison devote ou les officieres en particulier..

  A006000109 

 Et quant aux violements de la Regle qui ne se font point par pure desobeissance ni par mespris, s'ils se font par nonchalance, infirmité, tentation ou negligence, on s'en pourra et devra confesser comme de peché veniel, ou bien comme de chose où il y peut avoir peché veniel: car, bien qu'il n'y ait aucune sorte de peché en vertu de l'obligation de la Regle, il y en peut neantmoins avoir à raison de la negligence, nonchalance, precipitation ou autres tels defauts, puisqu'il arrive rarement que voyant un bien propre à nostre [10] avancement, et notamment estant invitees et appellées à le faire, nous le laissions volontairement sans offenser; car tel delaissement ne procede que de negligence, affection depravée ou manquement de ferveur, et s'il nous faut rendre compte des paroles qui sont vrayement oyseuses, combien plus d'avoir rendu oyseuse et inutile la semonce que la Regle nous fait à son exercice!.

  A006000110 

 Comme, par exemple, si une fille rompt le silence parce qu'elle n'est pas attentive qu'elle soit en silence, et partant elle ne s'en ressouvenoit pas, d'autant qu'elle pensoit à d'autres choses, ou bien elle est surprise de quelque esmotion de parler, laquelle devant qu'elle ayt bien pensé de reprimer elle aura dit quelque chose, sans doute elle ne peche point: car l'observation du silence n'est pas de si grande importance qu'on soit obligé d'avoir une telle attention qu'on ne puisse pas l'oublier; ains au contraire, estant chose tres-bonne pendant le silence de s'occuper en d'autres saintes et pieuses pensées, si estant attentive à icelles on s'oublie d'estre en silence, cet oubli provenant d'une si bonne cause ne peut estre mauvais, ni par consequent le manquement de silence qui provient d'iceluy..

  A006000111 

 Mais si elle oublioit de servir une malade, qui faute de service fust en danger, et qu'on luy eust enjoint ce [11] service, pour lequel on se reposeroit sur elle, l'excuse ne seroit pas bonne de dire: Je n'y ay pas pensé, je ne m'en suis pas ressouvenue.

  A006000111 

 Non, car la chose estoit de si grande importance, qu'il falloit se tenir en attention pour ne point y manquer, et le manquement de cette attention ne peut estre excusable, eu esgard à la qualité de la chose, qui meritoit qu'on fust attentive..

  A006000112 

 Le zele, dit le sacré Cantique, est dur et ferme comme l'enfer; les ames, donques, qui ont le zele, feront autant et plus en vertu d'iceluy, qu'elles ne feroient pour la crainte de l'enfer: si bien que les Filles de la Congregation, par la suave violence de l'amour, observeront autant exactement leurs Regles, Dieu aydant, que si elles y estoient obligées sous peine de damnation eternelle..

  A006000113 

 En somme, elles auront perpetuelle memoire de ce que dit Salomon aux Proverbes, XIX: Qui garde le commandement garde son ame, et qui neglige sa voye il mourra: or vostre voye c'est la sorte de vie en laquelle Dieu vous a mises.

  A006000113 

 Je ne dis rien icy de l'obligation que nous avons à l'observance des vœux; car il est tout evident que qui transgresse absolument la Regle és vœux essentiels de pauvreté, chasteté et obeissance, peche mortellement, et feroit-on le mesme, contrevenant à la closture.

  A006000116 

 à supporter les tentations, qui ne manquent jamais à ceux qui veulent tout de bon servir Dieu..

  A006000117 

 Forte à supporter la varieté des esprits qui se trouveront en la Congregation, qui est un essay aussi grand pour les esprits foibles qu'on en puisse rencontrer..

  A006000120 

 Forte à mespriser les paroles et jugemens du monde, qui ne manque jamais de contreroller les instituts pieux, sur tout au commencement..

  A006000122 

 Forte à se tenir independante des tendretés, douceurs et consolations qui nous proviennent tant de Dieu que des creatures, pour ne point nous laisser engager par icelles..

  A006000124 

 Car encor que nous ne courions pas, il suffit que, Dieu aydant, nous courrons: ceste Congregation, non plus que les autres Religions, n'estant pas une assemblée de personnes parfaites, mais de personnes qui pretendent de se perfectionner; non de personnes courantes, mais de personnes qui pretendent courir, et lesquelles pour cela apprennent premierement à marcher le petit pas, puis à se haster, puis à cheminer à demi course, puis en fin à courir..

  A006000124 

 Genereuse pour pretendre au plus haut point de la perfection chrestienne, nonobstant toutes imperfections et foiblesses presentes, en s'appuyant, par une parfaite confiance, sur la misericorde divine, à l'exemple de celle qui disoit à son Bien Aimé: Tirez moy, nous courrons apres vous en l'odeur de vos onguents, comme si elle eust voulu dire: De moy mesme je suis immobile, mais quand vous me tirerez je courray.

  A006000125 

 C'est un advertissement que le grand Apostre saint Paul, fait aux Romains, XIV: L'un, dit-il, croid de pouvoir manger de tout; l'autre, qui est infirme, mange des herbes: que celuy qui mange ne mesprise point celuy qui ne mange pas, et que celuy qui ne mange pas ne juge point celuy qui mange.

  A006000125 

 Et ainsi en toutes autres choses qui ne sont ni commandées ni defendues, qu'une chacune abonde en son sens: c'est à dire, qu'une chacune [15] jouïsse et use de sa liberté, sans juger ni contreroller les autres qui ne feront point comme elle, voulant faire trouver sa façon meilleure; puisque mesme il se peut faire qu'une personne mange avec tel renoncement de sa propre volonté qu'une autre jeuneroit, et qu'une personne ne die pas ses coulpes par le mesme renoncement par lequel l'autre les dira..

  A006000125 

 Que chacun abonde en son sens: celuy qui mange, mange en Nostre Seigneur, et celuy qui ne mange pas, ne mange pas en Nostre Seigneur; et tant l'un que l'autre rendent graces à Dieu. Les Raglas ne commandent pas beaucoup de jeunes, neantmoins il se pourra faire que quelques unes, pour des nacessités particuliares, obtiendront l'obedience d'en faire davantage: que celles qui jeuneront ne mesprisent point celles qui mangent, ni celles qui mangent celles qui jeuneront.

  A006000126 

 La genereuse devotion ne veut pas avoir des compagnons en tout ce qu'elle fait, ains seulement en sa pretention, qui est la gloire de Dieu et l'avancement du prochain en l'amour divin; et pourveu qu'on s'achemine droitement à ce but là, elle ne se met pas en peine par quel chemin c'est.

  A006000126 

 Mais aussi, celles qui ont telles inclinations et aversions se doivent bien garder de dire des paroles, ni donner aucune sorte de signe d'avoir à desgout que les autres fassent mieux, car elles feroient une grande impertinence: ains, considerant leur foiblesse, elles doivent regarder les mieux faisantes avec une [16] sainte, douce et cordiale reverence; car ainsi elles pourront tirer autant de proffit de leur imbecillité par l'humilité qui en naistra, que les autres en tirent par leurs exercices.

  A006000126 

 Pourveu que celuy qui jeune, jeune pour Dieu, et que celuy qui ne jeune pas, ne jeune pas aussi pour Dieu, elle est toute satisfaite tant de l'un que de l'autre.

  A006000126 

 Que Marthe soit active, mais qu'elle ne contrerolle point Magdelaine; que Magdelaine contemple, mais qu'elle ne mesprise point Marthe, car Nostre Seigneur prendra la cause de celle qui sera censurée..

  A006000126 

 Que si mesme il arrivoit qu'une personne mangeast, non pas pour Dieu, mais par inclination, ou qu'elle ne fist pas la discipline, non pas pour Dieu, mais par naturelle aversion, encor faudroit-il que celles qui font les exercices contraires ne la jugeassent point; ains que, sans la censurer, elles suivissent leur chemin doucement et suavement, sans mespriser ni juger au prejudice des infirmes, se ressouvenant que si en ces occasions les unes secondent peut estre trop mollement leurs inclinations et aversions, en des autres occurrences les autres en font bien de mesme.

  A006000127 

 Et pour conclusion, elles s'essayeront d'avoir un cœur souple et maniable, soubmis et aisé à condescendre en toutes choses loisibles, et à monstrer en toute entreprise l'obeissance et la charité, pour ressembler à la colombe qui reçoit toutes les lueurs que le soleil luy donne.

  A006000132 

 Or, je responds que non seulement l'ame qui a la cognoissance de sa misere peut avoir une grande confiance en Dieu, mais qu'elle ne peut avoir une vraye confiance qu'elle n'ayt la cognoissance de sa misere; car ceste cognoissance et confession de nostre misere nous introduit devant Dieu, Ainsi tous les grands Saints, comme Job, David et les autres, commençoient toutes leurs prieres par la confession de leur misere et indignité; de sorte que c'est une tres-bonne chose de se recognoistre pauvre, vil, abject, et indigne de comparoistre en la presence de Dieu.

  A006000133 

 Ce ne seroit pas grande chose de s'estre aneanti et despouillé de soy-mesme (ce qui se fait par des actes de confusion), si ce n'est oit pour se donner tout à Dieu, ainsi que saint Paul nous l'enseigne quand il dit: Despoüillez-vous du vieil homme, et vous revestez du nouveau; car il ne faut pas demeurer nud, ains se revestir de Dieu.

  A006000133 

 Ce petit reculement ne se fait que pour mieux s'eslancer en Dieu par un acte d'amour et de confiance, car il ne se faut pas confondre tristement et avec inquietude: c'est l'amour propre qui donne ces confusions-là, parce que nous sommes marris de n'estre pas parfaits, non tant pour l'amour de Dieu que pour l'amour de nous-mesmes..

  A006000133 

 Il est bien bon de se deffier de soy-mesme, mais de quoy nous serviroit-il de le faire, sinon pour jetter toute nostre confiance en Dieu et nous attendre à sa misericorde? Les fautes et les infidelités que nous commettons tous les jours nous doivent bien apporter de la honte et confusion lors que nous voulons approcher de Nostre Seigneur: et ainsi lisons-nous qu'il y a des grandes ames, comme sainte Catherine de Sienne et la Mere Therese, qui lors qu'elles estoient tombées en quelque defaut, avoient de ces grandes confusions; [20] aussi est il bien raisonnable qu'ayant offencé Dieu nous nous retirions un peu par humilité, et demeurions confus, car si seulement nous avons offencé un amy, nous avons bien honte de l'aborder: mais il n'en faut pas demeurer là, car ces vertus d'humilité, d'abjection et de confusion, sont des vertus mitoyennes, par lesquelles nous devons monter à l'union de nostre ame avec son Dieu.

  A006000136 

 Ce n'est donc que pour cela qu'il faut faire cest abandonnement, lequel autrement seroit inutile, et ressembleroit ceux des anciens philosophes, qui ont fait des admirables abandonnemens de toutes choses et d'eux-mesmes, pour une vaine preétention de s'adonner à la philosophie: comme Epictete, tres-renommé philosophe, lequel estant esclave de condition, à cause de sa grande sagesse on le vouloit affranchir; mais luy, par un renoncement le plus extreme de tous, ne voulut point sa liberté et demeura ainsi volontairement en son esclavage, avec une telle pauvreté, qu'apres sa mort on ne luy trouva rien qu'une lampe, qui fut vendue bien cher à cause qu'elle avoit esté à un si grand homme.

  A006000136 

 Passons maintenant à l'autre question, qui est de l'abandon de soy-mesme, et quel doit estre l'exercice de l'ame abandonnée.

  A006000137 

 De mesme, je ne sçay pas si l'année qui vient tous les fruits de la terre seront tempestés: s'il arrive qu'ils le soient, ou qu'il y ayt de la peste, ou autres tels evenemens, il est tout evident que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'y conforme.

  A006000137 

 Il arrivera que vous n'aurez pas de la consolation en vos exercices: il est certain que c'est le bon plaisir de Dieu, c'est pourquoy il faut demeurer avec une extreme indifference entre la desolation et la consolation; de mesme en faut-il faire en toutes les choses qui nous arrivent, és habits qui nous sont donnés, és viandes qui nous sont presentées.

  A006000137 

 Il y a beaucoup de gens qui disent à Nostre Seigneur: Je me donne tout à vous sans aucune reserve; mais il y en a fort peu qui embrassent la pratique de cest abandonnement, lequel n'est autre chose qu'une parfaite indifference à recevoir toute sorte d'evenemens, selon qu'ils arrivent par l'ordre de la providence de Dieu, aussi bien l'affliction comme la consolation, la maladie comme la santé, la pauvreté comme les richesses, le mespris comme l'honneur et l'opprobre comme la gloire.

  A006000138 

 Ainsi les Saints qui sont au Ciel ont une telle union avec la volonté de Dieu, que s'il y avoit un peu [25] plus de son bon plaisir en enfer ils quitteroient le Paradis pour y aller.

  A006000138 

 Cest estat du delaissement de soy-mesme comprend aussi l'abandonnement au bon plaisir de Dieu en toutes tentations, aridités, secheresses, aversions et repugnances qui arrivent en la vie spirituelle; car en toutes ces choses l'on y void le bon plaisir de Dieu, quand elles n'arrivent pas par nostre defaut et qu'il n'y a pas du peché..

  A006000138 

 Il faut de plus remarquer qu'il y a des choses esquelles il faut joindre la volonté de Dieu signifiée à celle de son bon plaisir: comme si je tombe malade d'une grosse fievre, je voy en cest evenement que le bon plaisir de Dieu est que je demeure en indifference de la santé ou de la maladie; mais la volonté de Dieu signifiée est que moy, qui ne suis pas sous l'obeissance, j'appelle le medecin et que j'applique tous les remedes que je puis (je ne dis pas les plus exquis, mais les communs et ordinaires), et que les Religieux, qui sont sous un Superieur, reçoivent les remedes et traittement qui leur sont presentés, en simplicité et soubmission; car Dieu le nous a signifié en ce qu'il donne la vertu aux remedes, la Sainte Escriture le nous enseigne en plusieurs endroits et l'Eglise l'ordonne.

  A006000138 

 Or cela fait, que la maladie surmonte le remede, ou le remede surmonte le mal, il en faut estre en parfaite indifference, en telle sorte que si la maladie et la santé estoient là devant nous et que Nostre Seigneur nous dist: Si tu choisis la santé je ne t'en osteray pas un grain de ma grace, si tu choisis la maladie je ne te l'augmenteray pas aussi de rien, mais au choix de la maladie il y a un peu plus de mon bon plaisir; alors l'ame qui s'est entierement delaissée et abandonnée entre les mains de Nostre Seigneur choisira sans doute la maladie, pour cela seulement qu'il y a un peu plus du bon plaisir de Dieu; ouy mesme quand ce seroit pour demeurer toute sa vie dans un lict, sans faire autre chose que souffrir, elle ne voudroit pour rien du monde desirer un autre estat que celuy-là.

  A006000140 

 Nostre Seigneur ayme d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner ainsi totalement à son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence, sans s'amuser à considerer si les effets de ceste providence leur seront utiles, profitables, ou dommageables; estant tout asseurés que rien ne leur sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres-aymable, ni qu'il ne permettra que rien leur arrive [26] de quoy il ne leur fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit, mon ame, mon corps et tout ce que j'ay entre vos benites mains, pour en faire selon qu'il vous plaira.

  A006000140 

 Quelquefois Nostre Seigneur veut que les ames choisies pour le service de sa divine Majesté se nourrissent d'une resolution ferme et invariable de perseverer à le suivre parmi les desgousts, secheresses, repugnances et aspretés de la vie spirituelle, sans consolations, saveurs, tendretés et sans goust, et qu'elles croyent de n'estre dignes d'autre chose, suivant ainsi le divin Sauveur avec la fine pointe de l'esprit, sans autre appuy que celuy de sa divine volonté qui le veut ainsi.

  A006000141 

 Je n'entens pas pourtant de dire qu'il ne faille pas penser és choses ausquelles nous sommes obligés chacun selon, sa charge; car il ne faut pas qu'un Superieur, sous ombre de s'estre abandonné à Dieu et se reposer en son soin, neglige de lire et d'apprendre les enseignemens qui sont propres pour l'exercice de sa charge.

  A006000141 

 Or maintenant, vous me demandez à quoy se doit occuper interieurement ceste ame qui est toute abandonnée entre les mains de Dieu.

  A006000142 

 Ainsi ceste ame qui s'est delaissée n'a autre chose à faire qu'à demeurer entre les bras de Nostre Seigneur comme un enfant dans le sein de sa mere, lequel, quand elle le met en bas pour cheminer, il chemine jusques à tant que sa mere le reprenne, et quand elle le veut porter il luy laisse faire.

  A006000142 

 Celles qui sont dediées à Dieu en la Religion doivent tout abandonner sans aucune reserve.

  A006000142 

 Il ne sçait point et ne pense point où il va, mais il se laisse porter ou mener où il plaist à sa mere: tout de mesme ceste ame, aymant la volonté du bon plaisir de Dieu en tout ce qu'il luy arrive, se laisse porter et chemine neantmoins, faisant avec grand soin tout ce qui est de la volonté de Dieu signifiée..

  A006000142 

 Sainte Magdelaine, qui s'estoit toute abandonnée à la volonté de Nostre Seigneur, demeuroit à ses pieds et l' escoutoit tandis qu'il parloit; et lors qu'il cessoit de parler, elle cessoit aussi d'escouter, mais elle ne bougeoit pourtant d'aupres de luy.

  A006000143 

 Or je dis en premier lieu, qu'il n'arrive jamais, pour abandonnés que nous [28] soyons, que nostre franchise et la liberté de nostre arbitre ne nous demeurent, de sorte qu'il nous vient tousjours quelque desir et quelque volonté; mais ce ne sont pas des volontés absolues et des desirs formés, car si tost qu'une ame qui s'est delaissée au bon plaisir de Dieu apperçoit en soy quelque volonté, elle la fait incontinent mourir en la volonté de Dieu..

  A006000144 

 Vous voudriez aussi sçavoir si une ame encore bien imparfaite pourroit demeurer utilement devant Dieu avec ceste simple attention à sa sainte presence en l'oraison Et je vous dis que si Dieu vous y met, vous y pouvez bien demeurer, car il arrive assez souvent que Nostre Seigneur donne ces quietudes et tranquillités à des ames qui ne sont pas bien purgées; mais tandis qu'elles ont encore besoin de se purger, elles doivent, hors l'oraison, faire des remarques et des considérations necessaires à leur amendement; car, quand bien Dieu les tiendroit tousjours fort recueillies, il leur reste encor assez de liberté pour discourir avec l'entendement sur plusieurs choses indifferentes: pourquoy donc ne pourront-elles pas considerer et faire des resolutions pour leur amendement et pour la pratique des vertus? Il y a des personnes fort parfaites ausquelles Nostre Seigneur ne donne jamais de telles douceurs ni de ces quietudes, qui font tout avec la partie superieure de leur ame, et font mourir leur volonté dans la volonté de Dieu à vive force et avec la pointe de la raison: et ceste mort icy est la mort de la croix, laquelle est beaucoup plus excellente et plus genereuse que l'autre, que l'on doit plustost appeller un endormissement qu'une mort; car ceste ame qui s'est embarquée dans la nef de la providence de Dieu se laisse aller et vogue doucement, comme une personne qui dormant dans un vaisseau sur [29] une mer tranquille ne laisse pas d'avancer.

  A006000145 

 Ce sont des vertus qui font leur residence en la partie superieure de l'ame, l'inferieure pour l'ordinaire n'y entend rien; il n'en faut faire aucun estat, mais sans regarder ce qu'elle veut, il faut embrasser ceste volonté divine et nous y unir, malgré qu'elle en ayt..

  A006000146 

 Il y a peu de personnes qui arrivent à ce degré du parfait delaissement d'elles mesmes, mais nous y devons neantmoins tous pretendre, chacun selon sa portée et petite capacité.

  A006000150 

 Cet Evangile est plein d'une quantité de belles conceptions: je me contenteray de quelques unes, qui nous serviront d'un autant agreable que profitable entretien.

  A006000150 

 Nous celebrons l'octave de la feste des saints Innocens, auquel jour la sainte Eglise nous fait lire l'Evangile qui traitte comme l' Ange du Seigneur dit au glorieux saint Joseph en songe, c'est à dire en dormant, qu'il prist l'Enfant et la Mere et qu'il s'enfuist en Egypte; d'autant qu'Herodes, jaloux de sa royauté, cherchoit Nostre Seigneur pour le mettre à mort, de crainte qu'il ne la luy ostast, et estant rempli de colere, dequoy les Roys Mages n'estoient point retournés par devers luy en Jerusalem, il commanda que l'on fist mourir tous les petits enfans au dessous de l'âge de deux ans, croyant que Nostre Seigneur s'y trouveroit, et par ce moyen il s'asseureroit de la possession de son royaume.

  A006000151 

 Ainsi Dieu a voulu diversifier les saisons, et que l'esté fust suivi de l'automne et l'hiver suivi du printemps, pour nous monstrer que rien n'est permanent en ceste vie, que les choses temporelles sont perpetuellement muables, inconstantes et sujettes au changement: et le defaut de la cognoissance de ceste verité est, comme j'ay dit, ce qui nous rend muables et changeans en nos humeurs; d'autant que nous ne nous servons pas de la raison que Dieu nous a donnée, laquelle raison nous rend immuables, fermes et solides, et partant semblables à Dieu..

  A006000151 

 Hé! qui ne void nostre folie? car nous voulons ce qui ne se peut.

  A006000151 

 Je commence par la premiere remarque que fait le grand saint Jean Chrysostome, qui est de l'inconstance, varieté et instabilité des accidens de ceste vie mortelle.

  A006000151 

 O que ceste consideration est utile! car le defaut d'icelle est ce qui nous porte au descouragement et bijarrerie d'esprit, inquietude, varieté d'humeurs, inconstance et instabilité en nos resolutions; car nous ne voudrions pas rencontrer en nostre chemin nulle difficulté, nulle contradiction et nulle peine; nous Voudrions avoir tousjours des consolations sans secheresses ni aridités, des biens sans meslange d'aucun mal, la santé sans maladie, le repos sans travail, la paix sans trouble.

  A006000152 

 En l'affliction il ne se desespere point, ains il attend la consolation; en la maladie il ne se tourmente point, mais il attend la santé, ou s'il void qu'il soit tellement mal que la mort s'en deust ensuivre, il benit Dieu, esperant le repos de la vie immortelle qui suit celle-cy.

  A006000152 

 Il est dit que l'homme sage, c'est à dire l'homme qui se conduit par la raison, se rendra maistre absolu des astres.

  A006000152 

 La raison est ce qui nous rend superieurs et maistres de tous les animaux.

  A006000152 

 Quand Dieu dit: Faisons l'homme à nostre semblance, il [lui] donna quant et quant la raison et l'usage d'icelle pour discourir, considerer et discerner le bien d'avec le mal, et les choses qui meritent d'estre esleuës ou rejettées.

  A006000153 

 Dieu a donné à l'homme la raison pour le conduire, mais pourtant il y en a peu qui la laissent maistriser en eux; au contraire, ils se laissent gouverner par leurs passions, lesquelles devroient estre subjettes et obeissantes à la raison selon l'ordre que Dieu requiert de nous..

  A006000155 

 Et que veut dire cela? n'est-elle pas autant capable d'estre aymée aujourd'huy qu'elle estoit hier? Si nous regardions à ce que nous dicte la raison, nous verrions qu'il falloit aymer ceste personne parce que c'est une creature qui porte l'image de la divine Majesté; ainsi nous aurions autant de suavité en sa conversation que nous en avions eu autrefois..

  A006000156 

 Mais cela ne provient sinon dequoy on se laisse conduire à son inclination, à ses passions ou affections, pervertissant ainsi l'ordre que Dieu avoit mis en nous, que tout seroit subjet à la raison; car si la raison ne domine sur toutes nos puissances, sur nos facultés, nos passions, inclinations, affections, et en fin sur tout ce qui sera de nous, qu'en arrivera-t'il sinon une continuelle vicissitude, inconstance, varieté, changement, bijarrerie, qui nous fera tantost estre fervens, et peu apres lasches, negligens et paresseux; tantost joyeux, et puis melancoliques? Nous serons tranquilles une heure, et puis inquiets deux jours; bref, nostre vie se passera en faineantise et perte de temps..

  A006000157 

 Donc par ceste premiere remarque, nous sommes incités et semonds à considerer l'inconstance et varieté des succes, tant aux choses temporelles qu'aux choses spirituelles, à fin que par l'evenement des rencontres qui pourroient effaroucher nos esprits, comme estant choses nouvelles et non preveües, nous ne perdions point courage, ne nous laissant emporter à l'inegalité d'humeur parmi l'inegalité des choses qui nous arrivent; ains, que sousmis à la conduite de la raison que Dieu a mise en nous, et à sa providence, nous demeurions fermes, constans et invariables en la resolution que nous avons faite de servir Dieu constamment, courageusement, hardiment et ardemment, sans discontinuation quelconque.

  A006000158 

 Si je parlois devant des personnes qui ne m'entendissent pas, je tascherois de leur inculquer le mieux qu'il me seroit possible ce que je viens de dire; mais vous sçavez que j'ay tousjours tasché de vous inculquer bien avant dans la memoire ceste tres-sainte egalité d'esprit, comme estant la vertu la plus necessaire et particuliere de la Religion.

  A006000158 

 Tous les anciens Peres des Religions ont visé particulierement à faire que ceste egalité et stabilité d'humeurs et d'esprit regnast dans leurs monasteres; pour cela ils ont establi les Statuts, Constitutions et Regles, à fin que les Religieux s'en servissent comme d'un pont pour passer de la continuelle egalité des exercices qui y sont marqués, et auxquels ils se sont assubjettis, à ceste tant aymable et desirable egalité d'esprit, parmi l'inconstance et inegalité des accidens qui se rencontrent tant au chemin de nostre vie mortelle que de nostre vie spirituelle..

  A006000159 

 Le grand saint Chrysostome dit: O homme, qui te fasches dequoy toutes choses ne te succedent pas comme tu voudrois, n'as-tu point de honte de voir que cela que tu voudrois ne s'est pas mesme trouvé dans la famille de Nostre Seigneur? Considere, je te prie, la vicissitude, le changement et la diversité des succes qui s'y rencontrent.

  A006000159 

 Nostre Dame reçoit la nouvelle qu'elle concevroit du Saint Esprit un fils, qui seroit Nostre Seigneur et Sauveur: quelle joye, quelle jubilation pour elle en ceste heure sacrée de l'Incarnation du Verbe eternel! Peu apres, saint Joseph s'apperçoit qu'elle est enceinte, et sçachant bien que ce n'estoit pas de luy qu'elle l'estoit, ô Dieu, quelle affliction! en quelle detresse ne fut-il pas! Et Nostre Dame, quelle extremité de douleur et affliction ne ressentit-elle pas en son ame, voyant son cher Espoux sur le point de la quitter, sa modestie ne luy permettant de descouvrir à saint Joseph l'honneur et la grace dont Dieu l'avoit gratifiée! Un peu apres ceste bourrasque passée, l'Ange [38] ayant descouvert à saint Joseph le secret de ce mystere, quelle consolation ne receurent-ils pas!.

  A006000160 

 Et ne sçavez-vous pas que les Egyptiens sont ennemis des Israëlites? qui nous recevra? Et semblables choses, que nous eussions bien alleguées à l'Ange si nous eussions esté en la place de saint Joseph; lequel ne dit pas un mot pour s'excuser de faire l'obeissance, ains il partit à la mesme heure, et fit tout ce que l'Ange luy avoit commandé..

  A006000160 

 O que ce fut sans doute un sujet de douleur tres-grand à Nostre Dame et à saint Joseph! O que l'Ange traitte bien saint Joseph en vray Religieux! Prens l'Enfant, dit-il, et la M ere, et fuis en Egypte, et y demeure jusques à ce que je te le die. Qu'est-ce que cecy? Le pauvre saint Joseph n'eust-il pas peu dire: Vous me dites que j'aille, ne sera-t'il pas assez à temps de partir demain au matin? où voulez-vous que j'aille de nuict? Mon equipage n'est pas dressé; comment voulez-vous que je porte l'Enfant? auray-je les bras assez forts pour le porter continuellement en un si long voyage? Quoy? entendez-vous que la Mere le porte à son tour? helas! ne voyez-vous pas bien que c'est une jeune fille, qui est encore si tendre? Je n'ay ni cheval ni argent pour faire le voyage.

  A006000161 

 Et premierement nous sommes enseignés qu'il [39] ne faut nulle remise et delai en ce qui regarde l'obeissance; c'est le fait du paresseux que de retarder, et dire, comme saint Augustin dit de soy-mesme: Tantost, « encor un peu, » et puis je me convertiray.

  A006000161 

 Le Saint Esprit ne veut nulle remise, ains desire une grande promptitude à la suite de ses inspirations; nostre perte vient de nostre lascheté, qui nous fait dire: je commenceray tantost.

  A006000161 

 Pourquoy non à ceste heure, qu'il nous inspire et nous pousse? C'est que nous sommes si tendres sur nous-mesmes que nous craignons tout ce qui semble nous oster de nostre repos, qui n'est autre chose que nostre tardiveté et faineantise, desquelles nous ne voulons point estre retirés par la sollicitation d'aucuns objects qui nous attirent à sortir de nous-mesmes; et nous disons quasi comme le paresseux, lequel se plaignant dequoy on le vouloit faire sortir de sa maison: Comment sortiray-je? dit-il, car il y a un lion sur le grand chemin, et les ours sont sur les advenues, qui sans doute me devoreront.

  A006000162 

 De plus, il faut considerer la grande paix et egalité d'esprit de la tres-sainte Vierge et de saint Joseph, en leur constance parmi l'inegalité si grande des divers accidens qui leur arrivoient, ainsi que nous avons dit.

  A006000162 

 Il nous le faut dire et redire plusieurs fois, à fin de le mieux graver dans nos esprits, que l'inegalité des accidens ne doit jamais porter nos ames et nos esprits dans l'inégalité d'humeur; car l'inegalité d'humeur ne provient d'autre source que de nos passions, inclinations ou affections immortifiées, et elles ne doivent point avoir de pouvoir sur nous tandis qu'elles nous inciteront à faire, delaisser ou desirer aucune chose, pour petite qu'elle puisse estre, qui soit contraire à ce que la raison nous dicte qu'il faut faire ou delaisser pour plaire à Dieu..

  A006000162 

 Or, voyez si nous avons raison de nous troubler et estonner si nous voyons semblables rencontres en la maison de Dieu, qui est la Religion, puisque cela estoit en la famille mesme de Nostre Seigneur, où la fermeté [40] et la solidité mesme faisoit residence, qui estoit Nostre Seigneur.

  A006000163 

 Il faut premierement sçavoir que quand on dit l'Ange du Seigneur, il ne faut pas entendre que ce soit comme l'on dit de nous autres, l'Ange d'un tel ou d'une telle; car cela veut dire nostre Ange gardien, qui a soin de nous de la part de Dieu; mais Nostre Seigneur, qui est le roy et la guide des Anges mesmes, n'a pas besoin, ou n'avoit pas besoin durant le cours de sa vie mortelle d'un Ange gardien.

  A006000163 

 Je passe à la seconde consideration que je fais sur ceste parole de l'Ange du Seigneur, qui dit à saint Joseph: Prens l'Enfant, et ce qui s'ensuit.

  A006000164 

 Car l'homme est un abregé du monde, ou, pour mieux dire, un petit monde, auquel se rencontre tout ce que l'on void au grand monde universel: les passions representent les bestes et les animaux qui sont sans raison; les sens, les inclinations, les affections, les puissances, les facultés de nostre ame, tout cela a sa signification particuliere; mais je ne me veux pas arrester à cela, ains je veux suivre mon discours commencé..

  A006000164 

 Nous sommes en ceste vie comme dessus de la glace, trouvant à tous propos des occasions propres pour faire trebucher et tomber, tantost au chagrin, ores en des murmures, un peu apres en des bijarreries d'esprit qui feront que l'on ne pourra rien faire qui nous puisse contenter; et puis nous entrons en degoust de nostre vocation, la melancolie nous suggerant que nous ne ferons jamais rien qui vaille; et que sçay-je? semblables choses et accidens qui se rencontrent en nostre petit monde spirituel.

  A006000164 

 Pour expliquer cecy familierement: l'on changea d'offices et d'aydes ces jours passés; que signifient ces aydes que l'on vous donne? pourquoy vous les [41] donne-t'on? Saint Gregoire dit que nous devons faire en ce miserable monde ce que font ceux qui cheminent sur la glace, pour nous tenir fermes et solides à l'entreprise que nous faisons de nous sauver ou de nous perfectionner; car il dit qu'ils se prennent par la main ou par dessous les bras, à fin que si quelqu'un d'entre eux glisse, il puisse estre retenu par l'autre, et puis que l'autre puisse estre retenu par luy quand il sera esbranlé pour tomber à son tour.

  A006000165 

 O Dieu, avec quelle franchise, cordialité, sincerité, simplicité et fidelle confiance ne devons-nous pas traitter avec ces aydes qui nous sont données de la part de Dieu pour nostre avancement spirituel! Non certes autrement que comme avec nos bons Anges: nous les devons regarder tout de mesme, car nos bons Anges sont appellés nos Anges gardiens parce qu'ils sont chargés de nous assister de leurs inspirations, de nous defendre en nos perils, de nous reprendre en nos defauts, de nous exciter en la poursuite de la [42] vertu; ils sont chargés de porter nos prieres devant le throsne de la majesté, bonté et misericorde de Nostre Seigneur, et de nous rapporter l'interinement de nos requestes; et les graces que Dieu nous veut faire, il nous les fait par l'entremise ou intercession de nos bons Anges.

  A006000166 

 Je considere en apres pourquoy Nostre Seigneur, qui est la Sapience eternelle, ne prend pas soin de sa famille, je veux dire d'avertir saint Joseph, ou bien sa tres-douce Mere, de tout ce qui leur devoit arriver.

  A006000166 

 Ne pouvoit-il pas bien l'inspirer au cœur de sa tres-sainte Mere ou de son bien-aymé Pere putatif saint Joseph, Espoux de la tres-sacrée Vierge? pourquoy donc ne fit-il pas tout cela plustost que d'en laisser la [43] charge à l'Ange, qui estoit beaucoup inferieur à Nostre Dame? Cecy n'est pas sans mystere.

  A006000166 

 Nostre Seigneur ne voulut pas se gouverner luy-mesme, ains se laisser porter où l'on vouloit et par qui l'on vouloit; il semble qu'il ne s'estimoit pas assez sage pour se conduire luy-mesme, ni sa famille, ains laisse gouverner l'Ange tout ainsi qu'il luy plaist, encor qu'il n'ayt point de science ni de sapience pour entrer en comparaison avec sa divine Majesté..

  A006000166 

 Nostre Seigneur ne voulut rien entreprendre sur la charge de saint Gabriel, lequel ayant esté commis de la part du Pere eternel pour annoncer le mystere de l'Incarnation à la glorieuse Vierge, fut dés lors comme econome general de la maison et famille de Nostre Seigneur, pour en avoir soin dans les succes et accidens divers qui s'y devoient rencontrer, et empescher que rien ne survinst qui peust abreger la vie mortelle de nostre petit Enfant nouveau né: c'est pourquoy il advertit saint Joseph de l'emporter promptement en Egypte pour eviter la tyrannie d'Herodes, qui faisoit dessein de le faire mourir.

  A006000167 

 Mais de plus, voyez l'ordre qui se garde en ceste sainte famille.

  A006000167 

 Qui pourroit entrer en doute que Nostre Dame ne valust mieux que saint Joseph, et qu'elle n'eust plus de discretion et de qualités propres pour le gouvernement que son Espoux? Neantmoins, l'Ange ne s'adresse point à elle de tout ce qui est requis de faire, soit pour aller ou pour venir, ni en fin pour quoy que ce soit.

  A006000168 

 Grand cas de l'esprit humain, qui ne veut point se rendre capable d'adorer les secrets mysteres de Dieu et sa tres-sainte volonté, s'il n'a quelque sorte de cognoissance pourquoy cecy ou cela! J'ay meilleur esprit, dit-on de soy, plus d'experience, et semblables belles raisons qui ne sont propres qu'à produire des inquietudes, des humeurs bijarres, des murmures.

  A006000168 

 Mais qui m'asseurera que c'est la volonté de Dieu? Nous voudrions que Dieu nous revelast toutes choses par des secrettes inspirations.

  A006000168 

 Ne voyez-vous pas que Dieu prend plaisir de traitter ainsi avec les hommes, pour leur apprendre la tres-sainte et tres-amoureuse sousmission? Saint Pierre estoit un vieil homme, rude et grossier, et saint Jean, au contraire, estoit jeune, doux, agreable; et neantmoins Dieu veut que saint Pierre conduise les autres et soit le Supérieur universel, et que saint Jean soit [45] l'un de ceux qui sont conduits et qui luy obeissent.

  A006000168 

 Voudrions nous attendre qu'il nous envoyast des Anges pour nous annoncer ce qui est de sa volonté? Il ne le fit pas à Nostre Dame mesme (au moins en ce subjet), ains voulut la luy faire sçavoir par l'entremise de saint Joseph, auquel elle estoit subjette comme à son superieur.

  A006000169 

 Qu'il nous suffise donc de sçavoir que Dieu veut que nous obeissions, sans nous amuser à la consideration de la capacité de ceux à qui nous devons obeir; ainsi nous assujettirons nos esprits à marcher tout simplement en la tres heureuse voye d'une sainte et tranquille humilité, qui nous rendra infiniment agreables à Dieu..

  A006000170 

 Car l'Ange dit simplement: Prens l'Enfant et la Mere, et t'enfuis en Egypte; sans luy dire ni par quel chemin, ni quelles provisions ils auront pour passer leur chemin, ni en quelle part de l'Egypte, ni moins qui les recevra, ni de quoy ils se nourriront y estans.

  A006000170 

 Il faut maintenant passer à la troisiesme consideration, qui est une remarque que j'ay fait sur le [46] commandement que l'Ange fit à saint Joseph de prendre l'Enfant et la Mere, et s'en aller en Egypte, et y demeurer jusques à tant qu'il l'advertist de s'en retourner.

  A006000170 

 Par ceste façon de proceder entre l'Ange et saint Joseph nous sommes enseignés, en troisiesme lieu, comment nous nous devons embarquer sur la mer de la divine Providence, sans biscuit, sans rames, sans avirons, sans voiles, et en fin sans nulle sorte de provisions; et ainsi laisser tout le soin de nous-mesmes et du succes de nos affaires à Nostre Seigneur, sans retours ni repliques, ni craintes quelconques de ce qui nous pourroit arriver.

  A006000171 

 Que dites-vous, Seigneur, que je sorte de la ville? mais dites moy donc si j'iray du costé de l'orient ou de l'occident? Il ne fait nulle replique, ains part de là tout promptement, et s'en va où l'Esprit de Dieu le [47] conduisoit, jusques en une montagne qui a esté appellée depuis Vision de Dieu, d'autant qu'il receut des graces grandes et signalées en ceste montagne, pour monstrer combien la promptitude en l'obeissance luy est agreable.

  A006000172 

 Apres avoir beni Dieu de la cognoissance qu'il vous a donnée, retranchez ceste tendreté inutile qui vous fait plaindre de vostre infirmité..

  A006000172 

 Il n'y? certes que le trop grand soin que nous avons de nous-mesmes qui nous fasse perdre la tranquillité de nostre esprit et qui nous porte à des humeurs bijarres et inegales, car dés que quelques contradictions nous arrivent, voire quand nous appercevons seulement un petit trait de nostre immortification, ou quand nous commettons quelque defaut, pour petit qu'il soit, il nous semble que tout est perdu.

  A006000172 

 Mais je considere qu'il n'est pas seulement requis de nous reposer en la divine Providence pour ce qui regarde les choses temporelles, ains beaucoup plus pour ce qui appartient à nostre vie spirituelle et à nostre perfection.

  A006000173 

 Grande pitié, certes! Mais je suis si souvent en secheresse! cela me fait croire que je ne suis point bien avec Dieu, qui est si plein de consolation.

  A006000173 

 Nous avons des tendretés sur nos corps qui sont grandement contraires à la perfection; mais plus, sans comparaison, celles que nous avons sur nos esprits.

  A006000173 

 Voire, c'est bien dit: comme si Dieu donnoit tousjours des consolations à ses amis! A-t'il jamais esté pure creature si digne d'estre aymée de Dieu, et qui l'ait esté davantage, que Nostre Dame et saint Joseph? voyez s'ils sont tousjours en consolation.

  A006000175 

 Dieu veut que nous ayons un soin tranquille et paisible, qui nous fasse faire ce qui est jugé propre par ceux qui nous conduisent, et aller fidellement tousjours avant dans le chemin qui nous est marqué par les Regles et Directoires qui nous sont donnés; et quant au reste, que nous nous en reposions en son soin paternel, taschant tant qu'il nous sera possible de tenir nostre ame en paix, car la demeure de Dieu a esté faite en paix, et au cœur paisible et bien reposé.

  A006000175 

 Il nous faut donc laisser le soin de nous-mesmes à la mercy de la divine Providence, et faire neantmoins tout bonnement et simplement ce qui est en nostre pouvoir pour nous amender et perfectionner, prenant tousjours soigneusement garde de ne point laisser troubler et inquieter nos esprits.

  A006000175 

 Mais quand elle est troublée, inquietée et agitée des diverses bourrasques des passions, et que l'on se laisse gouverner par elles et non par la raison qui nous rend semblables à Dieu, lors nous ne sommes nullement capables de representer la belle et tres-aymable image de Nostre Seigneur crucifié, ni la diversité de ses excellentes vertus, ni nostre ame ne peut pas estre capable de luy servir de lict nuptial.

  A006000177 

 Allez tout simplement en Egypte parmi la grande quantité d'ennemis que vous y aurez, car Dieu qui vous y fait aller vous y conservera, et vous n'y mourrez point; où au contraire, si vous [52] demeurez en Israël où est l'ennemy de vostre propre volonté, sans doute il vous y fera mourir.

  A006000177 

 Et ne sçavez-vous pas ce que je vous ay desja dit autrefois et qu'il n'est pas mauvais de redire, que la vertu ne requiert pas que nous soyons privés de l'occasion de trebucher en l'imperfection qui luy est contraire? « Il ne suffit pas, » dit Cassian, « pour estre patient et bien doux en soy-mesme, d'estre privé de la conversation des hommes; car il m'est arrivé, estant en ma cellule tout seul, de me passionner quand mon fusil ne prenoit pas feu, » tellement que je le jettois par colere..

  A006000184 

 Mais cela ne se doit pas appeller amitié, d'autant qu'il faut que la correspondance de l'amitié se trouve entre les deux qui s'ayment, et que ceste amitié se contracte par l'entremise de la raison.

  A006000184 

 Pour satisfaire à vostre demande, et faire bien entendre en quoy consiste l'amour cordial duquel les Sœurs se doivent aymer les unes les autres, il faut sçavoir que la cordialité n'est autre chose que l'essence de la vraye et sincere amitié, laquelle ne peut estre qu'entre personnes raisonnables, et qui fomentent et nourrissent leurs amitiés par l'entremise de la raison; car autrement ce ne peut estre amitié, ains seulement amour.

  A006000185 

 Aussi ces amitiés que les mondains contractent par ensemble, ou pour quelque interest particulier ou pour quelque sujet frivole, sont des amitiés grandement sujettes à perir et à se dissoudre; mais celle qui est entre les freres est tout au contraire, car elle est sans artifice, et partant fort recommandable.

  A006000185 

 Cela donc estant ainsi, je dis que c'est pour ce sujet que les Religieux s'appellent freres, et partant ont un amour qui merite veritablement le nom d'amitié non commune, ains d'amitié cordiale, c'est à dire d'une amitié qui a son fondement dans le cœur..

  A006000185 

 Il faut de plus, outre l'entremise de la raison, qu'il y ayt une certaine correspondance, ou de vocation ou de pretention ou de qualité, entre ceux qui contractent de l'amitié: ce que l'experience nous enseigne clairement, car n'est-il pas vray qu'il n'y a point de plus vraye amitié ni de plus forte que celle qui est entre les freres? L'on n'appelle pas l'amour que les peres portent à leurs enfans amitié, ni celuy que les enfans ont pour leurs peres, parce qu'il n'y a pas ceste correspondance dont [55] nous parlons, ains sont differens: l'amour des peres estant un amour majestueux et plein d'authorité, et celuy des enfans pour leurs peres, un amour de respect et de sousmission; mais entre les freres, à cause de la ressemblance de leur condition, la correspondance de leur amour fait une amitié ferme, forte et solide.

  A006000186 

 Ce qui est dit de Dieu se doit aussi entendre de l'amour du prochain, pourveu toutesfois que l'amour de Dieu surnage tousjours au dessus et tienne le premier rang: mais apres, nous devons aymer nos Sœurs de toute l'estendue de nostre cœur, et ne nous contenter pas de les aymer comme nous-mesme, ainsi que les commandemens de Dieu nous obligent; mais nous les devons aymer plus que nous-mesme, pour observer les regles de la perfection evangelique, qui requiert cela de nous.

  A006000186 

 Et tout ainsi qu'il a fait tout ce qui se pouvoit pour nous, excepté de se damner (car il ne le pouvoit ni devoit faire, parce qu'il ne pouvoit pecher, qui est cela seul qui nous conduit à la damnation), il veut, et la regle de la perfection le requiert, que nous fassions tout ce que nous pouvons les uns pour les autres, excepté de nous damner; mais hors de là, nostre amitié doit estre si ferme, cordiale et solide, que nous ne [57] refusions jamais de faire ou de souffrir quoy que ce soit pour nostre prochain et pour nos Sœurs..

  A006000187 

 L'affabilité est celle qui respand une certaine suavité dans les affaires et communications serieuses que nous avons les uns parmi les autres; la bonne conversation est celle qui nous rend gratieux et agreables dans les recreations et communications moins serieuses que nous avons avec nostre prochain.

  A006000187 

 Les viandes sur lesquelles on mettroit du sel à grosses poignées seroyent desagreables à cause de leur acrimonie; mais celles où le sel et le sucre sont mis par mesure sont rendues agreables au goust: de mesme, les caresses qui sont faites par mesure et discretion sont rendues agreables et profitables à celles à qui on les fait..

  A006000187 

 Toutes les vertus, ainsi que vous sçavez, ont deux vices contraires, qui sont les extremités de la vertu; la vertu donc d'affabilité est au milieu de deux vices: de la gravité ou trop grande seriosité, et d'une trop grande mollesse à caresser et dire des paroles frequentes qui tendent à la flatterie.

  A006000188 

 C'est bien la verité, que nous devons tous avoir ceste pretention d'atteindre et donner droit dans le blanc de la vertu, laquelle nous devons desirer ardemment: [59] mais pourtant nous ne devons pas perdre courage quand nous ne rencontrons pas droittement l'essence de la vertu, ni nous estonner, pourveu que nous donnions dans le rond, c'est à dire au plus pres que nous pourrons; car c'est une chose que les Saints mesmes n'ont pas sceu faire en toutes les vertus, n'y ayant que Nostre Seigneur et Nostre Dame qui l'ayent peu faire.

  A006000188 

 Il faut pourtant tascher de rendre autant que nous pourrons les tesmoignages exterieurs de nostre affection conformément à la rayson; rire avec les rians, pleurer avec ceux qui pleurent..

  A006000188 

 La vertu de bonne conversation requiert que l'on contribue à la joye sainte et moderée, et aux entretiens gratieux qui peuvent servir de consolation ou de recreation au prochain, en sorte que nous ne luy causions point d'ennuy par nos contenances refrongnées et melancoliques, ou bien refusant de nous recreer au temps qui est destiné pour ce faire.

  A006000189 

 Le mesme saint Paul qui nous enseigne de faire que nos affections soient tesmoignées saintement, veut et nous enseigne de le faire gratieusement, nous en donnant l'exemple: Saluez, dit-il, un tel, qui [61] sçait bien que je l'ayme de cœur, et un tel, qui doit estre asseuré que je l'ayme comme mon frere, et en particulier sa mere, qui sçait bien qu'elle est aussi la mienne..

  A006000190 

 C'est à ceux qui ont plus besoin de nous auxquels nous devons tesmoigner nostre amour plus particulierement; car c'est là où nous monstrons mieux que nous aymons par charité, que non pas en aymant ceux qui nous donnent plus de consolation que de peine.

  A006000190 

 Je dis à cela, que bien que nous soyons obligés d'aymer davantage ceux qui sont plus vertueux, de l'amour de complaisance, nous ne les devons pas pourtant plus aymer de l'amour de bienveuillance, et ne leur devons pas tesmoigner plus de signes d'amitié; et cela pour deux raisons.

  A006000190 

 Mais hors de là, il faut tascher de faire que nous aymions tous esgalement, puisque Nostre Seigneur n'a pas dit: Aymez ceux qui sont plus vertueux, ains indifferemment: Aymez-vous les uns les autres ainsi que je vous ay aymés, sans en exclure aucun, pour imparfait qu'il soit..

  A006000191 

 La seconde raison pour laquelle nous ne devons pas rendre des tesmoignages d'amitié aux uns plus qu'aux autres, et ne devons nous laisser aller à les aymer davantage, est que nous ne pouvons pas juger qui sont [62] les plus parfaits et qui ont le plus de vertu; car les apparences exterieures sont trompeuses, et bien souvent ceux qui vous semblent estre les plus vertueux (comme j'ay dit autre part) ne le sont pas devant Dieu, qui est celuy-là seul qui peut les recognoistre.

  A006000193 

 C'est à ce souverain degré de l'amour du prochain que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, sommes appellés; car, ce [64] n'est pas assez d'assister le prochain de nos commodités temporelles, ce n'est pas encor assez, dit saint Bernard, d'employer nostre propre personne à souffrir pour cest amour: mais il faut passer plus avant, nous laissant employer pour luy par la tres-sainte obeissance, et par luy tout ainsi que l'on voudra, sans que jamais nous y resistions.

  A006000193 

 O mieux vaut tousjours, sans comparaison, ce que l'on nous fait faire (j'entends ce qui n'est pas contraire à Dieu et qui ne l'offense point) que ce que nous faisons ou choisissons à faire nous-mesme..

  A006000193 

 Or pour bien tesmoigner que nous l'aymons, il faut luy procurer tout le bien que nous pouvons, tant pour l'ame que pour le corps, priant pour luy, et le servant cordialement quand l'occasion s'en presente: d'autant que l'amitié qui se termine en belles paroles n'est pas grand'chose, et n'est pas s'aymer comme Nostre Seigneur nous a aymés, lequel ne s'est pas contenté de nous asseurer qu'il nous aymoit, mais a voulu passer plus outre, en faisant tout ce qu'il a fait pour preuve de son amour.

  A006000194 

 Aymons-nous donc bien les uns les autres, et nous servons pour cela de ce motif qui est si preignant pour nous exciter à ceste sainte dilection, que Nostre Seigneur sur la croix respandit jusques à la derniere goutte de son sang sur la terre, comme pour faire un ciment sacré duquel il vouloit cimenter, unir, conjoindre et attacher toutes les pierres de son Eglise, qui sont les fidelles, les uns avec les autres, à fin que ceste union fust tellement forte qu'il ne s'y trouvast jamais aucune division, tant il craignoit que ceste division ne causast la damnation eternelle..

  A006000195 

 Celuy pourtant qui previendra son prochain és benedictions de douceur, sera le plus parfait imitateur de Nostre Seigneur..

  A006000195 

 Et neantmoins nostre doux [65] Sauveur avoit des pensées d'amour pour eux, nous en donnant un exemple du tout inimaginable en ce qu'il excuse ceux qui le crucifioyent et l'injurioyent d'une rage toute barbare, et cherche des inventions pour faire que son Pere leur pardonne en l'acte mesme du peché et de l'injure.

  A006000195 

 Le support des imperfections du prochain est un des principaux points de cest amour: Nostre Seigneur nous l'a monstré sur la croix, lequel avoit un cœur si doux envers nous et nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui luy causoyent la mort, et qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire, car le peché que les Juifs commirent fut un monstre de meschanceté.

  A006000196 

 Et par ainsi, ceste confiance nourrirait grandement la cordialité et la tranquillité de nos esprits, qui sont sujets à se troubler quand nous sommes recognus defaillans en quelque chose, pour petite qu'elle soit, comme si c'estoit grande merveille de nous voir imparfaits..

  A006000196 

 Il faut de plus remarquer que l'amour cordial est attaché à une vertu qui est comme une dependance de cest amour, et c'est une confiance toute enfantine.

  A006000196 

 Je ne dis pas que si on avoit quelque don extraordinaire de Dieu il faille le dire à tout le monde, non; mais quant à nos petites consolations et nos petits biens, [66] je voudrois que l'on ne fist pas les reservées, ains que, quand l'occasion s'en presenteroit, non par forme de jactance ou vanterie, ains de simple confiance, l'on se les communiquast rondement et naïfvement les unes aux autres; et pour ce qui regarde nos defauts, que nous ne nous missions pas en peine de les couvrir; car pour ne les laisser pas voir au dehors ils n'en sont pas meilleurs.

  A006000196 

 Les Sœurs ne croiront pas pour cela que vous n'en ayez point, et vos imperfections seront peut estre plus dangereuses que si elles estoyent descouvertes et qu'elles vous causassent de la confusion, ainsi qu'elles font à celles qui sont plus faciles à les laisser paroistre à l'exterieur.

  A006000196 

 Vous aurez fait une faute ou une lourdise, il est vray; mais c'est devant vos Sœurs qui vous ayment cherement, et partant qui vous sçauront bien supporter en vostre defaut, et en auront plus de compassion sur vous que de passion contre vous.

  A006000199 

 Ce qui a esté obmis de l'Entretien de la Cordialité.

  A006000203 

 Ce que j'ay dit que nous devons rendre nostre amour si esgal envers les Sœurs, que nous en ayons autant pour les unes que pour les autres, cela veut dire autant que nous le pouvons; car il n'est pas en nostre pouvoir d'avoir autant de suavité en l'amour que nous avons pour celles à qui nous avons moins d'alliance et correspondance d'humeur, qu'avec les autres, avec lesquelles nous avons de la sympathie.

  A006000205 

 Comme aussi, pour dire une chose qui se peut dire en douze paroles, j'en dis vingt de gayeté de cœur et sans nul besoin; cela est inutile, sinon, toutesfois, que cette multiplication se fist par l'ignorance de celle qui parle, qui ne se sçait pas autrement expliquer, alors il n'y a pas peché..

  A006000205 

 Voulez-vous sçavoir ce qui seroit oyseux? Si lors que l'on doit parler de choses serieuses et saintes, une Sœur venoit à raconter un songe ou quelque conte fait à plaisir; alors son discours n'auroit point de fin, et par consequent seroit inutile.

  A006000207 

 De dire une parole de joyeuseté qui la mortifie un peu, pourveu que cela ne l'attriste, si je l'avois fait sans intention, mais par simple recreation, je ne m'en confesserojs pas.

  A006000207 

 Les propos saintement joyeux sont ceux où il n'y a point de mal, qui ne taxent point le prochain d'imperfections, car c'est un defaut qu'il ne faut jamais faire, ni parler de choses messeantes et inconvenantes, comme aussi s'affectionner à parler long temps du monde et des choses vaines.

  A006000211 

 L'humilité, c'est de faire quelque acte pour s'humilier; l'habitude est d'en faire à toute rencontre et en toutes occasions qui s'en presentent; mais l'esprit d'humilité est de se plaire en l'humiliation, de rechercher l'abjection et l'humilité parmi toutes choses: c'est à dire, qu'en tout ce que nous faisons, disons ou desirons, nostre but principal soit de nous humilier et avilir, et que nous nous plaisions à rencontrer nostre propre abjection en toutes occasions, en aymant cherement la pensée.

  A006000211 

 Voila que c'est que faire toutes choses en esprit d'humilité, et c'est autant que qui diroit, rechercher l'humilité et l'abjection en toutes choses..

  A006000212 

 Il faut tousjours interpreter en la meilleure part qu'il se peut ce que nous voyons faire à nostre prochain; et és choses douteuses, il nous faut persuader que ce que nous avons apperceu n'est point mal, ains que c'est nostre imperfection qui nous cause telle pensée, à fin d'eviter les jugemens temeraires sur les actions d'autruy, qui est un mal tres dangereux et lequel nous devons souverainement detester.

  A006000213 

 Mais que pourrons-nous faire, dites-vous, pour acquerir cet esprit d'humilité tel que nous avons dit? O! il n'y a point d'autre moyen pour l'acquerir que pour toutes les autres vertus, qui ne s'acquierent que par des actes reiterés..

  A006000214 

 L'humilité nous fait aneantir en toutes les choses qui ne sont pas necessaires pour nostre advancement en la grace, comme seroit de bien parler, avoir un beau maintien, de grands talents pour le maniement des choses exterieures, un grand esprit, de l'eloquence, et semblables; car en ces choses exterieures il faut desirer que les autres y fassent mieux que nous.

  A006000218 

 Pour bien entendre que c'est, et en quoy consiste ceste force et generosité d'esprit que vous me demandez, il faut premierement respondre à une question que vous m'avez fait fort souvent, sçavoir, en quoy consiste la vraye humilité, d'autant qu'en resolvant ce poinct je me feray mieux entendre parlant du second, qui est de la generosité d'esprit de laquelle vous voulez que maintenant je traitte..

  A006000219 

 Ce que pour mieux entendre, il faut sçavoir qu'il y a en nous deux sortes de biens: les uns qui sont en nous et de nous, et les autres qui sont en nous, mais non pas de nous.

  A006000219 

 Et qu'il ne soit ainsi, y a-t'il rien de moins asseuré que les richesses, qui dependent du temps et des saisons? que la beauté, qui se ternit en moins de rien? il ne faut qu'une dertre sur le visage pour en oster l'esclat; et pour ce qui est des sciences, un petit trouble de cerveau nous fait perdre et oublier tout ce que nous en sçavions.

  A006000219 

 Mais d'autant qu'elle, nous fait plus abaisser et humilier par la cognoissance de ce que nous sommes de nous-mesmes, par le peu d'estime qu'elle fait de tout ce qui est en nous et de nous, d'autant aussi nous fait-elle grandement estimer à cause des biens qui sont en nous, et non pas de nous, qui sont la foy, l'esperance, l'amour de Dieu, pour peu que nous en ayons, comme aussi une certaine capacité que Dieu nous a donnée de nous unir à luy par le moyen de la grace; et quant à nous autres, nostre vocation, qui nous donne asseurance, autant que nous la pouvons avoir en ceste vie, de la possession de la gloire et felicité eternelle.

  A006000219 

 Or, l'humilité nous empesche de nous glorifier et estimer à cause de ces biens là, d'autant qu'elle n'en fait non plus de cas que d'un neant et d'un rien; et en effet, cela se doit par raison, n'estant point des biens stables et qui nous rendent plus agreables à Dieu, ains muables et sujets à la fortune.

  A006000219 

 Quand je dis que nous avons des biens qui sont de nous, je ne veux pas dire qu'ils ne viennent de Dieu et que nous les ayons de nous-mesmes; car en verité, de nous-mesmes nous n'avons autre chose que la misere et le neant: mais je veux dire que ce sont des biens que Dieu a tellement mis en nous qu'ils semblent estre de nous; et ces biens sont la santé, les richesses, [74] les sciences, et autres semblables.

  A006000220 

 Il y a des personnes qui s'amusent à une fausse et niaise humilité qui les empesche de regarder en eux ce que Dieu y a mis de bon.

  A006000220 

 Ils ont tres-grand tort; car les biens que Dieu a mis en nous veulent estre recognus, estimés et grandement honnorés, et non pas tenus au mesme rang de la basse estime que nous devons faire de ceux qui sont en nous et qui sont de nous.

  A006000220 

 L'humilité croid de ne pouvoir rien, eu esgard à la cognoissance de nostre pauvreté et foiblesse, entant qu'est de nous-mesmes; et au [75] contraire, la generosité nous fait dire avec saint Paul: Je puis tout en Celuy qui me conforte.

  A006000220 

 Non seulement les vrays Chrestiens ont recognu qu'il falloit regarder ces deux sortes de biens qui sont en nous, les uns pour nous humilier, les autres pour glorifier la divine Bonté qui les nous a donnés, mais aussi les philosophes; car ceste parole qu'ils disent: « Cognois toy-mesme, » se doit entendre non seulement de la cognoissance de nostre vileté et misere, mais encor de celle de l'excellence et dignité de nos ames, lesquelles sont capables d'estre unies à la Divinité par sa divine Bonté, qui a mis en nous un certain instinct lequel nous fait tousjours tendre et pretendre à ceste union en laquelle consiste tout nostre bonheur..

  A006000221 

 Et ainsi elle fait ce discours en elle-mesme: si Dieu m'appelle à un estat de perfection si haute qu'il n'y en ayt point en ceste vie de plus relevée, qu'est-ce qui me pourra empescher d'y parvenir, puisque je suis tres-asseurée que Celuy qui a commencé l'œuvre de ma perfection la parfera? Mais prenez garde que tout cecy se fait sans aucune presomption, d'autant que ceste confiance n'empesche pas que nous ne nous tenions tousjours sur nos gardes, de crainte de faillir; ains elle nous rend plus attentifs sur nous-mesmes, plus vigilans et soigneux de faire ce qui nous peut servir pour l'avancement de nostre perfection..

  A006000221 

 L'humilité qui ne produit point la generosité est indubitablement fausse, car apres qu'elle a dit: Je ne puis rien, je ne suis rien qu'un pur neant, elle cede tout incontinent la place à la generosité de l'esprit, laquelle dit: Il n'y a rien et il n'y peut rien avoir que je ne puisse, d'autant que je mets toute ma confiance en Dieu qui peut tout; et dessus ceste confiance, elle entreprend courageusement de faire tout ce qu'on luy commande.

  A006000222 

 Il est vray, vouloit-elle dire, que je ne suis en aucune façon capable de ceste grace, eu esgard à ce que je suis de moy-mesme; ains entant que ce qui est de bon en moy est de Dieu et que ce que vous me dites est sa tres-sainte volonté, je croy qu'il se peut et qu'il se fera; et partant, sans aucun doute, elle dit: Me soit fait ainsi que vous dites..

  A006000222 

 La tres sainte Vierge Nostre Dame nous fournit à ce sujet un exemple tres-remarquable lors qu'elle prononça ces mots: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car en ce qu'elle dit qu'elle est servante du Seigneur, elle fait un acte d'humilité le plus grand qui se peut faire, d'autant qu'elle oppose aux louanges que l'Ange luy donne, qu'elle sera Mere de Dieu, que l'enfant qui sortira de ses entrailles sera appellé le Fils du Tres-Haut, dignité la plus grande que l'on eust peu jamais imaginer, elle oppose, dis-je, à toutes les louanges et grandeurs sa bassesse [77] et son indignité, disant qu'elle est servante du Seigneur.

  A006000223 

 Si donc il est ainsi, qui m'asseurera que je ne manqueray point à la grace desormais, puisque je luy ay manqué tant de fois par le passé? Je responds que la generosité fait que l'ame dit hardiment et sans rien craindre: Non, je ne seray plus infidelle à Dieu; et parce qu'elle sent en son cœur ceste resolution de ne l'estre jamais, elle entreprend sans rien craindre tout ce qu'elle sçait la pouvoir rendre [78] agreable à Dieu, sans exception d'aucune chose; et entreprenant tout, elle croid de pouvoir tout, non d'elle-mesme, ains en Dieu auquel elle jette toute sa confiance; et pour ce elle fait et entreprend tout ce qu'on luy commande et conseille..

  A006000224 

 Mais nous autres, nous sommes si joyeux que rien plus, de tesmoigner que nous sommes bien humbles et que nous avons une basse estime de nous-mesmes, et semblables choses, qui ne sont rien moins que la vraye humilité, laquelle ne nous permet jamais de resister au jugement de ceux que Dieu nous a donnés pour nous conduire..

  A006000224 

 Mais vous me demanderez s'il n'est jamais permis de douter de n'estre pas capables de faire les choses qui nous sont commandées.

  A006000224 

 Or, quand je dis que la generosité ne nous permet point de douter, c'est quant à la partie superieure; car il se pourra bien faire que l'inferieure sera toute pleine de ces doutes, et aura beaucoup de peine à recevoir la charge ou l'employ que l'on nous donne; mais de tout cela, l'ame qui est genereuse s'en mocque et n'en fait aucun estat, ains se met simplement en l'exercice de ceste charge, sans dire une seule parole ni faire aucune action pour tesmoigner le sentiment qu'elle a de son incapacité.

  A006000225 

 J'ay mis dans le livre de l' Introduction un exemple qui sert à mon sujet et qui est fort remarquable: c'est du roy Achaz, lequel estant reduit à une tres-grande affliction par la rude guerre que luy faisoyent deux autres roys lesquels avoient assiegé Hierusalem, Dieu commanda au prophete Isaïe de l'aller consoler de sa part, et luy promettre qu'il emporteroit la victoire et [79] demeureroit triomphant de ses ennemis.

  A006000226 

 Nous ne devons donc jamais mettre en doute que nous ne puissions faire ce qui nous est commandé, d'autant que ceux qui nous commandent cognoissent bien nostre capacité.

  A006000227 

 En ce cas, il seroit ce semble, permis de faire un peu de resistance; mais sçavez-vous à qui? à une Fille de Dijon, par exemple, à laquelle une Superieure d'Annessy envoyeroit le commandement d'estre Superieure, ne l'ayant jamais veuë ny cognuë.

  A006000227 

 Mais j'entends bien la finesse: c'est que nous craignons de n'en pas sortir à nostre honneur; nous avons nostre reputation en si grande recommandation, que nous ne voulons point estre tenus pour apprentifs en l'exercice de nos charges, ains pour maistres et maistresses qui ne font jamais des fautes..

  A006000227 

 Mais vous me dites que l'on void plusieurs Saints qui ont fait grande resistance pour ne pas recevoir les [80] charges que l'on leur vouloit donner.

  A006000227 

 Or, ce qu'ils en ont fait n'a pas esté seulement à cause de la basse estime qu'ils faisoyent d'eux-mesmes, mais principalement à cause de ce qu'ils voyoient que ceux qui les vouloyent mettre en ces charges se fondoyent sur des vertus apparentes, comme sont les jeusnes, les aumosnes, les penitences et aspretés du corps, et non sur les vrayes vertus interieures, qu'ils tenoyent closes et couvertes sous la sainte humilité.

  A006000227 

 Puis, ils estoyent poursuivis et recherchés par des peuples qui ne les cognoissoyent point que par reputation.

  A006000228 

 Et par apres, l'on passe au découragement qui nous fait dire: O non, il ne faut plus rien esperer de moy, je ne feray jamais rien qui vaille, c'est perdre le temps que de me parler; et là dessus, nous voudrions quasi que l'on nous laissast là, comme si l'on estoit bien asseuré de ne pouvoir jamais rien gagner avec nous.

  A006000228 

 Les Filles de la Visitation sont toutes appellées à une tres-grande perfection, et leur entreprise est la plus haute et la plus relevée que l'on sçauroit penser; d'autant qu'elles n'ont pas seulement pretention de s'unir à la volonté de Dieu, comme doivent avoir toutes les creatures, mais de plus, elles pretendent de s'unir à ses desirs, voire mesme à ses intentions, je dis avant mesme qu'elles soyent presque signifiées; et s'il se pouvoit penser quelque chose de plus parfait et un degré de plus grande perfection que de se conformer à la volonté de Dieu, à ses désirs et à ses intentions, elles entreprendroyent [82] sans doute d'y monter, puisqu'elles ont une vocation qui les y oblige.

  A006000228 

 Mon Dieu, que toutes ces choses sont esloignées de l'ame qui est genereuse et qui fait une grande estime, comme nous avons dit, des biens que Dieu a mis en elle! Car elle ne s'estonne point, ni de la difficulté du chemin qu'elle a à faire, ni de la grandeur de l'œuvre, ni de la longueur du temps qu'il y faut employer, ni en fin du retardement de l'œuvre qu'elle a entreprise.

  A006000228 

 Vous entendez maintenant assez que c'est que l'esprit de force et de generosité que nous avons tant d'envie de voir ceans, à fin d'en bannir toutes les niaiseries et tendretés, qui ne servent qu'à nous arrester en nostre chemin et nous empescher de faire progres en la perfection.

  A006000229 

 Et cela, parce qu'elle considere que Celuy qui luy a donné les consolations est Celuy-là mesme qui luy envoye les afflictions; lequel luy envoye les unes et les autres poussé du mesme amour, qu'elle recognoist estre tres-grand, parce que par l'affliction interieure de l'esprit il pretend de l'attirer à une tres-grande perfection, qui est l'abnegation de toute sorte de consolations en ceste vie, demeurant tres-asseurée que Celuy qui l'en prive icy bas ne l'en privera point eternellement là haut au Ciel..

  A006000229 

 Mais outre ce que nous avons dit de ceste generosité, il faut encore dire cecy, qui est que l'ame qui la possede reçoit également les secheresses et les tendresses des consolations, les ennuys interieurs, les tristesses, les accablemens d'esprit, comme les ferveurs et les prosperités d'un esprit bien plein de paix et de tranquillité.

  A006000230 

 Escoutez ces paroles qu'il dit sur la croix: Mon Dieu, mon Dieu, fourquoy m'avez-vous abandonné? Il estoit reduit à l'extremité, car il n'y avoit que la fine pointe de son esprit qui ne fust accablé de langueurs; mais remarquez qu'il se prend à parler à Dieu, pour nous montrer qu'il ne nous seroit impossible de le faire..

  A006000231 

 Et qu'importe? Nous sommes certes comme des enfans, lesquels sont bien aises d'aller dire à leur mere qu'ils ont esté piqués d'une abeille, à fin que la mere les plaigne et souffle sur le mal qui est desja gueri; car nous voulons aller dire à [84] nostre Mere que nous avons esté bien affligées, et agrandir nostre affliction, la racontant toute par le menu, sans oublier une petite circonstance qui nous puisse faire un peu plaindre.

  A006000231 

 Or ne voila pas des enfances tres-grandes? Si nous avons commis quelques infidelités, bon de les dire; si nous avons esté fidelles il le faut aussi dire, mais courtement, sans exagerer ni l'un ni l'autre; car il faut tout dire à ceux qui ont la charge de nos ames..

  A006000231 

 Qui est mieux en ce temps, dites-vous, de parler à Dieu de nostre peine et de nostre misere, ou bien de luy parler de quelque autre chose? Je vous dis qu'en cecy, comme en toute sorte de tentations, il est mieux de divertir nostre esprit de son trouble et de sa peine, parlant à Dieu de quelque autre chose, que non pas de luy parler de nostre douleur; car indubitablement, si nous le voulons faire, ce ne sera point sans un attendrissement que nous ferons sur nostre cœur, agrandissant tout de nouveau nostre douleur, nostre nature estant telle qu'elle ne peut voir ses douleurs sans en avoir une grande compassion.

  A006000232 

 Il faut regarder meurement si ce doute a quelque fondement; peut estre qu'environ un quart d'heure, durant ces deux jours, vous avez esté un peu negligente à vous divertir de vostre sentiment: si cela est, dites tout simplement que vous avez esté negligente durant un quart d'heure à vous divertir d'un mouvement de colere que vous avez eu, sans adjouster que la tentation a duré deux jours, si ce n'est que vous le vouliez dire, ou pour tirer de l'instruction de vostre confesseur, ou bien pour ce qui est de vos reveuës; car alors il est tres-bon de le dire.

  A006000236 

 Le pauvre Abraham ne perdit son esperance pourtant, ains il espera contre l'esperance mesme, que si bien il obeissoit au commandement qui luy estoit fait de tuer son fils, Dieu ne lairroit pas pourtant de luy tenir parole.

  A006000237 

 Allez, leur dit-il, et ne pensez ni de quoy vous mangerez, ni de quoy vous boirez, ni de quoy vous vous vestirez, ni mesme ce que vous aurez à dire estant devant les grands seigneurs et magistrats des provinces par où vous passerez; car en chaque occasion vostre Pere celeste vous fournira de tout ce qui vous sera necessaire.

  A006000237 

 Grande est certes la confiance que Dieu requiert que nous ayons en son soin paternel et en sa divine providence: mais pourquoy ne l'aurions-nous pas, veu que jamais personne n'y a peu estre trompé? Nul ne se confie en Dieu, qui ne retire les fruicts de sa confiance.

  A006000237 

 Pensez-vous que Celuy qui a bien soin de pourvoir de nourriture aux oyseaux du ciel et aux animaux de la terre, qui ne sement ni ne recueillent rien, vienne jamais à s'oublier de pourvoir de tout ce qui sera necessaire à l'homme qui se confiera pleinement en sa providence, puisque l'homme est capable d'estre uni à Dieu nostre souverain bien?.

  A006000238 

 Car, qu'est-ce que Dieu desire de vous sinon ce qu'il ordonna à ses Apostres et ce pourquoy il les envoya par le monde, qui estoit ce que Nostre Seigneur mesme estoit venu faire en ce monde, qui fut pour donner la vie aux hommes? et non seulement cela, dit-il, mais à fin qu'ils vescussent d'une vie plus abondante, qu'ils eussent la vie et une vie meilleure, ce qu'il a fait en leur donnant la grace.

  A006000239 

 De mesme, mes cheres filles, estes-vous maintenant commandées d'aller çà et là en divers lieux, pour faire [89] que les araes ayent la vie, et qu'elles vivent d'une meilleure vie: car, qu'est-ce que vous allez faire sinon tascher de donner cognoissance de la perfection de vostre Institut, et par le moyen de ceste cognoissance attirer plusieurs ames à embrasser toutes les observances qui y sont comprises et encloses? Mais sans prescher et conferer les Sacremens et remettre les pechés, ainsi que faisoyent les Apostres, n'allez-vous pas donner la vie aux hommes? mais, pour parler plus proprement, n'allez-vous pas donner la vie aux filles? puisque peut estre cent et cent filles qui se retireront à vostre exemple dans vostre Religion, se fussent perdues demeurant au monde, lesquelles iront jouïr au Ciel, pour toute eternité, de la felicité incomprehensible.

  A006000239 

 Et n'est-ce pas par vostre moyen que la vie leur sera donnée, et qu'elles vivront d'une vie plus abondante, c'est à dire d'une vie plus parfaite et plus agreable à Dieu? vie qui les rendra capables de s'unir plus parfaitement à la divine Bonté, car elles recevront de vous les instructions necessaires pour acquerir le vray et pur amour de Dieu, qui est ceste vie plus abondante que Nostre Seigneur est venu donner aux hommes.

  A006000240 

 Que si vous n'avez point de vertu, ou que vous n'en apperceviez point en vous, ne vous mettez pas en peine; car si vous entreprenez pour la gloire de Dieu et pour satisfaire à l'obeissance la conduite des ames ou quelque autre exercice quel qu'il soit, Dieu aura soin de vous, et sera obligé de vous pourvoir de tout ce qui vous sera necessaire, tant pour vous que pour celles que Dieu vous donnera en charge..

  A006000242 

 J'ay un extreme desir de graver en vos esprits une maxime qui est d'une utilité nompareille: Ne demander rien et ne refuser rien.

  A006000242 

 Je veux dire, en un mot, ne desirez rien, ains laissez-vous vous-mesmes et tous vos affaires pleinement et parfaitement au soin de la divine Providence; laissez-luy faire de vous tout de mesme que les enfans se laissent gouverner à leurs nourrices: qu'elle vous porte sur le bras droit ou sur le gauche tout ainsi qu'il luy plaira, laissez-luy faire, car un enfant ne s'en formaliserait point; qu'elle vous couche ou qu'elle vous leve, laissez-luy faire, car c'est une bonne mere, qui sçait mieux ce qu'il vous faut que vous-mesmes.

  A006000242 

 Si on vous donne des obeissances en la Religion qui vous semblent dangereuses, comme sont les superiorités, ne les refusez point; si l'on ne vous en donne point, ne les desirez point, et ainsi de toutes choses: j'entends des choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons et devons desirer et demander à Dieu; l'amour de Dieu les comprend toutes.

  A006000243 

 Aussi, mes cheres filles, ne serez-vous point divisées ni separées, car toutes s'en vont, et toutes demeurent: celles qui s'en vont [93] demeurent, et celles qui demeurent s'en vont, non en leur personne, ains en la personne de celles qui s'en vont; et de mesme, celles qui s'en iront demeureront en la personne de celles qui demeurent.

  A006000243 

 C'est un des principaux fruicts de la Religion que ceste sainte union qui se fait par la charité, union qui est telle, que de plusieurs cœurs il n'en est fait qu'un cœur, et de plusieurs membres il n'en est fait qu' un corps; tous sont tellement faits un en Religion, que tous les Religieux d'un Ordre ne sont, ce semble, qu'un seul Religieux.

  A006000243 

 De mesme, celles qui s'en vont demeurent et celles qui demeurent s'en vont; car si celles qui sont nommées pour s'en aller ne le pourvoyent faire, celles qui demeurent s'en iroyent en leur place..

  A006000243 

 Et pourquoy cela? La raison en est toute evidente, d'autant que si celles qui sont au chœur pour chanter les Offices n'y estoient pas, les autres y seroyent en leur place; s'il n'y avoit point de Sœurs domestiques pour apprester le disner, les Sœurs du chœur y seroyent employées; si une telle Sœur n'estoit pas Superieure, il y en auroit une autre.

  A006000243 

 Jettant mes yeux sur le sujet de vostre despart et sur les ressentimens inevitables que vous aurez toutes en vous separant les unes des autres, j'ay pensé que je vous devois dire quelque petite chose qui peust amoindrir ceste douleur, quoy que je ne veuille dire qu'il ne soit loisible de pleurer un peu; car il le faut faire, d'autant qu'on ne s'en pourroit pas tenir, ayant demeuré si doucement et si amoureusement assez long temps ensemble en la pratique des mesmes exercices, ce qui a tellement uni vos cœurs, qu'ils ne peuvent sans doute souffrir nulle division ni separation.

  A006000243 

 Les Sœurs domestiques chantent les Offices divins en la personne de celles qui sont dediées pour le faire, comme les autres servent aux offices domestiques en la personne de celles qui les font.

  A006000244 

 C'est peu [94] de chose que ceste separation corporelle, aussi bien la faudroit-il faire un jour, veuillons nous ou non; mais la separation des cœurs et desunion des esprits, c'est cela seul qui est à redouter.

  A006000244 

 Le Religieux n'a rien à luy en son particulier, à cause du vœu sacré qu'il a fait de la pauvreté volontaire; et par la profession sainte que les Religieux font de la tres-sainte charité, toutes leurs vertus sont communes, et tous sont participans des bonnes œuvres les uns des autres, et jouiront du fruict d'icelles, pourveu qu'ils se tiennent tousjours en charité et en l'observance des Regles de la Religion en laquelle Dieu les a appellés: si que celuy qui est en quelque office domestique ou en quelque autre exercice quel que ce soit, contemple en la personne de celuy qui est en oraison au chœur; celuy qui repose participe au [95] travail qu'a l'autre, qui est en exercice par le commandement du Superieur..

  A006000244 

 Mais ce qui nous doit faire aller et demeurer de bon cœur, mes cheres filles, c'est la certitude presque infaillible que nous devons avoir que ceste separation ne se fait que quant au corps, car quant à l'esprit vous demeurerez tousjours tres uniquement unies.

  A006000245 

 Toutes, sans doute, mes cheres filles, avez besoin de beaucoup de vertus et de soin de les pratiquer tant pour s'en aller que pour demeurer: car comme celles qui s'en vont ont besoin de beaucoup de courage et de confiance en Dieu pour entreprendre amoureusement et avec esprit d'humilité ce que Dieu desire d'elles, vainquant tous les petits ressentimens qui leur pourroyent venir de quitter la maison en laquelle Dieu les a premierement logées, les Sœurs qu'elles ont si cherement aymées et la conversation desquelles leur apportoit tant de consolation en l'ame, la tranquillité de leur retraitte qui est si chere, les parens, les cognoissances, et que sçay-je moy? plusieurs choses auxquelles la nature s'attache tandis que nous vivons en ceste vie; celles qui demeurent ont de mesme besoin et necessité de courage, tant pour perseverer en la pratique de la sainte sousmission, humilité et tranquillité, qu'aussi pour se preparer de sortir quand il leur sera commandé, puisque ainsi que vous voyez, vostre Institut, mes cheres Sœurs, va s'estendant de toutes parts en tant de divers lieux.

  A006000245 

 Voyez donc, mes cheres filles, comment celles qui s'en vont demeurent et celles qui demeurent s'en vont, et combien vous devez toutes esgalement embrasser amoureusement et courageusement l'obedience, tant en ceste occasion comme en tpute autre, puisque celles qui demeurent auront part au travail et au fruict du voyage de celles qui s'en vont, comme celles-là auront part en la tranquillité et repos de celles qui demeureront.

  A006000246 

 Mais qui eust peu croire cela, puisqu'en les enserrant dans leur petite maison nous ne pensions à autre chose que de les faire mourir au monde? Elles furent sacrifiées, ains elles se sacrifierent elles-mesmes volontairement; et Dieu se contenta tellement de leur sacrifice, qu'il ne leur donna pas seulement une nouvelle vie pour elles-mesmes, ains une vie si abondante qu'elles la peuvent par sa grace communiquer à plusieurs ames, ainsi que l'on void maintenant..

  A006000246 

 ceste sorte de vie, Dieu avoit projetté dés toute eternité de benir leur generation, et de leur en donner une qui seroit grandement multipliée.

  A006000247 

 Il me semble, certes, que ces trois premieres Sœurs sont grandement bien representées par les trois grains de bled qui se trouverent emmi la paille qui estoit sur le chariot de Triptolemus, laquelle servoit à conserver ses armes; car estant portée en un païs où il n'y avoit point de bled, ces trois grains furent pris et jettés en terre, lesquels en produirent d'autres en telle quantité que dans peu d'années toutes les terres de ce païs-là en furent ensemencées.

  A006000247 

 O qu'heureuses sont les ames qui se dedient veritablement et absolument au service de Dieu, car Dieu ne les laisse jamais steriles ni infructueuses! Pour un rien qu'elles quittent pour Dieu, Dieu leur donne des recompenses incomparables, tant en cette vie qu'en l'autre.

  A006000248 

 Allez donc, et demeurez courageusement pour cest exercice, et ne vous amusez point à regarder que vous ne voyez point en vous ce qui est necessaire, je veux dire les talens propres aux charges auxquelles vous serez employées.

  A006000248 

 En fin, mes cheres filles, retenez cherement et fidelement ce que je vous ay dit, soit pour ce qui regarde l'interieur, soit pour ce qui regarde l'exterieur: ne veuillez rien que ce que Dieu voudra pour vous, embrassez amoureusement les evenemens et les divers effects de son divin vouloir, sans vous amuser nullement à autre chose.

  A006000248 

 Quant à moy, j'admire comment il se peut faire que nous ayons plus d'inclination d'estre employés à une chose qu'à une autre, estant en Religion principalement, où une charge et une besogne est autant agreable à Dieu qu'une autre, puisque c'est l'obeissance qui donne le prix à tous les exercices de la Religion.

  A006000249 

 Et comme les jeunes filles sont amoureuses des bonnes odeurs, ainsi que dit la sacrée amante au Cantique des Cantiques, que le nom de son Bien-Aymé est comme une huile ou un baume qui respand de toutes parts des odeurs infiniment agreables, et c'est pourquoy, [100] adjouste-t'elle, les jeunes filles l'ont suivi, attirées de ses divins parfums, faites, mes cheres Soeurs, que comme parfumeuses de la divine Bonté, vous alliez si bien respandant de toutes parts l'odeur incomparable d'une tres-sincere humilité, douceur et charité, que plusieurs jeunes filles soyent attirées à la suite de vos parfums, et embrassent vostre sorte de vie, par laquelle elles pourront comme vous, jouïr en ceste vie d'une sainte et amoureuse paix et tranquillité de l'ame, pour, par apres, aller jouïr de la felicité eternelle en l'autre..

  A006000249 

 Mais qu'est-ce que je veux dire? Rien autre, sinon qu'il me semble que la divine Majesté vous a choisies, vous autres qui vous en allez, comme des parfumeuses ou parfumieres: ouy certes, car vous estes commises de sa part pour aller respandre les odeurs tres-suaves des vertus de vostre Institut.

  A006000249 

 Nostre Seigneur en fait de mesme, mes cheres filles, des ames qui se dedient à son service; car, comme vous voyez, aux Religions il y a diverses charges et divers offices.

  A006000250 

 Apprenez de luy tout ce que vous aurez à faire, ne faites rien sans son conseil; car c'est l'Amy fidelle qui vous conduira et gouvernera et aura soin de vous, ainsi que de tout mon cœur je l'en supplie.

  A006000250 

 Vostre Congregation est comme une ruche d'abeilles, laquelle a desja jetté divers essaims; mais avec ceste difference neantmoins que, les abeilles sortant pour aller se retirer en une autre ruche et là commencer un mesnage nouveau, chaque essaim choisit un roy particulier sous lequel elles militent et font leur retraite: mais quant à vous, mes cheres ames, si bien vous allez dans une ruche nouvelle, c'est à dire que vous allez commencer une nouvelle maison de vostre Ordre, neantmoins vous n'avez tousjours qu'un mesme Roy, qui est Nostre Seigneur crucifié, sous l'authorité duquel vous vivrez en asseurance par tout où vous serez.

  A006000254 

 Et considerant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils, j'ay pensé que je vous devois donner des loix toutes d'amour, lesquelles j'ay prises des colombes, en consideration de ce que le Saint Esprit avoit bien voulu prendre la forme de colombe, et d'autant plus aussi que toutes les ames qui sont dediées au service de la divine Majesté sont obligées d'estre comme des chastes et amoureuses colombes.

  A006000255 

 Et cent autres loix qu'elles ont, qui sont infiniment aymables et utiles à observer par les ames qui sont dediées en la Religion au service plus special de la divine Bonté.

  A006000256 

 Mais j'ay consideré que si je vous donnois quelques loix que vous eussiez desja, vous n'en feriez pas grande estime: j'en ay donc choisi trois tant seulement, qui sont d'une utilité nompareille estant bien observées, et qui apportent une tres-grande suavité à l'ame qui les considere, parce qu'elles sont toutes d'amour et extremement delicates pour la perfection de la vie spirituelle; ce sont trois secrets qui lont d'autant plus excellens pour acquerir la perfection qu'ils sont moins cognus de ceux qui font profession de l'acquerir, au moins de la plus grande partie..

  A006000257 

 Et pendant tout ce temps-là la colombe ne va nullement à la cueillette pour se nourrir, ains elle en laisse tout le soin à son cher paron, lequel luy est si fidelle que non seulement il va à la queste des grains pour la nourrir, mais aussi il luy apporte de l'eau dans son bec pour l'abreuver; il a un soin nompareil que rien ne manque de ce qui luy est necessaire, et si grand que jamais il ne s'est veu colombe morte faute [104] de nourriture en ce temps-là.

  A006000257 

 La colombe fait donc tout pour son colombeau: elle couve et fomente ses petits pour le desir qu'elle a de luy plaire en luy donnant une generation, et le colombeau prend soin de nourrir sa chere colombelle qui luy a laissé tout le soin d'elle; elle ne pense qu'à plaire à son paron, et luy en contreeschange, ne pense qu'à la substanter..

  A006000257 

 Mais quelles sont-elles donc ces loix? La premiere que j'ay fait dessein de vous donner est celle des colombes qui font tout pour leur colombeau et rien pour elles; il semble qu'elles ne dient autre chose sinon: Mon cher colombeau est tout pour moy, et je suis toute à luy; il est tousjours tourné de mon costé pour penser en moy, et moy je m'y attends et m'y asseure: qu'il aille donc chercher, ce bien-aymé colombeau, où il luy plaira, si n'entreray-je point en défiance de son amour, ains je me confieray pleinement en son soin.

  A006000258 

 Et ne faudroit pas jamais douter que Dieu nous manquast, car son amour est infini pour l'ame qui se repose en luy.

  A006000258 

 Mille fois plus heureuse est l'ame qui, laissant tout le soin d'elle-mesme et de tout ce qui luy est necessaire à son cher et bien-aymé Colombeau, ne pense qu'à couver et fomenter ses petits pour luy plaire et luy donner generation; car elle jouît dés ceste vie d'une tranquillité et d'une paix si grande qu'il n'y en a point de comparable, ni de repos égal au sien en ce.

  A006000258 

 O que la colombe est heureuse d'avoir tant de confiance en son cher paron! c'est ce qui la fait vivre en paix et en une merveilleuse tranquillité.

  A006000258 

 O que nous serions heureux si nous faisions tout pour nostre aymable Colombeau qui est le Saint Esprit! car il prendroit le soin de nous; et à mesure que nostre confiance par laquelle nous nous reposerions en sa providence seroit plus grande, plus aussi son soin s'estendroit sur toutes nos necessités.

  A006000258 

 O quelle agreable et profitable loy est celle-cy, de ne rien faire que pour Dieu et luy laisser tout le soin de nous-mesmes! Je ne dis pas seulement pour ce qui regarde le temporel, car je n'en veux pas parler où il n'y a que nous autres, cela s'entend assez sans le dire; mais je dis pour ce qui regarde le spirituel et l'avancement de nos ames en la perfection.

  A006000259 

 Ce desir est celuy que nous avons apporté venant en Religion, qui est d'embrasser les vertus religieuses, c'est l'une des branches de l'amour de Dieu et l'une des plus hautes qui soit en cest arbre divin; mais ce desir ne se doit pas estendre plus loin que les moyens qui nous sont marqués dans nos Regles et Constitutions pour parvenir à ceste perfection que nous avons pretendu d'acquerir en nous obligeant à la poursuite; ains il le faut couver et fomenter tout le temps de nostre vie, à fin de faire que ce desir devienne un beau petit colombeau qui puisse ressembler à son Pere, qui est la perfection mesme.

  A006000259 

 Et ce pendant, n'ayons autre attention que de nous tenir sur nos œufs, c'est à dire ramassés dans les moyens qui nous sont prescrits pour nostre perfection, laissant tout le soin de nous-mesmes à nostre unique et tres-aymable Colombeau, qui ne permettra pas que rien nous manque de ce qui nous sera necessaire pour luy plaire..

  A006000259 

 Mais qu'est-ce que nos œufs, lesquels il faut que nous couvions jusques à ce qu'ils soyent esclos pour avoir des petits colombeaux? Nos œufs sont nos desirs, lesquels estant bien couvés et fomentés, les colombeaux en proviennent, qui sont les effets de nos desirs; mais entre nos desirs, il y en a un qui est sureminent au dessus de tout autre, et qui merite grandement d'estre bien couvé et fomenté pour plaire à nostre divin paron le Saint Esprit, lequel veut tousjours estre appellé l'Espoux sacré de nos ames, tant sa bonté et son amour est grand envers nous.

  A006000260 

 Bref, elles s'amusent tant à parler de la perfection qu'elles pretendent d'acquerir, qu'elles oublient d'en pratiquer le principal moyen, qui est celuy de se tenir tranquilles et de jetter toute leur confiance en Celuy qui seul peut donner l'accroissement à ce qu'elles ont ensemencé et planté.

  A006000260 

 C'est une grande pitié, certes, de voir des ames, dont le nombre n'est que trop grand, qui pretendant à la perfection s'imaginent que tout consiste à faire une grande multitude de desirs, et s'empressent beaucoup à [106] chercher ores ce moyen et tantost un autre pour y parvenir, et ne sont jamais contentes ni tranquilles en elles-mesmes; car dés qu'elles ont un desir, elles taschent vistement d'en concevoir un autre, et semble qu'elles sont comme les poules, lesquelles n'ont pas si tost fait un œuf qu'elles en chargent aussi tost un autre, laissant là celuy qu'elles ont fait sans le couver, de sorte qu'il n'en reussit point de poussin.

  A006000261 

 Ces anxietés d'esprit que nous avons pour avancer nostre perfection et pour voir si nous avançons ne sont nullement agreables à Dieu, et ne servent qu'à satisfaire l'amour propre, qui est un grand tracasseur qui ne cesse jamais d'embrasser beaucoup, bien qu'il ne fasse guere.

  A006000262 

 Il y a quelque temps qu'il y eut des saintes Religieuses qui me dirent: Monsieur, que ferons-nous ceste année? L'année passée nous jeusnasmes trois jours de la semaine, et nous faisions la discipline autant: que ferons-nous maintenant le long de ceste année? il faut bien faire quelque chose davantage, tant pour rendre graces à Dieu de l'année passée, comme pour aller tousjours croissant en la voye de Dieu.

  A006000262 

 L'année passée, vous jeusniez trois jours de la semaine et vous faisiez la discipline trois fois; si vous voulez tousjours doubler vos exercices, ceste année la semaine y sera entiere; mais l'année qui vient comment ferez-vous? il faudra que vous fassiez neuf jours en la semaine, ou bien que vous jeusniez deux fois le jour..

  A006000262 

 La colombe s'amuse simplement à sa besogne pour la bien faire, laissant tout autre soin à son cher colombeau: l'ame qui est vrayement colombine, c'est à dire qui ayme cherement Dieu, s'applique tout simplement, sans empressement, aux moyens qui luy sont prescrits pour se perfectionner, sans en rechercher d'autres, pour [108] parfaits qu'ils puissent estre.

  A006000263 

 Grande folie de ceux qui s'amusent à desirer d'estre martyrisés aux Indes, et ne s'appliquent pas à ce qu'ils ont à faire selon leur condition! mais grande tromperie aussi à ceux qui veulent plus manger qu'ils ne peuvent digerer.

  A006000263 

 Lire force livres spirituels, [109] sur tout quand ils sont nouveaux, bien parler de Dieu et de toutes les choses les plus spirituelles pour nous exciter, disons-nous, à devotion, ouïr force predications, faire des conferences à tout propos, communier bien souvent, se confesser encores plus, servir les malades, bien parler de tout ce qui se passe en nous pour manifester la pretention que nous avons de nous perfectionner, et au plus tost qu'il se pourra: ne sont-ce pas là des choses fort propres pour nous perfectionner et parvenir au but de nos desseins? Ouy, pourveu que tout cela se fasse selon qu'il est ordonné, et que ce soit tousjours avec dependance de la grace de Dieu; c'est à dire que nous ne mettions point nostre confiance en tout cela, pour bon qu'il soit, ains en un seul Dieu, qui nous peut seul faire tirer le fruict de tous nos exercices..

  A006000264 

 Estoit-ce les conferences ou les predications? il n'en avoit point, et ne vid nul homme dans le desert que saint Antoine, qui l'alla visiter à la fin de sa vie.

  A006000264 

 Sçavez-vous qui le rendit saint? Ce fut la fidelité qu'il eut à s'appliquer en ce qu'il entreprit au commencement, à quoy il avoit esté appellé, et ne s'amusant à autre chose..

  A006000264 

 Un saint Antoine, qui a esté honnoré de Dieu et des hommes à cause de sa tres-grande sainteté, dites-moy, comment est-il parvenu à une si grande sainteté et perfection? est-ce à force de lire, ou par des conferences et frequentes Communions, ou par la multitude des predications qu'il oyoit? Nullement; ains il y parvint en se servant de l'exemple des saints hermites, prenant de l'un l'abstinence, de l'autre l'oraison, et ainsi il alloit comme une soigneuse abeille, picorant et cueillant les vertus des serviteurs de Dieu, pour en composer le miel d'une sainte edification.

  A006000265 

 Ces grands saints Religieux qui vivoyent sous la charge de saint Pachome, avoyent-ils des livres, des predications? nulles.

  A006000265 

 Mais que veut dire donc que mangeant si peu de ces viandes spirituelles qui nourrissent nos ames à l'immortalité, ils estoyent neantmoins tousjours si en bon point, c'est à dire si forts et courageux pour entreprendre l'acquisition des vertus, et parvenir à la perfection et au but de leur pretention? Et nous autres, qui mangeons beaucoup, sommes tousjours si maigres, c'est à dire si lasches et languissans à la poursuite de nos entreprises, et semble, sinon tant que les consolations spirituelles marchent, que nous n'avons nul courage ni vigueur au service de Nostre Seigneur? Or il faut donc imiter ces saints Religieux, nous appliquant à nostre besogne, c'est à dire à ce que Dieu requiert de nous selon nostre vocation, fervemment et humblement, et ne penser qu'en cela, n'estimant pas de trouver nul moyen de nous perfectionner meilleur que celuy-là.

  A006000266 

 J'adjouste aussi humblement, à fin que l'on n'ayt point de sujet de s'excuser; car ne dites pas: Je n'ay point d'humilité, il n'est pas en mon pouvoir de l'avoir; car le Saint Esprit, qui est la bonté mesme, la donne à qui la luy demande.

  A006000266 

 Non pas ceste humilité, c'est à dire ce sentiment de nostre petitesse qui nous fait si fort humilier en toutes choses si gracieusement; mais je veux dire l'humilité qui nous fait cognoistre nostre propre abjection, et qui nous la fait aymer l'ayant recognuë estre en nous; car cela est la vraye humilité..

  A006000266 

 Non pas de celle que vous entendez, quant au sentiment, laquelle Dieu donne à qui bon luy semble, et qui n'est pas en nostre pouvoir d'acquerir quand il nous plaist.

  A006000267 

 Ainsi leurs livres, leurs predications rapportoyent des fruicts merveilleux; et nous autres qui nous confions en nos belles paroles, en nostre bien dire et en nostre doctrine, toutes nos peines s'en vont en fumée et ne rendent autre fruict que de vanité.

  A006000267 

 Ces grands Saints, Augustin, Gregoire, Hilaire, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, ni beaucoup d'autres n'ont point tant estudié; ils n'eussent sceu le faire, composant tant de livres qu'ils ont fait, preschant et faisant tout le reste qui appartenoit à leurs charges; mais ils avoyent une si grande confiance en Dieu et en sa grâce, et une si grande mesfiance d'eux-mesmes, qu'ils ne s'attendoyent ni confioyent nullement en leur industrie ni en leur travail, si qu'ils firent toutes les grandes œuvres qu'ils ont faites purement par la confiance qu'ils avoyent mise en la grace de Dieu et en sa toute-puissance: C'est vous, disoyent-ils, ô Seigneur, qui nous faites travailler et pour qui nous travaillons; [112] ce sera vous qui benirez nos sueurs et qui nous donnerez une bonne recolte.

  A006000268 

 Job, ce grand serviteur de Dieu, qui a esté loué de la bouche de Dieu mesme, ne se laissa vaincre d'aucune affliction qui luy survint; ains, plus Dieu luy ostoit de ses petits colombeaux et plus il en faisoit.

  A006000269 

 Nostre Seigneur ne veut pas que nous portions sa croix sinon par le bout, et il veut estre honnoré comme les grandes dames, lesquelles font porter la queue de leurs robes; il veut pourtant que nous portions la croix qu'il nous met sur les espaules, qui est la nostre mesme.

  A006000270 

 O que ce sont là des œufs bien aymables! et tout cela est bien bon, et les petits colombeaux ne manquent point, qui sont les effects; car, qu'est-ce qu'elle ne fait pas? Ses œuvres de charité sont en si grand nombre! sa modestie paroist devant toutes les Sœurs, elle est d'une edification nompareille, elle se fait admirer de tous ceux qui la voyent ou qui la cognoissent.

  A006000270 

 O que j'ay? je suis si alangourie! rien ne me peut contenter, tout m'est à desgoust, je suis maintenant si confuse! Mais de quelle confusion? car il y en a de deux sortes: l'une qui conduit à l'humilité et à la vie, et l'autre, au desespoir et par consequent à la mort.

  A006000271 

 C'est cette tres-sainte egalité d'esprit, mes cheres ames, que je vous souhaitte: je ne dis pas l'egalité d'humeur ni d'inclination, je dis l'egalité d'esprit; car je ne fais, ni desire que vous fassiez nul estat des tracasseries que fait la partie inferieure de nostre ame, qui est celle qui cause les inquietudes et bijarreries, quand la partie superieure ne fait pas son devoir en se rendant maistresse, et ne fait pas bon guet pour découvrir ses ennemis, ainsi que le Combat spirituel dit qu'il faut faire, à fin qu'elle soit promptement advertie des remuemens et assauts que luy fait la partie inferieure, qui naissent de nos sens et de nos inclinations et passions, pour luy faire la guerre et l'assujettir à ses loix.

  A006000271 

 Voyez-les perchées sur les branches, où elles pleurent la perte qu'elles ont faite de leurs petits que la belette ou la chouette leur a desrobés (car quand c'est quelqu'autre qui les leur prend que le maistre de la colombiere, elles sont fort affligées); voyez-les aussi quand le paron vient à s'approcher d'elles, qu'elles sont toutes consolées: elles ne changent point d'air, ains [116] font le mesme grommellement pour preuve de leur contentement, qu'elles font pour manifester leur douleur.

  A006000272 

 Job, duquel nous avons desja parlé en la seconde loy, nous fournit encor d'un exemple en ce sujet, car il ne chanta tous-jours que sur un mesme air tous les cantiques qu'il a composés, qui ne sont autres que l'histoire de sa vie.

  A006000272 

 Mais ne faisons point comme ceux qui pleurent quand la consolation leur manque, et ne font que chanter quand elle est revenue, en quoy ils ressemblent aux singes et magots, qui sont, tousjours mornes et furieux quand il fait un temps pluvieux et sombre, et ne cessent de gambader et sauter quand le temps est beau..

  A006000273 

 Ayant fait tout pour nostre Bien-Aymé dés ceste vie, il aura soin de nous pourvoir de son eternelle gloire [118] pour recompense de nostre confiance; et là nous verrons le bon-heur de ceux qui, quittans tout le soin superflu et inquiet que nous avons ordinairement sur nous-mesmes et sur nostre perfection, se seront adonnés tout simplement à leur besogne, s'abandonnans sans reserve entre les mains de la divine Bonté pour laquelle seule ils auront travaillé: leurs travaux seront en fin suivis d'une paix et d'un repos qui ne se peut expliquer, car ils reposeront pour jamais dans le sein de leur Bien-Aymé.

  A006000273 

 L'amour donc que nous portons à Nostre Seigneur nous sollicitera de les observer et garder, à fin que nous puissions dire, à l'imitation de la belle colombe du souverain Colombeau, qui est l'Espouse sacrée: Mon Bien-Aymé est tout mien, et moy je suis toute pour luy, ne faisant rien que pour luy plaire; il a tousjours son cœur tourné de mon costé par prevoyance, comme j'ay le mien tourné de son costé par confiance.

  A006000273 

 Le bon-heur aussi de ceux qui auront observé la seconde loy sera grand; car s'estans laissé despouiller par le Maistre, qui est Nostre Seigneur, de tous leurs petits colombeaux, et ne s'estans nullement faschés ni despités, ains ayant eu le courage de dire: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, demeurans sousmis au bon plaisir de Celuy qui les aura despouillés, ils chanteront d'autant plus courageusement là haut au Ciel le cantique tres-aymable: Dieu soit beni, emmi les consolations eternelles, qu'ils l'auront chanté de meilleur cœur parmi les desolations, langueurs et desgousts de ceste vie mortelle et passagere, durant laquelle il nous faut tascher de conserver soigneusement la continuelle et tres-aymable egalité d'esprit.

  A006000276 

 Or ces mouvemens arrivent parce que l'on n'a pas mis toutes ses volontés en commun, qui est pourtant une chose qui se doit faire entrant en Religion; car chaque Sœur devroit laisser sa volonté propre hors la porte pour n'avoir que celle de Dieu..

  A006000276 

 Or, ce qui nous rend affectionnés à ce qui est nostre, c'est la grande estime que nous faisons de nous-mesmes; car nous nous tenons pour si excellens que, dés qu'une chose nous appartient nous l'en estimons davantage, et le peu d'estime que nous faisons des autres fait que nous avons à contre-cœur ce qui leur a servi; mais si nous estions bien humbles et despouillés de nous-mesmes, que nous nous tinssions pour un neant devant Dieu, nous ne ferions aucun estat de ce qui nous seroit propre, et nous estimerions extremement honorés d'estre servis de ce qui auroit esté à l'usage d'autruy.

  A006000276 

 Si donques il arrive qu'en changeant la robbe d'une Sœur pour [120] luy en donner une autre moindre, la partie inferieure s'esmeuve un petit, cela n'est pas peché, pourveu qu'avec la raison elle l'accepte de bon cœur pour l'amour de Dieu; et ainsi de tous les autres sentimens qui nous arrivent.

  A006000277 

 Bien-heureux celuy qui n'auroit autre volonté que celle de la Communauté, et qui en prendroit chaque jour dans la bourse commune pour ce qui luy feroit besoin.

  A006000277 

 Elle ne regarde pas tant ce qui est du vivre ou du vestir comme des exercices spirituels; car qui vous viendroit demander: Que voulez-vous faire demain? vous respondriez: Je ne sçay; aujourd'huy je feray une telle chose qui m'est commandée, demain je ne sçay pas ce que je feray parce que je ne sçay pas ce que l'on me commandera.

  A006000277 

 Qui feroit ainsi, il n'auroit jamais de chagrin ni d'inquietude; car là où est l'indifference vraye, il n'y peut avoir du desplaisir ni de la tristesse..

  A006000278 

 C'est pourquoy il faut faire des considerations et sur sa condition et sur toutes les choses qui en dependent en detail; puis en particulier, renoncer tantost à une de nos volontés propres, tantost à une autre, jusques à tant que nous en soyons entierement despouillés.

  A006000278 

 Et ce vray despouillement se fait par trois degrés: le premier est l'affection du despouillement, qui s'engendre en nous par la consideration de la beauté de ce despouillement; le second degré est la resolution qui suit l'affection, car nous nous resolvons aisément à un bien que nous affectionnons; le troisiesme est la pratique, qui est le plus difficile..

  A006000280 

 Les biens du cœur sont les consolations et les douceurs qui se trouvent en la vie spirituelle; ces biens là sont fort bons.

  A006000281 

 Il y a une autre sorte de biens, qui ne sont ni interieurs ni exterieurs, qui ne sont ni biens du corps ni biens du cœur; ce sont des biens imaginaires qui dépendent de l'opinion d'autruy: ils s'appellent l'honneur, l'estime, la reputation.

  A006000281 

 Or, il s'en faut despouiller tout à fait, et ne vouloir autre honneur que l'honneur de la Congregation, qui est de chercher en tout la gloire de Dieu, ni autre estime ou reputation que celle de la Communauté, qui est de donner bonne edification en toutes choses.

  A006000282 

 Il faut icy remarquer que le contentement que nous ressentons à la rencontre des personnes que nous aymons, et les tesmoignages d'affection que nous leur rendons en les voyant ne sont point contraires à ceste vertu de despouillement, pourveu qu'ils ne soyent point desreglés, et qu'estans absens, nostre cœur ne coure point apres [123] eux; car, comment se pourroit-il faire que les objets estans presens les puissances ne soyent point esmeuës? C'est comme qui diroit à une personne à la rencontre d'un lion ou d'un ours: n'ayez point peur.

  A006000282 

 Je dis bien plus, que si j'ay envie de voir quelqu'un pour quelque chose utile et qui doit reussir à la gloire de Dieu, si son dessein de venir est traversé et que j'en ressente un peu de peine, voire mesme que je m'empresse un peu pour divertir les 'occasions qui le retiennent, je ne fais rien de contraire à la vertu du despouillement, pourveu que je ne passe point jusques à l'inquietude..

  A006000283 

 Nous devons dire de mesme de nostre vocation, l'estimant non seulement bonne et belle, mais aussi douce, suave et aymable; si nous faisons ainsi, nous aurons un grand amour à observer tout ce qui en depend..

  A006000284 

 Il faut aussi examiner à bon escient s'il est vray, comme il nous semble quelquefois, que nous n'ayons point nos affections engagées: par exemple, si quand l'on vous loue vous venez à dire quelque parole qui agrandisse la louange que l'on vous donne, ou bien quand vous la recherchez par paroles artificieuses, disant que vous n'avez plus la memoire ou l'esprit si bon que vous souliez avoir pour bien parler, hé! qui ne void que vous pretendez que l'on vous die que vous parlez tousjours extremement bien? Cherchez donc au fond de vostre conscience si vous y pouvez trouver de l'affection à la vanité.

  A006000285 

 Au contraire, il y en a d'autres qui semblent extremement minces et vuides aux yeux du monde, qui devant Dieu se trouveront pleines et fort excellentes, parce qu'elles se font seulement en Dieu et pour Dieu, sans meslange de nostre propre interest.

  A006000285 

 Il y a encor une autre raison qui rend ces premieres amitiés dont nous avons parlé moindres que les secondes: c'est qu'elles ne sont pas de durée, parce que la cause en estant fresle, dés qu'il arrive quelque traverse, elles se refroidissent et alterent; ce qui n'arrive pas à celles qui sont fondées en Dieu, parce que la cause en est solide et permanente..

  A006000285 

 Je vous dis briefvement qu'il y a certains amours qui [125] semblent extremement grands et parfaits aux yeux des creatures, qui devant Dieu se trouveront petits et de nulle valeur, parce que ces amitiés ne sont point fondées en la vraye charité, qui est Dieu, ains seulement en certaines alliances et inclinations naturelles, et sur quelques considerations humainement louables et agreables.

  A006000285 

 Or, les actes de charité qui se font autour de ceux que nous aymons de ceste sorte sont mille fois plus parfaits, d'autant que tout tend purement à Dieu; mais les services et autres assistances que nous faisons à ceux que nous aymons par inclination sont beaucoup moindres en merite, à cause de la grande complaisance et satisfaction que nous avons à les faire, et que, pour l'ordinaire, nous les faisons plus par ce mouvement que par l'amour de Dieu.

  A006000286 

 Ainsi ceux qui n'ont rien d'aymable sont bien-heureux, car ils sont asseurés que l'amour que l'on leur porte est excellent, puisqu'il est tout en Dieu..

  A006000286 

 Et cela ne se doit point appeller duplicité ou simulation, car si bien j'ay un sentiment contraire, il n'est qu'en la partie inferieure, et les actes que je fais, c'est avec la force de la raison, qui est la partie principale de mon ame.

  A006000287 

 Il est vray que là où il y a davantage de Dieu, c'est à dire plus de vertu, qui est une participation des qualités divines, nous y devons plus d'affection: comme par exemple, s'il se trouve des ames plus parfaites que celle de vostre Superieure, vous les devez aymer davantage pour ceste raison là; neantmoins nous devons aymer beaucoup plus nos Superieurs parce qu'ils sont nos peres et nos directeurs..

  A006000287 

 Souvent nous pensons aymer une personne pour Dieu, et nous l'aymons pour nous-mesmes; nous nous servons de ce pretexte, et disons que c'est pour cela que nous l'aymons, mais en verité nous l'aymons pour la consolation que nous en avons: car n'y a-t'il pas plus de suavité de voir venir à vous une ame pleine de bonne affection, qui suit extremement bien vos conseils et qui va fidelement et tranquillement dans le chemin que vous luy avez marqué, que d'en voir une autre toute inquietée, embarrassée et foible à suivre le bien, et à qui il faut dire mille fois une mesme chose? sans doute vous aurez plus de suavité.

  A006000288 

 Autant en faut-il dire pour ce qui regarde le temporel; car pourveu que la maison soit accommodée, nous ne devons pas nous soucier si c'est par nostre moyen ou par un autre.

  A006000288 

 Et non seulement il n'en faut pas estre marrie, mais il faut estre disposée à contribuer tout ce que nous pouvons pour cela, jusques à nostre peau, s'il en estoit besoin; car, pourveu que Dieu soit glorifié, nous ne nous devons pas soucier par qui; de telle sorte que [128] s'il se presentoit une occasion de faire quelque œuvre de vertu et que Nostre Seigneur nous demandast qui nous aymerions mieux qui la fist, il faudroit respondre: Seigneur, celle qui la pourra faire plus à vostre gloire.

  A006000289 

 Je responds que nous ne cognoistrons jamais nostre propre perfection, car il nous arrive comme à ceux qui navigent sur mer; ils ne sçavent pas s'ils avancent, mais le maistre pilote, qui sçait l'air où ils navigent, le cognoist.

  A006000289 

 Je vous souhaitte sur toute perfection celle de l'humilité, qui est non seulement charitable, mais douce et maniable; car la charité est une humilité montante, et l'humilité est une charité descendante.

  A006000289 

 Or, encor que nous puissions juger de la vertu d'autruy, si ne faut-il pourtant jamais determiner qu'une [129] personne soit meilleure qu'une autre, parce que les apparences sont trompeuses; et tel qui paroist fort vertueux à l'exterieur et aux yeux des creatures, devant Dieu le sera moins qu'un autre qui paroist beaucoup plus imparfait.

  A006000293 

 Je vous diray qu'il y a quatre vertus qui portent toutes le nom de modestie.

  A006000293 

 La premiere, et celle qui le porte par eminence au dessus des autres, c'est la bien-seance de nostre maintien exterieur: et à cette vertu sont opposés deux vices, à sçavoir, la dissolution en nos gestes et contenances, c'est à dire la legereté; l'autre vice qui ne luy est pas moins contraire, est une contenance affectée.

  A006000293 

 La seconde qui porte le nom de modestie, est l'interieure bien-seance de nostre entendement et de nostre volonté: celle-cy a de mesme deux vices opposés, qui sont la curiosité en l'entendement, la multitude des desirs de sçavoir et d'entendre toutes choses et l'instabilité en nos entreprises, passant d'un exercice à un autre sans nous arrester à rien; l'autre vice, c'est une certaine stupidité et nonchalance d'esprit, qui ne veut pas mesme sçavoir ni apprendre les choses necessaires pour nostre [131] perfection, imperfection qui n'est pas moins dangereuse que l'autre.

  A006000293 

 La troisiesme sorte de modestie consiste en nostre conversation et en nos paroles, c'est à dire en nostre façon de parler et de converser avec le prochain, evitant les deux imperfections qui luy sont opposées, à sçavoir, la rusticité et la babillerie: la rusticité qui nous empesche de contribuer quelque chose pour l'entretien de l'honneste conversation; la babillerie qui nous fait tellement parler que nous ostons le temps aux autres de parler à leur tour.

  A006000294 

 La premiere est extremement recommandable pour plusieurs raisons, et premierement, parce qu'elle nous assujettit fort; il n'y a point de vertu en laquelle il faille une si particuliere attention; et en ce qu'elle nous assujettit, consiste son grand prix, car tout ce qui nous assujettit pour Dieu est d'un grand merite et merveilleusement agreable à Dieu.

  A006000294 

 Un grand Saint l'escrivit à un sien disciple, disant qu'il se couchast modestement en la presence de Dieu, ainsi comme feroit celuy à qui Nostre Seigneur, estant encor en vie, commanderoit de dormir et se coucher en sa presence; et bien, dit-il, que tu ne le voyes pas et n'entendes pas le commandement qu'il t'en fait, ne laisse pas de le faire tout de mesme que si tu le voyois, parce qu'en effet il t'est present et te garde pendant que tu dors.

  A006000295 

 Ceste vertu est aussi fort recommandée à cause de l'edification du prochain, et vous asseure que la simple modestie exterieure en a converti plusieurs, ainsi qu'il arriva à saint François, lequel passa une fois par une ville avec une si grande modestie en son maintien que, sans qu'il dist une seule parole, il y eut grand nombre de jeunes gens qui le suivirent, attirés de ce seul exemple, pour estre instruits de luy.

  A006000296 

 Car dites-moy, celuy qui ne voudroit point rire à la recreation sinon comme l'on rit hors ce temps-là, ne seroit-il pas importun? Il y a des gestes et des contenances qui seroyent immodestie hors de ce temps-là, qui là ne le sont [133] nullement; de mesme, celuy qui voudroit rire lors que l'on est parmi les occupations serieuses, et relascher son esprit comme l'on fait tres-raisonnablement en la recreation, ne seroit-il pas estimé leger et immodeste? L'on doit aussi observer le lieu, les personnes, les conversations esquelles on est, mais tout particulierement la qualité de la personne.

  A006000296 

 Ce qui est modestie à un homme sera immodestie à un autre homme, à cause de sa qualité; la gravité est extremement bien-seante à une personne âgée, qui seroit affectée à une plus jeune, à laquelle convient une modestie plus rabaissée et plus humiliée..

  A006000296 

 La modestie d'une femme du monde est autre que celle d'une Religieuse: une fille qui estant dans le monde voudroit tenir la veuë aussi basse comme nos Sœurs, ne seroit pas estimée, non plus que nos Sœurs si elles ne la tenoyent plus basse que les filles du monde.

  A006000297 

 Il est vray, dit le Pere, je l'ay bien remarqué; mais c'est un bon homme qui a vescu long temps au monde, il a apporté ceste contenance de la cour: que feroit-on là? Il l'excusoit, car il luy faschoit de le fascher en le reprenant d'une chose si legere, où il n'y avoit point de peché; mais d'ailleurs, il avoit envie de l'en faire corriger, car il n'avoit que cela où l'on peust trouver à redire.

  A006000297 

 Le grand saint Arsenius, lequel fust esleu par le Pape saint Damase pour instruire et eslever le fils de l'Empereur Theodose, Arcadius, qui luy devoit succeder au gouvernement de l'Empire, apres avoir esté honnoré plusieurs années en la cour, et autant favorisé de l'Empereur qu'homme du monde, il s'ennuya en fin de toutes ces vanités, bien qu'il ne vescust pas moins chrestiennement qu'honnorablement en la cour, et se resolut de se retirer au desert avec les saints Peres hermites qui y vivoyent: il executa fort courageusement [134] son dessein.

  A006000297 

 Les Peres, qui avoyent ouy le renom de la vertu de ce grand Saint, furent bien aises et bien consolés de l'avoir en leur compagnie.

  A006000297 

 Or, un jour que tous les Peres estoyent assemblés pour faire une conference spirituelle (car ç'a esté de tout temps qu'il s'en est fait entre les personnes pieuses), il y eut quelqu'un des Peres qui advertit le Superieur qu'Arsenius commettoit ordinairement une immodestie, en ce qu'il croisoit une jambe dessus l'autre.

  A006000298 

 Premierement, la prudence du Superieur à craindre de fascher le bon Arsenius par une correction de si peu d'importance, cherchant neantmoins le moyen de l'en faire corriger, où il monstre bien qu'ils estoyent tous tres-exacts à la moindre chose qui regarde la modestie.

  A006000299 

 Celle-cy compose les mouvemens, les gestes et contenances du corps, evitant les deux extremités, qui sont ces deux [136] vices contraires, la legereté ou dissolution, et la contenance trop affectée.

  A006000299 

 De mesme, la modestie interieure maintient les puissances de nostre ame en tranquillité et modestie, evitant, comme j'ay dit, la curiosité de l'entendement, sur lequel elle exerce principalement son soin, retranchant aussi à nostre volonté la multitude des desirs, la faisant appliquer saintement à ce seul un que Marie a choisi et qui ne luy sera point osté, qui est la volonté de plaire à Dieu.

  A006000299 

 De mesme, la volonté qui n'est pas retenue par la modestie passe d'un sujet à un autre pour s'esmouvoir à aymer Dieu et à desirer plusieurs moyens de le servir, et cependant il ne faut point tant de choses.

  A006000299 

 Je vous dis donc que la seconde, qui est l'interieure, fait les mesmes effets en l'ame que celle que nous avons dit fait au corps.

  A006000300 

 Elle fuit aussi l'autre extremité du vice qui luy est opposé, qui est la stupidité et nonchalance d'esprit qui ne veut pas sçavoir ce qui est necessaire.

  A006000301 

 De mesme, nostre entendement et volonté, nos passions et les facultés de nostre ame, comme abeilles spirituelles, jusques à tant qu'elles ayent un roy, c'est à dire jusques à tant qu'elles ayent choisi Nostre Seigneur pour leur Roy, elles n'ont aucun repos; nos sens ne cessent de s'esgarer curieusement et d'attirer nos facultés interieures apres eux, pour se dissiper tantost apres un sujet, tantost apres un autre, et ainsi ce n'est qu'un continuel travail d'esprit et inquietude, qui nous fait perdre la paix et tranquillité d'esprit qui nous est tant necessaire; et c'est ce qui nous cause l'immodestie de l'entendement et de la volonté.

  A006000302 

 Il faut peu de science et beaucoup de pratique en ce qui regarde la perfection..

  A006000302 

 Je lisois ces jours passés la Regle que saint Augustin a faite pour les Religieuses, où il dit expressement que les Sœurs ne lisent jamais aucuns livres que ceux qui leur seront donnés par la Superieure; et apres il fit le mesme commandement à ses Religieux, tant il avoit de cognoissance du mal qu'apporte la curiosité de vouloir sçavoir autre chose que ce qui nous est necessaire pour mieux servir Dieu, qui est certes fort peu de chose; car si vous marchez en simplicité par l'observance de vos Regles, vous servirez parfaitement Dieu, sans vous espancher ou rechercher de sçavoir autres choses.

  A006000303 

 Il y en a d'autres, qui à force de penser à la vie de sainte Catherine de Sienne et de Genes, pensent aussi estre par imitation des saintes Catherines.

  A006000303 

 La modestie interieure tient l'ame entre ces deux estats, en mediocrité de desirs de sçavoir ce qui est necessaire, et rien plus..

  A006000304 

 La preuve s'en fait en tous les saints Peres qui ont fait profession tres-grande de l'oraison; car ils ont tous jugé que la posture la plus modeste y aydoit beaucoup, comme se tenir à genoux, les mains jointes ou les bras en croix.

  A006000305 

 Celuy qui escrit sa Vie dit qu'un jour qu'il alloit par les bois pour en couper, il vint une grande troupe de ces esprits infernaux pour l'espouvanter, qui se rangerent comme des soldats qui posent la garde, tous bien armés, et se crioyent l'un à l'autre: Faites place au saint homme.

  A006000305 

 Il y a des paroles qui seroyent immodestie en tout autre temps qu'en celuy de la recreation, où justement et avec bonne raison on doit relascher un peu l'esprit; et qui ne voudroit parler ni laisser parler les autres sinon de choses hautes et relevées en ce temps-là, feroit une immodestie; car n'avons-nous pas dit que la modestie regarde le temps, les lieux et les personnes? A ce propos, je lisois l'autre jour que saint Pachome, d'abord qu'il fut entré au desert pour mener une vie monastique, eut de grandes tentations, et les malins esprits luy apparoissoyent souvent en diverses manieres.

  A006000305 

 Saint Pachome, qui recognut bien que c'estoyent des fanfares de l'esprit malin, [141] se print à sousrire, disant: Vous vous mocquez de moy; mais je le seray, s'il plaist à Dieu.

  A006000306 

 Ceste modestie compose nostre façon de parler, à fin qu'elle soit agreable, ne parlant ni trop haut ni trop bas, ni trop lentement ni trop brusquement, se tenant dans les termes d'une sainte mediocrité, laissant parler les autres quand ils parlent, sans les interrompre, car cela tient de la babillerie; parlant neantmoins à son tour, pour eviter la rusticité et suffisance qui nous empesche d'estre de bonne conversation.

  A006000307 

 Ce qui faisoit ainsi parler ce Saint estoit, si je ne me trompe, à cause qu'il parloit à des courtisans qu'il voyoit tellement pancher du costé de la delicatesse, qu'il estoit besoin de leur parler ainsi un peu plus asprement; comme ceux qui veulent redresser un jeune arbrisseau ne le redressent pas seulement au pli qu'ils veulent luy donner, mais ils le font mesme courber de l'autre costé à fin qu'il ne retourne à son pli.

  A006000307 

 De celle-cy, il n'est pas besoin de dire autre chose, sinon qu'il faut eviter la saleté et messeance en la façon de s'habiller; comme aussi l'autre extremité, qui est un trop grand soin de nous bien habiller, avec curiosité affectée d'estre bien accommodé, cela est vain; mais la netteté a esté fort recommandée par saint Bernard, comme estant un grand indice de la pureté et netteté de l'ame.

  A006000307 

 Il y a une chose qui semble nous contrarier en ce point, en la Vie de saint Hilarion; car un jour parlant à quelque gentilhomme qui l'estoit allé voir, il luy dit « qu'il n'y avoit point d'apparence de rechercher la netteté en un cilice, » voulant dire qu'il ne falloit point rechercher de la netteté en nos corps, qui ne sont que charognes puantes et toutes pleines d'infection: mais cela estoit plus admirable en ce grand Saint, que non pas imitable.

  A006000308 

 Vous ne voulez pas avoir du sentiment, mais aussi vous ne voulez pas sousmettre vostre jugement qui vous fait croire que la correction a esté faite mal à propos, ou bien qu'elle a esté faite par passion ou chose semblable: qui ne void que ce seditieux se jettera sur vous et vous accablera de mille sortes de confusions, si promptement vous ne le chassez bien loin?.

  A006000308 

 Vous rejettez le sentiment que vous avez de la correction qui vous est faite, mais non pas si fortement et soigneusement qu'il ne se cache en quelque petit coin de vostre cœur au moins quelque partie du sentiment.

  A006000310 

 Mais si au contraire, nous faisions ces actes devant la divine Bonté avec une douce confiance, nous sortirions de là tous rasserenés et tranquilles, et desavouerions bien facilement apres toutes les raisons, bien souvent et pour l'ordinaire irraisonnables, que nostre jugement et nostre amour propre nous suggere, et nous irions avec autant de facilité parler à ceux qui nous ont fait la correction ou contradiction comme auparavant.

  A006000311 

 Il avoit desja quelques Religieux avec luy, et le premier qu'il avoit receu estoit son frere, nommé Jean, qui estoit son aisné.

  A006000311 

 Saint François mesme, sur le dernier temps de sa vie, apres tant de ravissemens et d'unions amoureuses avec Dieu, apres avoir tant fait pour sa gloire et s'estre surmonté en tant de sortes, un jour qu'il plantoit des choux dans le jardin, il arriva qu'un Frere, voyant qu'il ne les plantoit pas bien, l'en reprit; et le Saint fut esmeu d'un si puissant mouvement de colere de se voir repris, qu'il prononça à moitié une injure contre ce Frere qui l'avoit repris.

  A006000311 

 Tout bien conté et rabattu, il n'y a personne qui n'ayt de l'aversion à la correction.

  A006000312 

 Vous me dites que vous acceptez de bon cœur la correction, que vous l'approuvez et trouvez juste et raisonnable; mais que cela vous donne une certaine confusion à l'endroit de la Superieure, parce que vous l'avez faschée ou luy avez donné occasion de se fascher; que cela vous oste la confiance de vous approcher d'elle, nonobstant que vous aymiez l'abjection qui vous revient de la faute.

  A006000313 

 C'est assez parlé pour celles qui reçoivent la correction; il faut que je die un mot pour celles qui la font.

  A006000313 

 celles à qui elles la font en ont du ressentiment; car c'est une chose bien dure à une personne de se voir corriger.

  A006000314 

 Il semble mesme que sa divine Bonté nous dit: Dormez et reposez, et ce pendant j'auray les yeux sur vous pour vous garder et defendre [148] du lion rugissant, qui va tousjours autour de vous pour penser vous deffaire.

  A006000314 

 Les pechés veniels mesmes ne sont pas capables de nous destourner de la voye qui conduit à Dieu: ils nous arrestent sans doute un peu en nostre chemin, mais ils ne nous en destournent pas pourtant, et beaucoup moins les simples distractions; et cecy je l'ay dit en l' Introduction..

  A006000315 

 Pour ce qui est de l'oraison, elle ne nous est pas moins utile ni moins agreable à Dieu pour y avoir beaucoup de distractions; ains elle nous sera peut estre plus utile que si nous y avions beaucoup de consolations, parce qu'il y a plus de travail, pourveu neantmoins que nous ayons la fidelité de nous retirer de ces distractions et n'y laissions point arrester nostre esprit volontairement.

  A006000316 

 Il leur semble que quand elles ne sentent pas Dieu, qu'elles ne sont pas en sa presence, et cela est une ignorance; car une personne qui va souffrir le martyre pour Dieu, et neantmoins elle ne pensera point en Dieu pendant ce temps-là, sinon en sa peine, quoy qu'elle n'ayt point le sentiment de la foy elle ne laisse pas de meriter en faveur de sa premiere resolution, et faire un acte de grand amour.

  A006000316 

 Il y a bien à dire d'avoir la presence de Dieu (j'entends estre en sa presence), et d'avoir le sentiment de sa presence; il n'y a que Dieu seul qui nous puisse faire ceste grace; car de vous donner les moyens d'acquerir ce sentiment, il ne m'est pas possible..

  A006000316 

 J'ay remarqué que plusieurs ne font point de difference entre Dieu et le sentiment de Dieu, entre la foy et le sentiment de la foy; qui est un tres-grand defaut.

  A006000317 

 Demandez-vous comment il faut faire pour se tenir tousjours avec un grand respect devant Dieu, comme estans tres-indignes de ceste grace? Il n'y a point d'autre moyen de le faire que comme vous le dites: regarder qu'il est nostre Dieu, et que nous sommes ses foibles creatures, indignes de cest honneur; comme faisoit saint François, qui passa toute une nuict interrogeant Dieu en ces termes: « Qui estes-vous, et qui suis-je? » En fin, si vous me demandez: Comment pourray-je faire pour acquerir l'amour de Dieu? je vous diray: En le voulant aymer; et au lieu de vous appliquer à penser et demander comment vous pourrez faire pour unir vostre esprit à Dieu, que vous vous mettiez en la pratique par une continuelle application de vostre esprit à Dieu, et je vous asseure que vous parviendrez bien plus [150] tost à vostre pretention par ce moyen-là que non pas par aucune autre voye; car à mesure que nous nous dissipons nous sommes moins recueillis, et partant moins capables de nous unir et joindre avec la divine Majesté, qui nous veut tout sans reserve.

  A006000317 

 Il me semble que ceux auxquels on demande le chemin du Ciel ont grande raison de dire comme ceux qui disent que pour aller à un tel lieu il faut tousjours aller, mettant l'un des pieds devant l'autre, et que par ce moyen on parviendra où l'on desire.

  A006000317 

 Il y a certes des ames qui s'occupent tant à penser comment elles feront, qu'elles n'ont pas le temps de faire; et toutesfois, en ce qui regarde nostre perfection, qui consiste en l'union de nostre ame avec la divine Bonté, il n'est question que de peu sçavoir et de beaucoup faire.

  A006000319 

 Ces ames qui veulent gouster de toutes les methodes et de tous les moyens qui nous conduisent ou peuvent conduire à la perfection, en font de mesme; car l'estomac de leur volonté n'ayant pas assez de chaleur pour digerer et mettre en pratique tant de moyens, il se fait une certaine crudité et indigestion qui leur oste la paix et tranquillité d'esprit aupres de Nostre Seigneur, qui est cest un necessaire, que Marie a choisi, et ne luy sera point osté.

  A006000319 

 Ceux qui estans au festin, vont piquotant chaque mets et en mangent de tous un peu, se detraquent fort l'estomac, dans lequel il se fait une si grande indigestion que cela les empesche de dormir toute la nuict, ne pouvant faire autre chose que cracher.

  A006000319 

 Mais je voudrais bien que l'on remarquast que quand je dis qu'il faut faire, j'entends tousjours parler de la partie superieure de nostre ame; car pour toutes les repugnances de l'inferieure il ne se faut non plus estonner que les passans font des chiens qui abbayent de loin.

  A006000320 

 Il luy respondroit: ne mangez point de telles ou telles viandes, parce qu'elles engendrent des crudités qui causent par apres des douleurs; elle ne voudroit pourtant pas s'en abstenir.

  A006000321 

 Il faut que nous ayons deux égales resolutions: l'une, de voir croistre des mauvaises herbes en nostre jardin, et l'autre, d'avoir le courage de les voir arracher et les arracher nous-mesmes; car nostre amour propre ne mourra point pendant que nous vivrons, lequel est celuy qui fait ces impertinentes productions.

  A006000321 

 Il ne faut pas que nous pensions pouvoir vivre sans en faire tousjours quelques uns, car il n'y a eu que Nostre Dame qui ayt eu ce privilege.

  A006000322 

 En fin il faut sçavoir que nous ne devons jamais cesser de faire des bonnes resolutions, encore que nous voyons bien que selon nostre ordinaire nous ne les pratiquons pas, voire, quand bien nous verrions qu'il est impossible de les pratiquer quand l'occasion s'en presentera; et cela, il le faut faire avec plus de fermeté que si nous sentions en nous assez de courage pour reussir de nostre entreprise, disant à Nostre Seigneur: Il est vray que je n'auray pas la force de faire ou supporter telle chose de moy-mesme, mais je m'en resjouïs, d'autant que ce sera vostre force qui le fera en moy; et sur cest appui, allez à la bataille courageusement, et ne doutez point que vous n'en rapportiez la victoire.

  A006000322 

 Sainte Paule, [155] laquelle fut si genereuse à se dépestrer du monde, quittant la ville de Rome et tant de commodités, et laquelle ne peut estre esbranlée par l'affection maternelle qu'elle portoit à ses enfans, tant son cœur estoit resolu de quitter tout pour Dieu, apres avoir fait toutes ces grandes merveilles, elle se laissa surmonter par la tentation de son propre jugement, qui luy faisoit accroire qu'il ne se falloit pas sousmettre à l'advis de plusieurs saints personnages qui vouloyent qu'elle retranchast quelque chose de ses austerités ordinaires: en quoy saint Hierosme advouë qu'elle estoit reprehensible..

  A006000323 

 Remarquons pour conclusion, que tout ce que nous avons dit en cest Entretien sont des choses assez delicates pour la perfection; et partant, que nulle de vous autres qui les avez entendues n'ayt à s'estonner si elle ne se trouve parvenue à ceste perfection, puisque, par la grace de Dieu, vous avez toutes le courage bon pour y vouloir pretendre.

  A006000327 

 L'obeissance est une vertu morale qui dépend de la justice.

  A006000327 

 Mais ce second appartient plustost à l'humilité, douceur et charité qu'à l'obeissance; car celuy qui est humble pense que tous les autres le surpassent et sont beaucoup meilleurs que luy, de sorte qu'il se les rend superieurs et croid leur devoir obeir..

  A006000327 

 Or, il y a certaines vertus morales qui ont tant d'affinité avec les vertus theologales, qui sont la foy, l'esperance, la charité, qu'elles semblent presque theologiques, bien qu'elles soyent en un degré bien inferieur: comme la penitence, la religion, la justice et l'obeissance.

  A006000328 

 Mais quant à l'obeissance qui regarde les Superieurs que Dieu a establis sur nous pour nous gouverner, elle est de justice et de necessité, et se doit rendre avec une entiere sousmission de nostre entendement et de nostre volonté.

  A006000329 

 En termes theologiques, la paresse s'appelle tristesse spirituelle, et c'est cela qui empesche de faire l'obeissance courageusement et promptement La troisiesme est la perseverance; car il ne suffit pas que l'on agrée le commandement et que pour quelque espace de temps l'on l'execute, si l'on n'y persevere, puisque c'est ceste perseverance qui obtient la couronne..

  A006000329 

 L'obeissance plus ordinaire a trois conditions: la premiere c'est d'agréer la chose que l'on nous commande et y plier doucement nostre volonté, aymant à estre commandés; car ce n'est pas le moyen de nous rendre vrays obeissans de n'avoir personne qui nous commande, comme de mesme ce n'est pas le moyen d'estre doux que de demeurer seul dans un desert.

  A006000329 

 La vertu est un bien de soy qui ne dépend pas de la privation de son contraire.

  A006000330 

 C'est un acte de grande humilité de faire toute sa vie par obeissance un mesme exercice qui soit abject, car il peut arriver force tentations que l'on seroit bien capable de quelque chose de plus grand.

  A006000330 

 Il y a des moines qui ont perseveré avec une patience incroyable à ne faire toute leur vie qu'un mesme exercice, comme le bon Pere Jonas qui ne fit jamais en sa vie autre chose, outre le jardinage, que des nattes, et s'estoit tellement habitué à cela qu'il les faisoit sa fenestre fermée, en meditant et faisant oraison; l'un ne luy empeschoit point l'autre, de sorte qu'on le trouva mort les genoux croisés et sa natte attachée dessus: il mourut en faisant ce qu'il avoit fait toute sa vie.

  A006000331 

 Or, pour mieux nous affectionner à l'obeissance, lors que nous nous trouverons tentés, il faut faire des considerations de son excellence, de sa beauté et de son merite, voire de son utilité, pour nous encourager à passer outre: cela s'entend pour les ames qui ne sont pas encore bien establies en l'obeissance; mais quand il n'est question que d'une simple aversion ou dégoust dela chose commandée, il faut faire un acte d'amour et se mettre à la besogne.

  A006000334 

 Car, par exemple, si allant en un lieu je trouve une Sœur et qu'elle me die que j'aille ailleurs, la volonté de Dieu en moy est que je fasse ce qu'elle veut, plustost que ce que je veux; que si j'oppose mon opinion à la sienne, la volonté de Dieu en elle est qu'elle me cede, et ainsi de toutes choses qui sont indifferentes.

  A006000334 

 Le second poinct auquel consiste l'obeissance est plustost humilité qu'obeissance; car ceste sorte d'obeissance est une certaine souplesse de nostre volonté à suivre la volonté d'autruy, et c'est une vertu extremement aymable, qui fait tourner nostre esprit à toutes mains et nous dispose à faire tousjours la volonté de Dieu.

  A006000334 

 Mais s'il arrive que sur ceste premiere opinion toutes deux voulussent ceder, il ne faudroit pas demeurer là sur ceste contestation, ains regarder lequel seroit le plus raisonnable et meilleur, et puis le faire simplement; et faut que cela soit conduit par la discretion, car il ne seroit pas à propos de quitter une chose qui seroit de necessité pour condescendre à une chose indifferente.

  A006000335 

 Non, c'est l'amour propre qui ne voudroit pas que j'eusse seulement une moindre pensée qu'elle est importune; je l'auray bien pourtant, encore que je ne m'y arreste pas.

  A006000335 

 Que s'il arrive qu'une Sœur nous requiere de faire quelque chose, et que par surprise nous tesmoignions d'y * avoir de la repugnance, il ne faut pas que la Sœur s'en ombrage ni fasse semblant de le cognoistre, ni qu'elle prie de ne le faire pas; car il n'est pas en nostre puissance d'empescher que nostre couleur, nos yeux et nostre contenance ne tesmoignent le combat que nous avons au dedans, encore que la raison veuille bien faire la chose; car ce sont des messagers qui viennent sans que l'on les demande, et qui, encore qu'on leur die retournez, n'en font rien pour l'ordinaire.

  A006000335 

 Si neantmoins au signe de ma repugnance je joins des paroles qui tesmoignent apertement que je n'ay point d'envie de faire ce dont ceste Sœur me prie, elle peut et doit me dire doucement que je ne le fasse pas, quand ce sont personnes égales; car il faut que ceux qui ont authorité tiennent ferme et fassent plier leurs inferieurs.

  A006000335 

 Si toutesfois j'avois l'experience que ce fust un esprit qui ne fust pas encore capable de ceste façon de traitter, j'attendrois pour quelque temps, jusques à tant qu'elle fust mieux disposée..

  A006000336 

 Nous devons tous estre capables des defauts les uns des autres, et ne faut en façon quelconque s'estonner d'en rencontrer; car si nous demeurons quelque temps sans tomber en faute, nous serons par apres un autre temps que nous ne ferons que faillir et ferons plusieurs grandes imperfections, de la suite desquelles il faut profiter par l'abjection qui nous en revient.

  A006000337 

 Il faut que nous nous accoustumions à rechercher [164] l'evenement de nostre perfection selon les voyes ordinaires, en tranquillité de cœur, faisant tout ce que nous pouvons pour acquerir les vertus par la fidelité que nous aurons à les pratiquer une chacune selon nostre condition et vocation; et demeurons en attente pour ce qui regarde de parvenir tost ou tard au but de nostre pretention, laissant cela a la divine Providence, laquelle aura soin de nous consoler au temps qu'elle a destiné de le faire; et quand mesme ce ne seroit qu'à l'heure de nostre mort, il nous doit suffire, pourveu que nous rendions nostre devoir en faisant tousjours ce qui est en nous et à nostre pouvoir.

  A006000337 

 Il se faut contenter de sçavoir qu'on fait bien par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni la cognoissance particuliere, mais marcher comme aveugle dans ceste providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres, et toute autre sorte de croix qu'il luy plaira nous donner.

  A006000337 

 O qu'heureux sont ceux qui vivans en l'attente, ne se lassent point d'attendre! Ce que je dis pour plusieurs, lesquels ayans le desir de se perfectionner par l'acquisition des vertus les voudroyent avoir tout d'un coup, comme si la perfection ne consistoit qu'à la desirer.

  A006000338 

 Or, le moyen d'acquerir ceste souplesse à la volonté d'autruy est de faire souvent en l'oraison des actes d'indifference, et puis les venir mettre en pratique lors que l'occasion s'en presentera; car ce n'est pas assez de se despouiller devant Dieu, d'autant que cela se faisant seulement avec l'imagination, il n'y a pas grand affaire; mais quand il le faut faire en effet, et que venans de nous donner tout à Dieu nous trouvons une creature qui nous commande, il y a bien de la difference, et c'est là où il faut monstrer son courage..

  A006000340 

 Il arrive souvent qu'une personne petite et foible de corps et d'esprit, qui ne s'exercera qu'en des choses petites, les fera avec tant de charité qu'elles surpasseront beaucoup le merite des actions grandes et relevées; car pour l'ordinaire, ces actions relevées se font avec moins de charité, à cause de l'attention et de diverses considerations qui se font autour d'elles.

  A006000340 

 Les actions bonnes que nous ferons, qui ne nous sont pas particulierement commandées et qui ne peuvent tirer leur merite de l'obeissance, il le leur faut donner par la charité, encore que nous les pouvons toutes faire par obeissance.

  A006000340 

 Si neantmoins une grande œuvre est faite avec autant de charité que la petite, sans doute celuy qui la fait a beaucoup plus de merite et de recompense.

  A006000342 

 Or, si vous pensez que ce soit le Saint Esprit qui vous inspire de faire ces petites pratiques, il vous sçaura bon gré que vous en demandiez congé, voire mesme que vous ne les fassiez pas si l'on ne le vous permet, d'autant [167] que rien ne luy est tant agreable que l'obeissance religieuse.

  A006000346 

 Il y a trois sortes d'obeissance pieuse, dont la premiere est generale à tous les Chrestiens, qui est l'obeissance deuë à Dieu et à la sainte Eglise en l'observance de leurs commandemens.

  A006000346 

 Il y a une troisiesme obeissance qui est celle de laquelle je veux parler, comme estant la [169] plus parfaite, qui se nomme amoureuse; et c'est de ceste-cy de laquelle Nostre Seigneur nous a monstre exemple tout le temps de sa vie..

  A006000346 

 La seconde est l'obeissance religieuse, qui est desja d'un grand prix au dessus de l'autre, parce qu'elle s'attache non seulement aux commandemens de Dieu, ains elle s'assujettit à l'observance de ses conseils.

  A006000347 

 L'obeissance aveugle a trois proprietés ou conditions, dont la premiere est qu'elle ne regarde jamais le visage des Superieurs, ains seulement leur authorité; la seconde, qu'elle ne s'informe point des raisons ni des motifs que les Superieurs ont de commander telle ou telle chose, luy suffisant de sçavoir qu'ils l'ont commandée, et la troisiesme, qu'elle ne s'enquiert point des moyens qu'il faut qu'elle tienne pour faire ce qui est commandé, s'asseurant que Dieu, par l'inspiration duquel on luy a fait ce commandement, luy donnera bien le pouvoir de l'accomplir; mais au lieu de s'enquerir comment elle fera, elle se met à faire..

  A006000348 

 Donques l'obeissance religieuse, qui doit estre aveugle, se sousmet amoureusement à faire tout ce qui luy est commandé, tout simplement, sans regarder jamais si le commandement est bien ou mal fait, pourveu que celuy qui commande ait le pouvoir de commander, et que le commandement serve à la conjonction de nostre esprit avec Dieu; car hors de là, jamais le vray obeissant ne fait aucune chose.

  A006000348 

 Plusieurs se sont grandement trompés sur cette condition de l'obeissance, lesquels ont [170] creu qu'elle consistoit à faire à tort et à travers tout ce qui nous pourroit estre commandé, fust-ce mesme contre les commandemens de Dieu et de la sainte Eglise; en quoy ils ont grandement erré, s'imaginans une folie en cest aveuglement, qui n'y est nullement; car en tout ce qui est des commandemens de Dieu, comme les Superieurs n'ont point de pouvoir de faire jamais aucun commandement contraire, les inferieurs n'ont de mesme jamais aucune obligation d'obeir en tel cas, ains s'ils y obeissoient ils pecheroient..

  A006000349 

 L'on en void beaucoup d'autres qui se sont precipités à la mort, comme celuy qui se jetta dans une fornaise ardente; mais tous ces exemples doivent estre [171] admirés et non pas imités, car vous sçavez assez qu'il ne faut jamais estre si aveugle que de penser agréer à Dieu en contrevenant à ses commandemens.

  A006000349 

 Plusieurs donc se sont precipités à la mort par une inspiration particuliere de Dieu, qui estoit tellement forte qu'ils ne s'en pouvoyent nullement desdire; car autrement ils eussent griefvement peché.

  A006000349 

 Saint Ambroise rapporte aussi l'histoire de trois filles qui, pour eviter de perdre leur chasteté, se jetterent dans un fleuve où elles furent suffoquées par les eaux: mais celles-cy avoyent d'ailleurs quelque sorte de raison pour ce faire, qui seroit trop longue à déduire.

  A006000350 

 Nostre Seigneur, Nostre Dame et saint Joseph nous ont fort bien enseigné ceste façon d'obeir, au voyage qu'ils firent de Nazareth en Bethlehem; car Cesar ayant fait un edict, que tous ses subjets allassent au lieu de leur naissance pour y estre enroollés, ils y allerent amoureusement pour satisfaire à ceste obeissance, bien que Cesar fust payen et idolastre: Nostre Seigneur voulant monstrer par là que nous ne devons jamais regarder au visage de ceux qui commandent, pourveu qu'ils ayent le pouvoir de commander..

  A006000350 

 Tous les anciens Peres ont grandement blasmé ceux lesquels ne se vouloyent pas sousmettre à l'obeissance de ceux qui estoyent de moindre qualité qu'eux; ils leur demandoyent: Quand vous obeissiez à vos Superieurs, pourquoy le faisiez-vous? estoit-ce pour l'amour de Dieu? Nullement, car cestui-cy ne tient-il pas la mesme place de Dieu parmi nous que faisoit l'autre? Sans doute, il est vicaire de Dieu, et Dieu nous commande par sa bouche, et nous fait entendre ses volontés par ses ordonnances, comme il faisoit par la bouche de l'autre.

  A006000351 

 Apres donc qu'elle a gaigné ce poinct de ne pas regarder ceux qui commandent, ains de se sousmettre également à toutes sortes de Superieurs, elle passe outre et vient au second, qui est d'obeir sans considerer l'intention ni la fin pour laquelle le commandement est fait, se contentant de sçavoir qu'il est fait, sans s'amuser à considerer s'il est bien ou mal [173] fait, si l'on a raison ou non de faire tel ou tel commandement.

  A006000352 

 Mais pourquoy Nostre Seigneur mesme ne luy dit-il pas ce qu'il devoit faire, sans le renvoyer plus loin, luy qui avoit bien daigné luy parler pour le convertir? Saint Paul fit tout ce qui luy fut commandé.

  A006000353 

 Ainsi le vray obeissant croid simplement de pouvoir faire tout ce qu'on luy peut commander, parce qu'il tient que tous les commandemens [175] viennent de Dieu, ou sont faits par son inspiration, lesquels ne peuvent estre impossibles à raison de la puissance de Celuy qui commande..

  A006000354 

 A ceste response, Naaman commença à se dépiter et dire: N'y a-t'il pas des eaux en nostre pays aussi bonnes que celles qui sont au fleuve Jourdain? et n'en voulut rien faire.

  A006000354 

 Mais ses gens luy remonstrerent qu'il devoit faire ce qui luy estoit enjoint par le Prophete, puisque c'estoit une chose si facile; il se laissa gaigner à leurs paroles, et s'estant lavé sept fois il fut gueri.

  A006000354 

 Voyez-vous comment il se met en danger de ne point recouvrer sa santé, voulant faire tant de considerations sur ce qui estoit commandé?.

  A006000355 

 La troisiesme proprieté de l'obeissance aveugle est qu'elle ne considere point et ne s'enquiert point tant par quel moyen elle pourra faire ce qui luy est commandé.

  A006000356 

 Il dit donc ainsi en soy-mesme: Celle à qui je demanderay à boire et qui me dira: J'en donneray non seulement à vous, mais je puiseray encor de l'eau pour vos chameaux, ce sera celle là que je recognoistray estre digne espouse du fils de mon maistre.

  A006000356 

 Il y en a qui obeissent, mais c'est avec tant de langueur et avec une si mauvaise mine, qu'ils diminuent beaucoup le merite de ceste vertu.

  A006000356 

 La charité et l'obeissance ont une telle union ensemble qu'elles ne se peuvent separer: l'amour nous fait obeir promptement, car pour difficile que soit la [177] chose commandée, celuy qui a l'obeissance amoureuse l'entreprend amoureusement, parce que l'obeissance estant une principale partie de l'humilité qui ayme souverainement la sousmission, l'obeissant par consequent ayme le commandement, et dés qu'il l'apperçoit de loin, quel qu'il puisse estre, soit-il selon son goust ou non, il l'embrasse, il le caresse et le cherit tendrement..

  A006000356 

 O certes, les obeissances qui se font mal gratieusement ne sont point agreables.

  A006000357 

 A quoy le Pere respondit fort doucement: Bien, mon Frere, vous n'avez pas voulu obeir simplement et promptement; mais que voulez-vous gager que l'arbre sera plus obeissant que vous? Ce qui arriva; car le lendemain on le trouva tout sec, et ne porta jamais fruict.

  A006000357 

 Ce grand Saint, qui ne desiroit pas moins de dresser ses Religieux à une totale mortification des sens comme à la mortification interieure des passions et inclinations, appella Jonas et luy commanda que le lendemain il ne manquast à couper le figuier; à quoy le pauvre Jonas repliqua: Hé, mon Pere, encor faut-il un peu supporter ces jeunes gens; il les faut bien recréer en quelque chose; ce n'est pas pour moy que je le veux conserver.

  A006000357 

 Entre les Religieux de saint Pachome il y en avoit un nommé Jonas, homme de grande vertu et sainteté, lequel avoit la charge du jardin, dans lequel il y avoit un figuier qui portoit de fort belles figues.

  A006000357 

 Saint Pachome l'ayant remarqué, et se promenant un jour par le jardin, il leva ses yeux contre ce figuier et vid le diable au dessus, qui regardoit les figues de haut en bas, comme les Religieux les regardoyent du bas en haut.

  A006000358 

 David ne fit qu'un simple souhait de boire de l'eau de la cisterne de Bethlehem, et soudain partirent trois chevaliers qui à teste baissée traverserent l'armée des ennemis et luy en allerent querir.

  A006000358 

 Or, dessus ceste obeissance aux conseils, l'obeissance amoureuse est entée, qui nous fait entreprendre de suivre ric à ric les desirs et les intentions de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000358 

 Quel commandement, je vous supplie, a fait Nostre Seigneur, qui obligeast sainte Catherine de Sienne à boire ou lescher avec la langue la pourriture qui sortoit de la playe de ceste pauvre femme qu'elle servoit? et saint Louis, roy de France, de manger avec les ladres le reste de leur potage pour leur donner courage de manger? Certes, ils n'estoyent aucunement obligés à cela; mais sçachant que Nostre Seigneur aymoit et avoit tesmoigné de l'inclination à l'amour de la propre abjection, pensant luy faire plaisir de suivre son inclination, ils faisoyent ces choses, quoy que tres-repugnantes à [179] leurs sens, avec un tres-grand amour.

  A006000359 

 De mesme, quand je m'apperçois que le Superieur desire quelque chose de moy, il faut que je me rende prompt à le faire, sans aller espluchant si je pourray cognoistre qu'il ayt quelque inclination que je fasse [180] quelque autre chose; car cela osteroit la paix et tranquillité de cœur, qui est le principal fruict de l'obeissance amoureuse..

  A006000359 

 Donc, celuy qui pour suivre l'inclination que Nostre Seigneur a tesmoigné que l'on secourust les pauvres, voudrait aller de ville en ville pour les chercher, qui ne sçait que pendant qu'il sera en une il ne servira pas ceux qui seront en l'autre? Il faut aller en ceste besogne en simplicité de cœur; faire l'aumosne quand j'en rencontre l'occasion, sans m'aller amusant par les rues de maison en maison, pour sçavoir s'il y aura point de pauvre que je ne cognoisse pas.

  A006000359 

 Mais il faut que je vous advertisse icy d'une tromperie en laquelle on pourroit tomber: car si ceux qui voudroyent entreprendre la pratique de ceste vertu fort exactement, vouloyent tousjours se tenir en attention pour pouvoir cognoistre les desirs et les inclinations de leurs Superieurs ou de Dieu, ils perdroyent le temps infailliblement; car par exemple, tandis que je m'enquerrois quel est le desir de Dieu, je ne m'occuperais pas à me tenir en repos et tranquillité aupres de luy, qui est le desir qu'il a maintenant, puisqu'il ne me donne rien autre chose à faire.

  A006000361 

 Voila donc ce que j'avois à vous dire touchant l'obeissance, sinon encore ce mot, que l'obeissance est d'un si grand prix qu'elle est compagne de la charité; et ces deux vertus sont celles qui donnent le prix et la valeur à toutes les autres, de sorte que sans elles toutes les autres ne sont rien.

  A006000362 

 Assez meurt martyr qui bien se mortifie; c'est un plus grand martyre de perseverer toute sa vie en obeissance, que non pas de mourir tout d'un coup par un glaive.

  A006000362 

 En fin il adora leur idole, et ces meschans se mocquans de luy le battirent tres-bien, et puis le laisserent revenir en son monastere, où estant arrivé plus mort que vif, tout pâle et transi, saint Pachome qui luy estoit allé au devant luy dit: Eh bien, mon fils, [184] comme va? qu'y a-t'il que vous estes si défait? Lors, le pauvre Religieux, tout honteux et confus parce qu'il avoit de l'orgueil, ne pouvant supporter de se voir avoir fait une si grande faute, se jetta en terre et confessa sa faute; à quoy le Pere remediant promptement, faisant prier les Freres pour luy et luy faisant demander pardon à Dieu, le remit en bon estat, et puis luy donna de bons advertissemens, disant: Mon fils, souviens-toy qu'il vaut mieux avoir de petits desirs de vivre selon la Communauté, et ne vouloir que la fidelité à l'observance des Regles sans entreprendre ni desirer autre chose que ce qui y est compris, que non pas avoir de grands desirs de faire des merveilles imaginaires, qui ne sont bons qu'à enfler nos cœurs d'orgueil et nous faire mesestimer les autres, pensant bien estre quelque chose plus qu'eux.

  A006000362 

 Le Religieux, qui asseuroit que son desir procedoit du Saint Esprit, ne rabattit rien de son ardeur, incitant tousjours le Pere qu'il fist priere que son desir fust accompli.

  A006000362 

 Mais passant plus outre, et laissant à part l'obeissance generale aux commandemens de Dieu et parlant de l'obeissance religieuse, je dis que si le Religieux n'obeit, il ne sçauroit avoir aucune vertu, parce que c'est l'obeissance qui le rend principalement Religieux, comme estant la vertu propre et particuliere de la Religion.

  A006000362 

 O qu'il fait bon vivre à l'abri de la sainte obeissance, plustost que nous retirer d'entre ses bras pour chercher ce qui nous semble plus parfait! Si tu te fusses contenté, ainsi que je t'avois dit, de te bien mortifier en vivant, lors que tu ne voulois rien moins que la mort, tu ne fusses pas tombé comme tu as fait; mais bon courage, souviens-toy de vivre desormais en sousmission, et t'asseure que Dieu t'a pardonné.

  A006000364 

 Le vray obeissant vivra doucement et paisiblement comme un enfant qui est entre les bras de sa chere mere, lequel ne se met point en soin de ce qui luy pourra survenir; que la mere le porte sur le bras droit ou sur le gauche, il ne s'en soucie pas.

  A006000364 

 Mais, me direz-vous, qu'est-ce qu'il m'arrivera de pratiquer si exactement ceste obeissance amoureuse avec les conditions susdites: en aveugle, promptement et perseveramment? O mes cheres lilles, celuy qui le fera jouira en son ame d'une tranquillité continuelle et de la tres-sainte paix de Nostre Seigneur qui surpasse tout sentiment; il n'aura aucun compte à rendre de ses actions, puisqu'elles auront esté toutes faites par obeissance, tant aux Regles comme aux Superieurs.

  A006000364 

 Quel bonheur plus utile et desirable que cela? Certes, le vray obeissant, pour dire cela en passant, ayme ses Regles, les honnore et les estime uniquement comme le vray chemin par lequel il doit s'acheminer à l'union de son esprit avec Dieu; et partant il ne se départ [186] jamais de ceste voye, ni de l'observance des choses qui y sont dites par forme de direction, non plus que de celles qui y sont commandées.

  A006000365 

 Celles qui ne voudroyent pas s'assujettir aux conseils et à la direction contreviendroyent à l'obeissance amoureuse; et ce seroit tesmoigner une grande lascheté de coeur et avoir bien peu d'amour pour Dieu, [189] que de ne vouloir faire que ce qui nous est commandé et rien davantage.

  A006000365 

 Dans les Constitutions et Regles [188] c'en est tout de mesme, car il y a des articles qui disent: Les Sœurs pourront faire telle chose, et d'autres qui disent: Elles feront, ou bien, se garderont de faire.

  A006000365 

 Et, bien qu'elles ne contreviennent pas à l'obeissance qu'elles ont vouée, qui est celle des commandemens et conseils, quand elles ne s'assujettissent pas à la suite de la direction, elles contreviennent neantmoins à l'obeissance amoureuse à laquelle toutes les Filles de la Visitation doivent pretendre..

  A006000365 

 Vous demandez maintenant si vous estes obligées sur peine de peché, de faire tout ce que les Superieurs vous disent que vous fassiez; comme quand vous rendez compte, s'il faut que vous teniez pour commandement tout ce que la Superieure vous dit, qui est propre à vostre avancement.

  A006000366 

 Bien que les Superieurs fussent ignorans et conduisissent leurs inferieurs selon leur ignorance, voire [190] par des voyes scabreuses et dangereuses, les inferieurs se sousmettans à tout ce qui n'est point manifestement peché, ni contre les commandemens de Dieu et de sa sainte Eglise, je vous peux asseurer qu'ils ne peuvent jamais errer.

  A006000366 

 Ce seroit une plaisante façon d'obeir si nous ne voulions obeir qu'aux Superieurs qui nous seroyent agreables.

  A006000366 

 Nostre Seigneur a promis que le vray obeissant ne se perdra jamais; non certes, celuy qui suivra indistinctement la volonté et direction des Superieurs que Dieu establira sur luy.

  A006000366 

 O certes, nous ne pouvons pas empescher que la pensée ne nous en vienne, mais de s'y arrester, c'est ce qu'il ne faut point faire; car si Balaam fut bien instruit par une asnesse, à plus forte raison devons-nous croire que Dieu qui nous a donné ceste Superieure, fera bien qu'elle nous enseignera selon sa volonté, bien que peut estre ce ne sera pas selon la nostre.

  A006000366 

 Si aujourd'huy que vous avez une Superieure fort estimée, tant pour sa qualité que pour ses vertus, vous luy obeissez de bon cœur, demain que vous en aurez une autre qui ne sera pas tant estimée vous ne luy obeissez pas de si bon cœur qu'à l'autre, luy rendant bien pareille obeissance, mais n'estimant pas tant ce qu'elle vous dit et ne le faisant pas avec tant de satisfaction, hé! qui ne void que vous obeissez à l'autre par vostre inclination et non pas purement pour Dieu? car si cela estoit, vous auriez autant de plaisir et feriez autant d'estime de ce que ceste-cy vous dit, comme vous faisiez de ce que l'autre vous disoit..

  A006000367 

 J'ay accoustumé de dire souvent une chose que tous-jours il est bon de dire parce qu'il le faut tousjours observer, qui est que toutes nos actions se doivent pratiquer selon la partie superieure; car c'est ainsi qu'il faut vivre en ceste maison, et non jamais selon nos sens et nos inclinations.

  A006000368 

 Le Religieux qui a bien commencé n'a pas tout fait, s'il ne persevere jusques à la fin.

  A006000368 

 Le Religieux qui penserait se pouvoir relascher en quelque chose apres sa profession, voire apres avoir desja vescu longuement en Religion, se tromperait grandement.

  A006000368 

 [192] Mais ne seroit-il point loisible à une fille qui a desja vescu longuement en Religion, et qui y a rendu de grands services, de se relascher un peu à l'obeissance, au moins en quelque petite chose? O bon Dieu! que seroit cela, sinon faire comme un maistre pilote qui ayant amené sa barque au port, apres avoir longuement et peniblement travaillé pour la sauver des perils de la tourmente et des vagues de la mer, voudrait en fin, estant arrivé au port, rompre son navire et se jetter luy-mesme dans la mer? Ne le jugeroit-on pas bien fol? car s'il vouloit faire cela, il ne se devoit pas tant travailler pour amener la barque jusqu'au port.

  A006000369 

 La seconde façon en laquelle l'on le peut dire est pour se soulager: elle trouve la mortification ou correction bien pesante, elle s'en va un peu descharger sur sa Sœur à qui elle le dit, laquelle la plaignant luy ostera une partie de sa charge; et ceste façon n'est desja pas tant supportable que la premiere, parce que l'on commet une imperfection en se plaignant.

  A006000369 

 Mais la troisiesme seroit tout à fait mauvaise, qui est de le dire par forme de murmure et de despit, et pour faire cognoistre que la Superieure a eu tort; or de ceste façon, je sçay bien que l'on ne le fait pas en ceste maison, par la grace de Dieu..

  A006000369 

 Reste seulement de dire un petit mot sur la question [193] qui me fut faite hier au soir, sçavoir, s'il est loisible aux Sœurs de se dire l'une à l'autre qu'elles ont esté mortifiées par la Superieure ou la Maistresse des Novices sur quelque occasion.

  A006000370 

 Quand donc nous sortons de devant la Superieure toutes seches et sans avoir receu une seule goutte de consolation, il faut que nous emportions nostre secheresse comme un baume precieux, comme l'on fait des affections que l'on reçoit en la sainte oraison, comme un baume, dis-je, et que nous ayons un grand soin de ne pas laisser respandre ceste liqueur precieuse qui nous a esté envoyée du Ciel comme un don tres-grand, à fin de parfumer nostre cœur de la privation de la consolation que nous pensions rencontrer és paroles de la Superieure..

  A006000371 

 Bien-heureux est celuy qui peut garder une égalité de cœur parmi toute ceste inégalité de succes.

  A006000371 

 Il vous semble que les Superieurs ont la consolation sur le bord des levres et qu'ils la respandent facilement dans le cœur de ceux qu'ils veulent, ce qui n'est pas neantmoins; car ils ne peuvent pas tousjours estre de mesme humeur non plus que les autres.

  A006000371 

 Mais il y a une chose à remarquer sur ce sujet, qui est que quelquefois l'on porte un cœur sec et dur lors que l'on va parler à la Superieure, lequel ne peut estre capable d'estre arrousé ni humecté de l'eau de la consolation, d'autant qu'il n'est nullement susceptible de ce que la Superieure dit; et encore qu'elle parle fort bien selon vostre necessité, neantmoins il ne le vous semble pas.

  A006000371 

 Une autre fois que vous aurez le cœur tendre et bien disposé, elle ne vous dira que trois ou quatre paroles, beaucoup moins utiles pour vostre perfection que les autres n'estoyent, qui vous consoleront; et pourquoy? parce que vostre cœur estoit disposé à [195] cela.

  A006000372 

 Je n'ay jamais rencontré personne qui ne fist estat de son jugement, sinon deux qui me confesserent qu'ils n'avoyent point de jugement; et l'un, m'estant une fois venu trouver, me dit: Monsieur, je vous prie, dites-moy un peu une telle chose, car je n'ay point de jugement pour la pouvoir comprendre, ce qui m'estonna fort..

  A006000372 

 Parce que l'entendement et le jugement representent à la volonté que cela ne se doit pas, ou qu'il faut user d'autres moyens pour faire ce que l'on dit, que ceux qui nous sont marqués, elle ne peut se sousmettre, d'autant qu'elle fait tousjours plus d'estat des raisons que le propre jugement luy monstre que non pas d'aucune autre, car chacun croid que son propre jugement est le meilleur.

  A006000372 

 Si l'on vous donne quelque exercice, ne permettez pas à vostre jugement de discerner s'il vous sera propre ou non; et prenez garde que, si bien vous faites la chose ainsi qu'elle est commandée, bien souvent [196] le propre jugement n'obeit pas, je veux dire ne se sousmet pas, car il n'approuve pas le commandement: ce qui est pour l'ordinaire cause de la repugnance que nous avons de nous sousmettre à faire ce que l'on veut de nous.

  A006000373 

 Ce docteur, [197] recevant le commandement, sousmit si absolument son jugement qu'il ne voulut point esclaircir son affaire pour se justifier, ains au contraire il creut qu'il avoit tort et qu'il s'estoit laissé tromper à son propre jugement; et montant en chaire, il leut tout haut ce que le Pape luy avoit escrit, print son livre, le déchira en pieces, puis il dit tout haut que ce que le Pape avoit jugé sur ce fait avoit esté fort bien jugé; qu'il approuvoit de tout son cœur la censure et correction paternelle qu'il avoit daigné luy faire, comme estant tres-juste et tres-douce à luy qui meritoit d'estre rigoureusement chastié, et qu'il s'estonnoit grandement comme il avoit esté si aveugle que de s'estre laissé tromper à son propre jugement en chose si manifestement mauvaise.

  A006000373 

 Il n'estoit nullement obligé de faire cecy, parce que le Pape ne le commandoit pas, ains seulement qu'il eust à rayer de dessus son livre certaine chose qui n'avoit pas semblé bonne; car, ce qui est bien remarquable, elle n'estoit pas heretique, ni si manifestement erronée qu'elle ne peust estre defendue.

  A006000374 

 Faire avouer que ce qui est commandé est bon, l'aimer et l'estimer comme une chose qui nous est bonne et utile au dessus de toute autre, ô c'est à cela que le jugement se trouve retif; car il y en a plusieurs qui disent: je feray bien cela ainsi que vous dites, mais je voy bien qu'il seroit mieux autrement.

  A006000374 

 Helas! que faites-vous? si vous nourrissez ainsi le jugement, sans doute il vous enyvrera; car il n'y a point de difference entre une personne enyvrée et celuy qui est plein de son propre jugement.

  A006000374 

 Il faut donc avoir un tres-grand soin de l'empescher de faire ces considerations, à fin qu'il ne nous enyvre de ses raisons, principalement en ce qui concerne l'obeissance..

  A006000375 

 Nos Sœurs ayment trop leur propre abjection pour faire ainsi; tant s'en faut qu'elles s'en troublent, qu'au contraire elles prendront un plus grand courage et plus de soin de s'amender, non pas pour eviter d'estre adverties, car je suppose qu'elles ayment souverainement tout ce qui les peut rendre viles et abjectes à leurs yeux, ains à fin de faire tousjours mieux leur devoir et se rendre capables de leur vocation.

  A006000375 

 Si une Sœur vous dit des paroles qui ressentent le murmure, et que d'ailleurs ceste Sœur ayt le cœur en douceur, sans doute il faut que tout confidemment vous luy disiez: Ma Sœur, cela n'est pas bien fait; mais si vous vous appercevez qu'il y ayt quelque passion esmeuë dans son cœur, alors il faut destourner le propos le plus [200] dextrement que l'on peut.

  A006000378 

 La simplicité donc n'est autre chose qu'un acte de charité pur et simple qui n'a qu'une seule fin, qui est d'acquerir l'amour de Dieu, et nostre ame est simple lors que nous n'avons point d'autre pretention en tout ce que nous faisons.

  A006000378 

 Vous sçavez que nous appelions communément une chose simple quand elle n'est point brodée, doublée ou bigarrée; par exemple nous disons: voila une personne qui est habillée bien simplement, parce qu'elle ne porte point de façon ou de doublure en son habit, je dis de doublure façonnée ou qui se voye, ains sa robbe et son habit n'est que d'une estoffe; et cela est une robbe simple.

  A006000379 

 Et ainsi elle doubloit ceste premiere fin de l'amour de Dieu en son exercice, de plusieurs autres petites pretentions, desquelles elle fut reprise de Nostre Seigneur: Marthe, Marthe, tu te troubles de plusieurs choses, bien qu' une seule soit necessaire, qui est celle que Magdelaine a choisie et qui ne luy sera point ostée. Cest acte donc de charité simple qui fait que nous ne regardons et n'avons autre visée en toutes nos actions que le seul desir de plaire à Dieu est la part de Marie, qui est seule necessaire, et c'est la simplicité, vertu laquelle est inseparable de la charité, d'autant qu'elle regarde droit à Dieu, sans que jamais elle puisse souffrir aucun meslange de propre interest, autrement ce ne seroit plus simplicité; car elle ne peut souffrir aucune doublure des creatures ni aucune consideration d'icelles, Dieu seul y trouve place..

  A006000379 

 L'histoire tant commune des hostesses de Nostre Seigneur, Marthe et Magdelaine, est grandement remarquable pour ce sujet; car ne voyez-vous pas que Marthe, bien que sa fin fust louable de vouloir bien traitter Nostre Seigneur, ne laissa pas d'estre reprise par ce divin Maistre? d'autant qu'outre la fin tres-bonne qu'elle avoit en son empressement, elle regardoit encor Nostre Seigneur entant qu'homme; et pour cela elle croyoit qu'il fust comme les autres, auxquels un seul mets ou une sorte d'apprest ne suffit pas, et c'estoit cela qui faisoit qu'elle s'esmouvoit grandement à fin d'apprester plusieurs mets.

  A006000380 

 Les payens, voire ceux qui ont le mieux parlé des autres vertus, n'en ont eu aucune cognoissance, non plus que de l'humilité; car de la magnificence, de la liberalité, de [203] la constance, ils en ont fort bien escrit; mais de la simplicité et de l'humilité, rien du tout.

  A006000381 

 La simplicité embrasse voirement les moyens que l'on prescrit à un chacun selon sa vocation pour acquerir l'amour de Dieu, de sorte qu'elle ne veut point d'autre motif pour acquerir ou estre incitée à la recherche de cest amour que sa fin mesme, autrement elle ne seroit pas parfaitement simple; car elle ne peut souffrir autre regard, pour parfait qu'il puisse estre, que le pur amour de Dieu qui est sa seule pretention.

  A006000381 

 Or, ce que nous [204] disons qu'il n'y a point d'art, n'est pas pour mespriser certains livres qui sont intitulés: L'Art d'aymer Dieu; car ces livres enseignent qu'il n'y a point d'autre art que de se mettre à l'aymer, c'est à dire se mettre en la pratique des choses qui luy sont agreables, ce qui est le seul moyen de trouver et acquerir cest amour sacré, pourveu que ceste pratique s'entreprenne en simplicité, sans trouble et sans sollicitude.

  A006000382 

 L'astuce est un amas d'artifices, de tromperies, de malices, et c'est par le [205] moyen de l'astuce que nous trouvons des inventions pour tromper l'esprit du prochain et de ceux avec lesquels nous avons à faire, pour les conduire au poinct que nous pretendons, qui est de leur faire entendre que nous n'avons autre sentiment au coeur que celuy que nous leur manifestons par nos paroles, ni autre cognoissance sur le sujet dont il s'agit; chose qui est infiniment contraire à la simplicité, qui requiert que nous ayons l'interieur entierement conforme à l'exterieur..

  A006000382 

 La vertu de simplicité est opposée et contraire au vice de l'astuce, vice qui est la source d'où procedent les finesses, artifices et duplicités.

  A006000382 

 Or, avant que passer outre, il faut descouvrir une tromperie qui est en l'esprit de plusieurs touchant ceste vertu; car ils pensent que la simplicité soit contraire à la prudence, et qu'elles soyent opposées l'une à l'autre, ce qui n'est pas; car jamais les vertus ne se contrarient l'une l'autre, ains ont une union tres-grande par ensemble.

  A006000383 

 Apres que l'ame simple a fait une action qu'elle juge se devoir faire, elle n'y pense plus; et s'il luy vient à la pensée ce que l'on dira ou que l'on pensera d'elle, elle retranche promptement tout cela, parce qu'elle ne peut souffrir aucun divertissement en sa pretention, qui est de se tenir attentive à son Dieu pour accroistre en elle son amour.

  A006000383 

 Mais ne seroit-ce point tromper ceux qui nous verroyent, dites-vous, d'autant que, quoy que nous fussions fort immortifiées, ils croiroyent que nous serions fort vertueuses? Ceste reflexion, ma chere Sœur, sur ce que l'on dira ou [206] que l'on pensera de vous, est contraire à la simplicité; car nous avons dit qu'elle ne vise qu'à contenter Dieu et nullement les creatures, sinon entant que l'amour de Dieu le requiert.

  A006000385 

 Mais d'où pensons-nous que vienne ce trouble, sinon du manquement de simplicité, d'autant que l'on s'amuse souvent à penser: que dira-t'on ou que pensera-t'on? au lieu de penser à Dieu et à ce qui nous peut rendre plus agreables à sa Bonté..

  A006000385 

 Si je sçay qu'allant en quelque compagnie l'on me dira quelque parole qui me troublera et m'esmouvera, je ne dois pas eviter d'y aller; ains je m'y dois porter, armé de la confiance que je dois avoir en la protection divine, qu'elle me fortifiera pour vaincre ma nature contre laquelle je veux faire la guerre.

  A006000386 

 Et si vous en demeurez en peine, ce n'est que l'immortification qui fait cela; car à quel propos diray-je ce qui n'est pas necessaire pour mon [208] utilité, en laissant ce qui me peut plus mortifier? La simplicité, comme nous avons desja dit, ne cherche que le pur amour de Dieu, lequel ne se trouve jamais si bien qu'en la mortification de nous-mesmes; et à mesure que la mortification croist, nous nous approchons d'autant plus du lieu où nous devons trouver son divin amour.

  A006000386 

 La simplicité ne se mesle pas de ce que font ou feront les autres, elle pense à soy; encore n'a-t'elle pour soy que les pensées qui sont vrayement necessaires, car quant aux autres, elle s'en destourne tousjours promptement.

  A006000386 

 Mais de plus, je pense, quant à moy, qu'il est meilleur et plus expedient de dire à la Superieure les pensées qui nous mortifient le plus, que non pas plusieurs autres qui ne servent de rien, sinon pour accroistre l'entretien que vous faites avec elle.

  A006000387 

 Elle ne se trouble de rien; elle se tient coye et tranquille en la confiance qu'elle a que Dieu sçait son desir, qui est de luy plaire, et cela luy suffît..

  A006000387 

 Je vous responds: comme en toute autre action, bien qu'en celle-cy il y faut avoir une sainte liberté et franchise pour s'entretenir des sujets qui servent à l'esprit de joye et de recreation.

  A006000387 

 Mais bien qu'il vous arrivast de dire quelque petite chose qui semblast n'estre pas si bien receüe de toutes comme vous voudriez, il ne faudroit pas pour cela s'amuser à faire des reflexions et examens sur toutes vos paroles; ô non, car c'est l'amour propre sans doute qui nous fait faire ces enquestes, si ce que nous avons dit et fait est bien receu; mais la sainte simplicité ne court pas apres ses paroles ni ses actions, ains elle en laisse l'evenement à la divine Providence, à laquelle elle s'attache souverainement.

  A006000387 

 Que si elle y rencontre quelque occasion de pratiquer quelque vertu, elle s'en sert soigneusement comme d'un moyen propre pour parvenir à sa perfection qui est l'amour de Dieu, mais elle ne s'empresse point pour les rechercher; elle ne les mesprise point aussi.

  A006000389 

 La Regle qui commande de procurer l'amendement des Sœurs par le moyen des advertissemens, ne nous commande pas d'estre si considerées [212] en ce poinct, comme si l'honneur des Sœurs dependoit de ceste accusation.

  A006000390 

 Car, je vous prie, y a-t'il jamais eu une vocation plus speciale que celle de saint Paul, en laquelle Nostre Seigneur luy parla luy-mesme pour le convertir? et neantmoins il ne voulut pas l'instruire, ains le renvoya à Ananie, disant: Va-t'en, tu trouveras un homme qui te dira, ce que tu auras à faire.

  A006000390 

 Il y a des ames qui ne veulent, à ce qu'elles disent, estre conduites que par l'Esprit de Dieu, et leur semble que tout ce qu'elles s'imaginent soit des inspirations et des mouvemens du Saint Esprit, qui les prend par la main et les conduit en tout ce qu'elles veulent faire, comme des enfans, en quoy certes elles se trompent fort.

  A006000391 

 Vous retirerez plus d'utilité de ce que vous ferez suivant la direction de vos Superieurs, que non pas en suivant vos instincts interieurs, qui ne proviennent pour l'ordinaire que de l'amour propre qui, sous couleur de bien, recherche de se complaire en la vaine estime de nous-mesmes..

  A006000392 

 Elle ne neglige voirement rien de ce qu'elle rencontre en son chemin, mais aussi elle ne s'empresse point à rechercher d'autres moyens de se perfectionner que ceux qui luy sont prescrits.

  A006000392 

 L'ame qui a la parfaite simplicité n'a qu'un amour, qui est pour Dieu; et en cest amour elle n'a qu'une seule pretention, qui est celle de reposer sur la poitrine du Pere celeste, et là, comme un enfant d'amour, faire sa demeure, laissant entierement tout le soin de soy-mesme à son bon Pere, sans que jamais plus elle se mette en peine de rien, sinon de se tenir en ceste sainte confiance; non pas mesme les desirs des vertus et des graces qui luy sembloyent estre necessaires ne l'inquietent point.

  A006000392 

 Un enfant, pendant qu'il est bien petit, est reduit en une grande simplicité qui fait qu'il n'a autre cognoissance que de sa mere; il n'a qu'un seul amour, qui est pour sa mere, et en cest amour une seule pretention, qui est le sein de sa mere: estant couché dessus ce sein bien-aymé, il ne veut autre chose.

  A006000393 

 Qui est bien attentif à plaire amoureusement à l'Amant celeste n'a ni le cœur ni le loisir de retourner sur soy-mesme, son esprit tendant continuellement du costé où l'amour le porte..

  A006000393 

 Vous me demandez comme les ames qui sont attirées en l'oraison à ceste sainte simplicité et à ce parfait abandonnement en Dieu se doivent conduire en toutes leurs actions? Je responds que non seulement en l'oraison, mais en la conduite de toute leur vie, elles doivent marcher invariablement en esprit de simplicité, abandonnant et remettant toute leur ame, leurs actions et leurs succés au bon plaisir de Dieu, par un amour de parfaite et tres-absolue confiance, se delaissant à la mercy et au soin de l'amour eternel que la divine Providence a pour elles.

  A006000394 

 Les amantes [217] spirituelles, espouses du Roy celeste, se mirent voirement de temps en temps, comme les colombes qui sont aupres des eaux tres pures, pour voir si elles sont bien ageancées au gré de leur Amant; et cela se fait és examens de la conscience par lesquels elles se nettoyent, purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent, non pour estre parfaites, non pour se satisfaire, non pour desir de leur progrés au bien, mais pour obeir à l'Espoux, pour la reverence qu'elles luy portent et pour l'extreme desir qu'elles ont de luy donner du contentement.

  A006000396 

 Alors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receus doucement et suavement; car qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné à son amour et qui s'est, remis à son bon plaisir, qu'est ce qui le peut esbranler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser à philosopher sur les causes, raisons et motifs des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsi il a esté agreé devant vous..

  A006000396 

 Apres que nous aurons dit cela, mes [218] tres-cheres filles, que reste-t'il sinon d'expirer et mourir de la mort de l'amour, ne vivant plus à nous-mesmes, mais Jesus Christ vivant en nous? Alors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et de la tendreté que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser à la queste des satisfactions et perfections de nous-mesmes; et embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de ceste simple et amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progrés, nous le ferons grandement; sans aller, nous avancerons, et sans nous remuer de nostre place nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice.

  A006000396 

 Oyons et imitons le divin Sauveur, qui, comme tres-parfait Psalmiste, chante les souverains traits de son amour sur l'arbre de la croix; il les conclud tous ainsi: Mon Pere, je remets et recommande mon esprit entre vos mains.

  A006000397 

 Alors encor l'amour naturel du sang, des convenances, des bien-seances, des correspondances, des sympathies, des graces sera purifié et reduit à la parfaite obeissance de l'amour tout pur du bon plaisir divin; et certes, le grand [219] bien et le grand bon-heur des ames qui aspirent à la perfection seroit, de n'avoir nul desir d'estre aymées des creatures, sinon de cest amour de charité qui nous fait affectionner le prochain et chacun en son rang, selon le desir de Nostre Seigneur..

  A006000397 

 Helas! qui regarde le prochain hors de là, il court fortune de ne l'aymer ni purement, ni constamment, ni esgalement; mais là, qui ne 1'aymeroit, qui ne le supporteroit, qui ne souffriroit ses imperfections, qui le trouverait de mauvaise grace, qui le trouverait ennuyeux? Or, il y est ce prochain, mes tres-cheres filles, dans la poitrine du Sauveur; il est là comme tres-aymé et tant aymable que l'Amant meurt d'amour pour luy.

  A006000398 

 Laissant toutes autres responses qui se peuvent faire à ceste demande, nous prenons [220] maintenant les paroles de Nostre Seigneur: Soyez prudens comme le serpen t lequel, lors qu'il est attaqué, il expose tout son corps pour conserver sa teste.

  A006000399 

 Quant à la naturelle, il la faut bien mortifier comme n'estant pas du tout bonne, nous suggerant plusieurs considerations et prevoyances non necessaires, qui tiennent nos esprits bien esloignés de la simplicité..

  A006000400 

 La vraye vertu de prudence doit estre veritablement pratiquée, d'autant qu'elle est comme un sel spirituel qui [221] donne goust et saveur à toutes les autres vertus; mais elle doit estre tellement pratiquée des Filles de la Visitation, que la vertu d'une simple confiance surpasse tout; car elles doivent avoir une confiance toute simple, qui les fasse demeurer en repos entre les bras de leur Pere celeste et de leur tres-chere Mere Nostre Dame, devant estre asseurées qu'ils les protegeront tousjours de leur soin tres-aymable, puisqu'elles sont assemblées pour la gloire de Dieu et l'honneur de la tres-sainte Vierge.

  A006000405 

 Allant donc en Hierusalem, il voulut passer par une ville de Samarie, mais les Samaritains ne le voulurent pas permettre; dequoy saint Jacques et saint Jean entrerait en colere, et furent tellement indignés contre les Samaritains de l'inhospitalité qu'ils faisoyent à leur Maistre, qu'ils luy dirent: Maistre, voulez-vous que nous fassions tomber le feu du ciel pour les abysmer et les chastier de l'outrage qu'ils vous font? Et Nostre Seigneur leur respondit: Vous ne sçavez de quel esprit vous estes, voulant dire: Ne sçavez-vous pas que nous ne sommes plus au temps d'Helie qui avoit un esprit de rigueur? Et bien qu'Helie fust un tres-grand serviteur de Dieu, et qu'il fist bien en faisant ce que vous voulez faire, neantmoins vous autres ne feriez pas bien en l'imitant, d'autant que je ne suis pas venu pour punir et confondre les pecheurs, ains pour les attirer doucement à penitence et à ma suite..

  A006000405 

 L'autre exemple que nous trouvons en l'Evangile, qui sert à [223] nostre propos, est que Nostre Seigneur voulant aller en Hierusalem, ses disciples l'en dissuadoyent, parce que les uns avoyent affection d'aller en Capharnaum, les autres en Bethanie, et ainsi taschoyent de conduire Nostre Seigneur au lieu où ils vouloyent aller; car ce n'est pas d'aujourd'huy que les inferieurs veulent conduire leurs maistres selon leur volonté.

  A006000405 

 Mais Nostre Seigneur qui estoit tres-facile à condescendre, raffermit toutefois son visage, car l'Evangeliste use de ces mesmes mots, pour aller en Hierusalem, à fin que les Apostres ne le pressassent plus de n'y pas aller.

  A006000405 

 Mais quelle estoit ceste vertu d'Helie? C'estoit la force qui procedoit de son esprit pour aneantir et punir les pecheurs, faisant tomber le feu du ciel pour perdre et confondre ceux qui vouloyent resister à la majesté de son Maistre: c'estoit donc un esprit de rigueur qu'avoit Helie.

  A006000405 

 Nous tirerons du saint Evangile deux exemples qui sont tres-propres pour vous faire comprendre cecy.

  A006000406 

 Le general est la pretention qu'elles ont toutes d'aspirer à la perfection de la charité; mais l'esprit particulier c'est le moyen de parvenir à ceste perfection de la charité, c'est à dire à l'union de nostre ame avec Dieu, et avec le prochain pour l'amour de Dieu; ce qui se fait, avec Dieu par l'union de nostre volonté à la sienne, et avec le prochain par la douceur, qui est une vertu dependante immediatement de la charité..

  A006000406 

 Pour le mieux entendre il faut donner des exemples qui soyent hors de nous, et apres, nous [224] reviendrons à nous-mesmes.

  A006000406 

 Toutes les Religions et toutes les assemblées de devotion ont un esprit qui leur est general, et chacune en a un qui luy est particulier.

  A006000407 

 Il y a la generale en toutes les Religions, comme nous avons dit; mais c'est de la particuliere de laquelle je parle, et à laquelle il faut avoir un si grand amour qu'il n'y ayt chose aucune que nous puissions cognoistre qui soit conforme à ceste fin, que nous ne l'embrassions de tout nostre cœur..

  A006000408 

 Avoir l'amour de la fin de nostre Institut, sçavez-vous [226] que c'est? C'est estre exactes à l'observance des moyens de parvenir à ceste fin, qui sont nos Regles et Constitutions, et estre fort diligentes à faire tout ce qui en dépend et qui sert à les observer plus parfaitement: cela, c'est avoir l'esprit de nostre Religion.

  A006000408 

 Il faut donc regarder quelle est la fin de vostre Institut et l'intention de vostre Instituteur, et vous arrester aux moyens qui vous sont marqués pour y parvenir.

  A006000408 

 Mais Dieu, à qui seul appartient de faire ces assemblées de pieté, les a fait reussir en la façon que nous voyons qu'elles sont; car il ne faut jamais croire que ce soyent les hommes qui, par leur invention, ayent commencé ceste façon de vie si parfaite comme est celle de la Religion: c'est Dieu par l'inspiration duquel ont esté composées les Regles, qui sont les moyens propres pour parvenir à ceste fin generale à tous les Religieux, de s'unir à Dieu, et au prochain pour l'amour de Dieu..

  A006000408 

 Quant à la fin de vostre Institut, il ne la faut pas chercher en l'intention des trois premieres Sœurs qui commencerent, non plus que celle des Jesuites au premier dessein qu'eut saint Ignace; car il ne pensoit à rien moins qu'à faire ce qu'il a fait par apres, comme de mesme saint François, saint Dominique et les autres qui ont commencé des Religions.

  A006000409 

 Il en fait tout de mesme à la chair et à toutes ses sensualités et plaisirs, tant licites qu'illicites, par le vœu de chasteté, qui est un tres-grand moyen de s'unir à Dieu tres-particulierement; d'autant que ces plaisirs sensuels allentissent et affoiblissent grandement les forces de l'esprit, dissipent le cœur et l'amour que nous devons à Dieu, et que nous luy donnons entierement par ce moyen, ne nous contentant pas de sortir de la terre de ce monde, mais sortans encore de la terre de nous-mesme, c'est à dire renonçans aux plaisirs terrestres de nostre chair.

  A006000409 

 Mais comme chaque Religion a sa fin particuliere, comme aussi les moyens particuliers pour parvenir à ceste [227] fin et union generale, tous ont aussi un moyen general pour y parvenir, qui est par les trois vœux essentiels de la Religion.

  A006000411 

 L'esprit de douceur est tellement l'esprit de la Visitation, que quiconque y voudroit introduire plus d'austerités qu'il n'y a pas maintenant, destruiroit incontinent la Visitation; d'autant que ce seroit faire contre la fin pour laquelle elle a esté dressée, qui est pour y pouvoir recevoir les filles et femmes infirmes, qui n'ont pas des corps assez forts pour entreprendre, ou qui ne sont pas inspirées et attirées de servir et s'unir à Dieu par la voye des austerités que l'on fait és autres Religions.

  A006000411 

 La bien-heureuse Mere sainte Therese dit admirablement bien le mal qu'apportent ces petites entreprises de vouloir faire plus que la Regle n'ordonne et que la Communauté ne fait; et particulierement si c'est la Superieure, le mal en sera plus grand; car tout aussi tost que ses filles s'en appercevront, elles voudront incontinent faire le mesme, et elles ne manqueront pas de raison pour se persuader qu'elles le feront bien, les unes poussées de zele, les autres pour luy complaire, et tout cela servira de tentation à celles qui ne pourront ou ne voudront pas faire de mesme..

  A006000411 

 Vous me direz peut estre: S'il arrive qu'une Sœur ayt une complexion robuste, peut-elle pas bien [229] faire des austerités plus que les autres, avec la permission de la Superieure, en sorte que les autres Sœurs ne s'en apperçoivent pas? je responds à cela qu'il n'y a point de secret qui ne passe secrettement à une autre; et ainsi de l'une à l'autre l'on vient à faire des Religions dans les Religions et des petites ligues, et puis tout se dissipe.

  A006000412 

 Et s'il se rencontre des Sœurs qui ayent des corps forts et robustes, à la bonne heure; il ne faut pas [230] pourtant qu'elles veuillent aller plus viste que celles qui sont foibles..

  A006000412 

 Il ne faut jamais introduire, permettre ni souffrir ces particularités en Religion, excepté neantmoins en certaines necessités particulieres; comme s'il arrivoit qu'une Sœur fust pressée de quelque grande vexation ou tentation, alors ce ne seroit pas un extraordinaire de demander à la Superieure de faire quelques penitences plus que les autres; car il faut user de la mesme simplicité que font les malades, qui doivent demander les remedes qui leur semblent les pouvoir soulager.

  A006000412 

 Que s'il y avoit une Sœur qui fust si genereuse et courageuse que de vouloir parvenir à la perfection dans un quart d'heure, faisant plus que la Communauté, je luy conseillerois qu'elle s'humiliast et se sousmist à ne vouloir estre parfaite que dans trois jours, allant le train des autres.

  A006000413 

 A quoy respondit le bon Jacob: Mon seigneur et mon frere, il n'en sera pas ainsi, s'il vous plaist, d'autant que je meine mes enfans, et leurs petits pas exerceroyent ou abuseroyent de vostre patience; quant à moy, qui y suis obligé, je mesure mes pas aux leurs.

  A006000413 

 Il estoit à pied, et ce voyage luy fut heureux, comme il se void assez par les benedictions qu'il receut de Dieu tout le long du chemin; car il vid et parla plusieurs fois aux Anges et au Seigneur des Anges et des hommes; et en fin il fut mieux partagé que son frere, qui estoit si bien accompagné..

  A006000413 

 Jacob donc sortant de la maison de son beau pere Laban, avec toutes ses femmes, ses enfans, ses serviteurs et ses troupeaux, pour s'en retourner chez luy, craignoit extremement de rencontrer son frere Esaü, d'autant qu'il pensoit qu'il fust tousjours irrité contre luy, ce qui n'estoit plus.

  A006000413 

 Voicy un exemple en Jacob, qui est tres-admirable et fort propre pour monstrer comment il se faut accommoder aux foibles, et arrester nostre force pour nous assujettir à aller de pair avec eux, principalement quand nous y avons de l'obligation, comme ont les Religieux à suivre la Communauté en tout ce qui est de la parfaite observance.

  A006000414 

 Accommodons-nous donc volontiers avec les infirmes qui y peuvent estre receuës, et je vous asseure que nous n'arriverons pas plus tard pour cela à la perfection; ains au contraire, ce sera cela mesme qui nous y conduira plus tost, parce que n'ayant pas beaucoup à faire nous nous appliquerons à le faire avec la plus grande perfection qu'il nous sera possible.

  A006000414 

 Je trouve, si je ne me trompe, que si nous nous determinons à vouloir parfaittement observer nos Regles, nous aurons assez de besogne sans nous charger davantage, d'autant que tout ce qui concerne la perfection de nostre estat y est compris..

  A006000414 

 Si nous voulons que nos voyages soyent benis de la divine Bonté, assujettissons-nous volontiers à l'exacte et ponctuelle observance de nos Regles, et cela en simplicité de cœur, sans vouloir doubler les exercices, ce qui seroit aller contre l'intention de l'Instituteur et la fin pour laquelle la Congregation a esté erigée.

  A006000415 

 Elle rapporte qu'une fois il y eut une de ses filles qui n'ayant pas bien entendu quelque chose qu'une Superieure avoit commandé, luy dit qu'elle n'entendoit pas bien cela, et la Superieure luy respondant assez brusquement et inconsiderément: Allez mettre la teste dans un puits, luy dit-elle, et vous l'entendrez.

  A006000415 

 La bien-heureuse Mere sainte Therese dit que ses filles estoyent tellement exactes, qu'il falloit que les Superieures eussent un tres-grand soin de ne rien dire [232] qui ne fust tres-bon à faire, parce que, sans autre semonce, elles se portoyent incontinent à le faire, et que pour plus parfaitement observer leurs Regles, elles estoyent pointilleuses à la moindre petite dependance.

  A006000416 

 De mesme nous autres, il ne faut pas que nous tenions pour un bon vent, c'est à dire pour inspiration, tant de petites volontés qui nous viennent, ores de demander à communier, tantost de faire oraison, tantost une autre chose; car nostre amour propre, qui recherche tousjours sa satisfaction, demeurerait entierement content de tout cela, et principalement de ces petites inventions, et ne cesseroit de nous en fournir tousjours de nouvelles.

  A006000416 

 Il ne faut point tenir pour inspiration les choses qui sont hors de la Regle, si ce n'est en [234] cas si extraordinaires, que la perseverance nous fasse cognoistre que c'est la volonté de Dieu, comme il s'est trouvé, pour ce qui est de la Communion, en deux ou trois grandes Saintes, les directeurs desquelles vouloyent qu'elles communiassent tous les jours.

  A006000416 

 Je ne puis assez dire de quelle importance est ce poinct, d'estre ponctuel à la moindre chose qui sert à plus parfaitement observer la Regle, comme aussi de ne vouloir rien entreprendre davantage, sous quelque pretexte que ce soit, parce que c'est le moyen de conserver la Religion en son entier et en sa premiere ferveur; et le contraire de cela est ce qui la destruit et fait décheoir de sa premiere perfection.

  A006000416 

 Mais quant à certaines petites ferveurs que nous avons aucunes fois, qui sont passageres et qui pour l'ordinaire sont des effets de nostre nature, lesquelles nous font desirer la Communion, il ne faut point avoir esgard à cela, non plus que les mariniers n'en ont point à un certain vent qui se leve à la pointe du jour, lequel est produit des vapeurs qui s'eslevent de la terre et n'est pas de durée, ains cesse tout aussi tost que lesdites vapeurs sont un peu surlevées et dissipées; et partant, le patron du navire qui le cognoist, ne crie point au vent et ne desploye point les voiles pour voguer à la faveur d'iceluy.

  A006000416 

 Vous me [233] demandez s'il y auroit plus de perfection à se conformer tellement à la Communauté, que mesme l'on ne demandast point à faire de Communion extraordinaire? Qui en doute, mes cheres filles? si ce n'est en certains cas, comme seroit és festes de nostre Patron ou du Saint auquel nous avons eu devotion toute nostre vie, ou quelque necessité fort pressante.

  A006000417 

 Elle ne veut point faire des choses excellentes et extraordinaires qui la pourroyent faire estimer des creatures; et par ainsi elle se tient fort basse en elle-mesme et n'a pas des grandes satisfactions, car elle ne fait rien de sa propre volonté, ni rien de plus que les autres, et ainsi toute sa sainteté est cachée à ses yeux: Dieu seul la void, qui se delecte en sa simplicité, par laquelle elle ravit son cœur et s'unit à luy.

  A006000417 

 Elle tranche court à toutes les inventions de son amour propre, lequel prend une souveraine delectation à faire des entreprises de choses grandes et excellentes et qui nous font surestimer au dessus des autres.

  A006000417 

 Il y a une certaine simplicité de cœur en laquelle consiste la perfection de toutes les perfections, et c'est ceste simplicité qui fait que nostre ame ne regarde qu'à Dieu, et qu'elle se tient toute ramassée et resserrée en elle-mesme pour s'appliquer avec toute la fidelité qui luy est possible à l'observance de ses Regles, sans s'espancher à desirer ni vouloir entreprendre de faire plus que cela.

  A006000418 

 Celle qui se tiendra dans ces limites, je vous asseure qu'elle fera un grand chemin en peu de temps et rapportera beaucoup de fruict à ses Sœurs par son exemple.

  A006000418 

 En fin, quand nous sommes à ramer, il le faut faire par mesure; ceux qui rament sur mer ne sont pas si tost battus pour ramer un peu laschement, que s'ils ne donnent les coups de rame par mesure.

  A006000419 

 Au demeurant, le temps des festes qui est laissé en liberté pour faire ce que l'on veut, chacune le peut employer selon sa devotion; mais il est vray pourtant, qu'ayant demeuré trois heures, vcire plus dans le chœur avec la Communauté, il est beaucoup à craindre que le quart d'heure que vous y demeurez davantage ne soit un petit morceau que vous donnerez à vostre amour propre..

  A006000420 

 En fin, mes cheres filles, il faut beaucoup aymer nos Regles, puisqu'elles sont les moyens par lesquels nous parvenons à leur fin, qui est de nous conduire facilement à la perfection de la charité, qui est l'union de nos ames avec Dieu et avec le prochain.

  A006000420 

 Et non seulement cela, mais aussi de reunir le prochain avec Dieu, ce que nous faisons par la voye que nous luy presentons, laquelle est toute douce et facile, aucune fille n'estant rejettée faute de force corporelle, pourveu qu'elle ayt volonté de vivre selon l'esprit de la Visitation, qui est, comme j'ay dit, un esprit d'humilité envers Dieu et de douceur de cœur envers le prochain: et c'est cest esprit qui fait nostre union tant avec Dieu qu'avec le prochain.

  A006000420 

 Mais remarquez que ce que j'ay dit plusieurs fois, qu'il faut estre fort ponctuelles à l'observance des Regles et à la moindre petite dependance, ne se doit pas entendre d'une ponctualité de scrupule: ô non, car cela n'a pas esté mon intention; mais d'une ponctualité de chastes espouses, qui ne se contentent pas d'éviter de desplaire à leur celeste Espoux, ains veulent faire tout ce qu'elles peuvent pour luy estre tant soit peu plus agreables.

  A006000420 

 Par l'humilité nous nous unissons avec Dieu, nous sousmettant à l'exacte observance de ses volontés qui nous sont signifiées dans nos Regles; car nous devons pieusement croire qu'elles ont esté dressées par son inspiration, estant receuës par la Sainte Eglise et approuvées par Sa Sainteté, qui en sont des signes tres-evidens; [237] et partant, nous les devons aymer d'autant plus tendrement, et les serrer sur nos poitrines tous les jours plusieurs fois en forme de recognoissance envers Dieu qui nous les a données.

  A006000420 

 Par la douceur de cœur nous nous unissons avec le prochain par une exacte et ponctuelle conformité de vie, de mœurs et d'exercices, ne faisant ni plus ni moins que ceux avec lesquels nous vivons et que ce qui nous est marqué en la voye en laquelle Dieu nous a mis ensemble, employant et arrestant toutes les forces de nostre ame à les faire avec toute la perfection qui nous sera possible.

  A006000421 

 Mais dites-moy, est-ce la crainte de la prevarication qui rendoit ceste Mere et son Fils si exacts à l'observance de la loy? Non certes, ce n'estoit pas cela, car il n'y avoit point de prevarication pour eux; ains ils estoyent attirés par l'amour qu'ils portoyent à leur Pere eternel..

  A006000422 

 Certes, celuy qui se prive volontairement par le vœu d'obeissance de faire sa volonté és choses indifferentes, monstre assez qu'il ayme d'estre sousmis és necessaires et qui sont d'obligation..

  A006000422 

 L'on ne sçauroit aymer le commandement si l'on n'ayme celuy qui le fait; à mesure que nous aymons et estimons celuy qui fait la loy, à mesure nous nous rendons exacts à l'observer.

  A006000422 

 Les uns sont attachés à la loy par des chaisnes de fer et les autres par des chaisnes d'or: je veux dire, les seculiers qui observent les commandemens de Dieu pour la crainte qu'ils ont d'estre damnés, les observent par force et non par amour; mais les Religieux et ceux qui ont soin de la perfection de leur ame y sont attachés par des chaisnes d'or, c'est à dire par amour; ils ayment les commandemens et les observent amoureusement, et pour les mieux observer ils embrassent l'observance des conseils.

  A006000422 

 Voyez-vous comme il veut que l'on soit ponctuel à l'observance d'iceux? Ainsi certes le font tous les vrays amans, car ils n'evitent pas seulement la prevarication de la loy, mais ils evitent aussi l'ombre de la prevarication; et c'est pourquoy l'Espoux dit que son Espouse ressemble à une colombe qui se tient le long des fleuves qui coulent doucement, et dont les eaux sont cristallines.

  A006000423 

 Il faut donc estre extrêmement ponctuelles en l'observance des loix et des regles qui nous sont données par Nostre Seigneur, mais sur tout en ce poinct de suivre en toutes choses la Communauté; et se faut bien garder de dire que nous ne sommes pas tenues d'observer ceste Regle, ou commandement particulier de la Superieure, d'autant qu'il est fait pour les foibles, et que nous sommes fortes et robustes; ni, au contraire, que le commandement est fait pour les fortes, et que nous [240] sommes foibles et infirmes.

  A006000423 

 Qui est infirme, avec lequel je ne le sois? qui est malade, avec lequel je ne sois aussi malade? avec les forts je suis fort.

  A006000424 

 N'y a-t'il donques point d'exception en Religion? les Regles obligent-elles également? Ouy sans doute, mais il y a des loix qui sont justement injustes.

  A006000424 

 Ne puis-je pas bien penser que la loy qui ordonne de faire la recreation ne m'oblige pas, puisque j'ay l'esprit assez jovial de moy-mesme? O non, [241] il ne faut non plus le penser que le dire; si vous n'avez pas besoin de vous recreer, il faut neantmoins faire la recreation pour celles qui en ont besoin.

  A006000424 

 Par exemple, le jeusne du Caresme est commandé pour un chacun; ne vous semble-t'il pas que ceste loy soit injuste, puisque l'on modere ceste injuste justice donnant des dispenses à ceux qui ne la peuvent pas observer? De mesme en est-il és Religions: le commandement est également pour tous, et nul de soy-mesme ne s'en peut dispenser; mais les Superieurs moderent la rigueur selon la necessité d'un chacun..

  A006000425 

 Les mousches à miel nous monstrent l'exemple de ce que nous disons, car les unes sont employées à la garde de la ruche, et les autres sont perpetuellement au travail de la cueillette; celles toutesfois qui demeurent dans la ruche ne mangent pas moins de miel que celles qui ont la peine de l'aller picorant sur les fleurs, Ne vous semble-t'il pas que David fit une loy injuste lors qu'il commanda que les soldats qui garderoyent les hardes eussent également part au butin avec ceux qui iroyent à la bataille et qui en reviendroyent tous chargés de coups? Non certes, elle n'estoit point injuste, d'autant que ceux qui gardoyent les hardes les gardoyent pour ceux qui combattoyent, et ceux qui estoyent en la bataille [242] combattoyent pour ceux qui gardoyent les hardes: aussi ils meritoyent tous une mesme recompense, puisqu'ils obeissoyent tous également au Roy.

  A006000428 

 Chacun a des propres opinions; mais cela ne nous empesche pas de parvenir à la perfection, pourveu que nous ne nous y attachions pas ou que nous ne les aymions pas, car c'est seulement l'amour de nos propres opinions qui est infiniment contraire à la perfection; et c'est ce que j'ay tant de fois dit, que l'amour de nostre propre jugement est l'estime que l'on en fait, est la cause qu'il y a si peu de parfaits.

  A006000428 

 Il se trouve beaucoup de personnes qui renoncent à leur propre volonté, les uns pour un sujet, les autres pour un autre; je ne dis pas seulement en Religion, mais parmi les seculiers et dans les cours des princes mesmes.

  A006000428 

 Je feray ce que vous me commandez, en la façon que vous me dites, respondra-t'il; mais... Ils demeurent tousjours sur leur mais, qui vaut autant à dire qu'ils sçavent bien qu'il seroit mieux autrement.

  A006000428 

 Sur quoy je responds qu'estre sujet à avoir des propres opinions ou n'y estre pas, est une chose qui n'est ni bonne ni mauvaise, d'autant que cela est tout naturel.

  A006000429 

 Mais il faut que je vous die qu'il y a des personnes qui doivent former leurs opinions, comme sont les Evesques, les Superieurs qui ont charge des autres, et tous ceux qui ont gouvernement; les antres ne le doivent nullement faire, si l'obeissance ne le leur ordonne; car autrement ils perdroyent le temps qu'ils doivent employer à se tenir fidellement aupres de Dieu.

  A006000430 

 Le grand saint Thomas, qui avoit un des plus grands esprits qu'on sçauroit avoir, quand il formoit quelques opinions il les appuyoit sur des raisons les plus pregnantes qu'il pouvoit; et neantmoins, s'il trouvoit quelqu'un qui n'approuvast pas ce qu'il avoit jugé bon, [245] ou y contredist, il ne disputoit point ni ne s'en offençoit point, ains souffroit cela de bon cœur; en quoy il tesmoignoit bien qu'il n'aymoit pas sa propre opinion, bien qu'il ne la desapprouvast pas aussi; il laissoit cela ainsi, qu'on la trouvast bonne ou non.

  A006000430 

 Les Apostres n'estoyent pas attachés à leurs propres opinions, non pas mesme és choses du gouvernement de la sainte Eglise, qui estoit un affaire si important: si qu'apres qu'ils avoyent determiné l'affaire par la resolution qu'ils en avoyent prise, ils ne s'offençoyent point si on opinoit là-dessus; et si quelques-uns refusoyent d'agréer leurs opinions, quoy qu'elles fussent bien appuyées, ils ne recherchoyent point de les faire recevoir par des disputes ni contestes..

  A006000431 

 C'est une chose admirable que Nostre Seigneur ayt permis que plusieurs choses clignes veritablement d'estre escrites, que les saints Apostres ont faites, soyent demeurées cachées sous un profond silence, et que ceste imperfection que le grand saint Paul et saint Barnabe commirent ensemble ayt esté escrite; c'est sans doute une speciale providence de Nostre Seigneur, qui l'a voulu ainsi pour nostre instruction particuliere.

  A006000431 

 Si donc les Superieurs vouloyent changer d'opinion à tous rencontres, ils seroyent estimés legers et imprudens en leur gouvernement; mais aussi, si ceux qui n'ont point de charges vouloyent estre attachés à leurs opinions, les voulant maintenir et faire recevoir, ils seroyent tenus pour opiniastres; car c'est une chose toute asseurée que l'amour de la propre opinion degenere en opiniastreté, s'il n'est fidelement mortifié et retranché: nous en voyons l'exemple mesme entre les Apostres.

  A006000432 

 Il se trouve aussi des esprits grands et fort capables qui ne sont point sujets à ceste imperfection, ains se demettent fort volontiers de leurs opinions, bien qu'elles soyent tres-bonnes.

  A006000432 

 Il y a certes des grands esprits qui sont fort bons, mais qui sont tellement sujets à leurs opinions et les estiment si bonnes que jamais ils n'en veulent démordre; et il faut bien prendre garde de ne les leur demander à l'impourveüe, car apres il est presque impossible de leur faire cognoistre et confesser qu'ils ont failli, d'autant qu'ils se vont enfonçant si avant en la recherche des raisons propres à soustenir ce qu'ils ont une fois dit estre bon, qu'il n'y a plus de moyen, s'ils ne s'adonnent à une excellente perfection, de les pouvoir faire dédire.

  A006000433 

 Dites-moy, n'est-ce pas perdre le temps inutilement, specialement ceux qui n'ont point de charge, de s'amuser à cela?.

  A006000433 

 Et, bien que cela fust une imperfection, ils ne laisserent pas pour cela d'estre grands Saints et fort agreables à Dieu; ce qui nous apprend que nous ne nous devons pas troubler quand nous appercevons en nous des imperfections ou des inclinations contraires à la vraye vertu, pourveu qu'on ne se rende pas opiniastre à vouloir perseverer en icelles; car et sainte Paule et les autres qui se rendirent opiniastres, quoy que ce fust en peu de chose, ont esté reprehensibles en cela.

  A006000433 

 La grande sainte Paule estoit opiniastre à soustenir l'opinion qu'elle s'estoit formée de [247] faire des grandes austerités, plustost que de se sousmettre à l'advis de plusieurs qui luy conseilloyent de s'en abstenir; et de mesme plusieurs autres Saints, lesquels estimoyent qu'il falloit grandement macerer le corps pour plaire à Dieu, en sorte qu'ils refusoyent pour cela d'obeir au medecin et de faire ce qui estoit requis à la conservation de ce corps perissable et mortel.

  A006000433 

 Les personnes melancoliques y sont d'ordinaire plus attachées que ceux qui sont d'humeur joviale et gaye, car ceux-cy sont aisement tournés à toute main et faciles à croire ce qu'on leur dit.

  A006000434 

 Il est bien vray que nous ne pouvons pas empescher ce premier mouvement de complaisance qui nous vient quand nostre opinion est approuvée et suivie, car cela ne se peut éviter, mais il ne se faut pas amuser à ceste complaisance; il faut benir Dieu, puis passer outre sans se mettre en peine de la complaisance, non plus que d'un petit ressentiment de douleur qui vous viendroit si vostre opinion n'estoit pas suivie ou trouvée bonne.

  A006000434 

 Vous vient-il en pensée qu'on a tort de faire faire cela de la sorte, qu'il seroit mieux ainsi que vous l'avez conceu? détournez-vous de ceste pensée, en disant en vous-mesme: Helas! qu'ay-je à faire de telle chose, puisqu'elle ne m'est pas commise? Il est tousjours beaucoup [248] mieux fait de s'en détourner ainsi tout simplement, que non pas rechercher des raisons en nostre esprit pour nous faire croire que nous avons tort; car au lieu de le faire, nostre entendement, qui est preoccupé de son jugement particulier, nous donneroit le change; de sorte qu'au lieu d'aneantir nostre opinion, il nous donneroit des raisons pour la maintenir et faire recognoistre pour bonne.

  A006000435 

 Donques, la chose qui a esté proposée estant determinée, il n'en faut plus parler, non plus qu'y penser, sinon que ce fust une chose notablement mauvaise; car alors, s'il se pouvoit trouver encore quelque invention pour en détourner l'execution ou y mettre remede, il le faudroit faire le plus charitablement qu'il se pourroit et le plus insensiblement, à fin de ne troubler personne, ni mespriser ce qu'ils auroyent trouvé bon..

  A006000435 

 Vous demanderez peut estre si ce n'est pas nourrir ceste imperfection de rechercher d'en parler par apres avec celles qui ont esté de nostre advis, lors qu'il n'est plus question d'en prendre resolution, estant desja determiné ce qui s'en doit faire.

  A006000436 

 Le seul et unique remede de guerir le propre jugement c'est de negliger ce qui nous vient en la pensée, nous appliquant à quelque chose de meilleur; car si nous nous voulons laisser aller à faire attention sur toutes les opinions qu'il nous suggerera és diverses rencontres et occasions, qu'arrivera-t'il sinon une continuelle distraction et empeschement des choses plus utiles et qui sont propres à nostre perfection, nous rendans incapables et invalides pour faire la sainte oraison? Car ayant donné la liberté à nostre esprit de s'amuser à la consideration de telles tricheries, il s'enfoncera tousjours plus avant, et nous produira pensées sur pensées, opinions sur opinions et raisons sur raisons, qui nous importuneront merveilleusement en l'oraison.

  A006000437 

 C'est, comme j'ay dit plusieurs fois, la derniere chose que nous quittons, et toutesfois c'est une des choses la plus necessaire à quitter et renoncer pour l'acquisition de la vraye perfection; car autrement nous n'acquerrons pas la sainte humilité, qui nous empesche et nous defend de faire aucune estime de nous ni de tout ce qui en dépend; et partant, si nous n'avons la pratique de ceste vertu en grande recommandation, nous penserons tousjours estre quelque chose de meilleur que nous ne sommes, et que les autres nous en doivent de reste.

  A006000438 

 Si vous ne me demandez rien davantage, nous passerons à la seconde question, qui est si la tendreté que nous avons sur nous-mesmes nous empesche beaucoup au chemin de la perfection.

  A006000440 

 Des esprits bien faits ne s'arrestent point à ces niaiseries et fades tendretés, qui ne sont propres qu'à nous arrester en la voye de nostre perfection.

  A006000440 

 En fin, il n'y a qu'eux qui soyent à plaindre, et pleurent tendrement sur eux-mesmes, si qu'ils taschent d'esmouvoir ceux qu'ils voyent à compassion; ils ne se soucient guere que l'on les estime patiens, pourveu que l'on les croye bien malades et affligés: imperfection certes propre aux enfans, et si je l'ose dire, aux femmes, et encor entre les hommes, à ceux qui sont d'un courage effeminé et peu courageux; car entre les genereux ceste imperfection ne s'y rencontre point.

  A006000440 

 L'amour effectif est celuy qui gouverne les grands, ambitieux d'honneurs et de richesses, car ils se procurent tant de biens qu'ils peuvent et ne se rassasient jamais d'en acquerir: ceux-là s'ayment grandement de cest amour effectif.

  A006000440 

 Mais il y en a d'autres qui s'ayment plus de l'amour affectif, et ce sont ceux qui sont fort tendres d'eux-mesmes, et qui [252] ne font jamais que se plaindre, dorloter, mignarder et conserver, et lesquels craignent tant tout ce qui leur peut nuire que c'est grande pitié.

  A006000441 

 A la fin, il arriva [253] par malheur que les Sœurs remarquerent en elle une imperfection corporelle, qui fut cause qu'elles commencerent à mettre en doute si pour cela on la devoit renvoyer.

  A006000441 

 Il y avoit en ceste maison une fille qui faisoit son essay; elle estoit merveilleusement douce, maniable, sousmise et obeissante, en fin elle avoit les conditions plus necessaires pour estre vraye Religieuse.

  A006000441 

 Je confesse que nos Sœurs ont bien grande raison de ne me pas vouloir recevoir, car je suis insupportable en mon defaut; mais je vous supplie de m'estre favorable, vous asseurant, si elles me reçoivent, exerçant ainsi leur charité en mon endroit, que j'auray un grand soin de ne les point incommoder, me sousmettant de tres-bon cœur à faire le jardin, ou à estre employée à d'autres offices quels qu'ils soyent qui me tiennent esloignée de leur compagnie, a fin que je ne les incommode point.

  A006000441 

 Je me souviens d'une histoire, dés que je passay en revenant de Paris en une maison religieuse, qui sert à mon propos; et certes, j'eus plus de consolation en ce rencontre que je n'en avois eu en tout mon voyage, bien que j'eusse fait rencontre de beaucoup d'ames fort vertueuses; mais ceste-cy me consola entre toutes.

  A006000441 

 Or, quand je fus là, le differend me fut remis pour ceste pauvre bonne fille, qui est de bonne maison; elle fut amenée devant moy, où estant, elle se mit à genoux: Il est vray, Monsieur, dit-elle, que j'ay une telle imperfection, qui est certes assez honteuse (la nommant tout haut avec une simplicité grande).

  A006000442 

 Il se peut bien faire, ma chere fille, que la Superieure ayant assez d'autres choses en l'esprit, n'a pas tousjours attention à rire ou parler fort gracieusement quand vous luy dites vostre mal; et c'est ce qui vous fasche, et vous oste, dites-vous, la confiance de luy aller dire vos incommodités.

  A006000443 

 Il ne faut pas estre aussi si tendres, que de vouloir tousjours dire toutes les incommodités que nous avons, quand elles ne sont pas d'importance: un petit mal de teste ou un petit mal de dens, qui sera peut estre bien tost passé, si vous le voulez porter pour l'amour de Dieu, il n'est pas besoin de l'aller dire pour vous faire un peu plaindre.

  A006000443 

 O ma chere fille, si cela estoit que vous le voulussiez souffrir pour l'amour de Dieu, comme vous pensez, vous ne l'iriez pas dire à une autre que vous sçavez bien qui se sentira obligée à declarer vostre mal à la Superieure; et par ce moyen vous aurez en biaisant le soulagement que tout à la [255] bonne foy vous eussiez mieux fait de demander simplement à celle qui vous pouvoit donner congé de le prendre; car vous sçavez bien que la Sœur à qui vous dites que la teste vous fait bien mal, n'a pas Je pouvoir de vous dire que vous vous alliez coucher.

  A006000443 

 Peut estre que vous ne le direz pas à la Superieure ou à celle qui vous peut faire prendre du soulagement, mais ouy plus facilement aux autres, parce, dites-vous, que vous voulez souffrir cela pour Dieu.

  A006000444 

 Je croy bien que vous prenez plus de plaisir et de confiance de dire vostre mal à celle qui n'est point chargée de vous faire prendre du soulagement qu'à celle qui a ce soin et ce pouvoir; car tandis que vous faites ainsi, chacun plaint ma Sœur telle, et se met-on en besogne pour pourvoir de remedes, au lieu que si vous le disiez à la Sœur qui a charge de vous, il faudroit entrer en sujetion de faire ce qu'elle ordonneroit: et cependant, c'est ceste benite sujetion que nous evitons tousjours de tout nostre cœur, l'amour propre recherchant d'estre gouvernante de nous-mesme et maistresse de nostre propre volonté.

  A006000444 

 Marcher simplement, c'est la vraye voye des Filles de la Visitation, qui est grandement agreable à Dieu et tres-asseurée..

  A006000445 

 Mais voyant une Sœur qui a quelque peine en l'esprit, ou quelque incommodité, n'avoir pas la confiance ou le courage de se surmonter à vous le venir dire, et vous appercevant bien que, faute de le faire, cela la porte à quelque humeur melancolique, devez-vous l'attirer ou bien la laisser venir d'elle-mesme? A cela, il faut que la consideration gouverne; car quelque fois il faut condescendre à leur tendreté en les appellant et s'informant qu'il y a, et d'autres fois il faut mortifier ces petites bijarreries en les laissant, comme qui diroit: Vous ne voulez pas vous surmonter à demander le remede propre à vostre mal, souffrez-le donc, à la bonne heure; vous meritez bien cela..

  A006000448 

 Vous demandez en apres, si la Superieure vous voyant plus triste que d'ordinaire, vous demande que vous avez, et vous voyant prou de choses en l'esprit qui vous faschent, vous ne pouvez pourtant dire ce que c'est, comment il faut que vous fassiez.

  A006000449 

 Et comme apres la confession il n'est pas temps de s'examiner pour voir si on a bien dit tout ce que l'on a fait, ains c'est le temps de se tenir attentif aupres de Nostre Seigneur en tranquillité, avec lequel nous nous sommes reconciliés, et luy rendre graces de ses bien-faits, n'estant nullement necessaire de faire la recherche de ce que nous pourrions avoir oublié, de mesme en est-il apres avoir rendu compte: il faut dire tout simplement ce qui nous vient; apres, il n'y faut plus penser.

  A006000449 

 Mais aussi, comme ce ne seroit pas aller à la confession bien preparé, de ne vouloir pas s'examiner, de crainte de trouver quelque chose digne de se confesser, de mesme [259] il ne faudroit pas negliger de rentrer en soy-mesme avant la reddition de compte, de peur de trouver quelque chose qui feroit de la peine à dire..

  A006000450 

 Il faut bien apprendre à souffrir un peu genereusement ces petites choses auxquelles nous ne pouvons pas mettre du remerle, estant des productions, pour l'ordinaire, de nostre nature imparfaite: comme sont ces inconstances d'humeurs, de volontés, de desirs, qui produisent tantost un peu de chagrin, tantost une envie de parler et puis, tout pour un coup, une aversion grande de le faire, et choses semblables, auxquelles nous sommes sujets et le serons tant que nous vivrons en ceste vie perissable et passagere.

  A006000451 

 Mes cheres Sœurs, tout ce marrissement se fait par le commandement d'un certain pere spirituel qui s'appelle l'amour propre, qui commence à dire: Comment, avoir ainsi failli! qu'est-ce que dira ou pensera nostre Mere de moy? ô il ne faut rien esperer de bon de moy! je suis une pauvre miserable, je ne pourray jamais rien faire qui puisse contenter nostre Mere; et semblables belles doleances.

  A006000451 

 O non, nos Sœurs ayment trop l'humilité et la mortification pour estre doresnavant melancoliques sur un leger soupçon, qui est peut estre sans fondement, qu'elles ne sont pas tant aymées comme leur amour propre leur fait desirer d'estre.

  A006000452 

 Humiliez-vous soudain devant Dieu en recognoissant vostre fragilité et foiblesse, et puis reparez vostre faute, si elle le merite, par un acte d'humilité à l'endroit de la personne que vous avez peu fascher; et cela fait, ne vous troublez jamais, car nostre pere spirituel qui est l'amour de Dieu, nous le defend, en nous enseignant qu'apres que nous avons fait, l'acte d'humilité, ainsi que je dis, nous rentrions en nous-mesmes pour caresser tendrement et cherement ceste abjection bien-heureuse qui nous revient d'avoir failli, et ceste bien-aymée reprehension que la Superieure nous fera..

  A006000452 

 Mais aussi il dit par apres: Ne servez point vos maistres à l'œil, voulant dire qu'ils se gardent bien de rien faire de plus estant à la veuë des maistres, qu'ils feroyent estant absens, parce que l'œil de Dieu les void tousjours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui luy puisse déplaire; et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ni souci de vouloir tousjours contenter les hommes, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A006000453 

 Nous avons deux amours, deux jugemens et deux volontés; et partant il ne faut faire nul estat de tout ce que l'amour propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggerent, pourveu que nous fassions regner l'amour de Dieu au dessus de l'amour propre, le jugement des Superieurs, voire des inferieurs et egaux, au dessus du nostre, le reduisant au petit pied; ne se contentant pas de faire assujettir nostre volonté, en faisant tout ce que l'on veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous n'aurions nulle raison [262] de ne pas estimer que cela soit justement et raisonnablement fait, dementant ainsi absolument les raisons qu'il voudroit apporter, pour nous faire accroire que la chose qui nous est commandée seroit mieux faite autrement qu'ainsi que l'on nous dit.

  A006000459 

 Aux commandemens de Dieu et de l'Eglise il faut necessairement que chacun obeisse, parce que c'est la volonté de Dieu absolue, qui veut qu'en cela nous obeissions si nous voulons estre sauvés.

  A006000459 

 C'est un conseil de quitter tout pour suivre Nostre Seigneur desnué de toutes choses; c'est un conseil de prester et de donner l'aumosne: dites-moy, celuy qui a quitté tout d'un coup ce qu'il avoit, dequoy peut-il faire l'aumosne puisqu'il n'a rien? Il faut doncques suivre les conseils que Dieu veut, que nous suivions, et ne pas croire qu il les ayt tous donnés à fin que nous les [265] embrassions tous.

  A006000459 

 De cecy j'en ay parlé bien clairement au livre de l'Amour de Dieu; neantmoins, pour satisfaire à la demande qui m'a esté faite, j'en diray encore quelque chose.

  A006000459 

 La volonté signifiée est distinguée en quatre parties, qui sont les commandemens de Dieu et de l'Eglise, les conseils, les inspirations, les Regles et Constitutions.

  A006000459 

 Mesme nous ne devons pas vouloir entreprendre la pratique de tous, ains seulement de ceux qui sont plus conformes à nostre vocation; car il y en a qui sont tellement opposés les uns aux autres, qu'il seroit impossible tout à fait d'embrasser la pratique de l'un sans oster le moyen de pratiquer l'autre.

  A006000459 

 Or, la pratique des conseils qu'il faut que nous pratiquions nous autres, sont ceux qui sont compris dans nos Regles..

  A006000460 

 Il ne veut pas aussi que nous attendions que luy-mesme nous manifeste ses volontés ou qu'il nous envoye des Anges pour les nous enseigner; mais sa volonté est que nous recourions, és choses douteuses et d'importance, à ceux qu'il a establis sur nous pour nous conduire, et que nous demeurions totalement sousmis à leur conseil et à leur opinion en ce qui regarde la perfection de nos ames.

  A006000460 

 Nous avons dit de plus que Dieu nous signifie sa volonté par ses inspirations; il est vray, mais pourtant il ne veut pas que nous discernions de nous-mesmes si ce qui nous est inspiré est sa volonté, ni moins qu'à tort et à travers nous suivions ses inspirations.

  A006000461 

 Ainsi il se sousmettoit en tout ce en quoy il n'y avoit point d'offense de Dieu, à la volonté de ses Freres, lesquels sans doute suivoyent leur inclination propre, mais encore plus particulierement les seculiers qui le faisoyent aussi tourner à toute main, selon leur volonté.

  A006000461 

 Et à ceste volonté de Dieu, nous devons tousjours estre prests de nous sousmettre en toutes occurrences, és choses desagreables comme és agreables, en la mort comme en la vie, en fin en tout ce qui n'est point manifestement contre la volonté de Dieu signifiée, car celle-cy va devant; et c'est en cecy que nous respondons à la seconde partie de la demande.

  A006000461 

 Il y a de plus la volonté du bon plaisir de Dieu, laquelle nous devons regarder en tous les evenemens, je veux dire en tout ce qui nous arrive: en la maladie, en la mort, en l'affliction, en la consolation, és choses adverses et prosperes, bref en toutes choses qui ne sont point preveües.

  A006000461 

 Un autre venoit qui luy disoit: Mon Pere, cela vous fera mal; tout soudain il le quittoit.

  A006000462 

 De plus, j'ay une autre consideration, qui est, qu'apres ce qui est de la volonté de Dieu qu'il a signifiée, je ne puis mieux cognoistre la volonté de son bon plaisir, ni plus asseurement, que par la voix de mon prochain; car Dieu ne me parle point, moins m'envoye-t'il des Anges pour me declarer ce qui est de son bon plaisir.

  A006000462 

 Les pierres, les animaux, les plantes ne parlent point; il n'y a donc que l'homme qui me puisse manifester la volonté de mon Dieu, et partant je m'attache à cela tant que je puis.

  A006000462 

 Outre cela, Nostre Seigneur n'a-t'il pas dit que si nous ne sommes faits comme un petit enfant nous n'entrerons point au Royaume des cieux? Ne vous estonnez donc point si je suis doux et facile à condescendre comme un enfant, puisqu'en cela je ne fais que ce qui m'a esté ordonné par mon Sauveur.

  A006000462 

 Sçachez donc que me ressouvenant que Nostre Seigneur a commandé que nous fissions aux autres ce que nous voudrions qui nous fust fait, je ne peux faire autrement; car je voudrois que Dieu fist ma volonté, et partant je fais volontiers celle de mes Freres et de mes prochains, à fin [267] qu'il plaise à ce bon Dieu de faire quelquesfois la mienne.

  A006000463 

 Le glorieux saint Paul, apres avoir dit que rien ne le separera de la charité de Dieu, ni la mort ni la vie, non pas mesme les Anges, ni tout l'enfer s'il se bandoit contre luy n'en auroit pas le pouvoir: Je ne sçache rien de meilleur, dit-il, que de me rendre tout à tous, rire avec les rians, pleurer avec ceux qui pleurent, et en fin me rendre un avec un chacun.

  A006000463 

 Voyez-vous, mes cheres Sœurs, le grand saint Anselme se sousmet à tout ce qui n'est point contre les commandemens de Dieu ou de la sainte Eglise ou contre les Regles; car ceste obeissance marche tous-jours devant.

  A006000464 

 Il y eut quelque Religieux qui luy dit: Mon Pere, vous faites deux maux condescendant à la volonté de cest enfant, car vous l'exposez au danger d'avoir de la vanité et vous gastez vos nattes; car elles estoyent mieux ainsi que vous les faisiez.

  A006000466 

 A la premiere, il faut estre bien fort pour embrasser volontiers ces volontés qui sont si contraires à la nostre, qui ne voudroit point estre contrariée; et cependant pour l'ordinaire, il faut grandement souffrir en ceste pratique de suivre les volontés [270] des autres, qui sont pour la pluspart differentes de la nostre.

  A006000466 

 Car pourquoy feray-je plustost la volonté de ma Sœur que la mienne? la mienne n'est-elle pas aussi conforme à celle de Dieu en ceste legere occurrence que la sienne? Pour quelle raison dois-je croire que ce qu'elle me dit que je fasse soit plustost une inspiration de Dieu que la volonté qui m'est venue de faire une autre chose?.

  A006000466 

 Ce n'est pas aussi de ceste sorte de volonté que l'on demande s'il s'y faut sousmettre, car on n'en doute nullement; mais de celles qui sont hors de propos et desquelles nous ne cognoissons pas la raison pourquoy l'on veut cela de nous, c'est où il va du bon.

  A006000467 

 Or, c'est en ces occasions qu'il se faut surmonter, et avec une simplicité toute enfantine se mettre en besogne sans discours ni raison, et dire: Je sçay bien que la volonté de Dieu est que je fasse plustost la [271] volonté de mon prochain que la mienne, et partant je me mets à la pratique, sans regarder si c'est la volonté de Dieu que je me sousmette à faire ce qui procede de passion et inclination, ou bien vrayement par une inspiration ou mouvement de la raison; car pour toutes ces petites choses il faut marcher en simplicité.

  A006000469 

 C'est voirement une chose bien dure à l'amour propre que d'estre sujet à toutes ces rencontres, Il est vray; mais ce n'est pas aussi cest amour là que nous devons contenter ni escouter, ains seulement le tres-saint amour de nos ames, Jesus, qui demande de ses cheres espouses une sainte imitation de la parfaite obeissance qu'il rendit, non seulement à la tres-juste et bonne volonté de son Pere, mais aussi à celle de ses parens, et qui plus est, de ses ennemis lesquels sans doute suivirent leurs passions aux travaux qu'ils luy imposerent; et cependant le bon Jesus ne laisse de s'y sousmettre doucement, humblement, amoureusement.

  A006000469 

 Et nous verrons assez que ceste parole de Nostre Seigneur qui ordonne que l'on prenne sa croix, doit estre entendue de recevoir de bon cœur les contradictions qui nous sont faites à tous rencontres par la sainte obeissance, bien qu'elles soyent legeres et de peu d'importance..

  A006000470 

 En fin l'obeissance est le sel qui donne goust et saveur à toutes nos actions et les rend meritoires de la vie eternelle..

  A006000471 

 Dites à la bonne foy à vostre confesseur tout ce qui vous fera de la peine, si vous voulez; mais derechef je vous dis, gardez-vous bien de parler ni du tiers ni du quart..

  A006000471 

 Et non seulement cela, mais encores il les faut regarder comme lieutenans de Dieu en terre; et partant, encor qu'il leur arrivast quelquesfois de se monstrer hommes, commettant quelques imperfections, comme demandant quelque chose curieuse qui ne seroit pas de la confession, comme seroit vos noms, si vous faites des penitences, pratiquez des vertus et quelles elles sont, si vous avez quelques tentations et choses semblables, je voudrois respondre selon qu'ils [274] le demandent, bien qu'on n'y soit pas obligé; car il ne faut pas leur dire qu'il ne vous est pas permis de leur dire autre chose que ce dont vous vous estes accusées.

  A006000471 

 O non, jamais il ne faut user de ceste défaitte, car cela n'est pas vray; vous pouvez dire tout ce que voudrez en confession, pourveu que vous ne parliez que de ce qui regarde vostre particulier, et non pas ce qui concerne, le general de vos Sœurs.

  A006000472 

 Estimez cependant beaucoup, et faites grand estat de tout ce qui vous sera dit en Confession; car vous ne sçauriez croire le grand profit qu'il y a en ce Sacrement pour les ames qui y viennent avec l'humilité requise.

  A006000472 

 S'ils vous vouloyent donner pour penitence quelque chose qui fust contre la Regle, priez-les tout doucement de changer ceste penitence en une autre, d'autant qu'estant contre la Regle, vous craindriez de scandaliser vos Sœurs si vous le faisiez.

  A006000473 

 Il faut donc particulariser quelque chose qui porte peché..

  A006000473 

 Je veux dire que celles qui n'auront rien remarqué qui fust digne de l'absolution, dissent quelque peché particulier; car de dire qu'on s'accuse d'avoir eu plusieurs mouvemens de colere, de tristesse et ainsi des autres, cela n'est pas à propos; car la colere et la tristesse sont des passions, et leurs [276] mouvemens ne sont pas pechés, d'autant qu'il n'est pas en nostre pouvoir de les empescher.

  A006000474 

 Dites seulement le mal que vous avez fait, et non pas la cause et ce qui vous y a poussée; et jamais, ni directement ni indirectement, ne descouvrez le mal des autres en accusant le vostre, et ne donnez jamais sujet au confesseur de soupçonner qui c'est qui a contribué à vostre peché.

  A006000475 

 Certes, on a beaucoup d'obligation de le faire; car il semble que ce soyent des messagers celestes qui viennent de la part de Dieu pour nous enseigner le chemin de salut.

  A006000475 

 De mesme faut-il faire de la parole de Dieu: ne point regarder qui est-ce qui la nous apporte ou qui est-ce qui la nous declare; il nous doit suffire que Dieu se sert de ce predicateur pour la nous enseigner.

  A006000475 

 Il les faut regarder comme tels, et non pas comme des simples hommes; car, quoy qu'ils ne parlent pas si bien que les hommes celestes, il ne faut pourtant rien rabattre de l'humilité et reverence avec laquelle nous devons recevoir la parole de Dieu, qui est tousjours la mesme, aussi pure, aussi sainte que si elle estoit dite et proferée par les Anges.

  A006000475 

 Je voudrois bien encor, mes cheres filles, qu'en ceste maison l'on portast grand honneur à ceux qui vous annoncent la parole de Dieu.

  A006000475 

 Pourquoy cela, sinon parce qu'elle ne fait pas attention ni sur le papier qui n'est pas si bon, ni sur le caractere qui est mauvais, ains seulement sur moy qui luy escris.

  A006000477 

 Ce qui a esté obmis de l'Entretien de la Confession.

  A006000480 

 Mais je vous ay aussi dit que vous n'avez aucune obligation sur peine de peché de tout dire à la Superieure; beaucoup moins estes-vous gehennées à ne dire point cecy ou cela au confesseur; [280] dites-luy à la bonne heure tout ce que vous voudrez, mais ne parlez que de vous et de ce qui appartient à la confession..

  A006000480 

 Mais les fantasies de l'esprit humain sont estranges, pour peu que l'on les escoute! Je vous ay dit maintesfois, mes tres-cheres filles, que c'est la voye du Ciel que la simplicité, que les Superieures sont les lieutenantes de Dieu; celles qui vont à cœur ouvert, franchement et confidemment avec elles, ont trouvé le grand secret pour maintenir la tranquillité et la paix de l'esprit, et elles n'en trouveront gueres ailleurs.

  A006000480 

 Que si vous demeurez si longuement en confession, que toute la Communauté en soit incommodée, et que la Superieure vous die que vous deviez demander à vous confesser la derniere, selon l'ordre de la maison, à fin que les Sœurs qui doivent aller selon leur rang ordinaire n'en soyent pas incommodées, elle ne vous demande pas pour cela: Que dites-vous, ou que ne dites-vous pas? Elle ne fait nul mal de vous ressouvenir qu'il faut que tout aille par ordre en la maison de Dieu.

  A006000481 

 Il est vray, mes tres-cheres filles, qu'il se trouve des confesseurs fort doctes, qui ont confessé long temps et tres-dignement les seculiers, lesquels toutesfois n'entendront pas les Filles de la Visitation ni les personnes qui font profession d'une grande spiritualité, parce que les fautes sont si minces, et d'une certaine couleur assez difficile à discerner, qu'ils prendront des petites aversions pour des grosses malveillances, des petits destours d'amour propre pour des grands mensonges, des petites inclinations pour des attaches fort mauvaises.

  A006000481 

 La Superieure qui s'apperçoit de cela doit, par forme de discours cordial et humble, donner à entendre à tel confesseur la maniere d'agir des Filles de l'Institut.

  A006000481 

 Les Sœurs qui s'apperçoivent par la correction que le confesseur leur fait qu'il ne les entend pas, feront bien de luy dire avec humilité: Mon Pere, je n'ay pas sceu me faire entendre; ce n'est pas ce que vostre Reverence comprend que je veux dire, c'est en telle et telle façon qu'il se doit entendre.

  A006000482 

 O que les ames religieuses ont un grand advantage par dessus les mondains, estant dehors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000483 

 Le deuxiesme, c'est quand on va dire au confesseur de beaux discours ageancés de belles paroles, raconter une grande histoire pour se faire estimer et croire que l'on est bien esclairé, faisant semblant d'exagerer les fautes; et par ce moyen, d'une bien grosse, l'on fait tant qu'elle est bien petite et qui ne donne pas cognoissance au confesseur de l'estat de l'ame.

  A006000483 

 Le quatriesme est qu'il y en a qui se satisfont à exagerer leur faute, en faisant une grande d'une petite: tout cela est tres-mal.

  A006000483 

 Le troisiesme manquement est que l'on y va avec tant de finesse et couverture, qu'au lieu de s'accuser l'on s'excuse par une grande recherche de soy-mesme, craignant que l'on ne voye la totalité du defaut; cela est tres-dangereux, qui le feroit volontairement.

  A006000485 

 Mais il faut considerer le mouvement et les circonstances qui interviennent en nos fautes, et s'en accuser franchement, car la Regle ni les Constitutions n'obligent point à peché: ce n'est donc point, elles qui causent le peché, mais les mouvemens de nostre volonté.

  A006000485 

 Mais qui ne void que ce n'est ni les Regles ni les Constitutions qui font le peché, ains le mouvement de paresse par lequel vous desobeissez? Dites donc franchement vos mouvemens et vos fautes, particularisant quelles elles sont, quand elles sont un peu grosses et tirent consequence..

  A006000486 

 Toutefois, il ne se faut pas mettre en peine, car nous n'avons pas une perfection exempte d'amour propre qui nous fait tousjours faire quelque chose par cy par là.

  A006000487 

 Quant à l'acte de contrition, il faut avoir un vray regret du mal passé et une bonne resolution de ne le plus commettre; et à cest effect, le Confiteor, qui est la confession generale des Chrestiens, se doit dire bien devotement devant Dieu.

  A006000488 

 En voicy un exemple: je viens vous dire qu'une telle personne vous salue, se recommande à vous, m'a parlé de vous avec estime, et de tout cela il n'en est rien: voilà un peché veniel tres-volontaire; mais je raconte quelque chose, et dans mon discours il se glisse quelques paroles qui ne sont pas du tout veritables, dont je ne m'apperçois qu'apres les avoir dites: voila une imperfection dont je ne suis pas obligé de me confesser, sinon que je n'eusse rien autre.

  A006000488 

 Il faut que je vous die une chose qui m'arriva à Paris, confessant la bien-heureuse Marie de l'Incarnation, qui estoit encore seculiere.

  A006000488 

 Ouy, ma chere fille; mais entre deux cens il ne s'en trouvera pas deux qui le sçachent faire, sinon és choses bien grosses.

  A006000490 

 Ce qui fait que la benediction [284] des Evesques efface les pechés veniels, c'est à cause de l'humilité et acte de sousmission que font ceux qui la demandent.

  A006000494 

 La premiere demande est: Qu'est-ce qu'aversion? Les aversions sont certaines inclinations qui sont aucunefois naturelles, lesquelles font que nous avons un certain petit contre-cœur à l'abord de ceux envers qui nous les avons, qui empesche que nous n'aymons pas leur conversation, s'entend que nous n'y prenons pas du plaisir, comme nous ferions en celle de ceux envers lesquels nous avons une inclination douce, qui nous les fait aymer d'un amour sensible, parce qu'il y a une certaine alliance et correspondance entre nostre esprit et le leur..

  A006000495 

 Faites en l'experience en un petit agnelet qui ne fait que naistre: monstrez-luy la peau d'un loup; quoy qu'il soit mort, il se mettra à fuir, il beelera, il se cachera sous les flancs de sa mere; mais monstrez-luy un cheval, qui est bien une plus grosse beste, il ne s'en espouvantera nullement, ains il se jouera avec luy.

  A006000495 

 Or, pour monstrer que cecy est naturel, d'aymer les [288] uns par inclination et non pas les autres, ne void-on pas que si deux hommes entrent dans un tripot où deux autres jouent à la paume, d'abord ceux qui entrent auront de l'inclination que l'un gaigne plustost que l'autre? Et d'où vient cela, puisqu'ils ne les ont jamais veus ni l'un ni l'autre, ni n'en avoyent jamais ouy parler, ne sçachant point si l'un est plus vertueux que l'autre? c'est pourquoy ils n'ont point de raison d'en affectionner plus l'un que l'autre.

  A006000496 

 Ay-je de l'aversion de converser avec une personne, laquelle je sçay bien estre de grande vertu et avec laquelle je puis beaucoup profiter? il ne faut pas que je suive mon aversion qui me fait eviter de la rencontrer; il faut que j'assujettisse ceste inclination à la raison qui me doit faire rechercher sa conversation, ou au moins y demeurer [289] avec un esprit de paix et de tranquillité quand je m'y rencontre.

  A006000496 

 Mais il y a des personnes qui ont si grand peur d'avoir de l'aversion à ceux qu'ils ayment par inclination, qu'ils en fuyent la conversation, de crainte qu'ils ont de rencontrer quelque defaut qui leur oste la suavité de leur affection et de leur amitié..

  A006000497 

 O jamais il ne faut s'amuser à ceste recherche; car nostre amour propre, qui ne dort jamais, nous dorera si bien la pillule qu'il nous fera accroire qu'elle est bonne; je veux dire qu'il nous fera voir qu'il est vray que nous avons certaines raisons lesquelles nous sembleront bonnes, et puis, celles-là estans approuvées de nostre propre jugement et de l'amour propre, il n'y aura plus de moyen de nous empescher de les trouver justes et raisonnables.

  A006000497 

 Quel remede à ces aversions, puisque nul n'en peut estre exempt, pour parfait qu'il soit? Ceux qui sont d'un naturel aspre auront de l'aversion à celuy qui sera fort doux, et estimeront ceste douceur une trop grande mollesse, bien que ceste qualité de douceur soit la plus universellement aymée.

  A006000498 

 Mais il les faut combattre et abattre quand on void que le naturel passe plus outre, et nous veut faire departir de la sousmission que nous devons à la raison, qui ne nous permet jamais de rien faire en faveur de nos aversions, non plus que de nos inclinations quand elles sont mauvaises, de crainte d'offencer Dieu.

  A006000499 

 La seconde demande est: Comment on se doit comporter en la reception des livres que l'on nous donne à lire? La Superieure donnera à une des Sœurs un livre qui traitte fort bien des vertus; mais parce qu'elle ne l'ayme pas, elle ne fera point de profit de sa lecture, ains elle le lira avec une negligence d'esprit; et la raison est, qu'elle sçait desja sur le doigt ce qui est comprins dans [291] ce livre, et qu elle auroit plus de desir que l'on luy en fist lire un autre.

  A006000500 

 Si d'aventure l'on a esgard à nostre infirmité, et que la Superieure nous mette au choix du livre que nous voudrons, alors nous le pouvons choisir avec simplicité; mais hors de là, il faut demeurer tousjours humblement sousmise à tout ce que la Superieure ordonne, soit qu'il soit à nostre gré ou non, sans jamais tesmoigner les sentimens que nous pourrions avoir qui seroyent contraires à ceste sousmission..

  A006000500 

 Si on vous en donne un que vous avez desja leu plusieurs fois, humiliez-vous, et vous asseurez [292] que c'est Dieu qui le veut ainsi à fin que vous vous amusiez plus à faire qu'à apprendre, et que sa Bonté vous le donne pour la seconde et troisiesme fois parce que vous n'avez pas fait vostre profit de la premiere lecture.

  A006000501 

 Ce n'est pas grande chose de voir une fille laquelle n'a rien qui la fasche ou qui l'exerce, estre bien douce et faire peu de fautes.

  A006000501 

 Ceux qui sont fort doux tandis qu'ils n'ont point de contradiction, et qui n'ont point acquis ceste vertu l'espée au poing, ils sont voirement fort exemplaires et de grande edification; mais si vous venez à la preuve, vous les verrez incontinent remuer, et tesmoigner que leur douceur n'estoit pas une vertu forte et solide, ains imaginaire plustost que veritable..

  A006000502 

 Certes, il y a beaucoup de gens qui se trompent grandement en ce qu'ils croyent [294] que les personnes qui font profession de la perfection ne devroyent point broncher en des imperfections, et particulierement les Religieux, parce qu'il leur semble qu'il ne faille qu'entrer en la Religion pour estre parfaits, ce qui n'est pas; car les Religions ne sont pas pour amasser des personnes parfaites, mais des personnes qui ayent le courage de pretendre à la perfection..

  A006000502 

 Il faut tousjours demeurer humbles et ne pas croire que nous ayons les vertus, encore que nous ne fassions pas, au moins que nous cognoissions, des fautes qui leur sont contraires.

  A006000502 

 Il y a bien difference entre avoir la cessation d'un vice et avoir la vertu qui luy est contraire.

  A006000502 

 Plusieurs semblent estre fort vertueux, qui n'ont pourtant point de vertu, parce qu'ils ne l'ont pas acquise en travaillant.

  A006000503 

 Et non seulement saint Pierre, mais encore saint Paul et saint Barnabé, lesquels voulant aller prescher l'Evangile, eurent une petite dispute ensemble, parce que saint Barnabé vouloit mener avec eux Jean Marc qui estoit son cousin: saint Paul estoit d'opinion contraire et ne vouloit pas qu'il allast avec eux, et saint Barnabé ne vouloit pas ceder à la volonté de saint Paul; et ainsi ils se separerait et allerent prescher, saint Paul en une contrée, et saint Barnabé en l'autre avec son cousin Jean Marc.

  A006000503 

 Hé! dites-moy, Nostre Seigneur ne nous a-t'il pas monstré luy-mesme qu'il n'y falloit pas [295] prendre garde, en l'élection qu'il fit de saint Pierre pour le rendre Superieur de tous les Apostres? car chacun sçait quelle faute fit cest Apostre en la Mort et Passion de son Maistre, s'amusant à parler avec une chambriere, et reniant si malheureusement son tres-cher Seigneur qui luy avoit fait tant de bien; il fit le bravache, et puis en fin il print la fuite.

  A006000503 

 L'on recherche voirement qu'ils ne soyent pas de mauvais exemple; mais de n'avoir point d'imperfection l'on n'y prend pas garde, pourveu qu'ils ayent les conditions de l'esprit qui sont necessaires; d'autant qu'il s'en trouveroit bien de plus parfaits, qui pour cela ne seroyent pas tant capables d'estre Superieurs.

  A006000503 

 Mais outre cela, dés qu'il fut confirmé en grace par la reception du Saint Esprit, encore fit-il une faute qui fut jugée de telle importance, que saint Paul escrivant aux Galates, leur dit qu'il luy avoit resisté en face parce qu'il estoit reprehensible.

  A006000504 

 Nostre Seigneur nous a ordonné de dire tous les jours ces paroles qui sont au Pater: Pardonnez-nous [296] nos offences, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offencés; et n'y a point d'exception en ceste ordonnance, parce que nous avons tous besoin de le faire.

  A006000504 

 Vous vous estonnez dequoy venant parler à la Superieure, elle vous dit quelque parole moins douce que l'ordinaire, parce qu'elle a peut estre la teste toute pleine de soucis et affaires; vostre amour propre s'en va tout troublé, au lieu de penser que Dieu a permis ceste petite secheresse à la Superieure pour mortifier vostre amour propre, qui recherchoit que la Superieure vous caressast un peu, recevant amiablement ce que vous luy vouliez dire.

  A006000505 

 Et, bien que l'on retranche l'acte exterieur d'humilité, de crainte de fascher la pauvre Sœur qui l'est desja assez, il ne faut pas laisser de faire l'interieur.

  A006000505 

 Que si au contraire la Sœur n'estoit point troublée en s'accusant, je trouverois bien bon que la Superieure advoüast librement qu'elle a failli, s'il est vray; car si le jugement est faux, il est bon qu'elle le die avec humilité, reservant tousjours neantmoins precieusement l'abjection qui luy revient de ce qu'on la juge defaillante..

  A006000505 

 Vous me demandez de plus, touchant ce poinct, si la Superieure ou la Directrice ne doit point tesmoigner de repugnance que les Sœurs voyent ses defauts, et que c'est qu'elle doit dire quand une fille se vient accuser tout simplement à elle de quelque jugement ou pensée qu'elle a fait, qui la marque d'imperfection; comme seroit si quelqu'une avoit pensé que la Superieure auroit fait une correction avec passion.

  A006000506 

 Mais le pauvre homme fut [298] bien trompé, car la passion de la joye ressuscita tellement, qu'apres les badineries il parvint aux dissolutions, de sorte qu'on se resolut de le chasser du monastere; ce que l'on eust fait sans un de ses Freres Religieux, lequel se rendit pleige pour Sylvain, promettant qu'il s'amenderoit: ce qui arriva, et fut depuis un grand Saint.

  A006000507 

 Il faut aussi prendre garde de ne nous pas estonner si nous avons des passions, car nous n'en serons jamais exempts; ces hermites qui voulurent dire le contraire furent censurés par le sacré Concile, et leur opinion condamnée et tenue pour erreur.

  A006000508 

 L'on ne sçait ce qui est plus considerable, ou la force du courage de saint Paul à reprendre saint Pierre, ou l'humilité avec laquelle saint Pierre se sousmit à la correction qui luy estoit faite, voire pour une chose en laquelle il pensoit bien faire et avoit une fort bonne intention.

  A006000509 

 La Religion est une ruche mystique toute pleine d'abeilles celestes, lesquelles sont assemblées pour mesnager le miel des celestes vertus; et pour cela il faut que la Superieure, qui est entre elles [300] comme leur roy, soit soigneuse de les tenir de pres pour leur apprendre la façon de les acquerir et conserver.

  A006000509 

 O certes, il n'est pas besoin de cela, car s'ils se tiennent dedans pour bien faire ce qui est de leur charge, ils ne doivent point douter que Nostre Seigneur ne pourvoye assez leur Congregation des amis qui leur sont necessaires..

  A006000509 

 Vous demandez en quatriesme lieu, s'il arrivoit un jour qu'une Superieure eust tant d'inclination de complaire aux personnes seculieres, sous pretexte de leur profiter, qu'elle en laissast le soin particulier qu'elle doit avoir des filles qui sont en sa charge, ou bien qu'elle n'eust pas assez de temps pour faire ce qui est des affaires de la maison, à cause qu'elle demeureroit trop longuement au parloir, si elle ne seroit pas obligée de retrancher ceste inclination, encore que son intention fust bonne.

  A006000510 

 Mais s'il fasche à la Superieure de rompre compagnie quand on sonne les Offices pour y aller, de crainte de mescontenter ceux avec qui elle parle? Il ne faut pas estre si tendre; car si ce ne sont des personnes de grand respect, ou bien qui ne viennent que fort rarement ou qui sont de loin, il ne faut pas quitter les Offices ni l'oraison, si la charité ne le requiert absolument.

  A006000511 

 Il nous faut eviter soigneusement toutes ces choses qui nous font paroistre quelque chose au dessus des autres, je veux dire suréminent [302] et remarquable.

  A006000511 

 La Superieure doit estre recognuë et remarquée par ses vertus, et non pas par ces singularités non necessaires, specialement entre nous autres de la Visitation, qui voulons faire une profession particuliere d'une grande simplicité et humilité.

  A006000511 

 Or, pour le regard de la derniere question, qui est si l'on ne doit pas tousjours faire quelque petite particularité à la Superieure de plus qu'au reste des Sœurs, tant au vestir qu'au manger, elle sera tantost resolue; car en un mot, je vous dis que non, en façon quelconque, si ce n'est de necessité, ainsi comme l'on fait à chacune des Sœurs.

  A006000512 

 Il y a de la superfluité en ceste jalousie, laquelle il faut retrancher; car à quel propos, je vous prie, vouloir celer au prochain ce qui luy peut profiter? Je ne suis pas de ceste opinion, car je voudrois que tout le bien qui est en la Visitation fust recognu et sceu d'un chacun, Et pour cela, j'ay tousjours esté de cest advis, qu'il seroit bon de faire imprimer les Regles et Constitutions, à fin que plusieurs les voyant en puissent tirer quelque utilité.

  A006000512 

 Mais vous dites qu'il y en a qui sont tellement jalouses de cest esprit, qu'elles ne le voudroyent point communiquer hors de la maison.

  A006000512 

 Pleust à Dieu, mes cheres Sœurs, qu'il se trouvast beaucoup de gens qui les voulussent pratiquer! l'on verroit bien tost des grands changemens en eux, qui reussiroyent à la gloire de Dieu et au salut de leurs ames.

  A006000514 

 Ce qui a esté obmis de l'Entretien des Aversions.

  A006000516 

 O Dieu, ma fille, se plaindre! n'ay-je pas dit à Philothée, que « pour l'ordinaire, qui se plaint peche »? Or, de se plaindre à la Superieure quand une Sœur nous a mortifiée, cela est tolerable à une fille imparfaite; mais se plaindre à une Sœur de ce que la Superieure nous a mortifiée, je n'ay rien à dire là-dessus, parce que sans marchander il s'en faut amender, si quelqu'une y estoit inclinée.

  A006000517 

 L'on demande s'il est loisible de nommer à la Superieure la Sœur qui nous a rapporté quelque chose qu'elle auroit dit à nostre desavantage.

  A006000517 

 Une Sœur aura dit devant d'autres quelque parole qui part de passion, ou fait quelque petit murmure, quelque mine froide: ô cela vous le pouvez dire à la Superieure, voire mesme l'advertir en chapitre ou au refectoire..

  A006000518 

 Certes, nous devrions avoir une si cordiale jalousie de la paix et tranquillité de nos cheres Sœurs, que nous ne devrions jamais rien faire ni dire qui les puisse fascher; or, rien ne peut tant affliger une pauvre fille que de croire que la Superieure est faschée d'elle [306] ou contre elle.

  A006000518 

 Feray-je donques pas un grand peché de luy aller faire un rapport de quelque petit mot que la Superieure aura dit par mesgarde, lequel estant redit paioistra grand, et tiendra ce pauvre cœur en peine et en douleur? Celle qui feroit cela feroit deux maux: elle contreviendroit doublement à la charité et parleroit en particulier.

  A006000518 

 Je ne voudrois pas mesme, generalement parlant, que l'on nommast à la Superieure les Sœurs qui parleroyent contre elle; bien luy dirois-je que l'on desapprouve telle et telle chose qu'elle fait, mais je ne luy dirois point qui fait ce desapprouvement; car, mes cheres filles, si nous n'avons la ferveur et pureté de la charité, nous n'aurons jamais la perfection..

  A006000519 

 Vous dites, si une Sœur n'avoit pas la confiance de parler à la Superieure, ou à l'Assistante en son absence, pour declarer le secret de son cœur, où neantmoins elle auroit besoin d'estre éclaircie, qu'est-ce qu'elle doit faire? Mes tres-cheres filles, il faut que la Superieure, ou l'Assistante en son absence, luy donne tres-facilement et cordialement permission de parler à qui elle voudra d'entre les Sœurs, sans en tesmoigner ni aversion ni secheresse de cœur, bien qu'il soit vray que si la Sœur continue, elle seroit imparfaite; car elle est obligée à regarder Dieu en ses Superieures et en ce qu'elles luy disent, et des particulieres ne la pourront servir si utilement.

  A006000525 

 Car Dieu qui desire de donner à tous la vie eternelle, leur donne à tous les moyens d'y pouvoir arriver, et partant les appelle au Christianisme, et les a esleus, correspondans à ceste vocation suivant les attraits de Dieu; toutesfois, le nombre de ceux qui y viennent est bien petit en comparaison de ceux qui sont appelles..

  A006000526 

 Ainsi en voyons-nous qui viennent par despit et ennuy en Religion; et quoy qu'il semble que ces vocations ne soyent pas bonnes, neantmoins on en a veu qui estans ainsi venus, ils ont fort bien reussi au service de Dieu.

  A006000526 

 D'autres sont incités d'entrer en [311] Religion par quelque desastre et infortune qu'ils ont eu au monde, d'autres par le defaut de la santé ou beauté corporelle; et quoy que ceux-cy ayent des motifs qui de soy ne sont pas bons, neantmoins Dieu s'en sert pour appeller telles personnes.

  A006000526 

 Il y en a d'autres qui ne sont point bien appelles; neantmoins estans venus, leur vocation a esté bonifiée et ratifiée de Dieu.

  A006000526 

 Mais parlant plus particulierement de la vocation religieuse, je dis que plusieurs sont bien appelles de Dieu en la Religion, mais il y en a peu qui maintiennent et conservent leur vocation; car ils commencent bien, mais ils ne sont pas fidelles à correspondre à la grace, ni perseverans en la pratique de ce qui peut conserver leur vocation et la rendre bonne et asseurée.

  A006000527 

 Or, de ceste grande varieté de vocations, s'ensuit que c'est une chose bien difficile que de recognoistre les vrayes vocations; et neantmoins c'est la premiere chose qui est requise pour donner sa voix, de sçavoir si la fille proposée est bien appellée et si sa vocation est bonne..

  A006000529 

 Ce n'est pas donques par ces divers mouvemens et sentimens qu'il faut juger de la fermeté et constance de la volonté au bien que l'on a une fois embrassé; mais ouy bien si parmi ceste varieté de divers mouvemens la volonté demeure ferme à ne point quitter le bien qu'elle a embrassé, encor qu'elle sente le dégoust ou le refroidissement en l'amour de quelque vertu, et qu'elle ne laisse pour cela de se servir des moyens qui luy sont marqués pour l'acquerir.

  A006000529 

 Mais remarquez que, quand je dis une volonté ferme et constante de servir Dieu, je ne dis pas qu'elle fasse dés le commencement tout ce qu'il faut faire en sa vocation, avec une fermeté et constance si grande qu'elle soit exempte de toute repugnance, difficulté ou dégoust [312] en ce qui en dépend.

  A006000529 

 Non, je ne dis pas cela; ni moins que ceste fermeté et constance soit telle qu'elle la rende exempte de faire des fautes, ni que pour cela elle soit si ferme qu'elle ne vienne jamais à chancelier ni varier en l'entreprise qu'elle a faite de pratiquer les moyens qui la peuvent conduire à la perfection.

  A006000529 

 O non certes, ce n'est pas ce que je veux dire; car tout homme est sujet à telle passion, changement et vicissitude, et tel aymera aujourd'huy une chose qui en aymera demain une autre; un jour ne ressemble jamais l'autre.

  A006000529 

 Tellement que pour avoir une marque d'une bonne vocation, il ne faut pas une constance sensible, mais qui soit en la partie superieure de l'esprit et laquelle soit effective..

  A006000530 

 Et quand je dis cecy, je ne parle pas seulement pour vous autres, mais encores pour les filles qui sont au monde, desquelles certes il faut avoir du soin, les aydant parmi leurs bons desseins.

  A006000530 

 Il ne faut non plus [313] un examen de dix ou douze docteurs pour voir si l'inspiration est bonne ou mauvaise, s'il la faut suivre ou non; mais il faut bien correspondre et cultiver le premier mouvement, et puis ne se pas mettre en peine s'il vient des dégousts et des refroidissemens touchant cela; car si l'on tasche tousjours de tenir sa volonté bien ferme à vouloir rechercher le bien qui nous est monstré, Dieu ne manquera pas de faire reussir le tout à sa gloire.

  A006000531 

 Je leur responds qu'elles ne se mettent pas en peine de ces sentimens sensibles et qu'elles ne les examinent pas tant; qu'elles se contentent de ceste constance de leur volonté, qui, parmi tout cela, ne perd point l'affection de son premier dessein; qu'elles soyent seulement soigneuses à le bien cultiver et à bien correspondre à ce premier mouvement.

  A006000531 

 O non, dit-elle, car je sens tous jours je ne sçay quoy qui me fait tendre de ce costé-là; mais ce qui me met en peine c'est que je ne sens pas ce mouvement si fort qu'il faudroit pour une telle resolution.

  A006000532 

 Car bien que ceux-cy viennent à Dieu comme despités contre le monde qui les a faschés, ou bien à cause de quelques travaux et afflictions qui les ont tourmentés, si ne laissent-ils pas de se donner à Dieu d'une franche volonté; et bien souvent telles personnes reussissent bien au service de Dieu et deviennent des grands Saints, et quelques fois plus grands que ceux qui y sont entrés par des vocations plus apparentes..

  A006000532 

 Les autres ont esté appellés par des ennuis, desastres et afflictions qui leur survenoyent au monde; ce qui leur a donné sujet de se despiter contre luy et l'abandonner.

  A006000534 

 Mais la divine Providence qui s'estoit servie de ce moyen pour le retirer du monde, convertit sa fin et son intention mauvaise en bonne, et celuy qui pensoit prendre les autres fut pris luy-mesme; car il n'eut pas plus tost demeuré quelques jours avec ces bons Religieux, qu'il fut tout à fait changé.

  A006000535 

 Il y en a encor d'autres de qui la vocation n'est de soy pas meilleure que ceste-cy: c'est de ceux qui vont en Religion à cause de quelque defaut naturel, comme pour estre boiteux, borgnes, ou pour estre laids, ou pour avoir quelque autre pareil defaut; et, ce qui semble encor le pire, c'est qu'ils y sont portés par leurs peres et meres, lesquels bien souvent, lors qu'ils ont des enfans borgnes, boiteux, ou autrement defectueux, les laissent au coin du feu et disent: Cecy ne vaut rien pour le monde, il le faut envoyer en Religion; il luy faut procurer quelque benefice, ce sera autant de descharge pour nostre maison.

  A006000535 

 Mais Dieu bien souvent en cecy fait voir la grandeur de sa clemence et misericorde, employant ces intentions, qui d'elles-mesmes ne sont aucunement bonnes, pour faire de ces personnes-là des grands serviteurs de sa divine Majesté; et en cecy il se fait voir admirable..

  A006000536 

 Ainsi ce divin Artisan se plaist à faire des beaux edifices avec du bois qui est fort tortu, et qui n'a aucune apparence d'estre propre à chose du monde.

  A006000536 

 Et tout ainsi qu'une personne qui ne sçait que c'est de la menuyserie, voyant quelque bois tortu en la boutique d'un menuysier, s'estonneroit de luy entendre dire que c'est pour faire quelque beau chef-d'œuvre (car, diroit-il, si cela est comme vous dites, combien de fois faudra-t'il passer le rabot par dessus, avant que d'en pouvoir faire un tel ouvrage?) ainsi, pour l'ordinaire, la divine Providence fait des beaux chefs-d'œuvre avec ces intentions tortues et sinistres, comme il fait entrer [319] en son festin les boiteux et les aveugles, pour nous faire voir qu'il ne sert de rien d'avoir deux yeux ou deux pieds pour aller en Paradis; qu'il vaut mieux aller en Paradis avec une jambe, un œil, un bras que d'en avoir deux et se perdre.

  A006000537 

 Il y en a d'autres qui ont esté bien appellés, qui toutesfois n'ont pas perseveré; ains, apres avoir demeuré quelque temps en Religion, ont tout quitté.

  A006000538 

 Or, quand je dis que Nostre Seigneur s'oblige, il ne [320] faudroit pas penser que ce soit nous qui l'ayons obligé à ce faire en suivant sa vocation, car on ne sçauroit l'obliger; mais Dieu s'oblige soy-mesme par soy-mesme, poussé et provoqué à ce faire par les entrailles de son infinie bonté et misericorde; tellement que, me faisant Religieux, Nostre Seigneur s'est obligé de me fournir tout ce qui est necessaire pour estre bon Religieux, non point par devoir, mais par sa misericorde et providence infinie; tout ainsi qu'un grand roy, levant des soldats pour faire la guerre, sa prevoyance et prudence requiert qu'il prepare des armes pour les armer; car, quelle apparence y auroit-il de les envoyer combattre sans armes? Que s'il ne le fait pas, il est taxé d'une grande imprudence, Or, la divine Majesté ne manque jamais de soin ni de prevoyance touchant cecy; et pour le nous mieux faire croire, elle s'y est obligée, en sorte qu'il ne faut jamais entrer en opinion qu'il y ayt de sa faute quand nous ne faisons pas bien: voire, sa.

  A006000539 

 Voila donc comme les jugemens de Dieu sont occultes et secrets, et comme les uns, qui par despit et forme de mocquerie entrent en Religion, y perseverent neantmoins; les autres, y estans bien appellés et ayans commencé avec grande ferveur, finissent mal et quittent tout.

  A006000540 

 Ces filles en font ainsi: elles font tant de prieres, tant de reverences, elles tesmoignent tant de bonne volonté, que l'on ne peut bonnement les esconduire; et en effet, l'on n'y doit pas faire trop grande consideration, ce me semble, Je dis cecy pour l'interieur, car certes, il est bien difficile en ce temps-là de le pouvoir cognoistre, principalement des filles qui viennent icy de loin; tout ce que l'on peut faire à celles-cy, c'est de sçavoir qui elles sont, et telles choses qui regardent le temporel et l'exterieur, puis leur ouvrir la porte et les mettre à leur premier essay.

  A006000540 

 Quant à la seconde, qui est de sçavoir les conditions que doivent avoir les filles, premierement, que l'on reçoit ceans, en second lieu, celles que l'on reçoit au Novitiat, et en troisiesme lieu, celles que l'on reçoit à la Profession, je n'ay guere à dire dessus la premiere reception, car l'on ne peut pas beaucoup cognoistre ces filles qui viennent avec une si bonne mine.

  A006000540 

 Si c'est des filles qui soyent du lieu, l'on peut observer leur façon, et par la conversation que l'on a avec elles, recognoistre quelque chose de leur interieur; mais je trouve qu'il est encor bien malaisé, car elles viennent tousjours en la meilleure mine et posture qui se peut..

  A006000541 

 Et que la prudence humaine ne me vienne point icy dire: Et s'il se presentoit tous-jours telle sorte de gens, les faudroit-il tous jours recevoir? et si toutes estoyent aveugles ou malades, qui les serviroit? Or, ne vous mettez point en peine de cela, car il n'arrivera pas: laissez-en le soin à la divine Providence qui sçaura bien y pourvoir, et y appeller les fortes, necessaires à leur service.

  A006000541 

 Or, il me semble que pour ce qui est de la santé [324] corporelle et infirmités du corps, l'on n'y doit point faire ou fort peu de consideration, d'autant qu'en ces maisons l'on y peut recevoir les foibles et imbecilles aussi bien que les fortes et robustes, puisqu'elles ont esté faites en partie pour elles; pourveu que ce ne soyent des infirmités si pressantes qu'elles les rendent tout à fait incapables d'observer la Regle et inhabiles à faire ce qui est de ceste vocation.

  A006000541 

 Quand il se presentera des infirmes, dites: Dieu soit beni! en vient-il des robustes: à la bonne heure! En somme, les maladies qui n'empeschent point d'observer la Regle ne doivent point estre considerées en vos maisons.

  A006000542 

 Quant à la seconde, qui est de recevoir une fille au [325] Novitiat, je ne trouve pas encor qu'il y ayt des grandes difficultés.

  A006000542 

 Tout de mesme, voila une fille qui a ses passions fortes; elle est colere, elle fait plusieurs manquemens: si avec cela elle veut bien estre guerie, et veut qu'on la corrige, mortifie et qu'on luy donne des remedes propres à sa guerison, combien qu'en les prenant cela la fasche et la, travaille, il ne faut point pour cela luy refuser sa voix; car elle n'a pas seulement la volonté de guerir, mais encor elle prend les remedes qui luy sont donnés pour ce sujet, combien qu'avec peine et difficulté..

  A006000543 

 En somme, pour recevoir une fille au Novitiat, il ne faut sinon sçavoir si elle a une bonne volonté, et si elle est deliberée et resolue de recevoir le traittement qui luy sera fait pour sa guerison, et de vivre en une grande sousmission: ayant cela, je luy donnerois ma voix.

  A006000543 

 Et voila, ce me semble, tout ce qui se peut dire touchant ceste seconde reception..

  A006000543 

 Il s'en trouvera qui auront esté mal nourries et mal civilisées, qui auront la nature rude et grossiere.

  A006000543 

 Or, il n'y a point de doute que celles-cy n'ayent plus de peine et de difficulté que celles qui auront le naturel plus doux et traittable, et qu'elles seront plus sujettes à faire des fautes, que d'autres qui seront mieux nourries; mais neantmoins, si elles veulent bien estre gueries et tesmoignent une volonté ferme à vouloir recevoir les remedes, [326] quoy qu'il leur couste, à celles-là je donnerois ma voix nonobstant ces cheutes; car ces filles-là, apres beaucoup de travail, font de grands fruicts en la Religion, deviennent des grandes servantes de Dieu et acquierent une vertu forte et solide, car la grace de Dieu supplée au defaut; et n'y a point de doute que souvent où il y a moins de la nature, il y a plus de la grace.

  A006000544 

 Je dis qu'il y faut bien prendre garde, et non qu'il n'en faille point recevoir, si l'on void qu'elles veuillent estre changées et humiliées; car elles pourront bien, avec le temps et la grace de Dieu, faire ce changement; ce qui arrivera sans doute, si avec fidelité elles se servent des remedes qui leur seront donnés pour leur guerison.

  A006000544 

 La premiere, que les filles que l'on reçoit à la Profession soyent saines, non de corps, comme j'ay desja dit, mais de cœur et d'esprit; je veux dire, qui ayent le cœur bien disposé à vivre en une entiere souplesse et sousmission.

  A006000544 

 La seconde, que ces filles ayent l'esprit bon: or, quand je dis un bon esprit, je n'entends pas dire de ces grands esprits qui sont pour l'ordinaire vains et [327] pleins de propre jugement, de suffisance, et qui estans au monde estoyent des boutiques de vanité; qui viennent en Religion non point pour s'humilier, mais comme si elles y vouloyent faire des leçons de philosophie et theologie, voulant tout conduire et gouverner.

  A006000544 

 Quand doncques je parle d'un esprit bon, j'entends parler des esprits bien faits et bien sensés, et encor des mediocres, qui ne sont ni trop grands ni trop petits; car tels esprits font tousjours beaucoup, sans que pour cela ils le sçachent.

  A006000546 

 L'on demande donc en premier lieu, s'il se trouvoit une fille qui fust fort sujette à se troubler pour des petites choses, et que son esprit fust souvent plein de chagrin et d'inquietude, et qu'elle ne tesmoignast parmi cela guere d'amour pour sa vocation, et que neantmoins, cela estant passé, elle promist de faire des merveilles, qu'est-ce qu'il faudroit faire? Il est tout certain qu'une telle fille estant ainsi changeante n'est pas propre pour la Religion; mais parmi tout cela ne veut-elle point estre guerie? car si cela n'est, il la faut congedier.

  A006000546 

 Or, si apres luy avoir fait bien entendre ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement, elle ne le fait pas ains se rend incorrigible, il la faut rejetter; sur tout parce que ses fautes, ainsi que vous dites, ne procedent pas faute de jugement ni de pouvoir comprendre en quoy consiste la vraye vertu, ni moins encore ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement; mais que c'est par le defaut de la volonté, qui n'a point de perseverance ni de constance à faire et à se servir de ce qu'elle sçait estre requis pour son amendement; encore qu'elle dise quelquefois qu'elle fera mieux, neantmoins ne le fait pas, ains persevere [330] en ceste inconstance de volonté, je ne luy donnerois pas ma voix..

  A006000547 

 Pour ce qui est de la tendreté, tant sur l'esprit que sur le corps, c'est l'un des grands empeschemens qui soyent en la vie religieuse; et partant il faut avoir un tres-grand soin de ne pas recevoir celles qui en sont démesurément atteintes, parce qu'elles ne veulent point estre gueries, refusans de se servir de ce qui leur peut donner la santé..

  A006000548 

 L'on demande en second lieu, qu'est-ce que l'on doit juger d'une fille qui tesmoigne par ses paroles qu'elle se repent d'estre entrée en Religion? Certes, si elle persevere en ces dégousts de sa vocation et à se repentir, et que l'on voye que cela la rende lasche et negligente à se former selon l'esprit de sa vocation, il la faut mettre dehors.

  A006000548 

 Neantmoins, il faut considerer que cela peut arriver ou par une simple tentation ou pour exercice: et cela se peut cognoistre par le profit qu'elle fera de telle pensée, dégoust ou repentir, quand avec [331] simplicité elle se descouvrira de telle chose et qu'elle sera fidelle à se servir des remedes que l'on luy donnera là dessus; car Dieu ne permet jamais rien pour nostre exercice, qu'il ne veuille que nous en tirions profit, ce qui se fait tousjours quand l'on est fidelle à se descouvrir et, comme j'ay dit, simple à croire et à faire ce que l'on nous dit: et cecy est la marque que l'exercice est de Dieu.

  A006000549 

 L'on demande en troisiesme lieu, s'il ne faut pas [332] faire consideration de donner sa voix à une fille qui n'est pas cordiale, ou qui n'est pas égale à l'endroit de toutes les Sœurs, et qui a fait voir qu'elle a plus d'inclination à l'une qu'à l'autre.

  A006000550 

 En fin, direz-vous, si le sentiment des autres Sœurs estoit tout contraire à ce que l'on sçait, et qu'il nous vinst inspiration de dire quelque chose que nous avons recognu qui est à l'advantage de la Sœur, faudroit-il laisser de le dire? Non, quoy que le sentiment des autres soit tout contraire au vostre et que vous soyez seule en ceste opinion; car cela pourra servir encor aux autres pour se resoudre à ce qu'elles doivent faire.

  A006000555 

 Les effects des Sacremens sont divers, quoy qu'ils n'ayent tous qu'une mesme fin et pretention, qui est de nous unir à Dieu.

  A006000555 

 Or, voila les effects divers des Sacremens, mais pourtant qui demandent tous l'union de nostre ame avec son Dieu..

  A006000555 

 Par le Sacrement de Baptesme, nous nous unissons à Dieu comme le fils avec le pere; par celuy de la Confirmation, nous nous unissons comme le soldat avec son capitaine, prenant force pour combattre et vaincre nos ennemis en toutes tentations; par le Sacrement de Penitence, nous sommes unis à Dieu comme les amis reconciliés; par celuy de l'Eucharistie, comme la viande avec l'estomach; par celuy de l'Extreme Unction, nous nous unissons à Dieu comme l'enfant qui vient d'un lointains païs, mettant desja l'un des pieds en la maison de son pere pour se [338] reunir avec luy, avec sa mere et toute la famille.

  A006000556 

 Et premierement, il est tres-necessaire que nous sçachions pourquoy c'est que, recevant si souvent ces deux Sacremens, nous ne recevons pas aussi les graces qu'ils ont accoustumé d'apporter aux ames qui sont bien preparées, puisque ces graces sont jointes aux Sacremens.

  A006000557 

 Vous cognoistrez cela si, quand vous desirez de vous communier, l'on ne le vous permet pas; ou bien si apres la sainte Communion vous n'avez point de consolation, et que pour cela vous ne laissez pas de demeurer en paix, sans consentir aux attaques qui pourroyent vous en venir.

  A006000557 

 [338] Mais si, au contraire, vous consentez à l'inquietude dequoy l'on vous a refusé de communier, ou dequoy vous n'avez pas eu de la consolation, qui ne void que vostre intention estoit impure, et que vous ne cherchiez de vous unir à Dieu, ains aux consolations, puisque vostre union avec Dieu se doit faire sous la sainte vertu d'obeissance? Et tout de mesme, si vous desirez la perfection d'un desir plein d'inquietude, qui ne void que c'est l'amour propre, qui ne voudroit pas que l'on vist de l'imperfection en nous? S'il estoit possible que nous peussions estre autant agreables à Dieu estans imparfaits comme estans parfaits, nous devrions desirer d'estre sans perfection, à fin de nourrir en nous par ce moyen la tres-sainte humilité..

  A006000559 

 La troisiesme preparation c'est l'humilité, qui est une vertu fort necessaire pour recevoir abondamment les graces qui découlent par les canaux des Sacremens; parce que les eaux ont bien accoustumé de couler plus vistement et plus fortement quand les canaux sont posés en des lieux panchans et tendans en bas..

  A006000560 

 Donnez-moy, dira un autre, ceste humilité qui est si propre pour donner bon exemple; mais d'humilité de cœur, qui nous fait aymer nostre propre abjection, ils n'en ont point de besoin, ce leur semble.

  A006000560 

 O ce n'est pas là le moyen de faire ceste union, que de se reserver toutes ses volontés, pour belle apparence qu'elles ayent; car Nostre Seigneur se voulant donner tout à nous, veut que reciproquement nous nous donnions entierement à luy, à fin que l'union de nostre ame avec sa divine Majesté soit plus parfaite, et que nous puissions dire veritablement, apres ce grand parfait entre les Chrestiens: Je ne vis plus moy, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy..

  A006000560 

 Voire, c'est bien ce qu'il nous faut pour estre unis à Dieu, qui est la pretention que nous avons! et jamais ils ne demandent des tribulations ou mortifications.

  A006000561 

 Faisons donc de nostre costé ce qui est de nostre pouvoir pour nous bien preparer à recevoir ce Pain supersubstantiel, nous abandonnant totalement à la divine Providence, non seulement pour ce qui regarde les biens temporels, mais principalement les spirituels, respandant en la presence de la divine Bonté toutes nos affections, desirs et inclinations, pour luy estre entierement sousmis; et nous asseurons que Nostre Seigneur accomplira de son costé la promesse qu'il nous a faite de nous transformer en luy, eslevant nostre bassesse jusques à estre unie avec sa grandeur..

  A006000562 

 Et pour ce qui est des vertus, aucune fois il est plus à propos et meilleur pour nous de ne les pas avoir en habitude que si nous les avions, pourveu toutesfois que nous en fassions les actes à mesure que les occasions s'en presentent; car la repugnance que nous sentons à pratiquer quelque vertu nous doit servir pour nous humilier, et l'humilité vaut tousjours mieux que tout cela..

  A006000562 

 L'on peut bien communier pour diverses fins: comme pour demander à Dieu d'estre delivrés de quelque tentation ou affliction, soit pour nous ou pour nos amis, [341] ou pour demander quelque vertu, pourveu que ce soit sous ceste condition de nous unir par ce moyen plus parfaitement à Dieu, ce qui n'arrive pourtant pas bien souvent; car au temps de l'affliction l'on est ordinairement plus uni à Dieu, parce que l'on se ressouvient plus souvent de luy.

  A006000563 

 Cela s'entend, que vous ayez l'intention de prier Dieu qu'il donne la vertu ou la grace que vous luy demandez pour vous, à tous ceux qui en ont la mesme necessité, et que ce soit tousjours pour vous unir davantage avec luy; car autrement nous ne devons demander ni desirer aucune chose ni pour nous ni pour le prochain, puisque c'est la fin pour laquelle les Sacremens sont institués.

  A006000564 

 Et si une personne ne faisoit pas attention de faire quelque chose pour la satisfaction de ses pechés, la seule attention qu'elle auroit de faire tout ce qu'elle fait pour le pur amour de Dieu suffiroit pour y satisfaire, puisque c'est une chose asseurée que qui pourroit faire un acte excellent de charité, ou un acte d'une parfaite contrition, satisferoit pleinement pour tous ses pechés..

  A006000564 

 Mais pourtant le merite de la Communion et de la priere nous demeureroit, car nous ne sçaurions meriter la grace les uns pour les autres: il n'y a que Nostre Seigneur qui l'ayt peu faire.

  A006000565 

 Si vous devenez par le moyen de la tres-sainte Communion, fort douce (puisque c'est la vertu qui est propre à ce Sacrement, [343] qui est tout doux, tout suave, tout miel), vous retirerez le fruict qui luy est propre, et ainsi vous vous advancerez; mais si, au contraire, vous ne devenez point plus humble ni plus douce, vous meritez que l'on vous leve le pain, puisque vous ne voulez pas travailler..

  A006000565 

 Vous le cognoistrez si vous vous advancez par les vertus qui leur sont propres: comme si vous tirez de la Confession l'amour de vostre propre abjection et l'humilité, car ce sont les vertus qui luy sont propres; et c'est tousjours par la mesure de l'humilité que l'on recognoist nostre advancement.

  A006000566 

 Bien qu'il y ayt de la mortification à le demander, il ne faut pas laisser pour cela; car les filles qui entrent en la Congregation n'y entrent que pour se mortifier, et les croix qu'elles portent les en doivent faire ressouvenir.

  A006000567 

 Il faut avoir des esprits genereux qui ne s'attachent qu'à Dieu seul, sans s'arrester aucunement à ce que nostre partie inferieure veut, faisant regner la partie superieure de nostre ame, puisqu'il est entierement en nostre pouvoir, avec la grace de Dieu, de ne jamais consentir à l'inferieure.

  A006000568 

 Il ne faut pas non plus se tourmenter quand l'on ne se souvient pas de ses fautes pour s'en confesser; car il n'est pas croyable qu'une ame qui fait souvent son examen, ne remarque bien pour s'en ressouvenir les fautes qui sont d'importance.

  A006000570 

 Et non seulement en ceste occasion, mais aussi entrant à tous nos exercices, à fin que nous apportions à chacun d'iceux l'esprit qui luy est propre; car il ne seroit pas à propos d'aller à l'Office comme à la recreation: à la recreation il faut porter un esprit amoureusement joyeux, et en l'Office, un esprit serieusement amoureux.

  A006000570 

 Je le veux bien; et je vous dis premierement qu'il faut se preparer pour le dire, dés l'instant que l'on entend la cloche qui nous y appelle, et faut, à l'imitation de saint Bernard, demander à nostre cœur que c'est qu'il va faire.

  A006000571 

 Et tout ainsi qu'un homme qui parleroit à un roy se rendroit" fort attentif, craignant de faire quelque faute; que si nonobstant tout son soin il luy advenoit d'en faire, il rougiroit incontinent, tout de mesme en devons-nous faire à l'Office, nous tenant dessus nos gardes, crainte de faillir.

  A006000571 

 Mais s'il nous arrive d'en faire plusieurs, et que cela continue, il y a de l'apparence que nous n'avons pas conceu un vray desplaisir de nostre premiere faute; et c'est ceste negligence qui nous devroit apporter beaucoup de confusion, non pas à cause de la presence de la Superieure, mais pour le respect de celle de Dieu qui nous est present, et de ses Anges.

  A006000571 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles disent à l'Office employent fidellement ce talent selon le bon plaisir de Dieu, qui le leur a donné pour les ayder à se retenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui [345] n'y entendent rien se tiennent simplement attentives à Dieu, ou bien qu'elles fassent des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses.

  A006000572 

 Que si vous dormez [346] le long d'une bonne partie de l'Office, encor que vous disiez les versets de vostre chœur, vous estes obligée de le redire; mais quand l'on fait des choses qui sont necessaires d'estre faites en l'Office, comme de tousser ou cracher, ou bien que la maistresse des ceremonies parle pour ce qui est de l'Office, alors on n'est point obligé de le redire..

  A006000575 

 Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des methodes qui sont remarquées; mais l'on ne s'y doit pas attacher, comme font ceux qui pensent n'avoir jamais bien fait leurs oraisons s'ils ne font leurs considerations devant les affections que Nostre Seigneur leur donne, qui est pourtant la fin pour laquelle nous faisons les considerations.

  A006000575 

 Telles personnes ressemblent à ceux qui se trouvant au lieu où ils pretendent d'aller, s'en retournent parce qu'ils n'y sont pas venus par le chemin que l'on leur a enseigné..

  A006000575 

 Vous voulez que je vous die quelque chose de l'oraison Plusieurs se trompent grandement, croyant qu'il [347] faut beaucoup de methode pour la bien faire, et s'empressent pour trouver un certain art qu'il leur semble estre necessaire de sçavoir, ne cessant jamais de subtiliser et pointiller autour de leur oraison pour voir comme ils la font ou comme ils la pourront faire à leur gré; et pensent qu'il ne faille tousser ni se remuer durant icelle, de crainte que l'Esprit de Dieu ne se retire: folie certes tres-grande, comme si l'Esprit de Dieu estoit si delicat qu'il dépendist de la methode et contenance de ceux qui font l'oraison.

  A006000576 

 Il est neantmoins requis de se tenir en grande reverence parlant à la divine Majesté, puisque les Anges, qui sont si purs, tremblent en sa presence.

  A006000576 

 Mais, mon Dieu, diront quelques-unes, je ne puis pas tousjours avoir ce sentiment de la presence de Dieu qui cause une si grande humiliation à l'ame, ni ceste reverence sensible qui me fait aneantir si doucement et agreablement devant Dieu.

  A006000576 

 Or, ce n'est pas aussi de celle-là que j'entens parler, ains de celle qui fait que la partie supreme et la pointe de nostre esprit se tient basse et en humilité devant Dieu, en recognoissance de son infinie grandeur et de nostre profonde petitesse et indignité..

  A006000577 

 Il faut aussi avoir une grande determina.ti.on de n'abandonner jamais l'oraison, pour aucune difficulté qui s'y puisse rencontrer, et n'y aller avec aucune preoccupation de desirs d'y estre consolée et satisfaite; car cela ne seroit pas rendre nostre volonté unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison nous soyons resolus de souffrir la peine des continuelles distractions, secheresse et dégoust qui nous y [348] surviendront, demeurans aussi constantes que si nous y avions eu beaucoup de consolation et de tranquillité; puisque c'est une chose certaine que nostre oraison ne sera pas moins agreable à Dieu, ni à nous moins utile pour estre faite avec plus de difficulté.

  A006000578 

 Ce que pour bien comprendre, il les faut fidelement peser, voir et considerer en l'oraison; car l'enfant qui ayme bien son pere a une grande affection de se rendre conforme à ses humeurs et l'imiter en tout ce qu'il fait..

  A006000579 

 Elles peuvent demeurer ainsi utilement, cela est bon; mais generalement parlant, il faut faire que toutes les filles commencent par la methode d'oraison qui est la plus seure, et qui porte à la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disons qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur: on y marche en asseurance.

  A006000579 

 Et mesme, celles qui se peuvent servir de l'imagination le doivent faire, mais il en faut user sobrement, fort simplement et courtement.

  A006000579 

 Il est vray ce que vous dites, qu'il y a des ames lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leurs esprits sur aucun mystere, estant attirées à certaine simplicité toute douce qui les tient en grande tranquillité devant [349] Dieu, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant luy et qu'il est tout leur bien.

  A006000579 

 Les saints Peres ont bissé plusieurs considerations pieuses et devotes desquelles l'on peut se servir pour ce sujet; car puisque ces saints et grands personnages les ont bien faites, qui n'osera s'en servir, et qui osera refuser de croire pieusement ce que tres-pieusement ils ont creu? Il faut aller asseurément apres ces personnages de telle authorité.

  A006000580 

 Je ne veux pas dire qu'il faille avoir des grands sentimens et consolations pour cela, bien que quand Dieu nous les donne, nous soyons obligés d'en faire nostre profit et correspondre à son amour Mais quand il ne nous les donne pas il ne faut pas manquer de fidelité, ains vivre selon la raison et la volonté divine, et faire nos resolutions avec la pointe de nostre esprit et partie superieure de nostre ame, ne laissant de les effectuer et mettre en pratique pour aucune secheresse, repugnance ou contradiction qui se puisse presenter.

  A006000581 

 Mais pour les autres manieres d'oraison plus relevée, sinon que Dieu les donne absolument, je vous prie que l'on ne s'y ingere point de soy-mesme et sans l'advis de ceux qui conduisent..

  A006000585 

 Chaque juste a la robe de la justice qui luy bat jusques aux talons, c'est à dire, toutes les facultés et puissances de l'ame sont couvertes de justice, et l'interieur et l'exterieur ne representent que la justice mesme, estant justes en tous leurs mouvemens et actions tant interieures qu'exterieures.

  A006000585 

 Le grand saint Paul hermite fut juste d'une justice tres-parfaite, et si neantmoins nul [352] ne peut douter qu'il n'exerça jamais tant de charité envers les pauvres comme saint Jean qui fut pour cela appelle l'Aumosnier, ni n'eut jamais les occasions de pratiquer la magnificence; et partant, il n'avoit pas ceste vertu en un si haut degré que plusieurs autres Saints.

  A006000586 

 C'est donc à juste raison qu'il est accomparé à la palme, qui est le roy des arbres, et lequel a la proprieté de la virginité, celle de l'humilité et celle de la constance et vaillance, trois vertus esquelles le glorieux saint Joseph a grandement excellé; et si l'on osoit faire des comparaisons, il y en auroit plusieurs qui maintiendroyent qu'il surpasse tous les autres Saints en ces trois vertus..

  A006000586 

 Cela estant donc ainsi presupposé, je remarque trois proprietés particulieres qu'a la palme, entre toutes les autres qui sont en tres-grand nombre, lesquelles proprietés conviennent mieux au Saint dont nous celebrons la feste, qui est, ainsi que la sainte Eglise nous fait dire, semblable à la palme.

  A006000587 

 Le palmier, qui est le masle, ne porte point de fruict, et si neantmoins il n'est pas infructueux, car la palme femelle ne porteroit point de fruict sans luy et sans son aspect; [353] de sorte que si la palme femelle n'est plantée aupres du palmier masle, et qu'elle ne soit regardée de luy, elle demeure infructueuse et ne porte point de dattes, qui est son fruict; et si, au contraire, elle est regardée du palmier et est à son aspect, elle porte quantité de fruicts.

  A006000588 

 Dieu ayant destiné de toute eternité, en sa divine providence, qu' une Vierge concevroit un Fils qui seroit Dieu et homme tout ensemble, voulut neantmoins que ceste Vierge fust mariée.

  A006000588 

 Et si bien il n'y contribua rien du sien, il eut neantmoins une grande part en ce fruict tres-saint de son Espouse sacrée; car elle luy appartenoit et estoit plantée tout aupres de luy comme une glorieuse palme aupres de son bien-aymé palmier, laquelle, selon l'ordre de la divine Providence, ne pouvoit et ne devoit produire sinon sous son ombre et à son aspect; je veux dire sous l'ombre du saint mariage qu'ils avoyent contracté ensemble, mariage qui n'estoit point selon l'ordinaire, tant pour la communication des biens exterieurs comme pour l'union et conjonction des biens interieurs..

  A006000588 

 Mais, ô Dieu! pour quelle raison, disent les saints Docteurs, ordonna-t'il deux choses si differentes, estre vierge et mariée tout ensemble? La pluspart des Peres disent que ce fut pour empescher que Nostre Dame ne fust calomniée des Juifs, lesquels n'eussent point voulu exempter Nostre Dame de calomnie et d'opprobre, et se fussent rendus examinateurs de sa pureté; et que, pour conserver ceste pureté et ceste virginité, il fut besoin que la divine Providence la commist à la charge et en la garde d'un homme qui fust vierge, et que ceste Vierge conceust et enfantast ce doux fruict de vie, Nostre Seigneur, sous l'ombre du saint mariage.

  A006000588 

 Saint Joseph donc fut comme un palmier, lequel ne portant peint de fruict n'est pas toutefois infructueux, ains a beaucoup de part au fruict de la palme femelle; non que saint Joseph eust contribué aucune chose pour ceste sainte et glorieuse production, sinon la seule ombre du mariage, qui empeschoit Nostre [354] Dame et glorieuse Maistresse de toutes sortes de calomnies et des censures que sa grossesse luy eust apportées.

  A006000589 

 Et tout ainsi comme l'on void un miroir opposé aux rayons du soleil recevoir ses rayons tres-parfaitement, et un autre miroir estant mis vis à vis de celuy qui les reçoit, bien que le dernier miroir ne prenne ou reçoive les rayons du soleil que par reverberation, les represente pourtant si naïfvement que l'on ne pourroit presque pas juger lequel c'est qui [355] les reçoit immediatement du soleil, ou celuy qui est opposé au soleil, ou celuy qui ne les reçoit que par reverberation; de mesme en estoit-il de Nostre Dame, laquelle [était] comme un tres-pur miroir opposé aux rayons du Soleil de justice, rayons qui apportoyent en son ame toutes les vertus en leur perfection, perfections et vertus qui faisoyent une reverberation si parfaite en saint Joseph, qu'il sembloit presque qu'il fust aussi parfait ou qu'il eust les vertus en un si haut degré comme les avoit la glorieuse Vierge nostre Maistresse..

  A006000589 

 O quelle divine union entre Nostre Dame et le glorieux saint Joseph! union qui faisoit que ce Bien des biens eternels, qui est Nostre Seigneur, fust et appartinst à saint Joseph ainsi qu'il appartenoit à Nostre Dame; non selon la nature qu'il avoit pris dans les entrailles de nostre glorieuse Maistresse, nature qui avoit esté formée par le Saint Esprit du tres-pur sang de Nostre Dame, ains selon la grace, laquelle le rendoit participant de tous les biens de sa chere Espouse, et laquelle faisoit qu'il alloit merveilleusement croissant en perfection; et c'est par la communication continuelle qu'il avoit avec Nostre Dame, qui possedoit toutes les vertus en un si haut degré que nulle autre pure creature n'y sçauroit parvenir; neantmoins le glorieux saint Joseph estoit celuy qui en approchoit davantage.

  A006000590 

 Mais en particulier, pour nous tenir en nostre propos commencé, en quel degré pensons-nous qu'il eust la virginité, qui est une vertu qui nous rend semblables aux Anges? Si la tres-sainte Vierge ne fut pas seulement Vierge toute pure et toute blanche, ains (comme chante la sainte Eglise aux respons des leçons des Matines, « Sainte et immaculée virginité, » etc.) elle estoit la virginité mesme, combien pensons-nous que celuy qui fut commis de la part du Pere eternel pour gardien de sa virginité, ou pour mieux dire, pour compagnon, puisqu'elle n'avoit pas besoin d'estre gardée d'autre que d'elle-mesme, combien, dis-je, devoit-il estre grand en ceste vertu? Ils avoyent fait vœu tous deux de garder virginité tout le temps de leur vie, et voila que Dieu veut qu'ils soyent unis par le lien d'un saint mariage, non pas pour les faire dédire ni se repentir de leur vœu, ains pour les reconfirmer et se fortifier l'un l'autre de perseverer en leur sainte entreprise; c'est pourquoy ils le firent encores de vivre virginalement ensemble tout le reste de leur vie..

  A006000591 

 Nostre sœur elle est petite, elle n'a point de mammelles, c'est à dire, elle ne pense point au mariage, car elle n'a ni sein ni soin pour cela: que luy ferons-nous au jour qu'il luy faudra parler? Qu'est-ce à dire cela: au jour qu'il luy faudra parler? le divin Espoux ne luy parle-t'il pas tousjours quand il luy plaist? Au jour qu'il luy faudra parler, cela veut dire, de la parole principale, qui est quand on parle aux filles de les marier; d'autant que c'est une parole d'importance, puisqu'il y va du choix et de l'élection d'une vocation et d'un estat auquel il faut par apres demeurer.

  A006000591 

 Que si c'est, dit le sacré Espoux, un mur, faisons-luy des boulevars d'argent; si c'est une porte, au contraire que nous la veuillions enfoncer, nous la doublerons ou renforcerons d'ais de cedre, qui est un bois incorruptible..

  A006000591 

 Voicy comme ce divin Espoux parle de la pureté de la tres-sainte Vierge, de l'Eglise, ou de l'ame devote; mais principalement cecy s'adresse à la tres-sainte Vierge, qui fut ceste divine Sulamite par excellence au dessus de toutes les autres.

  A006000592 

 Qu'est-ce que le glorieux saint Joseph, sinon un fort boulevard qui a esté establi au dessus de Nostre Dame, puisqu'estant son Espouse, elle luy estoit sujette et il avoit soin d'elle? Au contraire donques que saint Joseph fust establi au dessus de Nostre Dame pour luy faire rompre son vœu de virginité, il luy a esté donné pour compagnon d'icelle, et à fin que la pureté de Nostre Dame peust plus admirablement perseverer en son integrité sous le voile et l'ombrage du saint mariage et de la sainte union qu'ils avoyent par ensemble.

  A006000592 

 Que luy ferons-nous? car elle doit estre mariée, Celuy qui luy a donné ceste resolution de la virginité l'ayant ainsi [357] ordonné.

  A006000592 

 Si c'est une tour ou une muraille, establissons au dessus des boulevars d'argent, qui, au lieu d'abattre la tour, la renforceront davantage.

  A006000592 

 Si la tres-sainte Vierge est une porte, dit le Pere eternel, nous ne voulons pas qu'elle soit ouverte, car c'est une porte orientale par laquelle nul ne peut entrer ni sortir; au contraire, il la faut doubler et renforcer de bois incorruptible, c'est à dire, luy donner un compagnon en sa pureté, qui est le grand saint Joseph, lequel devoit pour cest effet surpasser tous les Saints, voire les Anges et les Cherubins mesmes en ceste vertu tant recommandable de la virginité, vertu qui le rendit semblable au palmier, ainsi que nous avons dit..

  A006000593 

 En quoy ils courent la mesme risque que les arbres qui sont prompts au printemps de jetter leurs fleurs, comme sont les amandiers; car si d'aventure la gelée les surprend, ils perissent et ne portent point de fruict..

  A006000593 

 Je dis, selon mon propos, qu'il se fait une juste ressemblance et conformité entre saint Joseph et la palme en leur vertu, vertu qui n'est autre que la tres-sainte humilité.

  A006000593 

 La palme tient ses fleurs resserrées dedans des bourses qui sont faites en forme de gaines ou estuis; ce qui nous represente tres-bien la difference des ames qui tendent à la perfection d'avec les autres, la difference des justes d'avec ceux qui vivent [358] selon le monde; car les mondains et hommes terrestres, qui vivent selon les loix de la terre, dés qu'ils ont quelque bonne pensée ou quelque cogitation qui leur semble estre digne d'estre estimée, ou s'ils ont quelque vertu, ils ne sont jamais en repos jusques à tant qu'ils l'ayent manifestée et fait cognoistre à tous ceux qu'ils rencontrent.

  A006000594 

 Ces hommes mondains qui sont si legers à faire espanouïr leurs fleurs au printemps de ceste vie mortelle, par un esprit d'orgueil et d'ambition, courent tousjours fortune d'estre pris par la gelée qui leur fait perdre les fruicts de leurs actions.

  A006000595 

 Mais quelles dignités, mon Dieu! estre gouverneur de Nostre Seigneur, et non seulement cela, mais estre encor son Pere putatif, mais estre Espoux de sa tres-sainte Mere! O vrayement je ne doute nullement que les Anges ravis d'admiration, ne vinssent troupes à troupes le considerer et admirer son humilité, lors qu'il tenoit ce cher Enfant dans sa pauvre boutique, où il travailloit de son mestier pour nourrir et le Fils et la Mere qui luy estoyent commis..

  A006000596 

 Il n'y a point de doute, mes cheres Sœurs, que saint Joseph ne fust plus vaillant que David et n'eust plus de sagesse que Salomon; neantmoins, le voyant reduit en l'exercice de la charpenterie, qui eust peu juger cela s'il n'eust esté esclairé de la lumiere celeste, tant il tenoit resserrés tous les dons signalés dont Dieu l'avoit gratifié? Mais quelle sagesse n'avoit-il pas, puisque Dieu luy donnoit en charge son Fils tres-glorieux et qu'il estoit choisi pour estre son gouverneur? Si les princes de la terre ont tant de soin, comme estant une chose tres-importante, de donner un gouverneur qui soit des plus capables à leurs enfans, puisque Dieu pouvoit faire que le gouverneur de son Fils fust le plus accompli homme du monde en toutes sortes de perfections, selon la dignité et excellence de la chose gouvernée, qui estoit son Fils tres-glorieux, Prince universel du ciel et de la terre, comment se pourroit-il faire que l'ayant peu il ne l'ayt voulu et ne l'ayt fait? Il n'y a donc nul doute que saint Joseph n'ayt esté doué de toutes les graces et de tous les dons que meritoit la charge que le Pere eternel luy vouloit donner, de l'œconomie temporelle et domestique de Nostre Seigneur et de la conduite de sa famille, qui n'estoit composée que de trois, qui nous representent le mystere de la tres-sainte et tres-adorable Trinité.

  A006000596 

 Non qu'il y ayt de la [360] comparaison, sinon en ce qui regarde Nostre Seigneur, qui est l'une des Personnes de la tres-sainte Trinité, car quant aux autres ce sont des creatures; mais pourtant nous pouvons dire ainsi, que c'est une trinité en terre qui represente en quelque façon la tres-sainte Trinité.

  A006000597 

 Je sçay bien, vouloit-il dire, que si je me jette en la mer, je periray; mais toy, qui es tout-puissant, marcheras sur les eaux sans danger; c'est pourquoy je te supplie de te retirer de moy, et non pas que je me retire de toy..

  A006000597 

 O en quelle extremité estoit reduite son abjection et son humilité! Son humilité fut la cause, ainsi que l'explique saint Bernard, qu'il voulut quitter Nostre Dame quand il la vid enceinte; car saint Bernard dit qu'il fit ce discours en soy-mesme: Et qu'est cecy? Je sçay qu'elle est vierge, car nous avons fait, un vœu par ensemble de garder nostre virginité et pureté, à quoy elle ne voudroit aucunement manquer; d'ailleurs je voy qu'elle est enceinte et qu'elle est mere: comment se peut faire que la maternité se trouve en la virginité, et que la virginité n'empesche point la maternité? O Dieu! dit-il en soy-mesme, ne seroit-ce point peut estre ceste glorieuse Vierge dont les Prophetes asseurent qu'elle concevra et sera Mere du Messie? O si cela est, à Dieu ne plaise que je demeure avec elle, moy qui en suis si indigne.

  A006000598 

 Sur quoy les vierges et celles ou ceux qui veulent vivre chastement sont enseignés qu'il ne leur suffit pas d'estre vierges s'ils ne sont humbles, et s'ils ne resserrent leur pureté dans la boite pretieuse de l'humilité; car autrement il leur arrivera tout ainsi qu'aux folles vierges, lesquelles, faute d'humilité et de charité misericordieuse, furent rechassées des noces de l'Espoux, et partant furent contraintes d'aller aux noces du monde, où l'on n'observe pas le conseil de l'Espoux celeste qui dit qu'il faut estre humble pour entrer aux noces, je veux dire qu'il faut pratiquer l'humilité: car, dit-il, allant aux noces, ou estant invité aux noces, prenez la derniere place.

  A006000599 

 Cette boite d'albastre est donques l'humilité, dans laquelle nous devons, à l'imitation de Nostre Dame et de saint Joseph, resserrer nos vertus et tout ce qui nous peut faire estimer des hommes, nous contentans de plaire à Dieu et demeurans sous le voile sacré de l'abjection de nous-mesmes, attendans, ainsi que nous avons dit, que Dieu venant pour nous retirer au lieu de seureté, qui est la gloire, fasse luy-mesme paroistre nos vertus pour son honneur et gloire..

  A006000599 

 De mesme, les ames justes craignant de perdre le prix et la valeur de leurs bonnes œuvres, les resserrent ordinairement dans une boite; mais non dans une boite commune, non plus que les onguens pretieux, ains dans une boite d'albastre, telle que celle que sainte Magdelaine respandit ou vuida sur le chef sacré de Nostre Seigneur lors qu'il la restablit en la virginité non essentielle mais reparée, laquelle est quelquefois plus excellente, estant acquise et restablie par la penitence, que non pas celle qui n'ayant point receu de tare est accompagnée de moins d'humilité.

  A006000600 

 Il a une tres-grande part en ce thresor divin qu'il avoit chez luy, qui est Nostre Seigneur et nostre Maistre, et cependant il se tient si rabaissé et humilié qu'il ne semble point qu'il y ayt de part; et toutefois il luy appartient plus qu'à nul autre apres la tres-sainte Vierge, et nul n'en peut douter, puisqu'il estoit de sa famille et le Fils de son Espouse [363] qui luy appartenoit.

  A006000600 

 J'ay accoustumé de dire, que si une colombe (pour rendre la comparaison plus conforme à la pureté des Saints dont je parle) portoit en son bec une datte laquelle elle laissast tomber dans un jardin, diroit-on pas que le palmier qui en viendroit appartient à celuy à qui est le jardin? Or, si cela est ainsi, qui pourra douter que le Saint Esprit ayant laissé tomber ceste divine datte, comme un divin Colombeau, dans le jardin clos et fermé de la tres-sainte Vierge, jardin seellé, et environné de toutes parts des hayes du saint vœu de virginité et chasteté toute immaculée, lequel appartenoit au glorieux saint Joseph comme la femme ou l'espouse à l'espoux, qui doutera, dis-je, ou qui pourra dire que ce divin palmier qui porte des fruicts qui nourrissent à l'immortalité, n'appartienne quant et quant à ce grand saint Joseph, lequel pourtant ne s'en esleve point davantage, n'en devient point plus superbe, ains en devient tousjours plus humble?.

  A006000601 

 O Dieu, qu'il faisoit bon voir la reverence et le respect avec lequel il traittoit tant avec la Mere qu'avec le Fils! S'il avoit bien voulu quitter la Mere, ne sçachant encor tout à fait la grandeur de sa dignité, en quelle admiration et profond aneantissement estoit-il par apres, quand il se voyoit estre tant honnoré que Nostre Seigneur et Nostre Dame se rendissent obeissans à ses volontés et ne fissent rien que par son commandement! Cecy est une chose qui ne se peut comprendre; c'est pourquoy il nous faut passer à la troisiesme proprieté que je remarque estre en la palme, qui est [364] la vaillance, constance et force, vertus qui se sont trouvées en un degré fort eminent en nostre Saint..

  A006000602 

 La palme monstre sa force et sa constance en ce que, plus elle est chargée, et plus elle monte en haut et devient plus haute; ce qui est tout contraire non seulement aux autres arbres mais à toutes autres choses, car plus l'on est chargé, et plus l'on s'abaisse contre terre.

  A006000603 

 La force, c'est ce qui fait que l'homme resiste puissamment aux attaques de ses ennemis; mais la vaillance est une vertu qui fait que l'on ne se tient pas seulement prest pour combattre ni pour resister quand l'occasion s'en presente, mais que l'on attaque l'ennemy à l'heure mesme qu'il ne dit mot.

  A006000603 

 Nous appelions un homme constant, lequel se tient ferme et preparé à souffrir les assauts de ses ennemis, sans s'estonner ni perdre courage durant le combat; mais la perseverance regarde principalement un certain ennuy interieur qui nous arrive en la longueur de nos peines, qui est un ennemy aussi puissant que l'on en puisse rencontrer.

  A006000604 

 Le diable est tellement ennemy de l'humilité, parce que, manque de l'avoir, il fut dechassé du Ciel et precipité aux enfers (comme si l'humilité pouvoit mais dequoy il ne l'a pas voulu choisir pour compagne inseparable), qu'il n'y a invention ni artifice duquel il ne se serve pour faire decheoir l'homme de ceste vertu, et d'autant plus qu'il sçait que c'est une vertu qui le rend infiniment agreable à Dieu; si que nous pouvons bien dire: Vaillant et fort est l'homme qui, comme saint Joseph, persevere en icelle, parce qu'il demeure tout ensemble vainqueur du diable et du monde, qui est rempli d'ambition, de vanité et d'orgueil..

  A006000604 

 Pour ce qui est de sa constance, combien je vous prie, la fit-il paroistre lors que voyant Nostre Dame enceinte, et ne sçachant point comment cela se pouvoit faire, mon Dieu, quelle detresse, quel ennuy, quelle peine d'esprit n'avoit-il pas? Neantmoins il ne se plaint point, il n'en est point plus rude ni plus mal gratieux envers son Espouse, il ne la maltraitte point pour cela, demeurant aussi doux et aussi respectueux en son endroit qu'il souloit estre.

  A006000605 

 Quant à la perseverance, contraire à cest ennemy interieur qui est l'ennuy qui nous survient en la continuation des choses abjectes, humiliantes, penibles, des mauvaises fortunes, s il faut ainsi dire, ou bien és divers accidens qui nous arrivent, ô combien ce Saint fut [366] esprouvé de Dieu et des hommes mesmes en son voyage! L'Ange luy commande de partir promptement et de mener Nostre Dame et son Fils tres-cher en Egypte, le voila que soudain il part sans dire mot; il ne s'enquiert pas: Où iray-je? quel chemin tiendray-je? de quoy nous nourrirons-nous? qui nous y recevra? Il part d'aventure avec ses outils sur son dos, à fin de gaigner sa pauvre vie et celle de sa famille à la sueur de son visage.

  A006000606 

 Il y demeura l'espace de cinq ans, comme la pluspart croyent, sans qu'il s'informast de son retour, s'asseurant que Celuy qui avoit commandé qu'il y allast, luy commanderoit derechef quand il s'en faudrait retourner, à quoy il estoit tousjours prest d'obeir.

  A006000607 

 Dieu veut qu'il soit tousjours pauvre, qui est une des plus puissantes espreuves qu'il nous puisse faire, et il s'y sousmet amoureusement, et non pas pour un temps, car ce fut toute sa vie.

  A006000608 

 La pauvreté volontaire dont les Religieux font profession est fort aymable, d'autant qu'elle n'empesche pas qu'ils ne reçoivent et prennent les choses qui leur sont necessaires, defendant et les privant seulement des superfluités; mais la pauvreté de saint Joseph, de Nostre Seigneur et de Nostre Dame n'estoit pas telle, car encor qu'elle fust volontaire, d'autant qu'ils l'aymoyent cherement, elle ne laissoit pas pourtant d'estre abjecte, rejettée, mesprisée et necessiteuse grandement; car [368] chacun tenoit ce grand Saint comme un pauvre charpentier, lequel sans doute ne pouvoit pas tant faire, qu'il ne leur manquast plusieurs choses necessaires, bien qu'il se peinast avec une affection nompareille pour l'entretien de toute sa petite famille.

  A006000609 

 Et s'il est vray, ce que nous devons croire, qu'en vertu du tres-saint Sacrement que nous recevons, nos corps ressusciteront au jour du jugement, comment pourrions-nous douter que Nostre Seigneur ne fist monter quant et luy au Ciel, en corps et en ame, le glorieux saint Joseph qui avoit eu l'honneur et la grace de le porter si souvent entre ses benits bras, bras auxquels Nostre Seigneur se plaisoit tant? O combien de baisers luy donnoit-il fort tendrement de sa benite bouche pour recompenser en quelque façon son travail!.

  A006000609 

 Que nous reste-t'il plus à dire maintenant, sinon que nous ne devons nullement douter que ce glorieux Saint n'ayt beaucoup de credit dans le Ciel aupres de Celuy qui l'a tant favorisé que de l'y eslever en corps et en ame; ce qui est d'autant plus probable que nous n'en avons nulle relique ça bas en terre, et il me semble que nul ne peut douter de ceste verité; car, comme eust peu refuser ceste grace à saint Joseph Celuy qui luy avoit esté si obeissant tout le temps de sa vie? Sans doute que Nostre Seigneur descendant au Limbe, fut arraisonné par saint Joseph en ceste sorte: Mon Seigneur, ressouvenez-vous, s'il vous plaist, que quand vous vinstes du Ciel en terre je vous receus en ma maison, en ma famille, et que dés que vous fustes né je [369] vous receus entre mes bras.

  A006000610 

 Il nous obtiendra, si nous avons confiance en luy, un saint accroissement en toutes sortes de vertus, mais specialement en celles que nous avons trouvé qu'il avoit en plus haut degré que toutes autres, qui sont la tres-sainte pureté de corps et d'esprit, la tres-aymable vertu d'humilité, la constance, vaillance et perseverance; vertus qui nous rendront victorieux en ceste vie de nos ennemis, et qui nous feront meriter la grace d'aller jouïr en la vie eternelle des recompenses qui sont preparées à ceux qui imiteront l'exemple que saint Joseph leur a donné estant en ceste vie; recompense qui ne sera rien moindre que la felicité eternelle, en laquelle nous jouirons de la claire vision du Pere, du Fils et du Saint Esprit.

  A006000614 

 Certes, mes cheres filles, plusieurs filles entrent en Religion, qui ne sçavent pas pourquoy.

  A006000614 

 La question que nostre Mere me fait, de vous declarer, mes cheres filles, la pretention que l'on doit avoir pour entrer en Religion, est bien la plus importante, la plus necessaire et la plus utile qui se puisse faire.

  A006000614 

 Nostre Seigneur promet à ceux qui quittent le monde pour son service plusieurs consolations; allons donc en Religion..

  A006000614 

 Une autre dira: Mon Dieu, que l'on chante bien là dedans! Les autres y viennent pour y rencontrer la paix, les consolations et toutes sortes de douceurs, disant en leur pensée: Mon Dieu, que les Religieuses [371] sont heureuses! elles sont hors du bruit de pere, de mere, qui ne font autre chose que crier; on ne sçauroit rien faire qui les contente, c'est tousjours à recommencer.

  A006000615 

 Il faut, par necessité, que ce soit Dieu qui bastisse la cité, ou autrement, bien qu'elle fust bastie, il la faudroit ruiner.

  A006000615 

 Il me vient en l'esprit deux similitudes pour vous donner à entendre sur quoy et comment vostre pretention doit estre fondée pour estre solide; mais je me contenteray d'en expliquer une qui suffira.

  A006000615 

 Posez le cas qu'un architecte veuille bastir une maison; il fait deux choses: premierement, il considere si son bastiment doit servir pour quelque particulier, pour un prince, ou bien pour un roy, à cause qu'il faut qu'il y procede de differente maniere; puis il calcule à loisir si ses moyens sont bastans pour cela, car qui se voudroit mesler de bastir une haute tour, et qu'il n'eust pas de quoy fournir son bastiment, on se mocqueroit de luy, d'avoir commencé une chose de laquelle il ne pourrait sortir à son honneur; puis il faut qu'il se resolve de ruiner le vieil bastiment qui est en la place où il en veut edifier un nouveau..

  A006000615 

 Voicy, mes cheres filles, trois sortes de pretentions qui ne valent rien pour entrer en la maison de Dieu.

  A006000616 

 Je dis donc, mes cheres filles, que nostre unique pretention doit estre de nous unir à Dieu comme Jesus Christ s'est uni à Dieu son Pere, qui a esté en mourant sur la croix; car je n'entens point vous parler de ceste union generale qui se fait par le Baptesme, où les Chrestiens s'unissent à Dieu en prenant ce divin Sacrement et caractere du Christianisme, et s'obligent à garder ses commandemens, ceux de la sainte Eglise, s'exercer aux bonnes œuvres, pratiquer les vertus de la foy, esperance et charité; et partant leur union est valable, et peuvent justement pretendre au Paradis, S'unissant par ce moyen à Dieu comme à leur Dieu, ils ne sont point obligés à davantage; ils ont atteint leur but par la voye generale et spacieuse des commandemens.

  A006000616 

 Nous voulons faire un grand bastiment, mes cheres filles, qui est d'edifier chez nous la demeure de Dieu.

  A006000617 

 C'est pourquoy vous voyez que la Religion vous fournit de moyens tous propres à cest effet, qui sont l'oraison, les lectures, silence, retraitte du propre cœur pour se reposer en Dieu seul, elancemens continuels à Nostre Seigneur.

  A006000617 

 Par consequent, vous qui pretendez à l'habit, et vous autres qui pretendez la sainte Profession, regardez bien plus d'une fois si vous avez assez de resolution pour mourir à vous-mesmes et ne vivre qu'à Dieu.

  A006000617 

 Pesez bien le tout; le temps est encore long pour y penser, avant que vos voiles soyent teints en noir; car je vous declare, mes cheres filles, et je ne vous veux point flatter, quiconque desire vivre selon la nature, qu'il demeure au monde; et ceux qui sont determinés de vivre selon la grace, viennent en la Religion, laquelle n'est autre chose qu'une escole de l'abnegation et mortification de soy-mesme: c'est pourquoy vous voyez qu'elle vous fournit de plusieurs outils de mortification, tant interieurs qu'exterieurs..

  A006000618 

 N'estoit-ce pas estre bien humble de parler si doucement à ses compagnes des choses de devotion, raconter les sermons estant chez soy, traiter doucement avec ceux du logis, sur tout quand ils ne contredisoyent point? Certes, mes cheres filles, cela estoit bon pour le monde; mais la Religion veut que l'on fasse des œuvres dignes de sa vocation, c'est à dire, mourir à soy-mesme en toutes choses, tant à ce qui est bon à nostre gré [374] qu'aux choses mauvaises et mutiles.

  A006000618 

 Pensez-vous que ces bons Religieux du desert qui sont parvenus à une si grande union avec Dieu, y soyent arrivés en suivant leurs inclinations? Certes nenny; ils se sont mortifiés es choses les plus saintes, et bien qu'ils eussent grand goust à chanter les divins cantiques, à lire, prier et autres choses, ils ne le faisoyent point pour se contenter eux-mesmes.

  A006000620 

 C'est une mauvaise nouvelle pour une fille qui est bien devote.

  A006000620 

 Elle nous donne des Regles pour servir à nos cœurs de pressoirs, et en faire sortir tout ce qui est contraire à Dieu: vivez donc courageusement selon icelles..

  A006000620 

 Je vous asseure de la part de Dieu, que si vous estes fidelles à faire ce qu'elles vous enseignent, vous parviendrez sans doute au but que vous devez pretendre, qui est de vous unir à Dieu.

  A006000620 

 Quand vostre Regle vous dit « que l'on demande les livres à l'heure assignée, » pensez-vous que ce soit pour l'ordinaire ceux qui vous contentent le plus que l'on vous donne? Nullement, ce n'est pas là l'intention de la Regle; et ainsi des autres exercices.

  A006000621 

 Certes, ma chere fille, facilement je vous croy; c'est chose qui ne s'apporte point du monde à la Religion.

  A006000622 

 Voyez-vous pas tous les jours les personnes qui apprennent à tirer des armes? ils tombent souvent; de mesme en font ceux qui apprennent à monter à cheval: mais ils ne se tiennent pas pourtant vaincus, car autre chose est d'estre quelquefois abbatus, et autre chose absolument vaincus.

  A006000624 

 A ce propos, il me vient en pensée de vous raconter une histoire qui vous est propre.

  A006000624 

 Ces deux jeunes ames que voicy, dont l'une passe un peu seize ans, l'autre n'en a que quinze, elles ont peu à tuer; aussi leur [379] esprit n'est pas quasi né: mais ces grandes ames qui ont experimenté plusieurs choses et ont gousté les douceurs du Paradis, c'est à elles à qui appartient de bien tuer et aneantir leurs passions..

  A006000624 

 De mesme, mes cheres filles, prenez l'espée de la, mortification en main pour tuer et aneantir vos passions; et celle qui en aura le plus à tuer sera la plus vaillante, si elle veut cooperer à la grace.

  A006000624 

 Espris d'une juste colere du zele de la gloire de Dieu, il dit en se tournant vers les Levites: S'il y a quelqu'un qui tienne le parti de Dieu, qu'il prenne l'espée en main pour tuer tout ce qui se presentera à luy, sans espargner ni pere, ni mere, ni frere, ni sœur; qu'il mette tout à mort.

  A006000624 

 Les Levites donc prirent l'espée en main, et le plus brave c'estoit celuy qui en tua le plus.

  A006000624 

 Lors que Moyse descendit de la montagne d'où il venoit de parler à Dieu, il vid le peuple qui ayant fait un veau d'or, l'adoroit.

  A006000625 

 Cela est du devoir des nautonniers, qui voyant tousjours la belle estoille, ceste boussole du navire, sçavent qu'ils sont en bonne voye et disent aux autres qui sont en la barque: Courage, vous estes en bon chemin..

  A006000625 

 Pour celles que vous dites, ma Mere, qui ont de si grands desirs de leur perfection qu'elles veulent passer toutes les autres en vertu, elles font bien de consoler un peu leur amour propre; mais elles feront prou de suivre la Communauté en bien gardant leurs Regles, car c'est la droite voye pour arriver à Dieu.

  A006000625 

 Vous ressemblez à ceux qui cheminent sur mer; la barque les porte, et ils demeurent là dedans sans soin; en se reposant ils marchent, et n'ont que faire de s'enquerir s'ils sont bien en leur chemin.

  A006000626 

 Mais remarquez [380] que je vous dis: Marchez par l'observance ponctuelle et fidelle, car qui mesprisera sa voye sera tué, dit Salomon..

  A006000626 

 Suivez sans crainte ceste boussole divine, c'est Nostre Seigneur; la barque ce sont vos Regles; ceux qui la conduisent sont les Superieures, qui pour l'ordinaire vous disent: Marchez, nos Soeurs, par l'observance ponctuelle de vos Regles; vous arriverez heureusement à Dieu, il vous conduira seurement.

  A006000627 

 Il n'appartient pas à nous autres, qui sommes inferieurs, de juger de nos attraits particuliers; cela est du devoir des Superieurs, et pour cela la direction particuliere est ordonnée.

  A006000627 

 Si vous faites ce qui vous est enseigné, mes cheres filles, vous serez tres-heureuses, vous vivrez contentes et experimenterez dés ce monde les faveurs du Paradis, au moins par petits eschantillons.

  A006000632 

 Ma Mere, je parlois un jour à une excellente Religieuse qui me demandoit si ayant desir de communier plus souvent que la Communauté on le peut demander à la Superieure.

  A006000634 

 O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien demander ni rien desirer, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander; et demandant l'amour de Dieu, nous les y comprenons, car il les contient toutes.

  A006000635 

 Que sçavez-vous si ayant desiré les charges basses, vous aurez la force d'agreer les abjections qui s'y rencontrent? il vous y pourra venir beaucoup de desgousts et d'amertumes.

  A006000636 

 Ceste bonne femme, estant dans le lict avec une grosse fievre, pratiqua plusieurs vertus; mais celle que j'admire le plus est ceste grande remise qu'elle fit d'elle-mesme à la providence de Dieu et au soin de ses superieurs, demeurant en sa fievre, tranquille, paisible et sans aucune inquietude, ni sans en donner à ceux qui estoyent aupres d'elle.

  A006000636 

 Chacun sçait toutesfois, combien les febricitans en sont travaillés; ce qui les empesche de reposer et leur donne mille autres ennuis.

  A006000636 

 Heureux seront les Religieux et Religieuses qui feront ceste grande et absolue remise entre les mains de leurs Superieurs, lesquels, par le motif de la charité, les serviront et pourvoiront soigneusement à tous leurs besoins et necessités, car la charité est plus forte et presse de plus pres que la nature..

  A006000636 

 O Dieu, qu'elle estoit heureuse, ceste bonne femme! Certes, elle meritoit bien que l'on prinst soin d'elle, comme firent aussi les Apostres qui pourveurent à sa guerison sans en estre sollicités par elle, ains par la charité et commiseration de ce qu'elle souffroit.

  A006000637 

 Elle voit Nostre Seigneur dans sa maison, comme souverain Medecin, mais elle ne le regarde pas comme tel, si peu elle pensoit à sa guerison; ains elle le consideroit comme son Dieu, à qui elle appartenoit tant saine que malade, estant aussi contente malade que possedant une pleine santé.

  A006000637 

 Je veux pas dire pourtant qu'on ne la puisse bien demander à Nostre Seigneur, comme à Celuy qui nous Peut donner, avec ceste condition, si telle est sa volonté; car nous devons tousjours dire: Fiat voluntas tua..

  A006000637 

 Mais ce qui est encore plus admirable, c'est qu'elle le voit dans sa maison, où il la regarde et elle le regarde aussi; et si, elle ne luy dit pas un seul mot de son mal pour l'exciter à avoir pitié d'elle, ni ne s'empresse à le toucher pour estre guerie.

  A006000637 

 Nostre febricitante ne fait aucun cas de sa maladie, elle ne s'attendrit point à la raconter, elle la souffre sans se soucier que l'on la plaigne ni que l'on procure sa guerison; elle se contente que Dieu la sçache, et ses Superieurs qui la gouvernent.

  A006000638 

 Au reste, elle n'est pas comme ces personnes du monde qui ayant une maladie de quelques jours, il leur faut les semaines et les mois pour les refaire..

  A006000639 

 Chose estrange! il n'ignoroit pas que c'estoit un breuvage qui augmentoit sa peine; neantmoins il le prit tout simplement, sans rendre tesmoignage que cela le faschoit ou [387] qu'il ne l'eust pas trouvé bon; pour nous apprendre avec quelle sousmission nous devons prendre les remedes et viandes présentées, quand nous sommes malades, sans rendre tant de tesmoignages que nous en sommes dégoustés et ennuyés, voire mesme quand nous serions en doute que cela accroistroit nostre mal.

  A006000639 

 Nostre mal, quel qu'il soit, est incomparable, et celuy que les autres souffrent n'est rien au prix; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A006000640 

 Dites-vous ce que je desire qui vous demeure le plus engravé dans l'esprit, à fin de le mettre en pratique? Hé! que vous diray-je, mes tres-cheres filles, sinon ces deux cheres paroles que je vous ay desja tant recommandées: Ne desirez rien, ne refusez rien? En ces deux [388] mots je dis tout, car ce document comprend la pratique de la parfaite indifference.

  A006000667 

 Nous vous mandons, et par ces presentes, signees de nostre main, enjoignons que vous ayez à faire saisir et arrester tous les Exemplaires dudit livre, en quelque part qu'ils seront trouvez, et que vous contraigniez et fassiez contraindre tous ceux qui s'en trouveront saisis, de les vous delivrer, par toutes voyes dettes et raisonnables, pour estre lesdits Exemplaires supprimez, faisant faire, comme nous faisons par ces dictes presentes, tres-expresses deffences à tous Libraires et Imprimeurs, de reimprimer ledict livre, nonobstant ledict Privilege. et permission, que nous avons revoqué, revoquons, et à peine de confiscation des exemplaires, de cinq cens livres d'amande et autre plus grande peine s'il y eschet; nonobstant oppositions, ou Appellations quelconques, pour lesquelles ne sera differé, et dont si aucunes interviennent, Nous avons reservé et reservons la cognoissance, à Nous et à nostre Conseil, et icelle interditte à tous autres Juges.

  A006000667 

 Sur ce qui nous a esté remonstré: Que depuis quelque temps, il a esté mis en lumiere un livre intitulé, Entretiens et Colloques spirituels, de defunct FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, Fondateur des Religieuses de la Visitation Saincte Marie; imprimé avec Privilege obtenu de Nous, comme ayant ledit livre esté tiré au vray de l'Original de l'Autheur.

  A006000681 

 A ces causes, apres qu'il nous est apparu, par l'acte d'Approbation des Docteurs en Theologie, cy attaché soubs le contre-seel de nostre Chancellerie, qu'il n'y a rien audict Livre de contraire à la Religion Catholique, Apostolique et Romaine; Avons au susdict Exposant permis et octroyé, permettons et octroyons par ces presentes de faire imprimer en nostre Royaume ledict Livre, sans qu'aucuns autres Imprimeurs que celuy qui sera par luy nommé, puissent imprimer, vendre, ny distribuer ledict Livre, durant le temps de six ans; Faisant pareillement defence à tous Imprimeurs, d'imprimer à l'advenir aucunes des Œuvres dudict feu sieur Evesque, cy devant imprimées, et à imprimer, sans l'expies consentement dudict Exposant, sur peine d'amende arbitraire, confiscations desdicts Livres, et de tous despens, dommages, et interests.

  A006000698 

 Nous Michel Favre, Official deputé en l'Evesché de Geneve, certifions à tous qu'il appartiendra, que maistre Claude Decrouz, Notaire, bourgeois d'Annessy, qui a receu et stipulé l'acte de transport, et remission de Privilege sus escrit, est Notaire Ducal en Genevois, et qu'aux Actes, et Contrats par luy receus, et stipulez, foy y est adjoustée en jugement, et dehors, vivant ledit Notaire en bonne fame, vie, et reputation, ainsi que tout notoire.

  A006000730 

 Et qu'y ferois-je, ma fille? pas si bien que vous sans doute, car je ne [397] vaux rien; mais il me semble qu'avec la grace de Dieu, je me tiendrois si attentif à la pratique des petites et menues observances qui sont introduites ceans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Dieu.

  A006000730 

 Je porterais laveüe bien basse et marcherais fort modestement; car, ma chere fille, Dieu et ses Anges nous regardent tousjours et ayment extremement ceux qui font bien..

  A006000731 

 O ma chere fille Simplicienne, il le faut bien faire le mieux que nous pourrons: [398] n'est-il pas vray que nous nous sommes faites Religieuses pour cela nous deux? Je suis certes bien aise qu'il y ayt une Sœur ceans qui veuille tenir ma place et estre Religieuse pour moy, mais j'ayme bien que ce soit ma Sœur Claude Simplicienne, car je l'ayme bien ma Sœur Claude Simplicienne..

  A006000732 

 Or sus, faisons donc le mieux que nous pourrons; rien ne nous doit empescher de bien faire tout ce qui est marqué dans nos Constitutions, car nous le pouvons avec la grace de Nostre Seigneur.

  A006000733 

 Et qu'avons-nous [399] en ce monde autre chose à faire que cela? Rien du tout, nous sçavons tout ce qui est requis que nous sçachions pour cela, et à ceste heure il nous faut quitter nous-mesmes.

  A006000738 

 Et que c'est que je ferois? Je n'en sçay rien: qu'en peux-je sçavoir? Je ne ferois pas si bien que vous, car je suis un poltron, je ne vaux rien moy; [397] mais il m'est advis qu'avec la grace de Dieu, je me rendrois si attentif à la pratique des vertus et menues observances qui sont introduites là dedans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Nostre Seigneur.

  A006000738 

 Ma chere fille, Dieu et ses Anges nous regardent tousjours, et ayment extremement ceux qui font bien..

  A006000739 

 Il m'est advis que si je m'estois donné une bonne fois à Nostre Seigneur en ceste sorte, comme on fait lors qu'on fait Profession, que je luy laisserais bien tout le soin de moy-mesme et de tout ce qui me regarde; je le laisserois faire de moy tout ce que l'on voudroit, au moins ce me semble.

  A006000740 

 Pour bien faire, entreprenons de bien mortifier nos humeurs et inclinations un peu bien à la bonne foy et tout de bon, car nous n'avons rien autre qui nous puisse empescher de bien faire que cela.

  A006000740 

 Rien ne nous doit empescher de bien faire tout ce qui est marqué en nos Constitutions; avec la grace de Dieu, nous le pouvons et devons faire.

  A006000741 

 A ceste heure nous n'avons rien à faire que ce qui est escrit pour nous.

  A006000748 

 C'est pourquoy il ne faut pas s'arrester là, ains passer au second degré, qui est la [400] recognoissance; car il y a difference entre cognoistre une chose et la recognoistre..

  A006000748 

 Ceste humilité icy, si elle ne passe pas plus avant, elle n'est pas grande chose, et en effect elle est fort commune; car il se trouve peu de personnes qui vivent avec tant d'aveuglement qu'ils ne cognoissent assez clairement leur vileté, pour peu de consideration qu'ils fassent; mais neantmoins, si bien ils sont contrains de se voir pour ce qu'ils sont, ils seroyent extremement marris si quelqu'autre les tenoit pour tels.

  A006000749 

 La recognoissance donques c'est de dire et publier quand il en est besoin, ce que nous cognoissons de nous; mais cela s'entend de le dire avec un vray sentiment de nostre neant, car il s'en trouve une infinité qui ne font autre chose que s'humilier en paroles.

  A006000749 

 Parlez à une femme la plus vaine du monde, à un courtisan de mesme humeur, dites-leur voir: Mon Dieu, que vous estes braves, que vous avez de merite! je ne vois rien qui approche de vostre perfection.

  A006000750 

 Le troisiesme degré est d'avouer et confesser nostre vileté et abjection quand les autres la descouvrent: car souventesfois nous disons bien nous-mesmes, voire avec sentiment, que nous sommes pervers et miserables, mais nous ne voudrions pas qu'un autre nous devançast en ceste declaration; et si l'on le fait, non seulement nous n'y prenons pas plaisir, mais de plus nous nous en piquons, qui est une vraye marque que nostre humilité n'est pas parfaite ni de la fine.

  A006000752 

 Le cinquiesme, qui est le dernier et le plus parfait de tous les degrés d'humilité, c'est non seulement d'aymer le mespris, mais de le desirer, de le rechercher et s'y complaire pour l'amour de Dieu: et ceux qui parviennent icy sont bien heureux, mais le nombre en est fort petit.

  A006000752 

 Nostre Seigneur le veuille accroistre de vingt cinq ou trente filles qui luy soyent dediées en ceste petite Congregation.

  A006000762 

 Le plus ordinaire sejour de l'ame devote doit estre au pied de la Croix de Nostre Seigneur, car l'on obtient davantage de Dieu par le chemin de l'humilité et reverence; et il ne se faut pas trop avancer par la voye de la confiance, de peur qu'il ne nous arrive comme à l'Espouse, qui pria son Amy de luy monstrer le lieu où il reposoit sur le midy.

  A006000763 

 Celuy qui assemble et fait amas de vertus sans humilité, est semblable à celuy qui porte en ses mains de la poussiere au vent..

  A006000763 

 La rose a encor une autre proprieté, c'est qu'elle tue tous les limaçons qui viennent à l'entour de son rosier, par sa suave odeur: ainsy l'ame devote, qui doit estre une rose devant Dieu, doit chasser et tuer tous les limaçons qui viennent à l'entour de son cœur, c'est à dire le rafroidissement et tiedeur qui l'empeschent de courir en la voye de Dieu.

  A006000763 

 Tout homme, dit David, qui pense estre quelque chose, est menteur, car en verité il n'est rien.

  A006000764 

 Bien-heureuse sera l'ame qui pourra dire en verité à l'heure de la mort, à l'imitation de Nostre Seigneur: Tout est consommé, j'ay fait tout ce que j'ay peu pour m'avancer au service de Dieu..

  A006000765 

 Il faut garder nos cœurs purs et nets comme un temple sacré auquel Dieu fait sa residence, et avoir tous les jours et à toutes heures la serpe à la main pour couper et retrancher les inutilités qui naissent à l'entour de nos cœurs, qui sont comme la terre qui a tousjours besoin d'estre sarclée et emondée; et faut estre resolu de plustost mourir mille fois que d'offenser Dieu à son escient.

  A006000766 

 Les ames bien-heureuses qui sont au Ciel ne se resjouïssent rien tant que de parler de la Mort et Passion de Nostre Seigneur, par laquelle elles ont acquis la gloire qu'elles possedent.

  A006000774 

 Celuy qui s'est voué au service de Dieu doit faire beaucoup d'estime de sa vocation; et qu'il se prepare pour combattre et endurer tous les rencontres et toutes les difficultés qui se presenteront en son chemin..

  A006000776 

 Il ne faut pas desirer d'arriver à la perfection tout à coup; il faut aller le chemin commun et ordinaire, qui est le plus seur..

  A006000777 

 Quand nous avons ouy la voix du Pere qui dit: Cestuy-cy est mon Fils bien-aymé, escoutez-le, il faut mettre en pratique ce qu'il nous a dit.

  A006000779 

 Il n'y a rien, dit saint Bernard, qui ayt tant d'efficace pour meriter, retenir et conserver la grace de Dieu que d'estre trouvé devant luy en tout temps humble et craintif.

  A006000779 

 Snr qui regarderay-je, dit Dieu, sinon sur celuy qui est humble et craintif?.

  A006000780 

 Les mortifications qui ne sont point apprestées à la sauce de nostre propre volonté sont les meilleures et plus excellentes, et aussi celles que l'on rencontre par les rues sans y penser et que l'on ne cherche pas, et celles qui nous sont journalieres quoy que petites..

  A006000785 

 Celuy qui se verra facile à commettre quelque peché, pour petit qu'il soit, qu'il se tienne pour miserable et aveugle, encor qu'il eust toutes les apparences de sainteté qu'il y a au monde..

  A006000786 

 Il y a des heretiques en la charité comme il y en a en la foy: ce sont ceux qui veulent bien observer quelqu'un des commandemens, mais non pas tous.

  A006000787 

 Il faut avoir continuellement et en tout temps douleur de nos pechés, parce qu'ils ont offencé Dieu qui est eternellement bon.

  A006000787 

 Il faut tousjours que les Filles de la Visitation se tiennent pour novices, recevant avec humilité d'un chacun les advis qui font arriver le plus tost à la perfection.

  A006000788 

 Qui veut correspondre fidellement aux inspirations, il faut avoir un cœur pliable et sousmis, ne demandant point de delay..

  A006000790 

 Il nous faut bien recognoistre nostre neant, mais il n'y faut pas demeurer, car nous ne nous aneantissons que pour nous unir à nostre tout qui est Dieu.

  A006000791 

 Celuy qui prie sans attention, son oraison est infructueuse.

  A006000794 

 Ceux-là sont tiedes qui vont lentement au service de Dieu et comme par coustume, disant: Allons tousjours; pourveu que nous arrivions une fois à la perfection, ce sera assez.

  A006000809 

 La premiere fois qu'il arriva il nous entretint environ une heure et demie de la tranquillité d'esprit, avec ressentiment de devotion, et nous dit plusieurs fois qu'il ne falloit jamais se mettre en peine de rien, ni perdre la paix du cœur pour chose qui nous peust arriver; que pour luy il choisiroit plustost d'estre logé au coin d'une chambre, avec repos, que d'estre dans la Cour parmi le tracas des honneurs et richesses; et pour cela il tesmoigna de desirer d'estre logé dans la chambre de Monsieur Brun, nostre confesseur.

  A006000809 

 » Et nous [407] dit avec une façon si pleine d'humilité et de douceur: « Je voy bien que vous avez envie de vous defaire de moy; mais, je vous prie, permettez que je loge là, et ne vous mettez nullement en peine que je ne sois pas bien; car en verité je couche à Neci dans une chambre qui est dix fois plus froide que celle-là.

  A006000810 

 Il faut avoir un amour solide qui ne depende point de ces tendretés; le vray amour ayme autant loin que pres, et ne s'attache pas à ce qui est d'humain; en fin la grace ne produit point tout cela.

  A006000810 

 Que les filles regardent leurs Superieures, tandis qu'elles les ont, comme tenant la place de Dieu, sans s'amuser à tant d'inclinations humaines qui ne sont rien moins que la vraye vertu.

  A006000810 

 « Je le veux bien, » dit-il, « mais il faut attendre que nostre Mere y soit.» Il s'estendit fort à parler du desnuement qu'il faut avoir en ces changemens-là: « Bien des larmes, » dit-il, « qui se jettent en ce temps-là, ne proviennent que d'amour propre, de flatterie et de la crainte que l'on a qu'on ne pense que l'on n'est pas de bon naturel et que l'on n'ayme pas assez; et tout cela ne sont que des petites dissimulations, où il y peut avoir du mensonge aussi bien qu'en nos paroles.

  A006000811 

 Il nous dit encore ensuite: « Le bonheur d'un Ordre ne depend nullement d'un chef, cela se void tous les jours par experience; et ceux qui en ont eu, et de si excellens, n'ont pas delaissé de se relascher.

  A006000811 

 Nous luy demandasmes s'il n'avoit point quelque pretention à fin que l'esprit de douceur et de simplicité qui se pratique parmi nous y fust conservé et qu'il y eust quelque liaison entre nos maisons; que plusieurs personnes avoyent pensé qu'une Generale serviroit grandement à cela.

  A006000811 

 Nous sçavons qu'il a traitté de ceste affaire avec les Reverends Peres Jesuites, qui ont esté de mesme sentiment; de quoy il tesmoigna d'estre fort ayse, disant que les affaires de Dieu se font tousjours avec difficulté.

  A006000812 

 Il me tesmoigna d'en estre fasché, et me dit: « Mon Dieu, ma fille, n'ayez point ces desirs; il y a peu de personnes qui sçachent trouver la veine de la vraye pauvreté, laquelle consiste à ne rien desirer, mais se contenter de ce peu que Dieu veut que nous ayons.

  A006000813 

 L'exclusion des malades est tout à fait contre mon esprit et sentiment: qui laissera gouverner la prudence humaine et naturelle gastera la charité.

  A006000813 

 Le soin des Superieures, leur devotion et leur esprit doit suppleer à tout ce qui n'est pas escrit.

  A006000814 

 Il nous dit que non, et qu'il aymoit mieux que la maison fust incommodée et eust besoin de quelque chose, que de permettre aux filles ces affections qui ne nourrissent que trop leur amour propre, non pas mesme pour la sacristie, quoy qu'elle fust pauvre.

  A006000815 

 Nous luy dismes si une Superieure pourroit donner à une sienne parente qui seroit à Sainte Claire, qui luy demanderait l'aumosne.

  A006000817 

 » Mais si l'on n'est pas asseuré si ceux à qui on la fait sont de vrays pauvres? « Il est tousjours bon toutesfois de donner l'aumosne.

  A006000820 

 La pauvreté et la simplicité vous sont grandement recommandées; neantmoins, vous dites qu'il y a des Sœurs qui sur ce que je dis aux Constitutions, que la Congregation a un interest nompareil que la charge de la Sacristie soit passionement bien exercée, entendent qu'il faille avoir des grandes sollicitudes à fin que rien n'y manque et qu'il y ayt quantité de belles besognes.

  A006000820 

 O Dieu, est-il possible qu'on prenne si mal les choses, et qu'on suive si fort ses inclinations! N'ont-elles point remarqué en tant d'endroits des Constitutions, la tranquillité qui leur est tant recom mandée, laquelle ne se doit jamais perdre pour chose que ce soit? J'ay remarqué ces affections à nos Sœurs d'Annessy: quand elles ont des charges, elles ne voudroyent pas que rien leur manquast, et quand elles ne les ont plus, elles ne s'en soucient pas.

  A006000821 

 Dieu ayde aux ames qui vont en simplicité et confiance.

  A006000821 

 «Il y a peu de Superieures qui se meslent des affaires temporelles.

  A006000821 

 » Il dit encor qu'il luy faschoit grandement quand on faisoit election d'une Superieure qui n'avoit pas la vertu et capacité requise pour sa charge.

  A006000821 

 » Il nous dit qu'il « seroit tousjours mieux de faire election d'une fille qui seroit d'une grande vertu, quoy qu'elle fust jeune.

  A006000822 

 Parlant des Superieures qui demeurent trop long temps au parloir, il dit: « Je ne l'approuve nullement; mais que faire à cela? ».

  A006000824 

 Il respondit: « Nos paroles ne font pas des miracles; il faut s'adonner à la pratique que les Constitutions nous enseignent: elles disent prou comme il faut faire, mais les filles ont tant de petites volontés, qu'elles ayment mieux suivre qu'obeir! Et que faire là? Il faut laisser pleurer les filles et tesmoigner les affections qu'elles ont, car elles penseroyent qu'on croiroit qu'elles n'ont point d'amour, si elles ne tesmoignoyent tout cela, qui n'est que foiblesse de filles..

  A006000828 

 Il ne se faut pas mettre en peine de cela, car nous n'avons pas une perfection qui soit exempte d'amour propre qui ne nous fasse faire au moins quelque faute par cy par là; il ne s'en faut nullement estonner.

  A006000829 

 « Il ne faut pas avoir un sentiment qui nous fasse jetter des larmes, mais un desplaisir d'avoir offencé Dieu.

  A006000830 

 De se rire un peu d'une Sœur, de dire quelque parole qui la mortifie un peu, [il n'y a point de mal,] pourveu que cela ne l'attriste pas, car il ne le faudrait pas faire; mais si cela arrivoit, il ne s'en faut pas confesser, quand on l'aurait fait par simple recreation.

  A006000830 

 Les propos saintement joyeux sont quand il n'y a point de mal en ce que l'on dit, et qui ne regarde point l'imperfection d'autruy, car cela il ne le faut pas faire, ni parler du monde et de choses messeantes.

  A006000830 

 Pour les paroles inutiles, à la recreation il ne s'en dit pas; tout ce qui se dit par recreation n'est pas inutile.

  A006000831 

 [414] Et quant à ce que vous me demandez s'il faut laisser de dire ses peines ou quelque chose qui feroit voir du bien en nous, crainte que vous avez de ne le pas sçavoir dire, et que vous donnez plustost suget de vous faire estimer que de vous accuser: ô ma fille, il se faut tousjours descouvrir naïfvement et simplement, tant du bien du mal, pourveu que vous n'ayez pas intention de vous faire estimer.

  A006000834 

 Et ne dites jamais que vous ne pouvez pas faire quelque chose, car nous pouvons tousjours quand nous voulons: ce seroit dire que Nostre Seigneur eust mis quelque impossibilité, ce qui n'est pas.

  A006000834 

 Nous pouvons tout en sa grace qui ne nous manque jamais..

  A006000837 

 Ce n'est rien du sentiment qui nous vient d'estre accusée, pourveu que nostre volonté soit ferme à aymer son abjection.

  A006000838 

 Il y a des defauts pour lesquels on s'en doit priver quelquefois, comme une action ou parole d'impatience ou soudaineté, qui auroit mal edifié le prochain..

  A006000839 

 La fidelité de l'ame envers Dieu consiste à estre parfaitement resignée à sa sainte volonté, à endurer patiemment tout ce que sa [416] Bonté permet nous arriver, faire tous nos exercices en l'amour et pour l'amour, et sur tout l'oraison, en laquelle il se faut entretenir avec Nostre Seigneur fort familierement de nos petites necessités, les luy representer et luy demeurer sousmise en tout ce qui luy plaira faire de nous; estre bien obeissante, faire tout ce que l'on nous commande, de bon cœur, encor que nous y sentions de la repugnance; estre fidelle à partir si tost que la cloche nous appelle, et rejetter les distractions qui nous arrivent en l'oraison et à l'Office; conserver une grande pureté de cœur, car c'est là où Dieu habite, et non pas dans les cœurs pleins de vanité et de presomption d'eux-mesmes, au contraire il les chastie et punit rigoureusement.

  A006000840 

 Quand nous regardons à escient les imperfections des autres, ô Dieu, ma chere fille, cela est bien mal, il ne le faut pas faire; mais quand quelquefois nous les voyons, il s'en faut destourner, et penser tout doucement au Paradis et aux perfections de Dieu et de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saints et Saintes et des Anges, et quelquefois nous regarder nous-mesme, nostre indignité et nostre bassesse; et quand ces pensées nous viennent, nous nous devons humilier et aneantir jusques au centre de la terre, voyant que nous ne sommes que des petits vermisseaux, et nous voulons esplucher les actions des autres qui sont les espouses de Nostre Seigneur! Nous devons bien faire voir à nostre cœur sa foiblesse, nous faisant à nous-mesme une petite reprimande à fin d'estre sur nos gardes à l'advenir.

  A006000845 

 Ne vous estonnez point des tentations; tenez-vous comme un vray neant; vuidez vostre cœur de toutes les affections mondaines et y gravez Nostre Seigneur crucifié; rendez-luy grace de vostre vocation et resolvez-vous d'obeir, car possible ne commanderez-vous jamais; et ne faites pas comme plusieurs qui disent: Je ne voudrois pas estre Superieure, mais tenez-vous tousjours en la sainte indifference: ni rien desirer, ni rien refuser..

  A006000848 

 Bon courage; d'une petite fille foible, faites en une toute genereuse qui surmonte toute difficulté..

  A006000848 

 O ma chere fille, gardez-vous de ces reflexions, car il est impossible que l'Esprit de Dieu demeure en un esprit qui veut sçavoir tout ce qui se passe en luy.

  A006000854 

 Quant au bon et vray gouvernement, il ne depend point des talens naturels, mais de la grace surnaturelle, laquelle donne beaucoup plus parfaitement l'experience qui est necessaire, que ne fait toute la sagesse et prudence humaine, quoy qu'avec moins d'esclat, en quoy consiste son excellence..

  A006000855 

 Les Constitutions vous enseignent ce que vous devez faire: demandez tout simplement, sans scrupule, ce qui vous est necessaire..

  A006000857 

 Vous vous pouvez bien destourner du sentiment de la delectation qui vous vient en prenant les choses qui vous sont necessaires; comme qui passeroit par une rue et rencontreroit beaucoup de boüe, il ne feroit rien autre que prendre un autre chemin: et ainsi devons-nous faire, sans y penser davantage..

  A006000858 

 Escoutez-les doucement sans les interrompre, car ce n'est pas mon intention, sinon à des personnes qui apportent beaucoup de nouvelles du monde, desquelles vous ne vous devez pas enquerir.

  A006000858 

 Il est vray qu'il est bon de couper court à toute sorte de devis, si ce n'est en ceux qui regardent le bien spirituel; si est-ce qu'il ne faut pas interrompre le pere ni la mere quand ils commencent un discours, mais lors qu'ils l'ont parachevé, il leur faut parler de choses bonnes pour leur consolation, sans toutesfois faire la suffisante.

  A006000859 

 Ainsi devez-vous faire en toutes vos actions et œuvres, à fin d'imiter Nostre Seigneur qui s'est humilié jusques à la mort de la croix..

  A006000859 

 L'humilité est une vertu si excellente qu'il faut estre bien saint pour l'avoir parfaitement; c'est elle qui amene toutes les autres.

  A006000860 

 Nous devons estre bien ayses d'avoir quelques choses qui peuvent servir aux autres, comme de prester les besognes de la sacristie.

  A006000861 

 Il est vray que la charité donne le prix à nos œuvres, et n'y a que Dieu qui la puisse donner; attendez-la plus de luy que de vous-mesme.

  A006000864 

 Il importe peu que la parole de Dieu soit dite d'un style haut ou bas; ce n'est qu'une recherche humaine, qui ne veut en tout que l'excellence..

  A006000865 

 Il faut s'abandonner entre les bras de Dieu, et le servir à la façon qui luy plaira.

  A006000866 

 Il importe grandement de nourrir les filles aux verités et clartés de la foy; encore qu'elles ayent de la peine, il ne faut pas laisser de les eslever à cela, et ne leur pas permettre de s'amuser à ces tendretés et sentimens qui ne sont rien moins que la vraye vertu.

  A006000868 

 Soyez bien ayse de celles qui se presentent à vous, recevez-les de bon cœur, avec amour; recevez, aymez et embrassez l'aneantissement et abjection; que vos affections soyent en Jesus Christ crucifié.

  A006000868 

 Voyez Nostre Seigneur qui s'est tant humilié, jusques à la mort, et tous les Saints qui ont recherché avec tant d'affection les occasions de pratiquer ceste vertu.

  A006000871 

 Il se trouve peu de filles qui ne soyent opiniastres; quand on fait rencontre d'une qui ne l'est pas, il la faut tenir bien chere.

  A006000872 

 Non, ma fille, il ne faut point s'amuser à des petits desirs qui tiendroyent vostre cœur trop bas et l'empescheroyent de s'appliquer aux solides vertus.

  A006000876 

 Pour ce qui est de l'honneur qu'il vous semble que je porte à un chacun, la civilité nous apprend cela, et puis j'y suis porté naturellement; je n'ay jamais sceu faire comme plusieurs personnes font, auxquelles il semble, quand elles sont eslevées en [422] quelque dignité, qu'elles se doivent faire honnorer de tout le monde; et quand elles escrivent elles ne veulent mettre, sinon aux personnes de grand respect, « tres-humble » et « bien humble.

  A006000876 

 » Et moy je le mets à tout le monde, sinon que j'escrive à Pierre ou à François mes laquais, qui penseroyent que je me mocquerois d'eux, si je leur mettois « tres-humble serviteur.

  A006000882 

 Il nous dit que ce qu'il avoit mis dans les Constitutions cela n'estoit pour autre cause que pour celles qui n'ont pas la confiance de le dire à elle-mesme, mais que les plus confidentes sont les meilleures..

  A006000883 

 « Ouy, ma fille, vous pouvez recevoir les filles qui ne sont pas lrgitimrs, et encore celles desquelles les parens ont esté executés pour quelque grand mal, car les filles n'en peuvent mais.

  A006000884 

 Je vous raconteray ce qui m'arriva une fois avec un bon Religieux, lequel desiroit fort de faire des penitences et mortifications au dessus de la Communauté; je luy parlay tout au long du bonheur de la suivre en tout, et le priay de se mettre en la pratique, ce qu'il fit; et à quelque temps de là, il me vint trouver et me remercia de grande affection, et me dit que j'estois causede son bien.

  A006000884 

 O que celles qui ont une grande affection de suivre en tout et par tout la Communauté sont heureuses! Dieu leur a fait une grande grace.

  A006000885 

 Luy parlant qu'il y a quelques fois des filles naturellement sobres et qui pour l'ordinaire ne mangent que le tiers de leurs portions, s'il falloit leur dire resolument de manger davantage, il nous respondit qu'il seroit mieux de souffrir quelque temps un peu de peine à s'accoustumer, parce qu'il le falloit ainsi à cause qu'il leur pourroit nuire avec le temps.

  A006000885 

 Saint Bernard dit qu'il y a peu de personnes qui se rencontrent semblables à la conduite, mais pourtant, que celle de la douceur et suavité est la plus utile; qu'on avoit beau faire et regarder de quel costé que l'on voudrait, il faut tousjours venir là..

  A006000886 

 Mais je suis tout à fait d'advis qu'on n'ouvre point la porte au changement de monastere aux filles qui le desireront, ains seulement pour celles qui sans le desirer seront pour quelqu'autre raison legitime envoyées par les Superieurs; car autrement [424] le moindre desplaisir qui arriveroit à une fille seroit capable de l'inquieter et luy faire prendre le change, et au lieu de se changer, elle penserait d'avoir suffisamment remedié à son mal que d'avoir changé de monastere.

  A006000887 

 Et si on persevere à faire la charité à celles qui ont ces imperfections corporelles, Dieu en fera venir contre la prudence humaine, une quantité de belles et agreables, mesme aux yeux du monde.

  A006000896 

 Il est escrit que saint Antoine passa toute l'année de son novitiat à considerer les vertus de ses Freres et, comme une soigneuse abeille, cueilloit sur chaque fleur d'icelles le miel qui luy estoit necessaire.

  A006000896 

 Il respondit que non, que cela n'estoit pas contraire à la simplicité et qu'il estoit bon de le faire; mais que qui voudroit regarder leurs vertus pour esplucher celles qui sont plus vertueuses que les autres, ou à fin de censurer et murmurer de leurs vertus pour y trouver à redire, ce serait là où il y aurait du mal.

  A006000897 

 Monseigneur, luy dit-on, il y a des filles qui s'amusent tant à regarder les vertus des Superieures, qu'elles sont tousjours apres à les louer et applaudir.

  A006000897 

 « Quoy, » dit-il, « fait-on cela ceans? » Ouy, Monseigneur, il y en a trois ou quatre qui font cela coustumierement.

  A006000898 

 Ce n'est pas en Religion que l'on doit chercher et desirer les charges honnorables; les mondains et ceux qui sont à la Cour ne font autre chose que de courir apres les dignités et preeminences, aussi la Cour n'est faite que pour cela; mais quand cela arrive en Religion, c'est signe que l'on n'est pas bien desnué ni mortifié..

  A006000899 

 Elles ressemblent à ceux qui ont peur des larrons: ils sortent dehors et laissent la porte ouverte, et ce pendant les larrons entrent et font ce qu'ils veulent.

  A006000899 

 Il faut bien prendre garde aussi qu'il y a des ames qui ont si grand peur que le desir des charges entre en leur esprit, qu'elles sont tousjours en apprehension et inquietude, et n'ont jamais l'esprit tranquille ni reposé; car ce pendant qu'elles s'amusent à l'apprehension, elles tiennent leur cœur ouvert, et le diable y jette par ce moyen la tentation dedans.

  A006000900 

 Il ne faut doncques pas desirer les charges honnorables, cela empesche grandement l'union de nostre ame avec Dieu qui se plaist en la bassesse et humilité.

  A006000900 

 Il vaut mieux estre en sa cellule par obeissance, faisant un petit ouvrage, ou lisant, ou faisant que sçay-je moy quoy; et si on le fait avec plus d'amour que ne fait celle qui est à la cuisine, qui a beaucoup de peine et se brusle les yeux, si elle le fait avec moins d'amour, l'autre a plus de merite: car ce n'est pas par la multiplicité de nos œuvres que nous plaisons à Dieu, mais par l'amour avec lequel nous les faisons..

  A006000900 

 Que sçavez-vous si apres avoir desiré ces charges basses et humbles vous aurez la force d'agreer les abjections et humiliations qui s'y rencontreront? Il vous pourroit venir beaucoup de degoust et d'amertume de l'humiliation.

  A006000901 

 Si nous pouvions servir Dieu sans meriter, ce qui ne se peut, nous devrions desirer de le faire.

  A006000902 

 C'est l'amour qui donne la perfection et le prix à nos œuvres.

  A006000902 

 Je vous dis bien plus: voila une personne qui souffre le martyre pour Dieu avec une once d'amour, elle merite beaucoup, car on ne sçauroit donner davantage que sa vie; mais une autre personne qui ne souffrira qu'une chiquenaude avec deux onces d'amour aura beaucoup plus de merite, parce que c'est la charité et l'amour qui donne le prix à tout.

  A006000902 

 « Ce n'est pas par la grandeur de nos actions que nous plaisons à Dieu, comme j'ay desja dit, mais par l'amour avec lequel nous les faisons; car une Sœur qui sera en sa cellule, ne faisant qu'un petit ouvrage, meritera plus qu'une autre qui aura bien de la peine, si elle le fait avec moins d'amour.

  A006000905 

 Ouy, il les faut dire tout simplement; mais pour toutes ces petites choses qui passent par l'esprit sans s'y arrester, je trouverois meilleur que l'on passast tout cela entre Dieu et soy, parce qu'il n'est pas digne d'attention.

  A006000905 

 Si chacun vouloit choisir en Religion les charges à sa phantasie, que seroit-ce sinon faire chacun sa volonté? Que nous doit-il importer d'avoir de la peine aux charges, puisqu'elles nous sont imposées par nos Superieurs qui nous representent Dieu? David disoit: J'ay esté fait comme une beste de charge pour porter les commandemens du Seigneur; en quoy il nous fait bien voir la sousmission que nous devons tousjours avoir en tout ce qui nous est ordonné de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000906 

 Nous le voyons bien en saint Paul, lequel estant tenté de l'aiguillon de la chair, ce mouvement le pressant fort, il demanda par trois fois à Dieu d'en estre delivré; et lors il ouyt Nostre Seigneur qui luy dit: Paul, ma grace te suffit, ma vertu se perfectionne en l'infirmité; et lors il demeura tranquille et paisible en sa peine et tentation.

  A006000907 

 Par exemple: si le desir me venoit d'estre Pape et que la papauté m'occupast l'esprit, je ne ferois que m'en rire, et me divertirois en pensant qu'il fait bon en la vie eternelle, que Dieu est aymable, que ceux qui sont au Ciel sont heureux de jouïr de luy; et ainsi faisant, je me divertirois genereusement et noblement, car lors que le diable me mettroit dans l'esprit le desir de la papauté je parlerais à Dieu de sa bonté, et choses semblables..

  A006000907 

 Qui en doute, ma chere fille, qu'il ne vaut mieux parler à Nostre Seigneur en se divertissant simplement, que de disputer et s'opiniastrer avec le diable? La simplicité est tousjours preferable en tout.

  A006000908 

 Qui en doute, ma chere fille, qu'il ne soit mieux de s'estre tenu ainsi en la presence de Dieu, plustost que de tant flechir et reflechir sur ce qui se passe dedans nous et autour de nous? Vous demandez si on se sentoit un grand scrupule, ne pouvant accoiser son esprit, à cause que ces desirs et tentations ont tant duré, si on s'en pourrait confesser.

  A006000909 

 « O ma fille, quand je dis qu'il ne faut rien desirer ni demander, j'entens pour les choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons demander.

  A006000910 

 L'on demande si une Novice, d'abord qu'elle entre dans la maison, se jettoit dans ceste indifference de ne rien desirer ni refuser, s'il n'y aurait point à craindre que cela ne fust plustost par lascheté et negligence d'esprit qu'autrement, et si elle ne ferait pas mieux de s'adonner à l'humilité et autres vertus qui luy sont necessaires.

  A006000910 

 Pleust à Dieu qu'il y en eust plusieurs qui fussent conduites par ceste voye, car n'ayant rien dans l'esprit que ce seul desir de plaire à Dieu, elles feroyent toutes choses avec perfection, sans se mettre en peine [de ce] qu'on penseroit d'elles.

  A006000910 

 « O non, ma chere fille, si elle estoit conduite par ce chemin il n'y auroit rien à craindre, car ne desirant que l'amour de Dieu elle pratiquerait toutes les vertus et tout ce qui est necessaire pour [431] plaire à Dieu; car l'amour de Dieu surpasse toutes les vertus.

  A006000911 

 Pour les larmes, il y a des naturels qui ne s'en peuvent pas empescher, et nous sommes quelquesfois si ayses de pleurer, sur tout quand on nous change de Superieure, pour monstrer que ma Sœur une telle n'est pas desnaturée et qu'elle le ressent bien.

  A006000912 

 Les Religieux ont en cela un grand advantage par dessus les mondains, estans hors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000913 

 En ces descharges qui tirent à la longue devant le confesseur, il est dangereux que nous ne meslions les defauts des autres avec les nostres, ce qu'il ne faut point faire.

  A006000913 

 La seconde et troisiesme condition c'est d'y aller purement et charitablement; et au lieu de faire cela, l'on y porte bien souvent des ames toutes embrouillées et embarrassées, qui fait qu'elles ne sçavent pas bonnement ce qu'elles veulent dire: ce qui est de grande importance, car elles mettent en peine les confesseurs, parce qu'ils ne les peuvent pas entendre, ni comprendre ce qu'elles veulent dire, et au lieu de se confesser de leurs pechés elles pechent pour l'ordinaire en se confessant.

  A006000913 

 Le quatriesme manquement c'est qu'il y en a qui se satisfont à exagerer leurs fautes et d'une petite faute ils en font une tres-grande.

  A006000913 

 Le troisiesme manquement c'est qu'ils y vont avec tant de finesse et de couverture, qu'au lieu de s'accuser ils y vont pour s'excuser par une grande recherche d'eux-mesmes, craignant que l'on ne voye leurs fautes: or, cela est tres-pernicieux, qui le voudroit faire volontairement.

  A006000914 

 L'on demande si les Sœurs doivent discerner les petites obeissances d'avec les grandes, et si on doit s'accuser en ces termes: Mon Pere, je m'accuse dequoy j'ay fait une desobeissance en chose d'importance, ou en chose legere, ou s'il faut dire la chose tout simplement comme elle est; et si l'on doit discerner les obeissances de la Regle et des Constitutions, parce qu'il y en a qui nous sont conseillées seulement, et d'autres qui nous sont commandées absolument.

  A006000914 

 Pour ce qui regarde les petits manquemens, c'est autre chose, car disant au confesseur: Je m'accuse dequoy j'ay manqué à deux obeissances legeres et de peu d'importance, cela le tient en repos, sçachant que ce n'est pas grande chose..

  A006000915 

 Comme par exemple: la [433] cloche nous appelle le matin, qui est la voix de Dieu, et je demeure un quart d'heure apres qu'elle aura sonné; qui ne void qu'en cela ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui nous font faire le peché (car c'est un peché veniel cela), mais le mouvement de paresse par lequel nous desobeissons? Et pour la Regle, ma fille, il n'y a nul doute que les fautes que l'on fait contre ne soyent plus grandes que celles que l'on fait contre les Constitutions; car les Regles sont les fondemens de la Religion, et les Constitutions ne sont que des marques et des traces pour nous faire mieux observer la Regle.

  A006000915 

 Et pour les choses qui nous sont conseillées és Regles et Constitutions il n'est point besoin de s'en confesser, car il n'y a point de peché; mais pourtant, la circonstance pourroit estre telle en chose de conseil qu'elle seroit peché, comme le mespris et autre chose.

  A006000915 

 Il faut bien considerer les circonstances de tant de petits manquemens, car la Regle et les Constitutions n'obligent nullement à peché d'elles-mesmes: ce n'est donc pas la Regle ni les Constitutions qui font le peché, mais les circonstances et les mouvemens qui en toute autre occurrence le causeroyent.

  A006000916 

 Dites-vous, ma fille, si à la recreation on a suivi quelque passion et fait quelque chose en suite d'icelle, comme de contester en quelque chose legere et de recreation, sans s'en appercevoir qu'apres que cela est fait, s'il y a matiere de confession? O non, ma fille, il n'y en a point en ce qui se fait par surprise et simple recreation; mais si vous ne vous sousmettez pas interieurement, il s'en faut confesser.

  A006000916 

 Il n'y a que la volonté determinée qui fasse le peché.

  A006000916 

 [Aux manquements] qui se font contre la Regle par surprise, il n'y a point de peché, non plus qu'en ceux qui se font par surprise de nos passions.

  A006000917 

 Apres l'avoir confessée deux ou trois fois, elle s'accusa à moy de plusieurs imperfections; et ayant tout dit, je luy dis que je ne luy pouvois pas donner l'absolution parce qu'en ce dont elle s'accusoit il n'y avoit pas matiere d'absolution: ce qui l'estonna grandement, parce qu'elle n'avoit jamais fait ceste distinction du peché d'avec l'imperfection.

  A006000917 

 Et vous diray sur ce sujet ce qui m'arriva un jour en confessant la bien-heureuse Sœur Marie de l'Incarnation estant dans le monde.

  A006000917 

 Mais de deux cens il n'y en a pas deux qui le sçachent faire, les plus saints mesme y sont bien empeschés; ce qui est cause qu'on apporte de grands embarras et un amas d'imperfections en la confession, sans distinguer nullement le peché d'avec l'imperfection; et cela met bien souvent les confesseurs en peine, car il faut qu'ils distinguent pour voir s'il y a peché, et par consequent matiere d'absolution.

  A006000917 

 « Il n'y a point de doute, ma chere fille, qu'il ne soit tres-bon de le faire, pour ceux qui le sçavent.

  A006000918 

 Et l'imperfection est quand nous faisons quelque faute par surprise sans volonté deliberée, comme par exemple, si je fais un conte à la recreation et que dans mon discours il s'y glisse quelques paroles qui ne soyent pas tout à fait veritables, ne m'en appercevant point qu'apres qu'il seroit fait, cela n'est point peché mais imperfection, et n'est nullement besoin de m'en confesser.

  A006000918 

 Par exemple: si je venois ceans demander la Superieure et que je luy dise que je la viens voir de la part de la Princesse qui la salue, et chose semblable, et que de tout cela il n'en fust rien et que seulement j'eusse fait cest ageancement en mon esprit, cela n'est pas de grande importance; mais je l'aurois fait volontairement, c'est cela qui fait le peché veniel.

  A006000920 

 Nous devons ayder à nostre prochain en tout ce qui nous est possible, et mesme [435] les advertissemens sont ordonnés pour cela ceans.

  A006000920 

 Une Sœur replique si ayant leu quelque chose d'utile pour une Sœur qui aurait fait quelque manquement de quoy nostre lecture traitteroit, et que l'on dist sa lecture pour l'amour d'elle, s'il y aurait du mal de le faire.

  A006000923 

 Ainsi il y a bien peu de Superieures qui se tiennent si juste dans ce milieu; les unes sont trop rigides et les autres trop flexibles.

  A006000923 

 Je vous diray qu'entre tous les Saints qui sont au Ciel il y en a bien peu qui ayent [toujours] donné droit au blanc des vertus; les uns ont excedé du costé de l'austerité, et il y en a bien peu qui se soyent tenus [invariablement] dans les bornes de la sainte mediocrité.

  A006000923 

 « A cela je responds, ma chere fille, qu'il y a deux sortes de Superieures: les unes qui sont grandement rigides et austeres pour elles-mesmes, et à celles-cy il ne faut pas attendre qu'elles le demandent, mais les prevenir quelquefois avec discretion.

  A006000924 

 « J'ay remarqué en toutes nos Maisons que nos filles ne font point de difference entre Dieu et le sentiment de Dieu, entre la foy et le sentiment de la foy; qui est un tres-grand defaut et une ignorance.

  A006000934 

 Mais il faut au commencement examiner la source de nostre aversion, qui souvent se trouve proceder de nostre imperfection; parce que quand le mal est cogneu il est plus facile à guerir, et l'ayant recogneu il faut mortifier la passion d'où il procede..

  A006000935 

 Or, ayant appliqué ces remedes, ne vous mettez point en peine mais souffrez de bon cœur sans desirer d'estre delivrée de vostre affliction, demeurant sousmise au bon plaisir de Dieu, qui est que vous soyez ainsi exercée..

  A006000935 

 Or, en toutes aversions, il faut observer de ne diminuer point les actes de charité envers la personne à laquelle nous avons aversion; il la faut servir, luy parler, la caresser, non seulement comme si nous ne luy en avions point, mais davantage, et en cela nous tesmoignerons nostre fidelité à Dieu et obeirons à sa volonté signifiée, qui est que, contre toute nostre repugnance, nous nous surmontions, ainsi que j'ay dit, à la caresser.

  A006000936 

 Celles-cy sont les moins mauvaises, quoy que tousjours il y ayt de l'imperfection, car si quelqu'un fait quelque chose qui n'est pas bien, il faut le regarder avec compassion et non pas en concevoir de l'aversion.

  A006000936 

 Mais s'ils avoyent de l'aversion esgalement à tout ce qu'ils verroyent faire qui offenseroit Dieu, cela proviendroit d'un bon zele; neantmoins il seroit par apres dangereux de passer de l'aversion de l'action à l'aversion de la personne; et en ceste sorte, encor que pour l'ordinaire elle n'oste pas la charité, elle en oste la suavité..

  A006000936 

 Un exemple: il y en a qui [438] ont une grande inclination à la propreté, et concevront de l'aversion contre une personne malpropre, et feront une correction plus aspre pour ceste messeance que non pas pour quelque grand peché; or, cela est une grande imperfection.

  A006000939 

 Il la faut laisser gronder, et ne pas suivre ses volontés, faisant tousjours regner la raison, qui veut que nous nous surmontions en toutes les occasions pour plaire à Dieu et observer le point de nos Regles qui dit qu'il se faut aymer cordialement..

  A006000947 

 Il faut bien prendre garde quand nous sommes esmeus de quelque passion, de ne faire point d'action qui parte de nostre mouvement; quand neantmoins il arrive en des choses de peu, comme seroit de jetter une plume ou chose semblable avec un peu de sentiment, ce n'est pas matiere de confession.

  A006000948 

 Il faut regarder avec beaucoup d'honneur et d'estime toutes les choses de nostre Institut et toutes les actions de mortification, de pieté et devotion qui y sont conformes et que les Superieurs permettent.

  A006000949 

 Et pour ce qui est de quel esprit l'on doit recevoir les mortifications, si l'on nous y preparoit en nous advertissant deux heures devant, il seroit aysé de n'en estre point esmeus; mais quand elles arrivent par surprise il est bien difficile.

  A006000949 

 Les mortifications que nous choisissons, encores qu'elles soyent repugnantes à nostre nature, depuis que nous en avons fait l'election, il n'y a plus de difficulté parce que nostre nature en tire de la vanité; mais celle qui est faite par nos Superieurs, il la faut recevoir comme de la main de Dieu, avec honneur et humilité.

  A006000950 

 Car si vous battez des portes ou marchez fort, vous troublez la tranquillité d'une Sœur qui est peut estre en oraison; si vous estes habillée de travers ou avec quelque indecence, vous donnez occasion à une autre de rire ou de se distraire de la presence de Dieu, et luy faites ce dommage; et ainsi en d'autres occasions.

  A006000950 

 Et cela est mal, car nous devons toutes estre en ce continuel exercice de charité, de contribuer tout ce qui nous est possible pour le bien les unes des autres; car tout doit estre en commun, voire Nostre Seigneur mesme: il ne veut pas que nous l'ayons en particulier, il veut tellement estre en particulier qu'il soit à tous en commun, et tellement en commun qu'il soit à tous en particulier..

  A006000950 

 Nous devons grandement aymer de faire et voir faire aux Soeurs tout ce qui leur peut profiter et les avancer à la perfection, et en faire beaucoup d'estime; car ces petites pratiques, encor qu'elles semblent de peu de valeur, sont plus utiles que les grandes.

  A006000951 

 Quand l'on est tenté de quelque tentation où il y a danger de [441] pecher, et qu'elle dure, pour s'empescher d'offencer Dieu il faut souventefois faire quelque acte qui tesmoigne que l'on n'y consent pas: comme seroit de baiser terre, lever les mains jointes contre le ciel avec ceste intention, et dire quelques paroles à Nostre Seigneur, et choses semblables.

  A006000959 

 Je suis fort volontiers l'opinion de ce grand Saint et ay tousjours esté de cest advis, qu'il faut nous appliquer durant le saint Sacrifice de la tres-sainte Messe à la consideration des mysteres qui y sont compris, selon qu'ils sont marqués en l'exercice de la Messe.

  A006000960 

 Et estant demandé à nostre bien-heureux Pere s'il estoit mieux pour nous autres qui entendons ce que nous disons aux Offices, d'appliquer simplement nostre attention à Dieu, ou bien de suivre le sens des paroles que nous prononçons, il respondit qu'il aymoit mieux qu'on s'appliquast à suivre le sens de ce que l'on dit, d'autant que c'est se conformer à l'intention de celuy lequel, par inspiration de la divine Majesté, les a composées.

  A006000969 

 C'est tout un, il ne faut pas laisser pourtant de luy demander ce qui vous semblera estre bon de faire; et quant à ceste consideration qu'elle est peut estre importunée de vous, elle est vaine, il la faut retrancher.

  A006000969 

 En l'ancienne Loy, Dieu ne vouloit point que l'holocauste luy fust offerte, si premier elle n'estoit escorchée: de mesme, nos cœurs ne seront jamais si propres pour estre immolés et sacrifiés à l'honneur de la divine Majesté, que quand ils seront bien escorchés de leur vieille peau, qui sont nos habitudes, nos inclinations, nos repugnances, les affections superflues que nous avons sur nous-mesme et pour nostre propre volonté..

  A006000969 

 En quoy voulons-nous nous mortifier sinon és occasions de contradiction qui nous arrivent? Mes cheres filles, il faut escorcher la victime si nous voulons qu'elle soit agreable à Dieu.

  A006000969 

 Mais dites-vous, ma chere fille, si les Sœurs ont une Superieure qui ne les reçoive point avec l'esprit de suavité quand elles viennent à elle, soit quand elles ont besoin de luy parler ou qu'elles demandent quelque congé, et par ce moyen leur oste la confiance de recourir à elle en leurs necessités, s'il leur seroit point permis de s'adresser à celle qui tient sa place et son authorité quand elle n'y est pas, sous le pretexte de ne pas tant importuner la Superieure, et de plus, à fin d'avoir le congé que peut estre elle ne leur donneroit pas? O non certes, ma chere Sœur, l'on ne doit pas faire cela, sinon que la Superieure fust tellement empeschée que l'on l'incommodast bien de luy parler.

  A006000969 

 O c'est là que je vous attendois, car c'est tousjours nostre rendez-vous general que de revenir à nous-mesme; nous ne sommes jamais assez aymées ou estimées de la Superieure, qui est une chose tres-importante pour nostre consolation.

  A006000970 

 Ce seroit une chose grandement agreable si l'on pouvoit faire que la Superieure eust tousjours le miel sur les levres pour distiller sa suavité et sa douceur dans le cœur de celles qui luy voudroyent parler, et que ce fust tousjours.

  A006000971 

 Mon Dieu, que les Sœurs qui auroyent une Superieure qui ne les aymeroit pas seroyent heureuses! bien que cela ne se puisse, car la Superieure ayme tousjours les Sœurs de cest amour effectif dont nous avons parlé, leur procurant tout le bien qu'elle peut par l'exercice de sa charge, selon qu'elle y est obligée; mais de cest amour effectif, tendre et mignard que nous desirons si cherement, c'est de celuy-là que je veux dire; car moins la Superieure nous aymera de ceste sorte, et moins d'amusement nous aurons autour [444] de cest amour, si que nous aurons plus de temps pour nous occuper de Nostre Seigneur et pour nous tenir retirées aupres de Dieu qui doit estre nostre soin particulier..

  A006000972 

 Car, comme l'amour de la propre opinion, quand elle s'attache és choses de la foy, nous fait tomber en heresie et nous rend malheureux (comme il advint aux Anges qui, s'estans trop attachés à l'opinion qu'ils avoyent formée qu'ils devoyent estre quelque chose davantage qu'ils n'estoyent, furent par leur opiniastreté à soustenir et aymer leur opinion rendus, d'Anges glorieux, diables, eternellement damnés et eternellement attachés au mal, si que jamais plus ils ne s'en peuvent desprendre; où au contraire les Anges pour s'estre sousmis, se sont tellement attachés à Dieu que jamais ils n'en peuvent estre destachés, car ayans par la subtilité de leur esprit une fois penetré le fond de quelque verité ils n'en demordent jamais), de mesme, si nous n'apprenons à negliger et nous mocquer de la varieté de l'esprit humain, nous perdrons le temps à nous tourmenter en nous voyant si esloignés de ceste egalité apres laquelle nous aspirons, et de laquelle pourtant nous ne jouirons point absolument tandis que nous serons en ceste vie, ceste grace estant reservée aux esprits bienheureux là haut au Ciel.

  A006000973 

 Les personnes qui font estai de servir Dieu le plus fidelement qu'elles peuvent, ne sont pas exemptes de l'ambition, non, mais elles l'exercent aux desirs des choses interieures, souhaitans les vertus au plus haut degré de leur perfection; [445] mais l'amour tendre et affectif ayant plus de pouvoir sur elles que non pas sur les mondains, les fait amuser à ce desir sans s'appliquer soigneusement et laborieusement à la recherche de venir à chef de leur pretention et sainte entreprise, parce qu'il leur cousteroit cher de renoncer à soy-mesme en tant d'occasions.

  A006000973 

 Or sus, n'avons-nous pas assez dit touchant ceste tendreté que nous avons sur nous-mesme, tant de l'interieur qui regarde l'esprit, comme des choses qui regardent le corps? Les plus spirituels s'ayment bien aussi de l'amour effectif; car nous avons dit que les mondains s'ayment grandement de cest amour, se souhaitans par une affection pleine d'ambition tant de biens et tant d'honneurs qu'ils n'en sont jamais contens.

  A006000974 

 Il y a certes des personnes qui sont tousjours en necessité, parce qu'ils ont besoin de tant de choses pour les contenter que c'est grande pitié; et c'est ceux-cy qui sont pauvres, pourveu qu'ils ne se procurent pas tant de choses, parce qu'ils ont de la disette de ce qu'ils n'ont pas et qu'il semble qu'ils devroyent avoir..

  A006000974 

 Je l'ay dit à Philothée; à plus forte raison le doivent faire ceux qui en ont fait le vœu.

  A006000974 

 Nostre glorieux Pere saint Augustin dit dans vos Regles que celuy-là est plus heureux lequel n'a pas besoin de beaucoup, que celuy qui a besoin de beaucoup de choses de quoy les autres se passent bien.

  A006000974 

 Vous demandez maintenant, ma chere fille, si pour pratiquer la sainte pauvreté il ne faut pas se tenir attentif à recevoir de bon cœur les petites disettes qui nous arrivent, tantost en cecy, tantost en cela.

  A006000975 

 Ce que j'ay dit à Philothée est bon pour estre pratiqué par les Religieux, excepté certains chapitres, comme sont ceux qui regardent le mariage, les danses, les jeux, et semblables; mais tout le reste est tres-bon.

  A006000975 

 Mais si l'on me donnoit des [446] chausses qui fussent si estroittes qu'il me fallust demeurer un demi quart d'heure à les chausser, j'en demanderois d'autres, plustost que de perdre le temps là tous les matins; mais pour porter quelque chose mal accommodée ou qui me blesseroit, un peu, je n'en voudrais rien dire.

  A006000975 

 Quant à moy, je ne voudrois pas demander ce de quoy je me pourrais bien passer, pourveu qu'il n'apportast un notable detriment à la santé; car pour avoir un peu de froid, pour porter une robe un peu trop courte ou qui n'est pas bien faite assez juste pour moy, je ne ferais nul estat de cela.

  A006000975 

 Si nous nous procurons d'estre tousjours bien pourveus de tout ce qui nous semble aucunement necessaire, nous ne ressentirons point les effects de la sainte pauvreté.

  A006000976 

 Il est vray que c'est estre bien pauvre d'observer cecy; mais je vous asseure que c'est un grand secret pour acquerir la perfection, et si caché neantmoins, qu'il y a peu de personnes qui le sçachent, ou, s'ils le sçavent, qui en fassent leur proffit.

  A006000976 

 Il y en a qui demandent des croix, et ne leur semble jamais que Nostre Seigneur leur en donnera assez pour satisfaire à leur ferveur; moy je n'en demande point, seulement je desire de me tenit prest pour porter celles qu 'il plaira à sa Bonté de m'envoyer, le plus patiemment et humblement que je pourray.

  A006000976 

 Je ne demanderais pas mesme de communier, excepté en certains jours que la coustume semble nous obliger de le demander, comme celuy de la reception à l'habit, de la Profession, de la feste du Patron; et je demanderais aussi une aiguille et du filet quand on me commanderait de faire quelque ouvrage, car le commandement qui m'est fait de faire l'ouvrage m'oblige à demander ce qui est requis pour le faire.

  A006000977 

 En fin j'aymerois mieux porter une petite croix de paille que l'on me mettrait sur les espaules sans mon choix, que non pas d'en aller couper une bien grande dans un bois avec beaucoup de travail, et la porter par apres avec une grande peine; et je croirois, comme il seroit veritable, estre plus agreable à Dieu avec la croix de paille que non pas avec celle que je me serais fabriquée avec plus de peine et de sueur, parce que je la porterais avec plus de satisfaction pour [447] l'amour propre qui se plaist tant à ses inventions et si peu à se laisser conduire et gouverner en simplicité, qui est ce que je vous desire le plus.

  A006000977 

 Faire tout simplement tout ce qui nous est commandé, ou par les Regles, ou par les Constitutions, ou bien par nos Superieurs, et puis nous tenir en repos pour tout le reste, tant pres de Dieu que nous pourrons..

  A006000978 

 Je mangerais tousjours ce qui se rencontrerait de mon costé, et selon mon appetit ou necessité, et puis je laisserais le reste, bien que ce fust ce qui seroit plus à mon goust; mais si j'avois bien du degoust, je choisirais ce que je pourrais mieux manger: hors de là, je prendrais sans choix ce qui me seroit donné et au mesme ordre qu'il me seroit donné..

  A006000979 

 Celles qui ne le voudront faire peuvent demander ce qu'elles auront besoin, d'autant que les Regles le permettent, et cela n'est pas contre la pauvreté ainsi que vous dites; mais aussi n'est-il pas selon icelle ni selon la perfection à laquelle vous estes obligées de pretendre.

  A006000979 

 En demandant vos commodités vous ne faites pas mal, pourveu que vous ne vous rendiez trop exactes à la recherche d'icelles et que vous vous teniez tousjours dans les termes de l'observance pour ce regard; mais aussi perdez-vous par ce moyen les occasions de pratiquer les vertus qui sont fort propres à la condition de vie à laquelle Dieu vous a appellées.

  A006000979 

 Sur le sujet de la pauvreté, j'ay dit qu'il est bon de souffrir quelque petite necessité sans se plaindre ni desirer, encor moins demander, ce qui nous manque.

  A006000980 

 A cela, ma chere fille, je vous responds que ce qui a esté fait pour ce regard jusques à present n'a pas esté mal; mais si est-ce pourtant que desormais il ne le faut plus faire.

  A006000980 

 Vous demandez si c'est manquer à l'observance et faire mal que de choisir une serviette plus deliée pour la Superieure, et ne luy donner pas celle qui se rencontre, sans choix, comme l'on fait aux [448] autres Sœurs.

  A006000981 

 Il faut donc conclure maintenant et clore nostre Entretien par la recommandation de la simplicité et generosité d'esprit: marcher tousjours en la voye de nostre propre perfection sans nous amuser en chemin, quel rencontre de contradiction que nous puissions faire, soit de nos propres imperfections, repugnances ou passions immortifiées, soit des autres exercices qui proviennent d'ailleurs.

  A006000988 

 Saint Pachome luy repliqua: Mon amy, le temps de souffrir la mort pour Jesus Christ n'est pas commun maintenant, la religion Catholique, par la grace de Dieu, a le dessus sur ses ennemis; d'ailleurs, vous n'estes point venu en ce lieu pour la mort, mais pour la mortification; mortifiez donc vos desirs inutiles qui vous font quitter les exercices presens, sous pretexte de faire merveille à l'advenir.

  A006000994 

 La premiere qu'il m'a donnée a esté de bastir une sainte retraitte pour des filles infirmes de corps et saines d'esprit; c'est pourquoy je ne veux pas qu'on introduise d'autres austerités que celles qui sont marquées.

  A006000994 

 Quand Nostre Seigneur me fit l'incomparable grace d'entrer dans nostre Institut, il n'y avoit encore que six Religieuses, qui vivoyent comme des Anges en pureté et en amour, et qui estoyent gratifiées de plusieurs graces extraordinaires en l'oraison, en sorte que l'on auroit oublié de prendre les necessités du corps, si nostre saint Fondateur ne nous eust fait comprendre qu'il desiroit que nous fussions aussi promptes à obeir au premier coup de cloche pour aller au refectoire, aux recreations et au coucher, comme au resveil et à l'Office, nous disant: « Mes cheres filles, le mesme Dieu qui vous appelle à l'Office et à l'oraison, vous appelle à la refection et au repos; et comme je desire que vous soyez des filles mortifiées à toutes propres volontés, je souhaitte qu'à tout moment du jour et de la nuit vous viviez en esprit de sacrifice interieur, ce qui vous tiendra place de disciplines, jeusnes, cilices, etc. Et je vous asseure, mes [filles] tres-aymées de nostre commun Maistre, que vous ravirez son cœur estant fidelles à toutes les pratiques de vos Regles, car elles ne sont point ouvrage d'homme mais du Saint Esprit.

  A006000996 

 Il vint faire un Entretien à la Communauté, et entr'autres choses il parla de l'union qui devoit [451] estre parmi nous; puis s'adressant à nostre digne Mere, il dit: « Mes cheres filles sont-elles bien unies et en amitié les unes parmi les autres? il pourroit bien arriver quelquesfois qu'elles pourroyent avoir prononcé quelques paroles moins douces et moins respectueuses.

  A006000996 

 Nostre saint Fondateur, à qui l'on ne cachoit rien, en fut adverti.

  A006000996 

 Or sus, mes cheres filles, dans nos difficultés, allons trouver nostre Mere, sans nous amuser à nous vouloir resoudre nous-mesmes, qui ne sommes pas bons juges dans nos propres causes; et nous pratiquerons les deux cheres vertus de nostre divin Maistre, qui nous benira eternellement.

  A006000996 

 » Ce qu'elle fit sans peine; elles s'embrasserent tres-cordialement, et nostre saint Fondateur dit: « Voila qui va bien, je suis bien content.

  A006000998 

 Je desire fort qu'on ne parle point de la mangeaille parmi nous; mangeons à la bonne foy ce qui nous sera presenté, qu'il soit à nostre goust ou non; pourveu que nostre sac à vers se soustienne, c'est assez.

  A006000998 

 Nostre saint Fondateur le sceut; il nous dit dans un Entretien de tenir les yeux baissés au refectoire, pour ne pas gehenner celles qui voudroyent faire de semblables mortifications.

  A006000998 

 Une fois nous vismes nostre Sœur de Chastel qui mangeoit une pomme pourrie au refectoire; nous luy en fismes la guerre à la recreation.

  A006001001 

 C'est pourquoy, à fin qu'il n'y ayt point de ces preeminences parmi nous qui sommes petites, on tirera les rangs, mettant dans les billets des Saints, i à l'un, à l'autre 2, ainsi de suite, selon le nombre que vous serez.

  A006001001 

 Chacune tirera au sort, et gardera pour l'année suivante le rang qui luy escherra; ainsi faisant, nous vivrons parfaitement despouillées.

  A006001001 

 « Il a passé icy un Pere Feuillant, » reprit le Saint, « qui m'a dit qu'il y avoit des Religieuses en Italie tellement attachées à leurs chapelets, images et estuis ou choses semblables, qu'il s'en est trouvé qui auroyent mieux aymé sortir de leur couvent que de les quitter, C'est pourquoy j'ay pensé qu'il faudrait changer toutes ces [452] choses entre vous, à fin de ne s'attacher qu'à Dieu; et pour cela il faut choisir le dernier jour de l'an, quand on tire les Saints.

  A006001004 

 « L'affabilité, » dit-il, « mes cheres filles, se pratique, comme dit saint Paul, se rendant tout à tous pour les gaigner tous, s'accommodant à la façon et humeur des autres, compatissant aux affligés; car il ne seroit pas à propos d'aller rire pres d'une personne affligée, ni de mesme, paroistre triste devant une autre qui seroit dans la joye..

  A006001005 

 Voila, par exemple, deux personnes: l'une est fort alterée et boira deux verres de vin; l'autre qui l'est moins, si elle en boit autant elle manque à la sobrieté et temperance.

  A006001013 

 Il faut donc vivre en mourant et mourir en vivant, et sur tout vous ne devez user de tout ce qui est en vous à autre fin qu'au service et à la gloire de Celuy qui vous a particulierement choisies pour luy estre entierement dediées et consacrées.

  A006001013 

 Pour vous faire operer tout cecy, sa misericorde vous donne son Saint Esprit qui habite en vous estant en sa grace, à fin que vous soyez aydées par sa lumiere et son amour à fin d'operer le tout à sa gloire..

  A006001013 

 Pourquoy pensez-vous, mes filles, que Dieu vous a mises au monde, et sur tout appellées à la sainte Religion, sinon à fin que [453] vous y soyez des hosties d'holocaustes à sa divine Majesté et des victimes qui se consomment chaque jour en son saint amour? Ce qui vous oblige à destruire en vous tout ce qui s'oppose à la perfection et à l'union avec Dieu, autant que vous pourrez, sur tout l'amour propre, la propre volonté, la recherche de l'honneur, la satisfaction des sens.

  A006001030 

 Adonc les medecins s'assemblerent afin de casser et esprouver ce besouar; mais en toute la grosse masse d'iceluy, ils ne trouverent jamais qu'un seul petit morceau qui fut bon, franc et pur.

  A006001030 

 Faut-il avoir la douceur? O bien, que la colere renverse mon pauvre cœur sans dessus dessous, que la teste me fume de tous costez, que mon sang bouillonne ainsi qu'un pot sur le feu, je ne laisseray pourtant d'estre gracieuse et douce tout ce qui se peut; et toutes les raisons que la nature me presentera pour sa descharge, je les estrangleray, je n'en escouteray pas une.

  A006001030 

 Ne plaignez point vos peines à acquerir les solides vertus, endurez patiemment les contradictions qui s'opposeront à ce dessein.

  A006001030 

 O qu'il se trouvera de vertus comme cela, quand Dieu manifestera les secrets des cœurs! Telle personne croit d'en avoir maintenant bonne provision, qui à cette heure-là ne verra que du vent, je veux dire en trois mots, qu'il faut avoir la perfection, mais celle qui est vraye et solide.

  A006001030 

 Seneque a mis en avant un beau mot (je voudrois que ce fut sainct Augustin qui l'eut dit): que la perfection de l'homme gist à sçavoir bien souffrir toutes choses, comme si elles luy arrivoient par son election.


07-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VII-Vol.1-Sermons.html
  A007000065 

 Par ceux qui en ont charge de Dieu.

  A007000126 

 Je viens et me presente icy avec l'esprit de sousmission et obeissance selon lequel je desire marcher tout le tems de ma vie, lequel, encores qu'il soit favorable a toutes sortes d'entreprises, si est ce neantmoins que j'ay sujet de craindre que quelqu'un ne dise de moy ce qu'aujourd'huy a grand tort les Juifz ont dict des [1] Apostres a sçavoir, Musto plenus est iste: il faut bien dire que celuy cy soit enyvré de quelque temerité, qui, en tel tems, en tel lieu, et en son novitiat ecclesiastique, ose monter en ceste chaire apres de si grans peres.

  A007000126 

 On me dira que cela s'entend de ceux qui avoyent receu le Saint Esprit; hé bien, pourquoy ne le recevray je pas avec vous? Si feray certes, si comme les Apostres et disciples nous nous mettons unanimement avec devotion a prier Dieu cum Maria Matre Jesu, laquelle [2] affin qu'elle nous assiste de son intercession, mes Freres, a ce mien commencement, jettons nous plus fervemment que jamais a ses piedz et la saluons; et puys, in nomine Domini laxabo rete.

  A007000129 

 Mays Dieu le Pere voulant exprimer et dire ce qu'il entendoit, consideroit et pensoit de soy mesme, comme s'il se fust voulu donner un nom propre et se nommer soy mesme, il dict un mot, une parolle, un Verbe qui le representa si naïfvement et exprima si vivement ce qui estoit en luy, que ce Verbe fut un autre luy mesme, et fut « vray Dieu de vray Dieu; » non [3] pas qu'il y eust deux dieux, mais parce qu'il y eut deux Personnes participantes d'une seule, et simple, et indivisible, et totale divine essence..

  A007000130 

 » Dieu le Pere, Dieu le Filz, Dieu le Saint Esprit, trois Personnes qui ne sont qu'un seul Dieu, une seule tressainte et tres adorable Trinité..

  A007000131 

 Dequoy si je voulois parler davantage, on pourroit bien dire a bon droit de moy ce qu'aujourd'huy les Juifz disoyent sans rayson des Apostres: Musto plenus est iste, c'est a dire: il faut bien que cestuy ci soit enyvré d'une grande presomption de vouloir expliquer les interieures operations de Dieu, qui sont voylëes de leur infinité en telle façon que l'œil de l'homme n'y peut approcher que de bien loin.

  A007000131 

 Je m'arreste donques, mes Freres, et ce que j'en ay voulu dire ç'a esté pour monstrer en quelque façon qui est Celuy duquel nous celebrons la feste, qui est le Saint Esprit et Amour, procedant eternellement du Pere et du Filz, vray Dieu avec le Pere et le Filz; et encores pour vous donner a entendre que de toute eternité ce Saint Esprit venoit, par ceste incomprehensible procession et respiration, du cœur du Pere et du Filz, combien qu'il ne soit pas venu, ou par maniere de dire arrivé, et que ceste mission n'aye esté bien accomplie qu'a tel jour qu'aujourd'huy, il y a environ 1559 ans.

  A007000131 

 Mays tout autre est cest amour infini par lequel le Pere et le Filz s'entr'ayment, car en cest amour ilz ne se fondent pas, ilz ne se dissolvent pas, ce qui seroit imperfection; mays sans alteration de leur nature, ilz produisent un Saint Esprit, Dieu parfaict de Dieu parfaict, possedant pleinierement une mesme divine essence [4] avec eux; et sans se desfaire de l'essence divine, ilz la communiquent toute entierement et parfaittement a ce Saint Esprit et Amour.

  A007000132 

 Ainsy faut il conclure de tout le reste, qu'une Personne ne faict rien sans les autres quant a ce qui se produit hors la Divinité.

  A007000132 

 Ce que nous voulant enseigner lhors qu'elle parle de la creation des choses en leur estre naturel, parlant de celle de l'homme, elle introduit la Majesté divine en ses troys Personnes, disant: Faisons l'homme a nostre sem blance car si une seule Personne eust creé l'homme, elle eust dict: Je fais, et non pas: Faisons, comme nous trouvons escrit: Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Et David chante: Benedicat nos Deus, Deus noster, benedicat nos Deus; Dieu nous benie, Dieu nostre, Dieu nous benie; ne reprenant par troys fois ce nom de Dieu sinon pour nous monstrer que non seulement le Pere benit, non [5] seulement le Filz benit, mais encores le Saint Esprit, et tous trois ensemble sont ceux qui benissent.

  A007000132 

 Neantmoins, par une certaine appropriation et commodité de langage, les œuvres qui ressentent plus le pouvoir ont accoustumé d'estre accommodëes au Pere, comme la creation et semblables, parce qu'il est source et origine de toute puyssance et divinité; les œuvres qui ont plus d'apparence de sagesse, au Filz, digne generation de l'entendement paternel; celles de bonté, au Saint Esprit, amour et charité unique du Pere et du Filz..

  A007000133 

 Donq, encores que l'operation merveilleuse et puyssante qui a esté faitte es cœurs de l'Eglise naissante a tel jour qu'aujourd'huy, aye esté faitte egalement par le Pere, le Filz et le Saint Esprit, neantmoins, parce qu'en icelle reluit une principale bonté, misericorde et magnifique liberalité, on ne dict pas que toute la Trinité soit venue sur les Apostres, mays on dict et on celebre la descente du glorieux Saint Esprit: a la charge que vous ne vous imagineres pas que pour cela il aye changé de lieu pour descendre; car estant Dieu, il est tellement par tout par « essence, presence et puyssance, » que est in mundo non inclusus, extra mundum non exclusus.

  A007000138 

 Or, ces operations sont de deux sortes: les unes exterieures, comme les signes qui apparurent ce saint jour, le feu et le son vehement; les autres interieures, a sçavoir, l'onction de la grace et l'illumination invisible es cœurs et espritz apostoliques: et celles cy estans signifiëes, figurëes et representëes par celles la, en considerant les premieres nous apprendrons aysement les secondes; c'est a dire, par les signes exterieurs nous apprendrons les effectz interieurs qui sont comme le principal de ce mistere, le reste n'estant qu'accessoire, puysque omnis gloria filiæ regis ab intus.

  A007000139 

 Or sus, je trouve donq, pour ne m'arrester pas, comme je pourrois, sur chaque parolle, je trouve dis je, deux signes s'estre faitz: l'un, qu'il se fit soudainement un grand son, un bruit, un tonnerre du ciel, porté par un vent vehement, qui remplit toute la mayson ou estoit la beniste brigade de ces peres du Christianisme.

  A007000140 

 Mais voicy un vent impetueux et chaud, lequel ramassant toutes [8] les exhalaisons ja relevees, trame une grosse et noire nuëe qui semble voyler tout le ciel, dedans laquelle s'engendrant le tonnerre et brillant les esclairs, semble que bien tost, au lieu d'apporter soulagement aux fruictz de la terre, elle fracassera par le foudre, la gresle et la tempeste ce peu de biens que la secheresse a laissé sur la terre, et semble menacer les hommes d'une totale ruine.

  A007000141 

 Mais ce bruit, ce vent, ceste impetuosité, au lieu de frayeur se changea en une douce pluye des graces celestes, qui abbreuva si a souhait leurs courages, que des lhors il ne se parla plus de secheresse, ni d'aridité, ni de fletrisseure; car il leur arriva ce qui est dict de l'homme de bien par le saint roy David, lequel dict: Tanquam lignum quod plantatum est secus decursus aquarum, quod fructum suum dabit in tempore suo; et folium ejus non defluet, et omnia quæcumque faciet prosperabuntur..

  A007000142 

 Mais c'est asses parlé de ce premier signe pour le peu de tems que nous avons; venons a parler du second, qui fut des langues de feu ou comme de feu.

  A007000142 

 O saint feu, feu qui consume toutes superfluités, feu qui chasse toute froideur, feu qui consume parfaittement l'holocauste de nos ames sur l'autel sacré de l'obeyssance!.

  A007000143 

 C'est a dire le chaos ou monde elementaire, ou bien le globe des eaux qui couvroit toute la face de la terre, estant creé, le saint Esprit de Dieu estoit porté par dessus, pour donner a ce chaos informe, a cest element infecond telle fecondité que, sans l'eau desormais, ni plante ni animal ne peust estre engendré: de maniere qu'il veut quasi dire qu'il couvoit et fecondoit les eaux, affin qu'elles produisent les animaux aquatiques [10] et servent a la production de toute chose animëe.

  A007000143 

 Et d'autant que le feu est plus noble que l'eau, d'autant est ceste reformation plus grande que la formation; et d'autant que le feu est plus actif que l'eau et plus puyssant, reduisant en feu quasi tout ce qui luy est præsenté en un moment, ce que l'eau ne fait pas, aussi y a il plus de puyssance et de majesté a reformer le monde qu'a le former, a le renouveller qu'a le creer.

  A007000144 

 Et quoy que le rien fust infiniment ennemy de Dieu, estant tout a fait de party contraire le neant et le sauverain Estre, si est ce neantmoins que n'ayant aucune puyssance, et le rien ne pouvant rien faire avec sa nulle puyssance, le tout qui estoit Dieu, au simple projet de sa volonté, mettoit en fuite le rien, changeant sa neantise en un bon estre, lhors qu'il faisoit les creatures..

  A007000145 

 O combien de resistance trouve Dieu en ceste besoigne! Que si vous me demandes: Hé, qui est si osé et si temeraire que de faire resistance a Dieu, et qui le peut faire? Saint Pol ne dict il pas en ce chapitre scabreux et qui ne devroit estre leu que des doctes (c'est aux Rom., 9 ): Voluntati ejus quis resistit? et au Psalm.

  A007000146 

 Et quant a celles cy, il est tousjours obei au Ciel, et partant Deus autem noster in cœlo; omnia quæcumque voluit fecit. Mays en terre, il n'y est pas tousjours obei; autrement, dites moy, qu'aurions nous besoin de demander Fiat voluntas tua sicut in cœlo et in terra? Et d'ou vient, me dires vous, ceste difference entre les volontés qui sont au Ciel et celles qui sont en la terre? En peu de parolles je vous le diray: c'est que les volontés celestes et heureuses sont tellement appuyëes sur la volonté de Dieu, que l'une ne se peut mouvoir sans l'autre, et n'ont pas la liberté de contrarieté, c'est a dire de mal faire, ains seulement de bien faire: grace et gloire tout ensemble..

  A007000148 

 Dieu pourroit bien nous creer en Paradis, nous y mettre des l'enfance, en tout tems; mais nostre nature requiert qu'il nous fasse ses cooperateurs, et que « Celuy qui nous fit sans nous, ne nous sauve pas sans nous.

  A007000148 

 » C'est icy ou je respondray a vostre demande: Qui peut resister, qui veut resister a Dieu? Je le veux demander a mon ame, luy proposant les doutes que j'ay en cecy, et si vous faites mes demandes chacun a la vostre, vous ouyres de belles responses en vous mesme..

  A007000151 

 Il dict donques que le Dieu de majesté, le mesme Dieu qui se monstra tant terrible sur la montaigne de Sinaï, a faict un son vehement sur les eaux et nuages en l'air.

  A007000151 

 Qu'est ce que la consommation du Tabernacle, sinon la mission du Saint Esprit qui consomma et perfectionna le tabernacle de l'Eglise Chrestienne? Donques est il dict en ce Psalme: Vox Domini super aquas; Deus majestatis intonuit; vox Domini super aquas multas.

  A007000152 

 Et spiritu oris ejus; et par le Saint Esprit, qui est respiré par la bouche et sapience du Pere comme un souspir d'amour, toute leur vertu a esté perfectionnëe et tellement establie, que des lhors, selon la plus probable opinion, non seulement quant a la foy, qui est chose certaine, mais mesme quant aux mœurs, les Apostres ne firent onques faute.

  A007000153 

 Donq ceste voix, ce son, estoit signe que par la parolle de Dieu portee par la voix des Apostres, l'idolatrie avec ses adhaerans seroit bouleversee comme les veaux qui paissent au Liban et que in omnem terram exibit sonus eorum, et in fines orbis terræ verba eorum; et que portæ inferi non prævalebunt adversus eam; et que reges erunt nutritii Ecclesiæ et principes pulverem ejus lingent..

  A007000153 

 Ou sont ces glorieux Cesars, ou sont tant de grans personnages en guerre qui estoyent du tems des Apostres? Ou eux, ou leur posterité ne se sont ilz pas mis a genoux aux piedz des Apostres ou de leurs successeurs? Dites moy un peu, ou est la memoire de Neron? il ne s'en parle plus qu'en mal.

  A007000154 

 Il s'ensuit au mesme Psalme: Vox Domini intercidentis flammam ignis; c'est a dire, ce son qui replevit totam domum Dei, est intercidentis flammam ignis; ce son, dis je, dispersa une flamme de feu en plusieurs parties, selon qu'il est dict: Sedit supra singulos eorum, pour demonstrer que la parolle evangelique portëe par les Apostres, devoit faire part a chacun du saint feu duquel Nostre Seigneur disoit: Ignem [17] veni mittere in terram, c'est a dire de charité ou de foy vive.

  A007000158 

 C'estoit un grand desert, puysqu'il n'y avoit aucune herbe verte de resolution, ni aucun chemin pour aller a la prædication innocente, ni aucune eau de consolation; et partant il l'appelle desertum Cades, qui estoit une grande vasteté et solitude vers l'Arabie..

  A007000160 

 Et d'ailleurs, ces animaux sont d'une extreme vistesse; et telz sont les Apostres desquelz la voix a couru tout le monde: In omnem terram exivit sonus eorum, et in fines orbis terræ verba eorum; et a rayson d'eux fut dict: Spiritus Domini replevit orbem terrarum, et hoc quod continet omnia scientiam habet vocis. Aussi estoyent ilz ambassadeurs vers tout le monde, et portoyent la parolle pour un Monarque qui est extremement viste et courant, duquel l'Eglise chante: « Nescit tarda molimina Spiritus Sancti gratia.

  A007000161 

 Et de cest enfantement des Apostres que s'ensuit il? Deus revelabit condensa; il s'ensuit que le sombre et touffu bois et forest de l'ignorance et aveuglement du monde a esté esclairci et descouvert, les arbres en ont esté abattus et rués par terre, si qu'apres ceste descouverte il n'y a personne qui puisse plus dire: Quis ostendit nobis bona? car par tout le son de la trompette evangelique a esté ouÿ, pour nous advertir de quel costé nous nous devons jetter a la retraitte, et par [19] tout il y a des autelz dressés a sa Majesté et des temples, si que in templo ejus omnes dicent gloriam..

  A007000162 

 Et quelle gloire, quelle louange pourront ilz dire? Ilz diront: Deus diluvium inhabitare facit, et sedebit Dominus rex in æternum; c'est a dire: autrefois il fit un deluge pour repurger le monde avec l'eau, mays maintenant il se faict un deluge qui durera tousjours, avec la parolle de Dieu laquelle purifie et illumine les ames: Mot Dei manet in æternum.

  A007000162 

 Si que, comme ce premier deluge nettoya, reforma et renouvella la terre, aussi cestuy [cy] la remet, la reforme et la renouvelle, dont nous chantons: Emitte Spiritum tuum et creabuntur, et renovabis faciem terræ; et desormais sedebit rex Dominus in æternum, c'est a dire Jesus Christ, qui regnabit in domo Jacob, et regni ejus non erit finis..

  A007000163 

 En paix, mon Dieu, et que feres vous de nous, Seigneur, qui sommes en guerre?.

  A007000164 

 Mes Freres, ores que vous aves ouy quelque chose de l'infinité des graces que le Saint Esprit communiqua a sa venue, et quoy que ce que j'ay dict soit peu en comparayson de ce qui en est, si est ce que je ne crois pas que vous ne desirassies extremement une venue du Saint Esprit sur vous autres; ou si vous estes si durs que de ne la pas desirer, je vous oseray bien dire a l'imitation de saint Pol, pour la premiere fois que j'ay eu cest honneur que de vous parler de la part de Dieu: O insensati Allobroges, usquequo gravi corde? Mais je ne le dis pas, ne pouvant croire tant de mal de [20] ceux auxquelz je desire tant de bien.

  A007000166 

 Ainsy voulons nous dire que le juste vit selon la foy, selon qu'elle enseigne, ex præscripto fidei; et aussi, qu'il vit du gain qu'il faict en la foy, c'est a dire des œuvres bonnes et qui sont selon la foy..

  A007000166 

 Ne dict on pas que les advocatz vivent de leurs livres, de leur estude? Leurs livres et l'estude sont viandes de Caresme, apres Pasques on n'en mange pas; il n'y a si bon secretaire qui ne laissast son maistre a telle condition de viande.

  A007000167 

 Je vous diray seulement: le peché fondamental qui nous entretient en guerre, c'est l'impœnitence.

  A007000167 

 Que ferons nous, mes Freres, nous qui sommes, comme j'avois commencé a vous dire, en guerre? Mes Freres, la guerre est un fleau de Dieu, et pendant que nous en sommes chastiés, il nous faut croire que c'est pour nos pechés; car si in terra pax est hominibus bonæ voluntatis, donques, bellum hominibus malæ voluntatis; car, comme inter bonæ voluntatis et malæ voluntatis, il n'y a point d'entre-deux, il n'y en a point aussi entre bellum et pax.

  A007000168 

 Chacune prend sa couleur, et est obligëe de la garder du change, si que, si le jeu estant commencé on dict que le vert change, celle qui a pris le vert, dira: ce n'est pas le vert qui change, c'est le gris; celle qui a le gris: ce n'est pas le gris qui change, c'est le bleu; celle qui a le bleu semblablement s'en descharge et dict: ce n'est pas le bleu qui change, c'est le blanc; et passent ainsy le tems a rejetter l'une sur l'autre le change, tant qu'il se faut retirer et que la conversation est rompue..

  A007000169 

 Il me semble, mes Freres, qu'en Savoye nous nous entretenons tous au jeu du change: car si vous parles au peuple, la noblesse aura le change, laquelle avec sa lascheté n'ose rien remonstrer; si l'on parle a la noblesse, [23] les ministres de justice auront le change, qui se meslent de l'autruy; si l'on parle aux justiciers, les soldatz auront le change, qui sont trop desbordés; si l'on parle aux soldatz, les cappitaines auront le change, qui les conduisent et retiennent leurs payes, ou sont si avaricieux que pour desrobber eux mesmes ilz permettent a leurs soldatz de desrobber.

  A007000169 

 Parles aux cappitaines, les princes auront le change, qui ont tort de vouloir faire la guerre sans argent, ou qui n'advisent pas d'y mettre l'ordre au moins mal; et aucuns crient que tout le mal vient des peuples qui ne sont pas asses reformés.

  A007000170 

 O mon ame, n'est ce pas toy qui es cause de ce mal, qui as faict tant de pechés sur pechés, tant d'offenses, tant de laschetés que justement l'ire de Dieu est tombëe sur tout un peuple? Ne sçais tu pas qu'autrefois, s'ilz se fussent trouvé dix hommes de bien, le bon Dieu, pour leur respect, eust gardé toute une ville de ruine (au Gen., 18 )? Ah, que peut estre manquoit il le dixiesme en ce païs; que si tu te fusses reformé, peut estre eusses tu accompli le nombre: o quel grand bien! Et ne me respons pas: Pourquoy les autres n'y ont ilz advisé? car ilz en ont plus affaire que toy.

  A007000173 

 Que devons nous demander a Dieu, mes Freres? Tout ce qui est pour son honneur et le salut de nos ames, et en un mot l'assistance du Saint [26] Esprit: Emitte Spiritum tuum et creabuntur; et en ce tems icy, la paix et la tranquillité: Fiat pax in virtute tua; Rogate quæ ad pacem sunt Hierusalem.

  A007000173 

 l'obsecration, et par maniere de dire l'adjuration, qui est comme la rayson de nostre demande; la 3.

  A007000174 

 Et pour obtenir le Saint Esprit, il faut remercier Dieu le Pere qui l'envoye, de ce qu'il l'a envoyé sur nostre chef Jesus Christ Nostre Seigneur son Filz, entant qu'homme, [et] que ex plenitudine ejus omnes accepimus; de ce qu'il l'a envoyé sur ses Apostres pour nous le communiquer par leurs mains.

  A007000174 

 Il nous faut remercier le Filz, lequel entant que Dieu l'envoye pareillement sur ceux qui se disposent; mays sur tout, il le faut remercier de ce qu'entant qu'homme il nous a merité la grace de recevoir le Saint Esprit.

  A007000174 

 Il nous faut rendre graces a Dieu de tous ses bien-faictz, si nous voulons qu'il nous donne des victoires qui sont commencement de paix.

  A007000174 

 Sans luy, jamais nous ne pourrions le recevoir; car Dieu voyant devant le deluge les grans pechés qui se [27] commettoyent, ne dict il pas: Non permanebit spiritus meus in homine, quoniam caro est? O sentence terrible, o decret effroyable! Mais Nostre Seigneur, lhors qu'on rompoit sa beniste peau sur l'arbre de la croix et en la colomne, il rompoit avec son merite decretum chirographi, le decret et cedule qui nous tenoit obligés au pouvoir des enfers.

  A007000175 

 A l'oraison, il faut y adjouster l'obsecration, c'est a dire l'adjurer en vertu de quelque chose qui luy plaise: et premierement, par sa mesme bonté, motif esgal a luy mesme; secondement, par son Filz Nostre Seigneur, vray mediateur entre Dieu et les hommes, et unique quant a la mediation principale, essentielle et naturelle, ainsy que faict tousjours l'Eglise, quoy que les hæretiques la calomnient; troysiesmement, par ses Saintz qui sont mediateurs par intercession et dependance: Memento, Domine, David, etc. (vous autres particulierement par le glorieux saint Pierre, saint François, saint Dominique, saint Jacques, saint Maurice), et sur tout par le merite et par l'amour qu'il porte a sa sainte Mere, la glorieuse Vierge Marie; et cecy ce sera accomplir la quatriesme condition pour recevoir le Saint Esprit, car ce sera estre cum Maria Matre Jesu.

  A007000176 

 Donques, quand il dict cum mulieribus et Maria Matre Jesu, c'est autant a dire comme qui diroit: Il est avec le roy, a la suite du roy; car il ne nomme particulierement ceste Dame sinon honoris causa..

  A007000177 

 Ceux qui ne sont pas avortons du Christianisme, mais sont de la vraye generation de Jesus Christ, ayment ceste Dame, l'honnorent, la louent en tout et par tout: Beatam me dicent omnes generationes.

  A007000177 

 Que ces suffisans donques se retirent, qui ont peur que nous ne faisions trop d'honneur a la Vierge; car elle est digne de tout l'honneur qui appartient a la pure creature, tant spirituelle que corporelle.

  A007000177 

 « Non habebit Christum in fratrem, qui Mariam noluerit habere in matrem, et qui non erit frater Christi, sane nec cohæres.

  A007000178 

 Qui justus est, justificetur adhuc.

  A007000179 

 C'est Jesus Christ, beny, tres glorieux, qui vit et regne avec le Pere et le Saint Esprit, duquel la benediction tombe sur nous.

  A007000179 

 Donques, qui veut avoir le Saint Esprit, qu'il se joigne avec Marie, quia qui cum ea non colligit, spargit.

  A007000179 

 Serves la, honnores la, affin que Celuy qui vient a nous par elle, nous reçoive par elle: Per te nos « suscipiat, qui per te » ad nos venit.

  A007000188 

 Il pourroit sembler estrange a quelqu'un, mes chers auditeurs, que vous ayant apporté du pain la semaine passëe en ceste chaire, vous disant: Hic est panis qui de cœlo descendit (Joan., 6 ), maintenant je ne vous y apporte qu' une pierre, disant: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; et neantmoins, quand je vous invitay a ceste exhortation, je vous promis une semblable refection spirituelle que celle que je vous presentay alhors.

  A007000192 

 Mais peut estre me dires vous que l'Eglise ne tient pas que ceux qui meurent martirs soyent mortz, mays vivans, et estime que, passans a une meilleure vie, on a grande occasion de se resjouyr en leur mort; et pour ce que leur nativité estant accompaignëe de peché elle les amene aux miseres, et leur mort les mene a la gloire, on celebre leur nativité le jour qu'ilz meurent..

  A007000193 

 Mays aujourd'huy je ne veux pas m'arrester sur ces choses pour vous les prouver; je ne prendray que ce qui fait a mon propos pour la solemnité de ce jour..

  A007000195 

 Et vous semble il pas que saint Pierre soit Evangelii luminare majus, puysque c'est luy qui præest diei Evangelii? lesquelz deux luminaires ont esté mis au ciel ecclesiastique par Celuy qui l'a faict et formé, qui est Jesus Christ Nostre Seigneur..

  A007000196 

 Ce que je ne dis pas pour vous faire entendre que saint Jan ne sceust bien la verité, mais affin que vous sçachies que comme saint Pierre, qui estoit le luminaire qui præsidoit au jour, parle ouvertement, aussi saint Jan, pour s'accommoder au tems auquel il præsidoit, qui estoit le tems des ombres et des figures, il parle plus couvertement..

  A007000199 

 Mais considerons maintenant la ressemblance de ces deux nativités de saint Jan et de saint Pierre, a condition toutesfois que nous ne ferons que toucher ce qui sera de saint Jan, pour nous arrester davantage en ce qui est de saint Pierre, puysque c'est en ce jour que nous celebrons sa feste.

  A007000200 

 Ainsy Nostre Seigneur, se bruslant au feu de sa tres grande charité et puys se jettant dans les eaux de la mer Rouge de sa Passion, renouvella sa jeunesse, et comparut, sortant d'icelle en resuscitant, glorieux, renouvelle comme l'aigle, [36] suivant ce qui est es Psalmes: Renovabitur ut aquilæ juventus tua; Psalm.

  A007000200 

 Saint Jan nasquit pour finir la Loy mosaïque, saint Pierre mourut pour commencer l'Eglise Catholique; non que saint Pierre fust le commencement fondamental de l'Eglise, ny saint Jan la fin de la Synagogue, car c'est Nostre Seigneur, lequel mit fin a la Loy de Moyse, disant sur la croix: Consummatum est (Joan., 19 ), et resuscitant, il commença l'Eglise nouvelle; car comme il se renouvella luy mesme, aussi renouvella il son Eglise: il se renouvella, dis je, resuscitant revestu d'immortalité, luy qui s'estoit auparavant revestu de nostre mortalité: Et habitu inventus ut homo, etc.; Philip., 2.

  A007000201 

 Mais quel encens penses vous que saint Pierre offroit au Seigneur quand il luy respondit: Domine, tu scis quia amo te? odeur qui seule est aggreable a sa divine Majesté..

  A007000203 

 Ainsy furent sanctifiés les Apostres au jour de la Pentecoste; de quoy nous avons tesmoignage en saint Pol, qui dict qu'il est asseuré qu'aucune chose, non pas mesme la mort, ne le pourra separer de la charité de Jesus Christ: Scio quia neque mors nos separabit a charitate Christi; Rom., 8..

  A007000203 

 est de ceux qui ne sont pas saintz sinon contingemment, et sans aucune necessité que par la volonté de Dieu; neantmoins ilz le sont tousjours.

  A007000203 

 sorte de sanctification est de ceux qui ne sont pas tous-jours saintz, mais seulement sont sanctifiés au ventre de leur mere: telz furent saint Jan, Hieremie, et, selon l'opinion de quelques uns, saint Joseph, auxquelz on attribue ces parolles: Antequam progredereris ex utero, sanctificavi te.

  A007000203 

 sorte est de ceux qui sont sanctifiés d'une sanctification commune a tous les [37] justes avant que de mourir, desquelz il est dict, Sap., 3: Justorum animæ in manu Dei sunt.

  A007000204 

 Le mesme peut on dire de la sanctification de saint Pierre, qui se fit dans le cenacle, ou la Sainte Vierge estoit aussi presente, a la descente du Saint Esprit; tellement que l'on peut dire de luy comme de saint Jan: Exultavit infans, puysque saint Pierre auparavant, comme enfant, n'avoit quasi jamais parlé, et tout aussi tost, aperiens os suum Petrus, il commença a prescher et convertir les ames a milliers..

  A007000206 

 Les philosophes ayant recherché, il y a plus de deux mille ans, les causes du flux et reflux de la mer, ne l'ont jamais sceu comprendre; mais je ne vous donne pas ce terme pour sçavoir la solution de ceste question: estudies seulement par imitation la sainteté de ces deux grans Saintz, et la pluspart de ceux qui sont icy le sçauront dans peu de tems..

  A007000207 

 Mais je ferois tort au passage de la Sainte Escriture que j'ay cité au commencement de ce sermon, si je m'arrestois davantage a poursuyvre les ressemblances qui sont entre la nativité de saint Jan et la mort de saint Pierre, puysque j'ay tant d'occasion de faire une comparayson plus haute, c'est a sçavoir entre la mort de saint Pierre et celle de nostre divin Sauveur..

  A007000207 

 Or, despuys l'Ascension de Nostre Seigneur, ceux qui ont mesprisé ceste mortalité se sont faict par la mort une nativité.

  A007000209 

 Car il y a plusieurs noms qu'elle n'a pas seulement en apparence et similitude mays en verité, comme Mere de grace, Mere de Dieu, et par consequent Reyne des Anges et Imperatrice du Ciel et de la terre, Advocate des pecheurs, Mere de misericorde; car celle qui est vrayement Mere de Dieu a tous ces tiltres avec plus de rayson, ce semble, qu'un roy ne porte le nom de son royaume.

  A007000211 

 Ouy vrayement, car l'idolatrie regnant en ce tems la a Rome qui estoit baignëe du sang des Martirs par la tyrannie de Neron, ceste ville devoit estre appellëe neronienne ou Babylone, et non pas chrestienne.

  A007000212 

 C'est saint Ambroyse en son oraison Contre Auxence, saint Athanase en son Apologie pour sa fuitte, saint Hierosme sur saint Pierre, outre les memoyres qui sont encores a present a Rome.

  A007000212 

 Or, tout ce que je vous ay dict est rapporté par des autheurs irreprochables, a l'opinion desquelz il n'y a homme de bon jugement qui ose s'opposer.

  A007000213 

 Ainsy me semble-il qu'il aye fait en sa reformation; car voulant que saint Pierre fust le president et gouverneur universel de son Eglise, qu'il commandast tant a ceux qui sont dans les eaux de ce monde comme a ceux qui se retirent en la Religion pour voler en l'air de la perfection, il le voulut rendre semblable a luy, et me semble qu'il dict: Faciamus eum ad imaginem nostram, c'est a dire, semblable a Jesus crucifié; c'est pourquoy il luy dict: Sequere me..

  A007000214 

 Combien plus, dis je, penses vous que ce divin Sauveur fust espris de l'amour de saint Pierre, qui estoit comme son image, plongé dans les eaux de la tribulation du martire? Nonne oportuit, dict il aux disciples d'Emaüs, Christum pati, et ita intrare in gloriam suam? Luc., 24; de mesme je diray: Nonne oportuit Petrum pati, et ita intrare in gloriam Domini sui? Ouy sans doute, car Nostire Seigneur luy avoit dict: Sequere me; viens a la gloire, mays comme moy..

  A007000214 

 Et si Narcisse qui n'ayma jamais aucune personne, fut si espris voyant sa propre ressemblance, combien plus Nostre Seigneur qui ne fit jamais qu'aymer? Aussi son cher Disciple disoit de luy: Cum dilexisset suos, in finem dilexit eos, Joan., 13; et en un autre lieu, il est dit: In charitate perpetua dilexi te; Hierem., 31.

  A007000215 

 L'Evangeliste ne nomme pas la pluspart des personnes qui se trouverent a la Passion; mais cestuy ci, il le nomme, non sans mistere, et l'appelle Simon.

  A007000216 

 I. B. Petri, cap. 2; donq, luy promettant sa lieutenance au gouvernement de son Eglise, il luy donne encores un de ses noms qui signifie puyssance.

  A007000216 

 Quand Nostre Seigneur voulut monstrer a saint Pierre qu'il le vouloit faire chef de l'Eglise, il luy dict: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; en quoy, comme il luy communiquoit la charge de son troupeau, aussi luy donnoit il l'un de ses noms qui signifie puyssance; car le nom de Pierre est un des noms que l'Escriture attribue a Nostre Seigneur: Petra autem erat Christus, I Cor., 10; Lapis quem reprobaverunt ædificantes, hic factus est in caput anguli Epist.

  A007000217 

 Le nom de Simon en hebrieu veut dire obeyssant; donques Nostre Seigneur qui luy communiqua le nom de puyssance quand il luy promit la puyssance, luy communique maintenant son nom de passion et de souffrance quand il luy prædit sa mort: si bien que l'on peut dire que Petrus factus est Simon usque ad mortem..

  A007000219 

 Avant que de finir, je veux satisfaire a la curiosité de ceux qui pourroyent demander pourquoy saint Pierre voulut mourir la teste en bas.

  A007000220 

 Saint Pierre en outre renversa la teste contre terre pour monstrer que, s'en allant au Ciel, il laissoit neantmoins sa succession en terre, de laquelle Nostre Seigneur luy dict: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam. Imagines vous que saint Pierre est le premier fondement apres Jesus Christ; puys ses successeurs se sont fondés successivement sur luy, comme pierres angulaires qui tiennent ensemble le bastiment de l'Eglise.

  A007000220 

 Si vous estes en doute comme il faut entendre ceste loy evangelique, alles a ceste pierre pour apprendre comme il faut croyre: sur quoy je ne m'arresteray pas beaucoup, pour le prouver amplement, ne m'estant proposé pour sujet de ceste exhortation que la mort de saint Pierre, me contentant de vous apporter pour le present une seule rayson, mais qui est fondamentale..

  A007000221 

 L'Eglise est une monarchie, et partant il luy faut un chef visible qui la gouverne comme le sauverain lieutenant de Nostre Seigneur; car autrement, quand Nostre Seigneur dict: Die Ecclesiæ, a qui parlerions nous, ou comment conserverions nous l'unité de la foy? Et quand une personne se voudroit emanciper, qui la pourroit reduire au bercail? Comment pourroit on empescher qu'il n'y eust de la division dans l'Eglise? Autrement, lhors que, comme dict saint Hierosme, « totus orbis se Arianum esse miratus est, » comment se fust il converty? Omne regnum in se divisum desolabitur; Luc., 11..

  A007000222 

 Et laissant a part le consentement universel de tous les siecles, notamment des huict premiers, ainsy qu'il se voit clairement dans la Visible Monarchie de Sander, voyci une rayson puyssante: pource que jamais il n'y a eu Evesque qui ait pensé d'estre sauverain et [48] commun pasteur de toute l'Eglise, que les successeurs de saint Pierre, et jamais on n'a mis en doute ni proposé qu'aucun autre le fust; sur tout maintenant il n'y a Evesque en tout le Christianisme qui s'attribue ceste qualité, et duquel on propose qu'il soit pasteur general, sinon le Pape.

  A007000222 

 Que dirons nous donq? Il n'y en a point qui ayent jamais pretendu de l'estre que les successeurs de saint Pierre; il n'y en a point qui le pretendent, il n'y en a point de qui on aye jamais eu ceste pensëe que du Pape; c'est une des verités que l'Eglise a tousjours creu: et d'autre part il faut qu'il y en aye un; donques c'est luy sans doute.

  A007000222 

 Quicumque tecum non colligit, spargit; hoc est, qui Christi non est, antichristi est.

  A007000224 

 Beatus qui allidet parvulos suos ad petram, dict le Psalmiste.

  A007000224 

 C'est le chef de l' Eglise qui est la colomne [50] et le firmament de verité, comme dict saint Pol a son Timothee.

  A007000224 

 Et la seconde, pour la reformation de nostre entendement, je desirerois que nous fussions simples et fermes en la foy que la sainte Eglise nous enseigne, croyant fermement tout ce qui est escrit en ceste pierre, car je vous ay dict que la lo.y evangelique y estoit escritte.

  A007000224 

 Quand il survient quelquefois des fantasies es choses de la foy, certaynes petites suffisances, imaginations et pensëes d'infidelité, que feres vous? Si vous les laisses entrer dans vostre esprit, elles vous troubleront et osteront la paix; rompes et venes fracasser ces pensëes et imaginations contre ceste pierre de l'Eglise, et dites a vostre entendement: Ah, mon entendement, Dieu ne vous a pas commandé de vous repaistre vous mesme; c'est a ceste pierre et a ses successeurs a qui cela appartient, donq: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000225 

 Ainsy voudrois-je que ceux qui pensent sçavoir quelque chose, et, appuyés sur ceste imagination, laissent croistre la pointe et vivacité de leur esprit, par un certain raysonnement humain, si longue, que, par une certaine presomption d'eux mesmes, ilz ne veulent plus recevoir la saine doctrine de l'Eglise, qu'ilz viennent briser leur raysonnement [51] contre ceste pierre: Beatus qui allidet parvulos suos ad petram.

  A007000225 

 Les autheurs qui ont traitté de la nature des animaux disent que l'aigle a le bec si vif et luy croist tellement, que souvent il l'empesche de prendre sa nourriture, et asseurent qu'elle ne meurt jamais sinon pour avoir le bec trop long et trop crochu.

  A007000225 

 Ne regardons jamais les cogitations de la foy qui ne sont pas de Dieu ny fondëes sur la pierre de l'Eglise Catholique; mays brisons les, et rompons leurs pointes contre ceste pierre, c'est a dire avec l'authorité apostolique de l'Eglise..

  A007000226 

 Mays outre ces pensëes qui sont les petitz de l'entendement dont parle le Psalmiste, il y a d'autres petitz de la volonté, qui sont nos pechés, desquelz encores je dis: Beatus qui allidet parvulos suos ad petram; car Dieu a donné a ceste pierre la force et le pouvoir de remettre et oster les pechés.

  A007000227 

 Aymes le de tout vostre cœur, serves le [52] fidellement, evites soigneusement tout ce qui le peut offenser, et par ce moyen vous obtiendres la paix, car il dict: Pax multa diligentibus legem Dei, et non est illis scandalum.

  A007000227 

 Or, puysqu'il n'y a personne si saint qui ne contrevienne quelquefois a la loy de Dieu, au moins tesmoignons que nous aymons ceste loy, en demandant pardon a Dieu, et venant briser nos pechés par la confession et pœnitence aux pieds du prestre, comme a une pierre fondëe sur la pierre de la foy: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000252 

 Nostre Seigneur donques ayant praedict a ses Apostres quilz devoyent estre persecutés pour son nom, Math, 10: Ecce ego mitto vos in medio luporum, et en saint Jan, 16: Venit hora ut omnis qui interficit vos arbitretur se obsequium præstare Deo, il veut encores en particulier [prédire] a saint Pierre les assaultz quil devoit recevoir pour son nom, par un particulier privilege quil faict au Prince des Apostres..

  A007000253 

 En saint Jan, 16, Nostre Seigneur ayant praedict aux Apostres les persecutions quilz devoyent endurer, il leur donne la rayson pour laquelle il le leur praedict, laquelle servira a present a ceux qui me demanderont pourquoy j'apelle privilege du Prince des Apostres qu'on luy aye praedict sa mort et son emprisonnement: Ut, cum venerit hora eorum, reminiscamini quia ego dixi vobis..

  A007000255 

 Donques, ut reminiscamini quia ego, qui ay tant enduré pour vous, dixi vobis..

  A007000255 

 Le courage croit extremement a celuy qui endure, quand celuy pour lequel il endure a soufert beaucoup au præalable pour soy.

  A007000257 

 Car n'est ce pas une grande consolation de sçavoir qu'on doit estre si grand aupres de son Maistre que de boire dedans sa couppe mesme? La couppe de Nostre Seigneur c'est la tribulation: Potestis bibere calicem quem ego bibiturus sum? Calice qui est si praetieux que le Pere æternel ne voulut jamais le changer pour son Filz, lequel, comme sil eut esté trop puyssant et fumeux pour la bouche de la partie inferieure de son humanité, il s'excusoit de le boire, se sousmettant neantmoins a la volonté du Pere.

  A007000257 

 Mays outre tout cela, qui est pour monstrer que la praediction de Nostre Seigneur apportoit grande consolation a l'heure de la tribulation, ell'apportoit encores consolation tout le tems de la vie.

  A007000261 

 Et la nuict estant venue, apres laquelle Herodes le devoit livrer a mort, saint Pierre dormant entre deux soldatz, lié de deux chaines, voicy l'Ange qui luy assista et une grande lueur se fit en la prison; lequel frappant saint Pierre au costé, l'esveilla disant: Leve toy vistement.

  A007000263 

 C'est ce qui la faict encor persecuter maintenant: certaine rayson d'Estat.

  A007000263 

 Il faut fayre ceste resolution, que non inveniet Deum in die judicii Patrem, qui in terra Ecclesiam non reveretur ut matrem.

  A007000263 

 Le grand philosophe chrestien, Justin le Martir, en l'Apologie a Antonin, rejette l'erreur d'aucuns qui se faisoient acroire que l'Eglise vouloit lever le magistrat seculier, et sous ce pretexte, la persecutoient.

  A007000263 

 Qui me contemnunt erunt ignobiles: ja Dieu ne plaise que nous nous procurions les malheurs pour la mauvaise affection qu'on a a l'Eglise, que nos praedecesseurs ont fuis et evités, et surmontés et chassés par leur devotion.

  A007000264 

 C'est ce vir qui doit confirmer et corroborer ses freres; c'est ce beatus, car on l'appelle saint.

  A007000264 

 C'est celuy qui non abiit in consilio impiorum, quia rogavit pro te ut non deficiat fides sua.

  A007000264 

 C'est luy qui in cathedra pestilentiæ non sedit, puysque in cathedra seniorum laudant eum. C'est luy qui est planté secus decursus aquarum, puysquil a la perpetuelle influence de la foy.

  A007000264 

 C'est luy qui in via peccatorum non stetit, car il demeure en sa bergerie: Pasce oves meas.

  A007000264 

 C'est luy qui ne seche jamais et rend bon fruict en son tems, puysque de son fruict se repaissent les ouailles du Seigneur, et a l'abril de ses feuilles, elles sont gardees et du chaud et du froid; car c'est d'elles que parle le Psalmiste: Sol non uret te per diem, neque luna per noctem..

  A007000265 

 Abel fut le premier pasteur et agreable sacrificateur, et Cain maistre de la terre, qui le tue, et puis respond: Nunquid custos sum fratris mei? David incontinent est persecuté de Saul; Joseph de ses freres, et Jacob d'Esau.

  A007000265 

 Mais oyes comme incontinent apres avoir descrit ce grand Pasteur, il descrit les traverses qui luy doivent arriver.

  A007000267 

 Mays je crois que saint Pierre a esté trop hardi ci devant pour dormir maintenant; je crois quil dormoit d'asseurance, comme quand le mesme, Psalme 3, apres avoir dict: Domine, quid multiplicati sunt qui tribulant me? monstrant que pour tout cela il ne perdoit poinct courage, il dict: Ego dormivi et soporatus sum, et exurrexi..

  A007000268 

 Ou bien, par un plus haut mistere, Nostre Seigneur dormant en croix entre deux larrons, fut frappé sur le costé, dont sortit sanc et eau, et forma son Eglise; ainsy saint Pierre, affin quil suyvit Celuy qui luy avoit commandé: Sequere me. [65].

  A007000274 

 Beati oculi qui vident quæ vos videtis..

  A007000277 

 Les quattre bras esquelz il se separe, sont quattre principaux documens qu'il contient: de bien croire: Beati oculi qui vident, etc.; de bien esperer et desirer: Domine, quid faciendo? etc.; de bien aymer, et garder les commandemens: In lege quid scriptum est? Diliges Dominum Deum tuum et finalement, de l'usage des Sacremens: Samaritanus [66] misericordia motus, alligavit vulnera ejus, infundens oleum et vinum.

  A007000279 

 C'est une chose bien certaine et qui nous devroit bien consoler, que Jesus Christ Nostre Seigneur et Maistre, en toute rigueur de justice, avec un juste prix, a payé et satisfait a Dieu son Pere ce que nous avions merité de peyne pour tous nos pechés, et non seulement pour tous les nostres, mays pour tous ceux de tout le monde.

  A007000281 

 Ou bien disons que Nostre Seigneur a faict comme le bon mary, lequel voyant sa chere moitié atteinte de peste, sçachant quelque expert medecin qui en sceust guerir avec des tablettes, il va, et poussé d'une extreme affection de voir sa compaigne guerie, il offre cent beaux escuz de ces tablettes, sans s'amuser a considerer que les ingrediens d'icelles ne valent pas trois solz.

  A007000282 

 Ainsy, Nostre Seigneur avoit un cheval, qui estoit l'homme: Comparatus est jumentis insipientibus; et ailleurs: Ut jumentum factus sum apud te, et ego semper tecum.

  A007000282 

 Ce cheval estoit affollé par son [68] peché: que faict nostre Sauveur? Sans regarder a la valeur de ce cheval, il donne un prix qui vaut infiniment plus, et pour nourrir ce chien caignardier, il tue l' aigneau qui est luy mesme..

  A007000282 

 N'aves vous jamais ouÿ dire: Je voudrois avoir racheté ce cheval de troys fois autant qu'il valoit? N'aves vous jamais veu des dames tuer des moutons pour nourrir un petit chien couard et caignard, qui ne valoit pas l'un des pieds du pauvre mouton? Qui faict cela? l'affection, non la valeur et juste estimation.

  A007000283 

 Ou bien disons que Nostre Seigneur ressemble au pere qui ayant son filz saysi pour crime, sans regarder a autre chose, donne au prince pour delivrer son filz plus que toutes les amendes a toute rigueur ne pouvoyent monter.

  A007000284 

 Et de vray, qu'est ce faire satisfaction d'honneur, sinon faire et exhiber honneur? Or est-il que l'honneur est plus grand a proportion de celuy qui le rend; car le moindre honneur que faict un prince vaut plus sans comparayson que tous les honneurs que sçauroit rendre un homme de basse condition, d'autant que « honor est in honorante » (I Ethic., chap. 3), l'honneur est dans celuy qui le rend..

  A007000284 

 La satisfaction est d'autant plus grande et plus valable que la personne qui la faict est grande, signalëe et de plus de merite.

  A007000285 

 Disons donques: si l'honneur est d'autant plus grand que celuy qui le faict est grand, si la satisfaction est d'autant plus grande que celuy qui la faict est grand, quelle devra estre la satisfaction, quel l'honneur de celuy qui est infiniment grand? L'honneur rendu, la satisfaction faitte par un personnage infini ne peut estre sinon infinie.

  A007000285 

 Je sçay bien que l'offence avoit quelque infinité a rayson de la personne offencëe, qui estoit infinie; mais c'est une infinité qui n'est pas tant aprincipio intrinseco comme celle qui se prend de l'agent..

  A007000285 

 » Ce n'est pas la nature qui a enduré, ç'a esté la personne en la nature; ce n'est pas l'ame qui discourt, c'est la personne par l'ame.

  A007000286 

 Entendes bien ceci: estant esgal a son Pere, il s'abbaissa et aneantit jusques a la mort, qui est la moindre de toutes les creatures, n'estant que privation; et partant, Dieu son Pere luy donne un nom qui est au dessus de tout nom, a sçavoir le nom de Jesus, qui signifie Sauveur, comme s'il disoit: Il est justement Sauveur, puysqu'estant infini, avec son infinie satisfaction, il a payé en toute rigueur..

  A007000287 

 C'est ce qui faict dire a Hieremie que Nostre Seigneur sera appellé Dominus justus noster: il l'est bien justement, puysqu'il a payé si cherement nostre rançon.

  A007000287 

 Jamais vous ne vous trouvastes plus esbahis que si vous lises deux passages qui sont en Job.

  A007000287 

 Voicy la belle et preignante rayson pour laquelle Nostre Seigneur dict: Beati oculi qui vident quæ vos videtis; comme s'il disoit: Quel bonheur est ce a vous de voir le tresor duquel on doit prendre la rançon de tout le monde..

  A007000289 

 Qui void et ne croid n'est bienheureux que comme les Juifz; qui croid et ne void est bienheureux comme il fut dit a saint Thomas: Beati qui non viderunt et crediderunt; qui void et croid est bienheureux encores comme saint Thomas, qui vid premierement, et puys creut; mais qui croid et void: Beati oculi, etc. Donq le fondement de toute beatitude c'est la satisfaction de Nostre Seigneur surabondante; la veuë du cors de Nostre Seigneur est la beatitude de nos yeux corporelz praeparëe; mais ny l'un ny l'autre ne nous profitera de rien, si nous ne l'appliquons a nous mesmes par la foy, esperance, charité et par les Sacremens..

  A007000289 

 rayson pour laquelle Nostre Seigneur a dict: Beati oculi, etc., est prise encores de ce mesme Docteur seraphique: pource que la gloire principale des yeux corporelz sera de voir Jesus Christ, et de l'ouye, de l'ouyr; en l'autre monde sera parfaitte pour lhors ceste gloire qui n'a esté ici que commencëe, dont Job a dict: Credo quod Redemptor meus vivit, et in carne mea videbo Deum Salvatorem meum: quem oculi mei [72] conspecturi sunt.

  A007000290 

 Donques, pour venir au poinct Beati oculi qui vident quæ vos videtis, il y a quatre endroitz par lesquelz Dieu peut venir en nous: l'entendement, la memoyre, la volonté et les sens exterieurs.

  A007000290 

 Saint Jan dict bien que Nostre Seigneur dedit eis potestatem filios Dei fieri; mais qu'adjouste-il? His qui credunt in nomine ejus; et ailleurs: Sic Deus dilexit mundum, ut Filium suum, etc., ut omnis qui credit in eum non pereat, sed habeat vitam æternam.

  A007000291 

 Les autres ont veu en general; entre lesquelz et les Apostres il y a autant de difference qu'entre ceux qui voyent de bien loin et confusement, et ceux qui voyent de pres et distinctement..

  A007000291 

 Vous me dires: Si ceste parolle s'entend de la foy, comme vient a propos ce qui s'ensuit: Dico enim vobis, quod multi prophetæ et reges voluerunt videre quæ vos videtis? car il n'y a point eu de Prophetes qui n'ayent creu.

  A007000292 

 Je vous en diray tout autant, Messieurs: Beati oculi qui vident. Combien penses vous qu'il y a de peuples qui voudroyent voir ce que vous voyes? Combien de Catholiques es [74] Allemaignes et en Angleterre, qui voudroyent avoir les commodités de leur salut, voir et ouÿr ce que vous oyes les Caresmes? Combien es Indes y a il de peuples lesquelz, ayans seulement senti quelque petite fumëe de l'Evangile, par le bon exemple des Chrestiens qui trafiquent avec eux, se sont convertis? Ilz n'ont pas encores eu ce bien d'avoir ceste bonne nouvelle que Jesus Christ est nay et mort pour nostre salut et resuscité pour nostre glorification; ilz n'ont point de Prælat qui aye soin d'eux, ilz n'ont personne qui les conduise au bien croire ni au bien faire, monstrant bien leur affection en ce qu'ilz se convertissent a milliers avec grande pœnitence..

  A007000293 

 Beati oculi qui vident, etc.; Multi reges voluerunt, etc..

  A007000293 

 Qui pourroit jamais lire sans larmes ce qu'on escrit du bon capitaine Anthoyne de Paive, qui convertit si tost les roys des Mazacariens, des Sianiens et Supaniens? Et qui ne se trouvera le cœur saysi, considerant la premiere conversion si soudaine et si grande que firent trois Peres de l'Ordre de saint Dominique en Conge? Qui ne dira avoir esté bienheureux les travaux de tant de prestres et Religieux qui sont allés prescher es Indes, puysqu'ilz ont trouvé la terre des cœurs humains si fertile et traittable, que, a une seule rosëe de la parolle de Dieu, elle germe et bourgeonne toutes sortes de fleurs chrestiennes? Cela nous doit faire pleurer de consolation d'un costé, de voir Dieu receu en ces contrëes, et pleurer de detresse de l'autre costé, de nous voir recevoir si abondamment ses graces sans rendre aucun fruict.

  A007000294 

 Je diray encores que c'est une grande honte d'avoir veu les Indiens si catholiques qu'ilz croyent tout sans douter a la simple parole des prestres, et nous, qui sommes nourris et nays en l'Eglise, voulons tout contreroller.

  A007000294 

 Quant aux traditions ecclesiastiques, n'y a il pas en l'Evangile: [75] Qui vos audit me audit? Si quis Ecclesiam non audierit, etc.? Ut scias quomodo oporteat te conversari in domo Dei, quce est columna et firmamentum veritatis? Rogavi pro te, Petre? Jamais je ne cesseray de vous prier, Messieurs, pour l'affection que j'ay au service de vos ames, que vous taschies a vous acquerir une grande simplicité en la foy, croyant et voulant inviolablement croire ce que l'Eglise croit; ce sera vostre consolation en la mort..

  A007000295 

 Or, ce pendant que Nostre Seigneur dict ces paroles, tout a propos arriva un docteur de la loy, qui, pour le tenter, demanda: Maistre, qu'est ce qu'il faut faire pour avoir la vie eternelle? Je dis tout a propos, non pour l'intention de cestuy cy, qui estoit mauvaise, mays pour les paroles qu'il dict: Domine, quid faciendo? etc., lesquelles de soy estoyent tres bonnes et a propos; car Nostre Seigneur ayant loué le bien croire des Apostres, cestuy cy l'interroge du bien faire: Domine, quid faciendo? Laissons a part l'intention; ces paroles sont pleines d'esperance.

  A007000296 

 Non, non, il ne le faut pas penser sans rien faire, mays en faysant: Domine, quid faciendo? Et de vray, qui croit bien ce dont nous avons discouru au commencement, comme n'esperera il de Dieu toute sorte de biens? Qui connoist combien Dieu a faict pour nous, et qui croit aux peynes que Nostre Seigneur a endurëes pour nous, il ne peut qu'il ne soit en bonne esperance: ainsy la Magdeleyne, [76] ut cognovit quod Jesus accubuisset, attulit alabastrum.

  A007000296 

 Notes que je dis bien esperer, pour ce qu'il y en a qui pensent que sans rien faire, on les portera en Paradis.

  A007000297 

 David, Psal. 16, dict il pas: Propter verba labiorum tuorum, ego custodivi vias duras? Et qui sont ces parolles des levres de Nostre Seigneur? Saint Pierre: Domine, ad quem ibimus? verba vitæ æternæ habes..

  A007000297 

 Et de vray, de quoy devrions nous avoir plus de desir que de la vie eternelle? S'il se trouvoit un medecin si fortuné qui trouvast quelque herbe qui peust asseurer cinquante ans de vie, mon Dieu, comme chacun y courroit, on n'y espargneroit rien.

  A007000298 

 C'est ceste vie eternelle de laquelle Nostre Seigneur [77] en la Genese vouloit esmouvoir Caïn quand il luy dict: Nonne, si bene egeris, recipies? C'est ceste vie eternelle, pour le desir de laquelle le bon homme Jacob s'appelle pelerin en la Genese, 47: Les jours, respond-il au Roy, du pelerinage de ma vie, que bons que mauvais, sont de cent trente ans, qui n'approchent encores pas de ceux de mes prædecesseurs, esquelz ilz ont vescu sur la terre; dont David dict: Memor fui dierum antiquorum, et annos æternos in mente habui.

  A007000298 

 La vie eternelle, qui la considere bien, est suffisante pour esmouvoir les cœurs les plus endurcis..

  A007000299 

 Au commencement, en la ferveur de l'Ordre de saint Dominique, il y avoit un prædicateur nommé Reginaldus, qui preschoit a Bologne avec un fruict indicible.

  A007000299 

 En ceste ville, il y avoit un homme docte et riche, qui, de peur d'estre converti par iceluy, ne le vouloit pas aller ouÿr, comme plusieurs font; il arriva neantmoins que l'ayant ouÿ une fois sur ces parolles: Video cælos apertos, le jour de saint Estienne, il se convertit et se fit Religieux.

  A007000300 

 C'est une Confraternité ou il n'y a rien a redire, car tous les articles d'icelle sont tressaintz, veuz et reveuz par Monseigneur nostre Reverendissime Pasteur; il n'y a rien qui soit malaysé a faire.

  A007000301 

 Respondes, âmes devotes et courageuses, a ceux qui en gausseront: Patres nostri annuntiaverunt nobis, non seulement parce que Monseigneur le Reverendissime et ceux qui l'ont dressëe sont peres qui ayment autant vos ames que vous le pouves souhaitter, mays pour ce que l'institution est ancienne, et y en a de toutes semblables a Paris, Lyon, Tholose, Avignon, par toute la France et l'Italie.

  A007000311 

 4, le peuple hebreu sentit tant de consolation que tout le peuple tumbant sur sa face loua et benit Dieu qui les avoit ainsy prosperé, quelle joÿe, quelle consolation devrons nous recevoir aujourdhuy en la memoyre de l'Exaltation de la tressainte [Croix,] laquelle, ayant esté terrassëe et abbatue par les infidelles, [80] fut en semblable jour, par ce grand cappitayne Hæraclius, relevëe et redressëe? D'autant plus grande pour vray, mes Freres, doit estre nostre consolation qu'en cest ancien Temple ne furent onques offerts que veaux, boucqs, aigneaux; mays sur la Croix, le Filz aeternel de Dieu.

  A007000311 

 O ceste Croix devance d'une grande traitte toute la magnificence de l'ancien Temple, d'autant que le sacrifice qui a esté offert sur icelle surpasse tous ceux qui furent faicts dans ce Temple..

  A007000314 

 Ce qui estoit prædit, Ez.

  A007000314 

 Et qui n'honorera la Croix que Nostre Seigneur a tant honorëe? Multifariam multisque modis; [81] novissime, Aman pres de Mardochëe: Hoc honore condignus quem rex voluerit honorare.

  A007000316 

 Facent les huguenotz ce quilz voudront, comme les chiens qui s'attaquent a la pierre, que quand a nous, tousjours nous prædicamus Christum, etc. Nous ne sçavons autre: Absit mihi.

  A007000317 

 Qui autem Dei sunt, carnem suam crucifixerunt cum vitiis et concupiscentiis; hoc est, ad normam crucis aptarunt.

  A007000318 

 Je vis jamais chose qui se rapportat mieux a un'autre que le therebinthe qui estoit aupres de la ville de Sichem, rencontré par Jacob quand il alloit en Bethel, au pied duquel il enterra tous les idoles des siens.

  A007000318 

 Mes Freres, nous allons en Bethel: Bethel veut dire mayson de Dieu; nostre Jacob sera pour ceste heure saint Pol, qui crie: Hoc sentite in vobis, quod et in Christo; comme s'il disoit: Abjicite deos alienos.

  A007000328 

 Puysque par l'absence juste, comme je crois, de celuy qui vous devoit presenter la collation spirituelle de la part du maistre de ceans qui est Jesus Christ, j'ay encores eu ceste charge de vous entretenir de quelque discours spirituel, j'ay choysi celuy que l'Evangile me met en main de prime face, c'est a dire de la paralysie spirituelle et de la guerison d'icelle.

  A007000328 

 [85] Plaise a Dieu que je le puysse aussi bien faire comme il est utile et prouffitable, quoy que peut estre il ne soit pas des plus aggreables qu'on puysse faire; car il y a en cest aage une infinite de paralytiques spirituelz lesquelz ne pensent pas l'estre, et ne cherchent point la guerison d'une si estrange maladie, auxquelz je puys bien dire ce qui est porte par un Prophete: Ossa arida, audite Mot Domini; oyes un peu que c'est de vostre mal..

  A007000330 

 La paralysie corporelle est une maladie causee d'une humeur peccante qui saysit les nerfz et muscles, empeschant la communication des espritz vitaux et animaux, et par consequent privant les parties occupees, de mouvement et sentiment; et ceste humeur est ordinairement froide.

  A007000331 

 Le peche qui cause ceste paralysie est une certaine froidure et nonchalance spirituelle.

  A007000331 

 Mays quelques uns s'en remuent, taschant a se depetrer des eaux et se lever du peché, desquelz on peut dire: Benedicite omnia quæ moventur in aquis Domino; mays ceux qui ne se remuent point ne peuvent pas tenir ce langage..

  A007000332 

 Et puys, ceste maladie a une tres mauvaise condition, c'est qu'elle est presque incurable, aussi bien que la paralysie corporelle; non pas que le sauverain Medecin ne le sçache et ne le puisse faire, mais parce que ceux qui en sont atteintz ne sentant pas leur mal, pour la pluspart, ilz n'ont point de recours au medecin si quelqu'un ne les y porte, comme vous voyes aujourd'huy; car, comme dict le Prov., 26, v. 16: Sapientior sibi videtur piger, septem viris loquentibus sententias.

  A007000332 

 Ilz ont les yeux ouvertz pour voir des vanités mondaynes, ilz ont la langue bien desployëe, mais c'est pour se repaistre d'un grand parler sans vouloir rien faire; ilz [87] ne veulent recevoir correction de personne, ains c'est eux qui censurent tout le monde..

  A007000333 

 Maintenant, pour nous garder de ceste maladie et purger ceste humeur, si elle estoit par adventure en nous, il faut un peu voir ses causes particulieres; et combien qu'elles soyent en grand nombre, si est-ce que celles qui sont mieux assaysonnëes au lieu et a l'aage ou nous sommes, sont ces deux icy: une flatteuse et trompeuse excuse qu'on se forge en ses pechés, et une grande lascheté de courage.

  A007000334 

 Et le chicaneur qui sur un pied de mouche entretient un proces qui ruine l'ame, le cors et la mayson de deux miserables parties, il se flatte et s'excuse sur une petite et malotruë loy toute escorchëe, et par des tergiversations, faict perdre le droit a son prochain; et neantmoins c'est bien a luy auquel Nostre Seigneur a faict dire: Si utique justitiam loquimini, recta judicate, filii hominum.

  A007000334 

 Que penses vous que faict l'artisan qui survend sa marchandise, et lequel a tout propos jure, se maudit, etc., affin de vendre troys foys autant, et dict que c'est un gain honneste qu'il faict en homme de bien? Il cherche des excuses ad excusandas excusationes in peccatis, et c'est pour luy que David a adjousté: Qui jurat proximo suo, etc.; et Dieu: Non furtum facies.

  A007000335 

 Beati qui faciunt justitiam in omni tempore..

  A007000335 

 Ce juge qui la fait si longue, s'excuse sur dix mille raysons de coustume, de stile, de theorie, de prattique et de cautele; c'est a luy auquel s'addresse la loy « Properandum, » De Judiciis.

  A007000335 

 Væ vobis qui dicitis bonum malum, et malum bonum, et convertitis in absynthium judicium, car ce qui est establi pour le soulagement, il le rend la [88] ruine du païs.

  A007000336 

 L'usurier va il pas se trompant luy mesme, avec dix mille excuses pour faire mentir l'Escriture qui dict que telles sortes de gens n'iront point in tabernaculum Domini? Les prestres se flattent ilz pas avec des dispenses, quoy que le nemo potest duobus dominis inservire soit escrit en grosse lettre? Les dames se flattent elles pas, n'aymant point leurs maris, se playsant d'estre courtisees, s'excusant qu'elles ne font point d'actes contraires a leur honneur? Se plaisent elles point de passionner cestuy ci et celuy la, s'excusant que nonobstant, elles ne voudroyent pour rien violer la loy de leur mariage? C'est pour cela que Nostre Seigneur dict: Non concupisces.

  A007000337 

 C'est le vice auquel vous voyes tant de gens qui ne se veulent mouvoir au bien ny retirer du mal, pource que cela leur semble malaysé.

  A007000337 

 Ce sont ceux qui ayant esté pecheurs, sont du tout lasches a bien faire.

  A007000337 

 Qui ne pleureroit lisant le chap. 5 du livre 8 des Confessions de saint Augustin, ou il se lamente d'avoir procrastiné sa conversion? O Seigneur, comme te respondois je? « Modo, ecce modo, sine paululum; sed modo et modo non habebant modum, et sine paululum ibat in longum.

  A007000337 

 S'il faut se confesser: O que cela est fascheux, o que c'est une chose mal savoureuse! et ne considerent pas qu'il n'est pas des pechés comme des fruictz qui meurissent sur l'arbre et puys tombent d'eux mesmes, mais qu'au contraire, plus ilz demeurent en l'ame, tant plus malaysé est il de les arracher.

  A007000338 

 Ne faites pas comme l'Espouse [90] es Cantiques, qui trouva des excuses quand son amy vint disant qu'elle estoit au lict; elle le voulut par apres chercher et elle ne le retrouva plus.

  A007000339 

 Hé, mon frere, je te diray ce qu'il faut: il faut purger l'habitation du cœur, oster ce qui deplaist a Dieu, qui est le peché mortel, puys se preparer avec bonnes intentions et avoir ferme propos de s'amender.

  A007000340 

 Le feu excité par la meditation de la Mort et Passion guerit, mays guerit ceux qui sont d'une nature souple; c'est une medecine lenitive.

  A007000340 

 Que si quelqu'un se doute d'y tomber, comme nous avons tous occasion de la craindre, je vous veux donner un remede, duquel pourront encores user ceux qui sont desja tombés paralytiques, pour se guerir.

  A007000340 

 Voyes vous les maux que faict ceste paralysie, qui nous garde de cheminer a Dieu? vous aves veu ce que c'est.

  A007000341 

 Ad portas, pour voir ce qui s'y faict; et voyant les grandes peynes qu'on y endure, qui ne s'efforcera de les eviter, qui ne s'evertuera de n'estre point du nombre?.

  A007000349 

 Quo loco subibat illud Bernardi mellitissimi Clarevallensis Præpositi: Væ juveni qui antea fit peritus quam novitius; illudque simile, sed majoris momenti regis Davidis: Vanum est vobis ante lucem surgere; surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris.

  A007000349 

 Quod licet ex littera aliter intelligatur, ex spiritu tamen qui vivificat, ad eos qui quærunt antea præsidere quam sedere traducendum relinquitur; atque sane fructus præcoces et vernales non diu asservari possunt quin putrescant..

  A007000350 

 Ergo non immerito ea urgebat mentem meam increpatio: Siccine, o Francisce, qui omnibus, meritis, ingenio ac moribus postponendus eras, primoribus præponendum ducis? An nescis honores periculis ac oneribus esse [95] plenissimos? Hisce vocibus interius diu perterritus, illud Davidicum (sic) volvebam: Deus audivi auditiones tuas, et timui..

  A007000352 

 Mihi vero qui iis sum præpositus qui ea pollent modestia, fortitudine, prudentia ac charitate quæ in quolibet Prælato desiderari potest, ut eorum quilibet Præpositus esse mereatur; quid in hac causa metuendum est? Quid enim me moretur infantia, imperitia ac mentis [96] imbecillitas, cum nec monitis, nec disciplina, nec correctione ullo in hoc munere mihi futurum sit opus? Nisi quis velit, quod dixerunt veteres, « Minervam docere, » aut, ut more nostrorum dicam, « Sanctum Bernardum hortari, » vel inter Cordigeros, ut jam sumus, conceptum tegere latinitate.

  A007000352 

 Timendum enim erat illi Præposito qui iis præpositus est qui difficile intra caulas honestatis et in officio contineri possunt.

  A007000363 

 Naguère, en ces fêtes de Noël qui viennent de passer, vénérables Pères, la solennité même de ces jours me rappelait à la sollicitude que je dois avoir pour mon âme, et me faisait penser à la meilleure manière de passer chrétiennement et saintement ce qui me reste de cette vie mortelle.

  A007000364 

 Bien que le sens littéral soit différent, ne pourrait-on pas facilement, grace à l'esprit qui vivifie, appliquer ces paroles à ceux qui cherchent à présider avant d'avoir siégé? Les fruits précoces et printaniers ne peuvent être conservés longtemps sans se corrompre..

  A007000364 

 Ce mot de saint Bernard, le melliflueux Prévôt de Clairvaux, me venait à l'esprit: Malheur au jeune homme qui devient profès avant d'être novice, et cette parole encore plus grave du roi David: C'est en vain que vous vous levez avant le jour; levez-vous après vous être reposés, vous qui mangez le pain de la douleur.

  A007000364 

 [Ce qui me donnait grandement à craindre...] Il me semblait que c'était une chose bien nouvelle, hardie et périlleuse pour moi, soldat ignorant, inexpérimenté et inconnu dans la milice chrétienne, d'être honoré de la Prévôté à l'entrée même du noviciat ecclésiastique, de sorte que l'on peut presque dire que je suis préposé avant d'être posé, parfait avant d'être fait, et qu'une haute dignité reluit dans une grande indignité, comme une escarboucle dans la boue.

  A007000366 

 Oui, votre aimable et douce présence, Pères vénérables, me ranime et me réconforte à tel point qu'il serait difficile de dire ce qui m'a le plus vivement impressionné, de la terreur que j'éprouvais ou du bonheur que je ressens.

  A007000367 

 Celui qui n'a rien à apprendre n'a pas besoin de précepteur, et quand les vents sont favorables, n'importe quel nocher peut tenir le gouvernail..

  A007000367 

 Il aurait eu à craindre, le Prévôt qui eût été préposé à des hommes difficiles à contenir dans les bornes de l'honneur et du devoir.

  A007000367 

 Mais moi qui suis préposé à ceux dont la modestie, la force, la prudence, la charité l'emportent sur celles qu'on pourrait désirer dans le Prélat le plus accompli, en sorte que chacun d'eux mériterait d'être Prévôt, quelle crainte puis-je avoir en cette occasion? Pourquoi m'arrêter à mon jeune âge, à mon inexpérience, à mon manque de talents, puisque dans mes fonctions je n'aurai jamais à user d'admonitions, de [96] mesures de discipline ou de correction? A moins que, comme disaient les anciens, on ne veuille « instruire Minerve, » ou, selon notre proverbe, « prêcher saint Bernard » ou parler latin parmi les Cordeliers, au milieu desquels nous sommes.

  A007000372 

 C'est ainsi que nous lui rapportons plus facilement « ces biens qui procèdent tous de lui.

  A007000372 

 Tout cela, mes Pères, n'est que trop vrai; mais je vous supplie de répéter avec moi pour notre consolation: Dieu a coutume de choisir ce qu'il y a de plus infime en ce monde pour confondre ce qui est fort, et généralement, c'est de la bouche des enfants et de ceux qui sont encore à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000377 

 « Deus qui ad principium hujus muneris me pervenire fecisti, tua me semper serva virtute, ut in hoc munere ad nullum declinem peccatum, sed semper ad tuam justitiam faciendam mea procedant eloquia, dirigantur cogitationes et opera.

  A007000381 

 Illud enim subibat Davidicum: Vanum est vobis ante lucem surgere; surgite postquam sederitis; quod licet ex littera alio spectet, ex spiritu tamen qui vivificat, ad eos facile traduci potest qui quærunt antea præsidere quam sedere, quique, fructus vernalis et præcocis instar, non diu asservari possunt quin putrescant.

  A007000382 

 Ac mihi veluti spectrum quoddam occurrere videbatur subinde venerandus hic Canonicorum consessus, cujus in capite sedebat Claviger ille cœlestis, graviter increpans: Quis te, miser Francisce, movet, ut qui omnibus doctrina, ingenio, moribus postponendus eras, primoribus præponendum ducas? An nescis honores oneribus esse plenissimos? Siccine times illud incerto, brevi tamen [tempore], futurum examen: Redde rationem villicationis tuæ? Quibus vocibus quantus interius effectus sit animi mei motus, nec in mente revocare quicquam prodesset, nec si revocarem satis possem exprimere.

  A007000384 

 Mihi vero cum vos intueor, Patres, quid in hac causa metuendum est? [102] qui ea charitate ac prudentia præstatis quæ in quolibet Præposito desiderari possunt.

  A007000384 

 Timendum enim illi fuerat Præposito qui iis præest qui in officio difficile contineri possunt.

  A007000391 

 Ille est qui si fructus hosce nostros vernales, præcoces ac immaturos saccaro ac melle charitatis suæ condiverit, nihil verendum erit ne putrescant..

  A007000391 

 Ille est, Patres, qui lætificabit juventutem meam cum introibo ad altare ejus.

  A007000392 

 Quoniam scilicet debilis sum ingenio et doctrina, omnem meam spem in eum conjiciam qui potens est ut linguas infantium faciat esse disertas et qui « facienti quod in se est nunquam denegat auxilium, » ut suavissime et verissime omnes boni theologi pronunciaverunt..

  A007000393 

 Sed ne quis dicat nihil esse quod tam magnifice de [104] Dei bonitate sperandum mihi sit, qui ipse ultro gradum conscendi ex quo tam facilis est casus et præcipitatio; Deum quippe eos juvare in arduis qui sibi pericula non concitaverunt, qui vero periculum amant in eo perituros, tollam, si placet, hujusmodi de me sperandi impedimentum..

  A007000395 

 Quid vero tali loco constitutum velletis me fecisse, Patres? Prorsus rejicere, ingratitudinis, rusticitatis ac contemptus eorum qui hujus dignitatis authores mihi fuerant, nescio quid habere videbatur; admittere, multum periculi et anxietatis.

  A007000397 

 Quo fiet ut et qui major est sit sicut minor, et sint novissimi primi, et primi novissimi, in charitate non ficta.

  A007000397 

 » Quod ego ita vobiscum usurpabo ut Præfecturam canonicatui semper præferam, Franciscum autem de Sales, sive quod idem est hunc vestrum Præpositum, cuilibet Canonico demississime postponam, memor opificis Antigoni qui quamlibet dignitatem, vel etiam regiam, honoratam appellavit servitutem.

  A007000398 

 Non ferrum, non sulphureum pulverem qui caminum inferni sapit ac redolet propono; non ea promoveo castra [107] quæ qui sequuntur nulla illis fides pietasque viris.

  A007000400 

 Aquæductus est qui universam propemodum hæreticorum gentem reficit ac recreat, pessima scilicet sacerdotum exempla, facta, dicta, iniquitas denique omnium, præcipue tamen ecclesiastici ordinis, ut propter nos blasphemari quotidie inter gentes nomen suum meritissime simul et amarissime conquæratur Dominus per Prophetas.

  A007000402 

 Civitatem illam æternam de qua tam gloriosa dicta sunt, quæ tanta situs protegitur altitudine ac commoditate ut ne quidem oculis pateat, scimus, inquam, civitatem illam cœlestem orationibus ac justis operibus ita expugnari ut qui hujusmodi telis eam impetunt, eorum direptioni permissam esse dixerit summus illius arcis Præfectus Christus Dominus: Regnum nimirum cœlorum vim patitur et violenti rapiunt illud.

  A007000406 

 Utinam Patres (vel potius ut ad Deum a quo incœpit revertatur hæc locutio), utinam, Deus omnipotens, utinam tibi a nobis sit honor et gloria; B. Virgini, SS. Angelis, BB. Petro et Paulo ac B. Francisco laus et gratiarum actio; nobis autem a te gratia tua, [112] qui es superexaltatus in sæcula, Pater, Filius et Spiritus Sanctus..

  A007000410 

 In quam deliberationem cum vos, Socii optimi, videam sponte satis incitatos... tum enim sperandum erit; est utique in solatium miserrimi temporis, quod boni plerique et prudentes viri præsagiunt nostro tempore futurum illud quod antea tantopere desideratum est, ut scilicet, receptis antiquis sedibus, in sanctitate et justitia, de manibus inimicorum nostrorum liberati, serviamus illi qui est Deus superexaltatus in sæcula..

  A007000415 

 « O Dieu qui venez de m'élever à cette charge, que votre puissance me garde toujours, afin que j'évite tout péché dans l'exercice de mes fonctions, et que l'accomplissement de vos lois si justes soit le motif et la règle de mes pensées, de mes paroles et de mes œuvres.

  A007000416 

 Cette prière et votre si agréable et si douce présence (la vôtre surtout, Révérendissime Evêque, qui nous cause d'autant plus de bonheur qu'elle était moins attendue), Pères vénérables, mes auditeurs à la fois très aimants et très aimés, mes chers parents et amis, etc., cette prière, dis-je, et votre présence ont apaisé le trouble de mon âme.

  A007000418 

 Pendant les fêtes de Noël qui viennent de passer, la solennité même de ces jours me faisait rentrer en moi-même, et je pensais à ce qui me reste de cette vie mortelle.

  A007000419 

 Bien que le sens littéral concerne un autre objet, ne pourrait-on pas facilement, grâce à l'esprit qui vivifie, appliquer ces paroles à ceux qui cherchent à présider avant d'avoir siégé, et qui, semblables à des fruits printaniers et hâtifs, ne peuvent être conservés longtemps sans se corrompre? [101].

  A007000420 

 A sa tête, siégeait l'Apôtre qui tient les clefs du Ciel, et il m'adressait ce grave reproche: Quel est donc, pauvre François, l'esprit qui t'anime? Eh quoi, le dernier de tous par la science, les vertus et le talent, tu prétends être préposé aux premiers! Ne sais-tu pas que les honneurs sont extrêmement onéreux? Ne crains-tu pas cette sommation dont l'époque est incertaine, il est vrai, mais assurément prochaine: Rends compte de ton administration? Ces paroles m'émurent à tel point dans l'intime de mon être, que, serait-il même utile de me remémorer cette émotion, je n'aurais pas de termes assez forts pour l'exprimer.

  A007000421 

 Oui, la présence de votre tout aimable et bienveillante assemblée, Pères vénérables, me ranime et me réconforte à tel point qu'il serait difficile de dire ce qui m'a le plus vivement impressionné, de la terreur que j'éprouvais ou du bonheur que je ressens..

  A007000422 

 Ce Prévôt aurait à craindre, qui eût été préposé à des hommes difficiles à contenir dans le devoir; mais moi, mes Pères, quelle appréhension puis-je avoir [102] en cette occasion, en face de vous dont la charité et la prudence l'emportent sur celles qu'on pourrait désirer du Prévôt le plus accompli? Pourquoi rappeler mon inexpérience et ma faiblesse, puisque dans mes fonctions, je n'aurai jamais à user, de mesures de discipline ou de correction? A moins qu'on ne veuille « instruire Minerve, » « prêcher saint Bernard, » ou, selon notre proverbe, poser pour la latinité parmi les Cordeliers..

  A007000423 

 Je suppose volontiers, je reconnais même, qu'habitués jusqu'à ce jour à des Prévôts si distingués, vous éprouviez nécessairement en face d'un tel changement, et, à mon avis, pour dire vrai, d'un tel déclin de la première dignité de votre Chapitre, une répugnance qui vous rappelle ces vers:.

  A007000428 

 C'est ainsi que nous lui rapportons plus facilement « ces biens qui procèdent tous de lui.

  A007000428 

 C'est lui, mes Pères, qui réjouira ma jeunesse quand je monterai à son autel.

  A007000428 

 Rappelez-vous, je vous prie, et considérez que Dieu choisit ordinairement ce qu'il y a de plus infime et de plus infirme en ce monde pour confondre ce qui est fort, et que, généralement, c'est de la bouche des [103] enfants et de ceux qui sont à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000429 

 C'est-à-dire: par mes talents et mes connaissances, je suis bien faible, mais je fonderai toutes mes espérances en Celui qui est puissant pour rendre éloquentes les langues des enfants, et qui ne « refuse jamais son secours à celui qui fait ce qui est en son pouvoir, » comme nous l'enseignent avec tant de charme et de vérité tous les bons théologiens..

  A007000430 

 Dieu, il est vrai, porte secours au besoin à ceux qui ne se sont pas jetés dans le danger; quant à ceux qui aiment le péril, ils y périront.

  A007000430 

 On me dira peut-être: rien ne vous autorise à présumer si grandement de [104] la bonté de Dieu, vous qui avez volontairement gravi un degré d'où il est si facile de déchoir et de se précipiter.

  A007000432 

 Que vouliez-vous, ô Pères, que je fisse en de telles conjonctures? Rejeter absolument cette faveur? je voyais dans cette conduite je ne sais quoi d'ingrat, de grossier, de méprisant pour ceux qui m'avaient obtenu cette dignité.

  A007000433 

 Si je suis coupable en acceptant cet honneur, vous engagez tous, croyez-m'en, votre conscience avec la mienne, et la peine de la faute commise devra s'étendre à ceux qui y ont consenti.

  A007000433 

 Si vous voulez vous libérer de toute responsabilité, il ne vous reste qu'à aider et soutenir ma faiblesse par vos conseils et votre exemple, à suppléer par votre charité aux qualités qui me manquent, et je sens trop combien nombreuses elles sont! Soyez persuadés que Dieu vous a ordonné, comme à ses Anges, de me garder en toutes mes voies, de me porter dans vos mains, afin que je ne me heurte pas à cette table de pierre [sur laquelle sont gravés les dix commandements du Seigneur] sur laquelle il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul; et portant ainsi les fardeaux les uns des autres, nous accomplirons la loi du Christ.

  A007000434 

 La Prévôté, sans doute, l'emportera toujours sur le canonicat; toutefois, je placerai très humblement après tous les Chanoines François de Sales, ou, ce qui revient au même, votre Prévôt actuel, me souvenant de l'artiste Antigonus qui appelait toute dignité, fût-elle royale, une honorable servitude.

  A007000437 

 Il est un aqueduc qui alimente et ranime pour ainsi dire toute la race des hérétiques: ce sont les exemples des prêtres pervers, les actions, les paroles, en un mot, l'iniquité de tous, mais surtout des ecclésiastiques.

  A007000437 

 Voilà l'eau de contradiction qui me paraît étancher la soif brûlante des hérétiques, boisson vraiment digne de ceux qui la prennent; c'est notre iniquité que boivent ces hommes iniques, ainsi qu'il est écrit: Ils boivent l'iniquité comme l'eau..

  A007000439 

 Il est une éternelle cité dont on a dit tant de choses glorieuses, qui est défendue par une position si haute et si avantageuse, que la vue elle-même ne la peut découvrir; or, nous savons que l'on peut s'emparer de cette cité céleste par la prière et les bonnes œuvres.

  A007000439 

 Le Chef suprême de cette place forte, le Christ Notre-Seigneur, en cédera le butin à ceux qui l'auront enlevé avec ces armes.

  A007000439 

 Le Royaume des cieux, en effet, souffre violence et ce sont les violents qui le ravissent.

  A007000439 

 S'il en est ainsi, et c'est la vérité, combien sera-t-il plus facile d'enlever par les engins de la prière et des bonnes œuvres, une ville au modeste circuit, humble et méprisée! En avant donc et courage, excellents Frères, tout cède à la charité; l'amour est fort comme la mort, et à celui qui aime, rien n'est difficile..

  A007000442 

 A votre avis, Messieurs, pourquoi les citoyens de Genève, si obstinés contempteurs de la discipline ecclésiastique, ont-ils cependant conservé tous [111] les noms et tous les monuments qui rappellent cette discipline? Evêché, Pré l'Evêque, Rue des Chanoines, Maison du Chantre, notre Temple de Saint-Pierre, ceux de la Madeleine, de Saint-Gervais: tous ces anciens noms, les novateurs, comme oublieux de leur rôle, continuent à les employer.

  A007000442 

 Bons signes, mes Collègues, bons signes! Conduite providentielle qui rappelle à nos ennemis l'usurpation de nos sièges, nous excite à recouvrer notre bien, par un heureux retour, et à choisir notre sépulture dans le même tombeau que nos ancêtres.

  A007000443 

 Qu'il en soit ainsi, mes Pères, ou plutôt (pour ramener notre discours à la pensée de Dieu par laquelle il a commencé), puissions-nous vous rendre honneur et gloire, Dieu tout-puissant! A la Bienheureuse Vierge, aux Saints Anges, aux Bienheureux Pierre et Paul, au Bienheureux François, louanges [112] et actions de grâces! Et qu'en retour, ô Dieu, vous nous accordiez votre grâce, vous qui êtes souverainement exalté dans les siècles, Père, Fils et Saint-Esprit..

  A007000448 

 Daignez combler la mesure de vos bienfaits envers moi, et, en vertu de la puissance qui vous a été donnée d'en haut, je vous supplie et conjure de nous fortifier tous par votre bénédiction.

  A007000459 

 Et qui nous a procuré ceste misericorde? Nostre Seigneur; car sans luy, rien.

  A007000460 

 O sang, sang prætieux! Qui prætendra donques ignorance de l'intention de l'Eglise? Elle proteste que tout vient de Dieu.

  A007000460 

 Qui gloriatur, [115] in Domino glorietur.

  A007000469 

 Certes, l'Eglise propose au commencement le plus brief [Evangile], mais plein de substance; je ne diray que ce qui faict a propos..

  A007000469 

 Je prie Dieu de tout mon cœur, auditoire devot, que comm'il luy a pleu de vous « fair'arriver au beau commencement de ce jour, » de ceste semayne, de ce mois et de cest'annëe, qu'il vous veuille « garder sain et sauve; » affin que le servans et honorans tousjours renouvellés en vos consciences, vos « œuvres et pensëes commencent par » iceluy, qui est Dieu benit es siecles.

  A007000473 

 Qui delicate vivit a puero, servus erit.

  A007000474 

 Il ne faut ouÿr qui dict le contraire.

  A007000482 

 homini patrifamilias, qui exiit primo.

  A007000489 

 Or, tout ce mal icy leur advint de ce qu'ilz presterent trop legerement l'oreille a quelques fauses relations des espions qui furent envoyés en la terre de promission, et ne voulurent pas croire Caleb et Josué qui les conseilloyent sainctement..

  A007000490 

 Ainsy une grande partie du mal qui est maintenant entre les Chrestiens vient de ce qu'ilz croyent ceux qu'ilz ne devroyent pas croire, et qu'ilz ne croyent pas ceux qu'ilz devroyent croire: Et dilexerunt homines magis tenebras quam lucem.

  A007000490 

 C'est pourquoy voyant en l'Evangile une infallible marque de ceux auxquelz nous devons croire, et par mesme moyen de ceux auxquelz nous ne devons pas croire, de ceux qui sont vrays ouvriers et de ceux qui sont plustost dissipateurs, je me suis deliberé, estant envoyé pour ceste journëe au milieu de vous autres, comme ouvrier en la vigne de Dieu, de vous monstrer comme il faut fuir quelques uns de ceux qui font profession d'avoir espié la terre de l'Escriture, et faut se rendre obeyssant a la voix de ceux lesquelz sont marqués a bonnes enseignes..

  A007000491 

 Seigneur, arrouses de la douce pluÿe de vostre grace ceste vostre vigne, affin que la houë et la pesle y puyssent bien entrer; rendes la traittable, et donnes a cest indigne vigneron la force et l'addresse d'oster les espines et superfluités des mauvaises opinions que le tems y pourroit avoir apporté, a celle fin qu' en son tems elle vous rende le fruict, et le vigneron en puysse avoir le denier promis, qui est ce jour perpetuel.

  A007000495 

 Il demande le nom de Celuy qui l'envoye: Si dixerint mihi: Quod est nomen ejus? quid dicam eis?.

  A007000498 

 Et pour digne qu'il eust esté, comme l'eust on receu, s'il n'eust sceu nommer le Seigneur qui l'envoyoit? Et encores qu'il eust esté digne, et qu'il eust peu nommer son Seigneur, comme l'eust on creu s'il n'eust faict paroistre de bonnes marques de sa mission?.

  A007000499 

 C'est icy, mes Freres, la pierre de touche a laquelle vous connoistres si ceux qui se vantent de la parole de Dieu sont vrays ou faux prophetes; car il n'y a jamais eu secte qui n'aye tousjours dict qu'elle parloit de la part de Dieu, et que ses preschementeries estoyent les [121] vrayes paroles de Dieu, et ne se soit vantëe de l'Escriture: [ainsi] Luther, Calvin et tous les autres, a l'imitation du diable, lequel voulant tenter Jesus Christ luy allegue l'Escriture: Angelis suis mandavit de te.

  A007000499 

 Ilz disent tous qu'ilz sont envoyés; qu'ilz nomment qui les a envoyés.

  A007000500 

 Nostre Seigneur par Hieremie advertit: Nolite audire verba prophetarum qui prophetant vobis et decipiunt vos; visionem cordis sui loquuntur, non de ore Domini; et apres: Non mittebam prophetas, et ipsi currebant; non loquebar ad eos, et ipsi prophetabant.

  A007000500 

 Qui dixerunt: Linguam nostram magnificabimus, labia nostra a nobis sunt, quis noster dominus est? Et [122] en Hieremie, 14: Vaticinantur; non misi eos; au 23: Ecce ego ad prophetas, ait Dominus, qui assumunt linguas suas..

  A007000502 

 O mes Freres, tenes ceste preuve pour fondamentale, et demandes a, ceux qui vous veulent retirer du sein de l'Eglise: Quis te misit? Saint Jan Baptiste fut un grand reformateur et envoyé de Dieu extraordinairement; mays, encores qu'il ne dist rien contraire a l'eglise judaïque, pour ce qu'il venoit a un grand office, vous verres qu'il a des marques pour se faire connoistre; sa vie miraculeuse, sa nativité, contraignoit de dire Quis, putas, puer iste erit? Saint Pol, extraordinairement envoyé, voulut encor une marque visible par l'imposition des mains d'Ananie, Act., 9: Ut videas, dict Ananie, et implearis Spiritu Sancto..

  A007000503 

 Que diray je? Nostre Seigneur, apres avoir esté prædict avec tant de circonstances, encores veut il monstrer sa mission, et se targue tousjours d'icelle, disant tantost: Sicut misit me Pater (20. Jo. ), Doctrina mea non est mea, sed ejus qui misit me (7. Jo. ); et puys [123] il s'escrie: Et me scitis, et unde sim scitis, et a meipso non veni.

  A007000507 

 Quant a Nostre Seigneur, il n'avoit a prendre authorité de personne, pource qu'il luy suffisoit de prouver qu'il estoit le Filz du Maistre; et neantmoins Simeon l'approuve, Zacharie, saint Jan, et Caïphe qui prophetize.

  A007000507 

 Que jamais mission extraordinaire ne fut bonne qui ne soit approuvëe de l'ordinaire.

  A007000507 

 Saint Jan ne fut il pas approuvé par les scribes et prestres qui envoyerent ceste noble legation: Tu quis es? et jamais ne trouverent que bonne sa doctrine.

  A007000508 

 2 Par., c. 19: Pontifex vester in iis quæ ad Deum pertinent, præsidebit; au Deut., 17: Qui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur.

  A007000509 

 En fin, que recueillons nous? Puysque nos hæretiques ne nous sçavent dire d'ou ilz viennent ny qui les a envoyés, il se faut garder de les ouÿr; car assumunt linguas suas, et aiunt: Dicit Dominus.

  A007000510 

 Mays cela s'entend quant a la vocation des prædicateurs, docteurs et pasteurs de l'Eglise, laquelle n'est commune a tous, car si chacun est pasteur, ou sont les brebis? mays seulement de quelques uns qui sont envoyés, comme Moyse, Aaron, saint Jan, Isaye, Hieremie, Helie et David, etc. Or, il y a une autre vocation qui est commune, et comme chacun ne doit penser estre appellé a la premiere, aussi chacun se doit tenir pour appellé a la seconde.

  A007000510 

 Par les prædicateurs: Qui vos audit, me audit.

  A007000512 

 Quelles occasions n'avons nous point de sortir de nostre paresse? tant de maux que nous voyons tous les jours, etc. Nostre Seigneur faict comme le pere qui, tenant les verges en main, dict a ses enfans lesquelz il chastie: Ne seres vous jamais sages?.

  A007000515 

 Il est juste que ceux qui estans appelles l'ont suivi en ce monde, le suivent en l'autre: Ut ubi ego sum, illic sit et minister meus, et accipiat mercedem; Ego sum merces tua magna nimis.

  A007000521 

 Qui habet aures audiendi, audiat..

  A007000524 

 La prise de la ville de Hiericho par le vaillant capitaine general des Israëlites Josué, est bien l'une des remarquables qui furent onques faites, pour le stratageme avec lequel les murailles d'icelle furent du tout renversëes, et Hiericho demeura toute nue et demantelee devant l'armëe des Israëlites..

  A007000525 

 Estant l'armëe en la campaigne de Hiericho, Josué levant les yeux en haut, vit un homme vis a vis qui tenoit son espëe nue en main, duquel s'approchant Josué, il luy dict: Es tu de nos gens ou de nos ennemys? Ce gendarme respond: Non, ny l'un ny l'autre; je suis prince de l'armëe du Seigneur; me voicy venu tout maintenant.

  A007000525 

 Qui ouÿt jamais raconter un tel siege? Qui conneut jamais un ingenieur si subtil, qui, au son des trompettes, fit renverser des murailles entieres? Qui vid jamais, semblable batterie? Josué leve les yeux en haut; d'en haut vient l'Ange, il l'adore; l'Ange luy enseigne de la part de Dieu le stratageme, Josué croid et se fie en Dieu, il faict ce qui luy est commandé; parmy son armëe l'Arche de Dieu y est, les prestres sonnent, les murailles tombent..

  A007000528 

 L'ame de l'homme, mes Freres, est une belle ville, par nature sujette a Dieu; mays bien souvent, par revolte et rebellion, et par les factions des affections et parties superieure et inferieure, elle est rendue sous l'obeyssance du peché; car qui facit peccatum, servus est peccati.

  A007000529 

 Qui trouvera mauvais que j'appelle l'ame de l'homme une ville, puysque les philosophes l'ont bien appellëe un petit monde, puysqu'elle est « l'abbregé » de toutes les perfections « du monde, » recueillant en soy tous les grades plus parfaitz d'iceluy, comme tout le plus beau d'une province se retrouve en la ville principale d'icelle? En ceste ame encores, vous semble il pas qu'il y ayt un magazin qui vaut plus que tous ceux d'Anvers ou de Venise, puysque la memoyre retire toutes les idees de tant de varietés de choses? Vous semble il pas qu'il y ayt un brave ouvrier, puysqu'en l'entendement possible, toutes choses s'y font en des especes incomparables? Vous semble il pas qu'il y ayt un ouvrier, lequel avec cent millions d'yeux et de mains, comme un autre Argus, faict plus d'ouvrage que tous les ouvriers du monde, puysqu'il n'y a rien au monde qu'il ne represente? qui est l'occasion qui a faict dire aux philosophes que l'ame estoit tout en puyssance.

  A007000530 

 C'est le peché qui empesche que Dieu ne se rende maistre de nos ames, et ne peut entrer en nous, ains demeure a la porte: Ego st o ad ostium et [132] pulso.

  A007000530 

 Les murailles d'icelle qui tiennent en la puissance du diable ceste ame, sont ses iniquités, desquelles parlant le Psalmiste, Psalme 54: Die ac nocte circumdabit super muros ejus iniquitas.

  A007000533 

 Ah non; mays comme il faut desirer la viande pour [se] nourrir, ainsy faut il user de la parole de Dieu, qui est l'aliment de nos ames: Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit de ore Dei.

  A007000533 

 Euntes, dict Nostre Seigneur, prædicate Evangelium omni creaturæ; qui crediderit, salvus erit.

  A007000533 

 Je voudrois qu'elle fust comme celle des bons prædicateurs, qui est, comme dict saint Pol: Prædicamus autem Jesum Christum crucifixum; Judæis quidem scandalum, etc.; et aussi que l'intention fust de recevoir en son cœur Jesus Christ.

  A007000533 

 Ou sont ceux qui ne vont a la prædication par curiosité de voir les façons et les paroles? Que diries vous de ce malade lequel sçachant qu'en un jardin il y a l'herbe qui le peut guerir, n'y va que pour voir quelques fleurettes? Semblables a Herodes, qui ne desiroit de voir Nostre Seigneur que par curiosité, et le mesprisa; aussi mesprisent-ilz les prædicateurs quand ilz en ont passé leur fantasie, comme les femmes grosses, qui non par faim, mais par fantasie, desirent des viandes.

  A007000533 

 Quant a l'intention, mes Freres, je voudrois qu'elle fust a l'avenant de celle de Nostre Seigneur, lequel ne nous a pas voulu parler pour autre fin que pour nous [133] sauver: Ut fides sit ex auditu, et omnis qui credit in eum non pereat, sed habeat vitam æternam.

  A007000533 

 Qui, donques, habet aures audiendi, audiat..

  A007000534 

 Comme le malade qui regarderoit la boëte contenant la medecine de sa guerison..

  A007000534 

 Quand l'homme entend la parole de Dieu sans ceste intention, elle est en luy comme ceste semence qui tombe dans le chemin: Aliud cecidit secus viam; la vayne gloire et la curiosité la perdent.

  A007000535 

 Et ceux-ci sont encores de ceux qui se doivent sentir piqués de ceste parolle de Nostre Seigneur: Qui habet aures audiendi, audiat; car, aures habent et non audiunt..

  A007000535 

 La seconde disposition qu'il faut avoir pour bien ouyr la parole de Dieu, c'est l'attention; car il y en a plusieurs qui viennent au sermon pour faire leur proffit, mais y estant, ou en dormant ou en causant ou en pensant ailleurs, ilz ne sont pas attentifz; auxquelz, quand ilz sont de retour, si l'on demande que c'est qu'ilz ont rapporté du sermon, ilz peuvent bien respondre qu'ilz en sont revenuz gens de bien, pour en avoir rapporté les oreilles ou leur chapeau.

  A007000537 

 Ce qui procede de plusieurs causes: l'une, qu'ilz ne reçoivent pas la parole de Dieu comme telle, ains comme la parole des prædicateurs; et toutesfois Nostre Seigneur a dit une foys pour toutes: Qui vos audit me audit, qui vos spernit me spernit; Et ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi; et ailleurs: Non estis vos qui loquimini, sed Spiritus Patris vestri, etc. Dequoy se plaignant Nostre Seigneur, il dict a Ezechiel: Nolunt audire te, quia nolunt audire me.

  A007000537 

 Et saint Pol s'en vante, 2 Cor., 13: An experimentum quæritis ejus qui in me loquitur Christus? De la vient qu'ilz se moquent du pauvre prescheur, et prennent garde s'il crache, s'il luy eschappe une parole impropre..

  A007000537 

 La troisiesme condition est l'humble obeyssance a la parole ouÿe; car ceux qui oyent, et pour cela ne s'amendent pas, non habent aures audiendi: Ego tanquam surdus non audiebam, et sicut mutus non aperiens os suum.

  A007000538 

 L'autre cause, c'est qu'ilz rejettent tousjours sur autruy ce qui est dict par le praedicateur: O on a bien parlé contre cestuy-ci, etc. Quand on est invité au banquet on prend pour soy; mays icy on est extremement courtois, car on ne cesse de donner aux autres.

  A007000539 

 La parole de Dieu est une medecine, une manne: Beati qui audiunt Mot Dei, en mangeant, et custodiunt illud, en digerant, etc. C'est pourquoy on voit si peu de fruict des prædications, et on rebat tant de fois une chose: Manda, remanda, etc..

  A007000539 

 La troisiesme [cause] d'ou il vient, c'est que la parolle de Dieu chasse le peché de l'ame, et l'homme qui se plaist au peché la trouve amere lhors qu'elle le sollicite: Ad tempus credunt, et in tempore tentationis recedunt.

  A007000540 

 O que Nostre Seigneur pourroit bien faire les lamentations de Job: Quis mihi tribuat auditorem? Qui me donnera un auditeur de ceux que je desire, qui in corde bono et optimo audiens Mot retineat, et fructum afferat in patientia? Qui habet aures audiendi, audiat.

  A007000541 

 Ceux qui ne font prouffit de la parole, sont semblables a Urie, portant lettres a Joab sans sçavoir ce qu'elles contiennent.

  A007000541 

 Estote factores (Jac., I ); qui enim verbi auditor est, et non factor, hic comparabitur viro consideranti vultum nativitatis suæ in speculo: consideravit enim se et abiit, et statim oblitus est qualis fuerit.

  A007000554 

 Ce sont les premieres ou plustost fondamentales paroles de la predication de Nostre Seigneur, lequel apres avoir jeusné quarante jours en la montaigne, descendant de la, commença a prescher aux Juifz, et puys a tout le monde, la sainte pœnitence pour la remission des pechez; nous faysant connoistre qu'ayant faict ce saint jeune pour une pœnitence non ja necessayre (car qui ne pecha jamays et ne peut onques pecher n'avoit ja besoin de pœnitence), mays pour une pœnitence exemplayre, il demandoit de nous pareille pœnitence, et qu'avec semblable façon nous surmontassions [139] les tentations.

  A007000554 

 Enseignement lequel a esté entendu de ceste façon de tous nos anciens Peres, du college mesmes des Apostres, et semini ejus in secula, et a esté ainsy interpreté per os sanctorum qui [ a ] Christo sunt prophetarum; lhors que par « tradition de main en main, » ilz ont observé tres etroittement et commandé le sainct jeusne de Caresme, affin qu'en ce tems la on fit particulierement pœnitence, pour s'approcher dignement autant qu'on peut du Royaume des cieux, ou ne se rendre pas incapables d'iceluy, s'approchant de nous par la communication du præcieux Cors de Nostre Seigneur, vive memoyre de la mort de Nostre Seigneur et de sa Croix, par laquelle le Royaume de Dieu, qui n'estoit qu'a Dieu seul, a esté mesme communiqué aux hommes..

  A007000555 

 Qui est la rayson pour laquelle, devant choysir quelque proufitable discours avec lequel je peusse conduyre pas a pas, a journëes rompues, vos ames au pied de la Croix au mont Calvaire par affection, et au saint Cors et Sang de Nostre Seigneur par realité, et vous y faire aborder heureusement, j'ay choysi ces saintes paroles, par lesquelles nous sommes advisés que le Royaume de Dieu s'approchant, si nous voulons [y] avoyr part, il faut que de nostre costé nous nous approchions de luy.

  A007000564 

 Dilexi decorem domus tuæ et locum habitationis gloriæ tuæ; Beati qui habitant in domo tua, Domine..

  A007000565 

 Et celluy qui estoit accoustumé aux playsirs du peché, commençant desja a fleurer, a ressentir et savourer les playsirs de la grace sur ceste colline d'esperance, regrettant infiniment le tems perdu et regardant les loyers æternelz de la vertu, elle peut bien dire: Defecerunt oculi mei in eloquium tuum, dicentes: Quando consolaberis m e? Defecerunt oculi mei, suspicientes in excelsum.

  A007000566 

 Mays comme l'espervier affamé regardant contre la belle proye, se voulant jetter au vol pour s'en saysir et assovir son estomac et avidité, au premier elancement quil faict se trouvant attaché, tout colere, bat tant des aisles et des pieds quil romp son lien, ainsy l'ame qui est arrivëe sur ceste verdoyante et gaÿe colline d'esperance, regardant le Paradis qui luy est donné en proÿe, tasche de s'y eslancer; et c'est lhors quil se sent estre lié par le peché, non pas au paravant.

  A007000566 

 Mays imagines vous que l'espervier sceust parler et quil eust rayson, ou plustost que quelqu'un parlast pour luy; ne diroit il pas au maistre: Laschez moy, je vous prie, je ne m'iray point esgarant, je retourneray tousjours a vous? O l'ame devote ayant rayson, se sentant lier, n'est pas comme l'oyseau qui ne faict que battre, mays regardant son Maistre, elle s'addresse a luy: Seigneur, deslie moy; Seigneur, filia mea male a demonio vexatur; Ad te, Domine, levavi animam meam, Deus meus in te confido, non erubescam..

  A007000567 

 De la, l'ame s'en va sur la colline de l'amour; car voyant son Maistre prest a la delivrer d'enfer et luy donner le Paradis, non obstant tous ses pechés, pourveu qu'elle recoure en ferme fiance a luy, elle commence a admirer la bonté d'icelluy: Quam bonus Israel Deus, iis qui recto sunt corde.

  A007000568 

 Pourquoy donques [144] en ce jardin d'Olives ou je suys venu avec luy, se contriste il? Pour te monstrer quil endure reallement, et d'autre costé, voyant que tu mesprises ainsy sa redemption et quil y a si peu de gens qui en face conte.

  A007000580 

 tales quærit qui adorent eum.

  A007000581 

 Spiritus est Deus, et eos qui adorant.

  A007000585 

 Au reste, elle est tres difficile, et tirassëe ça et la par les adversaires de l'Eglise Catholique, pour renverser la foy des Anciens; et neantmoins en icelle sont cachés plusieurs admirables secretz en confirmation [146] de la creance de l'Eglise et de la vérité d'icelle; secretz et mysteres lesquelz jamais nous ne descouvrirons, si Celuy qui les y a mis pour nostre salut ne les nous faict voir par sa grace.

  A007000588 

 Les disciples de Nostre Seigneur baptizoyent une grande multitude de personnes en Judee, et beaucoup plus que saint Jan Baptiste n'avoit fait; dequoy Nostre Seigneur s'appercevant les Scribes et Pharisiens estre irrités, pour l'envie qu'ilz avoyent sur luy, et n'estant encores venu le tems de sa Passion, voyant le peu de proffit qu'il faisoit en Judee, et pour donner commencement a sa sainte prædication, il s'en alla en Galilee et s'arresta en Capharnaum, qui estoit sur les limites de Zabulon et Nephtali, suivant la prophetie d'Isaye: Primo tempore alleviata est terra Zabulon, et terra Nephtali.

  A007000589 

 Joseph y fut enseveli en un champ qui avoit esté donné a Joseph en prerogative, qui estoit celuy d'Hemor..

  A007000589 

 Or, entre la Judee et la Galilee estoit la Samarie, en laquelle il y avoit une ville qui s'appelloit Sichar, ville situëe sur le mont Garisin, illustre pour avoir esté le chef du royaume d'Israël, establie par cest acariastre Hieroboam; pource qu'Abraham, sortant de Mesopotamie, y ædifia un autel, y estant arrivé, ceste terre luy fut promise.

  A007000590 

 Consideres vous point la bonté de ce Seigneur, l'affection de ce Chasseur qui court pour prendre la proye de l'ame, tant qu'il est las et contraint, par maniere de dire, de se reposer? Consideres vous point nostre lascheté, qui nous faschons de la moindre peyne du monde qu'il faut prendre pour nous sauver nous mesmes? Or, Nostre Seigneur n'estoit pas las sans cause, car il avoit cheminé bien tard, et a pied sans doute, dont l'Evangeliste dict: Hora autem erat quasi sexta, il estoit ja quasi midy; car les Juifz partagent le jour en douze heures et la nuict en douze..

  A007000591 

 Et ce pendant que ce celeste Chasseur se repose, voicy venir la pauvre miserable biche, mays bien tost heureuse et trois fois heureuse Samaritaine, qui venoit a l'eau: Venit autem mulier de Samaria haurire aquam.

  A007000591 

 Heureuse Rebecca, qui venant a la fontaine y trouvas le valet d'Abraham qui te rendit espouse d'Isaac; mais [148] plus heureuse Samaritaine, qui venant a l'eau maintenant, y trouves Nostre Seigneur qui, de pecheresse que tu estois, te rend sa fille et son espouse..

  A007000593 

 Et qui est Celuy qui te demande a boire; car c'est Celuy qui est venu abbreuver toutes les ames, c'est Celuy qui est venu respandre son sang pour arrouser l'Eglise, c'est Celuy qui est venu non vocare justos, sed peccatores ad pœnitentiam.

  A007000593 

 Respondit Jesus, et dixit ei: Si scires donum Dei, et quis est qui dicit tibi, da mihi bibere, tu forsitan petiisses ab eo, et dedisset tibi aquam vivam.

  A007000593 

 Si tu eusses conneu et l'un et l'autre, le don du Pere, et que c'est moy qui suis ce don la..

  A007000593 

 Si tu sçavois le don de Dieu que le Pere a donné au monde; Sic Deus dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret, ut omnis qui credit, etc., habeat vitam æternam.

  A007000595 

 Nostre Seigneur parle de l' eau vive et elle, de la morte: Unde ergo? Quomodo hic carnem suam? etc. Numquid tu major es patre nostro Jacob, qui dedit nobis puteum, et ipse ex eo [150] bibit, et filii ejus, et pecora ejus? Voyes la ruse, elle est desja esclairëe du Sauveur, elle n'ose dire: Non, tu n'es pas; mais interroge: Numquid tu? Ce pendant elle monstre qu'il y a bien de la peyne a croire.

  A007000596 

 Mais le Saint Esprit, a qui le reçoit par grace, il esteint la soif du cors et de l'ame, en ce monde et en l'autre.

  A007000596 

 Respondit ei Jesus, et dixit ei: Omnis qui bibit ex aqua hac, sitiet iterum; qui autem biberit ex aqua quam ego dabo, non sitiet in æternum.

  A007000606 

 Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum,.

  A007000610 

 S'il vous plaist de regarder les sept parolles que Nostre Seigneur dict a la Samaritaine, vous verres en icelles comme une petite nuëe, grosse d'une [153] sainte pœnitence, qui, puys apres, grossira et fera venir une grande trouppe de Samaritains.

  A007000612 

 Dieu envoya des lyons; en remede dequoy on leur envoye un prestre de ceux qui estoyent captifz, qui leur enseignoit la loy de Dieu; mays ces gens ne se sçavoyent resoudre a abandonner leur idolatrie, et partant adoroyent Dieu et tenoyent sa religion, et la religion des faux dieux.

  A007000612 

 Puys, il vint un abuseur, un apostat, qui leur mit en teste plusieurs hseresies..

  A007000612 

 Reg., 11, qui seroit long a raconter, Hieroboam, de peur que les dix tribuz de son obeyssance ne reprinssent l'affection de leur roy naturel, Roboam, s'ilz alloyent reconnoistre le Temple et l'ordinaire succession des prestres en Hierusalem, il fit un temple des faux dieux en Samarie, et fit des prestres du vulgaire, qui n'estoyent pas de la succession legitime de Levi.

  A007000613 

 11, c. 8; [7.] mais sur tout, c'est parce qu'ilz estoyent schismatiques, et avoyent dressé autel contre autel, ayant faict un temple au mont de Garisin, et des prestres autres que de la succession ordinaire, dont vint la dispute devant le roy d'Egypte, qui adjugea pour les Hebreux (Josephe, l. 11 et 13); et qu'ilz ne recevoyent que les cinq Livres de Moyse, le Pentateuche, du reste ilz s'en mocquoyent.

  A007000613 

 parce qu'ilz estoyent de la race des Assyriens qui avoyent fort tourmenté les Juifz; 3.

  A007000614 

 Voicy donques ceste femme qui faict de [155] la theologienne, et veut chercher son salut, et dict: Patres nostri in monte hoc adoraverunt, et vos dicitis quia Hierosolymis est locus ubi adorare oportet; Jacob a adoré, retournant de Mesopotamie, en ce mont (Genes., 33 ), et Abraham (Genes., 12 ); si donques nos peres y ont adoré, pourquoy dites vous, etc..

  A007000615 

 Et c'estoit la question qui estoit entre les Juifz et les Samaritains, que ceste femme propose.

  A007000627 

 Le peuple ouyt dire la venue de Nostre Seigneur, et tout esmeu de joye et d'allegresse, luy vint au devant avec les branches de palmes, de fleurs et d'olives, en signe d'honneur et de victoire, jettant mesme leurs robbes [157] et vestemens au chemin comme pour luy tapisser le passage et luy faire une magnifique entrëe, pour le mettre en possession de son royaume, chantant: Hosanna filio David, comme un vive le Roy; Benit soit qui vient Roy en Israël au nom du Seigneur..

  A007000628 

 Qui me donnera maintenant la grace de vous dire en si bonne façon la douce nouvelle de la venue que Nostre Seigneur doit bien tost faire en vos consciences par la sainte Communion, que vous luy allies au devant par desir et devotion, jettant les robbes de vos ames et les rameaux de vos affections, par mortification? O que ce seroit bien faire la memoyre de ce glorieux triomphe, puysque nous triompherions nous mesmes de nostre plus grand ennemy, qui est nostre chair, comme vrays enfans et hæritiers de ceste auguste et triomphante Majesté du Sauveur.

  A007000630 

 Elle est guerre pour les malheurs qui l'accompaignent; elle est guerre pour le peu ou point de repos qu'il y a; elle est guerre pour l'incertitude de l'evenement d'icelle..

  A007000631 

 Ce seroit quelque chose de plus doux s'il eust dict: Vita hominis est in militia super terram, car encores se trouve-il des gens qui ont le repos et leur ayse en guerre; dequoy font foy ceux qui s'y enrichissent [158] et engraissent, butinans paisiblement ores sur celuy cy, ores sur cestuy la.

  A007000632 

 Et vrayement, c'est pitié que de ceste guerre; car estant entre de si grans amis comme l'esprit et la chair, y a il rien de plus deplorable? Saint Pol, Rom., 7, se lamentant de ceste guerre, apres avoir au long descrit les assaultz qu'il sentoit en soy mesme, il s'ecrie: Infelix ego homo, quis me liberabit de corpore mortis hujus? Qui me delivrera? car je ne m'en peux deffaire.

  A007000632 

 Mais quand il dict: Militia est vita hominis, il veut dire non seulement que nous sommes en guerre, mays que nous mesmes nous sommes guerre: Militia, etc. Et de vray, qui regardera bien les diversités de mouvement, et les assaultz que faict l'esprit contre la chair, je suys asseuré qu'il dira que Militia, etc.

  A007000634 

 Debilis est hostis qui non vincit nisi volentem, dict un de nos Peres.

  A007000634 

 Mon Dieu, quelz [160] stratagemes font nos ennemis contre nous! Domine, quid multiplicati sunt qui tribulant me? multi insurgunt adversum me; Ps.

  A007000635 

 Qui diroit jamais qu'elle nous ostast mesmes les saintes vertus, et les nous rendist ennemies? Mais que penses vous? Si elle connoist qu'il y en aye en nous, elle sollicite tant, que nous nous en vantons, nous en prisons, et par ce moyen deviennent poison; car estant comme le moust et le bon vin doux, si elles sont esventees elles s'aigrissent.

  A007000636 

 O mes Freres, caro concupiscit adversus spiritum, etc. L'esprit engendre tant de bons desirs, la chair tant de mauvais, et les uns combattent si asprement les autres, que bien souvent, comme celuy qui a [161] la colique, on crie: Quis me liberabit a corpore mortis hujus? Comme il est dict de Rebecca, Genes., 25 chap. Voyes vous la guerre dangereuse de nostre vie? Militia est vita hominis super terram..

  A007000637 

 Accingere gladio tuo super femur tuum, potentissime; Nemo coronabitur, nisi qui legitime certaverit, dict saint Pol, 2.

  A007000637 

 Que si ainsy est, que ferons nous, mes Freres? D'apaiser l'ennemy, il n'est pas possible, il est inexorable; car qui plus le flatte, plus l'aigrit: Qui amat animam suam, perdet eam; Cum loquebar illis, impugnabant me gratis; Ps.

  A007000637 

 Qui veut fuyr, ne peut, car on ne se peut fuyr soy mesme.

  A007000638 

 A qui nous addresserons nous? Le diable et le monde sont confederés a la chair, et voyla leur mot du guet.

  A007000639 

 En fin il faut faire la ronde cent fois le jour en ceste petite citadelle, pour renforcer, ores deça, ores dela, mettre sentinelles aux yeux, bouche, oreilles, mains, odorat, pour ne laisser entrer chose qui ne sçache bien prononcer Scibbolleth; suivant le dire de Job: Verebar omnia opera mea, sciens quoniam non parceres delinquenti.

  A007000639 

 Non coronabitur nisi qui legitime certaverit..

  A007000639 

 Qui se sent porter a la vengeance, il faut qu'il recoure a l'amitié et douceur.

  A007000642 

 Ah, celuy qui se munit souventesfois de ceste viande celeste, il peut bien dire: Dominus illuminatio, quem timebo? Dominus protector vitæ meæ, a quo trepidabo? Ps.

  A007000642 

 » Les Sarrazins s'enfuyrent; ceux qui escaladoyent perdirent la veuë.

  A007000643 

 En ceste façon, nous pourrons porter les palmes comme eux en signe de victoire, vainqueurs de nostre chair, que nous porterons comme trophëes aux pieds de l'Aigneau qui y regne, comme a Celuy pour qui et en qui nous aurons triomphé, qui est Jesus Christ qui vit et regne es siecles, et vous benie.

  A007000654 

 Helas, que leur foy estoit esbranlëe! La pauvre Magdeleine le va cherchant parmi les mortz pour l'embaumer, et croit qu'on l'aye desrobbé; les Apostres sont telz, que visa sunt illis deliramenta, et non crediderunt illis, c'est a dire aux dames qui l'avoyent appris des Anges; les deux pelerins disent: Sperabamus; le grand saint Thomas crie: Non credam.

  A007000654 

 Mais comme se peut il faire qu'ilz croyent, puysqu'ilz ont veu et touché? Le sens a faict comme le fourrier qui loge un autre et n'y demeure pas; car il a logé la foy dans le cœur des Apostres et dans les nostres, et neantmoins n'y demeure plus en credit, car la foy estant arrivëe, le sens cesse, comme l'esguille introduit la soye, etc..

  A007000655 

 Quid facient qui baptizantur pro mortuis? ut quid baptizantur pro illis? Ut quid et nos periclitamur omni hora? Quotidie morior propter gloriam vestram, quam habeo in Christo Jesu Domino nostro.

  A007000655 

 [2.] De la qualité des cors, qui suivront les mouvemens de l'ame comme les vestemens.

  A007000657 

 Sed eum redamemus; alioquin qui præ amore ostendit vulnera, semel ostendet præ ira et indignatione: ut imagines quæ ad dextram fœminam, ad laevam mortem, ad dextram agnum, ad lævam leonem; ut apes quæ mel faciunt, et acriter pungunt.

  A007000669 

 Si le prophete Jonas se consola tant au lierre que Nostre Seigneur luy avoit præparé, que l'Escriture dict: Et lætatus est Jonas super hedera lætitia magna, quelle doit estre l'allegresse des Chrestiens en la tressainte Croix de Nostre Seigneur, sous laquelle ilz sont bien plus a l'ombre que Jonas n'estoit sous le lierre; ilz sont mieux defendus et contregardés que Jonas ne fut par le lierre: Absit mihi, etc. Or, disons donques: Que Jonas se resjouisse au lierre; qu'Abraham fasse festin aux Anges sous l'arbre (Gen., 18 ); qu'Ismaël soit exaucé sous l'arbre au desert (Gen., 21 ); qu'Helie soit nourry sous le genevre en la solitude (3. Reg., 19 ): quant a nous, nous ne voulons autre ombre que celle de la Croix, autre festin que celuy qui nous y est praeparé.

  A007000670 

 Mais en la Croix de Nostre Seigneur, o quelle gloire! Si Celuy la qui estoit si grand qu'il estoit Dieu, y constitue son exaltation, sa clarification, s'il l'appelle la porte de sa gloire, que vous reste il a faire et que me reste il a dire, sinon: Hoc sentite in vobis quod et in Christo Jesu, qui cum in forma Dei esset, non rapinam arbitratus est se esse æqualem Deo, sed semetipsum exinanivit; propter quod, etc.?.

  A007000670 

 Qui se glorifie en son sçavoir; qui en sa santé, force et beauté; qui en sa qualité, degré, richesse.

  A007000671 

 Et ne trouves pas estrange que je vous renvoye a ce livre pour y apprendre vostre leçon, car c'est le plus excellent livre de tous ceux qui jamais furent composés: et partant, qui desire la gloire de la [173] science, qu'il s'approche avec la sainte pensëe et qu'il lise ce saint livre; il y apprendra la plus profonde doctrine qui fut onques.

  A007000672 

 Saint Pol, racontant aux Hebrieux, 9, comme l'Ancien Testament fut dedié, il dict que Moyse ayant leu tous les commandemens de la Loy, prenant le sang des veaux et boucs, avec l'eau et la laine pourprine, et l'hyssope, ipsum quoque librum et omnem populum aspersit. Mais omnia in figura contingebant illis; et ou est le livre que Nostre Seigneur a aspersé de son sang, au Nouveau Testament, sinon la Croix, en laquelle Nostre Seigneur ayant leu tous les commandemens de la Loy, qui n'est autre sinon: Diliges Dominum, etc., Mandatum novum do vobis, ut diligatis vos invicem, crie a haute voix: Pater, ignosce illis; In manus tuas, etc.? Il asperse tout le monde de son sang par l'institution des saintz Sacremens, particulierement de celuy de l'Autel..

  A007000673 

 Et vous, o mon tressaint et seraphique docteur Bonaventure, qui me sembles n'avoir eu autre papier que la Croix, autre plume que la lance, autre encre que le sang de mon Sauveur, quand vous aves escrit vos divins Opuscules.

  A007000673 

 Je m'en remetz a vostre tesmoignage, o angelique saint Thomas, qui n'escrivistes jamais avant qu'avoir eu recours au Crucifix.

  A007000673 

 La Croix est le vray livre du Chrestien, et je vous prens a tesmoin, o Bernard, tres doux et devot Docteur; car ou aves vous repeu vostre entendement de la tres douce et tres souëfve doctrine dont vous nous aves laissé les saintes instructions, sinon en ce livre, quand vous disies: Fasciculus myrrhæ dilectus meus mihi? [174] Je vous appelle a garant, o grand saint Augustin, qui, constitué entre les deux misteres de la Nativité et de la Passion, pouves dire: Hinc lactor ab ubere, hinc pascor a vulnere.

  A007000673 

 » La a appris ses saintes leçons la devote Magdeleine, qui, puys apres, les annonça aux Provençaux; la, la devote Catherine Siennoise, qui, puys apres, nous a laissé ses devotz memoyres..

  A007000674 

 Ou voules vous donques aller sinon a la Croix pour l'apprendre? dont saint Pol, le plus savant des hommes qui furent onques, s'escrie: Arbitratus sum me nihil scire nisi Jesum Christium, et hunc crucifixum..

  A007000675 

 Lises donques ce livre divin qui vous enseigne la science de salut, et ou Jesus Christ luy mesme a appris l'obeyssance qui est deuë a Dieu.

  A007000677 

 Absit mihi, etc.; car si on se peut glorifier en beauté, o quelle beauté m'est acquise par la Croix! O comme j'ay trouvé une eau qui me rend non seulement blanc et net, mais encores qui m'esclaire: « In quo est vita, salus et resurrectio nostra.» [176].

  A007000677 

 Continues a y lire, et vous y trouveres Nazarenus, qui signifie floridus, qui est encores un autre tres grand sujet de glorification; car par la Croix, nostre ame a esté parëe des belles et saintes fleurs de tant de vertuz, de tant d'aureoles si odoriferantes.

  A007000677 

 Derechef donques lises ce livre, et vous y trouveres le nom de Jesus, qui veut dire Sauveur, et Sauveur qui salvat populum suum a peccatis eorum.

  A007000678 

 Or, ce royaume luy est acquis naturellement et par merite sur l'arbre de la Croix: Propter quod et Deus exaltavit illum, etc.; ut in nomine Jesu omne genu flectatur, etc. A cause de quoy, a sa mort tout l'univers se revest de deuil et proteste que son Roy est mort, etc. Qui fut prædict par David, Psal. 95: Commoveatur a facie ejus universa terra; dicite in gentibus quia Dominus regnavit a ligno.

  A007000678 

 Tous les Chrestiens sont Juifz et enfans d'Abraham selon l'esprit: Qui filii sunt promissionis, æstimantur in semine; Rom., 9.

  A007000680 

 Ainsy cest arbre vous sera bien plus venerable quand vous y considereres son excellent fruict pendu; ainsy ces espines, quand avec la rose; ainsy cest aubespin, quand avec ce rossignol qui y habite..

  A007000680 

 Ceste grande gloire de la Croix l'a rendue honnorable a un chacun; et partant, Dieu la fit chercher par Helene, mere du grand Constantin, qui alla expres en Hierusalem pour la trouver, et l'ayant trouvëe, elle fut incontinent mise en grand honneur parmi toute l'Eglise.

  A007000680 

 Et de fait, qui n'honnoreroit un si grand reliquaire, une si signalee marque de la charité du Filz de Dieu? Je vous proposerois volontier une belle doctrine de saint Bonaventure touchant ceste veneration de la Croix; mais je veux finir.

  A007000680 

 Il suffit que nous n'adorons pas la Croix pour l'amour d'elle, mais pour l'amour de Celuy a qui elle appartient.

  A007000681 

 Disons donques que ce saint bois de la Croix est singulierement venerable; car s'il est escrit, Psal. 131: Adorabo in loco ubi steterunt pedes ejus, comme n'honnorerons nous pas ubi stetit totum corpus? Et partant, il s'ensuit: Surge, Domine, in requiem, etc. Et si on faysoit, dict saint Hierosme, tant d'honneur au tabernacle, etc., combien plus au bois de la Croix, sur lequel a esté estendu le cors de Dieu incarné, qui a esté arrousé, teint et penetré de son sang [178] prætieux.

  A007000681 

 Quod Christus sit Deus, « ut qui partem ex illo habere possunt, auro includant et cervicibus imponant.

  A007000681 

 Tout ce qui me met en memoire Nostre Seigneur, je l'honnore; tout signe de Croix se doit tenir en reverence.

  A007000682 

 Je reviens a Helene, l'honneur des princesses, qui a cherché et trouvé ce saint bois, avec tant de soin, de travaux et de peyne.

  A007000682 

 Regardons si en nostre mont Calvaire, c'est a dire en nostre cerveau et entendement, nous y avons laissé la foy fervente de la Croix qui nous y fut mise au Baptesme, ou si nous n'avons point eslevé une idole de Venus en nostre imagination; si en nostre memoyre, ou la sainte esperance fut mise, nous n'y avons point remis Adonis; en nostre volonté, ou Dieu avoit mis la charité, etc. Et a l'imitation d'Helene, ostons, ostons ces figures maudites du monde, ces impressions vaines, et y relevons la Croix, disant: Absit mihi gloriari, etc., car c'est la nostre secours.

  A007000694 

 Item, veut venir en ceux qui sont privés d'autres consolations.

  A007000695 

 Les Anges apparoyssent aux pasteurs qui veilloyent.

  A007000706 

 Le bon Abraham estant en la vallëe de Mambré, a l'entrëe de sa tente ou pavillion, au gros du jour, vit troys personnes qui estoyent Anges; il les invita sous un arbre et leur dict: Ponam buccellam panis, ut confortetur cor vestrum; postea transibitis.

  A007000707 

 Patres vestri manducaverunt manna, et mortui sunt; qui manducat ex hoc pane vivet in æternum.

  A007000708 

 Ce pain icy, donques, donne la vie, conserve la vie de l'aine, laquelle perdant peu a peu sa chaleur vitale qui est la charité, et l'humide radical de sa vie qui est la grace, a besoin de restauration, qui se faict par ce celeste banquet..

  A007000708 

 O le grand mistere, car ce celeste pain ne reçoit la vie de celuy qui le mange, mays la luy donne absolument et le change en luy.

  A007000709 

 Ce qui ne doit estre merveilles; n'a on pas veu les gens vivans d'herbes, verds? Vivo ego, jam non ego, vivit vero in me Christus..

  A007000712 

 Ce pain nous corrobore mesmes contre les ennemis; si que de ce pain, nous pouvons dire: Parasti in conspectu meo mensam, adversus eos qui tribulant me; comme l'interprete Cyp., ad Cæcilium.

  A007000724 

 On void souventesfois es bonnes et grosses villes, et peut estre l'aures vous bien remarqué, qu'arrivant quelque signalé operateur, il faict incontinent publier son arrivëe, et les maladies desquelles il faict profession de guerir plus particulierement, affin que ceux qui en sont travaillés viennent au secours vers luy.

  A007000724 

 Tantost par sa propre bouche: Venite ad me, omnes qui laboratis, etc.; Joan., 7.

  A007000725 

 Hé, qui voudries vous donques qui les receust? N'est ce pas l'honneur au medecin d'estre recherché des malades, et d'autant plus que leurs maladies sont incurables? Nostre Seigneur, non tant pour repousser la temerité de ces Pharisiens, que pour nous donner courage de nous approcher de luy, rejette bien loin par similitudes ceste consideration pharisaïque.

  A007000728 

 72: Qui elongant se a te peribunt; comme la brebiette qui s'esgare parmi les halliers, es montaignes et forestz, court fortune: qui elongant.

  A007000728 

 Et le Prophete qui avoit dict, Ps.

  A007000728 

 Je trouve admirable et profonde la description que le saint personnage et langoureux prophete Job faict des pecheurs, quand il les qualifie en ceste façon: Qui dixerunt Deo: Recede a nobis, scientiam viarum tuarum nolumus (cap. 21 ); Retire toy, va t'en, destourne toy de nous, nous ne voulons point sçavoir tes chemins. O belle façon de parler, o description pleine de doctrine! Pour dire les pecheurs, il dict ceux qui ont dict a Dieu: Retire toy de nous.

  A007000730 

 Mais voicy le gros de la difficulté: comme se peut il faire que nous soyons esloignés de Dieu luy mesme qui est par tout, et ne sçaurions trouver un recoin, pour caché qu'il soit, que sa Majesté n'y soit? Saint Pol aux Atheniens, Act., 17: Non longe abest ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus, movemur et sumus..

  A007000733 

 C'estoit pour figurer que ce second et veritable David devoit laisser approcher de luy les pauvres et necessiteux, les affligés et les miserables, ceux qui gemissent sous le pesant fardeau des infirmités corporelles, et beaucoup plus ceux qui sont accablés sous l'espouvantable fardeau du peché..

  A007000734 

 Qui va par vent en un païs, ne revient que par vent contraire.

  A007000737 

 Ilz ne font pas comme les conviés a ce grand festin, qui s'excusent; ceux ci viennent et sont les bien venuz.

  A007000737 

 Ilz vous ont tant offencé; Et eum qui venit [191] ad me, non ejiciam foras.

  A007000739 

 Ce sont les eaux de contrition qui font germer ceste terre, produire des fruictz.

  A007000739 

 Il tire des plus grans pecheurs les exhalaisons saintes, qui sont les considerations de leurs fautes, jusques a un certain degré de crainte et d'apprehension, jusques a la moyenne region de l'air, considerant qu'ilz sont entre le Paradis et l'enfer, entre la damnation et salvation.

  A007000739 

 Nostre Seigneur est comme le soleil qui va par tout: A summo cælo egressio ejus.

  A007000752 

 Mays Dieu est Celuy la qui a faict nostre ame et nostre cors; car tout ce qui est, est œuvre de ses mains.

  A007000752 

 O comme nous sommes donques a Dieu, comme il est nostre Seigneur et nostre Maistre, puysque tout ce qui est en nous, il l'a faict: c'est luy qui en est l'ouvrier.

  A007000752 

 Souvenes vous donques, mes Freres, devant toutes choses, que Celuy en la præsence duquel vous estes est vostre naturel, absolu et sauverain Seigneur; car c'est a luy a qui est la terre et tout ce qui est en la terre.

  A007000752 

 [194] Il est vostre Seigneur et Maistre, parce que c'est luy qui vous a faict et formé; il n'y a point de plus juste tiltre pour posseder quelque chose que de l'avoir faite.

  A007000753 

 Et saint Bernard va confessant: « Seigneur, tu as tout fait » et refait « pour toy, et qui ne veut estre a toy et pour toy, il commence d'estre un rien parmi toutes choses.

  A007000753 

 Le diable nous avoit osté a nostre naturel Seigneur, et encores qu'il n'eust nul droit, si est ce que Nostre Seigneur nous acheta, et acheta ce qui estoit sien affin de nous faire plus siens, si plus siens nous pouvions estre.

  A007000757 

 L'autre conclusion qu'il faut tirer, c'est qu'estant descendus au rien, remontant a l'estre que Dieu nous a baillé, et considerant de poinct en poinct combien nous sommes dependans de Dieu et combien nous sommes obligés a le servir, il nous faut faire une exclamation a nostre ame: Nonne Deo subjecta erit anima mea? [196] Comment, si Dieu m'a creëe, et non seulement creëe, mays rachetëe d'entre les mains d'un si cruel et barbare tyran, avec tant de sang, si je luy ay voué et presté fidelité, qui me levera jamais de son service? Escoutes comme David estoit en ceste resolution: Quasi jumentum factus sum apud te, et ego semper tecum.

  A007000758 

 De maniere qu'encores a rayson de cecy, nous sommes obligés a servir Dieu, et ceux qui ne le serviront pas en recevront un terrible reproche au jour du jugement; car c'est pour cela qu'il est dict que totus orbis pugnabit contra insensatos.

  A007000760 

 Or est-il qu'entre toutes les façons de servir Dieu, [la meilleure] c'est de le servir en la façon qu'il est servi en Paradis; car c'est luy qui nous enseigne a demander que son service soit fait en la terre comme au Ciel; car il n'y a pas difference entre servir Dieu et faire sa volonté.

  A007000760 

 Que si nous voulons sçavoir comme [197] Dieu est servi au Ciel, escoutes David: Beati qui habitant in domo tua, Domine; in sæcula sæculorum laudabunt te.

  A007000761 

 Dequoy j'entre en admiration comme il se peut faire que l'homme ou l'Ange ayment Dieu, et comme Dieu s'ayme soy mesme; car si aymer est desirer du bien a une personne, comme voules vous qu'on ayme Dieu a qui on ne sçauroit desirer aucun bien? Car, puysque Dieu est toute sorte de bien, on ne luy sçauroit desirer aucun bien qu'il ne l'aye plus parfaittement qu'on ne sçauroit desirer; et si il l'a, pourquoy le desirera-on? Et puys, au bout de tout cela, le bien en Dieu est essentiel; de maniere que comme ce seroit chose hors de propos de s'amuser a desirer qu'un Ange soit Ange, puysque c'est sa nature d'estre Ange, et de desirer que les Maures soyent noirs, puysque c'est leur nature, aussi semble il hors de propos de desirer que Dieu ayt quelque bien, puysqu'il a tout bien par nature..

  A007000762 

 La consequence n'en vaut rien; la rayson est pource que la continuation de l'estre a l'Ange n'est pas naturelle et essentielle, et partant on la luy peut desirer, non celle qu'il a, ains celle qui est a venir; mays a Dieu, son æternité luy est autant essentielle que sa bonté.

  A007000763 

 De cest amour parle David: Quam magna multitudo dulcedinis tuæ; Omnia ossa mea dicent: Domine, quis similis tibi? Isaye: Lætificabo eos in monte orationis meæ? C'est a quoy nous invite David: Ecce nunc benedicite Dominum, etc. Il dict nunc; comme vous voudries estre de ces beati qui habitant, commences donques maintenant, nunc..

  A007000764 

 Iceluy seul rend de condigno l'honneur qui est deu a Dieu, et partant ne peut estre esconduit, ains impetre de Dieu tout ce qu'il veut: Quæcumque petieritis Patrem in nomine meo dabit vobis; Exauditus est pro sua reverentia..

  A007000764 

 L'homme qui est arrivé a ce signe, voyant que sa louange est petite, il va cherchant par tout: Benedicite omnia opera Domini; et ne trouvant asses, Renuntiate quia amore langueo.

  A007000764 

 La desplaysance, l'humilité et la pœnitence sont le sacrifice qui aggree a Dieu: Sacrificium Deo spiritus contribulatus et partant il l'offre.

  A007000764 

 Peut estre encores que ce cœur n'estant asses brisé et contrit, il en offre un qui est si noble et si affligé, qu'on ne le sçauroit refuser.

  A007000766 

 Non par nos merites, mais, Protector, aspice Deus, et vous nous verres tant affligés spirituellement et temporellement; et puys, in faciem Christi tui, qui a tant enduré pour nous, par la Passion duquel nous vous conjurons de nous faire misericorde.

  A007000766 

 Seigneur, nous sommes vos serviteurs indignes, qui n'avons pas gardé les regles de vostre service.

  A007000778 

 Ce n'est asses pour estre tesmoin de verité d'alleguer l'Escriture; car qui allegua jamais plus que les Arriens? Les Libertins mesmes, pour monstrer qu'il ne faut point d'Escriture, alleguent l'Escriture, contre lesquelz mesme Calvin escrit; le diable mesme..

  A007000781 

 23: Nolite audire verba prophetarum qui prophetant vobis, et decipiunt vos; visionem cordis sui loquuntur, non de ore Domini.

  A007000781 

 Nostre Seigneur ne s'exempte de ceste condition, Jo. 20: Sicut misit me Pater. Calvin, sicut misit te quis? Jo. 7: Doctrina mea non est mea, sed ejus qui misit me.

  A007000786 

 Nommant qui, et la succession d'iceluy, avec l'authorité du sauverain Pontife et de l'Eglise.

  A007000792 

 Saint Pol, extraordinaire, veut l'adveu d'Ananie (Act. 9 ), qui, luy imposant les mains, dict: Ut [203] videas, et implearis Spiritu Sancto. Act.

  A007000795 

 Sa mission qui semble avoir de l'extraordinaire est advoüee par l'ordinaire.

  A007000804 

 Ceux qui se sont departis jusques a present de l'Eglise, ont pris diverses excuses par les deux extremités pour couvrir la faute qu'ilz avoyent faite de n'y point demeurer et la mauvaise affection de n'y point retourner; car les uns ont dict qu'elle estoit invisible; les autres confessant l'Eglise visible, ont dict qu'elle pouvoit defaillir et manquer pour certain tems; et partant, qu'encores que leur eglise semblast nouvelle pour n'avoir pris succession de personne, elle ne l'estoit toutesfois pas, ains estoit l'ancienne, morte et esteinte pour certain tems, puys par eux resuscitëe et ce sacré feu continuel, r'allumé: voulans les uns faire l'Eglise tellement parfaitte, qu'elle soit toute spirituelle et invisible; les autres, la faire si imparfaitte, que non seulement elle soit visible, mays encores corruptible: semblables a leurs anciens devanciers hæretiques, desquelz les uns vouloyent tellement diviniser Nostre Seigneur qu'ilz nioyent son humanité, les autres tellement l'humaniser, qu'ilz en nioyent la divinité.

  A007000805 

 Or, ce qu'elle mesme faict voir par experience, je m'efforceray a vous le faire voir par discours, produisant les bons et indubitables tiltres qu'elle a pour sa visibilité et incorruption, qui est le gros du proces que nous avons avec nos adversaires.

  A007000807 

 L'Eglise donques, auditoire chrestien, faict asses paroistre par effect qu'elle est visible, incorruptible et immortelle, se faysant voir par tout, toute telle qu'elle avoit esté prædicte par Nostre Seigneur, ses Apostres et les Prophetes: et me semble bien que ceste preuve la seule pouvoit suffire a qui ne voudroit pas estre contentieux et opiniastre.

  A007000809 

 Ilz trouveront bien, Num. 20, 4, que le peuple se plaignant de Moyse au desert Sin a faute d'eau, il dict: Cur eduxisti ecclesiam in solitudi nem? Mais qui [207] ne void que ceste assemblæe estoit visible? Ilz trouveront, Actes, 20, que saint Pol allant de Chio en Hierusalem, ne voulant passer par Ephese de peur d'y arrester trop, voulant faire le jour de Pentecoste en Hierusalem, des Milette il envoya appeller les anciens de l'Eglise, et en une exhortation qu'il leur fit: Attendite vobis, et universo gregi, in quo vos Spiritus Sanctus posuit episcopos regere Ecclesiam Dei, quam acquisivit sanguine suo.

  A007000812 

 Comme va elle vestue d'or [209] si elle n'est visible? comme peut on aller devant sa face, si elle ne se faict voir? Isa., 61: Et scietur in gentibus semen eorum, et germen eorum in medio populorum; omnes qui viderint eos, cognoscent illos, quia isti sunt semen cui benedixit Dominus.

  A007000812 

 Maintenant, voyons les qualités qui luy sont donnëes en l'Escriture.

  A007000813 

 Daniel, au 2 chap., la pierre qui roule de la montagne et gaste ceste grande statue, replevit terrain, et factus est mons magnus.

  A007000813 

 In Sancto meo, id est, meipso, qui sum Sanctus sanctorum; David mentiar? non, si sim Deus.

  A007000814 

 Jusques a ce verset 37, Et thronus ejus, premierement, il chante les grandes promesses faites a David, qui se devoyent accomplir au tems de Nostre Seigneur.

  A007000815 

 Premierement, au soleil: Et thronus ejus sicut sol, qui ecclipse bien quelquefois, mays non jamais tout a fait, ains seulement en quelque partie du monde; ainsy en est il de l'Eglise.

  A007000816 

 21, comme disant: A te proficiscitur, de vous depend, la louange que je reçoy en la grande Eglise, ou la loüange qui vous est rendue par mon incarnation.

  A007000817 

 De maniere que je puis bien dire a ceux qui font ceste Eglise ainsy cachëe et invisible, ce que saint Optatus escrivoit, lib. 2 contra Parmen.

  A007000817 

 Ubi quæso [212] sunt isti nimium religiosi, immo nimium prophani, qui plures synagogas asserunt esse quam ecclesias? ».

  A007000818 

 Dites moy ou est la vraye prædication sinon en l'Eglise? et ou la chercheray je si je ne sçay ou est l'Eglise? Ou est la vraye administration des Sacremens sinon en l'Eglise? et ou voules vous que je les cherche si ceste Eglise est invisible et cachëe? Le jour de Pentecoste, le Saint Esprit vint il pas en l'Eglise, et toute ceste assemblëe estoit ce pas un cors visible? Mesme le Saint Esprit tient l'Eglise visible a tel poinct que, pour s'accommoder a sa visibilité, luy mesme qui est invisible, s'apparut a elle en forme visible.

  A007000818 

 Si elle est invisible, ou est ce qu'on la peut chercher? ou l'ont ilz trouvee? qui la leur a enseignee?.

  A007000820 

 Saint Pierre, 1, c. 2, appelle il pas l'Eglise domum spiritalem? Aussi l'est elle, car elle n'est pas une mayson materielle, ains [213] ordonnëe a l'esprit; comme les gens qui servent Dieu sont appellés spirituelz, mais ne laissent ilz pour cela d'estre visibles?.

  A007000821 

 Ce qui semble donner a entendre que l'Eglise ne comprend que les seulz esleuz, lesquelz ne sont conneuz que de Dieu.

  A007000821 

 Et ilz adjoustent: Novit Dominus qui sunt ejus (2. Timot., 2 ); Multi vocati, pauci vero electi (Matt., 20 ).

  A007000821 

 Ilz objectent encores: « Credo sanctam Ecclesiam Catholicam; » on croit sa sainteté qui est invisible, on croit qu'elle est l'Eglise de Nostre Seigneur lequel on ne void pas.

  A007000821 

 Mays combien que la sainteté et les esleuz ne soyent conneuz que de Dieu, combien qu'elle soit l'Eglise du Sauveur qu'on ne void pas, n'est il pas vray que l'Eglise est ce champ qui comprend la bonne semence et la zizanie; qu'elle est ceste grange laquelle enferme le grain et la paille; qu'elle est ceste grande mayson dont parle saint Pol, ou il y a des vaysseaux prætieux et des vaysseaux vilz et abjectz, et que la separation ne sera faite qu'a la fin du monde, lhors que de militante elle deviendra triomphante?.

  A007000822 

 Ces pauvres desvoyés sont semblables aux Apostres lhors qu'ilz se trompoyent en Nostre Seigneur, qui se trouvant au milieu d'eux et leur disant: Pax vobis, encores croyoient ilz que ce fust un fantosme.

  A007000822 

 Ilz ressemblent a ceux dont est parlé en saint Math., 25, qui diront a Nostre Seigneur: Domine, quando te vidimus esurientem? etc..

  A007000823 

 combien nous avons d'obligation a Celuy qui a ædifié ceste cité de refuge pour nous, en laquelle nous puissions avoir nostre recours.

  A007000833 

 C'est sans doute que Dieu qui a basti ceste Eglise, l'a bastie si bien et si fermement qu'elle doit estre perdurable; ce que je prouveray maintenant avec de tres preignantes raysons, pour les occasions que je vous diray tost apres.

  A007000835 

 Et qui diroit autrement, il feroit tort au sang de Jesus Christ, lequel n'a pas eu moins d'efficace pour fonder son Eglise a perpetuité, que le sang d'Adam a entretenir les generations des hommes; car ne sçaves vous pas que comme Adam a laissé une generation perpetuelle en son sang, aussi Jesus Christ a laissé une generation au sien? Que si le monde dure encores au sang d'Adam, pourquoy ne [216] durera aussi l'Eglise au sang de Jesus Christ? C'est ce que vouloit dire le grand David: Deus fundavit eam in æternum (Pseau. 47); Magnus Dominus et laudabilis nimis, in civitate Dei nostri..

  A007000835 

 Or, en cas pareil, mes Freres, quand il pleut a Dieu recreer le monde et fonder son Eglise, il la benit tellement que jamais ceste generation sienne ne devoit manquer ou faillir en aucune façon: de maniere que la vraÿe Eglise qui est maintenant, doit estre descendue de pere en filz par ceste generation spirituelle de ce second Adam, Nostre Seigneur et Maistre.

  A007000837 

 A quoy est conforme ce qu'il dict I. Cor., 15: Primitiæ Christus, deinde ii qui sunt Christi, deinde finis.

  A007000838 

 Ce qui est davantage [218] confirmé par l'Ange, lhors qu'il annonçoit l'Incarnation a Nostre Dame, disant que Nostre Seigneur seroit grand, et seroit appellé Filz du Tres Haut; et le Seigneur Dieu luy donnera le throsne de David son pere, et il regnera sur la mayson de Jacob æternellement, et son regne sera sans fin; Luc., 1.

  A007000838 

 Donq, avec ceste verge de la sainte Loy, domine au milieu de tes ennemis, qu'est ce a dire sinon que tousjours ceste Eglise seroit stable et visible, en laquelle Nostre Seigneur regneroit et domineroit, voire parmi les plus grandes bourrasques et tempestes des afflictions? Il n'y aura donq jamais tempeste qui empesche Nostre Seigneur de regner en l'Eglise; car autrement il ne domineroit pas parmi ses ennemis, mays demeureroit sans seigneurie et domination en ce monde.

  A007000838 

 Elle sort de Sion, suyvant ce qui fut prophetisé en Isaye, 2: Et de Sion exibit lex, et Mot Domini de Hierusalem.

  A007000838 

 Qui est le siege de David et la mayson de Jacob, sinon ceste Eglise militante? car sans doute ce n'est pas un siege temporel.

  A007000839 

 Quelle fermeté d'assistance! Spiritum veritatis; comme souffriroit il le mensonge? Et en saint Matthieu, 28: Ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi, ou ouvertement il promet son assistance particuliere a l'Eglise, passage lequel a esté entendu anciennement pour la presence de Nostre Seigneur au Saint Sacrement; mais comme que ce soit, Nostre Seigneur monstre qu'il y aura tousjours une vraÿe Eglise, en laquelle il sera; et s'il est avec elle, qui sera contre elle?.

  A007000840 

 Hoc fœdus meum cum eis, id est, Christianis, car auparavant il dict: Et ceux qui sont en l'occident craindront le nom du Seigneur, et ceux [219] qui sont au soleil levant, sa gloire.

  A007000840 

 Mays Isaye faict une solemnelle attestation a ceste verité, c. 59: Cum venerit Redemptor Sion, hoc fœdus meum cum eis, dicit Dominus: Spiritus meus qui est in te, et verba mea quæ posui in ore tuo, non recedent de ore tuo, et de ore seminis tui, et de ore seminis seminis tui, dicit Dominus, amodo et usque in sempiternum.

  A007000842 

 A ceux qui disent qu'ouy, on replique: S'il y avoit une Eglise, ou vous esties avec [220] elle ou non.

  A007000843 

 Et tout cecy se faict et se dict pource qu'alhors il n'y avoit point d'Eglise que Catholique Papiste qu'ilz nomment; qui a faict dire a Du Bartas que l'Eglise estoit ceste grande paillarde de l'Antechrist.

  A007000843 

 Voyci qui les presse de pres, voyci qui ruine tout leur bastiment, voyci qui faict sauter, ruine et sappe la tour de Babel: c'est pourquoy ilz cherchent de tous costés ouverture pour s'eschapper, disant tantost que leur eglise a tousjours esté, et quand on demande ou elle estoit il y a cent ans, ilz disent qu'elle estoit invisible; tantost ilz disent qu'elle n'estoit pas.

  A007000844 

 Davantage, je n'ay pas seulement prouvé que la leur n'est pas la vraye Eglise, mays aussi que c'est la nostre; car il ne se trouve point d'Eglise, de toutes celles qui confessent Jesus Christ, qui aye continué sans interruption, sinon la nostre Catholique Romaine..

  A007000844 

 Voyla qui me faict arrester a prouver contre eux ces [221] verités, lesquelles estant bien certaynes et asseurees, il est bien certain et asseuré aussi que l'eglise des adversaires, qui n'a pas esté visible avant cinquante ou soixante ans, et qui n'a point esté tousjours, n'est pas la vraye Eglise et par consequent que tous ceux qui sont en icelle sont hors de leur salut æternel, s'ilz ne s'amendent.

  A007000845 

 Donques de la consideration de la durëe de ceste Eglise nous devons nous eslever a la durëe de la triomphante, et penser que le Royaume du ciel est eternel; puys, penser combien jusques a present nous avons esté mal advisés d'avoir quitté ce Royaume la auquel nous avons part, pour un rien, pour un petit peché, et qui sommes si lasches de ne point prendre peyne pour avoir ce Paradis qui dure eternellement.

  A007000845 

 Mais qu'apprendrons nous icy en ceste verité? Nous apprendrons a louer Dieu qui a laissé au monde une Eglise perpetuelle, a laquelle en tout tems on peut recourir pour y faire son salut; puys, montant de ceste Eglise que nous voyons ça bas, a celle que nous ne voyons pas, la haut, nous exciterons en nous le desir de la vie eternelle, comme dict l'Apostre, 2 Cor., 4: Non contemplantibus nobis quæ videntur, sed quæ non videntur.

  A007000845 

 Tu prens tant de peyne pour un peu d'or, pour un peu d'argent qui te sera demain pillé, qu'il te faudra laisser demain, et pour ces richesses immortelles tu ne veux pas te faire tant soit peu de violence et vaincre ta lascheté.

  A007000850 

 Deux principales difficultés qui sont aujourd'huy touchant la Cene sont:.

  A007000854 

 Exemple (I Corinth. 10 ): Tous les anciens mangeoyent une mesme viande spirituelle et beuvoyent un breuvage spirituel; or, ilz beuvoyent de la pierre spirituelle qui les suivoit, et la pierre estoit Jesus Christ.

  A007000855 

 Cecy estant proposé, voicy le gros de nostre difficulté; car nos adversaires veulent dire que nous prenons en la Cene le prætieux Cors de Nostre Seigneur, spirituel, c'est a dire par foy, et en apprehension ou volonté ou intelligence; comme qui diroit: j'ay tousjours mon espoux en mon cœur, l'y auroit spirituellement mays non reellement.

  A007000857 

 Quatriesmement, je vous advise qu'encores que j'use de ce mot de Cene, ce n'est pas pourtant que j'approuve ceste appellation; non pas parce qu'elle n'est pas en l'Escriture, car on se sert de plusieurs motz qui ne sont pas en l'Escriture, mays parce qu'elle est presque contraire, ou præsupposant chose contraire a l'Escriture.

  A007000859 

 Premierement, les tres expresses, tres pures et tres claires parolles de Nostre Seigneur, en saint Jan, 6, ou sont les promesses: Ego sum panis vivus; Qui manducat me; Panis quem ego dabo, caro mea est; Caro mea vere est cibus; Nisi manducaveritis.

  A007000862 

 7: Sed devoravit virga Aaron [226] virgas eorum, id est, serpens qui fuerat virga.

  A007000862 

 Mais notés qu'il dict: Ego sum panis vivus; qui manducat me; or, en Nostre Seigneur y est l'esprit, la vie, la chair.

  A007000862 

 Quatriesmement, ilz n'ont pas un seul passage affirmatif, car Spiritus est qui vivificat, donq la chair n'y est pas; comme qui diroit: c'est mon entendement qui discourt ce sermon, donq mon cors n'y est pas.

  A007000863 

 Comparayson avec la manne: Et mortui sunt; ouy, quand a la force de la manne, qui ne servoit a autre qu'a la corporelle, de son estouffe.

  A007000863 

 Les saintes ceremonies et paroles des Evangelistes: Sciens Jesus quia venit hora ejus ut transeat ad Patrem, cum dilexisset suos qui erant in mundo, in finem dilexit eos; cæna facta, etc., surgit a cæna et posuit vestimenta sua, et cum accepisset linteum præcinxit se; deinde misit aquam in pelvim, etc. [227] La benediction, etc.; action de graces; la menace de saint Pol: Non dijudicans Corpus Domini..

  A007000864 

 (Col. I. v. 15: Qui est imago Dei. Philip.

  A007000867 

 Il s'en trouve bien qui parlent de l'esprit, mays on ne le nie pas..

  A007000871 

 16: Missah nedaha; oblationem spontaneam, et qui estoit de froment.

  A007000873 

 Ni la ceremonie et forme; nom plus que celle des advérsaires, qui font le matin, ou on dict l'Epistre aux Chorinth., ou on ne lave point les pieds; mays a sçavoir si en la Cene Nostre Seigneur fit le sacrifice.

  A007000875 

 C'est un memorial de sacrifice, et comme les anciens qui figuroyent estoyent vrais sacrifices..

  A007000885 

 13: Habemus altare de quo edere non valuerunt qui tabernaculo deserviunt..

  A007000900 

 Quand un prince tient la prise de quelque ville ou quelque notable victoire asseurëe, vous le voyes a tous propos parler de la bataille, et ne cessons jamais de parler de ce que nous attendons et desirons; ce que sçauroyent bien dire les voyageurs qui, desirans leur arrivëe en quelque ville, ne trouvent personne a qui ilz ne demandent combien le chemin est loin.

  A007000902 

 Ceste Espouse, ames chrestiennes, ou c'est l'Eglise, ou c'est l'ame devote qui est en l'Eglise; et comment que ce soit, par ces paroles qu'elle dict par le sage Salomon, elle monstre que Nostre Seigneur, vray Espoux et de l'ame et de l'Eglise, luy estoit perpetuellement en memoyre, comme le plus aymé de tous les aymés et le plus aymable de tous les aymables.

  A007000903 

 La chere Espouse donques dict que son Amy luy sera comme un faisceau de myrrhe sur son cœur, pour monstrer qu'elle se resouviendroit [232] a jamais des amertumes de sa Passion douloureuse: Fasciculus myrrhæ, etc. Ce qui est encores dict avec extreme elegance par le prophete royal David, Psal. 44: Myrrha et gutta, et cassia a vestimentis tuis; ex quibus delectaverunt te filiæ regum in honore tuo; car le Prophete parlant au Messie, il luy dict: La myrrhe et la goutte d'icelle, et la casse, c'est a dire l'odeur de ces prætieuses liqueurs, vient de tes vestemens.

  A007000903 

 Qui sont vestemens du Sauveur, sinon son cors et son ame, comme dict l'Apostre, Philipp., 2: Formam servi accipiens, in similitudinem hominum factus, et habitu inventus ut homo? Et ce cors icy et l'ame mesme ne respirent que l'odeur de myrrhe, c'est a dire de grandes consolations provenantes d'un fondement douloureux, qui est la Passion, lesquelz vestemens viennent des maysons d'ivoire tres pures du Ciel et de la glorieuse Vierge..

  A007000904 

 Et c'est ce qu'enseigne saint Pol, Heb., 12: Recogitate eum qui talem sustinuit a peccatoribus adversus semetipsum contradictionem, ut ne fatigemini, animis vestris deficientes; et a quoy luy mesme nous excite: O vos omnes qui transitis per viam, attendite et videte si est dolor sicut dolor meus; ce qui a esmeu l'Eglise, vraye Espouse de Nostre Seigneur, a tascher par tous moyens de maintenir en la memoyre de ses enfans et disciples la Passion de nostre Sauveur et Maistre; et partant, entr'autres, aujourd'huy elle met cest Evangile en avant.

  A007000907 

 Dites moy, au nom de Dieu, pourquoy ne sera elle aussi utile en signe comme en parole? Et qui ne voit que s'il est utile aux fidelles de leur ramentevoir la Passion de Jesus Christ par paroles, il le sera aussi de la leur representer par signes?.

  A007000908 

 Je sçay bien que Calvin et les autres cités chez Marlorat [234] interpretent: « Signum, id est, Filius ipse hominis, » qui tam manifeste parebit ac si edito signo omnium in se oculos convertisset.

  A007000908 

 Nostre Seigneur mesme honnorera sa Croix; pourquoy non nous? Or, qu'il soit vray, en saint Matthieu, 24, il est dict entre les autres signes et prodiges qui arriveront au jour du jugement, que signum apparebit Filii hominis in cœlo.

  A007000913 

 Et miserables sont ceux qui le rejettent avec tant de mespris et d'horreur, car par cela ilz donnent a connoistre qu'ilz n'ont point part a ce qui a esté operé en la Croix, etc. Et comment peut on accorder ceux qui estiment se rendre ignominieux par la Croix, avec saint Pol qui dict: Absit mihi gloriari nisi in Cruce Domini nostri, etc.? 1 Cor., 1: Prædicamus Christum crucifixum, Judæis quidem scandalum, Gentibus autem stultitiam; ipsis autem vocatis Judæis atque Græcis Christum, Dei virtutem et Dei sapientiam.

  A007000913 

 Parce que l'enfant seroit fol, qui se plairoit a voir le gibet ou son pere auroit esté pendu; ne pensons donques plus a la Passion.

  A007000915 

 Premierement, tout ce qui est consacré a Dieu est digne d'estre honnoré.

  A007000916 

 [2.] Que tout ce qui est dedié a Dieu soit digne d'estre honnoré, on le prouve parce que l'Escriture l'appelle quasi par tout saint.

  A007000917 

 A rayson de tout ce qui est dict cy devant; car si Nostre Seigneur l'a colloquee au ciel, s'il l'a monstree avec de si signalés effectz, n'est ce pas nous la rendre honnorable?.

  A007000919 

 Pour les grans effectz qu'il plaist a Dieu de faire par ce ceremonial, et particulierement contre les demons qui le haïssent; dequoy Lactance rend tesmoignage, [Divin.

  A007000920 

 Parce qu'en sa figure, qui estoit le serpent d'airain (Nu., 21 ), elle fut honnorëe avant que d'estre; pourquoy non en sa memoyre apres avoir esté? Jo., 3: Et sicut exaltavit Moyses serpentem, ita exaltari oportet Filium hominis..

  A007000921 

 Tertullien respond aux Gentilz qui tançoyent l'honneur de la Croix.

  A007000933 

 Il met pour execration de ne point saluer et ne point dire Ave; la ou que dirons nous de ceux qui ne veulent point saluer Marie, sinon qu'ilz l'haïssent? De mesme saint Pol a ses Philip., 4: Salutate omnem sanctum in Christo Jesu; comme s'il vouloit que cela fust deu aux saintz et vertueux, que d'estre salués..

  A007000933 

 Je laisse a part Aman qui prit a mespris ce que Mardochee ne le saluoit pas; car encores qu'au commencement il voulut estre adoré, si est ce qu'apres il ne se plaint que de ce qu'il ne le saluoit.

  A007000935 

 Response: Quel danger y a il? Saint Pol, en toutes ses Epistres, salue il pas ores cestuy ci, ores cestuy la, quoy qu'absent? Et aux Philip., 4: Salutant vos omnes sancti; salutant vos omnes qui mecum sunt fratres; et nostre saint Pierre en son Epist.

  A007000937 

 Mais qui diroit jamais les saintz mouvemens que reçoit le cœur devot en ceste sainte Salutation? Ceste Salutation repræsente le tressaint mistere de l'incarnation, et partant l'Eglise adjouste aux paroles de l'Ange, qui portent desja ce mistere gravé, celles de sainte Elizabeth: Benedictus fructus ventris tui, pour le repræsenter encores plus expressement.

  A007000952 

 C'est ce grand desir qui apprivoisa l'homme avec son ennemy capital par les [244] artz divinatoires, et qui baille credit a tant de pronostiqueurs Ce fut ce desir qui fit sortir d'Athenes et tant courir ce grand Platon, comme dict saint Hierosme, Epist.

  A007000952 

 Ce fut ce desir qui fit renoncer ces anciens philosophes a leurs commodités corporelles, etc. Et c'est a ce desir naturel de l'homme auquel Nostre Seigneur a esgard aujourd'huy, quand pour consoler ses Apostres de son absence, il leur promet le tressaint Esprit pour leur apprendre toute verité.

  A007000952 

 Et affin de leur aiguiser ce desir, il leur dict: Adhuc multa, etc.; puys, pour les combler d'une certaine, et magnifique esperance et consolation, il leur dict: Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, etc.; puys, parce que la science peut nuire a qui l'a s'il ne la rapporte a bonne fin, il leur adjouste: Ille me clarificabit, quia de meo accipiet. Mays ce pendant Nostre Seigneur monstre par ces paroles que personne ne peut estre capable de la celeste doctrine sinon par la faveur du Saint Esprit.

  A007000952 

 ad Paulinum Presbyterum; qui fit aller des le bout de France et d'Espagne a Rome vers Tite Live.

  A007000954 

 Ainsy le second peuple ou la seconde mayson, qui est l'Eglise evangelique, n'a qu'une entrëe en son oracle; mays ceste [245] entrëe a deux portes non moins riches que ces anciennes.

  A007000954 

 des Roys, de l'admirable fabrique du Temple de Salomon, raconte qu'il n'y avoit qu'une entrëe en l'oracle qui estoit dans iceluy; mays ceste entrëe avoit deux huis de bois d'olive, il y avoit cinq posteaux, et sur les huis estoyent peintz des cherubins, des palmes, entaillé et relevé d'ouvrages; au parsus tout y estoit doré.

  A007000955 

 Il y a de beaux ouvrages qui s'advancent, parce que ceste parole tend aux saintes œuvres.

  A007000956 

 Mais parce qu'en ceste doctrine nous ne sommes pas d'accord avec les adversaires, j'en diray sommairement quelque chose qui confirmera l'interpretation et la foy catholique, en cest ordre: premierement, qu'il y a des saintes Traditions en l'Eglise; 2.

  A007000957 

 Quant au premier, j'auray bien tost faict; car comme les Traditions donnent authorité a l'Escriture, ainsy que je monstreray bien tost, de mesme les Escritures donnent authorité aux Traditions, comme deux huis qui s'entrejoignent, comme les deux cherubins qui s'entreregardoyent au propitiatoire..

  A007000958 

 Puys, ou Nostre Seigneur le leur devoit dire pour eux ou pour l'Eglise: si pour l'Eglise, donq nous l'avons encores; si pour eux seulement, donq en l'Evangile tout ce qui est necessaire a un chacun n'y est pas..

  A007000959 

 Cap. 2: Tu ergo, fili mi, confortare in gratia quæ est in Christo Jesu; et quæ audisti a me per multos testes, hæc commenda fidelibus hominibus qui idonei erunt et alios docere.

  A007000959 

 Timoth., 1; Formam habe sanorum verborum quæ a me audisti, in fide ut in dilectione in Christo Jesu; bonum depositum custodi, per Spiritum Sanctum qui habitat in nobis.

  A007000961 

 Entre autres choses, il dict qu'en « l'Eglise, comme en un riche depositaire, les Apostres ont conferé tout ce qui est de la verité, ut omnis quicumque velit, sumat ex ea aquam vitæ.

  A007000963 

 3: « Admonitos nos scias, ut in calice offerendo Dominica Traditio servetur, nec aliud fiat a nobis quam quod pro nobis Dominus prior fecerit; ut calix qui in ejus commemorationem offertur, mixtus vino offeratur.

  A007000965 

 Quant au II e, je dis les Traditions estre necessaires: [1.] pour authentiquer l'Escriture; car qui nous a dict qu'il y a des Livres canoniques? L'Alcoran dict bien qu'il a esté envoyé du ciel, mais qui le croit? Qui nous a dict l'Evangile de saint Marc, etc., plustost que celuy de [249] saint Thomas et de saint Bartholomé? Pourquoy ne reçoit on l'Epistre qui porte le tiltre ad Laodicenses puysque saint Pol aux Coloss., c. ult., atteste leur avoir escrit, plustost que celle aux Hebrieux? Pourquoy croiray je que l'Evangile de saint Marc est celuy de saint Marc qu'on monstre maintenant?.

  A007000968 

 Pour le nombre des Sacremens; car qui m'a dict que le lavement des piedz que fit Nostre Seigneur ne fut pas Sacrement et le Baptesme le fut? et qui m'a dict qu'il falloit mettre du vin au calice? etc..

  A007000970 

 Ce n'est donques pas merveille si Irenee a dict: « Qui successionem habent ab Apostolis, cum Episcopatus successione charisma veritatis certum secundum placitum Patris acceperunt », [lib.] 4, c. 43; et Nostre Seigneur: Cum autem venerit Spiritus Sanctus, docebit vos omnem veritatem, dequoy l'Eglise a besoin, contra novas hæreses exorientes.

  A007000977 

 Ce qui est explicite est suffisant pour sauver les particuliers, mays non pour l'instruction de tout le cors; ainsy est refuté ce passage qu'on objecte: Hæc scripta sunt ut credatis, etc., et ut credentes vitam habeatis..

  A007000977 

 Que tout ce qui est necessaire a l'Eglise, est contenu en l'Escriture, non explicite, mays bien radicaliter.

  A007000989 

 Ce fut le Saint des saintz, ce fut Dieu mesme qui luy apparut, mays en quelle forme? Cumque levasset oculos, apparuerunt ei tres viri; sous l'apparence de troys, Celuy qui est unique Seigneur vint visiter son serviteur.

  A007000992 

 Car encores qu'il semble que ceste sainte Trinité se doive reduire a l'unité de l'essence, d'autant que selon nostre façon d'entendre l'un soit premier que l'autre, si est ce que l'article de l'unité d'un Dieu n'est pas si propre aux Chrestiens que celuy de la Trinité, d'autant que plusieurs ont conneu Dieu et son unité, qui n'estoyent pas Chrestiens.

  A007000992 

 Mays quant a l'article de la tressainte Trinité, il est tellement particulier aux Chrestiens, que mesme le peuple Hebrieu n'en avoit pas pour la pluspart connoissance expresse, [et] que jamais les payens n'y estoyent arrivés: qui occasionne saint Hierosme a s'escrier en l'epistre ad Paulinum « Hoc doctus Plato nescivit, [256] hoc eloquens Demosthenes ignoravit.

  A007000993 

 A ceste occasion, Nostre Seigneur premierement, puys son Eglise, en l'administration du Sacrement fondamental qui est le Baptesme, nous met en avant ce saint mystere: In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.

  A007000993 

 O comme nous devrions donques encores en ce tems miserable celebrer ceste sainte feste et dire: Gloria Patri, etc. Penses vous pas que nos adversaires se soyent contentés de renverser l'Eglise? Superbia eorum qui te oderunt ascendit semper; Psalm.

  A007000993 

 « Sunt gradus ad impietatem, et nemo repente fit pessimus.» Les Trinitaires, sortis de l'escole calvinienne, sont ilz pas encores en la Transylvanie? n'ont ilz pas escrit, les uns avec Arrius, les autres avec Sabellius? Superbia eorum qui te oderunt, etc. Un Valentin Gentil, un Servet, un Farel, un Viret ont du tout infecté ceste sainte doctrine, la ou Calvin et Beze, faysans les fins, s'entremettent parmi.

  A007000994 

 : Numquid ego, qui facio parere alios, non pariam? et qui generationem cæteris tribuo, sterilis ero? Ce Filz est la gloire du Pere, dont il est appellé par saint Pol splendor gloriæ et figura substantiæ ejus..

  A007000994 

 Gloria Patri, etc. Je trouve que nous pouvons souhaitter la gloire au Pere, au Filz et au Saint Esprit en deux façons: ou la gloire qui leur est naturelle et essentielle, ou l'exterieure et denominative.

  A007000995 

 Et cest amour supreme qui les lie ainsy l'un a l'autre, procedant du regard qu'ilz ont l'un a l'autre, est une troysiesme Personne divine esgale a eux, consubstantielle a eux, infinie, æternelle et independante comme eux, qui est le Saint Esprit, l'amour et l'unité du Pere et du Filz, et le terme sans terme de leur mutuelle complaysance et des emanations æternelles..

  A007000995 

 Penses quelle gloire a un tres bon pere d'avoir un filz qui luy ressemble parfaittement; mais s'il le ressembloit tant que ce fust un autre luy mesme, ah quelle consolation! J'ay veu des peres qui avoyent quelque vertu, o combien ilz estoyent consolés d'avoir des enfans vertueux, etc. C'est ceste gloire qui [258] merite d'estre celebrëe a jamais: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc.

  A007000996 

 Il y a certains exemples qui nous pourroyent ayder a en concevoir quelque chose; mais il y a tant a redire, que, sans nous amuser a autre, nous nous contenterons de sçavoir que c'est la foy catholique « ut unum Deum in Trinitate, et Trinitatem in unitate veneremur.

  A007000997 

 Et tout de mesme, Spiritui Sancto, qui signifie un respir d'amour reciproque et mutuel, pour signifier que le Pere et le Filz se regardans et s'aymans mutuellement, produisent ceste troisiesme Personne par ce regard et cest amour reciproque..

  A007000997 

 Nous chanterons tousjours Gloria Patri, d'autant plus encores que Calvin et Beze et leurs hæresies, veulent que toutes les trois Personnes ayent leur divinité de soy et non par communication; qui est un blaspheme estrange, car ainsy il n'y auroit ni Filz ni Saint Esprit.

  A007000997 

 Superbia eorum qui te oderunt ascendit semper.

  A007000998 

 O malheur de nostre aage, o vanité, o arrogance de l'esprit humain, qui entreprend de disputer des verités si eslevees par de si foibles raysons! Ce mot de personne, o Calvinistes, signifie bien plus que vous ne dites, et les docteurs sçavent que personne est le suppost d'une nature intelligente, que c'en est le proprietaire et le possesseur; tellement qu'une Personne divine, c'est celuy qui possede et a en propre la nature divine..

  A007000999 

 Et quant a ceste belle objection que ce mot n'est pas latin, ignores vous encores que quand il a pleu a Dieu, en l'exces de son amour, nous descouvrir de nouvelles verités, il a fallu chercher de nouveaux motz pour les exprimer? Ignores vous que les motz sont faictz pour les choses, et non les choses pour les motz, et qu'il se faut bien garder d'assujettir les choses aux parolles, et beaucoup plus de renoncer aux choses les plus saintes et les plus divines pour ne pas rencontrer dans le langage usité parmi les Romains des dictions qui les signifient? Suyvant ceste maxime de vostre eschole, il faudroit encores rejetter le mistere fondamental de nostre salut, [260] l'Incarnation du Verbe æternel, pource que ce mot d'incarnation ne se trouve point dans la pure latinité.

  A007000999 

 Les Arriens firent semblable trait, au rapport d'Epiphane, en leurs hæresies, dont les uns ne demandoyent qu'un iota, les autres, comme l'evesque Ancyritin, demandoyent qu'on rayast tous les motz qui n'estoyent de l'Escriture.

  A007000999 

 O malheureux et infortunés docteurs, qui ayment mieux estre latins que chrestiens! C'est une des ruses du diable, qui, sous couleur de quelque plus grande pureté de latin, tend a nous enlever la creance des premiers et plus importans misteres de nostre sainte religion.

  A007001001 

 On appelle la gloire appropriee celle qui vient a Dieu, non de ses ouvrages interieurs mays exterieurs, ainsy [261] que David dict: Cœli enarrant gloriam Dei, etc.; et comme dict saint Pol, I. Cor., 10: Omnia in gloriam Dei facite.

  A007001002 

 Helas, il y en a plusieurs parmi les Chrestiens, qui ressemblent a ces philosophes, sont froidz, [262] lasches, n'affectionnent l'honneur deu a Dieu et a ses amis Or, qui est ainsy disposé ne peut dire Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc..

  A007001002 

 Quant a la gloire essentielle, il n'y a personne qui la puisse alterer, pource que Ego sum qui sum; gloriam meam alteri non dabo.

  A007001003 

 Donques Gloria Patri qui dedit, et Filio qui datus est, et Spiritui Sancto per quem datus est..

  A007001004 

 » Qui gloriatur, in Domino glorietur; I. Cor., 1.

  A007001005 

 La memoire morte est le saint signe de la Croix; ce sont les prætieuses reliques des Saintz qui ont souffert en leurs cors, comme dict l'Apostre saint Pol, ce qui reste des souffrances de Jesus Christ.

  A007001029 

 La pierre de Daniel qui renverse la statue, c'est le Christ et Pierre.

  A007001040 

 Prenez-nous les petits renards qui ravagent les vignes..

  A007001058 

 Mays en tout on trouve deux responses generales, toutes contrayres l'un'a l'autre, en la contrarieté desquelles consiste le principal point du different qui est entre l'Eglise Catholique et ceux qui s'en sont separés.

  A007001060 

 Et vous autres, Messieurs, qui suyves le parti contraire, je vous adjure par vostre salut et le sang du Sauveur, que vous venies ouir les raysons de l'Eglise Catholique, affin qu'on ne puysse dire de vous que vous l'aves condamnee sans l'avoir ouÿe.

  A007001060 

 Mays je ne voudroys pas que vous pensassies qu'en ces sermons je veuille alleguer ce que j'en pourrois dire; non, je ne diray que ce qui me semblera de plus singulier [269] et pregnant.

  A007001060 

 Que qui voudra me demander des doutes, soit par escrit ou autrement, il m'obligera infiniment a luy, et le prendray a singuliere faveur, et tascheray a luy fayre en contrechange toute bonne satisfaction avec toute charité et respect.

  A007001064 

 Ell'estoit, en comparayson de l'Eglise, comm'un homme endormi, qui ne voit point sinon quelque songe et idëe; signifiëe par Lia toute chassieuse.

  A007001064 

 Entr'un qui croit, et qui tient: Multifariam 1.

  A007001065 

 De tout cecy je tire consequence que les figures de l'Ancien Testament ne doyvent rien approcher de l'excellence de ce qui nous est donné en leur lieu au Nouveau, nomplus que l'homme dormant au pris du veillant, croire et jouir, la nuict et le jour, l'ombre et le cors, la figure et la chose figurëe.

  A007001086 

 13, les larrons de Moab courans, des gens qui portoyent un mort les virent et le jetterent au sepulcre d'Helisëe; ayant touché il resuscita.

  A007001086 

 Et intacta manserunt, cum ossibus alterius prophetæ qui venerat a Samaria.

  A007001089 

 Au Concile de Nicëe 2, il y a 800; au Concile Gangrense, il y en [a] plus de 1200, canone ult., qui commence: « Si quis, superbiæ usus affectu.

  A007001089 

 Au grand Concile de Latran sous Innocent, il y a environ 350; ou on prouvoit aux abus qui pourroyent survenir..

  A007001093 

 : « Omnia potest pulvis Cypriani cum fide ut sciunt qui experti sunt.

  A007001098 

 23: Væ vobis, Scribæ et Pharisæi hipocritæ, qui ædificatis sepulcra Prophetarum et ornatis monumenta justorum; ilz le disoyent par hipochrisie.

  A007001107 

 1: Ecce venit in nubibus, et videbit eum omnis oculus, et qui eum pupugerunt.

  A007001114 

 Je me suis toujours tu, j'ai gardé le silence, j'ai été patient; je parlerai comme la femme qui enfante.

  A007001114 

 Le voici qu'il vient sur les nuees, et tout œil le verra, et même ceux qui l'ont percé.

  A007001115 

 La fin vient, elle vient la fin; elle s'est avancée contre toi; voici qu'elle vient; je te châtierai selon l'iniquité de tes voies, et tu sauras que je suis le Seigneur qui frappe.

  A007001115 

 Voici qu'il vient, et qui soutiendra son avènement? Toute parole oiseuse, etc. Ses voies sont souillées; vos jugements sont ôtés de devant sa face..

  A007001120 

 Nos fratres uterini sumus Christi, veri Benjamini, qui prius Benoni..

  A007001120 

 Nunc ergo, filii, audite me: Beati qui vigilant ad fores meas; Sapientia, de Maria, quæ est porta clausa.

  A007001130 

 5: Pascite gregem qui in vobis est; ergo transtulit authoritatem.

  A007001131 

 Qui præcipit actionem, praecipit passionem..

  A007001142 

 2: Gratias agimus Deo sine intermissione, quoniam cum accepissetis a nobis Mot auditus Dei, accepistis illud, non ut Mot hominum, sed sicuti est vere, Mot Dei qui operatur in vobis qui credidistis.

  A007001143 

 2 Cor 13: An experimentum quæritis ejus qui loquitur in me Christus?.

  A007001150 

 Qui vos audit me audit; Luc. 10.

  A007001153 

 28, qui estoit prestre; Psal. 98.

  A007001153 

 Nemo assumit sibi honorem, nisi qui vocatur a Deo sicut Aaron; Heb.

  A007001154 

 « Qui estis vos, aut unde venistis? » Tert., de Præscript.

  A007001164 

 Ubiquiditæ similes sunt rebelli populo Israel, qui dicebat: Anima nostra arida est, nihil aliud respiciunt oculi nostri nisi man; Nu.

  A007001175 

 Les Ubiquitaires ressemblent au peuple d'Israël révolté qui disait: Notre âme est languissante, nos yeux ne voient plus que la manne.

  A007001175 

 Michol se [287] moquait de tout: Pourquoi, lui dit Saül, te moques-tu de moi? Semblables à ces arbres qui avoisinent la mer Morte, dont les fruits tombent en poussière au simple toucher..

  A007001189 

 Qui autem [289] sophistice loquitur, odibilis est Deo.

  A007001191 

 Hæc autem, Spiritus est qui vivificat, verba quæ ego [290] loquor, etc,, non repugnant; nam non sunt contradictoria nec contraria.

  A007001191 

 Mirum ergo homines qui Scripturas semper urgent, errare, nescientes Scripturas neque virtutem Dei..

  A007001191 

 Qui manducat me, ipse vivet propter.

  A007001191 

 Sed spiritus, spirituale, vita, vitale, Sacramentum, sacramentale realitati corporum non repugnant, imo cohærent: ex quo vita erat lux hominum, et spiritus, qui est Deus Mot, caro factum est.

  A007001197 

 Volebat Eucharistiæ fidem prædicare: præmittit miraculum multiplicationis panum; postea urget fidem: Amen, amen dico vobis, qui credit in [292] me habet vitam æternam; ego sum partis vitæ.

  A007001198 

 Quis est hic panis? Ego sum panis vivus, qui de cœlo descendi.

  A007001201 

 Ex alia comparatione: Sicut misit me vivens Pater, et ego vivo propter Patrem, et qui manducat me, et ipse vivet propter.

  A007001202 

 Idem Deus qui juravit Abrahse, David, etc. Porro, clara esse debent verba jurantis, et ad mentem ejus qui interrogat, si jus habet interrogandi; jus autem habebant interrogandi discipuli.

  A007001209 

 Optabam enim, etc., pro fratribus meis, qui sunt cognati secundum carnem; qui sunt Israelitæ, quorum adoptio est filiorum, et gloria, [et] testamentum.

  A007001213 

 Or, Dieu hait celui qui parle d'une manière [289] sophistique.

  A007001213 

 Rupert dit très bien (liv. III de la Trinité, chap. VII et VIII): « Le serpent est moqueur: ses réponses sont vagues, ce qui lui permet de soutenir qu'il a dit vrai alors même que la parole de Dieu s'est accomplie.

  A007001214 

 Quant à nous, voici notre foi sans détour: l'Eucharistie contient le corps du Seigneur, le même absolument qui reposa sur l'autel de la Croix.

  A007001215 

 Ainsi: La vie était la lumière des hommes, et cet esprit, qui est Dieu le Verbe, s'est fait chair.

  A007001215 

 Ce passage: La chair ne sert de rien, ne prouve rien, pas plus que cet autre: Ni la chair, ni le sang ne posséderont le royaume de Dieu. Quant à ces mots: C'est l'esprit qui vivifie, les paroles que je dis, etc., ils ne répugnent pas au [290] sens des textes cités, car ils ne leur sont ni contradictoires ni contraires.

  A007001215 

 Celui qui me mange vit lui-même par [ moi ]. Nul ne peut s'écarter du sens propre de toutes ces affirmations, à moins que l'Ecriture ne l'y force par des textes contraires.

  A007001215 

 Il est étrange de voir des hommes qui en appellent constamment aux Ecritures se tromper parce qu'ils ne connaissent ni les Ecritures ni la puissance de Dieu..

  A007001215 

 Mais on n'en trouvera aucun qui infirme ceux-ci.

  A007001215 

 par les paroles expresses de l'Ecriture: Ceci est mon corps qui est livré pour vous.

  A007001216 

 Gardez-vous du levain des Pharisiens, qui est l'hypocrisie.

  A007001216 

 Je suis la vraie vigne; comme le sarment, etc. J'accomplis ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps qui est l'Eglise; qui est l'Eglise est une incidente déterminative employée dans un sens identique à: qui est donné pour vous.

  A007001216 

 Notre interprétation est confirmée: [1.] par le fait que les quatre Evangélistes exposent ce dogme de la même manière, sans rien ajouter qui nous oblige à le comprendre autrement, ce qu'ils ne manquent pas de faire lorsqu'il y a lieu: Détruisez ce temple; mais il disait cela du temple de son corps.

  A007001217 

 Par le fait que Jésus-Christ a parlé trois fois de ce Sacrement: quand il l'a promis en termes précis (nous exposerons ces paroles Dimanche); quand il l'a donné à la dernière Cène; quand il en a instruit Paul: En dernier lieu, il m'a parlé à moi, qui ne suis qu'un avorton; ce ne fut pourtant pas alors que le Seigneur l'instruisit, ce fut lors de son ravissement au troisième ciel. De là vient ce ton solennel de Paul: Car j'ai reçu moi-même du Seigneur..

  A007001221 

 Il réveille ensuite la foi: En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie [292] éternelle; je suis le pain de vie. Il va leur proposer une vérité difficile à accepter, il veut se concilier leur foi d'abord par un miracle, ensuite par une exhortation.

  A007001222 

 De la comparaison qu'il établit entre la manne et sa chair: Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts; voici le pain qui descend du ciel, afin que si quelqu'un en mange il ne meure point.

  A007001222 

 Quel est ce pain? Je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel.

  A007001224 

 Or la forme est bien inférieure; quant à la substance, elle n'est en rien supérieure si elle n'est pas le vrai corps de Jésus-Christ; car le corps du Christ en figure, par la foi et dans ses effets, les anciens le recevaient autant qu'il était nécessaire pour obtenir la vie éternelle: Tous mangeaient la même nourriture spirituelle, etc. Or, ils buvaient l'eau [de la pierre] qui les suivait, etc..

  A007001225 

 D'une autre comparaison: Comme le Père qui m'a envoyé vit et que je vis par mon Père, ainsi celui qui me mange vivra lui-même par moi.

  A007001226 

 Le serment est la conclusion de toute la discussion. C'est le même Dieu qui fit serment à Abraham, à David, etc. Or, les paroles que l'on confirme par un serment doivent être claires et conformes au sens qu'y attachent ceux qui interrogent, s'ils ont le droit d'interroger; et les disciples avaient ce droit.

  A007001233 

 Car je désirais, etc., pour mes frères qui sont mes proches selon la chair; qui sont les Israélites, auxquels appartiennent l'adoption des enfants, et la gloire, [et] l'alliance.

  A007001246 

 Anima neque flet, neque net, tamen anima, etc. Spiritus est qui vivificat, sed non vivificat nisi carne.

  A007001246 

 Confirmatur expositio dum dicit: Sed sunt ex vobis qui non credunt; nimirum carnem hanc plenam spiritu..

  A007001246 

 Si hic non agitur de manducatione Sacramentali, male Christus de fide; nam nec ejus caro [298] nec sanguis illis qui eum videbant erat non cognita. [3°.] Alius et alius.

  A007001247 

 Unde: hic vere est panis, quia in pane duo sunt, materia et forma; materia nihil est necesse esse eadem, ut qui dicit sirop, collire, potage, [299] medecine.

  A007001255 

 Il est étonnant que de toutes les interprétations, ils n'aient trouvé que celle qui est un tissu de blasphèmes.

  A007001255 

 Jésus confirme son assertion lorsqu'il dit: Mais il y en a parmi vous qui ne croient point, c'est-à-dire qui ne croient pas que cette chair est pleine d'esprit..

  A007001255 

 L'âme ne pleure pas, ne file pas, c'est pourtant l'âme, etc. C'est l'esprit qui vivifie, mais il ne vivifie que par la chair.

  A007001255 

 S'il ne s'agit pas ici d'une manducation sacramentelle, le Christ a mal expliqué la manducation par la foi; car ceux qui le voyaient [298] connaissaient très bien et sa chair et son sang. [3.] Le mot autre ne s'emploie pas toujours dans le même sens.

  A007001256 

 C'est donc, d'après l'usage universel, un mot générique; il indique des choses qui se ressemblent par leur forme et leur destination plutôt que par la matière.

  A007001257 

 Car les cerfs qui se nourrissent d'aliments trop durs perdent leurs bois et sont forcés de se recéler.

  A007001266 

 Exordium sumetur ab Abraham qui excipit Deum sub persona Angelorum, dicens in valle Mambre: Domine, si inveni gratiam, etc. ne transeas servum tuum; sed afferam pauxillum aquæ, et laventur pedes vestri, et requiescite sub arbore; ponamque buccellam panis, et confortetur cor vestrum, postea transibitis; idcirco enim declinastis ad servum vestrum.

  A007001266 

 Qui dixerunt: Fac ut locutus es.

  A007001269 

 Atque ut ordine procedamus, confirmemus iterum verum esse Christum qui continetur sub speciebus panis et vini.

  A007001276 

 Tirer l'exorde de la réception faite à Dieu en la personne des Anges, par Abraham qui lui dit dans la vallée de Mambré: Seigneur, si j'ai trouvé grâce, etc. ne poursuis pas ta route sans t'arrêter auprès de ton serviteur; j'apporterai un peu d'eau pour laver vos pieds, et vous vous reposerez sous l'arbre; je vous servirai aussi un peu de pain, et vous reprendrez vos forces, puis vous poursuivrez votre route; car c'est pour cela que vous êtes venus vers votre serviteur.

  A007001277 

 Ici, les rôles sont changés, et c'est le Seigneur qui sert les hommes, etc. Mais comment nous exprimerons-nous? [301].

  A007001288 

 Ergo expecta finem, et noveris eos qui cæci fuerant videre.

  A007001291 

 Frangite panem qui est medicamentum immortalitatis, antidotum non moriendi sed vivendi per Jesum Christum in Deo.

  A007001303 

 Attendez donc la fin et vous comprendrez que ceux qui étaient aveugles ont recouvré la vue.

  A007001303 

 Les aveugles voient: que signifie le mot aveugles? [303] Non pas les aveugles, car eux ne voient pas; non pas ceux qui voient, car ils ne sont pas aveugles.

  A007001306 

 Rompez ce pain, vrai gage d'immortalité, antidote qui, préservant de la mort, fait vivre par Jésus-Christ en Dieu.

  A007001313 

 « Dans les choses qui sont propres aux Anges, dans celles qui sont propres à la chair; » Tertullien, De la Résurrection.

  A007001320 

 Comme le mesme soleil faict voir au printems la beauté des jardins, des champs, des prés, des boscages et riantes campaignes, et descouvre la laideur des esgoustz et cloaques, ainsy la mesme semence qui met en prix la fertilité d'un bon champ, faict cognoistre la sterilité de l'autre et le met en mespris.

  A007001321 

 Il verroit que c'est Nostre Seigneur: [306] Exit qui seminat seminare semen suum.

  A007001321 

 O comment est ce que se disposeroit ce cœur, ceste terre, s'il consideroit qui est celuy qui seme, exit qui seminat.

  A007001321 

 S'il consideroit qui est celuy qui reçoit ceste semence, il verroit que c'est un cœur qui n'est que terra, pulvis, cinis; le semeur le mettroit en attention, la terre en humilité l'intention du semeur en action.

  A007001323 

 Que si elle est escritte, ce n'a pas esté pour abolir la prædication, mais plustost pour l'accommoder et enrichir; contre ceste sotte façon de parler de plusieurs qui disent qu'il ne faut rien croire qui ne soit escrit, et que l'Escriture suffit sans autre parole de Dieu; que chacun la peut entendre et y doit chercher la resolution de sa foy.

  A007001324 

 1 ad Tim., 2: Unus Deus, et unus Mediator Dei et hominum, homo Christus Jesus, qui dedit redemptionem semetipsum pro omnibus, etc. In quo positus sum ego prædicator et Apostolus, etc. 2 ad Tim., 4: Prædica Mot, insta opportune, etc. Marc., 16: Prædicate Evangelium omni creaturæ.

  A007001324 

 Que si vous voules voir plus clairement, voyes premierement en quelle façon se reçoit ceste semence: Hi sunt, dict il, qui in corde bono audientes Mot retinent.

  A007001324 

 Saint Philippe s'en va par l'inspiration de l'Ange sur le chemin qui descendoit de Hiericho en Gaza; et ecce vir Æthiops, potens, etc.

  A007001324 

 Si ceux sur lesquelz on seme sont audientes, ceux qui sement sont loquentes.

  A007001325 

 Et de fait, pourquoy auroit laissé Nostre Seigneur (ad Ephes., 4 ) alios, pastores et doctores, si nous n'avions besoin que sa parole fut annoncëe par ceux qui parlent de sa part et en son esprit?.

  A007001328 

 Car Celuy qui parle aux hommes heurs leur dict: Non estis vos qui loquimini, sed Sfiiritus Patris vestri qui loquitur in vobis; Matt 10.

  A007001328 

 Et partant, Nostre Seigneur, apres la similitude, clamabat: Qui habet aures audiendi, audiat; Luc., 8..

  A007001328 

 Que si on ne peut entendre sans ouyr, et que cest ouyr soit necessaire au salut, avec combien d'attention [308] faut il escouter la parole qui n'est pas parole humaine, mais parole de Dieu.

  A007001328 

 Qui vos audit me audit, qui vos spernit me spernit; Luc., 10.

  A007001329 

 Et maintenant, pour la septiesme fois, clamabat, dicens: Qui habet aures audiendi, audiat, pour rendre ses auditeurs attentifz a la comparayson de la parole de Dieu a la semence.

  A007001329 

 Qui credit in me non credit in me, sed in eum qui misit me.

  A007001332 

 Humilité et reverence laquelle croistra infiniment quand nous considererons a qui ceste parole s'addresse.

  A007001334 

 Eccl., 1: Fons sapientiæ Mot Dei; at qui de fonte vult haurire, inclinet se necesse est.

  A007001344 

 Comme le soleil environnant toute la terre vivifie tout ce qui se descouvre et presente a ses rayons, ainsy Nostre Seigneur se promenant au travers la ville de Hiericho, se presentant a ses yeux lumineux Zachee mort de la mort de plusieurs pechés, il le revivifie, et faict en luy l'une des admirables conversions qui fut onques faite; de laquelle conversion je ne puys rien dire qui soit utile et prouffitable a vos ames, si Nostre Seigneur ne m'esclaire encores et remplit ma bouche des parolles de vie.

  A007001347 

 C'est l'Eglise qui chante tous les jours: « Pleni sunt cœli et terra majestatis gloriæ tuæ.

  A007001347 

 Ce que nos adversaires ne voulant entendre, pour trouver occasion de se separer d'avec l'Eglise leur douce Mere et faire mesnage a part, affin de mieux seconder les impressions de leurs cervelles, ilz ont dict a ceux qui leur ont voulu prester l'oreille, que nous disions Dieu n'estre pas par tout et n'ouÿr pas nos oraysons par tout, ains qu'en l'eglise il avoit « l'oreille plus pres de nous, » pour user des termes de leur maistre.

  A007001347 

 Nous sçavons bien que Dieu est par tout, et que prope est invocantibus eum ou que ce soit; neantmoins nous sçavons bien aussi qu'il assiste particulierement aux lieux qui luy sont dediés, y respandant plus liberalement ses graces, estant de son bon playsir que la il soit adoré..

  A007001347 

 » C'est elle qui chante: Si ascendero in cœlum, tu illic es; si descendero in infernum, actes; Ps.

  A007001347 

 » C'est l'Eglise qui nous faict dire: « Deus qui invisibiliter omnia contines.

  A007001348 

 Mays je ne veux pas m'entretenir en cecy, car je ne pense pas qu'il y ayt icy personne tant ennemy de l'antiquité, qui ne porte honneur particulier aux eglises, comme maysons de Dieu; seulement je vous mettray un argument en main a ce propos, lequel vous pouves porter en face de tous les plus esveillés de nos adversaires..

  A007001349 

 Aussi en certains lieux nous faict il des benefices plus qu'es autres, Dieu est en tous lieux, Dieu est en tous tems; il y a certains tems qui luy sont sacrés et esquelz il veut estre particulierement honnoré; pourquoy n'y aura il aussi certains lieux? C'est comme nostre ame, qui estant par tout le cors, neantmoins est dite estre au cœur ou au cerveau; ainsy Nostre Seigneur est particulierement aux cieux pour ce qu'il y descouvre sa gloire, et es eglises pour ce qu'il y communique particulierement ses graces.

  A007001349 

 Et pourquoy donques y a il des jours qui sont appellés saintz, consacrés, dediés, et qui s'appellent jours de Dieu, jours du Seigneur? Dieu est il plus en ces jours la qu'es autres? Non [313] veritablement.

  A007001349 

 Je sçay bien que quelque fois saint Pol a dict que Dieu n'habitoit aux temples; mays c'estoit aux Atheniens qui croyoient aux idoles, pour leur monstrer qu'il n'y avoit qu'un Dieu qui remplissoit le ciel et la terre, sans avoir necessité de temples.

  A007001349 

 Saint Estienne en dict bien autant une fois, mais c'estoit contre les Juifz qui pensoyent qu'hors leur Temple jamais ne deust estre lieu sacré, et pensoyent qu'hors iceluy, Dieu ne deust jamais estre invoqué çelebrement..

  A007001349 

 Si pour ce que Dieu est en tous lieux il n'a point de lieu qui luy soit plus sacré l'un que l'autre, dites moy, pourquoy ferons nous aucunes festes? car s'il est en tous lieux, aussi est il en tous tems.

  A007001351 

 Et c'est ce de quoy il me semble que nostre Mere l'Eglise nous veuille principalement donner advis, lhors qu'en l'Evangile elle nous propose un grand effect de la præsence de Nostre Seigneur en quelque lieu, par l'exemple de ce qui se fit en la personne de Zachee.

  A007001352 

 Zachee donques s'appercevant que Nostre Seigneur estoit entré en la ville, a cause du grand peuple qu'il voyoit se presser pour rapprocher, voyant qu'il ne le pouvoit voir parmi la presse, estant petit homme, il s'encourt devant, et monte sur un arbre de figue folle. Il n'est pas comme plusieurs qui pour les choses de Dieu ne remueroyent pas les pieds; mays il est ardent de ne pas laisser perdre ceste commodité.

  A007001353 

 C'est icy ou il nous faut apprendre nostre leçon; car il y en a plusieurs qui voudroyent bien se ranger a servir Dieu, mays ilz y vont si laschement, que pour cela seul ilz sont reprehensibles.

  A007001353 

 Il appelle Zachee par son nom, luy faysant paroistre que c'estoit luy qui nomme toutes choses par leur nom et qui connoist toutes choses, et qu'il estoit Dieu; car Zachee ne l'avoit jamais veu, ni Nostre Seigneur Zachee, et en le voyant il l'appelle par son nom, Zachee.

  A007001353 

 Qui est ce qui ne juge devoir servir Dieu, et qui est ce d'entre les Chrestiens qui, [316] sçachant les grandes recompenses que Dieu donne a ses serviteurs, ne desire le servir? Mais quoy, ilz perdent tout le merite en ce qu'ilz retardent trop, et font comme l'Espouse es Cantiques, laquelle sentant son Espoux a la porte, fit difficulté de se lever pour luy ouvrir; apres, elle voulut luy ouvrir, mays il ne s'y trouva plus; elle le chercha, et ne le trouva plus.

  A007001354 

 Advisé donques est Zachee qui tout inconti nent vient pour recevoir Nostre Seigneur, qui luy donne une si grande contrition, qu'il rend quattre fois autant qu'il a desrobbé et donne la moitié de ses biens aux pauvres; dont Nostre Seigneur l'appelle filz d'Abraham pour sa foy et pour sa salvation future, et prononce qu'il a faict la salvation de ceste mayson..

  A007001355 

 Vous demanderes quand, et il vous dira: Quod unus de minimis meis dixit, ego dixi; Qui vos audit me audit, qui vos spernit me spernit..

  A007001364 

 Que si cela se peut dire de toute sorte de verité, combien plus, je vous supplie, mes chers Freres, de la verité qui est la premiere et la plus excellente de toutes, je dis de la verité chrestienne, au prix de laquelle toutes les autres verités ne sont presque pas tant verités que vanités; « verité plus belle que ne fut onques ceste fameuse Helene, » pour la beauté de laquelle moururent tant de Grecz et de Troyens, dict saint Augustin, puysque pour l'amour d'icelle sont mortz infiniment plus de gens d'honneur et de Martirs tressaintz.

  A007001364 

 Toutes choses sont esbranlëes par sa force, » disoit le sage Zorobabel, qui pour cest apophthegme fut reputé le [320] plus judicieux de tous les Persans et Medois.

  A007001365 

 C'est en somme ce que je pretens faire en ce premier sermon: proposer la verité fort clairement, et pour la mieux faire paroistre, poser aupres d'elle les mensonges qui luy sont opposés.

  A007001365 

 Tenes vos yeux ouvertz, o Chrestiens; voyes ceste belle verité autant desirable que nulle autre qui soit en l'Evangile, mays si grande et relevëe que ni vous ni moy n'en sçaurions soustenir l'esclat si Celuy qui l'a revelëe ne nous est propice.

  A007001366 

 Il faut bien donques qu'elle luy soit presente, et ne se peut entendre qu'une viande soit mangee qu'autant qu'elle entre et s'unit a celuy qui la mange.

  A007001366 

 Nul, comme je pense, ne peut nier ceste verité, puysque la manducation est une application et union de la viande a celuy qui la mange, extremement intime et tres estroitte, jusques a faire qu'en fin la viande se convertit en celuy qui la mange ou le convertit en soy.

  A007001366 

 Un cors ne peut estre mangé s'il n'est en quelque façon present a celuy qui le mange, et ne peut estre mangé sinon en la façon de laquelle il est present a celuy qui le mange.

  A007001367 

 Ainsy furent mangés par les lyons reellement et charnellement les gens que le Roy d'Assyrie avoit amené pour peupler la Samarie, et les enfans qui injurierent Helisëe, par les ours.

  A007001367 

 Et de mesme, les deux femmes samaritaines, pressees de la famine par le siege, mangerent reellement et charnellement l'un de leurs enfans, le deschirans a belles dens, et remplissans leur estomach et leur ventre de la chair qui en estoit sortie.

  A007001367 

 O mes Freres, c'est reellement, car c'est la propre essence et substance de nos cors qui y est; mays c'est charnellement, car c'est avec toutes les qualités naturelles de nostre chair, la pesanteur, espaisseur, mortalité, obscurité, et semblables marques de nostre misere et propre nature: c'est la façon ordinaire et naturelle de la presence de nos cors et de tous les cors de ce bas monde, selon laquelle aussi peuvent ilz estre mangés.

  A007001368 

 Et partant, tout estonnés de ceste promesse, ilz disoyent entre eux: Comme peut celuy cy nous donner sa chair a manger? Et voyans qu'il persistoit [323] a les en asseurer, mesme avec son plus grand serment ilz adjousterent: Ce propos est bien dur, et qui le peut ouÿr?.

  A007001368 

 Maintenant, mes Freres, il faut que je vous dise que les Capharnaïtes ayans ouÿ que nostre Redempteur avoit si souvent inculqué et repliqué en un sermon qu'il leur faisoit, qu'il failloit manger sa chair et boire son sang, que sa chair estoit vrayement viande, que le pain qu'il donneroit estoit sa chair pour la vie du monde, ilz creurent qu'il voulust donner sa chair en ceste premiere sorte, c'est a dire reellement (car ses parolles estoyent si preignantes qu'ilz n'en pouvoyent douter), mays charnellement; car ilz pensoyent qu'il la voulust donner morte, par pieces et morceaux, grossiere, obscure, espaisse, corruptible, pesante, palpable, visible, et que par consequent il failloit qu'ilz la deschirassent et maschassent comme les antropophages ou mangegens, cannibales et margajas, qui s'entremangent les uns les autres comme l'on mange la chair des moutons et brebis.

  A007001369 

 Et a qui est ce que les cheveux ne dresseroyent d'horreur et que la chair ne frissonneroit s'il luy failloit manger un cors humain et boire le sang d'un homme? Mais d'autant plus cela pouvoit sembler fort cruel aux auditeurs de Nostre Seigneur, que et luy et eux aussi estoyent Juifz de nation et de religion.

  A007001369 

 Quelle merveille donques si ces pauvres gens, oyans que Nostre Seigneur vouloit donner sa chair et son sang pour viande et breuvage, s'en estonnerent si fort, estimans qu'il la voulust donner toute morte, et en sa propre forme et condition naturelle et charnelle? Intelligence trop grossiere a la verité, et qui procedoit d'une grande lourdise..

  A007001370 

 La primitive Eglise esparse sur toute la face de la terre, faisoit une profession si ouverte parmy ses enfans de manger reellement le cors du Filz de Dieu et de boire son sang, que les parolles avec lesquelles elle le declairoit estans venues aux oreilles des payens et autres ennemis du Sauveur, ilz en prenoyent occasion de calomnier les Chrestiens et les accuser de l'antropophagie, c'est a dire de manger les petitz enfans, les esgorger et deschirer a belles dens, et [324] disoyent qu'en leur Sacrement et mistere ilz faisoyent leur festin de chair humaine a la cyclopique: « Dicimur, » dict Tertullien en son Apologet., « sceleratissimi de sacramento infanticidii, et pabulo inde; On nous appelle tres criminelz, » dict il, « du sacrement de l'homicide des enfans et du repas qui s'en faict.

  A007001370 

 » Et de fait, Pline second en l'epistre qu'il escrit a Trajan et qui est citëe par Tertullien, monstre bien que les Chrestiens avoyent esté accusés de ce crime; car il les en descharge, s'il est bien consideré..

  A007001371 

 Ceste calomnie dura jusques au tems de Minutius Fœlix, qui recite les paroles d'un certain Cecilius, lequel en accusoit encor les Chrestiens: accusation fort vilaine a la verité, mays de laquelle la fauseté est aucunement excusable en ces anciens ennemis de l'Eglise; car nos anciens peres confessoyent ouvertement qu'ilz mangeoyent le cors de Nostre Seigneur, et les sacrëes Escritures le declairent si ouvertement, que les payens, ou entr'escoutans les Chrestiens parler, ou entrevoyans les Escritures, ne pouvoyent ignorer que l'Eglise n'eust ceste croyance.

  A007001371 

 Mais d'ailleurs, d'atteindre a la connoissance de ceste manducation reelle, cela estoit hors de leur pouvoir, car c'est la seule foy qui l'enseigne.

  A007001372 

 Mais qui peut trouver [excusable] ceste accusation en ce tems, auquel l'impudence a bien osé passer si avant que de reprendre ceste mesme calomnie pour en deshonnorer les Catholiques? Et qui ont esté ces impudens? me dires vous.

  A007001372 

 O peuple, des personnes baptizëes, nourries et instruites en l'Eglise de Dieu, qui ont mille fois ouÿ et veu la celebration de la sainte Eucharistie et cent fois peut estre y ont participé; et apres tout cela, s'estant [325] separés de la sainte compaignie des fidelles pour faire des sectes a part, ne laissent pas de nous faire des argumens sur ceste calomnie aussi asseurement comme s'ilz estoyent tout a fait ignorans de nostre creance.

  A007001373 

 Et les Capharnaïtes, qui l'entendirent comme cela, estoyent des pauvres gens et qui n'avoyent pas bien consideré les parolles de Nostre Seigneur, lesquelles ne peuvent nullement estre tirëes a ce sens.

  A007001373 

 Il dict: Ma chair est vrayement viande, mays qui mange ma chair il a la vie eternelle; que s'il n'avoit dict que cela, l'interpretation des Capharnaïtes eust eu quelque apparence, puysqu'il ne parloit que de la chair simplement.

  A007001373 

 Mais quoy, n'exprime il pas asses son intention quand il dict en ce mesme discours: Je suys le pain vivant qui suys descendu du ciel? Voyes vous pas qu'il ne parle pas d'une viande morte, mays vivante? Or, elle ne seroit pas vivante, si elle estoit deschirëe, rompue et mise en morceaux.

  A007001373 

 Qui me mange, dict il, vivra pour l'amour de moy; il ne veut donq pas donner sa chair morte ni seule, mays se veut donner tout entierement.

  A007001374 

 Mays sur tout Nostre Seigneur avoit rejetté disertement ceste intelligence grossiere et toute charnelle par ces parolles: Spiritus est qui vivificat, caro non prodest quidquam; verba quæ locutus sum vobis spiritus et vita sunt; C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne prouffite de rien; les paroles que je vous [326] ay dites sont esprit et vie. Paroles saintes, paroles divines, paroles infiniment excellentes et propres a desraciner ceste lourde et grossiere intelligence de la manducation charnelle du cors de Nostre Seigneur, et ce, par deux beaux moyens que nos anciens Peres en ont doctement tiré et deduit.

  A007001374 

 « Et comment donques, » dict saint Chrisostome, « la chair ne prouffite de rien? ne parle il pas de sa chair mesme? Ja n'advienne, mays il parle des personnes qui entendent charnellement.

  A007001384 

 L'autre qualité que nous concevons estre en la chose qui est en quelque lieu, c'est qu'elle y occupe une place, c'est a dire qu'elle y soit tellement, que la ou elle est nulle autre chose y puisse estre avec elle; elle remplit tellement le lieu ou elle est, qu'autre chose n'y puisse avoir lieu..

  A007001388 

 Comment se pourroit il faire qu' un chameau entrast par le trou d'une eguille, sinon qu'il n'y occupast point de place? Un si grand animal, estre compris en un si petit lieu, n'est ce pas un bel exemple a nostre propos? Je sçay bien qu'il y en a eu qui l'ont entendu d'une corde de chanvre, qu'on appelle cable; mays tous les Peres l'entendent de cest animal.

  A007001390 

 Si les bons anciens eussent pensé que ces eschappatoires eussent esté solides, ilz s'en fussent servis contre les Marcionites qui objectoyent le passage de saint Jan pour prouver que le cors de Nostre Seigneur estoit fantastique, comme le tesmoigne saint Cirille sur ce lieu.

  A007001394 

 Nos adversaires ne sçavent que dire; ilz voyent nos raysons bien establies sur l'Escriture, dans laquelle ilz sont allés recherchant s'il y avoit rien qui peust servir a leur negation; et voyans qu'il n'y avoit rien, [333] ilz se sont jettés sur la philosophie, et ont voulu monstrer que cela estoit impossible.

  A007001394 

 Si c'est le second, comme peut recevoir vostre œil, qui est si petit, une repræsentation de si grandes choses et si diverses? Qu'ilz me disent comme la lumiere corporelle penetre ainsy en un instant les deux, l'air et l'eau; car encores qu'elle n'aÿe pas de substance, si est ce qu'elle est corporelle..

  A007001397 

 Ceux qui ont suivi le parti de Luther pour combattre l'Eglise ont opinion qu'en ce Sacrement il n'y aye point de changement au pain, ains que le pain y demeure; et neantmoins confessent que le vray cors de Nostre Seigneur y est.

  A007001397 

 Ceux qui suivent Calvin nient le changement au pain, et quant et quant la realité du cors.

  A007001397 

 [2.] Mays il y a encor une difficulté; car nos adversaires ne voulans abandonner leur quomodo, demandent: Comme se peut il faire qu'une chose qui estoit n'a gueres pain, soit, maintenant la chair de Nostre Seigneur? Il se peut faire par un changement total de substance en substance, que l'on appelle fort proprement du mot de transsubstantiation.

  A007001398 

 Mays quelle difficulté: Qui convertit petram in stagna aquarum, et rupem in fontes aquarum; Psal. 113.

  A007001399 

 Ainsy qui dirait d'un tonneau plein d'eau et d'huyle: Cecy est huyle, on le tiendroit pour menteur.

  A007001399 

 Donq ce n'est plus pain si c'est le cors de Nostre Seigneur; car si ce qu'il prit en ses benistes mains n'estoit pas changé, il ne failloit pas dire que ce fut autre chose que ce qui estoit auparavant.

  A007001399 

 Il ne faut pas dire que son cors y soit et le pain aussi; car qui vendroit un sac, moitié froment, moitié avoine, et dirait: Achetes cecy, car c'est froment, sans doute qu'il tromperoit le monde et seroit reputé pour avoir dict mensonge.

  A007001400 

 Il faut donques qu'il entendit d'un pain changé et tel qu'il descrit, la mesme: Ego sum panis vivus, qui de cœlo descendi..

  A007001402 

 Secondement, ilz disent que ce Sacrement est appellé pain; mais je respons que ce n'est pas parce qu'il y ayt du pain, mais parce qu'il y a apparence de pain exterieure, ou bien parce qu'il a esté faict du pain, ou parce qu'il a les effectz et proprietés du pain, ou parce que, selon la coustume des Hebrieux, toute sorte de viande a esté appellëe pain (comme on voit de la manne qui a esté appellëe pain, Exode, 16, dont Nostre Seigneur n'a pas dict: Caro mea vere est panis, mays vere est cibus, qui est le mesme que quand il dict: Ego sum panis vivus), et que l'Escriture ayt accoustumé d'appeller les choses du nom de celles la desquelles elles ont esté faites, ainsy qu'il est aysé a voir Exod., 7, ou la verge d'Aaron estant convertie en serpent ne laisse d'estre appellëe verge; au Genes., 3, ou l'homme faict et tiré de poudre, ne laisse d'estre appellé poudre..

  A007001403 

 En fin, il y a cinq cens ans passés qu'en un Concile general celebré sous le Pape Nicolas II, qui estoit de ce païs de Savoye, et d'une tres noble mayson, Berengarius fut contrainct d'abj urer cest erreur.

  A007001403 

 Saint Cyprien, qui vivoit il y a plus de treize cens ans, in sermone De Cæna Domini: « Panis iste quem Dominus Discipulis porrigebat, non effigie sed natura mutatus, omnipotentia Verbi factus est caro.

  A007001404 

 Ainsy fut il adoré en croix par le larron, marchant parmy Hierusalem, par les troupes qui crioyent Hosanna, en la creche, par les Roys.

  A007001404 

 Car a la verité, puysque c'est Jesus Christ et que Jesus Christ est Dieu, qui ne l'adorera je vous prie, aussi bien la qu'au Ciel, puysqu'il est escrit en saint Matthieu, 4: Dominum Deum tuum adorabis, et illi soit servies? car Nostre Seigneur, ou qu'il soit, il y veut estre [338] adoré.

  A007001405 

 Or affin que tout d'un coup je prouve que Nostre Seigneur est reellement selon sa chair en ce tressaint Sacrement, et tout ensemble qu'il l'y faut adorer, l'un ne pouvant estre sans l'autre, ni qu'il y soit adoré s'il n'y est pas, ni qu'il y soit sans y estre adoré par l'Eglise, qui est jalouse de rendre a son Espoux tout honneur, je vous prie de regarder combien ceste affaire est convenable, puysque ceste adoration ayant esté preveüe par David, il en tressaute de consolation au Pseaume 21, et chante: Manducaverunt et adoraverunt omnes pingues terræ.

  A007001405 

 aux Cor., 11, qu'est ce qu'il dict? Qui manducat et bibit indigne, judicium sibi manducat et bibit, non dijudicans corpus Domini..

  A007001407 

 Et premierement, je produiray saint Chrisostome qui vivoit il y a plus de douze cens ans, et lequel pour son excellence a esté loué et appellé « Bouche d'or », homil 61 ad Populum Antiochenum: « Considera, quæso, mensa regalis est, Angeli ministrantes, ipse Rex adest et tu adstas oscitans? Igitur adora, et communica.

  A007001407 

 Puys, la mesme, il raconte d'un autre qui avoit appris par vision que ceux qui prenoyent ce saint Sacrement deuëment a la fin de leur vie, avoyent des Anges autour de leurs cors qui les accompaignoyent jusques au Ciel.

  A007001409 

 Saint Gregoire Nazianzene, oratione in laudem sororis suæ Gorgoniæ, raconte que sa seur « estant malade d'une maladie prodigieuse, vint de nuict a l'autel [340] se prosternant, et priant Celuy qui est adoré sur iceluy; omnibusque nominibus appellans, atque omnium rerum quas fecerat commonefaciens, » quid fecerit audite: « caput cum clamore et lacrymis [altari] admovens, se non nisi reddita sanitate discessuram minitans, » etc. Ainsy elle fut guerie..

  A007001423 

 Je prie, si jamais je priay humblement et d'affection, que Celuy qui faict la bouche des enfans diserte, daigne par sa bonté me donner l'entendement de bien sonder ses tesmoignages: Da mihi intellectum, et [342] scrutabor legem tuam, et custodiam illam in toto corde meo; et a vous, mes tres chers auditeurs, qu'il incline vos coeurs es tesmoignages de sa parolle; car en ceste difficulté je vois les ennemys qui m'attendent avec une trouppe de doutes et questions humaines: Me expectaverunt peccatores ut perderent me, testimonia tua intellexi; mays l'intelligence de vos commandemens m'en delivre.

  A007001425 

 De peur que par un praejugé et supposition fause vos entendemens ne soyent atteintz de quelque passion contre nous, chers auditeurs, pendant qu'on vous pourrait avoir faict accroire que le differend qui est entre nous et nos adversaires ne gist en autre, sinon en ce qu'ilz ne veulent rien croire que ce qui est es Escritures, et [que] nous voulions fonder nostre doctrine ailleurs que sur icelles, je vous supplie de croire qu'en ce particulier differend (ni en pas un autre aussi, non plus qu'eux) nous ne voulons ceder a eux en l'honneur que nous avons juré aux Saintes Escritures; mays que tout au contraire nous protestons ne vouloir le demesler que par la seule, pure et expresse parolle de Dieu, ainsy que nous fismes Dimanche.

  A007001428 

 Voyla nostre differend: qui entend mieux les Escritures? Si je puys monstrer clairement que nous [344] sommes bien fondés, il s'ensuivra que les adversaires le seront d'autant moins, qu'ilz viennent combattre le possesseur de bonne foy..

  A007001431 

 Or, les Sacremens doivent estre institués en arolles claires; donques, etc. La mineure se prouve par rayson: parce que l'usage du Sacrement nous doit estre aysé et commun a tous; donq chacun doit entendre ce qui en est.

  A007001432 

 Matthieu, 26: Hic est sanguis novi testamenti; Luc, 22: Hic est calix novum testamentum in sanguine meo, qui pro vobis fundetur.

  A007001443 

 Une autre est de Zuingle, qui allegue une vision d'un je ne sçay qui, blanc ou noir, qui luy dict que est vouloit dire significat.

  A007001444 

 Par ou il appert que l'institution de ce grand mistere consistant en quattre paroles, il n'y en a aucune qui n'aye esté attaquëe avec grande audace et sacrilege par les superbes ennemis de la foy, trop attachés a leur sens et propre rayson.

  A007001459 

 ad Cor. c. 10: Fidelis Deus, qui non sinet vos tentari supra id quod potestis.

  A007001460 

 Jo. 3: Qui facit peccatum ex diabolo est.

  A007001463 

 18: Quid clamas? quid tibi vis? Qui respondit: Deos meos quos mihi feci tulistis, et dicitis quid est mihi? Mulier, quid ploras? Tulerunt Dominum meum, et nescio ubi posuerunt eum; Jo. 20.

  A007001464 

 « Une femme de celles qui demeuroyent pres le fleuve Jourdain.

  A007001469 

 Interea, [Gen.,] c. 35, c'est a dire apres le sac de Sichem, ascendit in Bethel: Abjicite deos alienos qui in medio vestri sunt.

  A007001473 

 Cependant... il monta en Béthel: Rejetez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous.

  A007001473 

 Ils lui donnèrent donc tous les dieux étrangers qu'ils avaient, et les pendants qui étaient à leurs oreilles; et il les enfouit sous le thérébinthe qui est derrière la ville de Sichem, c'est-à-dire, épaule.

  A007001473 

 Mambré, rebelle, amer, qui change; Hébron, société.

  A007001477 

 Jacob in plaga orientali, trouve des pasteurs qui assemblent leurs troupeaux, et unanimement levent la pierre de la bouche du puy, et unanimement les abbreuvent.

  A007001497 

 1: Vocavi et renuistis; extendi manus meas et non fuit qui aspiceret..

  A007001506 

 Jérusalem, Jérusalem qui tues les Prophètes.

  A007001506 

 Qu'ai-je dû faire de plus pour ma vigne que je n'aie fait? Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israel? car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur: revenez et vivez..

  A007001507 

 Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Convertissez-vous, convertissez-vous; pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? J'ai appelé et vous avez refusé; j'ai tendu mes mains et il n'y a eu personne qui ait regardé..

  A007001513 

 60: Qui sunt isti qui ut volant, quasi columbæ ad fenestras suas? Quoniam propter te mortificamur tota die, æstimati sumus sicut oves occisionis; [Ps.] 43.

  A007001517 

 Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous.

  A007001517 

 Qui sont ceux-ci qui volent comme des nuées, comme des colombes vers les ouvertures de leurs colombiers? Puisque à cause de vous nous sommes mis a mort tout le jour, nous sommes regardés comme des brebis d'immolation.

  A007001526 

 Qui nous séparera? Le juste meurt..

  A007001552 

 Il conduira les hommes dociles dans la justice; il enseignera ses voies à ceux qui sont doux.

  A007001558 

 14, apres avoir monstré la betise de qui navige porté sur le bois et neantmoins la adore l'idole, parce que navem artifex fabricat, tua, Pater providentia gubernat, puis: Ab initio cum perirent superbi gigantes, spes orbis terrarum ad ratem confugiens, remisit sæculo semen nativitatis Benedictum enim est lignum illud per quod fit justitia..

  A007001559 

 Hebr 12: Per patientiam curramus ad propositum nobis certamen, aspicientes in Auctorem fidei, qui proposito sibi gaudio sustinuit crucem, confusione contempta.

  A007001567 

 Courons par la patience au combat qui nous est proposé, contemplant l'Auteur de la foi, auquel la joie étant proposée, il a souffert la croix en méprisant la confusion.

  A007001567 

 L'Arche de l'alliance couverte d'or de tous côtés, dans laquelle se trouvait une urne d'or contenant la manne, et la verge d'Aaron qui avait fleuri.

  A007001576 

 27, l'Ange apparut a saint Pol et luy dict: Ecce donavit tibi Deus omnes qui navigant tecum; 276 ames.

  A007001576 

 En ce grand naufrage qui se fit sur la coste de Mitilene, Act.

  A007001578 

 5: Nolite jurare per cœlum, quia thronus Dei est. Psal. 122: Ad te levavi oculos meos, qui habitas in cœlis.

  A007001578 

 Maintenant, qui es in cœlis.

  A007001579 

 De profundis clamavi ad te, etc. En fin, disant Pater noster, admonemur adoptionis divinse; qui es in cœlis, peregrinationis terrenæ.

  A007001586 

 Luc. 24: Nonne ardens? etc. 2 ad Cor 13: An experimentum queritis ejus qui in me? Ez 3: Quodcumque inveneris, comede.

  A007001588 

 11: Maledictus vir qui non audiverit verba pacti hujus.

  A007001588 

 13: Qui illusor est, non audit cum arguitur.

  A007001588 

 Prov. 28: Qui declinat aures suas ne audiat legem, oratio ejus erit execrabilis. Hier.

  A007001592 

 N'était-il pas tout brûlant? etc. Est-ce que vous voulez éprouver celui qui [ parle ] en moi? Quoi que tu trouves, mange-le.

  A007001592 

 Qui me donnera un auditeur? Un peuple que je ne connais pas m'a servi; en écoutant de ses oreilles il m'a obéi.

  A007001593 

 L'environnera, parce que comme les murs garantissent la ville des étrangers, ainsi le péché sépare de Dieu qui est pressé de frapper à la porte, et maintient sous la puissance du diable, à qui le pécheur appartient.

  A007001593 

 Tout est tué, les mauvaises habitudes; Rahab, la foi, est sauvée, qui reçut les explorateurs, c'est-à-dire les paroles.

  A007001594 

 La prière de celui qui détourne ses oreilles pour ne pas écouter la loi, sera exécrable.

  A007001594 

 Maudit l'homme qui n'écoutera pas les paroles de cette alliance.

  A007001603 

 C'est le sujet de l'Evangile que je traitteray maintenant; mays que l'Esprit Saint qui assista a Nostre Seigneur pour ce combat, m'assiste pour vous bien instruire, et vous pour me bien escouter, ce que nous luy devons demander par les intercessions de Nostre Dame.

  A007001603 

 Description que l'Eglise nous fait aujourd'huy pour nous donner courage a semblable execution, car nous devons suivre ce nostre Cappitaine qui se bat aujourd'huy, et nostre vie n'est qu' un perpetuel combat sur la terre.

  A007001603 

 Voicy bien la description du duel le plus grand et le plus memorable qui fut jamais veu: les parties sont tres puissantes de costé et d'autre, hardies et courageuses a toute extremité, les armes dangereuses, l'inimitié irreconciliable; la fin ne peut estre que la victoire, car il n'y a point de composition qui puisse terminer ce combat.

  A007001603 

 Voicy le tems de nostre recolte spirituelle; c'est ce qui fera mettre les forces ennemies [367] en campaigne pour nous l'empescher.

  A007001605 

 Le desir de l'utilité, s'il est trop grand, se tourne en avarice; mays le desir du playsir se peut trouver en l'esprit et au cors, et le corporel s'appelle luxure, le spirituel s'appelle gloire et superbe, qui sont les trois grans maux de ce monde; car, comme dict saint Jan, en sa 1.

  A007001605 

 Mais il n'y a que l'honnesteté qui soit justement proportionnee a nostre volonté; car, que la volonté s'estende tant qu'elle voudra sur le desir de l'honnesteté, jamais elle ne sera que bonne et louable; que si elle s'addonne a l'utilité et au playsir hors certaine mesure et limites, elle en demeure mauvaise.

  A007001619 

 Ut qui vicit in horto, vinceretur in eremo..

  A007001642 

 Celui qui avait vaincu dans le jardin, devait être vaincu au désert..

  A007001651 

 Pour nous enseigner la manière de vaincre, et afin que Celui qui nous porte secours, nous instruisît par son exemple..

  A007001660 

 Ce genre de démons ne s'expulse qui par la prière et le jeûne.

  A007001668 

 Ille qui tentando vicit primum Adam, ut vinceret secundum..

  A007001676 

 Id facere poterat qui virgam Moysis in serpentem verterat; Exod., 4.

  A007001685 

 Celui qui porte au mal veut d'une bonne œuvre en faire une mauvaise..

  A007001692 

 Il pouvait produire ce miracle Celui qui avait converti en serpent la verge de Moïse.

  A007001694 

 Qui respondens dixit: Scriptum est: Non in solo pane.

  A007001705 

 Celles qui la font, deux saintes dames: Miserunt ergo sorores ejus ad eum dicentes..

  A007001707 

 qu'elle fut faitte en præsence de plusieurs: Multi ergo qui venerant ex Judæis; 2.

  A007001710 

 O sainte affliction, o benite tribulation qui nous faict recourir a ce celeste Consolateur! Certes, entre tous les prouffitz de la tribulation qui ne sont pas petitz, je trouve celuy cy l'un des plus excellens, qu'elle nous faict revenir a Nostre Seigneur.

  A007001712 

 Exemple de la chair qui ne pourrit dans l'eau salee, mays dans la douce.

  A007001721 

 Quam bonus Israel Deus, his qui recto sunt corde; Psalm.

  A007001721 

 Qui Filium dedit, quomodo non omnia dabit?.

  A007001734 

 14: Omnis qui se humiliat exaltabitur. 4 Reg.

  A007001735 

 Qui replet in bonis desiderium tuum; Hier, Aben Esra: ornamentum tuum (hod), animam tuam. Renovabitur.

  A007001739 

 2: Non coronatur nisi qui.

  A007001739 

 Intellige quæ dico: Non coronabitur nisi qui legitime certaverit..

  A007001744 

 Saint Augustin: « Il fallait seulement l'annoncer à celui qui aimait; » « car si on aime on ne délaisse pas.

  A007001744 

 Toutes les nations espéreront en lui, et son sépulcre sera glorieux: ce qui est entendu du Christ dans l'Epître aux Romains, chap. XV. Je vous salue, Marie, etc. Il y a une prière par manière d'insinuation: Seigneur, voilà que celui que vous aimez est malade.

  A007001746 

 C'est lui qui remplit de biens ton désir.

  A007001749 

 Joseph ton fils vit encore, et c'est lui qui commande dans toute la terre d'Egypte.

  A007001750 

 Nul n'est couronné sinon celui qui, etc. Entends ce que je dis; Nul ne sera couronné sinon celui qui aura légitimement combattu..

  A007001757 

 Quid tibi vis? quid clamas? Qui respondit: Deos meos, quos mihi feci, tulistis, et dicitis: Quid tibi est? Gen.

  A007001763 

 Alors ses nombreux enfants s'étant assemblés, il ne voulut point recevoir de consolation, [380] mais il dit: Je descendrai en pleurant vers mon fils dans l'enfer... L'enfant ne parait pas, et moi, oh irai-je?... Mon fils Absalom, Absalom mon fils, qui me donnera que je meure moi-même pour toi? Absalom mon fils, mon fils Absalom..

  A007001776 

 Ainsy: Nec qui plus collegerat habuit amplius.

  A007001776 

 Qu'un cors soit sans dimensions? Nec qui plus, etc. Quoy en plusieurs lieux? Voyes exactement ce texte.

  A007001778 

 Amb., De iis qui initiantur, c. 9: « Major est vis benedictionis quam naturæ; nam benedictione etiam natura mutatur.

  A007001796 

 60: Qui sunt isti qui ut nubes volant? Psal.

  A007001798 

 O fœlices qui trahuntur a mari ad portum! Inveni; sors et fortuna, valete.

  A007001800 

 Secundus: filius tonitrui, hoc est, qui a tonitru procedit.

  A007001801 

 Quam involvens! Qui facit Angelos suos spiritus, et ministros suos, ignem; [Ps.] 103.

  A007001810 

 En ce quil croit a la premiere denonciation qui luy est faite: Jam enim non poteris amplius villicare.

  A007001811 

 38: Recogitabo tibi annos meos in amaritudine animæ meæ. Hier., ad [388] [ Heliod., de] Nepotiano: Facile contemnit omnia qui semper se cogitat esse moriturum.

  A007001813 

 Le commerce, etc. On loue ceux qui, etc. Fleuve, etc., mer.

  A007001814 

 Qui soporem morti socians; c. 4..

  A007001815 

 2: Unus Deus, etc., qui dedit redemptionem.

  A007001823 

 Qui se humiliat exaltabitur.

  A007001823 

 Quomodo cecidisti, Lucifer, qui mane oriebaris? Isaiæ, 14.

  A007001829 

 Comment es-tu tombé, Lucifer, toi qui te levais dès le matin? Mais la glorieuse Vierge: Je descendrai et je serai semblable à la plus humble.

  A007001830 

 Bienheureux ceux qui ont le cœur pur [391] parce qu'ils verront Dieu.

  A007001830 

 Seigneur, qui habitera dans votre tabernacle? Marie: Tu es toute belle, mon amie, et il n'y a point de tache en toi.

  A007001833 

 Ministravit illi corpore: Beatus venter qui te portavit; ministravit mente: Quinimo, beati qui audiunt, etc. Secus pedes Domini.

  A007001835 

 Luc. 15: Majus est gaudium in Cœlo super uno peccatore pœnitentiam agente, quam super nonaginta novem justis qui non indigent pœnitentia. Quale gaudium super omnes habebit Maria, non secus expectans ac Anna! Tob.

  A007001840 

 O pecheurs, il me semble que je vois mon Seigneur sur la montaigne de Calvaire, qui regarde si nous retournons point a luy.

  A007001842 

 Luc. 14: Omnis qui se humiliat exaltabitur, etc..

  A007001852 

 Propterea hac præfatione utitur: Ego sum Dominus Deus tuus, qui eduxi te de terra Ægipti et de domo servitutis.

  A007001852 

 Si tuus sum qui me creasti, quam tuus quia recreasti! Sed ob vitandum infernum quid non [396] deberemus facere? Duxit et reduxit.

  A007001857 

 Aussi, le Seigneur débute-t-il par ces paroles: Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai retiré de la terre d'Egypte et de la maison de servitude.

  A007001857 

 Sachez que le Seigneur est Dieu; c'est lui qui nous a faits, et non pas nous-mêmes. Donc, tout ce que nous sommes, nous le tenons de lui.

  A007001876 

 J'attendois de voir imprimee l'orayson funebre prononcee aux superbes funerailles faittes en Lorraine avec tant de magnificence pour honnorer la sepulture de Monseigneur vostre pere, esperant que par ce moyen je serois facilement excusé de mettre celle cy sous la presse; mais cest espoir ne m'estant reusci, et ne pouvant plus differer d'obeyr a qui a pouvoir de me commander, au moins esperé-je d'estre beaucoup plus aysement excusé si je laisse sortir ceste orayson si mal polie et avec tant de defautz, quand on considerera que c'est par une humble obeyssance.

  A007001887 

 Il ne m'est donques pas necessaire de vous esmouvoir a regretter ce prince, puisque c'est vous qui y aves le principal interest, et qui, plus sensibles aux affections du public, connoisses trop bien la perte que nous avons faite.

  A007001887 

 Ne vaut il pas beaucoup mieux cesser d'affliger ceux qui sont affligés * et mettre peyne d'essuyer vos pleurs, que de les exciter? Aussi, quand je vois devant et tout autour de moy le feu de tant de flambeaux allumés, signe ordinaire de l'immortalité, et que je me trouve revestu de blanc, couleur et marque de gloire, je connois bien que mon office n'est pas maintenant (et je vous supplie, Messieurs, de ne le pas desirer de moy), de vous representer les raysons que nous avons eu de regretter et plaindre, mays plustost celles que nous avons de finir nos regretz par le commencement de la consideration du bien dont jouyt ce grand prince par son trespas, affin que le sujet que nous avons de nous resjouyr attrempe et modere la violence du ressentiment que nous avons de ceste grande perte, quoy que je sçache que l'on doit permettre quelque chose a la pieté, mesme contre le devoir, et qu'en une douleur extreme c'est une partie du mal que d'ouÿr des consolations..

  A007001888 

 N'est ce pas l'excellente bonté, la valeur, la vertu du prince trespassé qui rend nostre perte incomparable? Et n'est ce pas la mesme bonté, valeur et vertu qui nous obligent de recevoir la consolation?.

  A007001889 

 En ceste occasion, que j'estime aussi digne d'une grande eloquence qu'aucune autre qui se soit presentee en ce siecle; en ceste assemblee, qui est presque toute la fleur de ce grand royaume; et en ce lieu, auquel mille beaux espritz eussent ambitieusement recherché de faire paroistre tout leur art et science de bien dire, et de respandre mille belles fleurs d'eloquence sur l'estoffe d'un si riche sujet..

  A007001896 

 Nous ressemblons a ceux qui vont sur mer le long de la rade et terre a terre: il leur est advis que les arbres les laissent et se reculent d'eux, et que le navire dans lequel ilz sont portés est du tout immobile et sans changer de place; car il nous semble que ceux qui sont [403] decedés de ce monde sont tous-jours en la mort et que nous sommes en la vie.

  A007001898 

 Et certes, comme les ratz du Nil se forment petit a petit, et ne reçoivent la vie en tous leurs membres ensemblement, aussi les philosophes sont bien d'accord que nous ne vivons pas tout a coup ni ne mourons pas en un moment, puysqu'ilz disent que le cœur est le premier membre qui vit en nous et le dernier qui meurt.

  A007001899 

 Ah que nous sommes donq bien trompés quand nous appelions mortz ceux qui ont passé ceste vie mortelle, et vivans ceux qui la passent encor! Nous nommons vivans ceux qui meurent, parce qu'ilz n'ont pas achevé [404] de mourir, et ceux qui ont achevé de mourir, nous les apppellons mortz.

  A007001899 

 Nous imitons les peintres qui ne sçavent representer les Anges qu'avec des cors, parce que jamais ilz ne furent veuz autrement; car ainsy n°us nommons les deffunctz mortz, parce que nous ne les avons jamais veuz sinon en la mort de ceste vie ou en la vie de ceste mort.

  A007001901 

 Nous avons mille peynes et travaux pour parvenir ou il est; pourquoy serons nous faschés qu'il y soit arrivé? Pourquoy pleurerons nous tant le trespas de ce prince, lequel pleureroit, s'il estoit en lieu de larmes, avec beaucoup plus de rayson le retardement du nostre, que nous n'avons pas pleuré l'avancement du sien? Nolo vos ignorare de dormientibus, ut non contristemini, sicut et cæteri qui spem non habent.

  A007001902 

 Mays leurs phœnomenes et inspections sont du tout opposees et contraires; car les astrologues predisent ce qui doit arriver en terre, par l'inspection des rencontres et divers mouvemens qui se font au ciel; nos theologiens au contraire ne praedisent sinon ce qui se fait au Ciel, par la consideration des œuvres que l'on fait en terre.

  A007001903 

 Mays ne penses pas, je vous supplie, que je veuille entreprendre de vous representer fleur a fleur et piece a piece, l'esmail d'une si belle vie: les perfections de ce prince se peuvent plustost admirer qu'imiter, desirer qu'esperer, envier qu'acquerir; c'est pourquoy j'ay peur d'offencer sa memoire, disant trop peu de ce qui ne se peut asses louer.

  A007001904 

 J'imiteray donq les cosmographes, qui en leurs mappemondes ne marquent que des pointz pour des villes, des lignes pour des montaignes, et layssent a l'imagination son office pour se representer le reste.

  A007001905 

 O saint et celeste Esprit, o bel Ange de lumiere et de paix, qui fustes assigné a ce prince pour protecteur de son ame, et qui aves esté fidelle tesmoin des bonnes actions que Dieu luy a inspirees et que vous aves sollicitees, je suis vostre humble serviteur et devot; [408] suggeres maintenant a ma foible memoire ce que vous en jugerés de plus digne d'honneur et d'imitation..

  A007001907 

 C'est tous-jours Dieu qui fait en nous tout nostre salut, il en est le grand architecte; mays il procede differemment en ses misericordes, car il nous donne certains biens sans nous, et d'autres avec l'entremise de nos desirs, travaux et volontés.

  A007001907 

 Le prince Philippe Emmanuel duc de Mercœur receut abondamment des biens de la premiere façon, sur lesquelz il bastit un excellent ediffice de perfection de ceux de la seconde sorte; car quant au premier, Dieu le fit naistre de deux maysons des plus illustres, anciennes et catholiques qui soyent entre les princes de l'Europe.

  A007001908 

 Du costé paternel, qui tient le premier lieu en la consideration civile, il estoit de ceste royale mayson de Lorraine, dont l'origine est si tres ancienne, que, comme [409] estant de tems immemorable, les escrivains n'ont pas encor sceu demeurer d'accord de son commencement, comme les habitans d'Ægipte ne sçavent se resoudre de l'origine du Nil.

  A007001909 

 Mays si nous passons en Espagne, vous y verres Henri, frere de Guillaume duc de Lorraine, lequel ayant fidellement et vaillamment combattu pour la religion sous Alphonse roy de Castille, en la guerre qu'il avoit lhors contre les Maures et Sarrasins, espousa en recompense sa fille, qui luy porta en dote la province laquelle despuis erigee en royaume est appellee Portugal, ou la race de ce premier Henri a fort chrestiennement et genereusement regné jusques au dernier Henri, Cardinal, trespassé de nostre tems..

  A007001910 

 Mais qui ne sçait que les deux ducz de Lorraine, René premier et second, en furent rois? Et par ce, passons outre mer, et voyons l'heureuse Palestine en laquelle nostre redemption fut faitte; nous y contemplerons ce trois fois grand Godefroy de Bouillon, lequel ayant quitté son païs et ses biens, et mesme vendu son duché de Bouillon, pour chasser les infidelles de la Terre Sainte, y alla armé de zele et de religion, brave et conquerant, et comme un autre Josué il establit la foy au peril de son sang au lieu ou le Sauveur avoit respandu le sien pour la planter et faire le salut des hommes.

  A007001911 

 D'elle sont sortis plusieurs Amés, Louys, Humbertz, Pierres, Philibertz et autres grans princes, entre lesquelz l'un des Amés, par sa force et valeur, delivra l'isle de Rhodes de la servitude des infidelles, et l'asseura pour le Christianisme entre les mains des chevaliers de saint Jean de Hierusalem, lesquelz desirans que la posterité de leur protecteur receust des lhors quelques marques de l'obligation qu'ilz luy avoyent, communiquerent les armes [411] de leur milice, qui sont de gueules en une croix d'argent, a toute la mayson de Savoye, laquelle les a cherement retenues, non tant en memoire de la valeur de ce grand ancestre, que comme un signe sacré qui peust servir de protestation perpetuelle que ceste race est toute dediee a la defense de l'honneur de la Croix, comme elle a fait voir en la Moree, en Cypre et en plusieurs autres lieux ou elle a porté les armes avec non moins de pieté que de valeur..

  A007001912 

 Ceste princesse estant mariee au tres illustre prince Nicolas de Lorraine, comte de Vaudemont, eut de luy plusieurs enfans, l'aisné desquelz fut le duc de Mercœur, qui nasquit au marquisat de Nomeny, tenu lhors, et despuis a luy laissé par son pere en tiltre de souveraineté; nasquit, dis je, pour la gloire des armes et l'honneur de l'Eglise, ce prince decedé, digne surgeon de deux si grandes races, desquelles comme il receut le sang, aussi herita-il de leurs vertus.

  A007001915 

 Donques le duc de Mercœur considerant qu'il y a autant de difference entre la vertu et la noblesse qu'entre la lumiere et la splendeur, l'une esclàirante de soy et l'autre d'emprunt, louant Dieu d'avoir moyen de rendre ses actions plus exemplaires, il a tous-jours eu soin de ne rien faire qui peust obscurcir ou amoindrir la grande splendeur que la generosité de ses ancestres luy avoit acquis; et entant qu'il luy a esté possible, il l'a non seulement conservee, mais de beaucoup augmentee..

  A007001916 

 Saint Paul partage le devoir d'un Chrestien en trois [413] vertus: en la sobrieté que nous appelions temperance, en la justice et en la pieté: Ut sobrie, juste et pie vivamus, dit-il; la temperance au regard de nous mesmes, la justice quant au prochain, et la pieté pour ce qui concerne le service de Dieu..

  A007001917 

 Quant a la temperance, qui n'est autre chose qu'un retranchement des playsirs et delices de ce monde, elle se trouve en ce prince au plus haut degré.

  A007001918 

 Ce prince s'est tous-jours monstré sobre en la possession des grandeurs et faveurs immenses dont le Ciel l'avoit comblé et n'en abusa jamais; car sa grande reputation, ni l'estre beau-frere de roy, ni la rareté des graces qui estoyent en luy, ni les heureux succes de ses armes et desseins ne le firent jamais sortir des bornes de la modestie ni abandonner la bien-seance d'une humble gravité, par laquelle il donnoit un acces esgalement facile et gratieux aux petitz et aux grans.

  A007001919 

 Et ce que je prise le plus, il estoit fort instruit en ceste partie de la theologie morale qui nous enseigne les regles de bien establir la conscience.

  A007001919 

 Tellement que le tems qui luy restoit pour son playsir, il l'employoit partie a l'orayson et partie a la lecture des bons livres, au moyen dequoy il s'estoit acquis la connoissance de trois sciences non seulement bien-seantes, mays presque necessaires a la perfection d'un prince chrestien.

  A007001920 

 Et de fait, il n'employa jamais sa cholere qu'en la guerre, ou pour maintenir le respect et l'honneur qui luy estoyent necessaires pour faire les grans services que le Christianisme attendoit de luy; en quoy il imitoit les abeilles qui font le miel pour les amis et piquent tres vivement leurs ennemis..

  A007001920 

 Or, que pouvoit-on attendre d'une telle moderation et temperance qui luy estoit naturelle, sinon « une perpetuelle volonté de n'offencer personne et de rendre a chacun ce qui luy appartient, » qui est ce que nous [415] appelions justice? Quand l'a-on jamais veu maltraitter ou offencer personne? Ses domestiques tesmoignent que c'estoit la douceur et patience mesme.

  A007001923 

 Quant a la pieté envers nostre bon Dieu, qui est le souverain bien de nostre ame, c'estoit le rendes-vous de toutes ses pensees et le centre de toutes ses imaginations.

  A007001927 

 Je laisse a part les confessions et communions qu'il faysoit allant a la guerre, puisque ceux qui s'exposent ordinairement au danger du trespas sont obligés de se confesser et mettre en bon estat, s'ilz ne veulent que la mort temporelle soit suivie de l'eternelle.

  A007001931 

 Despuis lequel tems jusques a ce qu'il alla chercher des nouveaux lauriers jusques a l'un des coins du septentrion, il s'est trouvé, selon la diversité des occurrences, en plusieurs sieges, assaillant et defendant en diverses armees, rencontres et batailles, ou Dieu l'a tellement favorisé que jamais il n'a eu conduitte qu'elle n'ayt esté suivie d'une heureuse victoire; dont j'aurois a dire de luy beaucoup plus de choses que le tems qui m'est prefix, voire que la vie d'un homme ne pourroit suffire a reciter; mais je ne puis sinon esbaucher et desseigner grossierement l'idee d'un genereux prince chrestien, que le grand duc de Mercœur a exprimé en soy mesme par tant de vertus et de braves exploitz d'armes qu'il a produit..

  A007001932 

 Et combien que je peusse dire icy en termes generaux et d'une haleyne, qu'en toutes les parties de sa vie il a fait paroistre en luy toutes les qualités qui se peuvent desirer en un grand prince pour le rendre parfait, toutesfois, pour parler plus distinctement, il me sera plus a propos de ne vous faire plus attendre la monstre de la piece, laquelle, comme elle a esté la derniere de sa vie, a aussi esté la plus glorieuse pour luy, la plus aggreable pour sa memoire et la plus utile a la republique chrestienne, et en laquelle, comme en une riche tapisserie, vous verres la tisseure d'autant de faitz d'armes et de vertus que l'œil de vos entendemens en sçauroit desirer..

  A007001933 

 Et sçachant que l'ennemy s'approchoit avec une armee de cent cinquante mille hommes pour assieger Strigonie, ville tres importante, il l'alla incontinent visiter, et l'asseura si bien de sa presence, par l'offre qu'il fit de s'y enfermer et l'ordre qu'il donna pour la conservation des fortz qu'on estoit sur le point d'abandonner, que les ennemis estant advertis de son arrivee et resolution, changerent de dessein et tirerent droit contre nostre armee, a la teste de laquelle ilz trouverent tout aussi tost ce grand prince, qui leur eut fait des lhors ressentir les effectz de sa presence, s'il eut eu autant de pouvoir et de commandement en l'armee chrestienne qu'il y en a eu despuys, ainsy qu'il fut reconneu par la perte des occasions qui, selon son advis, devoyent estre embrassees..

  A007001933 

 On ne parloit plus que des progres de l'armee turquesque et de son cimeterre, quand, le vray Soleil de justice suscita ce vaillant et genereux prince, qui volontairement et librement, je ne diray pas seulement de gayeté mais encores de pieté de cœur, part de son païs, et, comme un autre Machabee, se rend en l'armee chrestienne au commencement du mois d'octobre, l'annee 1599.

  A007001934 

 Avant que de les accepter, il les presenta au Roy, a l'obeissance duquel il avoit tant voué d'affection et de service qu'il n'estimoit rien d'honnorable que ce qui seroit authorisé de ses commandemens.

  A007001936 

 A peyne estoit-il arrivé, que voyant Canise assiegee de six ou sept vingt mille Turcz, apres avoir soigneusement mis ordre a tout ce qu'il jugeoit a propos pour son dessein, et sur tout ayant tiré promesse des princes et seigneurs du païs qu'il auroit la commodité des vivres necessaires pour l'entretenement de son armee, la teste eslevee en la confiance qu'il avoit en son Dieu, il la baissa par apres contre l'ennemy, s'achemine contre ceste puyssante armee, et de son premier effort en emporte une partie, qui l'attendoit avec force canons sur les avenues et passages, en un lieu fort avantageux pour l'ennemy et ou il s'estoit fort bien retranché.

  A007001937 

 Le jour suivant, le Turc voulant reconquerir ce qu'il avoit perdu, ne fit qu'augmenter sa honte par la perte qu'il fit de sept mille autres Turcz, et d'un fort ou l'on trouva treize autres pieces de canon qui servirent despuis contre l'ennemy, pendant sept jours entiers que nostre general garda le champ de bataille qu'il avoit gaigné, lequel il eut conservé davantage, si la necessité des vivres qui survint par la faute de ceux du païs qui manquerent a leur promesse n'eut donné sujet aux gens du conseil de l'Empereur et a toute l'armee de le presser, voire contraindre par leur importunité de se retirer, ce que neanmoins il ne voulut faire qu'ilz ne luy eussent donné leurs advis signés.

  A007001937 

 Si que l'on peut bien dire que si ce grand general eust esté secouru de vivres par ceux qui le devoyent faire, comme il secouroit [422] la ville par ses armes, elle eust indubitablement esté conservee:.

  A007001941 

 puysque pendant tout le tems que nostre armee demeura en ce champ de bataille (qui n'estoit esloigné de la ville que d'une portee de canon et que d'une mousquetade du camp et retranchement de l'ennemy), il ne fut fait aucun effort ni tiré un seul coup de canon contre la ville..

  A007001942 

 Mais, mon Dieu, qu'il faisoit bon voir ce grand general demeurer a la queue de son armee, qui estoit presque destituee de tous ses autres chefz et reduitte a six ou sept mille hommes, la faim ayant fait retirer le reste, et amuser le Turc par escarmouches pendant qu'elle faisoit sa retraitte l'espace de cinq a six lieues, et jusques a ce qu'il l'eut entierement degagee d'une grande quantité de mauvais passages; combattant tantost a pied, tantost a cheval, se trouvant ores en teste de l'avant garde, ores a la queue de l'arriere garde, faysant l'office non seulement de general, mais de mareschal de camp, de general de l'artillerie, de sergent majeur, de colonnel, et bref ayant luy seul sur les bras le faix et la charge de ceste si perilleuse et tant admirable retraitte, en laquelle il se trouva plusieurs fois aux mains et meslee, donnant secours aux siens, signamment en une assistance fort remarquable qu'il donna a son arriere-garde laquelle s'en alloit desconfite par la furieuse charge de cinquante mille chevaux turcz, quoy que courageusement combattuz par le vaillant comte de Chaligny sous les heureux auspices de son frere et general, qui le secourut en fin si a propos, que les Turcz, battuz et repoussés, firent les premiers une autant honteuse retraitte que celle de nostre armee fut glorieuse, pour avoir esté faitte avec une poignee de gens que nostre general sauva et garantit heureusement des effortz [423] d'une si effroyable multitude, avec le butin de plusieurs pieces de canon..

  A007001943 

 Au retour de cest exploit, estant arrivé a Vienne au mois de novembre, l'Empereur le retint tout l'hiver et rompit le dessein qu'il avoit de venir visiter les siens en France, affin de s'en servir et prendre avec luy les resolutions de ce qu'il failloit faire pour l'annee suivante, en laquelle, environ la fin d'aoust, ce prince mit aux champs son armee, qui pouvoit estre de dix sept a dix huict mille hommes, et tira droit a Comor.

  A007001943 

 Et peu apres, faysant courir le bruit d'aller assieger Bude, apres avoir usé de plusieurs beaux stratagemes, en fin il se logea devant la ville neuve et a la portee du canon d'Albe-Royale, ville principale de la basse Hongrie, saisit toutes les avenues, s'y retranche et dresse sa batterie, et l'attaque si furieusement de tous costés, se mettant luy mesme avec cinquante chevaux-legers françois a la teste d'un regiment d'infanterie, si a propos et si vaillamment, faysant office de cappitaine et soldat tout ensemble, que les ennemis, apres [avoir] long tems rendu combat, perdent en fin autant de leur courage que nostre general en donnoit aux siens, qui le voyans a leur teste, forcent l'ennemy et le menent battant jusques a la porte de la vielle ville, les murailles de laquelle ayant luy mesme reconneu, et despuis fait battre jusques a ce qu'il y eust breche raysonnable, il presente l'assaut qui fut bravement soustenu par les assiegés, jusques a ce que ce grand prince se presentant avec ses gentilz-hommes armés de toute piece, anima tellement les assaillans, que l'ennemy fut contraint d'abandonner la breche et se trouva si fort pressé, qu'une grande quantité de Turcz se precipita dans les fossés, et l'autre partie se retira dans les maysons ou estoyent leurs poudres, auxquelles ayans mis le feu par desespoir, ilz firent mourir plusieurs des nostres avec eux.

  A007001943 

 Le bascha qui y commandoit s'estant retiré dans le palais avec mesme dessein, ayant demandé et obtenu la vie pour luy et les siens, demeura prisonnier, et par mesme moyen grande quantité de Chrestiens qui estoyent prisonniers dans la [424] ville receurent liberté par la main de ce brave vainqueur, lequel ayant asseuré les affaires de ceste grande ville, y laissa Steremberg, colonnel allemand, et s'en esloigna d'une ou deux lieues pour rafraischir son armee, et attendre celle de l'ennemy qui s'approchoit pour l'attaquer ou reprendre la ville..

  A007001944 

 C'est ainsy, Messieurs, que ce grand guerrier, autant digne d'estre surnommé Mars que Mercure, n'entreprenoit pas ce qui estoit facile, mays facilitoit ce qu'il entreprenoit.

  A007001944 

 Ce que je dis pour l'importance et force d'Albe-Royale, en laquelle autrefois les rois d'Hongrie estoyent couronnés et ensepulturés; place si forte, que le grand Soliman amena en personne deux cent mille hommes pour la prendre, et si, ne s'en peut rendre maistre qu'apres un siege de trois mois, et par composition, il y a environ soixante ans, durant lesquelz elle a tellement esté fortifiee, que trois divers sieges d'armees chrestiennes y ayant esté long tems n'en ont rapporté que de la perte et du dommage, jusques a ce que nostre trespassé, qui estoit de la race de ceux par lesquels si souvent salus facta est in Israel, comme il est dict des Machabees, y porta son espee, son courage et sa prudence pour s'en rendre heureusement le maistre en moins de douze jours, Dieu luy ayant reservé ceste conqueste et la delivrance des os et sepultures des anciens rois de Hongrie, avec lesquelz il avoit l'extraction commune de la grande mayson de Saxe..

  A007001945 

 Nostre general fit bien faire plusieurs sorties par lesquelles plusieurs Turcz furent prisonniers; mais ce pendant ceste effroyable armee se loge entre la ville et nostre armee, laquelle n'estoit presque plus qu'un cors sans ame, estant privee de la presence de son general, lequel neanmoins ne la laissa gueres en cest estat; car ayant donné bon ordre aux affaires de la ville, voilé et favorisé de la nuict, il sort et se vint rendre parmi sa chere trouppe, de laquelle il fut receu, et notamment de l'archiduc Mathias, avec une joye inestimable qui fut aussi suivie de braves et signalés exploitz..

  A007001946 

 Il me seroit, a la verité, du tout impossible de vous representer par parolles la valeur et prudence avec laquelle ce prince attaquoit les escarmouches avec l'armee des ennemis, desengageant ceux qui parfois s'engageoyent temerairement, regaignant les logis et petitz fortz occupés par les Turcz, faysant paroistre pendant dix sept jours entiers que les deux armees furent presque en continuel combat, un parfait assemblage de toutes les parties requises en un grand chef d'armees, et principalement en trois grandes journees esquelles il combattit si heureusement, qu'il y gaigna plusieurs canons et fit un carnage de Turcz des plus signalés qui se soit fait en nostre aage; auquel, entre plusieurs autres chefz, Mechmet Kiaïa bascha de Bude et le bascha de Caiaie demeurerent mortz, desquelz les testes furent envoyees [426] pour estre baillees en eschange de plusieurs Chrestiens.

  A007001947 

 Ce qu'il monstroit bien clairement es lettres qu'il escrivoit a Madame sa femme; car il mettoit tant de soin de rapporter a la seule gloire de Dieu les heureux succes de ses armes, qu'il sembloit mesme n'en vouloir pas estre estimé l'instrument: signe certain d'une vraye humilité, et non point affectee, puysqu'il la prattiquoit a l'endroit de celle qui n'estoit qu'un autre luy mesme..

  A007001952 

 Consideres aussi le credit qu'il s'estoit acquis: voyes l'archiduc [427] frere de l'Empereur, sous sa conduitte, penses aux grans faitz d'armes qu'il a executés en si peu de tems, resouvenes vous de la puissance de l'ennemy qu'il a deffait, l'inegalité de ses forces avec la monstrueuse multitude des Turcz, et vous admireres l'immensité des merites de ce prince, mays plustost de ce grand miracle, duquel nous devons bien tous remercier le grand Dieu des armees, qui a voulu deffaire ses ennemis par le bras de ce prince, prenant en main la justice de la cause..

  A007001955 

 Ah, que les François sont braves quand ilz ont Dieu de leur costé! qu'ilz sont vaillans quand ilz sont devotz! qu'ilz sont heureux a combattre les infidelles! Leo qui omnibus insultat animalibus, solos pertimescit gallos, disent les naturalistes.

  A007001955 

 Aussi plusieurs estiment que ce sera un de vos rois, o France, qui donnera le dernier coup de la ruyne a la secte de ce grand imposteur Mahomet..

  A007001955 

 Je m'en resjouys avec vous, o belle France, et loué soit nostre Dieu que de vostre arsenal soit sortie une espee si vaillante, et que l'Empire soit venu a la queste d'un lieutenant general a la cour de vostre grand Roy, auquel c'est une grande gloire d'estre le plus grand guerrier d'un royaume duquel sortent des princes qui au reste du monde sont estimés et tenuz les premiers.

  A007001957 

 Puys se resouvenant qu'il laissoit a Madame sa femme une jeune princesse son unique fille, pleine de bonté naturelle et de tous les signes qui peuvent præsager une excellente vertu, il s'en consola, et se resjouyt en soy raesrae de luy laisser ce gage de leur saint mariage, et reciproquement de laisser a sa fille une dame et mere, sous la douce et vertueuse conduitte de laquelle elle ne pouvoit qu'esperer de surgir au port qu'il desiroit..

  A007001958 

 Neanmoins, pour tesmoigner le respect que son merite avoit acquis sur tous ceux qui se disent Chrestiens, il fut permis a son aumosnier d'aller prendre le tressaint Sacrement et [430] Viatique en quelque eglise catholique pour le luy apporter; et particulierement d'autant qu'il avoit resolu de se faire porter hors de la ville pour l'aller recevoir, quand mesme il eust deu avancer son trespas, tant il desiroit estre refectionné de ceste viande celeste et divine.

  A007001959 

 Quand je dis que le duc de Mercœur est decedé, je dis aussi un grand duc et grand prince; mais ce qui est plus que tout cela et ou le monde ne peut atteindre, je dis ensemble un grand selon Dieu, grand en foy et religion, grand en vertu et preudhommie, grand en douceur et debonnaireté, grand en merites et bienfaitz, grand en prudence et en conseil, grand en reputation et honneur devant Dieu et devant les hommes, grand en toutes sortes et manieres.

  A007001960 

 Et comme il advient en un grand fleuve dont l'embouchure est estroitte, qu'avec plus d'impetuosité il se desgorge en la mer, ou [à] l'arbre qui veut mourir, que pour la derniere fois il porte du fruit plus que l'ordinaire, les vertus qui auparavant faisoyent en luy leurs fonctions a part, tant qu'il a vescu en ce monde, se sont icy jointes ensemble pour luy faire dire avec saint Paul: Cum infirmor, tunc potens sum, pour marcher au devant de luy, servir de fanal dans les tenebres du trespas, et pour faire que cest arbre, sur les rameaux duquel tant d' oyseaux ont reposé et a l'abri duquel tant d'animaux ont repeu, tombant du costé du midy, c'est a dire en estat de grace et de gloire, y demeure eternellement.

  A007001960 

 Heureuse fin pour le concours de toutes les vertus susdites, qui comme vrays amis, quand les forces de nature, quand les grandeurs et toutes les choses l'ont quitté, ne luy ont pas failli au besoin, se rencontrant toutes ensemble pour luy faire ce dernier office.

  A007001961 

 Laisses pleurer David sur la mort de son Absalon lequel est mort reprouvé; mais consoles vous sur le trespas de ce prince qui n'est pas mort, mais sauvé de la mort.

  A007001961 

 Que vous semble il maintenant, Messieurs, de la vie et du deces de ce prince? Sa vie merite elle pas d'estre celebree par des louanges immortelles? Vous est il advis qu'il faille regretter le trespas de celuy qui a si bien vescu? Il a receu la mort de bon cœur, et vous en voules detester la nouvelle? Non, non; quicomque vous a [432] dict qu'il estoit mort vous a trompés, ceux qui ont si bien vescu ne meurent jamais.

  A007001963 

 Hé, qui sera ce courageux Helisee qui la recueillira? Qui sera ce brave prince qui, marchant sur les pas de ce grand conducteur d'armees, avec « plus de foy que de vie, » poursuivra les victoires qu'il a si bien commencees contre les ennemis du Crucifix? Permettes moy que je vous expose une mienne pensee.

  A007001963 

 Si l'esprit de ce prince a quelque soin de nous, comme il n'en faut pas douter, je crois que c'est principalement pour le desir qu'il a que quelqu'un luy succede [433] qui puisse comme luy porter pour sa devise: « Plus de foy que de vie.

  A007001963 

 » Car au reste, quel soin peut-il avoir pour ce qui est au monde? De Madame sa femme? Hé quoy, ne sçait-il pas qu'estant vertueuse et devote, elle se sçaura bien consoler en Dieu? De Mademoyselle sa fille? Hé quoy, ignore il qu'elle a une dame et mere qui suppleera le manquement du pere? De l'honneur de sa mayson? Mais il a laissé tant de grans princes qui le sçauront bien maintenir, voire accroistre mesme, a la faveur de ce grand Roy qui luy a rendu tant de tesmoignages de ses merites pendant sa vie, et tant d'honneur a sa memoire apres sa mort.

  A007001964 

 Hé, ne se trouvera-il personne qui veuille entreprendre de combattre pour la gloire de mon Dieu, et qui d'une ame courageuse reprenne mes brisees a la poursuitte d'une si sainte entreprise?.

  A007001965 

 Mais encores me semble-il qu'il vous parle, Madame sa tres chere vefve, et a vous, Messieurs ses parens, et qu'il vous dit ces paroles: Regardes ou je suis, je vous supplie: je suis au lieu que j'ay tant desiré, auquel je me console en mes travaux passés qui m'ont acquis ceste gloire presente; pourquoy ne vous consoles vous avec moy? Quand j'estois avec vous, vous faisies profession de vous resjouïr avec moy de toutes mes consolations, [434] mesmement des caduques et illusoires: hé, ne suis-je pas tous-jours celuy-la? Pourquoy vous affliges vous donques de mon trespas, puysqu'il m'a donné tant de gloire? Non, je desire de vous tout autre chose que ces regretz; si vous aves des larmes, gardes les pour pleurer vos pechés et les malheurs de vostre siecle..

  A007001966 

 Pour moy, je le considere en cest estat; car encor que je m'imagine que ce grand prince a esté pecheur, au moins comme le sont ceux qui tombent sept fois le jour, et qu'a l'adventure il a eu besoin de quelque purgation selon la severité du juste jugement divin, si est ce que d'ailleurs, considerant sa belle vie: helas, dis je, est il possible que celuy duquel Dieu s'est servi pour delivrer tant d'ames de la captivité des infidelles, soit encor privé de la jouissance de la pleine et triomphante liberté?.

  A007001967 

 Dieu exauce les prieres de tout le Christianisme, lequel, joignant ses vœux aux nostres, conspire en ceste voix pour vous: Dieu donne sa paix a celuy qui a tant combattu pour defendre la nostre; Dieu donne son Paradis a celuy qui a conservé les maysons de tant de Chrestiens; Dieu donne son temple celeste a celuy qui a tant preservé d'eglises en terre; Dieu reçoive en la cité de Hierusalem triomphante celuy qui a tant combattu pour la militante.

  A007001967 

 Et Dieu donne a tous ceux qui font de telles prieres pour l'ame de ce grand prince la grace de sa sainte paix et de son eternelle consolation!.

  A007001992 

 Comme au printemps les oiseaux gazouillent avec grâce, ainsi en fut-il au jour de la naissance de Jean-Baptiste, pour Marie, Elisabeth, Zacharie, tous les voisins et chacun des saints qui vinrent ensuite.

  A007002001 

 Ad merendum: Qui justus est, justificetur adhuc..

  A007002008 

 Qui peccant pœnitentiam non faciunt.

  A007002014 

 Pour mériter: Que celui qui est juste, se justifie encore..

  A007002019 

 Les renards ne mangent pas les poussins qui ont mangé le foie d'un renard.

  A007002021 

 Ceux qui pèchent ne font pas pénitence.

  A007002029 

 Qui est celle cy qui monte du desert, abondante.

  A007002034 

 Mais, mon Dieu, si la reception de ceste ancienne Arche fut si solemnelle, quelle devons nous penser avoir esté celle de la nouvelle Arche, je dis de la tres glorieuse Vierge Mere du Filz de Dieu, au jour de son Assumption? O joye incomprehensible! o feste pleine de merveilles, et qui fait que les ames devotes, les vrayes filles de Sion, s'escrient par admiration: Quæ est ista quæ ascendit? Qui est celle cy laquelle monte du desert? Et pour vray, ces pointz sont admirables: la Mere de la vie est morte, la morte est resuscitee et montee au lieu de la vie.

  A007002037 

 Mais en fin, quand l'heure fut venue en laquelle ce pretieux soleil devoit se coucher et porter ses rayons a l'autre hemisphere de l'Eglise qui est le Ciel et la trouppe angelique, que pouvoit-on attendre sinon les obscurités d'une nuict tenebreuse? La nuict aussi arriva tout aussi tost et succeda au jour; car tant d'afflictions et persecutions qui survindrent aux Apostres, qu'estoit ce qu'une nuict? Mais ceste nuict eut encor son luminaire qui l'esclaira, affin que ses tenebres fussent plus tolerables; car la bienheureuse Vierge demeura en terre parmi les disciples et fidelles.

  A007002037 

 Or ce grand luminaire venant [440] icy bas en terre, le Filz de Dieu prenant nostre nature humaine, comme le vray soleil qui vient sur nostre hemisphere, fit la lumiere et le jour; jour bienheureux et tant desiré qui dura trente trois ans environ, pendant lesquelz il esclaira la terre de l'Eglise par les rayons de ses miracles, exemples, predications et saintes parolles.

  A007002037 

 chapitre des Actes et au 1 er, tesmoigne que Nostre Dame estoit avec les disciples au jour de la Pentecoste, et qu'elle perseveroit avec eux en orayson et communion; dont quelques errans sont convaincus de faute en ce qu'ilz ont estimé qu'elle mourut avec son Filz, a cause des parolles de Simeon qui avoit prædit que le glaive transperceroit son ame; mais je declaireray bien tost ce passage, et monstreray par le vray sens que Nostre Dame ne mourut pas avec son Filz..

  A007002038 

 Ce luminaire estoit requis pour la consolation des fidelles qui estoyent en la nuict des afflictions.

  A007002038 

 » Elle vesquit donques apres la mort de sa vie, c'est a dire de son Filz, et apres son Ascension, et vesquit asses longuement, bien que le nombre des annees ne soit pas bien asseuré; mais le moins ne peut estre que de quinze ans, qui auroit fait arriver son aage a 63 ans.

  A007002039 

 Il est vray que l'Escriture nous enseigne en termes generaux que tous les hommes meurent, et n'y en a pas un qui soit exempt du trespas, mais elle ne dit pas que tous les hommes sont mortz, ni que tous ceux qui ont vescu soyent des-ja trespassés; au contraire elle en excepte quelques uns, comme Helie qui sans mourir fut transporté sur le chariot de feu, et Enoch qui fut ravi par Nostre Seigneur avant qu'il aye senti la mort; et encores saint Jean Evangeliste, comme je pense estre le plus probable selon la parole de Dieu, ainsy que je vous ay remonstré cy devant, le jour de sa feste en may.

  A007002039 

 Mais la verité est qu'elle est morte et trespassee aussi bien que son Filz et Sauveur, car encor que cela ne se peut prouver par l'Escriture, si est ce que la tradition et l'Eglise, qui sont d'infallibles tesmoins, nous en asseurent..

  A007002039 

 Que si cela est certain comme il l'est, il est aussi tres certain qu'en fin ceste sainte Dame mourut; non que l'Escriture le tesmoigne, car je ne trouve aucune parole en l'Escriture ou il soit dit que la Vierge soit morte; la seule tradition ecclesiastique est celle-la qui nous en asseure, et la sainte Eglise, laquelle le confirme en l'orayson secrette qu'elle dit au saint office de la Messe de ceste feste.

  A007002040 

 Quelle mort fut tant hardie que d'oser attaquer la Mere de la vie, et celle de laquelle le Filz avoit vaincu et la mort et sa force qui est le peché? Soyes attentifz, mes tres chers auditeurs, car ce point est digne de consideration.

  A007002042 

 O peuple, ceste union, ce meslange et liaison de cœurs estoit grande qui faysoit dire telles parolles a saint Paul, mais non pas comparable avec celle qui estoit entre le cœur du Filz Jesus et celuy de la Mere Marie; car l'amour que Nostre Dame portoit a son Filz surpassoit celuy que saint Paul portoit [443] a son Maistre, d'autant que les noms de mere et de filz sont plus excellens en matiere d'affection que les noms de maistre et de serviteur.

  A007002043 

 L'ame donq de Nostre Dame devoit estre transpercee; mais par quelle espee, par quel Cousteau? Et le Prophete ne le dit pas; neanmoins, puysqu'il s'agit de l'ame et non pas du cors, de l'esprit et non pas de la chair, il ne faut pas l'entendre d'un glaive materiel et corporel, ains d' un glaive spirituel et qui puisse atteindre l' ame et l' esprit..

  A007002044 

 Or je trouve trois glaives qui peuvent porter leurs coups en l'ame.

  A007002050 

 Le glaive d'amour, duquel Nostre Seigneur parle: Non veni mittere pacem, sed gladium; Je ne suis [444] pas venu mettre la paix, mais le glaive, qui est le mesme que quand il dit: Ignem veni mittere; Je suis venu mettre le feu. Et au Cantique des Cantiques, l'Espoux estime que l'amour soit une espee par laquelle il a esté blessé, disant: Tu as blessé mon cœur, ma seur, mon espouse. De ces trois glaives fut transpercee l'ame de Nostre Dame en la mort de son Filz, et principalement du dernier qui comprend les deux autres..

  A007002051 

 Ce n'est donques pas merveille si je dis que les douleurs du Filz furent les espees qui transpercerent l'ame de la Mere..

  A007002051 

 L'amour a accoustumé de faire recevoir les contre coups des afflictions de ceux que l'on cherit: Quis infirmatur, et ego non infirmor? Qui est malade, que je ne le sois? qui reçoit un coup de douleur, que je n'en reçoive le contre coup? dit le saint Apostre; et neanmoins l'ame de saint Paul ne touchoit pas de si pres au reste des fidelles, comme l'ame de Nostre Dame touchoit et attouchoit de fort pres, et de si pres que rien plus, a Nostre Seigneur, a son ame et a son cors, duquel elle estoit la source, la racine, la Mere.

  A007002051 

 Quand on donne quelque grand et puissant coup sur une chose, tout ce qui la touche de plus pres en est participant et en reçoit le contre coup.

  A007002052 

 Car quant a son amour, o comme il vous blessa, lhors que vous voyies mourir un Filz qui vous aymoit tant et que vous adories tant! Quant a sa douleur, comme elle vous toucha vivement, touchant si mortellement tout vostre playsir, vostre joye, vostre consolation! Et quant a ses paroles si douces et si aigres tout ensemble, helas, ce vous furent autant de vens et d'orages pour enflammer vostre amour et vos douleurs, et pour agiter le navire de vostre cœur presque brisé en la tempeste d'une mer tant amere! L'amour fut l'archer, car sans luy la douleur n'eust pas eu asses de mouvement pour atteindre vostre ame; la douleur fut l'arc qui lançoit les paroles interieures et exterieures, comme autant de dars qui n'avoyent autre but que vostre cœur..

  A007002052 

 Disons un peu plus clairement: une flesche dardee rudement contre une personne, ayant outrepercé son cors, percera encores celuy qui se trouvera tout touchant et joint a luy.

  A007002052 

 L'ame de Nostre Dame estoit jointe en parfaitte union a la personne de son Filz, elle estoit collee sur elle: Anima Jonathæ conglutinata est ad animam David, dit l'Escriture, I Reg., 18; L'ame de Jonathas fut liee ou collee a celle de David, tant leur [445] amitié estoit estroitte; et partant, les espines, les clouz, la lance qui percerent la teste, les mains, les piedz, le costé de Nostre Seigneur, passerent encores outre et outrepercerent l'ame de la Mere.

  A007002053 

 Helas, comme fut il possible que des sagettes tant amoureuses fussent si douleureuses? Ainsy les eguillons emmiellés des abeilles font extreme douleur a ceux qui en sont piqués, et semble que la douceur du miel avive la douleur de la pointe.

  A007002053 

 Quelle plus douce parole que celle qu'il dit a sa Mere et a saint Jean, paroles tesmoins asseurés de la constance de son amour, de son soin, de son affection a ceste sainte Dame; et neanmoins ce furent des paroles qui sans doute luy furent extremement douleureuses.

  A007002054 

 Et quoy, me dires-vous, mourut elle alhors? J'ay des-ja dit que quelques uns qui l'ont ainsy voulu dire ont fort [446] erré, et que l'Escriture tesmoigne qu'elle estoit encor vivante au jour de la Pentecoste, et qu'elle persevera avec les Apostres aux exercices de l'orayson et communion, et de plus que la tradition est qu'elle vescut plusieurs annees despuis.

  A007002055 

 Mays qui est le Chrestien qui n'ayt esté quelquefois blessé du dard de la Passion du Sauveur? Qui est le cœur qui ne soit atteint, considerant son Sauveur fouetté, tourmenté, garrouté, cloué, couronné d'espines, crucifié? Mays je ne sçay si je le dois dire, que la pluspart des Chrestiens ressemblent aux hommes de Candie desquelz parlant l'Apostre, il dit: Cretenses mendaces, ventres pigri, malæ bestiæ; Les Candiotz sont menteurs, ventres coüars, mauvaises bestes. Au moins puis je bien dire que plusieurs ressemblent aux chevres sauvages de Candie; car ayant esté blessés et atteins en leur ame de la Passion du Sauveur, ilz recourent incontinent au dictamon des consolations mondaines, par lequel les dars de l'amour divin sont rejettés et repoussés de leur memoire.

  A007002058 

 C'est cela qui le fait crier a pleine voix en mourant, pour monstrer qu'il avoit asses de force pour ne mourir pas, s'il luy eust pleu.

  A007002058 

 Tout autre homme fut mort de tant de douleurs, mais Nostre Seigneur, qui tenoit en ses mains les clefs de la mort et de la vie, pouvoit tous-jours empescher les effortz de la mort et les [448] effectz des douleurs.

  A007002059 

 Il est donq mort d'amour, et c'est ce qui fait que son sacrifice de la croix fut un holocauste, parce qu'il y fut consumé par ce feu, invisible mais d'autant plus ardent, de sa divine charité qui le rend sacrificateur en ce sacrifice, et non les Juifz ou Gentilz qui le crucifierent, d'autant qu'ilz n'eussent sceu luy donner la mort par leurs actions, si son amour, par le plus excellent acte de charité qui fut onques, n'en eust permis et commandé le dernier effect, puysque tous les tourmens qu'ilz luy firent fussent demeurés sans effect, s'il n'eust voulu leur permettre la prise sur sa vie et leur donner force sur luy: Non haberes potestatem adversum me, nisi datum tibi esset desuper..

  A007002061 

 Bref, son cœur, son ame, sa vie estoit au Ciel; comme eut elle peu demeurer en terre? Donques en fin, apres tant de volz spirituelz, apres tant de suspensions et d'extases, ce saint chasteau de pudicité, ce fort d'humilité ayant soustenu miraculeusement mille et mille assautz d'amour, fut emporté et pris par un dernier et general assaut; et l'amour qui en fut le vainqueur, emmenant ceste belle ame comme sa prisonniere, laissa dans le cors sacré la pasle et froide mort.

  A007002061 

 O mort, que fais tu dans ce cors? estimes tu de le pouvoir garder? Ne te souvient il point que le Filz de ceste Dame dont tu possedes le cors, t'a vaincu, t'a battu, t'a rendu son esclave? Ah, ja n'advienne qu'il te laisse en la gloire de ceste tienne victoire; tu sortiras tantost autant honteusement comme tu y es superbement, et l'amour qui t'a logé en ceste sainte place [450] par un certain exces, revenant a soy mesme dans bien peu, t'en ostera la possession..

  A007002063 

 Le monde et tous ses habitans sont sujetz au sac et pillage et au feu general; mais ne vous semble il pas qu'il y aye rayson d'excepter Nostre Dame et son cors? cors qui receut et logea non les espies, mais le vray Josué, le vray Jesus, et non pour une nuict, mays bien pour plusieurs: Beatus venter, beata ubera.

  A007002063 

 Les vers butineront nos cors, maya ilz ont reveré celuy qui a produit le cors de leur Createur..

  A007002063 

 Mais comme le phœnix resuscite bien tost apres sa mort et reprend une nouvelle et plus heureuse vie, ainsy ceste bienheureuse Vierge ne demeura gueres (ce ne fut au plus que trois jours) sans resusciter; son cors ne fut point sujet a la corruption apres la mort, cors qui n'en receut jamais pendant sa sainte vie.

  A007002064 

 N'est il pas vray que nonobstant ces regles, plusieurs resusciterent au jour de la resurrection, Multa corpora sanctorum qui dormierant resurrexerunt? Et pourquoy non la Vierge, a laquelle, dit le grand Anselme, nous ne devons refuser aucun privilege ni honneur qui soit accordé a aucune creature simple?.

  A007002065 

 Et si quelqu'un veut contredire, nous avons a luy respondre, comme fit en cas pareil l'Apostre: Si quis videtur contentiosus esse, nos talem consuetudinem non habemus, neque Ecclesia Dei; Que s'il y a quelqu'un qui semble estre contentieux, nous n'avons point telle coustume, ni aussi l'Eglise de Dieu..

  A007002065 

 L'Escriture, laquelle ne contredit ni a l'une de [452] ces deux verités ni a l'autre, n'en establit aussi ni l'une ni l'autre par paroles bien expresses; mays la sainte tradition qui nous enseigne qu'elle est decedee, nous apprend avec esgale asseurance qu'elle est resuscitee, et si quelqu'un refuse credit a la tradition pour la resurrection, il ne sçauroit convaincre celuy qui en fera de mesme pour la mort et trespas.

  A007002065 

 Mays nous qui sommes Chrestiens, croyons, asseurons et preschons qu'elle est morte, et bien tost resuscitee, parce que la tradition le porte, parce que l'Eglise le tesmoigne.

  A007002066 

 Le Filz qui receut son cors et sa chair de sa Mere venant en ce monde, ne permit pas que sa Mere demeurast ici bas, ni selon le cors ni selon l'ame; mais bien tost apres qu'elle eut payé le tribut general de la mort, il la tira apres soy au royaume de son saint Paradis.

  A007002066 

 Or, ce n'est pas asses de croire qu'elle est resuscitee, car il faut encor establir en nostre ame qu'elle n'est pas resuscitee pour mourir lautre fois comme fit le Lazare, mais pour suivre son Filz au Ciel, comme firent ceux qui resusciterent au jour que Nostre Seigneur resuscita; Math., 27.

  A007002067 

 Leves vous en ce commandement que vous aves fait, et ne permettes pas que ce cors qui vous a engendré sans corruption en reçoive maintenant par la mort; mais resuscités le et le saisisses sur les aysles de vostre puissance et bonté, pour le transporter du desert de ce monde bas en ce lieu de felicité immortelle.

  A007002067 

 Mays qui est l'enfant qui ne resuscitast sa bonne mere, s'il pouvoit, et ne la mist en Paradis apres qu'elle seroit decedee? Ceste Mere de Dieu mourut d'amour, et l'amour de son Filz la resuscita; et en ceste consideration laquelle, comme vous voyes, est toute raysonnable, nous disons aujourd'huy: Quæ est ista quæ ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super Dilectum suum? C'est le sujet de nostre feste, c'est l'occasion de ceste grande allegresse que tous les saintz celebrent en l'Eglise militante et triomphante..

  A007002068 

 Et comme douterons nous qu'a l'Assumption de la tressainte Mere du Sauveur tous les Anges n'ayent fait feste et celebré sa venue par toutes sortes de cantiques de joye, auxquelz joignans nos vœux et affections, nous devons faire une solemnelle feste avec des voix et chans de triomphe: Qui est celle ci qui monte du desert, abondante en delices?.

  A007002069 

 Aussi fut-ce la plus belle et magnifique entree qui fut jamais veuë au Ciel apres celle de son Filz; car quelle ame y fut jamais receuë si pleyne de perfections, si [454] richement paree en vertus et privileges? Elle monte du desert du monde inferieur, mais neanmoins tant parfumee de dons spirituelz que le Ciel, hors la personne de son Filz, n'a rien de comparable.

  A007002069 

 Elle monte sicut virgula fumi ex aromatibus myrrhæ et thuris: Qui est celle, est il dit au Cantique des Cantiques, qui monte du desert comme une colomne de fumee, parfumee de mirrhe et d'encens, et de toutes les poudres d'un parfumeur? La reyne de Saba vint, comme vous sçaves, visiter le roy Salomon pour considerer sa sagesse et le bel ordre de sa cour, et a son arrivee elle luy donna une grande quantité d'or, de parfums et de pierres pretieuses: Non sunt allata ultra tam multa aromata, quam ea quæ dedit regina Saba regi Salomoni.

  A007002070 

 Voules vous voir clair en ceste doctrine? Sçaches qu'en matiere de bonnes œuvres, il n'y a personne qui commence si tost a en faire ni qui continue si diligemment comme fit Nostre Dame; car quant a nous autres, nous commençons bien tard a en faire, et si nous en faysons, bien souvent nous les perdons par le peché et ne continuons pas; si que l'amas ne s'en trouve pas fort grand, car bien qu'a l'adventure nous assemblons quelques deniers de merite, ce n'est que quelquefois, et bien souvent nous jouons et dissipons nostre argent en un coup de peché.

  A007002071 

 Nostre Seigneur venant en ce monde chercha la plus basse place qui y fut et n'en trouva point de plus basse par humilité que la Vierge; maintenant il la remonte en la plus haute du Ciel par gloire.

  A007002072 

 Aves-vous pas remarqué que la reyne de Saba portant tant de [456] choses pretieuses en Hierusalem, les offrit toutes a Salomon? Ah, tous les Saintz en font de mesme, et particulierement la Vierge; toutes ses perfections, toutes ses vertus, toutes ses felicités sont rapportees, consacrees et dediees a la gloire de son Filz qui en est la source, l'autheur et le consommateur: Soli Deo honor et gloria; tout revient a ce point.

  A007002072 

 C'est ainsy, o Chrestiens, qu'il faut estre jaloux de l'honneur de Jesus Christ, non pas comme les adversaires de l'Eglise, qui pensent bien honnorer le Filz refusant l'honneur deu a la Mere; ou au contraire, l'honneur porté a la Mere estant rapporté au Filz, rend magnifique et illustre la gloire de sa misericorde..

  A007002072 

 Si elle est sainte, qui l'a sanctifiee sinon son Filz? Si elle est sauvee, qui en est Sauveur sinon son Filz? Innixa super Dilectum suum.

  A007002072 

 Voules-vous que Nostre Dame soit un lys de pureté et d'innocence? Ouy, elle l'est a la verité; mais ce lys a sa blancheur du sang de l'Aigneau auquel elle a esté blanchie, comme les estolles de ceux qui dealbaverunt eas in sanguine Agni, qui les ont lavees au sang de l'Aigneau.

  A007002073 

 Et pour tesmoigner la pureté de l'intention de l'Eglise en l'honneur qu'elle rend a la Vierge, je vous represente deux heresies contraires, qui ont esté contre le juste honneur de Nostre Dame: l'une par l'exces, qui nommoit Nostre Dame deesse du Ciel et luy offroit sacrifice, et celle-ci fut maintenue par les Collyridiens; l'autre par le defaut, qui rejettoit l'honneur que les Catholiques font a la Vierge, et celle-ci fut des Antidicomarites.

  A007002073 

 L'Eglise qui va tous-jours par le chemin royal et se tient dans le milieu de la vertu, ne combattit pas moins les uns que les autres, mais determinant contre les uns que la Vierge n'estoit que creature et que partant on ne devoit luy faire aucun sacrifice, elle establit contre les autres que neanmoins ceste sainte Dame, pour avoir esté Mere du Filz de Dieu, devoit estre reconneuë d'un honneur special, infiniment moindre que celuy de son Filz, mays infiniment plus grand que celuy de tous les autres Saintz.

  A007002073 

 Mais aux autres elle dit: le sacrifice est le supreme honneur de latrie qui ne doit estre porté qu'au Createur; et ne voyes-vous pas que la Vierge n'est pas la creatrice, mais une pure creature, quoy que tres excellente?.

  A007002074 

 Et pour moy, j'ay accoustumé de dire qu'en certaine façon la Vierge est plus creature de Dieu et de son Filz que le reste du monde; pour autant que Dieu a creé en elle beaucoup plus de perfections qu'en tout le reste des creatures, qu'elle est plus rachetee que tout le reste des hommes, parce qu'elle a esté rachetee non seulement du peché, mays du pouvoir et de l'inclination mesme du peché, et que racheter la liberté d'une personne qui devroit estre esclave, avant qu'elle le soit, est une grace plus grande que de la racheter apres qu'elle est captive.

  A007002075 

 Bref, nous la nommons belle, et belle plus que tout le reste des creatures, mais belle comme la lune qui reçoit sa clarté de celle du soleil, car elle reçoit sa gloire de celle de son Filz.

  A007002075 

 Et certes, de soy elle n'estoit pas digne d'aucun honneur, elle estoit sans odeur; mais puysque ce grand arc du ciel, ce grand signe de la reconciliation de Dieu avec les hommes, vint petit a petit a fondre sur ceste sainte espine, premierement par grace des sa conception, puys par filiation, se rendant entierement son Filz et reposant en son pretieux ventre, la suavité en a esté si grande que nulle autre plante n'en a jamais tant eu, suavité qui est tant aggreable a Dieu, que les prieres qui en sont parfumees ne sont jamais debouttees ni inutiles; mais tous-jours l'honneur en revient a son Filz duquel elle a receu son odeur..

  A007002076 

 Le Sauveur est advocat de justice, car il plaide pour nous, alleguant le droit et rayson de nostre cause; il produit nos pieces justificatives, qui ne sont autres que sa redemption, que son sang, que sa croix; il confesse a son Pere que nous sommes debiteurs, mais il fait voir qu'il a payé pour nous.

  A007002077 

 Et reginæ laudaverunt eam: et non seulement le peuple, mais les ames plus relevees, les prelatz, les docteurs, les princes et monarques l'ont loüee et magnifiee; et comme les oyseaux commencent a gazouiller chacun en son ramage a la pointe du jour, ainsy tous se sont evertués a celebrer ses honneurs, comme elle mesme l'avoit præveu, disant: Beatam me dicent omnes generationes, a la suitte desquelz tous les fidelles doivent, et vous le deves plus particulierement, o Parisiens, l'invoquer et luy obeyr, qui sont les deux premiers honneurs que nous luy pouvons rendre et qu'elle nous a invité a luy rendre..

  A007002078 

 Je trouve que Nostre Dame ne parla que deux fois aux hommes pour ce qui en est recité en l'Evangile: l'une, quand elle salua Elisabeth, et lhors c'est sans doute qu'elle pria pour elle, car le salut des fidelles se fait par prieres.

  A007002081 

 La reyne, qui a l'honneur de porter vostre nom, soit tous-jours a l'abril de vos saintes faveurs.

  A007002081 

 O tres sacree et tres heureuse Dame, qui estes au plus haut du Paradis de felicité, helas, ayes pitié de nous qui sommes au desert de misere; vous estes en l'abondance des delices, et nous sommes en l'abisme des desolations; impetres nous la force de bien porter toutes afflictions, et que nous soyons tous-jours appuyés sur vostre Bien-aymé, seul appuy de nos esperances, seule recompense de nos travaux, seule medecine de nos maux.

  A007002089 

 qui judicatis terrant.

  A007002096 

 4: Melior est puer pauper et sapiens, rege sene et stulto qui nescit prævidere in posterum. Regnans Saul duobus annis; id est, innocenter vivit; 1 Reg.

  A007002102 

 Non coronabitur nisi qui legitime certaverit; ut Ludovicum, qui pugnavit contra eos Usque ad internecionem.

  A007002105 

 Ac primo rem habuit cum proceribus regni, qui rempublicam turbabant; eos dejecit vel redegit, ac brevi pacavit: Sicut lilium inter spinas.

  A007002108 

 Beati qui faciunt justitiam in [466] omni tempore.

  A007002114 

 Qui vicerit, et custodiverit usque in finem opera mea, dabo illi pot estatem super gentes, et reget eas in virga ferrea, et tanquam vas figuli confringentur, sicut et ego accepi a Patre meo; Apoc.

  A007002119 

 Et maintenant, â rois, comprenez; instruisez-vous, vous qui jugez la terre.

  A007002123 

 Les cinq rois qui marchent contre les Gabaonites sont les sens extérieurs qui s'érigent contre les puissances de l'âme raisonnable..

  A007002124 

 Un enfant pauvre et sage vaut mieux qu'un roi vieux et insensé qui ne sait pas prévoir pour l'avenir. Saül qui règne deux ans, c'est-à-dire, qui vit dans l'innocence..

  A007002127 

 Ce n'est pas moi qui le fais, mais le péché qui habite en moi.

  A007002129 

 Prières avec larmes. Les lis aussi se multiplient par les larmes et les gouttes qui les arrosent.

  A007002130 

 Ainsi préparé, il devait être roi; comme David qui de ses actions privées concluait à ce que devaient être ses actes publics..

  A007002130 

 Oh! quel grand Roi! Il est bon à l'homme d'avoir porté le joug dès sa jeunesse. Nul ne sera couronné sinon celui qui aura légitimement combattu; comme Louis qui lutta contre ses ennemis jusqu'à l'extermination.

  A007002131 

 Il est vrai que les rois aux mœurs dépravées et corrompues sont des rois, que Dieu donne dans sa fureur; mais combien plus [465] heureux est l'état gouverné par un roi sage! Vos lis parleront par analogie, ces lis qui, d'après saint Ambroise, fleurissent et conservent leur éclat même quand la tige et les feuilles sont desséchées; leur épanouissement toutefois est bien plus beau quand ils sont entourés de feuilles printanières..

  A007002132 

 Et d'abord, il eut affaire avec les grands du royaume qui troublaient l'état; il les terrassa ou les soumit, et bientôt les apaisa: Comme le lis entre les épines. Dès que la question militaire eut été réglée, semblable à Melchisédech, roi de Salem (de la justice et de la pair.): que les montagnes reçoivent la paix pour le peuple, et les collines, la justice.

  A007002134 

 Distributive: il conférait tous les emplois à ceux qui en étaient dignes.

  A007002135 

 Bienheureux [466] ceux qui font justice en tout temps.

  A007002140 

 Celui qui aura vaincu, et aura gardé mes œuvres jusqu'à la fin, je lui donnerai puissance sur les nations; il les gouvernera avec une verge de fer et elles seront irisées comme le vase d'un potier, comme je l'ai obtenu moi-même de mon Père.

  A007002150 

 Qui coronat te in misericordia et miserationibus; [Ps.] 102.

  A007002156 

 Le roi d'Israël passe comme le matin. L'aurore se détruit elle-même eu naissant et croissant; Similitudes: d'après saint Jacques, la vapeur qui paraît [469] pour un peu de temps... pour cela les royaumes des Babyloniens, des Persans, des Grecs, des Romains sont vus en songe..

  A007002157 

 C'est lui qui te couronne dans sa miséricorde et dans sa bonté. Dans l'Ecclésiastique, il est dit d'Aaron: Il l'a couronné d'ornements de majesté, La crainte du Seigneur est une couronne de joie..

  A007002159 

 Grecz tiennent que la pasture du fresne est poison aux bestes qui ne ruminent.

  A007002167 

 40: Videbam vitem, etc. Psal. 68: Eripe me de luto, ut non infigar; libera me ab iis qui oderunt me, et de profundis aquarum.

  A007002172 

 » Je voyais un cep, etc. Retirez-moi de la fange afin que je n'enfonce point; délivrez-moi de ceux qui me haïssent et du profond des eaux.

  A007002183 

 Apoc. 20: Vidi thronum candidum, et sedentem super eum, a cujus conspectu fugit terra et cœlum, et locus non est inventus eis; et vidi mortuos, etc., et libri aperti sunt, et alius liber qui est vitæ; et judicati sunt mortui ex iis quæ scripta erant in libris secundum opera eorum.

  A007002184 

 1: Et erit in die illa; scrutabor in lucernis Hierusalem, et visitabo super viros defixos in fæcibus suis, qui dicunt in cordibus suis: Non faciet Dominus bene, non faciet male.

  A007002185 

 Cœli qui, ut libri, enarraverunt gloriam Dei.

  A007002186 

 9: Statutum est, etc. [Ps.] 88: Quis est homo qui vivet et non videbit mortem? Ro.

  A007002187 

 4: Ipse Dominus in jussu, in voce Archangeli, in tuba Dei descendet de cœlo, et mortui qui in Christo sunt resurgent primi. 1.

  A007002187 

 Surgite, mortui, et venite, etc. Jo. 5: Nolite mirari hoc, quia venit hora in qua omnes qui in monumentis sunt audient vocem Filii Dei; et procedent qui bona, etc..

  A007002195 

 Je vis un trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, etc.; et les livres furent ouverts, et un autre livre qui est le livre de vie; et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A007002196 

 En ce jour-la je scruterai Jérusalem avec des lampes et je visiterai les hommes enfoncés dans leur lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne fera pas de bien, il ne fera pas de mal. [ En ce jour-là; ] 1.

  A007002196 

 saint Jérôme (qui renvoie à Josèphe): de la destruction de Jérusalem; 3.

  A007002197 

 Les cieux qui, comme des livres, ont annoncé la gloire de Dieu.

  A007002198 

 Il est statué, etc. Quel est l'homme qui vivra et qui ne verra pas la mort? La mort a passé dans tous les hommes..

  A007002199 

 Aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l'Archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur même descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront les premiers.

  A007002199 

 Levez-vous, morts, et venez, etc. Ne vous en étonnez pas, car l'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien en sortiront, etc..


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons.html
  A008000123 

 Deinde, miracula sunt Ecclesiœ clos: Signa eos qui crediderint.

  A008000131 

 Ensuite, les miracles sont une prérogative de l'Eglise: Des prodiges [ accompagneront ] ceux qui auront cru.

  A008000131 

 Il en est de même du Christ, qui déclare ses miracles si nécessaires que si je n'avais pas fait, [dit-il,] parmi eux des œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient point de peché.

  A008000132 

 Tes yeux sont ceux des colombes... Beaucoup disent: Qui nous montre le bien?.

  A008000141 

 Qui sunt languentes, cæci, claudi, aridi? Cæci: non vident infideles; claudi, vel irascibili vel concupiscibili; aridi: tepidi, vel originale peccatum.

  A008000143 

 Et qui prior descendebat, sanus fiebat a quacumque infirmitate.

  A008000151 

 Quels sont les malades, les aveugles, les boiteux, les infirmes dont les membres sont desséchés? Aveugles: les infidèles ne voient pas; boiteux, dans l'appétit irascible ou dans l'appétit concupiscible; desséchés: les tièdes, ou encore ceux qui demeurent dans le péché originel.

  A008000153 

 Et celui qui descendait le premier était guéri de toute infirmité.

  A008000171 

 Item, qui retinent.

  A008000171 

 Sophoniæ: [7] Qui jurant in Deo et jurant in Melchon.

  A008000180 

 Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu; convertissez-vous et vivez. [6].

  A008000182 

 1 re raison: Parce que c'est Dieu qui a été offensé.

  A008000183 

 [2.] Ce qui nous fait mourir dans le péché..

  A008000184 

 De même, ceux qui retiennent.

  A008000184 

 Qui [7] jurent par Dieu et jurent par Melchom.

  A008000185 

 La deuxième cause est une fausse crainte des rigueurs de la pénitence; fausse, car le pécheur se réjouit et s'attriste, comme le singe qui mange une noix.

  A008000195 

 2: Thesaurisas tibi iram in [9] die irae, et... justi... qui reddet, etc. Apoc. ult.: Ecce venio cito, et merces mea mecum est, reddere unicuique.

  A008000195 

 Vobis, cognatis, petentibus qui nondum meruistis (Remigius; «superbis»), sed quibus paratum, id est, bene meritis.

  A008000196 

 Et qui loquebatur mecum, habebat mensuram arundineam auream; mensura hominis, quae est mensura Angeli; [Apoc.,] 21.

  A008000205 

 A vous, parents, qui demandez et n'avez pas encore mérité (Remi, «orgueilleux»), mais à ceux pour qui il a été préparé, c'est-à-dire, qui ont bien mérité.

  A008000205 

 En effet, il semble faire allusion à ce qu'il allait dire: Possèdez le royaume qui vous a été préparé; car j'ai eu faim, etc. Vous rendrez à chacun selon ses œuvres.

  A008000205 

 Le Fils de l'homme viendra dans la gloire de son Père, et alors il rendra à chacun. [9] Tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère, et... du juste... qui rendra, etc. Voil'a que je viens bientôt, et ma récompense est avec moi, pour rendre à chacun.

  A008000206 

 Et celui qui me parlait avait un roseau d'or pour mesurer; mesure d'homme, qui est la mesure de l'Ange.

  A008000209 

 Les arbres qui renversent leurs feuilles.

  A008000223 

 Omnes unum corpus sumus, qui de uno pane participamus et de uno calice participants.

  A008000227 

 Qui se nobis dat in manna abscondite, etc., cætera dabit postea in aperto.

  A008000236 

 Qui nous donnera de nous [12] rassasier de sa chair? L'Epouse: Mon Bien-Aimé m'est un faisceau de myrrhe, il demeurera entre mes mamelles.

  A008000237 

 Nous sommes tous un seul corps, nous qui participons à un seul pain et à un seul calice.

  A008000241 

 Au Ciel: Je me suis réjoui des paroles qui m'ont été dites: II vivra eternellement.

  A008000241 

 Celui qui se donne à nous dans la manne d'une maniere cachée, nous donnera ensuite le reste à découvert.

  A008000251 

 creditis mihi? Qui ex Deo est, verba.

  A008000258 

 Qui ex Deo est, verba Dei audit.

  A008000259 

 At et hic isti maledicti audiebant; audire non dicitur qui non obedit.

  A008000261 

 Ego non quaero gloriam meam; est qui quaerat et judicet.

  A008000266 

 Qui d'entre voits me convaincra de pichi? Si je vous dis la viriti, pourquoi ne me croyez-vous point? Celui qui est (le Dieu, icoute les paroles dc Dieu; et si vous ne les icontez point, c'est parce quc vous n'êtes point de Dieu..

  A008000267 

 Et maintenant le Christ, qui vient s'emparer de Jericho, la ville de la lune, la cite du monde, s'annonce comme un autre Josue qui a porte l'Arche d'alliance et accompli la loi, Qui d'entre vous me [15].

  A008000267 

 Exposer au debut l'histoire de Josue, VI, au sujet de Jericho enlevee par les pretres qui portaient l'Arche d'alliance, au son des trompettes.

  A008000268 

 convaincra de péché? et aussi qui a prêché et fait retentir comme une trompette la parole de Dieu: Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous point? Rien ne vous empeche de croire, puisque je vous dis la vérité et que vous ne trouverez rien dans ma vie qui n'y soit conforme.

  A008000269 

 Et tu disposeras un siège; ce qui a lieu lorsqu'on montre à l'homme par combien de vices, de péchés, de crimes il est assiégé.

  A008000270 

 Celui qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieu.

  A008000271 

 Ces maudits aussi entendaient à ce moment; on dit que celui qui n'obéit pas n'entend pas.

  A008000273 

 Je ne cherche point ma gloire; il est quelqu'un qui la cherchera et qui jugera.

  A008000273 

 Les Juifs dirent donc; Maintenant nous connaissons qu'il y a un démon en [18] vous; Abraham est mort, et les Prophètes aussi, qui prétendez-vous être? Jésus répondit: Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien; c'est mon Père, etc..

  A008000286 

 Quare? Quia utrumque dixit qui utrumque potuit; neque dixit et noluit.

  A008000289 

 «O miraculum,» inquit,«o Dei benignitatem! Qui cum Patre sursum sedet, in illo ipso temporis articulo omnium manibus pertractatur, ac seipsum tradit omnibus volentibus eum excipere et amplecti.» Et hom.

  A008000296 

 Courage donc! Des yeux de l'âme, contemplons son Ascension; et, de crainte que nos yeux soient éblouis, demandons à Dieu la grâce qui nous permettra de le voir, par l'entremise de Celle dont il s'est servi pour se rendre visible aux hommes.

  A008000299 

 Pourquoi? Parce que Celui qui pouvait faire l'un et l'autre a affirmé l'un et l'autre; et il n'a pas promis et refusé.

  A008000299 

 Toute la raison de l'acte est dans la toute-puissance de Celui qui agit..

  A008000301 

 Mais il fit son corps de ce qui auparavant était pain; comme l'eau changée en vin, la poussière de la terre en corps humain et en chair, l'os d'Adam en Eve.

  A008000302 

 Or, il y a treize cents ans que saint Chrysostôme s'en rapportait à ce miracle; Du Sacerdoce, liv. III. «O miracle,» s'écriait-il, «ô bonté de Dieu! Celui qui siège là-haut avec le Père, en ce moment même, se livre à toutes les mains, se donne lui-même à tous ceux qui veulent le recevoir et l'embrasser.» Et hom.

  A008000303 

 Voyez en effet, je vous prie, ce corps, non plus charnel, mais spirituel, qui pénètre les cieux.

  A008000311 

 Tunc vos, qui Christum primo venientem excepistis, levate capita vestra.

  A008000312 

 Erigo me ad te, nam tu es qui rigas aqua montes, ut saturentur ligna campi et cedri Libani; illic passeres nidificabunt.

  A008000317 

 Alors, vous, qui avez reçu Jésus-Christ dans son premier avènement, levez la tête.

  A008000317 

 Les hommes séchant, l'homme intérieur et l'homme extérieur, de frayeur, épouvantés qu'ils seront par ce qui surviendra dans tout l'univers, c'est-à-dire, dans l'homme tout entier.

  A008000318 

 Je m'élève vers vous, car c'est vous qui arrosez d'eau les montagnes, afin que les arbres de la campagne et les cèdres du Liban soient rassasiés; les passereaux y feront leurs nids.

  A008000326 

 Dilectus meus mihi et ego illi; qui.

  A008000331 

 Vous voyes que je vay faire un discours tout d'amour, mais que je ne puis faire si le Saint Esprit, amour celeste, ne m'inspire, et que Celle qui par luy a receu plus d'amour que nulle creature ne m'en impetre la grace.

  A008000333 

 Primum signum amoris est unio affectiva sive voluntatis; unde Christus: Si quis diligit me, sermonem meum servabit; Qui dicit se diligere Deum et mandata ejus non servat, mendax est; Erat illis cor unum et anima una; Anima Jonatœ conglutinata est cum anima David.

  A008000333 

 Sed non possum continere quin dicam duo: et historiam illam de amicitia Augustini, et retractationem quam fecit illorum verborum quæ sunt in fine cap. 6: «Ille autem qui dixit dimidium,» etc. Horatius est, de Virgilio navigante:.

  A008000338 

 Quartum est zelus, qui duplex: concupiscentiæ, ut prætendentium dignitates, quia ad bonum limitatum, et hic est invidia; amicitiæ, et avertit mala ab amico.

  A008000346 

 Celui qui dit qu'il aime Dieu et ne garde pas ses commandements est un menteur.

  A008000346 

 L'âme de Jonathas s'était collée a l'âme de David. Voilà pourquoi saint Augustin, liv. IV de ses Confessions, chap. VI, loue celui qui nommait son ami «la moitié de mon âme,» car par l'union mutuelle qui naît de l'affection, un ami est un autre soi-même.

  A008000346 

 Mais je ne puis m'empècher de citer deux faits: cette histoire de l'amitié de saint Augustin et la rétractation qu'il fit de ces mots qui se trouvent à la fin du chap. VI: «Mais celui qui a appelé la moitié,» etc. C'est Horace parlant de Virgile qui voyageait sur mer:.

  A008000348 

 Et celui-ci: Un glaive de douleur transpercera ton âme, Hugues l'interprète de l'âme du Christ qui est l'âme de Marie; aussi, près de la Croix, elle se tient debout liée dans des canaux, comme le lis entre les épines..

  A008000349 

 Qui nous séparera de la charité du Christ? Je suis cloué a la croix avec le Christ..

  A008000350 

 Denis l'Aréopagite, liv. IV des Noms Divins, dit que le Christ subit une extase en entrant dans le sein de la Vierge: C'est moi qui suis sortie de la bouche du Très-Haut, engendrée la première avant toute créature.

  A008000351 

 Celui d'amitié est le zèle qui protège l'ami contre les maux.

  A008000351 

 Il est double: celui de concupiscence, comme le zèle de qui prétend aux dignités; parce que ce bien est limité, ce zèle s'appelle envie.

  A008000351 

 Pour la maison de Dieu: Qui est scandalisé sans que je brûle? Zèle du Christ pour la Vierge: Pose-moi comme un sceau sur ton cœur.

  A008000351 

 Prenez-nous les petits renards qui ravagent les vignes, car ma vigne a fleuri.

  A008000359 

 16: Sunt de hic stantibus qui non gustabunt mortem donec videant Filium hominis in regno suo; et ibi loquebatur de regni cælesti..

  A008000361 

 Apoc. X: Angelus qui stabat super mare et super terram: Opportet te iterum prophetare gentibus et populis et linguis et regibus multis..

  A008000369 

 [1.] Il y en a de ceux qui sont ici présents qui ne goûteront pas la mort jusqu'à ce qu'ils voient le Fils de l'homme dans son royaume; et là il parlait du royaume céleste..

  A008000371 

 L'Ange qui se tenait debout sur la mer et sur la terre: Il faut encore que tu prophétises a un grand nombre de nations, de peuples, d'hommes de diverses langues et de rois..

  A008000382 

 Quemadmodum in tabulis et picturis in quibus sunt multæ personæ en petit volume, semper aliquid superest videndum et notandum, umbræ, pourfilz, raccourcissemens, entorses; sic in Evangelio Innocentium, in quibus sunt tot personæ parvæ, et præsertim parvulus ille Puer qui quæritur et non invenitur.

  A008000385 

 Quis est iste Herodes qui quærit Puerum ut perdat eum? Satan est, qui dum videt Christum adhuc puerum vult eum perdere, immissis suis satellitibus variis.

  A008000385 

 Recens natus Christus (sic) qui vult custodire debet fugere Hærodem.

  A008000391 

 Fabrum contemplamini, et ego quidem existimo quod quemadmodum Joseph parvulus somniabat, qui tam egregius postea fuit somniorum interpres, et David pascebat gregem patris qui tam belle pavit Israelem, ita Christus faciebat cruces, unde postea tam egregius fuit crucifixus et crucifixor..

  A008000398 

 POUR LE PREMIER DIMANCHE DE JANVIER QUI SE TROUVAIT ÊTRE L'OCTAVE DES SAINTS INNOCENTS. 1609, ANNECY.

  A008000400 

 Dans les tableaux et peintures qui représentent un grand nombre de personnages en petit volume, il reste toujours quelque chose à voir et à noter, ombres, profils, raccourcissements, entorses; il en est de même pour l'Evangile des saints Innocents, qui représente tant de petits personnages, et surtout ce petit Enfant qu'on cherche sans le trouver.

  A008000403 

 Quel est cet Hérode qui cherche l'Enfant pour le perdre? C'est Satan; quand il voit Jésus encore enfant, il veut le perdre et envoie ses divers satellites.

  A008000405 

 Exemple de l'éléphant qui craint la trace de l'homme.

  A008000406 

 Qui nous séparera? Pour moi, il m'est bon d'adhérer a Dieu.

  A008000408 

 Joseph qui plus tard devait si bien interpréter les songes, en faisait dans son enfance; David, avant d'être l'admirable pasteur d'Israël, paissait les troupeaux de son père: ainsi, le Christ fabriquait des croix, lui qui, plus tard, devait être si excellemment crucifié et crucifiant..

  A008000410 

 Saint François haïssait les fourmis qui amassent uniquement pour elles et enfouissent leur butin en terre; il aimait au contraire les abeilles, qui font du miel pour l'hiver, mais qui ne le mettent pas en terre et qui ne travaillent pas pour elles seules.

  A008000410 

 Tous veulent savoir ce qui leur arrivera.

  A008000424 

 Pii; qui stellas observabant propter prophetiam Balaam.

  A008000424 

 Qui sunt isti? Magi, non magici sed sapientes reges; qui non credendo credebant.

  A008000425 

 Deus omnibus est contentus: Abel dat pecora, et qui nisi ( sic ) pilos caprarum habebat dare poterat.

  A008000425 

 Sunt qui honorant Deum de eo quod non habent.

  A008000439 

 A qui? cause objective.

  A008000439 

 Examinons donc ces circonstances: Qui? la cause efficiente.

  A008000440 

 Qui? Car le don fait par une main inique est, pour ainsi dire, inique.

  A008000442 

 Des rois pieux, qui observaient les étoiles en vue de la prophétie de Balaam.

  A008000442 

 Qui sont ceux-ci? Des Mages, non des magiciens, mais des rois sages; sans avoir la foi, ils croyaient.

  A008000443 

 Bon Dieu! qui sait si tu vieilliras? Un autre dit: Si j'étais Capucin je ferais des sacrifices à Dieu; honore Dieu du bien que tu as.

  A008000443 

 D'autres, comme les voleurs, donnent ce qui ne leur appartient pas.

  A008000443 

 Dieu se contente de tout: Abel donne de ses troupeaux, et celui qui n'avait que des poils de chèvre pouvait les offrir.

  A008000443 

 Il y en a qui font hommage à Dieu de ce qu'ils n'ont pas.

  A008000445 

 A qui? Au Christ Notre-Seigneur.

  A008000448 

 Eschine, pauvre auditeur, lui dit: Pour moi, je ne trouve rien qui soit digne de toi, et c'est en cela que je me reconnais pauvre.

  A008000463 

 En jam hiems transiit, imber abiit et recessit; hiems ille carnifer et carnifex animarum, qui omnem pulcritudinem spiritualem terræ et animarum exsiccaverat, cordiumque motum hebetaverat, ac madidum et infaustum imbrem sordidarum delectationum genuerat.

  A008000465 

 Ita Domine, in zelo dilectionis [46] tuæ dicam: Ut præcor ignoscas iis qui pœnitentiam facere volunt, sic concedo ne illis ignoscas qui irrident te, Domine, et misericordia tua abutuntur..

  A008000466 

 At tu, Deus, benedic omnibus nobis, qui es Pater et Filius et Spiritus Sanctus..

  A008000469 

 Ponens in thesauris abissos; [Pss.] 32, 134: Qui producit ventos de thesauris suis.

  A008000470 

 Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam, id est, Sancti, qui semper appetunt.

  A008000470 

 Qui me gustant adhuc esuriunt, qui bibunt adhuc sitiunt.

  A008000470 

 Sunt quidam Christiani qui satiantur uno vel minimo bono opere; ubi dixerint unum Pater, ubi dederint micam panis, ubi condonaverint unam injuriolam; isti nunquam thezaurizabunt..

  A008000471 

 Qui autem vult congregare, debet minima etiam curare, nova et vetera, super pauca esse fidelis, nihil spernere; manum suam mittere ad fortia, ad negotiationem, et apprehendere fusum.

  A008000472 

 Debent congregari prætiosa; nam qui vilia metalla congregaret non tam thesaurum quam acervum congereret.

  A008000472 

 I. c. 20, qui mire amplificat.

  A008000473 

 Tu autem, qui hipocrita non es, unge caput tuum et faciem tuam lava.

  A008000474 

 Intentio formanda, nam rectificat opus, et si, quod plerique existimant, ut inter alios Suaresius, non sit necessaria formalis et actualis, at certe certius et tutius est eam habere actualem et oculos in Deum intendere: Ad te levavi oculos meos, qui habitas in cœlis; ecce sicut oculi servorum in manibus dominorum suorum, etc. In manibus sunt, quia quidquid manus [52] domini indicat, id facere manus servi tentat; oculus autem admonet faciendum: Vulnerasti me in uno oculorum tuorum.

  A008000474 

 Unde sequitur: Ne videaris hominibus jejunans, sed Patri tuo qui videt in abscondito; et Pater tuus qui videt in abscondito reddet tibi.

  A008000477 

 Sed occidit, qui Paulum tanquam mortuum ad terram dejecit, vivificat qui eum ad prædicandum misit.

  A008000478 

 In Psal. 147: Qui dat nivem sicut lanam.

  A008000478 

 Nix est aqua quæ coagulata cadit, id est, homines qui frigidi et propemodum congelati ad terrena cadunt.

  A008000481 

 7: Verte impios et non erunt: si quæ sursum habet peccator deorsum et quae deorsum sursum vertas, id est, carnem subjicias quæ imperabat, spiritum eleves qui jacebat, si ita vertas, non erit amplius peccator; ferebatur grabato et nunc fert grabatum.

  A008000481 

 Sed addo Christum verbis suis cor vulnerare ut ad se adducat et sanet; nam ut venator qui capreas Cretenses vulnerat, porrecto dictamo [56] sanat.

  A008000490 

 Ecoutons chanter le Christ, notre philomèle: Thésaurisez, etc. Entendons la voix de l'Eglise, cette tourterelle qui chante sur notre terre: «Souviens-toi, ô homme,» que tu es cendre et que tu retourneras en cendre.

  A008000490 

 Voici que d éjà l'hiver est passé, la pluie a cessé et s'est retirée; cet hiver qui porte à la chair et décharné les âmes, qui avait terni toute cette beauté spirituelle de la terre et des âmes, qui avait alangui les cœurs, qui avait produit cette malheureuse averse de plaisirs indignes.

  A008000491 

 Qui donc les y a recélés? N'est-ce pas vous, ô Vierge? Mais dites-moi, ô Mère très aimante, [45] pour qui les mères cachent-elles des trésors, si ce n'est pour leurs enfants? C'est donc pour nous que vous les avez cachés.

  A008000492 

 [46] Oui, Seigneur, inspiré par le zèle de votre amour, je vous en supplie, pardonnez à ceux qui veulent faire pénitence, et vous pourrez punir, Seigneur, ceux qui se rient de vous et abusent de votre miséricorde..

  A008000493 

 Quant à vous, ô Dieu, qui êtes Père et Fils et Saint-Esprit, bénissez-nous tous..

  A008000494 

 Mais comme l'âme est supérieure au corps et [47] que le traitement de celui-ci n'est qu'en vue de la grâce qui en revient à l'âme, parlons d'abord des trésors qu'il faut amasser..

  A008000495 

 Au ciel, en effet, s'amassent les eaux pluviales, si précieuses en leur temps, et qui sont cachées dans les nues.

  A008000495 

 C'est lui qui produit les vents de ses trésors.

  A008000495 

 On appelle trésor «un ancien dépôt d'argent, complètement oublié, et qui, partant, n'a pas de propriétaire.» Code, liv. X, [titre XV,] Des Trésors, loi unique.

  A008000496 

 Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, c'est-à-dire les Saints, qui sont toujours affamés.

  A008000496 

 Ceux qui me goûtent ont encore faim, ceux qui me boivent ont encore soif.

  A008000496 

 [49] Le corps et l'âme sont contraires l'un à l'autre, et il en est de même, à peu près, de tout ce qui se rapporte à l'un et à l'autre.

  A008000497 

 Quant à celui qui veut amasser, il doit se préoccuper des plus petites choses, des nouvelles et des anciennes, être fidèle en peu de choses, ne rien mépriser; mettre sa main aux choses fortes, au négoce, et en même temps, tenir le fuseau.

  A008000498 

 Le mot du Seigneur est: «Soyez bons changeurs,» bons banquiers, d'après Cassien, Conférence I, chap. XX, qui développe admirablement ce point.

  A008000498 

 Pour constituer un trésor il faut amasser des choses précieuses; car celui qui amasserait de vils métaux composerait moins un trésor qu'un monceau quelconque.

  A008000499 

 Pour toi qui n'es pas hypocrite, oins ta tête et lave ton visage.

  A008000499 

 Saint Augustin: La tête, c'est-à-dire l'âme; oins de joie spirituelle la partie supérieure de ton âme, et lave ton visage, c'est-à-dire la partie inférieure de l'âme, celle qui agit par les sens.

  A008000500 

 D'où il s'ensuit: Afin que les hommes ne voient pas que tu jeûnes, mais seulement ton Père qui voit dans le secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.

  A008000500 

 J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux; comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [52] Les yeux sont fixés sur les mains parce que tout ce que la main du maître indique, la main de l'esclave l'entreprend; et l'œil avertit de ce qui est à faire.

  A008000503 

 Ainsi [54] saint Paul fut père: Car eussiez-vous plusieurs milliers de précepteurs, vous n'avez cependant pas plusieurs pères, etc.; il fut mère: Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement. » Or, comment le Christ nous vivifie de son sang, nous le comprenons; comment de sa bouche il nous donne la mort, la chose est moins claire.

  A008000503 

 Le Christ envers nous a une autorité paternelle et une maternelle affection, comme la poule qui, par autorité, rassemble ses poussins, et par affection les réchauffe.

  A008000503 

 Mais oui, il donne la mort Celui qui précipita Paul à terre et le laissa pour mort; Celui-là vivifie qui l'envoya prêcher au monde.

  A008000504 

 Et qui répand le brouillard comme de la cendre.

  A008000504 

 La neige est une eau qui tombe congelée, symbole de ces cœurs froids et comme glacés qui tombent dans les biens de la terre.

  A008000504 

 Sur le Psaume CXLVII: C'est lui qui donne de la neige comme de la laine.

  A008000505 

 Il est donc dit que le Christ condamnerait le péché par le péché, c'est-à-dire l'œuvre du péché qui est la mortalité, par la mort elle-même, etc. Sous ce cilice il cachait la vie immortelle et la divinité.

  A008000506 

 J'ajoute que le Christ blesse les cœurs par sa parole afin de les ramener à lui et de les guérir; tel ce chasseur qui après avoir [56] blessé les cerfs de Créte leur offre un dictame qui les guerit.

  A008000506 

 Renversez les impies et ils ne seront plus: tournez sens dessus dessous le pécheur, c'est-à-dire, soumettez la chair qui commandait, elevez l'esprit qui gisait a terre; ainsi retourné il ne sera plus pécheur; son grabat le portait, il porte maintenant son grabat.

  A008000507 

 Il est étonnant que de si petites pierres soient vendues si cher, comme la perle de Cléopâtre; mais c'est une convention parmi les hommes qui attribue à ces pierreries une valeur relative de plusieurs milliers de pièces d'argent.

  A008000515 

 24, Rebecca, videns Isaac venientem in occursum sibi: Quis est, inquit, ille homo qui venit per agrum in occursum nobis? Dixitque Eliezer: Ipse est dominus meus. Illa descendit et operuit pallio.

  A008000519 

 [3.] Greg.: Nox, tempus Mosaicum, aurora, Evangelicum, dies, resurrectio; medium tempus umbra sine re, in Cælo res sine umbra, etc. Hora est; surge qui dormis, Eph.

  A008000527 

 Rébecca voyant Isaac qui venait au-devant d'elle: Quel est cet homme, dit-elle, qui vient a travers le champ, a notre rencontre? Eliézer répondit: C'est mon seigneur.

  A008000528 

 Quel est ce salut? Le jour qui approche; or ce jour est l'opposé de la nuit qui passe.

  A008000529 

 Ainsi saint Paul: Or ces choses ont été écrites pour notre instruction, pour nous qui nous trouvons à la fin des temps... Mes petits enfants,cette heure est la dernière... Ses voies sont souillées en tout temps; vos jugements sont otés de devant sa face.

  A008000530 

 Anselme et Origène: La nuit est la vie présente; le jour, le temps qui suit la mort de chacun, non pas après le jugement général, mais après le particulier.

  A008000530 

 Saint Jean l'Aumônier avait la coutume de discourir [60] fréquemment sur la mort, pour convertir ceux qui venaient à lui, et rapportait les paroles de saint Siméon Stylite au sujet d'une révélation que celui-ci avait eue sur les assauts que les démons livrent aux mourants, etc. L'heure est venue.

  A008000531 

 [3.] Saint Grégoire: La nuit est le temps de la Loi mosaïque; l'aurore, celui de la Loi évangélique; le jour, la résurrection; le temps intermédiaire nous offre l'ombre sans la réalité, au Ciel nous aurons la réalité sans ombre, etc. L'heure est venue; lève-toi, toi qui dors.

  A008000543 

 Beati omnes qui timent Dominum, qui ambulant.

  A008000543 

 Beatus vir qui timet Dominum; in mandatis.

  A008000543 

 Qui timent Dominum speraverunt in Domino; adjutor.

  A008000543 

 Quia, inquit, timor omnibus necessarius est, et debebat fonte pleno esse in eo qui omnibus eum communicare debebat; nam timor præparat animam caritati, et, ut inquit Augustinus, timor est servus caritatis qui illi cubile præparat.

  A008000544 

 Augustinus, explicans ea verba: Ad alligandos reges eorum in compedibus et nobiles eorum in manicis ferreis, distinguit inter eos qui clavis aureis, id est, charitatis.

  A008000544 

 Morali timemus judices, qui non sine causa, inquit Paulus, gladium portant.

  A008000544 

 Nolite timere eos qui occidunt corpus.

  A008000551 

 Aussi, la Bienheureuse Vierge dit-elle: Et sa miséricorde s'étend de génération en génération sur ceux qui le craignent..

  A008000551 

 Bienheureux l'homme qui craint le Seigneur; dans [ ses ] commandements, etc. Bienheureux tous ceux qui craignent le Seigneur, qui marchent, etc. Ceux qui craignent le Seigneur ont espéré dans le Seigneur; [ il est leur ] secours.

  A008000551 

 La crainte, en effet, dispose l'âme à la charité; elle est, comme dit saint Augustin, la servante de la charité, à qui elle prépare la chambre.

  A008000551 

 Saint Jérôme demande pour quelle cause il est dit de la crainte seule que le Seigneur l'en remplira, et il répond: Parce que la crainte est nécessaire à tous, et que sa pleine source devait être en Celui qui devait la dispenser à tous.

  A008000552 

 La morale nous fait craindre les juges, qui, comme le dit saint Paul, ne portent pas le glaive sans raison.

  A008000552 

 Ne craignez pas ceux qui tuent le corps.

  A008000552 

 Saint Augustin expliquant ces mots: Pour mettre aux pieds de leurs rois des chaînes, et a leurs princes des menottes de fer, distingue parmi eux ceux qui sont liés avec des nœuds d'or, c'est-à-dire avec les liens de la charité.

  A008000560 

 Christiana, apud D. Thom.: «Quisquis rebus utitur restrictius quam mores bonorum inter quos versatur se habent, aut intemperans aut superstitiosus est; si excedat, aut aliquid significat (more histrionum scilicet, qui vestibus regum utuntur cum ipsi sunt miselli), aut flagitiosus est.».

  A008000563 

 Ite, dilectissimi auditores, ite, popule meus, [65] ad Christum, et dicite illi meo nomine: Tu es qui venturus es, an alium expectamus? Videtis eum venientem, utero Matris inclusum, ipse tamen est qui venturus est judicare vivos et mortuos, nec alium expectare debemus.

  A008000565 

 Dum tamen officio funguntur exuunt illas vestes, quia velamen auferendum fuit Joanni, et illis ex Sinagoga qui proxime Christi adventum annunciarunt..

  A008000569 

 4 e, eorum quos refert Amb., dat ansam loquendi de amore præpostero carnali, etiam hominum qui nolunt filios fieri sacerdotes, religiosos, homines dare operam rebus devotionis..

  A008000572 

 Que nous prenons et qui nous prennent.

  A008000577 

 Que faisait Jean-Baptiste au désert? Il baptisait en figure et les peuples étaient purifiés; il prêchait la pénitence et la rémission des péchés, il annonçait Celui qui devait venir.

  A008000578 

 Ah! de grâce, pourquoi ta vie est-elle du vent? Saint Chrysostôme dit très bien: «Il en est qui sont irascibles par tempérament, d'autres par suite d'une longue infirmité deviennent chagrins; de même, quelques-uns sont changeants par nature, d'autres le deviennent en suivant leurs mauvais penchants.» Presque tout ce que vous jetez dans l'eau tiède s'amollit, ainsi l'âme qui s'abandonne à la mollesse, etc. Jérusalem a excessivement péché, c'est pourquoi elle a perdu sa stabilité.

  A008000578 

 Ceux-là sont agités du vent « qui sont élevés [64] par la faveur ou précipités par la disgrâce,» dit saint Grégoire.

  A008000578 

 Saint Augustin, dans son livre De la Doctrine Chrétienne, cité par saint Thomas, dit: «User des choses de cette vie avec plus de rigueur que les honnêtes gens qui vous entourent dénote la crainte de l'intempérance ou la tendance au scrupule; en user avec excès est preuve de prétention (comme ces histrions qui, tout misérables qu'ils sont, se couvrent d'habits royaux) ou de corruption.».

  A008000580 

 Ainsi au jour du jugement, il redira comme il dit aujourd'hui de saint Jean: Qu'êtes-vous allés voir dans le monde? Pour qui furent vos prévoyances et vos soins? Pour des roseaux, pour des hommes mollement vêtus, pour des prophètes? Oui, plus que des prophètes, car ils annoncèrent l'avenir et s'y préparèrent.

  A008000580 

 Allez, bien-aimés auditeurs, allez, mon peuple, au Christ, et demandez-lui en [65] mon nom: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Vous le voyez venir enfermé dans le sein de sa Mère, et c'est lui-même cependant qui viendra juger les vivants et les morts; nous ne devons pas en attendre un autre.

  A008000581 

 En ce temps-ci, le diacre et le sous-diacre portent à la Messe des planètes ou chasubles dont la partie antérieure est repliée, pour signifier qu'avant la venue [du Messie] les mystères [66] n'avaient pas encore été révélés et que les anciens n'avaient qu'un sacerdoce incomplet; mais lorsqu'ils exercent leurs fonctions, ils dépouillent ce vêtement, parce que le voile fut ôté des yeux de Jean et des membres de la Synagogue, contemporains du Christ qui annoncèrent sa venue..

  A008000582 

 1 re opinion, celle de Tertullien qui porterait à croire que saint Jean fut privé non seulement de l'esprit prophétique, mais encore de l'esprit de foi.

  A008000585 

 4 e, celle des auteurs que cite saint Ambroise, peut s'entendre de l'amour désordonné et charnel de ces hommes qui empêchent leurs fils de se faire prêtres ou religieux, ou les autres de s'adonner aux pratiques de dévotion..

  A008000597 

 Ut qui desiderans servire Deo et vitare offensam Dei, excitatur et movetur a timore, etc. Hic est actus spei, nam eadem virtus quæ inclinat ad prosequendum bonum inclinat etiam ad fugiendum malum.

  A008000597 

 Ut qui dicit: Si Deus præciperet rem talem et præcepto non adhiberet pœnæ comminationem, etc., ego peccarem; verum quia, etc., est peccator affectu.

  A008000604 

 Comm'en un'assemblee publique et solemnelle, apres que chacun s'est retire, tous les serviteurs qui portoyent les flambeaux les esteignent, et par tout l'hostel on va commandant qu'on ammortisse les torches, ainsy, lhors que le moncle finira et que les habitans seront mors, [68] Dieu fera esteindre les flambeaux du ciel: Sol obscurabitur et luna non dabit lumen suum.

  A008000607 

 Ainsi, qui dirait: Si Dieu prescrivait telle chose et ne sanctionnait pas ce précepte par la menace d'un châtiment, etc., je pécherais; mais comme, etc., celui-là serait pécheur d'affection.

  A008000607 

 Celle des serviteurs... qui agissent par crainte du châtiment; elle se subdivise encore en bonne et mauvaise.

  A008000607 

 Quand la crainte excite et entraîne au [70] désir de servir Dieu et d'éviter le péché, etc. Cette crainte est un acte d'espérance, car la même vertu qui pousse au bien détourne aussi du mal.

  A008000614 

 Tu es qui venturus es, an alium.

  A008000618 

 Paucis verbis Joannes duos maximos Christi titulos explicat in hac legatione: Qui venturus es, et, quem expectamus.

  A008000619 

 49: Non auferetur sceptrum de Juda et dux de femore ejus, donec veniat qui mittendus est, Siloh.

  A008000625 

 Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? En ce peu de mots, saint Jean exprime les deux plus beaux titres du Christ: qui doit venir et que nous attendons.

  A008000626 

 (Qu'il vienne est à noter.) Que Celui qui doit être envoyé vienne, c'est-à-dire, Celui qui doit venir.

  A008000626 

 Celui qui doit venir est un nom célèbre et un éloge du Christ, 1.

  A008000626 

 Le sceptre ne sera pas ôté de Juda ni le chef de sa postérité, jusqu'à ce que vienne Celui qui doit être envoyé, Siloh. Ce mot a différentes significations, selon la diversité des racines: son fils, pacifique, envoyé; les Septante: jusqu'à ce que vienne Celui pour lequel il a été gardé, c'est-à-dire le sceptre.

  A008000627 

 Voyez Péréira pour l'interprétation de ce passage, d'après les anciens Pères qui l'entendent de l'Antechrist..

  A008000628 

 Mais pourquoi ces mots: qui doit venir? Pourquoi cette attente? 1.

  A008000639 

 Aussi, ces lampes ardentes qui sortoyent des potz casses estoyent un signe mistique que bien tost la gloire d'Israel et le triomphe de la victoire sortiroit d'entre les cors mortz et abbatuz des Madianites, dequoy la trompette les advertissoit..

  A008000639 

 Car le son des trompettes ayant donne une effroyable alarme aux oreilles, le feu qui paroissoit de toutes pars autour de l'ost et en pleyne minuit, donna un'apprehension comme de quelque spectre espouvantable, aux [troupes] de l'ennemi.

  A008000639 

 Le son de la trompette reveilla [74] les Madianites, qui, regardans la part d'ou venoyt le son, virent de tous costes paroistre en un moment 300 lampes ardentes qui sortoyent d'entre les morceaux brises d'autant de potz casses.

  A008000639 

 Quand Gedeon entreprit la celebre bataille qui est descritte au Livre des Juges, chap. 7, il commanda aux troys cens soldatz d'eslite qu'il avoit pris pour compaignons d'une si dign'entreprise, de ne point employer d'autres armes que le son des trompettes et de la clarte des lampes ardantes qu'un chacun d'eux portoit en sa main.

  A008000640 

 Sed ex hac lagena confracta exit lampas: Ascende in montem excelsum, tu qui evangelizas Sion; dic [75] civitatibus Judæ: Ecce.

  A008000640 

 Tu autem cum jejunas, unge caput tuum et faciem tuam lava; et Pater tuus qui videt in abscondito reddet tibi..

  A008000641 

 Mays, o Seigneur et Sauveur de nos ames, si mon ame vient icy animee du desir de sanctifier vostre nom sur ce peuple, si le courage de mon cceur tend a glorifier vostre grace, et si je suis passionne du desir de bien annoncer le fruit de vostre Passion a ces ames qui sont le sujet pour lequel vous la souffristes, he, doux Jesus, soyes moy propice, et puisque j'ay volonte de parler, donnes moy le moyen et m'inspires de quoy dire.

  A008000641 

 Mes chers auditeurs, si j'apporte en cette chaire autre desir de gloire que le desir de la gloire de Dieu, si j'y viens pour autre passion que pour la Passion du Sauveur, si j'ay prætention d'autre issue que de celle de vostre salut, que ma langue se replie en derriere, et demeur'attachee a mon gosier, que ma bouche soit dessechee et comm'une fontaine tarie qui ne peut point respandre ses eaux.

  A008000644 

 Vox dicentis mihi: Ascende in montem excelsum, tu qui evangelizas; exalta in fortitudine vocem tuam.

  A008000645 

 Ficus vero bonas, bonas valde: Tu autem cum jejunas, unge caput tuum; Pater tuus qui videt in abscondito reddet tibi; Thesaurizate vobis thesauros, etc. Ecce jam et bonas et malas ficus quas ostendit Dominus degustemus, in nomine Domini; præcemur autem Virginem ut et bonas nobis optimas, malas vero etiam bonas sua intercessione faciat..

  A008000647 

 Et je suis sorti au champ de l'Escriture qui est proposee en 1'Evangile d'aujourdhuy, et avois cueilly a la bonne foy des collochintes: «Memento homo;» Convertimini in jejunio, fletu et planctu, etc. Mays si vous en goustes de la sorte, o Dieu, dires vous, cette prædication est toute de mort: Mors in olla, vir Dei.

  A008000649 

 Sodales Domini volunt esse quicumque hominis cor possidere contendunt; mundus demon, hic amicus qui vult se [79] præferri Dei mandatis, illa amica, etc. Vox est naturæ humanæ inquirentis suam beatitudinem..

  A008000650 

 Quasi dicat: Vis secura esse? ne declines post amatores multos; incipe a cognitione tui, et habe pro certo quod si ignoras te, o pulcherrima inter mulieres, abibis post vestigia gregum tuorum, id est, affectuum variorum, et pasces hædos, id est, motus pravos, juxta tabernacula aliorum, qui se sodales meos esse gloriantur, corrivaux, et pascunt animas, sed ventis..

  A008000654 

 Ceux qui chassent au chevreul se joignent aux rochers, car silz voyent tant soit peu d'ouverture, ilz se fourrent; il faut ainsi adhærer aux commandemens, ne latum quidem unguem discedere.

  A008000657 

 Quid tristes estis qui tantam mercedem expectatis? Quid, sicut hipocritæ, vos qui gloriam habere potestis æternam, quomodo temporalem sectamini? [85].

  A008000661 

 Me voyant appelé à occuper [76] cette chaire, bien-aimés auditeurs, il me semble entendre, comme un autre Isaïe, une voix qui me dit: Crie..

  A008000662 

 Ce qui arriva une fois à Isaïe, arrive habituellement à tous les prédicateurs, serviteurs du Christ: [1.] Voici la voix de quelqu'un qui me dit, affirme le Prophète.

  A008000662 

 Et moi aussi: Voici la voix de quelqu'un qui me dit; Crie; car, et à lui et à moi, incombe le devoir d'évangéliser.

  A008000662 

 Voici la voix de quelqu'un qui me dit: Monte sur une haute montagne, toi qui évangélises; élève avec force ta voix.

  A008000663 

 Les douces, très douces: Mais toi, lorsque tu jeûnes, oins ta tête; ton Père qui voit dans le secret te le rendra; thésaurisez des trésors, etc. Allons donc, et au nom du Seigneur, goûtons les figues douces et les figues amères qu'il nous montre, mais prions la Vierge de nous rendre, par son intercession, celles qui sont amères, douces, et les douces excellentes..

  A008000665 

 C'est pourquoi voici que notre Elisée dit: Apporte -moi de la farine; sers-nous l'Evangile, qui n'est autre qu'un grain de froment (c'est-à-dire le Christ lui-même broyé et [78] manifesté par divers enseignements); et il la mit dans la marmite, joignit l'Evangile à la Prophétie, et dit: Verses-en pour tout le monde.

  A008000665 

 Voici l'amertume: «Souviens-toi, ô homme;» dans le jeûne, les pleurs et les gémissements; mais voilà que la mort qui suit n'est plus amère: c'est la possession d'un trésor au Ciel.

  A008000666 

 Indiquez-moi, ô vous que chérit mon âme, où vous paissez, oit vous reposez au midi; c'est-à-dire, quelle est l'âme que vous aimez, qui fait vos délices, en qui vous vous délectez, en qui vous nourrissez vos affections que vous placez en elle comme dans un lit, de crainte que, ignorant la manière de vous plaire, je ne commence à m'égarer dans les affections mondaines des mondains.

  A008000666 

 Veulent être rivaux du Seigneur tous ceux qui cherchent à gagner le cœur de l'homme; le monde, le démon, cet ami qui veut être préféré aux commandements de [79] Dieu, cette amie, etc. C'est la voix de la nature humaine à la recherche de sa béatitude..

  A008000667 

 Comme s'il disait: Veux-tu être en sûreté, ne te détourne pas après de nombreux amants; commence par la connaissance de toi-même, et tiens pour certain que si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les femmes, tu suivras les traces de tes troupeaux, c'est-à-dire de tes diverses affections, tu paîtras tes chevreaux, c'est-à-dire les affections mauvaises, près des tentes d'hommes étrangers qui se glorifient d'être mes rivaux, et paissent les âmes, mais de vent..

  A008000668 

 Leur sens serait: Si tu ignores, ô âme, ou je repose au midi, suis les traces des troupeaux des anciens Pères, suis la doctrine reconnue et commune, et pais tes chevreaux, c'est-à-dire tes pensées, qui, sous la lumière naturelle, sont des chevreaux, mais qui deviendront des brebis à la lumière surnaturelle, près des tentes des pasteurs, c'est-à-dire des Evêques préposés aux fidèles par le Concile des Conciles, le Siège apostolique.

  A008000668 

 Pour moi, je ne vois pas ici un reproche, mais un conseil bienveillant qui nous apprend de quelle manière nous devons débuter dans la recherche de Dieu.

  A008000669 

 Pour expliquer le second sens, rappelons que Dieu dès l'origine nous a donné le nom d'Adam: Il les créa mâle et femelle, et leur donna le nom d'Adam, qui signifie terrestres, formés de boue, comme le dit saint Grégoire de Nysse, De la Création de l'homme, chap. XXII. Du limon de la terre; afin qu'à notre nom qui rappelle la terre, nous nous souvenions de la mort: o Souviens-toi, ô homme.» Mais nous nous en souvenons assez, dis-tu.

  A008000670 

 Donc, dès que la femme est créée, il vient et dit: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? Voyez la ruse: Pourquoi a-t-il commandé? Parce qu'il est le Seigneur; c'est lui qui nous a faits, et nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes.

  A008000671 

 Ceux qui chassent au chevreuil se joignent aux rochers, car s'ils voient tant soit peu d'ouverture ils se fourrent; il faut ainsi adhérer aux commandements et ne pas même s'en écarter de la largeur d'un ongle.

  A008000671 

 Voici le diable qui s'y précipite: Vous ne mourrez point.

  A008000674 

 Donc, étant capables de la vie éternelle, lorsque vous jeûnez, ne soyez pas tristes comme les hypocrites. Pourquoi êtes-vous tristes, vous qui attendez une telle récompense? Pourquoi, comme les hypocrites, poursuivez-vous une gloire éphémère, vous qui pouvez aspirer à une gloire éternelle? [85].

  A008000685 

 [v.] 22: Qui invenit mulierem bonam, invenit bonum et hauriet jucunditatem a Domino.

  A008000696 

 Celui qui a trouvé une femme vertueuse a trouvé le bien, et il puisera la joie dans le Seigneur.

  A008000696 

 La maison et les richesses sont données par les parents, mais c'est proprement le Seigneur qui donne une femme prudente.

  A008000696 

 L'anneau qui porte le sceau, comme à un homme initié à tous les secrets pour l'expédition des affaires, etc. Ainsi dans notre Evangile, l'Ange révèle à Joseph le secret des secrets.

  A008000697 

 Les yeux de la Vierge sont comme les piscines en Hésêbon, qui sont à la porte.

  A008000712 

 Et nobis deerit qui serpentibus non deest? Terram comedit serpens, et cibo non caret; Cælum comedit cor hominis, et Cælo carebit? Relinquit venenum cum bibit, et homo non relinquet venenum passionum cum recreatur cælestibus? Qui non deserit desertorem serpentem, quomodo relinquet hominem fideliter sequentem? Evangelium hesternum de providentia Dei..

  A008000717 

 Calumniæ non læserunt Apostolos et reliquos humiles; te etiam non lædunt, sed tua superbia et arrogantia qui te magis sentire facit injuriam tuam..

  A008000718 

 Sed jam o expergiscimini, Fratres! Qui Angelis non pepercit propter unam malam cogitationem factam in [94] templo, quomodo vobis parcet, facientes cachinnos? Ego quidem vellem etiam dato sanguine, ut omnia peccata in æternum relinqueretis, verum ego specialiter adjuro vos, ut templis reverentiam habeatis; vos nobiles civitate, vos mulieres, etc. Camberium est exemplar totius Sabaudiæ.

  A008000727 

 La Providence ne s'occupe pas seulement des plus grandes choses, comme du décor des cieux, c'est-à-dire de la disposition des sphères célestes, de la variété de leur cours et de leurs mouvements, de la place et de l'ordre des étoiles et des planètes, etc.; mais aussi des moindres, comme [89] de la génération du serpent, de celle de la couleuvre, animal bien petit et le moindre de tous ceux qui se communiquent la vie sans génération spontanée.

  A008000729 

 Par sa seule parole, Dieu créa le ciel, et, au souffle de son esprit, les cieux, tirés du néant, furent ornés; par son souffle, il créa le soleil, la lune, les étoiles, Orion, Mercure, etc., et les ceignit du zodiaque comme d'une ceinture, etc. Mais pour les choses terrestres, Dieu se sert comme d'une main pareille à celle qui donnant les premiers soins à un nouveau-né, le lave, le réchauffe, l'enveloppe, etc. Ainsi Dieu opère tout par des actes successifs: la génération, la corruption, l'accroissement.

  A008000730 

 Et Celui qui pourvoit aux serpents nous abandonnerait! Le serpent se nourrit de terre et ne manque pas de nourriture; le cœur de l'homme se nourrit du Ciel et le Ciel lui manquerait! Lorsque le serpent boit, il perd son venin, et l'homme restauré d'aliments célestes ne déposerait pas le venin des passions! Celui qui n'abandonne pas le serpent perfide qui fuit, pourrait-il abandonner l'homme qui le suit fidèlement? Evangile d'hier sur la Providence de Dieu..

  A008000731 

 Voyant la Jérusalem céleste, qui portait ces monstres en son sein, endurer comme les douleurs de l'enfantement, [91] Dieu, de sa main, mit dehors ce monstre.

  A008000732 

 Ou plus simplement encore, il fut tiré du néant: Dieu a orné les cieux d'Anges, et par sa main toute-puissante le mauvais esprit lui-même fut créé et tiré du néant, ce qui est une répétition emphatique.

  A008000733 

 Or, Dieu chassa tous et chacun de ceux qui s'engagèrent dans la révolte.

  A008000735 

 La calomnie ne blessa pas les Apôtres ni les autres amants de l'humilité; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton orgueil, ton arrogance qui te fait plus vivement sentir l'injure qui t'est faite..

  A008000735 

 Voyez les pères et les mères; ils pèchent s'ils rient en voyant leurs enfants s'abandonner à de mauvais propos, aux pires débuts de la vanité; le Seigneur tressera des cordes, et ces mêmes enfants accableront leurs parents d'autant de douleurs, etc. «On n'est blessé que par soi-même.» La pauvreté ne blessa pas Job, ne blessa pas saint François; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton impatience.

  A008000736 

 Que dis-je, mes Frères? Soyez dans l'épouvante! Celui qui n'épargna pas les Anges pour une seule mauvaise pensée conçue dans le temple, comment vous pardonnera-t-il, à vous qui y poussez des éclats de rire? Pour moi, je [94] voudrais donner jusqu'à mon sang pour que vous abandonnassiez tout péché, mais je vous conjure surtout de respecter les temples; vous, nobles de la cité, vous, femmes, etc. Chambéry est le modèle de toute la Savoie.

  A008000737 

 Aussi, le Christ, l'image du Crucifix, est-elle offerte aux regards de ceux qui entrent, pour leur inspirer aussitôt le respect; telle est la remarque faite par Lactance.

  A008000747 

 Sicut oculi servorum in manibus [96] dominorum suorum, etc. Ad te levavi oculos meos, qui habitas in cælis.

  A008000751 

 Ut qui videt stillantem rosarium (stillans rosaceum?), ignis est, dicimus.

  A008000758 

 Comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [96] J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux.

  A008000759 

 Dieu nous a donné l'Esprit de son Fils qui crie dans nos cœurs: Abba, Père! L'Esprit lui-même demande pour nous avec des gémissements inénarrables..

  A008000760 

 il entendait parler de l'obtention d'un miracle comme témoignage de la sainteté de celui qui le sollicite; la [97] réponse distingue entre les justes, les pécheurs et les pénitents: Dieu exauce les pénitents; or, ici nous avons une pénitente et une âme juste..

  A008000761 

 «Que je vous connaisse et que je me connaisse.» «Qui êtes-vous, et qui suis-je?» Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, parce que mon âme s'est confiée en vous.

  A008000762 

 En Hésébon sont des yeux en pleurs, parce que Dieu prend sur lui la douleur et se livre à des considérations qui excitent les larmes..

  A008000762 

 Le Christ vint, et il pleura avec ceux qui pleuraient.

  A008000762 

 Qui sont à la porte, c'est-à-dire, dans le Christ, la porte de la fille du peuple, c'est-à-dire, de l'Eglise.

  A008000763 

 à la vue de Jérusalem qui va périr; maintenant, par amour; 3.

  A008000780 

 Et pro omnibus mortuus est Christus, ut et qui vivunt jam non sibi vivant, sed ei qui pro ipsis mortuus est; 2.

  A008000781 

 13, v. 6: Quid sunt plagæ istæ in medio manuum tuarum? Et dicet: His plagatus sum in domo eorum qui diligebant me.

  A008000787 

 Citer alors ce que saint Grégoire de Nysse dit d'Abraham, [Ibid.,] liv. II, folio 274: Mais qui, je vous prie, pourrait sans pleurer voir l'image du Crucifié? Voici que nous voyons le corps du Christ suspendu, déchiré de toutes parts, ses yeux chargés de larmes, ses lèvres pleines de fiel et d'absinthe, sa tète ceinte d'une couronne, et le sang coulant en abondance de tous les membres de son corps.

  A008000787 

 Comme Vestiana parait sa dépouille mortelle des ornements que la coutume a réservés aux vierges: «Voilà quel joyau,» dit-elle, «est suspendu au collier qui entoure le cou de la Sainte,» etc. [Gretser, De la Croix,] liv. I, [100] folio 198.

  A008000787 

 Que d'images s'offrent à vos regards! Je souhaiterais qu'il nous arrivât ce qui advint à sainte Macrine.

  A008000787 

 Qui ne compatirait!.

  A008000789 

 De qui est cette image et cette inscription? Est-ce la tunique de Notre-Seigneur, ou non? O Seigneur, si nous vous voyions vous-même, etc. Pourquoi donc votre vêtement est-il rouge? Le pressoir, etc. Comme un signe auquel ou contredira..

  A008000789 

 Oui, tout ce qui vous implante en notre âme, nous l'aimons.

  A008000790 

 Pour la Vierge au pied de la Croix: Et ton âme. Et après la dernière parole, la comparer à la reine de Saba qui n'avait plus son esprit, c'est-à-dire la respiration, son esprit, la force de comprendre, tant elle était saisie d'admiration; elle n'avait pas son esprit, mais il était tout en son Fils.

  A008000793 

 Et le Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui est mort pour eux.

  A008000794 

 Que sont ces plaies au milieu de vos mains? Et il dira: J'ai reçu ces plaies dans la maison de ceux qui m'aimaient.

  A008000805 

 Et quemadmodum mirati sunt Sponsum ( Egredimini, filiæ Sion, et videte regem Salomonem cum diademate, et apud Is.: Quis est iste qui venit de Edom, tinctis vestibus de Bosra? iste formosus in stola sua ), sic nunc mirantur Sponsam.

  A008000808 

 Qui charitate dolet, dolere eadem charitate gaudet..

  A008000817 

 Quelle est celle-ci qui monte du désert, comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens et de toutes les poudres du parfumeur?.

  A008000819 

 Et comme ils ont admiré l'Epoux ( Sortez, filles de Sion, et voyez le roi Salomon avec le diadème, et en Isaïe: Quel est celui-ci qui vient d'Edom, de Bosra, avec les vêtements teints? il est beau dans sa robe ), de même admirent-ils maintenant l'Epouse.

  A008000819 

 Voilà que tous admirent la Vierge qui monte.

  A008000820 

 Mortifiez vos membres qui sont sur la terre. Eh bien! voici que l'humanité admire dans l'Eglise triomphante la mortification de cette Vierge, qui est comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe d'abord, et c'est la mortification, d'encens, et c'est la prière, et enfin de toutes les poudres du parfumeur..

  A008000821 

 Aussi saint Paul s'écrie-t-il: Malheureux [104] homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? Mais la Bienheureuse Vierge monte toujours; elle ne s'arrêta jamais, semblable à ces animaux d'Ezéchiel, dont c hacun marchait devant sa face, et ne se retournait point lorsqu 'il marchait.

  A008000822 

 La mort des saints est précieuse. Plusieurs meurent pour la foi, par amour; d'autres par amour, pour l'amour; mais la mort la plus précieuse est celle qui vient de l'amour, pour l'amour et par amour.

  A008000822 

 Qui souffre d'amour, par le même amour se réjouit de sa souffrance..

  A008000822 

 Rappelez-vous, je vous prie, comme Anne, mère de Tobie, comptait les jours écoulés depuis le départ de son fils; ainsi cette Mère comptait ceux qui devaient s'écouler jusqu'au retour du sien: Comme le cerf soupire après les sources des eaux.

  A008000823 

 Oh quelle mortification est celle qui provenait de sa pauvreté, de sa virginité, de la Passion du Christ!.

  A008000827 

 Sa charité immense qui constitue sa gloire essentielle; au Ciel, la fumée n'est pas obscure, c'est une nuée lumineuse.

  A008000841 

 4: Renovamini spiritu mentis vestræ: id est, Spiritu Sancto qui est in mente vestra; vel spiritu qui est mens vestra, quia interdum non possumus renovare animæ partem inferiorem, in qua rebellio urget.

  A008000841 

 Induit novum hominem qui moribus invenitur ut Christus.

  A008000841 

 Omnes vocati; maxime qui sunt in Ecclesia, nam vocatione efficaci vocati sunt.

  A008000841 

 Qui secundum Deum creatus est, id est, ad perfectissimam imaginem Dei; sanctitate veritatis, id est, sanctitate vera..

  A008000843 

 2 a Jacob, qui vestibus Esau valde bonis vestitus est: communis omnium Sanctorum.

  A008000850 

 Nous expliquerons brièvement la première partie; quant à la seconde, nous en presserons davantage l'exposition et nous vous en ferons un vêtement pour l'hiver qui vous menace..

  A008000852 

 Avant tout, ayez les uns pour les autres, etc. De même dans l'Epitre aux Ephésiens: Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme; c'est-à-dire dans l'Esprit-Saint qui est en votre âme, ou bien dans l'esprit qui est votre âme; parfois, en effet, nous ne pouvons renouveler la partie inférieure de notre âme dans laquelle s'élève la révolte.

  A008000852 

 Celui-là [109] revêt l'homme nouveau, qui, dans ses mœurs, est trouvé conforme au Christ.

  A008000852 

 Qui a été créé selon Dieu, c'est-à-dire à la plus parfaite image de Dieu; dans la sainteté de la vérité, c'est-à-dire dans la vraie sainteté..

  A008000852 

 Tous sont appelés, ceux surtout qui sont dans l'Eglise, car ils ont reçu la grâce efficace de la vocation.

  A008000854 

 C'était une robe longue qui descendait jusqu'à terre pour préserver son talon, [la fin de sa vie,] auquel le démon tendait des embûches: «Sors, mon âme, que crains-tu?» Elle était parfumée, c'est-à-dire que les exemples du Saint en attirèrent un grand nombre à la vie monastique.

  A008000854 

 Celui d'Esther, à queue, et qui [110] appartient aux Saints en tant que [par leurs exemples] ils communiquent leurs vertus [à ceux qui viennent après eux.] Il descend jusqu'aux pieds, comme les deux autres; car à quoi bon porter une robe qui ne descendrait pas jusqu'au talon, quand c'est surtout à notre talon que le démon, vrai serpent, tend ses embûches? Mais cette robe fait plus que de couvrir les pieds, elle se prolonge encore vers ceux qui suivent, comme celle d'Esther.

  A008000854 

 Celui-de Jacob, qui revêtit les plus beaux vêtements d'Esaü.

  A008000871 

 Admirable est cet art de la nature qui, par une sorte d'opposition, fait ressortir les contraires par les contraires.

  A008000871 

 Elle vient comme une femme vulgaire pour être purifiée; elle vient comme mère pour offrir au Très-Haut le don qui pouvait lui être le plus agréable.

  A008000873 

 Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture? Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi, de manger des aliments créés par Dieu? etc. La femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourions.

  A008000873 

 Je crains que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se corrompent et que vous dégénériez de la simplicité qui est dans le Christ..

  A008000873 

 On exagère ainsi le précepte, afin de taxer de sévérité outrée ceux qui le donnent: qu'ils ne touchent pas.

  A008000883 

 Vado ad eum qui misit me, et nemo.

  A008000899 

 Je vais à Celui qui m'a envoyé, et nul d'entre vous ne me demande: Ou allez-vous?.

  A008000901 

 Souvent nous obligeons les personnes à qui la maladie ôte tout appétit à prendre de la nourriture.

  A008000902 

 Jusqu'ici tous l'avaient entendu ainsi, et je m'étonne que ceux-là même qui ignorent le plus les questions théologiques prétendent l'expliquer autrement.

  A008000903 

 Dans l'Epître aux Hébreux, au sujet de Melchisédech: de qui, dit-il, nous avons de grandes choses à dire (c'est-à-dire en grand nombre), et difficiles à expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre.

  A008000903 

 Les Epîtres et les écrits des Apôtres renferment aussi bien des points difficiles; et saint Pierre parlant des Epîtres de saint Paul et des enseignements qui y sont proposés: Dans lesquelles, dit-il, il y a quelques passages difficiles a entendre, que des hommes ignorants et légers détournent pour leur propre perte a de mauvais sens, ainsi que les autres Ecritures.

  A008000915 

 Un pere qui a des enfans, va, vient, court, mais son cceur ne bouge, il est tous-jours avec son tresor: Gaudium meum, corona mea vos estis.

  A008000917 

 in Qui habitat.

  A008000918 

 Fuge, sed assimilare capreæ, quæ ea quæ deorsum sunt respicit (mitte nobis alium Paraclitum ), hinnuloque cervorum, qui etsi scandat, tamen in ima, ubi matrem reliquit, respicit omni momento; sic naturam humanam Christus respicit, et ei munus Spiritus Sancti mittit.

  A008000932 

 (Saint Bernard, sermon IX sur le Psaume Qui habitat.) «L'âme,» dit saint Bernard, «ne veut pas comme saint Pierre habiter un tabernacle bâti sur une montagne terrestre;» elle veut [120] le Ciel.

  A008000933 

 Ainsi le Père céleste, avant l'Ascension, envoya par ses Anges la Loi et tout ce qui était nécessaire, mais après avoir vu Benjamin il envoya tous les dons.

  A008000933 

 Avant que Benjamin fût venu dans le royaume de son frère Joseph, celui-ci envoyait bien aux siens quelques provisions alimentaires; mais dès qu'il eut vu Benjamin, il envoya des chariots, des robes et tout ce qui était nécessaire.

  A008000933 

 Fuyez, mais soyez semblable au chevreuil, qui regarde ce qu'il laisse derrière lui (envoyez-nous un autre Paraclet ), et au faon de biche, lequel, bien qu'il monte en sautant, regarde cependant à chaque instant le fond de la vallée où il a laissé sa mère.

  A008000961 

 «Hodie,» inquit, « scietis quia veniet Dominus, et mane videbitis gloriam ejus.» Dic historiam usque ad verba Moysi (et nota obiter murmur filiorum Israel, qui libenter egressi sunt de Ægipto, ut plerique religiosi ex mundo, sed ubi tantisper sunt in deserto, id est, deseruntur, murmurant et recordantur carnium mundi): Vespere scietis quia Dominus eduxit vos de [124] terra Ægipti, et mane videbitis gloriam Domini.

  A008000963 

 Istudque misterium ut manna lumini solis liquefit, ignis obduratur: qui lumine cælesti vult penetrari, liquidus est, qui naturali curiositate, obdurescit..

  A008000964 

 Manna duplicem substantiam habere videbatur: panis oleati, qui e terra, et mellis, quod e cælo.

  A008000967 

 Unde tres potissimum religiosorum omnium Patres huic misterio devotissimi: Augustinus: «Hinc lactor ab ubere;» Bernardus, qui hanc Nativitatem vidit; Franciscus, ut omnes norunt..

  A008000967 

 Verum ut ad secundum punctum veniamus: ista Christi nativitas, vel Christus puellulus, omnibus sapit qui velint: sapit pastoribus quia Pastor, sapit regibus quia Rex, sapit Symeoni quia Sacerdos, sapit Annæ prophetissæ quia Propheta, sapit sane omnibus.

  A008000974 

 Unde: Venite ad me qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos..

  A008000977 

 Cæterum, apud Aristotelem, infantes ante 40 diem non rident; nisi portentose, ut Zoroaster, «infœlix homo qui nascens risit.» Sic religiosi incipiunt a purgatione per pœnitentiam; 40 autem numerus completæ pœnitentiæ est, quo exacto rident, id est, consolantur..

  A008000978 

 Ipse sit manna vestrum, ipse mel vestrum, ipse Rex qui regat corda et corpora vestra donec inducat vos in alveria Cæli, in quibus aliud mel longe suavius efficiatis, etc..

  A008000986 

 Il en est de même de ce mystère: il devient transparent pour qui veut l'approfondir à la lumière céleste, mais il est impénétrable à qui veut l'étudier avec une curiosité toute naturelle..

  A008000989 

 Aussi, parmi les Pères les plus pieux, trois surtout professèrent envers ce mystère un culte spécial: saint Augustin: «Ce mystère est le sein qui m'allaite;» saint Bernard, qui dans une vision contempla cette naissance; saint François, comme chacun le sait..

  A008000989 

 La naissance de Jésus-Christ, ou plutôt le tout petit Jésus a une saveur spéciale pour tous ceux qui le veulent goûter: pour les pasteurs, parce qu'il est Pasteur; pour les rois, parce qu'il est Roi; pour Siméon, parce qu'il est Prêtre; pour Anne la prophétesse, parce qu'il est Prophète; pour tous enfin, mais surtout pour les âmes dévotes, pour les religieux et pour les oblats, parce que lui-même est excellemment dévot, religieux et oblat.

  A008000992 

 « Celui qui donne aux oiseaux leur pâture, est nourri d'un peu de lait;».

  A008000996 

 Du reste, ce sont des animaux qu'il aime, parcs que l'un porte le joug, l'autre le fardeau; l'un est laborieux, l'autre chargé; et Jésus dira: Venez à moi vous tous qui travaillez et êtes chargés, et je vous soulagerai..

  A008000997 

 Voyez la douceur de cet Enfant: plus fort que Samson, il veut pourtant [127] être emmaillotté; il se montre aimable au milieu d'animaux qui le sont si peu.

  A008000999 

 Aussi bien, d'après Aristote, les enfants ne rient-ils avant le quarantième jour que par prodige, comme il est arrivé pour Zoroastre, «le malheureux qui rit en naissant.» De même les religieux commencent à se purifier par la pénitence; or, quarante est le nombre de la pénitence parfaite; cette durée atteinte, ils rient, c'est-à-dire sont consolés..

  A008000999 

 La raison mystique est qu'ils naissent pour mourir et pour souffrir beaucoup; aussi plusieurs ont observé que le premier vagissement des garçons est a, celui des filles hé, premières lettres des noms d'Adam et d'Eve, auteurs de tant de misères qui nous accablent.

  A008001000 

 Dans les Cantiques, l'Epoux dit: Tes lèvres sont un rayon qui distille le miel.

  A008001000 

 L'Epouse est donc une petite abeille qui de sa bouche fait le [128] miel, et il en est ainsi.

  A008001016 

 Qui ministrant elephantis non lucidam vestem accipiunt; nam igne provocatur, ut taurus purpura.

  A008001017 

 5: Qui suam uxorem diligit, seipsum diligit; nemo enim carnem suam odio habuit.

  A008001029 

 Ceux qui soignent les éléphants ne mettent jamais d'habits de couleur éclatante, parce que ces animaux sont excités par le feu, comme le taureau par la pourpre.

  A008001029 

 Que l'épouse s'abstienne de ce qui peut irriter l'époux..

  A008001030 

 Celui qui aime sa femme s'aime lui-meme; car personne n'a jamais haï sa chair.

  A008001032 

 Il en était ainsi pour l'épouse qui avait trompé son mari, ou celle qui, dans la ville, s'était laissée surprendre par un autre que par son mari.

  A008001044 

 Et tout cela fut monstré premierement en songe au bon Mardochee, car il vid parvus fons, qui crevit in fluvium, et in lucem solemque conversus est, et in aquas plurimas redundavit; Esth.

  A008001045 

 Ce fut un songe, mais, o mon cher peuple, ce n'est pas en songe, c'est en la sainte veille de ma consideration, [134] que contemplant l'histoire de la vie et de l'Assomption de la Vierge, video fontem parvum, Virginem humilem, qui crevit in fluvium ( Fluminis impetus lætificat civitatem Dei; Aquæ multæ; Si quis sitit, veniat ad me et bibat ), in fluvium passionum et afflictionum, et in lucem solemque conversus est, hodie in Assumptione: Quæ est ista quæ progreditur quasi aurora consurgens, pulcra ut luna, electa ut sol? Et quod mirabilius, lux ista et iste sol in aquas plurimas redundavit; quia ubi Virgo ascendit, plurimæ per ejus præces gratiæ nobis factæ sunt..

  A008001052 

 Tunc, supra quam dici potest gaudens, fecit primo ut Jacob qui benedixit regi: Et benedicto rege, etc.; c. 47, v. 10; ut Hester, videns regem Assuerum.

  A008001053 

 Et ita constituta est ad intercedendum pro nobis, ut omnes omnino Sancti aiunt (non sane eo modo que Filius, qui intercedit seipso); et multa in ejus favorem conceduntur, ut testatur universa Ecclesia.

  A008001061 

 Quelle est celle-ci qui monte du désert comblée de délices, appuyée sur son Bien-Aimé?.

  A008001063 

 Une petite source qui devint grande comme un fleuve, puis se changea en lumière et en soleil, et se répandit en eaux très abondantes.

  A008001064 

 Je vois une petite source, une humble Vierge, qui devint grande comme un fleuve ( Le fleuve, par son impétuosité, réjouit la cité de Dieu.

  A008001064 

 Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ), comme un fleuve de souffrances et d'afflictions, puis se changea en lumière et en soleil au jour de son Assomption: Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la lune, choisie comme le soleil? Et, chose plus admirable encore, cette lumière, ce soleil se répandit en eaux très abondantes; c'est-à-dire que depuis son Assomption, la Vierge, par ses prières, nous a obtenu de très nombreuses grâces..

  A008001070 

 Alors, se réjouissant au delà de tout ce qui se peut dire, [la Sainte Vierge] fit en premier lieu comme Jacob qui bénit le roi: Et ayant béni le roi, etc.; comme Esther voyant le roi Assuérus.

  A008001071 

 C'est ainsi qu'elle fut établie pour intercéder en notre faveur; tous les Saints, sans exception, l'affirment (non pas assurément qu'elle demande de la même manière que son Fils qui intercède par lui-même); et beaucoup de grâces nous sont accordées par sa faveur, comme l'atteste l'Eglise entière.

  A008001072 

 C'est la vérité; mais elle est refuge pour ceux qui se réfugient en elle; or le pécheur obstiné, opiniâtre, ne cherche pas ce refuge.

  A008001073 

 Voir dans Evagrius, liv. V, chap. XVII, XVIII, le remarquable exemple d'Anatole à qui la statue [de la Sainte Vierge] tourna le dos..

  A008001074 

 C'est vrai; mais écoutez-la: Sa miséricorde, dit-elle, s'étend de génération en génération. Assurément, mais voyez ce qui suit: Sur ceux qui le craignent.

  A008001084 

 de qua natus est Jesus, qui vocatur.

  A008001093 

 I, videtur sanctificatus in utero; quod Lyranus credit at Sa de sanctificatione prædestinationis intelligit, ut conforme sit Paulo: Qui segregavit me ab utero matris in Evangelium, etc. De Jacob autem vide Pereira, ad illa verba: Major serviet minori.

  A008001094 

 Media, id est, partes medias reclinatorii (est enim plurale substantivum), charitate, seipso, qui amor et deliciæ Sponsæ et animarum, constravit propter filias Hierusalem..

  A008001095 

 Qui ascendes super equos tuos, et quadrigæ tuæ salvatio; Abacuch, 3, [v.] 8.

  A008001095 

 Verum occurrit, quia Thamar, Raab, Ruth, Betsabee; sed expresse nominantur istæ quatuor, ait Hieronymus, Chrisostomus et alii, ut Christus, «qui venerat pro peccatoribus,» etc. Quæ pœnitentes fuerunt.

  A008001097 

 In medio Christus, quia et anima et corpore portat: Beatus venter; quinimo, beati qui audiunt.

  A008001098 

 Sed qui sunt equi, trahentes hunc currum? Quatuor genera hominum: Patriarchæ, ut Abraham, Isaac, Jacob, Juda; Reges, Prophetæ et Sacerdotes.

  A008001099 

 Et representent le prince ou prælat, auquel tous les coeurs doivent estre attaches; et un prince ou prælat sans les coeurs des sujetz n'est autre chose qu'un bouton de rose despouille, qui n'a rien qu'un peu d'odeur de dignite, mais non pas la grace.

  A008001099 

 Sic et nos qui præsumus afferamus rosas, quæ simbolum sunt authoritatis et dignitatis, quæ nunquam est sine spinis curarum; et rosse quae nihil aliud sunt quam multitudo foliorum rubicundorum quæ cordis figuram habent, in uno caule unitorum eique affixorum, et præterea quæ excelsiores sunt cæteris floribus, mere floribus, quæ in arbusto crescunt; car qui void une rose, void une multitude de feuilles rouges atachees a un bouton, toutes faites en guise de cœur, et cet un arbre fait pour la plus belle fleur, la ou les autres simples fleurs croissent en des tiges herbeux.

  A008001103 

 Et Jacob engendra Joseph, époux de Marie, de laquelle est né Jésus qui est appelé Christ..

  A008001107 

 Saint Augustin dit que par leurs pleurs, les enfants prophétisent les misères qui les attendent..

  A008001109 

 Ce rire fut un prodige qui présageait la méchanceté de cet homme et ses infortunes.

  A008001109 

 Le premier et le seul de tous les mortels qui se prit à rire aussitôt après sa naissance fut, dit Pline, Zoroastre, grand magicien et auteur de la magie.

  A008001110 

 Aussi l'Eglise y croit-elle, d'après la règle posée par saint Augustin: Quelque privilège qui puisse s'attribuer aux autres Saints, etc. Et c'est la vraie raison [de célébrer sa Nativité.] [142].

  A008001110 

 En vérité, Jérémie (chap. I) paraît avoir été sanctifié dans le sein de sa mère; Lyranus le croit, mais Sa explique ce passage de la sanctification de prédestination, l'assimilant ainsi à saint Paul, lequel parlant de lui-même: [ Celui ] qui m'a choisi, dit-il, dès le sein de ma mère, pour prêcher l'Evangile, etc. Quant à Jacob, voir Péreira sur ces mots: L'aîné servira le plus jeune.

  A008001111 

 Le milieu, c'est-à-dire les parties moyennes du dossier (car c'est un substantif pluriel), il l'a orné de la charité, de lui-même, qui est l'amour et les délices de l'Epouse et des âmes, et cela en faveur des filles de Jérusalem..

  A008001112 

 Vous qui montez sur vos chevaux et trouvez votre salut dans vos quadriges.

  A008001113 

 Toutefois, voici quatre femmes qui font exception: Thamar, Raab, Ruth, Bethsabée; mais ces femmes sont expressément nommées, disent saint Jérôme, saint Chrysostôme et autres, parce que le Christ, «qui venait pour les pécheurs,» etc. Elles furent pénitentes.

  A008001114 

 Remarquez, très chers pécheurs, que si vous vous repentez, quels qu'aient été vos péchés, vous pourrez être fils de la Vierge qui dans sa généalogie compte plusieurs pécheresses.

  A008001115 

 Au milieu est le Christ, parce qu'elle le porte en corps et en âme: Heureuses les entrailles [ qui vous ont porté ]; heureux plutôt ceux qui entendent, [etc.] [144].

  A008001116 

 Les colonnes d'argent, les sept dons du Saint-Esprit: la sagesse, qui lui a fait savourer les choses divines et rejeter avec dégoût les biens de la terre; l'intelligence, par laquelle elle a pénétré les mystères; le conseil, grâce auquel elle a suivi toutes les voies de la perfection; la force, au milieu de tant d'adversités; la science, pour régler ses rapports avec le prochain dans la pratique de toutes les vertus morales; la piété, dans son immense amour envers son Fils, et la crainte et révérence pour le Seigneur.

  A008001116 

 Mais quels sont les chevaux qui traînent ce char? Ils sont représentés par quatre classes d'hommes: les Patriarches, comme Abraham, Isaac, Jacob, Juda; les Rois, les Prophètes et les Prêtres.

  A008001117 

 De même, nous qui sommes préposés à la direction d'autrui, apportons les roses, symbole de l'autorité et de la dignité, roses qui ne sont jamais sans les épines des sollicitudes.

  A008001117 

 Les roses ne sont autre chose qu'une multitude de feuilles rouges ayant la forme de cœur, unies et fixées sur une même tige; elles surpassent, de plus, toutes les autres fleurs, les simples fleurs qui croissent sur des arbustes.

  A008001117 

 Mais maintenant honorons donc Celle qui vient de naître, fêtons son [145] berceau, comme on a coutume de fêter le berceau des grands; on le couvre de fleurs pour souhait et présage d'une vie florissante.

  A008001132 

 «Nemo læditur nisi a seipso.» Si equus te calce percussisset, rationabiliterne ageres volens eum resarcire? Tamen in effectu magis nocuit quam qui alapam impegit.

  A008001133 

 Boni illi sunt servi qui indignati sunt.

  A008001133 

 Quam minimum injuriarum existeret «si qui injuriam non patiuntur seque doleant atque ii qui affecti sunt.» At hi: «O homo, ne Crœsum occidas.» [150].

  A008001142 

 Tolet entend par le mot sien cet amour spécial qui doit régner entre les Chrétiens en tant que Chrétiens.

  A008001143 

 Cet amour donc ayant tant de prix, Jésus ne néglige rien pour l'enflammer en nous et détruire ce qui s'y oppose.

  A008001145 

 Combien les injustices qui nous sont faites sont légères! Ce sont des songes pour la plupart.

  A008001145 

 «On n'est blessé que par soi-même.» Si un cheval t'avait donné un coup de pied, serais-tu raisonnable de vouloir le lui rendre? En fait, cependant, il t'a plus nui que l'homme qui t'aurait donné un soufflet.

  A008001146 

 Comme les injures seraient bientôt réduites à rien «si ceux qu'elles ne touchent pas s'en plaignaient autant que ceux à qui elles s'attaquent!» Et ceux-ci: «O homme, ne tue pas Crésus.» [150].

  A008001146 

 Les bons serviteurs sont ceux qui s'indignèrent.

  A008001157 

 Si quis princeps dicat: Qui mihi adamantem attulerit, etc., et tu pro adamante cristallum simplex, non dabit pecuniam princeps, nam neque tu adamantem..

  A008001158 

 Chrisostom.: Auget miseriam et exaggerat; «qui enim petunt solent amplificare,» qui dolent dolor verba ministrat.

  A008001165 

 SUR TALITHE FILLE DU CHEF DE LA SYNAGOGUE, ET SUR L'HEMORROISSE OU LA FEMME QUI SOUFFRAIT DU FLUX DE SANG.

  A008001168 

 Un prince te dit: Celui qui m'apportera un diamant, etc., et pour un diamant tu lui apportes du simple cristal; le prince ne donnera pas d'argent, parce que tu n'as pas apporté de diamant..

  A008001169 

 Saint Augustin: Saint Matthieu exprime le sentiment du père, qui croyant morte celle qu'il avait laissée mourante, demande qu'elle vive.

  A008001169 

 Saint Chrysostôme: Il augmente, exagère son malheur; «car celui qui demande a coutume d'amplifier,» et la douleur suggère des paroles à ceux qui souffrent.

  A008001177 

 Qui fecerit et docuerit, hic magnus.

  A008001184 

 Simon: Quasi stella matutina in medio nebulæ; sacerdos magnus, qui in vita sua suffulsit domum, et in diebus suis corroboravit templum; quasi stella matutina in medio nebulæ, et quasi luna plena in diebus suis, quasi sol refulgens, sic ille effulsit in templo Dei..

  A008001188 

 Parallellum Caroli magni qui armis et Caroli parvi qui sanctitate..

  A008001195 

 Celui qui fera, et enseignera, celui-là sera appelé grand.

  A008001200 

 Simon: Comme l'étoile du matin au milieu d'un nuage; grand prêtre, qui dans sa vie a soutenu la maison du Seigneur, et en ses jours a fortifié le temple; comme l'étoile du matin au milieu d'un nuage, et comme la lune luit dans les jours de son plein, comme le soleil resplendissant, ainsi a-t-il brillé dans le temple de Dieu..

  A008001204 

 Dans sa poitrine: Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement.

  A008001215 

 Ecclesia hanc vigiliam expectationem Redemptionis et Redemptoris in oratione appellat: «Deus qui nos annua Redemptionis nostræ expectatione lætificas.» Et jam Jacob prædixerat eum fore expectationem gentium.

  A008001218 

 Alii ut Angeli, qui discedentes non discedunt, ut optimi prædicatores; adoraverunt enim Dominum juxta illud: Et adorent eum omnes Angeli ejus, et etiam aliis prædicaturi discedunt, non tamen discedentes, quia spiritu remanent..

  A008001222 

 Et iste superior parum quidem providus videri potuit, qui imparato hospitio venit; tamen, nemo murmurat..

  A008001232 

 L'Eglise, dans l'oraison de la Messe d'aujourd'hui, appelle cette vigile l'attente de la Rédemption et du Rédempteur: «O Dieu, qui nous réjouissez chaque année par l'attente de notre Rédemption.» Et Jacob avait déjà prédit que le Sauveur serait l'attente des nations.

  A008001233 

 Admirable attente de la Vierge: Qui me donnera de vous avoir pour frère, allaité au sein de ma mère, afin que je vous trouve dehors, que je vous baise et.

  A008001234 

 Admirable fécondité qui n'empêche pas la virginité, admirable virginité que sanctifie la fécondité..

  A008001234 

 Tel le lis qui verse des gouttes semblables à une graine.

  A008001235 

 D'autres enfin comme les Anges, qui en s'éloignant ne s'éloignent pas, semblables aux excellents prédicateurs (car ils adorèrent le Seigneur, d'après ce qui est dit: Et que tous ses Anges l'adorent ), ils se retirent pour prêcher à d'autres, sans toutefois s'éloigner parce qu'ils demeurent en esprit..

  A008001238 

 Et ce supérieur pouvait paraître bien peu prévoyant, puisqu'il vient à un asile qui n'était pas préparé; néanmoins, personne ne murmure..

  A008001239 

 Personne n'a du mien ou du tien; si quelqu'un avait dû posséder quelque chose en propre, c'eût été sans doute Marie qui aurait eu le divin Enfant, car il était son vrai Fils: cependant, elle ne se le réserve pas; mais: Votre père, dit-elle, et moi vous cherchions tout affligés..

  A008001240 

 Dans cette famille sont représentées les trois classes de personnes qui composent une communauté: supérieur, Joseph; professe, Marie; novice, le Christ.

  A008001240 

 Infirmière, Marie, qui donnait son lait au faible petit Enfant, comme un tonique bienfaisant.

  A008001262 

 Eusuite, viennent les bergers qui representent les fidMes.

  A008001263 

 Ce sont des Mages qui adorent: Je n'ai pas trouvé une si grande foi dans Israël.

  A008001267 

 Exhortation au sujet de l'étoile qui appelle et de la grâce prévenante; à ces mots: Une huile répandue; aussi les jeunes filles; montrez-moi, etc. [162].

  A008001288 

 Jacob: Emportez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, purifiez-vous et changez vos vêtements. Et ils lui donnèrent tous les dieux étrangers qu'ils avaient, et les pendants d'oreilles; et il les enfouit sous le thérébinthe... Comme il pleurait en jetant de grands cris, Isaac ému, etc.

  A008001289 

 Dieu: Qui t'a appris que, etc. La verge de Moïse saisie par l'extrémité.

  A008001301 

 Duo hæretici: Euchitæ, Messaliani, qui omnia oratione confici nihilque aliud necessarium; Pelagiani auferebant necessitatem orationis.

  A008001311 

 Voir saint Denis qui, dans sa Hiérarchie Ecclésiastique, chap. VI, appelle aussi ces adorateurs, moines.

  A008001312 

 Deux sortes d'hérétiques: les [166] Euchites et Messaliens qui prétendaient que la prière est tout, et qu'elle seule est nécessaire, et les Pélagiens qui, au contraire, en niaient la nécessité.

  A008001313 

 On l'emploie dans un sens général, et c'est l'acception que lui attribue saint Bonaventure quand il dit: «L'oraison comprend tous les actes de la vie contemplative.» D'après saint Grégoire de Nysse, «c'est une conversation avec Dieu.» D'après saint Chrysostôme, «c'est un colloque avec Dieu.» Saint Damascène: «Une ascension de l'âme en Dieu.» Saint Augustin: Une ascension de l'âme qui monte des choses terrestres aux choses célestes.

  A008001313 

 Saint Jérôme à Eustochium: «Quand tu pries, tu parles à l'Epoux; quand tu lis, c'est lui qui te parle.» ( De la garde de la Virginité.) Saint Bernard: «La parole, l'exemple, la prière, mais la plus grande de ces trois choses c'est la prière.» Cette prière est la théologie mystique..

  A008001314 

 La pensée [167] est une opération de l'intelligence qui ressemble aux évolutions des mouches; l'étude aux travail des hannetons; la méditation à celui des abeilles; la contemplation au vol du roi des abeilles.

  A008001328 

 Bonam pœnitentiam facere; omnis autem veram facit qui vere facit.

  A008001337 

 Il y a deux sortes de satisfaction: l'une stricte, et celle-là nous ne la faisons pas; l'autre qui a un certain rapport avec la faute commise, comme abandonner ses biens ou se livrer soi-même, etc..

  A008001338 

 Qui est infirme sans que je sois infirme? Saint Bernard.

  A008001339 

 A cause de David, etc., Dieu donna à Abiam un fils, Asa, parce que David avait fait ce qui était droit aux yeux du Seigneur et qu'il ne s'était point détourné de tout ce qu'il lui avait commandé, excepté en ce qui concernait Urie l'Héthéen.

  A008001340 

 Or, tous ceux-là font une vraie pénitence qui font véritablement pénitence.

  A008001348 

 Nicanor cum canticis et [172 ] tubis; Judas vero et Judæi, manu pugnantes, sed Dominum cordibus orantes; v. 19: Sed et eos qui in civitate remanserunt non minima sollicitudo, etc..

  A008001356 

 Histoire du songe de Judas Machabée, à qui Jérémie donna un glaive d'or, lui disant: Prends ce saint glaive, don de Dieu, avec lequel tu extermineras les adversaires de mon peuple. Nicanor, chef [de l'armée] de Démétrius.

  A008001356 

 Nicanor au milieu du bruit des [172] voix et des trompettes; mais Judas et les Juifs combattant des mains, et priant le Seigneur dans leurs cœurs... Or ceux-là même qui étaient restés dans la cité n'avaient pas une moindre sollicitude, etc..

  A008001370 

 Dans cette prédication générale, de quoi parlerai-je avec plus de convenance que de la pénitence, sujet par lequel commence, duquel traite et auquel aboutit tout l'Evangile? Saint Jean, dans l'église duquel je suis, m'y invite, ainsi que l'Evangile [qui se lit aujourd'hui,] selon le rite lyonnais et selon le romain; on y trouve ces mots: Désormais tu prendras les hommes; et j'y suis encore invité par la consécration de ce maître-autel, car l'autel lui-même, au sens mystique, représente le cœur: Or, le vrai sacrifice est un esprit affligé.

  A008001370 

 Mais [174] pour un entretien général qui doit être d'une générale utilité, invoquons l'Avocate universelle des Chrétiens..

  A008001370 

 Sus donc, Lyonnais, entendez celui qui vous parle avec bonheur.

  A008001372 

 Comme les singes qui abandonnent des noix ou des châtaignes, le pécheur s'attriste et se réjouit de sa tristesse.

  A008001382 

 Laventur pedes vestri; lavate etiam Angeli si in carne vivant; unde Christus: Qui lotus est, non indiget nisi ut pedes lavet.

  A008001390 

 C'est pourquoi le Christ dit: Celui qui est pur n'a besoin que de se laver les pieds.

  A008001406 

 Beatus vir qui timet Dominum, etc.; potens; gloria et divitiæ, etc. Cum bono bonus eris, [182] cum sancto sanctus eris, cum innocente innocens eris.

  A008001406 

 Iis qui recto sunt corde..

  A008001407 

 Rectum cor est quod concordat cum Deo qui ipse rectitudo est et sequitas; itaque quEecumque Deus vult illi grata sunt, etiam tribulationes et afflictiones, et loco beneficii ea accipit.

  A008001409 

 Cum bonis mala, ideo fit ut si quid deliquerint hic puniantur, non in æternum; cum malis bona, ut hic mercedem accipiant qui æterna digni non sunt.

  A008001413 

 Declinant qui non sunt recti corde; declinant a via, errant a semita veritatis.

  A008001413 

 Ut vermicum bombices qui se suis operibus irretire non cessant, cor pravis affectibus irretitur.

  A008001413 

 Vel obliquant, modo bene modo male; ut illi qui jurabant in Domino et jurant in Melchon..

  A008001414 

 Cum iis qui ex professo peccatricem vitam agunt; vel, 2.

  A008001414 

 cum diabolis ( qui paratus est diabolo ).

  A008001415 

 XXXII: luctatur cum Deo, inde nomen accepit prævalentis ad Deum, vel principis cum Deo; quod idem est, nam qui cum Deo agit ut princeps, ipse pugnat faciendo Deum sibi [186] subditum.

  A008001421 

 Verge des pécheurs, c'est-à-dire verge qui les châtie, d'après cette parole: Des [179] fléaux nombreux attendent le pêcheur, mais la miséricorde environne celui qui espère dans le Seigneur.

  A008001421 

 Voir sur ce point la différence qu'établit Tolet entre les maux qui frappent les pécheurs et ceux qui atteignent les justes.

  A008001423 

 La première réponse est de saint Augustin qui, traitant de ce passage, [180] explique les mots: ne laissera pas.

  A008001425 

 Nous appelons quelquefois verge des pécheurs ce qui est la verge de Dieu notre Père.

  A008001426 

 Faites du bien, Seigneur, aux bons et a ceux qui ont le cœur droit..

  A008001429 

 A ceux qui ont le cœur droit..

  A008001429 

 Bienheureux l'homme qui craint le Seigneur, etc.; [ sa postérité sera ] puissante; la gloire et les richesses, etc. Vous serez bon avec celui qui est [182] bon, vous serez saint avec le saint, vous serez innocent avec l'innocent.

  A008001429 

 Glorifiez-vous, vous tous qui avez le cœur droit.

  A008001430 

 Le coeur droit est celui qui est en harmonie avec Dieu, droiture et justice même; c'est pourquoi tout ce que Dieu veut est agréable à ce cœur, seraient-ce des tribulations et des afflictions, et il les reçoit comme des bienfaits.

  A008001432 

 Les bons souffrent pour expier en ce monde et non dans l'éternité les fautes qu'ils auraient commises; les mauvais sont heureux et reçoivent ainsi une récompense temporelle, eux qui ne sont pas dignes de l'éternelle.

  A008001433 

 Aussi c'est avec raison que le Psalmiste dit: Faites du bien, Seigneur, aux bons et à ceux qui ont le cœur droit; faites ce bien non pas de la manière que nous jugeons, mais selon votre volonté et selon qu'il sera trouvé bon à vos yeux, même en ce monde, fût-ce en nous donnant des croix, des tribulations, etc., et dans la vie future où se trouve le bien absolu: Entre dans ton repos, parce que le Seigneur t'a comblé de bienfaits.

  A008001434 

 Aussi le Psalmiste ajoute-t-il comme explication: et à ceux qui ont le cœur droit..

  A008001435 

 Mais pour ceux qui se détournent dans les voies obliques, le Seigneur les joindra a ceux qui commettent l'iniquité: que la paix soit sur Israël..

  A008001436 

 Ceux-là se détournent qui n'ont pas le cœur droit; ils se détournent de la voie, ils errent loin du sentier de la vérité, 1.

  A008001436 

 Comme les vers à soie qui ne cessent de s'enlacer dans leur propre travail, le cœur s'enlace dans les mauvaises affections... 2.

  A008001436 

 Ou bien, on marche d'une manière oblique en faisant tantôt bien, tantôt mal; comme ceux qui juraient par Dieu et jurent par Melchom..

  A008001436 

 Vous ne vous détournerez pas à droite et à gauche; boiter de part et d'autre; à droite, par l'action, car c'est la droite qui agit; à gauche par l'omission, car la gauche est inerte et ne fait rien.

  A008001437 

 A ceux qui ouvertement mènent une vie de péché; ou bien, 2.

  A008001437 

 Les joindra a ceux qui commettent l'iniquité.

  A008001437 

 avec les démons ( qui est préparé pour le diable ).

  A008001438 

 Voir l'histoire rapportée dans la Genèse: Jacob lutta avec Dieu, d'où son nom de puissant contre Dieu, ou de prince avec Dieu, ce qui revient au même; car celui qui agit en prince avec Dieu, dans [186] le combat le rend son sujet.

  A008001451 

 Notandum debere populos alimenta iis qui eos alunt spiritali cibo.

  A008001452 

 23: Væ vobis, hipocritæ, qui decimatis mentham et anethum et cyminum, et graviora legis reliquistis, misericordiam et judicium et fidem; hæc opportuit facere, et illa non omittere.

  A008001453 

 Quota quidem sumptuum non est juris divini, sed propemodum est, ut videtur ex iis qui in lege naturali jam dabant.

  A008001462 

 Nous avons déjà touché ces points plus haut; mais ce qui concerne proprement ce texte, nous l'expliquerons selon les quatre sens qu'il peut présenter..

  A008001463 

 D'après Péreira ce serait un hébraïsme qui signifie de tout cœur, ou bien l'âme est prise pour l'homme: afin que je te bénisse.

  A008001465 

 Faire remarquer que les peuples doivent nourrir ceux qui leur donnent la nourriture spirituelle.

  A008001466 

 Malheur à vous, hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et qui négligez les choses les plus graves de la loi, la miséricorde, la justice et la foi; il fallait faire ceci et ne pas omettre cela, [190].

  A008001467 

 Ainsi la terre donne les nuées au ciel qui lui communique la force de la génération.

  A008001467 

 Dans la Loi nouvelle les Apôtres en parlent dans cent endroits de leurs écrits, mais un seul témoignage suffît, entre autres celui-ci: Tu ne lieras pas la bouche au bœuf qui broie, afin qu'il puisse manger non pas le grain, mais le foin.

  A008001467 

 Il est vrai que le droit divin n'indique pas dans quelle proportion on doit subvenir aux besoins du prêtre, mais l'exemple de ceux qui suivaient la loi naturelle le détermine à peu près.

  A008001480 

 Ovis est Rachel Hebraice: qui recte vult pascere ovis esse debet, non lupus, non hæreticus, non capra; non debet dissimilis esse ovibus; nec sibi sapere, sed Christo.

  A008001480 

 Quam multi sunt similes Nabalo, qui intererat tondendis pecoribus, non autem pascendis.

  A008001482 

 At Christus, qui est Dominus ipse, dat antequam petamus, non enim peteremus nisi petere doceret interius: Prævenisti eum in benedictionibus dulcedinis.

  A008001483 

 At non terit tempus qui humilitati acquirendæ insumit..

  A008001483 

 Qui recipit prophetam in nomine prophetæ, mercedem prophetæ accipit.

  A008001490 

 Hectore qui redit induvias indutus Achillis.».

  A008001492 

 Qui vellet posset hic afferre quæ de Sancto Lupo refert Marulus, in cap. de vitando temerario judicio..

  A008001502 

 Qui vult progredi post pœnitentiam, contempletur æterna.

  A008001514 

 En hébreu, le nom de Rachel signifie brebis: celui qui veut être bon pasteur doit être brebis, et non loup, hérétique, chèvre; il doit ressembler aux brebis; suivre non son propre sens, mais celui du Christ.

  A008001514 

 Qu'ils sont nombreux ceux qui, semblables à Nabal, sont présents au milieu de leur troupeau seulement pour le tondre et non pour le paître! 4.

  A008001515 

 Comme, en effet, Rachel abreuvait ses troupeaux au puits, on peut croire qu'elle tirait elle-même l'eau qui leur était nécessaire, parce, surtout, que ce fait eut lieu non seulement dans le même pays, sur le même sol, mais aussi peut-être au puits même auprès duquel Rébecca fut promise.

  A008001516 

 Mais le Christ, qui est le Seigneur lui-même, donne avant que nous ne demandions, car nous ne demanderions pas s'il ne nous enseignait intérieurement à demander: Vous l'avez prévenu des bénédictions de douceur.

  A008001516 

 Nous, confesseurs et pasteurs, qui sommes serviteurs, nous ne vous donnons les pendants d'oreilles des paroles de l'absolution ou de la purification (source de joie et d'allégresse pour les oreilles de notre coeur, d'où le texte: les os humiliés tressaillent) que lorsque vous nous avez donné des signes de componction, que vous nous avez sensiblement abreuvés du témoignage de votre contrition.

  A008001516 

 Rébecca abreuve les chameaux du serviteur, et c'est Jacob au contraire qui abreuve les brebis de Rachel.

  A008001517 

 Admirable exemple de saint Jérôme qui lavait les pieds des pèlerins, et même ceux des chameaux et des chevaux dans sa maison de Bethléem.

  A008001517 

 Ah! celui-là ne perd pas son temps qui l'emploie à acquérir l'humilité..

  A008001517 

 Nous devons porter à tout ce qui concerne Dieu un amour et un honneur analogues à celui que nous avons pour Dieu lui-même.

  A008001517 

 Qui reçoit un prophète au nom d'un prophète, reçoit la récompense du prophète.

  A008001518 

 Saint Augustin et ceux qui l'ont suivi se demandent comment Jacob a osé baiser Rachel, ou plutôt comment Rachel a permis à Jacob de la baiser.

  A008001524 

 Qui revenait couvert des dépouilles d'Achille!».

  A008001526 

 Oh! donnez-moi des personnes qui aient l'innocence de Jacob et de Rachel et je leur permets de se baiser.

  A008001527 

 Il pleurait d'attendrissement en voyant une vierge qui lui plaisait et qui le charmait par les grâces de son visage..

  A008001532 

 Le puits est la doctrine chrétienne qui, entre ces deux Sacrements, nous conduit à la vie éternelle; car un baptisé doit toujours faire pénitence.

  A008001536 

 Embrasser la vie contemplative, c'est méditer; or nous méditons en abreuvant le troupeau de Rachel, c'est-à-dire en désirant les vertus qui accompagnent la contemplation.

  A008001536 

 [199] Après la pénitence, celui qui veut progresser doit contempler les choses éternelles.

  A008001540 

 Jacob, c'est l'esprit dans la gloire, qui baise la chair au jour de la résurrection, abreuve le troupeau de ses sens d'une souveraine volupté et pleure de joie.

  A008001571 

 Ayant donques a traitter avec vous, mes treschers auditeurs, des choses divines qui regardent le salut æternel de vos ames, j'ay choisi pour sujet le divin cantique de Zacharie, parce qu'a mon advis, il vous sera extremement aggreable, estant un cantique de louange, un cantique de joye et cantique d'encouragement a bien recevoir le Filz eternel du Pere celeste, qui vient visiter et faire la redemption de son peuple.

  A008001578 

 Aliqui existimant dixisse: Confitebor tibi in toto corde meo, in concilio justorum et congregatione, qui Psalmus de Eucharistia et Redemptione; alii: Laudate Dominum omnes gentes; alii, novum.

  A008001579 

 Dorien, quod ad animos ligandos, conciliandos et persuadendos tendit; tales Psalmi morales, ut Beatus vir qui timet Dominum, Beati immaculati, etc., Nisi Dominus ædificaverit domum; talis fuit Magnificat, et Gloria in excelsis.

  A008001581 

 Et tandem, erunt signa; tunc Myssolydius cantus, in cælis qui cum enarraverunt gloriam et misericordiam enarrabunt justitiam et iram: invertentur.

  A008001591 

 Or la charité, qui est le mouvement de notre souverain Pontife, replie parfois notre vie, et présentement m'applique à vous pour un temps, moi sonnette d'une autre grenade, quoique vous ayez une sonnette bien supérieure; et voici donc que retentit à vos oreilles ma sonnerie et le son de ma voix, etc..

  A008001593 

 Pourquoi donc a-t-il créé le monde? Ecoutez la réponse du plus sage des hommes: Le Seigneur a tout fait pour lui, et l'impie même [qui doit servir à sa gloire] au jour mauvais.

  A008001594 

 Dieu a donc une autre gloire qui lui est extrinseque; et c'est pour celle-ci qu'il a tout créé: Afin de montrer les richesses de la gloire de son royaume et la grandeur de sa puissance, comme il est dit du festin d'Assuerus.

  A008001594 

 Il faut tout rapporter à Dieu, c'est-à-dire à la gloire de Dieu: le monde entier le loue par l'organe de l'homme qui lui sert de procureur; l'homme, par le Christ qui lui sert de médiateur, et le Christ loue Dieu par Dieu lui-même comme par Celui qui donne le mouvement et l'inspiration suprêmes..

  A008001594 

 Immole à Dieu un sacrifice de louange, etc. Le sacrifice de louange m'honorera, et c'est là, dans cette louange, que se trouve le chemin qui conduit à la vue du salut de Dieu.

  A008001594 

 J'ai dit au Seigneur, vous etes mon Dieu, parce que vous n'avez pas besoin de mes biens; l'homme engendre par indigence, Dieu n'a pas créé par ce motif, mais par l'abondance de sa bonte qui est communicative.

  A008001595 

 Comme une philomèle qui serait nourrie dans une maison, ainsi l'homme est dans le monde pour récréer par son chant le Maître du monde....

  A008001595 

 Il n'a donc pas tout fait pour lui-même en ce sens qu'il soit la fin de son action, mais il a fait toutes choses pour lui-même parce qu'il est la fin de tout ce qui existe; tout donc a été fait pour la louange de Dieu, la louange de Dieu est donc la fin de tout l'univers.

  A008001596 

 Aussi l'Eglise a-t-elle ses chantres qui continuellement donnent des louanges à Dieu.

  A008001597 

 Il en est ainsi de tous les cantiques qui ont le même but, comme ceux de Débora et d'Anne, mère de Samuel.

  A008001597 

 L'Ancien Testament était celui qui donnait la terre promise, et en vertu duquel on la possédait; le Nouveau est celui en vertu duquel nous possédons la grâce, l'Eglise et le corps même [206] du Christ qui est la [veritable] terre de promission.

  A008001597 

 Le cantique nouveau est celui qui a pour objet la Rédemption.

  A008001597 

 Mais il y a des cantiques qui surpassent les autres en suavité; il y eu a d'anciens, il y en a de nouveaux.

  A008001598 

 Or, parmi les cantiques nouveaux il s'en trouve cinq qui surpassent tous les autres en excellence.

  A008001599 

 Cependant, l'objet de ces cantiques a plus ou moins d'etendue; car il y a quatre espaces de chants: [1.] le Phrygien, belliqueux; semblable au son des trompettes qui retentirent au siege de Jericho et contre Madian: de cette sorte parait avoir ete le cantique ou l'hymne dite par le Christ apres la cene.

  A008001599 

 Le Dorien, dont le but est de captiver, de concilier, de persuader les esprits; tels sont les Psaumes moraux, comme ceux-ci: Beatus vir qui timct Dominum, Beati immaculati, etc., Nisi Dominas œdificaverit domum; tels furent le Magnificat et le Gloria in excelsis. 4.

  A008001601 

 C'est ce motif qui me l'a fait choisir, surtout parce qu'il parle de la venue du Christ dont il nous exhorte à préparer les voies.

  A008001601 

 Le chant Myssolydien s'exécutera dans les cieux, qui, après avoir raconté la gloire et la miséricorde, raconteront la justice et la colère: leur rôle sera interverti.

  A008001612 

 Percurrendum Evangelium: Tu es qui venturus es, an alium expectamus? [210].

  A008001621 

 Il faut ajouter en troisième lieu qu'il était le Dieu d'Israël parce qu'il avait été très souvent promis à ce peuple et qu'il lui avait donné des gages de son arrivée dans la bénédiction de Jacob; aussi l'appelait-on Celui qui doit venir.

  A008001621 

 Parcourir l'Evangile: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? [210].

  A008001633 

 Quod perinde est ac dicat: Quid gloriaris in malitia, qui potens es in iniquitate? Tota die injustitiam cogitavit lingua tua, sicut novacula acuta fecisti dolum.

  A008001635 

 Et conspirare debent reges et sacerdotes, qui eodem oleo [214] unguntur; ita tamen ut sacerdotes semper primarii, quibus oleum primo et per se deputatur, reges vero coadjutores, quibus per dipensationem et extensionem oleum applicatur.

  A008001635 

 Utut sit, oleum sanctum unctionis regum ostendit reges sanctos esse debere, et addictissimos, sive conjugales et sodales, sacerdotum; quippe qui eodem oleo unguntur, ut ipsius sacerdotis appendices et cooperatores.

  A008001638 

 Et sensu prophetico, Ecclesia vinea Dei facta est in regno Christi, vel in Christo, qui per cornu quod continebat oleum representabatur.

  A008001645 

 Et ecce tertius sensus; similitudine ducta a cervo qui quotannis menso Februario et Martio cornua abjicit quæ reciperat; mense Martio desinente et Aprile incipiente, ilz commencent a jetter leurs bosses.

  A008001649 

 Id est: Dominus qui in monte Seir et Pharan affuit, veniet; operuit caelos gloria ejus et laudis ejus plena est terra.

  A008001659 

 (Il existe bien un autre récit sur la corne de la chèvre qui nourrit Jupiter, mais c'est une fable.) Si nous usons bien de cette corne dont parle le Prophète lorsqu'il dit: Il a suscité une corne, nous y trouverons une mine inépuisable d'enseignements..

  A008001660 

 De là: J'ai dit aux hommes iniques: Ne commettes plus l'iniquité, et aux pécheurs: N'exaltez pas votre corne, n'élevez pas votre corne, ne parlez pas iniquement contre Dieu. C'est comme s'il disait: Pourquoi te glorifies-tu dans ta malice, toi qui es puissant en iniquité? Tout le jour ta langue a médité l'injustice, tu as fait ton œuvre de séduction comme un rasoir affilé.

  A008001660 

 Prendre pour le commencement, en y introduisant les variantes nécessaires, ce qui est dit dans l'exorde du sermon sur le Rosaire, folio 12.

  A008001661 

 Et rien n'y contredit dans ce [213] qui est dit de David: J'ai trouvé David, mon serviteur, je l'ai oint de mon huile sainte; il se peut en effet que Samuel, pour sacrer David, ait pris l'huile sainte du Tabernacle, comme Sadoc le fit pour Salomon, sans cependant qu'il ait employé une corne du tabernacle, car il a pu se servir d'une corne qui était à son usage.

  A008001661 

 Néanmoins, la remarque faite par Raban, Hugues, Rupert, Comestor, n'est pas à dédaigner: Saül a été oint de l'huile conservée dans un petit vase fragile, et David, de l'huile conservée dans une corne, vase très solide, ce qui augurait pour Saül un règne éphémère et pour David un règne durable.

  A008001664 

 De ce qui précède ressort un premier sens.

  A008001664 

 De là viennent ces mots: C'est là que je ferai paraître la corne de David, mots qui ont peut-être le même sens..

  A008001665 

 A ce passage, Maldonat dit que le roi est appelé corne parce qu'il est la gloire et le défenseur de l'Etat, comme la corne est la force, la puissance, l'ornement des animaux qui la portent.

  A008001665 

 Au sens prophétique, Dieu a planté sa vigne, l'Eglise, dans le royaume du Christ, ou dans le Christ représenté par la corne qui contenait l'huile.

  A008001665 

 C'est là que je ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou riche en parfums: Votre nom est une huile répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus excellente que ceux qui participeront à votre gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur onction en vous, comme en une corne première, que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité, fils de péché, signifie plein d'iniquité.

  A008001666 

 Cette fête se célébrait le premier jour du [217] septième mois, comme il est dit Num., X, Levit., XXIII, et Num., XXIX. La solennité des trompettes se célébrait en mémoire de la délivrance d'Isaac, sauvé de la mort à l'apparition du bélier qui, embarrassé par les cornes dans un buisson, fut immolé à la place d'Isaac.

  A008001666 

 Le mot de jubilé dérive d' obel qui signifie corne de bélier.

  A008001666 

 Voir Tolet sur le chap. VII de saint Jean, où il traite des fêtes en usage chez les Juifs; il regarde la délivrance d'Isaac comme cause probable de l'institution de cette fête, quoiqu'il admette comme une cause plus probable encore le son des trompettes qui retentissaient lorsque la Loi fut donnée sur le mont Sinaï.

  A008001667 

 On pourrait dire que la harpe est la foi; le psaltérion, l'espérance; la trompette battue au marteau, la pénitence; celle de corne, la charité, qui contient la jubilation, et aussi parce que la corne est la force, la défense, la gloire de l'animal..

  A008001668 

 Cependant, avant toutes les trompettes, voici Jean qui devance tous les autres, envoyé par le Père au-devant du Fils ou en face du Fils: c'est la voix de celui qui crie dans le désert, etc. Arriver par cette parole à l'Evangile du Dimanche et [219] commencer de cette manière: Pour dire aussi un mot de l'Evangile et de cette illustre trompette, il est étonnant que Jean ne semble pas reconnaître dans le Christ cette corne que Dieu a suscitée, etc..

  A008001669 

 En hébreu: J'ai humilié ma corne dans la poussière; voir la grande Bible, en marge, à l'astérisque, et l'hébreu: En ce jour-la, je ferai repousser la corne de la maison d'Israël, et je t'ouvrirai la bouche au milieu d'eux, et ils sauront que c'est moi qui suis le Seigneur.

  A008001670 

 C'est uue comparaison tirée du cerf qui chaque année, au mois de février ou de mars, dépose les bois qui lui avaient poussé [l'année précédente]; à la fin de mars et au commencement d'avril, ils commencent à jeter leurs bosses.

  A008001670 

 Psaume XXI, au lieu du texte de notre Edition: Pour l'accueil du matin, plusieurs lisent au titre avec saint Jérôme: Pour le cerf matinal, ou bien: Pour la biche matinale, ce qui confirmerait notre comparaison; car, dans ce passage, le Christ, comme un cerf dont les bois commencent à poindre, a les siens tout tendres et humides de sang au point qu'il n'ose paraître en public.

  A008001671 

 Mon œil a regardé avec mépris mes ennemis, et ton [221] oreille entendra avec complaisance [l'annonce de] la ruine des méchants qui s'élèvent contre moi.

  A008001672 

 J'entends la voix de mon Bien-Aimé; le voici qui vient sautant sur les montagnes, franchissant les collines.

  A008001672 

 Mon Bien-Aimé est semblable au chevreuil et au faon des biches; le voici qui se tient derrière notre muraille, regardant a travers les barreaux, observant par les fenêtres.

  A008001673 

 Au sens mystique, [la première représente] la foi catholique, [222] qui est le plein jour, si on la compare à la foi des Patriarches: La nuit passe, et le jour approche.

  A008001673 

 Il est dit de Job au dernier chapitre de son livre qu'il eut sept fils, qui représentent les sept dons du Saint-Esprit, et trois filles: il nomma la première Jour, la seconde, Cassie, la troisième, Cornustibie (selon les Septante: Corne d'Amalthée ).

  A008001674 

 C'est-à-dire: Le Seigneur qui a été présent sur la montagne de Séïr et de Pharan, viendra; sa gloire a couvert les cieux et la terre est remplie de sa louange.

  A008001674 

 Votre œuvre, le genre humain, qui semble avoir coûté un travail à Dieu: Il forma [ l'homme ] du limon de la terre et le vivifia, il lui inspira un souffle de vie au commencement des années; mais maintenant, au milieu des années, vivifiez-le, car il était mort.

  A008001675 

 Pour moi, a Dieu ne plaise que je me glorifie si ce n'est dans la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde m'est crucifié, et moi, au monde.

  A008001686 

 Venit cum baculo, ut cum cane; sic Christus, «ut qui in ligno vincebat.» Solet Deus per infirma confundere fortia; ibi abscondita est fortitudo ejus.

  A008001687 

 Bernardus: Majorem charitatem qui et pro inimicis..

  A008001696 

 Dans la première onction il reçut un cœur pur et un esprit droit ( Vous avez aimé la justice et haï l'iniquité ); dans la seconde, le saint esprit de prophétie; dans la troisième, l'esprit parfait; et comme le Christ, il a été oint d'une manière plus excellente que ceux qui devaient participer a sa gloire.

  A008001696 

 La grâce a été répandue; faire allusion à l'essaim de mouches à miel [qui se plaça sur les lèvres] de saint Ambroise..

  A008001696 

 Le royaume prit commencement en David, qui fut le premier roi de sa famille, choisi sans mérite de sa part quand il conduisait ses troupeaux.

  A008001697 

 Il vint avec un bâton, comme s'il avait à se défendre d' un chien; ainsi vint le Christ, «comme étant Celui qui devait vaincre par le bois.

  A008001697 

 » Dieu a coutume de confondre ce qui est fort par ce qu'il y a de plus faible; la, sa force a été cachée.

  A008001699 

 David fut pénitent et prépara tout ce qui était nécessaire pour la construction du Temple.

  A008001699 

 Mon œil a regardé avec mépris mes ennemis, et mon oreille entendra avec complaisance [l'annonce de] la ruine des méchants qui s'élèvent contre moi.

  A008001711 

 13: Habemus altare de quo edere non valent qui tabemaculo deserviunt..

  A008001714 

 Qui manducat me et ipse vivet propter me.

  A008001721 

 Le Christ a également racheté ceux qui l'ont précédé: Il a suscité une corne de salut; pour nous sauver de nos ennemis.

  A008001723 

 Dieu dit à Job: Qui a donné l'intelligence au coq? On prépare des bijoux et des vêtements pour l'épouse d'Isaac avant qu'elle soit connue.

  A008001723 

 Et saint Paul: C'est pourquoi il est le médiateur du nouveau testament, pour la rédemption des prévarications qui existaient sous le testament [228] précédent.

  A008001723 

 Et saint Paul: Tous ont bu le même breuvage spirituel; or, ils buvaient l'eau de la pierre spirituelle qui les suivait; et cette pierre était le Christ..

  A008001723 

 Je vous dénonce souvent, et je ne le puis trop faire, ce manque de rectitude, cet esprit de contention, bizarre, qui caractérisent les anciens hérétiques.

  A008001724 

 Ce n'est pas en vain que saint Paul s'écrie: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut; et encore: La bonté et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue; et aux Hébreux: Nous avons un autel dont ceux qui servent dans le tabernacle n'ont pas le droit de manger..

  A008001726 

 Histoire d'Elien au sujet du peintre qui exposait deux statues.

  A008001726 

 Stratagème de ceux qui assiégeaient Béthulie..

  A008001727 

 Ceux à qui vous remettrez [ les péchés, etc.] Celui qui me mange vivra lui-même par moi.

  A008001727 

 Ranime la grâce qui t'a été donnée par l'imposition de mes mains..

  A008001738 

 Et tandem: Itaque qui se existimat stare videat ne cadat.

  A008001739 

 Protogenes fit un colosse couche en petit volume; et pour en signifier la grandeur il peignit des petitz garçons qui avec des tiges d'herbes mesuroyent son poulce..

  A008001749 

 Et ensuite: Donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber.

  A008001749 

 Or, toutes ces choses ont été des figures de ce qui nous regarde, afin que nous ne convoitions pas les choses mauvaises comme ils les convoitèrent.

  A008001750 

 En qui il n'y a ni changement ni ombre de vicissitude.

  A008001753 

 Vous aussi, par le sang de votre alliance, vous avez fait sortir les prisonniers du lac qui est sans eau.

  A008001762 

 Duplex vero est dignitas: nimirum, qua tollitur obex et peccatum mortale, et qui istam dignitatem non habent, non solum non sunt digni sed sunt indigni; alia dignitas est comparationis ad tantum misterium, et hanc neque [236] Angeli neque homines habere possunt, quia in conspectu Domini nemo justificatur; et de hac diceret etiam Virgo Beatissima: Domine, non sum dignus..

  A008001762 

 Paulus arcet indignos ab Eucharistia, et tamen nemo accedit qui se non dignum non fateatur.

  A008001765 

 Dicam ego, jam non ego, dicet vero in me Christus, et quia non sum dignus [238] qui veniam ad eum, mittam amicos, inter cæteros autem, Beatissimam Virginem..

  A008001766 

 Qui seminat pœnitentiam et venit vocare peccatores ad pœnitentiam, suam civitatem dicit agrum pœnitentiæ.

  A008001766 

 «Augustinus quidem, Strabus, Lyranus, Hugo, Beda existimant Capharnaum dici civitatem Christi quia erat metropolis Galileæ; ut Romanus dicitur, qui ditioni Romanæ subditus est, vel ibi natus.» Chrisostomus, Euthymius, Theophilactus, quia ibi frequentissime habitaret; et consentiunt Gebennenses.

  A008001767 

 Chrisostomus: Dic verbo Angelis qui verba tua in [239] opus vertunt; et si Angeli cessent, tamen infirmitates preceptis ejus vivacibus expelluntur.

  A008001769 

 Vide I. Reg. cap. 30, de servo Amalecitæ qui relictus fuerat a domino suo, quia ægrotabat.

  A008001773 

 Qui existimant se damnum aspidi afferre ejus ova rumpendo, sibi ipsis injuriam faciunt; nam ovo rupto prodit aspicula, quæ iterum mordet: vindicta vindicanti noxia..

  A008001775 

 Bernardus, epistola 292, ad quemdam qui ausus est novitium dehortari a proposito Religionis: «O utinam saperes et intelligeres et novissima provideres: saperes quæ Dei, intelligeres quæ mundi sunt, provideres quæ inferni sunt; inferna horreres, superna appeteres, quæ sunt ad malum (mundi) contemneres.» Ex Deut.

  A008001784 

 Injuria recens vix ferri potest; at Christus recentissimum et flagrantissimum odium tulit, et pro inimicis qui ejus fundebant sanguinem orationem misericordiæ fudit.

  A008001790 

 Mais il y a deux sortes de dignités: l'une qui enlève l'obstacle ou le péché mortel, et ceux qui n'ont pas cette dignité, non seulement ne sont pas dignes, mais sont indignes; l'autre dignité résulterait d'une sorte de proportion entre le mérite du communiant et un si grand [236] mystère; et cette dignité, ni les Anges ni les hommes ne la peuvent avoir, parce que devant le Seigneur personne n'est justifié, et en parlant de cette dignité, la Bienheureuse Vierge elle-même dirait: Seigneur, je ne suis pas digne..

  A008001792 

 David dit bien: Jugez-moi, Seigneur, selon ma justice et selon l'innocence qui est en moi; mais il parle de la justice de sa cause en face de ses ennemis, et non de la justice de son âme par rapport à [237] Dieu.

  A008001793 

 C'est moi qui suis votre centurion, ou du moins, le lieutenant de votre centurion, c'est-à-dire de votre Evêque.

  A008001794 

 Celui qui sème la pénitence et vient appeler les pécheurs a la pénitence, nomme sa ville le champ de pénitence.

  A008001794 

 Il est vrai que «saint Augustin, Strabus, Lyranus, Hugues, Bède estiment que Capharnaum est appelée cité du Christ parce qu'elle était la capitale de la Galilée, comme on appelle romain celui qui est soumis au pouvoir de Rome ou qui est né dans cette ville.» Saint Chrysostome, Euthymius, Théophylacte disent qu'elle est ainsi appelée parce que le Christ y habitait fréquemment; c'est aussi l'opinion des pasteurs de Genève.

  A008001795 

 Saint Chrysostome: Dites une parole aux Anges qui réduisent en actes vos paroles; et quand même les Anges feraient [239] défaut, les infirmités disparaîtraient par son ordre exprès.

  A008001796 

 Ce ne sont pas seulement les paroles, ce sont les pensées mêmes de Dieu qui opèrent.

  A008001796 

 Toutefois, Dieu parle pour ce qui doit être fait sur-le-champ, mais il pense pour ce qu'il ne fera que plus tard et en quelque sorte progressivement selon les vues de sa Providence..

  A008001797 

 Epictète était serviteur; ce fut une servante qui envoya Naaman le Syrien chercher la guérison de sa lèpre.

  A008001797 

 Philémon était un noble Rhodien ou Colossien, à qui son esclave, Onésime, avait causé quelque dommage (je ne sais de quelle manière; était-ce par vol, par négligence ou bien parce que en s'évadant, il l'avait privé de ses services?) car saint Paul dit: S'il t'a fait tort, impute-le-moi.

  A008001797 

 Voir au I er Livre des Rois, chap. XXX, ce serviteur d'un Amalécite qui, pour cause de maladie, avait été abandonné de son maître.

  A008001800 

 Ceux qui croient nuire à l'aspic en brisant ses œufs, se portent préjudice à eux-mêmes, car de l'œuf brisé sort un petit aspic qui à son tour mordra: la vengeance nuit à celui qui l'exerce..

  A008001801 

 Saint Bernard écrit, épitre CCXCII e, à un homme qui avait osé détourner un novice de la vie religieuse: « Plût a Dieu que tu eusses la sagesse et l'intelligence et que tu prévisses tes fins dernières! Tu goûterais les choses de Dieu, tu comprendrais les choses du monde, tu prévoirais les supplices de l'enfer; tu aurais horreur de l'enfer, tu aspirerais aux choses d'en-haut, et tout ce qui regarde le mal du monde, tu le mépriserais.».

  A008001802 

 Pour écarter absolument les hommes de discorde de la ville où l'on doit vivre en parfaite union; pour [242] signifier le jugement particulier qui aura Heu au sortir de cette vie; pour déclarer que les disputes sont indignes des citoyens..

  A008001810 

 On peut à peine supporter une injure récente; mais le Christ a supporté la haine la plus actuelle et la plus violente; et pour les ennemis qui répandaient son sang, il a répandu la prière de la miséricorde.

  A008001823 

 Ante omnia distinguendæ tentationes: [1.] alia interior, ut Adami et Evæ, et multorum qui sibi ipsis [245] concupiscentiam movent.

  A008001825 

 Ut Pauli: Datus est mihi stimulus carnis meæ, angelus Satanæ, qui me colaphizet; et scio varie intelligi, sed assentior Patribus.

  A008001830 

 Adversum me loquebantur qui sedebant in porta, et in me psallebant qui bibebant vinum.

  A008001837 

 O convivium Angelorum! Benedictus Dominus Deus meus, qui docet manus meas ad prælium et digitos meos ad bellum.

  A008001845 

 Or voici que les Evangélistes nous peignent, comme dans un tableau, une lutte qui.

  A008001846 

 Avant tout, distinguons les tentations: [1.] il y en a qui sont intérieures, comme le fut celle d'Adam et d'Eve, et comme le sont celles de beaucoup [245] d'autres qui excitent en eux-mêmes la concupiscence.

  A008001846 

 Or, il ne tente lui-même personne; mais chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l'entraîne et le séduit.

  A008001846 

 Que nul, lorsqu'il est tenté, ne dise que c'est le Seigneur qui le tente, car Dieu ne tente point pour le mal.

  A008001852 

 Ceux qui étaient assis a la porte parlaient contre moi, et ceux qui buvaient du vin me prenaient pour le sujet de leurs chansons....

  A008001852 

 Saint Paul dit: Par les armes de justice, a droite et a gauche; et David: Le zèle de votre maison m'a dévoré et les outrages de ceux qui vous insultaient sont tombés sur moi.

  A008001856 

 «La science des Ecritures consiste non pas à les lire mais à les comprendre.» «La faute est dans l'intention [de celui qui entend mal], non dans le texte.» « Dans toutes tes voies, non dans les précipices;» Satan en outre tronque le texte: Sur l'aspic (voir saint Bernard).

  A008001857 

 Toutes ces choses; car toutes choses m'ont été livrées et je les donne à qui je veux..

  A008001859 

 O festin des Anges! Que le Seigneur mon Dieu soit béni, lui qui dresse mes mains au combat et mes doigts à la guerre.

  A008001870 

 Terram: Etenim firmavit orbem terræ qui non commovebitur.

  A008001871 

 Quis est homo qui vivet et non videbit mortem? [Ps.] 88.

  A008001872 

 4: Ipse Dominus in jussu, in voce Archangeli, [253] in tuba Dei descendet de cælo, et mortui qui in Christo sunt resurgent primi.

  A008001873 

 Vox: «Surgite mortui, et venite ad judicium.» Quo loco ponderanda sunt verba Domini, Jo. 5, postquam locutus fuisset de sua potestate judiciaria, et resurrectionem faciendi: Nolite mirari hoc, ait, quia venit hora in qua omnes qui in monumentis sunt audient vocem Filii Dei; et procedent qui bona egerunt in resurrectionem vitæ, qui vero mala, in resurrectionem judicii.

  A008001884 

 Oh! qui me donnera, un auditeur! Ancienne leçon, mais mal entendue.

  A008001884 

 Qui croit à notre parole, et a qui le bras du Seigneur a-t-il été révêlé? Qui a connu les puissances du Seigneur? Silence, mes auditeurs, prêtez l'oreille; et avant tout, priez avec moi..

  A008001885 

 Dieu créa le monde dans le plus bel ordre; de là son nom de mundus qui signifie pur, et de cosmos, ordre, et d' univers (à la fois un et divers).

  A008001887 

 Quel est l'homme qui vivra et qui ne verra pas la mort? La mort a passé dans tous les hommes.

  A008001888 

 Aussitôt que le [253] signal aura été donné par la voix de l'Archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur même descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront les premiers.

  A008001889 

 La voix: «Levez-vous, morts, et venez au jugement.» Bien peser ici les paroles du Seigneur, qui, après avoir parlé de son pouvoir de juger et de ressusciter les morts, ajoute: Ne vous en étonnez pas, car l'heure vient ou tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien en sortiront pour ressusciter à la vie, ceux qui auront fait le mal, pour ressusciter à leur condamnation.

  A008001889 

 O voix toute-puissante qui transforme tant de substances, en un moment; en un clin d'œil, et fait reparaître les os, la peau, le sang!.

  A008001890 

 Restait à trouver qui le lui donnerait, et voici que c'est Dieu..

  A008001891 

 Et ce sera la première partie du jugement; car la distinction qui doit s'opérer entre les bons et les méchants commencera avec la résurrection.

  A008001891 

 Que vois-tu? Une verge qui veille, pleine d'yeux, comme celle de l'amandier, fleurie, précoce; une chaudière bouillante.

  A008001904 

 Angeli: Quid hic statis? etc.; hic Jesus qui assumptus est a vobis in cælum, etc. Ubi Redemptionem, ibijudicium.

  A008001904 

 Joel, 3: Ecce in diebus illis, etc., congregabo omnes gentes et educam eas in vallem Josaphat (vide Riberam, qui ad litteram ait de judicio intelligi), et disceptabo cum eis.

  A008001905 

 Apoc. 20: Et vidi thronum magnum candidum, et sedentem super eum, a cujus conspectu fugit terra et cælum, et locus non est inventus eis; et vidi mortuos, magnos et pusillos, stantes in conspectu throni; et libri aperti sunt, et alius liber apertus est qui est [258] vitæ (id est, vita); et judicati sunt mortui ex iis quæ scripta erant in libris, secundum opera ipsorum. ( Liber vitæ, in Apoc. 20, est vita Christi.) Danielis, 7: Aspiciebam donec throni positi sunt, et Antiquus dierum sedit, etc.; judicium sedit et libri aperti sunt: «Liber scriptus proferetur.».

  A008001905 

 Et Apostolus, I. Cor. 4: Mihi autem pro minimo est ut a vobis judicer, etc.; itaque nolite ante tempus judicare, quoadusque veniat Dominus, qui et illuminabit abscondita tenebrarum et manifestabit consilia cordium.

  A008001906 

 1: Et erit in die illa; scrutabor in lucernis Hierusalem (Bernardus: Si sic in Hierusalem, quis finis in Babilone? Hierusalem, Sancti: videbuntur etiam peccata Sanctorum, sed cum magna eorum consolatione; et dicent: Misericordiæ Domini quia non sumus consumpti ); et visitabo super viros defixos in fœcibus suis, qui dicunt in cordibus suis: Non faciet bene Dominus, non faciet male.

  A008001915 

 Les Anges dirent [aux disciples]: Pourquoi vous arrêtez-vous ici? etc.; ce Jésus qui du milieu de vous s'est élevé au ciel, etc. Où s'est opérée la Rédemption, là se fera le jugement.

  A008001915 

 Sur deux qui seront dans un champ, dit le Seigneur, deux dans un lit, deux à la meule, l'un sera pris, l'autre laissé.

  A008001915 

 Voilà qu'en ces jours-là, etc., je rassemblerai tous les peuples, et je les conduirai dans la vallée de Josaphat (voir Ribéra qui applique littéralement ce passage au jugement), et là j'entrerai en jugement avec eux.

  A008001916 

 Et l'Apôtre: Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et qui manifestera les secrètes pensées des cœurs... Et je vis un grand trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; et les livres furent ouverts, et un autre livre fut encore ouvert, qui est le livre de vie (c'est-à-dire, qui est [258] la vie); et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A008001917 

 En ce jour-là je scruterai Jérusalem avec des lampes (Saint Bernard: S'il en est ainsi pour Jérusalem, quelle sera la fin de Babylone! Jérusalem, c'est-à-dire les Saints: les péchés mêmes des Saints seront découverts, mais à leur grande consolation; et ils diront: C'est grâce aux miséricordes du Seigneur que nous n'avons pas été consumés); et je visiterai les hommes enfoncés dans leur lie, qui disent en leurs cœurs: Le Seigneur ne fera pas de bien, il ne fera pas de mal.

  A008001917 

 Trois interprétations (voir Ribéra et notre folio 78): La première est littérale, et s'entend de la captivité de Chaldée; la seconde, celle de Josèphe qui l'applique [à la destruction de Jérusalem]; la troisième a trait au jour du jugement.

  A008001917 

 Votre parole est une lampe qui éclaire mes pieds; texte qui amène une quatrième interprétation: des hommes saints.

  A008001931 

 Trium dierum prædicatione conversi sunt, et nos, etc.; quorum tamen prædicatio major est ob Christi authoritatem, qui loquitur in nobis.

  A008001933 

 v. 15: superiores ascendunt obviam Christo in aera, Christo, inquam, qui eos veluti deducturus descendit, et exultabunt ut arietes; inferiores descendent in Mare, mare Mortuum, etc..

  A008001944 

 Rien de plus incroyable que ce que nous ne voulons pas croire; la rigueur du jugement excite la haine de tout homme pervers, Nous l'oublions volontairement, ou bien nous nous [261] bornons à de vaines et subtiles conjectures sur ce qui doit arriver en ce jour.

  A008001944 

 Une génération méchante et adultère qui abandonne le vrai culte pour vouer son amour à l'étranger; elle peut demander un miracle, mais il ne lui sera point donné d'autre signe que celui du Prophète Jonas..

  A008001945 

 Trois jours de prédication les ont convertis, et nous, etc.; notre prédication pourtant est bien supérieure à cause de l'autorité du Christ qui parle en nous.

  A008001946 

 C'est donc à bon droit que seront condamnés les méchants, et ils n'auront rien à objecter à une aussi juste sentence; mais avant que nous l'entendions [je veux vous confier une pensée qui m'est familière].

  A008001947 

 Ou plutôt je me figure voir à ce jugement ce qu'on vit au Jourdain quand Israël sortait de l'Egypte: Les eaux supérieures grossissaient et s'élevaient semblables à une montagne (d'où le mot du Psaume: Montagnes, vous avez bondi comme des béliers; ce qui signifie que des montagnes de flots s'agitaient et semblaient danser), tandis que les eaux inférieures descendaient à la mer du Désert, c'est-à-dire à la mer Morte, au lac Asphaltite (belle comparaison, car le Jourdain est précisément le fleuve du jugement).

  A008001948 

 De sa bouche sortait un glaive, tranchant à gauche, afin de perdre et de tuer par la mort éternelle; à droite, pour supprimer tous les maux qui auraient pu menacer les Bienheureux.

  A008001948 

 Le temps de tailler est venu, circoncision mystique qui doit se faire le huitième jour.

  A008001949 

 Venez au port, venez dans le royaume, venez dans le sein de ma miséricorde, venez au festin, venez aux noces, venez à la solennité; bénis, fils bien-aimés de bénédiction; possédez le royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde.

  A008001950 

 De qui s'éloignent-ils? où vont-ils? Ils rugiront en disant, etc. Et ceux-là iront au supplice éternel, et les justes, à la vie éternelle.

  A008001961 

 Verum nunc aliam causam adducimus qui extat fol.

  A008001963 

 Et illud prier devant un'image localiter, confundunt cum illud prier devant moraliter: ante imaginem localiter orat qui habet imaginem ante se, at moraliter qui imaginem ipsam oraret.

  A008001965 

 Heu, qui plantavit aurem non audiet? aut qui finxit oculum non considerat? O Mot, non respondes Mot? Interdum amor fingit se surdum (Petre, amas me? Petre, amas me?) ut fortius clamemus..

  A008001965 

 Qui non respondit ei Mot.

  A008001976 

 O toute-puissance de la prière! Deux hérésies pourtant se sont élevées à ce sujet: celle des Euchites et des Messaliens qui disaient que la prière suffit; et celle des Pélagiens, dont la plupart prétendaient que nous n'avons pas besoin de prier.

  A008001977 

 Et dans le Cantique: Quelle est celle-ci qui monte du désert comme une colonne de fumée de parfums de myrrhe et d'encens? Toutefois, cette élévation est mentale, non matérielle, elle est relative à son objet, non au lieu; c'est également ce que signifient ces mots: «En haut les cœurs,» Quelle étonnante sottise ou méchanceté de la part des Calvinistes quand ils nous objectent ces paroles: «En haut les cœurs,» comme si «en haut» s'entendait au sens littéral! Ils ne veulent pas distinguer entre prier matériellement devant une image et prier moralement devant cette image.

  A008001978 

 Vous serez utilement tourmenté, si c'est le repentir qui vous tourmente..

  A008001979 

 Hélas! Celui qui a créé l'oreille n'entendra pas? Celui qui a façonné l'œil ne considère pas? O Verbe de Dieu, vous ne répondez pas une parole? Parfois, l'amour fait la sourde oreille (Pierre, m'aimes-tu? Pierre, m'aimes-tu?) afin que nous criions plus fort..

  A008001980 

 Or ceci se passait dans la maison où se cachait Jésus, qui ci s'enfuit aux saules.» Il voulait et ne voulait pas se cacher; il voulait se cacher, c'est-à-dire [se faire chercher, comme] font ceux qui se cachent.

  A008001981 

 Et Jésus, s'avançant semblable au cerf qui bondit: Ce n'est pas bien, dit-il, de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens.

  A008001993 

 Hinc Baptismus puerorum; nam traditio illa de puerorum Baptismate in hac necessitate fundata est, neque ad Ecclesiam aliter spectare possunt, qui natura nascuntur filii iræ; ad Eph.

  A008001993 

 Unde: Qui crediderit et baptizatus fuerit.

  A008001994 

 8: Ecce aquam; [272] cuis me prohibet baptizari? Contra Seleucianos qui ignem, et Flagellantes qui sanguinem, materiam Baptismi esse dicebant..

  A008001995 

 Unde Joannes: Ipse baptizat «Baptizet Petrus, baptizet Paulus, ipse est qui baptizat;» Joan.

  A008001996 

 Minister qui mittat.

  A008001999 

 Qui prior descendebat, sanus fiebat: « In remissionem peccatorum,» ex Concilio Nyceno.

  A008002003 

 Bernardus; tres notæ vitæ spiritalis et sanitatis: Surge, ad Cælum intende ( qui terrena non sapiunt ); tolle grabatum tuum, dominari corpori; et ambulare in lege Domini..

  A008002010 

 Du consentement commun des Pères, cette piscine figure le Baptême; le paralytique représente le genre humain qui n'aurait pas été guéri si le Christ ne fût venu..

  A008002011 

 Cette piscine est probatique, destinée aux troupeaux, aux brebis: le sens du grec probaton est brebis; probatichi, qui concerne les brebis, les troupeaux; mais pourquoi cette appellation? Les réponses varient.

  A008002012 

 De là ces mots: Celui qui croira et sera baptisé, etc. Noter: Celui qui croira et ne sera pas baptisé, etc. Allez, enseignez toutes les nations.

  A008002012 

 La tradition de baptiser les enfants repose sur cette nécessité, car ils ne peuvent autrement faire partie de l'Eglise, ceux qui par nature naissent enfants de colère.

  A008002013 

 Voilà de l'eau; qui empêche que je ne sois baptisé? Argument [272] contre les Séleuciens, d'après lesquels la matière du Baptême était le feu, et contre les Flagellants, selon lesquels cette matière était le sang..

  A008002014 

 Aussi saint Jean dit-il: C'est lui qui baptise.

  A008002014 

 «Que Pierre baptise, que Paul baptise, c'est le Christ lui-même qui baptise.» Et [saint Paul] aux Ephésiens: Le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, la purifiant par le baptême d'eau dans la parole de vie..

  A008002015 

 Le serviteur qui plonge [dans l'eau régénératrice], c'est le prêtre, ministre ordinaire du Baptême; mais, ainsi que les hérétiques eux-mêmes le reconnaissent (car tout en nous regardant comme idolâtres et antichrétiens, ils ne rebaptisent cependant pas ceux que nous avons baptisés), tout homme, fùt-il infidèle, peut en être le ministre extraordinaire, comme l'Eglise l'a défini au Concile de Florence, contre saint Cyprien et Cécilien.

  A008002016 

 La piscine a cinq portiques; ce sont les cinq Livres de Moïse: la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome; ou encore, les cinq âges qui ont précédé le Christ, [en chacun desquels on trouve une figure du Baptême]: 1.

  A008002018 

 Celui qui descendait le premier était guéri; d'après le Concile de Nicée, [le Baptême est] «pour la rémission des péchés.» Le Christ n'en guérit qu'un, il ne sauve que le seul Chrétien Catholique..

  A008002022 

 D'après saint Bernard, ces paroles expriment les trois degrés de la vie et de la santé spirituelle: Lève-toi, regarder vers le Ciel ( ceux qui ne goûtent plus les choses de la terre ); prends ton grabat, c'est asservir le corps; marcher dans la loi du Seigneur..

  A008002034 

 Sed sicut scriptum est: Quod oculus non vidit, nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit, quæ præparavit Deus iis qui diligunt eum.

  A008002034 

 Unde, Apoc. 2, Angelo Pergami: Qui habet aurem audiendi audiat quid Spiritus dicat Ecclesiis: Vincenti dabo manna absconditum, et dabo illi calculum candidum, et in calculo nomen novum scriptum, quod nemo scit nisi qui accipit..

  A008002035 

 Et quemadmodum tantisper intelligimus situm et ea quæ Americæ sunt per descriptiones factas ab iis qui viderunt, sic et gloriam descriptam hic a Domino gloriæ.

  A008002036 

 Augustinus autem: «Beatus est qui habet quicquid vult et nihil mali vult.» Essentialis beatitudo est in intellectu qui fruitur pulchro et voluntate quæ fruitur bono..

  A008002048 

 De là, ces paroles à l'Ange de Pergame: Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ce que l'Esprit dit aux Eglises: Je donnerai au vainqueur une manne cachée, et je lui donnerai une pierre blanche, et un nom nouveau écrit sur la pierre, lequel nul ne connaît que celui qui le reçoit..

  A008002048 

 Et Isaïe: L'œil n'a point vu, hors vous seul, ô Dieu, ce que vous avez préparé a ceux qui vous attendent. Ainsi les enfants d'Israël ne pouvaient regarder le visage de Moïse.

  A008002048 

 La gloire qui nous est préparée est ineffable.

  A008002048 

 Mais comme il est écrit: Que l'œil n'a point vu, que l'oreille n'a point entendu, que le cœur de l'homme n'a point conçu ce que Dieu a préparé a ceux qui l'aiment.

  A008002048 

 Saint Paul aux Corinthiens: Nous parlons de la sagesse dans le mystère, etc. Ensuite, il traite de la gloire qui s'acquiert par cette sagesse, laquelle, dit-il, aucun prince de ce siècle n'a connue; car s'ils l'avaient connue, jamais ils n'auraient crucifié le [276] Seigneur de la gloire.

  A008002049 

 Et de même que nous connaissons quelque peu la configuration de l'Amérique et ce qui concerne ce pays par les descriptions que nous en ont faites ceux qui l'ont visité, ainsi connaissons-nous cette gloire que nous révèle ici le Seigneur de la gloire.

  A008002050 

 Selon Boèce, la béatitude «est cet état que rend parfait la réunion de tous les biens.» Mais d'après saint Augustin, «l'homme heureux est celui qui possède tout ce qu'il veut et qui ne veut rien de mauvais.» La béatitude essentielle est dans l'intelligence qui jouit du beau et dans la volonté qui jouit du bien..

  A008002051 

 Cette béatitude est donc bornée par les limites de la capacité de celui qui en jouit.

  A008002051 

 Mais, prise d'une manière relative, elle s'applique aussi à nous; la béatitude est alors «l'état que rend parfait la réunion de tous les biens» qui nous conviennent.

  A008002052 

 Je serai rassasié lorsque votre gloire m'aura apparu; l'hébreu, d'après Génébrard, porte: à l'éveil de votre image, c'est-à-dire, lorsque brillera votre gloire qui aujourd'hui est assoupie, cachée.

  A008002052 

 Nous ne voyons pas le visage de l'homme qui dort, parce que nous ne voyons pas le visage de ce [278] visage, c'est-à-dire les yeux.

  A008002052 

 Rien de ce qui est moins que Dieu ne peut remplir une âme capable de posséder Dieu..

  A008002053 

 Cette face semblable au soleil illumine et réchauffe, par l'amour qui attire au dedans et celui qui se répand au dehors.

  A008002068 

 Ad verba illa, Principium qui et loquor vobis, [280] Grece principium est in accusativo: τήν άρχήν, tin archin; Ego sum qui loquor vobis principium, id est, Deum et Creatorem vestrum.

  A008002072 

 1: Qui jurant in Deo et jurant in Melchon.

  A008002074 

 Ut plurimum, sicuti viximus ita et morimur: sic enim videmus mori in mari qui mare incolunt, et in montibus qui montes.

  A008002082 

 Terrible et redoutable menace! Mais comment Dieu, si plein de miséricorde, ne se présentera-t-il pas à ceux qui le cherchent? Nous répondrons à cette question si Dieu veut bien nous inspirer.

  A008002083 

 Dans ce texte: Le principe, c'est moi qui vous l'annonce, la version grecque met le mot principe à l'accusatif: [280] τήν άρχήν tin archin: C'est moi qui vous annonce le principe, c'est-à-dire Dieu votre Créateur.

  A008002083 

 Le sens littéral de l'Evangile est celui-ci: vous me laissez de côté, moi qui suis le vrai Messie.

  A008002083 

 Voir Maldonat et Barradas qui donnent deux autres sens probables..

  A008002084 

 Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu; revenez et vivez.

  A008002085 

 D'où vient, Israël, que tu habites dans la terre de tes ennemis? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu t'es souillé avec les morts, c'est-à-dire tu [281] as vécu parmi les morts; tu es devenu semblable a ceux qui descendent en enfer.

  A008002085 

 Elles sont sur, c'est-à-dire en toutes ses œuvres, même dans les tourments de l'enfer qui n'égalent pas la malice du péché.

  A008002085 

 Gradation: tu es, tu as vieilli, tu t'es souillé avec les morts, tu es devenu semblable a ceux qui descendent en enfer: mort et enseveli, obstination.

  A008002087 

 Qui jurent par Dieu et jurent par Melchom.

  A008002088 

 Qu'en savez-vous? Pourquoi parler mal d'un lieu qui vous est inconnu?.

  A008002089 

 Le plus souvent, on meurt comme on a vécu: ainsi voit-on mourir sur mer ceux qui vivent sur mer, et sur les montagnes ceux qui habitent les montagnes.

  A008002109 

 Quem dicunt homines esse Filium hominis («Vos qui homines non estis sed dii»)? Qui vos audit me audit.

  A008002112 

 Qui bene præsunt præsbiteri duplici honore digni sunt; si male se gerant [289] non ideo illis detrahendum: Nolite tangere christos meos, et in prophetis meis.

  A008002122 

 Saint Augustin enseigne (liv. IV de la Doctrine Chrétienne, chap. XXVII, et liv. XVI contre Fauste, chap. XXIX) que par [285] la puissance même de cette chaire, aucun de ceux qui venaient s'y asseoir pour y enseigner ne pouvait prêcher l'erreur.

  A008002124 

 l'infaillibilité de la Synagogue qui ne tomba jamais dans l'erreur; bien que les mœurs fussent extrêmement corrompues, la doctrine demeura toujours intacte.

  A008002125 

 Aussi est-il dit dans les Actes: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous; ce qui indique que l'Esprit-Saint était le Chef invisible de tout le Concile.

  A008002125 

 Notons que saint Paul avait dit auparavant: Que l'Evêque gouverne bien sa maison; or ici, il appelle l'Eglise, maison de Dieu; Dieu est donc préposé sur sa propre maison qui est l'Eglise, afin de la bien gouverner.

  A008002125 

 Voir ce passage: Je t'écris ces choses, quoique j'espère aller bientôt te voir, afin que si je tarde, tu saches comment tu dois te conduire dans la maison de Dieu, qui est l'Eglise du Dieu vivant, la colonne et le firmament de la vérité.

  A008002127 

 Grande donc est la dignité du sacerdoce! Que disent les hommes du Fils de l'homme («Vous qui n'êtes pas des hommes, mais des dieux»)? Qui vous écoute m'écoute.

  A008002128 

 Il y en a qui n'agisseut ni ne parlent: ils sont très ignorants et dépourvus d'intelligence.

  A008002129 

 Car eussiez-vous dix mille précepteurs, etc. Rien ne manque aux pasteurs qui aiment: l'amour même instruit, édifie; il souffre tout, enseigne tout, n'agit pas inconsidérément.

  A008002129 

 Double amour: l'un affectif, en signe duquel le grand Prêtre portait sur la poitrine les noms des enfants d'Israël; l'autre effectif, et qui porte même les méchants et les brebis perdues; de là vient que les noms des enfants d'Israël étaient aussi gravés sur deux onyx fixés à l'huméral..

  A008002129 

 Je désire ardemment d'être délivré et d'être avec le Christ, etc. Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement.

  A008002130 

 Les prêtres qui gouvernent bien sont dignes [289] d'un double honneur; se conduiraient-ils mal, qu'il ne faudrait pas médire d'eux: Ne touchez pas à mes oints, et à mes prophètes.

  A008002145 

 At nos nihil horum intelligimus; intelligimus in superficie cordis, non in intimo cordis, more eorum qui intelligentes non intelligunt.

  A008002145 

 [292] O miseri, quibus passiones nostras et perturbationes semper in ore sunt, non Passio Christi! Recogitate eum qui talem a peccatoribus adversus semetipsum sustinuit contradictionem; hinc Christus crucifixus semper dicitur, nos autem prædicatores: Arbitratus sum me nihil scire nisi Jesum.

  A008002148 

 Qui dixit ei: Quid vis? Dic ut sedeant.

  A008002158 

 Et comme nous parlons sans cesse de ce que nous désirons le plus, car la main indique la partie qui souffre, la langue indique l'amour [dont on est animé], ainsi le Christ parle continuellement de sa Passion.

  A008002158 

 Parmi les véhéments désirs du Christ, entre tous ceux qui pressèrent son cœur, le plus ardent fut celui qu'il exprimait ainsi; Je suis venu jeter le feu [291] dans le monde, et que veux-je sinon qu'il s'allume? Je dois être baptisé d'un baptême, et comme je me sens pressé jusqu'à ce qu'il s'accomplisse! Le feu de la charité s'allume au baptême de la Passion, et le baptême de la Passion se consomme dans le feu de la charité.

  A008002159 

 Mais nous ne comprenons rien a ces choses, ou si nous en avons quelque intelligence, c'est seulement à la surface et non pas dans l'intime du cœur: nous sommes comme ceux qui comprennent sans comprendre.

  A008002159 

 O malheureux! nous avons sans cesse à la bouche le récit de nos souffrances et de nos agitations, au lieu de nous entretenir de la Passion du Christ! Réfléchissez a Celui qui a supporté une telle contradiction de la part des pécheurs soulevés contre lui.

  A008002163 

 Je puis le donner, mais il ne convient pas de le donner a vous qui êtes 1.

  A008002163 

 ambitieux; je le donnerai à ceux pour qui il a été préparé.

  A008002174 

 10 (omnino videnda est historia), circumspiciens Jesus, ait discipulis suis: Quam difficile qui pecunias habent in Regnum Dei introibunt! Discipuli autem obstupescebant in verbis ejus; at Jesus rursus respondens, ait illis: Filioli, quam difficile est confidentes in [296] pecuniis in Regnum Dei introire! Facilius est per foramen, etc. Qui magis admirabantur, dicentes ad semetipsos: Quis potest salvus fieri? Et intuens illos Tesus, ait: Apud homines, etc. Sic ego hodie videns Evangelium: O quam difficile est, etc. Verum ut ordine procedam, quatuor sunt genera divitum bonorum et malorum.

  A008002176 

 Domine, quis habitabit in tabemaculo tuo? Qui pecuniam suam non dedit ad usuram et munera super innocentem non accepit.

  A008002177 

 Et: Vœ vobis qui conjungitis domum ad domum, et agrum agro copulatis usque ad terminum loci; nunquid soli habitabitis in medio terræ?.

  A008002177 

 Similes aux conilz, qui se pelent la poitrine pour faire le nid ou la couche de leurs petitz, ceux ci se pelent la conscience.

  A008002180 

 Appian Alexandrin recite que les Parthes, mis en fuite, etc. (vide Similitudines), presses de faim, mangerent une herbe qui leur faysoit oublier toufautre chose, etc., et perdans le sens ilz vomissoyent et mouroyent.

  A008002180 

 Qui juste quidem acquirunt, sed nimis avide.

  A008002181 

 Qui volunt divites fieri, incidunt in tentationem et in laqueum diaboli, et desideria multa et nociva quæ mergunt homines in interitum et perditionem; I Timot.

  A008002182 

 Beatus vir dives qui inventus est sine macula et qui post aurum non abiit, nec speravit in pecuniæ thesauris.

  A008002183 

 Qui in distribuendo, ut dives noster, qui habebat [299] divitias tantum sibi, voluptati et vanæ gloriæ.

  A008002193 

 Le Seigneur voyant un jeune homme triste (il faut revoir toute cette histoire), Jésus regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu'il est difficile a ceux qui ont des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu! Or, ses disciples étaient tout étonnés de ses paroles; mais Jésus répondant de nouveau leur dit: Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses [296] d'entrer dans le Royaume de Dieu! Il est plus facile [à un chameau de passer] par le trou d'une aiguille, etc. Ils demeuraient encore plus étonnés, se disant l'un a l'autre: Qui donc peut être sauvé? Et Jésus les regardant, dit: Aux hommes, etc. De même, aujourd'hui en lisant l'Evangile [je m'écrie]: Oh! qu'il est difficile, etc. Mais procédons par ordre: il y a quatre sortes de bons et de mauvais riches.

  A008002194 

 Ces gens ressemblent à Achab qui désira la vigne attenante à la sienne.

  A008002194 

 Seigneur, qui habitera dans votre tabernacle? Celui qui n'a point donné son argent a usure et qui n'a point reçu de présents contre l'innocent.

  A008002195 

 Ainsi en est-il de bon nombre de pères qui vont au feu de l'enfer par suite d un amour mal entendu envers leurs fils, pour lesquels néanmoins ils ne voudraient pas toucher à l'eau de la pauvreté ou des dépenses; ils ne [297] dépenseraient rien pour les élever dans les lettres et les bonnes mœurs.

  A008002196 

 Ainsi ces hommes de richesses ont dormi leur sommeil; ils dépouillent celui-ci de ses biens, ils dévorent celui-là, etc... Et: Malheur a vous qui joignez maison à maison et qui ajoutez champ à champ jusqu'à ce que le lieu vous manque; est-ce que vous habiterez seuls au milieu de la terre?.

  A008002199 

 Ceux qui acquièrent justement, il est vrai, mais avec trop de cupidité.

  A008002200 

 Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation, dans les filets du diable et dans des désirs nombreux et nuisibles qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition..

  A008002201 

 Bienheureux l'homme riche qui a été trouvé sans tache et qui n'a point couru après l'or, ni espéré dans l'argent et dans les trésors.

  A008002201 

 Qui est celui-ci et nous le louerons? L'avare est aussi pauvre de ce qu'il a que de ce qu'il n'a pas..

  A008002202 

 Dans la mauvaise répartition de ses biens: tel notre riche qui n'avait [299] de fortune que pour lui, pour ses plaisirs et la vaine gloire.

  A008002212 

 Homo erat paterfamilias, qui plantavit vineam et sepem circumdedit ei..

  A008002218 

 v. 8: Qui dissipat sepem, mordebit eum coluber.

  A008002232 

 II y avait un père de famille qui planta une vigne et l'entoura d'une haie..

  A008002236 

 C'est la foi, en effet, qui distingue le peuple fidèle de tous les autres (les hérétiques, les catéchumènes, les schismatiques sont hors de l'Eglise), tant que la foi règne, les hommes sont considérés comme faisant partie de la vigne; et bien que les excommuniés et les schismatiques soient rejetés, on ne les rejette que pour les engager à rentrer, mais les hérétiques se sont jugés eux-mêmes.

  A008002236 

 Celui qui détruit la haie sera mordu par un serpent.

  A008002236 

 La haie, c'est aussi la protection de Dieu, ou plutôt cette protection est le lien qui fait la force de la haie.

  A008002238 

 Cette tour est l'espérance qui du haut des prophéties voit venir le Christ, et alors, comme du sommet d'une montagne, nous respirons l'odeur des parfums et nous sentons notre proie, le Christ.

  A008002238 

 Ton nez est comme la tour du Liban, qui regarde contre Damas..

  A008002241 

 Iscariote périt: il est de la tribu d'Issachar (ou bien son nom dériverait de sechar, mot qui signifie en syriaque, bourse), et voilà que Pierre se levant au [304] milieu des frères: [ Qu'un autre reçoive ] son épiscopat.

  A008002253 

 Quicumque dixerit Mot contra Filium nominis, remittetur ei; qui autem dixerit contra Spiritum Sanctum, non remittetur ei neque in hoc seculo neque in futuro..

  A008002256 

 Marci autem 3: Amen dico vobis, quoniam omnia dimittentur filiis hominum peccata et blasphemiaz; qui autem blasphemaverit in Spiritum Sanctum, n0n habebit remissionem in æternum, sed reus erit ceterni delicti.

  A008002263 

 ac desperans, ostendit se Dei misericordiæ renunciasse: Ejicis me a facie terræ, et a facie tua abscondar; nimirum ut qui absconduntur a facie solis et manent in nocte, omnino tabescunt..

  A008002276 

 Et en saint Marc: En vérité je vous le dis, tous les péchés seront remis aux enfants des hommes, même les blasphèmes; mais celui qui aura blasphémé contre l'Esprit-Saint n'en recevra jamais le pardon et il sera coupable d'un péché éternel.

  A008002277 

 Les théologiens enseignent que certains péchés sont contre le Père, d'autres, contre le Fils, d'autres, contre le Saint-Esprit; ils s'expriment ainsi en vue des perfections attribuées spécialement à chacune des divines Personnes, et cela d'après le double rapport de ressemblance et d'opposition avec ce qui arrive dans l'ordre naturel..

  A008002278 

 La charité et la bonté, qui s'expriment par voie d'amour, sont attribuées à l'Esprit-Saint, et pour ce motif le péché de malice est un péché contre le Saint-Esprit..

  A008002279 

 Par opposition à ce qui arrive dans la condition humaine.

  A008002280 

 C'est précisément ce qui arrive à la plupart des hérétiques..

  A008002280 

 Saint Paul aux Corinthiens: Mais je crains que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se corrompent, et dégénèrent de la simplicité qui est dans le Christ... Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé.

  A008002282 

 en se livrant au désespoir il montra qu'il renonçait à la miséricorde divine: Vous me rejetez de la face de la terre, et je serai caché a votre face; de même, ceux qui fuient la lumière du soleil et demeurent dans la nuit, perdent toute vigueur..

  A008002283 

 Ce ne fut, à mon avis, qu'un péché véniel, d'après ce passage du III0 Livre des Rois: Il ne s'était point détourné de tout ce que Dieu lui avait commandé, excepté en ce qui concernait Urie l'Héthéen.

  A008002286 

 Ne pouvant nier les miracles, ceux du moins qui nous sont racontés par les plus sérieux auteurs, comme serait saint Augustin, ils prétendent que ces prodiges sont des stratagèmes du démon..

  A008002303 

 V. 12, [13.] Mirabatur porro Dominus, id est, mirandam rem nobis ostendebat: homines tot virtutibus visis, qui ei maxime benigni esse deberent, quos ipse multis auxiliis cumulasset, non converti.

  A008002304 

 Tamen ait Marcus: Non poterat ullam virtutem facere, propter incredulitatem, idest, resistente eorum incredulitate non poterat; sequum justumque non erat, [313] secundum legem ordinariam, nam homini liberum arbitrium relinquit: qui fecit te sine te, non salvabit te sine te; fecit nescientem, non salvabit nisi volentem..

  A008002313 

 Un jour que le Christ était à Nazareth, il entra dans la synagogue et, après la lecture du Livre d'Isaïe, il instruisit le peuple, de sorte que tous étaient dans l'admiration et lui rendaient témoignage; inutilement toutefois, car ils disaient: N'est-ce pas là le fils du charpentier? n'est-ce pas la le charpentier? D'où lui vient cette sagesse? etc. Lui, qui les voyait s'entretenir ensemble, savait ce qu'ils disaient et leur répondit: Vous m'appliquerez sans doute, etc. Et saint Marc conclut: Il ne pouvait faire la aucun miracle, si ce n'est qu'il guérit quelques [311] malades en leur imposant les mains; et il s'étonnait de leur incrédulité.

  A008002315 

 Dieu, parla bouche d'Osée, menaça les Israélites de châtiment parce qu'ils suivaient le culte des faux dieux: Je serai comme une lionne, comme un léopard sur la voie des Assyriens; je courrai a eux comme une ourse a qui on a ravi ses petits, et je déchirerai leurs entrailles, je les dévorerai comme un lion.

  A008002315 

 Ne dis pas: C'est lui qui m'a trompé; car les hommes impies ne lui sont pas nécessaires.

  A008002316 

 Or, le Seigneur s'étonnait, ou plutôt il nous montrait une chose étonnante, à savoir qu'à la vue de tant de prodiges, les hommes qui lui devaient la plus grande reconnaissance, auxquels il avait porté le plus de secours, ne se convertissaient pas.

  A008002317 

 Dieu laisse, en effet, à l'homme sa liberté: celui qui vous a créé sans vous, ne vous sauvera pas sans vous; il vous a fait sans que vous le sachiez, il ne vous sauvera pas sans que vous le vouliez..

  A008002333 

 Etsi enim Petrus vix etiam venialiter in eo peccavit, tamen reprehensus fuit a Paulo, propter gravitatem consequentiæ; «ut qui primus erat in dignitate, primus esset in humilitate.» «Non sentire bonos eadem de rebus iisdem incolumi licuit semper amicitia.» Qui autem corrigit debet esse justus, id est, irreprehensibilis; ne dicatur illi: Medice, cura teipsum.

  A008002335 

 15, aves abigebat a sacrificio; et etiam muscas abigunt a mensa regum et principum: sic inter religiosos et eos qui ad perfectionem tendunt, etiam muscæ abigendæ, perdunt enim suavitatem unguenti..

  A008002337 

 6: Fratres, et sipræoccupatus fuerit homo in aliquo delicto, vos qui spirituales estis, hujusmodi instruite in spiritu lenitatis, considerans teipsum ne et tu tenteris.

  A008002338 

 Qui hominem corripit dum est iratus, c'est vouloir mettre un'escluse a un torrent deborde; il faut attendre que les eaux soyent basses.

  A008002340 

 de Ira, qui filiam regis (Dominus Bellicensis ait fuisse filiam Augusti) mammilla laborantem, scalpello percussit abdito intra spongiam qua apostema mollire videbatur: fomenter pour l'amolir.

  A008002351 

 C'est ainsi que saint Paul a repris saint Pierre: Céphas étant venu à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible; car bien que saint Pierre eût à peine commis un péché véniel en cette occasion, néanmoins saint Paul le reprit à cause des graves conséquences que pouvait avoir sa faute, «et pour que le premier en dignité fût aussi le premier en humilité,» «La différence d'opinions sur une même chose n'a jamais nui à l'amitié entre honnêtes gens.» Mais celui qui corrige doit être juste, c'est-à-dire irrépréhensible; sinon, on pourrait lui répondre: Médecin, guéris-toi toi-même.

  A008002353 

 Abraham éloignait les oiseaux de la victime; on chasse même les mouches de la table des rois et des princes: ainsi entre les religieux et ceux qui tendent à la perfection, on doit chasser même les mouches, car elles gâtent la suavité du parfum..

  A008002355 

 Faire la réprimande avec compassion: Qui est infirme sans que je sois infirme? qui est scandalisé sans que je brûle? Je me suis fait tout à tous, avec une affection maternelle.

  A008002355 

 La verge d'Aaron était couverte de fleurs, de feuilles et de fruits; la verge de la correction doit être douce, fructueuse, utile; miel et lait sous la langue, un rayon qui distille le miel..

  A008002355 

 Mes frères, si un homme est tombé par surprise en quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté.

  A008002355 

 Recevez celui qui est faible dans la foi.

  A008002357 

 Quant à la personne [qui a besoin de correction], saint Grégoire donne des règles à ce sujet.

  A008002358 

 Archélaiis ou Agésilas répondant à son coiffeur qui jasait trop et lui demandait: «Comment vous raserai-je» ou vous tondrai-je? «Eu te taisant,» dit-il.

  A008002358 

 Saint François prêchait en gardant le silence, etc. Citer saint Siméon Stylite dont les images seules semblaient corriger ceux qui les voyaient.

  A008002373 

 Hinc fidem non ex lectione sed ex auditu generari ait, tum ipse, dicens: Qui vos audit, me audit, Luc. 10, et en cent lieux ( Qui habet aures audiendi audiat.

  A008002387 

 Dans ce passage, le Seigneur reproche à ces hypocrites d'exagérer superstitieusement certaines traditions et d'en avoir établi d'autres qui étaient contraires à la Parole de Dieu.

  A008002387 

 Il montre donc par là qu'il est des traditions qui sont bonnes et ne sont nullement contraires à la Parole de Dieu.

  A008002388 

 C'est, en effet, le Christ Notre-Seigneur qui est l'auteur de la doctrine chrétienne: or, [1.] lui-même n'a rien écrit, si ce n'est quelques caractères lorsqu'il absolvait [320] la femme adultère; caractères qu'il n'a pas même voulu que nous connussions, et que, pour ce motif, il traça sur la terre.

  A008002389 

 Ecouter les [321] Pères, et entre tous Vincent de Lérins qui traite si bien ce point.

  A008002389 

 Jésus-Christ nous l'enseigne lorsqu'il dit: Qui vous écoute m'écoute, et en cent lieux ( Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

  A008002389 

 Saint Jude dit dans son Epître: Mes bien-aimés, me sentant pressé de vous écrire touchant votre salut commun, j'ai dû vous écrire afin de vous supplier de combattre vigoureusement pour la foi qui a été une fois transmise aux saints; car quelques hommes impies se sont introduits parmi vous.

  A008002390 

 L'histoire racontée au III e Livre des Rois, chap. III, me vient présentement en mémoire: la femme à qui appartient l'enfant, c'est-à-dire la doctrine chrétienne, ne veut pas de partage.

  A008002390 

 Néanmoins [nous devons ajouter foi] à l'autre partie, qui n'est pas écrite, mais qui seulement a été transmise comme de main en main.

  A008002391 

 La Tradition est donc nécessaire; et l'idée de vouloir puiser la doctrine au souffle de l'Esprit-Saint est tout-à-fait insensée; on attribuerait [aux Ecritures] «autant de significations qu'il y a de têtes.» Il faut donc étudier ce dépôt, suivre les enseignements de la foi transmise une fois pour toutes aux saints, écouter l'Eglise qui en est la dépositaire.

  A008002391 

 Mais, disent-ils, les Ecritures ne suffisent-elles pas? ne sont-elles pas suffisantes et surabondantes? Assurément, je ne voudrais pas dire avec de très illustres et très doctes personnages qu'elles ne suffisent pas, Oui, elles suffisent; c'est nous qui ne suffisons pas à puiser la doctrine catholique dans les seules Ecritures, prises isolément.

  A008002392 

 pour savoir qu'il existe des Ecritures; car, comment le saurions-nous sans le témoignage de l'Eglise qui a reçu cette tradition? Ainsi donc, ou l'Ecriture ne fait pas foi, ou la Tradition fait foi..

  A008002394 

 Voir en outre ce passage de l'Apôtre aux Hébreux, [touchant Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles a expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre.

  A008002395 

 Pour expliquer le sens des Ecritures; car ce qui fait les hérétiques c'est «la mauvaise interprétation des bonnes Ecritures.» [324].

  A008002409 

 Notastis, opinor, me non extendisse sermonem ad traditiones quibus omnino innixa fuit religio usque ad [325] Moysen, qui primus scriptorum fuit, neque ad traditiones quæ erant inter Hebræos, nam id nimis longum fuisset.

  A008002428 

 Vous aurez remarqué, je pense, que je ne suis pas remonté jusqu'aux traditions qui nécessairement étayaient la religion jusqu'à Moïse, le premier [325] écrivain sacré, ni aux traditions qui régnaient parmi les Hébreux, c'eût été trop long.

  A008002429 

 Que nous en avons tel nombre; car comment savons-nous que l'Epître aux Laodicéens et les Epîtres à Sénèque ne sont pas de vraies Epîtres de saint Paul, sinon par la Tradition? Et puis, ces mots de l'Apôtre lui-même [au sujet de Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles à expliquer.

  A008002435 

 Aussi peut-on appliquer à la Tradition ce texte: Scrutez les Ecritures; ce sont elles qui rendent témoignage à la Tradition et à l'autorité infaillible de l'Eglise.

  A008002435 

 Ils ont Moïse et les Prophètes, qu'ils les écoutent: écouter, c'est en réalité obéir, mais obéir à une personne qui parle; écouter Moïse, c'est écouter les docteurs qui interprètent les Livres de Moïse..

  A008002435 

 La Tradition n'ajoute donc rien, elle procède à la manière de ceux qui extraient la liqueur de la myrrhe et du baume, non pas avec un couteau de fer, mais avec du verre, de la pierre, de l'os, de l'ivoire, ou un autre bois; de même que les abeilles tirent le miel de la fleur; mais les hérétiques, semblables à des araignées, tirent de l'Ecriture fiel et poison, non pas que l'Ecriture contienne du poison, mais parce qu'ils en convertissent le sens en poison.

  A008002436 

 Combien je vois de fébricitants qui me présentent le pouls, les yeux, la langue!.

  A008002436 

 Demeurons donc avec le Christ dans la maison de Simon et d'André; là, le Christ guérit ceux qui ont la fièvre.

  A008002449 

 v. 14, præcipiebatur ut deleretur de populo qui Sabathum violaret, tamen Moyses et Aaron nesciebant quid facere [330] de hoc colligente ligna; sive quia parva videbatur transgressio, sive quia nesciebant quo genere mortis puniri deberet.

  A008002452 

 Similes Nabalo et Absalon, qui tantum gaudemus tonsura ovium.

  A008002462 

 En effet, il était déjà ordonné dans l'Exode de retrancher du peuple tout violateur du Sabbat; Moïse et Aaron ne savaient toutefois quelle peine infliger à cet homme qui [330] ramassait du bois, soit que cette violation de la Loi leur parût légère, soit qu'ils ne sussent de quel genre de mort la punir.

  A008002462 

 Le plus terrible de tout est ce qui arriva à Ananie et à Saphire.

  A008002462 

 Mais il faut se rappeler que tous ces péchés étaient opposés à la vertu de religion, cette [331] reine de toutes les vertus morales, qui consiste dans la constante et perpétuelle volonté de rendre à Dieu, autant qu'il se peut, l'honneur qui lui est dû..

  A008002463 

 Jamais le Seigneur n'avait frappé qui que ce fût, et même lorsqu'on s'empara de lui, il ne voulut pas qu'on frappât personne, et reprit Pierre lorsqu'il frappait; mais ici, enflammé de zèle, etc..

  A008002466 

 Nous ne cherchons [332] point ce qui est à vous, mais vous-mêmes.

  A008002466 

 Nous ressemblons à Nabal et à Absalon, qui ne se réjouissaient qu'à la tonte des brebis.

  A008002467 

 [On ne s'étonne plus des plaintes de Jérémie:] Comment l'or s'est-il obscurci et sa couleur éclatante a-t-elle été ternie? comment les pierres du sanctuaire ont-elles été dispersées aux coins de toutes les places? Comment les fils de Sion, qui étaient si illustres et revêtus de l'or le plus pur, ont-ils été traités comme des vases d'argile, ouvrage des mains du potier? Hélas! avec quelle irrévérence vous-mêmes apportez dans les temples des bœufs, des brebis, des colombes: des pensées immondes, terrestres, comme les bœufs et les brebis; et volages, comme les colombes..

  A008002477 

 Accipienda prima pars sermonis qui habetur fol.

  A008002488 

 Notavi obiter illum paraliticum qui ad probaticam sanatus est, propter peccata contraxisse infirmitatem suam; unde Christus eum sanavit eo modo quo sanantur peccatores, petens scilicet ejus consensum: Vis sanus fieri? At huic minime ita loquitur, quia non ob peccata infirmus erat..

  A008002490 

 Mendicum autem istum ideo sanatum a medico, quia mendicos medicus diligit; nos, quia non sumus mendici, quamvis coeci, non curamur a Medico cælesti, qui esurientes replet bonis et divites dimisit inanes.

  A008002497 

 Prendre la première partie du sermon qui se trouve folio 40.

  A008002503 

 Il faut donc alors faire pénitence; [335] ensuite imiter David: Je me suis tu et n'ai pas ouvert la bouche, parce que c'est vous qui l'avez fait; détournez de moi vos coups.

  A008002504 

 Mais quand les autres sont frappés, il ne faut pas juger qu'ils le sont pour leurs péchés, comme le faisaient les amis de Job, la femme de Tobie et les barbares [dont il est question] dans les Actes, chap. XXVIII. Un esclave éthiopien portait un objet recouvert d'un voile; interrogé sur ce qu'il portait: «Je ne l'aurais pas voilé,» dit-il, «si j'avais voulu vous le faire connaître.» Euclide, questionné sur la nature de Dieu et sur ce qui lui est le plus agréable, répondit: «J'ignore le reste, mais ce que je n'ignore pas, c'est qu'il hait les curieux.».

  A008002508 

 J'ai noté de plus la gradation suivie par le Christ: il vit d'abord l'aveugle, comme le soleil voit la terre en agissant sur elle; lui couvrit les yeux de boue, c'est-à-dire, lui fit connaître sa misère; [puis lui adressa ces paroles:] Va à la piscine de Siloé, nom qui signifie mission.

  A008002508 

 Or, quelle est la piscine de la mission sinon le Sacrement de Pénitence? En l'instituant, le Christ ne dit-il pas: Comme mon Père m'a envoyé, ainsi je vous envoie; ceux à qui vous remettrez les péchés, etc. [337].

  A008002509 

 Ce mendiant est guéri par le médecin, parce que le médecin aime les mendiants; pour nous, bien que nous soyons aveugles, comme nous ne mendions pas, nous ne sommes pas guéris par le Médecin céleste qui comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides.

  A008002522 

 Audistis heri discipulos quærentes: Rabbi, quis peccavit, hic, aut parentes ejus? Rustica sane, et insipiens quæstio; nam quomodo infans antequam [339] nascatur potest peccare, ut coecus nascatur? At de hoc puero poterat moveri quæstio: Quis peccavit, hic, an mater ejus, ut tam cito moreretur? Et hæc est communis opinio liominum: ut mulieris Tobiæ, et Job, qui tamen dixit: Non peccavi; et Marthæ: Domine, si fuisses hic.

  A008002523 

 De Aman qui suspendere volebat Mardocheum, etc. Ratio est, quia plerumque fallimur; ut barbari, Act.

  A008002529 

 Ut litigantes, ut qui [341] inebriantur, ut qui fabulantur in itinere et progrediuntur; ut ludentes, quibus si dicas: Perdes hanc summam, non luderent, sed ubi perdiderunt primum nummum facile perdunt et secundum.

  A008002539 

 Vous avez entendu hier les disciples demander: Maître, qui a péché, celui-ci ou ses parents? Question qui est évidemment grossière et impertinente, car comment un enfant aurait-il pu, avant de naître, commettre un [340] péché en punition duquel il naîtrait aveugle? Mais au sujet du jeune homme de Naïm, on pouvait soulever la question: Qui a péché, celui-ci ou sa mère, pour qu'il soit mort si prématurément? C'est une opinion commune parmi les hommes [que la mort prématurée est une punition du péché]: ainsi le croyaient, par exemple, la femme de Tobie; Job, qui dit pourtant: Je n'ai point péché; Marthe: Seigneur, si vous eussiez été ici, [etc.] Néanmoins, c'est quelquefois même par bonté que Dieu retire les hommes de ce monde: Ayant plu à Dieu, il est devenu son bien-aimé, et Dieu l'a transféré d'entre les pécheurs parmi lesquels il vivait.

  A008002540 

 Rappeler l'histoire d'Aman, qui voulait faire pendre Mardochée, etc. Ce qui nous oblige à cette réserve c'est que très souvent nous nous trompons; il en fut ainsi des barbares, Actes, XXVIII. [340] 3.

  A008002546 

 Il ne l'affirme pas d'une manière absolue; par qui serait-il [341] cru? mais il assure que ce ne sera pas d'un jour à l'autre.

  A008002546 

 Ils passent leurs jours dans la jouissance, etc. Comme les chasseurs qui poursuivent les ramiers des bois, [les maltraitent après les avoir saisis, ainsi, etc.] Ecoutez la parole du Seigneur, hommes railleurs; vous avez dit: Nous avons contracté une alliance avec la mort et nous avons fait un pacte avec l'enfer, etc. [342].

  A008002546 

 On ressemble à ceux qui plaident, à ceux qui s'enivrent, à ceux qui marchent tout en parlant, à ceux qui jouent.

  A008002555 

 Quid dicent? Quomodo cecidisti, Lucifer, qui mane oriebaris? cui dictum erat: In cælum Ecclesiæ ascendes, super astra Dei exaltabo solium tuum, sedebis in monte testamenti, ascendes super altitudinem nubium, similis eris Altissimo, id est, ejus vicarius.

  A008002555 

 ab eo qui omnium minime: ob innumera beneficia accepta quæ ingratitudinem pejorem faciunt, et qui spoponderat nominatim se constanter facturum.

  A008002567 

 Beatus vir qui timet Dominum.

  A008002567 

 Qui confidunt in Domino sicut mons Syon..

  A008002568 

 54 in Cant.: « Beatus homo qui semper est pavidus.

  A008002568 

 Beatus vir qui semper est pavidus.

  A008002572 

 Post horam alius affirmabat: Vere et hic cum illo erat, nam et Galilaeus est; et accesserunt qui astabant et dixerunt Petro: Vere et tu ex illis es, nam et Galilaeus es; nam loquela tua manifestum te facit.

  A008002580 

 Que diront-ils? Comment es-tu tombé, Lucifer, toi qui te levais dès le matin? Celui auquel il avait été dit: Tu monteras au ciel de l'Église, j'élèverai ton trône sur les astres de Dieu, tu t'assiéras sur la montagne du testament, tu monteras sur la hauteur des nues, tu seras semblable au Très-Haut, c'est-à-dire tu seras son vicaire.

  A008002580 

 commis par celui qui devait le moins le commettre: qui avait reçu d'innombrables bienfaits (sujet d'une plus noire ingratitude), et qui avait promis nominativement de demeurer constamment fidèle.

  A008002582 

 C'est ce que dit [le fils de] Sirach: L'homme saint demeure dans la sagesse, comme le soleil; mais l'insensé est changeant comme la lune; ce qui peut s'expliquer de deux manières.

  A008002586 

 il envoya demander quelle était cette femme? curiosité dangereuse: s'il n'avait pas su qui elle était, il ne l'aurait pas mandée; 5.

  A008002586 

 il vit une femme qui se baignait, et il arrêta sur elle un regard assez prolongé pour remarquer sa beauté; s'il ne l'eût vue qu'en passant, il [346] ne l'aurait pas remarquée (et il ne dit pas alors: Détournez mes yeux afin qu'ils ne voient pas la vanité ); 4.

  A008002587 

 A l'extérieur, ils sont très ornés, mais dans leur sanctuaire, c'est un chat ou un crocodile qui est proposé à l'adoration.

  A008002590 

 Bienheureux lhomme qui craint le Seigneur.

  A008002590 

 Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion..

  A008002590 

 Et sa miséricorde s'étend sur la génération de ceux qui le craignent.

  A008002591 

 Bienheureux l'homme qui est toujours craintif.

  A008002591 

 Saint Bernard, sermon LIV sur le Cantique: « Bienheureux l'homme qui est toujours craintif.

  A008002593 

 Le crocodile poursuit ceux qui le fuient.

  A008002594 

 Il entre dans la maison et s'arrête à parler avec les serviteurs, etc. Voici comment les choses se passèrent: Pendant qu'il était assis dehors dans la cour, une servante, la portière du grand Pontife, s'approcha de lui; et lorsqu'elle eut aperçu Pierre qui se chauffait assis devant le feu, [349] l'ayant regardé, elle dit a eeux qui étaient présents: Celui-ci aussi était avec cet homme.

  A008002594 

 Or comme il sortait, une autre servante dit a ceux qui étaient présents: Celui-ci était avec Jésus le Nazaréen..

  A008002595 

 Enfin un parent de celui à qui il avait coupé l'oreille [lui dit]: Ne t'ai-je pas vu dans le jardin avec lui? Il le nia de nouveau: O homme, je ne sais ce que tu dis; il commença a faire des imprécations et a jurer: Je ne connais point cet homme dont vous parler..

  A008002595 

 Une heure après, un autre affirmait: Vraiment, celui-ci aussi était avec lui, car il est également Galiléen; et ceux qui se trouvaient là s'approchèrent et dirent à Pierre: Certainement, tu es aussi de ces gens, car ta es Galiléen et ton langage te fait assez connaître.

  A008002596 

 Comparaison donnée par saint Basile, du chien qui aboie et auquel tous les autres répondent.

  A008002607 

 Dicendum de iis qui passionibus perturbantur, ut de navigantibus ait Psal. 106.

  A008002608 

 Qui equus vestigia luporum terit, vix incedere potest.

  A008002614 

 14 de Civit., c. 9, exemplo Christi, qui videtur habuisse passiones.

  A008002614 

 Verum non passiones habuit, sed propassiones; ergo convenientius refelluntur ex viris sanctissimis, maxime ex Petro, qui justus, post Eucharistiam, lotionem pedum, etc., tamen perturbatur timore.

  A008002615 

 Qui stat, videat ne cadat.

  A008002617 

 6: Fratres, et si præoccupatus fuerit homo in aliquo delicto, vos qui spirituales estis, hujusmodi instruite in spiritu lenitatis, considerans teipsum ne et tu tenteris.

  A008002617 

 Pastor circumdatum se debet existimare infirmitate; et qui poenitentia eguit, poenitentiam aliis facilius impertit.

  A008002617 

 «Ut qui primus erat dignitate, primus esset humilitate.» [357].

  A008002624 

 Ainsi le flot qui s'élève vers l'orient, retombe très facilement vers l'occident.

  A008002625 

 Il a dispersé ceux qui s'enorgueillissaient dans les pensées de leur cœur.

  A008002625 

 L'éléphant qui est le plus doux des animaux est aussi le plus cruel.

  A008002625 

 Nous nous étonnerions de voir un éléphant qui résisterait à un rhinocéros et aussitôt après redouterait un rat; il en est de même du crocodile qui fuit l'ichneumon.

  A008002626 

 Le cheval qui a rencontré la trace des loups s'avance avec peine.

  A008002629 

 Ce qui étonne c'est que la crainte ait été assez forte pour pousser Pierre à un double ou à un triple reniement avec serment et anathème: c'est l'effet de la convoitise et du dérèglement des passions.

  A008002629 

 Lisez l'histoire de Naboth: vous y verrez un grand crime résultant du léger désir de posséder une vigne, désir qui, sans être injuste, était pourtant immodéré.

  A008002631 

 Je laisse de côté les causes générales pour lesquelles Dieu permet le péché (voir [Bellarmin], liv. III, chap. II De la perte de la grâce et de l'état du péché ), et je dis que le Christ voulait réfuter d'avance les Apathistes: Euthimius, Palladius, Evagrius de Pont, qui affirmaient que les Saints et les justes étaient exempts de toute perturbation.

  A008002631 

 Néanmoins il n'a pas eu des passions, mais seulement des propassions; il est donc plus convenable de les réfuter par l'exemple des hommes les plus saints, de Pierre surtout qui était juste, et qui cependant, après la Communion, le lavement des pieds, etc., est troublé par la crainte.

  A008002631 

 Voir Rossignoli, liv. II, chap. XXVII. Saint Jérôme, dans son épître à Ctésiphon, et saint Augustin (liv. XIV de la Cité [ de Dieu ], chap. IX) les réfutent par l'exemple du Christ qui semble avoir eu des passions.

  A008002632 

 Il voulait confondre ceux qui disent que les fidèles ne peuvent pécher et [355] sont sûrs de leur salut.

  A008002632 

 Que celui qui est debout prenne garde de tomber.

  A008002632 

 Qui, en effet, était plus affermi que Pierre, soutenu par l'Eucharistie et par tant d'avertissements du Christ? Néanmoins il tomba.

  A008002634 

 Grande est la vertu d'humilité qui naît parfois du souvenir de nos péchés.

  A008002634 

 Le pasteur doit se considérer comme entouré d'infirmités; et celui qui a eu besoin de pénitence accorde plus facilement aux autres le pardon.

  A008002634 

 Mes frères, si un homme est tombé par surprise dans quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté.

  A008002634 

 Vous n'avez pas bandé ce qui a été brisé.

  A008002634 

 «Afin que celui qui était le premier en dignité, fût le premier en humilité.» [357].

  A008002654 

 DE LA GRACE QUI PREVINT SAINT PIERRE.

  A008002657 

 De là ces paroles: Adam, où [358] es-tu? Et à Caïn irrité: Si tu fais bien, ne [ recevras-tu pas la récompense] D'où vient, Israël, que tu habites la terre des étrangers? Tu as vieilli dans une terre étrangère, tu f es souillé avec les morts, tu es devenu semblable à ceux qui descendent en enfer; tu as abandonné la source de la sagesse.

  A008002658 

 Comme un homme qui est tombé en défaillance.

  A008002669 

 Nam vocatur tractus: Trahe me post te; vocatio: Multi vocati; vox: Vox Dilecti mei; præventio: Misericordia ejus præveniet me; illuminatio: Exurge, qui dormis, et illuminabit te Christus.

  A008002670 

 Adamus de Christo ad Mot explicat, qui: Et posuit os meum quasi gladium acutum, et posuit me quasi sagittam electam; in pharetra sua abscondit me.

  A008002671 

 Rara similitudo de percutiente amore, ut de eo qui capreas Candiæ.

  A008002683 

 Elle est appelée attraction: Tirez-moi après vous; vocation: Beaucoup sont appelés; voix: La voix de mon Bien-Aimé; prévenance: Sa miséricorde me préviendra; illumination: Lève-toi, toi qui dors, et le Christ t'illuminera.

  A008002685 

 Belle comparaison entre l'amour qui frappe, et les chasseurs qui poursuivent les chèvres de Candie.

  A008002685 

 C'est ainsi que, dans un but opposé, agissent les méchants: Je me confie au Seigneur, car voici que les pécheurs ont tendu l'arc, ils ont disposé leurs flèches dans le carquois, pour frapper dans l'obscurité ceux qui ont le cœur droit. 2.

  A008002685 

 Pourquoi appeler flèche la grâce prévenante? Parce qu'elle atteint ceux qui n'y pensent pas.

  A008002686 

 Elle est appelée inspiration: Il inspira sur son visage un souffle de vie; car le pécheur est mort, mais il revit par la grâce qui le prévient..

  A008002687 

 De même saint Grégoire de Nysse fut touché voyant une peinture qui représentait le sacrifice d'Abraham; le bienheureux Pacôme, voyant un exemple de charité; Augustin, à la lecture de ce passage: Non dans les dissolutions; Pélagie, dont le nom signifie perle, à la parole de Nonnus.

  A008002688 

 Le plus souvent, hélas! ce qui sourit vu de loin, déplaît lorsqu'il faut en venir à l'exécution.

  A008002688 

 Nous avons donc besoin de la grâce qui coopère avec nous, de celle qui suit notre acte et de celle qui nous aide.

  A008002688 

 Voilà Elie qui s'étend par trois fois sur l'enfant.

  A008002701 

 Convertimini in toto corde; aliqui sunt qui quidem convertunt aliquatenus oculos, sed non corpus erga postclamantes.

  A008002701 

 Ecce gratia præveniens illuxit, et nox recidit, ut pigri qui aperiunt oculos ( Usquequo, piger, dormies et dormitabis?) deinde claudunt, et in medio die faciunt sibi noctem.

  A008002701 

 Seir regio est Idumææ; ab Esau, qui et Edom, rufus, et Seir, id est, hispidus.

  A008002702 

 Deinde ingressa gratia, petit consensum; quo habito dat vasa argentea, id est, timorem, et aurea, id est, amorem; mox vestit firmissimo proposito, id est, ab amore inchoato perducit ad amorem fortem, qui proponit etiam usque ad mortem perseverare.

  A008002703 

 Gratia autem hæc cooperans, in tribus consistit, quæ Raphael prestitit Tobiæ: in directione vel mediata vel immediata, interiori et exteriori (et nota, si negligas exteriorem, id est, hominem dirigentem, vix habebis [366] interiorem; audi gallum et respiciet te Dominus); in protectione et defensione adversus mala, contra piscem; et in juvamine, ut Raphael qui etiam victum præstitit.

  A008002703 

 Sic Paulo: Vade ad Ananiam, ecce directionem, qui dedit spiritum dirigentem et squamas dejicientem; deinde, expulit peccatum Baptismo; tertio, comedit..

  A008002704 

 Ergo necessaria est ad salutem peccatorum perseverantia: Qui perseveraverit usque in finem, hic salvus erit.

  A008002704 

 Qui convertuntur in morte ut latro, et paucissimi alii, habent sequivalentem perseverantiam; nam proprie non perseverant, sed eorum conversio æquivalet [367] perseverantiæ, et nihil est aliud quam conversio.

  A008002704 

 Qui stat videat ne cadat.

  A008002706 

 Primus est: Si ex nobis nihil possumus, qui damnatur damnatur quia Deus illum non adjuvit; en siti morior.

  A008002713 

 DE LA GRACE QUI ACHÈVE LE SALUT.

  A008002715 

 La première est celle de la miséricorde, la seconde celle de la grâce, la troisième celle de la gloire.» Je modifierai quelque peu cette division, car je comprends la grâce qui couronne dans celle qui perfectionne..

  A008002715 

 Saint Bernard, dit dans le XXXIX e de ses Petits Sermons: «Une triple bénédiction nous est nécessaire: celle qui prévient l'acte, celle qui y coopère, celle qui le couronne.

  A008002716 

 C'est la grâce prévenante qui a brillé, mais la nuit retombe; il est semblable aux paresseux qui ouvrent les yeux ( Jusqu'à quand, paresseux, dormiras-tu et sommeilleras-tu?) puis les referment, et au milieu du jour se font une nuit.

  A008002716 

 Convertissez-vous de tout cœur; il y en a qui, à la vérité, tournent bien les yeux, mais non pas leur corps vers ceux qui crient derrière eux.

  A008002716 

 Que de fois, en effet, nous disons: Je veux me convertir, et cependant nous ne nous convertissons pas! C'est le reproche qu'adresse Isaïe aux Iduméens: Malheur accablant de Duma, c'est-à-dire, de [364] la partie de l'Idumée qui est située au sud; il me crie de Séir.

  A008002717 

 Beaux exemples cités dans la Genèse, chap. XXIV. Rébecca ne soupçonnait rien, et voici qu'Eliézer, auprès [365] de la fontaine, lui demande, etc. C'est la première ouverture, elle entend le messager, écoute sa proposition; Eliézer lui donne ensuite des pendants d'oreilles en or, qui signifient la suavité et la douceur à l'audition de ses paroles, et des bracelets, c'est-à-dire le moyen de les mettre en exécution.

  A008002717 

 C'est cette grâce qui nous fait rechercher de tout cœur tous les moyens d'une vraie pénitence.

  A008002717 

 Donc, pour le salut du pécheur, cette grâce qui aide et dont nous avons parlé précédemment est nécessaire.

  A008002717 

 Une fois entrée, la grâce appelle le consentement, et dès qu'il s'est présenté, elle offre à son hôte des vases d'argent, c'est-à-dire la crainte, et d'or, c'est-à-dire l'amour; bientôt elle le revêt d'un très ferme propos, c'est-à-dire que, de l'amour ébauché, elle le conduit à cet amour puissant qui se propose de persévérer même jusqu'à la mort.

  A008002718 

 Ainsi Eliézer raconte qu'il est envoyé pour ramener une épouse à son maître, c'est la direction; ensuite, pour la protéger, il lui donne des vêtements qui la défendent contre l'intempérie de l'air; troisièmement, pour la soutenir, il lui amène des chameaux.

  A008002718 

 Cette grâce coopérante comprend les trois services rendus à Tobie par Raphaël: elle dirige directement ou indirectement, au dedans et au dehors (et remarquez, si vous négligez la direction extérieure, c'est-à-dire celle qui provient de l'homme, vous obtiendrez difficilement l'intérieure; écoutez le [366] coq et le Seigneur vous regardera); elle protège et défend contre le mal, contre le poisson; elle soutient, comme Raphaël qui fournit encore des aliments.

  A008002718 

 De même pour saint Paul: Va trouver Ananie, c'est la direction; celui-ci lui donne l'esprit qui le dirige et fait tomber les écailles de ses yeux; ensuite, il chasse le péché par le Baptême; troisièmement, Paul mange..

  A008002719 

 Ceux qui se convertissent à la mort, comme le larron et d'autres fort peu nombreux, ont eu la persévérance équivalente; car, à parler exactement, ils ne persévèrent [367] pas, mais leur conversion équivaut à la persévérance qui n'est rien autre que la conversion.

  A008002719 

 La persévérance est donc nécessaire au salut des pécheurs: Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin, celui-là sera sauvé.

  A008002719 

 La persévérance proprement dite est celle par laquelle nous persévérons longtemps, et dans ce cas, le don de la persévérance n'est autre chose qu'une série de grâces qui dirigent, protègent et portent secours..

  A008002719 

 Que celui qui est debout prenne garde de tomber.

  A008002719 

 Vous couriez si bien; qui vous a arrêtés? Le Concile de Trente dit: Le don mystérieux de la persévérance est très haut et très profond.

  A008002720 

 Mais deux objections se présentent contre ce qui vient d'être avancé.

  A008002720 

 Voici la première: Si par nous-mêmes nous ne pouvons rien, celui qui est condamné l'est parce que Dieu ne l'a pas aidé? Voici que je meurs de soif.

  A008002720 

 Voir dans le livre de l'Amour de Dieu l'exemple de celui qui ferme les yeux.

  A008002721 

 C'est la partie inférieure de l'âme qui faisait pleurer les filles de Jérusalem, aussi le Seigneur leur dit-il: Ne pleurez pas sur moi, par la partie inférieure.

  A008002736 

 Ultimo meo sermone, hic habito, feria secunda Pentecostes, dicebam tempus mihi loquendi esse, quia linguæ igneæ nobis Apostolorum successoribus datæ erant; sed et nunc quoque tempus clamandi, nam tunc [370] festum linguarum, at nunc tempus vocis est, eum enim celebramus qui vox est clamantis.

  A008002737 

 Et jam videtis, charissimi mei, de gaudio pacis nostræ etiamnum velle verba miscere; quomodo enim tacerem in tanta gaudii causa? Et sane opportune; ecce enim jam anniversarium diem ago primæ mese ad vos concionis, nec pauciores sunt 25 annis expletis; et quidem mihi ipsi gratulor qui semper exinde vos expertus sum benevolos auditores, qui nimirum ut multos [prædicatores] peritiores at nunquam habituri estis amantiores.

  A008002745 

 Sed ecce, o felices nos, quibus pax advenit præter spem omnium, cum tanto honore Principis, qui a mesure son espee avec celle du plus puissant Roy.

  A008002747 

 Qui habet duas tunicas, det non habenti.

  A008002748 

 Facite judicium et justitiam ( Justitia et pax osculatae sunt ), et diligite pauperes: Qui habet duas tunicas, det non habenti. [375].

  A008002760 

 Dans mon dernier sermon que je fis ici le lundi de la Pentecôte, c'était pour moi, disais-je, le temps de parler, parce que des langues de feu nous avaient été données, à nous, successeurs des Apôtres; mais c'est [370] aujourd'hui le temps de parler bien plus haut, car si c'était alors la fête des langues, c'est maintenant le temps de la voix, parce que nous célébrons le Saint qui est la voix de Celui qui crie.

  A008002760 

 Eh bien! de ma faible voix, je louerai cétte voix, et encore la voix de Celui qui doit diriger nos pas dans la voie de la paix..

  A008002762 

 Comme s'il disait: Le Christ est le soleil qui paraît d'en haut à l'orient, le soleil qui se lève dans les hauteurs d'où il est venu nous visiter; quant à toi, tu es l'aurore, l'agréable étoile, tu es le paranymphe et le héraut qui prépare ses voies..

  A008002763 

 J'entends la voix de mon Bien-Aimé; le voici lui-même qui vient sautant sur les montagnes, franchissant les collines. L'église Mosaïque dormait, et voici la voix du Bien-Aimé.

  A008002763 

 Les autres Prophètes disaient: Voilà qu' il viendra, il viendra et il ne tardera pas; mais celui-ci dit: Le voici qui vient, sautant sur les montagnes, franchissant les collines.

  A008002764 

 Il ne boit ni vin ni cervoise; voilà comment il évite tout ce qui est dangereux.

  A008002765 

 Et le Christ [donna cet ordre] à ceux qui devaient prêcher l'Evangile: En quelque maison que vous entriez, etc., dites: Paix à cette maison; c'est-à-dire, la paix de l'Evangile, l'Evangile de paix.

  A008002767 

 Mais combien nous sommes heureux! Voici que la paix nous arrive contre toute attente, et pour la plus grande gloire de notre Prince qui a mesuré son épée avec celle du plus puissant Roi.

  A008002767 

 si nous rendons à Dieu les actions de grâce qui lui sont dues; les sources se dessèchent si personne n'y puise.

  A008002768 

 On donnera à celui qui a, et on ôtera à celui qui n'a pas. La paix ne doit pas être oisive, mais tranquille..

  A008002768 

 Pline dit: «Ne comprimez ni ne gaulez l'olivier.» Ceux qui aiment votre loi jouissent d'une grande paix, et il n'y a pas pour eux de scandale.

  A008002769 

 Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a point.

  A008002770 

 Rendez le jugement et la justice ( La justice et la paix se sont embrassées ), et aimez les pauvres: Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n'en a point. [375].

  A008002783 

 Etenim benedictionem dabit legislator, ibunt de virtute, etc. Bernardus ad Garinum: « Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum, propter retributionem.» Ouam mire Sanctus Bernardus exagitat eos qui proficere nolunt, epistola 341: « Qui se dicit in Christo manere, debet sicut et ille ambulavit et ipse ambulare; Jesus autem crescebat et proficiebat, sapientia et aetate et gratia.».

  A008002784 

 Ergo Beata Domina crevit, ut aurora, a conceptione ad maternitatem; unde Angelus gratia plenam invenit, et Spiritus Sanctus qui venerat, supervenit.

  A008002790 

 Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la lune, éclatante comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille?.

  A008002793 

 Car le législateur donnera sa bénédiction, ils iront de vertu, etc. Saint Bernard à Guérin: « J'ai incliné mon cœur à accomplir éternellement vos justifications en vue de la récompense.» Combien admirablement saint Bernard, dans son épître CCCXLI e, presse-t-il ceux qui ne veulent pas avancer: « Celui qui dit demeurer dans le Christ, doit marcher lui-même comme il a marché; or Jésus croissait et avançait en sagesse, en âge et en grâce.».

  A008002794 

 Donc notre bienheureuse Souveraine grandit comme l'aurore depuis sa conception jusqu'à sa maternité; c'est pourquoi l'Ange la trouva pleine de grâce, et l'Esprit-Saint qui était déjà venu, vint en elle avec plénitude.

  A008002802 

 v. 4: Non est qui invocet justitiam neque est qui judicet vere, sed confidunt in nihilo et loquuntur vanitates; conceperunt dolorem et pepererunt iniquitatem.

  A008002807 

 12: Qui fecerit voluntatem Patris mei, ille meus frater, et soror, et mater est: frater, quia ego facio; et soror similiter, ut includat utrumque sexum; et mater, quia me in corde suo concepit et deinde parit.

  A008002807 

 8: Mater mea et fratres mei hi sunt qui audiunt Mot Dei; audiunt et faciunt.

  A008002807 

 [24]: Renovamini spiritu mentis vestrce, et induite novum hominem qui secundum Deum creatus in justitia et sanctitate veritatis.

  A008002808 

 21: Quoniam tu es qui extraxisti me de ventre.

  A008002813 

 Si nous commençons à parler, peut-être le supporteras-tu avec peine; mais qui pourrait retenir le discours qu'il a conçu? Ce sont les paroles d' Eliphaz le Thémanite..

  A008002814 

 Les abîmes n'étaient pas encore, et moi j'étais déjà conçue; avant toutes les collines j'étais enfantée... Comme celle qui a conçu, lorsqu'elle approche de l'enfantement, souffre et crie dans ses douleurs, ainsi sommes-nous devenus devant votre face, Seigneur.

  A008002816 

 Il n'est personne qui invoque la justice ni qui juge dans la vérité, mais ils se confient dans le néant et parlent de vanités; ils ont conçu la douleur et ils ont enfanté l'iniquité.

  A008002817 

 O Galates insensés, qui vous a fascinés pour ne pas obéir a la vérité, vous aux yeux de qui a été dépeint Jésus-Christ crucifié au milieu de vous?.

  A008002818 

 Les enfants ont été prêts a sortir du sein de leur mère, et elle n'a pas eu la force de les enfanter... Avant qu'elle fût en travail elle a enfanté, avant que [379] vînt le temps de son enfantement elle a mis au monde un enfant mâle; qui a jamais ouï une telle chose, et qui a vu rien de semblable? Saint Jean Damascène, De la Foi orthodoxe, liv. IV, chap. XV, interprète ce passage de la Sainte Vierge..

  A008002819 

 Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous... As-tu observé les biches lorsqu'elles enfantent? Elles se courbent pour produire leur fruit et elles le mettent au jour, et elles poussent des rugissements.

  A008002821 

 Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité... La femme lorsqu'elle enfante, etc. D'après Rupert et plusieurs Grecs, l'enfant doit être le Christ; voir Maldonat.

  A008002822 

 Celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère et ma sœur et ma mère: mon frère, parce que moi-même je le rends tel; et également ma sœur, pour comprendre les deux sexes; et ma mère, parce qu'il m'a conçu dans son cœur et ensuite il m'enfante.

  A008002822 

 Ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, qui l'écoutent et qui l'accomplissent.

  A008002823 

 Parce que c'est vous qui m'avez tiré du sein de ma mère....

  A008002845 

 Qui es-tu? c'est-à-dire: Es-tu le Christ? Il confessa et il ne le nia point.

  A008002845 

 Quoi donc? que dis-tu de toi-même, afin que [ nous donnions ] une réponse, [etc.] Je suis la voix de Celui qui crie dans le désert, etc. Voyez l'abaissement: Je ne suis pas digne de délier la courroie, etc..

  A008002846 

 (Nous, souvent nous confessons et nous nions, même dans la confession.) En faisant cette question: Qui es-tu? ils confessent et ils nient.

  A008002855 

 «Ille tenet et quod latet et quod patet in Divinis Sermonibus qui charitatem tenet in moribus;» August., serm. de Laudibus Charitatis.

  A008002856 

 «Qui Curios simulant et bacchanalia vivunt.».

  A008002857 

 De cursu suo ludere ut proteus et chamaeleon, qui ad placitum colores omnes in cursu suo exprimunt, praeter rubrum et album.

  A008002857 

 Tertul., lib. De Pudicitia, c. 10: «Funambule pudicitiae!» Vocat funambulum pudicitiae qui perdendae pudicitiae magno se periculo committit temere.

  A008002858 

 (Hebraei: Il fit le cuveau d'airain et son sousbassement d'airain, auquel la remembrance de l'assemblee qui commençoit a la porte du tabernacle de convenance, apparoissoit..

  A008002861 

 Or, certum est Beatam Genovefam (multasque Sanctas) hujusmodi specula non dedisse, quae nunquam habuit, sed dedit mysticum speculum: exemplum mirabile quod nobis dedit qui lavari ac mundari volumus; nostros repraesentat vultus conservandos.

  A008002862 

 Mot enim crucis pereuntibus quidem stultitia est, iis autem qui salvi fiunt, id est, nobis, virtus Dei est.

  A008002863 

 Omnes qui volunt, etc., ut funambuli timere debent, se segregare, jejunare, orationibus insistere, nam incauti pereunt.

  A008002867 

 «Celui qui dans sa conduite garde la charité, observe tout ce qui est insinué ou explicitement ordonné dans la Sainte Ecriture;» saint Augustin, sermon sur les Louanges de la Charité.

  A008002868 

 «Ceux qui simulent les Curions et vivent dans l'orgie.».

  A008002869 

 Pendant le cours de sa vie, jouer le rôle d'un protée et d'un caméléon, qui, dans leur course, reflètent à plaisir toutes les couleurs, sauf le rouge et le blanc.

  A008002869 

 Tertullien, livre De la Pudicité, chap. X: «O funambule de la chasteté!» Il appelle funambule de la chasteté celui qui s'expose témérairement à un grand péril de perdre cette vertu.

  A008002870 

 Il fit encore un bassin d'airain avec sa base, des miroirs des femmes qui veillaient à la porte du tabernacle.

  A008002872 

 Celles qui veillaient à la porte du tabernacle.

  A008002872 

 La version des Septante porte, [385] celles qui jeûnaient; la Chaldaïque, celles qui priaient; Cajetan, celles qui s'exerçaient, et l'hébreu, celles qui militaient ou veillaient... Et les vierges qui étaient retirées.

  A008002873 

 Or, il est certain que la bienheureuse Geneviève, ainsi que beaucoup d'autres Saintes, n'a pas donné de ces miroirs, puisqu'elle n'en avait pas; mais elle a donné un miroir mystique dans l'admirable exemple qu'elle nous a laissé, à nous qui voulons nous laver et nous purifier; miroir dans lequel nous voyons notre visage intérieur dont nous devons prendre soin.

  A008002874 

 Car la parole de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, c'est-à-dire pour nous, elle est vertu de Dieu.

  A008002874 

 Dieu a choisi ce qui est insensé selon le monde pour confondre les sages; Dieu a choisi ce qui est infirme selon le monde pour confondre ce qui est fort; Dieu a choisi ce qui est vil et méprisable selon le monde, et les choses qui ne sont pas pour détruire celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie en sa présence... De peur que la grandeur des révélations ne m'élevât, il m'a été donné un aiguillon, etc. Et il m'a dit: Ma grâce te suffit.

  A008002874 

 Où est le sage? où est le scribe? où est l'investigateur de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde? Ce qui paraît folie en Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse en Dieu est plus fort que les hommes.

  A008002875 

 Tous ceux qui veulent [conserver la chasteté] doivent craindre comme des funambules, vivre dans la retraite, jeûner, prier avec insistance, car les imprudents périssent.

  A008002888 

 Ad Rom. I: Qui praedestinatus est Filius Dei, v. 4.

  A008002890 

 v. 7: Qui in diebus carnis suae, praeces supplicationesque ad eum qui possit illum salvum facere a morte, cum clamore valido et lachrymis offerens, exauditus est pro sua reverentia.

  A008002900 

 Ayant été fait d'autant supérieur aux Anges, que le nom qu'il a repu en partage est bien différent du leur; car auquel des Anges a-t-il jamais dit? [etc.] Qu'il a constitué héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles.

  A008002900 

 Qui a été prédestiné Fils de Dieu.

  A008002900 

 Tout est à nous: à notre usage et pour nous; vous êtes au Christ, comme les esclaves sont au maître qui les a achetés, et les membres, au chef.

  A008002902 

 Qui, durant les jours de sa chair, ayant offert avec un grand cri et avec des larmes ses prières et ses supplications à Celui qui pouvait le sauver de la mort, a été exaucé à cause de sa révérence.

  A008002920 

 Bernard., ad Garinum: « Exultavit ut gigas ad currendam viam; currentem non apprehendit qui et ipse pariter non currit.» Bonum certamen certavi, cursum consummavi, fidem servavi; in reliquo reposita est mihi corona justitiae..

  A008002920 

 Nescitis quod ii qui in stadio currunt? etc.; sic currite ut comprehendatis.

  A008002932 

 Or, convention faite, [etc.] Allez vous aussi à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste..

  A008002934 

 Parabole très célèbre et très féconde, mais qui offre une si grande moisson de considérations pieuses, que si nous voulions toutes les recueillir, la journée n'y suffirait pas.

  A008002936 

 Ne savez-vous pas que ceux qui courent [392] dans la lice? etc.; courez de telle sorte que vous remportiez le prix. Saint Bernard à Guérin: « Il a exulté comme un géant pour parcourir sa carrière; on ne saisit pas celui qui court si l'on ne court aussi vite que lui.» J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi; reste [à recevoir] la couronne de justice qui m'est réservée..

  A008002938 

 Car ce qu'il y a de momentané et léger dans notre tribulation opère en nous sans mesure dans la sublimité un poids éternel de gloire; nous ne contemplons point les choses qui se voient, mais celles qui ne se voient pas.

  A008002938 

 Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu, car il faut que celui qui s'approche de Dieu croie qu'il est, et qu'il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent.

  A008002939 

 Saint François au Frère: «Et à cause des biens que j'attends,» etc. Saint Bernard, Aux Ecclésiastiques, sur la Conversion: «Elles ne sont pas dignes d'être comparées à la faute passée qui est remise, à la consolation qui est communiquée, à la gloire qui est promise.» [Nous souffrons pour notre] Rédempteur, pour notre Créateur, pour notre Glorifîcateur..

  A008002953 

 Beatus dives qui inventus est sine macula..

  A008002959 

 Les Gentils, qui ne vivent pas selon la raison, semblables aux chameaux, après avoir déposé le joug de l'idolâtrie, entrent plus facilement que les Juifs.

  A008002960 

 Saint Augustin, d'après Jansénius [de Gand], et saint Grégoire, d'après saint Thomas: L' aiguille perçante est la Passion; le chameau qui entre, le Christ, chargé de nos péchés; le chameau entre plus facilement, car, s'il n'était entré, [395] jamais riche ou orgueilleux ne serait entré.

  A008002961 

 Les deux hypothèses sont impossibles; mais la première serait plus facilement réalisée par Dieu à qui les créatures irraisonnables ne font nulle résistance; la seconde plus difficilement, car, par son libre arbitre, l'homme lui résiste.

  A008002963 

 Théophylacte explique la difficulté de deux manières: il distingue entre celui qui a été riche et celui qui l'est encore (ainsi saint Augustin contre les Pélagiens, épître LXXXIX e ), entre celui qui est riche de fait et celui qui l'est d'affection..

  A008002964 

 Bienheureux le riche qui a été trouvé sans tache..

  A008002990 

 Je le conclurai en demandant l'eau que demandait la Samaritaine, ce qui me permettra de dire un mot de l'Evangile de la férié.

  A008002993 

 En l'Arabie que, pour la benigne influence du ciel qui la rend fertile en toutes sortes d'arbres aromatiques, on appelle Heureuse, il y a, ce disoyent les Anciens, cet oyseau tout a fait admirable, et si rare quil est unique, qu'on appelle phoenix.

  A008002994 

 Certes, il est vray, mes treschers auditeurs, que le pecheur envielli en son iniquite, etc., il se doit faire un bucher, et exciter un feu qui le reduise en cendre et le face devenir vermisseau de poenitence; puis de cet estat la il passe a la justice, et comme un autre phoenix il vole, il est gay, et se peut dire quil sacrifie le sacrifice de justice: Sacrificabo sacrificium justitiae; Introibo ad altare Dei, ad Deum qui laetificat juventutem meam..

  A008002995 

 carnis, a ainsy entendu nostre verset et la comparayson qui y est: Justus ut palma fiorebit; car ayant treuve le mot de phoenix en la version des 72: Justus ut phoenix florebit, il y a dit que le poenitent parvenu a la parfaite resipiscence et poenitence, il se treuve tout rajeuni et comme resuscite a la grace..

  A008002997 

 Disons donques que David a dit: Justus ut palma florebit, parlant de la vraye palme; car qui ne void que sa comparayson est des arbres de la palme et du cedre? Sicut cedrus; et puis, florebit, et plantatus, etc. [399].

  A008002998 

 C'est pourquoy j'ay jette les yeux sur des merveilleuses et rares conditions de cet arbre, qui conviennent, par rapport et similitude, tres singulierement a saint Joseph..

  A008002999 

 C'est le Saint Esprit qui feconde la tressainte Vierge: Spiritus Sanctus superveniet in te, et virtus Altissimi, etc.; Quod in ea natum est, de Spiritu Sancto est.

  A008002999 

 Cum esset desponsata Mater Jesu Maria Joseph, antequam convenirent, etc. Non, le palmier ne faeconde pas la palme, c'est le soleil qui la faeconde; mais la nature a volu observer cette ceremonie, peut estre seulement pour nous acheminer par cette similitude a ce que nous disons maintenant.

  A008002999 

 La premiere, que les palmes sont de deux sortes: les unes sont males, que nous pourrons appeller palmiers, et les autres femelles, qui retiennent le nom de palme.

  A008002999 

 [400] Mays le Saint Esprit a voulu observer cette ceremonie, que la tressainte Vierge ne conceut pas qu'a l'aspect et a l'ombre du sacre mariage, mariage totalement virginal et qui «virginitatem Matris non minuit sed sacravit;» et c'est ce qui exalte merveilleusement saint Joseph, destre le vray mari d'une si sainte Espouse.

  A008003000 

 Omnes quidem, sed maxime Sanctus Joseph, qui humilitate celavit omnes virtutes quae eum justum faciebant.

  A008003013 

 v. 16: Sed licet qui foris est noster homo corrumpatur, tamen is qui intus est renovatur de die in diem..

  A008003014 

 In ventrem: Beatus venter qui te portavit, et ubera quae suxisti; in mentem: Quinimo, beati qui audiunt Mot Dei et custodiunt illud.

  A008003024 

 Dans son sein: Heureuses les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles que vous avez sucées; dans son esprit: Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la gardent.

  A008003036 

 Vitandi errores Messalianorum sive Euchitarum qui nimium, Pelagianorum et Wiclefitarum; supra.

  A008003042 

 Patrem: Levavi oculos meos in montes; omnis oratio terminatur ad Deum: Ad te levavi oculos meos, qui habitas in caelis.

  A008003042 

 Philippe, qui videt me, videt et Patrem meum.

  A008003051 

 Il faut éviter les erreurs des Messaliens ou des Euchites qui exagéraient, et celles des Pélagiens et des Wiclefistes; voir plus haut.

  A008003052 

 Wiclef use mal de la distinction des anciens théologiens et des Saints qui comptaient trois sortes de prières: la vocale, la mentale et la vitale ou la prière des œuvres; quant à nous, nous en devons bien user.

  A008003055 

 C'est ainsi que les anciens princes fondaient, que les hommes pieux fondent encore des monastères où toujours on prie, et où, avec ceux qui prient, eux-mêmes prient toujours; de même Saul agissait par les mains de ceux qui lapidaient, etc. [407].

  A008003057 

 Et quand nous disons Père, nous comprenons toute la sainte Trinité; c'est ce qui explique le chapitre XIV: Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

  A008003057 

 Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père.

  A008003057 

 Père: J'ai levé mes yeux vers les montagnes; toute prière aboutit à Dieu: J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux.

  A008003058 

 Vous n'avez pas reçu l'esprit [408] de servitude qui vous retienne encore dans la crainte; mais vous avez reçu l'esprit des enfants, par lequel nous crions: Aida, Père.

  A008003064 

 Vel brevi, id est, statim; est enim phrasis antiquae Scripturase ut dicat Incarnationem statim futuram, et non tardabit etc. Quod ideo dicitur quia breve est spatium, non absolute quidem, sed habito respectu ad id quod merebamur, cum enim meremur ut nunquam veniret qui mittendus erat.

  A008003068 

 Qui capite gerit titulum De Praesumptionibus, meretur ut illi proferatur capitulum: Afferte mihi gladium.

  A008003073 

 Ex hoc rosario qui sine lumine temere rosas, id est, sensus, vult capere, saepe pungitur.

  A008003078 

 Voir dans les Actes des Apôtres, saint Paul appelé vase d'élection, non seulement parce que Dieu le prédestinait à la gloire, comme il y prédestine les autres élus, mais parce qu'il le destinait soit à une éminente grâce de celles qui sont appelées gratum faciens, soit à une grâce spéciale gratis data, et qu'il l'appelait à une mission extraordinaire.

  A008003080 

 L'entendre peut-être du courroux qui a sévi au jour de la Passion, contre le Verbe presque anéanti (abbreviato) sur la terre; ou encore, bientôt, en peu de temps, c'est-à-dire, aussitôt.

  A008003081 

 L'hérésie rampe parce qu'elle s'appuie tout entière sur la terre et sur la raison humaine, et qu'elle favorise l'avidité des sens et la liberté de la chair; mais la parole du Seigneur court toujours, parce qu'elle touche la terre du bout des pieds, comme font ceux qui courent avec célérité.

  A008003082 

 Celui qui se fonde sur le titre Des présomptions, mérite qu'on lui applique le chapitre: Apportez-moi un glaive.

  A008003083 

 Noter cela pour comprendre soit le grand avantage qu'il y a d'être avec Marie, soit la préséance d'honneur qui place Marie au-dessus de tous, comme étant la plus digne; car nous ne disons pas que le prince voyage ou est avec son courtisan, nous disons que celui-ci est avec son prince..

  A008003086 

 L'imprudent qui, sans discernement, veut y cueillir des roses, c'est-à-dire des interprétations arbitraires, se pique souvent.

  A008003087 

 La Genèse ne raconte pas sa mort parce que les Saintes Ecritures s'attachent seulement à ce qui concerne le peuple choisi.

  A008003090 

 J'ay plusieurs fois consideré qu'apres que le grand Judas Machabee eut reedifié le Temple de l'ancienne Sinagogue, la nation hebraïque sentit tant de consolation, que tous les peuples tombans en face louerent et benirent Dieu qui les avoit ainsy prosperé.

  A008003091 

 Ceste Croix devance d'une grande traitte la magnificence de l'ancien Temple, de tout autant que le sacrifice de la sainte Croix surpasse tous les autres; et il n'y a point de bons Chrestiens qui ne doivent aymer plus tendrement la pauvreté, l'abjection et les douleurs de la Croix de Jesus Christ que les anciens Juifz n'aymoyent les richesses, la magnificence et les delices de leur Temple..

  A008003093 

 Bienheureuse est l'ame qui void ainsy par tout Jesus Christ crucifié..

  A008003097 

 Ceste croix de pasteur est la premiere que Jesus a portee; je le prouverais facilement par sa creche, par ses courses, par ses lassitudes et sueurs proche du puitz de la Samaritaine, et par son charitable soin pour ceux mesme qui le tourmentoyent..

  A008003098 

 Aux Religieuses et autres gens d'Eglise, je presente la croix de la solitude, du celibat et de l'abnegation du monde; croix sainte, qui a vrayement touché celle de Nostre Seigneur; croix pretieuse portee par la Vierge des vierges, Nostre Dame, qui apres son adorable Filz a esté la plus sainte, la plus innocente et la plus entierement crucifiee de toutes les ames amantes de la tres sainte Croix..

  A008003099 

 Et pour troysiesme branche de ceste croix, qu'ilz ayent l'amour du vray honneur, qui est la seule vertu de pieté et crainte de Dieu, et la fuite de ce fantosme d'honneur imaginaire qui les poursuit, et qui s'estant emparé d'eux les jette dans la vanité, dans l'estime de soy mesme, et de la, dans les duelz, et des duelz dans la damnation eternelle..

  A008003100 

 A Messieurs de la justice, je presente la croix de la doctrine, de l'equité et de la sincere verité; croix vrayement digne des ministres et officiers du Dieu juste et vivant, qui fait marcher la justice et le jugement devant sa face, et juge toute la terre en equité et verité, comme parle David; croix desirable qui crucifie les respectz humains, la crainte des hommes et l'amour du propre interest, fait fleurir dans une province la paix et le repos des familles..

  A008003101 

 Ceste croix du travail est tres salutaire pour ayder les hommes au salut eternel, parce que l'oysiveté estant la mere des vices, une necessaire et bonne occupation delivré l'ame de mille fantasies qui sont la source des pechés, et la tient dans une aymable innocence et bonne foy..

  A008003102 

 Aux jeunes gens, je destine la croix de l'obeissance, de la chasteté et de la retenue en leurs deportemens; croix salutaire qui crucifie les fougues d'un jeune sang qui commence a bouillir et d'un courage qui n'a pas encores la prudence pour guide, qui rendra en fin nos jeunes gens capables de porter le tres suave joug de Nostre Seigneur, en quelque condition que son inspiration les appelle..

  A008003103 

 Aux viellars, je presente la croix de la patience, de la douceur et du sage conseil, croix qui requiert un cœur armé de courage, car ilz ne trouveront dans cest aage avancé et refroidy que labeur et douleur sur la terre: c'est le dire de David..

  A008003106 

 Ceux qui refusent de prendre humblement et porter vertueusement les croix que Dieu leur presente en ceste vie auront en l'autre le partage de Judas..

  A008003106 

 Heureux ceux qui ne fuyent point la croix! Judas, ce perfide disciple, mena son infernale troupe pour prendre [418] Jesus et le faire clouer a la croix; mais quant a luy, le malheureux, il refusa entierement la croix, ne voulant pas seulement celle de la sainte contrition et penitence que Jesus Christ luy offrait.

  A008003107 

 Le grand roy Salomon dit, que tout ce qui se passe sous le soleil est vanité et affliction d'esprit; cela presupposé, il n'y a point d'homme sous le soleil qui puisse eviter la croix et la souffrance.

  A008003107 

 Unissons donq, comme le bon larron, nostre croix de pecheur a la Croix de Celuy qui nous a sauvé par sa Croix; et par ceste amoureuse et devote union de nos souffrances aux souffrances et Croix de Jesus Christ, nous entrerons, comme des bons larrons, dans son amitié, et a sa suite, dans son Paradis..

  A008003109 

 Mes oreilles, qui entendent avec tant de consolation les sept paroles prononcees sur la Croix, ne prendront plus de playsir aux vaines loüanges, aux faux rapportz, aux discours abaissant mon prochain, aux vains propos, aux devis inutiles..

  A008003109 

 Mes yeux qui voyent, o Jesus, vos larmes couler pour mes pechés sur la Croix, ne regarderont jamais chose qui vous soit contraire; ces deux luminaires de mon cors defailliront a force de regarder en haut mon Sauveur eslevé sur la Croix; je les destourneray affin qu'ilz ne voyent la vanité du monde, mais qu'ilz avisent tousjours la verité de vostre sainte dilection.

  A008003109 

 Regardant donq la sainte Croix de Jesus avec un cœur plein d'amour et de reverence, je feray ces eternelles et inviolables resolutions: O mon Jesus, Bien Aymé de mon ame, permettes-moy que, comme un bouquet de myrrhe, je vous serre sur mon sein, et que je bayse le pied de ceste sainte Croix, teinte de vostre pretieux sang, et que je vous dise que ma bouche, qui est si [419] heureuse que de bayser vostre sainte Croix, s'abstiendra desormais de mesdisance, de murmure et de lasciveté.

  A008003110 

 Ma volonté, qui s'est sousmise aux loix de la sainte Croix et a l'amour de Jesus Christ crucifié, ne haïra jamais personne, parce que Jesus son Bien Aymé est mort d'amour pour tous..

  A008003110 

 Mon entendement, qui considerera avec goust les adorables mysteres de la tressainte Croix, ne se rebellera jamais en malicieuse et mauvaise imagination.

  A008003111 

 En fin, mon zele sera de planter la Croix en mon cœur, en mon entendement, en mes yeux, en mes oreilles, en ma bouche, en tous mes sens interieurs et exterieurs, affin que rien n'y entre ni en sorte qui ne soit contraint de demander congé a la sainte Croix.

  A008003120 

 C'est ainsi que Jésus-Christ voulant employer les Apôtres comme une terre où le grain de l'Evangile porterait du fruit au centuple, comme des pierres qui serviraient de fondement à l'édifice de [421] son Eglise, comme des clefs qui ouvriraient le Royaume des cieux, comme des coupes bien ciselées dans lesquelles le vin de la divine parole devait être bu, commença par leur reprocher leur incrédulité..

  A008003121 

 Déjà il avait dit aux deux disciples qui allaient à Emmaüs: O stulti et tardi corde ad credendum; O hommes sans intelligence et d'un cœur tardif à croire! A son exemple, saint Paul disait aux Galates: O insensati Galatœ, quis vos fascinavit non obedire veritati? O hommes dépourvus de sens, qui vous a fasciné l'esprit pour vous empêcher d'obéir à la vérité?.

  A008003123 

 De quoi Jésus reprend-il ses Apôtres? C'est de n'avoir pas cru au témoignage des personnes qui avaient vu qu'il était ressuscité: Quia iis qui viderant eum resurrexisse, non crediderunt.

  A008003127 

 Tous ses Offices, toutes ses prières sont entremêlées de ce cri de joie qui souvent répété fait une impression toujours nouvelle sur un cœur vraiment chrétien..

  A008003128 

 Ce Disciple bien-aimé, cet aigle du Nouveau Testament, dans son extase mystérieuse, a connu les merveilles de la Jérusalem céleste; il a vu le trône de Dieu resplendissant de gloire, et l'Agneau debout comme immolé; il a entendu les Anges et les Saints faire retentir, autour du trône et en présence de l'Agneau, les divers concerts qui commencent et finissent par le sublime transport de l' Alléluia.

  A008003128 

 D'où vient-il cet admirable cantique? Ah! c'est le Ciel qui l'a enseigné à la terre.

  A008003130 

 Il y a l'amour qui jouit, c'est celui des Bienheureux; et il y a aussi l'amour qui désire, c'est notre partage; et l'un et l'autre chantent Alleluia, parce que l'un et l'autre ne peuvent retenir les transports de leur joie à la vue de l'Agneau debout devant le trône comme immolé: Vidi Agnum stantem tanquam occisum..

  A008003130 

 Mais pourquoi l'Eglise nous fait-elle, dès maintenant, entonner les célestes concerts de la vie bienheureuse? Quoi! l'hymne de la fortunée patrie peut-il être sur les lèvres des tristes exilés qui gémissent dans la vallée de larmes! Assis sur les bords des fleuves de Babylone, pouvons-nous chanter le cantique du Seigneur dans une terre étrangère? Oui, sans doute, puisque par la foi nous habitons déjà les Cieux: Conversatio nostra in Cœlis est.

  A008003131 

 A cette vue, tous les Bienheureux célèbrent, dans l'ivresse de leur joie, l'Agneau qui les a rachetés par son sang précieux: Occisus es, et redemisti nos Deo in sanguine tuo..

  A008003131 

 Qu'est-ce à dire, l'Agneau debout comme immolé? Vous le savez, Messieurs, c'est Jésus-Christ qui dans le Ciel conserve ses plaies, marques touchantes de son immolation.

  A008003139 

 Ce serait donc s'écarter de son esprit que de penser, qu'en ce temps d'une sainte joie, il faut s'abstenir de [426] prêter l'oreille avec une vive émotion aux coups redoublés des bourreaux qui percent les pieds et les mains de Jésus, qui déchirent sa chair adorable, qui ouvrent ses veines, qui meurtrissent cruellement ses nerfs.

  A008003139 

 L'Eglise nous invite toujours à fixer nos yeux sur le Crucifix qui nous représente Jésus élevé en croix; tout le poids de son corps qui ne porte que sur ses plaies, sa chair et ses veines qui se déchirent de plus en plus, ses nerfs qui se brisent, et ses os qui se disloquent les uns après les autres en sorte qu'on peut les compter, comme l'avait prédit le Prophète: Dinumeraverunt omnia ossa mea..

  A008003141 

 Que sera-ce donc, ajoute le saint Docteur, si nous réfléchissons que nos péchés sont les bourreaux de Jésus-Christ, que c'est pour nos crimes qu'il a été cloué à la croix, que ce sont nos iniquités qui lui ont fait ces plaies si humiliantes et si douloureuses! Quelle profonde tristesse, quelle vive componction, quelle contrition amère ne doit pas s'emparer de notre cœur! «In dolore enim Domini nostri Jesu Christi, debemus intime sibi condolere et compati.

  A008003142 

 Mais en même temps, dit toujours saint Bonaventure, «la bienheureuse Passion de notre Sauveur doit exciter dans un cœur chrétien la plus sainte allégresse et le [427] ravissement de la joie la plus vive: In hac beatissima Passione datur nobilissimi gaudii materia et vehemens exsultatio.» «Eh! qui pourrait ne pas être transporté de joie en se voyant, par l'heureux effet des plaies de Jésus, arraché à la damnation éternelle, à l'esclavage du péché, à la tyrannie du démon! Quis non exsultet et gaudeat, cum cernit seipsum per hanc beatissimam Passionem liberatum a damnatione aeterna, a culpae ignominia, a potestate diabolica!» «Quelles bornes pourrions-nous donner aux transports de notre allégresse, quand nous considérons qu'un Dieu nous a aimés jusqu'à se réduire pour nous à tant d'humiliations et de souffrances! Sed quis non exsultet in immensum, cum cernit Deum ipsum in tantum diligere ut tantae vilitati et pœnalitati subjecerit semetipsum pro eo!».

  A008003143 

 «Ce n'est pas que nous nous réjouissions de ses ignominies et de ses douleurs;» non, non, elles feront toujours la matière de nos gémissements et de nos larmes, mais nous sommes saisis de joie à la vue des admirables effets qu'a produits le sang précieux qui coule de ses plaies; nous bénissons mille et mille fois la tendre affection, l'amour ardent qu'il nous a témoigné en mourant sur la croix pour notre salut: «Non quod gaudeat de ejus vilitate et Passione, sed de ejus effectu affectuque, et amoris manifestatione.».

  A008003144 

 «Quel est le grand de la terre qui n'éprouverait pas la joie la plus vive, s'il était aimé du roi à un tel point que ce monarque fût prêt à donner sa vie pour lui! A combien plus forte raison, nous qui sommes des hommes si méprisables, de si infâmes esclaves, des pécheurs si abominables, devons-nous tressaillir de joie en voyant le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, notre Créateur et notre Dieu, Jésus, nous aimer jusqu'à s'immoler lui-même pour nous par la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle! Quis princeps in regno cernens se tantum a rege diligi ut paratus esset mori pro ipso, non gauderet et exsultaret! Quanto magis nos vilissimi homines, et nefandissimi peccatores et servi, gaudere debemus et exsultare, cum videmus Regem regum et [428] Dominum dominantium et Creatorem nostrum Jesum nos ita continue diligere, ut immolaverit seipsum pro nobis in tam turpi et vilissima morte!».

  A008003145 

 O aimables blessures de mon Sauveur! ô plaies qui ne respirez qu'amour! «O amantissima vulnera Domini nostri Jesu Christi!».

  A008003148 

 Qu'elle est donc grande, Messieurs, la joie dont un cœur chrétien est pénétré en puisant aux sources du Sauveur! Qui pourrait encore exprimer l'abondance des grâces qui sont renfermées pour nous dans ces fontaines de salut et de miséricorde! Faisons-en le sujet de notre méditation dans le second point.

  A008003155 

 «Quelle abondance de douceur, quelle plénitude de grâces, quelle perfection de vertus, la colombe ne trouvet-elle pas dans les trous de la [430] pierre! Quanta in foraminibus petrœ multitudo dulcedinis, plenitudo gratiae, perfectio virtutum!» «Elle y habite en sûreté, et elle y considère sans effroi l'épervier qui vole autour du lieu de sa retraite: Bona foramina: in his se columba tutatur, et circumvolitantem intrepida intuetur accipitrem.».

  A008003156 

 Avec quelle allégresse il contemple son sang qui coule à gros bouillons! Il triomphe, il ne peut contenir les transports de sa joie: Stat martyr tripudians et triumphans, toto licet lacero corpore et rimante latera ferro; non modo fortiter, secl et alacriter sacrum e carne sua circumspicit ebullire cruorem.» «Est-ce donc qu'il ne sent pas la douleur? il la sent, et vivement; mais il la surmonte, mais il la méprise: Nec deest dolor, secl superatur, sed contemnitur.» «Où est donc alors son âme? Ah! elle est dans le lieu sûr, elle est dans la pierre, elle est dans les entrailles de Jésus, elle habite dans ses plaies sacrées: Ubi ergo tune anima martyris? nempe in tuto, nempe in petra, nempe in visceribus Jesu, vulneribus nimirum patentibus ad introeundum.» Là elle s'anime par l'exemple de son Bien-Aimé; là elle renouvelle continuellement sa vigueur; là elle puise la force de boire le calice du Seigneur; là elle s'enivre des délices qui sont cachées dans les souffrances: «Ergo ex petra martyris fortitudo, inde plane potens ad bibendum calicem Domini; et calix hic inebrians quam prœclarus est!».

  A008003156 

 Ce n'est plus une créature faible et timide que le moindre péril épouvante; c'est un héros intrépide qui ne respire que le bonheur de souffrir et de mourir pour Jésus.

  A008003157 

 Et où, dans ma faiblesse, puis-je,» dit toujours saint Bernard, «trouver la sûreté et le repos, si ce n'est dans les plaies de mon Sauveur? J'y habite avec une sécurité proportionnée à sa puissance.» Je ne puis rien de moi-même, mais je puis tout dans Celui qui me fortifie.

  A008003158 

 Quelle plus grande miséricorde en effet que de donner sa vie pour d'infâmes criminels condamnés au supplice! «In quo enim clarius quam in vulneribus tuis eluxisset, quod tu, Domine, suavis et mitis, et multœ misericordiœ? Majorem enim miserationem nemo habet quam ut animam suam ponat quis pro addictis morti et damnationi.» Par la large ouverture que la lance fit au côté de mon bon Maître, [432] je pénètre jusqu'à son cœur; là je me repose dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, et j'y prends abondamment tout ce qui me manque pour payer ce que je dois à sa justice: «Ego fidenter quod ex me mihi deest, usurpo mihi ex visceribus Domini, quoniam misericordiae affluunt.».

  A008003161 

 Là j'embrasserai avec une vive reconnaissance ces pieds percés pour mon amour; là j'apprendrai à détourner mes pieds de toutes les routes qui conduisent aux folles joies du monde; là je comprendrai le bonheur de marcher au Calvaire sur la trace sanglante des pas de Jésus: Deus omnia subjecit sub pedibus ejus..

  A008003162 

 J'y considérerai ces mains ouvertes pour me recevoir, ces bras étendus pour me soutenir, ce sang qui coule en abondance pour me sanctifier; j'y puiserai la force et la puissance qui réside dans ces mains adorables: In manibus ejus, ibi abscondita est fortitudo ejus..

  A008003164 

 Habitant de cette cité divine, je boirai à longs traits dans les fontaines de mon Sauveur, je collerai mes lèvres sur le sang qui en découle, je m'enivrerai de cette liqueur précieuse, et dans ma sainte ivresse j'irai chantant par les rues de Jérusalem l' Alleluia de l'amour: Et per vicos ejus Alleluia cantabitur..


09-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IX-Vol.3-Sermons.html
  A009000067 

 En la primitive Eglise, les Chrestiens fidelles qui vouloyent rendre en quelque façon satisfaction à Nostre Seigneur [1] du sang qu'il avoit fraischement respandu en mourant sur la croix, avoyent un tres grand soin de bien employer le temps des festes et de les solemniser le mieux qu'il se pouvoit; et pour ce sujet il n'y avoit presque point de feste qui n'eust sa vigile, en laquelle ils commençoyent à se preparer pour la solemnité.

  A009000068 

 La tres sainte Eglise nous voulant donques faire preparer en la vigile du saint jour de Noël, et, comme une mere tres aymable, ne nous voulant laisser surprendre d'un si grand mystere, nous dit ces paroles: « Vous sçaurez aujourd'huy que Nostre Seigneur viendra» demain; qui est autant à dire: Il naistra demain, et vous le verrez tout petit enfant couché dans une creche.

  A009000068 

 Les ayant fait assembler il leur parla donques ainsy: Vous sçaurez au soir que le Seigneur vous a retirés de la terre d'Egypte, et au matin vous verrez la gloire du Seigneur; qui est autant que s'il eust dit: Il viendra demain au matin.

  A009000069 

 Car ils pensoyent que si bien il y avoit un Dieu supreme qui est le premier principe de toutes choses, il pouvoit neanmoins y avoir plusieurs dieux, ou du moins des hommes qui, participant en quelque façon aux qualités divines, se pouvoyent appeller dieux.

  A009000069 

 Ce que pour mieux faire, nous humilierons premierement nos entendemens, reconnoissans qu'ils ne sont nullement capables de pouvoir penetrer dans le fond de la grandeur de ce mystere, qui est un mystere vrayement chrestien.

  A009000069 

 Comme s'il eust voulu dire: Il n'appartient pas à des hommes malheureux, perissables et mortels de faire des dieux, qui ne peuvent estre que bienheureux et immortels..

  A009000069 

 Je sçay bien qu'en l'ancienne Loy il y avoit les Prophetes et certains personnages grans et relevés qui le sçavoyent, mais quant au commun des hommes, nul ne le pouvoit comprendre.

  A009000070 

 Et nostre entendement, qui est l'œil de nostre ame, ne le peut regarder longuement sans s'obscurcir, et confesser en s'humiliant qu'il ne peut penetrer dans le fond de ce mystere, pour comprendre comme Dieu s'est incarné dans le ventre virginal de la tres sainte Vierge, et s'est fait homme semblable à nous pour nous rendre semblables à Dieu..

  A009000070 

 Mais comme l'on voit que nos yeux ne sont pas capables de regarder la lumiere ou la clarté du soleil sans s'obscurcir (de sorte qu'apres s'estre voulu appliquer à regarder cette lumiere nous sommes contrains de les fermer, n'estant pas capables de rien voir pour quelque temps), de mesme, ce qui nous empesche de comprendre le mystere de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur n'est pas qu'il soit tenebreux en soy mesme, ains parce qu'il n'est que lumiere et clarté.

  A009000071 

 Ce benefice n'est autre que la grace qui nous sert pour acquerir la jouissance de la gloire et felicité, de laquelle [4] nous estions privés pour jamais sans ce don qu'il nous a fait de sa grace.

  A009000071 

 Dieu voulant de mesme faire un benefice signalé et incomparablement aymable aux hommes qui vivent sur la terre comme en un desert, où ils ne font que souspirer et aspirer pour la jouissance de la terre promise qui est nostre patrie celeste, vient luy mesme en personne nous l'apporter, et ce au plus fort de la nuit.

  A009000071 

 Et puis, pour monstrer qu'il les servoit honnorablement comme on sert maintenant les princes, à plats couverts, il faisoit pleuvoir une petite rosée qui conservoit la manne jusqu'au matin que les Israëlites la venoyent promptement cueillir avant que le soleil fust levé.

  A009000071 

 Il faisoit donques descendre premierement du ciel une douce rosée qui servoit de nappe dans le desert, puis soudain la manne tomboit comme petits grains de coriandre.

  A009000072 

 Ç'a tousjours esté le nord de tous les nochers qui ont navigé sur les ondes de la mer de ce miserable monde, pour s'empescher des naufrages ordinaires des navigations des mondains..

  A009000073 

 La tres sacrée Vierge est aussi cette estoille matiniere qui nous apporte les gracieuses nouvelles de la venue du vray Soleil.

  A009000073 

 Quelle apparence, je vous prie, y a-t-il que Nostre Seigneur deust violer l'integrité de sa Mere, luy qui ne l'avoit choisie sinon parce qu'elle estoit vierge? Luy qui estoit la pureté mesme eust-il peu diminuer ou entacher la pureté de sa tres sainte Mere? Nostre Seigneur est engendré et produit virginalement de toute eternité du sein de son Pere celeste; car si bien il prend la mesme divinité de son Pere eternel, il ne la divise pourtant pas, ains demeure un mesme Dieu avec luy.

  A009000073 

 Tous les Prophetes ont sceu que la Vierge concevroit et enfanteroit un enfant qui serait Dieu et homme tout ensemble; elle concevroit, mais par la vertu du Saint Esprit; elle concevroit son Fils virginalement et l'enfanterait de mesme virginalement.

  A009000074 

 C'est donc à juste rayson que la tres sainte Vierge a un nom qui signifie estoille, car tout ainsy que les estoilles produisent leur lumiere virginalement et sans en recevoir aucun detriment en elles mesmes, ains en paroissent plus belles à nos yeux, de mesme Nostre Dame produisit cette lumiere inaccessible, son Fils tres beni, sans en recevoir aucun detriment ni souiller aucunement sa pureté virginale; mais avec cette difference neanmoins, qu'elle le produit sans effort ni secousse et violence quelconque, ce que ne font pas les estoilles, ainsy que l'on voit, car elles produisent leur lumiere par secousses et, ce semble, avec violence et forcement..

  A009000074 

 Cecy ne doit pas estre espluché ni consideré curieusement, et ne faut pas alambiquer nos entendemens apres la recherche de cette divine production, qui est un peu trop haute pour eux.

  A009000075 

 Ce qui nous represente les trois substances qui se trouvent en ce tres beni Enfant que nous verrons demain couché dans une creche.

  A009000075 

 Et comme ces trois gousts ou saveurs se trouvoyent en une seule viande qui estoit la manne, de mesme en la personne de Nostre Seigneur il y a trois substances, lesquelles toutes trois ne font qu'une mesme Personne, qui est Dieu et homme tout ensemble.

  A009000075 

 Je remarque en second lieu que la manne avoit trois sortes de gousts qui luy estoyent propres et particuliers, outre ce qu'elle avoit tous les gousts que l'on eust peu souhaiter; car si les enfans d'Israël avoyent envie de manger du pain, la manne avoit le goust du pain; s'ils desiroyent de manger des perdrix et autre telle chose quelle qu'elle fust, la manne avoit quant et quant ce goust là.

  A009000076 

 En la manne estoit le goust du miel, qui est une liqueur celeste; car si bien les abeilles cueillent le miel de sur les fleurs, elles ne tirent pourtant pas le suc des fleurs, ains cueillent et ramassent avec leur petite bouchette le miel qui descend du ciel avec la rosée, et seulement en un certain temps de l'année.

  A009000077 

 Le goust de l'huile qui se rencontroit en la manne nous represente la nature de la tres sainte ame de Nostre Seigneur.

  A009000077 

 Qu'est-ce autre chose sa tres benite ame qu'une huile, un baume, une odeur respandue qui console infiniment l'odorat de tous ceux qui s'en approchent par la consideration de son excellence? O quelle odeur respandit-elle en presence de la divine Majesté à laquelle elle se voyoit unie sans l'avoir merité ni peu meriter d'elle-mesme! O quels actes de parfaite charité, de profonde humilité ne produisit-elle pas en ce mesme instant de cette sacrée et incomparable union qu'elle eut avec le Verbe eternel à l'heure mesme de l'Incarnation! Et pour nous autres, quel parfum, quelle odeur, quelle senteur d'une suavité incomparable n'a-t-elle pas respandu pour nous inciter à la suite et à l'imitation de ses perfections!.

  A009000078 

 En fin le goust de la fleur de farine qui se rencontrait encores en la manne represente cette autre partie de la tres sainte humanité de Nostre Seigneur, son corps adorable, lequel ayant esté moulu sur l'arbre de la Croix, a esté fait un pain tres precieux qui nous nourrit pour la vie eternelle.

  A009000078 

 Mais à fin que je ne m'arreste pas tant sur ces deux premiers points qui servent pour l'exercice de nostre entendement, je passe outre pour parler du troisiesme qui contient quelque petite chose propre à enflammer nostre volonté..

  A009000078 

 O que ce pain a un goust incomparablement delectable pour les [7] ames qui le mangent dignement! Quelle delectation, je vous prie, de se nourrir du pain descendu du ciel, du pain des Anges! Toutefois, ce qui le rend plus delectable est l'amour avec lequel il nous est donné par Celuy mesme qui est le don et le donateur tout ensemble.

  A009000079 

 Dieu, quelles enseignes sont celles cy pour faire reconnoistre Nostre Seigneur, et quelle simplicité des bergers de croire naïfvement ce qui leur estoit annoncé! Les Anges eussent eu quelque rayson de se faire croire s'ils eussent dit: Allez, vous trouverez l'Enfant assis sur un throsne d'ivoire et entouré de courtisans celestes qui luy tiennent compagnie.

  A009000079 

 Je remarque en passant que de tout le peuple alors en grand nombre à Bethleem, il n'y eut que des simples bergers qui vindrent visiter Nostre Seigneur, et puis apres eux les Rois Mages, qui vindrent de fort loin pour adorer et prester hommage à nostre nouveau Roy couché dans une creche.

  A009000080 

 Mais qu'est-ce que representent ces bergers? Les uns disent qu'ils representent les pasteurs de l'Eglise, comme sont les Evesques, les Superieurs des Religions, les curés et tous ceux qui ont charge d'ames; c'est l'opinion d'une [8] partie des saints Peres que Nostre Seigneur revele plus particulierement ses mysteres à ceux-là, d'autant qu'ils sont commis de la part de Dieu pour les faire puis apres entendre à leur troupeau, aux ames qui leur sont commises.

  A009000080 

 Mais remarquez qu'il n'y eut que les bergers qui veilloyent sur leur troupeau qui eurent l'honneur et la grace d'ouïr cette gracieuse nouvelle de la naissance de Nostre Seigneur, pour nous monstrer que si nous ne veillons sur le troupeau que Dieu nous a donné en charge, qui est comme j'ay dit, nos passions, nos inclinations, les facultés de nostre ame, pour les faire repaistre dans quelque saint pasturage et les tenir rangées et en leur devoir, nous ne meriterons point d'ouïr cette nouvelle tant aymable de la naissance du Sauveur, et ne serons pas capables de l'aller visiter dans la creche où sa tres benite Mere le posera demain..

  A009000080 

 Pourquoy pensez-vous que les Anges s'addresserent aux bergers plustost qu'à nul autre qui fust en Bethleem? Non pour autre cause, sinon parce que Nostre Seigneur, estant venu comme Pasteur et le Roy des pasteurs, ne vouloit favoriser que ses semblables.

  A009000080 

 Quelques autres disent que ces bergers representent les Religieux et tous ceux qui font profession de pretendre à la perfection.

  A009000081 

 Helas, nous estions indignes de sçavoir comme quoy nous les devions bien conduire et ranger; mais Nostre Seigneur, comme bon Pasteur et berger tres aymable de nos ames, qui sont ses brebis pour lesquelles il a tant fait, vient nous enseigner luy mesme ce que nous devons faire.

  A009000081 

 Mais Nostre Seigneur, qu'y avoit-il à craindre pour son regard, veu qu'il avoit l'usage de rayson dès l'instant de sa conception? Il ne pouvoit prendre nul destour, luy qui est la droiture mesme.

  A009000081 

 O que c'est un mystere grandement suave que celuy de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur! Tous et un chacun y peut rencontrer un grand sujet de consolation; mais plus ceux qui seront mieux preparés et qui auront, à l'imitation de ces bergers, bien veillé sur leur troupeau.

  A009000082 

 Je considere que, outre cette rayson pour laquelle Nostre Seigneur voulut estre bandé et emmaillotté et sujet à sa tres sainte Mere, de telle sorte qu'il se laisse manier, porter et emmaillotter tout ainsy qu'il luy plaist, sans tesmoigner nulle repugnance, il y a encores un autre sujet qui l'a meu à ce faire: c'est pour nous apprendre à gouverner et regir nostre troupeau spirituel, c'est à dire nos passions, nos affections et les facultés de nostre ame.

  A009000082 

 La concupiscible est celle qui nous fait aymer et desirer ce qui nous semble estre bon et profitable; c'est elle qui nous fait resjouir en la prosperité et qui nous fait attrister en l'adversité, en la mortification et en tout ce qui repugne à la propre volonté.

  A009000083 

 Tout sans reserve fut clos et caché sous le voile de la sainte obeissance qu'il portoit à son Pere, qui l'obligeoit à n'estre en rien dissemblable aux autres enfans, ainsy que dit saint Paul, qu' il a esté de besoin qu'il fust en tout semblable à ses freres..

  A009000083 

 Voyez de grace ce tres doux Enfant lequel se laisse tellement gouverner et conduire par sa tres benite Mere qu'il semble veritablement qu'il ne puisse en façon quelconque faire autrement; ce n'est pour autre sujet, mes cheres ames, sinon pour nous monstrer ce que nous devons faire, principalement les Religieuses qui ont voué leur obeissance.

  A009000084 

 Qu'est-ce, je vous prie, que nous pourrions porter à ce divin Berger qui luy fust plus aggreable que le petit agnelet de nostre amour, qui est la principale partie de nostre troupeau spirituel, car l'amour est la premiere passion de l'ame.

  A009000085 

 Ceux qui s'en allerent et ceux qui demeurerent furent tous consolés, mais non pas egalement, ains un chacun selon sa capacité..

  A009000086 

 Anne, mere de Samuel, demeura longuement sans avoir des enfans, ce qui luy causoit une si grande bigearrerie que l'on ne la trouvoit jamais de mesme humeur; car quand elle voyoit des femmes qui s'esjouissoyent avec leurs enfans, elle se lamentoit et se chagrinoit dequoy elle n'en avoit pas, et quand elle en voyoit quelques unes qui se plaignoyent de leurs enfans, elle se resjouissoit dequoy Dieu ne luy en donnoit point; mais dès qu'elle eut le petit Samuel, dès lors on ne la vit jamais plus inegale.

  A009000086 

 Nous avions quelques excuses [12] sans doute de nous chagriner et estre changeans en nos humeurs tandis que nous n'avions pas cet Enfant tant aymable qui nous vient de naistre ou qui naistra demain; mais desormais il ne nous sera plus loysible, puisque en luy consiste tout le sujet de nostre joye et de nostre bonheur..

  A009000087 

 Nos sens ne cessent de s'esgarer et d'attirer nos facultés interieures apres eux pour se dissiper tantost apres ce sujet qu'elles rencontrent, puis tantost sur un autre, et ainsy ce n'est qu'une continuelle perte de temps, travail d'esprit, inquietude, qui nous fait perdre la paix et tranquillité tant necessaire à nos ames.

  A009000088 

 C'est la grace que je vous desire, mes cheres ames, que de vous tenir bien proches de ce sacré Sauveur qui vient pour nous ramasser tout autour de luy, à fin de nous tenir tousjours sous l'estendart de sa tres sainte protection, soit comme le pasteur a soin de ses brebis et de son troupeau, soit comme le roy des abeilles, qui en a un tel soin que l'on dit qu'il ne sort jamais de sa ruche sans estre entouré de tout son petit peuple.

  A009000088 

 Sa Bonté nous veuille faire la grace que nous entendions sa voix, ainsy que les brebis celle du pasteur, à fin que le reconnoissant pour nostre souverain Pasteur, nous ne nous esgarions et n'escoutions celle de l'estranger qui se tient pres de nous comme un loup infernal, en intention de nous perdre et de nous devorer; et que de mesme nous puissions avoir la fidelité de nous tenir sousmis, obeissans et sujets à ses volontés et commandemens, ainsy que les avettes font avec leur roy, à fin que par ce moyen nous commencions à faire dès cette vie ce que moyennant la grace de Dieu nous ferons eternellement au Ciel, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000093 

 Mais comme en eust-elle eu besoin, veu qu'elle avoit produit son Fils plus purement que ne fait l'estoille son rayon, rayon qui rend l'estoille d'autant plus belle à nos yeux qu'elle le produit plus frequemment? Elle vient donques, nostre sacrée Maistresse, non pour se purifier en elle mesme, ains seulement en l'imagination de plusieurs qui, ne sçachans pas qu'elle estoit exempte d'observer la Loy, eussent murmuré dequoy elle ne l'observoit pas..

  A009000093 

 Nous trouvons en celuy d'aujourd'huy que Nostre Seigneur dit ces trois mots auxquels sont comprises toute la doctrine et perfection chrestienne: Qui voudra venir apres moy, qu'il renonce à soy mesme, prenne sa croix et qu'il me suive.

  A009000093 

 Or, nostre chere Dame et Maistresse n'avoit point besoin de purification, elle qui estoit plus belle que le soleil, plus pure que la lune et plus admirable que l'aurore.

  A009000094 

 Elle n'eut non plus besoin de purification dès cette heure là; mais nous autres, il est tres necessaire que nous sçachions cette verité, qui est que tant que nous serons en cette miserable vie nous aurons tousjours besoin de nous purifier et de renoncer à nous mesme, et cette vie ne nous est donnée pour autre fin.

  A009000095 

 Or, quel est ce nous mesme qu'il faut purifier, puisque nous en avons deux, lesquels neanmoins ne font qu'une seule personne? Nous avons un nous mesme qui est tout celeste, lequel nous fait faire les bonnes œuvres; c'est cet instinct que Dieu nous [16] a donné pour l'aymer et pour aspirer à la jouissance de la Divinité en la gloire eternelle.

  A009000095 

 Voyons un peu maintenant que veut dire Nostre Seigneur par cette parole: Qui veut venir apres moy, qu'il renonce à soy mesme.

  A009000096 

 Je veux dire qu'il faut renoncer à ce mauvais nous mesme pour l'assujettir à l'autre, qui est la rayson et partie superieure de l'ame, qui tend tousjours au vray bien par l'instinct que Dieu luy a donné; car il ne serviroit de rien de renoncer à soy mesme pour en demeurer là; les philosophes d'autrefois l'ont fait admirablement, mais cela ne leur a de rien servi.

  A009000097 

 C'est assez parler sur ce premier point, puisque nous sommes enseignés que renoncer à soy mesme n'est autre chose que se purifier et se purger de tout ce qui se fait par l'instinct de nostre amour propre, lequel, nous le sçavons, produira tousjours, tandis que nous serons en cette vie, des rejetons qu'il faudra couper et retrancher, tout ainsy qu'il faut faire à la vigne; car il ne se faut pas contenter d'y mettre une fois la main, mais il faut la couper en un temps, puis apres la despouiller de ses feuilles, et ainsy plusieurs fois l'année il faut avoir la main à la serpe pour retrancher les superfluités.

  A009000098 

 Au renoncement de nous mesme nous faisons encor quelque chose qui nous contente, parce que c'est nous mesmes qui agissons, mais icy il faut prendre la croix telle qu'on nous l'impose; et en cecy il y a desja moins de nostre choix, c'est pourquoy c'est un point de perfection de beaucoup plus grand que le precedent.

  A009000098 

 Passons au second point, qui est qu'il faut prendre sa croix apres que l'on a renoncé à soy mesme.

  A009000098 

 Voulez-vous sçavoir en un mot que cela signifie? C'est autant à dire que: Prenez et recevez de bon cœur toutes les peines, contradictions, afflictions et mortifications qui vous arriveront en cette vie.

  A009000099 

 Mais quelle est cette marque, sinon la souffrance? Il dit de luy mesme qu'il estoit comme un homme à qui l'on donne l'estrapade, car il souffroit en son interieur une peine insupportable, le vehement amour qu'il portoit à son Maistre le tirant puissamment du costé du Ciel par le desir de jouir de luy.

  A009000100 

 Je veux dire qu'il peut y avoir plus de vertu à retenir une parolle qui nous a esté defendue par nos Superieurs, ou bien à ne pas lever la veùe pour regarder quelque chose que l'on a bien envie de voir, que non pas de porter la haire, parce que dès qu'on l'a sur le dos il n'est plus besoin d'y penser; mais en ces menues obeissances il faut avoir une grande attention pour n'y pas faillir..

  A009000100 

 Mais disons un peu, je vous supplie, un abus qui est en l'esprit de plusieurs, à sçavoir, qu'ils n'estiment et [18] ne veulent porter les croix qu'on leur presente si elles ne sont grosses et pesantes.

  A009000101 

 Nous voyons donques assez que cette parolle de Nostre Seigneur qui ordonne qu'on prenne sa croix, se doit entendre de recevoir de bon cœur les contradictions et mortifications qui nous sont faites à tous rencontres, bien qu'elles soyent legeres et de peu d'importance.

  A009000102 

 Ceux qui navigent sur la mer, approchant du lieu où sont les sirenes, courent tousjours grande fortune de se perdre à cause qu'elles chantent si delicieusement qu'elles endorment ceux qui rament; mais il y en a qui ont usé de cet expedient, de se faire attacher à l'arbre qui est planté [20] au milieu du navire, à fin de n'estre pas attirés au bord par cette melodie.

  A009000102 

 Il faut que nous en fassions de mesme lors que ces sirenes de propre volonté, de repugnances et raysons de l'amour propre nous viendront chanter aux oreilles pour nous conjurer de leur obeir; il faut, dis je, nous attacher fortement à l'arbre du navire, qui n'est autre chose que la croix, nous resouvenant que Nostre Seigneur, pour le second point de la perfection, nous ordonne de prendre nostre croix.

  A009000103 

 Au premier, qui est de renoncer à nous mesme, doivent estre mises, comme nous l'avons dit, ces deux esgales et invariables resolutions, à sçavoir mon, de se resoudre à avoir tous-jours quelque chose à purger et mortifier pendant que nous serons en ce monde, puisque nostre purgation ne se doit finir qu'avec nostre vie; et l'autre, d'avoir bon courage pour ne point nous estonner d'avoir beaucoup à faire, ains de travailler tousjours le plus fidellement que nous pourrons.

  A009000103 

 Tous les Chrestiens qui aspirent au Ciel vont apres le Sauveur, car c'est par ses merites qu'on en espere la possession, en observant neanmoins ses commandemens; mais suivre Nostre Seigneur c'est marcher sur ses pas, imiter ses vertus, faire ses volontés et n'avoir qu'une mesme pretention avec luy.

  A009000104 

 Bienheureuses sont les ames qui sçavent bien cette pratique de s'offrir à Dieu, et toutes leurs actions, en l'union de ce Sauveur! Mais considerons aussi un peu cette autre prattique d'union que fit la Sainte Vierge avec saint Simeon et Anne la prophetesse; car si bien les Evangelistes ne parlent point de cette derniere, il est pourtant probable qu'elle eut l'honneur de tenir le Sauveur de nos ames entre ses bras, puisqu'elle avoit excellemment bien renoncé à soy mesme, bien porté sa croix et avoit esperé et aspiré tant de temps apres la venue du Seigneur qu'elle voyoit de ses yeux.

  A009000104 

 Maintenant retournons à Nostre Dame qui apporta son Fils au Temple pour l'offrir au Pere eternel, et par le moyen de cette offrande s'unir avec luy.

  A009000105 

 Les uns l'ont sur la langue: ils disent merveille de Dieu et le louent avec beaucoup d'ardeur; il y en a d'autres qui le portent au cœur par des affections tendres et amoureuses, et se fondent presque en pensant à luy.

  A009000105 

 Mais ces deux façons de le porter ne sont pas grand chose si l'on n'y adjouste la troisiesme, qui est de le porter dessus ses bras, je veux dire l'imiter en ses œuvres, car les bras representent les œuvres..................................................................................................

  A009000118 

 Et Nostre Seigneur luy respondit: Je ne le feray pas, car il [23] est escrit que l'homme ne vit pas seulement du pain, mais de toute parole qui part de la bouche de Dieu..

  A009000118 

 Le diable, qui le tenoit de pres pour sçavoir de quel costé il le pourroit attaquer, s'en apperceut par quelque signe exterieur que Nostre Seigneur fit.

  A009000118 

 Nous en verrons la prattique dans les tentations qui luy furent faittes par le diable estant au desert, où, apres avoir jeusné quarante jours, les Evangelistes rapportent qu' il eut faim.

  A009000119 

 Il faut vrayement faire ce qui t'est commandé, mais fais le tant plus laschement, et quand l'on ne te verra pas, hé, ne le fais pas.

  A009000119 

 Les ames donques qui pretendent rendre quelque grand service à Dieu se doivent armer pour supporter les attaques de l'ennemy, car il vient premierement leur dire: Si tu es enfant de Dieu, convertis ces pierres en pain.

  A009000120 

 Il faut regarder l'intention de la divine Majesté au temps de la tentation; non pas que nous puissions penser ni dire que c'est Dieu qui nous tente; oh non, car il ne le peut, ains il permet que nous soyons tentés et exercés.

  A009000120 

 O Dieu, que faites-vous, cheres ames? Ne changez pas la pierre en pain, convertissez-la plustost en eau, car vostre Pere, qui est Dieu, l'a bien fait pour desalterer les enfans d'Israël; mais il n'en a jamais tiré du pain, ains a plustost fait descendre la manne du ciel.

  A009000120 

 Vaines sont les pensées des personnes du monde qui croyent que les ames pieuses ne sont point tentées; mais plus vaines et frivoles sont les plaintes et complaintes que les ames devotes font de leurs tentations et aridités, puisqu'elles peuvent beaucoup gagner par icelles..

  A009000121 

 Ceux qui se sont precipités l'ont fait par des particulieres inspirations de Dieu, car autrement ils eussent peché..

  A009000121 

 Il y en a plusieurs qui ayans un grand desir de la perfection, veulent se precipiter pour y parvenir.

  A009000122 

 Oh non, cela ne vous rendra pas saintes, mais ouy bien une longue perseverance à vous bien mortifier, et à endurer amoureusement les mortifications, tentations, aridités et afflictions qui vous surviendront en cette vie, [25] resistant aux tentations et appliquant les remedes à vos peines, avec beaucoup de patience et d'humilité, avec resignation à souffrir autant et aussi longuement qu'il plaira à la divine Majesté, sans jamais vous laisser aller à aucun desir d'en estre affranchies.

  A009000129 

 L'Eglise au premier Dimanche de Caresme nous fait voir la tentation de Jesus Christ, au second, sa Transfiguration et la gloire de la Hierusalem celeste, et au troisiesme, la providence de Dieu envers ceux qui, ayans appris de Nostre Seigneur à vaillamment combattre, l'ont fait si fidellement qu'ils ont merité la recompense qu'il leur monstre apres la bataille.

  A009000130 

 Or cela estant, nous voyons clairement que le mystere de la Transfiguration ne fut point un miracle, ains une cessation de miracle, puisque les dots de gloire qui enrichissoyent la partie superieure de cette benite ame estoyent aussi deües à la partie inferieure qui n'en jouissoit toutefois aucunement, ains estoit abandonnée et delaissée à la merci de toutes nos misere et calamités; tout ainsy qu'une grande source [27] rejaillissant au sommet d'une haute montagne, retiendroit ses eaux sans s'escouler par les vallons.

  A009000132 

 La charité est la pureté de l'ame, car elle ne peut supporter en nos cœurs aucune affection impure ou qui soit contraire à Celuy qu'elle ayme (la charité et l'amour n'est qu'une mesme chose); et la chasteté est la charité du corps, d'autant qu'elle rejette toutes sortes d'impuretés.

  A009000133 

 La seconde consideration est sur ce que les Apostres virent Moyse et Elie qui parloyent à Nostre Seigneur de l'exces qu'il devoit faire en Hierusalem.

  A009000134 

 Hé, ne le voyez-vous pas en nostre mystere d'aujourd'huy? Ces trois Apostres ayans veu la gloire de Nostre Seigneur ne laisserent par apres de le quitter en sa Passion, et saint Pierre qui avoit parlé tousjours plus hardiment, commit neanmoins un tres grand peché reniant son Maistre.

  A009000134 

 Il faut monter sur la montagne de Thabor pour y estre consolé, direz-vous, car cela pousse et fait avancer les ames foibles qui n'ont pas le courage de faire le bien sans y sentir de la satisfaction.

  A009000134 

 On descend de la montagne de Thabor pecheur, mais au contraire on descend de celle de Calvaire justifié; cela s'entend quand on s'y tient ferme au pied de la Croix comme Nostre Dame, qui est le parangon de tout ce qui est de beau et d'excellent au Ciel et en la terre.

  A009000135 

 Ensuite l'on entend la voix du Pere eternel qui dit: Celuy ci est mon Fils bien aymé, escoutez le; le troisiesme degré de l'oraison, voire mesme de la perfection, est donc d'obeir au Pere en escoutant son Fils..

  A009000135 

 Je fais la troisiesme sur ce que l'on entendit la voix du Pere eternel qui dit: Celuy ci est mon Fils bien aymé, escoutez-le.

  A009000135 

 Je ne dis pas que nous devons faire autant d'oraison les uns que les autres, car il ne seroit pas à propos que ceux qui ont beaucoup d'affaires demeurassent aussi longuement en oraison que les Religieux.

  A009000136 

 L'une est neanmoins plus profitable que l'autre; comme de mesme il y a plus de profit à accomplir la volonté de Dieu, ou bien à l'aymer en quelque evenement qui nous contrarie, que non pas à [30] escouter parler Nostre Seigneur emmy la consolation que l'on reçoit aucunefois en l'oraison..

  A009000136 

 Or, pour l'escouter volontiers il s'en trouverait plusieurs; beaucoup aussi qui le voudroyent suivre en la montagne de Thabor, mais fort peu en celle de Calvaire.

  A009000137 

 Les ames qui sont parvenues à ce degré de perfection ont un soin tout particulier de regarder et se tenir aupres de Nostre Seigneur crucifié sur le Calvaire, parce qu'elles l'y trouvent plus seul qu'en nul autre lieu.

  A009000137 

 Plusieurs s'empescheront bien de regarder les hommes et les choses de ce monde, mais il en est extremement peu qui ne se regardent point eux mesmes; ains les plus spirituels recherchent et choisissent entre les exercices de devotion ceux qui sont plus à leur goust et plus conformes à leurs inclinations.

  A009000144 

 Il y a une malediction particuliere pour ceux qui font l'œuvre de Dieu negligemment; mieux vaudroit sans doute estre du tout froid, parce qu'à la fin on viendroit à reconnoistre sa misere en sentant sa froideur, et se retourneroit-on avec ardeur du costé de la divine Majesté pour estre secouru.

  A009000145 

 Mais d'autant qu'il n'y a creature si malheureuse qui n'ait quelque chose de bon, l'asnesse a une grande simplicité: elle est sans artifice, sans destour et sans fiel; c'est pour cela que Nostre Seigneur l'a choisie, car il n'y a point de vertu que Dieu ayme tant et qui l'attire davantage dans une ame que la simplicité.

  A009000146 

 Aller à l'eglise pour prier Dieu, et avoir encores intention d'y parler à quelqu'un avec qui l'on a affaire, c'est une intention impure, car elle est meslée.

  A009000146 

 La pureté est une vertu qui ne peut souffrir aucune souilleure de peché en nos cœurs.

  A009000146 

 Pour entendre que c'est que simplicité, nous devons premierement sçavoir qu'il y a trois vertus qui ont un tel cousinage et ressemblance qu'il semble n'y avoir point de difference entre elles: la verité, la pureté et la simplicité.

  A009000146 

 Un autre exemple: aller à l'oraison pour adorer Dieu, et y joindre l'intention d'obtenir des consolations, qui ne voit que cela est impur? La pureté donques n'a qu'une seule intention, ou au moins n'en conserve point d'impure et qui ne tende à la gloire de Dieu..

  A009000147 

 Je sçay bien, vouloit-il dire, que conversant parmi les hommes il faut que vous ayez de la prudence pour assembler diverses sortes de pretentions, mais aussi je veux que vous soyez simples, en les reduisant toutes en une, qui est ma plus grande gloire..

  A009000147 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, nous le fait bien voir quand il asseure que son Espouse luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux; voulant dire: Ma mie, ma toute chere, ma colombe, tu m'as regardé de tes deux yeux, mais maintenant tu as fermé l'œil gauche avec lequel tu voyois les recompenses eternelles, parce que [33] tu en es toute asseurée en perseverant en mon amour; tu ne regardes donques plus que moy, ni ne penses plus qu'en moy, car tes cheveux, à sçavoir tes pensées, tu les as toutes reduites en une qui est pour moy, c'est pourquoy tu m'as ravi le cœur.

  A009000148 

 Le trouble et l'inquietude que l'on a, voire mesme pour ce qui est de l'avancement de nos ames en la perfection, est contraire à la parfaite simplicité, puisque cette vertu consiste en une certaine tranquillité de cœur et paix interieure de l'ame qui se tient comme Magdeleine aux pieds de Nostre Seigneur, tandis que Marthe s'empresse.

  A009000149 

 Mais ces bonnes gens ne disent mot, ains vont simplement; et ils rencontrerent aussi des bonnes gens et bien simples, car ayant deslié l'asnesse, ceux à qui elle estoit demanderent seulement: Que voulez vous faire? Et les Apostres respondant: Le Seigneur en a besoin, ils ne repliquerent pas un mot.

  A009000149 

 Nostre Sauveur donques, voulant estre monté sur une asnesse pour entrer en Hierusalem, dit à deux de ses Apostres: Allez vous-en au village qui est proche, entrez en une telle maison, desliez l'asnesse et l'asnon, et me les amenez; et si l'on vous dit quelque chose, dites que le Seigneur en a besoin.

  A009000149 

 O que cecy devroit faire grand honte à tant de personnes qui sont si curieuses qu'elles veulent sçavoir le pourquoy de tout ce que Dieu fait! Qu'il vous suffise que le Seigneur en a besoin..

  A009000150 

 C'est l'amour affectif qui nous cause tant de grans desirs de travailler pour la gloire de Dieu et de nous rendre parfaits; mais il veut principalement l'amour effectif, car il ne nous servira de gueres d'affectionner fort sa sainte volonté si nous n'aymons qu'elle soit accomplie en nous en l'affliction comme en la prosperité.

  A009000150 

 Et que nul ne demande pourquoy Dieu veut tout l'amour, car on ne le sçauroit dire, sinon parce qu'il en a besoin pour faire des choses si excellentes et si grandes en l'ame qui le luy donne tout, que nul esprit humain ne les peut sçavoir ni comprendre..

  A009000150 

 Nul ne peut comprendre le bonheur d'une ame qui est desliée et conduite à Nostre Seigneur par le moyen de la grace; mais, o Dieu, combien plus grand est le bonheur de celle de qui l'on deslie encores l'amour! Et pourquoy deslier l'ame et l'amour? Parce que le Seigneur en a besoin: de l'ame pour la sauver, et de l'amour pour luy estre reservé.

  A009000150 

 Qu'est-ce que deslier l'ame? C'est la deslier et destacher du peché par le moyen d'une bonne confession; car chacun sçait que l'ame qui est en estat de peché est attachée et engagée dans les liens et filets du diable.

  A009000150 

 Qu'est-ce que deslier l'asnesse et l'asnon? C'est deslier l'ame et l'amour qui est son asnon.

  A009000151 

 Mais, o Dieu, il faut que cet amour soit pur, qu'il nous fasse entreprendre la prattique de toutes les vertus [35] egalement, et non pas selon nostre choix; car bien souvent nous nous faschons dequoy nous avons fait quelque legere faute en la vertu que nous affectionnons, et ne nous mettons point en peine d'avoir fait un defaut beaucoup plus grand en une autre vertu qui sera peut estre plus excellente.

  A009000152 

 Chacun sçait que la palme est donnée aux martyrs en signe de la victoire qu'ils ont remportée sur tous leurs ennemis; mais l'olive represente les confesseurs qui ont beaucoup fait pour la gloire de Dieu en temps de paix, car aussi l'olive est le hieroglifique de la paix.

  A009000152 

 Ils sont en un continuel combat contre leurs ennemis, qui sont leurs propres passions et inclinations, desquelles en fin ils demeurent [36] maistres, les assujettissant toutes à la rayson, qui n'est pas une petite victoire, ains est plus grande que de conquerir et gagner plusieurs villes..

  A009000152 

 On le voit en ce que Dieu estant apaisé apres avoir si justement puni les hommes par le deluge, il envoya à Noé, qui estoit dans l'arche, une branche d'olivier par la colombe.

  A009000153 

 Qui, je vous prie, trouverons-nous qui jette ses vertus aux pieds de Nostre Seigneur, se sousmettant à ne les vouloir posseder que pour l'en honnorer, et ne les voulant avoir pour son contentement particulier ou bien pour en estre estimé?.

  A009000154 

 Voicy une histoire qui fait à mon propos.

  A009000155 

 Ce que je veux dire est qu'apres que ce fils de Prophete eut fait sa charge en la façon qu'on luy avoit commandée, il se retira, sans craindre qu'on le jugeast ni fol ni incivil, et sans faire aucune chose pour eviter l'abjection qui luy devoit venir en obeissant simplement, preferant ainsy la simplicité de l'obeissance à sa reputation..

  A009000156 

 Celuy qui avoit esté creé roy, s'en retourna à l'assemblée et dit aux autres princes: Cet enfant que vous avez veu qui m'a parlé, n'est point fol comme vous croyez; et leur raconta tout ce qui s'estoit passé entre eux deux.

  A009000161 

 A l'amour rien n'est impossible; il destruira tout ce qui est en nous qui est desaggreable à la divine Majesté..

  A009000161 

 Chose admirable que Dieu nous ayt tant aymés que de laisser mourir son Fils pour nous, qui avions merité la mort! Nostre Maistre ne s'est pas contenté de mourir pour nous d'une mort commune, mais a choisi la plus pleine d'abjection et d'ignominie qui se pouvoit jamais penser.

  A009000161 

 Le Fils de Dieu est reduit sur une croix; et qui l'y a mis? Certes, ç'a esté l'amour.

  A009000162 

 Il s'en trouve qui mesprisent la mort en l'embrassant de bon cœur, pourveu qu'elle soit accompagnée de gloire.

  A009000162 

 Mais pour voir l'humilité de Nostre Seigneur, escoutons ce qu'en escrit saint Paul: Quand il estoit le Fils de Dieu, il s'est vuidé de luy mesme; c'est à dire qu'il a pour un temps resserré toute sa gloire en la partie superieure de son ame, laissant sa partie inferieure exposée à la mercy de toutes les souffrances, abjections et repugnances qui luy devoyent arriver en sa Passion.

  A009000162 

 O Dieu, que cecy est admirable, que le Verbe eternel s'aneantisse et se demette de sa propre gloire pour des creatures qui correspondent si peu à son amour! Il s'est rendu obeissant jusques à la mort, et jusques à la mort de la croix; il est bien raysonnable que nous luy soyons obeissans jusques à la mort, voire jusques à la mort de la croix, pour luy tesmoigner nostre amour.

  A009000162 

 Remarquez icy, je vous prie, l'infinie bonté du Sauveur qui voulut mourir de la mort des hommes, pour nous faire vivre, selon la pretention d'Adam, de la vie de Dieu.

  A009000163 

 C'est pourquoy, voulant mourir, il ne choisit pas d'estre estouffé ni estranglé, qui est une mort bien plus courte que celle de la croix; nous monstrant par ce choix que nous ne nous devons point ennuyer de la longueur ni de la quantité de nos souffrances, voire durassent-elles jusques à la fin de nostre vie, puisqu'elles ne sçauroyent jamais approcher ni entrer en comparaison avec celles qu'il a endurées pour nous.

  A009000163 

 Nous aurions voirement rayson d'en demeurer surpris si nous nous appuyions en nos forces, mais il faut se confier en la vertu de Dieu qui est pour nous si nous combattons pour son amour, et dire à l'imitation de son Apostre: Je suis plus fort lors que je me sens plus foible.

  A009000164 

 Un jour le grand abbé Serapion fut trouvé tout nud emmi une rue par quelques uns de ses amis; ceux-cy, meus de compassion, luy dirent: Qui vous a mis en tel estat et qui vous a osté vos habits, mon cher ami? Oh, dit-il, «c'est ce livre qui m'a ainsy despouillé,» parlant du livre des Evangiles qu'il tenoit.

  A009000165 

 Les anciens Peres considerant cecy, disent qu'il ne faut pas, à cause de la meschanceté d'Absalon, faire une comparaison ni penser qu'il soit une figure de Nostre Seigneur; mais qu'il represente plustost les hommes pecheurs, qui doivent estre attachés à l'arbre [42] de la Croix par toutes leurs pensées, qui sont signifiées par leurs cheveux..

  A009000166 

 Cela appartient aux esprits foibles de dependre de ces sentimens qui ne servent pour l'ordinaire que d'amusement.

  A009000166 

 Que me reste-t-il plus à adjouster, sinon à vous convier d'escouter ce que saint Paul nous recommande aujourd'huy, qui est que nous taschions de ressentir en nous ce que nostre Maistre a ressenti en ce jour pour nous? Qu'est-ce que ce grand Saint veut dire? Veut-il que nous ressentions un amour purement affectif pour Nostre Seigneur sur la croix? veut-il que nous pleurions de compassion? O non, ce n'est pas ce que le Sauveur demande de nous que l'amour affectif qui nous fait jetter des larmes ou nous cause tant de desirs sans effects; l'enfer est plein de ces desirs.

  A009000167 

 De plus, il faut que nous gardions ce ressentiment le reste de nostre vie, sans vouloir jamais estre consolés de la mort de nostre divin Sauveur, ains que nos esprits gardent ce continuel regret, et soyent morts par la continuelle mortification de leurs superfluités, à l'imitation du grand saint Ignace qui disoit que l'on ne pensast pas qu'il vescust, puisqu'il avoit crucifié son amour, ou que son amour estoit crucifié.

  A009000168 

 Allez donques, et aymez tellement Celuy qui est mort pour nous unir à luy et pour nous tesmoigner son amour, que rien ne puisse vivre en vous que luy, à fin que vous puissiez dire avec saint Paul: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy.

  A009000168 

 En fin, l'amour a fait mourir nostre Maistre, il ne reste plus sinon que nous vivions d'amour pour luy; mais non pas d'un amour tel quel, ains d'un amour semblable au sien (je ne dis pas esgal, car il ne se peut), d'un amour fort et courageux qui croisse emmi les contradictions, sans se lasser jamais de combattre pour ce divin Amant..

  A009000169 

 Si nous choisissons en cette vie la couronne d'espines, indubitablement nous aurons celle d'or apres nostre mort, en l'eternité des Bienheureux, où nous jouirons pleinement de l'amour de ce cher Sauveur, qui ne desire rien tant que de nous voir brusler de ce feu sacré duquel il a dit qu'il l'a apporté en terre et qu'il ne l'a fait sinon à fin qu'il brusle.

  A009000174 

 Et nous, addressant cecy à tous les Chrestiens, nous arresterons au troisiesme point qui est l'oraison..

  A009000174 

 Saint Bernard, duquel la memoire est douce à ceux qui ont à parler de l'oraison, escrivant à un Evesque luy mandoit que tout ce qui luy estoit necessaire estoit de bien dire (s'entend d'enseigner, de parler), puis de bien faire en donnant bon exemple, en fin de vacquer à l'oraison.

  A009000175 

 Remarquons d'abord en passant que, si bien nous condamnons certains heretiques de nostre temps qui tiennent que l'oraison est inutile, nous ne pretendons pas neanmoins, avec d'autres heretiques, qu'elle est seule suffisante pour nostre justification.

  A009000176 

 J'ay donques approuvé le desir qui m'esmeut à parler [46] de l'oraison, bien que ce ne soit pas mon dessein d'expliquer chaque espece d'icelle, parce que l'on en sçait plus par experience qu'il ne s'en peut dire.

  A009000176 

 Nous traitterons donques ces quatre Dimanches suivans de la cause finale de l'oraison, de la cause efficiente, de celle qui ne se peut pas proprement appeller materielle, ains de son objet, et de la cause effective ou de l'oraison en elle mesme.

  A009000177 

 La simple pensée est lors que nous allons courant sur une grande diversité de choses, sans aucune fin, comme font les mouches qui se vont posant sur les fleurs sans en pretendre tirer aucun suc, ains s'y posent seulement parce qu'elles s'y rencontrent.

  A009000178 

 Une autre action de nostre entendement est l'estude, et celle cy se fait lors que nous considerons les choses seulement pour les sçavoir, pour les bien entendre et pour en pouvoir bien parler, sans avoir autre fin que de remplir nostre memoire; et en cela nous ressemblons aux hannetons qui se vont posant sur les roses, non pour autre fin que pour se saouler et se remplir le ventre.

  A009000179 

 Ainsy moy, ayant perdu ma mere qui est la grace, et ne voyant venir personne à mon secours, je crieray.

  A009000180 

 Celle qui se fait par authorité ne se doit non plus appeller priere; aussi voit-on que si une personne qui a beaucoup d'authorité [48] dessus nous, comme sont peres, seigneurs ou maistres, use de ce mot de priere, nous luy disons incontinent: Vous pouvez commander, ou: Vos prieres me servent de commandement.

  A009000180 

 La demande qui se fait par justice ne se peut pas appeller priere, bien que nous usions de ce mot, parce que nous demandons une chose qui nous est deüe.

  A009000180 

 Mais entre la meditation et la contemplation il y a une petition qui se fait, lors que apres avoir medité la bonté de Nostre Seigneur, son amour infini, sa toute puissance, nous entrons en confiance de luy demander et le prier de nous donner ce que nous desirons.

  A009000180 

 Mais la vraye priere est celle qui se fait par grace, lors que nous demandons une chose qui ne nous est point deüe, et que nous la demandons à quelqu'un de fort sureminent par dessus nous, comme est Dieu..

  A009000182 

 Mais Dieu qui n'est point carnassier, ne tient pas de ces oyseaux de proye, ains seulement des petits oyselets qui sont enfermés dans la voliere pour luy donner du playsir.

  A009000182 

 Nous devons sçavoir premierement que toutes choses sont creées pour l'oraison, et que lors que Dieu crea l'Ange et l'homme il le fit à fin qu'ils le louassent eternellement là haut au Ciel, bien que ce soit la derniere chose que nous ferons, si derniere se peut appeller ce qui est eternel.

  A009000182 

 Par ces petits oyselets [49] on represente les Religieux et Religieuses qui se sont volontairement renfermés ès monasteres pour chanter les louanges de leur Dieu; aussi leur principal exercice doit estre l'oraison et d'obeir à cette parole que Nostre Seigneur dit en l'Evangile: Priez sans cesser..

  A009000182 

 Si vous allez regarder en un autre lieu, vous y verrez des esperviers, faucons et tels oyseaux de proye qui sont chaperonnés, et ceux là sont pour prendre la perdrix et autres oyseaux pour nourrir delicatement le prince.

  A009000182 

 Une autre similitude: si vous entrez en la chambre d'un prince, vous y verrez une voliere de divers petits oyseaux qui sont dans une cage bien colorée et bien accommodée; et si vous voulez sçavoir la fin pour laquelle on les y a mis, c'est pour donner du playsir à leur maistre.

  A009000183 

 Les anciens Chrestiens qui estoyent eslevés par saint Marc l'Evangeliste estoyent si assidus à l'oraison, que pour cela plusieurs des anciens Peres les surnommerent les supplians, et d'autres les appellerent medecins, parce que par le moyen de l'oraison, ils trouvoyent remede à tous leurs maux.

  A009000183 

 Les philosophes payens disoyent que l'homme est un arbre renversé, d'où nous pouvons conclure combien l'oraison est necessaire à l'homme, puisque l'arbre n'ayant suffisamment de terre pour couvrir ses racines, ne peut subsister; aussi l'homme qui n'a une particuliere attention aux choses celestes, ne sçauroit non plus subsister.

  A009000183 

 Or l'oraison, suivant la pluspart des Peres, n'est autre chose qu'une «eslevation d'esprit aux choses celestes;» d'autres disent que c'est une demande; mais les deux opinions ne se contrarient point, car en eslevant nostre esprit à Dieu, nous luy pouvons demander ce qui nous semble estre necessaire..

  A009000189 

 Nous avons maintenant à parler de la cause efficiente de l'oraison; il nous faut donques sçavoir qui peut et qui doit prier.

  A009000190 

 Premierement, il faut que nous sçachions que Dieu ne peut point prier, puisque la priere est une demande qui se fait par grace et qu'elle exige de nous une connoissance que nous avons besoin de quelque chose, car l'on n'a pas accoustumé de demander ce qu'on possede desja.

  A009000193 

 C'est pourtant une chose toute claire que les Saints et les hommes qui sont en Paradis prient, puisque les Anges avec lesquels ils sont prient..

  A009000193 

 Mais pour les hommes qui sont au Ciel nous n'en avons pas tant de tesmoignages, parce que devant que Nostre Seigneur fust mort, ressuscité et monté au Ciel il n'y avoit point d'hommes en Paradis; ils estoyent tous au sein d'Abraham.

  A009000194 

 Aussi y eut-il une fois un payen qui fit une oraison si excellente qu'elle merita d'estre presentée devant le throsne de la divine Majesté; et Dieu luy octroya la grace de luy bailler le moyen d'estre instruit en la foy, et despuis fut un grand Saint emmy les Chrestiens.

  A009000194 

 Il n'y a que le diable qui ne la puisse faire, parce qu'il n'y a que luy seul qui soit incapable d'amour..

  A009000194 

 Ils ressemblent aux petits oyseaux lesquels dès qu'ils ont pris leurs panaches peuvent voler d'eux mesmes par le moyen de leurs aisles; mais s'ils se viennent poser sur le glu qu'on leur a preparé pour les prendre, qui ne voit que cette humeur visqueuse leur serrera les aisles et qu'apres ils ne pourront pas voler? Ainsy en arrive-t-il aux pecheurs, lesquels se meslent et se posent dessus l'humeur visqueuse des vices, si qu'ils se laissent tellement serrer au peché qu'ils ne peuvent se guinder au Ciel par l'oraison.

  A009000195 

 Je sçay bien que les anciens qui traittent cette matiere en rapportent beaucoup: les uns en comptent quinze, les autres, huit.

  A009000196 

 Parlons d'abord de la premiere qui n'est autre que cette mendicité spirituelle de laquelle Nostre Seigneur dit: B ienheureux sont les mendians d'esprit, car à eux appartient le Royaume des cieux.

  A009000197 

 L'Espouse au Cantique des Cantiques fait esmerveiller les Anges et leur fait dire: Qui est celle cy qui vient du desert, et qui monte comme une verge de fumée odoriferante, composée de myrrhe et d'encens et de toutes les bonnes odeurs du parfumeur, et qui est appuyée sur son Bien-Aymé? L'humilité en son commencement est un desert, bien qu'à la fin elle soit fort fructueuse, et l'ame qui est humble pense estre un desert où n'habitent ni oyseaux, ni mesmes les bestes sauvages, et où il n'y a aucun arbre fruitier..

  A009000198 

 Passons maintenant à l'esperance, qui est la seconde condition necessaire pour bien faire l'oraison.

  A009000199 

 L'Espoux ayant une fois loué son Espouse disant qu'elle estoit comme un lis entre les espines, elle par contreschange respond: Mon Bien-Aymé est comme un pommier entre les halliers; cet arbre est tout chargé de feuilles, de fleurs et de fruits, je me reposeray à son ombre et recevray les fruits qui tomberont sur mon giron et les mangeray, et les ayant maschés je les gousteray en mon gosier, où je les trouveray doux et suaves.

  A009000200 

 Demeurons donques au pied de cette Croix, et n'en partons point que nous ne soyons tout detrempés du sang qui en descoule.

  A009000200 

 Mais qu'est-ce estre revestu de ce sang? Ne sçavez-vous pas que l'on dit: Voyla un homme qui [55] est revestu d'escarlatte; et l'escarlatte est un poisson.

  A009000201 

 Ainsy, nous autres, ayant appresté cet Aigneau sans macule et l'ayant presenté au Pere eternel pour rassasier son goust, lors que nous luy demanderons sa benediction, il dira, si nous sommes revestus du sang de Jesus Christ: La voix que j'entens est de Jacob, mais les mains, qui sont nos mauvaises œuvres, sont d'Esaü; neanmoins, à cause de la suavité que j'ay à sentir l'odeur de sa robe, je luy donne ma benediction.

  A009000201 

 Elle luy fit encores mettre la robe parfumée qui estoit destinée pour l'aisné de la mayson, et le mena ainsy à son mary qui estoit aveugle.

  A009000201 

 Lors que Jacob voulut avoir la benediction de son pere Isaac, sa mere luy fit apprester un cabri en la sauce de la venaison, parce qu'Isaac l'aymoit; mais de plus elle luy fit mettre des gans de poils, parce qu'Esaü, le fils aisné à qui appartenoit la benediction, estoit tout velu.

  A009000206 

 Nous avons monstré que la fin de l'oraison est nostre union avec Dieu et que tous les hommes qui sont en la voye de salut peuvent et doivent prier; mais il nous demeura un scrupule en nostre derniere exhortation, à sçavoir mon, si les pecheurs peuvent estre exaucés, car ne voyez-vous pas que l'aveugle-né duquel il est parlé en l'Evangile, et que Nostre Seigneur illumina, dit à ceux qui l'interrogeoyent que Dieu n'exauçoit point les pecheurs? Mais laissons-le dire, car il parloit encores comme aveugle..

  A009000207 

 Le pecheur qui veut perseverer en son peché ne sçauroit prononcer le nom souverain de Nostre Seigneur, puisqu'il n'a pas le Saint Esprit avec luy, car il n'habite [57] point au cœur souillé de peché.

  A009000207 

 Luy mesme le fait entendre à ceux qui luy disoyent: Nous avons jeusnè et affligé nos ames, et vous n'avez point regardé.

  A009000208 

 Qui est-ce à vostre advis qui luy donne ce repentir d'avoir offensé Dieu, sinon le Saint Esprit, puisque nous ne sçaurions avoir une bonne pensée pour nostre salut s'il ne nous la donne? Mais ce pauvre homme n'a-t-il rien fait de son costé? Si a, certes; escoutez les paroles de David: Seigneur, dit-il, vous m'avez regardé lors que j'estois en la fondriere de mon peché, vous m'avez ouvert le cœur et je ne l'ay pas refermé, vous m'avez tiré et je me suis laissé aller, vous m'avez poussé et je n'ay pas reculé.

  A009000209 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, ayant louangé son Bien-Aymé disant qu'il avoit les levres comme un lis qui distille la myrrhe, son Espoux luy respond en contreschange qu'elle a le miel et le lait dessous la langue..

  A009000209 

 La matiere de l'oraison est de demander à Dieu tout ce qui est bien; mais il faut que nous sçachions qu'il y a deux sortes de biens, les biens spirituels et les biens corporels ou temporels.

  A009000210 

 Le miel est une liqueur qui descend du ciel parmi la rosée, et tombant dessus les fleurs elle prend le goust d'icelles, comme font toutes les liqueurs que l'on met dans des vaisseaux qui ont quelque sorte de goust.

  A009000211 

 Or, ces biens spirituels necessaires pour nostre salut, signifiés par le miel que l'Espouse a dessous la langue, sont la foy, l'esperance, la charité et les autres vertus qui nous conduisent à celles là.

  A009000212 

 Il y en a qui pensent que s'ils estoyent doués de sapience ils seroyent bien plus capables pour aymer Dieu, et cela n'est pas.

  A009000212 

 Vous vous resouviendrez bien qu'une fois le frere Gilles s'en alla trouver saint Bonaventure et luy dit: O que vous estes heureux, mon Pere, d'estre si sçavant, car vous pouvez bien plus aymer [59] Dieu que nous autres qui sommes ignorans.

  A009000213 

 Mais qui ne voit la tromperie de ceux qui sont tous-jours apres leur pere spirituel pour se plaindre dequoy ils n'ont point de ces tendretés et consolations en leurs oraisons? Ne voyez-vous pas que si vous en aviez vous ne pourriez eschapper à la vaine gloire, et ne sçauriez empescher que vostre amour propre ne s'y compleust, en sorte que vous vous amuseriez plus aux dons qu'au Donateur? C'est donques une grande misericorde que Dieu vous fait de ne vous en point donner; et ne faut pas perdre courage pour cela, puisque la perfection ne consiste pas à avoir de ces gousts et tendretés, ains à avoir nostre volonté unie à celle de Dieu.

  A009000214 

 Tobie estant desja vieux et voulant mettre ordre à ses affaires, commanda à son fils de s'en aller en Rages pour retirer quelque somme qui luy estoit deuë; et pour ce faire, il luy bailla une police au moyen de laquelle on ne luy pouvoit refuser son argent.

  A009000215 

 C'est pourquoy ceux qui prient avec perfection demandent fort peu de ces biens, ains demeurent devant Dieu comme des enfans devant leur pere, remettant en luy toute leur confiance; ou bien comme un valet qui sert bien son maistre, car il ne va pas requerant tous les jours sa nourriture, mais ses services demandent assez pour luy.

  A009000215 

 Nous devons donc demander premierement que son nom soit sanctifié, c'est à dire qu'il soit reconneu et adoré par tous les hommes; en suite de quoy nous demandons ce qui nous est le plus necessaire, à sçavoir que son Royaume nous advienne, que nous puissions estre des habitans du Ciel; et puis, que sa volonté soit faite.

  A009000216 

 Il est dit que saint Jean estant au desert ne se nourrissoit que de locustes, ou sauterelles et cigales, qu'il ne mangeoit point de raisin, ni ne beuvoit cervoise ou chose qui peust enivrer.

  A009000216 

 Toutes les actions de ceux qui vivent en la crainte de Dieu sont des continuelles prieres, et cela se nomme oraison vitale.

  A009000217 

 De mesme peut-on dire que ceux qui donnent l'aumosne, qui visitent les malades et s'exercent à toutes telles bonnes œuvres font oraison, et ces mesmes bonnes actions demandent à Dieu recompense..

  A009000217 

 L'on ne sçait si les cigales sont celestes ou terrestres, car elles se jettent continuellement du costé du ciel, mais aussi elles retombent parfois sur terre; elles se nourrissent de la rosée qui tombe du ciel et vont tous-jours chantant, et ce que l'on entend n'est autre chose qu'un retentissement ou gazouillement qui se fait dans leurs intestins.

  A009000218 

 La priere n'est autre chose que parler à Dieu; or il est certain que parler à Dieu sans estre attentif à luy et à ce qu'on luy dit, est une chose qui luy est fort desaggreable.

  A009000218 

 Les prieres de ceux qui les font comme ce papegay sont en abomination à Dieu qui regarde plus au cœur de celuy qui prie que non pas aux paroles qu'il dit..

  A009000219 

 Celles qui sont commandées sont le Pater et la Creance que nous devons reciter tous les jours, car Nostre Seigneur nous le fait bien entendre quand il dit: Donnez-nous aujourd'huy nostre pain quotidien; cela nous monstre qu'il le faut demander tous [62] les jours.

  A009000219 

 Celles qui sont seulement recommandées sont les Pater ou Rosaires qui sont ordonnés pour gagner les indulgences; laissant de les dire nous ne pechons pas, mais nostre bonne Mere l'Eglise, pour monstrer qu'elle desire que nous les disions, donne des indulgences à ceux qui les recitent.

  A009000219 

 Les autres prieres commandées sont les Offices, pour nous autres qui sommes d'Eglise, et si nous en laissons quelque notable partie nous pechons.

  A009000220 

 Mais les prieres qui sont de commandement ont un prix tout autre, à cause de l'obeissance qui y est attachée, et c'est sans doute qu'il y a aussi plus de charité..

  A009000223 

 Nous ne devrions jamais venir aux Offices, principalement nous autres qui les disons en chant, sans faire des actes de contrition, et sans demander l'assistance du Saint Esprit, premier que de les commencer.

  A009000228 

 Quand nous prions immediatement nous exerçons la confiance filiale qui est fondée sur la foy, l'esperance et la charité; quand nous prions mediatement et par l'entremise de quelqu'autre, nous pratiquons la sainte humilité qui provient de la connoissance de nous mesme.

  A009000230 

 Nous avons plusieurs exemples qui tesmoignent comme nous devons nous tenir en une grande reverence exterieure faisant l'oraison, bien qu'elle soit particuliere.

  A009000230 

 Quand nous sommes aux Offices il faut que nous observions de nous tenir en la posture qui nous est marquée dans nos messels; mais en nos oraisons particulieres, quelle reverence y devons-nous garder? Nous sommes devant Dieu comme aux communes, bien qu'aux communes nous devons avoir un soin particulier à cause de l'edification du prochain; la reverence exterieure ayde beaucoup à l'interieure.

  A009000231 

 David dit que toute sa face prioit, que ses yeux estoyent tellement [66] attentifs à regarder Dieu qu'il avoit la veue toute attenuée, et sa bouche baillante comme un oyselet qui attend que sa mere le vienne rassasier.

  A009000231 

 Mais en tout cas, la posture qui nous apporte le plus d'attention est la meilleure.

  A009000231 

 Saint Anthoine l'ayant desja long temps attendu, commença à s'estonner parce qu'il ne l'entendoit point souspirer comme il avoit accoustumé de faire, il leve les yeux, et le regardant à la face, il trouva qu'il estoit mort, et sembloit que son corps qui avoit tant prié estant en vie, priast encores apres sa mort.

  A009000232 

 C'est en quoy ce Temple estoit plus aggreable à la divine Majesté, d'autant qu'il n'y avoit nulle sorte de nation qui ne peust venir luy rendre ses hommages en ce lieu.

  A009000232 

 En ce Temple il y avoit premierement un porche, qui estoit destiné pour les Gentils, à fin que personne ne peust s'excuser d'adorer.

  A009000232 

 Le second estage estoit destiné pour les Juifs, tant hommes que femmes, bien que par apres on fit une separation pour eviter les scandales qui pouvoyent arriver estant ainsy meslés.

  A009000233 

 Mais apres, il y a un degré ou estage qui est desja un peu plus haut, à sçavoir, une connoissance que nous avons par le moyen de la consideration; par exemple, un homme qui aura esté maltraitté en un lieu cherchera, par le moyen de la consideration, comme il pourra faire pour n'y pas retourner.

  A009000234 

 Ainsy il semble aucunefois quel'ame s'en aille toute du costé du midy, tant elle est agitée de distractions; que neanmoins la fine pointe de l'esprit regarde tousjours à son Dieu, qui est son nord.

  A009000234 

 Les navires qui sont sur la mer ont toutes une aiguille marine laquelle estant touchée de l'aimant regarde tous-jours l'estoille polaire, et encores que la barque s'en aille du costé du midy, l'aiguille marine ne laisse pourtant pas de regarder tousjours à son nord.

  A009000234 

 Les personnes les plus avancées ont aucunefois de si grandes tentations, mesme de la foy, qu'il leur semble que toute l'ame consent, tellement elle est troublée; elles n'ont que cette fine pointe qui resiste, et c'est cette partie de nous-mesme qui fait l'oraison mentale, car bien que toutes ses autres facultés et puissances soyent remplies de distractions, l'esprit, sa fine pointe, fait l'oraison..

  A009000235 

 La premiere se fait par voye de meditation, en cette sorte: nous prenons un mystere, par exemple Nostre Seigneur crucifié, et puis nous l'estant ainsy representé, nous considerons ses vertus: l'amour qu'il a porté à son Pere, lequel luy a fait souffrir la mort, et la mort de la croix, plustost que de luy desplaire, ou pour mieux dire, à fin de luy complaire; la grande douceur, humilité et patience avec laquelle il souffrit tant d'injures; en fin sa grande charité à l'endroit de ceux qui le mirent à mort, priant pour eux emmy ses plus grandes douleurs.

  A009000236 

 La meditation se fait comme les abeilles font et cueillent leur miel: elles vont cueillant le miel qui descend du ciel sur les fleurs et tirent un peu du suc des [68] mesmes fleurs, puis le portent clans leurs ruches.

  A009000238 

 Ces paroles nous représentent les mysteres qui se vont celebrer ces semaines suivantes.

  A009000238 

 L'Espoux conclut par apres: Enivrez-vous, mes tres chers; et qu'est-ce qu'il veut dire? Vous sçavez bien que l'on n'a pas accoustumé de mascher le vin, ains on ne fait que l'avaler; ce qui nous represente la contemplation en laquelle on ne masche plus, ains on ne fait qu'avaler.

  A009000240 

 Celle que repetoit saint François est excellente, bien que ce fust une parole de contemplation, parce qu'elle continuoit comme un fleuve qui va tousjours coulant.

  A009000240 

 Qui vous empesche de luy parler au fond de vostre cœur, puisqu'il n'importe que [70] vous luy parliez mentalement ou vocalement? Dites des paroles courtes mais ferventes.

  A009000240 

 Venons à la troisiesme partie de l'oraison mentale qui se fait par voye d'eslancemens.

  A009000240 

 Vous me dites que vous n'avez pas le temps de faire deux ou trois heures d'oraison; qui vous en parle? Recommandez-vous à Dieu dès le matin, protestez que vous ne le voulez point offenser, et puis vous en allez à vos affaires, resolue de faire neanmoins plusieurs eslevations de vostre esprit en Dieu, voire emmi les compagnies.

  A009000241 

 Les saints Peres qui vivoyent au desert, ces anciens et vrays Religieux, estoyent si soigneux de faire ces oraisons et eslancemens, que saint Hierosme raconte que quand on alloit les visiter on entendoit l'un qui disoit: Vous estes, o mon Dieu, tout ce que je desire; l'autre: Quand seray-je tout vostre, o mon Dieu? et l'autre repetoit: Deus in adjutorium meum intende.

  A009000241 

 Par exemple, vous avez pris aujourd'huy: Pater noster qui es in caelis; vous direz donques la premiere fois: Mon Pere, qui estes au Ciel; et un quart d'heure apres vous direz: Si vous estes mon Pere, quand seray-je parfaitement vostre fille? Ainsy vous irez continuant de quart d'heure à autre vostre oraison.

  A009000242 

 Ces parolles sont un carquoy qui est plein de tres aggreables et tres douces interpretations; en voicy une bien aymable.

  A009000242 

 Elle m'a ravi le cœur par un de ses cheveux qui pend sur son col, c'est à dire par une pensée qui descend du costé de son cœur..

  A009000242 

 L'Espoux dit au Cantique des Cantiques que sa bien-aymée luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux qui pend dessus son col.

  A009000242 

 Quand un mari et une femme ont des affaires en leur mesnage qui les contraignent de se separer, s'il arrive [71] par hasard qu'ils se rencontrent, ils se regardent un peu en passant, mais ce n'est que d'un œil, parce que, se rencontrant de costé, l'on ne peut pas bonnement le faire des deux.

  A009000248 

 J'admire ceux qui ont escrit ces choses.

  A009000248 

 Je remarque que l'Evangile raconte les imperfections et pechés de ce bienheureux Saint, et l'une de ses plus grandes tares, qui est, comme l'on tient, son ambition et presomption, au lieu de raconter ses perfections, vertus et excellences; au lieu de le louer et exalter, il semble qu'il le blasme et vitupere.

  A009000248 

 Les personnes du monde lors qu'elles veulent louer quelqu'un qu'elles ayment, racontent tousjours ses vertus, perfections et excellences, tous les tiltres et qualités qui le rendent honnorable, et cachent, couvrent et ensevelissent ses péchés et imperfections, mettant en oubli ce qui le peut rendre abject et vil.

  A009000248 

 Mais nostre Mere l'Eglise, Espouse de Jesus Christ, fait tout au contraire; car bien qu'elle ayme uniquement ses enfans, neanmoins lors qu'elle les veut louer et exalter, elle raconte exactement les pechés qu'ils ont commis avant leur conversion, à fin de magnifier la majesté de Celuy qui les a sanctifiés pour sa plus grande gloire et honneur, [73] faisant reluire sa misericorde infinie avec laquelle il les a relevés de leurs miseres et pechés, les comblant de tant de graces et de son saint amour..

  A009000249 

 Certes, cette bonne Mere ne veut pas que nous nous estonnions et mettions en peine de ce que nous avons esté, des grans pechés que nous avons commis autrefois, ni de nos miseres presentes; o non, pourveu que nous ayons maintenant une resolution ferme et inviolable d'estre tout à Dieu et d'embrasser à bon escient la perfection et tous les moyens qui nous peuvent faire avancer en l'amour sacré, faisant que cette resolution soit efficace et produise des œuvres.

  A009000250 

 Et il dit encores, [74] ce glorieux Saint: Qui est malade avec lequel je ne sois malade? qui est triste avec lequel je ne sois triste? qui est joyeux avec lequel je ne me resjouisse? qui est scandalisé avec lequel je ne sois bruslé? Certes, les anciens qui escrivoyent les vies des Saints estoyent tres exacts à rechercher leurs defauts et pechés, les racontant et declarant à fin d'exalter et magnifier Nostre Seigneur qui estoit glorifié en eux, les ayant relevés de leurs miseres, convertis et faits des grans Saints..

  A009000250 

 Mais apres tout cecy, ce mesme Saint, pour faire voir que ces dons ne venoyent pas de luy, mais de la bonté infinie de la divine Majesté qui l'avoit fait ce qu'il estoit, il parle de ses defauts et raconte exactement ses pechés et imperfections, disant: Voyez-vous ce petit bossu et contrefait (car il estoit petit de stature comme de mauvaise mine), comme Dieu en a fait un vaisseau d'election; ce grand pecheur et grand persecuteur des Chrestiens, comme il l'a rendu de loup aigneau; ce chagrin, cet opiniastre, cet orgueilleux et ambitieux, comme il l'a comblé et rempli de tant de graces et benedictions, le rendant si humble et charitable qu'il dit de soy qu'il est le moindre et le plus petit des Apostres et le plus grand des pecheurs, et qu'il se fait tout à tous pour les gagner tous.

  A009000251 

 Il est vray qu'il les aymoit grandement, specialement saint Jean, son bien-aymé Disciple, qui estoit le cœur le plus aymable que l'on peust s'imaginer.

  A009000251 

 Ils trouvent donques un expedient entre eux, disant: Nostre mere est une bonne femme qui nous affectionne grandement, elle fera bien cela pour nous; et nostre Maistre nous ayme bien, il nous accordera sans doute cette faveur.

  A009000251 

 Ils vont donques prier leur mere de faire cette requeste; elle, qui estoit toute desireuse du bonheur de ses enfans, s'en va trouver Nostre Seigneur pour ce sujet, comme dit un des Evangelistes, et, rusee comme un petit renardeau, elle va autour de ses pieds avec tant de genuflexions et d'humiliations, elle se prosterne devant luy pour gagner ses bonnes graces à fin qu'il luy donnast ce qu'elle souhaittoit de luy..

  A009000252 

 C'est une mauvaise beste qui nous porte beaucoup de dommage, nous empeschant d'aller simplement et rondement en toutes nos actions, nous faisant chercher nostre propre interest et satisfaction en toutes choses.

  A009000252 

 Il s'en trouve fort peu, voire mesme entre les plus spirituels, qui regardent purement Dieu sans rechercher leur propre contentement, ne desirant que le contenter et non se contenter soy mesme..

  A009000252 

 Or, c'est l'amour propre qui faisoit cela; [75] elle n'avoit garde de luy dire: Je veux une telle chose, octroyez-moy cette grace; o non, car l'amour propre est plus sage et discret que cela, il fait faire des preambules et harangues bien composées, avec une humilité feinte et fausse, à fin que l'on pense que nous sommes bien braves et prudens.

  A009000253 

 Et ses enfans qui estoyent avec elle adjousterent: Nous voulons, Seigneur, que tout ce que nous vous demanderons vous nous le donniez.

  A009000253 

 Il luy dit donques: Que voulez vous? car le Sauveur ne se plaisoit point à tant de discours, luy qui ayme uniquement la simplicité.

  A009000254 

 Il [76] s'en trouve beaucoup qui s'humilient, qui se mortifient, portent la haire, font des penitences et austerités, qui prient et font oraison, mais fort rares sont ceux qui sousmettent entierement leur propre jugement et leur propre volonté..

  A009000254 

 Il s'en trouve plusieurs qui obeissent, mais extremement peu qui sousmettent leur jugement et quittent entierement leur volonté.

  A009000255 

 En fin, cette propre volonté est celle, comme dit saint Bernard, qui bruslera en enfer.

  A009000255 

 Lors que nous trouvons quelque chose en nous qui n'est pas conforme à la volonté de nostre cher Sauveur, nous nous devons prosterner devant luy, et luy dire que nous detestons et desavouons cela et tout ce qui est en nous qui luy peut desplaire et qui est contraire à son amour, luy promettant de ne vouloir rien que ce qui sera conforme à son bon playsir et vouloir divin..

  A009000256 

 Ils ne sçavoyent ce qu'ils demandoyent, de vray, puisqu'au Ciel il n'y a point de gauche, car c'est là où sont les damnés qui sont privés de la presence de Dieu; il n'y a que la dextre où sont les Bienheureux qui jouissent et jouiront eternellement de l'Essence divine qui les comblera de toute sorte de contentement et felicité.

  A009000256 

 O non certes, car ne sçavez-vous pas, mes cheres ames, que tout nostre bien et bonheur depend d'estre entierement abandonné à la Providence divine, ne cherchant que son bon playsir, estant parfaitement sousmis à sa tres sainte volonté, [77] nous resjouissant de la voir accomplir en nous et en toutes creatures, quoy que ce soit avec des afflictions et des souffrances? Nous avons quelquefois affection et inclination à prattiquer les vertus qui sont selon nostre volonté.

  A009000256 

 Par exemple, une personne qui sera malade, si nous luy disons: Mon enfant, ne sçavez-vous pas bien que les peines et souffrances prises avec patience et sousmission au vouloir divin sont uniquement aggreables à sa Majesté? Ouy, vous respondra-t-elle, mais je voudrois estre au chœur pour prier Dieu comme les autres, je voudrois faire des penitences et mortifications et les actions de vertu comme eux, avec ferveur et sentiment.

  A009000257 

 O non, car ma Mere qui n'a pas esté esleüe à telle dignité, ne lairra pourtant d'avoir infiniment plus de gloire et d'amour au Ciel que vous et d'autres aussi..

  A009000259 

 Nostre divin Maistre dit donques à ces deux Saints: Pouvez-vous boire avec moy le calice qui m'est [78] preparé? car je suis descendu du Ciel pour faire la volonté de mon Pere qui m'a envoyé et pour parachever son ouvrage.

  A009000260 

 N'est-ce pas un grand martyre de ne faire jamais sa propre volonté, sousmettre son jugement, escorcher son cœur, le vuider de toutes ses affections impures et de tout ce qui n'est point Dieu, ne point vivre selon ses inclinations et humeurs ains selon la volonté divine et la rayson? C'est un martyre qui est fort long et ennuyeux et qui doit durer toute nostre vie, mais nous obtiendrons à la fin d'icelle une grande couronne pour nostre recompense si nous sommes fidelles à cela..

  A009000262 

 La premiere est à fin qu'on vist les pensées de son cœur, qui estoyent des pensées d'amour et de dilection pour nous, ses bien aymés enfans et cheres creatures, qu'il a creées a son image et semblance, à fin que nous vissions combien il desire de nous donner de graces et benedictions, et son cœur mesme, comme il fit à sainte Catherine de Sienne.

  A009000264 

 Et de nostre temps, le bienheureux Philippe Nerius avoit receu cette mesme grace de la divine Bonté; souvent il se bouchoit le nez pour ne sentir une si grande puanteur qui sortoit des pecheurs.

  A009000264 

 La premiere, pour ce que l'on auroit horreur de descouvrir dans les cœurs des meschans et grans pecheurs des choses si sales, horribles et tant de miseres; car sainte Catherine, qui avoit receu ce don de Dieu, de [80] penetrer les consciences et connoistre les pechés les plus secrets, en avoit une si grande horreur, qu'il failloit qu'elle se destournast pour s'empescher de les voir.

  A009000264 

 Or, en Nostre Seigneur il n'y avoit rien à craindre que l'on vist son cœur, parce qu'il n'y avoit rien en luy qui peust donner de l'horreur, puisqu'il estoit si pur, si saint et la pureté mesme; il ne pouvoit point aussi tomber en vanité, luy qui estoit l'Autheur de la gloire..

  A009000265 

 Si l'on nous touche le bout du doigt ou le bout du pied, nous nous retirons aussi tost; si on nous dit une petite parole qui ne soit pas selon nostre gré, nous nous offensons.

  A009000266 

 Celuy-là seroit bien fol qui voudroit faire quelque grand bastiment et edifice et ne considereroit pas auparavant s'il a de quoy payer et satisfaire pour cela.

  A009000266 

 Certes, lors qu'il nous vient de ces [81] ardens desirs de faire de grandes choses pour Dieu, nous devons alors plus que jamais nous approfondir en l'humilité et defiance de nous mesmes et en la confiance en Dieu, nous jettant entre ses bras, reconnoissant que nous n'avons nul pouvoir pour effectuer nos resolutions et bons desirs, ni faire chose quelconque qui luy soit aggreable; mais en luy et avec sa grace toutes choses nous seront possibles.

  A009000266 

 Nous autres qui voulons acheter le Ciel, et faire ce grand bastiment et edifice de la perfection, nous sommes des fols lors que nous ne considerons pas si nous avons de quoy payer et ce qu'il faut donner pour l'avoir; faute de cette consideration, nous demeurons court en chemin..

  A009000267 

 Bienheureuses sont donques les ames qui boivent le calice avec Nostre Seigneur, qui se mortifient, portent la croix et souffrent amoureusement pour son amour, et qui reçoivent egalement de sa main toutes sortes d'evenemens.

  A009000268 

 Il y en a aussi plusieurs qui desirent et veulent sçavoir le degré de gloire qu'ils auront au Ciel.

  A009000268 

 Je le sçay qu'il y en a plusieurs qui le desirent, et demandent à Dieu les peines et afflictions, le priant qu'il les fasse souffrir; mais c'est avec cette condition qu'il les visite et console souvent en leur souffrance, qu'il leur tesmoigne qu'il l'a aggreable, qu'il se plaist de les voir souffrir, et [82] qu'il les en recompensera bien d'une gloire immortelle.

  A009000268 

 Nous devons servir la divine Majesté le mieux et le plus fïdellement que nous pourrons, observant exactement ses commandemens, ses conseils et ses volontés, et avec le plus de perfection, de pureté et d'amour qu'il nous sera possible, et ne nous point enquerir de la recompense qu'il nous donnera, laissant cela à sa Bonté qui ne manquera pas de nous recompenser d'une gloire infinie et incomprehensible, se donnant soy mesme à nous pour recompense, tant il fait d'estat et a aggreable ce que nous faisons pour luy.

  A009000268 

 Vous me direz neanmoins qu'il y en a tant qui desirent de souffrir et porter la croix; et c'est la verité.

  A009000269 

 Voyez-vous cette grande sainte Catherine de Sienne, laquelle prefera la couronne d'espines à celle d'or? Nous en devons faire le mesme, car en fin le chemin de la croix, des souffrances et afflictions est un chemin asseuré qui nous conduit à Dieu et à la perfection de son amour, si nous sommes fideles.

  A009000274 

 L'on a tousjours fait de grandes solemnités à la reception des ames qui se sont consacrées à Dieu pour le servir en Religion; mais je remarque que l'on en a tousjours fait davantage pour celle des filles que non pas pour celle des hommes; et pour moy je crois que c'est parce qu'estant d'un sexe plus fragile, l'on doit d'autant plus admirer et solemniser la force qu'elles ont à se desprendre de toutes les choses de la terre.

  A009000274 

 Leur generosité fait certes honte à beaucoup de personnes qui se tiennent pour bien vaillantes et courageuses..

  A009000275 

 C'est au Saint Esprit à qui nous en devons rendre la gloire, d'autant qu'il se plaist à choisir les choses les plus foibles et viles pour manifester sa grandeur et son incomprehensible bonté..

  A009000276 

 Mais que pensez-vous que soyent ces odeurs qui les attirent? O que cette divine amante, et nous aussi, avons bien rayson de nous estonner, car ces odeurs ne sont autre chose sinon les croix, les espines, les clous, la lance.

  A009000276 

 O Dieu, quelle merveille est celle-cy, que Nostre Seigneur se fasse desirer et attire les ames à sa suite par le moyen de tout ce qui est si rude et si affreux au sens humain!.

  A009000276 

 O que grand est le bonheur des jeunes filles qui desirans Nostre Seigneur se viennent toutes consacrer à son amour! Je n'entens pas, par ce mot de jeunes, parler de celles qui le sont d'aage, bien que le bonheur de celles cy soit tres grand de pouvoir dedier leurs premieres et meilleures années au service de la divine Majesté; ains je veux dire celles qui sont encores tendres et jeunes à la devotion.

  A009000277 

 Voyez-vous, nous n'avons point accoustumé de tromper les filles qui se presentent pour estre receues dans les Religions; car nous leur disons qu'elles meurent en y entrant, et qu'il ne faudra plus qu'elles vivent à tout ce à quoy elles ont vescu au monde.

  A009000278 

 Et pour monstrer que ce n'est pas par mon choix, il faut que vous sçachiez que si la volonté de mon Pere eust esté que je fusse mort d'une autre mort que celle de la croix, ou bien que j'eusse vescu en delices, je me serois trouvé tout aussi prompt que j'ay fait, parce que je n'estois pas venu en ce monde pour faire ma volonté, mais celle de mon Pere qui m'a envoyé.

  A009000278 

 Et pourquoy tout cela? C'est peut estre pour patir, et par ce moyen sauver les hommes; ou, par adventure, l'ay-je fait par mon choix? O non, pardonnez-moy, la seule cause pour laquelle j'ay fait tout ce que j'ay fait, ç'a esté pour me sousmettre à la volonté de mon Pere qui estoit telle.

  A009000278 

 O Dieu, si nostre cher Sauveur, dont la volonté ne pouvoit estre que tousjours absolument parfaitte, et partant ne pouvoit choisir aucune chose qui ne fust tres aggreable à son Pere, n'a point voulu vivre selon icelle, comme est-ce donques que nous autres [86] aurons bien la hardiesse de laisser vivre la nostre, le choix de laquelle, pour l'ordinaire, gaste toutes nos œuvres?.

  A009000279 

 C'est orgueil de rechercher les charges, les preeminences, et au contraire ce serait temerité de les refuser lors qu'elles nous sont presentées par ceux qui ont du pouvoir sur nous..

  A009000280 

 Bref, il faut que vous mouriez à vostre vie civile, leur repetons-nous, car, ainsy que nous avons desja dit, vous n'aurez plus de reputation, l'on ne parlera plus de vous que comme d'une personne morte; aussi vous revestira-t-on du sac noir qui vous en doit faire resouvenir..

  A009000280 

 Les habits que nous leur donnons font assez entendre tout cela, mais particulierement le voile que nous leur mettons dessus la teste, lequel leur monstre qu'elles ne se doivent plus servir de leurs sens ni de leurs puissances [87] pour aucune chose de la terre, ains que, comme des filles mortes, rien ne devra plus vivre en elles de tout ce qui y a vescu jusques à l'heure presente.

  A009000280 

 Mais ce n'est pas tout, car nous disons à ces filles qui veulent entrer en Religion qu'il faut mourir à tous leurs sens, à sçavoir, qu'il ne faut plus avoir d'yeux pour voir ni d'oreilles pour ouïr, et ainsy des autres; on leur devra donques retrancher leurs fonctions.

  A009000281 

 Escoutez saint Paul qui parle de luy mesme: Je vis, dit-il, mais ce n'est pas moy, ains c'est mon Seigneur qui vit en moy; non pas mon Seigneur glorifié, ains mon Seigneur crucifié.

  A009000281 

 O sans doute, il y a une vertu secrette qui opere en cecy; c'est la force des attraits du Saint Esprit qui le fait ainsy pour sa plus grande gloire..

  A009000282 

 C'est un grand talent que celuy de vivre chrestiennement et en l'observance des commandemens de Dieu; neanmoins celuy qui en a receu deux, c'est à dire qui avec celuy cy a receu celuy de vouloir pretendre à la perfection de la vie chrestienne, est desja beaucoup plus favorisé; mais, o Dieu, combien grand est le bonheur de celuy qui a receu en outre les trois talens auxquels sont encloses toutes les perfections chrestiennes! Ce sont ces trois principaux conseils de Nostre Seigneur: l'obeissance, [88] la chasteté et la pauvreté; ce sont ces trois vœux effectuels qui nous unissent à Dieu (je dis effectuels, et non pas seulement voués).

  A009000282 

 Ce pendant, je considere qu'en l'Evangile d'aujourd'huy, qui est celuy des talens que le seigneur bailla à ses serviteurs lors qu'il alla faire son voyage, il est rapporté qu'il en donna un, puis deux, puis cinq.

  A009000287 

 Nostre Seigneur parlant les paroles de la vie eternelle, une femme s'esleva d'entre le peuple, disant: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succèes.

  A009000288 

 Les trois revelations estans confrontées, on visita le lieu, on remarqua la place, et lors on y bastit l'eglise qui y est encores aujourd'huy et que l'on nomme Sainte Marie Majeure..

  A009000289 

 Cette bonne femme s'estant escriée: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées, Nostre Seigneur respondant dit: Il est vray; comme qui diroit: Voire! mais bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent, c'est à sçavoir, qui la mettent en effect.

  A009000289 

 L'on en voit qui oyant parler de la Mort du Sauveur pleurent fort tendrement, et neanmoins ne laissent pas de nourrir en eux mille sortes d'imperfections contre cette sainte Passion sur laquelle ils ont pleuré..

  A009000290 

 De mesme quand nostre divin Maistre dit, parlant des Superieurs: Qui vous escoute m'escoute et celuy qui vous mesprise me mesprise, c'est comme s'il disoit: Je tiens que [91] ceux qui vous obeissent c'est à moy qu'ils obeissent; et ceux qui mesprisent vos paroles ne s'en voulant pas servir, je tiens que ce sont mes paroles mesme qu'ils mesprisent..

  A009000290 

 Ne voyez-vous pas qu'il ne dit pas seulement estre bienheureux ceux qui escoutent sa parole, ains adjouste ceux qui l'observent? Dieu monstre assez qu'il ne juge pas qu'on l'escoute si on ne l'effectue avec affection de sousmission et d'obeissance; aussi se plaint-il de son peuple parce que luy ayant parlé, il n'en a pas esté ouy; c'est à dire qu'ils n'ont pas mis en effect ses paroles, d'autant qu'ils l'avoyent bien ouy de leurs oreilles.

  A009000290 

 Vous autres qui faites profession de la spiritualité sçavez la difference qu'il y a entre l'amour effectif et l'amour affectif.

  A009000292 

 O que ceux là sont heureux qui estans inspirés, comme ce bien heureux Jean et sa femme, de se dedier et consacrer à Dieu avec tout ce qu'ils possedent, ont recours à la priere pour connoistre en quel lieu ils le pourront faire pour sa plus grande gloire et pour l'honneur de [92] nostre tres digne Maistresse; car, ainsy que nous l'avons desja declaré, point de devotion pour Dieu sans affection de plaire à Nostre Dame..

  A009000293 

 Mais qui est-ce, je vous prie, qui ne luy en auroit, veu qu'elle est nostre tres aymable Mere? Et qu'il ne soit vray, escoutez l'Espoux au Cantique des Cantiques lors qu'il luy dit: Ton ventre, o ma Bien-Aymée, est comme un monceau de grains de froment qui est tout entouré de lys de la pudeur de sa virginité.

  A009000293 

 Que veut-il signifier ce divin Amant, sinon que Nostre Dame a porté tous les Chrestiens en son sein? Et si bien elle ne produit que ce grain duquel il est escrit que s'il n'est jettè en la terre il demeurera seul, et s'il y est jetté et couvert il germera et en produira plusieurs, à qui est ce, je vous prie, doit-on attribuer la production de ces autres grains, sinon à celle qui a produit le premier, Nostre Seigneur estant Fils naturel de Nostre Dame? Bien qu'elle n'ait porté que luy en effect clans son sein, elle a pourtant porté tous les Chrestiens en la personne de son divin Fils, car ce beni grain nous a tous produits par sa mort; de mesme la datte estant plantée produit la palme de laquelle viennent par apres quantité d'autres dattes; et pourquoy ne dira-t-on pas que ces dattes appartiennent à la premiere dont la palme est sortie?.

  A009000294 

 Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succèes.

  A009000295 

 Il se trouve beaucoup de personnes qui estans chrestiennes protestent qu'elles veulent dedier et offrir à Dieu [93] tout ce qu'elles ont, tout ce qu'elles sont, parce qu'elles connoissent que tout luy appartient, et aymeroyent mieux mourir que de l'offenser mortellement.

  A009000295 

 Mais il est vray aussi qu'elles veulent se reserver la disposition de leurs biens, et quoy qu'elles soyent resolues de vivre en l'observance des commandemens de Dieu, elles veulent neanmoins retenir la volonté de faire tout plein de petites choses qui ne sont pas contre la charité, mais qui vont biaisant; ce sont des choses perilleuses, lesquelles si bien elles ne nous font pas perdre la charité, ne laissent pas de desplaire à la divine Majesté.

  A009000296 

 Ainsy ces benites ames ne veulent pas [94] seulement se tourner et abandonner à Dieu à demi, mais tout entieres; elles mesmes et tout ce qui en depend: les feuilles des vaines esperances que le monde donne, la fleur de leur pureté et les fruits de tout ce qu'elles feront et possederont à jamais..

  A009000296 

 Ces ames donques qui sont si genereuses que de se venir toutes abandonner à Dieu sans aucune reserve, se jettant sous les loys de la Religion et se liant si estroittement que jamais plus elles ne s'en peuvent desprendre, font non seulement comme toutes les fleurs jaunes qui se vont tousjours tournant du costé du soleil, mais aussi comme celle qu'on appelle tourne-soleil, laquelle ne se contente pas de tourner sa fleur, ses feuilles et sa tige contre iceluy, ains encores, par une secrette merveille, tourne aussi sa racine qui est dessous terre.

  A009000296 

 Cet estat est certes le plus parfait apres celuy de ceux qui sont sous le caractere de la consecration episcopale, d'autant que l'on ne s'en peut plus departir.

  A009000297 

 Elles disent à Nostre Seigneur, à l'imitation du grand saint Paul: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? Et ayant dit cela, elles se sousmettent à la conduite de leurs Superieurs, pour ne jamais plus estre maistresses d'elles mesmes ni de leur volonté, evitant par ce moyen la sentence du grand saint Bernard qui asseure que «celuy qui se gouverne soy mesme est gouverné par un grand sot.» Hé, pourquoy voudrions-nous estre maistres de nous mesme pour ce qui regarde l'esprit, puisque nous ne le sommes pour ce qui est du corps? Ne sçavons-nous pas que les medecins lors qu'ils sont malades appellent d'autres medecins pour juger des remedes qui leur sont propres? De mesme les advocats ne plaident pas leur cause, d'autant que l'amour propre a accoustumé de troubler la rayson..

  A009000298 

 Je laisse tout plein d'autres proprietés, comme seroit de dire qu'elle ne tombe jamais dessus la mer, au moins dessus la haute mer; et je pourrois adjouster que de mesme la sacrée et particuliere inspiration de se donner à Dieu sans reserve ne tombe point sur les ames qui voguent sur la haute mer de ce miserable monde et qui y sont eslevées sur les plus hautes dignités.

  A009000300 

 Bienheureuses donc sont telles ames [96] qui renoncent absolument à tous les delices et playsirs de la chair qui nous sont communs avec les bestes, pour jouir de ceux de l'esprit qui nous rendent semblables aux Anges..

  A009000300 

 C'est en effect une certaine liqueur de misericorde qui retire le pecheur de son iniquité et la luy pardonne; mais l'autre de ses mammelles dont il nourrit les parfaits et les perfectionne tousjours davantage, jette une liqueur plus douce que le miel et plus suave que le nectar et l'ambroisie; elle est toute sucrée.

  A009000300 

 Comme s'il vouloit dire que nul ne jouira des cheres caresses ni des delicieux playsirs de Nostre Seigneur, que ceux qui renonceront à tous les vains playsirs de la chair et du monde, puisqu'on ne sçauroit posseder les uns et les autres tout ensemble.

  A009000300 

 Il est pourtant veritable que le Sauveur ayant deux mammelles, nourrit tous ses enfans de la misericorcle qui en distille.

  A009000301 

 C'est le divin Psalmiste qui le declare, asseurant qu'elle fait la volonté de Dieu, qu'elle obeit à sa parole.

  A009000301 

 Hé, voyez-la tomber: elle tombe si doucement! Voyez comme elle demeure sur la terre jusques à ce qu'il plaise à Dieu d'envoyer un rayon de soleil qui la vienne dissiper et faire fondre.

  A009000301 

 O douce et amoureuse sujetion qui nous rend aggreables à Dieu!.

  A009000301 

 O qu'elle est obeissante la neige! Telles sont les ames qui se dedient au Seigneur, car elles sont souples et se sousmettent absolument sous la discretion et conduite de ceux qui commandent, sans se laisser plus maistriser par leur propre volonté ni jugement.

  A009000302 

 Et certes, celuy qui fait ces actions autrement, ne vit pas en Chrestien mais en beste..

  A009000302 

 Faire toutes ces choses ainsy, c'est obeir; au grand Apostre qui dit: Soit que vous mangiez, soit que vous beuviez, faites tout au nom de Dieu.

  A009000302 

 Les paysans et ceux qui labourent la terre asseurent que lors qu'il tombe mediocrement de la neige en hiver, la prise en sera plus belle l'année suivante, d'autant qu'elle empesche la terre des grandes gelées.

  A009000303 

 De mesme, ils ne vont point dormir parce qu'ils ont sommeil ni parce qu'il faut dormir pour rendre le corps plus vigoureux, car si le temps n'en est venu et la cloche, qui est le signe de l'obeissance, ne les y fait aller, ils n'iront point.

  A009000303 

 Or, ceux qui sont en la Religion font toutes ces actions bien plus particulierement au nom de Dieu, d'autant qu'ils les font toutes par obeissance.

  A009000304 

 Et il ne faut point douter que s'estans conformées en cette vie à l'obeissance de leur Maistre qui a mieux aymé mourir que de desobeir, elles ne soyent receües amoureusement de luy pour jouir avec luy eternellement de sa gloire, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000311 

 Nous avons tous beaucoup de devoir de cherir, servir et honnorer ces Esprits angeliques, veu qu'ils sont si desireux de nostre bien et ne desdaignent pas de nous assister, puisqu'il n'y a creature, pour petite, vile et abjecte, fidelle ou infidelle, qui n'aye son Ange pour la garder et solliciter continuellement au bien.

  A009000314 

 Nous sommes tous des poissons regenerés par l'eau baptismale, car nous voguons tous dans la mer de ce monde; mais, mon Dieu, il y en a qui sont bien heureux! Ce sont ceux que la divine Bonté retire du monde, les faisant devenir de poissons, oyseaux, et les mettant en la Religion comme dans une cage.

  A009000314 

 Qu'elles sont heureuses ces ames! parce qu'encores qu'on puisse se sauver et arriver à la perfection parmi le monde en toutes sortes de conditions loysibles, neanmoins ceux qui voguent en cette mer sont en plus grand danger de faire naufrage et se perdre; tandis qu'en Religion l'on peut avec plus de facilité faire son salut et parvenir à la perfection..

  A009000316 

 Les bigearres ce sont des personnes qui n'ont point de stabilité et fermeté en leurs resolutions, qui ne font autre chose que varier et faire divers desseins, sans les effectuer avec la maturité et consideration convenables; c'est pourquoy elles changent à tous propos sans s'arrester à rien.

  A009000316 

 Quand nous voyons une robbe composée de rouge, de blanc, de vert, nous disons qu'elle est bigarrée; de mesme, quand nous voyons des personnes qui ont divers desseins et resolutions, ne s'arrestant à rien, nous disons qu'elles sont bigearres, parce qu'elles sont habillées de diverses couleurs: tantost de jaune, voulant une chose, tantost de rouge, en voulant une autre.

  A009000317 

 Lors saint Michel, comme en reprenant Lucifer de sa temerité, luy dit: Qui est semblable à Dieu? et par cette parolle le fit tresbucher avec sa malheureuse trouppe au profond des enfers.

  A009000317 

 Or, l'aliment qui a le plus de rapport avec la nature des Anges, c'est la volonté de Dieu.

  A009000318 

 A l'imitation de nostre Sauveur et de ses Anges celestes, si nous sommes vrays enfans de Dieu, nous ne nous desprendrons jamais de nos resolutions, mais nous persevererons à nous humilier et à le servir jusques à la fin de nostre vie, voire jusques à toute eternité, car il n'a pas promis la couronne à ceux qui commencent, mais à ceux qui persevereront.

  A009000319 

 Mais quand il ne les donne pas il ne faut pas que nous manquions de fidelité à sa douce bonté, car nous devons vivre selon la rayson et la volonté divine, et faire nos resolutions avec la pointe de nostre esprit et partie superieure de nostre ame, ne laissant de les effectuer et mettre en prattique pour quelque secheresse et repugnance que nous ayons, ni pour aucune contradiction qui se presente.

  A009000321 

 De mesme, ces filles qui viennent en Religion pour monter la montaigne de la perfection, se despouillent et posent leurs habits mondains, c'est à dire leurs mauvaises habitudes, leur propre volonté et les affections qui les peuvent esloigner de Dieu.

  A009000321 

 On ne presente point de playsirs et delices à ces filles qui viennent en ces maysons religieuses; o non, car on leur dit qu'il faut porter la croix et estre crucifié avec Jesus Christ, embrassant toutes sortes de mortifications pour son amour.

  A009000321 

 Une personne qui va par un chemin, quand elle est au pied d'une montaigne elle s'arreste, se despouille et pose ses habits.

  A009000323 

 Les Superieurs et ceux qui sont eslevés à la conduite des ames doivent particulierement imiter les Anges en cette douceur et support du prochain, les conduisant, eslevant et traittant avec une grande charité selon la capacité de leur esprit, pour les gaigner à Nostre Seigneur et les faire croistre en des vertus vrayes et solides.

  A009000324 

 Il y a des ames simples, douces et toutes colombines qui sont vrayement aymables; elles sont bien heureuses ces ames là.

  A009000324 

 Il y en a d'autres qui n'ont point le naturel doux et simple, qui ont l'esprit fort; elles sont esgalement bien heureuses si elles s'addonnent à bon escient à la mortification de leurs passions et mauvaises inclinations, parce qu'elles deviendront capables de rendre de grans services à Dieu et acquerront de grandes et solides vertus.

  A009000325 

 Et nous autres miserables, qui ne sommes rien, ne nous voulons point humilier! Si l'on va dire à un monsieur qu'il est un homme, il s'offencera de cela et respondra: Quoy, moy qui suis un monsieur, relevé en une telle dignité et grandeur, je suis prince, je suis comte, et on m'appelle homme! Voyla jusques où nous porte nostre orgueil.

  A009000325 

 Je voudrois que ceux qui en parlent et les preschent s'estudiassent à les prattiquer et non pas seulement à les expliquer..

  A009000325 

 Mais, mon Dieu, qui n'admirera l'humilité des Esprits angeliques en les voyant abaissés en des offices si vils que de servir les hommes, non seulement ceux qui ont l'usage de rayson et qui sont capables de correspondre à leurs inspirations, mais encores les petits enfans? O qu'ils ont bien compris la leçon de leur Maistre: Apprenez de moy que je suis doux, debonnaire et humble de cœur.

  A009000325 

 Nous voulons qu'on regarde en nous tout ce qui est excellent, les qualités, offices et charges auxquelles nous sommes eslevés, que l'on nous estime pour cela, quoy que vrayement nous n'en soyons pas plus à estimer ni plus grans devant Dieu; et nous voulons au contraire qu'on ignore nostre vileté et qu'on ne regarde jamais nostre misere, nos defauts et imperfections.

  A009000326 

 Ceux qui sont eslevés en l'estat de prestrise ont une grande grace et sont bien heureux de manier et toucher le precieux corps de Celuy que les Anges voyent et que neanmoins ils ne touchent pas comme eux.

  A009000326 

 Ils ont aussi le pouvoir de remettre les pechés; ce sont les tresoriers de l'Eglise et dispensateurs des tresors que la divine Bonté y a laissés, à sçavoir des Sacremens qui nous conferent la grace..

  A009000327 

 L'humilité de cet Ange faisoit qu'il se consideroit comme serviteur de Dieu et non pas comme un Prince du Ciel, ne regardant en soy que ce qui estoit vil et abject.

  A009000327 

 Le vray humble en fait de mesme: il ne regarde jamais en soy ce qui est excellent, ni les dignités, grandeurs et charges auxquelles il est eslevé; il ne veut point qu'on fasse estat de luy pour toutes ces choses ni qu'on l'en estime davantage; il ignore tout cela par une sainte humilité, et ne considere sinon ce qui est en luy de vil, d'abject, de pauvre et de miserable..

  A009000328 

 Bienheureuses donques sont les ames humbles d'une [109] humilité vraye; car, tant de reverences qu'il vous plaira, tant de paroles d'humilité que vous voudrez, tout cela est peu de chose si vous n'avez au cœur l'humilité vraye et sincere, qui vous fasse connoistre vostre vileté, vos miseres, defauts et imperfections, vous reconnoissant la plus miserable de toutes les creatures et vous sousmettant de bon cœur à toutes pour l'amour de Nostre Seigneur.

  A009000328 

 Il en est comme de l'amour de Dieu et du prochain: ce sont deux amours qui ne vont point l'un sans l'autre, et à mesure que nous aymons plus Dieu, aussi aymons-nous plus le prochain..

  A009000329 

 C'est un mets tres aggreable et delicieux que nous donnerons à ces Esprits celestes qui seront fort resjouis de voir que nous les imitons en cette vertu de douceur et affabilité..

  A009000338 

 praeparavit Deus iis qui diligunt.

  A009000343 

 Dieu a preparée a ceux qui l'ayment..

  A009000346 

 Et moy, ayant à vous parler en cette solemnité des Saints, j'ay pensé me servir des mesmes parolles de ce grand Apostre et de les vous addresser, pour vous exciter par icelles à rehausser vos cœurs et vos pensées à la consideration de la gloire et felicité eternelle que Dieu a preparée à ceux qui le craignent et ayment [112] en cette vie, et pour vous inciter par ce discours à mespriser et retirer vos affections de toutes les choses creées, puisque, comme l'escrit saint Jean en son Apocalypse, le ciel et la terre passeront, c'est à sçavoir que tout ce qui est ça bas prendra fin..

  A009000347 

 Ceux qui servoyent à ce festin estoyent des personnes constituées par le roy, lesquelles s'acquittoyent fort soigneusement de leur office.

  A009000347 

 En premier lieu, celuy qui le faisoit estoit roy de cent vingt sept provinces, et il y fut present, d'autant que c'est une des principales pieces du convive que celuy qui le fait y prenne part, mais sur tout lors que c'est une personne de qualité royale.

  A009000347 

 En somme, l'Escriture le raconte comme la chose la plus excellente qui se puisse dire..

  A009000347 

 Là il est raconté que le roy Assuerus fit un festin le plus admirable qui se puisse voir et entendre, car toutes les conditions requises et qui se peuvent souhaitter en un banquet pour le rendre insigne et remarquable se trouverent en iceluy.

  A009000347 

 Or, pour vous dire quelque chose de cette gloire, je me serviray d'une histoire qui est rapportée au premier chapitre du Livre d'Esther.

  A009000347 

 Quant aux viandes, elles estoyent des plus excellentes; les vins, les plus exquis et delicieux qui se peussent trouver.

  A009000348 

 Celuy qui le fait est Dieu mesme, qui surpasse en grandeur et dignité tout ce qui est et peut estre, et cette personne royale et divine assiste au festin, mais qui plus est, il est luy mesme la viande qui repaist et rassasie les conviés et esleus par les admirables communications qu'il fait de soy mesme.

  A009000348 

 De parler de la beauté du lieu où se fait le festin c'est impossible; mais pour les autres choses qui s'y retrouvent nous les expliquerons par le menu et dirons un mot sur chacune de ses circonstances et conditions, si Dieu nous fait la grace de nous en souvenir..

  A009000348 

 Je n'ay point trouvé d'histoire et de discours plus propre pour vous representer la gloire et felicité des Saints que ce banquet du roy Assuerus, puisque cette felicité n'est autre qu'un festin ou banquet auquel nous sommes invités et où ceux qui sont receus sont rassasiés et assouvis de toutes sortes de delices.

  A009000348 

 Les assistans et personnes qui servent ce sont les Anges, Archanges et autres Esprits celestes que Dieu a nommés et destinés à ce service.

  A009000349 

 Et pour commencer par la chose principale, Dieu qui fait ce festin se trouve en iceluy et il est luy mesme la viande qui rassasie ceux qui y sont conviés; car là est l'Aigneau, dit saint Jean, qui oste le peché du monde; c'est cet Aigneau de Hieremie, qui a esté occis pour les pechés du monde, c'est luy qui les a effacés et remis et qui s'est fait la nourriture de ses esleus.

  A009000349 

 Mais outre cette gloire essentielle il y en a encores une accidentelle, qui est celle que les Bienheureux reçoivent par accident, comme les damnés, outre la peine du dam, en ont encores une autre que l'on appelle du sens..

  A009000350 

 Disons un mot de cette gloire essentielle qui consiste [114] à voir clairement Dieu tel qu'il est, sans ombre ni figure.

  A009000351 

 Quant à la premiere chose qui fait la gloire essentielle des Saints, qui est la Divinité, il ne se peut rien voir ni rien ne peut estre de plus grand, Dieu estant, comme disent les theologiens, un Estre par dessus tout estre, un acte tres pur et tres simple.

  A009000352 

 La seconde chose est la maternité de la Sainte Vierge, qui est l'œuvre la plus excellente que la toute puissance du Seigneur puisse operer en une simple creature; car, comme pouvoit-il l'eslever plus haut que de la faire Mere de Dieu, c'est à dire de luy mesme?.

  A009000353 

 La troisiesme chose est la gloire, gloire la plus grande qui se puisse creer, puisqu'elle a pour objet Dieu mesme, qui est une clarté et lumiere increée par laquelle on voit toutes les autres lumieres, lesquelles sortent de celle cy comme de leur source et origine sans la pouvoir tant soit peu interesser.

  A009000354 

 C'est là qu'ils reçoivent la mesure pleine, et comble, et qui regorge de toutes parts, parce que la joye et liesse dont ils jouissent en cette gloire essentielle par la connoissance des plus profonds mysteres les rassasie tres parfaittement.

  A009000355 

 Ce qui monstre que Dieu luy fit connoistre de ce divin mystere tout ce qui s'en peut connoistre en cette vie, si que cette verité demeura si fort gravée en son cœur et en son esprit, qu'il eut dès lors une [116] singuliere devotion au sacré mystere de l'adorable Trinité, se fondant de joye toutes les fois qu'il en avoit le souvenir.

  A009000355 

 Je lisois hier en la Vie du bienheureux Ignace, fondateur des Jesuites, que Dieu luy descouvrit un jour le mystere de l'ineffable et tres adorable Trinité, de laquelle vision il receut tant de clarté et de lumiere en son entendement qu'il en faisoit despuis des discours les plus relevés qui se puissent entendre; et demeura plusieurs jours à escrire ce qu'il avoit appris, remplissant divers cahiers des choses plus hautes et plus subtiles qui soyent en la theologie.

  A009000357 

 De qui sont ces paroles? Non d'autre que de Dieu mesme qui les dira au cœur de l'ame fidelle et bienheureuse, laquelle, par un amour reciproque, respondra ces [117] gracieuses et douces parolles del'Espouse: Mon Ami est tout à moy et je suis toute à luy; il est à cette heure tout mien, et je seray desormais toute sienne.

  A009000357 

 Or, non seulement ils voyent Dieu, qui est en quoy consiste la felicité, ains encores ils l'entendent parler et parlent avec luy, et c'est icy un des principaux points de leur felicité.

  A009000358 

 En cette gloire essentielle, l'entendement demeurera tout plein de clarté et de connoissance, tant de l'estre et grandeur de Dieu que de ce que le Sauveur a fait et souffert pour nous, des graces qu'il nous a communiquées, comme de tous les plus hauts et profonds mysteres de la tres sainte Trinité, de l'Incarnation et de tout ce qui concerne la divinité et humanité de Nostre Seigneur, ainsy que de ce qui regarde Nostre Dame..

  A009000359 

 Que si estant un jour en l'eglise de Chastillon sur Seine, meditant la sacrée Nativité de Nostre Seigneur, son entendement et toutes ses facultés furent tellement englouties en la contemplation d'icelle, et avec tant de consolation et admiration qu'il fut tout [118] absorbé, demeurant quelques jours sans se pouvoir desprendre ni retirer, quelque violence qu'il se peust faire, en quel abisme, je vous prie, l'entendement de l'homme se perdra-t-il en la claire veue non seulement de la Nativité du Sauveur, mais de tous les divins mysteres? La volonté sera alors en cette union inseparable avec son Dieu, sans que jamais elle puisse faire aucune resistance à icelle, ains accomplira tousjours sans aucune repugnance tout ce qui sera de son divin vouloir..

  A009000360 

 Et quelle est cette pierre blanche qui sera donnée à l'ame bienheureuse, sinon Jesus Christ, vraye pierre angulaire, lequel se donnera à chaque Bienheureux par cette douce communication qu'il fera de soy mesme? Quant à la blancheur de cette pierre, ce n'est autre que la candeur et pureté de Nostre Seigneur, vray Aigneau sans macule.

  A009000360 

 Je les rassasieray, dit Dieu, d' une manne celeste qui les assouvira, et outre cela je donneray à chacun une pierre blanche en laquelle il y aura escrit un nom que personne n'entendra que celuy qui le recevra.

  A009000360 

 Mais quel sera le nom qui sera gravé en cette pierre? Certes, il n'y a point de doute que nous sommes comme des caracteres gravés en l'humanité du Sauveur: il nous a escrits en ses mains, car ces clous qui les percent nous ont gravés en icelles; et de mesme la lance nous a escrits en son cœur en luy ouvrant le costé..

  A009000360 

 Reste maintenant la memoire, qui sera toute pleine de Dieu et des biens qu'il nous a faits en cette vie, et mesme du peu de service que nous luy avons rendu au prix de ces grans salaires et recompenses.

  A009000361 

 Mais cette pensée m'est venue ce soir considerant ce que je vous devois dire: la parolle escritte en cette pierre blanche, que personne ne sçait que celuy qui la reçoit, n'est autre qu'une parolle filiale, une parolle d'amour, telle que celles dont nous avons parlé: Je suis tout à toy et tu es toute à moy; tu ne te separeras [119] jamais de moy et je ne m'esloigneray jamais de toy.

  A009000361 

 Qu'est-ce qui cause plus de joye aux prosperités de cette vie, sinon l'esperance qu'elles seront de longue durée? Comme au contraire, rien ne rabat ni diminue tant la joye sinon la crainte qu'elle ne dure pas long temps et ne vienne tost à passer.

  A009000362 

 Or, si la pensée que le regne de Dieu est eternel cause au cœur humain tant de liesse spirituelle, quelle pensez-vous doit estre la joye des Esprits celestes en l'asseurance qu'ils ont de la perpetuité de leur gloire? Voyla pour ce qui est de la gloire essentielle des Bienheureux..

  A009000362 

 Vous aurez leu, je m'asseure, en la Vie de la bienheureuse Mere Therese, la devotion qu'elle avoit à ouÿr le Credo de la sainte Messe, selon que l'Eglise le chante, mais particulierement elle estoit attentive à ces paroles: Cujus regni non erit finis, qui veulent dire: «Son royaume sera eternel;» et en la consideration de cette eternité, elle se fondoit toute en larmes pleines d'une extreme joye.

  A009000363 

 Ceux qui en ont moins se resjouissent de ceux qui en ont davantage, car dans le Ciel la charité est en sa perfection, [120] il n'y a point d'envie ni de jalousie, ains elle s'esjouit de la gloire de ces bienheureux citadins, et par cette douce participation et communication qu'ils ont de la felicité les uns des autres, tous demeurent satisfaits.

  A009000363 

 Disons maintenant quelques mots de la gloire accidentelle, qui est, comme nous l'avons veu, celle qui leur arrive par accident.

  A009000364 

 Si vous les regardez, ils sont tous deux vestus de drap d'or et sont contens, d'autant qu'un chacun en a suffisamment pour son habillement; et quoy que le premier qui en a sept aunes en ayt plus que celuy qui n'en a que trois ou quatre, si est-ce que celuy cy ne luy en porte aucune envie, parce qu'il y a autant de drap en sa robbe qu'il luy en faut pour le couvrir.

  A009000364 

 Voyla un bon pere de famille qui habille de drap d'or deux siens enfans; neanmoins tous deux n'estans pas de mesme taille et grandeur, il en faut plus à l'un qu'à l'autre; il en faudra six ou sept aunes à l'un, et à l'autre il n'en faudra que trois ou quatre.

  A009000365 

 Tous en cette vie n'entendent pas esgalement le son et accord d'une musique: celuy qui a l'ouïe un peu dure ne peut pas si bien remarquer tout ce qui se fait en icelle pour rendre la melodie en sa perfection, quoy qu'il entende et sçache la musique, comme celuy qui a l'oreille plus subtile; et bien que le premier se resjouisse en la suavité qu'il prend à ouyr cette musique, si est-ce toutefois qu'il ne ressent pas une suavité aussi grande que celuy qui a l'ouye plus subtile, quoy que tous deux soyent contens..

  A009000366 

 Le soleil n'est pas esgalement regardé d'un chacun, et neanmoins tous se contentent de sa lumiere en recevant ce qu'ils en peuvent supporter; car celuy qui a les yeux chassieux ne peut recevoir les rayons du soleil avec la mesme clarté que fait celuy qui a la veue bien nette.

  A009000367 

 Elle compare donques le Paradis à une grande salle, laquelle seroit toute pleine et environnée de beaux tableaux et de mirouers: or, adjouste-t-elle, quand on viendroit à se regarder dans l'un de ces mirouers on verrait celuy dans lequel on se regarde et on se verrait soy mesme, et avec cela on verrait avec un singulier playsir tous les tableaux et tous les mirouers de cette salle; mais ce qui est davantage, on y appercevroit aussi ce que les autres mirouers representent en leur particulier.

  A009000367 

 Et qu'est-ce ce mirouer où l'on voit tout ce que je vous ay dit, sinon l'essence de Dieu dans lequel on le contemple et connoist on luy mesme tel qu'il est? Dans cette mesme essence on se connoist soy mesme avec tout ce qu'on a receu, et en icelle on voit encores la gloire de tous les autres Saints, tous leurs merites, tout ce qu'ils ont fait et souffert et toutes les graces et faveurs qui leur ont esté octroyées.

  A009000367 

 Mais de vous parler de la beauté du lieu où se fait ce festin, qui est encores une gloire accidentelle, et de la dignité de ceux qui y sont et qui y servent, certes c'est [121] une chose qui seroit trop longue à raconter; voire, tout ce qui s'en pourrait dire ne seroit rien au prix de ce qui en est.

  A009000367 

 On voit aussi toutes les choses creées: comme Dieu a fait le ciel, l'a orné du soleil et de la lune, l'a enrichi des estoilles et de tout ce qui se retrouve en iceluy; comme il fit la terre diaprée d'une si grande varieté de fleurs; en somme comme il crea toutes choses et la maniere avec laquelle il y proceda.

  A009000367 

 Tout cecy sera un sujet de cette gloire accidentelle qui provient, comme vous voyez, de l'essentielle..

  A009000368 

 Là les Bienheureux auront encores pour gloire accidentelle la claire vision des Cherubins et Seraphins, des Throsnes et Dominations, Vertus, Puissances, Principautés, Archanges et Anges, qui sont les neuf chœurs de ces Esprits celestes divisés en trois hierarchies, parmi lesquelles se trouveront les Saints.

  A009000369 

 C'est ce que nous fait entendre la Sainte Escriture quand elle nomme Nostre Seigneur le Dieu des dieux, c'est à dire le Dieu de tous ces petits dieux, des Saints qui sont en Paradis..

  A009000369 

 Et comme à cette heure nos ames sont enchassées, s'il faut ainsy parler, dans nos corps, qui les traisnent et les contraignent d'aller où ils vont, et semble, par maniere de dire, qu'elles participent en quelque chose à leur misere, aussi en cette reunion de l'ame glorieuse avec son corps, luy seront communiqués ces quatre dons et joyaux par lesquels elle le gouvernera et le menera où elle voudra, sans qu'il luy fasse jamais aucune resistance.

  A009000369 

 Il aura l'impassibilité qui ne peut estre offensée ni alterée aucunement, sans jamais estre sujet à la maladie ni incommodité, et sa clarté sera plus belle que celle du soleil.

  A009000369 

 Il aura une telle subtilité qu'il ne sera empesché d'aucun obstacle, une agilité telle qu'il n'y aura trait d'arbalete qui aille si viste; et comme il sera plus subtil que le rayon du soleil, de mesme sera-t-il aussi agile que les mouvemens de l'esprit, et il ira plus viste que le vent.

  A009000370 

 Je vous pensois encores dire un mot sur toutes les autres circonstances qui se retrouvent au banquet de ce grand Assuerus, Nostre Seigneur; mais je voy que l'heure passe, c'est pourquoy je finis ce discours parce que je suis appellé autre part, et aussi parce qu'il ne faut pas abuser de vostre patience.

  A009000370 

 Que me reste-t-il, mes cheres Sœurs, sinon de vous exciter derechef par ces parolles de saint Paul à relever vos cœurs et vos pensées à ces [123] biens que nul œil n'a veu, ni oreille entendu, ni cœur d'homme pensé, et que Dieu a preparé à ceux qui l'ayment en cette vie.

  A009000370 

 Soyez constantes à mediter ce divin mystere de Nostre Seigneur et de nostre Redemption, à ce que, par la connoissance que vous en acquerrez, vostre volonté vienne à l'aymer; car il faut aymer ce bien en terre pour l'aymer eternellement là sus au Ciel, parce qu'il n'y a point de Ciel pour celuy qui n'a point de charité..

  A009000371 

 En fin travaillez avec fidelité en cette vie et perseverez jusques à la fin, à ce que vous puissiez estre congregées et unies avec les bienheureux Esprits en cette felicité eternelle, pour aymer et jouir de la divine Majesté pour toute eternité, qui est ce que je vous souhaitte de tout mon cœur.

  A009000371 

 «La mesure,» comme dit saint Bernard, «est de ne point avoir de mesure.» Remplissez vostre memoire de toutes ces choses et la contentez en Dieu, luy retranchant tous les souvenirs et images de ce qui n'est point Dieu, et la nourrissez de ces divins mysteres, tant de l'enfance du Sauveur que de tout le reste de sa vie, mort et passion.

  A009000376 

 Je peux bien dire de cette solemnité ce qui est escrit de la reyne de Saba allant visiter Salomon.

  A009000377 

 Mais avec quelle ferveur d'esprit pensez-vous que cette bien heureuse Infante du Ciel desiroit de quitter la mayson de ses pere et mere, pour se plus absolument dedier et consacrer au service de son Espoux celeste qui l'attiroit et amorçoit par l'odeur de ses parfums, ainsy que le dit la Sulamite: O mon Bien-Aymé, ton nom est comme un baume ou huile respandu, c'est pour quoy les jeunes filles t'ont desiré et sont allées apres toy; ains tu n'es pas seulement parfumé, tu es le parfum mesme et le baume.

  A009000378 

 Et nous autres qui à peine avons l'usage de rayson à l'aage de quarante ans, tellement sommes-nous irraisonnables, pretendons faire les entendus et parler avant que sçavoir begayer; et à force de vouloir monstrer que nous sommes sçavans et sages, nous ne pouvons cacher nostre folie.

  A009000379 

 C'est un acte de simplicité admirable que celuy de cette glorieuse Pouponne qui, attachée aux mammelles de sa mere, ne laisse pas neanmoins de s'entretenir avec la divine Majesté.

  A009000379 

 Elle demeura comme un doux aignelet sur les flancs de sainte Anne l'espace de trois ans, apres lesquels elle fut sevrée et amenée au Temple pour y estre offerte comme Samuel, qui y fut conduit par sa mere et dedié au Seigneur en mesme aage..

  A009000380 

 Il se commence par ces mots: Beati immaculati in via; Bienheureux sont ceux, Seigneur, qui marchent en ta voye sans macule, sans tache de peché; en ta voye, c'est à dire en l'observance de tes commandemens.

  A009000380 

 O mon Dieu, que j'eusse bien desiré de me pouvoir vivement representer la consolation et suavité de ce voyage despuis la mayson de Joachim jusques au Temple de Hierusalem! Quel contentement tesmoignoit cette petite Infante voyant l'heure venue qu'elle avoit tant desirée! Ceux qui alloyent au Temple pour y adorer et offrir leurs presens à la divine Majesté chantoyent tout le long de leur voyage; et pour cet effect, le royal Prophete David avoit composé tout expres un Psalme que la sainte Eglise nous fait dire tous les jours au divin Office.

  A009000381 

 Les anciens Chrestiens faisoyent des grandes festes, mais spirituelles, à l'anniversaire de leur Baptesme, qui estoit le jour de leur dedicace, c'est à dire celuy auquel ils s'estoyent dediés à Dieu.

  A009000381 

 Venons maintenant à la solemnité qui se celebre aujourd'huy ceans, qui est le renouvellement et reconfirmation des vœux.

  A009000382 

 Elle nous tesmoigne par là qu'elle desire que tous les ans au moins une fois, nous nous recueillions et reconfirmions les vœux et promesses que nous avons faites à la divine Majesté; mais sur tout les Religieux et nous autres qui luy sommes particulierement dediés et consacrés sans que nous nous en puissions desdire..

  A009000384 

 Ces grandes Saintes qui ont esté mariées et qui se sont dediées au service de la divine Bonté en leur vefvage, comme sainte Paule, sainte Melanie, sainte Françoise et tant d'autres, pensez-vous qu'elles ne soyent [129] pas du nombre de ces vierges? Au contraire, elles ont gaigné par l'humilité une tres glorieuse virginité.

  A009000385 

 A cet effect l'on a ordonné les confessions annuelles pour reconnoistre les cordes discordantes, les affections qui ne sont encores bien mortifiées, les resolutions qui n'ont pas esté fidellement prattiquées.

  A009000385 

 Et ayant ainsy resserré les chevilles de nostre luth, qui sont nos resolutions, nous venons par apres, avec nostre glorieuse Dame et Maistresse et sous sa protection, apporter toutes nos affections sur l'autel du temple de la divine Bonté, pour estre bruslées et consommées sans aucune reserve par le feu de son ardente charité..

  A009000385 

 Et tout ainsy qu'un homme qui joue excellemment du luth a accoustumé d'en taster toutes les cordes de temps en temps pour voir si elles ont point besoin d'estre rebandées ou bien laschées, à fin de les rendre bien accordantes selon le ton qu'il leur veut donner, de mesme il est necessaire que tous les ans au moins une fois, nous tastions et considerions toutes les affections de nostre ame pour voir si elles sont bien accordées pour entonner le cantique de la gloire de Dieu et de nostre propre perfection.

  A009000386 

 Partant, il est expedient de nous reprendre, et considerer les moyens de pouvoir regaigner ce qui par nostre foiblesse, voire negligence, nous est eschappé..

  A009000387 

 Il est vray qu'il ne faut pas nous en estonner, d'autant [130] que tout ce qui est en ce monde est fait ainsy; voire mesme il semble que le soleil aye besoin de recommencer sa course tous les ans une fois, à fin de reparer le deschet que paraissent avoir receu le long de l'année les lieux qui n'ont pas l'aspect bon.

  A009000387 

 Puis, venant au printemps, qui est le temps de nos renouvellemens, nous devons prendre courage pour reparer le deschet que nous avons fait au temps des froidures de nos laschetés..

  A009000389 

 De mesme, veut dire le Seigneur, les hommes pendant leur enfance ont suivi la ligne du chemin droit, mais estans parvenus au chemin fourchu, ils ont pris leur route à main gauche et m'ont quitté, moy qui suis la source de toute benediction, pour suivre la voye de malediction..

  A009000389 

 Ils marchent pendant leur enfance comme ceux qui sortans d'une ville vont tout droit quelque temps; mais au bout de ce peu de temps ils trouvent que le chemin se fourche et partage en deux; il est à leur pouvoir de prendre à droite ou à gauche, selon que bon leur semble, pour aller où ils desirent.

  A009000389 

 Si la virginité est reparée par l'humilité et si la chaste vefve est rendue vierge glorieuse et triomphante, pourquoy voulez-vous que nous ne puissions regaigner le temps perdu, par la ferveur et diligence à bien employer celuy que nous avons presentement? Il est tres veritable que le bonheur de ceux qui se sont dediés et consacrés à la divine Majesté dès leur adolescence est tres grand, d'autant plus que Dieu le desire et s'y complaist grandement, se plaignant du contraire lors [131] qu'il dit par son Prophete que les hommes sont tellement pervertis que dès leur adolescence ils ont quitté sa voye et ont pris le chemin de perdition.

  A009000390 

 Mais pensez-vous que la jeunesse soit tousjours prise et entendue de nostre aage, et que la divine Espouse veuille parler de celles qui sont jeunes d'années, lors qu'elle dit au Cantique des Cantiques que les jeunes ames ont desiré son celeste Espoux et sont allées apres luy attirées de l'odeur de ses parfums? O non, sans doute, ains elle parle de celles qui sont jeunes de ferveur et de courage, et qui viennent nouvellement consacrer au service de son saint amour non seulement tous les momens de leur vie, mais aussi toutes leurs actions, sans reserve d'aucune.

  A009000390 

 Mais, me direz-vous, quel est le temps le plus propre pour nous dedier et consacrer tout à Dieu, apres que nous avons passé nostre adolescence? Oh, quel il est? c'est le temps present, tout à cette heure; c'est le vray temps, car celuy qui est passé n'est plus nostre, le futur n'est pas non plus en nostre pouvoir, c'est donques le moment present qui est le meilleur..

  A009000391 

 Et tout [132] ainsy que les cerfs qui courent si legerement, redoublent neanmoins le pas lors qu'ils sont pressés du veneur et vont d'une si grande vistesse qu'il semble quasi qu'ils volent, de mesme devons-nous tascher de courir en nostre voye; mais au temps de nostre renouvellement et de la reconfirmation de nos resolutions nous ne devons pas seulement courir ains aussi voler, et pour cela demander avec le saint Prophete des aisles de colombe, à fin qu'à tire d'aisles nous volions sans nous arrester jusques à ce que nous allions reposer dans les trous du mur de la sainte Hierusalem, je veux dire que nous soyons tout unis à Nostre Seigneur crucifié sur le mont de Calvaire par une parfaite conformité de vie..

  A009000393 

 Et ne voit-on pas ordinairement que ceux qui ont abandonné sa main paternelle ne font pas un seul pas qu'ils ne choppent et donnent du nez en terre? Sa Bonté nous veut bien conduire et tenir, mais elle veut aussi que nous formions nos petits pas, faisant, aydés de sa grace, ce que nous pouvons de nostre costé.

  A009000395 

 O qu'heureuses sont les ames qui font ainsy leur voyage et qui ne partent des bras de la divine Majesté, sinon pour marcher et faire de leur costé ce qu'elles pourront en l'exercice des vertus et des bonnes œuvres, tenant tousjours neanmoins la main de Nostre Seigneur; car il ne faut pas que nous pensions estre suffisans pour rien faire de bien de nous-mesmes.

  A009000396 

 C'est ainsy qu'il faut que nous nous donnions nous autres, car le Sauveur ne veut pas que nous fassions ce que luy mesme ne peut faire, qui est de se donner à nous en partie.

  A009000396 

 Il faut quitter tout pour avoir le tout qui est Dieu.

  A009000396 

 Je sçay bien que les gens du monde se donnent à Dieu à leur façon, mais je ne parle pas pour eux maintenant, ains pour nous qui luy sommes dediés et consacrés.

  A009000396 

 Passons maintenant au troisiesme point qui est que nostre glorieuse Maistresse se donna et abandonna toute sans aucune reserve à la divine Majesté.

  A009000396 

 Que [135] faut-il de plus quitter? Les conversations? Helas! je suis tres asseuré que l'on n'y a pour l'ordinaire que du mescontentement, car ou l'on ne nous a pas assez honnorés selon que nous le desirions, ou l'on ne nous a pas assez cheris, ou l'on a dit quelque chose qui nous a despieu; en un mot, les playsirs que l'on y a sont le plus souvent tres degoustans à nostre goust mesme..

  A009000397 

 Mais, est-ce cela tout ce qu'il faut quitter? O non, il reste le plus difficile, qui est nous mesme, nostre propre volonté: il la faut aneantir tout à fait sans aucune reserve.

  A009000397 

 Or, que luy en arriva-t-il? Le bienheureux saint Basile, qui l'aymoit grandement à cause de sa pieté et bonne vie, sçachant cela, luy escrivit une lettre qui contenoit ces mots: O pauvre homme, qu'as-tu fait? Tu as quitté l'estat de senateur et les fonctions de ta charge, et partant tu n'es plus senateur; et neanmoins tu n'es pas un bon moine.

  A009000398 

 Dieu ne se contente pas de nos offrandes quand elles ne sont pas accompagnées de celle de nostre propre cœur, car il est comme l'aigle qui se repaist plus pleinement du cœur des oyseaux qu'elle prend pour sa proye que non pas des autres parties de leur corps.

  A009000398 

 Voulez-vous devenir une bonne fille de la Visitation? Il faut tout quitter, non seulement ce qui est hors de soy mais soy mesme, et estre absolument sevrée de la [136] propre volonté que nous aymons tendrement comme si elle estoit nostre mere.

  A009000400 

 Puis vous [137] adjousterez: Quoniam confirmata est super nos miser icordia ejus; Parce qu'il a confirmé sur nous ses misericordes, nous attirant par sa bonté à la jouissance de tant de graces et benedictions dès cette vie perissable, pour par apres, en la compaignie de nostre tres sainte Maistresse et des Bienheureux qui sont au Ciel, chanter eternellement Gloire soit au Pere, au Fils et au Saint Esprit.

  A009000405 

 Celle de l'adoration des Roys en est une, car elle ne se contente pas d'en commencer l'office à Vespres de la vigile, mais elle commence dès la Messe qui est propre à ce jour.

  A009000405 

 Or en cette Messe, on lit l'Evangile qui fait mention de la fuite de Nostre Seigneur en Egypte..

  A009000406 

 Gedeon estant extremement affligé pour la rude et pressante guerre que luy faisoyent ses ennemis qui l'avoyent environné de toutes parts, Dieu, dont la bonté est incomparable, en eut compassion et luy envoya un Ange pour le consoler.

  A009000407 

 Hé Dieu, que luy eust-il cousté à ce beni Enfant, qui aymoit si cherement sa tres sacrée Mere et saint Joseph son Pere nourricier, de leur dire un petit mot à l'oreille pour les advertir d'eschapper à la furie d'Herode en s'en allant en Egypte, mais d'estre sans crainte parce qu'il ne leur arriveroit aucune mesaventure? Il ne le fit pourtant pas, ains attendit que l'Ange saint Gabriel vinst reveler au glorieux saint Joseph qu'il failloit fuir..

  A009000407 

 La rayson de cette conduite est que Nostre Seigneur ne voulut aucunement user de son pouvoir ou de son authorité, ni paroistre autre qu'un petit enfant sujet aux loix de l'enfance, ne parlant qu'en son temps comme les autres; et luy, qui non seulement entant que Dieu mais aussi entant qu'homme sçavoit toutes choses, cette grace luy ayant esté infuse dès l'instant de sa conception, luy qui estoit rempli d'une science pleine et entiere, ne voulut neanmoins en rien tesmoigner.

  A009000408 

 Il institua les Sacremens; puis, sur l'arbre de [140] la croix il offrit le sacrifice sanglant de soy mesme, et devant celuy là, en la cene qu'il fit avec ses Apostres, il institua le tres saint Sacrement de l'Autel qui est le sacrifice non sanglant..

  A009000408 

 La vie de Nostre Seigneur est le parfait exemple de tous les hommes, mais particulierement de ceux qui sont en l'estat de perfection, comme les Religieux et les Prelats.

  A009000409 

 Revenons à nostre propos et au sujet que j'ay devant mes yeux, qui est le vray exemplaire de la vie religieuse, et disons apres les Peres, que la discipline monastique peut estre toute reduite sous ce mot d'abnegation.

  A009000410 

 Estant né, il est couché dans une creche qui luy sert de berceau.

  A009000410 

 Quelles necessités pensez vous qu'il souffrit au voyage d'Egypte et durant le temps qu'il y demeura? Bref, sa pauvreté fut si grande qu'elle passa jusques à la mendicité; il ne vivoit que d'aumosnes, car chacun sçait que les beaux-peres ne sont pas obligés de nourrir les enfans de leur femme, et neanmoins Nostre Seigneur estoit nourri du travail de son Pere nourricier et de celuy de sa Mere qui gaignoyent leur vie à la sueur de leur visage; ainsy, ce divin Enfant ne pouvant gaigner la sienne, recevoit l'aumosne de saint Joseph.

  A009000411 

 En fin, il n'y a rien en luy qui trouve du contentement, sinon un peu le goust, recevant ce lait tres sacré venu du Ciel que sa tres benite Mere luy fait tirer de ses mammelles, car il faut confesser qu'il estoit meilleur que le vin le plus delicieux; mais cela ne duroit que jusques à ce qu'il eust passé le gosier..

  A009000411 

 Passons au second point, qui est une abnegation tres entiere de tous les playsirs sensuels.

  A009000411 

 Quant à l'odorat, vray Dieu! quelle suavité, quel parfum pensez-vous que l'on puisse avoir dans une estable? Lors que les enfans des grans roys naissent, quoy qu'ils ne soyent que des miserables hommes comme les autres, l'on met tant de parfums, l'on fait tant de ceremonies; et pour nostre Sauveur, qui n'est pas seulement homme ains Dieu tout ensemble, il ne se fait rien de tout cela! Quelle musique pour recreer son ouye? Un bœuf et un asne qui chantent pour magnifier la naissance de ce Roy celeste.

  A009000412 

 Herode estant mort, il faut qu'il s'en retourne d'Egypte; il auroit peu dire à sa Mere ou à saint Joseph qui l'aymoient si tendrement: Ma chere Mere, ou, mon Pere, retournons nous-en quand il vous plaira, car Herode que vous craignez est mort; mais non, il attend que l'Ange le revele à saint Joseph..

  A009000412 

 Il ne se monstre en son exterieur qu'un petit enfant comme les autres; luy, de qui les Anges sont illuminés et esclairés et par qui ils entendent et comprennent toutes choses, ne fait aucunes revelations, ains laisse que les messagers celestes les viennent faire à son Pere nourricier.

  A009000412 

 L'on en voit bien autour de luy en sa Nativité: la vocation des Gentils representés par les Roys qui le vindrent adorer, celle des pasteurs, les Anges qui chantent dans les airs; mais en sa personne, nullement.

  A009000412 

 Quant au troisiesme point, à sçavoir l'abnegation de soy mesme, qui a jamais peu parvenir à un si entier renoncement pour se laisser conduire selon la volonté de ses Superieurs? O Dieu, c'est en ce point que ce divin Enfant s'est bien monstré vray Religieux! Saint Joseph [142] et Nostre Dame sont ses Superieurs, ils le menent, ils le portent d'un lieu à un autre, et il leur laisse faire sans jamais dire un seul mot.

  A009000414 

 C'est pourquoy ces filles se [143] presentent aujourd'huy pour estre faittes Religieuses, car elles ont fait ces considerations: Si mon Seigneur et mon Dieu a bien voulu renoncer aux richesses, à sa patrie et à la maison de ses parens pour l'amour qu'il portoit à la pauvreté, pourquoy donc, à son imitation, n'en ferois-je pas de mesme? Et s'il a renoncé à tous les playsirs, voire à soy mesme, à fin de s'assujettir pour l'amour de moy et pour me monstrer combien la vie religieuse où tout cela se prattique luy est aggreable, pourquoy donc ne le ferois-je pas pour luy aggreer? Non, disent-elles, nous ne quittons pas le monde pour acquerir le Ciel, car les personnes qui y demeurent le peuvent gaigner en vivant en l'observance des commandemens de Dieu, ains pour accroistre tant soit peu nostre charité et nostre amour envers la divine Bonté..

  A009000414 

 Nostre Sauveur estant donques venu pour donner un parfait exemple de la vie monastique, il est bien raysonnable qu'on se range à sa suite pour embrasser cette vie qui luy est tant aggreable.

  A009000415 

 C'est certes justement que tous les hommes prennent le nom du lieu de leur naissance et non pas celuy du lieu de leur conception, d'autant que pendant qu'ils sont dans le ventre de leur mere on ne sçait encor ce qui en arrivera, on ne peut asseurer si ce sera un enfant mort ou vif, bref, on ignore quelle issue il aura; mais Nostre Seigneur print à bon droit le nom du lieu de sa conception parce que dès cet instant il fut homme parfait comme en l'aage de trente trois ans auquel il mourut..

  A009000416 

 Entre toutes les fleurs qui sortent du bois, la rose emporte le prix, [144] comme le lys entre celles qui sont herbues et qui ont leur tige d'herbe.

  A009000416 

 La rose croist sans artifice et n'a presque point besoin de cultivage, aussi ne cultive-t-on point celles qui croissent aux champs; son odeur est fort suave estant fraische, mais beaucoup plus estant seche.

  A009000416 

 Mais quelle fleur des champs estes-vous, Seigneur? O quand il dit la fleur seulement, on doit entendre la fleur qui excelle entre toutes les autres et en odeur et en beauté.

  A009000416 

 Revenons à nostre seconde rayson pour laquelle il voulut prendre et retint ce nom de Nazareen qui vaut autant à dire que fleur.

  A009000416 

 Tout de mesme Nostre Seigneur est la fleur par excellence qui est sortie de la tres sainte Vierge, ainsy qu'il avoit esté predit qu' une fleur sortiroit de la verge de Jessé: cette verge c'est Nostre Dame, et la fleur c'est Nostre Seigneur, dont l'aggreable senteur a alleché les passans et fait venir ces jeunes ames apres luy, attirées de l'odeur de ses exemples..

  A009000417 

 Cecy nous doit faire comprendre que les afflictions, tenebres interieures et ennuys d'esprit, qui sont quelquefois si grans entre les personnes les plus spirituelles et qui font profession de la devotion, qu'il leur semble presque d'estre du tout abandonnées de Dieu, ne les reduisent jamais neanmoins à telles extremités, qu'elles ne [145] puissent tousjours respandre devant la divine Majesté des parfums d'une sainte sousmission à sa tres sacrée volonté et d'une continuelle promesse de ne le vouloir point offencer..

  A009000417 

 Le lys peut croistre sans artifice aussi bien que la rose, comme on le voit en certains païs; et cecy nous monstre l'amour que Nostre Seigneur portoit à la simplicité, car il ne veut pas estre appellé du nom des fleurs des jardins qui sont cultivées avec tant de soin et d'artifice.

  A009000418 

 On leur asseure qu'elles seront eternellement unies avec la divine Majesté, mais apres avoir renoncé entierement à elles mesmes, à toutes leurs passions, affections et inclinations, faisant une absolue transmigration, car nous leur disons: Si vous avez aymé à vivre selon vostre propre volonté et à faire estime de vostre propre jugement, desormais il ne le faudra plus, ains rien plus estimer que l'obeissance et la sousmission; il faudra reduire tant qu'il vous sera possible vos passions à neant, pour ne vivre plus selon icelles ains selon la perfection qui vous sera enseignée..

  A009000418 

 On leur promet les consolations que Dieu a accoustumé de donner à ceux qui le servent fidellement, consolations qui sont tres grandes, voire mesme dès cette vie, mais à condition qu'elles renonceront à tous les playsirs sensuels, pour licites qu'ils puissent estre.

  A009000418 

 On ne trompe jamais ces ames qui se viennent presenter pour estre offertes et sacrifiées à la divine Bonté; car on leur promet qu'elles jouiront des richesses de la felicité eternelle, mais à condition qu'elles renonceront d'abord aux terriennes et perissables; on leur dit qu'il faut quitter la mayson de ses parens et sa patrie d'effect et d'affection, pour n'en avoir jamais plus que celle de Nostre Seigneur, qui est la Religion en laquelle elles entrent.

  A009000419 

 Nous leur disons qu'elles sont voirement appellées pour jouir de la felicité du Sauveur sur le mont de Thabor, mais apres avoir esté crucifiées avec luy sur celuy de Calvaire, par une continuelle mortification d'elles mesmes et volontaire acceptation, sans choix, des mortifications qui leur seront faittes.

  A009000420 

 Et tout ainsy que les abeilles rejettent et abhorrent tous les parfums estrangers, c'est à dire qui ne proviennent point des fleurs sur lesquelles elles cueillent leur miel (et qu'ainsy ne soit, portez leur du musc ou de la civette, et vous les verrez incontinent se resserrer et fuir cette senteur, parce qu'elle provient de la chair), de mesme les amans de la Croix rejettent toutes sortes de senteurs, je veux dire de consolations terriennes et mondaines, que le diable, le monde et la chair leur presentent, pour n'odorer jamais plus aucun parfum que celuy qui provient de la croix, des espines, des fouets, de la lance de Nostre Seigneur.

  A009000421 

 Les gouverneurs des abeilles spirituelles font tout au contraire; car, comme celuy-là prend peine de les esloigner de crainte qu'elles ne meurent autour de leur roy, ceux cy ont un tres grand soin de faire que les ames demeurent autour du corps de leur Roy mort, c'est à dire proches de Nostre Seigneur mort et crucifié, aupres duquel nous devons nous tenir fidellement tout le temps de nostre vie pour considerer l'amour qu'il nous a porté, et qui l'a fait mourir pour nous à fin que nous vescussions pour son amour et en son amour.

  A009000428 

 A Pasques il estoit ordonné d'offrir des javelles comme primices des blés; partant les anciens s'en alloyent parmi leurs moissons couper les premiers espis qui s'avançoyent par dessus les autres; et à la Pentecoste l'on offroit deux pains faits du froment ja meur.

  A009000429 

 Ils sont voirement presentés comme javelles, qui ne sont bonnes à rien si elles ne sont battues et froissées pour en faire sortir le grain, qui est environné de paille et de mille sortes de superfluités.

  A009000430 

 Il s'en trouve en effect qui disent: Il est vray que je suis colere, mais que voulez-vous que j'y fasse? c'est mon naturel.

  A009000430 

 Qui ne voit la tromperie de nostre amour propre? Comme si par la bonté de Dieu, il n'estoit pas en nostre pouvoir de nous surmonter et vivre contre nos inclinations, et selon la rayson qui nous enseigne qu'il ne les faut pas escouter! Une autre dira: Il est vray, je suis un peu vaine, mais c'est mon inclination de me parer et desirer d'estre louée et estimée; je ne sçaurois que faire à cela.

  A009000433 

 On le voit au succes du reste de leur vie, d'autant qu'ils s'immolerent pour la confession de la foy, comme des petits aignelets qui sont conduits à la boucherie.

  A009000434 

 Les anciens Peres ont distingué par ces deux pains les deux amours, affectif et effectif; les autres ont dit que ces deux pains signifient nostre propre jugement ou entendement et nostre propre volonté; et cecy, à mon advis, est la meilleure interpretation et qui fait plus à mon propos.

  A009000435 

 Mais apres que cette premiere ferveur fut esteinte, il n'y eut plus que des particuliers qui suivissent cette perfection evangelique; et d'autant qu'il y a une extreme difficulté de s'y adonner demeurant dans le monde, ceux qui veulent faire cette genereuse entreprise en sortent et se viennent renfermer dans les monasteres..

  A009000436 

 Il est certain que tous les hommes, en quelle vocation qu'ils soyent, se peuvent et se doivent dedier et donner à Nostre Seigneur; mais il y a voirement grande difference entre les offrandes de ceux qui demeurent au monde et de ceux qui le quittent tout à fait pour se consacrer plus absolument à l'exercice du divin amour..

  A009000437 

 Elles assujettissent, il est vray, toutes les puissances de leur ame, toutes leurs affections, passions et inclinations et en fin tout elles mesmes à la regle de la perfection par l'exercice continuel de l'obeissance aux Regles et Constitutions de leur Institut; mais c'est une sujetion si douce et si aymable qu'elle donne mille fois plus de consolation que non pas la liberté que les mondains ont de vivre selon leur volonté, liberté qui à proprement parler est une tyrannie, d'autant que pour l'ordinaire elle les porte à faire ce que leur conscience leur dicte qu'il faut eviter pour vivre selon Dieu..

  A009000437 

 En fin on s'essaye tant que l'on peut durant cette année de leur noviciat, de les rendre capables de venir faire cette derniere offrande d'elles mesmes en laquelle, par le moyen des vœux, elles se lient totalement et sans s'en pouvoir jamais desdire au service de la divine Majesté, service qui est voirement plus honnorable que les royautés et les empires.

  A009000438 

 Elles ont receu le don de conseil, ne faisant aucunes choses par leur propre advis ni mouvement, sans au prealable demander la lumiere au Seigneur ou à ceux qui leur tiennent sa place.

  A009000439 

 Elles suivront constamment les conseils de ceux que Dieu leur a donnés pour leur conduitte, se rendans souples à suivre leurs volontés; elles sont resolues de faire les œuvres des ames fortes et genereuses, n'ayans pas moindre pretention que de parvenir au plus haut point de la perfection chrestienne, sans se descourager au bien, mais s'appuyans et s'asseurans en la faveur et protection de la divine Bonté, qui ayant commencé l'œuvre de leur perfection la parachevera, moyennant qu'elles luy soyent fidelles..

  A009000440 

 Elles prattiqueront soigneusement le don de science qui consiste à suivre les vrays biens et rejetter les faux, puisque par le moyen d'iceluy elles les ont sceu discerner d'entre les autres.

  A009000440 

 Elles seront fidelles à la prattique du don de pieté, regardant et honnorant Dieu comme leur Pere, d'autant qu'il veut que nous l'appellions de ce nom tant aymable; puis elles feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour luy plaire, tenant les prochains pour enfans de Dieu comme elles, et par consequent pour leurs freres, à fin d'exercer plus parfaittement toute sorte de pieté et d'offices de charité en leur endroit.

  A009000441 

 Elles se sont encor determinées d'assujettir leur imagination et fantasie, qui, semblable à un belier, va courant ça et là parmi les choses de la terre; elles ont ainsy reduit toutes leurs affections en une, qui est pour Dieu..

  A009000441 

 Mais dites-moy, je vous supplie, que reste-t-il à ces ames bienheureuses qui se sont ainsy disposées pour se sacrifier entierement et sans aucune reserve au service de l'amour celeste, sinon que le Saint Esprit, qui leur a desja fait tant de dons, descende maintenant en forme de feu sur leur sacrifice pour le consommer, ou, pour mieux dire selon nostre premier discours, qu'il vienne cuire les pains qu'elles ont petris, puisqu'ils sont tout prests à estre mis dans le four? La paste a esté preparée le long de leur année de noviciat, en suite des resolutions qu'elles ont prises de se laisser froisser et moudre tant par la sainte obeissance que par la mortification de leur propre jugement et volonté, qui sont les deux pains que Nostre Seigneur demande des ames religieuses.

  A009000442 

 Ces premieres resolutions, jointes avec les vœux qu'elles viennent faire, par lesquels elles s'obligent pour le reste de leur vie à la prattique de tout ce que nous venons de dire, sont le pain sacré qui doit estre cuit, affermi, et rendu impliable et immuable par le feu sacré du Saint Esprit, qui est l'amour de nos ames.

  A009000442 

 Lors la divine Majesté en rassasiera son goust comme d'un mets delicieux, au festin de l'eternité, et en contreschange elle rassasiera les vostres de sa Divinité, qui est le mets unique de la felicité et consolation eternelle, où sa souveraine Bonté nous veuille tous conduire pour sa gloire.

  A009000455 

 Ce ne fut donques point la curiosité ni aucune sorte de doute de la grossesse de sainte Elizabeth qui luy fit entreprendre ce voyage, mais bien plusieurs considerations tres aggreables; je vous en toucheray quelques unes..

  A009000455 

 Ou bien, disent-ils, il se peut faire qu'elle eust quelque doute de ce que l'Ange luy avoit annoncé; ce qui n'est pas, et saint Luc les condamne et refute en la parole qu'il escrit en son chapitre premier, que sainte Elizabeth voyant entrer la Vierge s'escria: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu.

  A009000456 

 Elle y alla pour voir cette grande merveille ou cette grande grace que nostre Dieu avoit fait à cette bonne vielle et sterile, de concevoir un fils en sa sterilité, car elle sçavoit bien qu'en l'ancienne Loy c'estoit une chose blasmable d'estre infeconde; mais parce que ceste bonne femme estoit vielle, elle alla aussi pour la servir en cette sienne grossesse et luy donner tout le soulagement qui luy estoit possible.

  A009000456 

 Quatriesmement, elle sçavoit que cette visite apporteroit un comble de benedictions en la maison de Zacharie, qui redonderoit jusques à l'enfant qui estoit dans le ventre de sainte Elizabeth, lequel seroit sanctifié par sa venue.

  A009000456 

 Secondement, ce fut pour luy reveler le tant haut mystere de l'Incarnation qui s'estoit operé en elle; car Nostre Dame n'ignoroit pas que sa cousine Elizabeth estoit personne juste, fort bonne, craignant Dieu et desirant ardemment la venue du Messie promis en la Loy pour racheter le monde, et que ce luy seroit une tres grande consolation d'apprendre que les divines promesses estoyent accomplies et que le temps desiré [158] par les Prophetes et les Patriarches estoit ja venu.

  A009000456 

 Troisiesmement, elle y alla aussi pour redonner la parole à Zacharie qui l'avoit perdue par son incredulité à la prediction de l'Ange, lors qu'il luy dit que sa femme concevroit un fils qui se nommeroit Jean.

  A009000457 

 Au demeurant, ne pensez-vous point, mes tres cheres Sœurs, que ce qui incita plus particulierement nostre glorieuse Maistresse à faire cette visite ce fut sa charité tres ardente et une tres profonde humilité qui la fit passer avec cette vistesse et promptitude les montagnes de Judée? O certes, mes cheres Sœurs, ce furent ces deux vertus qui la pousserent et luy firent quitter sa petite Nazareth, car la charité n'est point oysive: elle bouillonne dans les cœurs où elle regne et habite, et la tres sainte Vierge en estoit toute remplie, d'autant qu'elle avoit l'amour mesme en ses entrailles.

  A009000457 

 Elle estoit en des continuels actes d'amour, non seulement envers Dieu avec lequel elle estoit unie par la plus parfaitte dilection qui se puisse dire, mais encores elle avoit l'amour du prochain en un degré de tres grande perfection, qui luy faisoit desirer ardemment le salut de tout le monde et la sanctification des ames; et sçachant qu'elle pouvoit cooperer à celle de saint Jean, encores dans le ventre de sainte Elizabeth, elle y alla en grande diligence.

  A009000457 

 Sa charité la pressoit aussi de s'esjouir avec cette bonne vielle de ce que le Seigneur l'avoit benie d'une telle benediction, que de sterile et infeconde qu'elle estoit, elle conceust et portast celuy qui devoit estre le Precurseur du Verbe incarné..

  A009000458 

 Elle alloit donques s'en esjouir avec sa cousine, et se provoquer l'une l'autre à glorifier Dieu qui avoit versé sur toutes deux tant de graces: sur elle qui estoit vierge, luy faisant concevoir le Fils de Dieu par l'operation du [159] Saint Esprit, et sur sainte Elizabeth qui estoit sterile, concevant miraculeusement et par grace speciale celuy qui devoit estre le Precurseur du Messie.

  A009000458 

 Mais comme il n'eust pas esté raysonnable que celuy qui estoit choisi pour preparer les voyes du Seigneur fust entaché du peché, Nostre Dame alla promptement à ce qu'il fust sanctifié, et que ce sacré Enfant qui estoit Dieu, à qui seul appartient la sanctification des ames, peust operer en cette visite celle du glorieux saint Jean, le purifiant et retirant du peché originel; ce qu'il fit avec une telle plenitude que plusieurs docteurs soustiennent hardiment que jamais il ne pecha veniellement, bien que quelques autres tiennent l'opinion contraire..

  A009000459 

 Mais que veut entendre ce divin Amant quand il dit que le chef de sa bien-aymée ressemble au mont Carmel? Le mont Carmel est tout diapré de fleurs tres odoriferantes, et les arbres qui se trouvent sur iceluy ne portent que des parfums.

  A009000459 

 Que signifient ces fleurs et ces parfums sinon la charité, qui est une vertu tres belle et odoriferante, laquelle n'est jamais seule dans une ame? Et bien que l'on approprie ces paroles du Cantique à l'Eglise, qui est la vraye Espouse de Nostre Seigneur, en laquelle comme en un mont Carmel abondent toutes sortes de fleurs de vertus et qui est odoriferante en toute sainteté et perfection, si est-ce que l'on peut encor entendre cecy de la sacrée Vierge qui est la fidelle Espouse du Saint Esprit.

  A009000460 

 C'est elle que Dieu a regardée avec une complaisance toute particuliere; car, qui a jamais peu donner complaisance à Nostre Seigneur que celle qui estoit accomplie en toutes sortes de vertus? Avec la charité elle estoit douée d'une profonde humilité, ainsy que le tesmoignent ces parolles qu'elle dit lors que sainte Elizabeth la loua: Parce que Dieu a regardé l'humilité de sa servante, toutes les nations la loueront et appelleront bienheureuse..

  A009000460 

 Elle avoit conceu Celuy qui estant tout amour l'avoit rendue l'amour mesme; tellement qu'on luy peut appliquer mieux qu'à nul autre ces parolles du Cantique des Cantiques, lors que l'Espoux sacré, contemplant sa bien-aymée en son doux repos, fut saisi d'une sainte complaisance qui luy fit adjurer les filles de Hierusalem de ne la point esveiller, disant: Filles de Hierusalem, je vous adjure par les chevreuils et chevres des champs de ne pas esveiller ma bien-aymée qui est en l'amour, qu'elle ne le veuille ou desire.

  A009000460 

 Et ailleurs les joues de l'Espouse sont comparées aux grains de la grenade qui sont tout rouges.

  A009000460 

 Ou plustost, selon une autre version: Filles de Hierusalem, je vous adjure de ne pas resveiller la dilection et l'amour mesme, qu'elle ne le veuille; et cette dilection et amour est ma bien-aymée, c'est à dire la sacrée Vierge, qui non seulement a l'amour, mais est l'amour mesme.

  A009000461 

 Entre ceux qui tiennent cette opinion, on trouve Maldonat, et quelques autres encor; car, adjoustent-ils, bien que la Vierge eust une tres profonde humilité, si ne s'estimoit-elle pas humble, ni moins vouloit-elle parler de l'humilité, d'autant que cette parole eust esté contraire à l'humilité mesme.

  A009000461 

 Mais quand elle dit: Il a regardé l'humilité de sa servante, elle veut signifier la vileté, misere et abjection qu'elle voyoit en elle mesme, en ce qui estoit de sa nature et du neant dont elle estoit sortie; c'est en ce sens qu'elle asseuroit que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, car le vray humble, disent ces docteurs, ne croit ni ne voit jamais qu'il a la vertu d'humilité..

  A009000461 

 Plusieurs docteurs pensent que quand Nostre Dame dit que Nostre Seigneur avoit regardé l'humilité de sa servante elle n'entendoit pas parler de la vertu d'humilité qui estoit en elle.

  A009000462 

 Ainsy la glorieuse Vierge ne manqua point d'humilité, ni ne fit aucune faute contre icelle quand elle [162] asseura que Dieu avoit regardé l'humilité de sa servante, non plus que saint Paul quand il s'escrioit: Qui est-ce qui me pourra separer de la charité? car elle sçavoit qu'entre toutes les autres vertus, celle-là touche et attire le cœur de Dieu..

  A009000462 

 Certes, il n'y a point de doute en cela, bien que, quand il dit: Qui me separera de la charité de mon Dieu, il faille entendre, moyennant la grace de Dieu.

  A009000462 

 D'autres tiennent l'opinion contraire, et celle-cy est la plus probable; ils pensent que Nostre Dame entendoit parler de la vertu d'humilité, et qu'elle connoissoit bien que c'estoit cette vertu qui avoit attiré le Fils de Dieu dans ses entrailles.

  A009000462 

 Le grand Apostre saint Paul ne confessoit-il pas qu'il avoit la charité, par des parolles si asseurées qu'il semble parler avec plus de presomption que d'humilité? Il disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Sera-ce les chaisnes, les tribulations, la mort, la croix, le feu, le glaive? Non, rien ne me pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000463 

 Ainsy Nostre Seigneur considera bien la varieté et beauté des vertus de Nostre Dame, qui la rendoyent extrement belle, mais lors que le Pere eternel jetta les yeux sur ses sandales ou souliers, il en fut tellement espris qu'il se laissa gaigner et luy envoya son Fils, lequel s'incarna en ses tres chastes entrailles..

  A009000463 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, apres avoir consideré par le menu son Espouse, jetta ses yeux sur sa chaussure et sur sa demarche, ce qui le contenta si fort qu'il confessa en estre tout espris: Oh, dit-il, ta chaussure m'est aggreable; que tu as de bienseance en ton marcher! Nous lisons aussi en la Sainte Escriture que quand Judith alla trouver Holophernes elle s'estoit extremement bien parée; son visage estoit doué de la plus rare beauté qui se puisse voir, ses yeux estincelans, ses levres pourprines, ses cheveux esparpillés et flottans sur ses espaules.

  A009000463 

 Neanmoins, Holophernes ne fut prins ni par les yeux, ni par les levres, ni par les cheveux de Judith, ni d'aucunes des choses que je vous ay dit estre en elle; mais quand il jetta ses yeux sur ses sandales et chaussures, qui, comme nous pouvons penser, estoyent recamées d'or avec une fort bonne grace, il en demeura tout espris et touché.

  A009000464 

 C'est elle qui est la base et le fondement de la vie spirituelle, car elle veut tousjours estre contre terre et en son neant et abjection.

  A009000464 

 Et qu'est-ce que ces sandales et cette chaussure de la Vierge, sinon son humilité representée par les souliers, qui sont les plus vils accoustremens dont on se sert pour l'ornement du corps, car ils sont tousjours contre terre, foulant la fange et la boue.

  A009000464 

 Nostre Dame donques, disant que Dieu avoit regardé son humilité, faisoit reflexion sur elle mesme tant à cause de sa nature que de l'estre qu'elle avoit, ce qui fit qu'elle s'humilia..

  A009000465 

 Abraham dont la foy estoit si grande et qui ne pouvoit mesconnoistre les dons de Dieu en luy, confessa neanmoins, comme il est escrit en la Genese, n'estre que poudre et cendre.

  A009000465 

 Ainsy la Vierge, considerant sa vie qui estoit toute sainte et toute pure, la trouva bonne, et voyant en soy l'humilité elle peut dire en ce sens que Dieu avoit regardé son humilité; mais aussi en l'autre sens, voyant son neant, elle dit qu'il avoit regardé sa bassesse, sa vileté et son abjection, et que pour cela elle en seroit appellée bienheureuse..

  A009000466 

 La sainte et tres sacrée Vierge a esté ce nard pretieux qui ne s'est jamais eslevé pour aucune chose qui luy ait esté faite ou dite; mais en sa bassesse et petitesse, elle a, comme le nard, jetté un parfum de si suave odeur qu'il est monté jusques au throsne de la divine Majesté, laquelle en a tellement esté esprise et resjouie qu'elle a quitté le Ciel pour venir ça bas en terre s'incarner aux tres pures entrailles de cette Vierge incomparable..

  A009000466 

 Le nard est un petit arbrisseau qui jette un parfum grandement suave, il ne s'esleve point en haut comme les cedres du Liban, ains il demeure en sa bassesse, donnant son parfum avec tant de suavité qu'il resjouit tous ceux qui l'odorent.

  A009000466 

 Or, tant en une maniere comme en l'autre, elle parla avec une si grande humilité qu'elle fit bien voir qu'elle tenoit tout son bonheur de ce que Dieu avoit jetté les yeux sur sa petitesse; c'est pourquoy on luy peut approprier ces parolles du Cantique des Cantiques: Dum esset Rex in accubitu suo, nardus mea dedit odorem suum; Ma bien-aymée m'est un nard qui respand une tres odoriferante odeur.

  A009000467 

 Et en un autre endroit, lors qu'on luy vint annoncer que sa Mere le demandoit, ce divin Maistre respondit que ceux là estoyent sa mere, ses freres et ses sœurs qui faisoyent la volonté de son Pere.

  A009000467 

 Son divin Fils en rendit mesme tesmoignage lors que cette bonne femme voyant le miracle qu'il venoit de faire et s'appercevant du murmure des Juifs, se leva et cria à haute voix: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées; à quoy le Sauveur respondit: Plus heureux est celuy qui entend la parole de Dieu et la garde.

  A009000468 

 Mais celuy de Nostre Dame n'estoit point pecheur, ains le Sauveur des pecheurs et Celuy qui venoit pour oster le peché du monde, partant elle n'en estoit aucunement chargée, ains plus legere et plus agile.

  A009000468 

 Mais je vois que l'heure s'en va passer, ce qui me fera finir et parachever le peu de temps qui reste sur l'histoire de cet Evangile, car elle est extremement belle et de grande suavité à entendre raconter, ce me semble.

  A009000470 

 Certes, toute la mayson en fut comblée de joye: l'enfant tressaillit, le pere recouvra la parole, la mere fut remplie du Saint Esprit et receut le don de prophetie, [166] car voyant cette sainte Dame entrer dans sa mayson elle s'escria: D'où me vient cecy que la Mere de mon Dieu me soit venue visiter? Voyez-vous, elle la nomme Mere avant qu'elle ait enfanté, ce qui est contre la coustume ordinaire, d'autant qu'on n'appelle point meres les femmes avant leur enfantement, parce que souvent elles enfantent malheureusement.

  A009000471 

 Et si tous les Prophetes desiroyent le Messie promis en la Loy et se resjouissoyent sçachant que tout s'accomplirait en son jour, combien plus devons-nous penser que saint Jean fut rempli d'allegresse voyant au travers le sein de sa mere le vray Messie promis, le Desiré des Patriarches, qui le venoit visiter pour commencer [167] par luy l'œuvre de nostre Redemption en le retirant du bourbier du peché originel!.

  A009000471 

 Pour ce qui devoit advenir, elle vit par ce mesme esprit que la Vierge seroit benite entre toutes les femmes, et le proclama; elle parla aussi du present, l'appellant Mere de Dieu.

  A009000471 

 Vous avez creu que la vierge et la sterile concevroyent, qui est une chose qui surpasse le cours de nature: voyla pour le passé, qu'elle sceut par esprit prophetique.

  A009000473 

 La tres sainte Vierge entendant ce que sa cousine Elizabeth disoit à sa louange, s'humilia et rendit de tout la gloire à Dieu; puis confessant que tout son bonheur, comme j'ay dit, procedoit de ce qu'il avoit regardé l'humilité de sa servante, elle entonna ce beau et admirable cantique Magnificat, cantique qui surpasse tous ceux qui avoyent esté chantés par les autres femmes: plus excellent que celuy de Judith, plus beau sans nulle comparaison que celuy que chanta la sœur de Moyse apres que les enfans d'Israël eurent passé la mer Rouge et que Pharaon et les Egyptiens furent ensevelis dans ses eaux, en somme plus beau que ceux qui ont esté chantés par Simeon et par tous les autres dont l'Escriture fait mention..

  A009000474 

 O mes cheres Sœurs, qui avez cette Vierge pour Mere, filles de la Visitation Nostre Dame et de sainte Elizabeth, que vous devez avoir un grand soin de l'imiter, sur tout en son humilité et charité, qui sont les principales vertus qui luy firent faire cette Visitation.

  A009000485 

 un marchand qui cherche des perles;.

  A009000491 

 De mesme en font tous les hommes, car chacun cherche la felicité et le bonheur, neanmoins personne ne le trouve que celuy qui rencontre cette perle orientale du pur amour de Dieu, et qui l' ayant trouvée, vend tout ce qu'il a pour l'avoir..

  A009000492 

 Or pensez, de grace, si celuy qui a possedé si eminemment les biens et les richesses de la terre par dessus tout autre n'est pas content, qui donc le pourra estre?.

  A009000493 

 La tres sainte Vierge, laquelle, a [171] des sureminences si grandes, et qui est si particulierement gratifiée au dessus de tous les Anges, s'estonne neanmoins à la veue de saint Gabriel qui l'estoit venu trouver pour parler avec elle du tres sacré mistere de l'Incarnation..

  A009000495 

 L'amante sacrée dit que les gardes l' ont blessée parce qu'elles l'ont arrestée, car rien ne blesse tant un cœur qui ayme Dieu que de se voir retenu loin de Dieu.

  A009000495 

 Tous ceux qui pratiquent l'amour sacré sçavent que ses blesseures sont diverses et qu'il blesse les cœurs en plusieurs façons, dont l'une est d'estre arresté et empesché de demeurer en ce qu'il ayme.

  A009000496 

 Le Royaume des cieux, dit Nostre Seigneur, est semblable au marchand qui vend tout ce qu'il a [172] pour acheter la perle inestimable qu'il a trouvée.

  A009000496 

 Nous voyons que ces anciens Chrestiens qui ne se contentoyent pas d'observer les commandemens de Dieu, mais aussi se mettoyent à la prattique exacte de ses conseils, quittoyent tout sans reserve; si que l'on pouvoit veritablement bien asseurer qu'ils n'avoyent qu' un cœur et qu' une ame, car le mot de tien et de mien n'estoit jamais entendu parmi eux..

  A009000497 

 Mais escoutez, je vous prie, le maistre de tous et le Prince des Apostres: Voicy, dit-il à Nostre Seigneur, que nous avons tout quitté; quelle recompense en aurons-nous? Sur quoy le grand saint Bernard luy parle en ces termes: O pauvre saint Pierre, comme vous pouvez-vous ainsy vanter d'avoir tout quitté, et quelle rayson avez-vous d'exagerer l'abandonnement que vous avez fait, disant que vous avez quitté toutes choses, puisque vous n'estiez qu'un pauvre pescheur et n'aviez quitté qu'une petite barque et des rets? A quoy il respond luy mesme: C'est assez tout quitter et abandonner que de ne se reserver point de pretentions au monde, et qui plus est, de se quitter et abandonner soy mesme.

  A009000498 

 Il les recommande tant les unes que les autres, à cause du grand renoncement qu'elles ont fait de tout ce qui est sur la terre, tant de ce qu'elles possedoyent comme des pretentions qu'elles pouvoyent avoir, comme aussi à cause de leur parfait renoncement à elles mesmes..

  A009000498 

 Le grand saint Augustin fait reproche aux Manicheens dequoy en leur religion ils n'ont rien de semblable ni qui approche tant soit peu la vertu des vierges renfermées dans les monasteres, lesquelles sont pures comme des colombes et font vœu d'une perpetuelle chasteté; mais sur tout il extolle ce renoncement de toutes choses, disant qu'elles ont tellement quitté tout ce qu'elles avoyent qu'elles n'ont rien en particulier, et que jamais les mots pernicieux de mien et de tien ne s'entendent parmi elles.

  A009000499 

 C'est une pretention bien haute que de conquerir le pur amour de Dieu, qui est la perle pretieuse que vous cherchez et que vous avez trouvée, laquelle neanmoins ne se peut acheter qu'au prix de toutes choses.

  A009000499 

 Si vous la voulez avoir il est en vostre pouvoir, mais aussi il faudra faire l'abandonnement parfait de tout, et ce qui est encores plus, il vous faudra quitter vous mesme, le pur amour de Dieu ne pouvant souffrir aucun compagnon.

  A009000500 

 Je sçay bien pourtant qu'ils mettent leur metal au feu, puis ils le reduisent en poudre, et apres ils le font passer par la coupelle et le purifient derechef, asseurant que s'ils le pouvoyent tant purifier qu'il ne restast qu'une certaine matiere ou liqueur qui est descendue du ciel, il leur seroit facile de parvenir, ou ils seroyent parvenus au bout de leur pretention..

  A009000500 

 Mais resouvenons-nous que ceux qui entreprennent de [174] transmuer et transformer le metal en or, il faut qu'ils ayent une grande peine et qu'ils y apportent un tres grand soin, encores ne sçay-je s'ils le peuvent faire ou non.

  A009000500 

 Nous avons ce nous mesme exterieur que saint Paul appelle viel homme; nous avons encor l'autre nous mesme, qui est nostre propre jugement et nostre propre volonté, et en ce nous mesme icy consiste le nœud de l'affaire.

  A009000501 

 De mesme les ames qui ont fait cette genereuse entreprise de se transformer toutes en Dieu, helas! que ne faut-il pas qu'elles fassent pour s'aneantir, se confondre et se delaisser, jusques à ce qu'elles soyent tellement purifiées que rien ne leur demeure que la seule liqueur celeste qui est en elles, à sçavoir, l'image et la semblance de la divine Majesté.

  A009000501 

 Voyez ce que saint Paul fit pour pouvoir dire veritablement ces paroles: Je ne vis plus moy, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A009000502 

 Il est vray, mes cheres filles, mais si la difficulté vous estonne, je vous presente trois petites considerations qui yous feront connoistre l'entreprise estre plus facile que vous ne pensez et qui vous serviront de consolation..

  A009000503 

 Dites luy hardiment: «Commandez, Seigneur, à nos ames tout ce qu'il vous plaira, et nous donnez que nous le fassions.» Donnez-nous le desir de parvenir à vous, de faire tout ce qui sera aggreable à vostre Bonté, et accomplissez ce nostre desir.

  A009000503 

 La premiere est que Celuy qui vous appelle à la conqueste de son tres pur amour est assez puissant pour vous ayder.

  A009000504 

 La seconde consideration qui vous relevera le courage c'est de sçavoir en quoy il consiste.

  A009000505 

 Ce sont ces vertus qui luy firent sans doute meriter d'estre, apres sa tes sacrée Fille, avantagée de plus de graces que nulle autre femme, et en particulier d'appartenir de si pres à l'humanité tres sainte de nostre doux Sauveur et Maistre......................................................................................................................................

  A009000505 

 La troisiesme consideration qui vous doit estre de grande consolation, c'est l'honneur que vous avez de venir faire vos offrandes sous la protection de la glorieuse mere de la tres sainte Mere de Dieu, laquelle, comme une mere perle, demeura erami la mer de ce monde sans recevoir aucune goutte d'eau salée, je veux dire, sans estre aucunement abreuvée des vains playsirs terrestres, ains vescut tousjours tres saintement en la prattique de toutes sortes de vertus.

  A009000505 

 Ne doutez point qu'elle ne vous prenne en sa protection si vous venez faire vos offrandes avec humilité et simplicité de cœur, puisque ce sont les vertus qui ont le plus relui en elle durant le cours de sa vie, jointes à celle de suivre fidellement les attraits et les inspirations celestes.

  A009000511 

 Cet Evangile traitte de ce que Nostre Seigneur passant par un village nommé Bethanie, entra en une maison qui estoit à une femme nommée Marthe, laquelle avoit une sœur nommée Marie Magdeleine.

  A009000511 

 Marthe, qui desiroit que tous fussent aussi soigneux qu'elle de servir le Sauveur, luy dit en se plaignant qu'il commandast à sa sœur de luy ayder, pensant qu'il n'estoit pas necessaire que personne demeurast aupres de luy, d'autant qu'il se sçauroit assez entretenir tout seul.

  A009000512 

 Ces deux femmes representent Nostre Dame: Marthe, en la reception que la sacrée Vierge fit de son divin Fils et au soin qu'elle en eut tandis qu'il fut en cette vie mortelle, et Marie, en la reception qui luy fut faite par son Fils là haut en sa gloire.

  A009000512 

 O Dieu, quel soin n'eut elle pas de fournir Nostre Seigneur de tout ce qui luy estoit necessaire pendant qu'il fut petit! Quel empressement, ou pour mieux dire, quelle diligence ne fit-elle pas pour eviter le courroux d'Herode! Que ne fit-elle pour le sauver de tant de perils et mesaventures dont il fut menacé!.

  A009000513 

 Mais ce qui est plus admirable, voyez-la sur le mont de Calvaire: ni elle ne jette des eslans, ni elle ne dit un seul mot; elle est aux pieds de son Fils, et c'est cela seul qu'elle desire.

  A009000513 

 Marie se taisoit et se tenoit aux pieds de son Maistre, elle n'avoit qu'un soin qui estoit de posseder sa presence; de mesme il semble que nostre digne Maistresse n'eust que ce soin.

  A009000513 

 Partant, elle est comme en une parfaite indifference: Arrive tout ce qui pourra, semble-t-elle dire, pourveu que je sois tousjours aupres de luy et que je le possede, je suis contente puisque je ne veux et ne cherche que luy..

  A009000514 

 Les Saints qui sont au Ciel ont du soin pour glorifier et louer Dieu, mais sans inquietude, car il n'y en peut avoir.

  A009000514 

 Un autre qui aura grande affection à l'oraison mentale, si bien il semble que cecy ne regarde que l'esprit, il ne lairra pas de s'empresser et d'en estre troublé si on l'en retire pour l'occuper à quelqu'autre chose..

  A009000514 

 Un autre qui voudra visiter et consoler les malades ne le fera pas sans s'empresser, et mesme s'inquieter s'il est empesché de le faire.

  A009000514 

 Vous verrez bien souvent un homme qui aura une grande affection de prescher; defendez-luy la predication, le voyla troublé.

  A009000515 

 Et parce qu'elle aymoit grandement sa sœur, elle desiroit qu'elle s'embesoignast comme elle pour servir son tres cher Maistre, qui neanmoins prenoit plus de playsir à l'exercice de Marie, dans le cœur de laquelle il distilloit, par le moyen de ses paroles, des graces plus grandes que nous ne sçaurions penser..

  A009000515 

 Marthe, avec le dessein et souci de pourvoir à ce qu'il failloit à nostre Maistre, avoit encores un peu de propre estime qui la poussoit à monstrer et desirer que l'on vist la courtoisie et affabilité avec laquelle elle recevoit ceux qui luy faisoyent l'honneur de la venir voir, se respandant toute au service propre au traittement exterieur du [180] Sauveur; et la bonne fille pensoit estre bonne servante de Dieu par ce moyen-là et s'estimoit estre quelque chose.

  A009000516 

 Cecy correspond à la response qu'il fit à cette femme dont il est parlé en l'Evangile: Vous dites bien que bienheureux est le ventre qui m' a porté et les mammelles que j'ay succees; mais moy je vous dis que bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000516 

 Or, ces personnes qui s'affectionnent et s'embesoignent comme Marthe à faire quelque chose pour Nostre Seigneur, pensent estre bien devotes et croyent que cet empressement soit vertu; ce qui n'est pourtant pas, ainsy que luy mesme le fait entendre: Une seule chose est necessaire, qui est d'avoir Dieu et de le posseder.

  A009000518 

 Il s'en trouveroit assez qui s'estonneroyent, disant: Comment est-ce que Nostre Seigneur, qui aymoit si tendrement et si fortement sa sainte Mere, ne luy donna le privilege de ne point mourir? Puisque la mort est la peine du peché, et qu'elle n'en avoit jamais fait aucun, pourquoy est-ce qu'il la laissa mourir? O mortels, que vos pensées sont contraires à celles des Saints, que vos jugemens sont esloignés de ceux de la divine Majesté! Ne sçavez vous pas que la mort n'est plus ignominieuse, ains qu'elle est pretieuse despuis que Nostre Seigneur et Maistre se laissa attacher par elle sur l'arbre de la croix? Ce n'eust point esté un advantage ni un privilege pour la Sainte Vierge de ne point mourir, ains elle avoit tousjours desiré la mort dès qu'elle la vit dans les bras et dans le cœur mesme de son tres sacré Fils.

  A009000518 

 La mort est si suave et si desirable que les Anges s'estimeroyent heureux de pouvoir mourir; et les Saints ont esté heureux de la souffrir et y ont ressenti beaucoup de consolation, parce que nostre divin Sauveur qui est nostre vie s'estoit laissé en proye à la mort..

  A009000520 

 Sa tres sainte ame s'envola droit au Ciel; car qu'est-ce, je vous prie, qui l'en eust peu empescher, veu qu'elle estoit toute pure et n'avoit jamais contracté aucune souilleure de peché? Ce qui nous empesche nous autres quand nous mourons d'y aller tout droit comme Nostre Dame, c'est que nous avons presque tous en nos pieds de la poussiere ou des souilleures qu'il est necessaire que nous allions laver et purger en ce lieu que l'on nomme Purgatoire, devant que d'entrer au Ciel..

  A009000521 

 Il leur viendra en fantasie de ne pas vouloir que le lieu de leur reunion soit clair, ains ils le veulent sombre et obscur, et cela pour faire quelque balet, ou que sçay-je moy quoy, qui paroistra davantage en l'obscurité.

  A009000521 

 Nous trouvons en beaucoup de lieux de la Sainte Escriture que les lampes representent les Saints, lampes qui ont jetté des continuelles exhalaisons de bons exemples devant les hommes et qui ont esté tousjours ardentes du feu de l'amour de Dieu.

  A009000523 

 Il est escrit des Anges: Vous estes mes serviteurs et mes messagers; mais auquel de ceux cy a-t-il esté dit: Vous estes mon Fils, je vous ay engendré? De mesme en pouvons-nous dire de la tres sainte Vierge qui est le parangon de tout ce qui est de beau au Ciel et en la terre: A laquelle a-t-on dit: Vous estes Mere du Tout-Puissant et du Fils de Dieu, sinon à elle? Vous pouvez donques bien penser qu'elle fut eslevée au dessus de tout ce qui n'est point Dieu..

  A009000524 

 Mais tout ainsy que Nostre Seigneur ressuscita au bout de trois jours, elle ressuscita de mesme au bout de trois jours; differemment neanmoins, d'autant que le Sauveur [184] ressuscita de sa propre puissance et authorité, et Nostre Dame ressuscita par la toute puissance de son Fils qui commanda à l'ame benite de sa tres sainte Mere de s'aller reunir à son corps.

  A009000525 

 L'Arche de l'alliance dans laquelle estoyent les tables de la Loy ne pouvoit estre atteinte d'aucune corruption, d'autant qu'elle estoit faite de bois de cedre qui est incorruptible; combien estoit-il plus raysonnable que cette Arche en laquelle avoit reposé le Maistre de la Loy, fust exempte de toute corruption? La resurrection de la tres sainte Vierge est declarée par ces paroles: Levez-vous, Seigneur, vous, et l'Arche de vostre sanctification.

  A009000525 

 Quant à ces mots: Levez-vous, ils font mention de la resurrection de Nostre Seigneur; mais ceux qui suivent: et l'Arche de vostre sanctification, se doivent entendre de celle de sa Mere.

  A009000526 

 Je ne sçay si vous aurez remarqué que le petit David, avant qu'entreprendre la bataille contre Goliath, s'informa soigneusement parmi les soldats de ce que l'on donneroit bien à celuy qui vaincroit et terrasseroit ce grand geant, ennemy des enfans de Dieu.

  A009000526 

 Mais cela n'estoit pas assez pour le cœur de David, qui estoit genereux et qui ne pensoit en rien moins qu'aux richesses.

  A009000526 

 On luy respondit que le roy avoit promis de grandes richesses à celuy qui seroit si heureux que de le surmonter.

  A009000527 

 Et qu'ainsy ne soit, escoutez ce qui est dit par le Pere eternel: Je le constitueray Roy et luy donneray plein pouvoir sur tout ce qui est au Ciel, sur tout ce qui est en la terre.

  A009000527 

 Nostre Seigneur et Maistre venant en ce monde s'informa, comme son grand pere David, que c'est que l'on donneroit à celuy qui vaincroit ce puissant Goliath, le diable, que luy mesme appelle prince du monde, à cause du grand pouvoir qu'il avoit avant l'Incarnation du Verbe.

  A009000527 

 On luy fit la mesme response qu'à David: Le Roy enrichira celuy qui surmontera ce cruel Goliath.

  A009000528 

 Mais quant à son ame qui s'en alla unir et conjoindre inseparablement à la divine Majesté, voyons comme nous pourrions l'imiter en cela.

  A009000529 

 Et Nostre Seigneur qui est incomparablement bon, encores qu'il conneust bien son imperfection, ne la reprit pourtant pas severement, ains tout amoureusement, car cet Evangile est tout d'amour.

  A009000529 

 Il y en a extremement peu qui n'en ayent, pour spirituels qu'ils soyent; et d'autant qu'on est plus spirituel, d'autant plus l'envie est-elle fine et comme imperceptible; elle fait ses actes si dextrement que l'on a prou peine de les remarquer.

  A009000529 

 Quand on loue quelqu'un et qu'on reserve un peu de la louange que nous savons qui luy est deue, qu'est-ce qui fait cela sinon l'envie que nous avons de ses vertus? Mais Marthe fait son petit coup et jette son petit trait d'envie par forme de joyeuseté, et cette cy est la plus fine.

  A009000529 

 Une seule est necessaire; Marie a choisi la meilleure part qui ne luy sera point ostée..

  A009000530 

 Mais parlons encores un peu de ces petits traits d'envie que produit nostre amour propre, lesquels sont certes comme des petits renardeaux qui vont fracassant et gastant les vignes.

  A009000530 

 Un autre dira: Je suis miserable et ne puis rien faire qui vaille; mais une telle predication que je fis... et ne se feindra point d'avancer ces mots lors qu'on loue la predication de quelque autre.

  A009000531 

 Il faut que nous sçachions qu'il y a deux parties en nous qui ne font qu'un homme: il y a l'homme exterieur et l'homme interieur.

  A009000531 

 L'homme exterieur c'est celuy que nous voyons, qui regarde, qui parle, qui touche, qui gouste, qui escoute; c'est celuy cy qui s'empresse en l'exercice des vertus lesquelles concernent le commandement de l'amour du prochain, tandis que l'homme interieur prattique l'amour de Dieu.

  A009000531 

 Retournons à Marthe qui s'empressoit.

  A009000532 

 La fin de nostre vie c'est la mort; nous devrions donques penser soigneusement quelle doit estre nostre mort et que c'est qui en doit reussir, à fin de faire correspondre nostre vie à la mort que nous desirons; car c'est chose asseurée que telle est nostre vie telle sera nostre mort, telle est nostre mort telle a esté nostre vie..

  A009000533 

 Elle en fait de mesme à ses yeux, car elle leur met leur chaperon naturel, qui sont les paupieres, à fin qu'ils ne voyent que ce qu'il faut.

  A009000533 

 Elle prend aussi un grand soin pour se tenir en une continuelle modestie à fin de ne point s'eschapper en quelque action qui sente la legereté..

  A009000533 

 Les anciens qui ont fait le denombrement des vertus en ont remarqué une peuplade, et à la fin ils s'y sont encores trouvés court.

  A009000533 

 Voyez-vous cette personne qui a dessein de la prattiquer? Elle commence à faire pacte avec ses yeux qu'ils ne regarderont que pour les choses necessaires et non point autrement; et pour cela elle leur fera comme aux esperviers que l'on chaperonne quand on ne leur veut pas donner le vol et à fin de les porter plus aysement sur le poing.

  A009000536 

 Aymer Dieu sur toutes choses est le premier commandement; aymer le prochain sur tout ce qui n'est point Dieu c'est l'image du premier commandement..

  A009000536 

 L'amour n'a qu'un seul acte qui est de conjonction et d'union.

  A009000536 

 Voicy neanmoins un remede pour vous delivrer de tant de sollicitudes: puisque Nostre Seigneur dit qu' une seule chose est necessaire, qui est d'estre sauvé, il n'est pas requis de tant multiplier les moyens pour l'acheminement de nostre salut, bien qu'il faille un acheminement à toutes choses.

  A009000538 

 Ainsy l'exercice de Marthe a quantité d'actes, mais celuy de Marie, qui est l'amour, n'en a qu' un seul, qui est, comme nous avons dit, de conjonction et d'union..

  A009000539 

 C'est pourquoy les trouppes angeliques s'escrioyent comme tout estonnées: Qui est celle cy qui monte du desert appuyée sur son Bien-Aymé? Par où nous pouvons entendre que si bien Nostre Dame montoit au Ciel comme estant toute pure, nonobstant sa pureté, elle estoit neanmoins appuyée sur les merites de son Fils, en vertu desquels merites elle entra en la gloire.

  A009000539 

 Il semble que l'Assomption de Nostre Dame fut en certaine façon plus glorieuse et triomphante que non pas l'Ascension de Nostre Seigneur, d'autant qu'à l'Ascension il n'y avoit que des Anges qui luy vinssent au devant, mais en l'Assomption de sa tres sainte Mere le Roy des Anges y vint luy mesme.

  A009000556 

 Or, d'autant que la dedicace de nostre cœur à la divine Majesté se fait par l'amour, je suivray mot à mot ce que Nostre Seigneur dit en [192] l'Evangile qui court cette semaine à un docteur de la loy qui luy demanda quel estoit le plus grand commandement.

  A009000556 

 Si j'eusse eu le temps, j'eusse parlé d'une certaine dedicace pieuse qui se fait par la frequentation du temple, c'est à dire de l'eglise; mais je ne parleray pour cette heure que de la dedicace du cœur, asseuré que je suis que les ames pour lesquelles je presche maintenant y prendront plus de playsir.

  A009000558 

 Mais dites-moy, de grace, se peut-il rencontrer un objet plus excellent que la Divinité mesme? Laissant à pari son incomparable beauté, considerons son indicible bonté qui nous a par tant et tant de façons tesmoigné [193] qu'elle nous ayme et desire infiniment que nous l'aymions.

  A009000558 

 Or, quand ce vient à nostre choix d'eslire un objet pour le principal but de nostre amour, certes nous aurions grand tort de ne le pas chercher entre tous les sujets qui sont aymables, à fin de choisir le plus excellent.

  A009000558 

 Qu'est-ce qui peut davantage esmouvoir nostre volonté à aymer que de se voir si parfaitement aymée? Mais de qui? De Dieu mesme.

  A009000559 

 Il n'y a que Nostre Dame qui ait eu ce privilege de pouvoir aymer Dieu en cette vie sans interruption quelconque, car tandis qu'elle dormoit, son esprit ne laissoit pas d'agir et de s'eslancer en Dieu.

  A009000559 

 Il y a certains fols et insensés qui ont voulu soustenir qu'il estoit impossible de l'observer tant que nous serons en cette vie, en quoy ils ont grandement erré, d'autant que Nostre Seigneur n'eust jamais donné le commandement à l'homme s'il ne luy eust donné quant et quant le pouvoir de l'accomplir.

  A009000559 

 Mais quant à nous, combien de fois nous trouvons-nous en des distractions qui nous sont inevitables! Nous pouvons voirement aymer Dieu d'un amour ferme et [194] invariable, mais non pas estre en l'exercice continuel de nostre amour..

  A009000559 

 O pauvres gens, que vous monstrez bien qui vous estes, et que vous avez des esprits, mais non pas pour penetrer les choses de Dieu, ni les comprendre et connoistre pour telles qu'elles sont.

  A009000560 

 Pour aymer Dieu d'un amour d'election il faut avoir la volonté determinée de ne conserver et ne reserver aucun autre amour qui ne luy soit sujet et sousmis, demeurans prests à bannir de nos esprits non seulement tout ce qui sera contraire, mais aussi tout ce qui ne servira pas à la conservation et augmentation de ce divin amour, qui est le seul digne du nom de dilection.

  A009000562 

 Ce n'est pas sans rayson, mes chers auditeurs, que les peintres peignent l'amour en archer, qui descoche incessamment des fleches dans le cœur des mortels pour les blesser et navrer de ses aymables traits.

  A009000562 

 Imaginez-vous, de grace, de voir trois archers qui tous trois portent leur arc tendu pour tirer à tous rencontres selon la necessité, et pour cela ils ont leur carquoy plein de sagettes.

  A009000562 

 L'amour est tout suave quand il s'applique à un objet digne d'estre choisi entre mille, comme nous avons dit; car l'amour bas et caduc qui s'attache à la creature au prejudice de l'honneur que nous devons à l'amour du Createur, au contraire qu'il soit [195] doux et suave, il est desaggreable à merveille et remplit le cœur de celuy qui le possede de trouble, d'empressement et d'inquietude..

  A009000564 

 Ces ames donques que je dis estre comparables au second archer, sont celles qui se retirent du commun du peuple pour mener une vie plus parfaite, soit qu'elles s'en sequestrent tout à fait ou non, et qui ne se contentent pas de vivre selon l'observance des commandemens de Dieu, mais passant plus outre, embrassent la prattique de ses conseils; partant elles descochent le plus souvent qu'elles peuvent des traits et des sagettes dans le cœur de la divine Majesté par des eslancemens fervens et affectionnés de leur esprit.

  A009000564 

 Elles sont semblables à ce second archer que nous nous sommes imaginé, qui non seulement tient son carquoy plein de fleches et son arc tout prest pour tirer, mais il tire fort souvent, mettant le moins de distance qu'il peut entre chaque coup; il n'attend pas la necessité, ains il lance ses traits à toutes les apparences de necessité.

  A009000564 

 Mais il y a des ames plus nobles et genereuses qui, sçachans que la suffisance ne suffit pas en ce qui est d'aymer Dieu, passent plus outre.

  A009000564 

 Par ainsy elles navrent et blessent ce Roy des cœurs, comme luy mesme l'asseure quand il dit à son Espouse: Ma mie, ma belle et ma colombe, tu m'as ravi le [196] cœur, tu m'as blessé et navré par l'un de tes yeux et par l'un de tes cheveux qui pend sur ton col, c'est à sçavoir par l'une des pensées qui viennent du costé de ton cœur.

  A009000565 

 Cette seconde façon d'aymer Dieu est celle que nous pouvons exercer en cette vie et à laquelle nous devons tous pretendre; car quant à la troisiesme, qui est representée par cet archer qui tire sans cesser, elle appartient aux ames des Bienheureux qui jouissent de la claire veue de la Divinité en Paradis.

  A009000565 

 O qu'ils sont heureux de blesser continuellement le cœur tres aymable de Dieu de leur amour, amour qui sera infini et immortel et lequel ne pourra jamais avoir d'interruption en son exercice sacré, parce qu'à mesure qu'ils descochent les traits de leurs affections la divine Majesté remplit leurs carquois de sorte qu'ils seront eternellement inepuisables.

  A009000566 

 Il est vray, me direz-vous, mais est-ce assez aymer Dieu que se contenter de l'aymer comme ceux qui observent ses commandemens? O sans doute, qui se contenteroit de cela sans desirer de l'aymer davantage, je veux dire sans avoir la pretention d'accroistre son amour envers la divine Bonté, il ne l'aymeroit pas assez; car n'avons-nous pas veu que la suffisance n'est pas suffisante? En effect, ce n'est pas icy comme aux desirs que l'on a d'acquerir des honneurs et des richesses, parce que, en ces sortes de choses, rien ne sçauroit contenter ni assouvir la soif insatiable de celuy à qui la suffisance ne suffit pas.

  A009000566 

 Mais quant à l'amour divin, il ne faut jamais dire: C'est assez, j'en suis content, car celuy qui parleroit de la sorte n'en auroit pas suffisamment.

  A009000567 

 Je suis, dit-il, le pain qui est descendu du Ciel; quiconque me mange ne mourra point eternellement; Qui voudra boire mon sang et manger ma chair il aura la vie eternelle; Je suis le pain de vie; et tant d'autres paroles.

  A009000567 

 Puis en son Sacrement il semble qu'il ne sera jamais assez content d'inviter les hommes à le recevoir, car il inculque d'une façon admirable le bien qu'il a preparé pour ceux qui s'en approcheront dignement.

  A009000567 

 Puis, parlant de sa mort: Nul n'ayme d' un plus grand amour que celuy qui met son ame pour son ami, c'est à sçavoir qui donne sa propre vie.

  A009000568 

 L'aymer de toutes nos forces, c'est l'aymer d'un amour ferme, constant et genereux, qui ne se laisse jamais abattre, ains est tousjours perseverant.

  A009000569 

 L'amour est un lien et un lien de perfection, c'est à dire qui ne se peut desfaire.

  A009000569 

 L'amour, comme dit le grand Apostre de la France, tend à l'union; si que l'amour unit d'une union presque inseparable les cœurs de ceux qui s'ayment, quand l'amour est pur, car autrement nous n'en voulons pas parler.

  A009000569 

 Les amans cherchent tousjours de parler secrettement, bien que ce qu'ils ont à dire ne soyent pas des secrets ou choses qui meritent d'estre tenues pour tels.

  A009000569 

 Si vous aymez bien Dieu vous aurez un grand soin de rechercher sa presence à fin de vous unir tousjours plus avec sa divine Bonté, non point pour la consolation qu'il y a de jouir de cette presence, ains simplement pour satisfaire à son amour qui le desire ainsy; vous rechercherez le Dieu de toutes consolations et non pas les consolations de Dieu.

  A009000570 

 Il faut voirement aymer quelque chose avec Dieu, mais d'un amour qui n'aille point de pair, ains soit tousjours prest à estre rejetté entant que sa divine Majesté le desirera..

  A009000571 

 Ainsy faisant, nous nous resjouirons davantage des dons que Dieu fera à leurs ames, de sa grace, des vertus et benedictions celestes, que non pas des honneurs, richesses et biens caducs et perissables qui leur pourroyent arriver.

  A009000571 

 Mais encor, quel pensez vous qu'il soit? C'est un amour ferme, constant, invariable, qui, ne s'attachant point aux niaiseries, ni aux qualités ou conditions des personnes, n'est pas sujet au changement ni aux aversions comme celuy que nous nous portons les uns les autres, qui pour l'ordinaire se dissipe et s'alangourit sur une mine froide ou qui n'est pas si correspondante à nostre humeur comme nous desirerions.

  A009000571 

 Nostre Seigneur nous ayme sans discontinuation (je ne parle pas de ceux qui sont en estat de peché mortel, car le lieu où je suis ne le requiert pas); il nous supporte en nos defauts et en nos imperfections, sans neanmoins les aymer ni les favoriser: il faut donques que nous en [200] fassions de mesme à l'endroit de nos freres, ne nous lassant jamais de les supporter, prenant bien garde toutefois de ne favoriser ni aymer leurs imperfections, ains d'en rechercher l'extermination tant qu'il nous sera possible, ainsy que fait la divine Bonté.

  A009000578 

 Pensant à ce que je devois prendre pour la ceremonie que nous allons celebrer, qui est de recevoir nostre Sœur la Pretendante au Noviciat, j'ay trouvé que ces paroles des Epistres de saint Paul, escrivant aux Ephesiens et Colossiens, viennent fort à mon propos: Soyez renouvellés en justice et verité; despouillez-vous du viel homme pour vous revestir du nouveau en Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A009000579 

 Il y en a d'autres qui s'y enferment pour estre tousjours en repos avec Nostre Seigneur par le moyen de l'oraison, et y jouir des douceurs qu'il donne à ceux qui le servent; car, qui ne desireroit ces douceurs?.

  A009000579 

 Les autres s'y viennent mettre de peur de l'enfer, craignant de se nerdre s'ils demeurent au monde parmi les continuelles occasions de pecher et tant de malheurs et miseres qui y regnent.

  A009000580 

 Ceux qui viennent pour d'autres intentions que celle cy se trompent grandement.

  A009000580 

 Toutes ces pretentions sont fort imparfaites et ne sont point dressées selon l'intention pour laquelle Nostre Seigneur a institué les Religions, qui est «pour s'unir plus parfaittement à Dieu» et estre crucifié avec Jesus Christ au «mont de Calvaire,» pour vivre avec luy au Ciel, et se despouiller du viel homme pour se revestir du nouveau.

  A009000581 

 Les mauvaises habitudes nous sont demeurées apres le peché de nos premiers parens Adam et Eve, qui perdirent la grace originelle par la desobeissance.

  A009000582 

 Au monde l'on ayme et cherit fort la propre estime, et en Religion il faut prattiquer l'humilité par dessus tout, car qui s'exerce bien en cette vertu il a bien tost toutes les autres.

  A009000582 

 En Religion on doit vivre en une parfaitte chasteté, contraire à la liberté de la chair et du sang; en une parfaitte pauvreté, contraire aux richesses et commodités dont le monde fait tant de cas; mortifier son jugement, qui est une chose bien difficile, l'affection que l'on a pour son propre repos, l'ayse que l'on prend à l'oraison avec Dieu pour jouir de ses suavités.

  A009000582 

 Nostre Seigneur l'a prattiquée souverainement et au supreme degré, car il n'y a creature au monde, non pas mesme tous les Saints ni tous les Anges ensemble, qui puisse atteindre à l'humilité de nostre Sauveur et Maistre.

  A009000582 

 Nous avons receu d'eux le peché et toutes les passions que nous avons: la colere, la convoitise qui nous fait desirer des biens, des honneurs; l'amour à la propre estime, la tendreté sur soy rnesme qui fait que l'on ayme tant la liberté et que l'on n'ayme pas la sujetion.

  A009000583 

 Saint Basile escrivant à Syncleticus, qui de senateur s'estoit fait Religieux, il luy mandoit: O mon frere, qu'as-tu fait? «Tu as desfait un senateur et tu n'as pas fait un Religieux.» Tu n'es plus senateur, car tu as quitté cette charge; tu n'es pas bon Religieux, d'autant que tu vis avec les coustumes que tu as portées du monde.

  A009000585 

 Il prend le livre, et l'ouvrant il trouve l'Epistre que l'Apostre escrivoit aux Romains: Ne soyez ivrognes, ne soyez faiseurs de banquets, fuyez la conversation des femmes, et ce qui s'ensuit.

  A009000585 

 Sans doute c'estoyent les Anges qui chantoyent en musique et disoyent: «Prens et lis, prens et lis.» Ils vouloyent qu'Augustin leust les Epistres de saint Paul qu'il avoit aupres de soy.

  A009000585 

 Un jour estant en un jardin sous un figuier, il entendit comme des voix de petits enfans, qui chantoyent si melodieusement que jamais il n'en avoit ouy de pareilles.

  A009000586 

 Mais pour mieux tromper Isaac, [206] elle fit mettre à Jacob les habits de son frere qui estoyent tout parfumés.

  A009000587 

 O que bienheureuses sont les ames qui entrent en Religion à cette supreme fin, pour cueillir les fleurs des graces de Dieu et jouir apres de leurs fruits au Ciel! Mais ceux qui sont venus pour d'autres motifs il ne faut pas qu'ils perdent courage, car on peut tousjours redresser son intention, la bonifier et la rendre meilleure, pourveu qu'on se despouille bien du viel homme, comme nous avons dit, et qu'on prenne les habitudes de la Religion..

  A009000595 

 Le Sauveur preschant dit que le Royaume des cieux estoit semblable à un roy qui, voulant faire les noces de son fils, fit preparer un grand festin, lequel estant dressé, il envoya ses serviteurs aux invités pour leur dire qu'ils vinssent, d'autant que le banquet estoit prest; et ils s'excuserent.

  A009000596 

 Cela fait, les tables estans dressées dans une grande salle, et toutes ces pauvres gens estans assis, le roy vint pour voir l'ordre de son festin; et ayant bien regardé les invités, il arresta sa veue sur un pauvre miserable qui y estoit venu sans la robe nuptiale, n'ayant point changé son habit de tous les jours.

  A009000597 

 Je ne m'arresteray pas non plus au deuxiesme sens de cette parabole, qui regarde l'appel general fait à tous les hommes pour les inviter à parvenir au festin royal de l'eternité, à la semonce duquel neanmoins plusieurs ne se veulent pas rendre.

  A009000597 

 Le jour de demain est incertain pour plusieurs qui l'ont choisi pour se convertir..

  A009000597 

 Voyla le contenu de la parabole, laquelle je ne m'amuseray pas à expliquer selon le sens litteral, parce qu'il regarde la prediction que nostre divin Sauveur faisoit de la reprobation des Juifs et de l'election des Gentils, qui, comme borgnes, boiteux, bossus et impotens, furent amenés au festin des noces du Fils du Roy par la predication du saint Evangile qui leur fut faitte tant par les Apostres que par Nostre Seigneur mesme.

  A009000598 

 Et premierement, je considere que ce festin auquel nous sommes invités par le souverain Roy de gloire, c'est le festin de la Croix, qui est dressé sur la montagne de Calvaire où se celebre la solemnité des fiançailles de Jesus Christ avec nos ames.

  A009000598 

 Neanmoins, rien n'est si capable de nous rendre dignes de rejet que les defauts qui se commettent contre la charité..

  A009000599 

 Elle avoit quantité de filles, cette sainte amante, qui consideroyent soigneusement tous les traits de passion amoureuse que son divin Amant et elle s'entrecommuniquoyent, et partant elle s'escrie en cette sorte: O filles de Hierusalem, hé de grace, je vous supplie de mettre toutes la teste aux fenestres pour considerer mon Bien-Aymé au jour de sa joye, et voir la couronne dont sa mere l'a couronné au jour de ses fiançailles.

  A009000599 

 Mais, me demanderez-vous, comme osez-vous appeller le jour de la Passion jour des noces de Nostre Seigneur, puisque le jour où on celebre des noces est ordinairement un jour de consolation, de playsir et de joye? Il est vray; mais ne pensez pas que ce soit moy seul qui dise cecy, ni de moy mesme, car sa divine Espouse le dit elle mesme au Cantique des Cantiques.

  A009000600 

 De mesme, la tres sainte humanité estoit beaucoup moindre que la divinité du Sauveur, mais neanmoins sa divine Majesté s'est voulu servir de cette humanité sacrée pour nous faire connoistre la grandeur de sa sagesse, bonté et misericorde; et par ainsy elle a esté comme une couronne royale qui nous a fait comprendre en quelque façon, selon nostre capacité, la dignité du chef qu'elle a environné et orné..

  A009000600 

 En quoy certes ils ont tres grande rayson, car chacun sçait que la couronne est un ornement de teste et un ornement royal, mais pourtant beaucoup moindre en valeur que la teste qui la porte et qui en est parée.

  A009000601 

 Le reste des Peres qui ont consideré les parolles de l'Espouse tiennent que lors qu'elle invitoit ces filles de Sion à regarder la couronne de son Bien-Aymé, de laquelle sa mere [la Synagogue] l'avoit couronné au jour de sa joye et de son allegresse, elle entendoit parler de la couronne d'espines qu'il portoit au jour de sa Passion.

  A009000601 

 Nul ne doit douter qu'il n'y eust en son ame deux portions: l'une superieure, qui embrassoit volontairement la mort pour satisfaire à la volonté divine à laquelle elle estoit parfaittement unie; l'autre inferieure, qui craignoit la mort et les ignominies de la croix: si que l'allegresse et la tristesse avoyent toutes deux trouvé place en cette ame tres sainte..

  A009000602 

 Si cela est, qui peut douter que le jour de la Passion du Sauveur ne fust le jour de sa joye et de son allegresse? car ne voyez-vous pas les fleurs qui sortent et commencent à bourgeonner autour de la Croix, presage certain des fruits que devoit rendre cet arbre de vie? je veux dire les merites de cette mort, produisans les doux fruits de la salvation des hommes qui espereroyent en ces merites? Que si la joye de la femme est de produire beaucoup d'enfans, combien de sujets de resjouissanee Nostre Seigneur et Maistre eut-il au jour de sa Mort et Passion, puisque ce fut en iceluy qu'il fut fait Pere de tous les enfans des hommes, et leur acquit la grace pour cette vie passagere et la gloire pour la vie eternelle..

  A009000602 

 [211] Vous sçavez que chaque chose se resjouit lors qu'elle produit son fruit; si que l'on dit qu'au printemps la terre semble se resjouir, les arbres commençans à produire des fleurs qui sont des presages de la production des fruits.

  A009000604 

 Cela estant ainsy, qui peut douter que le jour de la Passion de Nostre Seigneur et Maistre ne soit un jour de joye et de delices pour les Anges et pour les hommes, puisque c'est en iceluy qu'il a fait paroistre le grand amour qu'il nous portait, comme il l'asseure luy mesme: Nul n'a plus grand amour que celuy qui met son ame, c'est à dire sa vie, pour celuy qu'il ayme..

  A009000604 

 Je sçay bien que quelques docteurs tiennent que c'est la veue de la Divinité qui fera cette felicite; mais pourtant l'un ne contrarie pas beaucoup à l'autre, d'autant que cette veue sacrée est ce qui nous excitera à des ardeurs incomparables pour l'aymer.

  A009000604 

 L'amour que Dieu porte aux Bienheureux en Paradis et que ces ames bienheureuses portent à la divine Majesté est ce qui fait leur felicité.

  A009000605 

 Mais, me demanderez vous, pourquoy dites vous que la Croix est un festin auquel nous sommes tous invités, sans en excepter pas un? Hé, ne voyez-vous pas les mets delicieux qui nous y sont preparés? Voyez et considerez de grace la souveraine misericorde que Dieu y presente aux hommes; remarquez, je vous supplie, que c'est là où nous sont preparés et offerts tous les secours necessaires pour parvenir à la gloire..

  A009000606 

 Chose estrange! la table du roy estoit toute pleine, et cependant il n'arresta sa veüe que sur un seul, qui avoit esté si impudent que d'y venir avec ses habits de tous les jours; il s'irrita contre cet homme et le fit jetter pieds et mains liés aux tenebres exterieures.

  A009000607 

 Lors qu'il fut question de conduire la belle et chaste Esther en la presence du roy Assuerus, elle fut revestue à la royale: on luy mit une robe si pesante qu'elle ne la pouvoit presque porter, si qu'il failloit qu'elle s'appuyast sur l'espaule d'une damoyselle qui marchoit devant elle, et apres il y en avoit une autre chargée de porter la grande queue traisnante de la robe, laquelle estoit fort ample et toute diaprée de pierreries qui en augmentoyent le poids..

  A009000608 

 Me voyci maintenant à ce que je voulois dire, et pour ne laisser plus vos attentions en suspens, je vous declareray que cette robe d'Esther represente fort bien la robe nuptiale de laquelle il faut que les ames soyent revestues pour estre trouvées aggreables par le grand Assuerus, par nostre divin Sauveur; mais principalement les Religieux et Religieuses qui luy sont presentées pour estre ses espouses et qui pretendent de parvenir à son lit nuptial..

  A009000609 

 Au contraire, celle des ames religieuses est large, tout y entre; je veux dire tout ce qu'elles peuvent sçavoir qui est aggreable à leur Espoux..

  A009000610 

 Les Religieuses au contraire sont vestues d'une robe large, qui puisse «faire des plis estant ceinte.» Les robes de ces filles du monde ont les manches larges et grosses du costé des espaules, mais au bout, devant elles, elles sont fort estroittes.

  A009000610 

 Premierement les filles du monde portent des [214] robes qui les serrent et les gesnent extremement, et cela pour faire voir qu'elles ont la taille belle; folie qui les rend pour l'ordinaire incapables de rien faire, parce qu'elles en deviennent malades ou languissantes.

  A009000610 

 Que represente cela, je vous prie, sinon qu'elles sont abondantes en parolles et ont fort peu d'œuvres? Oh, moy je suis une fille de bien et d'honneur; mais de bonnes actions qui soyent conformes à ces parolles, point, ou du moins peu.

  A009000611 

 Au lieu de tout cela, on donne un voile aux Religieuses, qui rejettent toutes ces vanités; et de mesme que leur divin Espoux est couronné d'une couronne d'espines, comme estant le Roy des miserables, ainsy couvrent-elles leurs testes du voile d'abjection et du mespris non seulement de toutes les vanités, mais aussi d'elles mesmes, pour estre plus conformes à leur Bien-Aymé..

  A009000612 

 Les Religieux et Religieuses doivent avoir cette robe tres grande, ce qui represente le bon exemple; et ne se faut pas contenter quelle aille jusqu'en terre et jusqu'à la fin de leur vie, mais aussi qu'elle passe plus outre; que l'odeur de leur sainteté charge celles qui viennent apres elles, qu'il y ait tousjours une bonne brassée de leurs bons exemples propre à estre portée, par imitation, par tous ceux qui entendront parler d'elles..

  A009000613 

 Aussi faut-il que les ames qui doivent estre presentées au Roy souverain par les attraits et inspirations celestes soyent appuyées sur l'esperance de participer aux merites de la Mort et Passion de Nostre Seigneur; car en s'appuyant sur leurs bonnes œuvres elles ne sçauroyent marcher ni le faire seurement pour parvenir au festin nuptial de leur tres cher Espoux.

  A009000613 

 Or cet Espoux divin requiert de nous que nous connoissions et reconnoissions que tout ce que nous pourrions faire ou souffrir en cette vie mortelle ne sçauroit estre capable de nous meriter les delices eternelles qu'il a preparées pour ceux qui l'ayment, si ces mesmes œuvres ou souffrances ne sont unies et conjointes avec les siennes, lesquelles seules peuvent sanctifier les nostres et nous obtenir la jouissance de sa divine presence, jouissance qui fera nostre felicité en la gloire de la bienheureuse eternité.

  A009000618 

 Mais je ne veux ni dois entreprendre ce discours sans avoir jetté le fondement de l'esperance que j'ay de vous dire quelque chose qui vous soit utile et profitable en l'assistance du Saint Esprit, par l'intercession de la Sainte Vierge, luy presentant le Salut angelique..

  A009000620 

 Comme au contraire, si nous croyons que nous sommes sains, robustes et gaillars, c'est alors que nous sommes plus mal et en plus grand danger; car ceux qui sont malades et ne croyent pas l'estre, ne veulent point suivre les ordonnances du medecin ni prendre aucun medicament, pensans qu'ils n'en ont pas besoin, et partant ils ne guerissent point, ains viennent à mourir.

  A009000620 

 Mais ceux qui croyent estre malades se sousmettent volontiers aux commandemens du medecin et à prendre tous les remedes qu'on juge leur estre propres pour les guerir, tellement qu'ils sont plus facilement remis en parfaite santé..

  A009000621 

 Ceux qui sont menacés d'apoplexie pensent estre pleins de santé, quoy qu'ils ayent la mort à la gorge, de sorte qu'ils ne veulent point de medecin; neanmoins ils meurent apoplectiques.

  A009000621 

 Il y a deux sortes de malades: les uns sont malades à la mort, et les autres sont malades d'une maladie langoureuse et traisnante; car on voit des personnes presque tousjours incommodées, elles ont tousjours quelque fer qui loche, mais pourtant il n'y a rien à craindre qu'elles fassent sonner les cloches.

  A009000622 

 La sainte Eglise est une boutique d'apothicaire, toute pleine de medicamens pretieux et salutaires, qui sont les saints Sacremens que nostre Sauveur et Maistre luy a laissés pour nous guerir de nos infirmités.

  A009000622 

 Par le Sacrement de l'Eucharistie nous sommes unis et conjoins à la divine Bonté et recevons la vraye vie de nos ames; car ne sçavez-vous pas que le divin Sauveur a dit: Celuy qui me mange vivra eternellement? En fin il en est de mesme des autres Sacremens qui en une certaine façon nous lavent tous de nos iniquités..

  A009000623 

 Mais ceux qui ne s'en approchent qu'une fois l'année, au temps de Pasque, par maniere d'acquit et pour eviter le blasme, qu'ils ne pensent pas en rapporter aucun fruit..

  A009000624 

 Il y a aussi d'autres ames qui servent Dieu si langoureusement et negligemment que c'est pitié; elles tombent [219] à tout propos en des imperfections et n'ont point de courage pour s'en relever.

  A009000624 

 Ne voyez-vous pas le grand Apostre saint Paul, tout ravi qu'il avoit esté jusqu'au troisiesme Ciel, confesser qu'il est infirme et malade de corps et d'esprit? Oyez-le s'escrier: Qui me delivrera du corps de cette mortalité? Que veut-il signifier de grace, sinon: Qui me delivrera de mes maladies et infirmités?.

  A009000624 

 Nous devrions avoir honte d'estre si lasches à ce qui est de nostre devoir.

  A009000624 

 Si ces anciens Peres, qui, à ce que rapporte Philon le Juif, estoyent si fervens et zelés au service de leur Createur et à travailler pour l'aggrandissement de sa gloire, s'ils venoyent maintenant parmi nous, ils seroyent honteux de voir que nous appellans Chrestiens nous le sommes si peu.

  A009000626 

 Elles le sont, de vray; mais il en est de Nostre Seigneur comme d'Assuerus qui avoit un grand nombre de damoyselles en sa mayson, lesquelles estoyent toutes ses espouses; neanmoins il y en avoit une particulierement destinée au lit royal, et quand il failloit qu'elle comparust devant le roy, on la lavoit, parfumoit et ornoit d'habits fort pretieux, à fin qu'elle fust trouvée aggreable à ses yeux.

  A009000626 

 Elles sont en fin cette unique; c'est pourquoy il faut qu'elles taschent de se laver, nettoyer et purifier, voire des moindres defauts qui les peuvent rendre desaggreables à leur divin Espoux à fin de paroistre devant luy toutes belles, toutes pures, candides et ornées des vertus qui sont plus à son gré..

  A009000626 

 Le grand saint Paul escrivant aux Corinthiens leur dit: J'ay une sainte jalousie pour vos ames qui sont espouses de Jesus [220] Christ; nuit et jour je suis consumé d'ardeur et de desir de vous rendre purs et nets, sans aucune macule devant ses yeux.

  A009000627 

 Mais les ames religieuses ont mille fois plus de facilité parce que leur amour n'est point partagé; elles le logent tout en leur celeste Espoux, qui est l'unique objet de leurs affections et pretentions, auquel elles se sont entierement dediées et consacrées pour estre siennes à toute eternité, sans reserve ni exception; elles n'ont autre desir que de l'aymer et de luy plaire et taschent d'aneantir leur amour propre pour faire vivre et regner l'amour de Dieu, car ces deux amours ne peuvent compatir ensemble.

  A009000627 

 Vous sçavez que deux roys ne peuvent subsister ensemble en un mesme royaume; de sorte que nous devons renoncer et aneantir l'amour propre qui nous cause tant de mal, de troubles, d'inquietudes et chagrins, pour laisser posseder nostre cœur au saint amour qui nous comblera de contentement, d'une paix et tranquillité nompareille..

  A009000628 

 Considerez comme ce cher Sauveur de nos ames voyant ce peuple s'escrie: Venez à moy vous tous qui estes chargés de maladies et d'infirmités, venez à moy, et je vous gueriray.

  A009000628 

 Il leur parle donques ainsy, disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés; et ce qui suit..

  A009000628 

 Lors qu'ils furent arrivés au sommet de la montagne il commença à les instruire, nous donnant à entendre qu'il faut que ceux qui veulent enseigner les autres montent premierement à la montagne de la perfection à fin que leurs enseignemens ayent plus d'efficace.

  A009000628 

 Regardons, je vous prie, nostre Sauveur en l'Evangile d'aujourd'huy: il monte sur la montagne avec une grande multitude de peuple qui le suivoit pour estre gueris de leurs maladies, car il sortoit de luy comme une celeste liqueur qui guerissoit; tellement que les uns s'approchoyent pour le voir, d'autres pour l'ouyr parler, d'autres pour toucher le bord de ses vestemens et d'autres pour odorer cette divine odeur à fin d'estre gueris.

  A009000629 

 En fin Nostre Seigneur adjouste: Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, parce qu'ils seront rassasiés..

  A009000629 

 Le monde estime bienheureux ceux qui rient, qui font des festins et qui prennent leurs playsirs; et le [222] Sauveur s'escrie: Bienheureux ceux qui pleurent.

  A009000629 

 Le monde fait grand cas de ceux qui sont vaillans, qui tiennent bien leur courage contre leurs ennemis; et Nostre Seigneur appelle bienheureux les doux et debonnaires.

  A009000630 

 Allez tant que vous voudrez par tout le monde prescher la pauvreté; qui vous entendra? Exaltez tant qu'il vous plaira la sainte humilité; à qui, je vous prie, la persuaderez-vous? Criez et recriez tant que vous pourrez que bienheureux sont les pauvres; personne ne le veut estre pour tout cela, sinon ceux à qui le Saint Esprit a donné le don de sapience, par lequel il fait gouster à leurs ames la douceur qu'il y a au service de Dieu et en la prattique des vertus.

  A009000632 

 Helas! je considere la fidelité que nous avons tous jurée à la divine Majesté aux saints fonts du Baptesme et comme il s'en trouve peu qui la gardent! Voyez, je vous prie, ces deux Saints dont nous celebrons aujourd'huy la feste, saint Cosme et saint Damien, lesquels subirent tant de tourmens et aymerent mieux mourir que de fausser la foy et loyauté deuë à leur Createur, disant un petit ouy.

  A009000633 

 L'humilité est une petite vertu et la moindre de toutes en apparence, qui, de sa condition et nature, penche tousjours en bas parce qu'elle se cache et aneantit au fond de la terre et du neant; la charité c'est la premiere, la plus excellente et la plus relevée, car elle embrasse Dieu, et neanmoins elle se veut unir à l'humilité avec laquelle elle est mariée..

  A009000633 

 L'humilité nous est tellement necessaire, que sans icelle nous ne pouvons estre aggreables à Dieu ni avoir aucune autre vertu, pas mesme la charité qui perfectionne tout, car elle est si conjointe à l'humilité que ces deux vertus ne peuvent estre separées; elles ont une si grande sympathie ensemble que l'une ne va point sans l'autre.

  A009000633 

 Que pensez-vous que ce soit, la pauvreté d'esprit? Ce n'est autre chose que la tres sainte humilité, parce que la richesse d'esprit c'est la vanité, l'orgueil et presomption qui font que nous nous enflons et estimons estre riches, quoy qu'à la verité nous soyons tres pauvres.

  A009000633 

 Si vous me dites que vous avez la charité et que vous n'avez pas l'humilité, je vous respondray que vous mentez; si vous [224] asseurez que vous avez l'humilité et que vous n'avez pas la charité, vous ne dites rien qui vaille.

  A009000634 

 (Il y a des pauvres qui ne sont pas miserables parce qu'ils sont sains, forts et gaillars, de sorte qu'ils peuvent gaigner leur vie.).

  A009000634 

 Regardez cet Evesque de l'Apocalypse qui disoit en soy mesme: Je suis riche et sçavant, je suis eloquent, je suis eslevé en dignité.

  A009000634 

 Voyla qui est bon; mais pourquoy encores est-elle si sainte? Parce qu'elle jette tant de larmes en l'oraison.

  A009000635 

 Si vous pensiez avoir la charité sans l'humilité vous vous tromperiez, car ce seroit faire comme celuy qui voudroit poser le couvert d'une mayson sans avoir auparavant fait le fondement et les murs; il seroit certes un grand sot.

  A009000636 

 C'est cette humilité qui a fait enfuir du monde ces ames religieuses pour s'aller cacher en la sainte Religion.

  A009000636 

 Il y en a encores plusieurs qui se croyent miserables, imparfaites, viles et abjectes, mais celles qui veulent estre traittées pour telles sont rares.

  A009000636 

 Non seulement elle se reconnoist pour telle en soy mesme, mais ce qui est plus parfait, elle veut, desire et se resjouit que tout le monde la regarde et traitte pour telle.

  A009000636 

 Voyant qu'elles n'estoyent rien qui vaille et qu'elles ne meritoyent pas que le monde les regardast, elles se sont retirées pour estre estimées de luy viles et abjectes..

  A009000637 

 Ainsy, à l'imitation de ce vaysseau d'election, ces ames religieuses ont reputé tout ce qui estoit au monde fange et ordure, car elles ont tout quitté: leurs parens, leurs richesses et les contentemens qu'elles pouvoyent esperer, pour se retirer dans le monastere à fin de gaigner Nostre Seigneur et sa bonne grace en s'adonnant à la prattique de la sainte humilité, par laquelle elles se rendront dignes de recevoir les faveurs de leur divin Espoux..

  A009000637 

 Ne sçavez-vous pas que le grand saint Paul dit que luy et les autres Apostres, parce qu'ils servoyent leur Maistre et mesprisoyent le monde, estoyent reputés des mondains comme les excremens du monde, les balayeures et peleures des pommes, qui sont des choses si viles et que l'on jette là? Voyez comme il parle, ce divin [226] Apostre: J'ay reputé toutes choses fange et ordure pour gaigner Jesus Christ et sa bonne grace.

  A009000638 

 Lors que quelque personne de qualité entre en une mayson honnorable, les damoyselles qui y sont se vont cacher l'une deçà, l'autre delà, parce qu'elles ne sont pas parées selon leur desir; ainsy ces ames religieuses s'enfuyent en la Religion, de peur qu'on ne les voye, parce qu'elles pensent n'avoir rien qui merite qu'on les regarde et qu'on tienne compte d'elles.

  A009000640 

 Et pourquoy pensez-vous que l'humilité n'y est pas? C'est parce que cette infortunée parolle tien et mien n'en est pas bannie; car dès que la communauté et pauvreté n'est pas observée, la presomption et superbe y entre aussi tost, d'autant qu'il n'y a rien qui nous enfle tant que les richesses, par lesquelles nous avons dequoy dire tien et mien.

  A009000640 

 La sainte pauvreté sert grandement pour nourrir et conserver l'humilité, parce qu'il n'y a rien qui nous humilie et abaisse tant que d'estre pauvre, de sorte que l'humilité est tenue fort à couvert par le moyen de la pauvreté et communauté..

  A009000641 

 Il ne se trouve presque personne qui veuille estre pauvre, c'est pourquoy il y en a si peu qui soyent humbles..

  A009000644 

 Si nous touchons son chef, nous trouverons sa teste couronnée d'espines poignantes, qui sont entrées dans icelle et en font sortir et ruisseler abondance de sang qui descoule au long de son divin visage.

  A009000649 

 A quoy il respondit: Bienheureux sont ceux qui oyent, qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000649 

 L'Evangile que la sainte Eglise nous propose en la feste d'aujourd'huy est composé de deux parties qui tendent toutes deux à la louange de la tres sainte Vierge, de laquelle nous celebrons la Presentation au Temple.

  A009000649 

 La premiere est que Nostre Seigneur preschant, une femme se prit à crier tout haut, luy parlant en cette sorte: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées.

  A009000650 

 C'est un honneur tres grand sans doute de m'avoir porté dans son ventre et nourri du lait descoulant de ses mammelles, moy qui suis la pasture des Anges et des hommes là haut en la gloire celeste; cependant cela n'a pas esté le fondement de sa beatitude, ains d'avoir tousjours esté obeissante à la volonté de mon Pere.

  A009000650 

 Mais comme si le Sauveur eust voulu encherir et non pas diminuer la louange que l'on rendoit à sa tres sainte [231] Mere, il poursuit le cantique d'honneur qui estoit entonné par sainte Marcelle à la faveur de Nostre Dame, disant: Il est vray, mais plus heureuse encores est-elle d'avoir escouté la parole de mon Pere et de l'avoir gardée.

  A009000651 

 Et quant aux hommes, qui peut estre homme et ignorer qu'il ne soit changeant et variable? L'experience s'en fait tous les jours en nous mesme.

  A009000651 

 Quel est celuy qui soit tousjours d'une mesme humeur? A cette heure nous voulons une chose, tantost nous ne la voudrons plus, mais nous en desirerons une autre; dans peu de temps nous sommes joyeux et puis tristes, en somme ce n'est qu'un perpetuel changement.

  A009000654 

 Elle venoit avec un cœur nompareil se donner à Dieu sans reserve, et semble que si elle eust osé, elle eust dit volontiers aux bonnes dames qui eslevoyent ces filles qu'on dedioit au Seigneur dans le Temple: Me voyci entre vos mains comme une boule de cire, faites de moy tout ce que vous voudrez, je ne feray nulle resistance.

  A009000655 

 Au commencement de sa Passion il monstra sa toute puissance lors que, comme lion de la tribu de Juda, il se prit à rugir cette parole: Ego sum, c'est moy, quand les Juifs le cherchant, il leur demanda: Qui cherchez-vous? Ils luy respondirent: Jesus de Nazareth.

  A009000655 

 Elle commença dès lors à imiter son Fils qui devoit estre si sousmis à la volonté d'un chacun, que si bien il estoit à son pouvoir de resister à tous, il ne le voulut pourtant jamais faire.

  A009000656 

 Mais qu'est-ce, je vous prie, que nous donner tout à Dieu? C'est ne se reserver aucune chose qui ne soit pour Dieu, non pas mesme une seule de nos affections ou de nos desirs.

  A009000656 

 Qui donne tout ne se reserve rien.

  A009000657 

 Car, helas! ne sçavons-nous pas que tout ce qui est remis entre ses mains divines est converti en bien? Ton cœur est-il de terre, de boue ou de fange, ne crains point de le remettre entre les mains de Dieu; quand il crea Adam il prit bien un peu de terre et puis il en fit une ame vivante.

  A009000657 

 Mais, me dira-t-on, comment cela se peut-il faire que je donne à Dieu mon cœur qui est tout plein de pechés et d'imperfections? comment pourroit-il luy estre aggreable, puisqu'il est tout rempli de desobeissances à ses volontés? Hé, pauvre homme, de quoy te fasches-tu? pourquoy refuses-tu de le luy donner tel qu'il est? N'entens-tu pas qu'il ne dit point: Donne-moy un cœur pur comme celuy des Anges ou de Nostre Dame, mais: Donne-moy ton cœur? C'est le tien propre qu'il demande; donne-le tel qu'il est.

  A009000659 

 Nostre Dame fait aujourd'huy une offrande telle que Dieu desirait, car outre la dignité de sa personne qui surpasse toutes les autres apres son Fils, elle offre tout ce qu'elle est et tout ce qu'elle a; et c'est ce que Dieu demande.

  A009000659 

 Oh que bien heureux sommes-nous donques nous autres, qui, par le moyen des vœux que nous avons faits, luy avons tout dedié, et nos corps et nos cœurs et nos moyens, renonçant aux richesses par le vœu de pauvreté, aux playsirs de la chair par celuy de chasteté, et à nostre propre volonté par celuy d'obeissance.

  A009000659 

 Prenons garde qu'il ne peut pas estre trompé; si nous disons que nous voulons tout donner, faisons-le absolument, sous peine d'estre chastiés comme Ananie et sa femme Saphire qui mentirent au Saint Esprit..

  A009000661 

 Car, je vous prie, qui est celuy qui au jour solemnel de Pasques ne se renouvelle tout entier par des saintes affections et resolutions de mieux faire, voyant Nostre Seigneur tout renouvellé en sa Resurrection? Qui est le Chrestien qui ne renouvelle point son cœur au jour de la Pentecoste, où il considere que Dieu envoye du Ciel un nouvel esprit sur ceux qui l'ayment, et au jour de la Toussaint où la sainte Eglise nous represente la gloire et felicité des Esprits bienheureux, apres laquelle nous souspirons et pour laquelle nous esperons? En fin, qui peut estre de si petit courage qu'il ne s'efforce de se renouveller au jour de Noël, où l'on voit le Sauveur de nos ames fait petit enfant tant aymable qui vient pour nous racheter?.

  A009000661 

 Les Israëlites, qui estoyent le peuple de Dieu, faisoyent leur renouvellement à chaque nouvelle lune, et pour y inviter un chacun, ils celebroyent des festes solemnelles, sonnant les trompettes pour resveiller l'esprit, non en des fanfares ou choses vaines, ains apres les choses eternelles.

  A009000662 

 Et comme le pourrions-nous mieux faire que par des reconfirmations du dessein que nous avons et du choix que nous en avons fait? Vous avez donques, mes cheres ames, mis aujourd'huy un clou à vostre vocation par le renouvellement de vos vœux en presence de la divine Majesté, qui demande cela de vous en reconnoissance du don sacré qu'elle vous a fait à mesme temps d'elle mesme..

  A009000662 

 Mais outre toutes ces festes, ç'a esté la coustume de tous ceux qui se sont plus specialement dediés à Dieu, comme les Religieux et Religieuses, de prendre un jour particulier pour reconfirmer leurs vœux à fin de mieux [237] obeir au grand Apostre qui nous conseille de bien affermir nostre vocation.

  A009000663 

 Adjoustons neanmoins encores ce mot, qui est qu'elle fut obeissante à la divine Majesté, non seulement à ses commandemens, ains à ses volontés et à ses inspirations; et c'est en quoy il faut que nous prenions garde, mes cheres ames, de l'imiter au plus pres qu'il nous sera possible.

  A009000663 

 Ce que je dis parce qu'il s'en trouve fort peu qui le fassent fidellement, et beaucoup qui protestent le vouloir faire.

  A009000663 

 Et de cette parole du Sauveur: Bienheureux sont les debonnaires, qui est-ce qui en tient compte? Je viens du monde, et je vous puis asseurer qu'il s'en trouve bien peu qui la pratiquent.

  A009000663 

 Il y en a moins encores qui veulent croire à cette [238] parole: Bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice..

  A009000663 

 Mais escoutez Nostre Seigneur qui dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; et cependant il s'en trouve si peu qui ne veuillent estre riches! Moy je ne me soucie point d'estre riche, mais j'ayme la pauvreté.

  A009000663 

 O Dieu, si vous voulez estre redouté vous ne serez pas humble, car il n'y a rien qui soit plus contraire à l'humilité.

  A009000663 

 Prenez garde que nostre divin Maistre ne voulut estre redouté qu'une fois en sa vie, ainsy que je l'ay desja touché, quand il dit à ceux qui le voulurent prendre au jardin des Olives: C'est moy.

  A009000663 

 Quand on leur presche la douceur, parce que Nostre Seigneur a dit: Apprenez de moy que je suis doux et humble de cœur, il y en a peu qui ne respondent: Mais ceux qui sont doux ne se font pas assez craindre.

  A009000664 

 Vous sçavez que le Sauveur preschant un jour dans le Temple les parolles de la vie eternelle, Nostre Dame estant à la porte, quelqu'un luy vint dire que sa Mere et ses freres le demandoyent (car il y avoit encores quelques uns de ses parens qu'il appelloit ses freres); à quoy il respondit: Qui est ma mere et qui sont mes freres? Ce sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est au Ciel .......................................................

  A009000671 

 Nostre Seigneur ayant enseigné à ses Apostres la perfection de la loy evangelique, disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, bienheureux les debonnaires, bienheureux ceux qui pleurent, et la suite, il adjousta: Vous estes le sel de la terre; ce que l'on attribue non seulement aux Apostres, mais aussi à tous leurs successeurs, tel que fut le grand saint Ambroise duquel la sainte Eglise celebre aujourd'huy la feste.

  A009000672 

 La premiere est que le sel est composé de feu, et si neanmoins il esteint le feu; la seconde, qu'il donne goust et saveur [240] à la viande; et la troisiesme, qu'il preserve de corruption et putrefaction la chair, le poisson et autres choses qui ne peuvent estre bonnement gardées sans estre salées.

  A009000673 

 C'est de ce feu dont Nostre Seigneur parloit lors qu'il dit: J'ay apporté le feu du Ciel en terre, et que veux-je sinon qu'il brusle? O Dieu, quelle grace d'estre touché de ce feu tres beni, car jamais plus on ne se plaist ès ardeurs qui luy sont contraires..

  A009000673 

 Car qui ne voit que non seulement ils ont esté touchés, mais esclairés et enflammés du feu du Saint Esprit, en sorte qu'ils n'ont autre attention que d'exterminer et aneantir l'amour charnel et perissable? Qu'est-ce, je vous supplie, qui auroit peu esteindre le feu de la convoitise des richesses ou des honneurs, que les Religieux et Religieuses renoncent pour jamais en faisant le vœu de pauvreté, s'ils n'eussent esté touchés de cette flamme sacrée et tres aymable de l'amour de Dieu, qui les a tirés d'entre le peuple pour les mettre ès lieux où plus à souhait ils peussent monstrer les effects de son infinie misericorde exercée en leur endroit? O Dieu, qu'ils sont heureux d'avoir donné entrée à ce feu celeste! car tout ainsy que le feu du ciel esteint celuy de la terre, de mesme le feu sacré exterminera et consommera celuy de la concupiscence qui regne et domine en nostre chair.

  A009000674 

 La seconde proprieté du sel c'est qu'il donne goust et saveur aux viandes lesquelles sans iceluy ne sont pas propres à nostre manger, ains meritent plustost d'estre abhorrées et rejettées; car elles sont insipides, sans goust et bonnes plustost à mortifier qu'à consoler et contenter le goust de celuy qui les mange.

  A009000674 

 Or, ce sel qui assaisonne tout ce que nous faisons, c'est la sagesse et discretion.

  A009000674 

 Quelle plus grande sagesse, je vous supplie, que celle des Religieux qui connoissans leur foiblesse pour demeurer dans le monde, emmi les continuelles occasions de se perdre, s'en retirent pour plus à souhait servir Dieu fidellement? Ils ont esté touchés de ce feu du Saint Esprit lequel leur a fait connoistre, par un petit rayon de sa lumiere, qu'ils ont plusieurs maladies spirituelles auxquelles il faut remedier pour ne point tomber au peril de la mort eternelle..

  A009000675 

 Ces bigearreries, ces propres volontés qui ne se veulent point sousmettre, ces jugemens particuliers, ces intentions impures qui ruinent et gastent toutes nos meilleures actions, ces laschetés et cette negligence d'esprit qui n'a point de cœur pour la pretention de la perfection, [242] qu'est-ce autre chose que des maladies contractées par nostre ame en la communication que nous avons eue avec le peché?.

  A009000675 

 L'Eglise n'est autre chose qu'un hospital où il y a plusieurs sortes d'infirmeries pleines de malades; car les pecheurs ne sont-ce paà des malades? Mais comme aux hospitaux il y a tousjours quelque infirmerie ou chambre pour les convalescens, de mesme les Religions sont destinées aux ames relevées qui desirent grandement de se rendre quittes des maladies qu'elles ont apportées du monde et que Nostre Seigneur par sa grace leur a fait connoistre.

  A009000675 

 Les Religieux ont esté appellés d'un nom grec qui a deux significations, dont l'une vaut autant à dire que remediateur, medecin, remede et medecine.

  A009000676 

 C'est en cette façon que tous peuvent estre appellés et estre par consequent dignes successeurs des Apostres; car si bien tous ne preschent pas et n'administrent pas les Sacremens, qui sont les remedes dont se sert la sainte Eglise pour la guerison de ses malades, tous neanmoins peuvent et doivent prescher d'exemple; et cette predication ne sera peut estre pas moins utile que l'autre.

  A009000676 

 Et comme les medecins jugent que le repos et la tranquillité aydent beaucoup à recouvrer plus promptement la santé, de mesme les Religieux se retirent au port de la tranquillité qui est la Religion, pour plus aysement acquerir la santé de leurs ames qui est la sainteté..

  A009000677 

 L'autre explication ou signification du nom qu'on leur a donné est cultivateur, qui est autant à dire que laboureur.

  A009000678 

 Ils estiment estre sages de conserver ou d'acquerir leur liberté, d'estre maistres de leur volonté; et qui a plus de cette miserable liberté est consideré comme le plus sage et le plus heureux.

  A009000679 

 Les Religieux ayans esté esclairés par le Saint Esprit constituent toute leur sagesse en la tres sainte sousmission, sujetion, humilité et mespris d'eux mesmes, car ils ont fort bien consideré que c'est l'abus de leur liberté qui a fait [244] descendre les Anges du Ciel et les a precipités en l'abisme de l'enfer, où ils seront eternellement esclaves de ses peines eternelles..

  A009000679 

 Mais, o Dieu, que leur folie est grande de se vouloir gouverner eux mesmes! Escoutez le grand saint Bernard qui demande à l'un de ceux cy: Dis-moy, je te prie, qui est ton maistre? Je le suis moy mesme.

  A009000680 

 Escoutez le Prophete, lequel introduisant les mondains dit qu'ils ont secoué leur joug, et ayans rompu les liens de charité se sont pris à dire: Qui est nostre maistre? se voulans ainsy gouverner eux mesmes, et protestans: Nous ne servirons pas; c'est à sçavoir, nous ne dependrons de personne sinon de nostre propre volonté, et par ainsy nous jouirons de nostre liberté.

  A009000680 

 Mais, o Dieu, qu'est-ce qui suit cette liberté? non autre certes qu'un eternel esclavage apres cette vie mortelle, qui est de si peu de durée au prix de l'eternelle..

  A009000680 

 Qu'est-ce, je vous prie, qui precipita nostre mere Eve, et apres elle nostre premier pere Adam, dans le gouffre du peché, sinon le desir de faire leur propre volonté et jouir de leur independance? Vous sçavez ce qui leur en arriva, et à nous apres eux.

  A009000681 

 Je le remarque en ce qu'on en trouve qui ne sont pas contens s'ils ne disent une grande quantité d'oraisons devant la Messe et apres, et cependant voyez les durant le temps qu'on la dit, ils s'amusent bien souvent à causer et à se distraire.

  A009000681 

 La folie des mondains fait d'autant plus connoistre et estimer la sagesse de ceux qui renoncent à leur propre liberté et s'assujettissent volontairement pour jamais.

  A009000681 

 Mais quel est ce sel qui donne goust et saveur à toutes nos actions et sans lequel elles ne sçauroyent meriter que Nostre Seigneur les trouve bonnes ni aggreables à sa bonté? C'est la sainte obeissance qui les rend aussi meritoires de la vie eternelle; ouy, mesme une action qui de soy n'est nullement bonne et de nul merite, si elle est faite par obeissance elle devient bonne, et les indifferentes sont rendues meritoires et aggreables à Dieu.

  A009000681 

 Pourtant ils sçavent [245] bien que ce temps là est principalement donné pour la priere et pour rendre graces à Nostre Seigneur des mysteres qui y sont representés..

  A009000682 

 Et quant aux prieres, ils s'y rendent fidelles aux heures marquées, pour les faire avec la perfection qui leur est enseignée.

  A009000682 

 O qu'ils sont heureux ceux cy parce qu'ils ne font rien qui ne soit aggreable à Dieu! Vous estes le sel de la terre; c'est à dire vous assaisonnez les actions mesme terrestres, et par ce moyen vous les rendez celestes..

  A009000682 

 Or les Religieux et ceux qui vivent vertueusement et sagement dans le monde n'agissent pas de la sorte, car ils ne font chose quelconque que par obeissance.

  A009000683 

 C'est pourquoy il est fort à propos de nous lier et engager à la poursuite des biens eternels par le moyen du vœu que nous faisons de l'obeissance à la volonté de Dieu qui nous est signifiée par ses commandemens, ses conseils, nos Regles et les ordonnances des Superieurs..

  A009000683 

 Ce qu'ayant fort bien consideré, ces filles qui se viennent offrir à Nostre Seigneur en sacrifice tres aymable ont fait dessein de renoncer à leur propre liberté; ne s'estimans pas assez sages pour se conduire elles mesmes, elles se viennent abandonner entre les bras de la sainte obeissance pour demeurer à jamais sujettes et sousmises à la volonté de Dieu et de leurs Superieurs.

  A009000685 

 La droite intention est ce qui rend nos œuvres meritoires de la vie eternelle, et, comme nous avons desja dit, les œuvres indifferentes, voire mesme [247] les necessaires pour la conservation de nostre vie, sont meritoires et fort aggreables à Nostre Seigneur..

  A009000685 

 O Dieu, si nous autres qui sommes drdiés au service de la divine Bonté faisions la centiesme partie des choses que les courtisans des rois et des princes font pour eux, indubitablement nous serions tous saints.

  A009000686 

 C'est cette droite intention qui amene icy ces filles pour se sacrifier à Nostre Seigneur par la resolution inviolable d'estre toutes à Dieu; elles ne se contentent pas d'observer ses commandemens, car elles ont esté touchées de cet amour du Saint Esprit qui fait qu'elles ne veulent pas seulement s'unir à Dieu par la prattique d'iceux comme le reste des Chrestiens, mais, par une pretention plus genereuse et amoureuse, elles se viennent obliger à l'observance de ses conseils et de ses volontés, pour estre tant soit peu plus unies au Ciel avec sa divine Bonté..

  A009000686 

 Ces actions sont aussi infiniment aggreables à la divine Majesté et au Sauveur mesme qui s'est voulu rendre nostre Maistre, en nous enseignant cette prattique excellente du delaissement de nous mesmes pour nous sousmettre à autruy, et se rendant obeissant pour nous à son Pere celeste jusques à la mort de la croix.

  A009000688 

 Oh que vostre pretention est masle et genereuse, et qu'elle vous rendra grandement aggreables à la mesme Vierge, qui sera vostre protectrice pourveu que vous luy soyez fidelles.

  A009000693 

 Ils signifioyent ainsy que l'homme de bien et vertueux a non seulement une langue pour dire beaucoup de bonnes choses, mais que cette langue estant appliquée sur son cœur, il ne parle sinon à mesure que son cœur le veut, c'est à sçavoir, il ne dit sinon des paroles qui procedent premierement de son cœur, qui le porte quant et quant à l'operation et aux effects de ses paroles.

  A009000693 

 Pour le mesme sujet, les quatre-animaux n'avoyent pas seulement des aisles pour voler, mais aussi des mains au dessous d'icelles, à fin de nous donner à entendre que nous [250] ne nous devons pas contenter d'avoir des aisles pour voler au Ciel par des saints desirs et speculations, si avec cela nous n'avons des mains qui nous portent aux œuvres et à la prattique de nos desirs, estant chose asseurée que les seuls bons propos et saintes resolutions ne nous conduiront point en Paradis, s'ils ne sont accompagnés des effects conformes à iceux..

  A009000694 

 La premiere consideration est sur l'exemple d'une profonde et veritable humilité que nostre divin Sauveur et la glorieuse Vierge nous donnent; la seconde, sur l'obeissance qui est entée sur l'humilité; et en troisiesme lieu, sur la methode excellente qu'ils nous enseignent pour bien faire l'oraison..

  A009000694 

 Neanmoins, parce qu'il devoit estre mis devant nos yeux comme un souverain et incomparable patron auquel nous nous devions conformer en toutes choses, autant que la foiblesse de nostre nature le peut permettre, il voulut observer la Loy et s'y assujettir, et sa tres benite Mere à son exemple, ainsy que nous voyons en l'Evangile d'aujourd'huy, qui nous propose la purification de Nostre Dame et la presentation de Nostre Seigneur au Temple.

  A009000696 

 C'est la plus grande de toutes les vertus purement morales, car je n'entens pas parler de l'amour de Dieu et de la charité, celle-cy n'estant pas seulement une vertu particuliere ains une vertu generale qui se respand sur toutes les autres, et dont elles tirent leur splendeur.

  A009000696 

 O Dieu, quelle grandeur de Nostre Seigneur et de Nostre Dame qui est sa Mere! Que c'est une consideration belle, et la plus utile et profitable que nous sceussions faire que celle cy, de l'humilité que le Sauveur a si cherement aymée! Il semble qu'elle ait esté sa bien aymée et qu'il ne soit descendu du Ciel pour venir en terre que pour l'amour d'elle.

  A009000696 

 Plus la dignité des personnes qui s'humilient est grande, plus aussi l'acte d'humilité qu'elles font est estimable.

  A009000697 

 Or, il a vrayement donné sa vie pour cette vertu, car il a fait en mourant le plus excellent et le plus souverain acte d'humilité qui se puisse jamais imaginer.

  A009000698 

 Il ne se faut pas amuser à la prattique d'une certaine humilité de contenances et parolles, qui consiste à dire que nous ne sommes rien et à faire tant de reverences et d'humiliations exterieures que vous voudrez, et que sçay-je moy, choses semblables qui ne sont rien moins que l'humilité mesme.

  A009000698 

 Or, celle-cy pour estre bonne, doit non seulement nous faire connoistre, mais reconnoistre pour des vrays neants qui ne meritons pas de vivre; elle nous rend souples, maniables et sousmis à un chacun, observant par ce moyen ce precepte du Sauveur qui nous ordonne de renoncer à nous mesmes si nous le voulons suivre..

  A009000699 

 Il y en a plusieurs qui se trompent grandement en ce qu'ils pensent que l'humilité ne soit propre à pratiquer [253] que par les novices et commençans, et que dès qu'ils ont fait un peu de chemin en la voye de Dieu ils se peuvent bien relascher en cette prattique.

  A009000699 

 Nostre Seigneur n'a pas dit: Celuy qui commencera, ains celuy qui perseverera en humilité sera sauvé..

  A009000699 

 O que la perseverance est grandement requise en ce sujet, car combien en a-t-on veu qui ayans fort bien commencé en la prattique de l'humilité se sont perdus faute de perseverance.

  A009000700 

 C'est une parole des philosophes, mais qui a esté approuvée pour bonne par les docteurs chrestiens: «Connois-toy toy mesme,» c'est à dire, connois l'excellence de ton ame à fin de ne la point avilir ni mespriser.

  A009000700 

 Cependant il faut tousjours demeurer dans les termes et limites d'une sainte et amoureuse reconnoissance envers Dieu de qui nous dependons et qui nous a faits ce que nous sommes..

  A009000700 

 Qu'est-ce qui fit pecher les Anges sinon le defaut d'humilité? car si bien leur peché fut une desobeissance, neanmoins, pour prendre toutes choses en leur origine, ce fut l'orgueil qui les fit desobeir.

  A009000701 

 Nos premiers peres et tous les autres qui ont peché ont presque tous esté esmeus à ce faire par l'orgueil.

  A009000701 

 Nostre Seigneur, comme un bon et amoureux medecin de nos ames, prend le mal en sa racine, et au lieu de [254] l'orgueil il vient premierement planter la belle et utile plante de la tres sainte humilité, vertu qui est d'autant plus necessaire que son vice contraire est plus general entre tous les hommes.

  A009000701 

 Quelle humilité Judas ne tesmoigna-t-il pas vivant en la compagnie de Nostre Seigneur? et cependant, voyez quel orgueil il avoit en mourant; ne se voulant point humilier et faire les actes de penitence qui presupposent une tres grande et bonne humilité, il desespere d'obtenir le pardon.

  A009000702 

 De mesme ce n'est pas grand chose de nous voir [255] abaisser et humilier nous autres qui ne sommes que des neants et qui ne meritons que l'abjection et l'aneantissement; mais nostre cher Sauveur et la sacrée Vierge qui sont comme des geants d'une grandeur et hauteur incomparable, leurs humiliations sont d'un prix inestimable.

  A009000702 

 Et à cette intention, Nostre Seigneur et Nostre Dame viennent aujourd'huy prendre la marque des pecheurs, eux qui ne le pouvoyent estre, et s'assujettir à la Loy qui n'estoit point faitte ni pour l'un ni pour l'autre.

  A009000702 

 Les chats, les rats et autres telles bestes qui ont presque le ventre rampant sur la terre n'ont pas grande difficulté de se relever quand ils sont une fois cheus ou affaissés; mais les elephans, quand ils sont une fois baissés ou tombés, ils ont une tres grande peine et difficulté à se relever et se remettre sur pied.

  A009000702 

 Mais nous autres miserables qui, comme des rats, des chats et autres tels animaux, ne faisons que ramper et nous traisner sur la terre, dès que nous nous sommes abaissés ou humiliés en quelques legeres occurrences, nous nous relevons tout incontinent, faisons les hautains et recherchons d'estre estimés quelque chose de bon..

  A009000703 

 Aussi est-elle la base et le fondement de tout l'edifice de nostre perfection, lequel ne peut subsister ni s'eslever que par le moyen de la prattique d'une profonde, sincere et veritable reconnoissance de nostre petitesse et imbecillité, qui nous porte à un vray aneantissement et mespris de nous mesmes..

  A009000703 

 Donc, pour conclusion de ce premier point (car il faut estre court, d'autant que le sujet se presente fort souvent), nous sommes enseignés par nostre divin Maistre de l'estime que nous devons faire [256] de la tres sainte humilité qui a tousjours esté sa bien cherie.

  A009000704 

 Nostre Seigneur mourut sur la croix par obeissance; et Nostre Dame, quels actes signalés n'en fit-elle pas à l'heure mesme de la mort de son Fils qui estoit le cœur de ses entrailles? car elle ne resista nullement à la volonté du Pere celeste, ains demeura ferme et constante au pied de la croix et pleinement sousmise au divin bon playsir.

  A009000704 

 Nous pouvons, ainsy que nous l'avons fait pour l'humilité, dire les mesmes paroles de saint Paul: Nostre Seigneur s'est fait obeissant jusques à la mort, et à la mort de la croix; il ne fit jamais rien que par obeissance tout le temps de sa vie, ce qu'il nous manifeste luy mesme quand il dit: Je ne suis point venu pour faire ma volonté, ains celle de Celuy qui m'a envoyé.

  A009000704 

 Passons au second point, et disons que nostre divin Sauveur et sa tres benite Mere ont tousjours accompagné leur humilité d'une parfaite obeissance; obeissance qui eut tant de puissance sur l'un et sur l'autre qu'ils ont plus aymé mourir, et de la mort de la croix, que de manquer d'obeir.

  A009000705 

 Elle a tellement estimé cette vertu, que si bien elle avoit fait vœu de virginité, neanmoins elle se sousmit au commandement qui luy fut fait de se marier.

  A009000706 

 Elle vient donques aujourd'huy au Temple pour lever tout ombrage aux hommes qui l'auroyent peu considerer, et pour nous monstrer encores que nous ne nous devons pas contenter d'eviter les pechés ains l'ombre des pechés, ne nous arrestans pas non plus à la resolution que nous avons faite de ne point commettre tel ou tel peché, mais fuir mesme les occasions qui nous pourroyent servir de tentation d'y tomber.

  A009000706 

 Nostre Dame et sacrée Maistresse ne craignoit pas de desobeir, parce qu'elle n'estoit nullement obligée à la Loy qui n'estoit point faite pour elle ni pour son Fils, ains elle craignoit l'ombre de la desobeissance; car si elle ne fust pas venue au Temple pour offrir Nostre Seigneur et pour se purifier, quoy qu'elle n'en eust point besoin, estant toute pure, l'on eust peu trouver des gens qui eussent voulu faire l'enqueste de sa vie à fin de sçavoir pourquoy elle ne faisoit pas comme le reste des femmes.

  A009000707 

 O combien cet exemple que Nostre Seigneur et Nostre Dame nous donnent de la tres sainte obeissance nous [258] devroit inciter à nous sousmettre absolument et sans aucune reserve à l'observance de tout ce qui nous est commandé, et ne nous pas contenter de cela, mais observer encores les choses qui nous sont conseillées pour nous rendre plus aggreables à la divine Bonté! Mon Dieu, est-ce si grand chose de nous voir obeir, nous autres qui ne sommes nés que pour servir, puisque le Roy supreme à qui toutes choses doivent estre sujettes s'est bien voulu assujettir à l'obeissance? Recueillons donques cet exemple sacré que nous donnent le Sauveur et la glorieuse Vierge, et apprenons à nous sousmettre, à nous rendre souples, maniables et faciles à tourner à toutes mains par la tres sainte obeissance, et non pas pour un temps ni pour certains actes particuliers, ains pour tousjours, tout le temps de nostre vie jusques à la mort..

  A009000708 

 Je ne dis pas qu'il ne faille se servir des methodes qui sont marquées; mais l'on ne s'y doit pas attacher et les affecter tellement que nous mettions toute nostre confiance en icelles, comme ceux qui pensent que pourveu qu'ils fassent tousjours leurs [259] considerations devant les affections, tout va bien.

  A009000708 

 L'on en voit aucuns qui sont en un grand empressement à fin de rechercher tous les moyens possibles pour trouver un certain art qu'il leur semble necessaire de sçavoir pour la bien faire, et ne cessent jamais de subtiliser et pointiller autour de leur oraison pour voir comme ils la pourront faire ainsy qu'ils desirent.

  A009000708 

 Les uns pensent qu'il ne faille tousser ni se remuer, de crainte que l'Esprit de Dieu ne se retire: folie tres grande, comme si l'Esprit de Dieu estoit si delicat qu'il dependist de la methode ou de la contenance de ceux qui font l'oraison.

  A009000709 

 Il n'y a qu'une seule chose necessaire pour bien faire l'oraison, qui est d'avoir Nostre Seigneur entre nos bras; cela estant, elle est tousjours bien faitte de quelle façon que nous nous y prenions.

  A009000710 

 J'ay dit que l'oraison est «une eslevation en Dieu.» Il est vray, car si bien en allant à Dieu nous rencontrons les Anges ou les Saints en nostre chemin, nous n'eslevons pas nostre esprit à eux ni ne leur addressons pas nos [260] oraisons, comme l'ont voulu dire meschamment les heretiques; ains seulement nous les prions de joindre leurs oraisons aux nostres et en faire une sainte confusion, à fin que par ce sacré meslange les nostres soyent mieux receues de la divine Bonté, qui les a tousjours aggreables si nous menons quant et nous son cher Benjamin, ainsy que firent les enfans de Jacob quand ils allerent voir leur frere Joseph en Egypte.

  A009000711 

 O qu'heureux sont ceux qui vont au Temple disposés pour recevoir cette grace, d'obtenir de cette divine Mere ou de son cher Espoux Nostre Seigneur et Maistre, car l'ayant entre nos bras nous n'avons plus rien à desirer, et pouvons bien chanter ce divin cantique: Laissez maintenant aller vostre serviteur en paix, o mon Dieu, puisque mon ame est pleinement satisfaite, possedant tout ce qui est de plus desirable soit au Ciel soit en la terre..

  A009000712 

 Mais considerons un peu, je vous prie, les conditions necessaires pour obtenir cette faveur de prendre le Sauveur entre nos bras et de le recevoir des mains de Nostre Dame, comme saint Simeon et Anne, cette bonne vefve qui eut le bonheur de se trouver au Temple en [261] ce mesme temps.

  A009000713 

 C'est bien dit; vous ne voulez donques pas ajuster vostre volonté à celle de Dieu qui veut que vous y ayez des secheresses et des sterilités? cela n'est pas estre juste.

  A009000713 

 Helas, ne voyez-vous pas que tout cela n'est pas rendre vostre volonté capable d'estre unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison vous soyez resolue d'y souffrir la peine des continuelles distractions, secheresses et degousts qui vous y surviendront, demeurant aussi contente que si vous y aviez beaucoup de consolations et de tranquillité, puisque c'est une chose certaine que vostre oraison ne sera pas moins aggreable à Dieu, ni à vous moins utile, pour estre faite avec plus de difficultés.

  A009000713 

 Oh! je m'en vay demander à Dieu qu'il me delivre de tant de distractions qui m'y arrivent et qui m'y importunent.

  A009000714 

 Et quand mesme ce ne seroit qu'à l'heure de nostre mort, cela nous doit suffire, pourveu que nous rendions nostre devoir en faisant tousjours ce qui est en nous et en nostre pouvoir.

  A009000714 

 Mais cela ne se pouvant, il faut que nous nous accoustumions à rechercher l'evenement de nostre perfection selon les voyes ordinaires, en tranquillité de cœur, faisant tout ce que nous pouvons pour acquerir les vertus par la fidelité que nous aurons à les pratiquer, un chacun selon nostre condition et vocation; et demeurons en attente pour ce qui regarde de parvenir tost ou tard au but de nostre pretention, laissant cela à la divine Providence, laquelle aura soin de nous consoler, comme saint Simeon, au temps qu'elle a destiné de le faire.

  A009000714 

 O qu'heureux sont ceux qui vivans en attente ne se lassent point d'attendre! Ce que je dis pour plusieurs lesquels ayans le desir de se perfectionner par l'acquisition des vertus les voudroyent avoir toutes d'un coup, comme si la perfection ne consistoit qu'à la desirer.

  A009000715 

 Car, en quel respect et en quelle reverence ne devons nous pas estre en parlant à la divine Majesté, puisque les Anges qui sont si purs tremblent en sa presence? Mais, mon Dieu, je ne puis point avoir ce sentiment de la presence de Dieu qui cause une si grande humiliation de toute l'ame, c'est à dire de toutes les facultés de nostre ame, en fin cette reverence sensible qui me feroit aneantir si doucement et aggreablement devant Dieu.

  A009000715 

 Or, ce n'est pas de celle cy que j'entens parler, ains de celle qui fait que la partie supreme et la pointe de nostre esprit se tient basse et en humilité devant Dieu, en reconnoissance de son infinie grandeur et de nostre profonde petitesse et indignité.

  A009000722 

 Le grand Apostre saint Paul, predicateur de la Croix de Nostre Seigneur, raconte qu'estant allé un jour en la ville d'Athenes il fit de ses yeux le rencontre d'un autel qui avoit pour tiltre: Au Dieu inconneu.

  A009000722 

 O bien aymés et tres chers Atheniens, leur disoit ce grand predicateur de la Croix, ce Dieu que vous ne connoissez point encores et que tout maintenant je vous veux faire connoistre n'est autre que Dieu le Pere tout puissant, qui a envoyé son Fils ça bas en terre pour prendre nostre nature humaine; en icelle, bien qu'il fust Dieu comme son Pere, de mesme nature et essence que luy, ce divin Fils a neanmoins souffert la mort, et la mort de la croix, pour satisfaire à la justice de Dieu son Pere justement indigné contre les hommes en suite du peché de nos premiers parens, peché qui nous eust sans doute causé à tous la mort eternelle.

  A009000723 

 Et moy, mes tres cheres [266] Sœurs, ayant à vous entretenir icy quelque peu de temps, j'ay jetté les yeux de ma consideration sur le tiltre que j'ay veu non au dessus de l'autel des Atheniens, mais au dessus de cet autel incomparable sur lequel nostre Sauveur et Maistre s'est offert pour nous à Dieu son Pere en sacrifice tres aggreable et d'une suavité nompareille, autel qui n'est autre que la Croix, laquelle despuis a tousjours esté honnorée comme tres pretieuse et adorable.

  A009000723 

 Nous ne vous ferons donc pas connoistre, mais nous vous ferons reconnoistre ce Dieu tant aymable qui est mort pour nous..

  A009000724 

 Oh que c'est une chose utile que cette reconnoissance! Car veritablement, au dire de plusieurs, Abraham, Isaac et Jacob eussent eu quelque excuse s'ils n'eussent pas reconneu la divine Majesté, d'autant qu'ils ne l'avoyent pas conneue si clairement que nous, qui sommes hors d'excuse, ayans appris de Dieu mesme ce qu'il est, par la divine bouche de Nostre Seigneur qui est, comme nous avons dit, un mesme Dieu avec son Pere.

  A009000725 

 [267] Luy mesme a semblé nous le vouloir inculquer lors qu'il dit aux femmes qui le suivoyent de ne point pleurer sur luy, ains sur elles mesmes.

  A009000726 

 Ce qui arriva tant en la personne de plusieurs d'entre eux, comme en la conversion des Apostres et des autres disciples qui estoyent leurs enfans.

  A009000726 

 Je reprens donques mon propos et considere le tiltre qui est posé sur le haut de la croix.

  A009000726 

 Qui eust jamais pensé que des paroles si saintes eussent esté prononcées par la miserable bouche d'un si meschant homme qu'estoit Pilate? Pourtant elles furent tres veritables, et Nostre Seigneur les confirma pour telles en sa Passion, ainsy que nous verrons en la suite de nostre discours.

  A009000727 

 Mais que veulent donc signifier ces divines paroles? Premierement, Jesus est autant à dire que Sauveur; deuxiesmement, de Nazareth, ville fleurissante, fleurie; en troisiesme lieu, il est dit que Nostre Seigneur estoit Roy: trois qualités qui luy sont extremement bien deuës..

  A009000728 

 Aussi tost que les Anges eurent peché ils furent en mesme temps confirmés en leur malice par la volontaire election qu'ils firent du mal et de ce qui pouvoit estre desaggreable à Dieu; si que dès lors il n'y eut plus d'esperance pour eux de s'en pouvoir desprendre.

  A009000729 

 Or, Nostre Seigneur possede une vie non commune et petite, mais une vie surabondante, à fin qu'un chacun des hommes y participast et vescust de la mesme vie, qui est celle de la grace, toute parfaite et tout aymable.

  A009000730 

 Il souffre beaucoup plus qu'il ne se peut jamais imaginer, mais pourtant il ne pense point à luy ni à ce qu'il endure; il fait tout au contraire de nous autres qui ne pouvons penser qu'à nostre douleur quand nous en avons, et oublions presque toutes autres choses; ouy mesme un mal de dents nous oste le souvenir de ce qui est autour de nous, tant nous nous aymons nous mesmes et nous sommes attachés à cette miserable chair..

  A009000730 

 Mon Dieu, que ces parolles sont admirables! Considerez, je vous prie, la douceur du cœur de nostre Maistre, et voyez comme la charité recherche des artifices pour parvenir au but de sa pretention qui est la gloire de Dieu et le salut du prochain.

  A009000731 

 Les hommes pensent presque toute leur vie à ce qu'ils ont à faire à leur mort, comme quoy ils pourront bien establir leurs dernieres volontés à fin qu'elles soyent [270] bien entendues de ceux qu'ils laissent apres eux, soit leurs enfans ou autres qui doivent heriter de leurs biens.

  A009000732 

 Il appliqua ce sceau sacré lors qu'il institua le tres saint et tres adorable Sacrement de l'autel, qu'il appelle son nouveau testament; Sacrement qui contient en soy la Divinité et l'humanité tout ensemble, et entierement la Personne sacrée de Nostre Seigneur..

  A009000732 

 Les hommes, pour monstrer que ce qui est escrit est leur volonté et qu'ils entendent qu'il soit ainsy fait, le cachettent de leur sceau, mais ils ne l'appliquent qu'apres que tout est parachevé.

  A009000733 

 Puis il fit son testament, manifestant ses dernieres volontés sur la croix un peu avant que de mourir, à fin qu'un chacun des hommes qui devoyent estre ses coheritiers au Royaume de son Pere celeste fussent grandement bien instruits, tant de ce qu'ils devoyent faire comme de l'affection incomparable qu'il avoit pour eux.

  A009000734 

 Mais maintenant il en donne un exemple du tout inimaginable: il excuse ceux-là mesme qui le crucifioyent et l'injurioyent d'une rage toute barbare, et cherche des inventions pour faire que son Pere leur pardonne, et cela en l'acte mesme du peché et de l'injure.

  A009000734 

 O que nous sommes miserables nous autres, car à peine pouvons-nous oublier une injure dix ans apres qu'elle nous a esté faite; ouy mesme il s'en est trouvé qui à l'heure de la mort ne pouvoyent ouïr parler de ceux dont ils avoyent receu quelque outrage et ne leur vouloyent pardonner.

  A009000735 

 Mais pourtant plusieurs ne rendirent pas sur l'heure mesme leur vie par leur conversion, ains porterent le coup de ces divines sagettes des remords interieurs jusques à la Pentecoste, jour auquel, en la premiere predication de saint Pierre, se convertirent bien trois mille personnes, entre lesquelles estoyent indubitablement plusieurs de ceux qui se trouverent à la mort de nostre Sauveur; conversion [272] qui appartenoit au merite de cette tant admirable priere qu'il fit à son Pere celeste en l'acte mesme des injures et meschancetés que ses ennemis luy faisoyent souffrir..

  A009000735 

 Nostre divin Maistre avoit obtenu de son Pere celeste qu'il envoyast des hauts lieux plusieurs traits et sagettes dans les cœurs de ceux pour qui il prioit; ce qu'il fit tout ainsy qu'il avoit desiré.

  A009000736 

 Chose estrange certes, en mesme temps que les hommes pervers et malheureux vomissoyent contre sa divine Majesté et contre celle de son Pere ces blasphemes insupportables: S'il est tout puissant comme il dit, et se confie en son Pere qui l'a envoyé, qu'il l'appelle maintenant et qu'il le sauve; s'il veut que nous croy ions en luy, qu'il se sauve maintenant soy mesme; il dit qu'il restablira le Temple en trois jours, et semblables paroles vrayement diaboliques, Nostre Seigneur, dis-je, à mesme temps eslançoit vers Dieu des souspirs de compassion et des parolles plus douces que le miel et le sucre à fin qu'il leur pardonnast leurs forfaits et leur donnast sa grace.

  A009000737 

 Et semble qu'il commence par là sa priere pour charmer ce cœur paternel, à fin qu'il pardonne aux pauvres pecheurs pour lesquels il se rendoit pleige et caution devant la justice divine; comme s'il eust voulu dire: Mon Pere, pardonnez à ces pauvres pecheurs et à ceux mesme qui me crucifient, car je suis icy pour payer pour eux.

  A009000738 

 Ayant donques desja monstré qu'en donnant sa grace aux pecheurs il estoit tres veritablement appellé Sauveur, il promet la gloire au bon larron qui estoit penitent.

  A009000738 

 Nous sommes tres justement punis, devrions nous dire, faisant ainsy de necessité vertu, et confessant nos pechés; mais helas, nous nous comportons comme l'autre larron qui demeura en son endurcissement, et blasphemoit encores en mourant..

  A009000739 

 Il n'y a que Nostre Dame, saint Jean Baptiste, saint Joseph et quelques autres qui ayent esté exempts de peché et prevenus de la grace qui les a empeschés d'y tomber.

  A009000741 

 N'est-ce pas une vraye marque que Nostre Seigneur estoit vrayement nostre Sauveur, puisqu'il promet si absolument la gloire qu'il ne differe point de la donner, ains dit aujourd'huy? O parolle de grande consolation pour les pecheurs penitens, car ce que sa Bonté a fait pour le bon larron elle le fera pour tous les autres enfans de la Croix qui sont les Chrestiens.

  A009000742 

 Et quoy, me direz-vous, qu'y a-t-il autre chose? Quoy, mes chers Sœurs? Il y a une certaine delicatesse spirituelle dont il devoit faire present à ses plus chers amis, delicatesse qui n'est autre qu'un moyen tres singulier pour conserver la grace acquise et pour parvenir au plus haut degré de gloire.

  A009000742 

 Regardant donques de ses yeux pleins de compassion sa tres benite Mere, qui estoit debout au pied de la croix avec son bien aymé disciple, il ne luy voulut pas donner la grace ou la demander pour elle, car elle la possedoit desja fort excellemment, ni moins luy promettre la gloire, car elle en estoit toute asseurée; mais il luy donna une certaine union de cœur et amour tendre pour le prochain, cet amour des uns pour les autres qui est un don des plus grans que sa bonté fasse aux hommes..

  A009000743 

 Nostre divin Maistre nous enseignoit par là que si nous voulons avoir part en son testament et aux merites de sa Mort et Passion, il faut que nous nous aymions tous les uns les autres de cet amour tendre et grandement cordial du fils envers la mere et de la mere envers le fils, qui est en quelque façon plus grand que non pas celuy des peres..

  A009000744 

 En quoy certes ont grand tort ceux qui pensent qu'elle fut tellement outrée de douleur qu'elle en demeura pasmée; car sans doute cela n'est point, ains elle demeura ferme et constante, bien que son affliction fust la plus grande que jamais femme aye ressenti pour la mort de son enfant, parce qu'il ne s'en est jamais trouvé qui ayt eu autant d'amour qu'elle en avoit pour Nostre [276] Seigneur, non seulement parce qu'il estoit son Dieu, mais aussi parce qu'il estoit son Fils tres cher et tres aymable..

  A009000745 

 Elle demeura donc, cette tres glorieuse Mere, ferme, constante et parfaittement sousmise au bon playsir de Dieu, qui avoit decreté que Nostre Seigneur mourroit pour le salut et redemption des hommes..

  A009000745 

 L'amour de Nostre Dame estoit vrayement plus fort et plus tendre qu'il ne se peut dire, et par consequent sa douleur plus vehemente que toute autre en la Mort et Passion de Jesus Christ; mais comme cet amour estoit selon l'esprit, conduit et gouverné par la rayson, il ne produisit point de mouvement desreglé en l'affliction qu'elle ressentit se voyant privée de son Fils, qui luy causoit une consolation incomparable.

  A009000748 

 La premiere est la tres sainte humilité, laquelle comme la violette respand une odeur extremement suave en la mort de Nostre Seigneur; la seconde est la patience, la troisiesme, la perseverance, et la quatriesme est une vertu grandement excellente qui est la tres sainte indifference..

  A009000749 

 Quant à la premiere, Nostre Seigneur ne prattiqua-t-il pas au temps de sa Passion l'humilité la plus profonde, la plus veritable et sincere qui se puisse imaginer, ains [278] la plus inimaginable, dans tous les tourmens et abjections qu'il endura? Ne prattiqua-t-il pas cette vertu tout le temps de sa vie? Elle fut certes tres grande en ce que se pouvant faire appeller Hierosolymitain ou bien de Bethleem, ville où il estoit né et qui appartenoit à son grand pere David, il ne le voulut neanmoins pas, pour monstrer qu'il choisissoit tout au contraire des grans de ce monde, lesquels prennent les noms les plus honnorables qu'ils peuvent.

  A009000750 

 En quoy certes je m'imagine que la lune fit un extreme playsir aux estoilles, à fin qu'elles eussent l'honneur de venir respandre leur lumiere en la presence de ce vray Soleil de justice, qui sans doute sembloit s'estre ecclipsé tant sa couleur estoit ternie.

  A009000752 

 Mais encores, que pensons-nous que nostre doux Sauveur fist durant ce long silence? Pour moy je crois sans doute qu'il regardoit tous les enfans de la Croix, et tous les hommes voirement bien, mais plus specialement ceux qui tireroyent du fruit de sa Mort et Passion.

  A009000752 

 Mais quant aux Juifs qui crucifierent Nostre Seigneur, le peché qu'ils commirent fut un monstre [280] de meschanceté; et neanmoins Nostre Seigneur avoit des pensées d'amour pour eux, prevoyant les moyens qu'il leur vouloit donner pour tirer le fruit de sa sainte Passion..

  A009000752 

 O Dieu, quelle douceur du cœur de nostre Maistre qui nous aymoit si cherement; nous, dis-je, et ceux mesme qui estoyent en l'acte du peché le plus enorme que jamais homme puisse faire! car il n'y a point de plus grand peché que de haïr Dieu qui n'est en façon quelconque capable d'estre haï en soy mesme.

  A009000753 

 Cecy appartient desja à la seconde fleur que nous avons pris à considerer, qui est la patience.

  A009000753 

 Cette patience fut grande plus qu'il ne se peut dire; car jamais l'on n'entendit nulle plainte sortir de la bouche du Sauveur, il ne rendit nul tesmoignage, comme nous faisons nous autres, de la grandeur de sa souffrance à fin d'esmouvoir ceux qui estoyent presens à compassion sur luy.

  A009000753 

 Je vous laisse à penser: estant attaché avec des clous sur la croix, navré dès la teste jusques aux pieds en telle sorte qu'il n'avoit qu'une seule playe qui tenoit tout au long de son tres sacré corps; ses os tout disloqués.

  A009000753 

 Or, cette parolle que nous disions nagueres ne fut nullement prononcée pour se plaindre, ains seulement pour nous enseigner comme au fort de nos peines interieures, delaissemens et abandonnemens spirituels nous nous devons addresser à Dieu et ne nous plaindre qu'à luy mesme qui seul doit voir nostre affliction, ne souffrant pas que les hommes s'en apperçoivent sinon le moins qu'il se peut..

  A009000754 

 Et en outre, quel devoit estre l'attendrissement que luy causoit la douleur de sa tres sainte Mere qui l'aymoit si cherement? Les cœurs du Fils et de la Mere se regardoyent avec une compassion nompareille, mais aussi avec une generosité et constance incomparables; car ils ne se plaignoyent point, ils ne destournoyent point leur veue l'un de dessus l'autre pour rendre leur peine moins sensible, ains ils se regardoyent [281] fixement.

  A009000755 

 Chose estrange! il n'ignoroit pas que c'estoit un breuvage qui augmenteroit ses peines, neanmoins il le prit tout simplement, sans rendre nul tesmoignage que cela luy faschoit ou qu'il ne l'eust pas trouvé bon, pour nous apprendre avec quelle sousmission nous devons prendre ce qui nous est ordonné quand nous sommes malades, voire quand nous serions en doute que cela pourroit accroistre nostre mal; et de mesme devons-nous faire des viandes qui nous sont presentées, sans rendre tant de tesmoignages que nous en sommes degoustés et ennuyés..

  A009000756 

 Nostre mal, pour petit qu'il soit, est incomparable, et ceux que les autres souffrent ne sont rien en comparaison; nous sommes plus chagrins et impatiens qu'il ne se peut dire; nous ne trouvons rien qui aille comme il faut pour nous contenter.

  A009000757 

 Bienheureuse donques sera l'ame qui perseverera à bien vivre et à faire ce pour quoy elle a esté envoyée, comme Nostre Seigneur qui persevera jusques à la mort en la prattique de toutes les vertus, comme saint Paul escrit de l'obeissance: Il a esté obeissant jusques à la mort; c'est à sçavoir tout le temps de sa vie jusques à la mort.

  A009000757 

 O l'admirable parolle que celle cy: Tout est consommé! c'est à sçavoir: Il ne reste plus rien à faire de ce qui m'a esté commandé.

  A009000757 

 Que les Religieux et Religieuses seroyent heureux si à la fin de leur vie ils pouvoyent dire bien veritablement avec le Sauveur: Tout est consommé; j'ay fait tout ce qui m'estoit commandé soit par les Regles, soit par les Constitutions ou par les ordonnances des Superieurs; j'ay persevere fidellement en tous mes exercices, il ne me reste plus rien à faire..

  A009000759 

 Nostre Seigneur ayme donques d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner entierement en son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence comme il luy plaist, sans s'amuser à considerer si les effects de cette providence leur sont utiles, profitables ou dommageables; estant tout asseuré que rien ne nous sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres aymable, ni qu'il ne permettra que rien nous arrive de quoy il ne nous fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy, et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit entre vos mains; et non seulement mon esprit, mais mon ame, mon corps et tout ce que j'ay, à fin que vous en fassiez selon qu'il vous plaira..

  A009000760 

 Pour nous restablir en sa [284] grace et nous rendre dignes de sa misericorde, il a pris sur soy les coups de la justice divine, justice qui se devoit exercer sur nous qui estions les seuls contre qui elle fust irritée à bon droit.

  A009000761 

 Il veut que nous apprenions de luy ces vertus en la consideration de sa Mort et Passion, et desire que nous luy tesmoignions par icelles nostre amour et nostre fidelité, puisque ç'a esté en les pratiquant qu'il nous a monstré l'excellence et l'ardeur du sien envers nous qui en estions si indignes.

  A009000772 

 Quand il nous laisse à l'abandon c'est un tres grand signe et indice certain de nostre perte, car indubitablement les Madianites, qui sont nos ennemis spirituels, auront prise sur nous et nous demeurerons vaincus..

  A009000773 

 Grand cas de la tromperie du monde et des hommes qui croyent que là où est Nostre Seigneur l'affliction et la peine n'y peut estre, ains que la consolation y abonde tousjours.

  A009000773 

 Or, la bonté de Dieu qui est si grande envers les hommes, ayant abandonné les Israelites par l'espace d'environ sept ans, se resolut d'avoir pitié d'eux et envoya un Ange annoncer à Gedeon qu'il vouloit les restablir en leur premiere paix, et par son moyen.

  A009000774 

 Ensuite il revint et dressa son sacrifice, lequel estant prest, l'Ange le toucha du bout d'une baguette et soudain le feu du ciel descendit qui le consuma.

  A009000774 

 Mais s'estant un peu rasseuré il reprint cœur et forces, et fit ce qui luy estoit commandé par l'Ange, que jusques à cette heure il avoit tenu pour quelque prophete passager.

  A009000774 

 Vous me dites, poursuit-il, que je prenne les armes et que je demeureray victorieux; hé, ne sçavez-vous pas que je suis le moindre de tous les hommes? C'est tout un, respond l'Ange, Dieu veut que ce soit toy qui delivres les Israelites de l'affliction en laquelle ils sont.

  A009000775 

 En cette mort il fut fait peché pour nous, ainsy que dit saint Paul; c'est à sçavoir, luy qui estoit impeccable fut rendu comme un pecheur devant la face de Dieu son Pere, ayant par sa bonté non ouye pris sur luy toutes nos iniquités à fin de satisfaire pour nous à la justice divine..

  A009000776 

 Mais en cette Pasque ou en ce sacrifice que celebra Nostre Seigneur au jour de sa Passion, il s'offrit luy mesme non seulement comme un aigneau tout doux, tout benin, gracieux et plein de pureté, mais aussi comme un chevreau qui porte les pechés de son peuple.

  A009000777 

 Et tout ainsy que par ce signe Gedeon demeura confirmé en l'esperance de l'evenement de la paix et de la victoire qu'il devoit remporter sur les Madianites, comme l'Ange le luy avoit predit, de mesme le sacrifice de la Croix [289] estant consommé et Nostre Seigneur ayant dit: Mon Pere, je remets mon esprit entre vos mains, les hommes furent soudain confirmés en l'esperance que les Prophetes leur avoyent donnée par tant de siecles, que la paix seroit un jour faite en eux, et que l'ire de Dieu estant accoisée par le moyen de ce sacrifice, qui est un sacrifice de pacification, ils seroyent rendus victorieux et triomphans de leurs ennemis..

  A009000777 

 Le sacrifice de Gedeon estant dressé, l' Ange le toucha d'une baguette par le moyen de laquelle le feu du ciel descendit sur iceluy et le consuma; de mesme, le sacrifice de la Croix estant dressé, le Pere eternel et non un Ange, le toucha de sa toute bonté, et soudain le feu de la tres sainte charité survint qui le consuma.

  A009000778 

 Vous avez eu quelques raysons de craindre ces jours passés quand vous m'avez veu fouetter (ou du moins vous l'avez ouï dire, car tous m'ont abandonné excepté l'un d'entre vous qui m'a esté fidelle).

  A009000779 

 Tout ce que je donne à mes plus chers, c'est la paix; c'est pourquoy, Pax vobis, et à tous ceux qui croiront en moy..

  A009000779 

 Vous sçavez que ma grandeur ne consiste point en la possession des biens de la terre, puisque je n'en ay point eu tout le temps de ma vie; mais pour toutes richesses j'ay la paix, qui est le legat eternel que je vous ay fait en me departant d'avec vous et lequel je vous reconfirme encores.

  A009000781 

 En somme, le saint Evangile ne traitte presque par tout que de la paix; et comme il commence par la [291] paix, de mesme il finit par la paix pour nous enseigner que c'est l'heritage que le Seigneur Dieu nostre Maistre a laissé à ses enfans qui sont en la sujetion de la tres sainte Eglise, nostre bonne Mere et son Espouse tres chere..

  A009000781 

 Il a esté commencé par la paix, comme nous voyons en l'Evangile qui se lit en la Nativité de Nostre Seigneur, en laquelle les Anges chantoyent: Gloire à Dieu ès lieux hauts, et paix en terre aux hommes de bonne volonté.

  A009000782 

 Cependant, comme cette paix est un peu bien generale, il nous faut traitter de la seconde, qui est celle qui nous pacifie avec Dieu, avec le prochain et avec nous mesme.

  A009000783 

 Nostre Seigneur disoit donc bien justement: Je vous donne ma paix, puisqu'il se donnoit luy mesme qui est la vraye paix.

  A009000784 

 J'ay bien donné la vie à certains goujats qui peut estre viendront vous servir de quelque importunité; mais ne craignez rien, parce qu'ils n'ont aucun pouvoir sur vous, et ne vous sçauroyent nuire, bien qu'ils vous ennuyent..

  A009000785 

 Nostre Seigneur et Maistre, qui est appellé le Prince de paix, revenant de la guerre où il avoit veritablement receu quantité de playes, mais playes non point dignes de mespris ains d'honneur incomparable, et desquelles il fait trophée et merite une eternelle louange, il s'addresse à ses Apostres comme à son peuple bien aymé et les leur monstre: Pax vobis, voyla mes playes.

  A009000786 

 Qu'est-ce qui ruine la paix, sinon les proces, les ambitions, les desirs des honneurs, des dignités, des preeminences? Si la paix estoit entre les hommes l'on ne verroit point de telles miseres.

  A009000787 

 Il n'y a rien qui ne puisse estre rangé et gouverné par l'homme que le seul homme; car si bien le pouvoir que Dieu avoit donné à Adam au paradis terrestre sur tous les animaux a receu quelque deschet par le peché, si est-ce pourtant que l'homme peut dompter les bestes les plus farouches, par l'entremise de la rayson dont Dieu l'a doué, ainsy que l'experience s'en fait tous les jours.

  A009000788 

 C'est ce qu'il a le plus inculqué à ses Apostres; si que le glorieux saint Paul dit ne vouloir sçavoir ni prescher autre chose que Jesus Christ crucifié, qui nous a pacifiés et donné cette paix par laquelle nous luy soyons rendus semblables en toutes choses, à luy, dis-je, qui est le Prince de paix, et qui a fait la paix tant en la terre qu'au Ciel.

  A009000788 

 Et si bien il apparut aux deux disciples allant en Emmaus, lesquels estoyent sortis de la ville de Hierusalem qui represente la paix, [294] estant appellée vision de paix, nous ne devons pourtant pas croire que ce qu'il a fait pour ces deux il le veuille faire pour tous.

  A009000788 

 Nostre Seigneur sçachant fort bien la grande necessité que les hommes en avoyent, n'a rien tant presché que cette paix qui procede de l'amour qu'il nous a tant recommandé d'avoir les uns pour les autres.

  A009000789 

 L'esprit n'a pour toutes ses forces que trois soldats qui combattent pour luy, et lesquels encores font à tous propos des faux bonds et des cheutes en la fidelité qu'ils doivent à leur capitaine, se rangeant du costé de la chair pour combattre pour elle contre l'esprit mesme qui est leur maistre..

  A009000789 

 La chair a la partie concupiscible et certaines facultés et sens communs à l'ame qui guerroyent en sa faveur contre l'esprit.

  A009000790 

 De mesme, l'esprit qui est le donjon de l'ame, demeurant retiré en soy mesme, ne craint rien, pourveu qu'il soit accompagné de ses trois soldats, l'entendement, [295] la memoire et la volonté.

  A009000790 

 Or, si ces soldats estoyent fideles, l'esprit n'auroit aucune crainte, ains il se moqueroit de ses ennemis, comme font ceux qui, ayans des munitions suffisantes, se trouvent au donjon d'une forteresse imprenable; et ce, bien que les ennemis soyent aux fauxbourgs, voire que la ville fust prinse, ainsy qu'il arriva en la citadelle de Nice, devant laquelle les forces de trois grans princes n'estoyent pas capables d'estonner ceux qui estoyent au donjon.

  A009000792 

 En somme, tout ce que la chair desire est absolument contraire à l'esprit qui, estant esclairé de la lumiere celeste, ne peut s'empescher de voir que ces raysons inspirées par la chair sont bestiales et impertinentes, et qu'il ne les sçauroit approuver.

  A009000792 

 Nul ne peut douter que nostre cher Maistre n'ayt dit: Bienheureux les pauvres et ceux qui souffrent persecution; et l'entendement, au lieu de demeurer fermement attentif à cette verité, va recevoir la suggestion que la chair luy represente qu'il faut avoir des biens et beaucoup, à fin de luy donner ses ayses et commmodités: voyla quant et quant la guerre.

  A009000793 

 Et la pauvrette, au lieu de se tenir ferme en la parolle que le Seigneur luy avoit donnée, escouta et consentit à cette perverse proposition, qui fut cause qu'elle perit et son mari avec elle.

  A009000793 

 Saint Michel ayant entrepris de resister à leur temerité: Miserables, dit-il, qui est comme Dieu? et au son de cette parolle ils furent precipités et malheureux pour jamais.

  A009000794 

 Certes, on ne sçait plus de [297] quel biais prendre ces personnes qui se servent de cette fausse prudence, parce que, faute de simplifier leur entendement, elles ne veulent pas entendre les raysons qu'on leur donne et en apportent cent contraires pour soustenir leurs opinions, quoy que bien souvent mauvaises; dès qu'elles s'y sont une fois attachées, l'on ne sçait plus que faire avec elles..

  A009000796 

 Donques le premier sujet qui cause en nous la guerre et qui en chasse la paix n'est autre chose que le manquement de [298] foy et d'asseurance ès parolles de Nostre Seigneur, et la facilité avec laquelle nous escoutons la multitude des raysons de la prudence humaine..

  A009000798 

 C'est grand pitié du desgat que ce manquement de paix fait en l'ame; au lieu que nous jouirions d'un grand repos si la memoire demeuroit ferme au souvenir des promesses divines qui nous asseurent non seulement de la fidelité de Dieu, mais encor de son soin tendre et amoureux pour tous ceux qui se confient en luy et ont logé en sa bonté toutes leurs esperances.

  A009000798 

 Que nous serions heureux si nous nous occupions aussi des promesses que non seulement au Baptesme, mais, la pluspart d'entre nous, par le moyen des vœux, nous avons faites à Dieu de luy estre fidelles et de ne nous arrester jamais qu'à ce qui nous pourra rendre plus aggreables à ses yeux! Si les Religieux et Religieuses accomplissoyent les promesses qu'ils ont faites d'observer fidellement leurs Regles et Constitutions et de suivre les conseils qui leur seront donnés, ils possederoyent, dis-je, la paix en leurs ames, Nostre Seigneur viendrait en eux et leur dirait: Paix vous soit, comme il fit à ses Apostres..

  A009000799 

 La chair a des ruses nompareilles pour vaincre l'esprit et l'attirer à ses bestiales inclinations; mais le principal ennemy de la volonté et ce qui la fait estre si lasche que de quitter l'esprit qui est comme son tres cher espoux, c'est la multitude des desirs que nous avons de cecy et de cela.

  A009000799 

 Le troisiesme soldat de nostre esprit et le plus fort de [299] tous c'est la volonté, car nul ne peut surmonter la liberté de la volonté de l'homme; Dieu mesme qui l'a creé ne veut en façon quelconque la forcer ni violenter.

  A009000799 

 Neanmoins elle est si lasche que bien souvent elle se laisse gaigner aux persuasions de la chair, se rendant à ses efforts, bien qu'elle sçache que la chair est le plus dangereux ennemy de l'homme; c'est cette felone Dalila qui tue meschamment le pauvre Samson qui l'aymoit si cherement.

  A009000800 

 Et quel est-il cet un? C'est Dieu qu'il faut vouloir, mes cheres Sœurs, et rien autre; car qui ne se contente pas de Dieu merite de n'avoir rien.

  A009000800 

 Je vois, respondrez-vous, cette muraille qui est blanche.

  A009000800 

 Mais ne voyez-vous point l'air qui est entre elle et vous? Non, me direz-vous, parce que je ne regarde que cette muraille; et bien que ma veiie passe et traverse parmi l'air qui est d'icy là, neanmoins je ne le vois pas, d'autant que je n'y arreste pas ma veüe.

  A009000800 

 Mais, me repliquerez-vous, ne faut-il pas vouloir aymer le prochain? Puisque vous dites qu'il ne faut aymer que Dieu et ne vouloir que luy seul, pourquoy donques tant de livres spirituels, tant de predications et tous les autres exercices de devotion? Un exemple vous fera entendre cecy: vous regardez cette muraille qui est blanche, et je vous demande ce que vous voyez.

  A009000801 

 En fin finale, si nous voulons avoir la paix en nous mesme il ne faut avoir qu'une seule volonté, ainsy que nous avons dit, non plus que saint Paul qui ne pretendoit sçavoir et prescher qu'une seule chose, Nostre Seigneur Jesus Christ crucifié.

  A009000802 

 Imaginez-vous, je vous supplie, de voir deux barques ou navires qui voguent sur la mer, dont l'une soit celle où Nostre Seigneur estant avec ses Apostres, dormoit tout doucement.

  A009000802 

 Incontinent il commanda à la [301] mer de s'accoiser, et le calme fut soudain fait, le divin Maistre perseverant en la paix avec laquelle il dormoit, qui procedoit de la candeur et pureté de son ame.

  A009000802 

 O pauvres gens, dequoy vous troublez-vous? n'avez-vous pas avec vous le Sauveur qui est la vraye paix? Alors Jesus leur dit: Que craignez-vous, gens de petite foy? n'ayez point peur.

  A009000803 

 Ils se vantent de dormir d'un bon repos, comme s'ils possedoyent la paix, mais en fin ils se trouvent bien trompés à leur resveil, se voyant environnés de mille troubles qui sont pres de les precipiter en la mer des tourmens eternels, s'ils ne se repentent et ne se retournent du costé de la divine Bonté pour implorer sa misericorde sur eux, à fin de pouvoir par leur contrition, recouvrer la grace qu'ils ont perdue emmi leur paix et tranquillité.

  A009000803 

 L'autre barque dont je vous parle et qui represente la paix des enfans du monde, est celle où estoit Jonas.

  A009000803 

 La tempeste estant grande et les matelots ne sçachant plus que faire pour eviter le peril eminent auquel ils se voyoient presque reduits, s'en vont au fond du navire, où trouvant le pauvre Jonas qui dormoit, non d'un sommeil de paix mais d'un sommeil de detresse, ils luy dirent: Quoy, miserable, tu dors en cette affliction! Et s'estant enquis d'où il estoit: Oh! respondit-il, je suis un miserable homme qui fuis de devant la juste indignation de Dieu irrité contre moy.

  A009000804 

 La paix, mes cheres ames, ne se trouve qu'emmi les enfans de Dieu et de l'Eglise, qui vivent selon la volonté divine en l'observance de ses commandemens.

  A009000804 

 Les enfans de la paix font une continuelle guerre à la chair qui leur cause des attaques tres violentes, laquelle n'a pourtant pas le pouvoir de troubler leur repos, non plus que le diable et le monde, ainsy que nous avons desja dit..

  A009000804 

 Mais beaucoup plus vraye et plus grande est celle que possedent [302] ceux qui ne vivent pas seulement selon les commandemens, ains en l'observance des conseils et selon la regle de la vertu, car la vraye paix se trouve en la parfaite mortification.

  A009000805 

 Elle a des ruses estranges pour dresser des embusches à nostre esprit; mais si nous nous tenons fermes dans le donjon, accompagnés des trois soldats dont nous avons parlé, nous serons tousjours les plus forts et possederons la vraye paix qui nous tient contens emmi les injures, les mespris, les afflictions, les contradictions et en fin emmi tout ce qui nous arrive de contraire à la nature..

  A009000805 

 Nous pouvons bien affoiblir la chair, nostre principal ennemy, qui nous poursuit de si pres que jamais il ne nous abandonne; mais pourtant nous ne le pouvons abattre ni terrasser tout à fait, parce que c'est l'un de ces goujats et coquins que Dieu a laissés en vie pour nous exercer, bien qu'ils ne nous puissent nuire.

  A009000806 

 (C'est un livre qui n'a pas encor esté traduit en françois.) Je finiray par cet exemple.

  A009000807 

 Lors le bon Pere adjousta: Mon fils, il faut que trois ans durant, outre la generale prattique de toutes les vertus, vous entrepreniez de soulager tous les freres; de sorte que, par exemple, si vous rencontrez le cuisinier qui va puiser de l'eau ou qui va querir ou fendre du bois, vous y alliez pour luy.

  A009000807 

 Mais au bout de ces trois ans, seray-je pas parfait? De cela, respondit le Pere, je ne le puis sçavoir; nous verrons ce qui en sera..

  A009000807 

 Puis si vous en rencontrez d'autres qui sont chargés, vous preniez leur charge et les soulagiez en la portant pour eux; bref, que vous vous rendiez le valet de tous en les servant en toute chose, sans reserve.

  A009000809 

 La prattique que le Pere luy recommanda fut de recevoir si bien les mortifications, mespris, corrections et humiliations que jamais il ne manquast de faire quelque service ou quelque present à ceux qui les luy procureroyent, et cela tout promptement; et s'il n'avoit rien autre chose à donner, qu'il fist des bouquets pour leur presenter, ou des stolles, ou telles et semblables choses.

  A009000810 

 Ce qui surprenoit fort les assistans et contentoit grandement le bon Pere qui le regardoit pendant cette espreuve..

  A009000810 

 Et ce qui leur faisoit prendre opinion qu'il l'estoit, fut que tandis que ces soldats le traittoyent comme j'ay dit, il avoit? une joye telle dans le cœur qu'elle paroissoit sur sa face, et à mesure qu'on luy disoit plus d'injures il sembloit estre plus joyeux et content.

  A009000810 

 Le Pere donques le fit tout barbouiller et le mena dans une ville qui estoit proche de là, à la porte de laquelle il y avoit des soldats qui n'avoyent pas autre chose à faire qu'à [305] regarder les passans et prendre d'eux sujet de rire, de maniere que si tost qu'ils virent ce pauvre jeune homme ils commencerent à se mettre apres luy: qui le brocardoit de parolles, qui venoit jusques aux coups, d'autres l'injurioyent; bref, ils s'en jouoyent tout ainsy que s'il eust esté fol.

  A009000811 

 Lors le bon novice respondit: Certes, il me semble que j'ay bien rayson de rire et d'estre content, car je possede la paix en mon ame parmi toutes les attaques et risées que vous me faites; mais de plus, j'ay un grand sujet de contentement, car en verité vous m'estes bien plus doux et gracieux que n'a pas esté mon maistre que vous voyez là, lequel m'a icy amené; car il m'a tenu trois ans en telle sujetion, qu'il failloit que je fisse quelque present à tous ceux qui me maltraittoyent pour recompense de l'offence qu'ils m'avoyent faitte.

  A009000812 

 C'est la vraye paix, mes cheres ames, que je vous desire, qui se conserve, ains qui s'accroist emmi la guerre et les tourbillons des vents des persecutions, [306] humiliations, mortifications et contradictions que nous rencontrons en cette vie mortelle, afflictions et peines qui seront en fin suivies des consolations et repos eternel, pourveu que nous les ayons souffertes avec paix interieure à l'imitation de ce bon Religieux.

  A009000819 

 Les Chrestiens ne doivent pas solemniser le jour de leur naissance, ains celuy de leur renaissance, qui est celuy de leur Baptesme; c'est pour cette cause que le grand saint Louys roy de France ne vouloit pas estre appellé Louys de France, mais Louys de Poissy, parce que c'estoit le lieu où il avoit esté baptizé et celuy de sa naissance spirituelle..

  A009000820 

 Mais grande est aussi la grace que Dieu nous fait au jour où il nous reçoit pour estre entierement dediés [308] à son service, car c'est une nouvelle renaissance spirituelle en laquelle, comme la pluspart des Peres tiennent, nous sommes remis en l'innocence premiere; c'est à dire, qu'au mesme instant où ceux qui se dedient tout à fait au service de Nostre Seigneur font cette offrande d'eux mesmes, ils sont rendus purs comme des enfans qui viennent d'estre baptizés..

  A009000821 

 Ce n'est donques pas sans juste rayson que l'on a accoustumé de faire des grandes solemnités en la reception ou Profession des Religieux et Religieuses, puisque ce n'est pas seulement le jour où ils sont sevrés et retirés de la mammelle, de la jouissance des consolations terrestres et perissables, à fin d'estre sustentés de viandes plus solides et qui les nourrissent à l'immortalité, le bon Pere celeste les fortifiant petit à petit par l'exercice des vertus appartenantes aux plus forts, telles qu'elles se trouvent en Religion.

  A009000822 

 Cependant, la Religion est un continuel exercice de mortification, de renoncement et despouillement de soy mesme; il faut crucifier la chair avec toutes ses sensualités, la propre volonté avec tous ses desirs, renoncer au monde et à toutes les [309] choses terrestres pour n'aspirer plus qu'apres les biens eternels et n'avoir plus autre desir que de plaire à Dieu, plus de volonté que la sienne et celle des Superieurs qui ont la charge des Religieux..

  A009000822 

 Grande donques, pour toutes les raysons que nous venons de dire, doit estre la joye de ces ames qui se presentent aujourd'huy à fin d'estre dediées au service amoureux de la divine Bonté.

  A009000823 

 Nonobstant tout cela, nous ne laisserons pas de nous venir ranger sous l'estendart de vostre sainte protection, estans tres asseurées que puisque vostre Bonté nous a appellées à cette maniere de vie plus parfaite que la commune des mondains, voire de ceux qui font profession de vivre tres chrestiennement dans le monde, vostre mesme Bonté nous fortifiera et nous baillera la grace de bien faire ce que nous entreprenons aujourd'huy pour la gloire de vostre saint nom et pour le salut de nos ames; car nous croyons fermement que, selon la parolle de vostre saint Apostre, si nous mourons avec vous en cette vie, nous ressusciterons avec vous en la gloire..

  A009000825 

 C'est grand cas des personnes libertines et qui ne veulent point avoir d'autres lois que celles que la propre volonté leur dicte.

  A009000825 

 Incredulité tres grande! Malheur qui ne luy arriva que pource qu'il avoit quitté la conversation tres sainte des Apostres et de Nostre Dame mesme, pour aller vagabond à la promenade, sous pretexte de quelqu'affaire qui n'estoit pas sans doute si necessaire qu'elle ne peust bien estre remise jusques apres le temps que Nostre Seigneur leur avoit marqué, auquel ils le devoyent voir ressuscité.

  A009000825 

 Voyez, je vous prie, le pauvre saint Thomas aujourd'huy (et j'entre par icy dans le sujet de l'Evangile): il s'estoit absenté de la compagnie des Apostres pour aller se promener, promenade et séparation qui luy cousta cher.

  A009000827 

 Le chagrin offusque et trouble le jugement, de sorte que tandis qu'il est en l'ame elle est en extreme danger de commettre de grans defauts, parce qu'il fait que l'on rejette tout en ce temps là, et la correction et l'instruction, bref, tout ce qui est contraire à son opinion erronée..

  A009000828 

 Cette vanité de faire estime de son propre jugement produit l'incredulité et la mesestime des jugemens des autres, et fait que l'on raysonne en cette sorte: Pourquoy m'assujettiray-je à croire que ce que l'on me dit est vray? Ne l'aurois-je pas aussi bien compris ou sceu comme les autres? O que les ames qui faisans estime d'elles mesmes se laissent ainsy gouverner par leur propre jugement sont en grand danger! Nous le voyons en l'exemple du pauvre saint Thomas qui faillit se perdre..

  A009000828 

 La seconde source de l'incredulité de saint Thomas fut l'orgueil et la vanité; car s'estimant aussi capable de cette grace que tous les autres, il pensoit: Et pourquoy seroit-il apparu à tous sinon à moy? S'il estoit vray qu'il fust ressuscité, je l'aurois veu aussi bien que les autres; ne suis-je pas autant qu'eux? Vanité tres grande qui le porta à commettre un tel peché.

  A009000830 

 C'est une chose toute ordinaire entre les jeunes apprentifs de la perfection d'estre attaqués de cette sorte de tentation; car dès qu'ils rencontrent de la difficulté en leur chemin, voyla quant et quant le chagrin qui les pousse à faire tant de plaintes qu'il semble qu'il y ayt grand pitié en eux.

  A009000830 

 L'orgueil ou la vanité ne leur peut permettre un petit defaut que tout incontinent ils n'entrent en de grans troubles qui les portent par apres au desespoir: O Dieu, il ne faut plus rien attendre de moy, je ne feray jamais rien qui vaille! C'est bien dit; hé, pensiez-vous estre si brave que de ne point faillir? En toutes sortes d'arts il faut estre apprentif, premier que d'estre maistre..

  A009000831 

 Je suis Celuy qui est, partant ne sois plus incredule, mais fidelle.

  A009000832 

 C'est donc pour la conserver ou acquerir que ces ames viennent maintenant se dedier au service de la divine Majesté, resolues qu'elles sont de luy consacrer si entierement leurs cœurs, leurs corps et de plus leurs volontés, qu'elles ne s'en puissent jamais plus servir que pour suivre en toutes choses la volonté de Dieu qui leur sera signifiée par la direction des Regles et Constitutions de la Religion, direction qui les conduira à l'entiere mortification d'elles mesmes, «pour le service de la dilection» de leur celeste Espoux.

  A009000832 

 Or, Thomas perdit cette paix pour s'estre separé de la communauté; car les Apostres estoyent dans le cenacle comme dans une Religion, où les Religieux qui veulent se conduire selon leur sens et leur volonté, se retirans du train de l'observance commune, ne peuvent conserver la paix, ains vivent en de continuels troubles.

  A009000847 

 Nous celebrons aujourd'huy la feste des presens et du don des dons qui est le Saint Esprit, lequel fut envoyé du Pere et du Fils sur les Apostres, sous la forme et figure de langues de feu.

  A009000848 

 Vous resouvenez-vous de cette belle histoire du grand Joseph qui a desja tant de fois esté ditte, mais qui ne peut assez estre considerée? Pendant qu'il estoit vice roy [315] de l'Egypte, ses freres le vindrent voir par plusieurs fois pour estre secourus de luy en l'extreme necessité où leur pere Jacob et eux se trouvoyent reduits à cause de la famine qui estoit en leur pays.

  A009000849 

 Ne sçavez-vous pas qu'il est dit que le Sauveur receut des graces infinies et que les dons du Saint Esprit reposerent sur son chef? Et pourquoy cela, puisque estant la grace mesme il n'en avoit ni pouvoit avoir nulle sorte de necessité? Ce ne fut donques sinon pour nous faire entendre que toutes les graces et benedictions celestes nous devoyent estre distribuées par luy, les laissant couler sur nous qui sommes membres de l'Eglise de laquelle il est le Chef.

  A009000850 

 Mais le present qu'il fait en ce jour à son Eglise doit estre tenu pour le plus excellent, d'autant que c'est le Pere et le Fils qui l'envoyent..

  A009000850 

 Voyons donques maintenant comment Dieu envoya son Saint Esprit sur tous les hommes qui se trouverent assemblés au cenacle, lesquels estoyent au nombre de six vingts et parloyent tous selon que le Saint Esprit leur donnoit.

  A009000851 

 Les presens sont estimés grans selon l'amour avec lequel ils sont faits; or, celuy ci n'est pas seulement fait avec un grand amour, ains c'est l'amour mesme qui est donné, car chacun doit sçavoir que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils.

  A009000852 

 Certes, nous ne sçaurions assez remercier Dieu de ce qu'il a fait ce singulier present à son Eglise, à cause des biens qui en resultent.

  A009000852 

 Qui ne sçait qu'elle opere tous ses mysteres par la langue? La predication se fait par la langue; dans le saint Baptesme, sans lequel nul ne peut estre sauvé, il est necessaire que la langue intervienne pour donner à l'eau la force de laver nos pechés et iniquités; de mesme le tres saint Sacrifice de la Messe ne se peut celebrer que par le ministere de la langue..

  A009000854 

 Cette crainte ne leur a pourtant point fait eviter le peché ni l'iniquité pource qu'ils n'avoyent pas receu le Saint Esprit; car la crainte qui s'appelle don du Saint Esprit non seulement nous fait redouter les divins jugemens, la mort et l'enfer, mais elle nous fait craindre Dieu comme nostre Seigneur et nostre Juge, et partant nous porte à fuir le mal et tout ce que nous sçavons luy estre desaggreable.

  A009000855 

 Passons au don de pieté qui est le second..

  A009000856 

 La pieté n'est autre chose qu'une crainte filiale, qui ne nous fait plus regarder Dieu comme nostre Juge, ains comme nostre Pere, auquel nous redoutons de desplaire et desirons d'aggreer..

  A009000857 

 Mais il ne nous serviroit de gueres d'avoir le desir de plaire à Dieu et la crainte de luy desplaire si le Saint Esprit ne nous octroyoit le troisiesme don, qui est celuy de science, par lequel nous apprenons que c'est que vertu et que c'est que vice, ce qui est aggreable à Dieu et ce qui luy est desaggreable.

  A009000858 

 Il est aussi tres necessaire que le Saint Esprit nous baille le quatriesme don qui est celuy de la force, car autrement les precedens ne nous serviroyent de rien, puisqu'il ne suffit pas d'avoir la volonté d'eviter le mal et celle de faire le bien, encores moins de connoistre l'un et l'autre, si nous ne mettons la main à l'œuvre.

  A009000858 

 Il n'avoit pas le don de force, combien qu'on le luy attribue pour ses conquestes; sa force consistoit en des balles de plomb qui fracassoyent les murailles des villes et abattoyent les chasteaux.

  A009000860 

 Mais estans ainsy resolus et fortifiés pour embrasser la vraye prattique des vertus, il faut que nous ayons le don de conseil pour choisir celles qui nous sont le plus necessaires selon nostre vocation; car, bien qu'il soit [320] tousjours bon de prattiquer les vertus, si faut-il pourtant les sçavoir prattiquer par ordre.

  A009000861 

 Mais remarquez, je vous supplie, que je dis par la meditation et oraison, et non par la curiosité, speculation et estude, comme font les theologiens; car une simple et pauvre femmelette sera plus capable de le faire que non pas les plus excellens docteurs qui auront moins de pieté.

  A009000862 

 Ainsy, faisant tout au contraire des gens du monde, qui estiment bienheureux les riches, ceux qui sont honnorés et qui vivent delicieusement, elle tient pour bienheureux les pauvres d'esprit, puisqu'elle a trouvé cette vertu dans le cœur de Dieu mesme; bienheureux les humbles, bienheureux ceux qui portent et font paroistre dans leur exterieur la mortification procedante de l'interieure renonciation et mespris de tout ce dont le monde fait estat..

  A009000863 

 Je finis par cette consideration que tous ceux qui estoyent dans le cenacle receurent le Saint Esprit et parloyent tous selon que le mesme Saint Esprit leur donnoit; mais non pas tous d'une mesme façon, n'ayans pas tous esté commis pour prescher l'Evangile comme saint Pierre et les autres Apostres; car nous ne pouvons pas nier qu'il n'y eust des femmes, puisque l'Evangeliste escrit qu' ils estoyent six vingts avec Nostre Dame et les autres femmes.

  A009000863 

 Mais il faut que nous sçachions qu'il y a un parler qui se fait sans dire mot; c'est le bon exemple.

  A009000863 

 Or, ils parloyent selon que le Saint Esprit leur donnoit, c'est à dire, ceux qui ne preschoyent publiquement s'entrencourageoyent les uns les autres à louer Dieu.

  A009000863 

 Qui ne sçait que lors que nous regardons le ciel en une nuit bien sereine, nous sommes excités à admirer et adorer la toute puissance et sapience de Celuy qui l'a parsemé de tant de belles estoiles? Il en est de mesme lors que nous voyons un beau jour esclairé de la lumiere du soleil, voire quand le mesme Seigneur nous envoye la pluye, puisqu'elle sert à produire les plantes..

  A009000864 

 N'est-ce pas une plus grande merveille de voir une ame decorée de plusieurs grandes vertus que non pas le ciel decoré d'estoiles? Les jours se donnent charge l'un à l'autre d'annoncer la gloire de Dieu; et qui ne sçait que les Saints en ont fait de mesme, se resignant leurs vertus les uns aux autres? A saint Anthoine succeda saint Hilarion, à saint Hilarion d'autres Saints, et ils iront ainsy tousjours perseverant..

  A009000864 

 Que veux-je dire par tout cecy, sinon que nous, qui [322] sommes plus que les cieux et que tout ce qui est creé, puisque le tout a esté fait pour nous et non point nous pour eux, sommes beaucoup plus capables d'annoncer la gloire de Dieu que non pas les cieux ou les astres.

  A009000869 

 Apres que saint Augustin a raconté ce grand conteste et divorce, ce grand combat et contention qu'il avoit sur le point de sa conversion, en ses deux parties, l'inferieure et la superieure, combat le plus grand qui se puisse voir, appercevant en fin les yeux de la misericorde qui desja le regardoyent, il s'escrie au commencement du Livre neufviesme de ses Confessions: O Seigneur, vous avez regardé vostre serviteur et le fils de vostre servante.

  A009000869 

 Ayant donques à m'entretenir avec vous, quel meilleur sujet pourrois-je prendre que ces paroles du Psalmiste: Dirupisti, et ce qui suit? Mais pour rendre mon discours plus familier, je le diviseray en trois points: au premier nous verrons quels sont les liens desquels saint Augustin estoit lié; au second, quel sacrifice de louange il a offert à Nostre Seigneur; et au troisiesme, quel est ce calice du salutaire..

  A009000869 

 Puis apres, sentant la main puissante de Dieu qui le deslioit, il poursuit avec ces paroles qui sont du Psalme CXV: Dirupisti vincula mea; O Seigneur, vous m' avez deslié des liens de mes pechés, et que feray-je en reconnaissance d'une telle faveur? Je vous sacrifieray un sacrifice de louange, je boiray le calice de vostre salutaire et invoquer ay le nom du Seigneur.

  A009000870 

 J'estois, escrit-il, lié et enchaisné des chaisnes et liens d'une maudite volupté, avec une volonté enferrée qui faisoit que de mon plein gré je me vautrois dans mes vicieuses habitudes..

  A009000870 

 Je me contenteray seulement de vous dire ce qui est à mon propos.

  A009000871 

 Ces cadenes ne sont autre chose que le peché qui nous rend non seulement esclaves de nos passions, mais encores du demon; et nul ne nous en peut deslier que la main puissante de Dieu.

  A009000871 

 Ces liens, comme dit le mesme saint Augustin, nous sont merveilleusement bien representés par les chaisnes et manottes de fer dont saint Pierre fut lié en la prison; car, bien qu'il fust emprisonné pour la justice, ses liens neanmoins ne laissent pas de nous representer le peché qui, comme manottes et chaisnes de fer, tient le pecheur si estroittement enserré qu'autre que Dieu ne le peut desenchaisner..

  A009000873 

 Ce sont ces ames qui, sans aucune consideration de crainte, ains attirées par les suaves et amiables attraits de la dilection de nostre cher Maistre, viennent se dedier et consacrer entierement à son divin service..

  A009000873 

 Ceux de fer, comme dit nostre grand Pere saint Augustin, ne sont autres que la crainte des jugemens, de la mort et de l'enfer; ces menaces que nous lisons dans l'Evangile et celles par lesquelles l'Apostre saint Paul espouvantoit les roys et les princes, les laboureurs et artisans, les petits et les grans, leur disant: Je vous advertis qu'il y a un souverain Juge [325] des vivans et des morts, et c'est à luy à qui vous rendrez compte.

  A009000874 

 Saint Augustin estoit lié de trois divers liens desquels il parle dans ses Confessions, mais certes en telle sorte qu'il fait pleurer ceux qui les lisent avec attention, voyant comme ce pauvre jeune homme estoit embarrassé et si fort pressé qu'il ne se pouvoit desprendre.

  A009000875 

 Cela l'enfloit davantage, à quoy aydoit encores son bel esprit qui estoit grandement subtil..

  A009000876 

 Les aigles, au contraire, qui n'ont point cette beauté en leur plumage et cette apparence exterieure, font neanmoins des œuvres plus nobles et solides.

  A009000879 

 O Dieu, qu'il failloit bien une main toute puissante pour le deslier de tant et de si fortes chaisnes! Helas! qui pourroit concevoir les combats et convulsions qu'enduroit cette pauvre ame lors qu'elle vouloit reprendre sa liberté et se desfaire des fers et manottes dont elle estoit enferrée? Mais lors que Dieu, par sa misericorde infinie, eut touché ces liens, se sentant en liberté, il commença, comme tout ravi, à chanter le cantique des misericordes divines et s'escria saisi d'estonnement: Dirupisti vincula mea! O Seigneur, mon Dieu, vous m'avez desliè des fers et cadenes de mes passions, vicieuses coustumes et habitudes.

  A009000880 

 C'est un mal commun et universel, il y en a fort peu qui ne soyent enlacés dans ses filets, et saint Augustin en parlant dit: J'ignore si quelqu'un est exempt de vanité, de complaisance de soy mesme, de sa propre estime; si cela est je n'en sçay rien, mais pour moy je ne suis pas du nombre, car je suis homme pecheur..

  A009000880 

 On a tant de desirs, tant de belles esperances; on est si peu vuide de son propre [328] interest! Et quant à ce qui est de la vanité, certes, je ne sçay s'il y en a pas un qui en soit libre.

  A009000880 

 Toutefois, l'on delaissé bien souvent la terre et autres telles bagatelles, mais il y en a peu qui abandonnent leurs pretentions comme il faut, et qui soyent entierement quittes de l'avarice interieure.

  A009000882 

 Que veut il signifier par ces paroles? (Elles sont prises d'une de ces phrases hebraïques qui ont certes une proprieté admirable pour bien representer ce qu'elles expriment.) Il y a mille interpretations sur icelles, mais je me contenteray de celle cy.

  A009000883 

 Ils se retirent pour cela de la meslée du monde, se dedient et consacrent au service de Nostre Seigneur, et là ils offrent un sacrifice de louange, qui n'est autre chose que de dire de cœur et d'esprit ce qu'ils disent de bouche, accompagnant leurs chants, psalmodies, hymnes et cantiques d'une amoureuse et douce attention qui recrée le Bien-Aymé de nos ames..

  A009000883 

 Mais saint Augustin ne dit pas simplement qu'il chantera ses louanges, ains qu'il luy sacrifiera un sacrifice de louange, pour monstrer qu'il n'entend pas seulement parler de ceux qui, comme le commun du peuple, louent Dieu, ains d'une sorte de gens comme ceux qui en ont receu des graces particulieres.

  A009000884 

 C'est ce que le divin Espoux a signifié lors que parlant de l'Espouse au Cantique des Cantiques, il dit: Ma bien-aymée, ma mie qui est parmi vous et que vous connoissez, laquelle s'est donnée toute à moy, ne prend playsir qu'à me louer et me repaistre des fruits de son jardin; et non contente de m'en donner les fruits, elle me donne encores l'arbre.

  A009000884 

 Et qui est cette Sulamite sinon l'ame devote? Qu'est-ce que des chœurs sinon des lieux designés pour chanter les louanges divines? Donc, l'ame devote qui s'essaye de louer et glorifier Dieu ressemble à des chœurs.

  A009000885 

 Ce que voyant, le grand Archange saint Michel s'escria: Qui est comme Dieu? qui est comme Dieu? Ce qu'il repeta souventesfois, et fut suivi de tous les autres Esprits bienheureux qui respondirent de chœur en chœur ce mesme mot: Qui est comme Dieu? et donnerent par ce moyen la fuite à Lucifer et à ses complices.

  A009000885 

 Cette douce Sulamite donques est semblable à des chœurs et à des armées, car elle accompagne ses louanges d'affection et ses affections de louange; elle donne les fruits de son jardin lors quelle loue, et l'arbre, lors qu'elle unit aux louanges ses affections amoureuses; [330] et avec cette belle varieté elle va, comme une armée celeste, mettant en fuite les ennemis de Dieu, qui ne taschent rien tant sinon d'empescher ce saint exercice.

  A009000885 

 Si le diable pouvoit louer la divine Majesté il ne seroit pas diable; et on voit en ce grand divorce et rebellion qui se fit au Ciel, duquel nous ne dirons point icy la cause ni comme il advint, que le diable ne devint diable que parce qu'il ne voulut pas louer son Createur.

  A009000886 

 Il estoit si devot à cette divine grace qu'il ne se pouvoit rassasier non seulement de l'exalter, mais encores de parler et escrire à sa louange; il refute d'une eloquence admirable ces heretiques qui en nient l'efficacité, et par ses escrits et disputes demontre que leurs doctrines sont des resveries.

  A009000887 

 Qu'est-ce en effect que l'Eglise de Dieu sinon des chœurs et des armées, et qui sont ces chœurs sinon, comme j'ay desja dit, tous les Chrestiens qui [331] chantent continuellement les louanges divines en toutes sortes d'estats et de conditions? Saint Louys (duquel nous avons celebré la feste ces jours passés), le plus grand Saint entre les roys et le plus grand roy entre les Saints, estoit arrivé au plus haut point de la perfection chrestienne.

  A009000888 

 C'est grand cas que cette prudence humaine pretend tout gouverner et en veut tous-jours à ceux qui ont choisi la vie contemplative.

  A009000888 

 Et que la prudence humaine ne vienne point apporter icy ses raysons et dire: Oh! cela est bon pour les ecclesiastiques, predicateurs et docteurs, lesquels par leurs labeurs continuels assistent au public; mais à quoy servent ceux qui sont enfermés dans ces cloistres? A rien; ils sont inutiles à l'Eglise de Dieu.

  A009000888 

 Le chant des Religieux n'est pas si haut que celuy des autres, mais il est plus melodieux; ils ressemblent aux oyseaux qui sont dans des cages pour recreer leur maistre par leur gazouillement..

  A009000889 

 Ceux qui ne chantent pas sont les esperviers, qui vont tousjours à la queste pour apporter quelque provision à leur maistre.

  A009000889 

 Ils representent les Evesques et pasteurs qui veillent sur leurs troupeaux, qui sont en continuelle action pour gaigner quelque ame à Dieu et, comme de vaillans soldats, font de bons exploits en la sainte Eglise.

  A009000889 

 [332] Il y en a d'autres qui ne font que chanter, mais d'un air si melodieux que Nostre Seigneur y prend playsir..

  A009000890 

 Les murmurateurs ne manqueent pas, le monde a trop de prudence pour ne sçavoir à qui s'en prendre.

  A009000890 

 On eust peu avoir tant et tant de chevaux qui auroyent rendu grand service à la mayson, et cet oyseau ne sert de rien.

  A009000890 

 On raconte qu'un jour un grand seigneur acheta un petit oyseau qui cousta cinq cent septante escus; c'estoit une grande somme et il y en avoit suffisamment pour acheter des chevaux.

  A009000891 

 Et non seulement cela, mais de plus, ceux qui travaillent pour l'Eglise sont merveilleusement fortifiés pour s'acquitter de leurs fonctions et perseverer aux travaux qui les accompagnent, par cette douce harmonie, c'est à dire par les prieres que les ames religieuses appliquent pour ce sujet..

  A009000891 

 L'on en peut dire autant des ames qui se sont enfermées dans les cloistres, lesquelles, comme des petits oyseaux, recreent leur Maistre par la melodie de leurs chants; elles quittent leur liberté, qui est la vie de l'ame, pour vivre en prison, et se privent de toutes sortes de contentemens pour le resjouir par leurs prieres, souspirs et continuelles meitations.

  A009000893 

 Il y a des hommes qui sont mesconnoissans des graces et faveurs qu'ils ont receues; cette ingratitude reside quelquefois en l'entendement, et fait qu'ils ne voyent point le devoir qu'ils ont à ceux qui leur font du bien.

  A009000894 

 O Dieu, que c'est un vice espouvantable que cette ingratitude! Saint Augustin n'en estoit nullement entaché, mais au contraire il se sentoit tellement redevable à ce bien aymé Sauveur de nos ames qui l'avoit deslié des liens de ses pechés et vicieuses habitudes, qu'il se perdoit en la consideration de l'amour qu'il portait à son souverain Bienfacteur et Liberateur.

  A009000894 

 Souvent en ses meditations son ame se fondoit d'amour pour Celuy qui luy avoit fait de si grandes misericordes; voire, il fut tellement enivré des douceurs et suavités de cet amour, que, comme en ce qui est de la theologie il partage la gloire avec saint Thomas, aussi la partage-t-il avec saint Bernard en ce qui est de la dilection sacrée.

  A009000895 

 C'est luy qui fait qu'à l'oraison l'on a le cœur tout emmiellé et plein d'une douceur bien aggreable.

  A009000895 

 Le premier, qui est l'amour affectif, est desiré de tous; et de vray, il est bon cet amour là.

  A009000895 

 Oh, adjoustoit-il, où estois-je? où estoit ma liberté avant que vous l'eussiez liée de ces douces chaisnes qui me tiennent à present en cette bienheureuse esclavitude?.

  A009000896 

 Aussi est-ce la derniere chose que nous quittons, et qui nous fait plus de peine à renoncer.

  A009000896 

 Dieu mesme qui nous l'a donnée ne la veut point avoir par force, et quand il demande que nous la luy donnions il veut que ce soit franchement et de nostre bon gré.

  A009000897 

 O Dieu, qui pourroit descrire ce parfait abandonnement, cet entier delaissement que saint Augustin fit à la divine Bonté de soy et de sa propre vie, qui n'est [335] autre que cette liberté? Je suis tout ravi quand je lis en ses Confessions ce qu'il en dit.

  A009000898 

 J'ay adjousté qu'il y a un autre amour, qui est effectif.

  A009000899 

 Et vous, vous avez receu de grandes douceurs en l'oraison, mais hors d'icelle vous ne pouvez supporter une injure, une parole et action faite par [336] surprise; vous ne pouvez vous accommoder aux personnes d'une humeur contraire à la vostre! Il y en a à qui la nature a donné de grans advantages et il est bien facile de s'accommoder avec elles; d'autres n'ont pas ces qualités, elles ont au contraire je ne sçay quoy qui repugne à nos inclinations.

  A009000900 

 Et encores ce n'est pas grande merveille d'aymer ses amis, c'est naturel, les payens en font bien autant; mais d'aymer ses ennemis, o certes, voyla qui est digne d'un vray Chrestien.

  A009000900 

 On en trouve assez qui, venant en Religion, renoncent à toutes les commodités, biens et amis; mais on en trouve peu qui renoncent absolument à eux mesmes par cette parfaite et entiere abnegation.

  A009000900 

 Or, cela est bon pour prescher en public; revenons donques à cet amour qui nous fait mourir à nous mesme par une abnegation entiere et absolue.

  A009000900 

 Que nous serions heureux si nous observions cecy! Il s'en trouve prou qui cherissent leurs amis, mais ils ne les ayment pas en Dieu, car ils commettent de grandes injustices pour les favoriser, et les ayment aux despens de l'honneur et gloire de Dieu.

  A009000900 

 Saint Augustin, dit au sujet de ces paroles addressées par Nostre Seigneur à Magdeleine, Va-t-en à mes freres: Pour marcher il faut faire deux pas: mourir et renoncer à toutes les choses qui sont hors de nous, et mourir et renoncer à soy mesme, qui est le plus difficile.

  A009000903 

 Si quelqu'un m'ayme; voyez-vous, il monstre en cela que le nombre de ceux qui l'ayment est petit..

  A009000904 

 Pour vous laisser suivre vostre Office, je finiray donques en vous disant: Que Celuy qui a beni ce glorieux Saint vous benisse, que Celuy qui l'a sanctifié vous sanctifie, et que Celuy qui l'a glorifié vous glorifie là haut, par tous les siecles des siecles.

  A009000909 

 C'est une verité qui a tant et tant de fois esté dite par la Sainte Escriture et par les anciens Peres, que la perfection chrestienne n'est autre chose qu'une abnegation du monde, de la chair et de la propre volonté, qu'il semble qu'elle n'aye plus besoin d'estre repetée.

  A009000909 

 Et saint Augustin, traittant de ceux qui se consacrent à Dieu pour tendre à cette perfection, escrit: Ces gens icy que sont-ils, sinon une assemblée de personnes qui vont en la milice, à la guerre et au combat contre le monde, la chair et soy mesme? [340].

  A009000910 

 Lors que Dieu crea Adam il le fit pere de tout le genre humain, des hommes et des femmes esgalement; neanmoins il crea la femme, que nous appelions nostre mere Eve, qui est comme la capitainesse du sexe feminin.

  A009000911 

 Cela ne se faisoit pas seulement pour [341] la bienseance et civilité, mais comme remarque l'Escriture, d'apres l'ordonnance de Dieu, qui monstra souvent par diverses figures et exemples les faveurs et graces qu'il devoit faire à la sacrée Vierge Nostre Dame..

  A009000911 

 Et lors que, par inspiration divine, il commanda à toute son armée de passer à travers la mer Rouge pour eschapper la furie et tyrannie de Pharaon qui la poursuivoit, la mer se separant laissa le chemin sec et libre aux Israëlites, et engloutit et submergea les Egyptiens.

  A009000913 

 Elle fut encores en cela l'exemple des filles qui se consacrent à la divine Majesté.

  A009000914 

 Quant au [342] monde, la sacrée Vierge en fit en sa naissance les plus parfaits et les plus entiers renoncemens qui se puissent faire.

  A009000916 

 C'est pourquoy tous les chefs et fondateurs des Ordres religieux, dans lesquels regnoit l'esprit de Dieu qui les gouvernoit et conduisoit en leurs entreprises, ont tous commencé par là.

  A009000917 

 Et ce glorieux saint Nicolas Tolentin, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, se convertit oyant dans une eglise un Religieux de saint Augustin qui traittoit en une predication ces paroles de saint Jean l'Evangeliste: Le monde passe.

  A009000917 

 Le predicateur exhortoit vivement le peuple à ne point s'arrester à ses pompes et vanités, disant: Je vous prie, mes tres chers freres, de ne vous point attacher au monde de cœur ni d'affection, car le ciel et la terre passeront, et tout ce qui se trouve en iceux; ce qu'il vous presente n'a qu'un peu d'apparence, mais certes, ce ne sont que des fleurs qui passent et sont ja toutes fletries.

  A009000917 

 Si vous voulez demeurer au monde, servez-vous des choses qui se trouvent en iceluy, usez-en et en prenez ce qui est requis pour vostre usage; mais, pour Dieu, ne vous y affectionnez pas, ni vous y attachez en sorte que vous veniez à oublier les biens celestes et eternels pour lesquels vous estes creés, car toutes ces choses passeront.

  A009000918 

 Ce que sçachant le grand saint Basile, il luy escrivit une lettre qui contenoit ces lignes et luy mandoit: Pere Syncleticus, quid fecisti? Que fais-tu ou qu'as-tu fait? Tu as quitté le monde et ton estat de senateur pour te faire moine; mais qu'as-tu fait? Tu n'es à cette heure ni moine ni senateur.

  A009000918 

 Or, il n'en faut pas faire ainsy, car pour estre moine il ne suffit pas d'en porter l'habit, mais il faut relier fortement ses affections à Dieu et vivre en une parfaitte abnegation du monde et de tout ce qui luy appartient.

  A009000918 

 Plusieurs entrent en des monasteres qui ont leur affection aux honneurs, dignités, preeminences, surestime et playsirs du monde, et ce qu'ils ne peuvent posseder en effect ils le possedent de cœur et de desir.

  A009000918 

 Tu n'es pas senateur d'autant que tu as quitté ton estat pour te faire moine, et partant il n'est plus à toy; tu n'es pas moine parce qu'avec tes affections tu vas courant apres ce qui est du monde.

  A009000919 

 Voyez-les à l'entour de son berceau, et oyez comme tout esmerveillés de la beauté de cette Dame ils dient ces paroles du Cantique des Cantiques: Qui est celle-cy qui monte du desert comme une verge de fumée sortant de la myrrhe, de l'encens et de toutes sortes de parfums odoriferans? Puis, la considerant encores de plus pres, ravis et hors d'eux mesmes ils poursuivent leur admiration: Qui est celle-cy qui chemine comme l'aurore à son lever, belle comme la lune, choisie comme le soleil, terrible comme un [345] bataillon de soldats rangés? Cette fille n'est pas encor glorifiée, mais la gloire luy est promise; elle l'attend non en esperance comme les autres, mais en asseurance.

  A009000920 

 Je trouve trois enfans qui ont eu l'usage de rayson avant leur naissance, mais differemment.

  A009000920 

 Le premier est saint Jean Baptiste qui fut sanctifié dans le ventre de sa mere, où il conneut Nostre Seigneur, tressaillit de joye à sa venue et l'adora.

  A009000920 

 Le second enfant fut nostre Sauveur et souverain Maistre qui eut l'usage de rayson dès l'instant de son Incarnation.

  A009000920 

 Quand il donne sa grace à une ame il la luy donne pour tousjours et ne la luy oste jamais si celuy à qui il l'octroye ne la veut perdre luy mesme; ainsy en est-il des autres dons, qui ne nous sont point ostés si ce n'est par nos demerites.

  A009000921 

 Et nous pouvons adjouster: Y a-t-il quelque creature à qui le Fils de Dieu ayt dit ma Mere? Non certes, cela estoit deu à cette seule Vierge qui l'avoit porté neuf mois dans son ventre sacré.

  A009000921 

 Le grand Apostre saint Paul, qui certes est admirable en tout ce qu'il dit, [346] fait un argument par lequel nous pouvons entendre quelle est la dignité de Mere de Dieu: Y a-t-il Ange ni Seraphin à qui le Pere eternel ayt dit: Celuy-cy est mon Fils? O non, cela estoit deu seulement à nostre cher Sauveur et Maistre qui estoit son Fils vray et naturel.

  A009000921 

 Le troisiesme enfant fut la sacrée Vierge qui tient le milieu entre ces deux.

  A009000922 

 Nous autres sommes de pauvres gens, nous naissons en la plus grande misere qui se puisse voir, car nous sommes comme des bestes qui n'avons en nostre enfance ni discours ni rayson.

  A009000923 

 Et qui ne s'estonnera de voir cette celeste Enfant dans ce berceau, estant capable de connoissance et d'amour, discourant et adherant à Dieu, et en cette adhesion vouloir et accepter d'estre tenue et traittée de tous comme un simple enfant et en tout semblable aux autres? O Dieu, quel renoncement de la gloire, du faste et appareil du monde est celuy cy! et ce avec un tel deguisement que cette merveille n'estoit point conneue.

  A009000923 

 Mais en la Sainte Vierge qui, paraissant petit enfant et faisant tout ce qu'ils font, a neanmoins les mesmes discours et rayson que lors qu'elle mourut, o Dieu, c'est une chose qui est non seulement aymable et aggreable, ains tres admirable.

  A009000924 

 Car voyez-vous, c'est l'ennemie la plus desloyale, la plus traistreuse et perfide qui se puisse dire; aussi le continuel renoncement qu'on en doit faire est certes bien difficile.

  A009000924 

 Et pour ce le grand Apostre dit: Defiez vous de cet ennemy mortel qui vous accompagne tousjours, et gardez qu'il ne vous seduise.

  A009000924 

 Qui est cet ennemy dont parle saint Paul? C'est la chair que nous portons tousjours avec nous, et soit que nous beuvions, soit que nous mangions ou que nous dormions, tousjours cette chair nous accompagne et tasche de nous tromper.

  A009000925 

 Et quoy que sa chair sacrée fust tres sujette à l'esprit et ne fist jamais aucune rebellion, si est-ce qu'il n'a pas laissé de la mortifier, pour nous donner exemple et nous enseigner comme nous devons traitter la nostre qui repugne à l'esprit.

  A009000925 

 O Dieu, si Nostre Seigneur a traitté si rudement sa chair tres sainte, qui n'avoit aucune mauvaise inclination, nous qui en avons une tant desloyale, traistreuse et maligne, refuserons-nous et serons-nous lasches à la mortifier pour l'assujettir à l'esprit? Et, voyant ce que fait nostre Chef et Capitaine, serons-nous des soldats couards et foibles de courage?.

  A009000926 

 Neanmoins les enfans ne sont certes point louables pour tout cela, car ils n'ont pas l'usage de rayson; mais la sacrée Vierge qui l'avoit d'une maniere tres parfaitte, a souffert volontairement toutes ces mortifications et contradictions en son enfance; et voyla comme elle a fait ce second renoncement..

  A009000928 

 C'est ce qui se prattique en Religion, en laquelle on vient pour crucifier sa chair et ses sens, et c'est ce qu'on enseigne à ces filles quand elles entrent.

  A009000928 

 Elles imitent en cecy les nochers et rameurs, lesquels pour bien conduire leur navire ne regardent point le lieu où ils veulent aborder ains luy tournent le dos, et conduisant ainsy leur barque, ils arrivent en fin à bon port; de mesme en prendra-t-il à ces ames: regardant la terre pour s'humilier et confondre, elles parviendront au Ciel qui est un port tres asseuré.

  A009000928 

 Que veut signifier ce silence qu'elles gardent, sinon qu'elles ne doivent plus avoir de langue que pour chanter avec Moyse ce beau cantique de la divine misericorde, qui les a non seulement retirées comme des Israelites de la tyrannie de Pharaon, c'est à dire du diable qui les tenoit en esclavage et servitude, mais encores qui n'a point permis qu'elles fussent englouties dans les ondes de la mer Rouge de leurs iniquités..

  A009000929 

 Des deux autres on en vient encores à bout, mais de celuy cy il s'agit de se quitter soy mesme, c'est à dire son propre esprit, sa propre ame, son propre jugement, voire en des choses bonnes et qui mesme semblent estre meilleures que celles qu'on nous ordonne, pour s'assujettir en tout à la conduite d'autruy, c'est icy où il y va du bon.

  A009000929 

 Ne vous y trompez donques pas, car si vous venez en Religion avec vostre esprit propre, vous y aurez souvent du trouble et des convulsions, d'autant que vous y trouverez un esprit entierement contraire au vostre et qui l'ira tousjours contrepointant jusques à ce qu'il vous en ayt entierement rendues quittes.

  A009000929 

 Neanmoins c'est à quoy l'on vise en Religion, car en cela consiste la perfection chrestienne, de tellement mourir à soy mesme que l'on puisse dire avec l'Apostre: Je ne vis pas moy, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A009000929 

 Quant au troisiesme renoncement, qui est le plus important de tous, à sçavoir de renoncer à soy mesme, [350] il est bien plus difficile que les deux autres.

  A009000930 

 Comme s'il disoit: Bien que je sois homme de chair, je ne vis point selon la chair ains selon l'esprit; et non selon l'esprit propre, mais selon celuy de Jesus Christ qui vit et regne en moy.

  A009000930 

 Saint Paul parle merveilleusement bien de ce renoncement quand il dit: Je vis, non pas moy, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A009000931 

 Les devots qui sont dans le monde font en quelque maniere les deux premiers renoncemens dont nous avons parlé, mais pour celuy cy, o certes, il se fait seulement en Religion; car bien que les seculiers renoncent au monde et à la chair et qu'ils s'assujettissent en certaine façon, ils retiennent tousjours quelque chose, et tous se reservent au moins la liberté du choix des exercices spirituels.

  A009000932 

 Elle en vient jusques là que de voir mourir son Fils et son Dieu sur le bois de la croix, demeurant ferme et debout au pied d'icelle, s'assujettissant à ce qui estoit du divin vouloir en adherant à la volonté du Pere eternel.

  A009000932 

 Elle va au Temple, mais ce sont ses parens qui l'y menent, l'ayant ainsy promis à Dieu.

  A009000932 

 O Dieu, quelle abnegation est celle cy! Il est vray que le cœur tendrement amoureux de cette dolente Vierge estoit transpercé de vehementes douleurs; et qui pourroit [352] exprimer les peines et convulsions qui se passoyent alors dans ce cœur sacré! Neanmoins nous voyons qu'il suffit à cette sainte Dame de sçavoir que c'estoit la volonté du Pere eternel que son Fils mourust et qu'elle le vist mourir, pour la faire tenir debout au pied de la croix comme aggreant et acceptant cette mort..

  A009000933 

 Cette bourse qui est au dehors represente l'humanité de Nostre Seigneur qui a esté toute noircie et tellement meurtrie de coups qu'il a dit estre un ver et non un homme.

  A009000933 

 Le noyau, qui non seulement est doux et bon à manger, mais qui estant broyé est encores propre à faire de l'huile pour esclairer et illuminer, nous signifie la Divinité.

  A009000933 

 Saint Augustin explique donques que l'amande a trois choses remarquables: la premiere c'est la bourse qui est toute bourrue, la seconde c'est l'escorce ou le bois qui environne le noyau, la troisiesme c'est le noyau.

  A009000934 

 Lors Jesus Christ luy dit: Viens, mon «fidelle serviteur,» qui m'as si bien servi sous la Regle que j'avois donnée à ton Fondateur; «viens posseder la couronne qui t'est preparée.».

  A009000935 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si vous faites ce renoncement absolu du monde, de la chair et de vous mesme, et si vous vivez desormais en l'exacte observance des Regles et Constitutions qui vous ont esté données de la part de Dieu.

  A009000942 

 L'honneur que la sainte Eglise a tousjours porté à la sacrée Vierge a esté cause qu'outre les festes qu'elle solemnise le long de l'année, elle en fait encores une particuliere qui est celle que nous celebrons aujourd'huy; je veux dire que l'Eglise, pour monstrer le grand honneur et amour qu'elle professe pour cette sainte Dame, luy dedie le samedi de chaque semaine quand en iceluy il n'escheoit point de feste double..

  A009000943 

 Mais le Sauveur, par un saint contreschange luy respondit: Bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000943 

 Or, à la sainte Messe de ce jour on recite pour l'ordinaire l'Evangile où il est dit qu'une bonne femme oyant parler Nostre Seigneur s'escria: Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles qui t'ont allaitté.

  A009000943 

 Voyez-vous par où commence cette femme qui veut louer Nostre Seigneur? Par le ventre qui l' a porté et par les mammelles qui l'ont allaitté; comme si elle eust voulu dire, poussée de la grande estime qu'elle avoit conceue de la grandeur et excellence de nostre divin Maistre: O qu' heureux [355] sont le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! et par consequent, que la Dame qui a esté esleue pour ta mere est bienheureuse!.

  A009000944 

 De mesme il n'est pas de Seraphin ni de creature quelle qu'elle soit, hormis Nostre Dame, à qui le Sauveur ayt dit: Vous estes ma Mere.

  A009000944 

 Et le tiltre de Mere de Dieu est reservé à la sacrée Vierge qui l'a porté dans ses chastes entrailles où il prit chair humaine.

  A009000944 

 O non certes, ces paroles: Celuy cy est mon Fils, ne sont dites ni pour Cherubin ni pour Seraphin, ains seulement pour nostre Sauveur, qui est luy seul vray et legitime Fils du Pere eternel.

  A009000944 

 Voyla pourquoy, o femme, il est vray ce que tu dis; mais d'autant que le sein et les mammelles que tu loues n'ont point d'intelligence et par consequent ne meritent point de louanges, je t'asseure que bienheureux sont ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000945 

 J'ay desja plusieurs fois, et mesme en ce lieu icy, parlé sur ce sujet, mais il me reste quelques choses à dire qui me semblent bien à propos touchant l'action que nous allons faire à present.

  A009000945 

 Laissant donques les premieres paroles prononcées par Nostre Seigneur pour considerer la derniere, je diviseray ce mien discours en trois points: au premier nous verrons que c'est qu'ouyr la parole de Dieu; au second, comme il la faut garder; au troisiesme, comment sont bienheureux ceux qui l'oyent et qui la gardent..

  A009000946 

 Ce n'est pas que l'on n'entende bien les semonces qui nous sont faites tant par les predicateurs que par les Superieurs; l'on en est mesme quelquefois touché, mais pour la pluspart des Chrestiens ces enseignemens ne font que passer par une oreille et sortir par l'autre..

  A009000946 

 La premiere c'est par le moyen des hommes qui ont [356] l'intelligence et connoissance de la Sainte Escriture, comme les docteurs et predicateurs qui journellement nous preschent et annoncent la divine parole, la laideur du vice et la beauté de la vertu.

  A009000947 

 De plus aussi, ces sacrées semonces sont proferées par les hommes qui ne peuvent pas donner à leurs discours la force et vertu qu'ils desireroyent.

  A009000948 

 En tesmoignage dequoy tous ceux que la divine Majesté a tant favorisés en leur enseignant ses volontés et son bon playsir par le moyen de ces glorieux messagers, se sont tousjours grandement humiliés, les uns se jettant par terre en signe de profond abaissement, les autres escoutant avec crainte et tremeur ce qui leur estoit dit par iceux.

  A009000948 

 Voire, il y en a qui les ont voulu adorer, pensans voir Dieu mesme qui leur partait, tant estoit grande la majesté de ces celestes Esprits et merveilleux les effects que leurs paroles operoyent dans les cœurs, le Seigneur s'en servant pour fidelles interpretes de ses volontés.

  A009000950 

 Bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent..

  A009000950 

 Certes, il est tres vray que le fond du cœur est reservé à Dieu seul et qu'il n'y a que luy qui le puisse penetrer.

  A009000950 

 Ils ont penetré et sondé le fond de leur cœur, et leur ont fait quitter tout ce qu'elles avoyent pour suivre Nostre Seigneur où il les appelloit; et ce contre l'esprit et jugement du monde qui condamne et tient pour folie le tiltre de bienheureux que nostre divin Maistre donne aux pauvres d'esprit.

  A009000951 

 Bienheureux donc ceux qui l'escoutent et la gardent..

  A009000951 

 Et quoy, dit-il, vous vous estonnez que l'Empereur qui n'est qu'un homme comme un autre m'ayt escrit et envoyé un de ses ambassadeurs, et vous ne vous estonnez point que Nostre Seigneur nous parle dans la Sainte Escriture? Voire, non content de cela, il nous envoye ses messagers, qui sont ses Anges, pour nous faire entendre ses volontés, et de plus il vient encores luy mesme s'incarner et demeurer sur cette terre pour nous enseigner en propre personne.

  A009000951 

 Helas! qui est-ce qui nous couvre les yeux de fange, pour n'admirer point ces merveilles et pour nous estonner si fort de ce que font les hommes à l'endroit de leurs semblables? Cet estonnement de saint Antoine ne procedoit d'autre cause sinon de la connoissance qu'il avoit du grand bien et honneur qui nous revient d'entendre la parole de Dieu.

  A009000952 

 Donques bienheureux sont ceux, dit Nostre Seigneur, qui escoutent la parole de Dieu, puisque c'est desja un bon signe qu'ils la garderont..

  A009000952 

 Et comment? Dans la bouche de nostre ame qui n'est autre que les oreilles du corps par lesquelles elle vient jusqu'à nous; car tout ainsy que l'on ne sçauroit manger les viandes corporelles sans les avoir premierement receuës dans la bouche, aussi ne sçaurions-nous mascher, c'est à dire mediter la parole de Dieu, sans l'avoir bien ouye.

  A009000952 

 Et qu'est-ce cette viande spirituelle sinon la parole de Dieu, qui est la vraye pasture de l'ame, comme luy mesme l'a declaré en tant et tant d'endroits de la Sainte Escriture? Il faut donques la recevoir.

  A009000952 

 Pour manger les viandes corporelles il les faut mettre dans la bouche, puis les mascher et les avaler; ainsy pour cette manducation spirituelle il faut prendre la viande qui nourrit l'ame, la mascher, c'est à dire la mediter, pour puis apres l'avaler et convertir en soy mesme.

  A009000953 

 C'est une chose si importante de bien mediter cette divine parole que le Seigneur en l'Ancien Testament ne vouloit point recevoir en son sacrifice les animaux qui ne ruminoyent pas.

  A009000953 

 Ce sont des animaux qui engloutissent la viande sans la mascher, et pour cela Dieu les rejettoit en l'ancienne Loy, comme au contraire il aggreoit ceux qui ruminent, tels que les taureaux et aigneaux lesquels luy estoyent ordinairement offerts et immolés.

  A009000953 

 O Dieu, si l'on sçavoit l'importance de ce point! Helas, il y a tant de personnes qui entendent la divine parole! mais que font-elles sinon l'engloutir comme des corbeaux, ours et lions, sans la ruminer? De là vient que tant de gens se perdent, qui pour cela sont appellés immondes et ne sont point propres pour le sacrifice.

  A009000954 

 Mais pour le bien conserver, comme ferez-vous? Voyez, adjouste ce grand Saint, un pauvre homme qui a un pain dans un coffre ou buffet; il est content, il pense qu'il en a assez pour le soir et pour le lendemain.

  A009000954 

 Voyez-vous, pour que les viandes nous profitent il faut faire une bonne digestion par le moyen de laquelle elles aillent en l'estomach et se convertissent en sang, qui passant par toutes les veines se change puis apres en nous mesme.

  A009000956 

 Les naturalistes disent qu'il y a un animal terrestre auprès de la mer qui va si souvent s'y jetter qu'il se nourrit de ses eaux, et les conserve et digere en telle sorte par les frequentes entrées et sorties qu'il fait en icelles qu'il change en fin de nature, car luy qui estoit animal des champs devient poisson comme ceux qui vivent dans la mer.

  A009000956 

 O Dieu, que nous serions heureux si estans appellés à une vocation nous meditions et digerions tellement son excellence, que par la grande estime que nous en ferions et le grand amour avec lequel nous pratiquerions nos Regles et Constitutions, nous vinssions à la convertir en nostre propre substance, en sorte que, laissant d'estre ce que nous sommes, nous devinssions nostre vocation mesme! O que bienheureux sont ceux qui oyent la parole de Dieu et la gardent!.

  A009000957 

 Bienheureux donc sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000957 

 Ce n'est donques pas le pain seul qui nourrit l'homme; non certes, mais c'est la parole de Dieu qui non seulement sustente l'ame comme estant la viande qui luy est propre, ains sa vertu passe encor au corps, luy conservant une certaine force [362] et vigueur que le pain materiel ne luy peut pas donner.

  A009000957 

 L'experience journaliere nous en fait foy, car nous voyons tant de saints personnages qui vivent tres longuement parmi de grandes penitences et austerités.

  A009000958 

 Et pour commencer par la sacrée Vierge, comme celle qui l'a mieux escoutée et gardée, que diray-je sinon emprunter pour ce sujet les paroles de ce grand saint Hierosme en l'epistre qu'il escrit à Eustochium sur la mort de sa mere Paula? Si toutes les parties de mon corps se convertissoyent en langues, si tous mes nerfs resonnoyent en voix humaines, je ne publierois encores assez dignement combien la Sainte Vierge est bienheureuse pour avoir entendu et gardé la parole de Dieu, car elle l'a fait avec tant de perfection que pour cela elle a esté dite bienheureuse par la bouche de sainte Elizabeth, qui estoit poussée de l'Esprit Saint.

  A009000959 

 C'estoit un pauvre homme qui n'avoit point estudié, et neanmoins il preschoit et faisoit des merveilles.

  A009000959 

 O Dieu, qu'il estoit heureux d'avoir si bien digeré cette sainte parole jusques à estre tout transformé en icelle! Saint Jean [363] Baptiste qui entra si jeune dans le desert, s'estoit-il pas tellement transformé en la penitence que son langage, sa voix, ses habits, tout son exterieur et interieur ne preschoyent que penitence? Voyla donques comme l'on peut justement dire: Bienheureux ceux qui escoutent la parole de Dieu et qui la gardent..

  A009000960 

 Il vous a dit un mot en secret et vous luy avez obei; car c'est luy seul qui peut parler au cœur des hommes, et, par mesme moyen, leur donner la grace de faire ce qu'il demande d'eux.

  A009000960 

 O que vous estes heureuses, mes cheres Filles, car vous estes du nombre de celles qui ont entendu cette divine parole de Celuy qui seul peut penetrer les cœurs.

  A009000961 

 Mais ces filles sont venues parce que Dieu les a appellées, car c'est luy qui va touchant ceux qu'il luy plaist pour les conduire où il veut.

  A009000961 

 On ne le fait pas sans peine, mais certes les roses ne se trouvent pas sans espines, et nous ne devons pas craindre de nous piquer pour cueillir ces belles roses parmi les difficultés, car puis apres, elles s'espanouiront et jetteront une odeur qui nous resjouira tout le cœur.

  A009000961 

 Que vous reste-t-il plus sinon de bien entendre et garder la parole divine, à sçavoir vos Regles et Constitutions, et vous convertir tellement en elles que vous soyez desormais vostre vocation mesme? Les Religieuses ne doivent avoir autre soin que celuy là, d'autant que dans leurs Regles et Constitutions elles voyent la volonté de Dieu qui leur [364] signifie et monstre ce qu'elles ont à faire pour parvenir à la perfection et union avec sa divine Majesté.

  A009000961 

 Vous voyez que quand on veut joindre deux pieces de bois l'on y apporte la regle, ensuite on retranche ce qui est superflu, puis on les ajuste; et ainsy des pierres que l'on taille pour mettre en quelque edifice, et lors on dit: Voyla qui est bien ajusté.

  A009000967 

 Cette communion se peut comprendre et expliquer en diverses façons, comme nous voyons en la Sainte Escriture; mais nous vous monstrerons qu'elle se doit sur tout entendre de deux sortes d'amours lesquels se declarent beaucoup mieux quand on parle de ce qui concerne Nostre Seigneur que non pas les creatures.

  A009000967 

 Sa beatitude est au dessus de celle de tous les Bienheureux, des Anges, de la Vierge, et leur bonheur derive de Dieu, car c'est luy qui le leur donne et communique.

  A009000968 

 Nous n'avons tous qu'un mesme chef qui est Jesus Christ; or, nostre amour et union sont fondés en luy, comme donques la mort aura-t-elle le pouvoir de les rompre? Saint Paul disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Ni les Anges, ni les Vertus, ni le ciel, ni la terre, ni l'enfer ne nous pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000969 

 Car, comme il est dit en tant d'endroits de la Sainte Escriture, il y a des Anges au Ciel en telle quantité que le nombre en est inconcevable; et quoy qu'il en tombast la troisiesme partie dans l'enfer avec Lucifer (car il est escrit que dans sa cheute il tira apres soy le tiers des estoilles du Ciel, c'est à sçavoir des Esprits angeliques), neanmoins le nombre de ceux qui sont restés fidelles est si grand qu'il est impossible de le concevoir.

  A009000969 

 En outre de tous ces celestes Esprits, la multitude des ames bienheureuses est si grande que le denombrement n'en peut estre fait; car, combien pensez vous qu'il y a eu de Saints despuis la creation du monde jusques à maintenant? C'est une chose qui ne se peut dire.

  A009000969 

 Saint Hierosme, parlant de la multitude des Saints qui sont au Ciel, dit que si l'Eglise vouloit faire la feste de tous les Martyrs il y en auroit chaque jour de l'année sept cents de ceux que l'on sçait asseurement avoir esté martyrisés; or, combien y en a-t-il qu'on ne [368] connoist pas! Et s'il y a tant de Martyrs, combien y aura-t-il de Docteurs, de Confesseurs et autres? Le nombre en est indicible.

  A009000970 

 C'est cette complaisance qui fait la communion des Saints, car à mesure que nous nous complaisons aux biens qu'ils ont nous en sommes faits participans, la complaisance ayant cette vertu de tirer à soy la chose aymée pour se la rendre propre.

  A009000970 

 Nous voyons en effect qu'une personne en aymant une autre de cet amour attire à soy le bien qui se trouve en elle, car il est impossible d'aymer en cette sorte sans avoir la participation et communion aux biens de ceux qu'on ayme..

  A009000970 

 Or, pour nous bien resjouir et entrer en l'intention de l'Eglise, il faut exercer l'amour de complaisance et de bienveuillance à l'endroit des Saints qui sont au Ciel, puisque nous le pouvons aysement faire.

  A009000971 

 J'ay dit que cet amour de complaisance est la cause principale de la beatitude des Saints, car, tout en parlant tousjours avec estime et respect de ceux qui tiennent l'opinion contraire, je pense [369] que la cause principale de la gloire des Bienheureux ne consiste pas en l'entendement par lequel ils voyent et connoissent Dieu, mais en la volonté par laquelle ils l'ayment de cet amour de complaisance; et j'estime qu'en cela gist leur felicité.

  A009000971 

 Les Bienheureux ayment Nostre Seigneur; aussi le Ciel est rempli de cet amour de complaisance, qui est la cause principale de leur beatitude; car connoissans clairement la grandeur et perfection de Dieu et tous les divins attributs qu'ils voyent en luy, ils l'ayment souverainement de cet amour de complaisance, et par ainsy attirent en eux ses perfections.

  A009000972 

 Nous pouvons leur souhaitter et desirer les biens qu'ils n'ont pas encores, à sçavoir la resurrection de la chair, la reunion avec leurs corps, car en cette reunion consiste une partie de leur gloire; non pas de l'essentielle, qui appartient à l'ame, car celle cy ne sera point accreuë par la resurrection de la chair, mais de l'accidentelle, qui appartient au corps aussi bien qu'à l'ame..

  A009000973 

 Nous disons donc que l'homme est composé d'ame et de corps; et, bien que la mort, qui est entrée au monde par le peché, les separe, cependant nous esperons et croyons en «la resurrection de la chair,» par laquelle nos miserables corps seront reunis à nos ames, et par cette reunion ils participeront à leur gloire et felicité, ou à leur peine et condamnation eternelle.

  A009000973 

 Pour faire un homme parfait il faut qu'il aye une ame et un corps; et quoy que ce soit l'ame qui fait l'homme, neanmoins Dieu à la creation l'unit avec un corps organisé.

  A009000974 

 C'est pourquoy nous vous demandons la resurrection generale, apres laquelle ceux qui sont au Ciel et nous autres mortels souspirons..

  A009000974 

 Car que signifient ces paroles: Vostre royaume nous advienne, sinon que nous representons le desir que nous avons de la reunion des ames avec leurs corps? Comme si nous disions: Seigneur, vostre royaume est desja venu, il est fait et preparé pour les Saints, il est preparé pour tous; et non seulement pour tous ceux qui sont saints, mais encores pour ceux qui ne le sont pas.

  A009000974 

 Il est desja advenu aux Saints, c'est à dire à ces ames glorieuses qui sont au Ciel.

  A009000974 

 L'Eglise exerce donc en ce jour l'amour de complaisance et de bienveuillance à l'endroit des Saints, et se resjouissant de la gloire que desja ils possedent, elle les congratule et provoque ses enfans à s'y complaire et à glorifier Dieu qui les a sanctifiés.

  A009000974 

 Quant à nous autres, qui sommes ça bas en terre, il nous est aussi desja advenu; car, Seigneur, vous nous en laissez le choix et disposition, et les justes le possedent par desir et esperance.

  A009000975 

 Ils chantent un cantique continuel, sans se lasser ni se reprendre; ils benissent Dieu avec une joye et complaisance pleine d'une incomparable suavité, s'excitant et provoquant les uns les autres à le tousjours magnifier, mais d'un desir doux, tranquille et qui les rassasie pleinement.

  A009000975 

 Outre ces actes de bienveuillance que nous exerçons a l'endroit des Saints, il y en a encores deux autres qui dependent immediatement de nostre cooperation, par [371] lesquels nous pouvons correspondre aux desirs qu'ils ont, et par cette correspondance leur causer une gloire accidentelle qu'ils n'auroyent point sans cela.

  A009000976 

 Et quoy que les louanges que nous donnons à Dieu doivent estre continuelles et invariables, neanmoins ce sera tousjours avec quelque pause; car il n'y a homme, pour saint qu'il soit, qui ose dire qu'il a sa volonté si collée et unie à celle de Dieu qu'il n'en peut point estre separé un seul moment ou distrait par aucun accident de cette vie, ni qui puisse tenir son cœur si attentif à louer Dieu, qu'il ne fasse quelque interruption en l'exercice de l'amour et benediction qu'il luy doit..

  A009000977 

 En toutes les heures du jour et de la nuit il se trouve des ames qui louent et glorifient Dieu..

  A009000977 

 Il y a un grand nombre de phrases et de passages en la [372] Sainte Escriture qui semblent exiger cela de nous.

  A009000978 

 La sainte Eglise en fait de mesme lors qu'elle celebre leurs festes: elle loue Dieu en eux, car qui voudroit celebrer la feste de tous les Saints à leur honneur et non à celuy de Dieu ne feroit rien d'aggreable ni à Dieu ni aux Saints mesmes, puisqu'ils ne peuvent recevoir de gloire sinon de voir que le Seigneur est exalté en eux et eux en luy..

  A009000980 

 Il y a encores un autre amour qui est l'amour d'imitation; et pour celuy cy il est necessaire d'avoir de la sympathie avec ceux que l'on ayme.

  A009000980 

 La passion de l'amour est la premiere et la plus forte qui soit en l'ame; de là vient que l'amour nous rend tellement propre ce que nous aymons, que nous disons communement que les biens de la chose aymée sont plus à celuy qui ayme qu'à celuy qui les possede.

  A009000980 

 Mais que veut dire sympathie? Les gens du monde l'entendent bien, mais vous qui n'estes pas du monde, peut estre ne l'entendrez vous pas si je ne le vous dis.

  A009000981 

 Belle rayson! comme qui vous diroit: Vostre pere estoit fol, il faut donques que vous le soyez aussi, car on connoistra à cela la sympathie que vous avez avec luy..

  A009000982 

 Bien que nous ayons dit que cet amour d'imitation vient d'une certaine sympathie des uns avec les autres, il ne faut pas entendre neanmoins que les ambitieux de l'honneur et gloire humaine s'accordent mieux avec ceux qui sont coleres et fiers qu'avec ceux qui ne le sont pas.

  A009000982 

 O non, car les ambitieux sont tousjours à contester qui d'entre eux aura plus d'honneur et telles autres choses, chacun voulant devancer son compagnon.

  A009000984 

 Il est escrit en iceluy qu' estant assis il ouvrit sa bouche sacrée et dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, bienheureux ceux qui pleurent; bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux; et ainsy des autres.

  A009000984 

 Il s'addressa à ses Apostres pour nous faire voir que c'estoit pour eux et ceux qui les ensuivroyent qu'il prononçoit principalement la premiere et la derniere des beatitudes: Bienheureux les pauvres d'esprit, bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice; car ils devoyent pratiquer cette pauvreté d'une façon speciale, et souffrir plusieurs persecutions comme personnes dediées plus particulierement à Nostre Seigneur.

  A009000984 

 Or, ce n'est pas sans sujet que l'Evangeliste remarque qu' il ouvrit sa bouche sacrée, pour nous monstrer que sa divine Bonté nous vouloit dire quelque chose de grand, et nous enseigner une doctrine qui n'avoit point encores esté ouye.

  A009000984 

 Puis, regardant le reste du peuple il dit: Bienheureux ceux qui pleurent, qui ont faim et soif de justice, qui sont purs et nets de cœur; monstrant par là que ces conseils evangeliques estoyent non seulement pour les Apostres, mais pour tous, puisque tous doivent faire penitence, tous doivent estre purs et nets de cœur.

  A009000985 

 Celuy-là en est bien esloigné qui ne veut point avoir d'indigence, et qui ambitionne l'honneur d'estre pauvre pourveu que rien ne luy manque.

  A009000985 

 Je ne nie pas que les gens de cette sorte ne soyent facilement heureux, neanmoins ce n'est pas en ce sens que Jesus Christ a proclamé bienheureux les pauvres d'esprit; mais il entendoit parler de la pauvreté qu'il a pratiquée luy mesme et de celle qu'exerceroyent ceux qui, apres avoir tout quitté, supporteroyent volontiers [376] les incommodités et mesayses qu'elle tire apres soy.

  A009000985 

 La pauvreté est honnorable, et il s'est trouvé mesme des philosophes payens, comme un Crates, un Epictete, qui se sont glorifiés d'estre pauvres.

  A009000985 

 Les uns ont pensé que quand le Sauveur dit: Bienheureux les pauvres d'esprit, il entendoit parler de ceux qui sont simples et qui n'ont guere d'intelligence.

  A009000985 

 Plusieurs veulent bien embrasser la pauvreté pourveu qu'ils ayent tout ce qui leur est necessaire, mais ce n'est pas de tels pauvres d'esprit que Nostre Seigneur parle, ni à qui il promet le Royaume des cieux..

  A009000986 

 Bienheureux ceux qui ne font point misericorde, qui gardent ce qu'ils ont sans se mettre en souci de servir les pauvres, ains seulement de tousjours amasser biens sur biens et de ne les donner à personne, de peur qu'ils ne diminuent.

  A009000986 

 Bienheureux ceux qui ne pleurent point, ains qui se recreent et prennent du bon temps, car les larmes sont ennuyeuses.

  A009000986 

 Bienheureux ceux qui se vengent.

  A009000986 

 Mais les Apostres et ceux qui les ont imités de plus pres ont prattiqué la pauvreté d'esprit selon l'intention de Nostre Seigneur, car ils quitterent tout pour le suivre et supporterent beaucoup d'incommodités qui sont ordinaires aux pauvres.

  A009000987 

 Et quelle pauvreté fut celle du grand Apostre, lequel apres avoir tout quitté pour l'amour de son Maistre voulut servir les Corinthiens et autres pour rien! En effect, [377] apres avoir presché, sué et souffert pour l'Evangile et pour monstrer la voye du salut, il ne vouloit point vivre des aumosnes des Chrestiens, ains du travail de ses mains et à la sueur de son corps; car il travailloit pour gaigner sa vie, disant: Pour monstrer combien j'ayme mon Maistre pour l'amour duquel je vous sers, et que la peine que je prens n'est point pour m'enrichir de vos moyens, ains purement pour l'amour de Celuy à qui je sers, je ne veux pas qu'apres vous avoir aydé à vous sauver vous me nourrissiez de vos aumosnes comme vous faites les autres Apostres, ains je veux gaigner ma vie à la sueur de mon front et vous servir pour rien, vous donnant ainsy tout ce que j'ay.

  A009000987 

 Non seulement, disoit-il, je veux me sacrifier moy mesme pour vostre salut, mais qui plus est, je me veux laisser sacrifier et vendre par d'autres.

  A009000988 

 Car que pensez-vous qui aye fait supporter avec tant de suavité l'aspreté des deserts à nos anciens Peres, en sorte qu'elle leur sembloit peu de chose, sinon cette pauvreté qu'ils cherissoyent si tendrement que rien plus? Saint François [378] n'en estoit-il pas passionné comme un jeune homme de sa maistresse qu'il aymeroit grandement? Aussi l'appelloit-il sa dame et estoit-il tousjours en attention pour en ressentir les incommodités, prenant en icelles tous ses delices.

  A009000988 

 Plusieurs Saints l'ont pratiquée fort exactement et s'en sont rendus si amoureux qu'ils ont enduré avec playsir les miseres et incommodités qui l'accompagnent.

  A009000995 

 Regarde, et fais selon le modele qui.

  A009000999 

 Ce qui fut fait, mais d'une façon si admirable qu'il n'y avoit rien, jusques dans les moindres ageancemens, qui ne fust plein de grans misteres.

  A009000999 

 Les anciens Peres, apres avoir tout consideré, s'arrestent avec admiration sur la plus vile et abjecte partie de toutes; car entre autres choses, Dieu avoit ordonné qu'on mist une cuve entre le tabernacle exterieur auquel demeuroit le peuple qui venoit pour offrir des sacrifices, et le tabernacle interieur où demeuroyent les prestres de la Loy; ou bien entre les deux autels, c'est à dire entre l'autel des holocaustes et celuy des parfums.

  A009001000 

 Certes ils ont bien quelque rayson, car personne ne sçauroit entrer au tabernacle interieur, qui n'est autre que le Ciel, sans passer par l'exterieur qui est l'Eglise, à laquelle appartient cette cuve pleine des eaux baptismales où il faut estre trempé et lavé.

  A009001001 

 Je sçay bien qu'autre est la penitence à laquelle nous obligent les pechés mortels et autre est celle qu'il faut faire pour les veniels; toutefois elle est absolument necessaire pour les uns et pour les autres, et qui ne la fera en cette vie la fera indubitablement en l'autre.

  A009001002 

 Vous voyez donques que cette cuve placée entre les deux tabernacles represente le Baptesme, la penitence et la doctrine evangelique, qui sont les liens par lesquels l'Eglise militante est unie à la triomphante.

  A009001003 

 Elle les possedera en telle sorte qu'elle les gouvernera souverainement; et quant à eux ils participeront à sa gloire, par le moyen de laquelle ceux qui estoyent mortels seront rendus immortels comme l'ame..

  A009001003 

 Nous autres avons aussi deux tabernacles: l'un exterieur qui est ce corps que nous portons, et l'autre interieur, qui est l'ame par laquelle nous vivons.

  A009001003 

 Quels sont ces tresors sinon nos ames qui, comme des tabernacles interieurs, sont cachées dans nos corps? Mais tout ainsy que l'ame anime et donne la vie au corps, aussi la doctrine evangelique la nourrit et vivifie, luy fournissant la lumiere et la force pour la conduire et la faire arriver à cet autre tabernacle plus interieur où habite le Tres Haut.

  A009001004 

 Car bien que nous n'ayons pas besoin de miroüers comme ces dames hebreuses, pour mirer nos corps qui pourriront avec les chiens et autres animaux, neanmoins nous devons tous-jours avoir devant les yeux les mirouers des vertus et exemples des Saints pour former et dresser sur iceux toutes nos actions..

  A009001004 

 Ceux cy nous representent les exemples des Saints, qui ayans receu la doctrine chrestienne, l'ont pratiquée si parfaitement et au pied de la lettre, que nous pouvons dire que les histoires de leur vie sont autant de mirouers qui ornent et enrichissent cette cuve de la Loy evangelique.

  A009001004 

 Et tout ainsy que cette Loy les a ornés et enrichis, et que s'estans plongés dans icelle ils se sont purifiés et rendus capables d'offrir à la divine Bonté des sacrifices d'un prix et valeur inestimable, ils luy ont aussi, de leur costé, fait ce que faisoyent à cette cuve les mirouers des dames hebreuses et juifves; car ils l'ont embellie par la pratique des preceptes et conseils qu'ils ont puisés en icelle, nous laissant à imiter des admirables exemples, qui sont comme des mirouers dans lesquels nous [383] nous pouvons continuellement regarder.

  A009001005 

 Elle a un grand avantage par dessus tous les Bienheureux, qui est qu'elle s'est donnée et totalement dediée au service de Dieu dès l'instant de sa conception, puisqu'il n'y a nul doute qu'elle n'ayt esté toute pure et n'ayt eu l'usage de rayson dès que son ame fut mise en ce petit corps formé dans les entrailles de sainte Anne..

  A009001005 

 Me voyci maintenant sur le sujet de la feste de nostre tres chere Mere et Maistresse que nous celebrons aujourd'huy; car, je vous prie, quel plus beau et pretieux mirouer vous sçauroit-on presenter que celuy-cy? N'est-ce pas le plus excellent qui soit en la doctrine evangelique? N'est-ce pas elle qui l'a le plus ornée et enrichie, tant par ce qu'elle mesme a prattiqué que par les exemples admirables qu'elle nous a laissés? Certes, il n'y a point de Saint ni de Sainte qui luy puisse estre parangonné, car cette glorieuse Vierge surpasse en dignité et excellence non seulement les Saints, mais aussi les plus hauts Seraphins et Cherubins.

  A009001006 

 Elle luy donna l'usage de la rayson et la foy par laquelle Nostre Dame conneut Dieu et creut tout ce qui estoit de la verité, en sorte que, remplie de cette clarté, elle se dedia et consacra toute à la divine Majesté, mais d'une façon tres parfaite.

  A009001006 

 Que si le Sauveur fit une telle grace à celuy qui devoit estre son precurseur, qui pourra douter que non seulement il ayt fait la mesme faveur, mais qu'il n'ayt avantagé d'un privilege beaucoup plus grand et tout particulier celle qu'il avoit choisie pour estre sa Mere? Pourquoy ne l'auroit-il pas sanctifiée dès le sein maternel aussi bien que saint Jean?.

  A009001007 

 C'est donc une chose toute asseurée que dès l'instant de sa conception Dieu la rendit toute pure, toute sainte, avec l'usage parfait de la foy et de la rayson en une façon du tout admirable et qui ne peut assez estre admirée; car il avoit fait cette pensée de toute eternité parce que ses cogitations sont tres hautes, et ce qui n'avoit jamais peu entrer en l'entendement des hommes, Dieu l'avoit medité avant tous les temps.

  A009001007 

 Oh combien de faveurs, graces et benedictions la divine Bonté versa dans le cœur de la glorieuse Vierge! Mais elles estoyent si secrettes et interieures que personne n'en pouvoit rien connoistre qu'elle qui les experimentoit, et encores sa mere sainte Anne; car il est croyable qu'à l'instant que le Seigneur respandit tant de graces dans l'ame de cette benite Enfant, la mere s'en ressentit, et receut de grandes douceurs et consolations spirituelles à cause de sa Fille qui en estoit comblée..

  A009001008 

 Elle fut comme une belle fleur qui exhala son odeur de grand matin.

  A009001008 

 Il y a deux sortes de fleurs, les roses et les œillets, qui jettent la suavité de leur odeur differemment; car les roses sont plus odorantes dans la matinée, et leur parfum en ce temps-là est plus suave; les œillets, au contraire, [385] sont plus odorans sur le soir et leur senteur est plus forte et aggreable.

  A009001009 

 Cette glorieuse Vierge se comportoit en ce bas aage avec tant de sagesse et discretion en la mayson de ses parens qu'elle leur donnoit de l'estonnement, si qu'ils jugerent bien, tant par ses discours que par ses actions, que cette Enfant n'estait pas comme les autres, mais qu'elle avoit l'usage de rayson, et partant qu'il failloit anticiper le temps et la conduire au Temple pour servir le Seigneur avec les autres filles qui y estoyent pour ce sujet.

  A009001010 

 Mais qui pourroit expliquer avec quel ressentiment d'amour et de dilection le disoit cette sainte Vierge, veu que ce sacré cantique ne traitte d'autre chose que de la Loy et volonté de Dieu, pour à laquelle obeir elle s'acheminoit au Temple?.

  A009001010 

 O Dieu, combien estoyent grans les souspirs et eslans d'amour et de dilection que jetta cette petite Pucelle ainsy que ses pere et mere, mais elle sur tout, comme celle qui alloit pour se sacrifier derechef à son divin Espoux qui l'appelloit et luy avoit inspiré cette retraitte, non seulement à fin de la recevoir comme son espouse, ains encores pour la preparer à estre sa mere! Oh qu'elle alloit doucement chantant ce cantique sacré du Psalmiste: Beati immaculati in via.

  A009001011 

 De mesme nostre glorieuse Vierge vint avec tant de parfums de sainteté qu'il ne s'en estoit jamais veu autant en toutes les dames qui s'estoyent dediées au Temple qu'il s'en trouva en elle seule.

  A009001011 

 Elle s'y offrit et consacra avec telle ferveur, amour et humilité que les Anges et plus hauts Seraphins qui se promenoyent sur le balustre et galerie du Ciel en demeuroyent tout ravis, s'estonnant comme en la terre il se peust trouver une creature si pure, et qu'une ame revestue de corps humain peust faire une offrande et oblation si parfaite.

  A009001012 

 O que bienheureuses sont les ames qui, à l'imitation de cette sacrée Vierge, se dedient comme des primices au service de Nostre Seigneur dès leur jeunesse! O qu'elles sont heureuses de s'estre retirées du monde avant que le monde les ayt conneùes, car n'ayans point esté mariées, ni par consequent flestries par l'ardeur de la concupiscence, elles donnent une odeur de grande suavité par leurs vertus et bonnes œuvres.

  A009001014 

 Au plus fort de ces blasphemes et injures une femme esleva sa voix (laquelle les saints Peres disent estre sainte Marcelle, mais comme l'Evangeliste ne la nomme pas, il vaut mieux dire seulement que c'estoit une femme), et surprise d'admiration pour le divin Maistre s'escria: Bienheureux le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! Alors le peuple tout estonné se tut, et le Sauveur se retournant du costé de cette femme lu y respondit: Plustost bienheureux ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009001014 

 Il est donques dit que Nostre Seigneur preschant au peuple qui le suivoit, et le voulant illuminer et esclairer, il faisoit à cet effect plusieurs miracles.

  A009001014 

 Voyez-vous, en cette feste nous n'avons point d'autre Evangile que celuy qui se lit toutes les fois qu'on fait l'office de Nostre Dame; or, vous trouverez en iceluy tout ce qu'il faut faire pour l'imiter.

  A009001015 

 Bienheureuses donques, dit-elle, les mammelles qui t'ont allaitté et le ventre qui t'a porté.

  A009001015 

 Ce grand aumosnier Abraham fut estimé bien favorisé parce qu'en logeant les pelerins il eut un jour la grace d'avoir le Roy et Seigneur des pelerins en sa mayson, de manger avec luy et luy laver les pieds; comme n'estimerons-nous heureux ce ventre de la Vierge qui l'a logé non un jour ains neuf mois tout entiers, et ces mammelles qui l'ont nourri non de pain mais de lait, de la propre substance de cette glorieuse Vierge?.

  A009001015 

 Et Nostre Seigneur luy respondit: Il est vray que le ventre qui m' a porté est bienheureux et les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses; car quel plus grand bonheur pouvoit arriver à une femme que de porter dans son sein Celuy qui est esgal au Pere, «Celuy que les cieux ne peuvent comprendre?» O que veritablement ce sein dans lequel le Fils de Dieu a pris chair humaine est heureux, et que cette Vierge a receu d'honneur ayant donné son plus pur sang pour former la sacrée humanité du Sauveur de nos ames! Partant, il est bien vray, o femme, ce que tu dis que non seulement ce sein, mais encores les mammelles que j'ay succées sont bienheureuses, d'autant qu'elles ont nourri Celuy qui sustente toutes les creatures.

  A009001015 

 Or bien que je me souvienne de vous avoir desja entretenues trois ou quatre fois sur ce sujet et sur cet Evangile, si est-ce que c'est un puits où il y a tant à prendre que je ne me peux lasser d'en parler ni de puiser dans sa profondité ce qui est propre pour nostre instruction.

  A009001016 

 Qu'est-ce que cette manne sinon le Fils de Dieu qui est descendu du Ciel? N'est-il pas aussi cette verge et ces tables de la Loy? Ouy, il est la pierre vive; sur son propre corps ont esté escrits et gravés les dix commandemens de la loy de grace avec les burins des clous, de la lance et des fouets.

  A009001017 

 Comme s'il vouloit dire: Pour bien ouyr il faut bien escouter; mais outre cela, il faut encores incliner et prester l'oreille, c'est à sçavoir s'abaisser et humilier, pour entendre ce qui est de la volonté de Dieu.

  A009001018 

 O sainte, divine et admirable semonce que Dieu fait au cœur de tant de creatures, et qui a esté escoutée et entendue par un grand nombre! Cependant je ne sçay [390] comment cela est arrivé, plusieurs ont ouy la parole sacrée de la vocation et ne sont pourtant point sortis ni allés où Dieu les appelloit.

  A009001019 

 Donques, bienheureux ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009001019 

 Il en prend tout de mesme comme en la cour de quelque grand prince qui seroit en son palais environné de plusieurs seigneurs.

  A009001019 

 Ils sont bien tous, en la cour et en la presence du prince, lequel regarde les uns, jette des œillades plus particulieres sur les autres, rit contre cestuy cy, parle à celuy là, donne des dignités aux uns, favorise les autres, que sçay-je moy, telles ou semblables choses qui se passent tous les jours parmi les cours des roys.

  A009001020 

 De ce nombre a esté la sacrée Vierge; c'est elle qui a esté menée au cabinet de Dieu et à laquelle ont esté descouverts mieux qu'à nulle autre creature les plus hauts mysteres.

  A009001020 

 Donques, bienheureux sont ceux qui oyent la parole de Dieu et la gardent..

  A009001020 

 Nostre cher Sauveur les regarde tous: il favorise les uns, il esleve les autres, en somme il depart ses graces à qui il luy plaist et comme il luy plaist.

  A009001020 

 Tous les Chrestiens sont ces princes et chevaliers qui demeurent en la cour de ce souverain Roy Nostre Seigneur, qui n'est autre que l'Eglise.

  A009001021 

 En fin elles peuvent estre aussi entendues de l'inspiration et volonté divine; car c'est le propre des vrays fidelles de porter le sacré nom de Jesus gravé dans leur cœur, non avec un burin autre que les clous, lance et espines qui percerent son saint corps; et de plus, tout bon Chrestien doit escouter et garder la parole de Dieu, ouyr son inspiration et faire sa volonté..

  A009001021 

 Je sçay qu'il y a diverses interpretations sur cecy, car les uns tiennent que par ce nom l'on doit entendre le saint et sacré nom de Jesus qui signifie Sauveur, par lequel il est venu sauver le monde, nom qui est demeuré gravé en son Eglise et dans le cœur de tous les vrays enfans d'icelle.

  A009001022 

 Mais helas, c'est un grand malheur que si peu entendent comme il faut ces saintes inspirations! Plusieurs vivent au monde et usent des richesses, honneurs et dignités dont la loy divine permet d'user, mais non point d'abuser; ils ajustent aux commandemens de Dieu leur affection pour la jouissance des biens et dignités, [392] quoy qu'il ne leur faille pas parler des conseils, d'autant qu'ils se contentent seulement d'eviter ce qui les peut condamner.

  A009001023 

 Je rendray à Dieu ce qui luy est deu, mais je me reserveray ce qui est deu au monde, à sçavoir les yeux, les cheveux, que sçay-je moy, telles autres bagatelles, sans toutefois rien faire en cela qui soit contraire à la loy divine.

  A009001026 

 Qui vous y fait aller? La volonté de Dieu.

  A009001027 

 En voyla un autre qui presche la mesme parole; personne n'y va.

  A009001027 

 La premiere est que pour obeir parfaitement il faut aymer Dieu qui commande; la seconde c'est qu'il faut aymer la chose commandée.

  A009001027 

 Oh! quel aveuglement est celuy cy! N'est-ce pas la parole et volonté de Dieu qu'il vous annonce? Or, si vous aymez cette divine parole, et Dieu qui vous l'envoye et qui commande qu'on fasse sa volonté, pourquoy ne la recevrez-vous pas d'aussi bon cœur de celuy cy comme d'un autre? Si un prince ou un roy vous envoyoit quelques lettres par un sien page, regarderiez-vous, pour avoir ces lettres aggreables, si le page est vestu de gris, vert ou jaune? Non certes, ains vous prendriez ces lettres et les mettriez sur vostre teste en signe de resjouissance et reverence, sans avoir esgard à la livrée de celuy qui les apporte.

  A009001027 

 Plusieurs ayment Dieu qui commande, mais ils n'ayment pas la chose commandée; d'autres [394] ayment la chose commandée et n'ayment pas Dieu qui commande.

  A009001027 

 Voyla un predicateur qui annonce la divine parole; tout le monde y court.

  A009001028 

 Et c'est l'amour propre qui fait cela.

  A009001028 

 Plusieurs ayment la chose commandée et n'ayment pas Dieu qui commande.

  A009001028 

 Qui ne voit qu'elle n'ayme pas Dieu qui commande, ains seulement la chose commandée? car si elle aymoit Dieu qui commande elle aymeroit autant le Donateur des contrarietés que le Donateur des consolations..

  A009001029 

 D'où vient cela sinon de ce que nous ne regardons pas Dieu qui nous envoye le commandement, et que pour l'aggreer nous prenons garde si celuy qui nous l'apporte est vestu de vert ou de gris, et quelle est sa mine et contenance? Or, il ne faut pas faire cela, mais recevoir l'obeissance comme volonté divine, n'importe par qui elle nous soit signifiée, aymant Dieu qui ordonne, prenant ce commandement et le mettant sur nostre teste, c'est à dire dans le fond de nostre volonté, pour l'accepter et executer avec fidelité.

  A009001029 

 De plus, quand je tascherois de l'aymer, celuy qui me l'ordonne de la part de Dieu est de si mauvaise grace, il a une si pauvre mine, qu'il me la rend tout à fait desplaisante et de mauvaise saveur.

  A009001029 

 Je sçay bien, dira-t-il, qu'estant la volonté de Dieu, la chose qui m'est ordonnée est bonne; mais j'y ay tant de repugnance et de difficulté, je ne la sçaurois aggreer.

  A009001029 

 Quand nos Superieurs et ceux qui gouvernent sont à nostre goust, fantasie et inclination et selon nos humeurs, nous ne trouvons rien de difficile; mais s'ils ne sont pas selon nostre affection, les moindres choses ordonnées par eux nous sont rudes.

  A009001029 

 Un autre aymera Dieu qui commande et n'aymera [395] pas la chose commandée.

  A009001030 

 Jettez des souspirs et eslancemens amoureux à nostre cher Sauveur; accompagnez cette glorieuse Vierge, mettez vos cœurs et vos vœux entre ses mains et elle les presentera à son Fils, lequel les recevra et offrira à son Pere eternel qui vous benira avec iceluy et le Saint Esprit.

  A009001035 

 Tu es qui venturus es, an alium.

  A009001037 

 Estes-vous Celuy qui doit venir, ou.

  A009001042 

 C'est une chose admirable que nos anciens Peres, qui ont esté si clairvoyans et ont eu de si grandes lumieres pour expliquer et developper les plus grandes et obscures difficultés que presente la Sainte Escriture, se soyent neanmoins tous trouvés estonnés sur le premier point de cet Evangile pour sçavoir comme se doit entendre cela, que saint Jean qui connoissoit Nostre Seigneur envoya [398] ses disciples pour apprendre s'il estoit ce grand Prophete, ce Messie promis, ou s'ils en devoyent attendre un autre.

  A009001043 

 C'est luy qui le baptiza, luy qui vit descendre le Saint Esprit en forme de colombe et qui entendit la voix du Pere disant: Celuy cy est mon Fils bien aymè auquel je prens tout mon playsir.

  A009001043 

 C'est luy qui le monstra du doigt, prononçant ces paroles: Ecce Agnus Dei; Voicy l'Aigneau de Dieu qui oste le peché du monde..

  A009001043 

 Or, qu'il sceust bien que Celuy à qui il envoyoit faire la demande estoit vrayement le Messie, cela est indubitable, car il le conneut estant encores dans le ventre de sa mere, et n'y a aucun Saint qui ayt eu une plus grande lumiere et intelligence du mystere de l'Incarnation que ce glorieux saint Jean.

  A009001044 

 Je m'arresteray seulement à ce qu'en disent deux de nos plus grans Docteurs, à sçavoir saint Hilaire et saint Chrysostome, qui ont le mieux rencontré, ce me semble, et ont visé droit au blanc de la verité.

  A009001044 

 Pourquoy donques, disent nos anciens Peres, estant en prison et entendant parler des grans prodiges et miracles que faisoit nostre divin Maistre, envoye-t-il ses disciples pour sçavoir de luy quel il est, si c'est luy qui doit venir ou s'ils en attendroyent un autre? Certes, tous sont admirables à demesler cette difficulté, et si je vous voulois rapporter la multitude et varieté de leurs opinions sur ce sujet, il me faudroit employer beaucoup de temps qui nous desroberoit ce que nous avons à deduire pour nostre utilité.

  A009001045 

 Elle penetre le plus intime du cœur, et n'y a rien de si secret et caché qui ne soit tres clair et manifeste à cette divine Sapience.

  A009001045 

 J'ay esté comme un cerf qui a couru et sautelé par les fourrés les plus entourés de ronces et d'espines, mais vous estes ce divin chasseur qui de loin avez remarqué mes pas et mes vestiges; vous m'avez apperceu au lieu où j'estois, d'autant que vos yeux voyent et penetrent tout.

  A009001047 

 La seconde cause pour quoy la divine Majesté fait des questions aux hommes est pour les esclairer ou instruire sur ce qui concerne les mysteres de la foy, comme il fit à l'endroit des deux disciples qui alloyent en Emmaus.

  A009001048 

 Mais nostre cher Sauveur, qui sçait que la nature humaine est sujette aux larmes, ne laisse pas [401] de s'enquerir de cette femme pourquoy elle pleure.

  A009001050 

 Les maistres et ceux qui gouvernent et ont charge des ames ne doivent chercher ni procurer sinon que Celuy qu'ils preschent et au nom duquel ils enseignent soit conneu de tous.

  A009001051 

 Certes, les docteurs et predicateurs, les maistres des novices et ceux qui ont charge d'ames ne feront jamais rien qui vaille s'ils n'envoyent leurs disciples et ceux qu'ils enseignent à l'escole de Nostre Seigneur, s'ils ne les plongent dans cette mer de science, s'ils ne les sollicitent et portent à rechercher nostre cher Sauveur pour estre instruits de luy.

  A009001052 

 Ces maistres et ceux qui gouvernent les ames qui, par leurs belles paroles, taschent d'attirer à eux les disciples qu'ils enseignent et les ames qu'ils gouvernent, ressemblent à ces payens, heretiques et telles autres canailles de gens qui causent et babillent, et estans dans leurs chaires s'efforcent et donnent peine de faire de beaux discours, subtils et bien dits par merveille, non pour conduire les ames à Jesus Christ, mais à eux mesmes.

  A009001053 

 La troisiesme raysort pour laquelle saint Jean envoya ses disciples à Nostre Seigneur fut à fin de les destacher de sa personne, de peur qu'ils ne vinssent à un si grand abus que de faire plus d'estat de luy que du Sauveur; car se plaignant à saint Jean comme ils se plaignoyent à Nostre Seigneur: Maistre, disoyent-ils, toy et nous tes disciples, avec les Pharisiens nous jeusnons, nous sommes mal vestus et faisons grande penitence; mais cet homme, ce grand Prophete qui opere tant de merveilles parmi nous n'en fait pas ainsy.

  A009001054 

 Il les luy pouvoit mander pour l'adorer et reconnoistre, mais s'accommodant à leur foiblesse et infirmité, il les envoye seulement luy demander qui il est, et s'il est Celuy qui doit venir ou s'ils doivent en attendre un autre. Certes, il faut que ceux qui gouvernent les ames se fassent tout à tous, comme dit [404] l'Apostre, pour les gaigner tous: qu'ils soyent doux avec les uns et severes avec les autres, enfans avec les enfans, forts avec les forts, foibles avec les foibles, en somme, ils ont besoin d'une grande discrétion pour s'accommoder à un chacun..

  A009001054 

 Il les traitte comme des petits enfans, car pour luy il croit asseurement qu'il est le Fils de Dieu, l'Aigneau qui oste le peché du monde.

  A009001056 

 A celuy qui n'a qu'un, deux ou trois ans, elle donne du lait, elle luy parle en se jouant, en begayant, et ne luy laisse pas dire mon pere ni ma mere, car il est encores trop jeune, mais elle luy fait dire papa et mamma, parce qu'estant petit il ne peut encores prononcer le nom de pere et de [405] mere.

  A009001056 

 Aux autres qui ont quatre ou cinq ans, elle leur commence à apprendre à mieux parler, à manger des viandes un peu plus grossieres; et ceux qui sont un peu plus grans elle les dresse à la civilité et modestie..

  A009001056 

 Saint Chrysostome Evesque de Constantinople, qui certes est tousjours admirable en tout ce qu'il escrit, mais particulierement au sujet de cet Apostre, dit en commentant une parole de l'Epistre aux Hebreux (je ne sçay toutefois si je le pourray bien rapporter): Chose admirable, ce grand Apostre estoit parmi ses Corinthiens comme une mere nourrice parmi ses enfans: il les nourrissoit de viandes simples, douces et propres aux petits enfans.

  A009001056 

 Si vous voulez voir saint Paul parmi ses Corinthiens, regardez une mere qui auroit cinq ou six petits enfans qui l'environnent.

  A009001056 

 Voyez, je vous prie, l'industrie de cette femme, comme elle sçait donner à un chacun ce qui luy appartient, et le traitter selon la portée de son esprit.

  A009001057 

 Il faut qu'ils usent d'une grande discretion pour leur donner la pasture de la parole de Dieu au temps convenable et propre à la bien recevoir; discretion encores pour en bailler à un chacun ce qu'il en a de besoin et en la maniere qui est plus à propos.

  A009001057 

 Or, escrit ce saint Pere, lors que le grand Apostre dit: Je suis avec vous comme une mere nourrice, que veut-il signifier sinon qu'il fait à l'endroit de ses disciples ce qu'une [mere nourrice fait à l'endroit de ses enfans? Il est certes necessaire que ceux qui gouvernent les ames ayent une grande industrie pour les sçavoir toutes conduire comme il convient, selon leur capacité et portée.

  A009001059 

 O admirable humilité de nostre cher Sauveur qui vient pour confondre nostre orgueil et destruire nostre superbe! On luy demande: Qui es-tu? Et il ne respond autre chose sinon: Dites ce que vous avez veu et entendu, pour nous apprendre que ce sont nos œuvres et non point nos paroles qui rendent tesmoignage de ce que nous sommes, et que nous sommes pleins d'orgueil..

  A009001059 

 Quelques uns de nos anciens Peres, je veux dire saint Hilaire et saint Chrysostome, s'arrestent sur cette responce que Nostre Seigneur fit lors qu'on l'interrogea qui il estoit.

  A009001059 

 Vous me demandez si je suis ce grand Prophete, le Messie promis, Celuy qui tonne dans les deux et qui doit venir briser la teste à l'ennemy.

  A009001060 

 En ce siecle, si l'on demande à un gentilhomme: Qui estes-vous? o Dieu, il faut prendre ce mot au point d'honneur et s'en couper la gorge sur le pré.

  A009001060 

 En fin, ce sont nos œuvres ou bonnes ou mauvaises qui nous font ce que nous sommes, et c'est par icelles que nous devons estre reconneus..

  A009001060 

 Mais quand on vous fait cette question: Qui estes-vous? il faudroit pouvoir respondre: Dites que vous avez veu un homme doux, cordial, humain, protecteur des vefves, pere des pupiles et orphelins, charitable et benin envers ses sujets.

  A009001060 

 Qui estes-vous? Il faut faire voir de quelle extraction, de quelle race, il faut faire paroistre les lettres de noblesse, que sçay-je, moy? telles folies et niaiseries; il faut examiner si ses ancestres sont descendus d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.

  A009001060 

 Si vous vous addressez à un Evesque: Qui estes-vous? il devroit pouvoir se rendre ce tesmoignage: Dites que vous avez veu un homme qui fait bien et deuement sa charge; et alors asseurez-vous qu'il est vrayement Evesque.

  A009001060 

 Si à une Religieuse: Qui estes-vous? Si vous avez veu une Religieuse exacte et ponctuelle en l'observance de ses Regles, respondez alors qu'elle est vrayement [407] Religieuse.

  A009001061 

 Car en fin qui sommes-nous? Un peu de poudre et de cendre.

  A009001061 

 Ce n'est pas que je veuille entendre que quand on nous demande qui nous sommes il ne faille dire que l'on est Chrestien.

  A009001061 

 Mais helas, que verra-t-on quand on nous verra? Un peu de poussiere et un corps qui sera bientost reduit en corruption..

  A009001061 

 Ne vous contentez donc pas lors qu'on vous interroge vous disant: Qui estes-vous? de respondre comme les petits enfans au catechisme: Je suis Chrestien; mais vivez en telle sorte que l'on puisse adjouster qu'on a veu un homme qui ayme Dieu de tout son cœur, qui garde les commandemens de la Loy, qui frequente les Sacremens, et telles autres choses dignes d'un vray Chrestien.

  A009001061 

 O non certes, c'est le plus beau tiltre que nous nous puissions donner, et j'ay tousjours eu une particuliere devotion à cette grande sainte Blandine, qui fut martyrisée à Lyon et dont Eusebe rapporte la vie.

  A009001062 

 Cecy se doit bien plus entendre [408] de l'amour propre qui n'a point d'yeux pour voir son abjection et le neant d'où il est sorti et de quoy il est petri.

  A009001062 

 Celuy qui se connoist bien soy mesme ne se fasche point si on le tient ou qu'on le traitte pour ce qu'il est, d'autant qu'il a receu cette lumiere qui l'a rendu quitte de son aveuglement..

  A009001062 

 O Dieu, quel plus grand aveuglement que le nostre! Estans si pleins d'abjection et misere, nous voulons cependant estre estimés quelque chose! Qui nous aveugle de la sorte sinon nostre amour propre lequel, outre qu'il est aveugle de soy mesme, aveugle encores celuy en qui il demeure? Ceux qui ont peint Cupidon luy ont bandé les yeux, disant que l'amour est aveugle.

  A009001063 

 Il s'en trouve beaucoup qui ont les deux parties gastées, et ceux icy boitent des deux costés; les autres ne clochent que d'un seul.

  A009001063 

 Il y en a qui ne sont pas avaricieux, mais ils ont la partie irascible si forte que lors qu'elle n'est pas bien sousmise à la rayson ils se troublent et ressentent vivement les moindres choses qui leur sont faites; ils s'eslevent et recherchent tousjours des inventions pour se venger d'une petite parole ou d'un petit tort qui leur aura esté fait.

  A009001063 

 La partie concupiscible convoite des biens, des honneurs, des dignités et preeminences, des voluptés et mignardises; ce qui fait que l'homme devient cupide, avaricieux, et par ce moyen il cloche de ce costé là.

  A009001063 

 Nous avons tous deux parties qui sont comme les deux jambes sur lesquelles nous marchons, à sçavoir, l'irascible et la concupiscible; et quand ces deux parties ne sont pas bien reglées ni mortifiées elles rendent l'homme boiteux.

  A009001063 

 Soit que les infirmes dont parle Nostre Seigneur fussent boiteux des deux costés ou d'un seulement, cela n'importe gueres; mais la pluspart de ceux qui vivent en ce monde sont boiteux des deux costés.

  A009001064 

 Certes, ceux qui sont entachés de cette lepre ressemblent proprement aux petits lezards, animaux vils et abjects, les plus foibles et imbecilles de tous; neanmoins, avec toute leur foiblesse et infirmité, pour peu qu'on les touche ils se retournent pour mordre.

  A009001065 

 Il y a une surdité spirituelle qui est bien dangereuse.

  A009001066 

 C'est cette parole sacrée qui ressuscite les morts; c'est en escoutant les predications que l'on reçoit de bons mouvemens, que l'on passe du peché à la grace; c'est aussi par le moyen de la lecture que le cœur est vivifié et prend tousjours nouvelle force et vigueur..

  A009001068 

 Et nous voyons encores pour le jourd'huy combien ceux qui ont l'esprit grossier sont mesprisés des hommes de ce siecle, combien l'on se fasche et ennuye en leur conversation.

  A009001068 

 O que l'Esprit de Dieu est different de celuy du monde qui ne fait estat que de ce qui paroist et a de l'esclat! Les anciens philosophes ne vouloyent recevoir en leurs escoles sinon ceux qui avoyent un bel esprit et un bon jugement; que s'ils ne les rencontroyent pas tels ils disoyent librement: Ce n'est pas là un tableau propre pour mon pinceau.

  A009001069 

 Mais bienheureux celuy qui ne se scandalisera point en moy; car, moy qui suis icy, faisant de grans miracles au milieu de vous, je dois estre crucifié et attaché à une croix; et de cela, plusieurs se scandalizeront.

  A009001069 

 Oh! bienheureux ceux qui ne se scandalizeront point des opprobres et ignominies de Nostre Seigneur, lors qu'ils le verront fait le rejet et la risée du monde; bienheureux ceux qui pendant cette vie se crucifieront avec luy, meditant sa Passion et portant en eux sa mortification!.

  A009001069 

 Puis il adjouste: Bienheureux celuy qui ne se scandalisera point en moy.

  A009001071 

 Ou'ils estoyent remplis de grandes lumieres et connoissances touchant la venue de Nostre Seigneur! Qu'ils s'alloyent doucement entretenais de ces grans miracles et merveilles qu'il avoit faits en leur presence, et des choses qui leur avoyent esté racontées par les Apostres! Comme ils furent sortis, le Sauveur se tourna du costé du peuple qui l'environnoit et leur dit: Qui estes-vous allés voir au desert? Peut estre que vous y aurez veu un roseau, exposé aux orages et tempestes, ou bien un rocher immobile au milieu de la mer? (De mesme peut-on dire: Qui avez-vous veu au desert, ou en Religion? car desert signifie Religion, et la Religion n'est autre chose qu'un desert.) Donc, qui estes-vous allés voir? Peut estre y aurez-vous trouvé des roseaux? O non, saint Jean n'est point un roseau, car il est demeuré ferme comme un rocher au milieu de toutes les vagues et tempestes des tribulations..

  A009001072 

 La premiere, parce que ces bons disciples estoyent trop attachés à leur maistre; ils en estoyent tout en œuvre, et l'estime qu'ils en avoyent estoit si grande qu'ils l'avoyent preferé à Jesus Christ, lors qu'ils luy dirent: Toy et nous tes disciples nous jeusnons et faisons de grandes penitences, mais ce Prophete qui est parmi nous n'en fait pas.

  A009001073 

 L'esprit humain eust peu fournir quelque chose là dessus; c'est pourquoy, luy qui est clairvoyant, sçachant ce qui en pouvoit arriver, ne le loua point en la presence de ses disciples..

  A009001073 

 S'il eust alors loué saint Jean on eust peu juger qu'il le faisoit par flatterie, cela luy pouvant estre rapporté par ses deux disciples; ce qui estoit grandement esloigné de l'esprit de nostre cher [413] Sauveur qui est la verité mesme.

  A009001074 

 Mais quand ils furent partis, il dit aux Juifs: Qui estes-vous allés voir au desert? Considerez cet homme que vous avez veu, ou plustost cet ange revestu d'un corps humain.

  A009001074 

 Vous n'avez point trouvé un roseau, mais un rocher en fermeté, un homme d'une esgalité admirable parmi la varieté des divers accidens; vertu la plus aggreable et desirable qui soit en la vie spirituelle.

  A009001075 

 Il faut tant d'affaires pour nous bien faire prendre une parole qui n'est pas selon nostre gré, que par apres l'on ne peut remettre ce cœur; il y faut appliquer tant d'emplastres! [414] Mon Dieu, quelle pitié, et quelle bigearrerie est la nostre! O non certes, il n'y a point d'esgalité parmi nous, et toutefois c'est l'une des choses les plus necessaires qui soyent en la vie spirituelle.

  A009001075 

 Il se trouve des personnes si bigearres qui lors que le temps est beau il n'y a rien de si joyeux, et quand il est pluvieux, rien de si triste.

  A009001075 

 Nous sommes des roseaux qui nous laissons emporter à toutes nos humeurs..

  A009001075 

 Tel est fervent, prompt, gay en la prosperité, qui en l'adversité sera foible, abbattu et desconforté; il faut employer le ciel et la terre pour le remettre, et pour l'ordinaire tout cela ne sert de rien.

  A009001075 

 Vous en verrez d'autres qui veulent la prosperité parce qu'en ce temps ils font des merveilles, ce leur semble.

  A009001076 

 Dites que vous avez veu un homme doux, charitable et zelé pour la gloire de Dieu; un vigilant pasteur, en fin un homme accompli en toutes vertus et qui s'acquittoit soigneusement de tous les devoirs de sa charge, ayant les deux portions de l'ame si bien reglées qu'il n'avoit point de haine que pour le peché ni d'amour que pour la dilection de nostre cher Sauveur..

  A009001076 

 Si nous demandons à ce glorieux Saint: Tu quis es? Qui es-tu? Il nous sera sans doute respondu: Dites ce que vous avez veu et entendu.

  A009001077 

 Et il monstra bien que, sans avoir esgard ni à roy ni à empereur, il demeureroit ferme à exercer ce qui estoit de sa charge.

  A009001077 

 Et quand on luy representoit que c'estoit un empereur à qui il s'en prenoit, comme tesmoignoit-il par ses paroles qu'il n'avoit esgard qu'à la gloire de Dieu! Que ne dit-il pas à ceux qui, sur ce [415] sujet, luy representoyent la faute de David! Eh bien, respondoit-il, vous me parlez de la faute de David, mais vous ne m'alleguez rien de sa penitence.

  A009001077 

 Toutefois, bien que grandement doux et clement, si estoit-il fort severe à punir et reprendre ce qui estoit digne de reprehension, sans se laisser flechir par aucune consideration quelle qu'elle fust.

  A009001078 

 Que si nous voulons sçavoir quels nous sommes, il nous faut regarder quelles sont nos œuvres, reformant ce qui n'est pas bien et perfectionnant ce qui est bon, à fin qu'imitant ces deux glorieux Saints en leurs vertus, nous jouissions avec eux de la gloire là haut au Ciel.

  A009001085 

 Qui es-tu? Et il confessa et ne le nia.

  A009001090 

 Il ne leur dit pas qu'ils luy seroyent esgaux, car qui peut estre comme Dieu? C'est une chose impossible que celle là, et si le miserable eust tenté Adam et Eve en cette sorte, ils eussent facilement conneu sa tromperie, parce qu'estans encor en la justice originelle ils estoyent doués de grandes lumieres et connoissances.

  A009001092 

 Mais à quel propos tout cecy sinon pour exalter l'humilité de saint Jean Baptiste, qui est une des personnes qui intervinrent au mystere de la Visitation? Humilité, ce me semble, la plus excellente et la plus parfaite qui ait jamais esté apres celle de Nostre Seigneur et de la tres sacrée Vierge.

  A009001094 

 Ce furent eux mesmes qui se tenterent, et par leur orgueil, devindrent diables, d'anges qu'ils estoyent auparavant.

  A009001095 

 Et pourquoy? Non pour autre chose que pour sçavoir si saint Jean estoit le Christ Fils de Dieu, le Messie qu'ils attendoyent, à fin de luy rendre l'honneur qui luy estoit deu..

  A009001095 

 Les princes des prestres et les docteurs, qui avoyent en main la Loy, gouvernoyent toute la republique; ils envoyerent donc à saint Jean.

  A009001095 

 Mais qui? Peut estre quelques valets de leurs fils ou quelques autres gens? O non certes, ains ils manderent de leur part et de toute la republique, des ambassadeurs qui estoyent docteurs et religieux.

  A009001095 

 Or, voyci que l'une des plus fortes, subtiles et dangereuses tentations qui se puissent voir s'addresse à saint Jean, non par des ennemis, comme j'ay desja dit, ni par des gens revestus de quelque masque d'hypocrisie, mais par ses amis, envoyés à luy de Hierusalem par les princes et docteurs de la Loy.

  A009001097 

 Il confessa et ne le nia point. Ce sont les parolles des Evangelistes qui sont briefves et succinctes, car ils en ont tousjours fait ainsy en tout ce qu'ils ont rapporté.

  A009001097 

 Ils s'addressent donques au glorieux saint Jean et l'interrogent: Tu quis es? Qui es-tu? Il leur dit et ne le nia point: Je ne suis pas le Christ.

  A009001097 

 Nos anciens Peres remarquent que quand ces envoyés luy dirent cette parolle: Qui es-tu? ils ne vouloyent pas seulement sçavoir qui il estoit, mais encores s'il estoit le Messie attendu; car autrement saint Jean ne leur eust pas respondu qu'il n'estoit pas le Christ, s'il n'eust creu qu'ils venoyent à fin de le reconnoistre pour tel.

  A009001098 

 Il estoit homme comme nous autres, il estoit [420] sujet à commettre des pechés veniels, et neanmoins il estoit arrivé à une telle humilité qu'il triomphe excellemment de l'orgueil et de l'ambition, repoussant et refusant d'accepter les dignités et honneurs qui luy estoyent presentés..

  A009001098 

 Mais considerez un peu la tres parfaitte humilité de ce glorieux Saint à rejetter non seulement les honneurs, les preeminences et tiltres qui ne luy appartenoyent pas, ains, ce qui est plus admirable, à refuser ceux qu'il pouvoit recevoir.

  A009001100 

 O que l'ambition et l'orgueil sont de fortes et dangereuses amorces pour seduire l'homme et luy faire transgresser la loy de Dieu! Il est donques bien vray, comme dit le grand saint Ambroise, que qui veut entrer au combat et en la guerre contre le vice il faut necessairement qu'il soit revestu et par tout armé de l'humilité..

  A009001102 

 Il est vray que nous voyons parmi nous beaucoup de personnes qui vivent bien et sont fort vertueuses, mais il nous faut confesser que nos yeux n'en ont point veu qui soyent semblables à vous ou desquelles nos cœurs goustent les œuvres comme nous goustons les vostres.

  A009001102 

 S'il se fust dit le Messie il eust esté un grand menteur, un desloyal et infidelle, de recevoir un honneur qui ne luy estoit pas deu..

  A009001103 

 Ces prestres et Levites ont donques rayson de dire que toutes les propheties sont accomplies et que le temps est venu auquel ils doivent voir Celuy qui a esté le Desiré de toutes les nations..

  A009001104 

 Certes, s'ils eussent demandé qui il estoit pour simplement sçavoir quelle estoit sa profession, il les eust sans doute bien informés de la verité, et avec plus de paroles; mais voyant qu'ils le tenoyent pour ce qu'il n'estoit pas, il se contente de dire en un mot qu'il n'est pas celuy qu'ils croyent..

  A009001104 

 Or, ils demandent à saint Jean: Qui es-tu? n'es-tu point le Christ que nous attendons? Et il confessa et ne nia point qu'il ne l'estoit pas.

  A009001105 

 En somme, nostre amour propre va non seulement tirant à soy toute la gloire qui luy appartient en quelque façon, mais encores celle qui ne luy est aucunement deue.

  A009001105 

 Et pour l'ordinaire, telles gens ne sont rien, et les moindres sont ceux qui veulent le plus paroistre.

  A009001105 

 Hé, folie, niaiserie! Qui est celuy là? Oh qui il est? A l'entendre c'est un saint Pierre! Il a peut estre vescu quatre cents ans devant cet Apostre; et que sçay-je, telles autres sottises.

  A009001105 

 Nous autres nous sommes tant soigneux de bien recevoir les honneurs qui nous sont faits; cette nature humaine va tant retirant à soy tout ce qui est à son advantage, l'on est si amoureux des dignités et preeminences! O Dieu, disons-nous à ceux qui nous flattent, il est vray, j'ay receu telle grace, cela est bien en moy; [423] mais c'est une faveur de Dieu, c'est un effect de sa misericorde, et telles autres paroles.

  A009001105 

 Nous faisons tout au contraire de ce que fit le glorieux saint Jean qui ne se contenta pas de rejetter celle qui ne luy appartenoit pas, ains encores il refusa celle qu'il pouvoit justement recevoir..

  A009001105 

 Quelque petit gentilhomme s'estimera estre de bon lieu, brave cavalier; on luy demandera: Qui es-tu? Il respondra ce que son imagination luy dicte: Je suis un brave seigneur, un vaillant cavalier, d'une telle mayson ou d'une telle race.

  A009001106 

 O merveilleuse humilité que celle cy! [424] Il ne rejette pas seulement ce qui ne luy appartient pas (c'est le premier degré de l'humilité de ne vouloir point admettre ni moins rechercher d'estre tenu et estimé pour ce que l'on n'est pas), mais passant plus outre et trouvant une façon de parler en laquelle sans faire tort à la verité il pouvoit encores repousser l'honneur qui luy appartenoit, il le fit promptement, sans disputer ni se servir de beaucoup de discours; ains franchement et librement il dit: Non, je ne le suis pas.

  A009001107 

 Mais comment saint Jean pouvoit-il faire cette troisiesme negation avec verité, luy qui estoit non seulement Prophete, ains plus que Prophete? Nostre Seigneur le dit tout haut de sa propre bouche au peuple Juif; comme donques ose-t-il affirmer: Non sum, je ne le suis pas? Tous les anciens Peres, admirans les trois negations de ce glorieux Saint, s'estonnent de celle-cy et disent que ce fut en icelle que saint Jean alla aux dernieres extremités, et que pour peu qu'il eust passé plus avant, il eust menti: neanmoins il ne le fit pas..

  A009001108 

 Je sçay bien qu'il y a diverses opinions sur cecy, à sçavoir, qui seroit ce grand personnage; mais la plus commune estoit qu'iceluy ne seroit autre que le Fils de Dieu.

  A009001108 

 Mais parce que en toutes vos demandes vous visez à un mesme but, qui est de me reconnoistre pour le Messie promis, je vous dis que je ne suis ni le Christ, ni Elie, ni Prophete.

  A009001108 

 [425] Comme s'il eust voulu dire: Si vous me demandiez seulement qui je suis, je vous respondrois simplement; si vous vouliez sçavoir si je suis un simple Prophete, je vous advouerois franchement que je le suis, et mesme que je suis envoyé pour preparer les voyes au Messie.

  A009001109 

 Neanmoins voyant qu'en ce sens que nous avons dit, il pouvoit asseurer qu'il ne l'estoit pas, pour eviter l'honneur qu'on luy vouloit rendre, honneur qui devoit estre deferé à Dieu seul, il respondit: Je ne le suis pas.

  A009001110 

 Mais plusieurs ayans mal entendu cecy, s'en sont servi, et n'ont point pensé mentir en disant beaucoup de choses fort esloignées de la verité; et mesme il en est qui sont arrivés jusques là que de croire qu'ils pouvoyent proferer des menteries quand il s'agissoit de la gloire de Dieu.

  A009001111 

 Or ces ambassadeurs tout estonnés repartirent: Si tu n'es pas le Christ, ni Elie, ni Prophete, pourquoy est-ce que tu baptises, pourquoy as-tu des disciples et fais-tu des œuvres si merveilleuses? En quel esprit les fais-tu? Certes, tu as beau te cacher et dissimuler, tes œuvres nous font bien voir que tu es quelque chose de grand, c'est pourquoy dis-le-nous, à fin que nous sçachions ce que nous rapporterons à ceux qui nous ont envoyés.

  A009001113 

 A ce propos, je diray ces deux mots de la confession, bien que je l'aye touché d'autres fois en d'autres eglises; mais peut estre que ceux qui m'entendoyent ne sont pas icy et que quelques uns sont morts du despuis.

  A009001113 

 Un autre dira: J'ay mesdit d'autruy, mais ç'a esté en des sujets tout clairs et manifestes, je ne suis pas le seul qui aye dit ou veu cela.

  A009001114 

 Mais avant que de faire ou aller au lieu qui leur est marqué elles feront mille retours et regards.

  A009001114 

 Sans se soucier que l'on diroit ou penseroit, il est allé droitement devant Dieu, et n'a point fait comme ceux qui vont et ne vont pas.

  A009001115 

 Ces ambassadeurs veulent donques sçavoir qui est saint Jean, à fin de le rapporter à ceux qui les ont envoyés; mais il ne leur dit autre chose sinon: Je suis la voix de Celuy qui crie au desert: Applanissez le chemin du Seigneur.

  A009001116 

 C'est elle qui prepare les voyes; c'est une voix qui crie: Applanissez le chemin du Seigneur; et tout ainsy que Jean Baptiste vint devant le Messie, il faut aussi que l'humilité vienne vuider les cœurs pour puis apres recevoir la charité, car elle ne pourra jamais demeurer en une ame que l'humilité ne luy aye premierement preparé le logis..

  A009001116 

 L'un d'entre eux ayant ouy ce que tous ses freres alleguoyent sur les vertus, dit: Pour moy, il me semble que l'humilité est la premiere de toutes et la plus necessaire; et il fit cette comparaison qui revient bien à mon propos.

  A009001117 

 Ils repartirent: Et si tout est rempli de filets qui donques en eschappera? Il leur respondit: Ceux là seulement qui seront humbles.

  A009001117 

 Je baptise avec l'eau pour la penitence; mais il y en a un parmi vous, lequel vous ne connoissez pas, qui en baptizant remet les pechés.

  A009001117 

 Or je vous dis que je ne le suis pas, mais seulement la voix de celuy qui crie au desert.

  A009001117 

 Vous voulez sçavoir qui je suis: je vous dis que je ne suis rien qu'une voix.

  A009001118 

 Mais comment saint Jean se pouvoit-il plus abaisser que de dire qu'il n'estoit qu'une voix? car la voix n'est qu'une fumée, qu'une exhalaison qui s'en va en l'air mener quelque peu de bruit et puis disparoist.

  A009001118 

 Or, lequel est-ce d'entre vous qui estime l'echo un homme à cause qu'il luy respond? cela ne s'est jamais veu.

  A009001119 

 C'est ce que vostre glorieuse Maistresse nostre Dame et Mere a chanté en son divin cantique: Deposuit, etc. Ceux qui s'exaltent seront humiliés; ceux qui veulent mettre leur siege sur les nuées seront rabaissés, et les pauvres qui s'abaissent et humilient seront exaltés.

  A009001119 

 Certes, c'est de tout temps que la divine Sapience a regardé les humbles de bon œil, qu'elle a humilié ceux qui s'exaltent et rehaussé ceux qui s'humilient.

  A009001119 

 Oh! Dieu les humilie, il les laisse, et regarde les pauvres humbles qui sont sur la plate terre, lesquels n'ont point de siege sinon la bassesse.

  A009001120 

 Il ne doit pas seulement estre regardé des prelats et predicateurs, mais encores des Religieux et Religieuses qui doivent considerer son humilité et mortification pour estre, à son exemple, des voix les uns parmi les autres, criant que l'on prepare les voyes et que l'on applanisse le chemin du Seigneur, à ce que, le recevant en cette vie, nous jouissions de luy en l'autre, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009001137 

 Ce n'estoit pas saint Jean qui crioit, mais Nostre Seigneur par la bouche de saint Jean.

  A009001137 

 Comme s'il disoit: Vous voulez sçavoir qui je suis? Je ne suis que la voix de celuy qui crie au desert, c'est à [432] dire, je ne suis pas celuy qui crie, mais seulement la voix de celuy qui crie.

  A009001137 

 Humilité grande, à la verité, qui ne peut mieux estre exprimée que par ces paroles de saint Jean l'Evangeliste: Il confessa et ne nia point qu'il n'estoit pas le Christ.

  A009001137 

 Le glorieux saint Jean, ainsy que je vous le monstray Dimanche, donna suffisamment et excellemment des preuves et tesmoignages de son humilité lors qu'il fut enquis s'il estoit le Christ, Elie ou Prophete; car sçachant que Moyse parlant de la venue de Nostre Seigneur dit qu'il devoit venir un grand Prophete, et voyant que les Juifs croyoient que ce fust luy qui estoit promis, il advoua franchement: Non sum, je ne le suis pas.

  A009001137 

 Mais comme ceux qui estoyent venus à luy le pressoyent de dire qui il estoit à fin de le faire sçavoir à ceux qui les avoyent envoyés, il respondit: Je suis la voix de celuy qui crie au desert: Applanissez le chemin du Seigneur.

  A009001137 

 Ne recevez point mes paroles comme paroles d'homme, mais comme paroles de Dieu, car je vous dis en verité que ce n'est point moy qui enseigne, ains Dieu par moy..

  A009001137 

 Pensez-vous, leur escrivoit-il, que ce soit moy qui vous parle? Oh non, mais c'est Dieu qui vous parle par ma bouche.

  A009001138 

 Comme s'il disoit: Ce n'est pas moy qui crie en ce desert: Faites penitence, ains c'est Dieu qui le vous dit par moy, et je ne suis que la voix, la trompette par laquelle il vous donne à entendre comment vous vous devez preparer à faire penitence et vous disposer à sa venue.

  A009001138 

 Mais parce que je crie et presche en ce desert, vous voulez sçavoir qui je suis: je vous proteste que je ne suis que la voix de Celuy qui crie.

  A009001138 

 Or, saint Jean estoit sur le fleuve Jourdain, qui est à l'entrée du desert, criant et preschant la penitence; et le monde accouroit de toutes parts pour l'escouter et estre baptizé de luy.

  A009001138 

 Voyla ce que je suis; vous devez donc escouter mes paroles non comme miennes mais comme de Dieu qui vous parle par ma bouche, car je suis la voix de Celuy qui crie au desert.

  A009001139 

 La divine parole tombe dans un cœur en deux façons: la premiere, c'est quand Nostre Seigneur luy parle pour l'instruire et luy enseigner ce qui est de ses volontés et bon playsir, luy faisant connoistre ce qu'il doit faire pour sa conduite et ce qui le concerne en particulier.

  A009001139 

 La seconde est quand elle tombe sur le cœur non pour soy seulement, mais aussi à fin de la porter et communiquer aux autres pour leur faire sçavoir ce qui est de la divine volonté.

  A009001142 

 De mesme, ceux qui escoutent la parolle de Dieu sont tenus à la prattiquer pour en profiter..

  A009001143 

 Donques, si cela est, comment osons-nous remettre l'execution et la prattique de ce que nous avons ouy qui doit servir à nostre conversion, puisque de ce moment auquel nous entendons ce qui est propre à nostre amendement depend toute nostre vie? Voyla la premiere rayson pour laquelle nous ne profitons pas des choses qui nous sont dites et enseignées..

  A009001143 

 Hé, pauvres gens que nous sommes, ne voyons-nous pas bien que ces remises sont la cause de nostre mort et de nostre ruine, et que nostre bien consiste en ce jourd'huy? La vie de l'homme est ce jourd'huy auquel il vit; car qui se peut promettre qu'il vivra jusques au lendemain? O certes, personne quel qu'il soit.

  A009001144 

 Et qu'est-ce cela sinon une avarice spirituelle, qui est un vice assez grand en la vie devote? Vous en trouverez d'autres qui ne sont jamais assouvis d'entendre ou de voir de nouvelles choses; ils assemblent quantité de livres et font des bibliotheques à merveille, ils sont tousjours à faire des remarques.

  A009001144 

 La seconde est une avarice spirituelle qui fait que l'on recherche et procure de sçavoir beaucoup, qu'on est soigneux de faire un grand amas de choses de devotion.

  A009001144 

 Vous trouverez des personnes qui ne seront jamais lasses [435] de ramasser et recueillir des documens et instructions nouvelles, tant d'advis, tant d'enseignemens, et neanmoins n'en font pas une seule prattique.

  A009001145 

 Certes, entre les ordonnances que Dieu fit aux enfans d'Israël il leur enjoignit de ne recueillir qu'une mesure de manne, à sçavoir ce qui estoit suffisant pour la prebende et portion d'un chacun.

  A009001145 

 Et quels sont ces vers sinon les vifs et puissans remords de conscience qui piqueront et rongeront l'ame au souvenir et à la veue de tant de moyens et d'occasions qu'on a eus de servir Dieu? Quels remords de conscience aura-t-on à l'heure de la mort, voyant le nombre de documens, advis et instructions qui nous ont esté donnés [436] pour nostre perfection! Ce seront les plus grandes douleurs que l'on ressentira que celles cy.

  A009001145 

 Il est vray que dans les viandes qui sont gardées il s'y engendre des vers, et pour moy je crois que les vers qui rongent les consciences des damnés ne sont point les moindres, ains les plus grandes peines qu'ils souffrent.

  A009001145 

 Vivez au jour la journée, mangez ce que l'on vous donne et vous en nourrissez bien par les prattiques que vous en ferez, et laissez le soin du reste à la divine Providence, car elle vous pourvoira assez selon vostre besoin; usez bien seulement de ce qui vous est donné et soyez libres de tout autre souci.

  A009001145 

 Voyla comme l'avarice spirituelle est la seconde rayson qui nous empesche de profiter de la parole de Dieu; cela soit dit seulement pour introduction à mon discours.

  A009001146 

 Du temps que Tibere Cesar estoit Empereur, qu'Herode estoit roy de la Galilée, que Ponce Pilate presidoit en Hierusalem, qu'Anne et Caïphe estoyent princes des prestres et siegeoyent dans la chaire de Moyse, Dieu envoya son Prophete lequel fut sa voix qui crioit au desert: Applanissez le chemin du Seigneur, faites penitence, car le salut est proche.

  A009001146 

 Nous prendrons pour l'explication de ces paroles celles qu'Isaïe dit aux Israelites au quarantiesme chapitre de ses propheties, lesquelles sont les plus douces et aggreables qui se puissent entendre.

  A009001147 

 O peuple d'Israël, consolez-vous, mais je vous dis encor une fois que vous vous consoliez, et d'une consolation qui ne sera point vaine ni inutile, sur ces paroles que je vous fais entendre: Parce que sa malice et meschanceté est arrivée à son comble, ses iniquités luy seront pardonnées.

  A009001150 

 A la verité, ce sont de grans effects de la bonté de Dieu de departir ses graces à ses creatures, de leur pardonner continuellement les fautes qui journellement sont commises contre luy et de recompenser de si petits services par de si grandes faveurs; de sorte que celuy qui correspond à la premiere grace se dispose à recevoir la seconde, et correspondant à la seconde il se prepare à obtenir la troisiesme, puis de la troisiesme à une quatriesme, et ainsy consecutivement, selon le dire de la theologie scholastique, qui est tres veritable.

  A009001151 

 En somme, le monde estoit arrivé au plus haut point de sa malice; [439] et ce fut alors que Dieu vint pour le racheter et nous delivrer de la tyrannie du peché et servitude de nostre ennemy, sans estre esmeu à ce faire que par son immense bonté qui le porta à se communiquer en cette sorte..

  A009001153 

 Helas, son peché eust esté en quelque façon excusable s'il l'eust commis en gardant ses brebis, quand il estoit berger; mais que David aye tant offensé Dieu apres en avoir receu des graces si singulieres, apres tant de clartés, de lumieres et de faveurs, luy qui estoit selon le cœur de [440] Dieu, par lequel il avoit fait tant de merveilles et prodiges, luy qui avoit tousjours esté nourri dans le sein de la douce clemence et misericorde divine, soit venu jusques là que de commettre de si grans forfaits et qu'il soit demeuré un an entier sans en avoir la connoissance, o certes, c'est une chose qui estonne grandement..

  A009001154 

 Mais n'ayant pas bien reussi en son dessein, car Urie estoit un honneste homme, brave cavalier qui ne pouvoit estre surpris en un tel vice, il s'avisa et resolut, pour cacher cette faute, d'en commettre une troisiesme plus griefve que les deux premieres, c'est à dire de le faire perdre.

  A009001155 

 Il luy parla de quelque faute qui avoit esté commise par un de ses sujets, et soudain David jettant sa sentence dit: Il a desrobé la brebis de ce pauvre homme, il le faut faire mourir, monstrant en cela jusqu'à quel point il estoit endurci en son peché et n'en avoit aucun sentiment; mais pour les fautes des autres il les connoissoit fort bien et [441] sçavoit leur imposer le chastiment condigne à leur demerite.

  A009001155 

 Il y a cent autres semblables exemples dans la Sainte Escriture, c'est à dire un grand nombre à qui Dieu a fait la mesme misericorde.

  A009001156 

 Quant à ce qu'il adjouste: Preparez les voyes, applanissez les chemins, bien que ces parolles ayent esté prononcées au sujet du grand Cyrus qui devoit ramener les Israelites de la captivité en la terre de promission, si est-ce que le principal but du Prophete estoit de parler de l'avenement de Nostre Seigneur.

  A009001156 

 Saint Jean donques preschant la penitence et annonçant au peuple que le Sauveur estoit proche, se sert de ces parolles mesmes du Prophete: Je suis, dit-il, la voix de celuy qui crie au desert: Applanissez le chemin du Seigneur.

  A009001157 

 C'est elle qui remplit les vallées, qui rabaisse les monts, qui dresse et esgale les chemins.

  A009001157 

 Dressez les sentiers qui ne sont pas droits; en [442] effect quand on en trouve plusieurs qui s'entortillent l'un dans l'autre ils fatiguent et lassent grandement le pelerin.

  A009001158 

 Le regard sur les grandes fautes commises apporte quant et soy une certaine horreur et estonnement, une certaine crainte et frayeur qui abat le cœur et le porte souvent au descouragement.

  A009001159 

 Ce bon Saint luy respondit: Garde toy bien de lever les yeux pour regarder le Ciel, toy qui tant et tant de fois t'en es servie pour jetter des regards dangereux, pour muguetter et pour telles autres choses; ne leve point ces mains par lesquelles tu as fait tant d'œuvres malignes, mais exerce toy toute ta vie en humilité et te confie en la bonté de Dieu.

  A009001160 

 Et ce pauvre publicain, qui devant le monde estoit une montagne haute et raboteuse, fut rabaissé et applani devant la divine Majesté lors qu'il vint au Temple; car n'osant lever les yeux pour regarder le ciel à cause des grans pechés qu'il avoit commis, il se tenoit à la porte avec un cœur contrit et humilié; partant il fut digne de trouver grace devant Dieu.

  A009001160 

 J'aurois encores à dire plusieurs choses sur ce sujet, mais je me contenteray de ce que je vous en ay touché, qui suffira pour ce coup..

  A009001160 

 Quels sont ces monts sinon la presomption et l'orgueil, qui sont un tres grand empeschement pour l'avenement de Nostre Seigneur; car il a coustume d'humilier et rabaisser les superbes et de penetrer le fond du cœur pour descouvrir l'orgueil qui y est caché.

  A009001161 

 Applanissez les chemins, adjouste le glorieux saint Jean; c'est à dire, redressez ceux qui sont tortus, rendez-les droits et esgaux.

  A009001161 

 Les chemins trop entortillés ne sont [444] propres qu'à lasser et fourvoyer ceux qui voyagent; il les faut donques redresser et esgaliser pour la venue de Nostre Seigneur.

  A009001161 

 Qu'est-ce que cela sinon une grande presomption de la part de ces ames qui prennent occasion de la bonté divine pour croupir dans leurs pechés? Hé! ne sçavent-elles pas qu'encores que Dieu soit infiniment misericordieux, aussi est-il infiniment juste, et que quand sa misericorde est irritée elle provoque sa justice?.

  A009001161 

 Tout ainsy que le marinier, quand il conduit sa nacelle a tousjours l'œil sur l'aiguille marine, et que ceux qui conduisent ces petites barques tiennent tousjours le timon, de mesme devons-nous avoir sans cesse l'œil ouvert pour embrasser les actes de la penitence et pour nous y exercer.

  A009001162 

 Cette esgalité d'humeur est la plus aggreable vertu qui soit en la vie spirituelle et pour laquelle on a tousjours à travailler.

  A009001162 

 Mon Dieu, que c'est une chose merveilleusement suave que de considerer la vie de nostre cher Sauveur et Maistre, car l'on y voit reluire cette parfaite esgalité parmi tant de divers accidens! Certes, personne ne l'a eue en telle perfection que luy et la sacrée Vierge nostre Mere, qui seule, apres son Fils, a esté sans peché.

  A009001162 

 Tous les autres Saints ont bien travaillé en l'acquisition de cette perfection, mais quoy qu'ils ayent fait, il n'y en a pas un qui n'ayt esté quelque peu raboteux; leur esgalité n'a point esté si esgale qu'il ne s'y soit trouvé quelqu'inesgalité, non pas mesme en saint Jean Baptiste, car il avoit, [445] selon l'opinion de quelques Docteurs, commis des pechés veniels..

  A009001163 

 O Dieu, que ce seroit une chose amiable et suave de voir en un homme cette esgalité d'humeur! Nous en sommes tant esloignés, nous sommes si variables et inconstans! L'on trouvera des personnes qui estans de bonne humeur sont encores d'une conversation aggreable; mais tournez la main, vous les trouverez chagrines et inquietes.

  A009001163 

 Vous en verrez d'autres à qui il faut parler à cette heure d'une façon, et devant qu'il soit une heure il leur faudra parler d'une autre.

  A009001164 

 Si donques ce glorieux Precurseur nous reçoit, il nous remettra entre les mains de nostre Sauveur, qui à son tour nous remettra entre celles du Pere eternel, lequel nous louerons à toute eternité avec iceluy et le Saint Esprit.

  A009001169 

 Plusieurs s'efforcent de les prescher et bien faire saisir, mais il y en a peu qui les croyent et les entendent bien.

  A009001169 

 Pour ce faire, je diviseray mon discours en trois points: au premier nous verrons qui a fait le mystere de l'Incarnation; au second, [447] que c'est que l'Incarnation; au troisiesme, pourquoy l'Incarnation a esté faite..

  A009001169 

 Tous sont obligés, selon saint Thomas, d'entendre les mysteres de la foy et de sçavoir ce qu'ils doivent croire; non pas comme les theologiens pour en disputer, o non, je ne dis pas cela, mais en la façon qui convient aux simples fideles.

  A009001170 

 Ainsy en est-il de l'Incarnation: le Pere fait l'Incarnation, le Saint Esprit la fait et le Fils aussi qui s'incarne luy mesme.

  A009001170 

 Et, bien que la tres sainte Trinité soit intervenue en ce mystere, neanmoins il n'y a que la seconde Personne qui se soit incarnée.

  A009001170 

 Mais ni le Pere ni le Saint Esprit ne se sont incarnés, c'est seulement la Personne du Fils qui demeure vestue de la robe de nostre humanité..

  A009001170 

 Neanmoins ce n'est pas le Pere seul qui a fait l'Incarnation, ains aussi le Fils et le Saint Esprit.

  A009001170 

 Premierement, nous sçavons que c'est le Pere qui nous a donné son Fils, car nous lisons que Dieu a tant aymé le monde qu'il luy a donné son Fils unique.

  A009001170 

 Trois personnes interviennent donc en cette action: cette fille, la Superieure et la Directrice; neanmoins il n'y en a qu'une qui soit habillée, à sçavoir celle qui prend l'habit.

  A009001170 

 Voyla une fille à qui l'on donne l'habit: la Superieure, la Directrice ou Maistresse l'habillent, luy mettent sa robe, mais elle ne laisse pas pour cela de s'ayder.

  A009001171 

 C'est ainsy que nous pouvons entendre comment les trois Personnes de la tres sainte Trinité se sont aydées au mystere de l'Incarnation, quoy qu'il n'y ait eu que le Fils qui se soit revestu de nostre nature.

  A009001171 

 Ce sont deux seigneurs qui l'en revestent, et luy, qui est la troisiesme personne, reçoit la robe.

  A009001171 

 Donques, ce n'est point le Pere seul ni le Saint Esprit tout seul qui a fait l'œuvre de l'Incarnation, ains c'est le Pere, le Fils et le Saint Esprit, mais le Fils demeure incarné.

  A009001171 

 L'on nomme encores la premiere Personne, qui est le Pere, Seigneur et «Createur du ciel et de la terre;» ce n'est pas à dire pour cela que le Fils et le Saint Esprit ne soyent aussi bien createurs que le Pere, puisqu'ils n'ont tous trois qu'une mesme puissance avec laquelle ils ont fait et creé toutes choses.

  A009001171 

 Or, quand on vous demandera qui a fait ce grand mystere, vous respondrez que c'est la tres sainte Trinité, mais qu'il n'y a que la seconde Personne qui ayt pris nostre humanité..

  A009001172 

 C'est de part et d'autre le mesme Dieu homme [449] qui estoit dans les entrailles de la Vierge; de sorte que la manne, qui a esté figure du Sacrement de l'Eucharistie, le sera aussi bien du mystere de l'Incarnation.

  A009001172 

 Le second point est: Qu'est-ce que l'Incarnation? Ce n'est autre chose que l'union hypostatique de la nature humaine avec la divine, union si estroitte que bien qu'il y ayt deux natures en ce petit Enfant qui va naistre, elles ne font qu'une personne.

  A009001172 

 Or, que cela soit ainsy ou, comme d'autres tiennent, que Dieu la fist luy mesme sans se servir de l'ayde d'aucune creature, l'une et l'autre opinion se peut bien appliquer au mystere de l'Incarnation; car en iceluy Dieu se servit de l'Ange Gabriel pour annoncer ce mystere à Nostre Dame, et d'autre part ce ne furent point les Anges qui firent cette oeuvre admirable, mais la tres sainte Trinité seule, sans le concours d'aucune creature..

  A009001173 

 La Divinité est ce miel qui est tombé du Ciel sur la terre dans cette belle fleur de l'humanité de nostre Sauveur avec laquelle elle a esté jointe et unie..

  A009001173 

 Le miel ne vient point de la terre ains du ciel; c'est une liqueur qui tombe sur les fleurs, et quand il tombe dans quelque belle fleur il s'y conserve merveilleusement bien, en sorte que les avettes l'y viennent recueillir avec une subtilité nompareille et s'en nourrissent.

  A009001174 

 L'huile ne vient point de la terre ni du ciel: elle ne sort point de la terre comme d'autres plantes, ni moins tombe-t-elle du ciel comme le miel, car les olives croissent sur des arbres eslevés; c'est une liqueur qui surnage au dessus de toutes les autres.

  A009001174 

 Nos miserables corps sont bien formés de leur substance, mais l'ame qui y est infuse n'en est [450] point faite, car elle est toute spirituelle et Dieu seul en est le Createur.

  A009001175 

 Ce pain nous represente la troisiesme substance de Nostre Seigneur, qui est une substance partiale laquelle sans doute est venue de la terre, puisque sa chair tres sainte fut formée du sang de Nostre Dame..

  A009001176 

 Ainsy, combien qu'en Nostre Seigneur incarné il y ayt trois substances, il n'y a cependant qu'une personne; car la substance de l'ame et celle du corps ne font qu'une humanité, et cette nature humaine avec la divine ne font point deux personnes mais une seule qui est Dieu et homme.

  A009001176 

 De plus, s'ils ont conneu Dieu ils ne l'ont pas reconneu, ce [451] qui toutefois estoit le plus important.

  A009001177 

 Certes, en cette Incarnation il a fait voir ce qui n'eust jamais peu entrer ni estre compris de l'esprit humain, c'est à dire que Dieu fust homme et que l'homme fust Dieu; l'immortel mortel, l'impassible passible, sujet au chaud, au froid, à la faim, à la soif; l'infini fini, l'eternel temporel; en somme, l'homme divinisé et Dieu humanisé, en sorte que Dieu sans laisser d'estre Dieu soit homme, et l'homme sans laisser d'estre homme soit Dieu; tellement qu'on peut dire que les Mages qui bayserent les pieds de ce petit Enfant nouveau né, bayserent les pieds de Dieu.

  A009001177 

 Mais comment de Dieu? car Dieu entant que Dieu n'a point de corps; et s'il n'a point de corps comme est-ce que les Mages luy ont baysé les pieds? Neanmoins il en est ainsy à cause de cette union des deux natures qui ne font qu'une personne.

  A009001178 

 Comment cet homme peut-il dire qu'il estend le bras ou qu'il a mal au bras, veu qu'il n'a ni bras ni jambes, l'ame estant une substance toute spirituelle? Au contraire, si voyant l'homme qui parle et qui discourt, vous le regardez en tant que corporel et non spirituel, vous vous estonnerez, veu qu'il n'appartient qu'à une substance spirituelle de pouvoir discourir et comprendre.

  A009001178 

 Or voyez-vous, si cet homme qui plaint le bras ou qui discourt n'estoit composé que de corps ou d'ame seulement, il ne discourroit pas ni ne plaindroit pas, mais à cause de cette estroitte union entre la nature du corps et celle de l'ame, lesquelles estans deux ne font toutefois qu'une personne, l'on dit avec verité que cet homme, ou autrement cet animal raysonnable, a mal à la jambe, qu'il parle et discourt, meslant tellement ces deux natures qu'on parle des deux comme s'il n'y en avoit qu'une.

  A009001178 

 Vous verrez une personne qui a mal à la jambe; si vous regardez [452] seulement l'ame de cette personne, vous direz promptement: Comme est-ce que cette creature qui est spirituelle peut dire qu'elle a mal à la jambe? car l'ame n'a point de jambes, et c'est l'ame qui fait l'homme.

  A009001179 

 Prenez une lame de fer et la jettez dans une fournaise bien ardente, puis prenez les pinces et la retirez de là; vous verrez que cette lame qui nagueres estoit fer seulement, est à present toute enflammée, en sorte que vous ne sçauriez discerner si c'est fer ou feu, car ce fer est tellement enflammé qu'il paroist plustost feu que fer, tant ces deux natures se sont meslées ensemble; si bien que vous pouvez dire que ce feu est un feu enferré et ce fer un fer embrasé.

  A009001179 

 Vous entendrez mieux cecy par des similitudes, non point toutefois comme on entend ce qui se passe au dessous des sens, ni comme on comprend la maniere de faire un ouvrage, une broderie; mais vous en aurez suffisamment l'intelligence pour le croire comme vous le devez.

  A009001181 

 Il mit donques une toison sur la place, et, merveille qui monstre la bonté de Dieu, la rosée tomba du ciel en si grande abondance que la toison en fut trempée de toutes parts; et neanmoins la terre qui estoit dessous demeura si seche qu'il sembloit qu'elle eust esté battue par l'espace de plusieurs jours.

  A009001181 

 Mais j'en ay parlé autrefois; je prendray une autre histoire qui fait à mon propos.

  A009001182 

 Il y a aussi cette difference: la toison soustenoit l'eau, mais ce n'est point l'humanité qui soustient la Divinité, ains la Divinité qui soustient l'humanité..

  A009001182 

 La Divinité, qui est cette divine rosée, n'a jamais quitté la toison de l'humanité ni en la vie ni en la mort; elle a tousjours esté avec le corps et l'ame de Nostre Seigneur, et mesme apres sa mort, bien que le corps et l'ame fussent separés, la Divinité est demeurée unie avec l'un et l'autre: avec l'ame du Sauveur aux Limbes, et avec son corps sacré dans le sepulcre.

  A009001183 

 Imaginez-vous donques une grande esponge qui auroit esté creée dans la mer et qui n'auroit jamais servi à l'usage d'aucune creature.

  A009001183 

 L'esponge figure l'humanité sacrée de nostre Sauveur, et la mer sa Divinité, laquelle a tellement imbeu l'humanité qu'il n'y a pas une petite partie au corps ni en l'ame de Nostre Seigneur qui n'ayt esté remplie de la Divinité, sans que pour cela cette nature humaine ayt laissé d'estre ce qu'elle estoit.

  A009001183 

 Mais l'humanité n'est pas par tout où la Divinité se trouve, car la Divinité est une mer infinie qui comprend et remplit tout et ne peut estre comprise de personne.

  A009001183 

 Mais remarquez cecy, que bien que la mer soit dans toutes les parties de l'esponge, celle-cy n'est point par toute l'estendue de la mer, car la mer est un grand et vaste ocean qui ne peut estre compris par l'esponge.

  A009001183 

 Si vous regardez cette esponge dans cette mer vous verrez qu'en toutes ses parties il y a de l'eau: la mer est dessus et dessous et n'y a pas la moindre parcelle qui n'en soit detrempée; neanmoins l'esponge ne perd point sa nature ni la mer la sienne.

  A009001184 

 Ainsy les hommes qui vivent non point selon la rayson mais selon leurs appetits desordonnés, se jettent à corps perdu à la recherche de leurs satisfactions sensuelles; mais Nostre Seigneur, voulant les en sortir, leur vient tirer la bride en s'incarnant, à fin de les retenir leur enseignant par ses œuvres à mespriser toutes choses..

  A009001185 

 Il n'y a beste, pour brute qu'elle puisse estre, qui ne reconnoisse celuy qui luy fait du bien; car le cheval reconnoist tres bien l'estable où il a autrefois logé parce qu'en icelle on luy a donné de l'avoine; le chien connoist son maistre, et de mesme tous les autres animaux ont du ressentiment de ceux qui leur font du bien.

  A009001185 

 Lors donques que l'homme vivoit brutalement, Nostre Seigneur l'est venu retirer d'entre les animaux, il luy a donné des exemples d'une admirable sobrieté et, pour peu de jugement et de rayson qu'on ayt eu, il n'y a personne qui le sçachant n'en ayt esprouvé quelque sorte de ressentiment..

  A009001186 

 Ce livre estoit intitulé la sainte volonté de Dieu; or, pendant toute sa vie, Nostre Seigneur ne fit autre chose que lire, prattiquer et garder tout ce qu'il y trouva escrit, ajustant ses volontés à celles de son Pere celeste, comme il le dit luy mesine: Je suis venu non pour faire ma volonté, ains celle de Celuy qui m'a envoyé..

  A009001186 

 Il avoit une ame parfaitement glorieuse qui jouissoit de la claire vision de la Divinité, et neanmoins il ne voulut point [457] pour cela estre exempt de douleurs.

  A009001186 

 Or, le Sauveur s'est incarné pour nous enseigner aussi la sobrieté spirituelle, qui consiste en la soustraction et privation volontaire de toutes les choses delectables et aggreables qu'il pouvoit avoir et recevoir en cette vie; car il se chargea volontairement et de son plein gré de tous les travaux et tribulations, pauvreté et mespris qui se peuvent endurer en ce monde.

  A009001187 

 O que nous serions heureux si nous lisions bien dans ce livre et que toute nostre preoccupation fust d'accomplir la volonté de Dieu par le renoncement et entiere abnegation de la nostre, n'ayant d'autre soin que de l'ajuster à la sienne! Ce seroit le moyen d'obtenir de sa Bonté tout ce que nous voudrions, car celuy qui n'a autre souci que de faire la volonté divine obtient d'elle tout ce qu'il requiert, et à mesure qu'il accomplit cette sainte volonté, Dieu fait la sienne ainsy qu'il est escrit: Le Seigneur fait la volonté de ceux qui le craignent, comme vous avez veu qu'il fit tout ce que voulut Gedeon quand il luy demanda un signe.

  A009001189 

 O Dieu, il ne faut pas chercher [459] cela, car cette façon d'agir est insupportable à ceux qui sçavent tant soit peu que c'est que la devotion.

  A009001190 

 Certes, c'est une grande pitié que l'on voye Nostre Seigneur tant souffrir, se soustraire à tous les playsirs et consolations qu'il pouvoit recevoir parmi ses souffrances, ne se servant que de ce dont il ne se pouvoit priver, et que nous autres nous soyons tant amateurs de ces gousts qu'il semble que l'on ne travaille que pour en avoir! Pour peu qu'on en ayt l'on s'amuse tant à les regarder et les sentir que l'on ne fait rien qui vaille.

  A009001190 

 Helas! elles ne sont pas necessaires, vous n'en estes pas meilleures pour cela; Dieu ne les accorde pas seulement aux justes ains aux pecheurs, car il en donne bien quelquefois à des ames qui sont en estat de peché et hors de sa grace: pourquoy donques vous y arrestez-vous tant? Considerez, je vous prie, ce petit nouveau né dans la creche de Bethlehem, escoutez ce qu'il vous dit, regardez l'exemple qu'il vous donne.

  A009001190 

 Il a choisi les choses les plus aspres et souffreteuses qui se puissent imaginer pour le temps de sa Nativité.

  A009001190 

 O Dieu, qui pourroit demeurer aupres de cette creche tout le long de cette octave il se fondroit d'amour, voyant ce petit Enfant en si pauvre lieu, pleurer et trembler de froid.

  A009001190 

 Oh, avec quelle reverence la glorieuse Vierge vostre Mere alloit regardant ce cœur qu'elle voyoit tout palpitant d'amour dans sa poitrine sacrée, comme alloit-elle essuyant ces douces larmes qui couloyent si suavement des doux yeux de ce beni Poupon! Comme couroit-elle à la suave odeur de ses vertus!.

  A009001191 

 En fin nous le sçaurons un jour là haut, où nous celebrerons avec un contentement incomparable cette grande feste de Noël, c'est à dire de l'Incarnation; là nous verrons clairement tout ce qui s'est passé en ce mystere, et benirons sans fin Celuy qui estant si haut s'est tant abaissé pour nous exalter.

  A009001191 

 O que c'est une belle chose à considerer que le mystere tres haut et tres [460] profond de l'Incarnation de nostre Sauveur! Mais tout ce que nous en pouvons entendre et comprendre par le discours n'est rien, et pouvons bien dire à ce propos ce que disoit un sage qui lisoit un livre tres haut et obscur d'un ancien philosophe (je ne me souviens pas de son nom); il advoua franchement: Ce livre est si docte et difficile que je n'y entens presque rien; le peu que je comprens est extremement beau, mais je crois que ce que je n'entens pas l'est plus encores.

  A009001201 

 Or, avant que de dire comment, il faut sçavoir que par les mammelles sont representées les affections, parce qu'elles avoisinent le cœur et sont assises sur iceluy, et que du cœur sortent les affections de douceur, de mansuetude et de charité vers les pauvres, les infirmes et les petits enfans; aussi donne-t-on premierement la mammelle aux petits enfans, [462] qui sont vrayement pauvres, puisqu'ils n'ont rien et ne peuvent en aucune maniere gaigner leur vie, de sorte que si on ne leur donnoit la mammelle ils mourroyent incontinent..

  A009001202 

 Premierement, si ces paroles sont de l'Espouse, c'est à dire de l'ame devote à l'Espoux, qui est Nostre Seigneur, vrayement elle a bien rayson de luy tenir ce propos; car les mammelles de Nostre Seigneur sont infiniment meilleures que le vin de tous les contentemens terrestres.

  A009001203 

 Neanmoins, apres tant de desbauches et une si longue absence, lors qu'il retourna à son pere, non seulement il le receut sans se courroucer contre luy, mais qui plus est, il l'embrassa et le caressa tendrement, et l'ayant fait vestir somptueusement, il luy fit un festin en signe de la joye qu'il avoit de son retour, et le traitta avec tant de benignité, d'amour et de tesmoignages de bienveuillance qu'il sembloit vouloir luy monstrer plus d'affection apres ses [463] desbauches qu'il n'avoit fait auparavant.

  A009001204 

 Mais apres que l'Espouse luy a dit: Meliora sunt ubera tua vino; Vos mammelles sont meilleures que le vin, elle adjouste: Fragrantia unguentis optimis; car elles respandent des odeurs tres suaves, qui ne sont autres que les saintes inspirations que Nostre Seigneur va respandant dans les cœurs des fidelles, par lesquelles il les sollicite à se convertir et retirer leurs affections des choses de la terre.

  A009001205 

 Ainsy en est-il des consolations du monde; car au commencement et pour un peu vous y trouverez certain goust qui vous donnera quelque sorte de suavité grossiere et impure, laquelle en fin finale se terminera en aspreté et amertume, et si apres vous [464] y retournez cent fois, vous n'y trouverez plus que du degoust.

  A009001205 

 Quelques Docteurs ont encores interpreté ces paroles: Meliora sunt ubera tua, etc., en une autre maniere, entendant par les mammelles de Nostre Seigneur les consolations celestes et divines; car qui ne sçait que les consolations divines sont infiniment meilleures que le vin des consolations de la terre? Aussi n'est-ce pas merveille si les unes sont comparées au lait et les autres au vin, d'autant que le vin, comme vous sçavez, se tire du raisin.

  A009001205 

 Voyez une femme qui allaite un petit enfant: bien qu'il ayt tetté suffisamment, si de là à peu de temps il retourne à la mammelle, il y trouvera tousjours de quoy se rassasier de nouveau.

  A009001206 

 En somme, c'est à dire qu'il ne faut mediter et contempler qu'autant qu'il est requis pour bien faire ce qui est de son devoir, chacun selon sa vocation..

  A009001206 

 Je ne dis pas qu'il ne faille point mediter et contempler; o non certes, il faut bien [465] bayser Nostre Seigneur du bayser de la bouche pendant cette vie mortelle, ce qui se fait en la meditation et contemplation, où l'ame se remplit de bonnes pensées et saintes considerations qu'elle convertit par apres à l'utilité du prochain.

  A009001206 

 Osculetur me osculo oris sui; Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, dit cette Espouse à son Bien-Aymé; bayser qui ne signifie autre chose, au dire de ce grand Saint, que le doux repos de la contemplation, où l'ame, par une affection amoureuse, desengagée de toutes les choses de la terre, s'occupe à considerer et contempler les beautés de son celeste Espoux, sans se resouvenir d'assister le prochain et le secourir dans ses necessités; à quoy ce divin Espoux, qui veut que la charité soit bien ordonnée, luy respond: Tu desires, ma sœur et ma bien-aymée, que je te bayse d'un bayser de ma bouche à fin de t'unir à moy par la contemplation.

  A009001207 

 Mais si ce sont les compagnes de l'Espouse qui luy disent: Meliora sunt ubera tua vino; Tes mammelles sont meilleures que le vin, le mesme saint Bernard l'explique en cette sorte: O que vous estes heureuse, nostre chere compagne, de jouir ainsy des chastes et amoureux baysers de vostre celeste Espoux! Mais ce pendant que vous estes ainsy submergée dans cet ocean de delices, nous autres chetifves demeurons privées de l'ayde et du secours qui nous est necessaire, au defaut duquel nous sommes en danger de nous perdre; donques, vos mammelles sont meilleures que le vin..

  A009001208 

 Or, quelles sont les mammelles que les compagnes de l'Espouse desirent si ardemment, et sans lesquelles elles ne peuvent subsister ni se maintenir? La premiere est la mammelle de compassion, par laquelle l'on supporte et l'on a pitié des foibles, des infirmes et des pecheurs; ce qui fait qu'avec une grande charité on leur compatit, on les console, et on les flatte et caresse pour les attirer à Dieu et leur ayder doucement à se retirer du mauvais estat auquel ils sont plongés: en un mot, par cette compassion on se fait en certaine façon semblable à eux pour les gaigner plus facilement, et c'est la marque de la vraye devotion et de la bonne oraison, que de se faire, à l'exemple du grand Apostre, tout à tous, pour les gaigner tous..

  A009001209 

 Voulez-vous sçavoir si vous avez fait une bonne oraison, et si vous avez baysé Nostre Seigneur du bayser de la bouche? regardez si vous avez la poitrine pleine de douces et charitables affections envers le [466] prochain, et si vostre coeur est disposé de le secourir en tputes ses necessités et le supporter amoureusement en toutes sortes d'occasions; car l'oraison qui nous enfle et nous fait presumer d'estre quelque chose de plus que les autres, et qui nous porte à mespriser le prochain comme imparfait, nous le faisant corriger de ses defauts avec arrogance et sans compassion, n'est pas bonne et n'est point faite en charité, verité et sincerité.

  A009001210 

 Trouvez-vous quelqu'un qui ayt commencé à servir Dieu fidellement et qui ayt fait quelque progres au chemin de la sainte devotion? il s'en faut resjouir avec luy, et luy donner courage non seulement de perseverer mais encores de s'avancer, et ne se point lasser ni descourager pour les difficultés qu'il rencontrera, luy representant l'excellence du bien auquel nous pretendons, l'exhortant à marcher diligemment et fidellement tandis qu'il est jour et qu'il y a de la lumiere.

  A009001211 

 Et ce trait de ce mesme Apostre n'est-il pas admirable, quand, pressé de la vehemente affection qu'il avoit du salut des Juifs, il quittoit en telle sorte son propre interest qu'il desiroit d'estre anatheme pour eux? O ptabam anathema esse a Christo pro fratribus meis; luy qui aymoittant son divin Maistre qu'il disoit: Je ne vis plus en moy mesme, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy; Vivo ego jam non ego, vivit vero in me Christus..

  A009001212 

 Ce grand serviteur de Dieu ayant saintement parachevé le pelerinage de sa vie et se voyant sur le point d'entrer en sa tant desirée patrie, pour recevoir la recompense de ses travaux et bayser Nostre Seigneur du bayser de la bouche par une parfaitte union avec sa divine Majesté, desja son ame battoit des aisles pour s'envoler sur ce bel arbre de l'immortalité, quand un grand nombre de Religieux et d'enfans spirituels qu'il avoit engendrés à Nostre Seigneur, s'affligeant autour de luy, commencerent à pleurer et luy dire: Helas, mon Pere, nous voulez-vous quitter? voulez-vous laisser vostre troupeau sans pasteur, à la merci des loups qui sans doute le raviront apres vostre despart? Ayez pitié de vos enfans, et ne leur ostez pas si tost la mammelle de vostre charité.

  A009001213 

 Voyla en fin quelles sont les mammelles de l'Espouse et de l'Espoux; voyla les fruits d'une parfaitte oraison, laquelle se fait non seulement à certaines heures et à certains temps limités, mais encores par des eslevations d'esprit et des eslancemens du cœur en Dieu, que l'on appelle oraisons jaculatoires, et par des actes frequens d'union de nostre volonté avec celle de Dieu, qui se peuvent faire à tous momens et en toutes sortes d'occasions..

  A009001214 

 Mais cette mammelle de la crainte n'est pas la mammelle des espouses, ains celle des serviteurs et des valets, à qui il faut donner la crainte des chastimens pour les ranger à leur devoir et à l'observance des commandemens de Dieu.

  A009001214 

 Mais outre ce que nous avons dit pour l'explication de ce passage: Meliora sunt ubera tua vino, fragrantia unguentis optimis; Vos mammelles sont meilleures que le vin, et respandent des odeurs plus suaves que les onguens les plus exquis, plusieurs Docteurs qui ont escrit sur ce sujet disent que par ces mammelles nous sont representés les deux Testamens: à sçavoir, par la mammelle gauche l'Ancien Testament, qui contenoit une loy de crainte, et par la mammelle droite le Nouveau Testament, qui contient une loy toute d'amour; et disent qu'avec ces deux mammelles il faut eslever les enfans de l'Eglise, qui sont les Chrestiens, d'autant qu'il les faut soustenir par la crainte et les animer par l'amour, lequel sans la crainte vient aysement à se relascher, et la crainte sans l'amour abat et allanguit le cœur et l'esprit.

  A009001215 

 La foy nous est donnée par la parole: Fides ex auditu, auditus autem per Mot Dei; car la parole de [469] Dieu est un lait qui nourrit les ames, et nous ne pouvons avoir la foy que par cette divine parole, ni participer aux saints Sacremens si nous ne sommes fideles à croire ce qu'elle nous enseigne..

  A009001216 

 Et David mesme, duquel l'ame estoit vrayement espouse, puisqu'il estoit selon le cœur de Dieu, confesse neanmoins qu'il se servoit de ce motif: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; O Seigneur, dit-il, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent..

  A009001217 

 O certes, il y a bien de la difference entre l'amour qui nous fait operer le bien, et le sentiment de l'amour, je veux dire ce sentiment qui remplit nostre ame et nostre esprit d'une grande satisfaction et donne à nostre cœur une consolation si sensible, que quelquefois elle rejaillit jusques au dehors.

  A009001217 

 Or, quand Dieu nous soustrait ce sentiment, il ne faut pas se descourager ni penser que nous n'avons point d'amour, pourveu que nous ayons une forte resolution de ne luy vouloir jamais desplaire, qui est ce en quoy consiste le parfait et veritable amour.

  A009001219 

 En fin, dit-elle, j'ay trouvé celuy que j'ayme, je le tiens et ne lé quitteray point que je ne l'aye introduit en [471] la mayson de ma mere, qui est la Hierusalem celeste, qui n'est autre que le Paradis; et là encores je ne le quitteray point, car non seulement je ne le voudray pas quitter, mais je seray alors si parfaittement unie avec luy, que jamais aucune chose ne m'en pourra separer.

  A009001220 

 Considerez, je vous prie, comme toutes ces paroles se rapportent bien; car saint Pierre dit: Soyez sans dol et sans feintise, qui est autant comme s'il disoit: Ayez une grande simplicité..

  A009001220 

 Je dis en premier lieu que pour tetter les mammelles de Nostre Seigneur, il se faut rendre semblable aux petits enfans; car vous sçavez que ce n'est qu'à eux à qui on donne les mammelles.

  A009001221 

 Certes, si nous n'avons un grand desir de l'amour divin nous ne l'obtiendrons jamais; car comment pourrions-nous l'obtenir et recevoir des consolations de Nostre Seigneur, venant à luy nostre entendement tout distrait, nostre memoire remplie et occupée de mille choses vaines et inutiles, et [472] nostre volonté attachée aux choses de la terre? Il faut donques avoir l'estomach de nos ames vuide, si nous voulons tetter les mammelles de Nostre Seigneur et recevoir ses saintes graces, ainsy que Nostre Dame nous l'apprend en son sacré Cantique, quand elle dit que Dieu a rempli de biens ceux qui avoyent faim, mais que pour les riches, c'est à dire ceux qui estoyent pleins et rassasiés des choses de la terre, il les a rejettés et ne leur a rien donné: Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes; paroles par lesquelles cette Sainte Vierge nous apprend que Dieu ne communique ses graces et ne remplit de biens sinon ceux qui ont cette faim spirituelle, et qui sont vuides d'eux mesmes et des choses terrestres et mondaines.

  A009001221 

 Vous voyez quelquefois des enfans qui ne veulent point prendre la mammelle parce qu'ils ont l'estomach tout rempli de catarrhe, de maniere que n'ayans point de faim, on ne les peut faire tetter, quoy que la nourrice les provoque et leur presente son sein.

  A009001222 

 L'Escriture Sainte nous enseigne que quand ce divin Sauveur de nos ames estoit en ce monde conversant avec les hommes, il caressoit les petits enfans, les embrassoit et prenoit entre ses bras, comme il fit le petit saint Martial, ou saint Ignace martyr, suivant l'opinion de plusieurs Docteurs, qui disent que Nostre Seigneur le tenant un jour entre ses bras et le considerant, il se tourna vers ses disciples et leur dit: En verité, si vous n'estes faits comme ce petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume des cieux; Amen dico vobis, nisi efficiamini et conversi fueritis sicut parvulus [473] iste, non intrabitis in Regnum caelorum.

  A009001223 

 Il veut dire: Encor que vous m'ayez eslevé à des honneurs et à des faveurs si grandes que de me porter dessus vostre poitrine et me donner vos divines mammelles à succer, neanmoins je n'ay point eslevé mon regard en choses hautes, ni n'ay point retiré mes yeux de dessus la terre, qui est mon origine et en laquelle je dois retourner, ains j'ay tous-jours porté la veuë basse, en la consideration de mon neant et de mon abjection; mon cœur ne s'est point enflé d'orgueil pour les grandes graces que vous m'avez faites.

  A009001224 

 Si je ne me suis abaissé et humilié, dit-il, voicy, o Seigneur, ce que je veux qui m'arrive: Sicut ablactatus est super matre sua, ita retributio in anima mea; C'est que vous me separiez de vous et me retiriez vos sacrées mammelles, et je demeureray comme l'enfant sevré avant le temps, qui ne fait plus que languir, pleurer, gemir, se lamenter et regretter sa perte; si donques je n'ay tousjours esté bas, vil et abject à mes yeux et à mon propre jugement, ainsy soit-il fait à mon ame.


10-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome X-Vol.4-Sermons.html
  A010000061 

 C'est sur iceluy que je vous parleray en ce petit discours; car de le faire sur saint Antoine il n'y auroit point d'apparence, veu qu'il en a esté excellemment parlé au grand sermon, auquel on a dit presque tout ce qui s'en pouvoit dire.

  A010000061 

 Nous verrons d'abord la cause du miracle, c'est à dire comment il a esté fait, et en second lieu, par qui il a esté fait et quelles personnes sont intervenues en iceluy.

  A010000061 

 Or, à fin de mieux establir le sentiment de saint Ambroise et des autres Peres, nous escarterons avant tout deux difficultés qui rendroyent leur opinion moins recevable, et nous ferons par apres une consideration pour la consolation de nostre foy..

  A010000062 

 Je sçay bien qu'il les faisoit aussi entant que Dieu, car ce que fait le Pere, le Fils et le Saint Esprit l'operent de mesme; mais quant au miracle de Cana c'est proprement le Fils qui le fait..

  A010000062 

 Mais bien que ces signes fussent faits pour manifester la gloire de Nostre Seigneur, ce n'estoit pas luy qui les operoit, ains le Pere et le Saint Esprit les faisoyent pour luy.

  A010000062 

 Mais ce miracle estoit invisible, secret et occulte; c'estoit une œuvre si haute qu'elle surpasse infiniment tout ce que les Anges et Archanges en peuvent comprendre, et partant ce n'estoit pas un signe qui manifestast la gloire de Dieu comme celuy qui se fit aux noces de Cana en Galilée, ainsy que dit l'Evangeliste.

  A010000062 

 Plusieurs merveilles accompagnerent la naissance du Sauveur, comme l'apparition de cette estoile qui amena les Mages d'Orient.

  A010000062 

 Plusieurs prodiges, il est vray, se sont operés avant celuy-cy, les uns par Nostre Seigneur, les autres en Nostre Seigneur et les autres pour l'avenement de Nostre Seigneur, comme celuy de l'Incarnation qui est le plus grand de tous et la merveille des merveilles.

  A010000064 

 Or, puisque nous qui vous annonçons la parole de Dieu, sommes obligés de vous dire sur chaque mystere les choses qui peuvent servir à la consolation de nostre foy quand les occasions s'en presentent, comme à ce coup icy de celuy de l'Eucharistie, j'en toucheray ce qui fait à nostre propos.

  A010000065 

 Ainsy Nostre Seigneur, qui de toute eternité est le commencement de toutes choses, en sera la fin pour toute eternité.

  A010000065 

 C'est pourquoy les Egyptiens voulant representer la Divinité et la faire comprendre en quelque façon, ils peignoyent un serpent qui mordoit sa queue, ce que faisant, il estoit tout rond et ne se pouvoit voir en iceluy ni commencement ni fin: sa teste, qui estoit le commencement, touchoit la fin qui estoit la queue.

  A010000065 

 En la creation de l'homme Dieu, comme nous l'avons desja touché, changea la terre en chair humaine et opera une admirable transmutation; car apres avoir dit: Faisons l'homme à nostre image et semblance, il prit de l'argile et en forma un corps qui n'estoit alors qu'une masse de terre.

  A010000065 

 Remarquez comme il a tousjours fait le commencement tel que la fin, et le merveilleux rapport qui existe entre l'une et l'autre.

  A010000066 

 Il naquit en pleurant ainsy que les autres enfans qui tous passent par là, car il ne s'en est jamais veu aucun qui ne soit né en pleurant, sinon Zoroastre, qui fut un tres meschant homme, «lequel se prit à rire en naissant.» Mais Nostre Seigneur n'est pas né en riant, ains en pleurant et gemissant, comme le tesmoigne un passage de l'Escriture qu'on luy peut bien appliquer, quoy que ce passage regarde Salomon, lequel parlant de soy dit: Bien que je sois un roy grand et admirable, si est-ce que je suis né sur la terre comme les autres enfans, en pleurant et gemissant.

  A010000067 

 Il changea l'eau en vin aux noces de Cana en Galiléo, et en ce dernier souper qui fut comme les noces de cet lispoux sucré, il convertit le pain en sa chair et le vin en son sang; de sorte qu'en cette transformation il commença à solemniser ces noces qu'il acheva sur l'arbre de la croix, car la mort du Sauveur fut le jour de ses noces..

  A010000068 

 L'Apostre dit que le Chrestien est nourri de la chair vivante et du sang du Dieu vivant, ce qui est vray; et quoy que cette verité repugne à nos sens qui n'y peuvent rien voir, neanmoins nous le croyons et mesme avec d'autant plus de suavité que nos sens en connoissent moins.

  A010000068 

 Nous croyons cette verité et ce mystere, qui est le plus grand et le plus obscur de tous avec Celuy de l'Incarnation; toutefois, parce que la foy nous l'enseigne, nous croyons que Jesus Christ est en ce tres saint Sacrement en corps et en ame.

  A010000069 

 Or, on peut penser que cette sainte Dame, qui estoit grandement humble, y alla ainsy dès la veille pour rendre ce bon office à l'espoux et à l'espouse..

  A010000070 

 Ce qui fut cause qu'estant invité il ne s'en excusa pas, ains s'y rendit, et par consequent retrancha beaucoup de legeretés et desbauches qui se commettent ordinairement en telles occurrences.

  A010000071 

 Mais que fera cette sainte Dame, car elle ne porte point d'argent pour faire acheter du vin? Son Fils n'en a point, non plus qu'elle; sur quoy fonde-t-elle donques son esperance de remedier à cette necessité? O certes, elle sçavoit qu'elle avoit amené avec elle Celuy qui est tout puissant et dont elle connoissoit la grande charité et misericorde, par laquelle il pourvoiroit infailliblement au besoin de ces pauvres gens.

  A010000072 

 Ces bonnes gens qui vous ont invité s'en vont tomber en une grande ignominie si vous ne les secourez; mais je sçay que vous estes tout puissant, que vous pourvoirez à leur necessité et empescherez qu'ils ne reçoivent une telle honte et abjection.

  A010000072 

 De plus, je ne doute point de vostre charité et misericorde; souvenez-vous de l'hospitalité qu'ils nous ont faite de nous convier à leur banquet, et fournissez, s'il vous plaist, ce qui leur manque..

  A010000072 

 La Vierge vient donc à son Fils qui, sans argent, pouvoit seul mettre remede à cette necessité.

  A010000073 

 Neanmoins la Sainte Vierge n'eut pas besoin de faire un si long discours à son Fils pour luy representer la necessité de ces noces; aussi, comme tres avisée et sçavante en la maniere de bien prier, elle usa de la plus courte mais de la plus haute et excellente façon de prier qui soit et qui puisse estre, disant seulement ces deux paroles: Mon Fils et mon Seigneur, ils n'ont point de vin.

  A010000073 

 Priere certes tres excellente, en laquelle cette sainte Dame parle à Nostre Seigneur avec la plus grande reverence et humilité qui se peut imaginer; car elle s'en va à son Fils non point avec asseurance ni avec des paroles pleines de presomption, comme font plusieurs personnes indiscretes et inconsiderées; mais, avec une humilité tres profonde, elle luy represente la necessité de ces noces, tenant pour tout asseuré qu'il y pourvoira, ainsy que nous le dirons bien tost..

  A010000076 

 Mais je demande encor l'humilité, car je ne suis point humble, et neanmoins je vois que l'on ne sçauroit rien faire sans cette chere vertu; je demande aussi l'amour de Dieu, cette sacrée dilection [10] qui rend toutes choses si douces et faciles.

  A010000076 

 Or, il ne faut pas faire cela, car il n'est pas requis pour avoir cette vertu d'en avoir le sentiment; au contraire, ceux qui l'ont veritablement ne voyent ni ne sentent point qu'ils sont humbles.

  A010000076 

 Vous verrez une personne toute confite en devotion qui demandera en toutes ses prieres de grandes douceurs.

  A010000078 

 Ce qu'elle fit paroistre lors que, apres icelle, son cœur demeura tout plein d'une sainte confiance, disant à ceux qui servoyent: Vous avez ouy ce que mon Fils m'a respondu, et pour cela, vous qui n'entendez pas le langage de l'amour, pourrez entrer en doute qu'il ne m'ayt esconduite.

  A010000078 

 Mais, o Dieu, qui est si hardi que d'y vouloir mettre la pointe de son esprit, pour aigu et subtil qu'il puisse estre, à fin d'en comprendre le vray sens, sans avoir receu la lumiere d'en haut pour cela? Cette responce estoit toute amoureuse, et la Sainte Vierge qui le sçavoit bien s'en sentit la plus obligée mere qui aye jamais esté.

  A010000078 

 Quelles paroles icy entre le Fils et la Mere, entre deux cœurs les plus aymans et les plus aymables qui furent jamais! Qu'avez-vous à demesler avec moy, femme? Ha, Seigneur, qu'a à faire la creature avec son Createur de qui elle tient l'estre et la vie! qu'a à faire la mere avec son fils, qu'a à demesler le fils avec la mere de qui il a receu le corps, c'est à dire l'humanité, la chair et le sang! Ces paroles semblent estre bien estranges, et en effect estans mal entendues par des ignorans qui les ont voulu interpreter, ils en ont formé trois ou quatre heresies.

  A010000079 

 Combien qu'en apparence elle soit un peu rude, ce n'est rien pour vous qui entendez le langage de l'amour, lequel ne s'explique pas seulement par les parolles, mais aussi parles yeux, par les gestes et par les actions.

  A010000079 

 Et quant aux yeux, les larmes qui en deseoulent sont des preuves de l'amour; c'est en cette façon que le Psalmiste donnoit des tesmoignages du sien lors qu'il respandoit une grande abondance de larmes devant son Dieu..

  A010000079 

 Il y a parmi les Docteurs une grande varieté d'opinions sur ces paroles de Nostre Seigneur: Femme, qu'avez-vous à demesler avec moy? Aucuns disent qu'il vouloit signifier: Qu'avons-nous à faire, vous et moy, de nous mesler de cela? Nous ne sommes que des invités, nous ne devons donc point avoir soin de ce qui manque; et plusieurs semblables raysons.

  A010000079 

 Mais demeurons fermes en celle que la pluspart des Peres tiennent, laquelle est que le Sauveur respondit à sa sainte Mere: Qu'ay-je à demesler avec vous? pour apprendre aux personnes qui sont constituées en quelque benefice ecclesiastique, de prelature et autres telles dignités, à ne se point servir de ces charges pour gratifier les parens selon la chair et le sang, ou faire en leur faveur chose aucune qui soit [12] tant soit peu repugnante à la loy de Dieu; car ils ne se doivent jamais oublier jusques là qu'à leur occasion ils viennent à s'esloigner de la droiture avec laquelle ils sont tenus à exercer leurs offices.

  A010000079 

 Or, nostre divin Maistre voulant faire cette leçon au inonde, se servit du cœur de la tres sainte Vierge; en quoy certes il luy donna des preuves tres grandes de son amour, comme s'il disoit: Ma tres chere Mere, en vous respondant: Qu'avez-vous à demesler avec moy? je ne veux point vous esconduire en vostre demande; car qu'est-ce que peut refuser un tel Fils à une telle Mere, la plus aymée et la plus aymante qui ayt jamais esté? Mais d'autant que vous m'aymez parfaitement, aussi vous aymé-je souverainement; et cet amour que je vous porte et celuy duquel je sçay que vous m'aymez m'a fait prevaloir de la fermeté de vostre cœur pour donner cette leçon au monde, estant tout asseuré que ce cœur tres amoureux ne s'en esmouvra point.

  A010000080 

 Aussi cette divine Amante, la tres sacrée Vierge, prit les paroles de Nostre Seigneur comme un faisceau de myrrhe qu'elle mit entre ses mammelles, au milieu de son amour; elle receut la goutte qui descouloit de cette myrrhe, laquelle raffermit son cœur en telle sorte qu'en entendant la responce qui aux autres sembloit un refus, elle creut sans aucun doute que le Sauveur luy avoit accordé ce qu'elle luy demandoit; et pour cela elle dit aux officiers: Faites tout ce qu'il vous dira.

  A010000081 

 Voyla Rebecca et Isaac qui desiroyent tous deux des enfans; mais le malheur estoit que Rebecca estant sterile n'en pouvoit naturellement avoir.

  A010000082 

 O que bienheureuse est l'heure de la divine Providence en laquelle Dieu a voulu nous departir tant de graces et de biens! O que bienheureuse est l'ame qui attendra avec patience et qui se preparera pour correspondre avec fidelité à icelle quand elle arrivera! Certes, ce fut l'heure de la Providence divine celle en laquelle la Samaritaine se convertit.

  A010000083 

 Le Sauveur commanda aux serviteurs de remplir six cruches de pierre qui estoyent là pour la purification des Juifs, d'autant qu'ils se lavoyent quand ils avoyent touché quelque chose defendue par la Loy; car ils faisoyent force ceremonies exterieures auxquelles ils estoyent grandement exacts, mais ils ne se soucioyent gueres de purifier leur interieur.

  A010000084 

 Ce Sacrement nous a esté figuré par les miracles qui se sont faits en l'ancienne Loy.

  A010000084 

 D'aller chercher les raysons de telles disputes cela n'est point propre pour nous; mais tenons-nous à cette heure du costé de ceux qui disent qu'il y a des licornes et que leur poudre a la proprieté de chasser le venin.

  A010000084 

 Il faisoit au moyen d'icelle, sortir de l'eau des rochers, il convertissoit les eaux en sang, en somme il faisoit des prodiges qui tous estoyent des figures de ceux qui devoyent arriver en la loy de grace..

  A010000084 

 Le pretieux sang de Nostre Seigneur est comme la licorne, qui chasse le venin du peché lequel empoisonne nos ames; car par le Sacrement de l'Eucharistie nous est appliqué, comme nous l'avons dit, le fruit de nostre Redemption.

  A010000084 

 Les roys et grans princes ont pour l'ordinaire tousjours [15] avec eux de la poudre de la corne de licorne qui est propre à garantir du venin; et quand ils ont quelque incommodité ils prennent de cette poudre dans du vin pour s'en preserver.

  A010000085 

 Or voyez-vous, si la Vierge eust demandé du vin à fin que ceux qui estoyent aux noces s'enivrassent, sans doute Nostre Seigneur n'eust point operé cette transmutation de l'eau en vin..

  A010000085 

 Voyla une bonne femme qui a un fils malade; o Dieu, il faut employer le Ciel et la terre, car cet enfant est unique, c'est le fruit de mon sein, c'est [16] en luy que j'ay mis toute mon esperance; et quand les remedes humains n'y peuvent plus rien on recourt aux vœux qu'on fait aux Saints.

  A010000086 

 En somme, mes cheres Sœurs, prattiquez bien ce qui vous a esté enseigné jusqu'à present et vous reposez en la providence de Dieu, car il ne manquera pas de vous fournir ce que vous aurez besoin.

  A010000086 

 Voulez-vous estre bien recueillie en l'oraison? Tenez-vous hors de l'oraison comme si vous y estiez et n'employez pas le temps à des reflexions inutiles tant sur vous que sur ce qui se passe autour de vous; ne vous amusez pas à des niaiseries.

  A010000093 

 L'Evangile fait mention d'une parabole ou similitude en laquelle il est dit qu'un certain negociateur qui cherchoit des perles en trouva une d'un si grand prix qu'il vendit tout ce qu'il avoit pour l'acheter.

  A010000093 

 Or, d'autant que cette similitude renferme et enclot une milliace d'advis et documens tres excellens pour parvenir à la perfection chrestienne, je m'en serviray pour ce petit discours auquel nous verrons qui est ce negociateur qui cherchoit des perles, quelle est cette perle et ce qu'il faut faire pour l'avoir..

  A010000094 

 Ce n'est pas seulement le commencement, mais aussi la fin de la doctrine d'Aristote, que tout homme cherche à estre bienheureux; et ce philosophe a tres bien dit qu'il y a dans l'homme un certain mouvement naturel qui tend à la felicité.

  A010000094 

 L'avare la cherche dans les richesses, [18] mais il ne l'y sçauroit trouver, d'autant que les richesses ne sont qu'amertume; d'autres la cherchent dans les voluptés, mais ils ne l'y peuvent rencontrer, car les voluptés sont plus propres aux bestes qu'aux hommes, et au lieu de contenter le cœur elles l'abrutissent; d'autres recherchent leur felicité dans les honneurs et satisfactions de cette vie, mais ils ne l'y trouvent pas non plus, car tous les playsirs sont sujets à mille vicissitudes et accidens, et ceux qui possedent le plus de ces biens l'experimentent journellement; les plus grans roys et princes le ressentent mesme tous les jours, voire bien souvent avec plus de rigueur que le reste des hommes..

  A010000094 

 Quant au premier point, tous les hommes sont ces marchans et negociateurs qui cherchent des perles, lesquelles ne sont autre chose que la felicité et beatitude.

  A010000094 

 Que s'il s'en rencontre quelques uns qui ne sont pas bienheureux, ce n'est pas faute de cette pretention generale, ains de la particuliere; car bien qu'ils tendent à cette felicité, si est-ce qu'ils la mettent en des choses où elle ne se trouve pas.

  A010000095 

 C'est ce que vouloit signifier le royal Prophete par ces paroles: Qui me monstrera le bien apres lequel j'halette et souspire? Comme s'il vouloit dire: O Seigneur, tout homme appete le bien et desire qui le luy monstre; et je ne suis pas du nombre de ceux qui ne l'appetent pas, car j'ay bien observé en moy un certain instinct naturel qui me porte et me fait tendre au bonheur.

  A010000095 

 En un autre endroit le mesme Psalmiste s'escrie: O Dieu, mon cœur s'est tout resjoui quand il a sceu que vous estiez sa felicité; et nostre grand Pere saint Augustin dispit: «O Dieu, mon cœur est creé pour vous, il n'aura jamais repos ni tranquillité qu'il ne jouisse de vous.» Nous voyons par ces paroles comme le cœur humain tend naturellement à Dieu qui est sa beatitude.

  A010000095 

 Il y a un negociateur qui cherche des perles, lequel est par dessus tous les autres.

  A010000096 

 Or, bien que cette promesse n'ayt pour fondement que sa bonté, il s'ensuit neanmoins que cette obligation est de justice, mais d'une justice toute misericordieuse, car c'est par pure misericorde que Dieu s'est engagé de donner sa gloire à sa creature, gloire qui n'est autre que l'union de nos ames avec luy..

  A010000097 

 C'est ce qui nous a esté monstré par les anciens Religieux, lesquels furent nommés moines, ce qui signifie reliés, c'est à dire unis et resserrés.

  A010000097 

 C'est un beau nom que celuy de moine, nom [20] tout mysterieux qui nous fait cette belle leçon de tendre à l'union, de nous relier et restreindre pour pouvoir justement aspirer à la felicité..

  A010000097 

 La charité donques produit l'union icy bas; c'est elle qui retire et resserre les affections, qui relie et reunit tout ce qui est desuni, en somme c'est par cette union temporelle que l'on arrive à l'eternelle.

  A010000097 

 La grace nous y dispose, et la charité est comme la racine qui engendre et cause l'union; à mesure que nous aurons plus de grace en cette vie, nous aurons aussi plus de gloire au Ciel, et par consequent plus d'union.

  A010000097 

 Mais pour y parvenir, il faut, pendant que nous sommes en cette vie, prendre, embrasser et rechercher les moyens qui nous y peuvent conduire.

  A010000098 

 Cependant, non seulement celles-là se vendent si cher, mais encores les diamans, qui ne sont point propres à sa santé, ains au contraire y nuisent, lesquels s'achetent neanmoins les quinze cens escus; et cela ne vient que de l'estime qu'on en fait..

  A010000098 

 Mais quelles sont ces perles sinon les vertus et bonnes œuvres qui sont comme des perles et pierres pretieuses? Or, d'où vient que les pierreries ont un si grand prix parmi les hommes? Leur beauté et esclat les rend sans doute aggreables et prisables, mais ce n'est pas là la principale cause de leur valeur, ouy bien l'estime qu'on en fait parmi les mortels.

  A010000098 

 N'est ce pas une chose horrible et espouvantable de voir cette ehontée Cleopatra porter attachées à ses oreilles deux perles qui valoyent cinq mille escus? N'est ce pas un prodige et une estrange fantasie des humains que ces pierreries qu'ils estiment pretieuses et qui ne sont en effect que des pierres, soyent arrivées à une telle estime parmi eux qu'on vienne à vendre un diamant les cinq cens escus et davantage? N'est ce pas, dis-je, une grande folie? Certes, quand ces pierres, pour pretieuses qu'elles puissent estre, seroyent achetées un escu, c'est tout ce qu'elles vaudroyent, excepté celles qui peuvent servir à la santé de l'homme.

  A010000099 

 Et non content de cela, il est venu ça bas en terre comme un divin negociateur pour chercher ces pierres pretieuses, s'exerçant à la prattique des vertus, leur baillant encores un plus [21] beau lustre par ce moyen, à dessein de nous en rendre amoureux, à ce que, les recherchant et nous adonnant à la conqueste d'icelles, nous puissions obtenir la vie eternelle qui leur est reservée; car c'est aux vertus et bonnes œuvres qu'elle se donne, voyla pourquoy tous les Chrestiens les cherchent..

  A010000099 

 Les vertus, comme ces pierreries, sont d'elles mesmes d'un grand prix à cause de leur esclat qui les rend aggreables et prisables aux yeux des hommes; car elles sont fort belles, et tout ce qui est beau est pretieux.

  A010000099 

 Neanmoins ce n'est point do cette beauté que depend leur plus haute valeur, ains de l'estime qu'elles ont devant Dieu, qui en fait un si grand estat qu'il leur a promis la felicité, c'est à dire la vie eternelle.

  A010000100 

 Il en prend ainsy de tout ce qui n'est point Dieu et qui est hors de luy..

  A010000100 

 Le voyla donques à la recherche d'une autre, laquelle ayant encores acquise avec mesme et voire plus grande peine que la premiere, elle luy cause neanmoins aussi du degoust et de la fascherie, ce qui luy en fait derechef poursuivre une autre; de sorte que ce pauvre homme pensant trouver dans ces biens apparens la felicité apres laquelle son cœur parpille, il n'y rencontre que fiel et amertume.

  A010000100 

 Que s'il y en a quelques uns qui ne les trouvent pas, c'est qu'ils les cherchent et les pensent trouver où elles ne sont point, à sçavoir dans les richesses, dans les honneurs et voluptés; aussi sont-ils pour l'ordinaire trompés, car les vertus ne se tiennent pas emmi ces choses, on les y rencontre difficilement, et de plus, ces richesses, ces honneurs et voluptés n'apportent qu'amertume, degoust et fascherie.

  A010000101 

 De là vient que quoy que nos cœurs soyent [22] creés pour la felicité et qu'ils tendent à icelle, plusieurs n'y arrivent point, parce qu'ils ne font pas ce qui les y peut conduire..

  A010000102 

 Certes, toutes les perles sont uniques, car quoy qu'il y en ayt plusieurs, neanmoins elles sont toutes differentes l'une de l'autre et n'y en a pas deux qui se ressemblent.

  A010000102 

 Tous y aspirent et plusieurs y arrivent, mais un chacun diversement; et c'est cette grande varieté qui rend cette perfection si belle et aggreable.

  A010000102 

 Toutes sont belles, mais differentes l'une de l'autre, d'autant qu'il ne se rencontre pas deux personnes qui arrivent à la perfection en une mesme maniere.

  A010000103 

 Cela se fait entrant en Religion par le renoncement entier et absolu de toutes choses, en rejettant le mal et en embrassant le bien, qui sont les deux principaux points de la perfection chrestienne.

  A010000104 

 Nous en devrions dire autant à ceux qui entrent en Religion: Si vous voulez garder quelque proprieté, restez au monde; vous y pouvez bien vivre et vous y sauver en observant les commandemens, sans venir en Religion pour retenir quelque chose, voulant encores user de vostre liberté et volonté.

  A010000105 

 Elle naquit en Escosse; c'estoit une fille extremement belle, car les Escossois sont naturellement beaux et on trouve en ce païs les plus belles creatures qui se puissent voir.

  A010000106 

 Donques, parmi les filles de cette contrée, qui sont naturellement belles, sainte Brigide l'estoit singulierement; c'est pourquoy, bien qu'elle fust de basse extraction selon sa mere, elle fut recherchée en mariage par les plus advantageux partis de toute l'Escosse, lesquels s'oubliant de la bassesse de son origine, la desiroyent pour son extraordinaire beauté qui la rendoit fort aggreable.

  A010000106 

 Mais cette grande Sainte, qui estoit choisie et esleue pour estre l'espouse de Nostre Seigneur, fut esclairée de la lumiere interieure, et sentant en son cœur un appetit et mouvement qui tendoit continuellement apres le souverain Bien, elle descouvrit la perle de la perfection religieuse; considerant ensuite la rare beauté d'icelle, elle se delibera de l'acheter et de vendre tout ce qu'elle avoit à fin de l'acquerir..

  A010000107 

 Elle renonça donques à tous les honneurs, richesses et playsirs que le monde luy presentoit, et aux biens de fortune, c'est à dire à ces biens à venir qui sont si difficiles à delaisser.

  A010000107 

 Il s'en trouve beaucoup en effect qui possedent peu de chose, mais ils ont de si grandes pretentions et belles esperances que difficilement y peuvent-ils renoncer.

  A010000108 

 Elle refusa cet honneur avec les richesses qui l'accompagnoyent; elle rejetta, pour suivre l'attrait de la grace, les playsirs et voluptés que telles choses luy presentoyent, nonobstant qu'elle vist bien qu'en les acceptant elle seroit, selon le monde, la plus heureuse fille qui se puisse rencontrer..

  A010000109 

 C'estoit, à la verité, renoncer à de puissantes amorces; mais elle ne se contenta pas de cela, ains vint encores à renoncer aux dons naturels, qui sont entre autres la beauté, la force et la santé.

  A010000109 

 Mais quant à celuy de la beauté et de la santé, oh! ce sont ces deux cy dont elles se prisent; car les femmes et filles ont une jalousie toute particuliere de les conserver, et leur plus grand soin et estude ne tend à autre chose sinon à faire ce qui peut les accroistre et entretenir, comme si leur felicité en dependoit..

  A010000109 

 Quant à la force il n'en est quasi point parlé entre le sexe feminin, c'est un don duquel il ne se prise gueres; de là vient la mollesse et grande tendreté des femmes qui sont si fades et delicates qu'il ne faut que la piqueure d'une mouche pour leur faire prendre le lit; voyla pourquoy elles ne se soucient pas beaucoup du don de force.

  A010000110 

 Et que dirons-nous des femmes de Venise qui, apres avoir lavé leurs cheveux, se vont percher sur les toits les heures entieres aux rayons du soleil pour faire devenir leurs cheveux blonds, et de celles qui portent des emplastres sur leur visage tout le long de la semaine pour les arracher le Dimanche, à fin de paroistre blanches et aggreables aux yeux de quelques fous? En somme, c'est une chose estrange de ce que ce sexe met en œuvre pour conserver sa beauté; c'est pourquoy, d'autant plus qu'il est curieux de cecy, d'autant plus le renoncement que l'on en fait est excellent..

  A010000111 

 Dès lors, ceux qui la recherchoyent n'en firent plus d'estat et la quitterent entierement; ce que voyant son pere, et que par cet accident il estoit frustré de l'esperance qu'il avoit de faire de bonnes alliances, il la rejetta aussi, la chassa hors de sa mayson et se resolut de la rendre Religieuse.

  A010000111 

 Voyla qu'il luy tomba une defluxion sur un œil qui le luy fondit dans la teste et le luy enfonça, et l'humeur se jetta en telle sorte en cette concavité que puis apres s'espanchant sur toute sa face, elle la rendit extremement laide et difforme.

  A010000112 

 Et pour ce, elle renonça à sa volonté, à son jugement et liberté; elle devint une parfaite Religieuse, reluisit en la plus excellente obeissance qui se puisse dire, et fut extremement simple; en un mot, elle estoit accomplie en toutes vertus..

  A010000113 

 Il s'en trouve encores qui se desprennent de la propre volonté, mais ceux qui renoncent entierement au propre jugement sont fort rares.

  A010000113 

 On veut bien faire le bon playsir de Dieu, mais non pas en tout, ains en ce qui sera conforme au nostre.

  A010000113 

 Or, comme il ne suffit pas en Religion d'observer les commandemens de Dieu, ains encores ses inspirations particulieres et generales qui sont marquées dans les Statuts, Regles et Constitutions, pour les prattiquer il faut necessairement renoncer à sa propre volonté.

  A010000114 

 C'est ce que nous a voulu faire entendre le grand Apostre lors qu'il disoit: Je sens en moy deux lois, la loy de la chair et celle de l'esprit, lesquelles sont toutes contraires l'une à l'autre; ce qui me fait souvent gemir et m'escrier: O moy miserable, qui me delivrera de ce corps de mort? car je sens un appetit en ma chair qui appete le mal que mon esprit abhorre.

  A010000114 

 Nous pouvons juger par ces parolles du violent combat que ce saint Apostre tant favorisé de Dieu souffroit en sa chair, qui repugnoit à l'esprit..

  A010000115 

 Mais on passe encores plus outre, et on commence à se quitter soy mesme, à s'assujettir à la direction d'autruy et à renoncer sa propre volonté et son jugement, c'est à dire son propre sens, son propre esprit; on se sousmet à la correction et reprehension, qui est le dernier essay et le plus important de la perfection religieuse..

  A010000115 

 Quand est-ce que nous vendons tout ce que nous possedons pour acquerir cette perle sinon quand nous nous dedions au service de Dieu? Quand on prend l'habit de Religion on commence [29] à tout rejetter, on quitte les biens, les honneurs, les parens, renoncemens fort difficiles à faire pour quelques uns; et neanmoins l'amour et amitié des proches est bien foible et fade parce que, s'il n'a point d'autre fondement que la nature, il se perd pour le moindre accident qui arrive.

  A010000116 

 C'est pourquoy la correction regne en toute Religion bien reformée et y est perpetuellement prattiquée; de là vient le bon ordre qu'on y trouve, d'autant que par icelle on redresse, nettoye et corrige tout ce qui ne va pas bien ou qui est tant soit peu imparfait.

  A010000116 

 Pour nous autres mondains personne ne nous reprend; nous marchons par les grandes rues de ce monde avec des robes toutes boueuses, et pas un ne nous dit mot ni s'essaye de nous nettoyer; on nous laisse aller nostre chemin sans nous rien dire, ce qui fait que nous demeurons tousjours tout crotteux.

  A010000117 

 On renonce à ce qui est inutile et se contente-t-on du necessaire pour l'entretien de la vie, embrassant la sainte sobrieté qui retranche le superflu et donne ce qui fait besoin, sans permettre que l'on en souffre aucune grande disette; car si on trouve en quelque lieu ce qui est requis pour la conservation de cette vie miserable, c'est bien en la Religion où il se depart plus soigneusement que par tout ailleurs.

  A010000118 

 Je vous dis derechef que vous serez heureuse, ma chere Fille, si vous vous donnez tellement à Dieu que desormais vous viviez non plus selon vos humeurs et fantasies, mais selon les Regles et Constitutions et la volonté de ceux qui vous gouverneront..

  A010000118 

 O que vous serez heureuse, ma chere Fille, si aujourd'huy que vous voulez vous dedier à Dieu vous vous donnez toute à luy sans aucune reserve, et si, à l'imitation de sainte Brigide, vous quittez et renoncez toutes choses pour acheter cette perle unique de la perfection religieuse! Vous serez bienheureuse si de bon cœur vous venez chercher en cette mayson la vraye paix et tranquillité d'esprit, qui consiste et se trouve non pas dans les consolations ou mignardises, comme plusieurs pensent lesquels se trompent, mais dans le renoncement parfait et absolu de vostre propre volonté et jugement, en la sujetion et sousmission de vostre liberté, vous laissant conduire et gouverner par autruy.

  A010000118 

 Vous suivrez ainsy l'exemple de sainte Brigide qui estoit entre les mains de ses Superieurs comme une boule de cire, prenant toutes les impressions qu'on luy vouloit donner et se laissant manier au gré des autres sans aucune resistance.

  A010000119 

 Aussi c'estoit son celeste Espoux lequel ne luy pouvoit rien refuser; et parce qu'elle luy donnoit tout ce qu'il requeroit d'elle, luy de son costé, par un amour reciproque, l'exauçoit selon ses desirs; car Dieu ne refuse rien à ceux qui font en tout sa sainte volonté.

  A010000119 

 Le premier est de quelques lepreux qu'elle guerit; le second est d'une fille à qui elle rendit la veuë.

  A010000119 

 Or, si vous voulez qu'il vous accorde cela, donnez-luy aussi ce qu'il vous demande, qui est que vous gardiez sa loy et obeissiez à ses conseils..

  A010000119 

 Or, vous ayant sommairement raconté la vie de sainte Brigide, il est bien raysonnable que je vous die encores quelques uns de ses miracles; je vous en rapporteray seulement deux qui sont propres à ce sujet, avec lesquels je fermeray ce discours.

  A010000120 

 Ce qui arriva soudain, parce que Dieu vouloit tout ce que la Sainte souhaittoit.

  A010000120 

 Lors le premier trempa ses mains dans cette eau fraische et commença de laver son compagnon qui devint plus blanc que la neige.

  A010000120 

 Mais celuy qui estoit net ne se soucia point de l'autre, ains se voyant si blanc: O Dieu, respondit-il, je ne l'oserois pas toucher, car à cette heure que je suis gueri il est dangereux que si je le touche je ne devienne derechef lepreux.

  A010000121 

 En quoy elle nous fait une belle leçon de la charité et dilection mutuelle qui doit regner parmi les Chrestiens, et qui doit estre tout particulierement gravée dans le cœur des Religieux et Religieuses; car ils se doivent nettoyer reciproquement de la lepre spirituelle par le moyen de la reprehension et correction fraternelle qui s'exerce en tout Ordre bien reformé..

  A010000121 

 Mais à quel propos ce miracle, et pourquoy est-ce que je le dis? Parce qu'il est beau et qu'il me semble devoir [32] estre rapporté à cause des excellens documens qui y sont compris.

  A010000122 

 Or, quand pour quelque respect humain et estans meus non point de la charité ains de nostre fantasie et caprice, nous refusons de laver celuy qui en a besoin, c'est un grand mal.

  A010000122 

 Quand on vient à dire: Moy qui suis net je n'oserois toucher celuy là qui est encores malade; ou bien: C'est un membre pourri, la correction ne luy proffite point, c'est en vain qu'on se travaille apres luy, il vaut mieux le laisser, o Dieu, ne voyez-vous point le danger où vous estes de devenir vous mesme lepreux? Car, qui veut-on guerir sinon celuy qui est malade? Et pourquoy Nostre Seigneur est-il venu sinon pour les infirmes? Le juste, comme dit le glorieux Apostre, n'a pas besoin de loy; il n'est pas requis de luy persuader d'aymer Dieu, il l'ayme assez, ni encores d'aymer le prochain, car il sçait à quoy l'amour de Dieu l'excite et oblige.

  A010000123 

 On luy amena une fille extremement belle mais qui estoit aveugle; elle s'appelloit Urie.

  A010000124 

 Mais elle se sentit aussi tost esclairée d'une autre lumiere qui eschaufïa son cœur et qui luy fit appeter les biens eternels et perdurables, beaucoup plus excellens que ceux qu'elle appercevoit par ses sens; et lors, considerant combien cette veuë corporelle la pourroit empescher et retarder au dessein d'acquerir le souverain bien qui est Dieu, elle desira de la perdre une autre fois pour jouir plus pleinement de la veuë spirituelle.

  A010000133 

 Il est dit dans l'Evangile sacré que ce bon Maistre se transporta, avec la multitude qui le suivoit, de la mer de Galilée sur la montagne, en un lieu escarté et desert.

  A010000134 

 Neanmoins ils ne se soucient point des conseils que Nostre Seigneur donne, lesquels sont: Qui veut venir apres moy, qu'il renonce à soy mesme, prenne sa croix et me suive, et tant d'autres beaux enseignemens qui nous peuvent faire arriver à la perfection.

  A010000134 

 Tous se peuvent sauver en observant les commandemens; et pourtant il y en a si peu dans le Christianisme qui s'adonnent à la veritable vertu! Grace à Dieu il y a par tout des Chrestiens: en France, en Europe, en Asie, en Afrique, en fin dans tous les païs du monde; mais le malheur est qu'il y en a si peu qui fassent profession de vrays Chrestiens que c'est grand pitié.

  A010000135 

 Nostre Sauveur voyant la multitude qui l'avoit tousjours suivi par ces montagnes et ce desert, en un chemin aspre et raboteux, il en eut compassion et pourveut à sa necessité.

  A010000136 

 Sçachez qu'il faudra mortifier vos «sens exterieurs» et interieurs: vostre memoire, vous ne la devrez plus occuper sinon à ce qui est de l'obeissance, oubliant ce que vous sçaviez au monde, quoy qu'il fust bon, pour apprendre ce que l'on voudra; et quant à vostre volonté, il la faudra conformer à celle de vos Superieurs.

  A010000137 

 Mais souvenez-vous que quand Nostre Seigneur vit la multitude qui l'avoit suivi avec tant de peine, il en eut compassion et luy prepara un banquet; ainsy, mes cheres Filles, si vous avez une grande fidelité à marcher apres luy tant en l'affliction qu'en la consolation, il vous preparera un festin là haut au Ciel, car pendant cette vie il le faut suivre en la souffrance et parmi les tentations..

  A010000139 

 Faites comme Nostre Seigneur dit à sainte Catherine de Sienne: «Ma fille, pense en moy, et je penseray et auray soin de toy.» Pensez bien à luy plaire et ne craignez point, car il pensera à ce qui vous sera necessaire, si vous prenez peine de chasser de vostre cœur tout ce qui n'est point luy.

  A010000139 

 Mais les courtisans du roy, au contraire, sont tousjours apres à se parer et mirer pour voir s'ils n'ont rien de mal accommodé; ainsy, pour estre aggreables à Nostre Seigneur, il faut avoir un grand soin de ne laisser rien entrer en nostre ame qui la puisse salir et enlaidir, car ce celeste Espoux est si jaloux de nostre cœur qu'il ne veut pas que rien le possede sinon luy qui est la consolation mesme, et sans lequel tout n'est qu'amertume.

  A010000154 

 Les Peres, considerant cette parolle du Cantique des Cantiques que l'Espouse addresse à son Espoux: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, disent que ce bayser qu'elle desire si ardemment n'est autre que [41] l'execution du mystere de l'Incarnation de Nostre Seigneur, bayser tant attendu et souhaitté pendant une si longue suite d'années par toutes les ames qui meritent le nom d'amantes.

  A010000154 

 Mais en fin ce bayser qui avoit esté si long temps refusé et differé, fut accordé à cette Amante sacrée, Nostre Dame, laquelle merite le nom d'Espouse et d'Amante par excellence au dessus de toutes autres.

  A010000155 

 Voyez, de grace, comme cette divine Amante exprime delicatement ses amours: Qu'il me bayse, c'est à dire: Que ce Verbe qui est la parole du Pere, sortant de sa bouche, vienne s'unir à moy par l'entremise du Saint Esprit, qui est le souspir eternel de l'amour du Pere envers son Fils et du Fils reciproquement envers son Pere.

  A010000157 

 Le vin, qui resjouit et fortifie le cœur, figure, selon les Docteurs, les joyes et les contentemens terrestres.

  A010000157 

 Or, dit la chere amante, tes amours qui sont tes mammelles, o mon Bien-Aymé, produisent une certaine liqueur odoriferante qui recrée merveilleusement mon ame, si que je n'estime nullement la bonté des vins plus pretieux et delicats des playsirs de la terre; ils ne sont rien en comparaison, ce sont plustost des ennuis.

  A010000159 

 N'estimeroit-on pas bien fol et de [43] peu de jugement un marchand qui travailleroit beaucoup à faire quelque commerce dont il ne luy reviendroit que de la peine? Donques, je vous prie, ceux dont l'entendement estant esclairé de la lumiere celeste sçavent asseurement qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse donner un vray contentement à leurs cœurs, ne font-ils pas un trafic inutile logeant leurs affections aux creatures inanimées ou bien à des hommes comme eux? Les biens terriens, les maysons, l'or et l'argent, les richesses, voire les honneurs, les dignités que nostre ambition nous fait rechercher si esperduement, ne sont-ce pas des trafics vains? Tout cela estant perissable, n'avons-nous pas grand tort d'y loger nostre cœur, puisque, au lieu de luy donner un vray repos et quietude, il luy fournit des sujets d'empressement et d'inquietude tres grande, soit pour les conserver si on les a, soit pour les accroistre ou acquerir si on ne les a pas?.

  A010000160 

 Je veux que nous logions nos affections et nostre amour aux hommes, qui sont creatures animées, capables de rayson; qu'est-ce qui nous en reviendra? Nostre trafic ne sera-t-il pas vain, puisqu'estans hommes comme nous, esgaux en la nature, ils ne peuvent que nous rendre un contreschange en nous aymant parce que nous les aymons? Mais ce sera tout, car n'estans pas plus que nous, nous ne ferons nul profit, et ne recevrons pas plus que nous ne leur donnons: nous leur donnerons nostre amour et ils nous donneront le leur, et l'un pour l'autre.

  A010000162 

 Folie insupportable! car quel bonheur, ains quel honneur, quelle grace et quel sujet d'un parfait contentement que d'estre aymé de Dieu et de demeurer en la mayson de sa divine Majesté, c'est à dire d'avoir logé en luy tout nostre amour, sans autre pretention que de luy estre aggreable! Et cependant, voyla que ce cœur humain se laisse emporter à sa fantasie et s'en va de creature en creature, de mayson en mayson pour voir s'il ne pourra point trouver quelqu'un qui le veuille recevoir et luy donner du contentement parfait; mais en vain, car Dieu, qui s'est reservé ce chantre pour luy seul, a commandé à toutes les creatures, de quelque nature qu'elles soyent, de ne luy donner satisfaction ni consolation quelconque, à fin que par ce moyen il soit contraint de retourner à luy qui est ce Maistre bon d'une incomparable bonté.

  A010000162 

 Le cœur humain est un chantre infiniment aymé de Dieu, qui est la souveraine Sainteté; mais ce chantre est fort bigearre, et fantastique plus qu'il ne se peut dire.

  A010000162 

 Vous ne sçauriez croire combien Dieu se recrée à ouyr les louanges qui luy sont données par le cœur qui l'ayme; il se plaist grandement aux eslans de nos voix et en l'harmonie de nostre musique.

  A010000163 

 Dieu a mis en nostre pouvoir l'acquisition de son pur amour qui nous peut infiniment relever au dessus de nous mesme, il le donne à qui luy donne le sien; pourquoy donques nous amusons-nous autour des creatures, esperant quelque chose au trafic que nous ferons en la recherche de leurs affections?.

  A010000164 

 O que cette sainte Amante, nostre Dame et Maistresse, avoit bien gousté la douceur de ces divines mammelles lors qu'en l'abondance des consolations qu'elle recevoit en la contemplation, toute transportée d'ayse et d'un contentement indicible, elle se prit à les louer! Elle nous incite par son exemple à quitter toute autre pretention des satisfactions de la terre, à fin d'avoir l'honneur et la grace de les succer, et recevoir le lait de la misericorde qui en distille goutte à goutte sur ceux qui s'en approchent pour le recevoir..

  A010000165 

 Je ne veux [46] pas dire cependant que si celles qui l'ont donné à quelqu'un viennent à l'en retirer pour le consacrer à Dieu, que ce sacré Espoux ne le reçoive de bon cœur et qu'il n'accepte ce don de leurs affections; mais pourtant il aggrée grandement ces jeunes ames qui se dedient tout à fait à la perfection de son amour.

  A010000165 

 O Dieu, quelle grace de reserver tout nostre amour pour Celuy qui nous recompense si bien en nous donnant le sien! En donnant nostre amour aux creatures nous ne recevons nul gain, d'autant qu'elles ne nous rendent pas plus que nous ne leur donnons; mais nostre divin Sauveur nous donne le sien, qui est comme un baume pretieux lequel respand des odeurs souveraines en toutes les facultés de nostre ame..

  A010000165 

 Qu'est-ce que la divine amante desire que nous entendions par ces jeunes filles? Les jeunes filles representent en ce sujet certaines jeunes ames qui n'ayans encores logé leur amour nulle part, sont merveilleusement propres à aymer le celeste Amant de nos cœurs, Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A010000166 

 Elle est cette unique fillette qui a plus excellemment aymé le divin Espoux que jamais nulle creature n'a fait ni fera; car elle commença à l'aymer dès l'instant de sa conception glorieuse aux entrailles de la bonne sainte Anne, se donnant à Dieu et luy dediant son amour dès qu'elle commença d'estre..

  A010000166 

 O que cette jeune fillette Nostre Dame ayma souverainement le divin Espoux! Aussi en fut-elle souverainement aymée, car à mesme temps qu'elle se donna à luy et luy consacra son cœur, qui fut lors qu'elle prononça ces paroles: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait comme vous dites, ou comme il luy plaira, voyla que soudain il descendit dans ses chastes entrailles et se rendit fils de celle qui se nommoit sa servante.

  A010000166 

 Or, je sçay bien que nul ne peut jamais parvenir à un si haut degré de perfection que de dedier aussi absolument son amour à Dieu et à la suite de sa divine volonté comme lit Nostre Dame; mais pourtant nous ne devons pas laisser de le desirer, et commencer le plus tost et le plus parfaittement possible selon nostre capacité, qui est incomparablement moindre que celle de cette sainte Vierge.

  A010000167 

 Les saints Peres s'arrestent à considerer ce que cette Espouse veut signifier par ces paroles: Tirez-moy et nous courrons, d'autant que c'est comme si elle disoit: Bien que vous ne tiriez que moy, nous serons toutefois plusieurs qui courrons.

  A010000168 

 Nous voicy maintenant à l'autre partie de nostre exhortation, qui est la Profession et dedicace que ces filles viennent faire de leur cœur à la divine Majesté, dedicace et offrande qu'elles n'eussent pourtant jamais eu volonté de faire si le souverain Espoux de nos ames ne les eust attirées et prevenues de sa grace.

  A010000168 

 O qu'heureuses sont les Religieuses qui vivent sous l'Institut de cette divine Abbesse et qui sont instruites par cette grande Doctoresse, laquelle a puisé la science dans le co ur mesme de son cher Fils nostre Sauveur, qui est la sapience du Pere eternel....

  A010000170 

 De là vient qu'en la Religion on recommande tant l'exercice de la presence de Dieu, qui est d'une utilité incomparable.

  A010000170 

 Elles se ramassent en elles mesmes parce que tout leur soin est en cette beauté interieure, pour laquelle conserver et accroistre elles sont tousjours attentives à fin de retrancher à tout propos ce qui la pourroit tant soit peu ternir ou enlaidir.

  A010000170 

 Or, cette espouse bien-aymée est l'ame qui se consacre à la suite de ses divines amours et qui ne veut plaire qu'à luy; c'est pourquoy elle s'enfonce toute en elle mesme pour luy preparer une demeure aggreable.

  A010000171 

 Cette sacrée Vierge lut donques une tres parfaite Religieuse, ainsy que nous avons dit; aussi est-elle la particuliere protectrice des ames qui se dedient à Nostre Seigneur.

  A010000171 

 Premierement, une virginité et pureté qui n'a point de semblable entre les creatures; secondement, une souveraine et profonde humilité, jointe et unie inseparablement avec la charité..

  A010000173 

 C'est à son imitation, comme nous l'avons dit, que les vierges ont voué leur chasteté; mais la virginité de cette divine Mere a encores cette proprieté de restablir et reparer celle mesme qui auroit esté souillée et tachée en quelque temps de leur vie.

  A010000173 

 Mais en particulier, n'est-ce point par son moyen et par son exemple que sainte Magdeleine, qui estoit comme un chaudron noirci de mille sortes d'immondicités et le receptacle de l'immondicité mesme, fut par apres enroollée sous l'estendart de la pureté de Nostre Dame, estant convertie en une fiole de cristal toute resplendissante et transparente, capable de recevoir et retenir les plus pretieuses liqueurs et les eaux plus salutaires?.

  A010000174 

 Et non seulement elle produit elle mesme, mais elle fait encores que la virginité qu'elle engendre en produise des autres; car une ame qui se dedie parfaittement au divin service ne sera jamais seule, ains en attirera plusieurs à son exemple, à la suite des parfums qui l'ont attirée elle-mesme; c'est pourquoy l'amante sacrée dit à son Bien-Aymé: Tirez-moy et nous courrons..

  A010000176 

 A Dieu ja ne plaise que nous pensions que cette espreuve ressemble aux nostres, car estant toute pure et la pureté mesme, elle ne pouvoit [51] recevoir les attaques que nous recevons et qui nous tourmentent nous autres qui portons la tentation en nous.

  A010000176 

 Sa virginité surpassa encores celle des Anges entant qu'elle fut combattue et esprouvée, ce qui ne peut estre pour celle des Esprits celestes, parce qu'ils ne sçauroyent descheoir de leur pureté ou recevoir en façon quelconque tare ni espreuve.

  A010000178 

 Lors elle fit le plus grand acte d'humilité qui ait jamais esté fait et qui se fera jamais par une pure creature; car se voyant exaltée par l'Ange, lequel la salua disant qu'elle estoit pleine de grace et qu'elle concevroit un fils qui seroit Dieu et homme tout ensemble, cela l'esmeut et la fit craindre.

  A010000178 

 Oyant donc saint Gabriel luy donner une louange si extraordinaire, cela la mit en souci, pour monstrer aux filles qui prennent playsir à estre cajolées qu'elles courent grande fortune de recevoir quelque tare en leur virginité et pureté; car l'humilité est compagne de la virginité, et tellement compagne que la virginité ne demeurera jamais longuement en l'ame.

  A010000178 

 qui n'aura pas l'humilité.

  A010000179 

 Elle se voyoit eslevée à la plus haute dignité qui jamais fut et sera; car quand il plairoit à Dieu de recreer derechef plusieurs mondes, il ne sçauroit pourtant faire qu'une pure creature fust plus que la Mere de Dieu.

  A010000180 

 L'humilité semble nous esloigner de Dieu qui est appuyé sur le haut de l'eschelle, parce qu'elle nous fait tousjours descendre pour nous avilir, mespriser et ravaler; mais neanmoins c'est tout au contraire, car à mesure que nous nous abaissons, nous nous rendons plus capables de monter au sommet de cette eschelle où nous rencontrons le Pere eternel..

  A010000181 

 Nostre Dame s'humilia et se reconneut indigne d'estre eslevée à la haute dignité de Mere de Dieu; c'est pour cela qu'elle fut rendue sa Mere, car elle n'eut pas plus tost fait la protestation de sa petitesse, que, s'estant abandonnée à luy par un acte de charité incomparable, elle devint Mere du Tres Haut, qui est le Sauveur de nos ames..

  A010000182 

 Lors, en la jouissance d'icelles, nous chanterons, apres Nostre Dame et tres sainte Maistresse, le cantique des louanges de ce Dieu qui nous aura fait tant de grace de la suivre en ce monde et de batailler sous son estendart.

  A010000182 

 Si nous faisons ainsy, mes cheres Filles, et que nous unissions la virginité avec l'humilité, l'accompagnant soudain de la tres sainte charité qui nous eslevera au haut de l'eschelle mystique de Jacob, nous serons indubitablement receus dans la poitrine du Pere eternel, qui nous comblera de mille sortes de consolations celestes.

  A010000186 

 La tres sainte Vierge fut tirée seule et la premiere par le celeste Espoux pour se consacrer et se dedier totalement à son service, car elle fut la premiere qui consacra son corps et son ame par le vœu de virginité à Dieu; mais soudain qu'elle fut tirée elle tira quantité d'ames, qui luy ont fait offre d'elles mesmes pour marcher sous ses auspices sacrés en l'observance d'une parfaite et inviolable virginité et chasteté; si que despuis qu'elle a tracé le chemin, il a tousjours esté couvert et chargé d'ames qui se sont venues consacrer par les vœux au service de la divine Majesté.

  A010000187 

 O quel honneur pour nous autres de pouvoir batailler sous cette vaillante Capitainesse! Mais le sexe feminin semble avoir une obligation particuliere à suivre cette vaillante guerriere qui l'a infiniment rehaussé et honnoré.

  A010000187 

 Oh! si la Mere de Dieu eust esté de la nature angelique, combien les Cherubins et les Seraphins s'en glorifieroyent et tiendroyent honnorés! Nostre Dame est bien aussi l'honneur, le prototype et le patron des hommes et des femmes qui vivent vertueusement, et des vefves; mais pourtant nul ne peut nier que les filles n'ayent une certaine alliance avec elle plus particuliere que non pas le reste des hommes, parce que cette ressemblance de la virginité, qui est du sexe et de la condition, y apporte une grande capacité et un grand advantage pour s'en approcher de plus pres..

  A010000188 

 Et pour dire la verité, les hommes ne font pas un si grand renoncement de leur liberté comme font les filles, qui se tiennent resserrées dans les celestes prisons de Nostre Seigneur, qui sont les Religions, pour passer le reste de leurs jours sans en pouvoir jamais sortir, si ce n'est pour de certaines occasions fort rares et signalées, comme d'aller establir et fonder des monasteres..

  A010000189 

 Au contraire on leur dit, soit qu'elles veuillent faire Profession ou entrer au noviciat: Il vous faudra aller sur «le mont de Calvaire,» où, avec Nostre Seigneur, il faudra que vous soyez «crucifiées,» attachant et crucifiant vostre entendement pour restreindre toutes vos pensées, pour n'en admettre volontairement aucunes que [56] celles qui vous seront marquées selon la vocation que vous choisissez.

  A010000189 

 Ils quittent voirement bien le monde d'affection, car tous les Religieux le doivent faire; mais neanmoins on les void tousjours avoir quelque conversation avec les personnes du monde, ce qui soulage un peu la rigueur des lois qui sont dans l'enclos du monastere.

  A010000189 

 Les hommes qui entrent en Religion y entrent bien pour y vivre en obeissance selon les Regles et Statuts d'icelle; mais si faut-il confesser que le renoncement qu'ils font de leur liberté n'est pas si extreme que celuy des filles, d'autant qu'ils ont encores la liberté de sortir, d'aller de couvent en couvent, de prescher, de confesser et faire ainsy plusieurs autres exercices qui leur servent de divertissement.

  A010000189 

 Où les filles qui se viennent dedier à Dieu, rejettent et abandonnent tout cela, renonçant à cette derniere piece que la nature veuille quitter, qui est la liberté; si que nous pouvons bien dire que ces filles font une chose au dessus de la nature, estant besoin que Dieu leur donne une force surnaturelle pour faire cet acte si parfait de se dedier à son divin service par un renoncement si grand comme est celuy qu'elles font.

  A010000190 

 Dites-moy donques, s'il vous plaist, n'est-ce pas un acte de tres grande consideration, et digne d'estre honnoré, que celuy que font ces filles en passant outre, bien qu'on ne leur represente que croix, qu'espines, que lances, que clous et en fin que mortifications en la Religion? O ames grandement genereuses et qui monstrez qu'en verité vous bataillez et marchez sous les auspices de nostre sainte et glorieuse Maistresse, qui est la tres sainte Vierge! O sans doute, il faut bien que ces filles ayent consideré que c'est le propre de l'amour de rendre leger ce qui est pesant, doux ce qui est amer et facile ce qui est insupportablement difficile sans amour.

  A010000190 

 Vostre glorieux Pere saint Augustin a grandement bien exprimé cette verité, disant que celuy qui ayme ne trouve rien de fascheux, de difficile ou de trop grand travail: «Le travail,» dit-il, «ne se trouve point en l'amour, ou s'il s'y trouve, c'est un travail bien aymé.».

  A010000191 

 Allez donc, mes cheres Filles, ou plustost venez amoureusement vous dedier à Dieu et au service de son tres pur amour; et bien que vous rencontriez du travail, la peine vous en sera bien aymée, en l'asseurance que vous contenterez Dieu et vous rendrez aggreables à vostre chere Patronne, laquelle bien qu'elle n'aye pas eu le nom de Religieuse, n'a pas laissé pourtant d'en pratiquer les exercices, et laquelle, bien qu'elle soit Protectrice de tous les hommes et de chaque vocation en general, s'est neanmoins rendue particuliere Protectrice des vierges qui se sont dediées au service de son Fils en la Religion, d'autant qu'elle a esté comme une Abbesse qui leur a monstré l'exemple de tout ce qu'elles [57] devoyent faire pour vivre religieusement.

  A010000192 

 Ceux qui sont passagers font la transmigration, d'autant qu'ils passent d'un lieu à l'autre, comme font les arondelles et les rossignols qui ne demeurent pas ordinairement en ces quartiers, ains ils n'y sont qu'au temps des chaleurs et du printemps, et l'hiver venant ils font la transmigration, se retirans aux autres pais où le printemps et les chaleurs sont en mesme temps que nous avons icy les froidures de l'hiver; mais nostre printemps revenant, ils reviennent et font derechef la transmigration, c'est à dire le passage d'une contrée à l'autre, nous venant recreer par leur petit gazouillement..

  A010000192 

 Quant au premier point, qui est que Nostre Dame estoit au pais de Galilée, Galilée est une diction hebraïque qui vaut autant à dire que transmigration.

  A010000192 

 Sur quoy il faut que vous sçachiez qu'il y a de deux sortes d'oyseaux, les uns qui sont passagers et les autres qui ne le sont pas.

  A010000193 

 Et comme le soleil est celuy qui donne la chaleur à tout ce qui est de la terre, ouy mesme au feu, lequel ne produiroit point de chaleur sans luy, ainsy l'amour de Dieu est ce soleil qui donne de la chaleur au cœur humain quand il est disposé pour la recevoir, et sans ce feu sacré il demeure plus froid qu'il ne se peut dire..

  A010000193 

 Les Religieux et Religieuses ne sont-ils pas au païs de transmigration, et ne font-ils pas le passage du monde en la Religion, comme en un lieu de printemps, pour chanter les divines louanges et pour s'exempter de souffrir les froidures et les gelées du monde? Hé! n'est-ce pas pour cela qu'ils entrent en la Religion, où il n'y a que printemps et que chaleur, le Soleil de justice dardant fort ordinairement ses rayons sur les cœurs des Religieux, lesquels il n'eschauffe pas moins en les esclairant qu'il les esclaire en les eschauffant? Et qu'est-ce que le monde sinon un hiver extremement froid, où il n'y a que des ames gelées et froides comme glace? J'entens ceux qui estans au monde vivent selon les lois du monde, car je sçay bien qu'on peut vivre parfaittement en toutes sortes de vocations, mesme dans le monde, aussi bien [58] qu'en Religion; et pourveu qu'on le veuille, l'on peut en tous lieux parvenir à un tres haut degré de perfection.

  A010000194 

 Nostre Dame donques, comme les Religieuses, estoit au païs de transmigration; mais, o Dieu, qu'elle fit admirablement bien cette transmigration, passant d'un degré de perfection en un autre degré plus haut! Bref, sa vie ne fut autre chose qu'un passage continuel de vertu en vertu, en quoy toutes les Religieuses la doivent imiter le plus parfaittement qu'elles pourront, puisqu'elles sont celles qui l'approchent de plus pres que tout le reste des creatures; car c'est sans doute qu'elles sont de ces vierges dont parle le Psalmiste quand il dit qu'elles seront amenées au Roy, les plus proches d'elle: Adducentur Regi virgines post eam, proximae ejus.

  A010000195 

 O que cette cité represente bien à propos la Religion! car qu'est-ce que la Religion, sinon une maison ou une cité fleurie et toute parsemée de fleurs, d'autant qu'on n'y fait chose quelconque, quand on y vit selon les Regles et Statuts d'icelle, que ce ne soyent autant de fleurs? Les mortifications, les humiliations, les oraisons, bref, tous les exercices, qu'est-ce autre chose que des pratiques de vertus, qui sont comme de belles fleurs qui [59] respandent une odeur extremement suave devant la divine Majesté? Or, qu'est-ce que la Religion sinon un parterre tout semé de fleurs tres aggreables à la veuë et d'odeur tres salutaire à ceux qui les veulent odorer?.

  A010000196 

 A qui appartiennent, je vous prie, tant de fleurs dont l'Eglise a esté remplie et a esté tant embellie et ornée, sinon à la tres sainte Vierge, l'exemple de laquelle les a toutes produites? Et n'est-ce pas par son moyen que l'Eglise a esté parsemée des roses des Martyrs invincibles en leur constance, des soucis de tant de saints Confesseurs et des violettes de tant de saintes Vefves, qui sont petites, humbles et basses comme ces fleurs, mais qui respandent une tres bonne et suave odeur? Et en fin, n'est-ce pas à elle à qui appartiennent plus particulierement tant de lys blancs, tant de puretés et de virginités toutes candides et toutes innocentes? d'autant que ç'a esté à son exemple que tant de vierges ont consacré leurs cœurs et leurs corps à la divine Majesté, par une resolution et un vœu tres indissoluble de conserver leur virginité et pureté..

  A010000196 

 Et ne sçavez-vous pas que c'est elle qui est ce jardin clos et fermé du Cantique, lequel en est tout emperlé et esmaillé? Hortus conclusus, soror mea sponsa, hortus conclusus; repetition qui n'est pas sans mysteres.

  A010000196 

 Il est donc dit de la tres sainte Vierge qu'elle estoit en la cité fleurie; mais qu'estoit-elle elle mesme, sinon une fleur choisie entre toutes les autres fleurs pour sa rare beauté et son excellence? fleur qui par son odeur tres suavement incomparable a la proprieté d'engendrer et de produire d'autres fleurs.

  A010000197 

 Il y a quelques Docteurs qui tiennent qu'elle a institué des congregations de filles, et qu'estant allée à Ephese avec son bien aymé fils adoptif saint Jean, elle en dressa une à laquelle elle donna mesme des Regles et Constitutions.

  A010000202 

 Dieu, qui est un, ayme l'unité et l'union, et tout ce qui n'est point uni ne luy est point aggreable, dit le grand Apostre saint Paul.

  A010000202 

 Mais s'il ayme souverainement ce qui est uni et conjoint, il est ennemy de la desunion, car ce qui est desuni est imparfait, la desunion n'estant causée que par l'imperfection.

  A010000204 

 C'est donc une union miraculeuse et surnaturelle, faite par la main toute puissante de Dieu, qui a donné ce privilege à nostre glorieuse Maistresse; et comme cette union a esté operée en elle seule, aussi demeurera-t-elle seule à jamais vierge et mere tout ensemble..

  A010000204 

 La seconde union qu'il a fait en Nostre Dame a esté celle de la maternité avec la virginité, union qui est absolument hors du cours de la nature, car c'est joindre deux choses qu'il est naturellement impossible de trouver ensemble.

  A010000206 

 Il est vray que nul autre que Dieu ne pouvoit faire l'union de ces deux vertus; mais luy, qui n'est qu' un seul Dieu, veut et ayme l'unité, et se plaist à monstrer la grandeur de son pouvoir en faisant de si admirables jonctions.

  A010000207 

 C'est sur cette derniere union que je m'arresteray, laquelle me donnera entrée dans le sujet de cette feste; car qu'est-ce que la Visitation de Nostre Dame à sainte Elizabeth sinon un assemblage de l'humilité et de la charité, ou un sommaire des effects de ces deux vertus pratiquées par la Sainte Vierge envers sa cousine? L'humilité et la charité n'ont qu'un seul objet qui est Dieu, à l'union duquel elles tendent; neanmoins elles passent de Dieu au prochain, et c'est là où elles se perfectionnent.

  A010000208 

 Il est vray qu'elle ne s'humilia jamais si profondement que quand elle dit: Voicy la servante du Seigneur; mais apres avoir fait des actes d'une si parfaite humilité et aneantissement et estre descendue le plus bas qu'elle pouvoit, elle produit consecutivement des actes de charité, en adjoustant: Me soit fait selon ta parole; car en donnant son consentement et acquiescement à ce que l'Ange luy annonçoit que son Dieu demandoit d'elle, elle fit paroistre la plus grande charité qui se peut imaginer.

  A010000210 

 Ce ne fut peut estre pas à l'heure mesme ni au mesme jour qu'elle le sceut, car je vous laisse à penser si cette sainte Vierge demeura en sa petite maison, recueillie et ravie en admiration, touchant ce profond et incomprehensible mystere qui s'estoit operé en elle.

  A010000211 

 Mais quelle humilité est celle cy! Elle s'en va pour estre chambriere et servante de celle qui luy estoit en tout et par tout inferieure; car jaçoit que sainte Elizabeth fust de noble extraction, puisqu'elle estoit de la lignée de Levi, estant mariée au grand prestre, et que touchant sa mere elle appartenoit à la maison de David, si est-ce que pour tout [65] cela elle n'estoit rien au prix de la Vierge.

  A010000211 

 Nostre Dame est Reyne du Ciel et de la terre, des Anges et des hommes; et encores ces tiltres que nous luy donnons ne servent qu'à ayder nos pauvres entendemens à se la representer en quelque façon qui nous fasse un peu comprendre sa grandeur, d'autant qu'elle est souverainement plus grande que tout ce que l'on en peut dire.

  A010000212 

 Mais que de benedictions et de graces entrerent en cette maison avec la sacrée Vierge! Ce qui se connoist par les parolles de sainte Elizabeth, laquelle avec un esprit de prophetie s'escria d'une voix claire et intelligible: D'où me vient ce bonheur que la Mere de mon Dieu vienne me visiter? Puis, poursuivant elle dit: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu.

  A010000212 

 O Dieu, qui pourroit comprendre les douceurs et suavités qui s'escoulerent dans le cœur de sainte Elizabeth en cette Visitation? Comme est-ce qu'elle meditoit ce grand mystere de l'Incarnation et les graces et faveurs que le Seigneur luy avoit accordées? Que de paroles amoureuses, que de divins colloques faisoit saint Jean dès le sein de sa mere avec son cher Maistre [66] qu'il reconnoissoit et adoroit dans celuy de Nostre Dame! Que de benedictions et de lumieres ce cher Sauveur de nos ames respandoit dans le cœur de son Precurseur! Il luy avança donc à cette heure l'usage de rayson; mais je ne vous en diray rien pour le present parce que je me souviens fort bien de vous en avoir desja parlé autrefois..

  A010000212 

 Ouy, ce fruit est non seulement beni, ains c'est luy qui donne toutes benedictions; et vostre venue m'a apporté tant de liesse et de consolation, que l'enfant a tressailli de joye dans mon sein.

  A010000213 

 Le premier est que saint Jean eut l'usage de rayson; le second, qu'il fut sanctifié dans le sein de sa mere, et le troisiesme, qu'il fut rempli de science et de la connoissance «le Dieu et des divins mysteres, ce qui est cause qu'il l'ayma, l'adora et tressaillit de joye.

  A010000214 

 Maintenant considerez un homme sur un cheval: on ne sçait lequel est le plus fier, ou le cheval ou le chevalier; il semble qu'ils se desfient l'un l'autre à qui fera paroistre plus de vanité..

  A010000214 

 Voyez aussi quelque jeune muguet, quelque jeune sot: ne remarquerez-vous pas son orgueil, sa presomption et vanité? Prenez garde à sa demarche, à son maintien, comme il va sur le bout des pieds, comme il leve la teste, en somme il fait mille niaiseries et lanterneries qui sont toutes marques de sa fierté et outrecuidance.

  A010000215 

 La foiblesse de leur sexe les porte bien à cela: pour peu qu'on les touche elles s'eslevent; souvent elles se forgent des pensées et opinions d'elles mesmes qui les font presumer d'estre quelque chose au dessus des autres.

  A010000218 

 Dieu donne sa grace aux justes en mesure pleine, comble et qui regorge de toutes parts.

  A010000218 

 Je sçay bien qu'Elizabeth estoit une sainte matrone qui avoit desja l'Esprit Saint en elle; comme est-ce donques que se doit entendre cecy, qu'elle le receut à la venue de la Vierge? Il n'y a point de doute qu'elle ne le receust alors, car les effects admirables qu'il opera en elle en fournissent de suffisantes preuves.

  A010000218 

 Or, bien qu'Elizabeth eust une mesure pleine de la grace du Saint Esprit, neanmoins à la vealation de la Vierge, elle en receut une comblée, foulée et qui regorgeoit de toutes parts, d'autant que la grace se donne en telle sorte pendant cette vie qu'il y peut tousjours avoir de l'accroissement et augmentation [69] en la communication d'icelle.

  A010000219 

 A celuy qui a beaucoup on luy donnera encor davantage; mais à celuy qui ayant receu quelque grace croit en avoir suffisamment, on luy ostera ce qu'il a, et ne luy donnera-t-on rien.

  A010000219 

 Ce qui se doit entendre ainsy: On donnera à celuy qui ayant beaucoup receu et beaucoup travaillé ne se repose pas neanmoins, pensant n'avoir plus besoin de rien, mais lequel, avec une sainte et veritable humilité, connoist son indigence.

  A010000219 

 Ce seroit un grand abus; et celuy qui diroit telles et semblables paroles monstreroit bien par là son indigence, sa mendicité et le malheur qui le talonne; car à telles sortes de gens qui estiment avoir à suffisance, Dieu leur oste ce qu'ils ont.

  A010000219 

 Certes, en telles choses on peut dire: J'en ay raysonnablement, je me contente, j'en ay à suffisance; mais en ce qui est des biens spirituels, oh! il ne faut jamais penser, tandis que nous sommes en cet exil, que nous en ayons assez, ains il se faut disposer continuellement à recevoir une augmentation de grace..

  A010000219 

 On donnera à celuy qui a, dit Nostre Seigneur, et à celuy qui n'a rien on luy ostera.

  A010000220 

 Anciennement il se faisoit aussi plusieurs visites et salutations en priant, d'autres avec des complimens, comme il se prattique encores par les bonnes gens qui se rencontrent, lesquelles disent: Dieu soit avec nous, Dieu vous donne un bon jour, un bon an, Dieu nous ayde.

  A010000220 

 Nostre Dame va donques pour visiter sainte Elizabeth; mais cette visite ne fut point inutile ni semblable à celles qui se font par les dames de ce temps, seulement par ceremonie, esquelles on tesmoigne bien souvent des affections plus grandes qu'on ne les sent pas et où l'on discourt frequemment des uns et des autres, si que l'on en sort avec des consciences interessées.

  A010000221 

 La premiere chose que fit cette Sainte fut de s'humilier profondement, car voyant la Vierge elle s'escria: D'où me vient cecy que la Mere de Dieu me vienne visiter? Voyla le premier fruit de la grace de Dieu, qui est l'humilité; aussi, sa visite incline l'ame à s'aneantir en la connoissance de la bonté divine et en celle de son neant et demerite..

  A010000222 

 Je dis cecy pour refuter l'heresie de quelques uns lesquels ont voulu soustenir qu'il la failloit honnorer en la mesme façon que Nostre Seigneur, ce qui est faux; car on doit adorer Dieu seul par dessus et au dessus de toutes choses, et puis rendre un honneur tout particulier à Nostre Dame comme Mere de nostre Sauveur et cooperatrice de nostre salut.

  A010000223 

 Saint Jean fut sanctifié; aussi, celuy qui reçoit le Saint Esprit est tout transformé en Dieu.

  A010000224 

 C'est pour cela qu'il a tellement uni l'Eglise militante avec la triomphante, que les deux n'en font qu'une, n'ayans qu'un Seigneur qui les regit, conduit, gouverne et nourrit, quoy qu'en [72] differentes manieres; aussi nous addressons-nous à luy pour luy demander nostre pain quotidien, tant celuy qui est necessaire au corps que celuy qui est requis à la nourriture de l'ame.

  A010000224 

 Certes, nous nous devons servir d'elle comme d'une mediatrice aupres de son Fils pour obtenir ce divin Esprit; et bien que nous puissions aller à Dieu directement et luy demander ses graces sans employer à cette fin l'entremise des Saints, neanmoins la divine Providence n'a pas voulu qu'il en passast ainsy; mais elle a fait encores une autre union, car Dieu est un, comme je vous ay dit au commencement, aussi ayme-t-il ce qui est uni.

  A010000225 

 Or, quand je dis que les Anges font feste au Ciel et se resjouissent, il faut aussi l'entendre des Saints qui sont avec eux; car si bien l'Evangile ne parle que des bienheureux Esprits, c'est parce que devant la Passion de Nostre Seigneur il n'y avoit encores point d'hommes dans le Ciel; mais despuis que les Saints y sont entrés ils ont esté tellement unis avec les Anges qu'ils participent à leur joye sur le retour des pecheurs.

  A010000226 

 Mais il faut nous prevaloir de leur assistance en des choses qui nous servent pour l'eternité, les priant de nous impetrer la grace de Dieu, les vertus, employant pour ces sujets et autres semblables le credit qu'ils ont aupres de nostre cher Sauveur et Maistre, et non point à fin d'obtenir par leur intercession la beauté, les richesses et telles bagatelles.

  A010000227 

 Voulez-vous estre parente de la Vierge? Communiez, car en recevant le saint Sacrement vous recevrez la chair de sa chair et le sang de son sang, puisque le pretieux corps du Sauveur, qui est dans la divine Eucharistie, a esté fait et formé de son plus pur sang par l'operation du Saint Esprit.

  A010000229 

 Il s'en est trouvé quelques uns qui ont voulu railler et discourir sur les escrits de ce glorieux Saint, et certes à tort, car saint Gregoire a esté l'un des plus grans Papes qui ayent siegé en la chaire de saint Pierre; peu d'années apres son exaltation il se retira en solitude et fit le livre de ses Dialogues.

  A010000229 

 Je ne sçay si je l'ay desja racontée en ce lieu, je n'en ay pas bonne memoire; mais encores que je l'aye ja dite, je ne laisseray pas de la repeter, parce que je ne suis pas devant des personnes si degoustées qu'elles ne puissent entendre deux fois une mesme chose; car ceux qui ont bon appetit mangent bien d'une mesme viande deux fois.

  A010000230 

 Au bout de vingt cinq jours l'enfant fut saisie d'une fievre continue qui luy dura cinq jours, apres lesquels elle mourut et Nostre Dame la vint reprendre..

  A010000231 

 Il nous faut maintenant tirer ce qui nous revient de cette histoire.

  A010000231 

 Qui eust dit à la Vierge: Hé bien, Madame, comme est-ce que vous laissez tant souffrir cette petite fille? Il est [76] requis, eust-elle respondu, que ceux qui veulent avoir part à mes visites y mettent tousjours quelque chose du leur.

  A010000232 

 De plus, si vous voulez que la Vierge vous visite comme la petite Muse, il faut faire une transformation interieure, laquelle ne se peut operer sans endurer quelque chose, ce qui nous est representé par la chaleur de la fievre que supporta cette enfant.

  A010000237 

 Cela se voit encores plus particulierement au menu peuple, aux gens de bas estat et condition, aux esprits foibles et qui n'ont point de courage et de generosité; ceux cy sont tousjours englués dans le chagrin..

  A010000237 

 De là naissent les inquietudes que nous experimentons sans cesse en cette vie mortelle et qui nous sont comme naturelles.

  A010000237 

 L'esprit de l'homme est tousjours inquiet, il est en de continuelles agitations en la recherche des biens humains et apparens, ce qui fait que ne trouvant point de contentement en ceux qu'il rencontre, il demeure plein de trouble.

  A010000238 

 Cette verité paroist claire et manifeste ès Israëlites, ce peuple choisi et esleu de Dieu; car qui en a esté plus favorisé, aymé et caressé que ce peuple? Dieu le traittoit avec tant de bonté que c'est merveille; il le conduisoit par le desert avec autant de soin qu'une nourrice fait ses petits quand elle les mene esgayer par les campagnes.

  A010000238 

 Grand cas de l'esprit humain! Les Israëlites avoyent esté conduits dans le desert avec mille sollicitudes par Moyse et Aaron, Dieu leur avoit fourni abondamment tout ce qui leur laisoit besoin, et les miserables ne font par apres que murmurer et se plaindre de ce qu'ils n'ont point de roy.

  A010000239 

 Ce n'est pas qu'ils fussent despourveus de princes terriens qui leur donnassent des lois et qui eussent soin de leur conduite; non certes, car ils avoyent eu Aaron et le grand Moyse et leurs successeurs.

  A010000241 

 Or, quelles seront les lois et constitutions que ce roy donnera aux Israelites? Les voyci: Vous aurez, dit le Seigneur, un roy qui prendra vos fils: il fera les uns ses charretiers et carrossiers, les autres ses cuisiniers, d'autres ses soldats et corps de garde; en somme il vous les ostera et s'en servira en sorte que leur vie se passera en continuelle servitude et esclavage.

  A010000242 

 Bien que cette prophetie de Samuel aux Israelites fust pour leur tesmoigner l'ire et l'indignation de Dieu, si estoit-elle encores une figure de ce que Nostre Seigneur devoit faire en la loy de grace parmi le peuple chrestien, ses vrays enfans et sujets, auxquels, comme Roy, il devoit donner des lois qui ne sont autres que ses saints commandemens.

  A010000242 

 On le voit en l'admirable sainte Magdeleine de laquelle nous celebrons aujourd'huy la feste; car elle fut comme la reyne et maistresse de toutes les parfumeuses de Nostre Seigneur, qui la choisit et appella à luy pour exercer cet office..

  A010000243 

 Au jour de sa conversion elle portoit de l'onguent pretieux duquel elle l'embauma; quand elle l'alla trouver au souper qui se fit apres la resurrection de Lazare, c'estoit avec sa boëte de parfum, et à la sepulture du Sauveur elle en estoit encores chargée.

  A010000244 

 Grande Sainte que celle cy! Elle apprestoit son manger, et vous entendrez d'icy à huit jours le glorieux saint Luc qui voulant hautement la louer dit qu'elle preparoit le pain du Seigneur, qu'elle le traittoit en samayson et avoit un soin tres grand que rien ne luy manquast; si qu'il l'en reprit un jour comme nous verrons cy apres.

  A010000245 

 Certes, nostre cher Sauveur l'aymoit bien cette Samaritaine, car, par apres, elle travailla beaucoup pour sa gloire, preschant hautement et hardiment la venue du Messie, ce qui fut cause de la conversion de Samarie.

  A010000245 

 Les femmes qui l'accompagnoyent au mont de Calvaire le faisoyent par une pitié et compassion naturelle, qui estoit cause qu'elles pleuroyent sur luy, dequoy Nostre Seigneur les reprit.

  A010000245 

 Nous ne remarquons point en la Sainte Escriture qu'elle l'allast trouver avec un amour tant soit peu interessé, ni pour [81] l'interieur, ni pour l'exterieur; ce qui ne se rencontre en aucune autre de celles qui sont allées à la suite du divin Sauveur.

  A010000246 

 Lors qu'elle vint à luy pour la premiere fois chez le Pharisien elle l'aymoit, elle sentoit son cœur bruslant d'amour pour Celuy qui l'attiroit et embrasoit d'une sainte dilection.

  A010000246 

 Là, elle regarda et fut regardée du Sauveur, et tellement navrée de son amour qu'elle fit à cet instant une entiere conversion qui, par la vehemence et force de cet amour, passa jusques à la transformation de son esprit et de son cœur [82] dans celuy de son Dieu.

  A010000248 

 Ainsy nostre Sainte, qui estoit toute infectée du peché, fut puis apres rendue d'autant plus belle par la contrition et amour avec lesquels elle fit penitence..

  A010000248 

 Celle qui estoit un fumier de tres mauvaise odeur devint par cette cou version un tres beau lys, une fleur de tres suave odeur, et d'autant plus qu'elle estoit pourrie et puante, elle fut purifiée et renouvellée.

  A010000248 

 L'experience nous le monstre journellement: au commencement du printemps on remplit la terre de [83] fumier, et les plantes qui y croissent en tirent une substance qui les rend plus aggreables et excellentes.

  A010000248 

 Nous voyons tous les jours cette merveille en la nature: les fleurs prennent leur accroissement et beauté d'une matiere puante et pourrie, et plus la terre en est remplie, plus aussi les lys et les fleurs qui y sont plantées croissent et sont belles.

  A010000249 

 Les uns sont voirement pecheurs, mais ils ne veulent pas mourir en leur peché; les autres sont les pecheurs opiniastres qui ne veulent point de pardon, ains qui meurent en leur iniquité.

  A010000250 

 Ce n'est pas de ces pecheurs que sainte Magdeleine est la reyne, ains de ceux qui veulent sortir de leur iniquité; car ayant esté pecheresse, comme nous avons dit et comme l'Evangile nous l'enseigne, elle sortit de son peché et en demanda pardon à Dieu avec une vraye contrition et ferme resolution de le quitter, provoquant ainsy tous les pecheurs à imiter son exemple.

  A010000251 

 Ceux, dit le sacré Texte, qui portoyent des habits [84] de soye les quitterent pour se revestir de la haire et du cilice; ceux qui couvroyent leurs cheveux de poudre d'or les couvrirent de cendre.

  A010000251 

 Ils jeusnoyent tous les jours jusques aux petits enfans; et, ce qui est davantage, ils faisoyent jeusner leurs chevaux et leurs bœufs pour plus grande austerité, en penitence des fautes de leurs maistres.

  A010000252 

 En effect, bien qu'on ne la nomme pas vierge, si est-ce qu'à cause de la sureminente pureté qu'elle eut apres sa conversion elle doit estre appellée archivierge, parce qu'ayant esté purifiee dans la fournaise de l'amour sacré, elle fut remplie d'une excellente chasteté et douée d'une si parfaite dilection qu'apres la Mere de Dieu c'est elle qui ayma davantage Nostre Seigneur.

  A010000252 

 Il faut croire qu'elle disoit souvent ces paroles de l'Espouse: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, bayser tant desiré de la nature humaine, tant demandé par les Patriarches et Prophetes, qui n'est autre que l'Incarnation et l'union de la nature divine avec l'humaine: c'est cette estroitte union apres laquelle cette sainte amante souspiroit.

  A010000253 

 Regardez-la à la mayson de Simon le Pharisien qui voulant faire du maistre se print à murmurer contre elle, taxant Nostre Seigneur de ce qu'il la souffroit pres de luy.

  A010000253 

 Une seule chose est necessaire, qui est celle que Marie a choisie; sçache donques que si tu la viens desapprouver, tu encourras toy mesme le blasme.

  A010000253 

 Voyez donques comment sainte Magdeleine est reyne des justes; car qu'est-ce qui la pouvoit rendre plus juste que cette dilection, jointe avec sa grande humilité et componction qui la faisoit tousjours estre aux pieds du Sauveur? Aussi l'aymoit-il de l'amour tendre et delicat dont il ayme les justes, lequel estoit cause qu'il ne pouvoit souffrir qu'on la touchast ou reprist de quelque chose sans prendre son parti.

  A010000254 

 Elle leur enseigne comme il faut qu'elles fassent pour entrer en Religion, c'est à dire pour quelle fin elles y doivent entrer, qui n'est pas seulement pour aymer Dieu.

  A010000255 

 Il y a de grans Saints et Saintes au Ciel en de tres hauts degrés de gloire qui n'ont jamais eu ni visions ni revelations; comme au contraire il y en a plusieurs aux enfers qui ont eu de ces gousts et choses extraordinaires.

  A010000255 

 Non point pour avoir des extases, des revelations, suspensions ou telles autres choses, o non certes; tant de mouvemens, de lumieres, de sentimens sensibles, qui sont presque communement desirés de tous, ne sont pas necessaires à nostre salut ni requis pour entretenir et perfectionner nostre amour.

  A010000256 

 Je ne me souviens pas d'avoir veu en aucun lieu qu'elle soit jamais sortie de ces sacrés pieds: à sa conversion, elle entra par derriere et se jettant à ses pieds, les lava de ses larmes et les essuya de ses cheveux; quand elle l'alla trouver au festin qui se fit apres la resurrection du Lazare, elle portoit la boëte de parfums et onguens pretieux et se prosterna encores à ses pieds.

  A010000257 

 Nostre Dame aussi l'aymoit grandement et plus qu'aucune des femmes qui la suivoyent.

  A010000259 

 Ce n'est point trop exiger de nous que cela, car si nous avons tant fait pour le monde, nous laissant attirer par ses vains attraits, que ne devons-nous faire pour les attraits de la grace qui sont si doux et si suaves? Certes, ce n'est pas nous faire tort que de demander cela de nous; c'est pourquoy, comme on a employé son cœur, son ame, ses affections, ses yeux, ses paroles, ses cheveux pour le monde, il les faut aussi employer et sacrifier au service de la dilection sacrée..

  A010000259 

 En l'ancienne Loy, celuy qui donnoit un soufflet à son prochain estoit obligé d'en subir un autre; à celuy qui arrachoit une dent à son frere on luy en arrachoit aussi une.

  A010000259 

 Or, bien que cette loy soit entierement abolie entre les hommes, si se prattique-t-elle encores aujourd'huy entre Nostre Seigneur et ceux qui se consacrent à luy.

  A010000260 

 Il s'en trouve bien qui donnent leurs cheveux, mais ils ne donnent pas leurs yeux; d'autres donnent encor leurs yeux, mais pour leurs paroles, nullement; d'autres donnent les trois ensemble, mais ils ne donnent pas leurs parfums.

  A010000260 

 Or, que nous representent-ils, sinon les pensees non seulement mauvaises, mais aussi [89] inutiles, lesquelles il faut couper et retrancher? C'est ce que doivent entendre ces filles quand on les leur coupe; car pourquoy pensez-vous qu'on tonde les Religieuses? On dit que cela est sain; je le crois, mais cette cy n'est pas la principale cause, ains pour leur apprendre que comme elles sont retirées des objets qui leur pourroyent donner des mauvaises pensées, elles ne doivent non plus courir apres les choses vaines et mondaines qu'elles ont laissées, mais oublier tout pour s'appliquér totalement à Dieu.

  A010000261 

 Grande misere que celle cy! Vous verrez une femme tout esplorée; on luy demande: De quoy pleurez-vous? Oh! je pleure mon mari qui est mort.

  A010000261 

 Il est vray que la nature est un peu excusable: vous verrez, par exemple, une fille qui sera bien melancolique; et qui n'excusera cela? Une autre sera bien joyeuse, et pour ce elle excedera quelquefois à rire; cela est supportable.

  A010000261 

 Une autre pleure de ce que sa mayson est bruslée; hé, pauvres gens, pensez-vous esteindre par vos larmes le [90] feu qui a desja bruslé vostre mayson? Toutes telles et semblables larmes sont vaines et inutiles; il ne s'en faut donc plus servir, ains mortifier ces tendretés et mollesses.

  A010000261 

 Une autre sera tendre à pleurer, ce qui est encores pardonnable, pourveu qu'on ne nourrisse ces imperfections, ains qu'on les mortifie pour faire vivre le surnaturel..

  A010000262 

 C'est par les yeux et par les cheveux que le divin Espoux dit au Cantique des Cantiques que son Espouse luy a navré le cœur; neanmoins les paroles qui sortent de la bouche expriment bien mieux encores que les yeux les mouvemens et sentimens interieurs.

  A010000262 

 Mais en ces accidens, la langue vient tesmoigner ce qui est du mouvement du cœur: Hé! dit-elle, vous avez fait tel jugement de mon regard; neanmoins je vous asseure que je n'ay rien moins pensé que cela.

  A010000262 

 On s'offence quelquefois par la croyance qu'on nous regarde de travers; en quoy l'on se trompe bien souvent, car cela peut arriver parce qu'on a les yeux bouffis, n'ayant assez dormi, ou pour avoir quelque chose en teste, ce qui est cause qu'on n'a pas les yeux doux.

  A010000265 

 Or sus, le parfum qu'il faut offrir à Nostre Seigneur c'est l'estime de nous mesme, parfum si commun qu'il n'y a personne qui s'en puisse dire exempt.

  A010000265 

 Qu'est-ce que le parfum? C'est une chose excellente; aussi, celuy qui est parfumé ressent quelque chose d'excellent.

  A010000266 

 Cette fille ne se pouvoit resoudre d'appeller Sœur une autre Religieuse qui estoit de plus basse condition qu'elle; si qu'il luy fallut faire de grans efforts sur soy mesme pour cela.

  A010000266 

 Du temps de saint Benoist, il en arriva de mesme à un de ses Religieux, lequel estant de bonne mayson s'en souvint en une occasion où il rendoit quelque service au Saint, si que son cœur en fut plein de murmures; car son glorieux Pere luy ayant fait tenir la chandelle pendant qu'il laisoit quelque chose, il commença à penser: Moy qui suis de telle mayson et famille, il me faut icy tenir la chandelle devant un homme qui est de plus basse condition que moy! Mais le Saint connoissant sa pensée, luy dit ce qu'il failloit, et ce Religieux rentrant en soy mesme reconneut sa faute.

  A010000267 

 Quant à ce qui est de l'estime de vous mesme, oh! ne vous souvenez plus de quel lieu vous estes, mais de ces paroles: Escoute, ma fille, preste-moy ton oreille, oublie la mayson de ton pere, ta patrie et ton extraction, et le Roy convoitera ta beauté.

  A010000268 

 Elle le pria de les porter à Theophile, qui les ayans receues les admira et demeura tout esperdu; ensuite il se convertit, confessant que Jesus Christ estoit le vray Dieu vivant.

  A010000268 

 Elle luy promit qu'elle n'y manqueroit pas, et apres sa priere un Ange luy apparut en forme d'un nain qui portoit un panier en sa main, dans lequel il y avoit trois pommes et trois roses tres belles et admirables.

  A010000268 

 Et qui n'aymeroit sainte Dorothée? Comme on la menoit au martyre, un advocat nommé Theophile, qui estoit present, luy ayant ouy asseurer que là où estoit Jesus Christ et où elle alloit il y avoit des pommes en toute saison et des roses qui ne flestrissoyent jamais, il luy dit, comme en se moquant d'elle: Dorothée, faites-moy tant de faveur que de m'envoyer du jardin de vostre Espoux de ces roses et de ces pommes dont vous nous faites si grand cas.

  A010000269 

 Et qui n'aymeroit saint Bonaventure pour sa grande humilité? Qui ne s'estonneroit de celle qu'il prattiqua lors que, ayant eu commandement des Cardinaux d'eslire un Pape tel qu'il voudroit, ou d'accepter luy mesme le siege pontifical, à cause des grandes difficultés qu'il y avoit à se resoudre sur ce choix, non seulement il refusa cette souveraine dignité, mais de plus il ne voulut pourvoir aucun de ses parens ni amis, ains nomma Pape, Thibaut, vicomte de Plaisance, qui estoit à la guerre et parmi les armes.

  A010000270 

 Et sainte Agnes, qui, aagée seulement de treize ans, triompha du monde et de la chair, donnant son sang pour son Espoux celeste! O que vous serez heureuses si voir, imitez ces Saints et Saintes en leur mespris des creatures et d'eux mesmes! Il faut de necessité faire une parfaite abnegation pour parvenir à la perfection, et ne penser plus au monde ni à vos parens; je veux dire aux maysons desquelles vous estes sorties, car je n'entens pas que vous oubliiez de prier pour eux..

  A010000271 

 Et ne dites point: O Dieu, tousjours vivre icy! et le moyen? (Peut estre que cela ne vous viendra pas en teste pendant vostre noviciat, mais puis apres il pourroit survenir des fantosmes qui vous estonneront.) Ressouvenez-vous des paroles de saint Paul: J'ay tellement mesprisé le inonde que je le tiens comme un pendu et il me tient comme un pendard; je suis crucifié au monde et le monde m'est crucifié; je n'ay pas de vie pour moy, ni pas un bouton pour le monde; car si bien je vis, je ne vis pas moy, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A010000271 

 Il dit que le monde luy est crucifié et qu'il est crucifié au monde; puis, en suite de cela: Je vis, mais plustost je ne vis pas, ains c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A010000271 

 Je vis de la mort; or, c'est la mort de moy mesme qui fuit que mon Sauveur vit en moy.

  A010000272 

 Agnes, qui signifie aigneau.

  A010000272 

 C'est celuy des deux grandes reynes, vos maistresses et protectrices, à sçavoir la sacrée Vierge Marie vostre Mere, et Marie Magdeleine, lesquelles sont toutes deux nommées Marie, qui signifie estoile de mer ou mer amere, dame exaltée, illustrée ou illustratrice.

  A010000272 

 Mais outre ces trois noms je vous en veux donner un quatriesme qui vous sera commun et duquel je [95] vous appelleray en finissant.

  A010000272 

 Or sus, Dorothée, qui veut dire don de Dieu, ainsy soit-il.

  A010000272 

 Puissiez-vous, mes cheres Filles, estre toutes des Marie, c'est à dire des lumieres par vos bons exemples, et ayder les autres par vos prieres à parvenir au port de salut; des mers, pour recevoir les amples benedictions que Dieu communique à ceux qui se consacrent à son service; ameres, avalant et devorant les difficultés qui se rencontrent en l'exercice de la vie spirituelle; des dames exaltées, pour avoir excellemment mortifié vos puissances, vos appetits, vos sens et inclinations, leur commandant d'un pouvoir absolu; illustrées par la lumiere celeste, et illustratrices par une vraye humilité et mortification..

  A010000273 

 Non, mes cheres Filles, ne faites point les contemplatives ni les extatiques; mais bien vous souhaitté-je de demeurer tout le temps de vostre vie aux pieds de Nostre Seigneur, d'avoir un grand courage pour devorer toutes les difficultés qui vous empescheroyent de jouir de vostre Dieu et qui vous pourroyent tant soit peu separer de luy.

  A010000274 

 O qu'en ce temps icy l'on se garderoit bien d'appeller Monsieur un jardinier! Vous rencontrerez parmi le monde des femmes qui sont si coquettes qu'elles font mille difficultés de nommer Monsieur et Madame celuy cy et celle là; il faut tant d'examens, tant de niaiseries pour s'asseurer si celuy cy est monsieur ou non! Or vous, mes cheres Filles, quand vous serez humbles comme Magdeleine vous appellerez tous Monsieur, c'est à dire vous obeirez à tous sans exception de personne, donnant à un chacun le pouvoir de vous commander..

  A010000274 

 Voyez la Magdeleine qui vous provoque par son exemple.

  A010000275 

 Ce que voyant ce Jardinier, qui estoit Celuy-là mesme qu'elle cherchoit, ne pouvant davantage laisser navrer de son amour le unir de cette amante, l'appella: Marie.

  A010000275 

 Mais Celuy que vous cherchez est mort; comme pourrez-vous porter un corps mort qui est tres pesant? Oh! eust-elle dit, l'amour me donne assez de force pour l'aller prendre et pour m'en charger.

  A010000288 

 Là, pressé de cette violente conteste qui se passoit entre son homme interieur et l'exterieur, il commença, comme un autre saint Paul, d'exprimer sa douleur par les paroles du mesme Apostre: Qui me delivrera de ce corps de mort, et qui m'affranchira de cette incomparable convulsion que je ressens ès deux parties de mon ame? Oh! qui me delivrera de cette chair si contraire à l'esprit? Hé, Seigneur, disoit-il (car ce sont ses propres mots, comme il raconte luy mesme au livre de ses Confessions ), jusques à quand, jusques à quand serez-vous courroucé contre moy? jusques à quand vous souviendrez-vous de mes pechés? O cieux, jusques à quand serez-vous irrités contre moy? jusques à quand y aura-t-il un si grand divorce entre vous et moy, et quand vous reconcilierez-vous avec mon ame? Au plus fort de ses plaintes, il entendit chanter ces paroles derriere la muraille où il estoit: «Prens et lis, prens et lis;» puis, prestant l'oreille pour mieux escouter, il ouyt encores: «Prens et lis.» Et pensant en soy mesme si ce ne seroit point une compagnie de filles qui repetoit cette chanson, il taschoit de se resouvenir s'il n'en couroit point pour lors auxquelles on trouvast ces paroles: «Prens et lis.» Car, comme vous sçavez, et si vous ne le sçavez pas vous l'apprendrez, en toutes les villes il court tousjours quelques chansons parmi le vulgaire et menu peuple, qui certes devroyent plustost estre mesprisées qu'escoutées.

  A010000289 

 Or, oyant cette frequente repetition, il prit le livre des Epistres de saint Paul qui estoit aupres de luy, et l'ouvrant, sans aucune pensée ni souci de ce qu'il faisoit, il leut ces paroles que j'ay prises pour mon theme: Non in commessationibus, et ce qui suit.

  A010000291 

 Il a esté tres admirable en toute sa vie, et il ne s'est rien trouvé en icelle qui ne fust excellent; vous en pouvez penser de mesme de bon nombre de Bienheureux..

  A010000291 

 Or, pour entrer en mon premier point, vous sçavez toutes, je m'en asseure, qu'il y a trois sortes d'hommes qui sont arrivés à la sainteté, c'est à dire qu'ils ont esté saints en des aages et manieres differentes.

  A010000292 

 Il y a d'autres arbres qui portent voirement de bons et gracieux fruits, mais ils n'ont point de fleurs.

  A010000292 

 Ses fleurs sont non seulement belles à la veue, ains propres à resister au venin du serpent; et son fruit, qui n'estant encores meur ne laisse de servir à l'usage de l'homme (car c'est d'iceluy que l'on fait le verjus tres utile à sa santé), va tousjours faisant des accroissemens jusques à ce qu'il soit arrivé à sa maturité, en laquelle il nous rend alors du vin tres proffitable [101] et aggreable.

  A010000293 

 Voyez vous comment le Saint Esprit va de prime abord mettre le coup de lancette dans l'apostume de son cœur, comme en la source et origine de toute sa maladie? Car il est vray, ainsy que saint Augustin le raconte luy mesme, qu'il estoit grandement adonné à ce detestable peché de la chair; il luy sembloit impossible de se passer de ces playsirs sensuels et illicites, qui estoyent la cause des plus grandes resistances qu'il faisoit à l'Esprit de Dieu, ne se pouvant resoudre à quitter ces voluptés ni à se desvelopper de ces liens..

  A010000294 

 Aussi estoyent-ils fiers, bien qu'avec cette difference, qu'Alexandre ne vouloit point recevoir de louanges que pour des choses de grande valeur en elles mesmes, tandis que pour les menues actions qu'il faisoit ou pour les qualités qui estoyent en luy il n'en pretendoit point; au contraire, Philippe ne tiroit sa gloire que des actions basses et petites, comme à bien sçavoir jouer du luth et telles autres bagatelles..

  A010000294 

 Il s'efforçoit avec un style d'heretique, tel qu'il estoit, de renverser [102] ceux, qui defendoyent la verité, d'autant qu'il avoit plus d'esgard aux erreurs de sa secte qu'au sens de l'Escriture Sainte laquelle a un langage plus simple que celuy des Manicheens.

  A010000294 

 Mais non seulement il se monstroit contentieux en cela, ains aussi ès disputes qu'il soustenoit, contrecarrant et refutant avec tant de subtilité et une si admirable eloquence tout ce qui estoit proposé, qu'il se faisoit craindre de tous.

  A010000294 

 Or, quoy que son esprit fust non seulement beau ains encores bon et accompagné d'un excellent naturel, si est-ce qu'il avoit enté sur iceluy une tres mauvaise plante, à sçavoir la vanité et appetit de sa propre gloire, qui le rendoit hautain, querelleur, envieux, contentieux et tellement amateur de son excellence qu'il surpassoit en cecy les Philippe et les Alexandre desquels les humanistes parlent tant, nous les representant esgaux en la vaine gloire.

  A010000295 

 Saint Augustin avoit voirement un courage genereux comme un autre Alexandre, qui cherchoit de la gloire aux actions hautes et relevées, mais encores en prenoit d aux petites, comme Philippe; et passant plus outre, il en tiroit aussi des choses qui de soy estoyent mauvaises, voire du mensonge mesme, ainsy qu'il le raconte au livre de ses Confessions.

  A010000296 

 On le voit lors qu'en hiver ces jeunes fols s'assemblent et vont par les rues faisant milles bouffonneries et tintamarres; celuy là est tenu parmi eux pour le plus brave qui fait davantage le fol et le fantasque; c'est en de telles actions qu'ils mettent leur gloire.

  A010000296 

 Remarquez un peu que c'est des miseres de l'esprit [103] humain, en quelle extremité va la desbordée jeunesse et de quoy se prisent les troupes des escoliers qui vivent sans crainte et sans retenue.

  A010000297 

 C'est pourquoy nous lisons en la Sainte Escriture que tous ceux qui ont esté chastiés pour le premier ont esté aussi taxés du second.

  A010000297 

 Cependant les paroles de saint Paul qu'il trouva à l'ouverture de son livre, et qui luy estoyent envoyées par le Saint Esprit, nous font conjecturer qu'il estoit encores entaché de ce vice.

  A010000297 

 Combien y en a-t-il qui font gloire de ce vice! Mais la seconde rayson et la plus probable est celle cy, qu'Augustin estant sujet au peché de la chair, aussi l'estoit-il à celuy de l'ivrognerie et gourmandise; car ces deux pechés ne vont jamais guere l'un sans l'autre, et qui s'adonne à l'un, difficilement se peut-il empescher de tremper dans l'autre.

  A010000297 

 Il y a aussi deux autres raysons qui nous pourroyent faire supposer qu'il en estoit atteint et qu'il s'en glorifioit.

  A010000297 

 La premiere est la participation qu'il avoit avec sa mere sainte Monique, laquelle avoit cette tare, et se fust bien souvent enivrée si une bonne femme, qui estoit sa gouvernante en sa jeunesse, ne l'eust fait changer.

  A010000297 

 Or, il est bien croyable que son fils participoit à cette inclination et affection de sa mere; tout ainsy que nous autres ne participons que trop à cette nature qui nous est si voysine.

  A010000297 

 Quant à ce qui est d'estre ivrogne et gourmand, je n'ay pas remarqué qu'on l'en accuse, du moins n'en ay-je pas bonne memoire.

  A010000297 

 Voyla [104] donques en partie l'ancienne vie de saint Augustin qui certes estoit deplorable et digne de compassion; c'est pitié de lire ce qu'il en raconte en ses Confessions..

  A010000298 

 Qu'est-ce se devestir de ses habits pour se revestir de Jesus Christ? Despouillez-vous, dit l'Apostre, de vos habitudes, qui sont vos vestemens; car les vestemens environnent de toutes parts celuy qui en est couvert, et les habitudes en font de mesme au cœur que les vestemens au corps.

  A010000300 

 Là il commença ses deux Ordres de Religieux: il envoya les uns au desert pour y prattiquer plus facilement cette pauvreté; ensuite il fonda en l'eglise episcopale qui luy estoit escheue une assemblée de prestres ou chanoines reguliers auxquels il donna sa Regle.

  A010000300 

 Mais tant aux uns qu'aux autres de ses enfans spirituels, il preschoit grandement la pauvreté, ne voulant pas mesme que les livres auxquels ils estudioyent fussent en particulier, ains ordonna qu'on les demandast à l'obeissance et qu'on les rendist à celuy qui en avoit le soin..

  A010000302 

 Je ne parle pas de la frugalité de sa table ni de sa pauvreté en ses vestemens, qui estoyent tousjours de vile estoffe; car bien qu'il s'habillast honnestement selon que requeroit sa charge episcopale, si est-ce que le reste de ses habits estoit tres pauvre.

  A010000302 

 Tant en son manger qu'en son vestir il se contentoit de ce qui estoit necessaire pour l'entretien de la vie humaine; aussi, à l'imitation du grand Apostre, il ne demandoit que du pain et de l'eau pour son entretenement et une robe pour couvrir sa nudité, disant avec le mesme saint Paul, que tout le reste c'estoyent des superfluités.

  A010000303 

 Donques nostre glorieux Pere parut plus beau en cette vertu que s'il ne l'eust point flestrie; aussi la garda-t-il avec un soin et une diligence nompareille, s'esloignant fort soigneusement de tout ce qui luy estoit contraire..

  A010000303 

 Il a gardé avec tant de soin sa chasteté, il l'a tant estimée et louée qu'il en a composé des livres dignes de l'admiration de tous ceux qui les lisent, lesquels ils rendent amateurs de cette belle vertu.

  A010000303 

 N'ayant pas sa virginité, il estoit d'autant plus [107] jaloux de conserver sa chasteté, en sorte qu'il surpasse plusieurs vierges; tout ainsy que sainte Magdeleine, laquelle, toute impure qu'elle avoit esté auparavant, surpassa neanmoins en chasteté plusieurs vierges en leur virginité, et n'y en a pas une qui ayt tant esté honnorée en sa virginité comme sainte Magdeleine l'a esté en sa chasteté, hormis la sacrée Vierge qui est hors de toute comparaison.

  A010000304 

 Aussi saint Augustin s'en servoit-il pour conserver cette chasteté par laquelle il surpassoit la virginité des vierges; et, poussé de l'Esprit divin, de l'amour et connoissance qu'il avoit de la beauté et grandeur d'icelle, il en composa des livres, comme nous avons dit, addressés aux vierges et aux vefves, lesquels ravissent en admiration et portent à l'amour de cette vertu tous ceux qui les lisent.

  A010000304 

 Je sçay bien que le jeusne, la haire, la discipline et la sobrieté (qui ne consiste pas seulement à retrancher la gourmandise, mais encores à se priver des viandes exquises et par trop nourrissantes, à se contenter de ce qui est necessaire et à user d'alimens simples et grossiers), je sçay bien, dis-je, que tout cela est bon pour conserver la chasteté infuse dans une ame; mais certes, ce seroit peu s'il n'estoit accompagné de l'humble priere, parce que c'est à l'humilité que sont attachés tous les dons de Dieu.

  A010000304 

 Mais la chasteté est un don de Dieu qui ne s'acquiert pas à force de bras et qui ne peut estre conservé par artifice et industrie; car les dons de Dieu ne s'arrachent pas de ses mains par force ni par contrainte, ils se donnent gratuitement et selon la disposition du cœur.

  A010000305 

 L'humilité est la vertu des vertus, puisque c'est elle qui attire et conserve les autres en l'aine.

  A010000306 

 Ce grand Saint donna des preuves de sa tres profonde humilité en plusieurs choses tres remarquables qui peuvent estre utiles et profitables au lieu où je suis; c'est pourquoy je ne me sçaurois empescher de les dire.

  A010000306 

 Or, je ne parle point de ces grans hommes qui vivoyent en l'Ancien Testament, je parle de ceux de la Loy nouvelle, entre lesquels il peut estre compté pour l'un des premiers.

  A010000307 

 Il avoit une tare en son sçavoir, il ignoroit la langue grecque; car bien qu'elle soit plus moëlleuse en son sens que la langue latine, si est-ce que le style n'en est pas si delicat, et pour cela saint Augustin, qui s'arrestoit plus au style qu'au sens, ne la voulut pas apprendre lors qu'il estudioit.

  A010000307 

 Vous aurez ouy dire que l'humilité se trouve rarement avec la science qui d'elle mesme enfle, mais encores moins avec une aussi haute science que celle de saint Augustin; neanmoins elle estoit chez luy accompagnée d'une si profonde humilité qu'on ne sçait s'il avoit plus [109] de science que d'humilité ou plus d'humilité que de science.

  A010000308 

 O non certes, car en ce temps ceux qui sçavent deux ou trois mots de grec ne veulent point employer d'autre langue, et nos predicateurs, comme le dit tres à propos N. ( sic ), pour peu qu'ils en sçachent, le crachent, pour ainsy parler..

  A010000308 

 S'il n'eust avoué qu'il ignoroit cette langue, qui l'eust deviné en oyant ses disputes ou en lisant ses escrits pleins d'une si profonde science? Et s'il ne l'eust dit, qui l'eust onques sceu? Personne, car chacun eust creu qu'il y estoit versé comme en la latine.

  A010000309 

 Et que dit-il à saint Hierosme? Je sçay bien, luy escrit-il, que le prestre est moindre que l'Evesque, et que moy qui suis Evesque je Mur.

  A010000309 

 Secondement, saint Augustin monstra une grande humilité en se sousmettant à la censure de ses escrits et de sa doctrine, censure faite non seulement par ceux qui luy pouvoyent estre superieurs et esgaux, ce qui est la marque d'une tres profonde humilité, mais encores par ceux qui luy estoyent inferieurs et en sçavoir et en dignité.

  A010000309 

 plus que toy qui n'es que simple prestre; cependant cela regarde seulement la dignité que nous tenons en l'Eglise de Dieu, car pour le reste je sçay, o Hierosme, que tu m'es superieur.

  A010000310 

 On le souffriroit peut estre encores de quelqu'un qui nous seroit superieur mais des autres, o non certes!.

  A010000311 

 Job, assis sur son fumier, tout couvert de playes, ressembloit plustost à un monstre qu'à un homme; il estoit là rumine un chien ou un cheval mort et puant; il prenoit quelques tests et se racloit le pus qui estoit sur ses playes, n'ayant personne qui luy voulust faire cet office de charité, car il estoit abandonné de tous.

  A010000312 

 Mais à qui donques? A tous les hommes en general: jeunes et vieux, doctes et ignorans; à ceux qui admireront son humilité et s'en edifieront, et à ceux qui se mocqueront de luy et qui s'en scandalizeront; aux hommes et aux femmes; en somme il veut que la miserable vie qu'il a menée en sa jeunesse soit declarée et manifestée à toute creature.

  A010000312 

 Seroit ce point pour la faire voir au peuple de sa contrée ou de son diocese lequel, pour l'estime qu'il avoit de sa sainteté, tiendroit pour rien ces actions de son jeune aage, au prix des vertus qui reluisoyent en luy de ce temps-là? Ou bien peut estre fit-il cette confession pour estre loué des justes qui sçauroyent asseurement contrepointer la conduite qu'il avoit tenue despuis sa conversion avec celle de sa jeunesse? O non, ses Confessions ne s'addressent point à telles sortes de gens.

  A010000312 

 Seroit ce point pour la monstrer à ceux de son temps qui, l'ayant conneu, excuseroyent facilement sa jeunesse, ayant esgard à la beauté de son esprit et aux advantages qu'il avoit receus de la nature? Non certes.

  A010000313 

 Nous parlons en ceste façon de ceux qui sont habillés et disons: Voyla un homme qui est vestu de soye; celuy-là est vestu de peau de buffle, celuy-cy de chameau.

  A010000315 

 Ne dites point: Voyla un homme qui par ses œuvres aura bien du merite; mais plustost: O que Dieu a fait de grandes graces à cette personne là! O que grande a esté sa misericorde en son endroit! N'ayez point d'autre fin que de chercher la gloire de Dieu, car c'est pour cela que vous estes entrées en Religion, et non pas seulement pour vous retirer du tracas du monde; les philosophes payens faisoyent bien ce renoncement, à fin d'avoir par ce moyen plus de temps pour vaquer à l'estude des sciences humaines.

  A010000315 

 O les pretieux vestemens que ceux qui sont faits du sang du Sauveur, sans lequel toutes nos œuvres ne sont point meritoires! Il est vray qu'en donnant un verre d'eau pour l'amour de [114] Dieu on merite la vie eternelle; mais d'où prend-il sa valeur sinon (le la Passion du Sauveur qui rend meritoire cet acte de charité? Haussant donques vos cœurs et vos affections, n'estimez point meritoires les desirs de la chair, c'est à dire les desirs de ceux qui vivent en cette chair, mais fondez toutes vos esperances en ceux du Fils de Dieu, qui vit et regne en l'eternité avec le Pere et le Saint Esprit.

  A010000324 

 Et vous, mes tres cheres Filles, ayant aujourd'huy fait la sainte Profession, j'ay formé cette imagination que vous estes saluées de cette mesme salutation et que l'on vous peut addresser ces paroles que le grand Apostre a mis dans ses Epistres: Luc, le tres excellent et tres cher medecin, vous salue, parce que cette sorte de salutation est merveilleusement propre tant pour vostre Profession que pour vostre condition, comme aussi pour la condition de celles qui demeurent au lieu où vous estes.

  A010000324 

 Or, il vous salue en ces deux qualités a fin que vous appreniez et deveniez non seulement medecineuses et guerisseuses, mais encores peintresses, puisque la profession que vous faites et la Religion où vous estes n'est autre chose, comme disent les anciens Peres, qu'une maladiere, une assemblée de guerisseurs et de gens qui ne font que se medeciner et guerir.

  A010000324 

 Saint Luc vous salue donques en qualité de medecin et encores de peintre; car bien que saint Paul ne le nomme pas peintre, si est-ce que selon la tradition ecclesiastique il l'estoit, comme le disent saint Damascene et Nicephore; et c'est luy qui a peint la sacrée Vierge, nostre [116] Mere et Maistresse.

  A010000325 

 Nul ne se peut dire exempt de cecy, pour saint et parfait qu'il soit, comme en ce sejour mortel il n'y a homme qui jouisse d'une pleine et entiere santé, ou du moins qui en jouisse long temps.

  A010000325 

 Quant au premier, je me souviens fort bien vous en avoir desja parlé et vous avoir monstré que la Religion est une maladrerie toute pleine de gens malades, qui sont neanmoins tous medecins, car ils se guerissent les uns les autres, voire aussi eux mesmes, et ce continuellement, malades; disant et purgeant de leurs defauts.

  A010000325 

 Que si bien l'on en voit quelques uns qui ayent une longue santé, quoy que penchante tousjours de quelque costé, l'on dit que c'est un presage d'une future grande maladie..

  A010000326 

 Mais comme elles ne peuvent aller si juste qu'il n'y en ayt tousjours quelqu'une qui passe l'autre, il s'ensuit que la santé ne se voit presque jamais pleine et entiere, ains penche tousjours de quelque costé..

  A010000327 

 En temps de carnaval on verra des joyes et liesses qui se monstrent par des actions badines et folastres, et bien tost apres vous verrez des tristesses et ennuis si extremes que c'est chose horrible et, ce semble, irremediable.

  A010000327 

 Il en prend tout de mesme de la santé de nos cœurs et de nos esprits; car certes, ils sont remplis d'un grand nombre de meschantes et malignes humeurs, à sçavoir des passions et inclinations vicieuses, qui nous causent plusieurs graves et dangereuses maladies, pour la guerison desquelles il nous faut continuellement veiller et combattre.

  A010000327 

 Tel aura à cette heure trop d'esperance et ne pourra craindre chose quelconque, lequel peu apres sera saisi d'une crainte qui l'enfoncera jusques aux enfers.

  A010000328 

 Le glorieux Apostre saint Paul l'employe souvent aussi dans ses Epistres, escrivant aux Corinthiens, aux Colossiens et autres, leur souhaittant cette paix et tranquillité interieure comme unique remede à un nombre de grans et petits maux qui environnent nos ames.

  A010000328 

 Les salutations qui se font par lettres ne sont que des souhaits exprimés par les amis absens; et quel souhait plus utile et profitable pour le coeur se peut-il faire que celuy de la paix? C'est en icelle que consiste le plus haut point de la vie spirituelle, et c'est pour l'acquerir et conserver qu'il faut continuellement veiller et travailler; car despuis la cheute de nos premiers parens nostre ame est demeurée une terre seche et sterile ne peut porter ni produire aucun fruit de bonnes oeuvres si l'on n'a soin de la cultiver..

  A010000329 

 Il ne croissoit rien en ce lieu là qui ne fust excellent et utile.

  A010000329 

 Mais despuis qu'il eut peché et que la terre fut maudite, elle n'a plus rien produit de soy mesme que des ronces et espines; si que pour en tirer ce qui est necessaire à la vie de l'homme, il la faut cultiver à force de bras et à la sueur de son corps, puis l'ensemencer.

  A010000330 

 Cet exercice est necessaire à tous les mortels, n'y ayant homme si parfait qui n'ayt besoin de travailler, tant pour accroistre la perfection que pour la conserver, d'autant que nul ne se peut dire maistre de ses passions ou pretendre n'estre plus sujet à leur detraquement..

  A010000330 

 Que s'il faut user de ce soin et patience apres les jardins materiels, à plus forte rayson en faudra-t-il avoir, mes cheres Filles, à cultiver la terre et le jardin de vos cœurs et de vos esprits, tant pour en arracher les mauvaises herbes de vos inclinations, habitudes et passions, que les nouvelles et continuelles productions que l'amour propre fournit; c'est à dire les chagrins, bigearreries, inquietudes, fantasies et telles autres niaiseries qui attaquent à tout propos nos pauvres esprits, et qui, si l'on n'y prend garde, gastent et ruinent tout ce qui est de beau et de bon dans le parterre de nos ames.

  A010000331 

 Aussi l'esgalité et constance que l'on a en l'observance des exercices de la Religion cause cette paix et tranquillité d'esprit qui conduit à la perfection..

  A010000331 

 Là on fait tousjours les mesmes exercices; on se leve à mesme heure, on disne et soupe à mesme heure, et ainsy tout y va selon l'ordre marqué; ce qu'on fait aujourd'huy on le fera encore demain, et de mesme passé demain; ce qui se prattique apres demain, on le prattiquera tout le long de l'année, et ce qui se fait tout le long de l'année se fera tout le reste de la vie.

  A010000332 

 Il n'a onques varié en ses entreprises et resolutions, ains les a tousjours gardées, tant en l'estat du celibat comme en l'election qu'il fit de suivre Nostre Seigneur sans chanceler jamais ni peu ni d'un costé ou d'un autre, ce qui ne se lit pas des Apotres et de quelques autres disciples de nostre divin Sauveur.

  A010000332 

 L'on trouve peu de personnes qui ayent esté exemptes de chanceler en quelque façon; mais au glorieux saint Luc non, ains on l'a tousjours veu reluire en une admirable constance et esgalité en toutes choses emmi ses entreprises et adversités..

  A010000333 

 C'est assez dit sur ce premier point de la salutation que ce glorieux Evangeliste vous fait en qualité de medecin; passons au deuxiesme, qui est qu'il vous salue en qualité de peintre.

  A010000333 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si apres avoir bien medeciné et purgé vos cœurs vous venez à peindre sur iceux! Et quoy? O Dieu, rien autre que Nostre Seigneur crucifié, à l'imitation de sainte Claire de Montefalco qui, par une vive imagination et affection d'amour et compassion interieure, imprima en son cœur l'image de la Croix de son Sauveur.

  A010000334 

 Mais il faut que je vous dise ce qui s'observe pour faire un beau portrait et pour tirer au vif la face de ceux que l'on veut peindre; c'est ce que saint Luc a prattiqué et ce que nous devons prattiquer nous mesmes pour l'imiter..

  A010000336 

 C'est de ces personnes que les anciens Peres parlent avec tant de severité; car celuy qui quitte le monde et retient en son cœur les affections du monde est du tout incapable de recevoir les traits de la grace et les consolations celestes.

  A010000336 

 Mais voicy, ce semble, qui est un peu plus gracieux: on quitte bien les affections de ce siecle, mais on se reserve un certain amour pour soy qui nous fait tant chercher ce qui nous est propre et fuir ce qui nous incommode! On ayme tant sa vie et son propre interest, on a si grand peur de mourir! O la grande mollesse et tendreté que celle cy! Il faut certes se bien purger et laver de semblables choses à fin d'estre disposé à recevoir les traits de la face de Nostre Dame.

  A010000337 

 En effect, quelques personnes entrent en Religion avec certaines habitudes de pieté tres hautes et relevées ce leur semble; elles se veulent gouverner à leur fantasie, se forgeant une devotion toute extatique et sureminente qui n'ayme point les choses simples, basses et humbles.

  A010000337 

 Il se faut donques purger de telles choses, bien que bonnes en apparence, et s'assujettir à la conduite d'autruy, embrassant la simplicité et l'humilité qui se trouvent parmi les considerations basses des choses ordinaires, et non point se complaire dans les subtiles, excellentes et qui sont au delà de la portée de nos esprits..

  A010000337 

 Par où vous voyez que pour estre bonnes peintresses il ne suffit pas de purger vos cœurs de tout ce qui est mauvais, mais encores de toutes autres teintures desquelles vous les auriez voulu enrichir.

  A010000337 

 Secondement, il ne suffit pas au peintre de bien nettoyer sa toile de ce qui est mauvais, mais encores faut-il enlever ce qui est bon; car si on prend une estoffe teinte en quelque couleur, elle ne sera nullement susceptible de la peinture qu'on luy veut donner, non pas mesme quand elle seroit teinte en escarlatte, qui est la couleur la plus douce et unie qui se puisse trouver.

  A010000338 

 Combien de mariages verrions nous se dissoudre s'ils n'estoyent affermis par le Sacrement qui empesche de varier en cette sorte de vie! Combien d'ecclesiastiques verrions nous quitter le sacerdoce et s'oublier de la promesse qu'ils ont faite à Dieu en recevant l'ordre de prestrise! O Dieu, quel bonheur d'avoir eu necessité d'estre attachés par ces vœux pour vous garder fidelité! car sans cette necessité nous n'eussions jamais esté disposés à recevoir les traits de la peinture spirituelle, d'autant que nous eussions tousjours esté mobiles et sans aucune fermeté en nos resolutions..

  A010000338 

 La troisiesme condition requise pour peindre est que ce qui est preparé pour recevoir la peinture soit attaché en sorte qu'il ne se puisse point remuer, ains demeure ferme et immobile à fin de recevoir les traits du pinceau.

  A010000338 

 O Dieu, quel bonheur et quelle grace d'avoir necessité d'estre attachés et cloués comme des tableaux d'attente, pour jouir et posseder en cette vie le bien qui nous est offert et donné, et duquel nous jouirons en l'eternité! Helas! combien y a-t-il d'ames qui, s'il n'estoit point requis de se lier aux vocations esquelles elles ont esté appellées, vacilleroyent et les quitteroyent à la moindre difficulté, fantasie et bigearrerie dont leurs esprits se trouveroyent assaillis et preoccupés.

  A010000339 

 Mais ceux qui viennent avec tant d'entendement et de clarté, qui sçavent si bien comme il se faut conduire et auxquels il semble n'avoir plus besoin de la direction d'autruy, ne seront jamais bons peintres; car cette trop grande lumiere les empeschera de remarquer les traits de de la face de Nostre Dame.

  A010000339 

 O que bienheureux sont ceux qui n'apportent pas en Religion de beaux et grans entendemens! Ceux cy sont les meilleurs, parce que n'ayans pas tant de lumiere naturelle ils sont plus propres pour recevoir celle du Saint Esprit qui leur est communiquée par autruy.

  A010000341 

 Elle, qui estoit une mere toute douce et benigne, condescendit facilement à ce que ses enfans luy demandoyent, d'autant qu'elle sçavoit fort bien que cecy ne faisoit aucune breche à son humilité.

  A010000341 

 Il y en a un seul, que je sçache, qui l'aye fait: c'est Apelles, si cherement aymé d'Alexandre le Grand, qui peignit sur le champ un homme qui luy avoit despieu en quelque chose.

  A010000342 

 Quelle pudicité virginale y apperceut-il! Que si les filles, pour peu qu'elles soyent de bon naturel, monstrent leur pudeur en leur face, rougissant pour la moindre parole qu'on leur dise, o Dieu, quel pensez-vous devoit estre celle qui se voyoit en la face de cette sainte Vierge lors qu'elle estoit regardée de son peintre? Que d'admirables vertus il descouvrit en ce pudique et chaste regard! Quel contentement de considerer celle qui est plus belle que le Ciel ou que la pleine diaprée de la varieté de tant de fleurs, et qui surpasse en beauté les Anges et les hommes! Mais qui pourroit penser l'humilité avec laquelle saint Luc la pria de le regarder, et la douceur et simplicité avec laquelle Nostre Dame le fit? O que de lumieres il receut par ce regard sacré, que son cœur demeura enflammé de son amour, que de connoissances il tira quand les yeux de cette douce Vierge s'arresterent sur luy! Ils imprimerent alors en son cœur un si grand amour de la pureté qu'il y persevera constamment tout le temps de sa vie et garda le celibat..

  A010000343 

 Comme nous avons dit, il receut aussi cette esgalité et fermeté d'esprit qui reluisoit singulierement en la Sainte Vierge; c'est pourquoy on a veu toutes ses entreprises accompagnées d'une admirable constance et perseverance au bien une fois commencé.

  A010000343 

 Il luy mandoit encores comme deux qui estoyent venus avec luy l'avoyent quitté, ne l'ayant voulu suivre en la prison, et que le seul Luc demeuroit avec luy.

  A010000343 

 O Dieu, quelle suavité recevoit aussi nostre glorieux Saint de la compagnie de saint Paul! combien de secrets luy reveloit-il, luy qui avoit esté ravi jusques au troisiesme Ciel! Il est certain que saint Luc avoit beaucoup appris de cet Apostre, car mesme en ses escrits il dit qu'il n'a pas veu tout ce qu'il rapporte, mais bien qu'il l'a ouÿ..

  A010000343 

 Or, quoy que ce grand Apostre estant en prison et escrivant à son cher disciple [127] Timothée pour se consoler avec luy, le saluast luy disant: Je suis icy tout seul, ce n'est pas qu'il fust le seul qui creust en Jesus Christ, car il y en avoit plusieurs, mais il vouloit signifier qu'il estoit seul dans les fers.

  A010000344 

 Il ne commence point son Evangile comme saint Jean qui dit tout au debut: In principio erat Mot; ce qui ne peut estre bien compris des hommes, ains des Anges seulement.

  A010000344 

 Il parle de la Visitation de Nostre Dame et de plusieurs autres choses qui appartiennent à sa vie.

  A010000344 

 Je finis, mais avant je vous diray encores cecy, que la Sainte Vierge enseigna entre autres choses à cet Evangeliste la sainte humilité tant necessaire aux Religieuses, particulierement aux Filles de la Visitation qui ont une obligation particuliere à la prattique de cette vertu.

  A010000344 

 Mais il rapporte dans le sien des [128] mysteres plus simples, qui peuvent estre entendus par les Anges et par les hommes, pour nous apprendre que nous devons mediter et considerer ces mysteres simples et humbles, et non ceux qui sont au delà de nostre capacité.

  A010000344 

 O Dieu, combien suave, douce, humble, tranquille est celle qui converse souvent avec la Sainte Vierge! que sa conversation est esgale, paisible et aggreable!.

  A010000346 

 C'est pourquoy il fait mention de l'election de saint Mathias, car Nostre Seigneur ne voulut point, n'avant que de monter au Ciel, nommer un Apostre pour mettre en la place de Judas, ains en laissa le choix et nomination au college apostolique pour destruire l'erreur [129] de ceux qui croyent que despuis l'Ascension du Sauveur la generation des Apostres a failli, ce qui n'est pas; car Jesus Christ luy mesme a voulu que les Apostres se soyent assemblés pour eslire ceux qui leur devoyent succeder, à commencer par saint Mathias.

  A010000346 

 Et celuy cy, entant qu'Apostre, en pouvoit nommer d'autres; ceux qui luy succederoyent, d'autres encores, et ainsy consecutivement.

  A010000346 

 Le college apostolique donques ne viendra jamais à defaillir, et bien que ce soit tousjours Nostre Seigneur qui fasse telles elections, comme Celuy qui preside aux assemblées reunies pour ce sujet, c'est neanmoins tousjours par la voix des creatures que sont faites telles nominations..

  A010000349 

 Mais quand il leur recommande de ne tenir point les yeux fichés sur les yeux de leur Maistre il n'entend pas qu'ils ne fassent pas ce qu'ils font pour plaire aux yeux de Dieu et pour l'imiter, o non; mais que, lors mesme qu'ils ne seroyent pas regardés de leur Seigneur ils ne devroyent pas laisser de faire ce qui luy est aggreable.

  A010000349 

 Or, mes cheres Filles, puisque vous avez fait la sainte Profession en ce jour que l'Eglise celebre la feste de ce Saint, vous luy devez estre grandement devotes et fort soigneuses de l'imiter en tout ce qui vous sera possible, apprenant de luy à vous bien medeciner et guerir, et à peindre en vos cœurs la douce et desirable face de la tres sainte Vierge en la façon que nous avons deduit, le regardant en cecy comme vostre maistre.

  A010000349 

 Resouvenez vous des paroles du Psalmiste qui dit que le bon serviteur a tousjours les yeux sur les mains de son maistre, et la bonne servante sur celles de sa maistresse.

  A010000349 

 Saint Paul, qui a une merveilleuse grace en tout ce qu'il escrit, exhorte quelquefois les serviteurs de Jesus Christ d'avoir les yeux sur les yeux de leur Maistre, d'autres fois sur ses mains, et d'autres fois encores de ne point faire ce qu'ils font pour les yeux ni pour les mains d'iceluy.

  A010000350 

 Ayez donques desormais les yeux sur vostre Maistre qui est Jesus Christ, et s ur les mains de vostre Maistresse, la Sainte Vierge, imitant ses vertus, particulierement son humilité.

  A010000350 

 Peignez son image dans vos cœurs et l'y conservez avec fidelité, perseverant constamment en ce que vous avez voué et promis, car c'est la perseverance qui rend nos œuvres aggreables à Dieu et qui les couronne.

  A010000354 

 Il est dit dans la Genese que lors que Dieu eut creé le ciel et la terre, il les regarda, les trouva bien et s'y compleut; car considerant la lumiere il dit qu'elle estoit bonne; voyant ensuite la terre comme la pepiniere des arbres, herbes et plantes, et la mer qui retenoit dedans soy tant de poissons, il dit derechef que cela estoit bon.

  A010000355 

 Or, la sainte Eglise qui non seulement est espouse de Nostre Seigneur, mais encores son imitatrice, se voulant en tout et par tout conformer à luy, celebre les festes des Saints avec un playsir admirable.

  A010000356 

 C'est qu'elle est instituée pour honnorer plusieurs Saints et Saintes qui sont au Ciel, les noms desquels n'estans point conneus ça bas en terre, l'Eglise ne peut solemniser leur feste en particulier.

  A010000356 

 Ce fut à la verité un coup de la divine Providence de reveler et faire connoistre la sainteté de saint Paul premier hermite qui vivoit si caché et si peu estimé dans le desert.

  A010000356 

 Il y a plusieurs raysons de l'institution d'icelle; mais je me contenteray de vous en dire seulement une qui est fondamentale.

  A010000356 

 Ne pensez pas que ce soyent les miracles et les vocations speciales qui ont rendu saints tous ceux qui sont en Paradis; o non certes, car il est vray qu'il y en a un nombre infini qui ont esté ignorés en cette vie, qui n'ont point fait de prodiges et dont on ne fait aucune mention sur la terre, lesquels neanmoins sont au dessus de ceux qui ont operé beaucoup de merveilles et qui ont esté et sont honnorés parmi l'Eglise de Dieu.

  A010000356 

 O Dieu, combien pensez-vous qu'il y a eu de Saints dans les cavernes, dans les boutiques, dans les maysons devotes, dans les monasteres, qui sont morts inconneus et qui à cette heure sont exaltés dans la gloire par dessus ceux qui ont esté bien conneus et honnorés sur la terre? C'est pourquoy l'Eglise considerant la feste qui se celebre au Ciel en fait par consequent une en terre, en laquelle elle exalte ceux qu'elle connoist et aussi ceux dont elle ne connoist ni les noms, ni les vies..

  A010000357 

 En somme, c'est une chose aggreable de voir la correspondance qui existe entre le ciel et la terre..

  A010000357 

 Et que rend la terre au ciel en recompense? Elle luy expose ces plantes, ces fleurs et ces fruits, et elle luy renvoye des vapeurs qui montent comme la fumée de l'encens bruslé, et le ciel les reçoit.

  A010000357 

 On admire le merveilleux rapport et correspondance que la terre a avec le ciel, qui est tel que l'on peut dire que le ciel est le mari de la terre et qu'elle ne peut rien produire que par le moyen des influences qu'elle en reçoit.

  A010000358 

 Elle tasche de les eslever et conformer en tout ce qui est possible aux habitans du Ciel; c'est pourquoy considerant les festes qui s'y celebrent pour le martyre et triomphe de chaque Saint en particulier, elle en fait de mesme icy bas.

  A010000360 

 C'est le propre de sa justice de recompenser ceux qui travaillent pour acquerir le Royaume de Dieu, cette divine Majesté nous ayant mis en cette terre où nous pouvons meriter et demeriter; neanmoins le loyer qu'il nous donne pour les travaux et labeurs que nous prenons est infiniment au dessus de nos merites, et voyla où reluit sa grande misericorde..

  A010000361 

 C'est icy leur principal et plus excellent motif; car sçachans que nous avons esté creés pour la gloire eternelle, que Nostre Seigneur nous a rachetés pour cela et qu'il ne desire rien plus sinon que nous jouissions du fruit de nostre Redemption, ils conforment leur desir et amour à sa divine Majesté en ce qui concerne nostre salut comme en toute autre chose.

  A010000361 

 Mais les Saints ont encores un autre motif qui leur fait demander et desirer que Dieu nous donne sa grace: c'est qu'ils voyent en luy ce vehement desir qu'il a de la nous departir; cela fait qu'ils nous la souhaittent et procurent avec un amour d'autant plus grand qu'ils le voyent grand en Dieu.

  A010000361 

 O Dieu, c'est cet amour qui produit celuy du prochain et qui fait que l'on travaille pour l'ayder, que l'on s'oublie soy mesme pour le servir..

  A010000363 

 Mais d'autant que nous parlons de la priere, disons qu'il y a trois personnes qui interviennent en icelle: la premiere, celle que l'on prie; la seconde, celle par qui l'on demande; la troisiesme, celle qui prie.

  A010000363 

 Pour cela, lors que nous prions les Saints nous ne leur demandons pas qu'ils nous accordent ou qu'ils nous departent quelque vertu ou faveur, mais bien qu'ils la nous impetrent, parce qu'il n'appartient qu'à Dieu seul de donner ses graces comme il luy plaist et à qui il luy plaist..

  A010000363 

 Quant à la premiere, qui est celle que l'on prie, ce ne peut jamais estre que Dieu, car c'est luy seul qui possede en soy tous les tresors de la grace et de la gloire.

  A010000365 

 Cette façon de prier est bonne et bien meritoire, car elle est humble; elle procede de la connoissance de nostre indignité et bassesse, qui fait que n'osant approcher de Dieu pour luy demander ce de quoy nous avons besoin, nous nous addressons aux Saints; ainsy nos prieres, qui d'elles mesmes sont foibles et de peu de valeur, estans meslées avec celles de ces Bienheureux auront une grande force et efficace..

  A010000366 

 O Dieu, que c'est une parole pleine d'amour que celle cy, et qu'elle remplit le cœur de douceur et de confiance filiale! Ce que vous verrez par les demandes qui se font en la mesme Oraison, en laquelle on parle immediatement à Dieu; car apres l'avoir appellé du nom de Pere on luy demande son Royaume et que sa volonté soit faite ça bas en terre comme elle se fait là haut au Ciel.

  A010000367 

 C'est une question qui est debattue en la theologie scholastique, à sçavoir mon, si Nostre Seigneur entant qu'homme prie maintenant pour nous, car il est nostre Advocat et Mediateur; aussi faut-il que les advocats prient de mesme que les mediateurs.

  A010000367 

 Il n'y a point de doute que Nostre Seigneur Jesus Christ ne demande pour nous le Royaume des Cieux, qui luy appartient et qu'il nous a gaigné au prix de son sang et de sa vie, et pour ce il le demande comme chose qui luy est deuë par justice; de mesme pour toutes les autres demandes qu'il addresse à son Pere.

  A010000367 

 La seconde personne qui intervient en la priere c'est celle qui demande.

  A010000367 

 Remarquez que je ne dis pas que c'est celle qui prie, ains celle qui demande, car il y a bien de la difference entre prier et demander.

  A010000367 

 Un autre [138] demandera ce qui luy est deu; celuy là ne prie pas comme par forme de priere, ains il exige ce qui justement luy appartient.

  A010000368 

 La troisiesme personne qui intervient en la priere c'est la creature raysonnable.

  A010000368 

 Mais laissant à part tout ce qui se pourroit dire sur ce sujet, nous ne parlerons que de nous qui sommes cette troisiesme personne.

  A010000368 

 Nous autres Chrestiens, qui vivons en cette vallée de miseres, prions et envoyons nos requestes et nos souspirs au Ciel, implorant le secours de Dieu et luy demandant sa grace; pour cela nous nous servons de l'invocation des Saints, les suppliant d'interceder pour ce qui nous regarde, nous qui sommes advenaires et pelerins sur cette terre, et qu'ils nous aydent à parvenir à cette felicité de laquelle ils jouissent..

  A010000369 

 Il en prend tout de mesme comme d'une goutte d'eau qui est jettée dans un tonneau de vin, laquelle vient à quitter ce qu'elle estoit et à se convertir en vin; ainsy nos prieres estans presentées à la divine Majesté en union de celles des Saints glorieux, perdent leur foiblesse et prennent la force, vigueur et vertu des leurs.

  A010000370 

 Les Saints au Ciel ne cessent, comme nous avons dit, de desirer et demander que nous jouissions du fruit de nostre Redemption, et que par ce moyen nous arrivions à la felicité qu'ils possedent; ils sont poussés à ce faire par cette charité vraye et non envieuse qui n'a d'autre objet que la gloire de Dieu; de là vient qu'ils souhaittent que nous la possedions.

  A010000370 

 Nous en devons faire de mesme à l'endroit de nostre prochain, nous employant à son service et l'aydant à se sauver avec une charité non point envieuse ni jalouse, mais qui regarde Dieu seul, n'ayant point d'autre pretention que de le glorifier..

  A010000371 

 Oh si nous pouvions un peu comprendre quelle est cette charité des Saints et de quelle ferveur et humilité ils accompagnent leurs prieres! Certes, nous aurions bien sujet de nous confondre si nous venions à faire comparaison du peu d'humilité qui se trouve en nos oraisons avec celle qu'ils joignent aux leurs, car nous verrions que pour grande que fust l'humilité qui accompagne nos prieres, elle ne seroit rien au prix de celle qu'ils [140] prattiquent au Ciel.

  A010000371 

 Que si, en cette vie, une personne, par le frequent exercice des considerations et meditations sur la grandeur de Dieu et sur sa bassesse, vient à descouvrir une si grande disproportion et esloignement de l'une à l'autre qu'elle s'abaisse et humilie jusqu'au plus profond abisme de son neant, ne trouvant jamais de lieu assez bas pour s'y enfoncer, quelle doit estre, je vous prie, l'humilité de ces glorieux Saints qui voyent clairement la Majesté divine?.

  A010000372 

 Quand elle dit qu'il a regardé la bassesse de sa servante, elle monstre qu'elle connoist et confesse la distance infinie qui existe entre Dieu et elle.

  A010000374 

 Par consequent aucune creature, non pas mesme la sacrée Vierge, quelles que soyent les prieres qu'elle fasse, ne peut parvenir à la gloire sinon par la Mort et Passion de Nostre Seigneur qui nous l'a achetée et meritée par icelle.

  A010000375 

 Lors il dit ces sacrées paroles dans lesquelles est comprise toute la perfection chrestienne: Bienheureux les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés; bienheureux en fin ceux qui sont persecutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux..

  A010000376 

 O mes cheres Sœurs, c'est à vous à qui je parle, car si bien vous n'estes pas encores hors du monde, vous estes neanmoins comme des Nazareens, esloignées et sequestrées du monde et de la vanité.

  A010000376 

 Qu'est-ce, je vous prie, cette statue sinon ce monde, ou plustost la vanité et orgueil d'iceluy, qui a la teste d'or et tout ce qui suit? Et cette montagne dont il est descendu une petite pierre n'est autre que Nostre Seigneur, de la bouche duquel est sortie cette pierre des huit beatitudes qui renverse la statue de la vanité, faisant que tant et tant de personnes ont quitté le siecle, ses richesses, honneurs et dignités, et se sont rendues pauvres, viles et abjectes..

  A010000376 

 Voicy une estrange doctrine qui est directement contre l'esprit du monde; mais vous l'entendrez mieux par la comparaison de cette statue que Nabuchodonosor vit en songe, laquelle avoit la teste d'or, les bras d'argent, le ventre d'airain, les pieds de terre et tout le reste comme vous l'avez souvent ouÿ dire.

  A010000377 

 Nostre Seigneur dit: Bienheureux les pauvres d'esprit; et le monde: Bienheureux ceux qui sont riches, qui ont de l'or, de l'argent; qu'heureux sont ceux qui ont toutes sortes de commodités en cette vie! Comme au contraire, malheureux sont les pauvres qui n'ont rien de tout cela: on n'en tient aucun compte, on les estime dignes de compassion.

  A010000378 

 Or, d'autant que cette debonnaireté veut que l'on reprime les mouvemens de colere, que l'on soit doux, cordial et plein de mansuetude envers tous, que l'on pardonne à l'ennemy, que l'on supporte les mespris, la vanité du siecle, qui a un esprit tout contraire à celuy cy, dit: Bienheureux celuy qui se venge de son ennemy, qui se fait craindre et redouter de tous, auquel on n'oseroit faire un affront ni addresser un mot de mespris; qu'il est heureux celuy-là! tandis qu'elle regarde comme malheureux celuy qui est doux et benin parmi les mespris et adversités.

  A010000379 

 Et le monde dit: Bienheureux ceux qui rient et se donnent du bon temps, ceux qui dansent aux bals, ceux qui vont en mascarade et qui suivent les playsirs et vanités; malheur à ceux qui pleurent.

  A010000379 

 Et le monde ne dit-il pas tout au rebours? Ne va-t-il pas constituant son bonheur en tout ce qui est contraire aux preceptes de l'Evangile? C'est pourquoy Nostre Seigneur considerant cette statue, non point en songe comme Nabuchodonosor, ains en verité, et voyant qu'elle n'avoit que des pieds de terre, c'est à sçavoir que tout ce que ce siecle prise n'est fondé que sur des choses perissables et transitoires, il jetta, comme nous avons dit, cette pierre des huit beatitudes auxquelles est enclose toute la perfection chrestienne..

  A010000379 

 Il adjouste encores: Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.

  A010000379 

 Oh! [144] que telles sortes de gens sont à plaindre! En fin le Sauveur continue: Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice; bienheureux non seulement ceux qui font justice, mais encor qui sont persecutés pour la justice mesme.

  A010000380 

 Hé, dit-il, ce n'est pas tout de se faire Religieux: quitter tout pour avoir toutes choses à souhait, se faire pauvre en entrant en Religion et vouloir que rien ne nous manque, vouer la pauvreté et ne vouloir en ressentir aucune incommodité, et qui pis est, rechercher en Religion ce que nous n'avons pas peu trouver au monde, pretendre nonobstant ce vœu, d'avoir mieux nos ayses et commodités qu'avant de nous estre rendus pauvres, o Dieu, quelle pauvreté molle, fade et blasmable! Il est vray pourtant, et c'est un malheur, que les plus difficiles [145] à contenter dans les monasteres ce sont ceux qui avoyent le moins de biens avant que d'y entrer..

  A010000380 

 Mais le monde voyant sa gloire renversée et qu'on le quittoit pour la pauvreté, les mespris, les larmes et la persecution, la prudence humaine s'y est glissée et a trouvé mille et mille interpretations de ces beatitudes; et c'est elle qui a tout gasté.

  A010000381 

 Si on luy eust demandé: O bon Saint, qui vous a reduit en tel point? O Dieu, eust-il dit, c'est cette aymable pauvreté à laquelle est promis le Royaume des cieux; c'est elle qui m'a icy conduit et qui me fait patir de la sorte.

  A010000381 

 Voyez le saint abbé Serapion duquel il est parlé en la Vie des Peres, qui delaissa toutes choses et se despouilla tout nud.

  A010000381 

 Voyla comme la pauvreté nous porte à embrasser les incommodités qui la suivent..

  A010000382 

 Je sçay bien que ces paroles: Bienheureux ceux qui pleurent, s'entendent de ceux qui pleurent leurs pechés et ceux d'autruy parce qu'ils sont contre Dieu, ou encores pour l'absence de ce souverain Bien, comme faisoit David qui detrempoit son pain de larmes quand on luy disoit: Où est ton Dieu? Mais tous n'ont pas ces larmes, et elles ne sont pas necessaires pour estre sauvé; neanmoins tous peuvent avoir le desir d'icelles et demeurer devant la divine Majesté avec un cœur contrit et humilié.

  A010000395 

 Les jours, les moys et les années appartiennent tous a Dieu qui les a faits et creés.

  A010000395 

 Mais combien que l'on dedie les jours de l'année aux Saints, si ne laissent ils pas pourtant d'estre tous consacrés à Nostre Seigneur comme à Celuy qui les a faits et à qui ils appartiennent tout c'est pour cela que l'Eglise luy dedie celuy d'aujourd'hui, qui est le premier, et en iceluy toute l'année.

  A010000396 

 Je suivray donques ce qui est de l'Evangile et diviseray ce discours en deux points: au premier nous dirons ce que c'est que circoncision et comme il se faut circoncire spirituellement; au second, comme il faut bien prononcer ce sacré nom de Jesus..

  A010000396 

 L'Evangile qui se lit aujourd'huy, quoy qu'il soit le plus court de tous ceux de l'année, ne laisse pas d'estre tres haut et tres profond; car en iceluy il est fait mention du sang et du nom de Jesus, et en ces deux mots est comprise toute l'histoire de la circoncision.

  A010000398 

 Quant au premier point, la circoncision estoit une sorte de sacrement de l'ancienne Loy qui signifioit la purification de la coulpe du peché originel; c'estoit comme une profession de foy en l'attente de l'avenement de Nostre Seigneur, et ceux qui estoyent circoncis devenoyent enfans et amis de Dieu, d'ennemis qu'ils estoyent auparavant.

  A010000399 

 En voyla qui seront enfoncés dans les voluptés sensuelles (je diray cet exemple un peu grossier jusqu'à ce que je m'en souvienne d'autres) et qui courront apres ces playsirs brutaux; ils veulent faire la circoncision spirituelle, ils tirent de l'argent de leur bourse et s'adonnent à plusieurs aumosnes.

  A010000400 

 Il y en a d'autres qui sont avaricieux, cupides d'amaser et avoir des richesses, biens et commodités; ils veulent [149] pourtant se circoncire, et pour cela ils font des veilles, de grans jeusnes et abstinences, se chargent de haires, de ceintures, et que sçay-je moy, et en faisant cela ils croyent estre à moitié saints.

  A010000400 

 Retranchez de vostre cœur tant d'affections desreglées qui s'y trouvent pour les richesses, honneurs et commodités; mettez asseurement et hardiment à ce cœur, à ces affections le couteau de la circoncision, et commencez par là comme par la partie la plus malade qui est en vous..

  A010000401 

 O pauvres gens, vous pensez estre bien circoncis en portant la haire, prenant la discipline et telles autres choses; mais ne voyez-vous pas que la partie qu'il faut circoncire est la langue qui se baigne dans le sang de l'innocent?.

  A010000402 

 Il s'en trouve encores qui circonciront bien la langue et qui se resoudront à garder un tres grand et profond silence, mais ils iront tousjours grondant et grommellant dans leur cœur, ils l'auront tout plein de murmures et repugnances.

  A010000404 

 Il y a bien de la difference entre la circoncision et l'incision; car l'incision est requise aux malades qui ont quelque playe ou aposteme sur lesquels on applique le couteau ou le fer pour les ouvrir et en tirer l'ordure; mais il n'en est pas de mesme de la circoncision.

  A010000404 

 La pluspart des Chrestiens font des incisions au lieu de faire des circoncisions: ils donnent bien quelque coup au membre infecté, mais ils n'apportent pas le couteau pour couper et retrancher du coeur ce qui est superflu.

  A010000404 

 Or, il faut que je vous dise cecy comme par maniere de preface: tous sont obligés de faire la circoncision, mais differemment, non pas esgalement; car les ecclesiastiques, Prestres, Evesques, Religieux et Religieuses ont une particuliere obligation à la faire et d'une façon toute autre que ceux qui vivent dans le monde, d'autant qu'ils sont plus specialement dediés à Nostre Seigneur..

  A010000405 

 De là vient que vous verrez dans le monde des personnes qui se vautrent dans la fange et le bourbier de mille pechés, qui sont liées de plusieurs passions et affections depravées; si vous leur demandez ce qu'elles font ou ce qu'elles ont [151] fait, elles respondront qu'elles n'ont point fait de mal.

  A010000405 

 Il est vray, mais ce n'est pas tout là; il y a bien d'autres pechés que ceux cy, lesquels peut estre vous aurez commis, qui sont aussi dangereux que ceux que vous dites n'avoir pas fait.

  A010000405 

 Il y a des Chrestiens qui coupent tout ce qui les empesche de garder la loy de Dieu; ils sont bien heureux ceux cy, car ils auront en fin le Paradis, puisque pour l'avoir il ne faut que bien garder et observer les divins commandemens.

  A010000405 

 Il y en a d'autres qui se contentent de retrancher une passion ou habitude vicieuse et dressent le combat contre icelle; mais ils ne laissent pas de croupir et se vautrer dans mille autres pechés contre la loy du Seigneur.

  A010000405 

 Lors que le Seigneur donna sa Loy à Moyse il ne dit pas seulement: Celuy qui tuera mourra, ni celuy qui desrobera mourra, mais il fit aussi la mesme menace, et ordonna la mesme peine et le mesme chastiment à l'esgard des autres commandemens..

  A010000406 

 Je dis toute, et non pas seulement une partie d'icelle; c'est pourquoy celuy qui n'aura fait qu'une incision, qui se sera contenté d'observer un commandement ou deux, retranchant la mauvaise coustume qu'il avoit d'y contrevenir, sans se soucier de circoncire les habitudes vicieuses qui le rendent refractaire aux autres preceptes de Dieu, il sera damné.

  A010000406 

 Voyla donc comme il est necessaire qu'un chacun fasse la circoncision spirituelle, non pas tous esgalement et en une mesme façon; mais tous generalement doivent couper et aller avec le couteau non seulement en un lieu, comme ceux qui incisent, ains tout à l'entour, gardant et observant la loy entiere sans en rien omettre.

  A010000407 

 Ceux qui font ainsy sont vrayement bien heureux..

  A010000407 

 Il se trouve encores aujourd'huy des Religieux et Religieuses qui font cet examen deux fois le jour, à fin de voir et reconnoistre en quel estat est leur cœur, pour puis apres racler avec le couteau de la circoncision tout ce qui est superflu et dangereux; et non seulement ce qui est malade, mais ce qui peut causer quelque petite incommodité ou empeschement en la vie spirituelle.

  A010000407 

 On oste mesme les causes du mal, et fait-on passer le couteau tout autour du futur, qui est la partie qu'il faut tousjours couper pour cette circoncision interieure, prenant garde à ce cœur et veillant sur luy pour voir quelles sont ses pensées, ses desirs, ses passions et inclinations, ses sentimens, repugnances et aversions à fin de les retrancher.

  A010000407 

 Voire, l'on passe plus outre et l'on vient à s'y purger des moindres tares, des choses legeres mais qui peuvent tant soit peu empescher la vie spirituelle et retarder la perfection.

  A010000408 

 C'est l'universelle opinion des Docteurs, qui est receuë de toute l'Eglise..

  A010000408 

 Celuy qui seroit icy bas sans passions ne patiroit pas, ains il jouiroit desja; or, cela ne se peut ni ne se doit, car tant que nous vivrons nous aurons des passions et nous n'en serons point quittes jusqu'à la mort, puisqu'au combat de telles passions et esmotions gist nostre victoire et nostre triomphe.

  A010000408 

 Mais quelqu'un me dira: Il est vray; cependant j'ay desja plusieurs fois apporté le couteau pour couper telles passions et inclinations, telles repugnances et aversions que je vois estre en mon cœur incirconcis et qui me font une cruelle guerre; et quoy que j'aye desja fait, ce me semble, tout ce que j'ay peu, que j'y aye employé beaucoup de temps avec tout le soin et diligence possible, je [153] ne laisse pas neanmoins de tousjours sentir de fortes et puissantes passions, aversions, degousts, repugnances et plusieurs autres mouvemens qui me travaillent et guerroyent.

  A010000409 

 Je sçay bien qu'il y a eu quelques hermites et anachoretes en la Palestine qui ont voulu soustenir que l'homme, par une soigneuse et frequente mortification, pouvoit arriver jusques là que d'estre sans passions et esmotions de colere; qu'il pouvoit recevoir un soufflet sans rougir, estre injurié, mocqué, battu sans le ressentir.

  A010000409 

 Mais leur opinion a esté condamnée comme fausse et rejettée de l'Eglise, laquelle a declaré, ce qui est vray, que tant que l'homme vivra, rampera et traisnera sur cette terre il aura des passions, sentira des tremoussemens de colere, des soulevemens de cœur, des affections, inclinations, repugnances, aversions et telles autres choses auxquelles nous sommes tous sujets..

  A010000410 

 Il ne se faut donc pas estonner si quand on nous dit nos fautes ou qu'on nous reprend, nous sentons promptement ou mesme assez long temps ces tremoussemens, si nous avons du degoust sur ce qui nous arrive ou qui nous est fait contre nos inclinations, ni moins si nous avons plus d'affection à une chose qu'à une autre.

  A010000410 

 O non certes, car ce sont des passions naturelles, qui ne sont point peché en elles mesmes.

  A010000411 

 Allez donc, vous autres, tout à l'entour du cœur, regardez soigneusement vos passions, inclinations et affections, puis raclez et coupez tout cela nettement et absolument; ne vous contentez pas de faire seulement des incisions, comme ceux qui vivent parmi le monde, mais faites de bonnes circoncisions spirituelles et interieures.

  A010000411 

 Circoncisez, o mondains, ces blasphemes, ces juremens, ces paroles injurieuses, et pleines de detraction qui naissent de la colere, lesquelles sont veritablement peché et maladie mortelle; circoncisez, mes cheres ames, ces pensées de murmure, regardées, considerées et entretenues dans le cœur les jours, les semaines et les moys entiers, ces repugnances volontairement fomentées sur les obeissances contraires goust et fantasie.

  A010000411 

 Mais que circonciray-je donques? Voyez, circoncisez-moy ce qui se fait en suite de ces mouvemens, posez le couteau sur ces paroles de sentiment.

  A010000412 

 Certes, je sçay assez combien sont recommandables ces anciens hermites et anachoretes qui vivoyent parmi les deserts, et en quelle estime il les faut avoir pour les admirables triomphes et victoires qu'ils ont remportés en mortifiant ou circoncisant eux mesmes leur cœur et leurs passions interieures, aydés à ce faire par la grace de Dieu, et sollicités et poussés par l'inspiration du Saint Esprit, des Saints et de leurs bons Anges.

  A010000412 

 Je sçay bien qu'il y a diverses opinions des Docteurs et anciens Peres sur cecy, mais je ne les rapporteray pas maintenant; j'en diray seulement une, qui est que Nostre Seigneur a voulu estre [155] circoncis par la main d'autruy pour nostre exemple, à fin de nous monstrer qu'encores que ce soit une bonne chose de se circoncire soy mesme il est encores meilleur d'estre circoncis par les autres.

  A010000412 

 La troisiesme est qu'en l'ancienne Loy celuy qui devoit estre circoncis ne se circoncisoit pas luy mesme, mais il l'estoit par la main d'autruy.

  A010000412 

 Or, nostre Sauveur, qui se vouloit en tout et par tout conformer aux autres et s'assujettir à la Loy sans aucune exception, voulut aussi estre circoncis non de soy mesme mais par la main d'autruy, et quelle qu'elle fust.

  A010000413 

 Ils sont en l'oraison, et là leur cœur s'enflamme du desir de cette circoncision; en effect, se tournant sur eux mesmes, ils commenceront à la faire, voire avec une telle ferveur qu'elle ne leur coustera rien, et avec tant de douceur et consolation qu'ils en jetteront une grande abondance de larmes qui descouleront de leurs yeux avec une suavité nompareille; en un mot, ce qui vient de nostre invention ou que nous faisons par nostre propre choix et election ne nous couste quasi rien, tant les subtilités de nostre amour propre sont grandes.

  A010000413 

 Neanmoins dans les familles et maisons religieuses il y a tousjours des personnes qui, outre cela, se tiennent en attention et qui veillent continuellement sur leur propre cœur pour connoistre ce qu'il faut tordre et mortifier, et par consequent elles ont le couteau entre les mains à fin de se circoncire elles mesmes; ce qui ne les empesche pas pourtant de vouloir l'estre par autruy, et il n'y a point de doute que cette circoncision ne soit plus douloureuse et sensible que l'autre.

  A010000414 

 Vous luy avez coupé l'oreille droite, qui est celle par laquelle ou reçoit et on entend les choses spirituelles, les inspirations et bons mouvemens, et vous luy avez laissé la senestre de laquelle on entend les choses mondaines et Vaines.

  A010000415 

 (Ce jeune prince se nommoit luy mesme Sichem, et son pere s'appelloit Hemor.) Puis il en fut si espris qu'il la fit ravir; ce qui luy fut facile, car les grans trouvent tousjours prou de gens qui les aydent et favorisent en leurs mauvais desseins.

  A010000415 

 Il est dit en la Genese qu'un jour Jacob avec ses enfans et toute sa famille, qui estoit tres grande, alla poser ses tentes et pavillons pres de la ville de Sichem.

  A010000415 

 La voyla qui se promene toute seule par cette grande ville de Sichem, considerant de tous costés ses merveilles et singularités.

  A010000415 

 Le predicateur qui a fait [157] aujourd'huy le grand sermon a commencé sa predication par un trait admirable que je ne lairray pas de vous rapporter, car c'est un mets bien propre pour servir à deux tables et il le sera aussi à conclure mon exhortation.

  A010000415 

 Mais il advint que le fils du Roy estant lors à la fenestre l'apperceut, et la voyant douée d'une si rare beauté s'informa qui elle estoit.

  A010000416 

 L'Escriture dit en effect que l' ame de Sichem estoit collée avec celle de Dina; mais c'estoit d'une colle qui n'estoit guere forte, c'estoit un amour de paille, tel que les amours du monde qui ne sont point solides et qui ne durent que trois jours.

  A010000416 

 Le pere sçachant ce qui estoit arrivé, voulut y porter remede, car il connoissoit combien son fils estoit amoureux et passionné de Dina.

  A010000419 

 Il fut donc appellé Jesus, qui signifie Sauveur..

  A010000419 

 Il pouvoit asseurement satisfaire à la justice divine pour tous nos pechés par un seul souspir de son sacré cœur, mais il n'auroit pas contenté son amour qui vouloit qu'en prenant le nom de Sauveur il donnast son sang pour arrhes de celuy qu'il vouloit respandre pour nostre redemption.

  A010000419 

 Mais achevons en disant un mot du nom qui fut imposé à Nostre Seigneur, et nous fermerons tout cecy par une autre histoire.

  A010000420 

 Le premier est celuy de souverain Estre, qui luy tellement reservé qu'il ne se peut attribuer à pas un autre; en ce nom il se connoist luy mesme par luy mesme.

  A010000420 

 Le second est celuy de Createur qui ne peut estre aussi donné qu'à luy, car nul n'est createur que luy; en ce nom il se connoist soy mesme par soy mesme, mais il se connoist encores en ses creatures.

  A010000420 

 Mais en outre, il en a encores un qui est celuy de Christ, qui signifie grand Prestre, oint de Dieu.

  A010000420 

 Nostre Seigneur, disent nos anciens Peres, outre ses divers noms et tiltres, en a trois qui luy appartiennent [160] essentiellement.

  A010000422 

 Cependant, Dieu qui tenoit le parti de Jephté parce que sa cause estoit juste, le favorisa en telle sorte qu'il en massacra quarante deux mille, laissant Ephraïm et tout le reste du peuple bien estonné de se voir ainsy mis en vau de route.

  A010000422 

 Or Jephté plaça un corps de garde et des sentinelles sur le quay du Jourdain et leur donna le mot du guet, disant: Demandez à ceux qui voudront avoir le passage quels ils sont; s'ils vous respondent qu'ils sont d'Ephraïm, massacrez-les, et s'ils le nient faites-leur dire vostre mot du guet: Scibboleth.

  A010000423 

 A nostre derniere heure, si Dieu nous fait tant de grace que de ne point mourir de mort soudaine, nous aurons un prestre aupres de nous qui tiendra un cierge beni entre ses mains et qui nous criera: Souvenez-vous de nostre Redempteur; dites Jesus, dites Jesus.

  A010000423 

 Bienheureux seront ceux qui le prononceront devotement et avec un tres profond ressentiment de ce que le Sauveur nous a rachetés par son sang et par sa Passion, car ceux qui le nommeront bien en ce temps là seront sauvés; comme au contraire ceux qui ne le diront pas bien et qui le prononceront laschement et delicatement seront damnés et massacrés.

  A010000423 

 C'est à ce nom sacré que tous les genoux flechissent; c'est luy qui resjouit les Anges, qui sauve les hommes et qui fait trembler les diables.

  A010000427 

 Le second nom est celuy de la Purification de la Vierge, parce que la Loy ordonnoit que les femmes iroyent au Temple quarante jours apres leur accouchement pour se purifier, et qu'elles apporteroyent deux animaux pour offrande (les deux tourterelles offertes par la Vierge sacrée estoyent un signe et tesmoignage de sa purification); ou, comme disent quelques autres, la feste du Rencontre, parce qu'en ce jour les differentes sortes de gens qui sont en l'Eglise de Dieu se rencontrerent quasi toutes au Temple.

  A010000427 

 Le troisiesme nom qu'on luy a donné est la feste de saint Simeon le juste, parce qu'il se trouva alors au Temple, où il eut l'assouvissement de ses desirs, ce qu'il tesmoigna entonnant ce beau cantique: Nune dimittis servum tuum, Domine, et ce qui suit.

  A010000427 

 Là se trouverent Nostre Dame et saint Joseph qui estoyent à la fois vierges et mariés, saint Simeon qui estoit prestre, selon la plus commune opinion des anciens Peres; là se trouva aussi la bonne Anne prophetesse qui estoit vefve, et Nostre Seigneur qui estoit Dieu et homme.

  A010000428 

 Cette feste est la fin de toutes celles qui se celebrent en l'honneur de l'Incarnation, car celles que nous solemniserons desormais ne regarderont plus ce mystere ni l'enfance du Sauveur, mais ouy bien sa Mort, sa Resurrection et Ascension; en somme, ce seront les festes de nostre Redemption.

  A010000428 

 Cette offrande nous est merveilleusement bien representée par les ceremonies que l'on fait aujourd'hy en l'Eglise; car la procession avec les cierges allumés nous rappelle cette divine procession de Vierge, quand elle alla au Temple portant entre ses bras son Fils, qui est la lumiere du monde.

  A010000428 

 De tous les sacrifices qui avoyent esté offerts à la divine Majesté dès le commencement du monde, aucun autre que celuy cy n'avoit esté esgal à ses merités; d'autant que si bien on luy immoloit plusieurs holocaustes et victimes, c'estoyent des sacrifices de bestes viles et abjectes, comme de moutons, veaux, taureaux ou oyseaux.

  A010000428 

 Lors donc que les Chrestiens portent les cierges en leurs mains, cela ne veut dire autre chose sinon que s'il leur estoit possible de porter Nostre Seigneur entre leurs bras comme firent Nostre Dame et le bienheureux Simeon, ils iroyent l'offrir au Pere eternel d'aussi bon cœur comme ils portent ces cierges qui le leur representent.

  A010000429 

 Ce mystere nous est bien representé par les cierges que nous portons à ce jour, auxquels se trouvent trois natures fort differentes l'une de l'autre, qui neanmoins sont tellement jointes et unies par ensemble qu'elles ne [165] font qu'un cierge: à sçavoir, la nature du feu, la nature de la meche ou luminon, et celle de la cire.

  A010000429 

 Or, en Nostre Seigneur il se trouve aussi trois substances qui pourtant ne font que deux natures, et ces deux natures, quoy que bien distantes et esloignées l'une de l'autre, ne forment qu'une personne.

  A010000430 

 Dieu fait sa demeure en soy, son centre n'estant autre que luy mesme; aussi, lors qu'il a voulu se communiquer à l'homme il est sorti de soy mesme: il a fait comme un effort, il a esté comme en ravissement et en extase par laquelle il est sorti de soy pour se communiquer à sa creature; mais il n'eust peu demeurer en terre ni estre veu des hommes s'il ne se fust attaché à une nature qui luy servist en quelque façon de matiere pour le retenir.

  A010000430 

 Le feu est une lumiere qui esclaire; la Divinité est une lumiere qui esclaire les tenebres, mais ce qui est davantage, sa lumiere est si lumineuse et esclattante qu'elle en est toute tenebreuse et obscure, en sorte qu'elle ne peut estre regardée ni apperceuë en cette vie que par des ombres et figures.

  A010000430 

 Le feu fait sa demeure en la troisiesme region de l'air, il parpille tousjours en haut et jette ses estincelles contremont, et si l'on ne l'attachoit à quelque matiere on ne le pourroit retenir en terre; nous ne le voyons pas tel qu'il est en la region qui luy est propre, car il est au dessus de l'air, et bien qu'il soit chaud il ne nous brusle pas parce que sa chaleur est mitigée par l'air.

  A010000430 

 Le feu, qui est la premiere et la plus excellente nature du cierge, figure la Divinité.

  A010000431 

 L'homme est donc en quelque façon double, et tout ainsy que le corps a besoin d'estre uni à l'ame pour devenir lumineux, aussi l'ame, par une certaine correspondance, recherche cette union qui luy est necessaire; de mesme que le luminon a besoin d'estre uni à la cire pour esclairer, et qu'il faut esgalement que la cire soit jointe au luminon ou à la meche pour rendre de la clarté.

  A010000431 

 La nature du luminon est sans doute plus noble que celle de la cire, car les luminons sont faits pour l'ordinaire de coton, lequel croist sur des arbres grandement hauts; au contraire, chacun sçait que la cire est recueillie comme le miel par les avettes dans les fleurs qui mi sur la terre.

  A010000431 

 La seconde nature du cierge est celle du luminon, qui figure la nature de l'ame de Nostre Seigneur.

  A010000431 

 Or, quoy que, [167] comme nous l'avons dit, la nature de la cire et celle du luminon soyent bien differentes l'une de l'autre, l'une venant de la terre et estant façonnée par les avettes, l'autre croissant sur de grans arbres sans avoir besoin de l'industrie d'aucune creature pour le façonner, ayant esté fait tel qu'il est par le Createur mesme, neanmoins ces deux natures sont tellement unies et meslangées l'une dans l'autre ès cierges que nous portons, qu'elles ne font qu'un seul cierge, ce qui certes est admirable..

  A010000432 

 Mais sa tres sainte ame fut creée par Dieu, qui au mesme instant de sa creation, la respandit dans ce corps formé par la vertu du Saint Esprit; et dès lors ces deux substances de l'ame et du corps demeurerent tellement jointes et unies ensemble qu'elles ne firent qu'une seule nature parfaite..

  A010000432 

 Or, bien que l'ame et le corps soyent si differens l'un de l'autre, ils ne font neanmoins qu'une personne que nous appelions homme; voire mesme ils viennent à faire un tel meslange par cette union et jonction, que nous parlons des deux comme s'il n'y en avoit qu'un; tout ainsy que quand on parle de la bonté, beauté, ou telle autre qualité du cierge on ne distingue pas la cire ni le luminon, ains on dit seulement et en un mot: Ce cierge est beau ou bon, parlant des deux natures qui se trouvent en luy comme s'il n'y en avoit qu'une seule.

  A010000434 

 Or, cette nature divine ainsy jointe et unie à l'humaine, elles ont fait une telle liaison et communication entre elles, que l'homme a esté Dieu et Dieu a esté homme; de plut, les t rois substances qui se trouvent reunies en la personne de Nostre Seigneur ne forment que deux natures parfaites, à sçavoir la divine et l'humaine, lesquelles, quoy qu'infiniment esloignées l'une de l'autre, ne font neanmoins en l'Incarnation qu'une seule Personne.

  A010000435 

 Comment donc va-t-elle aujourd'huy au Temple pour se purifier? Certes, jusqu'à cette heure-là toutes les femmes qui devenoyent meres estoyent souillées, ce qui estoit une des consequences du peché originel; c'est pourquoy non seulement elles, mais aussi les enfans qui naissoyent en peché avoyent besoin de cette purgation, laquelle ils recevoyent en une façon bien rigoureuse.

  A010000435 

 Helas! quoy que ce ne soit pas nous qui ayons peché, neanmoins nous avons tous esté entachés de la coulpe de nostre premier pere Adam, et avons fait nostre entrée au monde comme enfans d'ire, chargés du pesant faix de nos iniquités.

  A010000435 

 Mais ce divin Enfant, non plus que sa Mere, n'avoit point besoin de purification, car non seulement il n'avoit aucun peché, ains ce qui est davantage, il n'en pouvoit point avoir; il estoit impossible que le peché se trouvast en luy, en luy, dis-je, qui estoit venu pour le destruire; luy mesme l'a protesté.

  A010000435 

 Tout le monde est en un estonnement nompareil de voir que cette tres sainte Dame se soit voulu assujettir à la loy de la Purification, elle qui estoit vierge, et qui par consequent n'en avoit point besoin.

  A010000437 

 Je vous diray donques briefvement l'histoire de la cheute de nos premiers pere et mere, Adam et Eve; elle ne sera pas hors de propos, puisque Nostre Seigneur, dont il est fait mention en cette feste, est appellé le nouvel Adam, qui est venu pour reparer la faute du premier, et par son obeissance satisfaire à la desobeissance d'iceluy, et que Nostre Dame est nommée la nouvelle Eve.

  A010000437 

 Or, il est escrit que Dieu avoit creé l'homme et la femme en la justice originelle, ce qui les rendoit extremement beaux et tellement capables de la grace qu'il n'y avoit point en eux de peché, ni par consequent fin rebellion de la chair à l'esprit.

  A010000438 

 Le voyla donques qu'il prend à cet effect un corps de serpent; il s'entortille à un arbre, et s'addressant à Eve comme à la partie la plus foible, il commence à l'arraisonner en cette sorte: Pourquoy Dieu qui vous a mis dans ce lieu vous a-t-il defendu de manger de tous les fruits qui y sont? Elle luy respondit ainsy, mais certes tout effrayée et tremblottante: Il ne nous a pas defendu de manger de tous les fruits, mais seulement de ne point toucher ni manger de celuy cy.

  A010000438 

 Or Satan, cet esprit malin qui avoit tresbuché du Ciel par une desobeissance procedante de son amour propre et de sa propre estime, considerant la beauté de la nature humaine s'advisa d'essayer de la faire descheoir de cette justice originelle qui la rendoit si belle et aggreable; et comme l'amour propre et l'estime de soy avoyent causé sa desobeissance et par consequent sa perdition, il presenta la mesme tentation à nos premiers parens pour voir si, moyennant ses ruses, cet amour propre et vaine estime auroyent autant de prise sur eux comme ils en avoyent [171] eu sur luy.

  A010000439 

 C'est à quoy tendoit en premier lieu sa tentation, que de faire faire cette responce à Eve, car par icelle, elle tesmoignoit du degoust [172] et de la haine, comme si elle disoit: Il ne nous a pas seulement defendu d'en manger, ains encor de le toucher, et par consequent de le regarder, ce qui est une chose bien estrange et severe.

  A010000439 

 Voyla donques le degoust et la haine de l'obeissance qui est, comme nous l'avons monstre, le premier degré de la desobeissance..

  A010000440 

 Grand malheur que celuy cy et qui n'arrive que trop en ce siecle!.

  A010000440 

 Or, nous voyons aussi que tous ces miserables qui se perdent en se retirans de l'Eglise passent par ce degoust et cette haine des commandemens; car Dieu a ordonné que les prestres et les ecclesiastiques garderoyent inviolablement la chasteté et virginité, et le diable est venu demander: Pourquoy a-t-on fait ce commandement? Et, voyla qu'il parvient à le faire haïr et persuader à plusieurs de se retirer de l'Eglise pour avoir la liberté de ne le pas observer.

  A010000441 

 On doit demeurer à table en silence jusques à la fin du repas pour entendre la lecture qui s'y fait: Hé Dieu, à quel propos tout cecy? ne vaudroit-il pas mieux sortir quand on a achevé? En somme, c'est le degoust des commandemens qui fait raysonner ainsy et qui nous fait manquer à l'obeissance..

  A010000441 

 Un autre qui fera profession d'estre bon Chrestien: Or, pensera-t-il, voicy le Caresme auquel il faudra jeusner, car c'est un commandement de l'Eglise; oh, je le feray, mais si j'estois Pape j'abolirois le Caresme à fin de ne plus observer le jeusne.

  A010000441 

 Une fille qui n'aymera pas le silence dira librement: Hé Dieu, tant de silence, à quel propos en tant garder? ne seroit-il pas mieux à cette heure de parler que de se taire? Maintenant que j'ay une [173] si belle conception en l'esprit il me feroit si grand bien de la dire, elle causeroit tant de suavité à ceux qui l'entendroyent, et il n'est point loysible de la raconter! Neanmoins, si j'attens encor une demi heure je ne m'en souviendray plus et ne sçauray que c'est.

  A010000441 

 Voyez-vous le degoust du silence comme il fait parler? Une autre qui n'aymera point aller à l'Office aux heures ordonnées sera dans sa cellule sur quelque bonne cogitation, et voyla le signe qui l'appelle pour aller au chœur: O Dieu, pensera-t-elle, ne seroit-il pas mieux de ne pas me rendre en tel lieu? j'estois en ma cellule sur une si bonne pensée, peut estre que si j'y eusse encor un peu demeuré j'eusse eu quelque ravissement, et cependant il me faut maintenant aller chanter au chœur.

  A010000442 

 Il est vray, mais les autres femmes, desquelles je dois estre l'exemple, en ont besoin; j'obeis donc à cette loy tant pour l'amour que je luy porte que pour le profit de celles qui y sont tenues.

  A010000442 

 Mais la sacrée Vierge s'assujettit volontiers à la loy de la purification parce qu'elle aymoit le commandement, et la chose commandée luy estoit si pretieuse, qu'encores qu'elle n'y fust pas obligée elle ne laissa pas de l'accomplir à cause de l'amour qu'elle portoit à l'obeissance et à Dieu qui avoit fait ce commandement.

  A010000442 

 O que bienheureux sont ceux qui ayment les commandemens de Dieu, et qui ne font pas seulement ce qu'ils sont obligés de faire, mais encores ce qui ne les oblige pas, s'y sousmettant pour le bien et edification des autres! C'est cet amour, que la sacrée Vierge portoit à l'obeissance et à l'edification du prochain qui la fit assujettir à la loy de la purification..

  A010000443 

 La seconde tentation ou le second degré de la tentation de desobeissance (j'en pensois dire trois, mais je ne parleray que de deux) est le mespris non seulement du [174] commandement, ains aussi de celuy qui commande.

  A010000443 

 Or, quand la tentation arrive jusques là que de faire haïr celuy qui commande, elle est dangereuse et extremement mauvaise, sur tout quand on vient à dire que celuy qui commande n'a point eu rayson de faire cette ordonnance, que cela est hors de propos, et que l'on profere des paroles de mespris de la chose commandée ou conseillée, à cause de la haine que l'on porte à celuy qui l'a ordonnée..

  A010000444 

 Celle-cy vient à son tour à mespriser Celuy qui leur avoit fait la defense, respondant au tentateur: Nous ne mangeons pas de ce fruit, de peur que, selon la parole du Seigneur, nous ne mourions.

  A010000444 

 Je sçay bien que l'on peut avoir des degousts et des aversions non seulement pour le commandement, ains encor pour ceux qui commandent; mais de dire quelque chose ou d'entretenir les pensées que ces degousts et repugnances fournissent, c'est ce qu'il ne faut jamais faire.

  A010000444 

 Neanmoins, c'est à quoy vise le malin esprit, et pour ce sujet il demande à Eve, comme en mesprisant l'ordre du Seigneur: Pourquoy Dieu vous a-t-il fait ce commandement? Quelle rayson, vouloit-il dire, de vous mettre en ce paradis terrestre et de vous defendre de manger de tous les fruits qui y sont? Mais il estoit un grand menteur, d'autant que Dieu n'avoit pas fait une telle defense; et certes, s'il l'eust faite, il semble qu'elle eust esté insupportable, car de mettre un homme et une femme dans un beau verger tout plein de fruits et leur l'aire une defense generale de n'en toucher pas un, c'eust esté un commandement bien difficile à observer.

  A010000445 

 Elle auroit sans doute eu plus de consolation de demeurer dans la pauvre grotte de Bethleem aupres de son sacré Enfant, et d'y continuer les doux et saints colloques qui se faisoyent entre ce Fils et cette Mere; mais comme elle estoit vrayement obeissante, elle ne faisoit aucun choix des commandemens, ains se sousmettoit à tous indifferemment; car ce n'est pas le propre des vrays enfans de Dieu de faire election de ceux qu'ils veulent prattiquer.

  A010000445 

 Les uns ayment la discipline, les autres la haire; qui voudra faire les choses de conseil et non celles de commandement; tel voudra jeusner le jour de Pasques, que l'Eglise ne commande pas, et ne voudra pas jeusner le jour des Cendres.

  A010000445 

 Mais nostre nouvelle Eve, à sçavoir la sacrée Vierge, aymoit, comme nous avons desja dit, non seulement le commandement, ains aussi Celuy qui l'avoit fait, c'est pourquoy elle s'en alla en Hierusalem pour se purifier, combien qu'elle ne fust point sujette à la loy de la purification.

  A010000445 

 Neanmoins il se trouve parmi les Chrestiens des heresies, non point certes telles que celles des heretiques qui sont hors de l'Eglise; cependant il y a des Chrestiens qui le veulent bien estre, et qui malgré cela ne veulent obeir qu'aux commandemens qu'ils affectionnent.

  A010000445 

 Vous en verrez qui aymans le jeusne voudront jeusner le jour de Pasques; et telles autres superstitions qui n'existent plus à cette heure, mais que nous avons veuës en un autre aage.

  A010000446 

 Je sçay bien qu'il prioit pour tout le monde et que ses prieres estoyent de grande utilité pour le public; cependant c'est une chose certaine que la perfection religieuse, c'est à dire la maniere de vivre des Religieux et Religieuses qui sont sous l'obeissance, surpasse de beaucoup la vie des anachoretes, car leur obeissance doit estre generale et sans exception d'aucune chose; ils n'ont point l'usage de leur liberté au choix de leurs exercices, ains ils se sousmettent aux Regles et Constitutions et aux directions particulieres des Superieurs.

  A010000446 

 N'est-ce pas une chose pouvantable de voir un saint Paul hermite au fond d'un desert, enfermé dans une grotte comme un sauvage, ne mangeant que du pain et ne beuvant que de l'eau? Certes, ce sont des choses du tout admirables, et neanmoins avec cela il usoit de sa liberté, ce qui soulageoit en quelque façon les austerités qu'il faisoit, parce qu'il y avoit du propre choix en cette maniere de vivre, ci ne travailloit que pour son salut particulier.

  A010000446 

 Or, cette obeissance absolue et sans reserve est ce qui releve les Religieux au dessus mesme des hermites [176] et anachoretes qui demeuroyent ès solitudes, y menant une vie plus admirable qu'imitable.

  A010000447 

 Je dois vous dire encor un mot sur le troisiesme nom d'icelle, qui est qu'on l'appelle la feste de saint Simeon le juste.

  A010000447 

 Les uns tiennent que cet enfant fut saint Martial, qui fut despuis Evesque de Limoges, mais la plus commune opinion est que ce fut saint Ignace martyr, duquel nous celebrasmes hier la feste et dont on fera demain l'Office, car il est transferé.

  A010000447 

 O que bienheureux fut ce glorieux saint Ignace qui fut pris de Nostre Seigneur et donné pour exemple aux Apostres! Que doux et pretieux fut ce bayser! Que de paroles sacrées et secrettes il dit à ce bien heureux enfant quand il le baysa! Qu'il fut heureux de se laisser porter et manier par le Sauveur, lequel pour recompense grava son nom sacré au fond de son cœur..

  A010000447 

 Pour vous, deduire ce troisiesme point, je vous presenteray un exemple profitable; et bien que j'en aye ja parlé d'autres fois, et mesme en ce lieu, je ne laisseray pas de vous le dire, car la plus grande partie de celles qui sont à present icy n'y estoyent pas alors; et puis, encores que l'on reparle d'un mesme sujet on ne dit pas tousjours les mesmes choses.

  A010000448 

 Or dites-moy, je vous prie, lequel estimez-vous estre le plus heureux, ou saint Ignace qui fut porté entre les bras de Nostre Seigneur, ou saint Simeon le juste qui le porta entre les siens? Dites-moy ce que vous aymeriez le mieux, ou d'estre portées par ce cher Sauveur comme saint Ignace, ou de le porter entre vos bras comme fit Simeon? Certes, tous deux sont bien heureux, et saint Ignace d'estre manié et porté non point où il veut mais où il plaist à Nostre Seigneur, et saint Simeon de porter entre ses bras Celuy qui luy causa tant de contentement qu'il respandit sur ce divin Seigneur une abondance de larmes de douceur et de consolation.

  A010000449 

 C'est ce que l'on fait quand on obeit aux inspirations generales qui sont marquées dans les Regles et Constitutions, et aux particulieres et secrettes qui se font au cœur.

  A010000449 

 Le grand saint Ignace fut bien heureux d'estre porté entre les bras du Sauveur et de ne plus marcher sur ses pieds mais sur les siens, puisque celuy qui est porté ne marche pas sur ses pieds ains sur ceux de celuy par lequel il est porté.

  A010000449 

 O que bienheureuse est l'ame qui ne chemine plus sur ses propres pieds, c'est à dire qui ne va plus selon ses propres affections et ses pensées, ni selon ses humeurs et inclinations! car l'ame a des pieds [178] spirituels aussi bien que le corps.

  A010000451 

 O que nous serons heureux si nous nous laissons bien porter par ce cher Seigneur, et si nous le portons sur nos espaules comme saint Christophe, et entre nos bras comme saint Simeon, nous abandonnant tout à luy pour nous laisser conduire comme il luy plaira! Remettez-vous donc entierement entre les bras de sa divine Providence, sousmettez-vous à ce qui est de sa loy et vous disposez à endurer toutes les peines qui vous pourront arriver en cette vie; ce faisant, les choses les plus dures et penibles vous seront rendues douces et suaves, et vous participerez au bonheur de saint Simeon et de saint Ignace.

  A010000456 

 C'est pourquoy j'ay pensé de vous parler en cette exhortation des conditions qui rendent le jeusne bon et meritoire, mais briefvement et le plus familierement qu'il me sera possible; ce que j'observeray tant aujourd'huy comme ès discours que je vous addresseray tous les jeudys de ce Caresme, lesquels seront des plus simples et propres pour vos cœurs, si j'y puis rencontrer..

  A010000457 

 Les anciens philosophes le gardoyent [181] et le recommandoyent: ce n'est pas qu'ils fussent vertueux pour cela, ni qu'ils pratiquassent une vertu en jeusnant, o non, puisque le jeusne n'est vertu sinon entant qu'il est accompagné des conditions qui le rendent aggreable à Dieu; de là vient qu'il proffite aux uns et non aux autres parce qu'il n'est pas fait esgalement de tous.

  A010000457 

 Mais c'est une pensée trop grossiere pour entrer dans le cœur des Religieuses, car c'est à vous à qui je parle, et aux personnes dediées à Nostre Seigneur.

  A010000458 

 C'est pourquoy nostre divin Maistre, qui a institué le jeusne, a bien voulu dans son sermon sur la montagne apprendre à ses Apostres comme il le failloit prattiquer, ce qui est d'un grand proffit et utilité (car il n'eust point esté seant à la grandeur et majesté de Dieu d'enseigner une doctrine inutile, cela ne se pouvoit faire); mais sçachant que pour tirer la force et l'efficace du jeusne il failloit observer autre chose que de s'abstenir des viandes prohibées, il les instruit, et par consequent les dispose à recueillir les fruits propres du jeusne, qui sont plusieurs, et entre tous les autres ces quatre icy: le jeusne fortifie l'esprit, mortifiant la chair et sa sensualité; il esleve l'ame en Dieu; il abat la concupiscence et donne force pour vaincre et amortir ses passions; en fin il dispose le cœur à ne chercher qu'à plaire purement à Dieu.

  A010000460 

 Combien de pechés sont entrés en l'ame par les yeux, que la Sainte Escriture marque pour la concupiscence de la veuë? C'est pourquoy il les faut faire jeusner, les portant bas et ne leur permettant pas de regarder des objets frivoles et illicites; les oreilles, les privant d'entendre les discours vains qui ne servent qu'à remplir l'esprit d'images mondaines; la langue, en ne disant point des paroles oyseuses et qui ressentent le monde ou les choses d'iceluy.

  A010000460 

 Il dit donques que le jeusne a esté institué de Nostre Seigneur pour remede à nostre bouche, à nostre gourmandise et à nostre gloutonie; car pour ce que le peché est entré au monde par la bouche, il faut aussi que ce soit la bouche qui fasse penitence par la privation des viandes prohibées et defendues par l'Eglise, s'abstenant d'icelles l'espace de quarante jours.

  A010000460 

 Mais, adjouste ce glorieux Saint, comme ce n'est pas nostre bouche seule qui a peché, ains encor tous nos autres sens, il est requis que nostre jeusne soit general et entier, c'est à dire que nous fassions jeusner tous les membres de nostre corps; car si nous avons offensé Dieu par les yeux, par les oreilles, par la langue et par nos autres sens, pourquoy ne les ferons-nous pas jeusner? Et non seulement il faut faire jeusner les sens du corps, ains aussi les puissances et passions de l'ame, ouy mesme l'entendement, la memoire et la volonté, d'autant que l'homme a peché par le corps et par l'esprit.

  A010000462 

 Voyla comme leur jeusne estoit accompli d'un cœur entier et general; car ils sçavoyent bien que puisque ce n'est pas la bouche seulement qui a peché, mais encores tous les autres sens de nostre corps et puissances de nostre ame, ses passions et appetits se sont par consequent trouvés remplis d'iniquités.

  A010000463 

 Or, comme d'apres l'Apostre, tout ce qui se luit sans la charité n'est point aggreé de Dieu, aussi dis je de mesme avec ce grand Saint, que si vous jeusnez sans humilité vostre jeusne ne vaudra rien; car si vous n'avez l'humilité vous n'avez pas la charité, et si vous estes sans charité vous estes aussi sans humilité, d'autant qu'il est presqu'impossible d'avoir la charité sans estre humble et d'estre humble sans avoir la charité, ces deux [185] vertus ayans une telle sympathie et convenance par ensemble qu'elles ne peuvent jamais aller l'une sans l'autre..

  A010000463 

 Voicy le Caresme qui approche; preparez vous à jeusner avec charité, car si vostre jeusne est fait sans icelle, il sera vain et inutile, d'autant que le jeusne, comme toutes les autres bonnes œuvres, s'il n'est pas fait en charité et par la charité n'est point aggreé de Dieu.

  A010000464 

 Et qu'est-ce que jeusner par sa propre volonté? C'est jeusner comme on veut, et non point comme les autres veulent; jeusner en la façon qui nous plaist, et non point comme on nous l'ordonne et conseille.

  A010000464 

 Or, comme est-ce que l'on jeusne pour la vanité? En cent et cent façons qui nous sont marquées en la Sainte Escriture; mais je me contenteray de vous en dire une, car il ne faut pas charger vostre memoire de beaucoup de choses.

  A010000464 

 Qui fait cela sinon la vanité et la propre volonté? car tout ce qui vient de nous nous semble estre meilleur, et nous est beaucoup plus aysé et facile que ce qui nous est enjoint par autruy, quoy que plus utile et propre pour nostre perfection.

  A010000464 

 Vous en trouverez qui veulent jeusner plus qu'il ne faut, et d'autres qui ne veulent pas jeusner autant qu'il faut.

  A010000465 

 Grande folie que celle-là! Mais voyez que c'est de l'esprit humain: parce que le jeusne que ces personnes s'imposent le samedy à l'honneur de nostre glorieuse Maistresse vient de leur propre volonté et election, il leur semble qu'il soit plus saint et qu'il les conduise à une plus grande perfection que ne feroit pas le jeusne du Caresme qui est commandé.

  A010000465 

 Mettons un chacun la main à nostre conscience et nous trouverons que tout ce qui vient de nous, de nostre propre sens, choix et election nous l'estimons et aymons bien mieux que ce qui vient d'autruy.

  A010000465 

 Nous y avons une certaine complaisance qui nous facilite les choses les plus ardues et difficiles, et cette complaisance est presque tousjours vanité.

  A010000465 

 Vous trouverez des femmes qui veulent jeusner tous les samedis de l'année et non le Caresme; elles veulent jeusner à l'honneur de Nostre Dame et non à celuy de Nostre Seigneur, comme si Nostre Seigneur et Nostre Dame ne tenoyent pas rendu à l'un le culte qui est deferé à l'autre, et qu'en honnorant le Fils par le jeusne fait à son intention l'on ne contentast pas [186] la Mere, ou qu'en honnorant la Vierge l'on n'aggreast pas au Sauveur.

  A010000466 

 C'est ce qui faisoit que le grand Apostre se plaignoit, disant: Nous nous trouvons bien empeschés avec deux sortes de gens pour ce qui regarde le jeusne; car les uns ne veulent pas jeusner autant qu'ils doivent et ne se peuvent contenter des viandes permises (ce que l'ont encores aujourd'huy plusieurs mondains lesquels pour ce sujet alleguent mille raysons; mais je ne suis pas icy pour parler de telles choses, car c'est à des Religieuses à qui je m'addresse).

  A010000466 

 Ces gens ne jeusnent point par humilité ains par vanité; ils ne reconnoissent pas qu'estans foibles et infirmes, ils feroyent beaucoup plus pour Dieu de ne pas jeusner par le commandement d'autruy et de se servir des viandes qui leur sont ordonnées, que de vouloir s'en abstenir par leur propre volonté; car si bien, à cause de leur foiblesse, leur bouche ne peut faire abstinence, il faut qu'ils fassent [187] jeusner les autres sens du corps et les passions et puissances de l'ame..

  A010000466 

 Il y en a d'autres qui pretendent jeusner plus qu'il ne la ut, et avec ceux cy l'on a plus de peine qu'avec les premiers.

  A010000466 

 Mais nous avons plus de peine avec les foibles et infirmes qui n'ont pas la force de jeusner; car ils ne veulent point ouyr de raysons ni se persuader qu'ils n'y sont pas tenus, et malgré que nous en ayons ils s'opiniastrent à jeusner plus qu'il n'est requis, ne voulans point user des viandes que nous leur ordonnons.

  A010000467 

 Ceux qui jeusnent la sainte Quarantaine ne s'en doivent point cacher, d'autant que l'Eglise ordonne ce jeusne et veut qu'un chacun sçache que nous l'observons; il ne le faut donques pas nier à ceux qui nous le demanderont pour leur edification, puisque nous sommes obligés d'oster tout sujet de scandale à nos freres.

  A010000467 

 Ne faites point, dit Nostre Seigneur, comme les hypocrites, lesquels quand ils jeusnent sont tristes et melancoliques à fin d'estre loués des hommes et estimés grans jeusneurs; mais que vostre jeusne se fasse en secret; lavez alors vostre face, oignez vostre chef, et vostre Pere celeste qui voit le secret de vostre cœur vous sçaura bien recompenser.

  A010000468 

 Car quoy que le jeusne et les autres penitences soyent bonnes et louables, si est ce neanmoins que n'estans pas pratiquées par ceux avec lesquels vous vivez, il y auroit de la singularité et partant de la vanité, ou du moins quelque tentation de vous surestimer par dessus ceux qui ne font point comme vous, et cela par une certaine complaisance en vous mesmes, comme si vous estiez plus saints qu'eux en faisant de telles choses.

  A010000468 

 Le glorieux saint Augustin, en la Regle qu'il a escrite pour ses Religieux, et encores en celle de ses Religieuses (car il les a dressées toutes deux, et l'une apres l'autre), ordonne qu'on suive la communauté autant qu'il se peut, comme voulant dire: Ne soyez pas plus vertueux que les autres, ne veuillez pas faire plus de jeusnes, plus d'austerités, de mortifications qu'il ne vous en est ordonné; faites seulement ce que les autres font et ce qui vous est commandé par vos Regles, selon la maniere [188] de vivre que vous tenez, et vous contentez.

  A010000468 

 Que les forts et robustes mangent ce qui leur est donné, gardent les jeusnes et austerités qui sont marqués, et qu'ils se contentent de cela; que les foibles et infirmes reçoivent ce qui leur est presenté pour leur infirmité, sans vouloir faire ce que font les robustes; et que les uns et les autres ne s'amusent point à regarder ce que celuy cy mange et ce que celuy là ne mange pas, ains que chacun demeure satisfait de ce qu'il a et de ce qui luy est donné: par ce moyen vous eviterez la vanité et particularité..

  A010000469 

 Dieu luy inspira cette retraitte si extraordinaire à fin de rendre recommandables les deserts qui estoyent pour lors inhabités et qui par apres devoyent estre habités par tant de si saints Peres; mais ce n'estoit pourtant pas à fin que chacun suivist saint Paul, ains seulement pour qu'il fust un mirouer et prodige de vertus, digne d'estre admiré et non imité de tous.

  A010000470 

 L'araignée ourdit sa toile à la veue de tout le monde et jamais en secret; elle la va filant par les vergers, d'arbre en arbre, dans les maisons, aux fenestres, aux planchers, en somme sous les yeux de tous: elle ressemble en cela aux vains et hypocrites qui font toutes choses pour estre veus et admirés des hommes; aussi leurs œuvres ne sont-elles que des toiles d'araignées, propres à estre jettées dans le feu d'enfer.

  A010000470 

 Mais les avettes sont plus sages et prudentes, car elles mesnagent leur miel dans la ruche où personne ne les peut voir, et outre cela elles se bastissent des petites cellules où elles continuent leur travail en secret; ce qui nous represente fort bien l'ame humble, laquelle est tousjours retirée en soy mesme, sans chercher aucune gloire ni louange de ses actions, ains elle tient son intention cachée, se contentant que Dieu la voye et sçache ce qu'elle fait..

  A010000470 

 Ne faites pas comme l'araignée, qui represente les orgueilleux, ains comme l'avette, qui est le symbole de l'ame humble.

  A010000471 

 Ils ne censuroyent point les actions d'autruy, ils n'estoyent pas comme ceux qui vont tousjours espluchant les faits du prochain, faisant sur tout ce qu'ils voyent des livres, des commentaires et des interpretations..

  A010000471 

 [190] Donques, pendant cette conférence un des Religieux qui avoit fait deux nattes en un jour, vint les estendre au soleil en la presence de tous ces Peres.

  A010000472 

 Ces bons Religieux ne penserent donques rien de celuy qui estendoit ainsy ses deux nattes; mais saint Pacome, qui estoit son Superieur et à qui seul il appartenoit d'examiner le mouvement qui le poussoit, entra un peu en consideration sur cette action; et comme Dieu donne tousjours sa lumiere à ceux qui le servent, il luy fit connoistre que ce Frere estoit conduit par un esprit de vanité et de complaisance pour ses deux nattes, et qu'il avoit fait cela à fin que luy et tous les autres Peres vissent qu'il avoit bien travaillé ce jour-là.

  A010000472 

 Mais saint Pacome, qui avoit l'Esprit de Dieu, les luy fit jetter au feu et demander à tous les Religieux de prier pour celuy qui avoit travaillé pour l'enfer; puis il le fit mettre cinq mois en prison pour penitence de sa faute, à fin de servir d'exemple aux autres et leur apprendre à faire leurs œuvres avec humilité..

  A010000473 

 De mesme plusieurs autres, qui n'estans pas maigres ne laissoyent pas d'estre grandement austeres et excellens serviteurs de Dieu.

  A010000473 

 Mais le monde, qui ne regarde que l'exterieur, ne tient pour saints que ceux qui sont pasles et desfaits.

  A010000473 

 Que vostre jeusne ne ressemble point à celuy des [191] hypocrites, qui font les mines melancoliques et qui n'estiment saints que ceux qui sont maigres.

  A010000474 

 (Plusieurs Saints en faisoyent un si grand estât qu'ils ne se couchoyent jamais sans en avoir leu un chapitre pour recueillir leur esprit en Dieu.) Il dit donc: Que te proffitera-t-il de faire ce que tu fais pour les yeux des creatures? Rien que vanité et complaisance, qui ne sont bonnes que pour l'enfer; mais si tu accomplis ton jeusne et toutes tes œuvres pour plaire à Dieu seul, tu travailleras pour l'eternité, sans te complaire en toy mesme, ni te soucier si tu es veu ou non des hommes, d'autant que ce que tu fais n'est pas pour eux, et que ce [192] n'est point d'eux que tu attens ta recompense.

  A010000474 

 C'est ce qu'enseigne tres bien ce grand Pere de la vie spirituelle, Cassian, au livre de ses Collations, qui est du tout admirable.

  A010000474 

 Cependant, quoy que tous les hommes doivent chercher de ne plaire qu'à Dieu, si est-ce que les Religieuses et les personnes qui luy sont dediées doivent avoir un soin tout particulier de cecy, ne visant qu'à luy, se contentant que luy seul voye leurs œuvres et n'attendant aussi que de luy leur recompense.

  A010000475 

 Chacun scait qu'il est ordonné en expiation du peché de nostre premier pere Adam, lequel prevariqua en rompant le jeusne qui luy estoit enjoint par la defense de manger du fruit de l'arbre de science; pour ce, il faut que la bouche fasse penitence en s'abstenant des viandes prohibées.

  A010000475 

 Plusieurs ont des difficultés sur ce sujet; mais je ne suis pas icv pour y respondre, ni moins pour dire quels sont ceux qui sont obligés au jeusne.

  A010000476 

 Et discourant sur la defense qui leur estoit faite: Hé quoy, dirent-ils, dirent-ils, encores que Dieu nous ayt menacés de la mort, si est-ce que pour cela nous ne mourrons pas, car il ne nous a pas creés, pour nous faire mourir.

  A010000478 

 Ce que voyant, ceux qui les traittoyent penserent que c'estoit chose perdue d'en faire cuire puisque nul n'en prenoit que ces enfans..

  A010000478 

 Celuy cy estant un jour sorti de son monastere pour quelque affaire qu'il avoit dans la grande abbaye de son Ordre, où vivoyent trois mille moines, recommanda à ses Freres d'avoir soin de quelques petits Religieux qui estoyent venus à luy par une particuliere inspiration.

  A010000479 

 Or, saint Pacome revenant, ils sortirent tous à guise d'abeilles, courant au devant de luy: qui luy baysoit la main, qui la robe, comme à leur cher Pere.

  A010000479 

 Sur cela le saint Pere luy fit en presence de tous une bonne correction, puis il commanda que l'on jettast au feu toutes ses nattes ou stolles, disant qu'il failloit brusler ce qui estoit fait sans obeissance; car, adjousta-t-il, je sçavois bien ce qui estoit propre pour ces enfans, lesquels il ne faut pas traitter comme les anciens; et cependant vous avez voulu, contre l'obeissance, faire les discrets.

  A010000479 

 Voyla comme ceux qui oublient [194] les ordonnances et commandemens de Dieu, qui font des interpretations ou qui veulent faire des prudens sur les choses commandées se mettent en peril de mort; car tout leur travail accompli selon la propre volonté ou la discretion humaine n'est digne que du feu..

  A010000491 

 C'est un advertissement du Sage: Mon fils, dit-il, qui as dessein de servir Dieu, prepare ton ame à la tentation; car c'est une verité infaillible que nul n'est exempt de tentation lors qu'il est bien resolu de servir Dieu.

  A010000492 

 Premierement je remarque que, bien que nul ne puisse estre exempt de tentation, nul pourtant ne la doit rechercher ni aller de soy mesme au lieu où elle se trouve; car indubitablement, celuy qui la cherchera perira en icelle.

  A010000493 

 Je trouve dans la Sainte Escriture deux jeunes princes [196] qui nous fournissent d'exemples sur ce sujet, dont l'un rechercha la tentation et perit en icelle, et l'autre au contraire ne la recherchant point la rencontra neanmoins ci demeura victorieux dans le combat.

  A010000494 

 Au contraire, le jeune prince Joseph, qui fut par apres vice roy d'Egypte, ne rechercha nullement la tentation, de sorte que la rencontrant il ne perit point en icelle.

  A010000494 

 Il fut vendu par ses freres, et la femme de son maistre le porta dans le peril; mais luy, qui n'avoit jamais mignardé ni regardé les doux yeux de sa maistresse, resista genereusement à ses assauts et demeura vainqueur, triomphant ainsy et de la tentation et de celle-là mesme qui la luy donnoit.

  A010000494 

 Si nous sommes conduits par l'Esprit de Dieu au lieu de la tentation ne craignons point, ains [197] tenons-nous asseurés qu'il nous rendra victorieux; mais ne la recherchons pas, ni ne l'allons point agacer, pour saints et genereux que nous pensions estre, car nous ne sommes pas plus vaillans que David ou que nostre divin Maistre mesme qui ne la voulut point chercher.

  A010000495 

 Ils n'ont pas si tost fait leur dessein que la tentation les attaque, ainsy que dit saint Pierre: Qui vous a tentés de mentir au Saint Esprit? Et le grand Apostre saint Paul, dès qu'il se fut donné au service divin et rangé du parti du Christianisme, le voyla tout incontinent tenté pour le reste de sa vie, luy qui tandis qu'il estoit ennemy de Dieu et qu'il persecutoit les Chrestiens n'avoit jamais senti les atteintes d'aucune tentation; au moins ne nous en tesmoigne-t-il rien par ses escrits, ains seulement dès qu'il fut converti par Nostre Seigneur..

  A010000497 

 Il dit donques ainsy, comme s'il ne se fust addressé aux Chrestiens ou à quelqu'un en particulier: O que vous estes heureux, vous qui estes armés de la verité de Dieu, car elle vous servira comme d'un bouclier contre les traits de vos ennemis, et fera que vous demeurerez victorieux.

  A010000497 

 Ne craignez donques point, o ames bonites, qui estes armées de cette armeure de verité.

  A010000497 

 Non autres, mes cheres ames, sinon celles dont parle le Psalmiste dans le Psalme que nous recitons tous les jours à Complies: Qui habitat in adjutorio Altissimi, dans lequel nous apprendrons une doctrine admirable.

  A010000497 

 Non, ni les craintes nocturnes, car vous n'y tresbucherez point; ni les sagettes qui volent en l'air en plein jour, car elles ne vous sçauroyent offencer; ni les negociations qui se font en la nuit, ni moins l'esprit qui marche et se monstre en plein midy..

  A010000497 

 Passons outre, et considerons un peu de quelles armes se servit Nostre Seigneur pour rembarrer le diable qui le vint tenter au desert.

  A010000498 

 Quiconque est armé de la foy ne doit rien craindre, et c'est l'unique arme necessaire pour rembarrer et confondre nostre ennemy; car qu'est-ce, je vous prie, qui pourra nuire à celuy qui dira: Credo, «Je crois en Dieu» qui est nostre Pere, et nostre «Pere tout puissant?» En disant ces paroles nous monstrons que nous ne nous confions point en nos forces, et que ce n'est qu'en la vertu de Dieu, «Pere tout puissant,» que nous entreprenons le combat et que nous esperons la victoire.

  A010000499 

 Tout de mesme qu'un homme qui seroit vestu du haut en bas de fin acier ne pourroit en façon quelconque estre offencé par les coups de pique, d'autant qu'elle glisseroit de part et d'autre sans seulement esgratigner les armes; ainsy la tentation pouvoit bien environner Nostre Seigneur, mais non jamais entrer en luy ni faire aucune lesion à son integrité et à sa parfaite pureté.

  A010000500 

 La crainte est la premiere tentation que l'ennemy presente à ceux qui sont resolus de servir Dieu, car dès aussi tost qu'on leur enseigne ce que la perfection requiert de nous: Helas! pensent-ils, jamais je ne pourray faire cela.

  A010000500 

 [200] Hé, ne vous troublez point et ne faites point ces chimeres d'apprehension de ne pouvoir accomplir ce à quoy vous vous estes obligées, puisque vous estes armées et environnées de la verité de Dieu et de sa parolle; car vous ayant appellées à cette maniere de vie et en cette maison, pourveu que vous marchiez simplement en vostre observance, il vous fortifiera et vous donnera la grace de perseverer et de faire ce qui est requis pour sa plus grande gloire et pour vostre plus grand salut, c'est à dire vostre plus grande felicité..

  A010000501 

 Ne vous estonnez donques point, et ne faites pas comme les paresseux qui se troublent quand ils se resveillent la nuit par l'apprehension que le jour viendra bien tost auquel il faudra travailler.

  A010000501 

 Oh, disent-ils, si je m'adonne au service de Dieu il me faudra tant travailler pour resister aux tentations qui m'attaqueront! Vous avez bien rayson, car vous n'en serez pas exempts, d'autant que c'est une regle generale que tous les serviteurs de Dieu sont tentes, ainsy que l'escrit saint Hierosme en cette belle epistre qu'il addresse à sa chere fille Eustochium..

  A010000502 

 A qui voulez-vous, je vous prie, que le diable presente ses tentations sinon à ceux qui les mesprisent? Les pecheurs se tentent eux mesmes, le demon les tient desja pour siens: ils sont ses confederés parce qu'ils ne rejettent point ses suggestions, ains au contraire ils les cherchent et la tentation reside en eux.

  A010000502 

 Au monde le diable ne se travaille pas beaucoup pour tendre ses embusches; mais ès lieux retirés, c'est là où il pense avoir un grand gain en faisant descheoir les ames qui s'y enferment pour servir plus parfaittement la divine Majesté.

  A010000502 

 Et qui ne s'en estonneroit? voir une ame hors de la [201] grace de Dieu se resjouir! O que leurs joyes sont vaines et leurs allegresses trompeuses, car elles sont suivies des douleurs et des regrets eternels.

  A010000504 

 Confions-nous en Dieu, qui est nostre «Pere tout puissant,» en la vertu duquel toutes choses nous seront rendues faciles, quoy que d'abord elles nous espouvantent un peu..

  A010000504 

 Levez-vous de vostre lit, paresseux, car il est temps, et ne vous espouvantez pas du travail de la journée, car c'est une chose ordinaire que la nuit estant donnée pour le repos, le jour qui vient apres est destiné au travail.

  A010000504 

 Puisque la tentation a une merveilleuse force sur nous quand elle nous trouve oyseux, travaillons donques et ne nous lassons point, si nous ne voulons perdre le repos eternel qui nous est preparé pour nous recompenser de nos travaux.

  A010000505 

 Hé, donques, veut dire le Psalmiste, que craignez-vous, vous qui estes environnés de la verité et armés du fort bouclier de la foy qui vous apprend que Dieu est vostre «Pere tout puissant?» Tendez-luy la main et ne vous espouvantez point, car il vous sauvera et protegera contre tous vos ennemis.

  A010000505 

 Les enfans, si vous y prenez garde, sont grandement craintifs dès qu'ils sont hors du sein de leur mere; de sorte que s'ils voyent un chien qui abbaye, soudain ils se prennent à crier et ne cessent point qu'ils ne soyent aupres de leur maman.

  A010000505 

 Ne voyez-vous pas que saint Pierre, quand il croyoit enfoncer dans la mer, apres qu'il eut fait cet acte si genereux de s'y jetter et de marcher sur les eaux pour s'approcher plus promptement de nostre divin Sauveur qui l'appelloit, soudain qu'il commença à craindre et en mesme temps à s'enfoncer, Seigneur, s'escria-t-il, sauvez-moy.

  A010000506 

 Chimere et enfance tres grande! Telles sont bien souvent les personnes qui viennent nouvellement au service de Dieu: elles font les hardies, il semble qu'elles ne [203] mangeront jamais assez le crucifix et que rien ne leur sçauroit suffire; elles ne pensent rien moins que de vivre tousjours'en repos et tranquillité, et que chose aucune ne pourra surmonter leur courage et generosité..

  A010000506 

 Ou bien il s'en rencontre d'autres qui, allans aux champs, des qu'ils voyent de loin l'ombre des arbres s'espouvantent bien fort, croyant que c'est quelqu'un qui les attend.

  A010000507 

 C'est ce qui arriva au pauvre saint Pierre, lequel estant encores fort enfant en la vie spirituelle, fit cet acte de generosité dont je parlois tantost; mais il en fit encores un autre par apres qui luy cousta cher: ce fut lors que Nostre Seigneur annonçoit à ses Apostres comment il devoit souffrir la mort.

  A010000507 

 Saint Pierre, qui estoit grandement prompt à parler mais lasche et couard à faire, commença à se vanter: Quoy, Seigneur, tu dis que tu dois aller à la mort? et moy aussi je ne t'abandonneray jamais.

  A010000508 

 De mesme en arrive-t-il à ces jeunes ames qui tesmoignent tant d'ardeur en leur conversion: tandis que ces premiers sentimens de devotion durent elles font des merveilles; il leur semble que rien n'est difficile au chemin de la perfection et que rien ne peut attiedir leur courage; elles desirent tant d'estre mortifiées, d'estre bien esprouvées à fin de monstrer leur generosité et le feu qui brusle dans leur poitrine! Mais helas, attendez un peu, car si elles entendent courir une souris, je veux dire, si la consolation et les sentimens de devotion qu'elles ont eus jusqu'alors viennent à se retirer, et si quelque petite tentation les attaque: Helas, disent-elles, qu'est-ce que cecy? Elles commencent à craindre et à se troubler.

  A010000511 

 Mon Dieu, la grande pitié que le seul desir de la perfection ne suffise pas pour l'avoir, mais qu'il la faille acquerir à la sueur de nostre visage et à force de travail! Hé, ne sçavez-vous pas que Nostre Seigneur voulut estre tenté durant les quarante jours qu'il fut au desert, pour nous apprendre que nous le serions tout le temps que nous demeurerions au desert de cette vie mortelle, qui est le lieu de nostre penitence? car la vie du parfait Chrestien est une continuelle penitence.

  A010000513 

 Or, ceux cy ne craignent pas seulement ce qui les peut porter au mal, mais ce qui peut en quelque façon destourner ou troubler leur repos; ils ne voudroyent pas qu'un seul petit bruit de je ne sçay quoy se mist entre Dieu et eux, d'autant qu'ils se sont fourré bien avant en l'imagination qu'il y a une certaine quietude et accoisement tel que qui le peut avoir se trouve tousjours en paix si bien heureux.

  A010000513 

 Partant ils veulent en jouir, demeurant tousjours pieds de Nostre Seigneur comme Magdeleine, pour y savourer continuellement les suavités, les douceurs et tout ce qui est emmiellé et qui distille de la bouche sacrée de leur Maistre, sans que jamais Marthe ne le vienne resveiller ni murmurer contre eux, pour prier Nostre Seigneur de les faire travailler.

  A010000514 

 Mais encor, qu'y a-t-il, je vous prie, qui vous tourmente? C'est que je ne suis pas sainte.

  A010000514 

 Vous devez sçavoir que ceux qui ont une vraye charité ne peuvent souffrir de voir quelque defaut au prochain qu'ils ne taschent de l'arracher par la correction, et sur tout en ceux qu'ils estiment saints ou fort avancés en la perfection, parce qu'ils les croyent plus capables de la recevoir; ils veulent aussi par ce moyen les faire croistre tousjours plus en la connoissance d'eux mesmes qui est si necessaire à un chacun..

  A010000514 

 Vous n'estes pas sainte! et qui vous l'a dit que vous ne l'estes pas? Peut estre ce qui vous le fait penser c'est qu'on vous a reprise de quelque [207] defaut.

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus que la Magdeleine eust la jouissance de cette tant aymable contemplation qui la tenoit en un si doux repos avant d'avoir passé par des espineuses difficultés, par la voye d'une aspre penitence et avant d'avoir avalé les amertumes d'une confusion tres grande; car allant chez le Pharisien pour pleurer ses pechés et en obtenir le pardon elle souffrit les murmures que l'on faisoit contre elle, la mesestimant et nommant pecheresse et femme de mauvaise vie.

  A010000516 

 Et comme nous devons avoir une ferme et invariable resolution de ne pas nous rendre si lasches que d'en faire volontairement, aussi devons-nous estre inebranlables en cette autre resolution de ne nous pas estonner ni troubler voyant que nous sommes sujets à tomber en icelles, voire encores que ce fust souvent, nous confiant en la bonté de Dieu qui pourtant ne nous en ayme pas moins.

  A010000516 

 Mais je ne seray jamais capable de recevoir les divines caresses de Nostre Seigneur tandis que je seray si imparfaite, puisque je ne pourray m'approcher de luy qui est si souverainement parfait.

  A010000516 

 Que Dieu nous face part ou non de ses consolations, il faut nous tenir sousmis à sa tres sainte volonté qui doit estre la maistresse et conductrice de nostre vie; apres quoy nous n'avons rien à desirer..

  A010000517 

 Ces sagettes sont les vaines esperances et pretentions que nourrissent ceux qui aspirent à la perfection.

  A010000517 

 L'on en trouve qui n'esperent rien tant que d'estre bien tost des Meres Therese, et mesme des saintes Catherines de Sienne et de Genes.

  A010000517 

 Le Psalmiste donques nous asseure, ainsy que l'interprete saint Bernard, que celuy qui a la foy et s'est armé de la verité ne craindra point ces craintes nocturnes ni des paresseux, ni des enfans, ni moins des delicats.

  A010000517 

 Mais il passe plus outre, et dit qu'il ne craindra non plus les sagettes qui volent en plein jour; et cecy est le quatriesme document que je tire du Psalme sus allegué.

  A010000517 

 Ne voyla pas de belles esperances, lesquelles nonobstant leur vanité ne laissent pas de consoler beaucoup ceux qui les ont? Mais d'autant plus que ces [209] esperances et pretentions portent à la joye du cœur tandis qu'il y a lieu d'esperer, plus aussi la douleur des effects contraires apporte de la tristesse à ces esprits si fervens; car se voyant estre non pas des saints comme ils pensoyent, ains au contraire des creatures prou imparfaites, ils se trouvent bien souvent descouragés à la poursuite de la vraye vertu qui conduit à la sainteté.

  A010000517 

 Tout beau! leur peut-on dire, ne vous hastez pas tant; commencez à bien vivre selon vostre vocation, doucement, simplement et humblement; puis confiez-vous en Dieu qui vous rendra saints quand il luy plaira..

  A010000519 

 Pour moy il m'est advis (et cecy est le cinquiesme document que je vous presente) que ces negociations qui se font dans les tenebres nous representent l'avarice et l'ambition, vices qui font leur trafic en la nuit, c'est à sçavoir par dessous main et en cachette.

  A010000519 

 Saint Bernard remarque par apres quelles sont ces negociations qui se font en la nuit, lesquelles le Psalmiste dit que ceux qui seront armés de la verité ne craindront point.

  A010000520 

 Or, je ne parle pas de ceux qui sont eslevés non pas par leur election mais par leur sousmission l'obeissance qu'ils doivent à Dieu et à leurs Superieurs; car ceux-là n'ont rien à craindre, non plus que Joseph en la maison de Putiphar, parce que si bien ils sont au lieu de la tentation ils n'y periront point.

  A010000520 

 Quant à ce qui est de l'ambition, malheur à ceux qui taschent d'estre promeus aux charges ou superiorités, et [210] qui les obtiennent par leurs poursuites ou les embrassent par leur choix, car ils cherchent la tentation; c'est pourquoy ils periront en icelle, s'ils ne se convertissent et n'usent par apres avec humilité de ce qu'ils ont embrassé avec et par l'esprit de vanité.

  A010000521 

 Certes, l'on pourroit bien addresser à ces avares spirituels ce reproche que le Prophete fait aux avares temporels: Que veux-tu, pauvre homme? Tu veux maintenant avoir ce chasteau parce, dis-tu, qu'il regarde le tien; apres celuy là il s'en trouvera un autre qui l'avoisinera, et parce qu'il te sera commode, tu le voudras aussi avoir, et ainsy des autres.

  A010000521 

 Je l'ay desja dit fort souvent, mais il faut encores le redire: Dieu n'a pas mis la perfection en la multiplicité des actes que nous ferons pour luy plaire, ains seulement en la methode que nous sentirons en iceux, qui n'est autre que de faire le peu que nous ferons selon nostre vocation, en l'amour, par l'amour et pour l'amour.

  A010000521 

 Les avares spirituels sont ceux qui ne sont jamais rassasies d'embrasser et rechercher beaucoup d'exercices de piete pour parvenir tant plus tost à la perfection, disent ils; comme si la perfection consistoit en la multitude des choses que nous faisons, et non pas en la perfection avec laquelle nous les faisons.

  A010000522 

 Considerez, je vous prie, ces avares spirituels: ils ne se contentent jamais des exercices qui leur sont presentés.

  A010000522 

 Hé, pauvres gens, qui ne voulez pas qu'il y ayt aucun plus saint que vous, que ne vous contentez-vous de vostre sainteté telle que vous la pouvez avoir, non pas faisant un si grand amas d'exercices, mais en pratiquant bien, et le plus parfaittement possible, ceux auxquels vostre condition et vocation vous oblige.

  A010000522 

 Ils ne cessent d'estre tousjours en action pour inventer de nouveaux moyens à fin de ramasser toute la sainteté des Saints en une sainteté qu'ils voudroyent avoir; par consequent ils ne sont jamais contens, d'autant qu'ils n'ont pas la force de retenir tout ce qu'ils pretendent embrasser, car qui trop embrasse mal estreint.

  A010000523 

 Cet esprit qui marche en plein jour est celuy qui nous attaque au beau midy des consolations interieures, lors que le divin Soleil de justice darde si amoureusement ses rayons sur nous et nous remplit d'une chaleur et d'une lumiere tant aggreable, chaleur qui nous embrase d'un amour si delectable et si tendre que nous mourons presque à toutes autres choses pour mieux jouir de nostre Bien-Aymé.

  A010000523 

 Je sçay bien comment saint Bernard explique ce passage, mais je ne veux pas en parler, ains seulement de ce qui fait plus à mon propos.

  A010000523 

 Le sixiesme document est tiré du mesme Psalme, où le Prophete asseure que ceux qui se seront armés comme nous l'avons veu, ne craindront point l'esprit du midy, c'est à dire cet esprit qui nous vient tenter en plein jour.

  A010000523 

 [212] Cette divine lumiere a tellement esclairé nostre cœur qu'il luy est advis qu'il voit tout à descouvert celuy du Sauveur, lequel distille goutte à goutte une liqueur si suave et un parfum si odoriferant que cela ne peut estre assez estimé par cette amante qui languit tousjours de son amour.

  A010000525 

 Je ne doute nullement qu'il ne s'en trouve davantage qui desirent plustost la fin de cet Evangile que le commencement.

  A010000526 

 Nous eviterons aussi l'avarice spirituelle et l'ambition qui nous apportent tant de detraquement au cœur et tant de retardement en nostre perfection; l'esprit du midy n'aura nul pouvoir de nous faire descheoir de la ferme et invariable resolution que nous avons prise de servir Dieu genereusement et le plus parfaitement qu'il se peut en cette vie, apres laquelle nous irons jouir de luy, qui soit beni.

  A010000526 

 Nous n'apprehenderons pas non plus les craintes nocturnes qui sont de trois sortes, ni moins les vaines esperances d'estre ou vouloir estre des saints dans trois moys.

  A010000537 

 Si j'y puis rencontrer, nous marierons ce que je vous en diray à ce qui se passa en l'Evangile entre Nostre Seigneur Chananée; et par ce moyen vous connoistrez les qualités que doit avoir la foy..

  A010000538 

 Elles sont belles parce qu'elles sont vrayes, car la beauté n'est point sans la verité, ni la verité sans beauté; aussi les beautés qui ne sont point veritables ne sont non plus point belles, d'autant qu'elles sont fausses et mensongeres..

  A010000538 

 En nostre homme exterieur, la bonté est convoitée par nostre concupiscence et la beauté est aymée par nos yeux; de mesme prend-il de l'homme interieur à l'esgard des verités de la foy, lesquelles estans bonnes, douces et veritables, sont non seulement aymées et affectionnées par la volonté, ains encores prisées par l'entendement à [215] cause de la beauté qui se trouve en icelles.

  A010000539 

 Or, les verités de la foy estans tres veritables sont aymées à cause de la beauté de cette verité qui est l'objet de l'entendement.

  A010000540 

 Ainsy, je dois en croire autant que vous, et vous autant que moy, et tous les Chrestiens semblablement; de sorte que celuy qui ne croit pas tous ces mysteres n'est pas catholique, et partant n'entrera jamais en Paradis.

  A010000540 

 Il est vray qu'il n'y a qu' une seule foy laquelle tous les Chrestiens doivent avoir, neanmoins un chacun ne l'a pas en un mesme degré de perfection; de la vient que pour faire entendre la grandeur ou la petitesse d'icelle, on parle des conditions qui la rendent grande et des vertus qui l'accompagnent.

  A010000541 

 Celle-cy fait bien quelques bonnes operations, quoy que rarement et foiblement, car la charité ne peut estre dans l'ame qui a la foy sans travailler ou peu ou prou: ou il faut qu'elle opere ou qu'elle perisse, parce qu'elle ne scauroit estre sans operer..

  A010000541 

 Cette foy morte est celle qu'ont plusieurs Chrestiens, gens mondains; ils croyent bien tous les mysteres de nostre sainte Religion, mais leur foy n'estant pas accompagnée de la charité, ils ne font nulle bonne operation qui soit conforme à leur foy.

  A010000541 

 La foy morte est celle qui est separée de la charité, separation qui fait que l'on n'opere point les oeuvres conformes à la foy de laquelle on fait profession.

  A010000541 

 La foy mourante est celle qui n'est pas entierement separée de la charité.

  A010000541 

 Or, quand je dis de la charité, cela se doit appliquer aussi à cette multitude de vertus qui la suivent et accompagnent.

  A010000542 

 Il en prend de cecy comme d'une personne qui va trespasser: quand [217] il luy survient quelque defaillance ou qu'il semble qu'elle ayt expiré, on luy met une plume sur les levres et la main sur le cœur; si l'ame est encores là, on sent que le cœur bat, on voit à la plume qui est devant sa bouche qu'elle respire encores, et de là on conclud, comme chose certaine, que bien que cette personne soit mourante, elle n'est pas neanmoins du tout morte; puisqu'elle fait des actions vitales, il faut de necessité que l'ame soit unie avec son corps.

  A010000543 

 La foy morte ressemble à un arbre sec lequel n'a point d'humeur vitale; et pour ce, lors qu'au printemps les autres arbres jettent des feuilles et des fleurs, celuy cy n'en jette point, parce qu'il n'a pas cette seve comme ceux qui ne sont pas morts ains seulement mortifiés.

  A010000543 

 Or, cecy est une autre chose, car combien qu'en hiver ils soyent pour l'apparence exterieure semblables aux arbres morts, si est-ce qu'en leur saison ils portent des feuilles, des fleurs et des fruits, ce que ne fait jamais celuy qui est mort.

  A010000544 

 Celle cy est excellente, parce qu'estant jointe et unie avec la charité et vivifiée par icelle, elle est forte, ferme et constante, elle fait plusieurs grandes et bonnes operations qui meritent qu'on la loue, disant: O que ta foy est grande! soit fait tout ce que tu veux. [218].

  A010000544 

 Mais comme il y a une foy morte il faut qu'il y en ayt une vivante qui luy soit contraire.

  A010000545 

 Elle est grande à cause des bonnes œuvres qu'elle opere, et aussi pour la multitude des vertus qui l'accompagnent, lesquelles elle gouverne, faisant comme une reyne qui travaille pour la defense et conservation des divines verités.

  A010000545 

 Et en ce que ces vertus luy obeissent, elle monstre son excellence et grandeur, tout ainsy que les rois ne sont pas grans seulement quand ils ont plusieurs provinces et de nombreux sujets, ains quand avec cela ils ont des sujets qui les ayment et leur sont sousmis.

  A010000546 

 Ainsy cette foy dormante a bien les yeux ouverts, car elle croit les mysteres, elle entend assez ce que l'on en declare; mais c'est avec je ne sçay quelle pesanteur et engourdissement qui l'empesche de comprendre ce qu'il en est.

  A010000546 

 Cette foy ressemble encores à ces personnes qui ont l'esprit lourd [219] et songear: à la verité, elles ouvrent les yeux, vous les verrez bien pensives et, ce semble, attentives à quelque chose, mais elles ignorent que c'est.

  A010000546 

 De mesme en est-il de ceux qui ont la foy dormante: ils croyent tous les mysteres en general, mais demandez-leur ce qu'ils en entendent, ils n'en sçavent rien; et leur foy estant ainsy endormie est en grand danger d'estre assaillie et seduite par plusieurs ennemis, et mesme de tomber en de perilleux precipices..

  A010000546 

 En troisiesme lieu, il y a une foy veillante qui depend encores de son union avec la charité; mais il y en a aussi qui est endormie, pesante et lethargique, et celle cy est contraire à la veillante.

  A010000547 

 Mais la foy veillante fait non seulement de bonnes operations comme la vivante, ains elle penetre et comprend avec subtilité et promptitude les veités revelées; elle est active et diligente à rechercher et embrasser ce qui la peut aggrandir et fortifier; elle veille et apperçoit de fort loin tous ses ennemis; elle est tousjours aux aguets pour descouvrir le bien et eviter le mal; elle se garde de ce qui pourroit servir à sa ruine, et, comme veillante, elle marche fermement et s'empesche aysement de tomber en des precipices..

  A010000548 

 Sa force est si grande qu'elle ne redoute rien, parce que non seulement elle est forte, mais parce qu'elle connoist cette force et sur quoy elle est appuyée, qui est la Verité mesme.

  A010000549 

 Elle employe la prudence pour acquerir ce qui la peut fortifier et augmenter; elle ne se contente pas de croire toutes les verités revelées par Dieu et declarées par [220] l'Eglise, ce qui necessaire pour estre sauvé, mais elle veille pour, de plus en plus, en descouvrir de nouvelles; et non seulement cela, ains aussi les penetre à fin d'en tirer le suc et la moelle dont elle se nourrit, se delecte, s'enrichit et s'aggrandit.

  A010000549 

 Or, cette prudence n'est point comme elle de plusieurs mondains, qui sont fort soigneux d'amasser des biens, des honneurs et tels autres fatras qui les enrichissent et relevent aux yeux des hommes, mais qui ne leur proffitent de rien pour la vie eternelle.

  A010000550 

 La pluspart des hommes Chrestiens qui ont la loy (car il la faut avoir pour estre tels) croyent tout ce qu'il faut croire pour estre sauvés.

  A010000550 

 La prudence de ces mondains s'en contente, et ne veut rien faire davantage que ce qui est necessaire pour avoir la vie eternelle et fuir ce qui leur peut causer la damnation.

  A010000550 

 Vous n'estes pas de ces serviteurs veillans qui ont tousjours l'œil ouvert sur les mains de leur maistre, qui sont grandement soigneux et vigilans à faire tout ce qu'ils sçavent luy pouvoir rendre leurs services aggreables.

  A010000550 

 Vous ne travaillez donc pas pour Dieu ains seulement pour vous mesme, puisque vostre prudence ne s'estend pas plus avant qu'à faire ce que vous scavez qui vous peut empescher de vous perdre.

  A010000551 

 Elle n'observe pas seulement ce qui est requis pour le salut, mais elle recherche, embrasse et prattique fidellement tout ce qui la peut plus approcher de son Dieu..

  A010000551 

 Il y en a plusieurs, escrit saint Bernard, qui disent: Je garde les commandemens de Dieu.

  A010000552 

 Elle estoit en attention comme un chien qui est attentif ou mis en relay pour guetter la proye qui doit s'eschapper par là; car c'est ainsy que l'on peut interpreter les paroles de saint Marc, qui est un de ses Evangelistes..

  A010000552 

 Il y a une cinquiesme qualité de la foy, qui est d'estre attentive.

  A010000552 

 Mais voyci une femme payenne qui se tenoit aux escoutes, qui veilloit et prenoit soigneusement garde quand passeroit le Sauveur, duquel elle oyoit tant de merveilles.

  A010000552 

 Nostre Seigneur traversant les confins et frontieres de Tyr et de Sidon, et se voulant cacher pour ne pas manifester sa gloire, il cuyda se retirer dans une mayson à fin de n'estre point veu ou apperceu; car sa renommée allant de jour en jour croissant, il estoit suivi d'une grande multitude de peuple qui estoit attiré par les miracles et œuvres merveilleuses qu'il faisoit.

  A010000552 

 Se voulant donques cacher, il entra dans une des maysons qui estoyent là [222] aupres.

  A010000553 

 Ceux qui le suivoyent ou qui demeuroyent ès maysons prochaines de celle où il s'estoit retiré, avoyent bien veu et entendu parler des merveilles et des miracles qu'il operoit, par lesquels il confirmoit la doctrine qu'il enseignoit; ils avoyent autant de foy que la Chananée, car une grande partie croyoit de luy ce qui s'en disoit, mais leur foy n'estoit pas si grande que celle de cette femme parce qu'elle n'estoit pas attentive comme la sienne..

  A010000553 

 Lors que Nostre Seigneur passoit, ou qu'il entroit, ou qu'il fut entré en la mayson, ou bien quand il en fut sorti (cecy est une dispute, mais je n'en veux pas parler icy; pour moy je crois que cela advint lors qu'il fut dans cette mayson), la Chananée, qui estoit en attente pour saisir sa proye, vint luy presenter sa requeste et s'escria: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy, car ma fille est cruellement travaillée du diable.

  A010000553 

 Voyez un peu la grande foy de cette femme: elle demande seulement à nostre divin Maistre qu'il aye pitié d'elle, et croit que s'il en a pitié cela sera suffisant pour guerir et delivrer sa fille qui estoit travaillée du malin esprit.

  A010000554 

 Et pourquoy? Parce qu'il n'estoit pas attentif à ce qui se disoit, son attention estoit [223] dans son tresor.

  A010000554 

 Mais s'il se trouve quelqu'un qui mette toute son attention à entendre ce qui se dit, o celuy cy rapportera fort bien ce qu'il aura ouy.

  A010000554 

 Voyla des personnes qui se trouvent en une compagnie en laquelle on s'entretient de bons devis et de choses belles et saintes: un homme avaricieux entendra bien ce que l'on dit, mais au partir de là, demandez-luy ce dont on a parlé en cette conversation, il n'en sçaura rapporter un mot.

  A010000555 

 Cette foy ou priere attentive est suivie et accompagnée d'une grande varieté d'autres vertus marquées en la Sainte Escriture; mais parce qu'il y en a un nombre innombrable, je me contenteray de vous toucher celles qui sont les plus propres pour vous autres et qui reluisent tout particulierement en la priere de la Chananée.

  A010000556 

 Elle avoit la confiance, qui est l'une des principales conditions qui rendent nostre priere grande devant Dieu.

  A010000557 

 Certes, le plus grand defaut que nous ayons en nos prieres et en tout ce qui nous arrive, specialement en ce qui regarde les tribulations, c'est nostre peu de confiance; de là vient que nous ne meritons pas de recevoir le secours tel que nous le desirons ou demandons.

  A010000557 

 Et le Sauveur les reprint et leur dit: Homme de petite foy; comme s'il eust voulu signifier: Que vostre foy est petite, d'autant qu'en cette occasion en laquelle vous deviez la monstrer davantage vous manquez de confiance; or, parce que la confiance qui vous reste est petite, vostre foy l'est aussi..

  A010000557 

 Mais lors qu'ils virent la mer s'enfler tousjours plus et leur bon Maistre qui dormoit, ils s'esmeurent grandement et s'escrierent: Seigneur, sauvez-nous, nous perissons.

  A010000557 

 Or, cette confiance accompagne tousjours la foy attentive, qui est grande ou petite selon la mesure de la confiance.

  A010000557 

 Saint Pierres et les autres Apostres estans dans la nacelle avec leur Seigneur, et voyant la tempeste s'eslever, commencement à craindre et invoquer l'assistance d'iceluy; et en cela ils faisoyent bien, car c'est à luy à qui nous devons recourir et de qui nous devons attendre tout nostre secours.

  A010000558 

 Grande vertu que cette perseverance! Si vous eussiez demandé à ce bon Religieux de saint Pacome qui estoit jardinier, s'il ne feroit rien autre chose que le jardin et des nattes ou stolles: Rien autre, eust-il respondu.

  A010000558 

 Mais la Chananée eut une grande confiance quand elle fir sa priere, voire mesme parmi les bourrasques et les tempestes, qui ne furent point suffisantes pour esbranler tant soit peu cette confiance; car elle l'accompagna de de la perseverance par laquelle elle continua fermement à [225] crier: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy.

  A010000559 

 Cependant quand je parle de la perseverance je n'entens pas traitter de cette perseverance finale que nous devons avoir pour estre sauvés, ains de celle qui doit accompagner nostre priere.

  A010000559 

 Qu'il y a peu de gens qui comprennent bien en quoy elle consiste! Vous verrez des jeunes filles qui ne font que de naistre à la devotion, et encores des hommes (mais ne parlons pas de ceux cy, ne parlons pour maintenant que des filles, puisque c'est à des filles que je m'addresse); l'on en verra donc qui ne font que commencer à prier et suivre Nostre Seigneur, lesquelles demandent et veulent ja avoir des gousts et consolations, et ne peuvent point perseverer en la priere qu'à force de douceurs et de suavités.

  A010000561 

 Et quelle priere ferons-nous tousjours? Nostre Seigneur la dictée de sa propre bouche: Dites: Nostre Pere qui estes ès cieux.

  A010000561 

 Et quelle sera-t-elle? Nostre Pere qui estes ès cieux.

  A010000562 

 Ciceron, en quelque lieu de ses escrits, mais je ne sçay pas où, dit par forme de proverbe, qu'il n'y a rien qui ennuye tant le voyageur qu'un long chemin quand il est plain, ou un court quand il est tout raboteux et montueux (il ne me souvient pas de ses mesmes mots).

  A010000563 

 C'est pour cela que la perseverance à tousjours faire une mesme chose en Religion est un martyre, à qui bien la considere.

  A010000563 

 Il est vray qu'elle est encores appellée un paradis par ceux qui la comprennent bien; mais aussi la peut-on nommer un martyre, car l'on y martyrise continuellement les fantasies de l'esprit humain, et toutes les propres volontés.

  A010000563 

 Qu'est-ce cecy sinon des bigearreries de l'esprit humain qui n'a point de perseverance en ce qu'il entreprend? C'est pourquoy les mondains, qui vivent selon leurs fantasies, sçavent si bien diversifier les saisons par des passetemps et recreations.

  A010000563 

 Tantost ils font des ballets, des danses, des masques en temps de carnaval, en somme ils employent les saisons en une varieté d'amusemens qui ne sont que bigearreries et inconstances de l'esprit humain.

  A010000564 

 Ceux qui connoissent que c'est que de la chasse sçavent bien que l'hiver les chiens ne peuvent sentir la proye, l'air estant froid, et les gelées les empeschant de flairer comme en un autre temps; tout de mesme au printemps, la varieté et l'odeur des fleurs leur oste aussi la facilité de sentir le flair de la beste, pour à quoy remedier le chasseur prend du vinaigre dans sa bouche, et tenant la teste du chien il jette le vinaigre dans son museau.

  A010000564 

 Or, ce qu'il luy fait n'est point pour le descourager de se mettre à la queste de sa proye, mais bien pour le pousser et exciter faire ce qui est de son devoir.

  A010000565 

 C'est encor pour tirer des preuves de nostre patience, la troisiesme vertu qui accompagna la priere de la Chananée; car le Sauveur voyant sa perseverance aussi esprouver sa patience, vertu par laquelle nous conservons, autant qu'il se peut, l'esgalité parmi les inesgalités des accidens de cette vie.

  A010000565 

 Mais quand il dit: Je ne suis pas venu pour toutes les brebis esgarées, ains seulement pour les brebis perdues de la mayson de mon Pere, il veut faire entendre qu'il estoit seulement promis aux Juifs lesquels estoyent nommés enfans de Dieu; c'est à dire qu'il avoit esté predit qu'il viendroit et marcheroit sur ses propres pieds parmi ce peuple, qu'il l'enseigneroit de sa propre bouche, gueriroit ses malades de ses propres mains, feroit des miracles en propre personne en Israël, et partant qu'il ne failloit pas oster le pain des enfans de Dieu, à sçavoir au peuple Juif, pour le jetter aux chiens ou au peuple Gentil, nation qui ne le connoissoit pas.

  A010000565 

 Pour cela il respondit à ses Apostres qui le prioyent de la congedier, [229] une parole qui la devoit bien piquer et, ce semble, luy faire perdre contenance: II n'est pas raysonnable, dit-il, que j'oste le pain des enfans pour le donner aux chiens.

  A010000566 

 Certes, l'on void ordinairement qu'il n'y a rien qui offesse tant que les paroles piquantes et qui sont dites pour mepriser ceux à qui l'on parle, principalement si elles sont dites par des personnes de marque et authorité.

  A010000566 

 Et cette femme entendant Nostre Seigneur n'en entra point en impatience, elle ne s'en attrista ni offença point, mais se prosternant a ses pieds elle respondit: Il est vray, je suis une chienne, je le vous confesse; mais je vous prens au mot, car les chiens suivent leurs maistres et se nourrissent des miettes qui tombent sous leur table..

  A010000566 

 Voyla pourquoy il dit à la Chananée ces paroles si rudes et piquantes, ce semble, et qui [230] sentant tant le mespris et le desdain de cette pauvre femme payenne.

  A010000567 

 Cette humilité fut la quatriesme vertu qui accompagna la foy et la priere de la Chananée; humilité si aggreable au Sauveur qu'il luy accorda tout ce qu'elle luy dermandoit, en disant: O femme, que ta foy est grande! qu'il te soit fait comme tu le veux.

  A010000567 

 Il y en a plusieurs qui disent bien qu'ils ne sont rien, qu'ils ne sont qu'abjection, que misere et telles autres choses (le monde est tout plein de cette humilité); mais ils ne sçauroyent supporter qu'un autre leur dise qu'ils ne valent lien, qu'ils sont des sots, et semblables paroles de mespris.

  A010000567 

 Or cette femme fit voir la grandeur de la sienne en confessant qu'elle estoit une chienne et que, comme chienne, elle ne demandoit pas les faveurs reservées aux Juifs, qui estoyent les enfans de Dieu, ains seulement de ramasser les miettes qui tomboyent dessous la table.

  A010000567 

 Quant à nostre Chananée, non seulement elle ne s'offença pas pour se voir appellée chienne, mais elle le creut, le confessa et ne demanda que ce qui appartenoit aux chiens; en quoy elle fit paroistre une admirable humilité qui merita d'estre louée de la bouche de Nostre Seigneur, ce qu'il fit disant: O femme, que ta foy est grande! soit fait comme tu veux; et en louant sa foy, il loua toutes les autres vertus qui l'accompagnoyent..

  A010000581 

 qui fut ravi au troisiesme Ciel, et.

  A010000587 

 Le grand Apostre saint Paul ayant esté ravi et eslevé jusqu'au troisiesme Ciel, ne sçachant si ce fut hors de son corps ou en son corps, dit qu' il n'est nullement loysible ni possible à l'homme de raconter ce qu'il y vit, ni les merveilles admirables qu'il apprit et qui luy furent monstrées en son ravissement.

  A010000587 

 Or, si celuy qui les a veuës n'en peut parler, si ayant esté ravi jusqu'au troisiesme Ciel il n'en ose dire mot, beaucoup moins donques nous autres qui n'avons esté eslevés ni au premier ni au second ni au troisiesme..

  A010000589 

 Et bien que sa mere ayt en main quelques feuilles de ces arbres et qu'elle luy die: Mon enfant, ils sont couverts de telles feuilles; et luy monstrant une pomme ou une orange: Ils sont encores chargés de tels fruits, ne sont-ils pas beaux? ne les fait-il pas bon voir? l'enfant neanmoins demeure en son ignorance, d'autant qu'il ne peut comprendre en son esprit ce que sa mere luy enseigne, tout cela n'estant rien au prix de ce qui est en verité..

  A010000590 

 De mesme en est-il, mes cheres ames, de ce que nous pouvons dire sur la grandeur de la felicité eternelle et des beautés et amenités dont le Ciel est rempli; car il y a encores plus de proportion entre la lumiere d'une lampe avec la clarté de ces grans luminaires qui nous esclairent, entre la beauté de la feuille ou du fruit d'un arbre et l'arbre mesme chargé de fleurs et de fruits tout ensemble, entre tout ce que cet enfant comprend de ce que sa mere luy dit et la verité mesme des choses dont elle parle, que non pas entre la lumiere du soleil et la [234] clarté dont jouissent les Bienheureux en la gloire; entre la beauté d'une prairiediaprée au printemps et la beauté de ces campagnes celestes, entre l'amenité de nos colines chargées de fruits et l'amenité de la felicité eternelle.

  A010000590 

 Mais bien que cela soit ainsy, et que nous soyons asseurés que ce que nous en pouvons dire n'est rien au prix de ce qui est en verité, nous ne devons pas laisser d'en toucher quelque chose..

  A010000591 

 Mais avant que de le vous proposer il est necessaire que je leve de vos esprits quelques dificultés qui vous pourroyent empescher de bien entendre ce que je diray par apres; et je le fais d'autant plus volontiers que je desire que ce point soit bien masché, consideré compris..

  A010000592 

 Dieu favorise grandement ceux qui prattiquent la charité envers leurs freres; il n'y a rien qui attire tant sa misericorde sur nous que cela, d'autant que Nostre Seigneur a declaré que c'est son commandement, c'est à sçavoir le sien plus cheri et plus aymé; apres celuy de l'amour de Dieu il n'y on a point de plus grand.

  A010000592 

 Et que cela ne soit, je vous presente l'histoire de saint Augustin, qui n'est pas un autheur auquel il ne faille adjouster foy.

  A010000592 

 Il rapporte donques qu'il avoit conneu un medecina à Carthage, qui estoit fort fameux aussi bien à Rome qu'en cette ville, tant parce qu'il estoit excellent en l'art de la medecine comme parce qu'il estoit un grand homme de bien, faisant beaucoup de charités, servant les pauvres gratis; et cette charité qu'il exerçoit à l'endroit du prochain fut cause que Dieu le tira d'une erreur en laquelle il estoit tombé estant encores jeune homme.

  A010000593 

 Quelque temps apres le mesme jeune homme luy apparut derechef en dormant et luy demanda: Me connois-tu bien? Le medecin respondit qu'il le connoissoit fort bien et que c'estoit luy mesme qui l'avoit conduit en cette campagne où il luy avoit fait ouyr un concert si aggreable.

  A010000594 

 Ainsy le rapporte saint Augustin, lequel ayant dit que le medecin luy raconta qu'il avoit ouy cette divine musique qui se chantoit à son costé droit, dans la campagne dont nous avons parlé, mais certes, adjouste-t-il, je ne me souviens pas de ce qu'il avoit veu du costé gauche.

  A010000594 

 Nostre volonté voudra plusieurs choses et aura beaucoup de divers vouloirs sans que ces vouloirs divers soyent cause qu'elle les veuille ou qu'elle les affectionne moins; ce qui ne se peut en cette vie, tandis que nostre ame reside dans nostre corps.

  A010000595 

 La tranquillité est l'excellence de nostre action; or, au Ciel [237] nostre action n'empeschera pas la tranquillité, ains elle la perfectionnera de telle sorte qu'elles ne se nuiront point l'une à l'autre, voire elles s'entr'ayderont merveilleusement à continuer et perseverer pour la gloire du pur amour de Dieu qui les rendra capables de subsister ensemble..

  A010000598 

 Si en ce monde l'on estime bien heureux un esprit qui peut avoir plusieurs attentions à la fois, ainsy que le tesmoignent les louanges que l'on donne à celuy qui pouvoit estre attentif à sept choses en mesme temps, ou bien à ce valeureux capitaine de ce qu'il connoissoit cent ou cinquante mille soldats qu'il avoit sous sa charge, un chacun par leur nom, combien nos esprits seront-ils estimés bien heureux en cette beatitude où ils pourront avoir tant de diverses attentions! Mais, mon Dieu, que pourrions-nous dire de cette indicible felicité qui est eternelle, invariable, constante, permanente, et pour parler comme les anciens François, sempiternelle?.

  A010000599 

 O quelle divine conversation! Mais avec qui? Avec trois sortes de personnes: avec eux mesmes, avec les Anges, les Archanges, les Cherubins, les saints Apostres, les Confesseurs, les Vierges, avec la Vierge glorieuse, Nostre Dame et Maistresse, avec la tres sainte humanité de Nostre Seigneur et en fin avec la tres adorable Trinité mesme, le Pere, le Fils et le Saint Esprit..

  A010000600 

 Pendant qu'ils regardoyent le Sauveur qui prioit et estoit en oraison, il se transfigura devant eux, laissant respandre sur son corps une petite partie de la gloire dont il jouissoit continuellement dès l'instant de sa glorieuse conception ès entrailles de Nostre Dame; gloire qu'il retenoit, par un [239] continuel miracle, resserrée et couverte dans la supreme partie de son ame..

  A010000601 

 Il nous fit voir un petit eschantillon du bonheur eternel et une goutte de cet ocean et de cette mer d'incomparable felicité pour nous faire desirer la piece tout entiere; si que le bon saint Pierre, qui parloit pour tous comme devant estre le chef des autres: O qu'il est bon d'estre icy, s'escria-t-il tout esmeu de joye et de consolation.

  A010000601 

 Les Apostres virent donques alors sa face plus reluisante et esclattante que le soleil, voire cette clarté et cette gloire s'espancha jusques sur ses vestemens pour nous monstrer qu'il n'en estoit pas si chiche qu'il n'en fist part à ses habits mesme et à ce qui estoit autour de luy.

  A010000601 

 Tous deux s'entretenoyent avec nostre divin Maistre de l'exces qui devoit arriver en Hierusalem, exces qui n'est autre sinon la mort qu'il devoit souffrir par son amour; et soudain apres cet entretien les Apostres ouyrent la voix du Pere eternel lequel disoit: C'est icy mon Fils bien aymé, escoutez-le..

  A010000602 

 Les amitiés qui auront esté bonnes dès cette vie se continueront eternellement en l'autre.

  A010000602 

 Nous aymerons des personnes particulierement, mais ces amitiés particulieres n'engendreront point de [240] partialités, car toutes nos affections prendront leur force de la charité de Dieu qui, les conduisant toutes, fera que nous aymerons un chacun des Bienheureux de cet amour eternel dont nous aurons esté aymés de la divine Majesté..

  A010000602 

 Si cela est ainsy, o mon Dieu, quel contentement recevrons-nous en voyant ceux que nous avons si cherement aymés en cette vie! Ouy mesme nous connoistrons les nouveaux Chrestiens qui se convertissent maintenant à nostre sainte foy aux Indes, au Japon et aux antipodes.

  A010000603 

 Ne te resouviens-tu point, diront-ils, d'une telle inspiration que je te donnay en un tel temps, en lisant un tel livre, en entendant un tel sermon, ou bien en regardant une telle image? dira le bon Ange de sainte Marie Egyptiaque, inspiration qui t'incita à te convertir à Nostre Seigneur et qui fut le principe de ta predestination.

  A010000604 

 O mes cheres ames, quel bonheur à ce Saint de contempler la Hierusalem celeste en son triomphe, le grand Apostre (je ne dis pas grand de corps, car il estoit petit, rnais grand en eloquence et en sainteté) preschant et entonnant ces louanges qu'il donnera eternellement à la [241] divine Majesté en la gloire! Mais quel exces de consolation pour saint Augustin de voir Nostre Seigneur operer le miracle perpetuel de la felicité des Bienheureux que sa mort nous a acquise! Imaginez-vous, de grace, le divin entretien que ces deux Saints auront l'un avec l'autre, saint Paul disant à saint Augustin: Mon cher frere, ne vous resouvenez-vous point qu'en lisant mon Epistre vous fustes touché d'une inspiration qui vous sollicitoit de vous convertir, inspiration que j'avois obtenue de la divine misericorde de nostre bon Dieu par la priere que je faisois pour vous à mesme temps que vous lisiez ce que j'avois escrit? Cela, mes cheres Sœurs, ne causera-t-il pas une douceur admirable au cœur de nostre saint Pere?.

  A010000605 

 Si cela est ainsy, mes cheres ames, quelles consolations recevrons-nous entrant au Ciel, où nous verrons cette benite face de Nostre Dame toute flamboyante de l'amour de Dieu! Et si sainte Elizabeth demeura si transportée d'ayse et de contentement quand, au jour qu'elle la visita, elle luy ouyt entonner ce divin Cantique du Magnificat, combien nos cœurs et nos esprits tressailliront-ils d'une joye indicible lors qu'ils entendront entonner par cette chantre sacrée le cantique de l'amour eternel! O quelle douce melodie! Sans doute nous pasmerons et entrerons en des ravissemens fort aymables, lesquels ne nous osteront pourtant pas l'usage ni les fonctions de nos puissances qui, par ce divin rencontre que nous ferons de la Sainte Vierge, s'habiliteront [242] merveilleusement pour mieux et plus parfaittement louer et glorifier Dieu, qui luy a fait tant de graces et à nous aussi, nous donnant celle de converser familierement avec elle..

  A010000605 

 Supposez que Nostre Dame, sainte Magdeleine, sainte Marthe, saint Estienne et les Apostres fussent veus l'espace d'un an, comme pour un grand jubilé, en Hierusalem: quel d'entre nous autres, je vous supplie, voudroit demeurer icy? Pour moy je pense que nous nous embarquerions tous et nous mettrions au peril de tous les hazards qu'encourent ceux qui vont d'icy là, pour avoir cette grace de voir nostre glorieuse Mere et Maistresse, Magdeleine, Marie Salomé et les autres qui s'y trouveroyent, puisque nos pelerins s'exposent bien à tant de dangers pour aller seulement reverer les lieux où ces saintes personnes ont posé leurs pieds.

  A010000606 

 Hé, ne l'apprenons-nous pas en la Transfiguration, où il ne se parle de rien tant que de l'exces qu'il devoit souffrir en Hierusalem? exces qui n'estoit autre, comme nous l'avons ja veu, que sa douloureuse mort.

  A010000606 

 Je dis seul, parce qu'en ce mot de felicité sont compris toutes sortes de biens, lesquels ne sont pourtant qu'un unique bien, qui est celuy de la jouissance de Dieu en la felicité eternelle.

  A010000606 

 Mais, me pourriez-vous demander, s'il est ainsy que vous dites que nous nous entretiendrons avec tous ceux qui sont en la Hierusalem celeste, qu'est-ce que nous dirons? De quoy parlerons-nous? Quel sera le sujet de nostre entretien? O Dieu, mes cheres Soeurs, quel sujet! Celuy des misericordes que le Seigneur nous a faites icy bas, par lesquelles il nous a rendus capables d'entrer en la jouissance d'un bonheur tel que seul il nous suffit.

  A010000608 

 Quelle delectation admirable pour un chacun des Bienheureux quand ils verront dans ce cœur tres sacré et tres adorable les pensées de paix qu'il faisoit pour eux et pour nous à l'heure mesme de sa Passion! pensées qui nous preparoyent non seulement les moyens principaux de nostre salut, mais aussi tous les divins attraits, inspirations et bons mouvemens desquels ce tres doux Sauveur se vouloit servir pour nous attirer à la suite de son tres pur amour.

  A010000609 

 Là nous entendrons et participerons à ces tres adorables conversations et à ces divins colloques qui se font entre le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010000610 

 Mais quel sera ce mot? Oh! ce sera un mot le plus amoureux qui se puisse jamais imaginer.

  A010000610 

 Representez-vous tous ceux qui se peuvent prononcer pour attendrir un cœur et les noms les plus affectionnés qui se puissent ouyr, et puis dites en fin que ce n'est rien au prix de celuy que Dieu donnera à un chacun là haut au Ciel.

  A010000610 

 Supposez qu'il vous dira: Tu es ma bien-aymée, tu es la bien-aymée de mon Bien-Aymé, c'est pourquoy tu seras cherement aymée de moy; tu es la bien choisie de mon bien choisi qui est mon Fils.

  A010000611 

 Et poursuivant elle adjoustera: Meilleur est sans nulle comparaison le lait qui coule de ses cheres mammelles que non pas tous les vins les plus delicieux, et le reste.

  A010000611 

 Quelles divines extases, quels embrassemens amoureux entre la souveraine Majesté et cette chere amante quand Dieu luy donnera ce bayser de paix! Cela sera pourtant ainsy, et non pas avec une amante seule, ains avec un chacun des citoyens celestes, entre lesquels se fera un entretien admirablement aggreable des souffrances, des peines et des tourmens que Nostre Seigneur a endurés pour un chacun de nous durant le cours de sa vie mortelle, entretien qui leur causera une consolation telle que les Anges, au dire de saint Bernard, n'en sont pas capables; car si bien Nostre Seigneur est leur Sauveur et qu'ils ayent esté sauvés par sa mort, il n'est pourtant pas leur Redempteur, d'autant qu'il ne les a pas rachetés, ains seulement les hommes.

  A010000612 

 En la Hierusalem celeste nous jouirons donques d'une conversation tres aggreable avec les Esprits bienheureux, les Anges, les Cherubins et Seraphins, les Saints et les Saintes, avec Nostre Dame et glorieuse Maistresse, avec Nostre Seigneur et en fin avec la tres sainte et tres adorable Trinité, conversation qui durera eternellement et qui sera perpetuellement gaye et joyeuse.

  A010000612 

 Or, si nous avons en cette vie tant de suavité à ouyr parler de ce que nous aymons que nous ne pouvons nous en taire, quelle joye, quelle jubilation recevrons-nous d'entendre eternellement chanter les louanges de la divine Majesté que nous devons aymer et que nous aymerons plus qu'il ne se peut comprendre en cette vie! Si nous prenons [246] tant de playsir en la seule imagination de la perdurable felicité, combien en aurons-nous davantage en la jouissance de cette mesme felicité! felicité et gloire qui n'aura jamais de fin, ains qui durera eternellement sans que jamais nous en puissions estre rejettés.

  A010000617 

 J'avois pensé de faire en ce jour un proeme, une comparaison, une similitude touchant ce qui se passa en la vie du mauvais riche et celle de Judas, du Lazare et de saint Mathias, d'autant que je trouve un grand rapport entre la vocation, le progres et declination du mauvais riche et de Judas, et entre la vocation, progres et fin du Lazare et de saint Mathias.

  A010000618 

 Dieu la donne tousjours suffisante à quiconque la veut recevoir; cecy est une chose toute claire, tous les theologiens en sont d'accord, et le Concile de Trente a declaré que jamais la grace ne nous manque, mais que c'est nous qui manquons à la grace, ne la voulant recevoir ou luy donner nostre consentement.

  A010000618 

 Nous y trouverons aussi dequoy condamner ceux qui censurent et parlent injustement contre la Providence divine, et ne veulent adorer ni approuver les effects et evenemens d'icelle touchant l'election des bons et la reprobation des mauvais; car lors qu'on voit l'ejection de ceux cy, la prudence humaine se met à la recherche des motifs et raysons de leurs cheutes, et au lieu de regarder la douce Providence de Dieu, elle se jette sur le defaut de la grace et dit: Si ce [248] pecheur en eust receu autant que le juste il ne fust pas tombé en tel defaut.

  A010000618 

 Or, telles sortes de gens auroyent quelque rayson s'ils disoyent seulement que la grace n'est pas offerte aux pecheurs comme aux justes; mais s'ils passoyent plus outre à fin de s'enquerir pourquoy les premiers ne reçoivent pas cette grace comme les seconds, certes, ils seroyent contraints de confesser que ce n'est pas le defaut de la grace qui est cause de leur perte, car jamais elle ne manque.

  A010000619 

 Or, si c'est tousjours l'homme qui manque à la grace et que jamais la grace ne nous manque, si l'on voit en toutes sortes d'estats, de conditions et de vocations un si grand nombre de reprouvés et peu d'esleus, qui s'asseurera et vivra sans apprehension de perdre cette grace ou de luy refuser son consentement? qui ne craindra de descheoir en ne rendant pas à Dieu le service qui luy est deu, chacun selon son devoir et obligation, puisque si bien nous voyons un Lazare et un saint Mathias au nombre des esleus, nous trouvons ce riche de l'Evangile et Judas parmi les reprouvés? Mais quoy, le mauvais riche n'estoit-il pas appellé à une mesme vocation que le Lazare, et Judas à la mesme que saint Mathias? Ouy, sans doute, cecy est tout clair en l'Evangile; car le mauvais riche estoit Juif, puisqu'il appelle Abraham pere: Pere Abraham, luy dit-il, le priant de luy envoyer le Lazare.

  A010000620 

 Neanmoins nous voyons en l'Evangile du jour que de ces deux hommes esgalement appellés de Dieu, celuy qui a le plus receu et qui est le plus obligé de le servir ne le sert point, ains vit et meurt miserablement, tandis que le pauvre Lazare le sert avec fidelité et meurt heureusement.

  A010000621 

 Il ne fut pas instruit par le Sauveur mesme et ne vit point ses miracles, car il n'estoit pas des Apostres qui le suivoyent; neanmoins il persevera fidellement et mourut tres saintement.

  A010000621 

 Judas, au contraire, le plus felon et desloyal homme qui ayt jamais esté, d'Apostre devint apostat, commettant le plus execrable peché et la plus grande perfidie en vendant son bon Maistre..

  A010000621 

 Voyez d'abord comme la vocation et election de Judas estoit advantageuse par dessus celle de saint Mathias; car Judas, le plus meschant homme qui se puisse trouver, fut appellé à l'apostolat de la propre bouche de Nostre Seigneur qui l'appella mille fois par son nom; il fut instruit de luy comme les autres Apostres, il l'entendit parler et prescher, il fut tesmoin des œuvres merveilleuses qu'il faisoit et comment il confirmoit sa doctrine par de tres grans miracles; son cher Maistre luy avoit fait beaucoup de graces singulieres lesquelles saint Mathias ne receut point, car il ne fut pas appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur ni de son vivant, ains par les Apostres apres [250] son Ascension, de sorte qu'il vint comme un avorton succeder à ce miserable Judas.

  A010000622 

 Qui dit enfant de consolation veut signifier de la plus grande consolation ou de tres grande consolation; fils de joye s'entend de la plus grande joye ou de tres grande joye: de mesme Judas estant tombé dans cette iniquité que de vendre son Seigneur et Maistre, est dit fils ou enfant de perdition, c'est à sçavoir de la plus grande ou tres grande perdition, telle que celle des diables, car il estoit pire qu'un diable; aussi brusle-t-il avec eux dans les flammes eternelles.

  A010000622 

 Voyla comme celuy de ces deux Apostres qui avoit esté le plus favorisé a apostasié, et l'autre, qui fut appellé à l'apostolat apres la mort de Nostre Seigneur, a perseveré.

  A010000623 

 Lucifer traisna apres soy [251] dans les enfers la troisiesme partie des Anges, qui estoyent innombrables; et ceux qui estoyent au sein mesme de la gloire devindrent diables et furent condamnés aux peines eternelles.

  A010000623 

 Quand Dieu crea les Anges dans le Ciel il les establit en sa grace, de laquelle il sembloit qu'ils ne devoyent jamais descheoir; neanmoins Lucifer vint à se revolter, et luy et tous ses sectateurs refuserent de rendre à la divine Majesté la sujetion et obeissance de leur propre volonté, disant qu'ils ne se vouloyent point sousmettre, ce qui fut cause de leur ruine.

  A010000624 

 Luy, le plus sage de tous les hommes, à qui Dieu avoit si amplement donné son Esprit, sa sapience et la connoissance de toutes choses, luy qui penetroit jusques au centre de la terre, traittant si hautement de tout ce qui s'y trouve, et qui montoit jusques au cedre du Liban, luy qui parloit avec tant de sagesse non seulement des choses corporelles et materielles mais encores des spirituelles! Ce qui se voit en cet admirable Livre de l'Ecclesiaste et en celuy de ses Proverbes qui sont tout remplis de sentences pleines d'une sapience telle que nous voyons clairement que personne n'en a jamais esté doué comme Salomon.

  A010000625 

 Job, comme dit saint Gregoire, demeurant juste entre les meschans avoit receu une grande grace de Dieu, car pour l'ordinaire l'on est tel que ceux avec qui l'on converse; partant il avoit grand sujet de louer le Seigneur de ce qu'il le maintenoit dans le bien parmi les impies.

  A010000625 

 Qui donques ne tremblera? Y aura-t-il societé, Religion, Institut, Congregation ou maniere de vivre qui se puisse asseurer et dire exempte de crainte et apprehension de tomber dans les precipices du peché? Et quelle compagnie, assemblée ou vocation trouvera-t-on qui soit exempte de peril? O Dieu, nulle que ce soit.

  A010000626 

 Chose estrange que dans l'Eglise triomphante (non pas triomphante pour lors, mais angelique), parmi des esprits si purs, doués d'une si noble et excellente nature, parmi une si sainte compagnie où il n'y avoit aucune occasion de peril, sans tentation ni suggestion des esprits malins, car il n'y en avoit point encores, il y ayt eu un si petit nombre d'Anges qui ayent perseveré, et que la troisiesme partie se soit revoltée contre Dieu et ayt esté precipitée dans les enfers! Chose espouvantable aussi que Judas, qui avoit esté appellé du Sauveur mesme à l'apostolat, ayt commis un si execrable peché et une si estrange trahison que de vendre son Maistre au temps qu'il alloit en sa compagnie, qu'il oyoit sa parole et qu'il voyoit les œuvres merveilleuses [253] qu'il faisoit! Ce sont des exemples qui doivent faire trembler toutes sortes de personnes, de quel estat, condition ou vocation qu'elles soyent..

  A010000627 

 Pour bien entendre cecy il faut que vous sçachiez qu'il y a deux sortes d'avarice: l'une est temporelle, et c'est celle par laquelle on a une avidité d'acquerir les biens, les honneurs et commodités de cette vie; d'où vient que l'on en voit tant dans le monde qui ne pensent et semblent n'avoir autre chose à faire icy bas qu'à amasser des richesses et à mettre mayson sur mayson, pré sur pré, champ sur champ, vigne sur vigne, tresor sur tresor.

  A010000628 

 Hé quoy, dit la prudence humaine, le ciel, la terre et par consequent tout ce qui se trouve en icelle, n'est-il pas fait pour l'homme, et Dieu ne veut-il pas que nous en usions? Il est vray que Dieu a creé le monde pour l'homme avec intention qu'il usast des biens qu'il trouveroit en iceluy, mais non point à fin qu'il en jouist comme si c'estoit sa fin derniere.

  A010000628 

 Il crea le monde avant que de creer l'homme, car il luy voulut preparer un palais, une mayson et demeure clans laquelle il se peust loger; ensuite il le declara maistre de tout ce qui est en iceluy, luy permettant de s'en servir, mais non pas en telle sorte qu'il n'eust point d'autre pretention, car il l'avoit creé pour une fin plus haute qui est luy mesme.

  A010000629 

 C'est une grande pitié à qui taste le pouls de la pluspart des mondains et à qui regarde un peu de pres les [254] mouvemens de leurs cœurs! L'on descouvre facilement qu'ils veulent jouir du monde et de ce qu'il contient, mais quant à Dieu ils se contentent d'en user.

  A010000629 

 Si j'estois autre part j'en dirois davantage sur cette sorte d'avarice, mais celles à qui je parle n'en ont pas à faire..

  A010000630 

 Il y en a une autre qui serre et ne veut point quitter pour quoy que ce soit ce qu'elle a. Celle cy est grandement dangereuse et se glisse par tout, mesme clans les Religions et dans les choses spirituelles.

  A010000630 

 On rencontrera des hommes qui ayans femme, enfans et une famille à entretenir, pour laquelle ils auroyent besoin d'acquerir quelques commodités à fin de la subvenir, lesquels neanmoins ne s'en soucient pas, ains mangent et dissipent toute leur substance, demeurant toute leur vie pauvres, chetifs et miserables; mais ils sont tellement avaricieux de leur liberté, qui est leur tresor, leur richesse et la plus noble piece qu'ils ayent, ils la tiennent si ferme et de si pres que pour rien au monde ils ne la veulent perdre, quitter ni assujettir, ains en veulent jouir pour vivre selon leurs fantasies et se vautrer en toutes sortes de playsirs et voluptés.

  A010000630 

 On se peut bien encores garder de la premiere, car on trouvera plusieurs personnes qui n'ont pas cette ambition d'amasser beaucoup de prés, de champs et maysons, mais peu qui quittent franchement ce qu'elles possedent.

  A010000630 

 On verra des riches qui n'auront point cette premiere avarice d'amasser tresor sur tresor, mais ils enfonceront tellement leur cœur dans celuy qu'ils ont, à dessein de le mieux conserver, qu'il est presque impossible de les tirer de là.

  A010000631 

 Il y a mesme des ames spirituelles qui possedent ce qu'elles ont avec tant d'attache et qui prennent tant de playsir à voir et regarder ce qu'elles font, qu'elles commettent une espece d'idolatrie, se faisant autant d'idoles que d'actions, lesquelles elles adorent.

  A010000632 

 Celuy qui boit du vin selon sa necessité ne fait point de mal, mais celuy qui en prend avec tel exces qu'il vient [256] à s'enivrer offense Dieu mortellement, perd le jugement, noye sa rayson dans le vin qu'il boit, et s'il venoit à mourir en cet estat il se damneroit; c'est comme s'il disoit en beuvant: Si je meurs je me veux perdre et damner eternellement.

  A010000633 

 Or, ce ineschant homme Judas (pour ne parler que de luy et laisser à part le mauvais riche) estoit grandement avaricieux et cupide d'amasser de l'argent, mais non pas seulement ce qui estoit requis pour l'entretenement de Nostre Seigneur et de ses Apostres, car il leur failloit peu de chose, d'autant que le Sauveur establissoit son apostolat sur la pauvreté et qu'il devoit envoyer ses disciples apres luy prescher son Evangile avec commandement de ne porter ni bourse, ni besace, ni baston, ni bourdon, et de n'user d'aucune prevision pour le lendemain, ains de se confier en leur Pere celeste qui les nourriroit par sa providence.

  A010000634 

 C'est ce que remarque le grand saint Bernard faisant un mot d'advertissement à [257] un Pontife: Nostre Seigneur, souverain Pontife et Chef du college apostolique, dit-il, ne s'occupoit jamais des biens et commodités permises ou de ce qui estoit requis pour son apostolat; partant il failloit qu'il eust un econome general qui prist soin des affaires, et ce fut Judas.

  A010000634 

 Cependant, comme ils ne devoyent estre envoyés qu'apres avoir receu le Saint Esprit et qu'ils vivoyent tous ensemble avec Nostre Seigneur, il leur permettoit bien d'avoir quelques petites choses à leur usage pour subvenir à la journaliere necessité, mais non point de les posseder en particulier, ains vouloit que l'un d'eux portast la bourse et eust soin de la depense; car luy, qui estoit le modele de toute perfection et sainteté, ne se mesloit point de cela; o non, il n'y vouloit point penser, ni manier les deniers avec ses divines mains.

  A010000635 

 Et lequel d'entre les Apostres sera celuy qui trahira son Seigneur? C'est celuy qui garde la bourse et qui pour la remplir d'argent, par ambition et avarice, le vendra et le livrera à la mort..

  A010000635 

 Mais il est tout certain que Judas est convaincu de la plus grande perfidie et trahison qui se puisse imaginer et qu'il n'est nullement excusable.

  A010000636 

 Or, estre avaricieux en la vie religieuse et apostolique c'est estre comme Judas, et c'est la plus grande tare qui se puisse trouver en un ecclesiastique et en un Religieux, tout ainsy que la plus grande tare qui sçauroit se rencontrer en un soldat c'est d'estre poltron: aussi ne souffrira-t-il jamais qu'on l'appelle de la sorte.

  A010000637 

 C'est une chose tres difficile de declarer quels sont les commencemens de la cheute des pecheurs; il est neanmoins tres asseuré, comme disent les theologiens, que ce n'est pas que la grace leur ayt manqué, ains ce sont eux qui ont manqué à la grace; mais de sçavoir comme ils ont commencé à luy manquer, c'est bien difficile..

  A010000638 

 Advertissemens qui nous doivent faire vivre en grande crainte et humilité en quel lieu et estat que nous soyons, et dresser souvent nos cœurs vers la divine Bonté pour invoquer son secours, faisant le plus d'eslans de nos esprits en Dieu que nous pourrons, souspirant apres luy par frequentes prieres et oraisons..

  A010000638 

 Aussi le Saint Esprit donne ces advertissemens: Que [259] celuy qui est debout prenne garde de ne point tomber.

  A010000638 

 O Dieu, que c'est une chose redoutable que le peché, pour petit et leger qu'il puisse estre! C'est ce qui faisoit dire à ce grand saint Bernard: Marchez tousjours et gardez de vous arrester; allez tousjours plus avant, car il est impossible de demeurer en un mesme estat en cette vie; celuy qui n'avance pas, il faut de necessité qu'il recule.

  A010000638 

 Quelques anciens Peres disent que cela peut arriver pour avoir rejetté un advertissement, une inspiration; car quoy que ce rejet ne soit qu'un peché veniel qui ne nous oste pas la grace, neanmoins il en empesche le cours, la ferveur s'amoindrit, on s'affoiblit contre les vices; si qu'aujourd'huy que vous manquez à la grace luy refusant vostre consentement et commettant ce peché veniel, vous vous disposez à en commettre bien tost un autre, et par la multitude des veniels à tomber petit à petit dans les mortels, et par iceux à perdre la grace.

  A010000639 

 D'autres disent qu'on tombe dans les ruines du peché à cause des inclinations mauvaises qui sont en l'homme.

  A010000639 

 Mais j'ay tant de mauvaises inclinations! Et quel est celuy qui n'en a pas? N'avez-vous pas la grace divine pour les combattre? Il y en a d'autres qui s'excusent sur leur naturel: Hé, disent-ils, nous ne sçaurions jamais rien faire qui vaille, nous avons un si mauvais naturel.

  A010000640 

 Comme s'il vouloit dire: J'estois un grand roy, j'avois plusieurs choses propres à recreer ma veuë, les magnifiques et somptueux palais qui m'appartenoyent, les tapisseries, la varieté des riches vestemens, en somme je ne refusois rien à mes yeux de tout ce qu'ils desiroyent.

  A010000641 

 Lors saint Pierre dit, parlant aux disciples: Il nous faut choisir un d'entre vous pour mettre en l'apostolat à la place de Judas qui l'a quitté et s'est fait apostat..

  A010000641 

 Saint Pierre, le chef des Apostres, les fit reunir avec les disciples de Nostre Seigneur qui estoyent en tout six vingts, et ce à dessein d'en choisir un des six vingts, ou plustost des cent neuf, car il ne faut pas compter les Apostres qui estoyent onze.

  A010000642 

 Cecy est fort propre à confondre les huguenots qui disent que l'apostolat a manqué quand les Apostres sont morts; ce qui est tres faux, car encores qu'ils soyent morts, l'apostolat ne l'est pas, puisque de mesme que saint Pierre et tous les autres Apostres et disciples estans assemblés en choisirent un pour succeder à Judas, celuy là pouvoit aussi en choisir un autre, et cet autre un autre, et ainsy consecutivement; de sorte que l'apostolat a passé jusqu'à nous et durera jusques à la fin du monde.

  A010000642 

 Il y a un grand danger que delaissant la place que vous aviez en la Religion, vous ne perdiez par consequent celle qui vous estoit preparée au Ciel, et que, comme Judas, vous ne l'ayez dans les enfers.

  A010000642 

 Nous sommes donques enseignés que bien que Judas quittast l'apostolat, neanmoins l'apostolat ne perit pas pour cela, il demeura tousjours en estre; car le college des Apostres dura non seulement pendant la vie de Nostre Seigneur qui les appella et les receut, mais apres sa mort [261] ils en esleurent un autre pour remplacer le traistre.

  A010000643 

 Comme ils estoyent tous deux d'une singuliere vertu, il y eut un peu de difficulté pour sçavoir lequel on retiendroit, tellement que pour mieux rencontrer ce qui estoit de la volonté de Dieu ils les mirent au sort.

  A010000643 

 Or, les Apostres en choisirent deux: l'un s'appelloit Joseph, surnommé Barsabas, et l'autre Mathias qui n'estoit point autrement surnommé, mais certes, c'estoit un beau nom que le sien.

  A010000644 

 Or, Joseph, qui estoit juste, ne perdit point sa justice encores qu'il ne fust pas retenu pour Apostre, ains sa sainteté luy demeura, pour nous apprendre que Dieu ne choisit pas tousjours les plus saints pour gouverner et avoir des charges en son Eglise.

  A010000644 

 Partant ceux qui y sont appellés ne doivent pas se glorifier et presumer d'eux mesmes, pensant estre meilleurs ou plus parfaits que les autres, et ceux qui ne sont point receus à tels offices ne s'en doivent point troubler, puisque cela ne les empeschera pas d'estre justes et aggreables à Dieu..

  A010000644 

 Quelques uns pensent que les Apostres receurent une inspiration ou une parole interieure qui leur donnoit à entendre que Mathias estoit choisi de Dieu pour Apostre, et qu'alors tous d'une commune voix dirent qu'il le seroit; tout ainsy que lors qu'on fit Evesque saint Ambroise, le peuple estant en grand peine au sujet de cette election, l'on ouyt la voix d'un petit enfant qui dit: Ambroise sera Evesque, et alors tous crierent qu'Ambroise le devoit estre.

  A010000645 

 Mais celle du Lazare fut portée au sein d'Abraham, et de là dansje Ciel, où avec saint Mathias, qui vescut et mourut en grand Apostre, il jouira sans fin de l'eternité qui est Dieu mesme, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000645 

 Mais ces prestres sinagogiques et mosaïques le rejetterent, disant qu'ils ne s'en soucioyent point, que s'il avoit mal fait c'estoit son dam et que pour eux ils n'en avoyent que faire; car en la Loy de Moyse il n'en prenoit pas comme en celle de grace sous laquelle nous sommes; les prestres de ce temps icy ne rejettent pas ainsy les pecheurs quand ils viennent à eux, d'autant qu'il n'y a peché, pour grand et grief qu'il soit, qui ne puisse estre pardonné en cette [263] vie, si on le confesse: cecy est un article de foy.

  A010000656 

 Ces paroles sont des plus remarquables, des plus considerables et qui portent plus de poids que nostre divin Maistre ayt dites; c'est pourquoy les anciens Peres se sont beaucoup arrestés à en tirer des interpretations.

  A010000656 

 Tout royaume qui sera divisé et qui ne sera pas uni en soy mesme sera desolé, dit Nostre Seigneur en l'Evangile d'aujourd'huy, où par contre, tous royaumes qui seront bien unis en eux mesmes par la concorde, ne laissant point entrer de divisions, seront indubitablement remplis de consolations; car les propositions estans contraires, les consequences le doivent estre de mesme.

  A010000657 

 Aymer Dieu sans aymer le prochain, qui est creé à son image et semblance, c'est une chose impossible..

  A010000657 

 Et cela non sans grand sujet, puisque le bien-aymé du Bien-Aymé, le grand Apostre saint Jean, asseure que quiconque dit qu'il ayme Dieu et n'ayme pas le prochain est menteur; au contraire, celuy qui dit qu'il ayme le prochain et n'ayme pas Dieu contrevient à la verité, car cela ne se peut.

  A010000657 

 Mais d'autant qu'il faudroit trop de temps pour parler de toutes ces unions, je m'arresteray seulement à la troisiesme, qui est celle que nous devons avoir les uns avec les autres.

  A010000658 

 Et pour monstrer qu'il ne parloit pas seulement pour les Apostres ains pour tous nous autres: Je ne te prie pas seulement pour ceux [266] cy, avoit-il dit auparavant, mais pour tous ceux qui croiront en moy par leur parolle.

  A010000658 

 Qui eust osé, dis-je derechef, faire une telle comparaison, et demander que nous fussions unis comme le Pere, le Fils et le Saint Esprit le sont par ensemble?.

  A010000661 

 Aymez-vous les uns les autres comme Jesus Christ nous a aymés, non pour aucun merite qui fust en nous, ains seulement parce qu'il nous a creés à son image et semblance.

  A010000661 

 C'est cette image et semblance que nous devons honnorer et aymer en tous les hommes, et non pas autre chose qui soit en eux; car rien n'est aymable en nous de ce qui est de nous, puisque non seulement cela n'embellit pas cette divine ressemblance, ains l'enlaidit, souille et barbouille, en sorte que nous ne sommes presque plus reconnoissables.

  A010000661 

 Mais à fin que nous ne cheminions point d'un pas d'enfant en cette voye de la dilection que Dieu nostre Pere nous a tant recommandée, saint Paul adjouste: Marchez-y comme Nostre Seigneur y a marché, donnant sa vie pour nous, et le reste qui s'ensuit.

  A010000662 

 Pourquoy donc Nostre Seigneur a-t-il voulu que nous nous aymassions tant les uns les autres, et pourquoy, demandent la pluspart des saints Peres, a-t-il pris tant de soin de nous inculquer ce precepte comme estant semblable au commandement de l'amour de Dieu? Cecy fait grandement estonner, que l'on dise que ces deux commandemens sont semblables, veu que l'un tend à aymer Dieu, et l'autre la creature: Dieu qui est infini, et la creature qui est finie; Dieu qui est la bonté mesme et duquel tous biens nous arrivent, et l'homme qui est rempli de malice et duquel nous viennent tant de maux; car le commandement de l'amour du prochain contient [268] aussi l'amour des ennemis.

  A010000663 

 Ce que Marc Antoine ayant sceu, et que non seulement ils n'estoyent pas jumeaux, voire qu'ils ne venoyent pas de mesme païs, et qu'ils n'estoyent pas nés sous un mesme roy, il se mit grandement en colere et fut fort courroucé contre celuy qui les luy avoit vendus.

  A010000663 

 Marc Antoine acheta un jour deux jeunes jouvenceaux que luy presenta un certain maquignon; car en ce temps là, comme il se fait encores en quelques contrées, l'on vendoit les enfans: il y avoit des hommes qui en faisoyent provision et usoyent de ce traffic comme l'on fait des chevaux en nos païs.

  A010000664 

 Que veux-je dire par là, sinon que le commandement de l'amour de Dieu et celuy de l'amour du prochain se ressemblent autant que ces deux jouvenceaux dont Pline parle, quoy qu'ils soyent de païs extremement lointains; [269] car quel esloignement y a-t-il, je vous prie, entre l'infini et le fini, entre l'amour divin qui regarde un Dieu immortel et l'amour du prochain qui regarde l'homme mortel, entre l'un qui regarde le Ciel et l'autre, la terre? Cette divine ressemblance est donques d'autant plus admirable.

  A010000665 

 Nous voyons cecy en ce que le Seigneur trouva extremement mauvaise la responce du miserable Caïn, qui eut bien la hardiesse, quand il luy demanda ce qu'il avoit fait de son frere Abel, de dire qu'il n'estoit pas obligé de le garder.

  A010000665 

 Nul ne se peut excuser de ne pas sçavoir qu'il faut aymer nostre prochain comme nous mesme, Dieu ayant gravé cette verité au fond de nos cœurs en nous creant tous à la ressemblance les uns des autres; car portant tous en nous l'image du Createur, nous sommes par consequent l'image les uns des autres, ne representant tous qu'un mesme portrait qui est Dieu..

  A010000666 

 Je vous donne, dit-il parlant à ses Apostres, un commandement nouveau, qui est que vous vous aymiez les uns les autres.

  A010000667 

 Ainsy faisoyent les premiers Chrestiens, qui n'avoyent tous qu' un cœur et qu' une ame, entretenant une telle union par ensemble que jamais on ne voyoit entr'eux nulle division; aussi jouissoyent-ils d'une consolation tres grande par le moyen de leur concorde.

  A010000667 

 Tout ainsy que de plusieurs grains de froment moulus et petris ensemble on fait un seul pain, pain qui est composé de tous ces grains de blé qui estoyent auparavant separés et qui ne sont plus separables maintenant, de maniere qu'ils ne peuvent plus estre remarqués ni reconneus en particulier, de mesme ces Chrestiens avoyent un amour si fervent les uns pour les autres, que leurs volontés et leurs cœurs estoyent tous saintement confus et pesle meslés.

  A010000668 

 Mais ce qui establissoit une si grande union entr'eux n'estoit autre, mes cheres ames, sinon la [271] tres sainte Communion, laquelle venant à cesser ou à se faire rarement, la dilection est venue par mesme moyen à se rafroidir entre les Chrestiens et a grandement perdu sa force et sa suavité..

  A010000669 

 Ce commandement estoit tellement negligé entre les hommes qu'il sembloit n'avoir pas esté fait, tant il y en avoit peu qui s'en resouvinssent ou du moins qui l'observassent.

  A010000669 

 Il est nouveau aussi parce qu'il semble que le Sauveur l'ayt ressuscité, comme on peut appeller un homme nouveau celuy qui estant mort vient à ressusciter.

  A010000670 

 Les hommes de l'ancienne Loy sont damnés s'ils n'ont pas aymé le prochain, car ou la loy de nature les y obligeoit ou bien celle de Moyse; mais les Chrestiens qui, apres l'exemple que Nostre Seigneur nous en a laissé, [272] ne s'ayment pas les uns les autres et n'observent ce divin precepte de la charité mutuelle seront damnés d'une damnation incomparablement plus grande..

  A010000671 

 Les hommes d'autrefois, je veux dire ceux qui vivoyent avant la glorieuse Incarnation de nostre cher Sauveur et Maistre, peuvent avoir quelques excuses, car si bien l'on sçavoit desja en ce temps là que Nostre Seigneur, unissant nostre nature humaine à la nature divine, viendroit reparer par sa Mort et Passion l' image et semblance de Dieu imprimée en nous, ce n'estoyent que quelques uns des plus grans, comme les Patriarches et les Prophetes qui avoyent cette connoissance, les autres hommes l'ignoroyent quasi tous.

  A010000672 

 Mais Nostre Seigneur estant venu au monde a tellement relevé nostre nature au dessus de tous les Anges, des Cherubins et de tout ce qui n'est point Dieu, il nous a tellement faits semblables à luy, que nous pouvons dire asseurement que nous ressemblons parfaitement à Dieu, lequel s'estant fait homme a pris nostre [273] semblance et nous a donné la sienne.

  A010000672 

 O combien donques devons-nous relever nos courages pour vivre selon ce que nous sommes, et imiter le plus parfaittement qu'il se peut Celuy qui est venu pour nous enseigner ce que nous devions faire, à fin de conserver en nous cette beauté et divine ressemblance qu'il a si entierement reparée et embellie en nous!.

  A010000672 

 Se faut-il donques estonner si ce Bien-Aymé de nos ames veut que nous nous aymions comme il nous a aymés, puisqu'il nous a tellement restablis en cette parfaitte ressemblance que nous avions avec luy qu'il semble qu'il n'y ayt plus aucune difference? Certes, nul ne peut douter que l'image de Dieu qui estoit en nous avant l'Incarnation du Sauveur ne fust grandement distante de la vraye ressemblance de Celuy que nous representions et duquel nous estions les portraits; car quelle proportion y a-t-il, je vous prie, entre Dieu et la creature? Les couleurs de ce portrait estoyent infiniment blasfardes et decolorées; il n'y avoit simplement que quelques traits, quelques petits lineamens, ainsy que l'on voit en un portrait ou en un tableau qui est seulement esbauché, et où les couleurs n'estans encores posées, on n'y remarque qu'un air bien petit et bien mince de celuy qu'il represente.

  A010000673 

 Or dites-moy donques, l'amour cordial que nous nous devons porter les uns aux autres quel doit-il estre, puisque Nostre Seigneur nous a tous esgalement reparés et faits semblables à luy sans en exclure aucun? On doit neanmoins tousjours se resouvenir qu'il ne faut pas aymer au prochain ce qui est contraire à cette divine ressemblance ou qui peut ternir ce portrait sacré; mais hors de là, ne devrions-nous pas, mes cheres ames, aymer cherement celuy qui nous represente si au vif la personne sacrée de nostre Maistre? N'est-ce pas un des plus pregnans motifs que nous sçaurions avoir pour nous aymer d'un amour extremement ardent? Hé, quand nous voyons nostre prochain ne devrions-nous pas faire comme le bon Raguel quand il vit le jeune Tobie? Celuy-cy, estant allé en Rages par le commandement de son pere, fit rencontre de ce bon homme Raguel, lequel le regardant: Hé, dit-il à sa femme, mon Dieu, que ce jeune homme me represente bien nostre cousin Tobie! Sur quoy il luy demanda d'où il estoit et s'il ne connoissoit point Tobie; à quoy l'Ange qui le conduisoit respondit: Celuy cy à qui vous parlez est son fils; je vous laisse à penser si nous le connoissons! Lors le bon Raguel, tout transporté d'ayse, l'embrassa, et le caressant et baysant fort tendrement: O mon enfant, s'escria-t-il, que tu es fils d'un bon pere et que tu ressembles à un grand homme de bien! Puis il le receut en sa mayson et le traitta merveilleusement bien selon l'affection qu'il portoit à son cousin Tobie..

  A010000674 

 Hé donques, n'en devrions-nous pas faire de mesme quand nous nous rencontrons les uns les autres? Oh, devrions-nous dire à nostre frere, que vous ressemblez à un grand homme de bien, car vous me representez mon [274] Sauveur et mon Maistre! Et sur l'asseurance qu'il nous donne ou que nous nous donnerions les uns aux autres que nous reconnoissons tres bien la ressemblance du Createur et que nous sommes ses enfans, quelles tendres caresses ne devrions-nous pas nous faire! Mais pour mieux dire, combien devrions-nous recevoir amoureusement le prochain, honnorant en luy cette divine ressemblance, renouant tousjours de nouveau ces doux liens de charité qui nous tiennent liés, serrés et conjoints les uns aux autres.

  A010000675 

 De ces paroles nous tirons la connoissance du degré auquel doit parvenir nostre amour mutuel et à quelle perfection il doit monter, qui est de donner les uns pour les autres ame pour ame, vie pour vie, bref tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons hors le salut; car Dieu veut que cela seul soit excepté.

  A010000676 

 Il faut que nous en fassions de mesme, dit le saint Apostre, c'est à dire que nous fabriquions nostre croix, que nous souffrions les uns des autres comme le Sauveur nous l'a enseigné, que nous donnions nostre vie pour ceux mesmes qui nous la voudroyent oster, comme il fit si amoureusement; que nous l'employions pour le prochain non seulement ès choses aggreables, mais ès [275] plus penibles et desaggreables, telles que de supporter amoureusement ces persecutions qui pourroyent en quelque façon attiedir nostre amour envers nos freres..

  A010000677 

 Il y en a plusieurs qui disent: J'ayme grandement mon prochain et voudrois bien luy rendre quelque service.

  A010000678 

 Il s'estoit employé luy mesme toute sa vie, mais à sa mort il se laissa employer et faire tout ce qu'on voulut, non pas par ses amis, ains par ses ennemis qui luy donnoyent la mort avec une rage insupportablement meschante.

  A010000678 

 Neanmoins il ne resista ni [276] s'excusa de se laisser conduire et tourner à toute main, ainsy que la cruauté suggeroit à ces malheureux; car il regardoit en cela la volonté de son Pere celeste, qui estoit qu'il mourust pour les hommes, volonté à laquelle il se sousmettoit avec un amour incomparablement grand et digne d'estre plustost adoré qu'imaginé ou compris..

  A010000679 

 C'est à ce souverain degré de perfection que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, c'est à ce degré de l'amour du prochain, dis-je, que nous sommes appellés et auquel nous devons pretendre de toutes nos forces.

  A010000679 

 Mieux vaut tousjours sans comparaison ce que l'on nous fait faire (j'entens ce qui n'est point contraire à Dieu et qui ne l'offense point), que ce que nous faisons ou choisissons de nous mesmes..

  A010000680 

 Il s'est offert en holocauste: ce fut lors qu'estant sur la croix il respandit jusqu'à la derniere goutte de son sang sur la terre, comme pour faire un ciment sacré duquel il devoit et vouloit cimenter, unir, joindre et attacher l'une à l'autre toutes les pierres de son Eglise, qui sont les fidelles, à fin qu'ils fussent tellement unis, que jamais il ne se trouvast aucune division entre eux, tant il craignoit que cette division ne leur causast la desolation eternelle.

  A010000681 

 Quelle divine odeur ne respandit-il pas devant la divine Majesté lors qu'il institua le tres saint Sacrement de l'autel, auquel il nous tesmoigna si admirablement la grandeur de son amour! Ce fut un parfum incomparable que cet acte de perfection incomprehensible par lequel il se donna à nous qui estions ses ennemis et qui luy causions la mort, et ce fut alors qu'il nous octroya le moyen de parvenir où il nous desiroit, à sçavoir d'estre faits un avec luy, comme luy et son Pere ne sont qu' un, c'est à dire une mesme chose.

  A010000682 

 Jusqu'où s'est abaissée la grandeur de Dieu pour un chacun de nous et jusqu'où nous veut-il eslever? Nous unir si parfaittement à soy qu'il nous rende une mesme chose avec luy! C'est ce que Nostre Seigneur a voulu, pour nous enseigner que comme nous avons tous esté aymés d'un mesme amour par lequel il nous embrasse tous en ce tres saint Sacrement, aussi veut-il que nous nous aymions de ce mesme amour qui tend à l'union, mais à une union des plus grandes et plus parfaites qu'il se peut dire.

  A010000682 

 Nous sommes tous nourris d'un mesme pain, qui est ce pain celeste de la divine Eucharistie, la manducation duquel s'appellant Communion, nous represente, comme nous avons dit, la commune union que nous devons avoir ensemble, union sans laquelle nous ne meriterons pas de porter le nom d' enfans de Dieu, puisque nous ne luy sommes pas obeissans..

  A010000683 

 Les enfans qui ont un bon pere le doivent imiter et suivre ses commandemens en toutes choses.

  A010000684 

 Aymons-nous donques de toute l'estendue de nos cœurs pour plaire à nostre Pere celeste, mais aymons-nous raysonnablement: c'est à dire, que nostre amour soit conduit par la rayson qui veut que nous aymions plus l'ame du prochain que son corps; puis que nous aymions encores le corps, et ensuite par ordre tout ce qui appartient au prochain, chaque chose selon qu'elle le merite, pour la conservation de cet amour..

  A010000685 

 Aussi son saint Apostre nous l'a-t-il plus particulierement exprimé, ne voulant pas que nous nous amusions à imiter ni les Anges ni les Cherubins en cette prattique tant necessaire, ains Nostre Seigneur mesme qui nous l'a enseignée beaucoup plus par œuvres que par paroles, principalement estant attaché à la croix..

  A010000685 

 Ou bien nous pouvons considerer les Apostres comme estant la barbe de Nostre Seigneur, qui est nostre Chef et dont nous sommes les membres, d'autant qu'ils furent comme attachés à sa face, puisqu'ils virent ses exemples, ses œuvres, et receurent ses enseignemens immediatement de sa bouche [279] sacrée.

  A010000686 

 C'est au pied de cette Croix que nous devrions nous tenir continuellement, comme au lieu auquel les imitateurs de nostre souverain Maistre et Sauveur font leur plus ordinaire demeure; car c'est de là qu'ils reçoivent cette liqueur celeste de la sainte dilection qui sort à grans randons, comme une divine source, des entrailles de la divine misericorde de nostre bon Dieu qui nous a aymés d'un amour si fort, si solide, si ardent et si perseverant que la mort mesme ne l'a pas peu attiedir, ains au contraire l'a infiniment rehaussé et aggrandi.

  A010000691 

 Je parleray d'abord de trois ou quatre points qui regardent la lettre, puis nous dirons le reste..

  A010000691 

 Voyci le contenu de l'histoire: nostre divin Maistre estant en cette ville où il publioit les effects et grandeurs de la providence de son Pere celeste, apres avoir fait plusieurs guerisons et delivré un demoniaque, c'est à dire une personne tourmentée du diable, il entra en la mayson de Simon et d'André et guerit la belle mere de Pierre qui estoit travaillée des fievres.

  A010000692 

 Plusieurs esprits bigearres en ont tiré qu'il failloit donques qu'en ce temps là saint Pierre ne gardast pas le celibat, et les huguenots ont dit que puisqu'il avoit une belle mere il devoit quant et quant avoir une femme, et partant qu'il estoit pour lors marié; ce qui n'est point, car il n'eust peu suivre Nostre Seigneur s'il eust esté chargé d'une femme..

  A010000692 

 Premierement, l'Evangeliste escrit que Jesus entra en la mayson de Simon, qui estoit le grand Apostre saint Pierre, le premier des Apostres qui avoit suivi nostre cher [281] Maistre avec son frere saint André.

  A010000692 

 Saint Matthieu le tesmoigne clairement en son chapitre huitiesme, et saint Marc indirectement en son chapitre premier, bien qu'en l'Evangile que nous lisons aujourd'huy, saint Luc ne le dise pas, ains seulement que Jesus entrant en la mayson de Simon il guerit sa belle mere qui estoit travaillée des fievres.

  A010000694 

 Elle le reconnoist bien tousjours pour son Seigneur, il est vray; neanmoins elle a un seigneur subalterne à qui elle appartient aussi et pour qui elle a de l'amour, et partant son cœur n'est pas entierement à Jesus Christ, il est partagé, il est divisé.

  A010000694 

 Mais les ecclesiastiques qui se sont tout à fait dediés à Dieu ne doivent point avoir d'autre Seigneur que luy; c'est pourquoy ils se separent de la creature quant à cette union qui se fait avec elle par le mariage, à fin de s'unir plus estroittement [282] avec leur Dieu; car le Sacrement de Mariage est une union de la creature avec la creature, et celuy de l'Ordre ecclesiastique est en quelque façon une desunion de la creature d'avec la creature.

  A010000694 

 Nostre Seigneur ayant choisi saint Pierre pour chef des ecclesiastiques, il estoit convenable qu'il vescust en celibat, d'autant que, comme escrit saint Hierosme, la vierge qui vient à se marier ne peut pas dire qu'elle soit toute à Dieu.

  A010000695 

 Il avoit eu une mayson et une famille en laquelle estoit demeurée sa belle mere, à qui il avoit donné l'usage de sa mayson et remis le soin de sa famille, car il l'avoit tout à fait quittée.

  A010000695 

 Quant à ce qui est dit que Jesus entra en la mayson de Simon, il ne faut pas entendre que ce glorieux Saint s'en fust reservé une ou qu'il eust encores une famille.

  A010000696 

 Certes, telles gens ne croyent point à cet article du Symbole, puisque c'est une chose tres certaine que, comme nous participons icy bas aux prieres les uns des autres, ces mesmes prieres et bonnes œuvres profitent aux ames du Purgatoire qui en peuvent estre aydées.

  A010000696 

 De plus, elles et nous avons part aux oraisons des Bienheureux qui sont en Paradis; et c'est en cela que consiste cette communion des Saints qui nous est representée en la guerison de nostre malade, [283] qui ne fut point delivrée par ses prieres, mais par celles des Apostres qui prierent pour elle..

  A010000696 

 Et non seulement cette communion se fait ça bas en terre, mais elle s'estend jusques à l'autre vie; celuy là est donc bien sot et hebeté qui, voulant croire la communion des Saints en la terre, ne veut pas croire qu'elle passe jusques au Ciel.

  A010000696 

 Pour ce qui est escrit que les Apostres, à sçavoir Pierre, André, Jean et Jacques, s'assemblerent pour demander la guerison de la belle mere de Simon, c'est une chose bien considerable; car cette demande nous represente la communion des Saints par laquelle le corps de l'Eglise est tellement uni que tous ses membres participent au bien de chacun: de là vient que tous les Chrestiens ont part à toutes les prieres et bonnes œuvres qui se font en la sainte Eglise.

  A010000697 

 Lors que Nostre Seigneur commanda à la fievre de la quitter il monstra sa toute puissance, faisant voir qu'il estoit maistre de la maladie comme de la santé et que c'est à luy à qui toutes choses obeissent.

  A010000697 

 Voyla pour ce qui regarde la lettre..

  A010000698 

 Nous le verrons en nostre febricitante, laquelle prattiqua tant et de si admirables vertus en sa maladie que je pense que l'histoire en devroit estre escritte par toutes les infirmeries des monasteres, à fin de servir d'exemple à tous ceux qui y souffriroyent quelque maladie et leur apprendre à en faire leur proffit.

  A010000698 

 Quant à ce qui est des maladies spirituelles, elles sont en si grand nombre que si j'entreprenois d'en parler je n'aurois jamais fait, d'autant plus qu'elles sont l'exercice de toute l'année; et, bien que les Religieuses soyent exemptes de quelques unes, neanmoins elles ne le sont pas de toutes.

  A010000699 

 Cecy sera par forme d'entrée en mon discours, et je me serviray des paroles de saint Paul au sujet de Melchisedech; je m'en serviray, dis-je, comme d'une «preface armée,» selon l'expression de saint Hierosme, à sçavoir, d'une preface qui ayt ses armes et qui porte en teste le morillon.

  A010000699 

 Mais avant de passer aux maladies corporelles, il faut que je guerisse, ou du moins que je donne le remede propre à la guerison d'une maladie spirituelle qui se trouve en plusieurs personnes, touchant la consideration des choses qu'on medite.

  A010000699 

 Or, plusieurs esprits bigearres et niais ont fait des heresies sur ces paroles, croyant, voire disant que Melchisedech n'estoit point un homme, qu'il n'avoit pas un vray corps comme nous, et luy ont quant et quant voulu attribuer la divinité, comme s'il eust esté Dieu, ce qui est faux; car, d'apres saint Paul, c'estoit un homme juste et paisible, et n'y a point de difficulté qu'il ne fust semblable aux autres.

  A010000700 

 Il y en a encores beaucoup en ce temps icy qui conduisent les ames, et d'autres à qui le Saint Esprit depart aussi de saintes et devotes pensées, lesquelles ils nous dressent pour nostre usage; car le mesme Dieu qui estoit hier est encores aujourd'huy pour faire tout autant de graces et faveurs aux hommes de cet aage comme à nos peres anciens..

  A010000700 

 La premiere est de se servir des considerations pieuses dressées par plusieurs qui ont eu la conduite des ames, lesquels ont fait de belles conceptions tant sur la vie et mort de Nostre Seigneur que sur les autres mysteres de nostre foy, conceptions dont on peut user en la meditation.

  A010000701 

 C'est donques une imagination que nos peintres ont fait qui n'est non plus veritable que celle par laquelle quelques uns peignent le bon larron attaché à la croix avec des doux, ce qu'ils ne veulent pas faire du mauvais, comme s'il ne le meritoit pas; et telles autres suppositions sur la Sainte Escriture, lesquelles sont heteroclites et dangereuses et dont il faut user sobrement; de mesme de ce qu'on pretend des trois Maries..

  A010000701 

 On s'imagine, par exemple, tant de larmes qui se jetterent en la Passion au rencontre du Fils et de la Mere, quand le Sauveur portoit sa croix sur le mont de Calvaire, et tant d'autres qui se verserent à la flagellation et au pied de la croix.

  A010000701 

 Pour representer les convulsions et les douleurs de la tres sainte Vierge Nostre Dame, les uns se la sont figurée toute alarmée, toute pasmée et defaillie de douleur à la mort de son Fils, et nos peintres l'ont ainsy representée au pied de la croix, comme s'il luy eust pris quelque foiblesse ou defaillance; ce qui ne luy arriva jamais ni en la vie ni en la mort de Nostre Seigneur, car, dit l'Evangeliste, elle demeura ferme et debout au pied de la croix.

  A010000702 

 Mais l'on ne s'est pas contenté de ce qu'ils ont laissé, ains on a fait plusieurs autres imaginations; c'est icy où il faut prendre garde pour n'en pas user dans la meditation à tort et à travers, selon nostre fantasie, ains sobrement, selon l'advis de [286] nos directeurs et de ceux qui nous conduisent, ou selon qu'il est marqué dans les livres bien approuvés qui nous mettent hors de doute et danger.

  A010000702 

 Or, je ne dis pas qu'il ne se faille servir de l'imagination pour mediter, ni des considerations pieuses qui nous ont esté laissées par les saints Peres et par tant de bonnes ames.

  A010000702 

 Puisque ces saints et grans personnages les ont faites, qui n'osera s'en servir, et qui refusera de penser ou croire pieusement ce que pieusement ils ont creu? O certes, il faut aller asseurement apres des personnages de telle authorité.

  A010000702 

 Voyla quant à cette premiere façon de mediter, qui est bonne et que je ne desapprouve nullement, car plusieurs grans et saints personnages l'ont prattiquée et la pratiquent encores; aussi est-elle excellente quand on s'en sert comme ils l'ont fait..

  A010000703 

 Mais parce qu'il n'est rien dit en la Sainte Escriture des pere et mere, de la genealogie, de la naissance ni de la mort de Melchisedech, saint Paul n'en veut rien declarer ni rien adjouster à la lettre, il ne veut rien dire de ce qui n'est pas escrit; c'est pourquoy il parle de la sorte de ce saint personnage..

  A010000704 

 Comme elle est tranquille et paisible! Voyez-vous, elle avoit une grande fievre qui la retenoit dans le lit et la travailloit grandement, d'autant que c'est le propre de cette maladie; neanmoins elle demeure sans aucune inquietude et sans en donner à ceux qui estoyent aupres d'elle; car l'Evangeliste n'en fait aucune mention, ains dit seulement qu'elle estoit dans son lit avec la fievre.

  A010000705 

 O Dieu, qu'elle estoit heureuse cette bonne femme, et qu'elle meritoit bien que l'on prinst soin d'elle, comme firent saint Pierre et saint André et ces deux autres Apostres, Jean et Jacques, lesquels procurerent sa guerison; ils prouveurent à ce qui luy estoit necessaire sans estre sollicités par cette malade, qui ne leur en parla point, ains poussés par la charité et commiseration de ce qu'elle enduroit.

  A010000705 

 Or, cette grande remise de nostre febricitante entre les mains de ses superieurs est cause qu'elle ne s'inquiete point, qu'elle ne se met point en soucy de sa santé ni de sa guerison; elle le laisse à ceux qui la gouvernent, se contentant de demeurer dans son lit et de souffrir sa maladie avec douceur et patience.

  A010000705 

 Que les malades qui sont parmi le monde seroyent heureux s'ils se laissoyent gouverner par ceux qui ont charge d'eux, et les Religieux et Religieuses s'ils faisoyent cette grande remise de nostre febricitante entre les mains de leurs Superieurs!.

  A010000706 

 Que si un pere ayant malade un fils qu'il n'ayme point ne laisse de le faire traitter selon son besoin, poussé d'une compassion naturelle, que n'attendrons-nous des Superieurs qui nous servent par une vraye charité?.

  A010000706 

 Si les gens du monde ont sujet de se delaisser ainsy à ceux qui les soignent, à cause de l'amour ou compassion [288] naturelle qu'ils leur portent, à plus forte rayson les Religieuses qui vivent sous des Superieures lesquelles, par le motif de la charité, les servent et pourvoyent à leurs besoins.

  A010000707 

 La pluspart sont allés au Sauveur pour estre gueris des maladies qu'ils avoyent au corps, et non point pour celles qu'ils avoyent en l'ame; il n'y a que la Magdeleyne, cette grande Sainte, qui soit venue à luy pour faire traitter son cœur et recevoir la guerison de ses infirmités spirituelles, ce qu'elle fit en une façon admirable lors qu'elle estoit encores en la fleur de son aage..

  A010000707 

 Mais ce qui est encores plus admirable, c'est qu'elle le voit dans sa mayson, elle le regarde et il la regarde; et si, elle ne luy dit pas un mot de sa maladie pour l'exciter à avoir pitié d'elle.

  A010000708 

 O Dieu, combien y eut-il de malades en Capharnaum qui, sçachant que Nostre Seigneur, souverain Medecin, estoit là, tesmoignerent un tres grand empressement et avidité pour faire connoistre leur estat à celuy qu'ils sçavoyent les pouvoir guerir.

  A010000709 

 Ce qui monstre que les moines de ce temps là n'usoyent point de vin ni de viande, comme estans contraires à la pauvreté evangelique..

  A010000709 

 Ce sont des moines qui se nomment comme cela, lesquels demeuroyent à Rome.

  A010000709 

 Le glorieux saint Bernard, qui entendoit bien cecy, escrivit une epistre traittant tout au long des maladies corporelles, aux Freres de saint Anastase.

  A010000709 

 Les moines qui se sont consacrés au service de Nostre Seigneur, adjouste-t-il, ne doivent plus avoir soucy des maladies corporelles, mais bien des spirituelles, et pour les premieres il leur faut s'en remettre à la providence de Dieu qui les permet, et au soin des Superieurs qui ont charge d'eux.

  A010000709 

 Mais encores en ce temps cy, que ne feroyent pas nos malades s'ils sçavoyent qu'il y eust un homme de grande experience, pour le prier de les visiter et de remedier à leurs maux? Avec quelle impatience n'attendroyent-ils pas sa venue? O certes, cette inquietude ne procede que d'un amour desreglé de soy mesme, maladie à laquelle sont sujets non seulement les gens du monde, mais aussi ceux qui vivent en Religion.

  A010000709 

 Or, en cette famille, ils se trouvoyent presque tous malades, et je le crois bien, car ils estoyent nombreux et tous de diverses nations; peut estre aussi estoyent-ils en mauvais air, ou que celuy de Rome estoit pour lors corrompu, ce qui leur causoit plusieurs infirmités.

  A010000711 

 Ailleurs il respond à l'objection de ceux qui luy pouvoyent repliquer que l'Apostre saint Paul, qui avoit pourtant l'Esprit de Dieu, commandoit à son disciple Timothée de boire du vin quand il luy escrivoit en cette sorte: Mon cher fils et tres aymé frere, nous vous ordonnons de laisser de boire de l'eau et de vous servir d'un peu de vin pour fortifier vostre estomach qui est affoibli par l'eau que vous avez beu.

  A010000712 

 Il est vray que ces choses ne sont pas si rares en nostre aage qu'elles l'estoyent pour lors; car il n'y avoit que fort peu de medecins et quelquefois un seul en toute une province, de sorte que quand on le vouloit trouver ou consulter il failloit courir de costé et d'autre, ce qui ne se pouvoit faire sans grans frais: l'on n'en pouvoit avoir un à moins de cent escus.

  A010000712 

 Mais comme il permet le peché, il envoye les infirmités pour nous chastier et purifier d'iceluy; alors il se faut sousmettre à sa justice et à sa misericorde, et nous tenir dans un humble silence qui nous fasse tranquillement embrasser les evenemens de sa providence, comme faisoit David, lequel disoit dans ses afflictions: J'ay souffert et me suis teu, parce que je sçay que c'est vous qui me les avez envoyées pour me chastier et me purger de mon iniquité..

  A010000712 

 Mais l'on ne se contente pas de cela, ains on veut se gouverner selon sa fantasie: on a tant de soin de soy! On s'inquiete et s'empresse à rechercher des moyens pour sa guerison, on voudroit volontiers sçavoir tout ce qui nous est propre ou non, connoistre tous les remedes du monde pour s'en servir, et pretendroit-on que chacun s'y employast.

  A010000713 

 Ces gens ressemblent aux petits enfans qui estans piqués d'une guespe ou d'une mouche à miel, vont en [293] grande haste le monstrer à leur mere à fin qu'elle souffle sur leur doigt..

  A010000713 

 Elle n'estoit pas semblable à plusieurs personnes de ce temps, lesquelles si elles ont la migraine ou la colique il faut que chacun en soit empesché et que tout le voysinage en soit instruit, autrement elles ne sont pas contentes; ni à ceux qui pour le moindre mal veulent estre retirés à part dans une infirmerie à fin que chacun les plaigne et souffle sur iceluy; ni à ceux qui courent au medecin pour la plus petite incommodité qu'ils ressentent.

  A010000713 

 Elle ne dit donques mot, elle ne fait aucun compte de sa maladie, elle ne s'attendrit point à la raconter, elle souffre sans se soucier qu'on la plaigne ou qu'on procure sa guerison; elle se contente que Dieu le sçache et ses superieurs qui la gouvernent.

  A010000714 

 Nostre febricitante est admirable, car non seulement elle ne publie pas son mal, elle ne s'amuse point à en parler ni ne se met en devoir d'envoyer querir le medecin; mais, chose estrange, Nostre Seigneur estant en sa mayson comme un souverain Medecin qui la pouvoit guerir, elle ne luy dit mot touchant sa maladie; voire, elle ne le veut pas regarder en qualité de medecin, ains seulement comme son Dieu à qui elle appartient et en la santé et en la maladie.

  A010000715 

 C'est assez qu'il le sçache et qu'il nous voye en nostre infirmité; il le faut laisser faire, et, sans nous mettre en devoir de pourvoir à ce qui est requis pour nostre guerison, nous abandonner à nos Superieurs et leur en laisser le soin, ne nous meslant d'autre chose que de bien porter nostre mal tant qu'il plaira à Dieu.

  A010000717 

 Quoy qu'il soit bon, quand c'est pour mieux servir Nostre Seigneur, de luy demander la santé comme à Celuy qui la nous peut donner, toutefois il le faut faire avec cette condition, si telle est sa volonté, car nous devons tousjours dire: Fiat voluntas tua; Ta volonté soit faite.

  A010000717 

 Sa douceur et sa resignation furent grandes en ce [294] qu'elle ne mena aucun bruit de son mal ni ne le tesmoigna par ses paroles, car elle ne dit point au Sauveur ni à ceux qui la gouvernoyent, qu'elle desiroit plus la santé que la maladie.

  A010000718 

 Il y a des personnes qui voudroyent, quand elles sont malades, employer tout le monde, si elles pouvoyent, pour estre gueries, et envoyent de costé et d'autre à ce que l'on prie Dieu de les delivrer de ces maladies corporelles.

  A010000718 

 Oyant un jour la Messe qui se disoit pour luy en l'eglise de Saint Germain, comme le bon abbé qui celebroit fut arrivé à l'oraison en laquelle il recommandoit l'ame et la santé spirituelle du Roy, ce prince fit promptement sortir l'un de ses pages pour l'advertir de recommander sa santé corporelle, disant que pour celle de l'ame l'on y penseroit puis apres.

  A010000719 

 Cette parole fut secrette, neanmoins ayant esté ouye du [295] Sauveur il regarda la malade qui le regardoit; puis, s'approchant de son lit, il l'empoigna par la main, et se faschant contre la fievre luy commanda de la quitter; soudain elle fut guerie, et se levant de ce pas, elle l'alla servir à table..

  A010000720 

 Elle n'estoit point de ces femmes tendres et delicates qui ayans eu une maladie de quelques jours il leur faut les semaines et les moys pour les refaire, à fin que ceux qui n'ont pas appris qu'elles estoyent malades le sçachent en ce temps qu'elles prennent pour se remettre, et que par ce moyen ils ayent encores le loysir de les plaindre.

  A010000721 

 Imaginez-vous aussi ce que faisoyent de leur costé les Apostres qui avoyent veu ce miracle, et apprenez comment on se doit comporter aux maladies corporelles et le profit que l'on en doit tirer..

  A010000721 

 Or, si vous voulez, faites à cette heure agir l'imagination et regardez combien cette femme servoit son cher Maistre avec amour, joye et allegresse; comme elle le regardoit, comme son cœur s'embrasoit de son amour et combien d'actes elle en faisoit; combien de benedicite elle avoit en la bouche, louant Celuy qui luy avoit fait tant de bien.

  A010000722 

 En somme, il faut observer en icelles la regle generale, qui est de ne rien demander et ne rien refuser, mais se remettre entre les mains de nos Superieurs, leur laissant le soin de pourvoir aux medecins, aux remedes et à tout ce qui est requis pour nostre santé et soulagement.

  A010000722 

 Le premier degré de cette pauvreté, dit saint Bonaventure, c'est de n'avoir point de demeure et de mayson qui nous soit propre et selon nostre goust; le second, de ne point avoir de vestement et de nourriture asseurée au temps de la santé; le troisiesme, c'est, estant malade, de ne sçavoir où se retirer, de n'avoir point de giste pour se loger, point de viandes pour subvenir à la necessité, ni aucunes qui soyent à nostre gré, en un mot, d'estre delaissé et abandonné de tout secours à la fin de nostre vie, et parmi cela, de ne rien demander pour nostre soulagement ni rien refuser, lors mesme que ce qui nous seroit donné ne nous aggreeroit pas..

  A010000723 

 Aussi cette grande Sainte ne pouvant mourir en effect en cette pauvreté evangelique, y mourut du moins par desir et affection; et à ces deux saintes ames, comme à tous ceux qui les imitent, on peut dire: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux.

  A010000723 

 C'est ce qui a esté exactement prattiqué en cet aage par un grand Saint et une grande Sainte: par l'un en effect, et par l'autre en desir et affection.

  A010000734 

 qui estoyent assis, et il leur donna.

  A010000739 

 L'histoire que la tres sainte Eglise nous represente en l'Evangile d'aujourd'huy est un tableau dans lequel sont depeints mille beaux sujets propres à nous faire admirer et louer la divine Majesté; mais ce tableau nous represente sur tout la providence admirable, tant generale que particuliere, que Dieu a pour les hommes, et nommement pour ceux qui l'ayment et qui vivent selon ses volontés dans le Christianisme..

  A010000740 

 Dieu exerce il est vray cette providence envers toutes les creatures et specialement envers les hommes, tant payens et heretiques qu'autres quels qu'ils soyent, car autrement ils periroyent indubitablement; pourtant, il faut sçavoir qu'il a une providence beaucoup plus particuliere pour ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000740 

 Or, entre ceux cy il se trouve encores quelques troupes, comme nous voyons en nostre Evangile, qui meritent que Nostre Seigneur ayt d'eux un soin plus special: ce sont ceux qui pretendent parvenir à la perfection et lesquels, pour ce faire, ne se contentent pas de le suivre en la plaine [298] des consolations, ains ont le courage de le suivre encores parmi les deserts jusques sur la cime de cette haute montagne.

  A010000740 

 Plusieurs virent le Sauveur tandis qu'il alloit instruisant et guerissant les hommes, et ne le suivirent pourtant pas; d'autres le voyant le suivirent, mais seulement jusqu'au pied de la montagne, se contentant de l'accompagner en la plaine et ès lieux aggreables et faciles; mais plus heureux mille fois ceux qui le virent et le suivirent non pas seulement jusqu'au pied de la montagne, ains transportés de l'amour qu'ils luy portoyent, monterent avec luy, despourveus de tout autre soin que de luy plaire, car ils meriterent que la divine Bonté prinst soin d'eux, et de leur faire mesme un festin miraculeux de peur qu'ils ne vinssent à defaillir de faim..

  A010000741 

 Je le dresse donc sur la confiance que ceux qui pretendent à la perfection doivent avoir en la Providence pour ce qui regarde les necessités spirituelles, d'autant que j'ay parlé d'autres fois, je pense en ce mesme lieu, de cette providence generale que Dieu a pour tous les hommes, et de la confiance que nous devons avoir en luy pour les choses temporelles.

  A010000742 

 Je dispose ce que j'ay à dire en trois ou quatre points, au premier desquels je considere la bonté de ce peuple qui accompagnoit Nostre Seigneur sans aucun soin ni pensée sur eux mesmes, laissant leurs maysons et tout ce qu'ils avoyent, attirés de l'affection et du contentement qu'ils prenoyent d'ouyr sa parole.

  A010000742 

 O que c'est une bonne [299] marque à un Chrestien de se plaire à entendre la parole de Dieu et de quitter tout pour le suivre! On peut sans doute pretendre et parvenir à la perfection en demeurant au monde et faisant soigneusement ce qu'on doit faire selon sa vocation; mais pourtant c'est une chose tres certaine que le Sauveur n'exerce pas envers ceux-là une providence si speciale, ni n'en a pas une sollicitude si particuliere comme de ceux qui abandonnent encores tout le soin d'eux mesmes pour le suivre plus parfaitement.

  A010000743 

 Je ne dis pas tant cecy pour ce qui est des choses temporelles comme pour les spirituelles; luy mesme l'enseigna à sa bien aymée sainte Catherine de Sienne: «Pense en moy,» luy dit-il, «et je penseray en toy.» O qu'heureuses sont les ames qui sont si amoureuses de Nostre Seigneur que de bien suivre cette regle de penser en luy, se tenant fidellement en sa presence, escoutant ce qu'il nous dit continuellement au fond du cœur, obeissant à ses divins traits et attraits, mouvemens et inspirations, respirant et aspirant sans cesse au desir de luy plaire et d'estre sousmises à sa tres sainte volonté; pourveu toutefois que cela ne soit point sans cette divine confiance en sa toute bonté et en sa providence, car il nous faut tousjours demeurer tranquilles, et non point troublés ni pleins d'anxieté apres la recherche de la perfection que nous entreprenons..

  A010000744 

 Ayez patience, peut-on dire à ces bonnes gens, quittez un peu le soin de vous mesme et n'ayez pas peur que rien vous manque; car si vous vous confiez en Dieu il aura soin de vous et de tout ce qui sera requis à vostre perfection.

  A010000744 

 Ceux qui suivent ce divin Sauveur les doivent imiter en cela, retranchant tant de soucis, tant d'anxietés pour ce qui regarde leur avancement, tant de plaintes qu'ils font de se voir imparfaits.

  A010000744 

 Considerez, je vous prie, ces troupes qui suivent nostre cher Maistre jusques sur la montagne: avec quelle paix et quelle tranquillité d'esprit elles vont apres luy! Pas un ne murmure ni ne se plaint, bien qu'il sembloit qu'ils deussent exhaler l'ame à force de langueur et de faim.

  A010000744 

 Jamais nul n'a esté trompé qui se soit confié en luy et en sa providence..

  A010000745 

 Hé, ne voyez-vous pas que les oyseaux, lesquels ne moissonnent ni ne recueillent, et qui ne servent à rien qu'à recreer l'homme par leur chant, ne laissent pas pourtant d'estre nourris et sustentés par l'ordre de cette divine providence? Vous sçavez que l'on tient de deux sortes d'animaux dans les maysons: les uns pour l'utilité, et les autres pour le simple playsir que l'on en tire.

  A010000746 

 C'est pourquoy il a ordonné que nous fussions sustentés et nourris par le moyen des dismes qui se recueillent sans sollicitude; je veux dire nous autres qui, estans consacrés à son service, sommes les oyseaux propres à recreer sa divine Bonté par le [301] moyen de nostre chant et des continuelles louanges que nous luy donnons.

  A010000746 

 L'Eglise est la mayson du Pere de famille qui est Nostre Seigneur et Maistre; il a un soin tres grand de pourvoir aux necessités de tous les fidelles qui y sont associés, avec cette difference neanmoins, qu'entre eux tous il en choisit quelques uns qu'il veut estre tout à fait employés à chanter ses louanges et qui pour cela soyent desgagés de tout autre soin.

  A010000746 

 Les Religieux et les Religieuses que sont-ils autre chose sinon des oyseaux en cage pour repeter sans cesse les louanges de Dieu? Nous pouvons dire que tous les exercices de la Religion sont autant de cantiques nouveaux qui nous annoncent les divines misericordes, et qui nous provoquent continuellement à magnifier la divine Majesté en reconnoissance de la speciale et toute particuliere providence qu'elle a eue pour nous, nous ayant retirés d'entre le reste des hommes pour plus aysement et tranquillement suivre le Sauveur sur la montagne de la perfection..

  A010000747 

 Il faut avoir une grande fidelité, mais sans anxieté ni empressement; nous servir des moyens qui nous sont donnés selon nostre vocation, et puis nous tenir en repos pour tout le reste; car Dieu, sous la conduite duquel nous nous sommes embarqués, sera tousjours attentif à nous pourvoir de ce qui nous sera necessaire.

  A010000747 

 Mais en verité nous pouvons bien dire ce qui est dans le saint Evangile: Plusieurs sont appelles, mais peu sont esleus; plusieurs aspirent à la perfection, mais peu y parviennent, d'autant qu'ils ne marchent pas comme il faudroit, ardemment mais tranquillement, soigneusement mais confidemment, c'est à dire, plus appuyés sur la divine Bonté et sur sa providence que non pas sur eux mesmes et sur leurs œuvres.

  A010000747 

 Quand tout nous manquera, lors Dieu prendra soin de nous, et tout ne nous manquera pas, puisque nous aurons Dieu qui doit estre nostre tout..

  A010000748 

 Dieu fera plustost des miracles que de laisser sans secours, tant spirituel que temporel, ceux qui se confient pleinement en sa divine providence; mais neanmoins il veut que nous fassions de nostre costé ce qui est en nous, c'est à dire il veut que nous nous servions des moyens ordinaires pour nous perfectionner, [302] au defaut desquels il ne manquera jamais de nous secourir.

  A010000748 

 Mais au contraire, mettez Elie pres du torrent de Carith ou bien dans le desert de Bersabèe, et vous verrez que là Dieu le sustente, en un lieu par l'entremise des Anges, et en l'autre par celle d'un corbeau qui luy apporte tous les jours des pains et de la chair pour son entretien..

  A010000748 

 Tandis que nous avons nos Regles, nos Constitutions, des personnes qui nous disent ce que nous devons faire, n'attendons pas que Dieu fasse des miracles pour nous conduire à la perfection, car il ne le fera pas.

  A010000749 

 Ces pauvres troupes qui suivent aujourd'huy Nostre Seigneur ne furent secourues de luy qu'apres qu'elles furent tout alangouries de faim.

  A010000749 

 Il en eut une pitié extreme parce que, pour son amour, ils s'estoyent oubliés eux mesmes, de sorte qu'ils ne portoyent quant et eux nulle provision, excepté le petit Martial qui avoit les cinq pains d'orge et les deux poissons.

  A010000749 

 Il semble que le Sauveur, tout amoureux des cœurs de ces bonnes gens, qui estoyent environ cinq mille, disoit à part luy: Vous n'avez nul soin de vous, mais je le prendray moy mesme.

  A010000750 

 De mesme il tente quelquefois ses serviteurs en la confiance qu'ils ont en sa divine providence, permettant qu'ils soyent si alangouris, si secs et pleins d'aridité en tous leurs exercices spirituels qu'ils ne sçavent de quel costé se tourner pour se secouer un peu de l'ennuy interieur qui les accable..

  A010000751 

 Cecy nous represente merveilleusement bien certaines ames qui n'attendent pas que Nostre Seigneur les plaigne, ains le font soigneusement elles mesmes.

  A010000751 

 De mesme en est-il des tribulations purement spirituelles, qui sont ces degousts, aridités, secheresses, aversions et repugnances au bien que les ames les plus adonnées au service de Dieu ressentent fort souvent.

  A010000751 

 Les passions m'inquietent grandement, je ne puis rien souffrir sans repugnance interieure, tout m'est extremement pesant; j'ay un si grand desir d'acquerir l'humilité, et cependant je sens une si grande aversion à estre humiliée; je n'ay point cette tranquillité interieure qui est si aymable, d'autant que les continuelles distractions m'importunent fort.

  A010000751 

 Les peines, les douleurs qu'un chacun a sont tousjours les plus grandes: ces pauvres femmes qui ont perdu leur mari estiment tousjours leur affliction plus griefve que celle de toutes les autres.

  A010000752 

 Il est bien vray, dit saint André à Nostre Seigneur, qu' il y a icy un jeune enfant qui porte cinq pains d'orge et deux poissons; mais qu'est-ce que cela pour [304] tant de gens? Helas! disent ces pauvres ames attendries sur elles mesmes, mon affliction est telle que deux cens escus de consolations ne me suffiroyent pas.

  A010000753 

 Grand cas, que Dieu ayme tant l'humilité qu'il nous tente quelquefois non pour nous faire faire le mal, ains pour nous apprendre par nostre propre experience quels nous sommes, permettant que nous disions ou fassions quelque grande folie ou aucune chose qui nous donne matiere de nous abaisser.

  A010000753 

 Or, ces plaintes et ces tendretés que nous avons sur nous mesme, ces doleances, ces difficultés à la poursuite du bien commencé, qu'est-ce autre chose qu'un sujet vrayement digne de nous humilier et reconnoistre pour foibles et encores enfans en ce qui est de la vertu et de la perfection? Oh! il ne faut pas tant se regarder soy mesme, ains il faut penser en Dieu et le laisser penser en nous..

  A010000754 

 L'humilité sans generosité n'est qu'une tromperie et lascheté de cœur qui nous fait penser que nous ne sommes bons à rien et que l'on ne [305] doit jamais penser à nous employer à quelque grande chose; au contraire, la generosité sans humilité n'est que presomption.

  A010000756 

 Mais l'Evangeliste saint Marc, en l'histoire qu'il rapporte d'un autre miracle presque tout semblable à celuy cy, miracle qui n'est pas neanmoins le mesme, d'autant qu'il y avoit sept pains, ainsy qu'il le tesmoigne, et saint Jean escrit qu'il n'y en avoit que cinq en celuy de ce jour, saint Marc donc dit expressement que tous mangerent des sept pains et des deux poissons.

  A010000757 

 A la resurrection, comme se pourra-t-il faire qu'un chacun ressuscite en son mesme corps, puisque les uns [306] auront esté mangés par les vers, les autres par les bestes farouches, qui par les oyseaux, d'autres en fin auront esté bruslés et leurs cendres jettées au vent? Comme donques se pourra-t-il faire qu'en mesme temps que l'Ange appellera un chacun pour venir au jugement, tous, dis-je, en ce mesme instant, sans aucun delay, se releveront ressuscités en leur propre chair; raov, en ce corps que je porte à cette heure, lequel ressuscitera par la toute puissance de Dieu qui le produira de nouveau? car comme il ne luy a pas esté difficile de le produire tel qu'il est, il ne le sera pas davantage de le reproduire derechef..

  A010000758 

 Tous donc mangerent de ces cinq pains et de ces deux poissons multipliés miraculeusement, excepté saint Martial qui, ne participant point à ce miracle, mangea là tout seul de son pain et non pas de celuy du Sauveur, d'autant qu'il avoit porté sa provision.

  A010000759 

 Cela nous signifie que les mondains, qui sont figurés par les Israelites, lesquels pretendoyent voirement bien d'acquerir et parvenir en la terre de promission terrestre, les mondains, dis-je, et [307] ceux qui vivent dans le monde mais qui desirent le Ciel, ne laissent pas pourtant de s'aggrandir en la terre, et de rechercher encores au delà de la necessité leurs commodités et leurs ayses icy bas.

  A010000759 

 Mais ceux qui pretendent de suivre Nostre Seigneur jusques sur la montagne de la perfection se doivent contenter de la suffisance en tout ce qui regarde les necessités tant corporelles que spirituelles, fuyant l'abondance et la superfluité en toutes choses, demeurant contens en la simple suffisance, voire mesme en estant privés du necessaire quand il plaist à Dieu que cela arrive..

  A010000759 

 Mon Dieu, qu'est-ce que cecy nous represente? Les Israëlites murmurateurs sont sustentés du pain des Anges, c'est à dire de cette manne qui estoit petrie par leurs mains; et ceux qui suivoyent Nostre Seigneur avec une affection nompareille et un cœur tout benin et despouillé du soin d'eux mesmes ne sont nourris avec luy que de pain d'orge.

  A010000760 

 Quant à moy je vous diray ma pensée sur la question que je m'en vay vous faire: à sçavoir mon, lequel vous aymeriez mieux, ou d'estre nourries d'un peu de pain cuit sous la cendre avec le Prophete Elie dans le desert de Bersabée, ou bien avec le mesme Prophete, des pains et de la chair qu'il reçoit du bec d' un corbeau pres du torrent de Carith? Je ne puis sçavoir vostre pensée, mais quant à moy je vous diray bien franchement que j'aymerois mieux de la main de l'Ange le pain cuit sous la cendre, que non pas le pain, pour blanc qu'il fust, ni de la chair m'estant apportés au bec d' un corbeau, qui est un oyseau infect et puant.

  A010000761 

 Les vrays amis de Dieu et ceux qui le suivent fidellement par tout où il va, poussés de l'amour ardent qu'ils portent à sa divine Majesté, et, pour dire en un mot, les Religieux et les Religieuses, qui ont fait profession de l'accompagner par les chemins les plus difficiles et aspres jusques sur la montagne de la perfection, doivent à l'imitation de ce peuple, n'avoir plus qu'un pied en la terre, tenant toute leur ame avec toutes ses puissances et ses facultés occupée aux choses celestes, laissant tout le soin d'eux mesmes à Nostre Seigneur au service duquel ils se [308] sont dediés et consacrés; partant ils ne doivent rechercher ni desirer autre chose que simplement ce qui est necessaire, et tout particulierement pour ce qui regarde les besoins spirituels; car quant aux temporels cela est tout clair, puisqu'ils ont abandonné le monde et toutes les commodités qu'ils avoyent d'y vivre selon leur volonté.

  A010000762 

 Il est vray que bien souvent ce n'est pas avec de la manne, qui avoit le goust qu'un chacun pouvoit desirer, mais avec un morceau de pain cuit sous la cendre ou bien avec un morceau de pain d'orge.

  A010000762 

 Je veux dire ainsy: Nostre Seigneur veut que ces ames choisies pour le service de sa divine Majesté se nourrissent aucunefois d'une resolution ferme et invariable de perseverer à le suivre parmi les degousts, les secheresses, les repugnances et les aspretés de la vie spirituelle, sans consolations, sans saveurs, sans tendretés, mais en une tres profonde humilité, croyant de n'estre pas dignes d'autre chose, prenant ainsy amoureusement ce pain non de la main d'un Ange ains de celle du Sauveur, qui nous le donne conformement à nostre necessité; car c'est une chose certaine que, si bien il n'est pas grandement savoureux au goust, il est neanmoins grandement proffitable à nostre santé spirituelle..

  A010000764 

 Là nous ne pourrons jamais manquer de glorifier cette divine Majesté que nous aurons si cherement aymée et suivie, selon qu'il nous aura esté possible, par les deserts de ce monde miserable jusques au plus haut de la montagne de la perfection, où nous parviendrons tous par sa grace, pour l'honneur et gloire de Nostre Seigneur qui est nostre divin Maistre.

  A010000769 

 Or Nostre Seigneur ayant honnoré cette ville en ce qu'il l'avoit choisie pour sa principale demeure, voulut aussi honnorer de sa presence celle de Naïm, laquelle quoy que petite, estoit neanmoins grandement belle; c'est pour cela qu'on la nommoit Naïm qui veut dire belle..

  A010000770 

 Nostre cher Sauveur rencontrant ces funerailles à la porte de [311] Naïm, voulut faire un tres grand miracle: il s'approcha donques de ceux qui portoyent le corps et toucha la biere, leur commandant d'arrester là et de ne pas passer plus outre, ce qu'ils firent soudain; et tout le peuple estant en attention pour voir ce qui adviendroit, Jesus prononça cette parole toute puissante: Adolescent, je te dis, leve-toy.

  A010000770 

 Tous ceux qui virent ce prodige furent pleins d'estonnement et commencerent à louer et à glorifier Dieu, disant qu'il avoit visité son peuple et que ce Prophete estoit la redemption d'Israël.

  A010000772 

 C'est le propre de la bonté de se communiquer [312] car de soy mesme elle est communicative, et pour cet effect elle se sert de la misericorde et de la justice: de la premiere pour faire du bien, et de la seconde pour punir et arracher ce qui nous empesche de ressentir les effects de cette bonté de nostre Dieu dont la misericorde est sa justice, et la justice sa misericorde.

  A010000773 

 L'attouchement du Sauveur n'estoit pas necessaire pour ce miracle, non plus que pour aucun autre; il pouvoit bien, sans toucher la biere, faire arrester ceux qui la portoyent et ressusciter cet adolescent sans aucune ceremonie, par sa toute puissance et vertu divine; mais il ne le voulut pas, ains se servit de l'imposition de ses mains pour monstrer qu' aux jours de sa chair, à sçavoir quand il conversoit en sa chair parmi les hommes, il exerçoit sa vertu et puissance divine par l'entremise de son humanité.

  A010000773 

 Les anciens disoyent que Dieu habitoit avec eux, qu'il enseignoit et instruisoit son peuple à faire ce qui estoit de ses divines volontés; neanmoins, comme le disent nos saints Peres, il n'y habitoit pas visiblement ains invisiblement.

  A010000773 

 Mais despuis que le Verbe s'est incarné, il a conversé avec nous visiblement, il a habité parmi nous en sa chair; et pour nous monstrer cela, il s'est voulu servir d'icelle, c'est à sçavoir de son humanité, comme d'un outil ou instrument pour accomplir les œuvres qui appartenoyent à sa divinité..

  A010000774 

 En troisiesme lieu, quant à ce qui est dit qu'il trouva ce mort à la porte de la ville, c'est qu'on le portoit [313] hors d'icelle, car en cette ancienne Synagogue l'on enterroit les morts hors des villes à cause de l'infection des corps et par crainte du mauvais air.

  A010000775 

 Cecy est un peu difficile à entendre, car qui appelle-t-il adolescent? Le defunct ne l'estoit pas ni quant au corps ni quant à l'ame, d'autant que l'ame n'est ni vielle ni jeune, elle ne croist ni ne descroist, elle n'est susceptible d'aucun temps; le corps n'estoit non plus adolescent, puisqu'estant mort ce n'estoit qu'une charogne.

  A010000775 

 Il est vray que ce jeune homme mort n'estoit pas adolescent, ni quant au corps ni quant à l'ame; aussi Nostre Seigneur ne l'appelle-t-il pas comme s'il l'estoit, mais comme une chose à qui il veut donner l'estre, monstrant en cela sa parole toute puissante et efficace qui fait ce qu'elle dit; car celuy qui n'estoit pas adolescent le fut aussi tost que le Sauveur eut prononcé ces mots: Adolescent, je te dis, leve-toy..

  A010000775 

 Or, si l'ame de cet homme trespassé n'est sujette à aucune vicissitude, et si le corps estant separé de son ame n'est plus qu'un cadavre, à qui donc nostre Sauveur parle-t-il en cette sorte: Adolescent, je te dis, leve-toy? Voicy l'esclaircissement de cette difficulté.

  A010000776 

 C'est avec une parole toute puissante que Dieu a creé le ciel et la terre, qu'il a tiré l'estre du non estre, d'autant que cette parole est operative, elle opere ce qu'elle dit, et de ce qui n'est pas, elle fait ce qui est.

  A010000776 

 Les morts n'entendent pas: qui donques luy respondra? Il parle aux morts tout ainsy que s'ils estoyent vivans, pour monstrer que la voix de Dieu n'est point seulement ouye de ceux qui ont des oreilles, mais encores par ce qui n'est pas; qu'il a puissance sur les choses creées et sur les increées, de sorte que s'il addressoit sa voix aux choses increées elles luy respondroyent, tant sa parole est efficace..

  A010000776 

 Mais à qui [314] parle-t-il maintenant? A un mort.

  A010000777 

 Au jour du jugement, ou un peu devant iceluy, l'Archange viendra, qui par le commandement de Dieu dira: «Levez-vous, morts, venez au jugement.» Et à cette voix tous les morts ressusciteront pour estre jugés.

  A010000777 

 Et pourquoy l'Archange addresse-t-il ses paroles à ces cadavres tout reduits en cendre et poussiere? Ne sçait-il pas que les morts n'entendent rien? et s'il le sçait, pourquoy donc leur commandet-il ainsy: «Levez-vous, morts?» Comme se leveront-ils, puisqu'ils n'ont point de vie? Neanmoins c'est bien à ces carcasses mortes que l'Archange parle, et cette parole estant proferée par le commandement de Dieu, est tellement puissante et efficace qu'elle donne la vie à ceux qui ne l'ont pas; en disant elle opere ce qu'elle dit, et de ce qui n'est pas elle en fait ce qui est, si que ces morts qui estoyent reduits en cendre se leveront en corps et en ame, vrayement vivans, c'est à sçavoir ressuscités, tout ainsy que Nostre Seigneur ressuscita de soy mesme et par sa propre vertu au troisiesme jour..

  A010000777 

 Mais à qui parle cet Archange? Aux morts qui sont dans les tombeaux, à des charognes puantes, car nos corps ne sont que pourriture quand ils sont separés de l'ame.

  A010000778 

 Alors nous verrons cet admirable miracle de la transsubstantiation qui s'opere tous les jours au Sacrement de l'Eucharistie; car en cette resurrection generale se fera la transsubstantiation des cendres qui estoyent dans les tombeaux ou ailleurs, en vrays corps vivans, lesquels en un instant se trouveront au lieu destiné [315] pour le dernier jugement.

  A010000778 

 Donques, si la parole non de plusieurs Anges, ains d'un seul Archange, proferée par le commandement de Dieu est si operatrice qu'elle donne l'estre à ce qui n'est point, pourquoy ne croirons-nous pas à toutes les paroles de Dieu? Pourquoy aurons-nous de la difficulté à croire que par icelles, qu'elles soyent dites par luy mesme ou par ceux à qui il en a donné la charge et le pouvoir, il ne puisse faire ce qui est de ce qui n'est pas, encores que nous ne le comprenions point? Et quelle difficulté y a-t-il en cet article de la resurrection des morts, puisqu'elle se fait par la toute puissance de Dieu?.

  A010000779 

 Il n'y a donques nulle difficulté à concevoir comment ce garçon qui estoit dans cette biere n'estoit pas adolescent, mais qu'il le fut lors que nostre divin Maistre luy fit ce commandement: Adolescent, je te dis, leve-toy, et ressuscita tel que Nostre Seigneur l'avoit nommé.

  A010000780 

 A quoy nos saints Peres ont respondu que cela ne peut estre; car bien que les Chrestiens ne doivent point craindre la mort pource qu'ils doivent tousjours estre prests à bien mourir, neanmoins ils ne sçauroyent pour cela estre exempts de cette crainte; car qui est-ce qui sçait s'il est en estat pour bien faire ce passage, puisque pour bien mourir il faut estre bon? Et qui est asseuré d'estre bon, c'est à dire d'avoir la charité necessaire pour estre trouvé tel à l'heure de son trespas? Personne ne le peut sçavoir s'il n'en a receu une revelation particuliere; et encores ceux là qui en ont eu n'ont pas esté exempts de craindre la mort..

  A010000780 

 Il y a quelques philosophes anciens qui ont voulu soustenir qu'il ne la failloit point craindre, et que ceux qui la redoutoyent c'estoit faute d'entendement ou de courage.

  A010000781 

 Et comme le disoyent-ils, puisque les plus courageux et sçavans philosophes d'entre eux, estans sur un basteau, sont demeurés tout pasles et transis voyant les flots et tourmentes de la mer qui les menaçoyent d'une mort prochaine? C'est ce que raconte saint Augustin, adjoustant les paroles que respondit l'un d'eux en cette occurrence: Vous autres estes des canailles et gens qui n'avez point de cœur et point d'ame à perdre, car vous les avez ja perdus; mais moy, dit-il, je redoute la mort parce que j'ay une ame et que je crains de la perdre.

  A010000782 

 Ceux qui veulent traverser des ruisseaux ou des rivieres sur quelque planche sont en grand peril de se perdre s'ils portent des bericles; car il y a deux sortes de bericles: les unes font les caracteres plus grans qu'ils ne sont, les autres les font plus petits, et ceux qui ont la veuë courte en usent.

  A010000782 

 Or, pour eviter les inconveniens qui se trouvent en la consideration de la mort, il faut, disent nos anciens Peres, la craindre sans la craindre..

  A010000782 

 Or, si ces gens voulant passer sur cette planche employent des bericles qui aggrandissent les objets, elles la luy representeront beaucoup plus large qu'elle n'est; si que s'asseurant là dessus ils se mettront en danger de poser les pieds hors d'icelle et par consequent de se perdre, car rencontrant le vuide ils tomberont dans le precipice.

  A010000782 

 Que s'ils se servent des bericles qui rapetissent les choses, elles leur feront paroistre cette planche si petite qu'ils n'oseront jamais entreprendre de passer sur icelle, ou s'ils y passent ils seront saisis d'une si grande frayeur qu'elle sera suffisante pour les perdre.

  A010000783 

 C'est ce qui fait que les plus grans serviteurs de Dieu ont redouté ce passage comme une chose à la verité tres redoutable..

  A010000783 

 Helas! qui peut sçavoir s'il est digne d'amour ou de haine, s'il sera du nombre des esleus? Donques celuy qui ne craint point la mort est en tres mauvais estat et en grand peril, puisque nous sçavons que le lieu où nous irons apres icelle est eternel et que nous serons sauvés ou damnés eternellement.

  A010000783 

 Il la faut craindre, car qui n'en auroit peur, puisque tous les Saints l'ont redoutée, et mesme le Saint des Saints, nostre Sauveur? car la mort n'est pas naturelle à l'homme, ains il a esté condamné à icelle à cause de son peché.

  A010000784 

 Ainsy, quoy qu'il y ayt eu des Saints qui ont desiré et demandé la mort il ne faut pas penser qu'il ne l'ayent point apprehendée, car il n'y a personne, pour saint qu'il soit, qui ne l'ayt justement redoutée, si ce n'est ceux qui ont eu des asseurances toutes particulieres de leur salut par des revelations tres speciales..

  A010000784 

 Il est vray qu'il y a eu des Saints qui semblent l'avoir desirée, mais ce n'est pas qu'ils ne l'ayent crainte pour cela ni qu'ils n'ayent eu peur d'elle, car l'on peut bien desirer ce que l'on redoute et demander ce qu'on n'ayme pas.

  A010000784 

 Quel est le malade qui ne craigne le rasoir quand il faut que le chirurgien s'en serve pour luy couper un membre pourri à fin qu'il n'infecte et gaste les autres? Mais quoy qu'il le craigne il ne laisse pas de le souhaitter et mesme demander, de peur que la gangrene ne se mette à son membre gasté; c'est ce qui luy fait demander le rasoir qu'il craint, et se resjouir en quelque façon quand on l'approche.

  A010000785 

 Ah! qui me fera ce bien, s'escrie-t-il, que je meure à fin que j'aille voir mon Seigneur Jesus Christ! Par où il monstre qu'il n'avoit nulle apprehension d'estre separé de luy en mourant, ains qu'il avoit une certitude tres grande de sa part qu'il iroit en la beatitude eternelle jouir de luy; et pour ce il desiroit et demandoit la mort..

  A010000785 

 Je vous proposeray neanmoins l'exemple de deux Saints qui ont eu ce privilege.

  A010000785 

 Le premier est le grand Apostre saint Paul, qui receut des asseurances si certaines de la beatitude qu'il semble n'avoir eu nulle frayeur de la mort, car il dit [318] luy mesme: Je me sens pressé de deux desirs du tout contraires, lesquels me travaillent sans cesse et me font bien de la peine, dont l'un est de sortir de cette vie pour m'en aller jouir de la douce presence et veuë de mon Maistre.

  A010000785 

 Mais remarquez comme il parle avec asseurance disant que quand il sera dissous de son corps de mort il verra Dieu, car le desir qui le travaille est de voir son Maistre.

  A010000785 

 Oh! quand sera-ce donques que je le verray face à face? Hé, qui me delivrera de ce corps de mort? et plusieurs autres semblables paroles par lesquelles le grand Apostre veut exprimer la vehemente passion qu'il avoit d'estre dissous et disjoint de son corps, à ce que son ame, qui brusloit du desir de voir son Seigneur, ne fust pas davantage retenue par sa chair.

  A010000786 

 Notez cependant que par son autre souhait il marque cette condition, à sçavoir, si c'estoit la volonté de Dieu; car, dit-il, je suis retenu d'un autre desir, qui est de demeurer parmi vous, mes tres chers enfans, parce que j'ay esté envoyé pour vous enseigner et instruire; de sorte que pendant que ma presence vous sera tant soit peu necessaire je suis pressé de ne me point separer de vous et de me priver du contentement incomparable et inexplicable que j'attens apres la mort, plustost que de vous quitter, sçachant que je vous puis estre encores utile et qu'il y a tant soit peu du bon playsir de mon Maistre.

  A010000787 

 Il y a plusieurs personnes qui la demandent à Nostre Seigneur, et quand on les interroge pourquoy: C'est, respondent-elles, pour estre delivrées des miseres de cette vie.

  A010000788 

 Ce grand personnage, Job, est un autre Saint qui paroist avoir souhaitté la mort et l'avoir trouvée plus douce que la vie; car se voyant reduit en tant d'angoisses et de tribulations, il semble qu'il avoit plus de sujet de desirer la mort que la vie.

  A010000788 

 Considerez ces paroles, je vous prie: Que le jour perisse auquel je suis né, et celles qui s'ensuivent, lesquelles l'auroyent rendu [320] coulpable si Dieu n'eust pris en main sa cause, et asseuré qu'il ne pecha point en tout le temps qu'il fut reduit sur le fumier, affligé en toutes les façons qui se peuvent imaginer..

  A010000789 

 Ces paroles, qui paroissent extravagantes, sont des paroles amoureuses lesquelles ne sont pas entendues de imis; car ceux qui ne sçavent que c'est de l'amour n'ont point compris ce que ce saint homme vouloit dire.

  A010000789 

 Il en est de mesme de l'amour divin, la force duquel fait employer des mots qui sentent sujets à la censure s'ils n'estoyent compris par ceux qui connoissent le langage de ce celeste amour..

  A010000789 

 Il en prend de l'amour divin comme de l'amour humain; souvent il arrive aux fols amoureux du monde de proferer des paroles qui certes seroyent ridicules si elles ne sorloyent d'un cœur passionné; ils disent ce que la force de l'amour leur fait dire, et ce langage n'est entendu que de ceux qui sçavent que c'est que d'aymer.

  A010000790 

 Or donques, comme Job estoit un grand amoureux de Dieu, toutes les paroles qu'il prononça sur son fumier cstoyent certes des paroles amoureuses; la flamme qui embrasoit son cœur luy faisoit faire des extravagances, mais le Seigneur, qui penetroit le fond de ce cœur, voyoit bien que ce n'estoit ni l'ennuy ni l'impatience qui le faisoit parler de la sorte, ains l'amour dont il estoit animé; car nostre cher Maistre sçait bien que c'est que d'aymer, il connoist bien le langage de l'amour, et pour ce il declare que Job n'a point peché en tout ce qu'il a dit.

  A010000791 

 Aussi, tous ceux qui ne sçavent que c'est que d'aymer n'ont point bien rencontré en l'interpretation de ces paroles, et sur icelles on a escrit plusieurs choses mal à propos.

  A010000791 

 Je vous veux monstrer cecy par un exemple qui se trouve en l'Evangile.

  A010000791 

 Lors que la Sainte Vierge, aux noces de Cana en Galilée, dit à Nostre Seigneur avec [321] tant d'humilité et charité que le vin estoit failli, il la rejetta, luy respondant: Femme, qu'y a-t-il entre vous et moy? Pourquoy vous meslez-vous de cela, qu'en ay-je à faire? et telles autres choses que pouvoit signifier la responce qu'il fit à sa Mere, responce qui semble bien rude et rigoureuse à ceux qui n'entendent pas le langage de l'amour.

  A010000791 

 Mais la sacrée Vierge, qui sçavoit que c'est que d'aymer, entendit bien ce que son Fils vouloit dire, car elle estoit toute faite à son langage, s'entend par l'experience qu'elle en avoit, et c'estoit elle qui luy avoit appris à parler..

  A010000792 

 De plus, ces paroles qui en apparence semblent estre rudes, sont les plus douces et obligeantes qu'un cœur amoureux puisse dire à une ame amoureuse; et pour ce, je vous repete encores, faites seulement tout ce qu'il vous dira..

  A010000793 

 Mais, nonobstant ces deux exemples qui sont des exceptions, je dis pour conclusion que tous doivent craindre la mort..

  A010000793 

 Or, le grand saint Job parle amoureusement quand il dit: Que le jour perisse auquel je suis né, etc. Notez cependant que si bien par cette parole et autres semblables il paroist souhaitter et demander la [322] mort, ce n'est point toutefois qu'il manque de resignation et de sousmission à la volonté divine, car il ne la veut qu'entant qu'il plaira à Dieu; neanmoins l'amour luy fait dire ces choses d'autant qu'il souspiroit de voir Celuy qui le pressoit si fort de son amour.

  A010000793 

 Voyla donques comme l'amour a un certain langage que nul ne peut entendre que ceux qui sçavent que c'est qu'aymer.

  A010000794 

 Outre ce que nous avons deduit, nous voyons ès paroles que le Seigneur addressa à nos premiers parens au paradis terrestre que la mort est naturellement redoutée de l'homme; car quand Dieu defendit à Adam de manger du fruit de l'arbre de science, il luy dit: Je suis ton Seigneur, et pour ce il faut que tu m'obeisses; or, comme ton Seigneur, je te fais un commandement qui est que tu ne manges point du fruit de cet arbre, car si tu en manges tu mourras.

  A010000795 

 Mais nos anciens Peres enseignent que nous devons craindre la mort sans la craindre: que veut dire cecy? C'est que, quoy qu'il faille la redouter ce ne doit pas estre d'une crainte excessive qui ne soit pas accompagnée de tranquillité; car les Chrestiens doivent marcher sous l'estendart de la providence de Dieu et estre prests à embrasser tous les effects et evenemens de cette douce providence qui sçaura bien prendre soin de nous.

  A010000795 

 Ne nous laissons donc point aller à des frayeurs inquietes et chagrines, comme il arrive à quelque bonne femme [323] qui pour avoir pensé une matinée à la mort brouillera tout ce jour-là son mesnage, si que personne ne pourra avoir paix avec elle.

  A010000796 

 Ce n'est pas en cette façon qu'il faut y penser, ni moins avoir tant de soucy pour sçavoir quand nous mourrons et en quel lieu: si ce sera aux champs ou à la ville, sur mon cheval ou au pied d'une montagne, ou par quelque pierre qui m'assommera; si je mourray dans mon lit, assisté de quelqu'un ou sans avoir personne.

  A010000796 

 De tout cela que nous importe? Laissons ce soin à la divine Providence qui s'occupe bien des oyseaux du ciel, desquels une seule plume ne tombe sans sa permission.

  A010000797 

 Ceux qui meurent dans leur lit se desespereroyent sans doute s'ils ne voyoyent l'image du Crucifix qui les fait souvenir que le Sauveur a esté attaché pour eux à la croix, et s'ils ne luy parloyent ou pensoyent en luy mentalement.

  A010000797 

 Et comme faut-il faire? Ce qu'enseigne saint Augustin vostre Pere par ces paroles qui sont assez triviales et communes, mais qui neanmoins contiennent beaucoup d'instruction.

  A010000797 

 Il faut donc que je craigne ce dernier passage, mais sans anxieté ni inquietude, ains d'une crainte qui me prepare et tienne tousjours prest à bien mourir.

  A010000798 

 Il faut donques craindre la mort sans la craindre, c'est à dire la craindre d'une crainte tranquille et pleine d'esperance, puisque Dieu nous a laissé tant de moyens pour bien mourir, et entr'autres celuy de la contrition qui est si general qu'il peut effacer la coulpe de toute sorte de pechés.

  A010000798 

 O que bienheureux sont ceux qui seront en cette sainte indifference, et qui, en attendant ce que Dieu ordonnera d'eux, se prepareront par une bonne vie à bien mourir!.

  A010000799 

 Et moy qui me couche ce soir dans ce lit, je ne sçay si [325] demain je seray en vie.

  A010000799 

 Il y en a mesme eu qui ont prins pour prattique de destiner quelque temps de l'année pour s'appliquer tout particulierement à la consideration de la mort; les autres tous les moys une fois, d'autres toutes les semaines et les autres tous les jours, prenant une certaine heure pour y penser, le soir ou le matin; et par ce frequent souvenir ils se disposoyent à bien faire ce passage.

  A010000800 

 A quoy il leur respondit qu'il n'avoit fait qu'une seule chose, à sçavoir de bien penser qu'on feroit la visite des Estats en la province et que sans doute il y viendroit des visiteurs qui s'acquitteroyent bien de leur charge; que pour ce il s'estoit tousjours comporté comme il desireroit avoir fait lors que ces visiteurs se presenteroyent.

  A010000801 

 L'autre histoire je la tiens d'une grande princesse qui, me parlant un jour de ses affaires, me dit qu'il y avoit un conseiller clerc lequel s'estoit retiré de la cour se [326] deschargeant de toute sollicitude.

  A010000801 

 Quelque temps apres j'y retournay, et il me dit qu'il estoit tous-jours à dresser ses comptes en attendant le moment qui luy seroit assigné pour les rendre.

  A010000802 

 Que nous serions heureux si nous pensions ainsy au compte qu'il nous faudra rendre, et que, desoccupés de toute autre affaire, nous le tinssions tousjours prest pour le jour qui nous seroit assigné pour cela! Il le faut faire, car la mort a des pieds de coton avec lesquels elle vient si doucement qu'on ne s'en apperçoit point, et comme cela elle nous surprend.

  A010000807 

 Qui ex Deo est verba Dei audit; propterea.

  A010000810 

 Celuy qui est de Dieu escoute les paroles.

  A010000816 

 En second lieu, il faut que ce qui est dit soit bon et veritable.

  A010000816 

 Pour que cette parole soit estimée et receuë, il faut que celuy qui la profere soit homme de bien, vertueux et digne de croyance; autrement, au lieu d'estre receuë elle sera rejettée et mesprisée.

  A010000816 

 Troisiesmement, il faut que ceux qui l'entendent soyent bons et bien preparés pour la recevoir, à defaut dequoy elle n'est ni receuë ni estimée ni gardée..

  A010000816 

 Une parole peut estre receuë ou rejettée pour trois raysons: pour la consideration de la personne qui la dit, pour la parole qui est dite, ou bien à cause de ceux qui l'entendent.

  A010000817 

 C'est ce que Nostre Seigneur nous apprend en l'Evangile que la sainte Eglise nous propose aujourd'huy, où il est fait mention d'un reproche qu'il addressoit aux scribes et pharisiens dequoy ils ne recevoyent pas ses paroles, reproche par lequel il jette toute la faute sur eux, disant: Pourquoy ne croyez-vous pas à la verité que je vous enseigne? Il s'estonne grandement de cela, comme s'il eust voulu dire: Vous n'avez nulle excuse, [328] car qui d'entre vous m'arguera de peché? Pourquoy donques ne me croyez-vous pas, puisque ce que je vous dis est la verité mesme? Moy ne pouvant errer, il faut indubitablement que vostre meschanceté en soit la cause, car le defaut n'est point en moy ni en la parole que je vous enseigne..

  A010000818 

 Il est donques defendu aux pecheurs d'annoncer la sacrée parole, de crainte qu'elle ne soit rejettée par ceux qui l'ouyront..

  A010000818 

 Quant au premier point, il est donques requis que la personne qui parle et qui annonce la parole de Dieu soit irreprochable et que sa vie soit conforme à son enseignement; autrement il ne sera pas receu ni approuvé.

  A010000819 

 Mais l'on ne doit pas l'entendre des pecheurs tels quels, ains des grans et signalés pecheurs; car autrement, qui l'annonceroit, veu que tous les hommes sont pecheurs et que quiconque dira le contraire mentira meschamment? Les Apostres mesmes n'ont pas esté sans peché; celuy qui pretendroit n'estre point pecheur commettroit une tres grande imposture, et feroit bien voir le contraire de son dire en mesme temps qu'il prononceroit ce mensonge.

  A010000820 

 Or, bien que tous les hommes soyent pecheurs, tous ne doivent pourtant pas se taire et ne point enseigner la parole de Dieu, ains seulement ceux qui menent une vie du tout contraire à cette divine parole.

  A010000820 

 Que si neanmoins il arrive qu'elle nous soit presentée par les meschans, [329] nous ne la devons pas rejetter, ains la recueillir, et faire comme les abeilles, lesquelles cueillent le miel sur toutes les fleurs des prairies, excepté sur une ou deux; et bien que quelques unes de ces fleurs soyent veneneuses et ayent du poison en leur propre substance, elles en tirent dextrement le miel qui, estant une liqueur toute celeste, n'est point meslé avec le venin..

  A010000821 

 Apres avoir demeuré desja longuement dans les deserts, il fut un jour inspiré de Dieu de venir à Edesse, qui estoit sa propre ville; et luy, qui avoit exposé son cœur devant la divine Majesté pour recueillir cette pretieuse rosée des inspirations celestes, et qui avoit tousjours eu une fidelité tres grande à les recevoir et à leur obeir, se rendit fort docile à celle cy..

  A010000821 

 Pour confirmation de mon dire, je vous raconteray volontiers un bel exemple qui se trouve en la Vie du grand saint Ephrem; je dis grand non seulement parce qu'il fut diacre de deux illustres Docteurs de l'Eglise, mais aussi parce qu'il fut grand Docteur luy mesme, ayant escrit des choses infiniment belles qui causent une merveilleuse suavité à ceux qui les lisent.

  A010000822 

 Estant parvenu à Edesse il fit rencontre d'une femme desbauchée, rencontre qui luy causa une si grande fascherie qu'il dit en soy mesme: Mon Dieu, je vous avois prié de me faire trouver quelqu'un qui m'enseignast ce que vostre bon playsir requiert de moy, et cependant j'ay rencontré cette miserable.

  A010000822 

 Lors se prosternant soudain à genoux, il fit une priere fort fervente à fin qu'il pleust à sa Bonté luy faire la grace qu'en entrant en cette ville il rencontrast quelqu'un qui luy servist de directeur pour le conduire en la voye de ses volontés; puis il se leva plein de confiance que le Seigneur l'exauceroit.

  A010000823 

 Le Seigneur voulut bien qu'un Prophete fust instruit par une asnesse; il permit bien que Pilate, qui estoit si meschant, nous prononçast cette grande verité que nostre divin Maistre estoit Jesus, c'est à dire Sauveur, tiltre qu'il fit poser dessus la croix, repetant: Cela est ainsy, c'est moy qui l'ay dit.

  A010000824 

 Nous ne devons nous soucier, dit un grand Docteur, que celuy qui nous [331] monstre le chemin de la vertu soit bon ou mauvais; pourveu que ce soit bien le vray chemin, nous le devons enfiler et y marcher fidellement.

  A010000825 

 L'Escriture toute sage nous tesmoigne encores cecy lors qu'elle nous renvoye aux bestes les plus infirmes, mesme les plus brutes, pour estre instruits de ce que nous devons faire, disant que nous allions aux fourmis à fin d'apprendre d'elles le soin et la prevoyance que nous devons avoir, d'autant qu'elles amassent tandis que le temps est beau pour se nourrir par apres au temps qui n'est point propre à la cueillette.

  A010000825 

 Nous ne devons point regarder la personne qui nous presche ou nous enseigne, ains seulement si ce qu'elle nous dit est bon ou mauvais; car il faut demeurer asseuré que la parole de Dieu n'est ni bonne ni mauvaise à cause de celuy qui nous l'expose ou explique, ains qu'elle porte sa bonté quant et elle, sans recevoir nulle tare pour la mauvaisetie de celuy qui la prononce.

  A010000826 

 C'est pourquoy Nostre Seigneur en l'Evangile d'aujourd'huy, demande aux scribes et aux pharisiens: Qui d'entre vous m'arguera de peché? Vous dites que je suis un samaritain, que je bois et mange avec les publicains, [332] que je suis un buveur de vin, que je defends de payer le tribut à Cesar, que je n'observe pas le sabbat; vous me mettez ainsy à sus plusieurs calomnies et impostures, mais respondez-moy, qui est celuy d'entre vous autres qui me reprendra de pechè? Pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Il faut sans doute que le mal soit tout en vous, car il n'y en peut avoir en moy..

  A010000826 

 Neanmoins, pour parler trivialement, il faut que celuy qui enseigne soit bon s'il veut que sa doctrine soit receuë et approuvée, autrement sa mauvaise vie fera rejetter et mespriser ce qu'il dira comme estant vituperable et mauvais.

  A010000826 

 Nous devons tirer du fruit de la parole de Dieu n'importe par qui elle nous soit presentée; mais pourtant les pecheurs qui ne veulent pas s'amender, ains qui perseverent en leur meschanceté, offencent grandement en l'exposant et en proferant les louanges de la souveraine Majesté, puisqu'ils mettent cette divine parole en danger d'estre mesprisée à cause de leur mauvaise conduite.

  A010000827 

 Par consequent il jouissoit en cette partie supreme de la claire veuë de la divine Majesté, veuë qui fera nostre beatitude eternelle, et de laquelle resuite necessairement une impossibilité de pecher, car il est impossible de voir Dieu sans l'aymer souverainement: aussi l'amour souverain ne peut souffrir le peché, lequel deshonnore la divine Bonté et luy est infiniment desaggreable..

  A010000828 

 Cela estant donques ainsy, Nostre Seigneur disoit tres justement aux Juifs: Qui d'entre vous me peut accuser de peché? et sur ce il entroit en un grand estonnement de quoy ils ne croyoyent pas à ses paroles et ne suivoyent pas sa doctrine, veu que sa vie estoit irreprochable.

  A010000828 

 O combien cela est-il asseuré que nostre divin Maistre ne pouvoit se tromper, car il est luy mesme la verité à laquelle tous ceux qui ne croiront point periront indubitablement.

  A010000829 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, declare, ainsy que je disois l'autre jour, que son Bien-Aymé, qui est nostre cher Maistre, a deux mammelles remplies de parfums tres pretieux qui r espandent des odeurs tres souefves.

  A010000829 

 Quand il est escrit que Nostre Seigneur estoit plein de grace et de verité, cela se doit entendre qu'il estoit plein de foy et de charité; non pas qu'il eust la foy pour luy mesme, car il n'en avoit pas besoin, ayant la claire vision des choses que cette foy nous apprend, mais il estoit plein de foy pour la distribuer à ses enfans qui sont les Chrestiens.

  A010000831 

 C'est une regle g'enerale que nous en faisons de mesme: dès que nous quittons la verité nous choisissons quant et quant la vanité, car la vanité est un defaut de verité qui nous fait tresbucher ès enfers.

  A010000831 

 L'Ange se destournant de [334] la consideration de Dieu, qui est la verité eternelle, et retirant les yeux de son entendement de dessus cet objet infiniment aymable, les abaissa soudain sur sa propre beauté estoit dependante de cette Beauté supreme laquelle il devoit regarder continuellement.

  A010000831 

 Meschant propos et malheureux dessein qui le perdit pour jamais..

  A010000832 

 Car le malin esprit trouvant Eve qui, au lieu de considerer les grandes graces qu'ils avoyent receuës, se promenoit oysifve dans le paradis terrestre, il luy proposa de quitter la meditation de cette verité: Si vous mangez du fruit defendu vous mourrez.

  A010000832 

 O qu'elle eust bien mieux fait de perseverer en la meditation, car elle ne seroit pas tombée de la verité en la vanité, puisque ce fut la vanité qui la fit prevariquer, comme chacun sçait..

  A010000833 

 Despuis, tous ses enfans ont esté entachés de cet esprit d'orgueil qui les rend habiles à pourchasser les honneurs, [335] les richesses, les playsirs, et que sçay-je moy, telles choses qui ne sont que folie, puisqu'elles sont plus propres à les destourner de la verité que non pas à les rendre capables de se tenir attentifs à icelle.

  A010000833 

 Helas! ne voyons-nous pas que ceux qui sont fort affectionnés à ces choses si vaines et frivoles ne pensent point, ou du moins il le semble par leur mauvaise conduite, à cette verité qu'il y a un Paradis rempli de toutes sortes de consolations et de bonheur pour ceux qui vivront selon les commandemens de Dieu et qui marcheront apres luy à la suite de ses volontés? Or, ces commandemens et volontés sont tout à fait contraires à la vie qu'ils menent, car ils ne laissent point pour cela de s'adonner aux playsirs bas et caducs, quoy qu'ils voyent bien qu'ils les priveront eternellement, s'ils ne s'amendent, de la jouissance de cette felicité sans fin.

  A010000833 

 Hé, ne voit-on pas aussi combien la vanité les possede, puisqu'ils ne se tiennent point attentifs à cette verité, qu'il y a un enfer où tous les tourmens et malheurs qui se peuvent imaginer, voire qui ne se peuvent imaginer, sont assemblés pour punir ceux qui ne craindront pas Dieu en cette vie et qui ne vivront pas en l'observance de ses commandemens? Neanmoins cette consideration est grandement necessaire pour nous maintenir en nostre devoir..

  A010000834 

 Dites-moy, si nous demeurions attentifs à la verité des mysteres que Nostre Seigneur nous apprend en l'oraison, que nous serions heureux! Quand nous le voyons mourant sur la croix pour nous, que ne nous enseigne-t-il pas? Je suis mort pour toy, dit-il, ce souverain Amant; qu'est-ce que requiert ma mort sinon que, comme je suis mort pour toy, tu meures aussi pour moy, ou que du moins tu ne vives que pour moy? O combien cette verité apporte d'ardeur en nostre volonté pour luy faire aymer cherement Celuy qui est tant aymable et si digne d'estre aymé! La verité est l'objet de l'entendement comme Famour est celuy de la volonté: soudain donques que nostre entendement apprehende cette verité que Nostre Seigneur est mort d'amour pour nous, ha, nostre volonté [336] s'enflamme tout incontinent et conçoit de grandes affections de contreschanger autant qu'elle pourra cet amour.

  A010000836 

 Il a dit, ce souverain Maistre: Bienheureux sont les debonnaires, et tous se veulent faire craindre et redouter; bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice, et tous se veulent venger et ne rien souffrir de peur d'estre mesprisés; bienheureux ceux qui pleurent, et tous neanmoins se veulent resjouir en cette vie perissable et mortelle, comme si c'estoit le lieu de nostre allegresse.

  A010000837 

 Nous serons dignes d'une tres grande punition, si ayant sceu que nous avons esté si cherement aymés de nostre doux Sauveur, nous sommes si miserables que de ne pas l'aymer de tout nostre cœur et pouvoir, et de ne pas suivre de toutes nos forces et avec tout nostre soin les exemples qu'il nous a donnés en sa vie, en sa passion et en sa mort, car il nous addressera le mesme reproche qu'il fait en l'Evangile d'aujourd'huy: Si je vous ay enseignés, moy qui ne puis estre accusé de peché, moy dont la vie est irreprochable, moy qui vous ay presché la verité que j'ay apprise de mon Pere celeste, pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Ou si vous croyez que je dis la verité, pourquoy ne la recevez-vous pas et ne demeurez-vous pas en icelle, ains vivez tout au contraire de ce qu'elle requiert de vous? Nous serons alors convaincus par sa divine Majesté, et il faudra qu'à nostre confusion nous confessions que le defaut vient de nostre costé et que c'est nostre malice qui en est la cause.

  A010000838 

 Car tout ainsy que la femme qui n'aymeroit pas davantage son mary que son laquais ne l'aymeroit pas assez ni comme elle doit, non plus que l'enfant qui aymeroit son pere d'un amour esgal à celuy qu'il porteroit à son valet, de mesme celuy qui ouyroit la predication avec le mesme esprit et la mesme attention qu'il feroit un conte de recreation ou tel autre propos, ne l'entendroit pas comme il faut; et s'il prenoit un playsir esgal en l'un comme en l'autre l'on pourroit [338] dire asseurement qu'il n'aymeroit pas assez la parole de Dieu.

  A010000839 

 Ne regardons jamais à la qualité de celuy qui nous annonce la sacrée parole; peu importe qu'il soit bon ou mauvais, pourveu que ce qu'il dit soit utile et conforme à nostre foy; car Dieu ne nous demandera pas si ceux qui nous ont enseignés ont esté saints ou pecheurs, ains si nous avons profité de ce qu'ils nous ont dit de sa part et si nous l'avons receu avec esprit d'humilité et de reverence..

  A010000839 

 Nos cœurs estans ainsy respandus devant Dieu par de bonnes propositions de tirer proffit des choses qui nous seront dites de sa part, tenons-nous attentifs et pensons que c'est sa Majesté qui nous parle et nous fait sçavoir sa volonté.

  A010000839 

 Oyons avec esprit de devotion et d'attention les verités que le predicateur nous propose; mettons cette parole sur nos testes, à l'imitation des Espagnols, lesquels quand ils reçoivent une lettre de quelque grand, ils la posent aussi tost sur leur teste pour monstrer l'honneur qu'ils portent à celuy qui leur a escrit, comme aussi pour tesmoigner qu'ils se sousmettent aux commandemens qui leur sont faits par cette lettre.

  A010000839 

 Sousmettons-nous à l'obeissance des choses qui nous sont enseignées, par lesquelles nous apprenons quelles sont les volontés de Dieu pour ce qui regarde nostre perfection et nostre avancement spirituel; escoutons-les et les lisons avec resolution d'en faire nostre proffit.

  A010000840 

 L'exemple du grand saint Charles est bien remarquable pour ce sujet: il ne lisoit jamais la sainte Bible qu'à genoux, la teste nue, avec une tres grande reverence, [339] parce qu'il luy sembloit que ce fust Dieu qui luy parloit à mesure qu'il lisoit.

  A010000842 

 Il suffit qu'en la partie superieure nous nous tenions en reverence et que nous ayons l'intention de profiter; cela estant, nous ne devons pas nous troubler comme si nous n'estions pas bien disposés pour recevoir cette sainte parole, car la preparation estant faite en la volonté et en la partie supreme de nostre esprit, nous aurons assez satisfait la divine Bonté [340] qui se contente de peu, et qui n'a point d'esgard à tout ce qui se passe à la partie inferieure..

  A010000842 

 Nous ne voulons pas dire qu'il faille avoir ces sentimens de devotion ou de reverence en la partie inferieure de nostre ame, qui est celle là pour l'ordinaire en laquelle resident ces degousts et ces difficultés.

  A010000842 

 Or, quand on nous enseigne qu'il faut escouter la parole de Dieu avec attention, reverence et devotion, cela se doit entendre comme quand on parle de l'oraison et de tout ce qui est de la prattique spirituelle.

  A010000843 

 En fin il faut conclure en disant que nous ne devons point rejet ter la parole de Dieu ni les documens que Nostre Seigneur nous a laissés, à cause des defauts des predicateurs qui nous les proposent, d'autant que nostre divin Maistre les ayant proferés le premier par sa divine bouche, nous sommes inexcusables de ne les pas recevoir, parce que si bien ce baume pretieux nous est presenté dans des vases de terre, tels que sont les predicateurs, il ne laisse pas pourtant d'estre infiniment propre à guerir nos playes, et ne perd point ses proprietés et sa force.

  A010000843 

 Nous ne serons pas non plus excusables si nous doutons que ce qui nous est enseigné soit la verité, d'autant que Jesus Christ, qui est la verité par essence, nous a enseignés luy mesme et s'est rendu nostre tres cher Maistre.

  A010000843 

 la bien garder, et ceux qui la gardent sont declarés bienheureux au saint Evangile par Nostre Seigneur et Sauveur.

  A010000848 

 Or, d'autant que Dieu est le premier principe de tous les estres, il ne s'en trouve aucun qui n'ayt quelque chose de beau et d'aymable en soy; mais entant qu'ils tirent leur origine du neant, il y a en tous quelque imperfection..

  A010000848 

 Toutes les choses qui sont au monde ont deux visages parce qu'elles ont deux extractions ou deux principes: le premier est Dieu, qui est la cause premiere de tout ce qui existe; le second est le neant duquel tout a esté tiré.

  A010000849 

 Ces deux visages ne se trouvent pas seulement ès creatures raysonnables, mais en toutes les autres qui sont creées de Dieu..

  A010000849 

 La creature raysonnable est voirement creée à l'image et semblance de Dieu, qui en est la premiere cause et le souverain principe; aussi comme telle, elle est tout aymable, ains tellement aggreable que qui verroit une ame en grace et ayant conservé en soy l'image de son Createur, il en deviendroit tout amoureux et ravi comme le fut sainte Catherine de Sienne.

  A010000849 

 Mais quant à la seconde extraction, qui est le neant, l'on y descouvre tousjours de l'imperfection qui est comme la marque de ce neant d'où la creature a esté tirée.

  A010000849 

 Or, d'autant que tout ce qui vient de Dieu est bon et aymable, aussi tout ce qu'il y a de bon et d'aymable en la creature procede de luy comme de sa premiere [342] source; de mesme, l'imperfection qui s'y rencontre vient du neant duquel elle a esté extraite.

  A010000850 

 Mais quoy que la colombe soit employée ordinairement pour nous signifier la perfection, si est-ce que je trouve en la mesme l'ecriture que l'on s'en sert pour nous faire entendre la laideur du vice et du peché; car Dieu parlant au peuple d'Ephraïm luy dit: Vous avez erré et vous vous estes fourvoyé comme la colombe qui n'a point de cœur.

  A010000852 

 Ailleurs les escrivains sacrés comparent les choses belles et apparentes, mais passageres et de peu de durée, à la rose qui se flestrit et fane sur le soir.

  A010000852 

 Neanmoins Nostre Seigneur, qui est la Sapience infinie, s'est parangonné à elle, car parlant de luy mesme il a dit: Je suis comme un tige ou rejeton d'un rosier..

  A010000853 

 Aussi n'ay-je onques leu en l'Escriture qu'elle l'ayt employé pour figurer autre chose que la perfection; ce qui ne se trouve point de tout le reste des creatures.

  A010000854 

 En toutes les autres, quelles qu'elles soyent, il se rencontre generalement de la perfection et de l'imperfection; c'est pourquoy celuy qui diroit à un homme qu'il n'a aucune [344] imperfection seroit aussi menteur que celuy qui diroit qu'il n'a point de perfection; car tout homme, pour saint qu'il puisse estre, a des imperfections, et, pour meschant qu'il soit, il a quelque perfection.

  A010000854 

 Entre toutes les creatures raysonnables il n'y a que la Sainte Vierge qui ayt eu toutes sortes de biens en elle sans aucun meslange de mal, car elle a esté seule exempte de toutes tares et souilleures de pechés et imperfections.

  A010000854 

 Mais la tres Sainte Vierge, qui tenoit son extraction du neant comme les autres creatures, a esté la seule en laquelle il ne s'est jamais trouvé aucune imperfection.

  A010000855 

 Cette imperfection est que, quoy qu'ils soyent jouissans de la claire vision de Dieu, ils ne reconnoissent pas tousjours tres clairement ce qui est de sa volonté, de sorte qu'en attendant d'en avoir une plus claire connoissance ils font au plus pres qu'ils peuvent ce qu'ils jugent estre le plus conforme au divin bon playsir, combien qu'ils soyent quelquefois d'advis differens l'un de l'autre.

  A010000855 

 Il advint ainsy aux Anges gardiens des Persans et des Juifs qui desbattoyent ensemble pour ce qui estoit de l'execution de la volonté de Dieu; en quoy ils commirent une imperfection, sans toutefois pecher car ils ne le pouvoyent pas faire.

  A010000855 

 Ils ressembloyent à ceux qui contreviennent à cette sainte volonté sans le sçavoir ou connoistre; car s'ils sçavoyent que ce qu'ils font n'est pas du bon playsir de Dieu ils mourroyent plustost mille fois que de le faire.

  A010000855 

 Mais la divine Sapience a voulu laisser cela aux Anges pour monstrer qu'il n'y a aucune creature qui n'ayt en soy quelque imperfection et qui ne porte la marque de son extraction qui est le rien..

  A010000856 

 L'on ne fait donques point de tort aux Saints quand on [345] raconte leurs defauts et pechés en parlant de leurs vertus; ains au contraire, ceux qui escrivent leur histoire font un grand tort à tous les hommes en les celant, sous pretexte de les honnorer, ou en ne racontant pas le commencement de leur vie, crainte que cela diminue ou amoindrisse l'estime que l'on a de leur sainteté.

  A010000857 

 Nous y voyons aussi leurs vertus pour les imiter; et en effect, les vrays Chrestiens, les vrayes Religieuses doivent estre comme des avettes qui vont voltigeant sur toutes les fleurs pour y ramasser le miel et s'en nourrir.

  A010000858 

 Cependant il se trouve des ames qui font tout le contraire: elles ressemblent non à des abeilles, mais à des guespes, meschans animaux qui vont voirement bien volant sur les fleurs, mais pour en tirer non point le miel ains le venin; que si elles recueillent le miel, c'est pour [346] le convertir en fiel.

  A010000858 

 Certes, il y a des Chrestiens lesquels sont non point comme des abeilles, mais comme des guespes qui voltigent tousjours sur les fleurs, c'est à dire sur les œuvres et actions de leur prochain, non pour mesnager le miel d'une sainte edification par la consideration de leurs vertus, mais pour en tirer le venin, en remarquant les fautes et imperfections soit des Saints dont on leur raconte la vie, soit de ceux avec lesquels ils conversent, en prenant occasion de commettre les mesmes defauts..

  A010000859 

 Par exemple, entendant comme saint Hierosme rapporte que sainte Paule avoit cette imperfection de pleurer et ressentir si vivement la mort de ses enfans et de son mary qu'elle en tomboit malade et failloit presque en mourir: Hé, disent-ils, si sainte Paule, qui estoit une si grande Sainte, avoit tant et de si vifs ressentimens à se separer de ceux qu'elle aymoit, se faut-il estonner si j'en ay, moy qui ne suis ni saint ni sainte, et si je ne me puis resigner en tous les evenemens, quoy qu'ils soyent ordonnés de la divine Providence pour mon bien? De là vient que quand on nous reprend de quelque manquement ou imperfection, l'on n'a point envie de se corriger; l'on objecte promptement: Un tel Saint faisoit bien cela, je ne suis pas meilleur ni plus parfait que luy; ou: Si une telle fait cela, ne le puis-je pas bien faire? Belle rayson que celle-cy! Pauvres gens que nous sommes, comme si nous n'avions pas assez à travailler chez nous pour nous desfaire et detortiller de nos imperfections et mauvaises habitudes, sans nous aller encor revestir de celles que nous remarquons aux autres..

  A010000860 

 Nous considerons la vie du grand Apostre saint Paul, et voyant ce qui s'est passé entre luy et saint Barnabé, nous disons qu'il nous est loysible [347] d'estre contentieux et querelleurs.

  A010000861 

 Voyla un jeune homme qui entrera en Religion ou une autre personne qui fera une bonne œuvre: il s'en trouvera qui censureront cette retraitte ou cette bonne œuvre, et par leurs raysons et discours seront cause que plusieurs en feront autant.

  A010000862 

 Aussi tous les Saints ont tasché de se rendre sages de cette folie et ont souffert pour icelle tous les mespris, censures et humiliations qui leur sont arrivés de la part des sages du monde; car cette perfection de la croix requiert que l'on endure pour la justice les travaux, les reprehensions, les persecutions.

  A010000862 

 Bienheureux ceux qui sont persecutés pour la justice!.

  A010000862 

 Que la sagesse [348] du siecle constitue s'il luy plaist son excellence en la gloire mondaine; le vray Chrestien, et, pour parler nostre langage, c'est à dire le langage du lieu où nous sommes, les vrays Religieux et Religieuses qui tendent à la perfection chrestienne, doivent, contre toutes les raysons de la prudence humaine, constituer toute leur perfection en la folie de la croix; car c'est en cette folie de la croix que Nostre Seigneur a esté parfait.

  A010000863 

 Cette doctrine est toute contraire à celle du siecle; car quoy que Nostre Seigneur crie et recrie: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, les pacifiques, les debonnaires, ceux qui ont faim et soif de justice, le monde, qui ne peut approuver cette sagesse, dit tous-jours: O que bienheureux sont les riches, les braves, ceux qui se vengent de leurs ennemis et que l'on n'oseroit offenser! Voyez-vous comme la perfection de la croix est une folie devant les sages du monde, car elle embrasse ce que la prudence humaine abhorre? Elle ayme la correction, s'y sousmet et se complaist de n'estre rencontrée que pour estre corrigée, et n'a point de plus grand playsir que d'estre reprinse et advertie de ses defauts et manquemens.

  A010000863 

 O que bienheureuses sont ces ames qui ne se parlent que pour s'advertir ou faire la correction fraternelle en esprit de charité et profonde [349] humilité; mais plus heureuses encores celles qui sont tousjours prestes à la recevoir avec un cœur doux, paisible et tranquille; elles ont ja fait un grand chemin.

  A010000864 

 Or, ceux qui ont esté à Milan sçavent que dès......jusques à cette ville il y a des canaux lesquels ont une fort belle grace et sont tres aggreables.

  A010000864 

 Voyla donques saint Charles qui s'embarque avec toutes ses gens et avec le susdit honneste homme..

  A010000865 

 Chacun les dira à celuy qui sera pre de luy, et ainsy conseutivement les uns aux autres..

  A010000866 

 Voyla donques le jeu qui commence.

  A010000867 

 Celuy cy, qui desja dès long temps avoit sa pensée sur le cœur, fut bien ayse d'avoir l'occasion de la luy advouer.

  A010000867 

 En fin arrive le tour de cet honneste homme qui estoit aupres de saint Charles; c'estoit à luy de luy dire ses [351] verités.

  A010000867 

 Le voicy donques qui, tenant le bonnet à la main, est prié en cette sorte par le Saint de luy declarer bien simplement ce qu'il sçavoit: O non, ne m'espargnez pas, je vous supplie, dites-moy bien mes verités, car je suis du tout disposé à vous entendre.

  A010000867 

 Monseigneur, dit-il, il y a fort long temps que l'on a observé qu'il y a en vous une grande indiscretion; et cecy n'a pas esté remarqué seulement par moy, mais par plusieurs autres qui vous ont estimé et tenu pour grandement inconsideré.

  A010000868 

 Ceux qui vous voyent s'en estonnent et disent: Voyez-vous nostre Archevesque qui dort? ne vaudroit-il pas mieux qu'il dormist la nuit sans venir le faire icy? Cela peut mesme fournir quelque desplaysir au predicateur et luy causer quelque distraction; c'est pourquoy il me semble que vous auriez besoin de vous amender de cette indiscretion et prendre la nuit pour dormir à fin de pouvoir veiller le jour.

  A010000868 

 Saint Charles, recevant cecy qui venoit de la prudence humaine, se sousrit en remerciant avec une grande affection; et, tesmoignant qu'il avoit ouy cet advertissement avec un cœur tout humble et doux, il respondit: Cela est tres veritable que je commets pour l'ordinaire cette indiscretion; mais je vous asseure, et il [352] est vray, que j'ay un corps si lourd et si pesant que quand bien j'aurois dormi neuf heures la nuit je ne laisserois encores de dormir le jour.

  A010000869 

 Or, comme je ne me souviens pas bien de ce que je vous ay autrefois entretenues sur le sujet de cette feste en laquelle Nostre Seigneur fait son entrée en Hierusalem, j'ay pensé de vous declarer les raysons qui l'esmeurent à choisir une asnesse et un asnon pour cette entrée royale.

  A010000870 

 Pour moy, je suis l'advis de ceux qui pensent que nostre cher Maistre monta et sur l'asnesse et sur l'asnon; non point sur tous les deux ensemble, mais tantost sur l'un tantost sur l'autre.

  A010000871 

 Il n'a point d'orgueil ni de vanité, il n'est point comme le cheval, qui est orgueilleux; pour cela l'homme vain et superbe est comparé aux chevaux qui sont fiers et morgans, car non seulement ils donnent des ruades, ains encores ils mordent, et il s'en trouve de si furieux qu'on n'ose les approcher.

  A010000871 

 Ils levent la teste, dressent le crin, marchent à courbelles, en somme ils donnent de la vanité à celuy qui les monte; celuy-cy n'entend pas plus tost son cheval jetter les pieds sur le pavé qu'il se brave avec luy, et leve la teste pour regarder s'il verra point aux fenestres quelques dames ou damoyselles qui l'admirent; en fin l'on ne sçait lequel est le plus vain, ou le cheval ou son chevalier.

  A010000871 

 La premiere fut l'humilité; car l'asne ou l'asnesse est un animal qui veritablement est lourd, pesant et paresseux; neanmoins il a aussi cette proprieté d'estre grandement humble.

  A010000872 

 Il s'est humilié et aneantisoy mesme; on ne l'a point humilié ni mesprisé qu'il ne l'ayt voulu, c'est luy mesme qui s'est abaissé et qui a fait choix des abjections; car luy, qui estoit en tout et par tout esgal à son Pere, sans laisser de demeurer ce qu'il estoit, a voulu estre le rebut et rejet de tous les hommes.

  A010000872 

 Or, Nostre Seigneur, qui venoit destruire l'orgueil, ne voulut point se servir de cette beste pour sa monture, car il estoit humble; il choisit donques entre tous les animaux le plus simple et le plus humble, parce qu'estant grandement amoureux de l'humilité et de la bassesse, nul ne luy peut servir de monture qu'il ne soit humble.

  A010000873 

 C'est ce grand triomphe d'humilité que chantent Isaïe et Zacharie, apres ce divin poëte le royal Prophete David: Il s'est humilié et abaissé, il s'est aneanti; il est venu monté sur une asnesse et un poulain; il a bandé son arc et descoché ses fleches d'amour dans le cœur du peuple d'Israël; lors tous ont esté esmeus de sa venue et chantent: Hosanna, beni soit le fils de David, beni soit celuy qui vient au nom du Seigneur, gloire soit au Tres Haut.

  A010000874 

 Or, l'humilité a une si grande convenance et rapport avec la patience qu'elles ne peuvent guere aller l'une sans l'autre: celuy qui veut estre humble il faut [355] qu'il soit patient pour supporter les mespris, les censures et reprehensions que les humbles souffrent; de mesme, pour estre patient il faut estre humble, car on ne sçauroit supporter longuement les travaux et les adversités de cette vie sans avoir l'humilité, laquelle nous rend doux et patiens.

  A010000875 

 O que bienheureuses sont les ames qui sont souples et sousmises, qui se laissent charger comme on veut, s'assujettissant à toutes sortes d'obeissances sans repliques ni excuses, supportant de bon cœur le faix qu'on leur impose! Il faut, pour se rendre digne de porter Nostre Seigneur, estre revestu de ces trois qualités, d'humilité, de patience et sousmission; alors le Sauveur montera sur nos cœurs, et, comme un divin escuyer, il nous conduira sous son obeissance..

  A010000876 

 Nostre Seigneur donques, ayant choisi l'asnesse pour sa monture, envoya deux de ses disciples en un petit village qui estoit là aupres, leur disant: Allez vous-en en ce village, desliez l'asnesse et l'asnon et me les ameneque si quelqu'un y trouve à reprendre dites luy que le Seigneur en a besoin.

  A010000876 

 Si vous me demandiez qui estoyent ces deux disciples je ne sçaurois que vous respondre, car les Evangelistes n'en disent rien; aussi, puisqu'ils ne les nomment pas je ne pourrais non plus les nommer.

  A010000878 

 Certes, une ame qui n'a point d'amour à l'obeissance ne manque jamais de repliques pour ne pas accomplir la chose commandée, ou bien pour y faire voir de grandes difficultés.

  A010000878 

 J'ay desja dit cecy en ce lieu, et me resouviens tres bien de vous avoir donné l'exemple d'Eve qui apporta tant de difficultés sur la defense que le Seigneur avoit faite de manger du fruit de l'arbre de science.

  A010000879 

 Ils partirent donques avec ces paroles de leur bon Maistre, et entendant ceux qui les vouloyent empescher de prendre ces animaux ils dirent: Le Seigneur en a besoin, et tout aussi tost ces gens se teurent et les laisserent aller.

  A010000879 

 Le Sauveur sçavoit bien que ses Apostres trouveroyent des gens qui leur demanderoyent ce qu'ils vouloyent faire de ces bestes et où ils les menoyent; et il arriva [357] ainsy, car non seulement celuy à qui elles appartenoyent mais encores les voysins s'en meslerent.

  A010000880 

 Certes, cette parole: Le Seigneur en a besoin est une parole generale de laquelle on doit payer tous ceux qui empeschent de faire ce qui est de la volonté de Dieu.

  A010000880 

 En somme, l'on se doit servir de cette parole pour rembarrer tous ceux qui nous veulent empescher de faire la volonté de Dieu..

  A010000881 

 Cet asnon et cette asnesse furent couverts des manteaux des Apostres; puis Nostre Seigneur monta dessus et fit en cette abjection et humilité son entrée triomphale en Hierusalem, confondant par là le monde, qui renverse toutes les maximes de l'Evangile, qui ne veut gouster l'humilité et le mespris, et qui ne cesse de dire que malheureux sont les pauvres et souffreteux.

  A010000881 

 Il faut aussi remarquer qu'il leur commanda de les deslier pour les luy amener, et non sans cause; car si nous voulons aller au Sauveur il faut souffrir qu'on nous deslie de nos passions, habitudes, affections et des liens des pechés qui nous empeschent de le servir.

  A010000882 

 Bienheureuses aussi les ames qui s'exercent icy bas en humilité, car elles seront exaltées là haut au Ciel.

  A010000882 

 Nostre Seigneur renverse tout cela aujourd'huy, en faisant son entrée en Hierusalem, non comme les princes du monde, qui voulant entrer en quelque ville, le font avec tant de pompe, d'appareil et de frais, ains il ne veut d'autre monture qu'une asnesse couverte des vils et pauvres manteaux de ses Apostres.

  A010000882 

 O que bienheureuses sont les ames que nostre divin Maistre choisit pour sa monture et qui sont couvertes des manteaux des Apostres, c'est à dire revestues des vertus apostoliques, pour estre capables de porter nostre cher Sauveur et estre conduites par luy.

  A010000891 

 En ce tiltre sont comprises les causes de cette divine Passion qui sont toutes reduites à deux, signifiées par ces mots: Jesus de Nazareth, Roy des Juifs; car bien qu'il y ayt quatre paroles, elles ne signifient pourtant pas quatre causes de sa mort, ains seulement deux..

  A010000892 

 Il estoit Nazareen qui veut dire fleuri, c'est à sçavoir saint et innocent, sans tache ni rouille de peché, mais fleurissant en toute sorte de vertus et perfections..

  A010000893 

 Juif signifie confessant: il est donques Roy, mais seulement des Juifs, c'est à sçavoir de ceux là seuls qui le confesseront; et pour racheter ces confessans il est mort, ouy, il est veritablement mort, et de la mort de la croix..

  A010000894 

 Voyla donques les causes de la mort de Jesus Christ: la premiere c'est qu'il estoit Sauveur, saint et Roy; la [360] seconde, qu'il vouloit racheter ceux qui le confesseront, qui est la signification du mot de Juif que Pilate escrivit sur le tiltre de la croix..

  A010000895 

 C'est ce qui nous a esté representé dans l'Ancien Testament par tant de figures et de similitudes, particulierement par le serpent d'airain que Moyse dressa sur la colonne pour garantir les Israëlites des morseures des serpens.

  A010000896 

 Ce que Moyse executa promptement, enjoignant à ceux qui seroyent mordus des serpens de jetter les yeux sur celuy qui estoit eslevé sur cette colonne.

  A010000896 

 Ce que faisant ils estoyent promptement gueris; mais certes, ceux qui ne le vouloyent pas regarder mouroyent, car il n'y avoit point d'autre moyen d'eschapper à la mort que celuy là, qui estoit ordonné de Dieu mesme.

  A010000896 

 Et le Seigneur luy commanda de faire un serpent d'airain et de le poser sur une haute colonne, avec promesse que ceux qui seroyent mordus des petits serpenteaux gueriroyent en le regardant.

  A010000897 

 Je dis tous, parce qu'il n'y a aucune creature qui se puisse croire exempte d'une telle morseure, c'est à sçavoir du peché originel et actuel: originel, en la personne de nos premiers parens, et actuel en nostre propre personne.

  A010000897 

 Mais voyci un estrange accident: il s'esleva de petits serpenteaux qui nous piquerent en la personne de nos premiers pere et mere, Adam et Eve, et les compagnons et complices de celuy qui avoit piqué nos premiers parens s'espancherent tellement par toute la terre du desert de ce monde que nous en avons tous esté mordus.

  A010000897 

 Que s'il y a quelqu'un qui dise en estre preservé il est menteur; voire, comme l'escrit le grand Apostre, si aucun s'estime estre sans peché ne le croyez pas, car l'iniquité regne en luy..

  A010000898 

 Elle a esté privilegiée et preferée par dessus toutes les autres creatures, et ce privilege est si grand et si singulier qu'il n'y en a aucune, quelle qu'elle soit, qui ayt jamais receu la grace en la façon que cette sainte Dame et glorieuse Maistresse la receut.

  A010000898 

 Il n'y en a point eu et il n'y en aura jamais aucune qui ose pretendre ni aspirer à un si particulier benefice, car cette grace estoit seulement deue à celle qui estoit destinée dès toute eternité à estre Mere de Dieu..

  A010000899 

 Il est mort, dit le grand Apostre escrivant aux Galates (je ne lis jamais ces paroles que je ne tremble et que je ne sois saisi de terreur), le Fils [362] de Dieu est mort pour nostre redemption, luy qui n'avoit aucun peché ni iniquité..

  A010000899 

 Il ordonna donques que son Fils mourust, et qu'il fust ce serpent posé sur la colonne de la croix pour estre regardé de tous ceux qui seroyent mordus et entachés du peché.

  A010000900 

 Il est vray qu'il n'avoit aucun peché, mais ce qui est davantage, il n'en pouvoit avoir, car il estoit en tout esgal au Pere; il avoit la mesme nature, substance et puissance que luy, il estoit donques impossible de toute impossibilité qu'il pechast.

  A010000900 

 Il n'estoit point serpent, ni en verité ni en figure, mais pour nous guerir des morseures du vray serpent, à cause de l'amour extreme qu'il nous portoit, il se chargea de nos iniquités, c'est à dire de nos miseres et foiblesses; il se revestit de nostre plumage et escaille, et en fin il fut fait ce serpent posé sur le bois de la croix pour preserver de la mort et donner la vie à tous ceux qui le regarderoyent.

  A010000901 

 Mais Dieu ne pouvoit-il point fournir au monde un autre remede que celuy de la mort de son Fils? O certes, il le pouvoit bien faire, et par mille autres moyens que celuy là; car n'estoit-il pas en sa puissance de pardonner à la nature humaine d'un pouvoir absolu et par pure misericorde, sans y faire entrevenir la justice et sans l'intermission d'aucune creature? Il le pouvoit sans doute; et qui en eust osé parler ou y trouver à redire? Personne, car il est Maistre souverain et peut tout ce qu'il luy plaist.

  A010000901 

 Ou encores, s'il se vouloit servir pour [363] cette redemption de l'entremise de quelque creature, n'en pouvoit-il pas creer une d'une telle excellence et dignité que, par ce qu'elle eust fait ou souffert, elle eust suffisamment satisfait pour les pechés de tous les hommes? Asseurement, et il pouvoit nous racheter par mille autres moyens que celuy de la mort de son Fils; mais il ne l'a pas voulu, car ce qui estoit suffisant à nostre salut ne l'estoit pas à assouvir son amour; et pour nous monstrer combien il nous aymoit, ce divin Fils est mort de la mort la plus rude et ignominieuse qui est celle de la croix..

  A010000902 

 Que reste-t-il donques, et quelle consequence pourrons nous tirer de cela, sinon que, puisqu'il est mort d'amour pour nous, nous mourions aussi d'amour pour luy, ou, si nous ne pouvons mourir d'amour, que du moins nous ne vivions pour autre que pour luy? Que si nous ne l'aymons et ne vivons pour luy, nous serons les plus desloyales, infideles et perfides creatures qui se puissent trouver.

  A010000903 

 Il est donques mort; mais bien qu'il soit mort et eslevé sur la croix, ceux qui ne le regarderont pas mourront, car il n'y a point d'autre redemption qu'en cette Croix.

  A010000903 

 O Dieu, que c'est une consideration de grande utilité et proffit que celle de la Croix et de la Passion! Est-il moyen, je vous prie, de contempler en icelle l'humilité de nostre Sauveur sans devenir humble et sans avoir de l'affection aux humiliations? Peut-on voir son obeissance sans estre obeissant? O non certes, nul n'a jamais regardé Nostre Seigneur crucifié, qui soit mort ou resté malade; comme au contraire, tous ceux qui sont morts, ç'a esté pour ne l'avoir pas voulu regarder, de mesine qu'entre les enfans d'Israël ceux là moururent qui n'avoyent pas voulu considerer le serpent que Moyse avoit fait dresser sur la colonne..

  A010000904 

 La cheute de nos premiers pere et mere au paradis [364] terrestre fut encores une figure de cecy: Dieu leur avoit donné beaucoup de fruits pour l'entretenement de leur vie; mais il y en avoit un, qui estoit le fruit de science du bien et du mal, duquel il leur avoit defendu de manger, les menaçant de la mort s'ils le faisoyent.

  A010000904 

 Mais voicy un grand accident qui survint; car le serpent infernal, sçachant qu'ils avoyent ce pouvoir, de mourir ou ne mourir pas, se resolut de les tenter et de leur faire perdre la justice originelle dont Dieu les avoit doués et enrichis, les sollicitant de manger du fruit defendu; et pour ce faire plus commodement, il print les escailles et la forme d'un serpent, et en cette sorte il tenta Eve.

  A010000905 

 C'est chose merveilleuse qu'il ayt tellement meslé la nature divine avec l'humaine que, quoy que ce soit tres asseuré que l'humanité seule a souffert et non la Divinité car elle est impassible, neanmoins quand on voit la façon avec laquelle le Sauveur a enduré, l'on ne sçait, pour ainsy parler, si c'estoit Dieu ou l'homme qui souffroit, tant les vertus qu'il prattiquoit sont admirables..

  A010000905 

 Entant qu'homme il pouvoit mourir et aussi ne mourir pas, car quoy que ce soit une loy generale qu'il faut que tout homme meure, il pouvoit neanmoins estre exempt de cette loy parce qu'il n'avoit point de peché en luy; or, c'est le peché qui a donné l'entrée à la mort.

  A010000905 

 Entant que Dieu il pouvoit ne pas mourir; mais ce qui est davantage, il ne pouvoit ni souffrir ni mourir, car Dieu est impassible et immortel; et tout ainsy qu'il ne pouvoit point pecher, aussi ne pouvoit-il point mourir, d'autant que mourir est une impuissance aussi bien que pecher.

  A010000906 

 Je diray bien davantage: quand elles viendroyent à souffrir toutes les peines qui se pourroyent trouver dans cent mille millions d'enfers, s'il y en avoit autant, et ce avec la plus grande perfection possible à une creature humaine, tout cela ne seroit rien en parangon d'un petit souspir de Nostre Seigneur, d'une petite goutte du sang qu'il a respandu pour l'amour de nous, d'autant que c'est sa personne, qui est d'une excellence et dignité infinie, qui donne le prix et la valeur à telles actions et souffrances; car la Divinité est tellement meslée avec l'humanité que nous disons avec verité que Dieu a souffert la mort, et la mort de la croix, pour nous racheter et nous donner la vie..

  A010000906 

 Mais quoy qu'il ne souffrist rien entant que Dieu, si est-ce que la Divinité qui s'estoit unie avec l'humanité donnoit un tel prix, valeur et merite à ses souffrances, qu'une petite larme, un petit mouvement de son sacré cœur, un petit souspir amoureux estoit plus meritoire, plus pretieux et aggreable à Dieu que n'eussent esté tous les tourmens imaginables de corps et d'esprit, voire mesme les tortures de l'enfer, endurées par les creatures douées de la plus grande perfection.

  A010000908 

 Comme nous avons tous esté souillés du peché originel et actuel, aussi mourrons-nous tous; c'est pourquoy Nostre Seigneur, qui estoit sans peché, s'estant toutefois chargé de nos iniquités, il est mort comme nous ferons tous, nous qui sommes pecheurs..

  A010000908 

 Despuis que Dieu prononça la sentence de mort contre l'homme, il n'y en a eu et n'y en aura pas un qui ne meure; aucune creature humaine, quelle qu'elle soit, ne peut s'en exempter.

  A010000908 

 En la seconde nature, qui est celle que nous avons despuis la faute d'Adam et en laquelle nous vivons à present, nous pouvons mourir, mais nous ne pouvons pas ne point mourir, car c'est une loy generale que nous mourrons tous.

  A010000909 

 Là nous vivrons et ne pourrons pas mourir, car nous jouirons de la gloire de l'eternité, de la vie qui nous a esté achetée par la mort de nostre Sauveur, et la possederons avec tant d'asseurance que nous n'aurons nulle crainte de la perdre.

  A010000910 

 Ç'a esté sa vocation que d'estre Sauveur; c'est pourquoy le Pere eternel a tant contesté pour la prouver aux hommes, non seulement par les Patriarches et Prophetes, mais par luy mesme; voire, chose estrange, il s'est mesme servi pour cet effect de la bouche des impies et des plus scelerats qui se puissent trouver, comme nous dirons tantost.

  A010000912 

 Mais que nous dira-t-il sur cette montagne? O certes, il ne vous dira rien icy, d'autant qu'il parle à son Pere celeste avec Moyse et Elie de l'exces qui devoit s'accomplir en Hierusalem.

  A010000912 

 Un autre tesmoignage fut rendu à Nostre Seigneur sur la montagne de Thabor au jour de la Transfiguration, auquel l'on ouyt encores la voix du Pere eternel qui dit: Voyci mon Fils bien aymè qui m'a pleu, escoutez-le.

  A010000913 

 De plus Dieu, par le plus miserable, infidelle, traistre et desloyal homme qui fut jamais au monde, à sçavoir par la bouche de Caïphe, pour lors souverain Prestre, ne prononça-t-il pas cette parole de verité si grande qu'il estoit expedient qu'un seul homme mourust pour sauver tout le peuple? Admirable conteste que celuy de Dieu pour monstrer que veritablement son Fils estoit Sauveur et qu'il failloit qu'il mourust pour nous sauver, puisque mesme il tira cette sentence du plus detestable grand Prestre qui ayt onques esté sur terre.

  A010000913 

 Il est tres certain que la pluspart du peuple connoissoit que nostre divin Maistre estoit innocent, de sorte que si bien il demanda qu'il fust crucifié ce fut à cause des princes des prestres; car vous sçavez que quand il se fait une sedition en quelque ville tout le menu peuple se range, soit à tort soit à droit, du costé de ceux qui gouvernent tout l'affaire.

  A010000913 

 Voyez encores combien nostre Dieu conteste pour monstrer la verité de la vocation de son Fils: Pilate declara tant et tant de fois que Nostre Seigneur estoit innocent, qu'il ne trouvoit en luy aucune chose digne de mort, il protesta que, quoy qu'il le condamnast, il connoissoit neanmoins qu'il n'estoit pas coulpable et qu'il failloit bien qu'il y eust quelque cause qui luy estoit inconneuë.

  A010000915 

 Ce que je vous vay dire est la chose la plus admirable qui se puisse imaginer et la plus propre à fournir une comparaison pour monstrer que Nostre Seigneur est mort à cause de nos pechés; et pour moy je pense que quand je rencontray cecy à l'ouverture de ce livre ce fut une inspiration que Dieu m'envoyoit, du moins l'ay-je toujours creu ainsy..

  A010000915 

 Il faut, puisque je suis en ce lieu où je parle tousjours librement et franchement, que je vous die ce qui m'arriva un jour que je devois prescher la Passion de Jesus Christ en l'une des plus fameuses villes de France.

  A010000915 

 Il me failloit une comparaison pour mieux declarer ce qui estoit de mon sujet; mais n'en trouvant point, j'ouvris un livre où j'en rencontray une; c'est un oyseau lequel j'ay tous-jours creu n'avoir esté mis en la nature que pour servir de similitude sur le sujet de la Passion.

  A010000916 

 Chose admirable! cet oyseau n'est jamais malade de la haute jaunisse, et neanmoins il en meurt en delivrant l'homme qui en estoit atteint, voire avec complaisance de mourir pour luy donner la vie..

  A010000916 

 Et si, il a cette proprieté, qu'estant attaché sur le haut d'un arbre il guerit ceux qui sont atteints de la haute jaunisse, et ce aux despens de sa vie; car le malade regardant cet oyseau jaune, en est pareillement regardé; et par son regard, l'oyseau vient pour ainsy dire, à estre tellement touché de commiseration [370] de voir l'homme, son grand amy, travaillé de ce mal, qu'il tire à soy toute la jaunisse de celuy qui l'a regardé et s'en charge en telle sorte qu'on le voit devenir jaune par tout son corps.

  A010000916 

 Ses aisles, qui l'estoyent desja, le deviennent davantage; puis le ventre, les pieds, en fin toutes ses plumes et tout son petit corps, tandis que l'homme, son grand amy, devient blanc, net et tout à fait quitte de sa haute jaunisse.

  A010000917 

 Certes, Nostre Seigneur est ce divin oyseau de paradis, divin loriot qui fut attaché sur l'arbre de la croix pour nous sauver et delivrer de la haute jaunisse du peché; toutefois, pour en estre rendu quitte, il faut que l'homme le regarde sur cette croix à fin de l'exciter à commiseration par ce regard; lors il tirera à soy toutes les iniquités de l'homme et mourra librement pour luy.

  A010000919 

 Certes, ceux [371] qui crucifioyent nostre divin Sauveur ne le connoissoyent pas; et comment l'eussent-ils conneu, puisque mesme la pluspart de ceux qui estoyent presens n'entendoyent pas son langage, d'autant qu'il y avoit en ce temps là toutes sortes de gens et de nations en Hierusalem, et tous estoyent congregés, ce semble, pour le tourmenter; mais pas un ne le connoissoit, car s'ils l'eussent conneu ils ne l'eussent pas crucifié.

  A010000919 

 La premiere parole donc que Nostre Seigneur prononça sur la croix fut une priere pour ceux qui le crucifioyent; et c'est alors qu'il fit ce qu'escrit saint Paul: Aux jours de sa chair il offrit des sacrifices à son Pere celeste.

  A010000919 

 Nostre Seigneur donc, voyant l'ignorance et la foiblesse de ceux qui le tourmentoyent, commença à les excuser et à offrir pour eux ce sacrifice à son Pere celeste, car la priere est un sacrifice.

  A010000919 

 O que grande estoit la flamme d'amour qui brusloit dans le cœur de nostre doux Sauveur, puisqu'au plus fort de ses douleurs, au temps auquel la vehemence de ses tourmens sembloit luy oster mesme le pouvoir de prier pour soy, il vint par la force de sa charité à s'oublier de soy mesme, mais non de ses creatures; et pour ce, avec une voix forte et intelligible il dit ces mots: Mon Pere, pardonnez-leur.

  A010000920 

 Il est vray que le Pere celeste portoit une grande reverence à ce Fils qui, entant que Dieu, luy est esgal et au Saint Esprit, ayant avec luy une mesme substance, sapience, puissance, bonté et infinie immensité; c'est pourquoy, le regardant comme son Verbe, le Pere ne luy pouvoit rien refuser.

  A010000921 

 Il fut donques exaucé non seulement à cause de la reverence que le Pere luy portoit, mais aussi à cause de celle qu'il portoit au Pere et avec laquelle il prioit, d'autant que c'est une chose qui ne peut estre imaginée ni comprise que cette reverence que ces deux divines Personnes se portent reciproquement.

  A010000922 

 Que si tous ceux qui le crucifierent ne receurent pas le pardon que le Sauveur avoit demandé pour eux ce ne fut pas sa faute, comme nous le monstrerons..

  A010000923 

 Il estoit crucifié au milieu de deux larrons, meschans, traistres et voleurs, l'un desquels le blasphemoit; l'autre confessant son innocence luy dit: Ha, Seigneur, je reconnois bien que vous n'estes point coulpable, mais ouy bien moy qui merite pour mes pechés et crimes d'estre attaché à cette croix; et pour ce je vous prie d'avoir souvenance de moy quand vous serez en vostre Royaume..

  A010000924 

 C'est qu'il arriva en la Passion de Nostre Seigneur deux grans accidens au sujet de deux sortes de pecheurs qui le tourmenterent extremement.

  A010000924 

 Grand accident que celuy cy, lequel perça le cœur de Nostre Seigneur! Hé, pauvre saint Pierre, que faites-vous et que dites-vous? Vous ne sçavez quel il est, vous ne le connoissez pas, vous qui avez esté appellé de sa propre bouche à l'apostolat, vous qui avez confessé qu'il estoit le Fils du Dieu vivant! Ah! miserable homme que vous estes, comment osez-vous dire que vous ne le connoissez pas? N'est-ce pas Celuy qui nagueres estoit à vos pieds pour les laver, qui vous a repeu de son corps et de son sang? Et vous asseurez que vous ne le connoissez pas! Oh, comme est-ce que la terre vous peut supporter? comment ne s'ouvre-t-elle pas pour vous engloutir dans le plus profond des enfers?.

  A010000924 

 Saint Pierre, l'un des Apostres, fit un grand tort à son Maistre, car il le renia et jura qu'il ne le connoissoit pas, et, non content de cela, il le maudit et blasphema, protestant ne pas sçavoir qui il estoit.

  A010000925 

 De plus, pour gaigner entierement son cœur et ne laisser aucune chose de ce qui le pouvoit rendre plus affectionné à sa divine Majesté, sçachant qu'il avoit une inclination de trafiquer et manier les affaires, il voulut le faire procureur en son college sacré.

  A010000925 

 Le second Apostre fut Judas qui vendit miserablement son Maistre et à si vil prix.

  A010000925 

 O Dieu, mes cheres Sœurs, que terribles et espouvantables sont les cheutes des serviteurs de Dieu, principalement de ceux qui ont receu de grandes graces; car quelle plus grande grace que celle qui avoit esté donnée à saint Pierre et à Judas? Celuy [374] cy avoit esté appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur mesme, qui le prefera à tant et tant de millions d'autres lesquels eussent fait des merveilles en ce ministere; le Sauveur luy fit des faveurs signalées, car outre qu'il luy accorda le don des miracles, il luy predit encores ce qui luy devoit arriver touchant sa trahison à fin que, le sçachant, il eust moyen de l'eviter.

  A010000926 

 O miserable viellesse que celle cy! Que c'est une chose espouvantable de tomber entre les mains du Dieu vivant! Que ses jugemens sont inscrutables! Que celuy qui est debout craigne donques de tomber, dit l'Apostre; que personne ne se glorifie pour se voir bien appellé de Dieu, et en quelque lieu où il semble n'avoir rien à craindre.

  A010000926 

 Oh, que les cheutes de ceux qui sont sur la montagne sont effroyables et dangereuses! car dès que l'on a commencé de tomber, l'on roule puis apres jusques à ce que l'on soit au fond du precipice.

  A010000926 

 Que personne ne presume de ses bonnes œuvres et pense n'avoir plus rien à redouter, puisque saint Pierre qui avoit receu tant de graces, qui avoit promis d'accompagner Nostre Seigneur à la prison et jusques à la mort mesme, le renia neanmoins au moindre sifflement d'une chambriere, et que Judas le vendit pour une si petite somme de deniers..

  A010000926 

 Tel fut le malheur de Salomon, dont le salut nous laisse bien en doute, de mesme que plusieurs autres qui ont abandonné le bon chemin en leurs dernieres années.

  A010000926 

 Telles ont esté les cheutes de plusieurs qui sont descheus du service de Dieu.

  A010000927 

 O bienheureux saint Pierre qui par une telle contrition de vos fautes receutes le pardon general d'une si grande desloyauté!.

  A010000928 

 Je sçay bien que ce furent les regards sacrés de nostre Sauveur qui luy penetrerent le cœur et luy ouvrirent les yeux pour luy faire reconnoistre son peché; neanmoins l'Evangeliste nous dit qu'il sortit pour le pleurer quand le coq chanta, et non point aussi tost que Nostre Seigneur le regarda..

  A010000929 

 O glorieux saint Pierre, que vous fustes heureux de faire une si grande penitence d'une telle et si grande desloyauté, car par icelle vous fustes remis en grace, et vous qui meritiez une mort eternelle, vous rendistes capable de la vie eternelle.

  A010000930 

 Hé, le malheureux, ne sçavoit-il pas bien que Nostre Seigneur estoit celuy qui seul la luy pouvoit donner, qu'il estoit le Sauveur et tenoit la redemption entre ses mains? L'avoit-il pas bien veu en ceux auxquels il avoit remis les pechés? Certes, il le sçavoit, mais il ne voulut ni n'osa demander pardon, car le diable, pour le tirer au desespoir, luy monstra l'enormité et laideur de son crime, et luy fit peut estre craindre qu'en demandant pardon à son Maistre il ne luy donnast pour iceluy une penitence trop grande.

  A010000931 

 En la seconde nous voyons deux larrons qui estoyent crucifiés avec Nostre Seigneur, hommes meschans au possible, qui n'avoyent jamais fait de bie; c'estoyent les plus scelerats, les plus perfides et insignes voleurs qui se puissent voir; aussi les avoit-on choisis comme tels pour mettre aux costés de nostre cher Sauveur à fin de le declarer par ce moyen maistre de tous les voleurs.

  A010000932 

 Certes, ni l'un ni l'autre n'avoyent jamais fait de bien, et le bon larron estoit un des plus scelerats voleurs qui se puissent voir; neanmoins sur la fin de sa vie il regarda la Croix, il y trouva la redemption et fut sauvé.

  A010000932 

 Mais l'autre larron, encores qu'il se trouvast au costé du doux Jesus, il y fut en vain, d'autant qu'il ne voulut jamais regarder la Croix; et combien qu'il receust beaucoup d'inspirations, et mesme des gouttes de ce sang divin qui l'aspergeoit, et que nostre cher Sauveur le sollicitast souvent en son cœur par des secrettes et tres amoureuses semonces de regarder ce bois sacré et le mystique Serpent qui y estoit attaché à fin d'obtenir sa guerison par ce moyen, il ne le voulut point faire; c'est pourquoy il se perdit miserablement, et s'obstinant mourut en son peché..

  A010000933 

 Certes, il y a des ames qui tombent apres avoir long temps servi Dieu et estre arrivées à la montagne de la perfection.

  A010000933 

 D'autres qui font les mesmes cheutes apres avoir receu pareilles graces, viennent à faire penitence comme [378] saint Pierre.

  A010000933 

 Grand sujet de craindre et d'esperer! Il y en a encores qui n'ont jamais fait aucun bien et qui à la fin de leur vie trouvent le pardon et la misericorde, tandis que d'autres au contraire perseverent en leurs iniquités..

  A010000933 

 Un des premiers de sauvé, qui fut le glorieux saint Pierre, et un de damné qui fut Judas, tous deux Apostres de Nostre Seigneur.

  A010000933 

 Voyla, mes cheres Sœurs, deux sortes de pecheurs qui nous doivent faire vivre en grande crainte et tremeur, mais aussi en grande esperance et confiance, puisque des deux sortes il y en a eu un de sauvé et un de damné.

  A010000934 

 O Dieu, que grande est l'humilité et le rabaissement avec lequel nous devons vivre sur cette terre! Mais aussi, quel sujet de bien ancrer nostre esperance et confiance en Nostre Seigneur; car si apres avoir commis des pechés tels que de le renier, de perseverer et user sa vie en des horribles forfaits et iniquités l'on trouve la remission quand on se retourne du costé de la Croix où est attachée nostre Redemption, que doit craindre le pecheur de l'une et l'autre sorte de revenir à son Dieu en la vie et en la mort? Escoutera-t-il encores cet esprit malin qui luy fait voir ses fautes telles qu'il n'en puisse recevoir le pardon? Hé, qu'il responde hardiment que son Dieu est mort pour tous, et que ceux qui regarderont la Croix, pour grans pecheurs qu'ils soyent, trouveront le salut et la redemption..

  A010000936 

 Donques si Nostre Seigneur remet si librement de si grans et enormes pechés, voire s'il offre mesme le pardon aux obstinés et les attend à penitence avec tant de patience, o Dieu que ne fera-t-il à celuy qui le luy demande, et avec quel cœur ne recevra-t-il pas le penitent contrit?.

  A010000937 

 Cela n'empeschoit pas sa douleur, mais elle la supporta avec un cœur tout genereux et magnanime, qui n'appartenoit qu'à elle.

  A010000938 

 Certes, il failloit bien que le cœur de cette sainte Vierge parfaitement sousmise et resignée fut grandement fort, puisque Nostre Seigneur qui le connoissoit le traitta de la sorte: Femme, luy dit-il, voyla ton fils, luy monstrant saint Jean qui estoit le cher Disciple de son cœur et le cheri de ses entrailles.

  A010000938 

 Mais son cher Enfant qui s'en alloit mourir, voyant que, demeurant vefve et orpheline, elle ne sçauroit où aller, il la voulut pourvoir en cette desolation, luy donnant son Disciple pour fils, comme la [380] chose la plus pretieuse qu'il luy pouvoit laisser en mourant; car c'estoit le disciple qu'il aymoit et auquel il inspira un veritable amour de fils pour une telle Mere, à fin que par ce moyen il eust plus de soin et de souci d'elle..

  A010000941 

 Il faut encor remarquer un autre accident qui survint sur ces entrefaites, lequel je pense ne vous avoir jamais fait considerer.

  A010000942 

 Aussi saint Denis, qui pour lors n'estoit pas Chrestien et qui par apres ayant esté converti par les predications du grand Apostre saint Paul, vint en ces quartiers et fut Apostre de la France, s'escria en voyant ce prodige: Il faut de deux choses l'une, «ou que le Dieu de la nature souffre, ou que la fin du monde approche,» car cette ecclipse est tout à fait surnaturelle, puisqu'elle est en plein midy et au plein de la lune, et que de plus elle surpasse le terme ordinaire des ecclipses (elle dura trois heures entieres).

  A010000942 

 Pour moy je suis l'opinion de ceux qui tiennent que les tenebres couvrirent toute la terre, car le grand saint Denis Areopagite, qui estoit alors en Egypte, en fait mention, et plusieurs historiens font foy de cecy.

  A010000943 

 O Dieu, combien de larmes amoureuses jetta-t-il pendant ces trois heures de meditation, combien de souspirs et sanglots! Mais helas, de combien et de quelles douleurs fut transpercé le sacré cœur de mon Sauveur! O certes, personne ne le sçait que Celuy qui les souffrit, et peut estre la sacrée Vierge Nostre Dame qui estoit au pied de la croix, à qui il les communiquoit, laquelle les ruminoit en soy mesme..

  A010000944 

 Mais d'autant que ces douleurs n'estoyent conneuës que de luy seul qui les souffroit et de sa sainte Mere à qui il les communiquoit, voulant faire voir à tout le monde qu'il n'estoit pas là sans souffrir, il cria tout haut en se plaignant à son Pere eternel, de sorte qu'il fut entendu de tous: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'avez-vous delaissé?.

  A010000944 

 Or, comme je me souviens de vous avoir desja parlé plusieurs fois sur ce sujet, je ne vous en diray rien à cette heure, sinon que je pense que la plus grande douleur qu'enduroit alors le cœur sacré de Nostre Seigneur fut causée par l'ingratitude de ces Chrestiens qui, mesprisans sa Mort et ne se servans pas de cette Passion qui luy estoit si penible et douloureuse, se perdroyent pour ne s'en vouloir prevaloir.

  A010000945 

 Mais la partie inferieure fut tellement abandonnée de tout secours humain et divin, que se trouvant privée de toute consolation et sentant les douleurs du corps et de l'esprit avec toute l'aspreté et rigueur qui se puisse souffrir, il se plaignit disant: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? pour faire entendre à tous la vehemente douleur qu'il enduroit alors.

  A010000945 

 O Dieu, combien estoyent grandes les angoisses de sa tres sainte ame qui estoit delaissée non seulement de toutes les creatures, mais encor du Pere eternel lequel avoit pour un peu retiré sa face de son Fils bien aymé! Ce ne fut point cependant qu'il endurast cette privation en la partie superieure de son ame, car elle jouissoit tousjours de la claire vision de la Divinité, estant bienheureuse dès l'instant de sa creation et n'ayant jamais esté sans cette gloire.

  A010000946 

 En somme nostre bon Sauveur souffrit pendant ce temps-là toutes les injures et calomnies qui se puissent excogiter..

  A010000946 

 Et ceux cy, meschans qu'ils estoyent, ne croyoient pas que les Saints puissent aucune chose pour ceux qui sont affligés ni pour ceux qui les invoquent.

  A010000947 

 Gracieuse offre que celle cy au cœur de nostre doux Sauveur qui estoit tant amoureux du salut de nos ames! Plusieurs blasphemoyent contre [384] luy, l'appellant sorcier et enchanteur, reputant ces tenebres à quelque trait de magie; d'autres disoyent que ce n'estoyent pas des tenebres, mais qu'ils avoyent les yeux sillés et esblouis par ses enchantemens; et par tels et semblables discours ce tres sacré cœur de Nostre Seigneur souffroit des douleurs incomparables..

  A010000947 

 On luy fit aussi les plus belles offres, les plus desirables semonces qui se peuvent imaginer, d'autant que les uns luy crioyent: Toy qui te vantes d'estre Fils de Dieu, descens de la croix, et nous t'adorerons et te reconnoistrons pour tel.

  A010000948 

 Voyant la multitude des ames qui se perdroyent et ne voudroyent pas se servir de la redemption de la Croix, c'est à dire se sauver par le moyen d'icelle, il prononça la cinquiesme parole, parole de plainte et de lamentation: Sitio; Jay soif.

  A010000949 

 Il voyoit encores que plusieurs demanderoyent un autre moyen que celuy de sa Passion pour se sauver, comme faisoit ce peuple qui luy crioit de descendre de la croix et qu'il croiroit en luy; car, sembloit-il dire à nostre beni Sauveur, si tu as si soif de nostre salut, descens de cette croix et nous croirons en toy, et par ce moyen tu auras aussi le pouvoir de te desalterer.

  A010000949 

 Mais quoy que Nostre Seigneur fust si infiniment desireux du salut des ames que pour leur acquerir ce salut il avoit exposé sa vie en mourant pour nous, il ne voulut pas neanmoins descendre de la croix parce que la volonté de son Pere n'estoit pas telle, ains au contraire c'estoit cette volonté qui le tenoit attaché à ce bois..

  A010000950 

 Aussi, tous ceux qui se voudront sauver par la croix trouveront le salut, mais ceux qui se voudront sauver sans elle periront miserablement, car il n'y a point de salut qu'en cette croix.

  A010000950 

 Ha! miserables que vous estes, dit nostre Sauveur, vous demandez que je descende de ce bois pour croire en moy; c'est à sçavoir vous voulez un autre moyen de redemption que celuy que mon Pere a ordonné de toute eternité, moyen qui a esté predit par tant de Prophetes et annoncé par tant de figures; vous pretendez donc estre sauvés comme vous voulez et non comme Dieu veut.

  A010000951 

 O miserables gens, qui demandez une autre redemption que celle de la Croix, celle-cy n'est-elle donc pas suffisante? Elle est mesme plus que suffisante, puisqu'il est vray qu'une seule larme, un seul souspir amoureux sortant de ce cœur sacré pouvoit racheter des millions de milliers de natures humaines et angeliques, s'il y en eust eu autant qui eussent peché; et toutefois il ne nous a pas rachetés avec un seul souspir ni une seule larme, ains avec tant et tant de travaux et de peines, ayant espuisé tout le sang de ses veines.

  A010000951 

 Oyez ce cher Sauveur qui crie qu'il a soif de nostre salut, qui nous y attend et invite: Venez, nous dit-il, si vous voulez, car si vous ne venez vous ne trouverez point ailleurs de salut.

  A010000952 

 D'autres encores veulent bien obeir, pourveu qu'on ne les contrarie point en leurs caprices; celuy cy se sousmettra à l'un, mais non pas esgalement à un autre; et peu de chose esprouve la vertu de telle sorte de gens qui obeissent en ce qu'ils veulent et non pas en ce que Dieu veut.

  A010000952 

 Il s'en trouve aussi qui veulent bien obeir, mais avec cette condition que l'on ne leur commandera rien de difficile.

  A010000952 

 Ils parlent bien des cinq degrés d'obeissance; nanmoins ils ne font rien plus que les theologiens qui en discourent si excellemment.

  A010000952 

 Or, ce n'est pas le tout d'en parler; il faut venir à la seconde façon d'entendre cette vertu, qui est de se mettre à la prattique d'icelle dans les occasions petites et grandes qui se presentent.

  A010000952 

 Partant, s'il vous vient des inspirations ou mouvemens quels qu'ils soyent qui vous portent à faire chose aucune qui vous tire hors de l'obeissance, rejettez-les hardiment et ne les suivez point..

  A010000954 

 C'est la croix à laquelle Dieu l'a attaché, il faut donques qu'il y demeure ferme, sans croire à ce qui le pourroit provoquer d'en sortir..

  A010000954 

 Que le prelat et celuy qui a charge d'ames ne desire point d'estre destaché de cette croix à cause du tracas de [387] mille soucis et empeschemens qu'il y rencontre; ains qu'il fasse ce qui est de son devoir en son office, ayant soin des ames que Dieu luy a commises, instruisant les uns, consolant les autres, tantost parlant, tantost se taisant, donnant le temps à l'action et, quand il le doit, à la priere.

  A010000955 

 Que le Religieux reste constamment et fidellement cloué à la croix de sa vocation, sans jamais laisser entrer la moindre pensée qui le puisse divertir ni faire varier en l'entreprise qu'il a faitte de servir Dieu en cette maniere de vivre, ni moins qu'il n'escoute jamais ce qui le porteroit à faire ce qui seroit contraire à l'obeissance.

  A010000955 

 Voyla qui a bien de l'apparence de vertu; mais certes, quand cela est contraire à l'obeissance il le faut rejetter et ne point admettre tels mouvemens et inspirations.

  A010000956 

 O mon Pere, j'ay accompli de point en point tout ce qui estoit de vostre volonté, il ne me reste plus rien à faire, voyla l'œuvre de la Redemption finie et achevée.

  A010000958 

 Ah! mes cheres Sœurs, si quand nous nous consacrons au service de Dieu nous commencions par remettre absolument et sans reserve nostre esprit entre ses mains, que nous serions heureux! Tout le retardement de nostre perfection ne provient que de ce defaut d'abandon; et il est vray qu'il faut par là commencer, poursuivre et finir la vie spirituelle, à l'imitation du Sauveur qui l'a fait avec une admirable perfection au commencement, au progres et à la fin de sa vie..

  A010000958 

 C'est la quintessence de la vie spirituelle que ce parfait abandonnement entre les mains du Pere celeste et cette parfaite indifference en ce qui est de ses divines volontés.

  A010000959 

 Il s'en trouve assez qui, venant au service de Dieu, disent bien à Nostre Seigneur: Je remets mon esprit entre vos mains, avec cette reserve neanmoins, que vous nourrirez mon cœur dans les douceurs et consolations sensibles, et que je ne souffriray point d'aridités ni de secheresses.

  A010000959 

 Je remets mon esprit entre vos mains, mais aussi vous ferez en sorte que du moins je seray tous-jours bien aymé de ceux qui me conduiront, entre les mains desquels je me delaisse pour l'amour de vous; vous ferez qu'ils approuvent et trouvent bon tout ce que je feray, du moins la plus grande partie, car de n'estre pas aymé et de ne pas sentir cet amour cela ne se peut supporter..

  A010000959 

 Je remets mon esprit entre vos mains, mais à condition que l'on ne contrariera pas ma volonté; ou bien, pourveu que vous me donniez un Superieur qui [389] soit selon mon cœur, ou plustost selon mon affection et inclination.

  A010000960 

 Helas, ne voyez-vous pas que ce n'est pas là remettre son esprit entre les mains de Dieu comme fit Nostre Seigneur? Certes, c'est d'icy que naissent tous nos maux, nos troubles, nos inquietudes et autres telles niaiseries; car si tost que les choses n'arrivent pas selon que nous attendions ou comme nous nous promettions, voyla que soudain la desolation saisit nos pauvres esprits qui ne sont pas en cette parfaitte indifference et remise entre les mains divines.

  A010000960 

 O que nous serions heureux si nous prattiquions bien ce point icy qui est l'abbregé et la quintessence de la vie spirituelle! Nous arriverions à la haute perfection d'une sainte Catherine de Sienne, de sainte Françoise, de la bienheureuse Angele de Foligny et de plusieurs autres qui estoyent comme des boules de cire entre les mains de Nostre Seigneur et de leurs Superieurs, recevant toutes les impressions qu'on leur vouloit donner..

  A010000961 

 Que ceux donques qui sont aux actions de la vie active n'en veuillent point sortir pour s'adonner à la [390] contemplative jusques à ce que Dieu l'ordonne, et que ceux qui contemplent ne quittent point la contemplation jusques à ce que Dieu le commande.

  A010000962 

 En somme, consommons-nous sur cette croix et accomplissons tout ce qui est des divines volontés, et en fin nous recevrons de ce grand Dieu, comme je l'en prie de tout mon cœur, et pour moy particulierement, la grace de remettre nostre esprit entre ses mains.

  A010000962 

 Si nous faisons cela nous pourrons bien dire à l'heure de nostre mort comme nostre cher Maistre: Tout est consommé; o Dieu, j'ay accompli tout ce qui estoit de vos divines volontés en tous les evenemens.

  A010000969 

 Sic ergo omnis ex vobis qui non renuntiat.

  A010000972 

 Ainsy donques, chacun de vous qui ne.

  A010000977 

 Cette doctrine, qui est la fin de l'Evangile du jour de saint Leger, presuppose plusieurs choses mentionnées dans le texte de ce mesme Evangile; mais pour bien digerer et gouster le fruit de cette doctrine il faut remarquer qu'il y a icy des propositions fort generales à tous et en tout..

  A010000978 

 Elle est aussi general e au regard des choses qu'il faut quitter; car le Sauveur ne dit pas: Qui ne renonce à une bonne partie de ce qu'il a, mais il se sert de ce mot tout qui rejette toute sorte d'exception..

  A010000978 

 On voit par ces mots, chacun de vous, qu'il n'y a celuy lequel vivant ça bas, ne soit compris et enserré dans cette regle qui est sans exception aucune, tant pour ceux qui demeurent emmi le tracas et les distractions ordinaires de ce monde erroné, que pour ceux qui, desirans mener une vie de plus haute perfection, se sont separés d'iceluy; bref, soit grans soit petits, tous sont [392] compris dans cette proposition.

  A010000979 

 Ce n'est donques pas sans sujet, ains à bon droit, que Nostre Seigneur dit: Ainsy, chacun de vous qui ne renoncera à tout ne peut estre mon disciple.

  A010000979 

 Cette leçon, dis-je, est admirable, d'autant que ne pas renoncer à tout c'est avoir encores quelque chose de la terre: or, il n'y a aucune sympathie entre cette pretention et celle de se rendre vray disciple de Celuy qui est tout celeste.

  A010000979 

 Mais avant que passer outre, implorons l'ayde et assistance de celle qui a librement renoncé à tout ce qu'elle possedoit; c'est la Mere de Celuy qui a fait ce commandement..

  A010000979 

 Voyla des belles leçons pour ceux qui se disent escoliers de Jesus Christ ou qui veulent gaigner le Ciel, car il n'y a point de difference entre gaigner le Ciel et estre disciple de Jesus Christ.

  A010000982 

 Et la devise de Jesus Christ est tout au rebours: Bienheureux ceux qui souffrent persecution pour l'amour de la justice, car le Royaume des cieux est à eux; et ainsy de toutes les autres maximes.

  A010000982 

 La devise du monde est: Bienheureux ceux qui prennent vengeance du tort qu'on leur fait, car ils seront estimés courageux et se feront redouter et craindre.

  A010000982 

 Le monde dit: Bienheureux ceux qui ont du credit et authorité, car s'il arrive un affaire ils en ont telle issue qu'ils souhaittent pour eux ou pour leurs amis.

  A010000982 

 Les maximes du monde sont: Bienheureux ceux qui ont leurs playsirs et contentemens, qui abondent en biens et possessions de la terre, car ils sont estimés et honnorés.

  A010000982 

 Mais les maximes de Nostre Seigneur aneantissent celle cy de fond en comble, disant: Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront saoulés.

  A010000983 

 Ces paroles devroyent estre gravées et empreintes en nos cœurs d'une impression telle que la mort seule les peust effacer, puisque sans Jesus Christ nostre vie est plustost une mort qu'une vie, sans la verité qu'il a apportée au monde, tout eust esté plein de confusion, et si nous ne suivons ses traces, [394] vestiges et voyes nous ne pourrons trouver le chemin qui conduit au Ciel..

  A010000983 

 Mais helas, combien peu y en a-t-il qui embrassent cette verité et suivent cette voye, laquelle n'est autre que Jesus Christ mesme qui a dit: Je suis la vie, la verité et la voye.

  A010000983 

 Pour revenir à nostre texte, qui est fort utile et advantageux si les paroles en sont deuement pesées et digerées, nous pouvons en tirer quatre considerations qui seront le sujet et la division de la presente exhortation.

  A010000983 

 Sur quoy il faut remarquer que tous ne sont pas obligés de quitter de fait tout ce qu'ils possedent, et en la mesme façon que ceux qui ont fait vœu de pauvreté.

  A010000984 

 Davantage, qui ne sçait que David a esté un grand et puissant roy? Neanmoins, sans quitter cette dignité, il a mené une vie prophetique et toute pleine de sainteté..

  A010000984 

 La deuxiesme consideration est plus relevée et excellente que la premiere et appartient principalement à ceux qui aspirent à une plus haute perfection: c'est de quitter tout ce qu'ils possedent, non point seulement par un esprit d'abnegation, mais aussi de fait, et se despouiller de toutes les choses de ce monde caduc et transitoire.

  A010000985 

 La troisiesme consideration, qui n'est pas de peu d'utilité si elle est bien goustée, consiste à reconnoistre les choses que nous possedons, à fin que par adventure nous ne soyons point trompés en l'abnegation de celles qui ne sont pas en nostre puissance.

  A010000986 

 Helas, combien y a-t-il de mortels qui s'abusent et se trompent en ce point! Demandez à un malade pourquoy il desire la santé et ce qu'il feroit s'il venoit en convalescence? Ha, respondra-t-il, que je ferois? Je remercierois Dieu de m'avoir osté de la grande peine où j'estois et que j'endurois, et je quitterois volontiers toutes [395] sortes d'occupations pour m'adonner à son service.

  A010000987 

 La quatriesme et derniere consideration est de prendre garde que le ferme propos que nous avons de tout quitter ne soit vain, dissimulé et par flatterie; car si celuy qui fait edifier une tour est si imprudent qu'il ne considere point avant de la commencer s'il a des biens et des commodités suffisantes pour mettre à chef son edifice, et que par cette imprudence il ne puisse faire reussir son dessein, ne jugerez-vous pas qu'il est un sot et un mal advisé? De mesme, un roy ne seroit-il pas bien despourveu de jugement, si sçachant qu' un autre roy a mis vingt mille hommes sur pied pour luy donner la bataille, il ne consultoit pour sçavoir s'il pourra avec dix mille hommes aller au devant de celuy qui vient avec vingt mille? Autrement, s'il ne le fait, il sera contraint, et avec grande confusion et detriment de son honneur, d'envoyer au devant de l'ennemy demander les moyens de paix.

  A010000988 

 Ainsy nous en arrivera-t-il si nous ne prenons garde que le ferme propos que nous avons de renoncer à toutes choses soit assez solide et suffisant pour nous conduire à chef de nostre dessein, car nous avons un ennemy qui est grandement madré et puissant.

  A010000989 

 Esperons-nous recueillir force commodités sur la terre, il arrivera un accident de gresle et autres injures du temps qui nous en osteront la jouissance..

  A010000989 

 Mais, ce qui est bien davantage, ils estoyent esgalement riches, car, à proprement parler, nous ne possedons pas les biens de ce monde: cecy est fort clair.

  A010000989 

 Mais, me demandera quelqu'un, à quel propos est-il dit qu'il faut renoncer à tout? Ceux qui n'ont rien, ou à tout le moins bien peu, à quoy peuvent-ils renoncer? A cela je respons qu'il est expedient que celuy qui a peu quitte peu, et que celuy qui a beaucoup quitte beaucoup.

  A010000989 

 Saint Pierre, qui estoit un simple pescheur, abandonna ses rets, ce qui estoit peu; saint Matthieu, qui estoit riche banquier, laissa de grans moyens: toutefois, l'un et l'autre obeirent esgalement au commandement, estans esgaux en volonté.

  A010000990 

 Bref, à la verité, nous ne possedons qu'une bien petite partie de nous mesme: ainsy, nous ne sommes pas maistres de nostre fantasie, puisque nous ne pouvons nous garantir d'un nombre presque infini d'illusions et imaginations qui nous surviennent; il en faut dire autant de nostre memoire, car combien de fois voudrions-nous nous souvenir de plusieurs choses, et nous ne le pouvons faire, ou au contraire ne pas nous souvenir de beaucoup d'autres que nous ne pouvons oublier.

  A010000990 

 En fin, parcourez [397] tant qu'il vous plaira tout ce qui est en nous, vous ne trouverez qu'une seule petite partie dont nous soyons maistres: c'est la volonté, laquelle nous possedons tellement que Dieu mesme n'a pas voulu s'en reserver le dessus, donnant à l'homme libre juridiction ou d'embrasser le mal ou de suivre le bien, si mieux il luy aggrée..

  A010000995 

 En premier lieu il faut sçavoir qu'il y a trois sortes de festes: celles que l'Eglise nous commande, celles qu'elle nous recommande, et les festes politiques, comme est celle qui se celebre aujourd'huy pour l'entrée du Roy en cette ville, laquelle estant ordonnée par les Messieurs de ville est ainsy rendue politique.

  A010000997 

 La premiere est renfermée dans le Symbole des Apostres, lequel s'appelle ainsy parce que ce sont les Apostres qui l'ont composé.

  A010000997 

 Or, mes cheres ames, je vous dis qu'il y a cent articles en nostre foy qui ne sont point exprimés dans le Symbole, lesquels pourtant tous les Chrestiens doivent croire; et ne faut point dire: Je me contente de croire ce que l'Eglise croit, et demeurer ainsy en cette ignorance crasse..

  A010000999 

 (Asseurement l'oranger est tousjours en un mesme estat sans se flestrir jamais; neanmoins il a cela, qu'il ne nourrit pas.) Ainsy l'Eglise a ses feuilles, qui sont ses ceremonies, ses fleurs, qui sont ses actions, et ses fruits, qui sont ses bonnes œuvres et les bons exemples qu'elle donne au prochain en toutes occasions..

  A010000999 

 Vous sçavez aussi les autres qui suivent au Decalogue et ceux de l'Eglise, [400] laquelle ressemble à un bel arbre, ou bien à l'oranger qui est tousjours verdoyant en toute saison.

  A010001001 

 Ce premier Ange donc, qui estoit Lucifer, se trouvant si beau et excellent en sa nature, car il estoit le plus parfait de tous, dit en soy mesme: Je me feray semblable au Tres Haut et me sieray sur les flancs d'aquilon, qui sont les plus hauts, et tous me rendront honneur.

  A010001001 

 Considerons d'abord que Dieu estant un Esprit pur et libre, voulant faire quelque chose hors de soy il crea les Anges, et ensuite Adam et Eve en estat d'innocence et de justice originelle; de plus il leur laissa leur franc arbitre, accompagné de toutes les prerogatives et privileges de grace qui se puissent desirer.

  A010001001 

 Saint Michel voyant cela, se prit à dire: Qui est comme Dieu? et par ce moyen le renversa en l'abisme des enfers, d'autant, comme l'escrit saint Bernard, que nul ne peut estre eslevé qu'au prealable il ne se soit humilié.

  A010001002 

 Lucifer s'estant ainsy rendu rebelle contre son Createur, et par consequent contre l'image d'iceluy qui est l'homme, s'addressa à nos premiers parens, et premierement à Eve et luy parla ainsy: Si tu manges de ce fruit tu sçauras le bien et le mal et seras semblable à Dieu.

  A010001002 

 Mais helas! ils n'y demeurerent que fort peu, ce ne fut qu'un moment, et pour ce que nous sommes tous d'une mesme tige et semence qu'Adam, nous sommes tous atteints du peché originel; ce qui fait que le grand Prophete royal s'escrie: Ecce enim in iniquitatibus, et le reste qui suit.

  A010001003 

 Nostre Dame et sainte Maistresse seule a esté exempte de ce mal, elle qui devoit concevoir Dieu premierement en son cœur et en son esprit avant que de le concevoir en ses chastes entrailles.

  A010001003 

 Saint Jean fut sanctifié aux paroles de la sacrée Vierge Marie, par la presence de Celuy qui estoit enfermé dans ses entrailles.

  A010001003 

 Tous les hommes naissent enfans d'ire à cause du peché originel qui les rend ennemis de Dieu; mais par le Baptesme ils sont regenerés et faits ses enfans, capables de sa grace et de l'heritage de la vie [402] eternelle.

  A010001005 

 Elles viennent sur les ondes de la mer au temps de la plus grande fraischeur, qui est à [403] la pointe du jour, principalement au mois de may; comme elles sont là, elles ouvrent leurs escailles du costé du ciel, et les gouttes de la rosée tombant en icelles, elles les resserrent ensuite en telle sorte qu'elles couvent cette rosée dans la mer et la convertissent en perles, dont puis apres l'on fait tant d'estat.

  A010001005 

 Il n'y a point de doute en cela pour ce qui est du peché actuel.

  A010001006 

 Aussi, par une speciale grace, son ame ne tenoit-elle rien de ses parens pour ce qui est ordinaire aux autres creatures..

  A010001006 

 Elle devoit avoir ce privilege particulier, parce qu'il n'estoit pas raysonnable que le diable reprochast à Nostre Seigneur que celle qui l'avoit porté en ses entrailles eust esté tributaire de luy.

  A010001008 

 La mere de l'empereur Neron, ce cruel qui a tant persecuté l'Eglise de Dieu, estant en ceinte de luy, fit venir tous les enchanteurs et devins pour sçavoir ce que son fils deviendroit.

  A010001008 

 Lors cette miserable mere respondit: N'importe, «pourveu qu'il regne.» Voyla comme les cœurs superbes desirent les honneurs et playsirs qui souventefois leur sont nuisibles.

  A010001008 

 Or, si les meres ont naturellement tant de desir que leurs enfans regnent et soyent honnorés, à plus forte rayson Nostre Dame qui sçait que son Fils est son Dieu: aussi l'honneur du Fils est celuy de la Mere..

  A010001009 

 Vous, mes tres cheres Sœurs, qui avez quitté le monde pour vous mettre sous les auspices de la tres sainte Vierge, si vous l'interrogez et luy dites: Madame, que vous plaist-il que nous fassions pour vous? Elle vous respondra sans doute qu'elle desire et veut que vous fassiez ce qu'elle enjoignit de faire en ce celebre banquet de Cana en Galilée où le vin estoit failli; elle dit à ceux qui en avoyent le soin: Faites tout ce que mon Fils vous dira.

  A010001014 

 En ce siecle où nous sommes, les historiens en font de mesme pour ce qui regarde les faits des grans de la terre, car ils cachent et seellent la verité en tout ce qui a apparence de mal, de sorte que l'on ne peut rien apprendre d'eux.

  A010001014 

 Lorsque je considere l'histoire de l'Evangile de ce jour, il me souvient à ce propos de Protogenes, cet ancien lequel faisoit le mestier de peintre et de courtisan tout ensemble; ce qui fut cause que voulant peindre le grand Antigonus, qui estoit borgne, il s'advisa d'un expedient digne de son esprit pour cacher et flatter l'imperfection de son prince, et le representa en pourfil, faisant voir seulement cette moitié de sa face qui estoit belle et sans defectuosité.

  A010001015 

 L'Evangile qui se lit aujourd'huy monstre clairement l'infidelité que cet Apostre commit en ne voulant pas croire.

  A010001016 

 De mesme en est-il pour ce qui est de descheoir d'icelle et de tomber en quelque peché et imperfection: l'on ne tombe pas tout à coup, mais des petites fautes l'on vient aux plus grandes.

  A010001016 

 Le premier manquement, à sçavoir de ne se pas sousmettre et trouver avec les autres, fut le commencement de son mal et ce fut de là qu'il prit sa source; car il faut remarquer une chose de tres grande importance, qui est que l'homme ne monte pas à la perfection tout d'un coup, mais petit à petit, de degré en degré.

  A010001017 

 Qui s'excuse s'accuse; il ne faut donques jamais s'excuser, puisque nous avons grande rayson de croire que nous avons tousjours le tort..

  A010001018 

 Escoutez parler nostre Sauveur aux pharisiens: Comment pouvez-vous croire, vous autres qui estes tout bouffis de vaine gloire et d'estime de vous mesmes?.

  A010001018 

 Sur quoy saint Bernard replique et dit: O pauvre Thomas, pourquoy ne voulez-vous pas croire sans toucher, puisque nostre foy n'est point palpable et qu'elle ne depend point des sens? Et de vray il a rayson, ce grand Saint, d'autant que la foy est un don de Dieu qu'il infuse en l'ame humble, car elle n'habite pas en une ame pleine d'orgueil; il faut avoir l'humilité pour recevoir ce rayon de la lumiere divine qui est un don purement gratuit.

  A010001019 

 Le grand saint Paul, ou plustost Nostre Seigneur en saint Paul, apres le Prophete, nous dit: Courroucez-vous, mais ne pechez point, parce que ce n'est pas pecher d'avoir ses passions esmeuës; mais c'est bien autre chose d'entrer en colere et de suivre les sentimens d'icelle, comme de se despiter et opiniastrer en suite: c'est cela qui fait le peché.

  A010001019 

 Par exemple, ceux qui sont sujets à l'avarice ne passent pas pour l'ordinaire au peché mortel; mais ils gardent leurs biens un peu trop exactement, ce qui est le premier fruit de la passion, et cela est peché veniel selon l'importance de la chose.

  A010001019 

 Revenons à nostre propos, qui est que saint Thomas se laissa emporter à sa passion.

  A010001020 

 Certes, il n'y a point de doute que ceux qui sont en communauté et qui ne vont pas le train d'icelle touchent bien fort leurs freres, sur tout ceux qui ont le desir du salut des ames.

  A010001020 

 Saint Thomas passa jusques au troisiesme degré et commit le peché d'infidelité, qui fut tres grand; ce que voyant, les autres Apostres en furent extremement touchés.

  A010001021 

 Il faisoit cela par un zele ardent, mais qui estoit faux et indiscret, encores qu'il luy parust bon.

  A010001023 

 C'est un grand don de Dieu que la foy; c'est elle qui nous separe d'avec ces miserables heretiques lesquels ne veulent pas croire le Saint Sacrement de l'autel parce, disent-ils, qu'on ne voit rien, qu'on n'y touche rien.

  A010001023 

 Nostre bon Sauveur luy respondit: Thomas, Thomas, tu as creu parce que tu as veu, mais bienheureux seront ceux qui croiront et ne verront pas, parce que sa divine Bonté nous avoit tous presens, nous autres qui sommes en son Eglise, car elle a pris son commencement du petit college des Apostres.

  A010001024 

 Ainsy en est-il des ames qui estans parmi la meslée du monde y engagent toutes leurs affections, car à grand peine de deux cens s'en sauve-t-il une ou deux au plus, parce qu'elles ne pensent point aux choses eternelles et sont tousjours attentives aux honneurs, playsirs et richesses; pour cela nous sommes obligés de prier pour elles à fin que Dieu leur donne une parfaite foy qui les fasse desprendre de toutes les choses de la terre..

  A010001024 

 Sur quoy saint Bernard fait une belle comparaison: De deux cens bateaux ou galeres qui s'embarquent au port de Marseille, il ne s'en perd pas un, dit-il; mais ceux qui s'embarquent [410] autre part courent grand risque de se perdre.

  A010001025 

 Il semble que la feste d'aujourd'huy nous invite à prier pour les infidelles et mescroyans, notamment pour ceux qui sont en ce Royaume, à fin que tous s'assujettissent à l'obeissance du Roy.

  A010001025 

 Supplions aussi de toute nostre affection Nostre Seigneur de nous donner ce bien de perseverer en la fidelité que nous luy avons vouée; et nous resouvenons que ce qui causa la cheute de saint Thomas fut qu'il se tint absent des autres, qu'il fut dur à croire et qu'il s'opiniastra en son mal.

  A010001032 

 Ces trois festes ont esté appellées Pasques, mot qui ne veut dire autre chose que passage.

  A010001032 

 Entre toutes les festes que nous solemnisons en la sainte Eglise il y en a trois qui ont esté celebrées de tout temps, lesquelles prennent leur source et origine de cette grande feste de Pasques qui se faisoit en l'ancienne Loy.

  A010001034 

 De toute eternité le Pere a engendré son Fils, qui est semblable à luy et coeternel à luy, car il n'a jamais eu de commencement, estant esgal en tout à son Pere.

  A010001034 

 Pourtant le Fils nous est né du Pere, comme qui diroit de son sein, de sa propre substance; c'est ainsy, par exemple, que nous disons que les rayons du soleil sortent de son sein parce que le soleil et ses rayons ne sont qu'une mesme chose.

  A010001034 

 Si nous estions des Anges nous parlerions de Dieu bien autrement et d'une maniere bien plus excellente; mais helas, nous ne sommes qu'un peu de poussiere et des enfans qui ne sçavons ce que nous disons.

  A010001035 

 Les naturalistes remarquent que le miel se fait d'une certaine gomme que nous appelions manne, laquelle descoule du ciel et se vient joindre ou mesler avec la fleur [414] qui de l'autre costé tire sa substance de la terre; or, ces deux substances se meslant ensemble ne forment qu'un seul miel.

  A010001036 

 Mais il y a difference entre le miel qui se tire du thym, d'autant qu'il est beaucoup plus excellent que celuy qu'on appelle d'Heraclée, qui se fait sur l'aconit et autres fleurs; car quand on le taste l'on connoist aussi tost celuy qui est recueilli sur le thym parce qu'il est fort et doux tout ensemble, tandis que celuy d'Heraclée donne la mort.

  A010001039 

 Je vous laisse aux pieds de cette bienheureuse accouchée, à fin que, comme des sages avettes, vous ramassiez le miel et le lait qui distillent de ces saints mysteres et de ses chastes mammelles, en attendant que je vous explique le reste, si Dieu nous en fait la grace et nous en donne le temps, lequel je supplie nous benir de sa benediction.

  A010001042 

 Dieu n'est qu'un en essence; toutefois la Divinité est en trois Personnes, Pere, Fils et Saint Esprit, qui sont un seul vray Dieu.

  A010001042 

 Neanmoins, parce que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils on luy attribue les œuvres qui procedent de la bonté de Dieu, comme est la justification et sanctification des ames, ainsy que les œuvres qui procedent immediatement de la toute puissance, comme celles de la creation, sont attribuées au Pere; c'est pourquoy nous disons: «Je crois en Dieu, le Pere tout puissant, createur du ciel et de la terre.» Mais les œuvres de la sagesse sont attribuées au Fils parce qu'il est la Parole du Pere, [417] Mot Patris; c'est pourquoy l'œuvre de la redemption luy est attribuée, d'autant que, comme un tres sage medecin, il a sceu guerir la nature humaine de tous ses maux..

  A010001042 

 Toutes les œuvres de Dieu qui regardent le salut des hommes et des Anges sont attribuées d'une façon particuliere au Saint Esprit, d'autant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils.

  A010001043 

 Les œuvres donques qui procedent de la bonté de Dieu sont attribuées au Saint Esprit parce qu'il est l'amour, c'est à dire le souspir amoureux du Pere et du Fils.

  A010001045 

 De sorte que l'humanité sacrée de nostre Sauveur a esté comme une divine fleur sur laquelle le Saint Esprit s'est reposé pour luy communiquer ses sept dons; ce qui nous est tres bien representé par ce chandelier d'or avec ses sept lampes, qui estoit devant le tabernacle en l'ancienne Loy, et lequel pouvoit estre appellé une fleur parce que ses vases estoyent disposés en guise de fleurs de lys..

  A010001046 

 Mais nous, qui en devons parler pour nous instruire, commençons par le bas bout pour monter au plus haut, et puisque nous sommes en terre, commençons par le premier degré; quand nous serons parvenus en haut, je veux dire au Ciel, nous pourrons puiser les tresors dans le sein du Pere eternel..

  A010001048 

 De mesme il y a plusieurs personnes lesquelles ne quitteroyent jamais leur mauvaise [419] vie s'ils ne craignoyent la mort, le jugement et les peines d'enfer; et cette crainte est la plus generale entre les hommes, ainsy que l'experience le fait voir tous les jours; car de dix mille penitens, il n'y en a peut estre pas un qui ne commence son salut par cette crainte de la mort, du jugement et de l'enfer.

  A010001048 

 Mais cette [première] crainte est servile et semblable à celle des forçats de galere, qui ne voguent que par force et ne vogueroyent jamais s'ils ne craignoyent qu'on les accablast de coups de nerfs de bœuf.

  A010001049 

 Ces menottes et chaisnes de fer, dit saint Augustin, c'est la crainte d'estre damné, et cette crainte est bonne pour commencer son salut, parce que les hommes reconnoissans qu'il est impossible que Dieu ne se venge des pecheurs qui l'ont offensé, ils craignent et redoutent ses chastimens, et cette apprehension est naturelle; car comme la nature nous enseigne qu'il y a un Dieu, aussi, dit saint Chrysostome, il est impossible de penser qu'il y a un monde regi et gouverné par sa providence, [sans] que sa justice ne soit exercée sur les hommes pour punir les pechés.

  A010001050 

 C'est pourquoy vous voyez d'ordinaire que ceux qui n'ont cette crainte que dans la partie inferieure s'en retournent de la predication melancholiques en leur mayson, comme au contraire ceux qui ont la crainte don du Saint Esprit s'en retournent convertis et penitens..

  A010001051 

 Et saint Hierosme disoit que la crainte des jugemens de Dieu transperçoit si fort son ame qu'il luy sembloit tousjours entendre retentir à ses oreilles cette voix espouvantable des Anges: «Levez-vous, morts, et venez au jugement; Surgite, mortui, venite ad judicium.» Mon Dieu, que de personnes ont quitté le peché par cette crainte du jugement! C'est donc à tres juste rayson qu'elle est dite le commencement de la sapience, et l'amour la consommation, qui nous fait monter au Ciel pour nous joindre à Dieu; mais pour arriver à ce bonheur il faut quitter le peché, et pour le quitter il faut craindre.

  A010001052 

 Ces parolles sont remarquables; elles ne veulent dire autre chose sinon que la crainte nous fait cesser de mal faire, d'autant que voyla le Paradis qui doit estre la recompense du travail de l'ouvrier.

  A010001052 

 Hé quoy, seroit-il bien possible que je voulusse perdre le Paradis? Serois-je bien si lasche que de perdre le partage qui m'est promis en cette patrie celeste?.

  A010001052 

 La generosité relevant donques nostre cœur apres ces biens eternels, nous l'ait dire avec le Psalmiste: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; Ah, Seigneur, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent.

  A010001053 

 Ce qui nous fait voir que cette crainte est bonne, et que c'est Dieu qui en est l'autheur et la met dans le cœur pour commencer par icelle nostre salut..

  A010001053 

 Ne craignez point, dit-il en saint Matthieu, chapitre X, ceux qui peuvent tuer le corps, mais craignez Celuy qui peut condamner l'ame à la gehenne eternelle; Nolite timere eos qui occidunt corpus, animam autem non possunt occidere; sed potius eum timete qui potest et animam et corpus perdere in gehennam.

  A010001053 

 Or, cette crainte qui nous fait quitter le peché est un don du Saint Esprit, luy seul la peut donner; c'est pourquoi elle est appellée le commencement de la sapience, parce qu'elle est d'ordinaire le commencement de nostre salut.

  A010001054 

 Le don de pieté est une vertu particuliere laquelle depend de la justice, qui n'est autre que l'honneur, le respect et l'amour que nous rendons non seulement à Dieu comme à nostre souverain Createur et nostre Pere tres aymable, mais encores à ceux que nous tenons pour superieurs, soit spirituels ou temporels, comme les peres, meres, prelats et magistrats.

  A010001055 

 Et c'est à cela que Dieu nous veut faire tendre, quand il veut que nous le nommions nostre Pere qui est ès cieux, en l'Oraison dominicale, nom de respect, d'amour et de crainte..

  A010001057 

 Declina a malo et fac bonum; Destournez-vous du mal et faites le bien, dit le Prophete, car c'est la science des sciences et celle qui nous est donnée du Saint Esprit, laquelle les enfans du monde n'ont point euë; car bien qu'ils fussent grans philosophes, si n'ont-ils point appris à glorifier Dieu ni à suivre la justice, parce qu' ils ont tenu la verité captive et prisonniere en l'injustice, dit l'Apostre: Veritatem Dei in injustitia detinent.

  A010001057 

 Le troisiesme don du Saint Esprit, en remontant, est le don de science, non pour sçavoir les choses humaines, comme Aristote, Platon, Homere, Virgile et les autres philosophes qui ont eu cette science qui ne leur a de rien servi.

  A010001058 

 Et qui leur avoit donné ce don de science pour discerner le bien et le mal, le vice et la vertu, sinon le Saint Esprit? Mais, direz-vous, je ne sçay point comme il faut prattiquer la vertu.

  A010001058 

 N'avons-nous pas aussi veu plusieurs grans theologiens qui ont dit merveille des vertus, non pour les exercer, comme au contraire il y a eu tant de saintes femmes qui ne sçavoyent pas parler des vertus, lesquelles neanmoins en sçavoyent tres bien l'exercice? car on a veu les unes [424] avec un soin extreme de conserver leur virginité, les autres avec un cœur pur et net en leur viduité, les autres en la chasteté conjugale.

  A010001060 

 Apres le don de science s'ensuit le quatriesme, qui est celuy de force, lequel nous est absolument necessaire, parce qu'il ne suffit pas de sçavoir discerner le bien et le mal, si nous n'avons la force pour eviter l'un et prattiquer l'autre.

  A010001060 

 Combien a-t-on veu de personnes qui ont sceu le bien et n'ont pas eu le courage de le prattiquer, ainsy que nous voyons encores aujourd'huy en la plus-part des Chrestiens!.

  A010001061 

 Par exemple, l'on vient à la Confession où l'on reçoit le Saint Esprit avec la remission des pechés; et neanmoins combien y en [425] a-t-il qui recidivent aux mesmes pechés apres la Confession! Et d'où vient cela, sinon faute de courage? On pense: Qu'est-ce qu'on dira de moy si je deviens devote, si je fais penitence, si je quitte les conversations mondaines? On craint une parole dite en l'air; et n'est-ce pas tout à fait manquer de force que cela?.

  A010001062 

 Mais il faut remarquer qu'encores que nous ayons receu les dons du Saint Esprit, si nous ne sommes grandement sur nos gardes nous les pouvons perdre à toute heure, quoy que nous nous puissions servir de l'un sans l'autre, parce qu'ils ne sont en nous que par maniere d'habitude, ce qui fait que nous ne nous en servons que quand nous voulons.

  A010001063 

 Par exemple, vous verrez une personne qui voudra suivre la devotion, qui dira en elle mesme: Quel conseil suivray-je pour prattiquer le bien que Dieu m'a inspiré et pour eviter le mal qu'il m'a fait reconnoistre? quel chemin tiendray-je? quel conseil observeray-je? Sera-ce celuy de la chasteté ou de la pauvreté? sera-ce l'obeissance simple et aveugle? Suivray-je la [426] viduité ou le mariage? Feray-je l'aumosne ou donneray-je tout mon bien aux pauvres? Le Saint Esprit, residant dans nostre cœur, nous conseille et nous pousse par son inspiration à faire ce qui est plus pour la gloire de Dieu et nostre salut.

  A010001064 

 Combien y en a-t-il au monde qui sçavent bien qu'on s'y perd à cause que l'air est infecté, et qu'il donne la mort eternelle aux ames dans lesquelles il entre, ou leur cause de grandes maladies: quel remede à cela? Sortez, leur dit le Saint Esprit interieurement, puisque vous connoissez que vous n'y pouvez pas faire vostre salut.

  A010001064 

 Il nous conseille donques ainsy immediatement par ses inspirations, ou bien il nous conseille de nous conseiller à ceux qui ont la lumiere qu'il leur a communiquée..

  A010001065 

 Mais qui est-ce qui void la beauté de ces maximes sinon ceux à qui le Saint Esprit les fait voir?.

  A010001066 

 Le monde le dit, et Nostre Seigneur dit: Voyez cette perle de la pauvreté evangelique, et à travers d'icelle, voyez le Ciel et la felicité eternelle qui y est attachée.

  A010001066 

 Lors que nous voyons les beaux palais dorés, les perles et joyaux: Ah, disons-nous, que ces choses sont belles! Mais à qui? Aux yeux des mondains.

  A010001067 

 Ah, si nous les penetrions bien et si nous voyions leur beauté, certes, nous quitterions et renoncerions pour jamais aux malheureuses maximes du monde, qui ne valent rien, pour suivre celles de nostre divin Maistre.

  A010001068 

 O que l'ame qui est parvenue à ce degré est heureuse, car c'est une marque qu'elle est remplie du Saint Esprit et qu'il luy a communiqué ses dons..

  A010001069 

 Les malades ne savourent pas les viandes à cause du catarrhe qui occupe les parties destinées au goust; les malades spirituels veulent tout à rebours de bien: ils n'ont ni crainte ni force ni pieté ni science.

  A010001069 

 Qui veut recevoir les dons du Saint Esprit [il luy] faut se purger des humeurs peccantes.

  A010001070 

 O que nous serons heureux, si nous recevons ces pretieux dons! car sans doute ils nous conduiront au sommet de cette eschelle mystique, où nous serons receus de nostre divin Sauveur qui nous y attend les bras ouverts pour nous rendre participans de sa gloire et felicité.

  A010001078 

 Si le ciel, l'air et la terre et tout ce qui est en iceux semble de rajeunir et resusciter quasi de mort a vie en ceste douce sayson printaniere, auditoyre devot, ame chrestienne treschere et trescherie, recompense des travaux du Sauveur et Seigneur; puysque le ciel, lequel a demeuré si long tems sombre et obscur, semble s'estre revestu de la plus belle roubbe de ses clartés; l'air, ci devant tout plein de froides humidités, de brouillards et [431] melancolique nuage, se descouvre si pur, si calme et si bien [attrempé] assaysonné maintenant; la terre, toute ridëe, crottee et ternie par les rigueurs de l'hiver, comparoist maintenant toute diapree de son verdissant et fleurissant esmail; si l'Eglise nostre Mere, laquelle est demeurëe toute mortifiëe ce Caresme, ne portant que des habitz lugubres, ne chantant que des chans lamentables, ne faysant autre contenance que triste et faschee, comme celebrant le dueil de son cher Espoux, maintenant, comme pour fayre nouvelles nopces avec son mesme resuscité Seigneur et Espoux, faict tapisser et parer le mieux qu'elle peut toutes ses maisons, tient un maintien de cæremonies joyeuses et allegres, ne chante que des chans de liesse et de consolations; si l'enfer tenebreux a esté mesme changé en clarité par le lumineux aspect de Nostre Seigneur qui est descendu, si les Anges comparoyssent avec leurs roubbes plus blanches que l'ordinayre, demeurerons nous, o Chrestiens, entre toutes les creatures, morts et immuables en nostre laydeur et tristesse? Pour quoy ne prendrons nous nos beaux vestemens?.

  A010001082 

 Je n'oserois pas penser que quelqu'un fust ja mort despuys, etc. Ne mourons donq plus, etc. Et c'est pourquoy, ayant donné les moyens de venir a grace, je donne pour i continuer, sachant que qui perseveraverit, etc..

  A010001090 

 Qui manducat mèam carnem et bibit.

  A010001101 

 L'excellence de la viande: Caro mea vere est cibus; et qui manducat me et ipse vivet propter me..

  A010001113 

 En fin: Qui manducat me ipse vivet propter me; dont la plus part est damné..

  A010001130 

 Si les biens sont telz, qui ne s'y disposera? Frumento et vino stabilivi eum; et ultra tibi post hœc, fili mi, quid faciam?.


11-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XI-Vol.1-Lettres.html
  A011000029 

 Sentiments qui se pressent dans l'âme du Saint à l'approche de son ordination sacerdotale. 29.

  A011000039 

 — Obstacle imprévu qui a empêché le Saint de se rendre à Chambéry.

  A011000067 

 — Motifs qui retardent la conversion de Pierre Poncet.

  A011000069 

 Arbitrage du Sénateur réclamé par le Chapitre de Genève et un ecclésiastique qui demande à en faire partie. 70.

  A011000077 

 Troubles qui régnent à Annecy. 82.

  A011000078 

 Ebranlement qui se produit parmi les héretiques; ingénieuse tactique du Saint pour les provoquer à la discussion. 83.

  A011000091 

 — Conversions qui s'opèrent en Chablais.

  A011000109 

 — Difficultés qui retardent l'établissement des curés en Chablais.

  A011000128 

 — Intervention en faveur de deux religieux qui ont encouru des censures ecclésiastiques. 153.

  A011000132 

 Rumeurs inquiétantes qui circulent en Chablais; alarmes des Catholiques. 159.

  A011000133 

 — Faveurs spirituelles qui sont à désirer pour cette occasion.

  A011000137 

 Préparatifs à faire en vue des Quarante-Heures qui doivent se célébrer à Thonon.

  A011000146 

 Raisons qui ont contraint le Prévôt de différer le voyage de Rome.

  A011000146 

 — Envoi des documents qui doivent être présentés à Sa Sainteté. 178.

  A011000189 

 Les éditeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui précèdent chaque pièce; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original.

  A011000191 

 Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italiques des mots qui la précèdent immédiatement au texte, à moins que le point de départ ne corresponde à un alinéa, ou que la corrélation ne soit évidente.

  A011000191 

 Les divergences qui existent entre les minutes et le texte définitif sont données au bas des pages.

  A011000192 

 Dans les variantes des lettres latines et italiennes les seuls passages qui diffèrent considérablement du texte ou qui n'y figurent pas du tout ont été traduits.

  A011000203 

 Et maintenant que je suys au milieu et meillieur âge de mes estudes, si je puys cognoistre seulement par presumption que prenies en bonne part mes lettres, ce me sera comme un aultre corage pour poursuyvre mon entreprise en l'estude, laquelle j'oseroys bien me promettre (sans me flatter) reussira au bien que je desire, Dieu aydant, qui est de le bien pouvoir servir; puys apres, vous fayre service, a qui j'ay tant de debvoir et obligation..

  A011000205 

 Atant je vous bayse bien humblement les mains, et prie Dieu, Monsieur, qu'il vous tienne en santé et tres heureuse vie, vous suppliant de vous resouvenir de moy comme de celluy qui est et sera a jamays.

  A011000222 

 Qui insino a 42 de'nostri Francesi si ritruovano febricitanti; di là, per quanto si dice, avete anchora gran numero di maladie; onde di vostra lettera, che ci assicura de vostra santà (sic), habbiam tirato tuti multo contento, il quale communicherò al primo incontro al segnor Benedetto Pracho, poichè non ci vediamo mai sensa ragionar de V. S., a cui bascio le mani et in nome mio et in nome del segnor Giuanni Monsieur Deage, et parimente nella sua buona gratia mi raccommando et offero..

  A011000227 

 Il est bien vrai que le zèle de Votre Seigneurie pour notre foi catholique est la cause principale qui l'empêche de se réjouir d'un [1 bis ] évènement si affligeant pour quiconque ne l'envisage pas au travers des lunettes du propre intérêt.

  A011000227 

 Je vous remercie donc d'avoir quelque souvenir de nous, et tant de sollicitude pour notre bien, que vous trouvant au milieu d'une ville où, si je ne me trompe, on se réjouit beaucoup de la nouvelle Navarraise qui s'y est répandue, par affection pour nous vous n'en éprouvez aucun contentement.

  A011000228 

 Il y a ici jusqu'à quarante-deux de nos Français atteints de la fièvre; et, d'après ce que l'on dit, vous avez encore chez vous grand nombre de maladies; c'est pourquoi nous avons tous reçu beaucoup de contentement de votre lettre qui nous assure de votre bonne santé.

  A011000250 

 Je ne fis jamais chose qui meritasse que vous prissies la peine de m'escrire avec tant de caresses comme vous aves faict le 24 de septembre, dont je vous remercie d'autant plus humblement de ceste vostre faveur, pour laquelle je m'offriroys a vous humblement si je ne vous estoys desja tout obligé et dedié.

  A011000277 

 D'autre part j'estimoys que sous l'adveu de ceux qui m'eussent presenté a vous, j'eusse esté beaucoup mieux receu que je [7] n'eusse osé me promettre sans presomption.

  A011000277 

 Despuys lhonnorable memoyre que vous fistes de moy par lettre a monsieur de Marry, il y a quelque tems, qui me fut comme un'arre de vos graces, le grand desir que ja auparadvant j'avoys d'estre accepté pour vostre serviteur tres humble s'estoit extremement accreu.

  A011000288 

 Ingenti te metu perculsum ais ne aliquam in te concepissem indignationem, quod postremis meis litteris stomachari viderer, quasi tu vel in amando me pertinax non esses aut diligens in scribendo; quo magis miror in te eum metum extitisse, qui sane « in constantem virum cadere [9] non possit.

  A011000298 

 A qui la faute si j'ai reçu si tard la première lettre? Je n'ai pas voulu le rechercher, de peur que cette recherche ne fît retomber un peu de mon mécontentement sur quelqu'un de mes amis.

  A011000298 

 » [9] Si vous l'expliquez de la sorte: « Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, » c'est bien, mais à la condition que vous me dispenserez de vous prouver mon affection en redoutant tout de votre part..

  A011000299 

 En effet, bien qu'elles semblent au début engendrées par l'amour, souvent dans la suite, par de très petits, d'insensibles changements, elles tuent, avec le temps, celui-là même qui les a engendrées.

  A011000301 

 Nous parlâmes beaucoup de vous, ce qui le fit soupirer après vous tout autant qu'après la santé..

  A011000318 

 Depuis longtemps déjà vos mérites et vos vertus, homme très savant, auraient suffi pour m'attacher à vous sans réserve; mais aujourd'hui vous vous êtes acquis sur toute ma personne un droit sans égal par la bienveillance qui vous a porté à me dédier si amicalement vos très savantes thèses théologiques.

  A011000318 

 En effet, que pouvait-il humainement m'arriver de plus glorieux que de m'entendre donner le titre d'ami par un personnage si docte et si accompli? Il n'est rien en moi, homme obscur, qui puisse ainsi me concilier vos bonnes grâces.

  A011000319 

 Quoi qu'il en soit, le procureur principal du Patrimoine ducal, votre parent, qui a si bien mérité de l'Etat et de moi en particulier, nous fait justement espérer votre retour parmi nous.

  A011000327 

 Vale ergo, et ab omni onere publico et ab omni malo immunis, meque pergas amare qui scilicet tuus sum totus..

  A011000335 

 J'ai reçu vos deux lettres qui m'ont été très agréables, surtout par les assurances qu'elles me donnent de votre affection pour moi.

  A011000335 

 Je vous remercie de tout mon cœur des paroles si aimables que vous m'écrivez, et je ferai tout ce qui dépendra de moi pour les mériter..

  A011000336 

 Comme j'entends dire que les populations auxquelles vous consacrez vos talents sont si grossières qu'elles ne veulent pas vous affranchir des charges publiques, et n'ayant nulle autorité pour le faire par moi-même, je le fais du moins par l'autorité de l'empereur Constantin, qui a édicté le décret suivant dans la VI e Loi du Titre LII, intitulée: De Professoribus et Medicis, Livre X du Code: « Les médecins, les maîtres d'école et les docteurs en droit avec leurs femmes, leurs enfants et les biens qu'ils possèdent dans la ville (ce mot-là vous affranchit complètement) sont exempts de tout impôt et charge soit municipale, soit publique, de toute corvée et obligation de logement.

  A011000336 

 » C'est le sens qui est par la Glose attribué au décret de l'empereur (au mot Muneribus ).

  A011000337 

 Portez-vous donc bien; demeurez exempt de toute charge publique et de tout mal, et continuez à bien aimer celui qui est tout vôtre.

  A011000352 

 Quod autem per summam humanitatem prior ipse scripseris, id nimirum [22] causæ fuit et te priorem dare, quod divinius est, et me priorem accipere, quod inferius decebat. Et ego ne potius in te senatoriam dignitatem, quam in senatore consummatissimam virtutem colere existimarer, absentem salutare minime consentaneum videbatur, cum præsertim me non ejusmodi juvenem crederem qui in ore vel aure cujusquam purpuratorum Patrum venissem, in intima videlicet juvenili umbra adhuc delitescens.

  A011000353 

 Quare sive mei ad virtutem studii promovendi causa, sive tuæ in eos qui vel exiguum habent ingenii ac probitatis sementem (quorum in te sunt uberrimæ segetes) propensionis sedandæ, non amaveris tantum (quod fide non negata referentibus necesse habebas), sed etiam scripseris, nihil formido quin deinceps amare pergas..

  A011000355 

 Quas dum capio, lego identidem ac relegendi finem facio nullum, tanta me capit voluptas ac tui observantia quantam animus meus capere potest; adeo scilicet verum est captum esse qui cæperit....

  A011000361 

 La bonté qui vous porte, homme vénérable de l'ordre des sénateurs, à rechercher l'amitié d'un novice inexpérimenté, et mon désir déjà ancien de mériter votre affection excitent dans mon cœur un contentement égal à ma surprise..

  A011000366 

 Maintenant que par votre lettre, comme par un cartel signé, vous avez provoqué un combattant qui par nature est très ardent dans ces sortes de luttes, prenez garde d'avoir bientôt à considérer moins lequel de nous deux est le premier descendu dans l'arène que celui qui y demeurera le dernier..

  A011000367 

 J'ai admiré et aimé vos éclatantes qualités avant même que mon nom vous fût connu, mais non point avant que vous ne fussiez enrichi de ces dons éminents innés en votre âme, et qui, en tout temps, ont fait qu'il a été impossible de ne vous pas aimer.

  A011000367 

 Mais puisqu'il en est autrement, je me réjouis d'avoir pu acquérir aussi facilement votre bienveillance, ce qui sera pour moi, non tant un sujet d'orgueil (bien que mon amour-propre ait droit d'en être flatté) qu'un stimulant à mieux faire..

  A011000367 

 Si, par une bienveillance extrême, vous avez été le premier à m'écrire, cela prouve seulement que vous avez donné [22] le premier, ce qui est plus divin, et que j'ai été le premier à recevoir, comme il sied à mon infériorité.

  A011000368 

 Je ne m'informerai donc pas si c'est pour m'exciter à la vertu que, non content de m'aimer, vous daignez encore m'écrire, ou (comme vous vous y croyez obligé par ce qu'on vous a rapporté de moi) si c'est pour satisfaire votre propre inclination envers ceux qui ont en eux-mêmes quelque faible semence de cette probité et de ces talents qui fructifient si abondamment en vous.

  A011000368 

 Mais cette crainte sera modérée par la connaissance que j'ai de votre grande bonté, laquelle est unie à une prudence telle qu'aucune [23] exagération, addition, diminution, aucun artifice et habileté de langage en ceux qui vous parleront de moi, soit en bien soit en mal, ne saurait vous tromper.

  A011000369 

 Que l'admiration excite le désir de connaître, c'est une maxime assurée qui s'apprend avec les rudiments de la philosophie..

  A011000370 

 Ainsi est-il vrai que celui-là est pris qui croyait prendre....

  A011000370 

 En attendant le bonheur de vous voir, je vous remercie de ce que vous avez bien voulu m'écrire le premier, et je vous promets de ne [24] me laisser surpasser par qui que ce soit dans le soin de vous honorer et de correspondre à votre amitié.

  A011000378 

 Quo mihi majores habendæ sunt tibi gratiæ, qui mihi tantum fabricasti amicum quantum alioquin ne Nestorea quidem ætate meis meritis consequi potuissem.

  A011000378 

 Vere [26] nullam unquam tibi parem me gratiam daturum sperandum est, propterea vel maxime quod, ut ea pollerem authoritate, qui te non colat, non amet, non suspiciat, si quis aliquem invenire velim doctum aut probum virum hemispherii hujus nostri limites deinceps egrediatur necesse est; neque alioqui, si is non esses, Franciscum Girardum, quantum tua docet epistola, accurre foret... Et rursum ut argumenti perspicuitate ac lumine res confici verius quam proferentis opera diceretur..

  A011000379 

 In te tantum ille est [27] amor erga me tuus singularis qui satis sit uti omnes me diligant, quem tam fortunatum eo vident nomine; adeo nimirum vel errantes summos viros facile quilibet sequitur..

  A011000379 

 Quapropter, ut quod jam proximum est faciam, quoniam nullus qui te non summopere suspiciat, nullus Franciscus Girardus alius superest, quicquid hujus rei fuerit id tibi totum ac integrum me debere profitear.

  A011000380 

 Quare consentaneum uti eum socium appelles qui sua voluntate quidem sed tuo solo me diligat amore, quem tui non sui cognoverit opinione.

  A011000386 

 Il faut pour cela posséder une vertu dont la splendeur non seulement illustre celui qui en est doué, mais encore rejaillisse sur tous les autres..

  A011000386 

 Je ne puis nullement à cet égard vous rendre pareille faveur; car, bien qu'en affection je n'hésiterais pas à lutter même avec vous, que je reconnais par des signes indubitables être un homme des plus aimants, toutefois la prétention de vous concilier l'amitié de qui que ce soit n'est compatible ni avec la médiocrité de mon mérite, ni avec l'éclat de vos vertus.

  A011000386 

 Tout le monde peut aimer; beaucoup à mon avis peuvent se faire aimer; mais susciter aux autres des amis est au pouvoir de ceux-là seulement qui jouissent d'une autorité transcendante et reconnue.

  A011000387 

 Du reste, eussé-je l'autorité suffisante pour cela, n'espérez pas que je vous [26] rende jamais pareil service; car, à moins de sortir de notre hémisphère, il serait impossible de trouver un homme de science et de probité qui ne vous vénère, ne vous aime, et ne se propose vos exemples pour modèle.

  A011000387 

 Et si vous n'aviez pas toutes les qualités qu'on vous attribue, c'est précisément à François Girard, d'après ce que vous me dites de lui dans votre lettre, que je devrais aller pour les rencontrer... Vous voyez donc que ma preuve ressort plus évidemment par sa propre force que par l'habileté de celui qui l'expose..

  A011000388 

 Je ne vois rien en moi qui puisse provoquer (pour me servir de la propre expression de François Girard) l'amitié de ce personnage si grave, déjà vénérable par l'âge, et si magnifiquement [27] orné de toutes les sciences et de toutes les vertus.

  A011000388 

 Pour en venir à une conclusion déjà manifeste, comme il n'est plus personne qui ne vous honore grandement, comme il ne reste plus d'autre François Girard, je déclare que, dans cette affaire, je vous dois absolument tout.

  A011000389 

 Il convient donc que vous appeliez compagnon celui qui veut bien m'aimer, il est vrai, mais seulement par amour pour vous, puisqu'il ne me connaît pas personnellement, mais seulement d'après l'opinion que vous avez conçue de moi.

  A011000399 

 Rem ergo fecisti meis longe superiorem meritis, Francisci Girardi humanitate dignam, ei quam tu mihi tecum esse voluisti amicitiæ consentaneam, qui mihi bonum illud animi tui singulare, hoc est, voluntatem eximii viri Francisci Girardi, mihi quoque fecisti commune, atque, quod consequens erat, me, jampridem in solidum tuum, Francisco quoque Girardo tuo in solidum adduxeris, ne vel minimæ rei inter vos societas desideraretur..

  A011000401 

 Vivet vero semper in pectore meo ardens quoddam desiderium omnes quidem amicitias, sed hanc maxime Francisci Girardi, et cæteras quæ ex tua, Faber optime, prodibunt officina diligenter colendi; quod ut præstare possem, utinam non verbis tantum (qualia solet Franciscus Præpositus, et id genus alia, in quibus nescio quid inter nos est similitudinis), sed re etiam et meritis, quod tu credis, conjungeremur, ut amore præstantissimorum virorum vel eo nomine merito non indignus videar qui me indignum esse agnoscam libenter, et tenuitatem meritorum desiderii amplitudine resarciam..

  A011000402 

 De cætero, quod parum promptus fuerim in respondendo, vel tuis vel Francisci Girardi litteris, causam profero, non meo quidem judicio minus honestam, nec [31] tibi, ut arbitror, minus jucundam, qui familiaritate delectaris, quod scilicet ex media familia deprompta sit.

  A011000412 

 Ne craignez pas toutefois d'être taxé d'imprudence pour avoir [29] oublié la disproportion qui existe entre le don et l'homme qui le reçoit; car Alexandre le Grand pensait avec raison qu'un présent doit être plutôt digne de celui qui l'offre que de celui qui l'accepte.

  A011000412 

 Vous avez donc fait une chose bien supérieure à mes mérites, mais bien digne de la bonté de François Girard et de l'amitié qui existe entre vous et moi, en me faisant participer à ce trésor singulier de votre âme, c'est-à-dire à l'intimité de votre ami.

  A011000413 

 Pareillement l'estime que je vous porte à tous deux étant établie comme elle l'est dans mon âme, s'identifie avec elle, et participe à sa nature qui est, selon les termes de l'école, d'être tout entière dans le tout et tout entière dans.

  A011000415 

 Le désir qui, dans mon cœur, demeurera toujours très ardent est de conserver toutes mes amitiés, surtout celle de François Girard, et, excellent Artisan, toutes celles qu'il vous plaira me fabriquer.

  A011000415 

 Que du moins cette indignité soit atténuée par l'aveu que j'en fais, et que je compense les qualités qui me manquent par le vif désir que j'éprouve de les acquérir..

  A011000416 

 Du reste, si j'ai mis quelque retard à répondre soit à votre lettre soit à celle de François Girard, la raison de ce délai, qui vient de ma famille, est, je pense, également légitime en soi et agréable pour [31] vous qui aimez à remplir les devoirs de l'amitié.

  A011000423 

 Ecce ab Antistite nostro supplicationes obsecrationesque pro captivo Gebenensi Duce (quod Dux ipse per [32] litteras postulaverat) per 9 dies publice decretæ; ac uti populus Deo placando ardentius incumbat in sequentem Dominicain diem concionem indicunt, idque muneris tyroni tuo, qui extra scholas vix negare novit, impositum.

  A011000434 

 (Ce Prince a sollicité [32] lui-même par lettres ces prières.) Afin que le peuple s'attachât avec plus d'ardeur à fléchir la justice de Dieu, un sermon a été annoncé pour le Dimanche suivant, et on a imposé le soin de le prononcer à votre apprenti qui, hors de l'école, ne sait guère refuser.

  A011000435 

 Je retournai donc visiter celle qui était pour ainsi dire revenue à la vie.

  A011000436 

 » C'était, ce me semble, me demander de vous écrire tant que je ne serais pas retenu par un empêchement qui arrêterait même « l'homme fort et constant.

  A011000437 

 Si d'une part il m'a été très pénible de ne pouvoir répondre à un homme tel que vous, j'oserais même dire (pour employer un terme plus doux qu'autorise votre extrême obligeance) à un tel ami, qui m'écrit avec tant d'affection, d'un autre côté ce m'a été une immense joie au milieu de préoccupations très pénibles de savourer le miel qui découle de votre plume, et de vous entendre en quelque sorte parler par vos lettres..

  A011000438 

 De plus, j'ai entendu dire qu'il y a en cette affaire je ne sais quoi qui relève de la justice criminelle, c'est pourquoi j'ai été près de m'exclamer; Eloignez-vous de moi, [35] hommes de sang; car en telles matières les ecclésiastiques ne doivent pas intervenir..

  A011000439 

 Si nous trouvons quelque difficulté dans cette négociation, nous aurons recours à un juge tout désigné pour cela, François Girard, qui est versé dans le droit aussi bien que dans la théologie et nous aime tous deux également, quoique à des titres divers.

  A011000446 

 Tu vero unus es, amplissime vir, qui huic mentis meæ perturbationi percipiendæ maxime mihi videris idoneus.

  A011000454 

 A l'approche de ce jour terrible, de ce jour effroyable, comme l'appelle saint Chrysostome, où d'après la volonté de notre Evêque, c'est-à-dire d'après la volonté de Dieu (car je ne cherche pas d'autre interprète de cette divine volonté), à l'approche de ce jour, dis-je, où après avoir passé par tous les degrés des saints Ordres, je vais être promu à l'auguste dignité du sacerdoce, je ne puis me dispenser de vous annoncer l'insigne honneur et le bien excellent qui m'attendent.

  A011000454 

 Il ne convient pas en effet qu'une telle transformation s'opère à votre insu dans un homme qui est tout vôtre.

  A011000455 

 C'est l'usage entre ceux qui s'aiment de se confier leurs soucis et leurs appréhensions au moment d'entreprendre une œuvre ardue et périlleuse, afin d'obtenir quelque consolation.

  A011000455 

 On peut améliorer, il est vrai, la condition d'un autre sans qu'il le sache, et le changement que je vais subir est le plus glorieux qui puisse m'arriver en ce monde; néanmoins votre sympathie me sera très avantageuse, car je suis assailli par la plus grande inquiétude que j'aie jamais ressentie.

  A011000456 

 Si vous connaissiez aussi bien ma faiblesse, je solliciterais seulement sur ma situation actuelle votre commisération qui m'est bien due.

  A011000456 

 Vous êtes le seul, Monsieur le Sénateur, qui me paraissiez capable de comprendre le trouble de mon esprit; car vous traitez les choses divines avec tant de respect et de vénération que vous pouvez facilement juger combien il est dangereux et redoutable d'en présider la célébration, combien il est facile de pécher et de pécher gravement, et combien difficile de remplir dignement ces saintes fonctions.

  A011000457 

 Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compassion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même, bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de ressentir les mêmes maux? Sans doute cela vient de ce que la commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs..

  A011000474 

 Etiam te non veniente, non intrarem; quomodo enim nuptiis interessem qui vestem nullam habeo nuptialem? Antonianum timeo namque convivalem illum senatum..

  A011000475 

 Iterum scribit Dominus de Montrotier, qui caracteris tui elegantiam et subtilitatem admiratus se deinceps silentio responsurum dicit.

  A011000487 

 Puisque vous me donnez espoir que nous passerons ensemble et en bonne santé le carnaval prochain, mon cœur est rempli d'une si douce joie qu'aucun de ceux qui sont dégoûtés du maigre quadragésimal ne désire plus vivement les fêtes de Pâques que je ne soupire après le carnaval.

  A011000488 

 Quant à ce qui fait à vos yeux le principal charme du séjour habité par ma famille, le plaisir de nous y voir tous réunis, je crains que nous en soyons privés; car vers ce même temps de carnaval, [43] M. le sénateur Roget, un ami qui nous est si cher, devant célébrer le mariage de sa fille aînée avec le juge-mage du Faucigny, mes parents, qui ont déjà reçu des lettres d'invitation, ne pourront se dispenser d'assister à ce mariage sans manquer aux égards qu'ils doivent à la famille du Sénateur..

  A011000489 

 Et, lors même que vous ne viendriez pas, je n'assisterais pas à cette fête; car comment aller aux noces, moi qui n'ai pas la robe nuptiale? D'ailleurs, je redoute ces réunions et ces festins..

  A011000504 

 Les choses se sont arrangées autrement, et c'est ma mère elle-même qui me remplace.

  A011000504 

 Quant à moi, dès que j'aurai connaissance de votre arrivée dans cette ville, je prendrai mes mesures pour que vous puissiez voir parmi les Favergiens votre inhabile mais diligent apprenti; nous irons ensuite à la maison Tulliane, qui ne saurait être plus illustrée que de recevoir son nom de vous.

  A011000505 

 Ce qui m'a le plus réjoui, [47] c'est qu'à son départ d'Annecy, j'ai pu, dans les derniers mots que nous avons échangés, jeter, en lui parlant de vous, comme le parfum d'un baume odorant dans son esprit....

  A011000505 

 J'ai remis hier votre lettre à mon Evêque, qui l'a lue plusieurs fois avec un plaisir extraordinaire.

  A011000512 

 Accepisti sane tu nostras litteras tardius quam volueram; cum enim præceptori meo litteras antepenultimas dares, Chamberii te constantem fore iis totis feriis uti dixerat sic credebam, atque litteras do Joanni Baptistæ Valentiano (quo cum ex communione studiorum multa mihi intercessit necessitudo) vixdum scriptas, ne [48] accipiendis eis minus avunculo suo D. de Passier excedenti officiosus comes videretur; illi alioquin vix daturus qui tam cito volebat scribi, nisi multo magis dari quam cito dari; quamvis et hoc maxime postulasset quod tibi quem, ut est litterarum amans, unice colit, rem facturus gratam crederet si litteras nostras redderet..

  A011000513 

 At vero quonam fieri potest modo ut non sat cito litteras acceperim, qui tam bene excepi quam bene aliud unquam sum excepturus? Non quidem quam bene sunt scriptæ et elaboratæ, (quis enim tuum illud mellificium satis pro dulcedine non dicam collocare sed gustare quidem possit?) sed jam tam eleganter, tam amice! Illud certe mihi accidit percommode ut priores tuæ litteræ cum ad me perlatæ sunt, secederem in avitam [49] Salesiorum domum; ut enim eas excepi tanta legere sum aggressus aviditate ut aviditas saporem omnem præriperet, at ubi mihi ipsum otium itidem relegendi facultatem comparavit, tum vero undique sese mihi effudit voluptas..

  A011000519 

 A peine ai-je eu le temps d'écrire; il [48] accompagnait son oncle, M. de Passier, qui était sur son départ, et je craignais, si je l'eusse prié d'attendre, qu'il ne parût plus empressé à m'obliger qu'à répondre aux désirs de son oncle.

  A011000519 

 Du reste, je n'eusse pas confié ma lettre à un homme qui me pressait de la sorte, s'il n'eût importé davantage de vous écrire qu'il n'était regrettable de le faire d'une manière trop précipitée.

  A011000519 

 En effet, d'après celle qui précédait l'avant-dernière, remise à mon précepteur, je croyais, comme il me l'avait dit, que vous demeureriez à Chambéry toutes ces vacances, et j'ai confié ma lettre à Jean-Baptiste de Valence, qui, en qualité d'ancien condisciple, me reste spécialement cher.

  A011000520 

 Mais comment se fait-il que le vôtre ne me soit pas arrivé assez tôt, à moi qui l'ai reçu avec un plaisir tel que je n'en éprouverai jamais de plus grand en recevant tout autre envoi? C'est que vos lettres ne sont pas seulement merveilleusement écrites et pensées (personne en effet ne saurait assez, je ne dis pas apprécier, mais même savourer l'extrême douceur de ces rayons de miel); elles sont aussi des chefs-d'œuvre d'élégance et des monuments d'amitié.

  A011000526 

 Nobilis vidua Villæi illius qui hæreticorum insidiis inter sedium suarum incendia ante aliquot annos peremptus est, cum te referente de causa quadam quæ inter Villæos filios, et Dominum Bessonet agitatur ex Senatu [50] proximis hisce diebus sententiam expectaret, nescio quanam ratione resciverit, mulier quam nunquam vidi, me præcipuo quodam amore tibi charissimum esse, rem sibi admodum utilem et fructuosam facturam existimavit si me, matris optimæ meæ implorata authoritate, intercessorem apud te faceret, quo ei quod a candidissimo judice honestissimum amicum petere posse antea monuisti, bonam exoptes causam.

  A011000534 

 Une noble femme, M me de Ville, veuve de celui qui par suite des embûches des hérétiques périt, il y a quelques années, dans l'incendie de son château, attendait ces jours derniers la sentence d'un procès qui se plaidait devant le Sénat entre ses fils et M. Bessonnet, procès [50] dans lequel vous êtes rapporteur.

  A011000545 

 Cum hesterna die litteras R mi Antistitis quas ad te mitterem accepissem, et non tam scribendi quam litteras mittendi otium occasionemque fecerit mihi nunc bonus hic vir, qui me, in itinere verius quam in urbe, in ipso discessu salutavit, non tantum laconice sed etiam incitate et præpropere potius scribere volui quam non scribere; excusatione dignum ratus si, per hæc jejuniorum tempora, macillentam aliquantulum accipias epistolam, a me præsertim qui vix aliter soleo, et cui non tam edulii quam præsentiæ tuæ recenti privatione arida videantur omnia et insipida.

  A011000554 

 Cependant je préfère vous écrire non seulement d'une façon laconique, mais à la hâte et avec précipitation, que de ne pas le faire du tout; car, dans ce temps de jeûne, j'ai pensé que je serais excusable de vous adresser une lettre un peu maigre, moi surtout qui rarement en écris d'autres, et qui, moins par la suppression des mets, que par la récente privation de votre présence, trouve tout fade et insipide.

  A011000554 

 J'ai reçu hier de mon Révérendissime Evêque une lettre à vous transmettre, et maintenant je n'ai que le temps de vous l'envoyer, car ce bon homme qui vous la portera est venu me saluer au moment de son départ, et en chemin plutôt qu'en ville.

  A011000561 

 Quo fit ut quod hactenus feci tu quoque vicissim faciendum existimes, ut nimirum qualis unus es in me talem me esse erga te nusquam dubites; sic enim summa mea voluptate conficio omnino te fratrem amantissimum et omni meliori modo meum esse, qui adeo me fratrem tuum esse perspicio ut a me fere alter mihi [55] videar, ne si alter a me non sim, tyro grægarius, idem summo meo incommodo cum tanto fabro esse nequeam..

  A011000567 

 Je vous prie et vous conjure, mon très bon et très aimant Frère, d'accueillir avec votre bienveillance accoutumée le laconisme auquel je suis obligé de revenir; car le départ de cet homme de la Thuille, qui est aussi notre domestique, m'oblige à vous écrire.

  A011000568 

 En effet, si je [55] n'étais pas différent de moi-même, qui ne suis qu'un apprenti du commun, je ne saurais être une même chose avec un tel artisan..

  A011000568 

 Quant à votre dernière lettre, elle offre une telle harmonie de pensées avec celle que je vous ai adressée le même jour, qu'elle montre clairement la parfaite unanimité de sentiments qui existe entre les deux frères, surtout en matière d'amitié, bien que ces sentiments ne soient pas exprimés de la même manière, car par l'élégance de votre style vous me laissez bien loin derrière vous.

  A011000576 

 Ego autem, Frater suavissime et optime, his omnibus præteritis diebus, non diligens tantum, sed anxius fui in quærendo uno ex multis qui ad vos iverunt, atque, quæ mea sors fuit, [de suo discessu me facturos] certiorem non inveni.

  A011000577 

 Neque vero cuiquam videri possum causam temerariam fovere velle, si quando ejusmodi tibi per ignorationem commendarem; non enim aurichalcum pro auro dare velle mala fide videri debet qui peritissimo fabro offert.

  A011000578 

 Expectamus te uterque (sic) avidissime; hoc tamen cum incommodo meo, quod dies Crucifixo solemnes, qui mihi ob Divinorum tam solemnem et lectissimam [58] celebrationem brevissimi mihi futuri erant, eo longiores sint quo te avidius expecto..

  A011000585 

 C'est non seulement avec empressement, mon très bon et très doux Frère, mais avec une véritable anxiété que j'ai cherché tous ces jours derniers à rencontrer un des nombreux personnages qui se sont rendus auprès de vous; mais, par un regrettable contretemps, aucun ne m'a prévenu.

  A011000586 

 Je ne crains pas qu'on m'accuse de vouloir favoriser une mauvaise cause, si par ignorance je vous en recommandais une qui fût telle; car celui qui présenterait du cuivre pour de l'or à un orfèvre aussi habile que vous ne saurait être soupçonné d'agir de mauvaise foi.

  A011000587 

 L'un et l'autre nous vous attendons avec une vive impatience; mais avec cet inconvénient pour moi, que les jours solennels consacrés au divin Crucifié, lesquels m'auraient paru bien courts à [58] raison des cérémonies si graves et si belles qui les remplissent, me paraîtront d'autant plus longs que je vous attends avec plus d'impatience..

  A011000597 

 Sic enim efficiam quod insolentius soient ventres quidam, qui, bacchanaliorum ritu Paschalia celebrantes, obtendunt consilium uti semper hinc inde inter bacchanalia, veluti carcere conclusam, retineant Quadragesimam..

  A011000609 

 Notre Evêque, qui est l'un de vos meilleurs amis, se porte bien.

  A011000617 

 Quid facerem jam, mi Frater, aut quo me verterem, qui tam ardenti tuo illi desiderio hactenus nec satisfeci, et jam exclusus penuria temporis in promptu satisfacere minime possum? Ecce namque synodica tempora jam appetentia, clericis omnibus hujus provinciæ celeberrima, cui si non intersim anathemati caput ipsum objicio.

  A011000618 

 At vero nudiustertius, cum venirem huc uti sequenti die cum D. Copperio ad vos pergerem, cum ad tria circiter milliaria inter medios ac densissimos imbres processissem, sese mihi de quo nihil cogitaveram, ita se sane res habet, rapidissimus quidam torrens sese objicit qui nullo loco tum vado transiri poterat, sicque cogor retrocedere.

  A011000618 

 Id autem causse fuit quo minus D. Copperio me in comitem adjungerem, qui ex opposito lacus littore iter habuit omnino pervium..

  A011000626 

 Que ferais-je, mon Frère, et de quel côté me tourner, moi qui n'ai pas encore satisfait à votre désir, et qui ne puis maintenant y répondre, faute de temps? Car nous voici à l'époque très solennelle du synode, auquel tous les membres de notre clergé sont tenus d'assister; et m'en dispenser, ce serait attirer sur moi l'excommunication.

  A011000627 

 C'est ce qui m'empêcha de rejoindre M. Coppier, lequel faisait route sans difficulté par le côté opposé du lac..

  A011000629 

 Mais il est digne de Salteur de plaider victorieusement une cause désespérée, et d'obtenir un pardon qui ne peut nuire à personne, pour celui qui est déjà puni de sa faute par la confusion qu'il en éprouve et par la perte qu'il a faite.

  A011000639 

 Neque vero prætermittam unum hoc loco mirandum, quod vos eo ipso scivistis momento hujus nostræ peregrinationis decretum quo vixdum statutum inter nos fuerat; extrema namque Mercurii die hac de re deliberavimus, ut divinitus factum videri [67] possit, ut qui ad eamdem respiciebamus Crucem, eumdem sensum receperimus.

  A011000646 

 J'avais presque achevé une autre lettre qui vous était destinée, mon très aimable Frère, lorsque Soudan m'a remis de votre part cette dernière, qui est toute remplie de la très suave odeur de l'Esprit-Saint.

  A011000648 

 Ainsi, mon Frère, il sera impossible qu'elle ne soit pas véritable cette fraternité, laquelle doit être jurée en la présence de ce bois qui a réconcilié les immortels des Cieux avec les mortels d'ici-bas.

  A011000660 

 Suavissimæ sorori, conjugi tuæ clarissimæ et charissimæ, salutem dicerene debeam non satis scio, qui te illi jam nolim sane addicere nisi tu ipse vicissim eam etiam nobis tecum addicas.

  A011000678 

 Plurimum autem mea intersit (sic) hæc retardatio, etsi hodierna die venires, qui die Mercurii ad Rupenses concionandi gratia pergo.

  A011000679 

 Dolorem quem sentio cohibeo quanto possum maximo conatu, cum qui raptim scribere cogor, [72] cum stomacho et modestia simul non possim.

  A011000680 

 De valetudine tua nihil ambigo, audivimus enim ex itinere virum qui te togatum ambulantem animi gratia die Veneris viderit..

  A011000687 

 Notre déconvenue ne nous a pas empêchés de vous envoyer force compliments en soupant chez M. de Charmoisy, où [71] nous avons discuté jusque bien avant dans la nuit sur les raisons qui vous avaient arrêté, mon Frère.

  A011000688 

 Quoi qu'il en soit, alors même que vous arriveriez aujourd'hui, ce retard peut être bien fâcheux pour moi qui me rends mercredi à La Roche pour prêcher.

  A011000690 

 « Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, » parce qu'il est facile, quand on n'a pas une très bonne volonté, de trouver des excuses.

  A011000698 

 In tanta quam feci scribendi cessatione, humanissime et clarissime Girarde, id mihi fere accidit quod probis pueris interdum usuvenire solet, qui si statis collegii horis quibusdam lectionibus per imprudentiam non interfuerint, quamvis in officium gratiamque magistri quam primum redire cupiant, nesciunt tamen inter spem [et] metum nutantes horam sibi ipsis dicere, qua in irati præceptoris conspectum venire debeant; dum præsentem ejus iram declinare cum veniæ speratæ jactura, an veniam [74] cum tanta molestia obtinere satiusne sit, dubia mens pueri vix statuere potest.

  A011000698 

 Quam male ac imprudenter fecerim hactenus, qui per tot menses nihil ad te scripsi, ego ipse omnium maxime sentio; atque eo molestius fero quo me abs te amari quale quantumque sit bonum nemo me melius percipere potest.

  A011000699 

 Sic enim fiet ut qui me totum semel pro ea qua me complexus [es] benevolentia tibi Fabroque nostro observandissimo, qui ejus mihi fuerit [auctor], ex unica causa debebam, jam tibi uni idem ipse totum me debeam; eoque sane majore ratione quo in eo sum magnificentissimo cœnobio quod qui ingreditur eam [75] subeat sententiam necesse est: « Difficilius est reformare quam formare.

  A011000700 

 Atque heri cum in hanc Altæcombæ sanctissimam simul et augustissimam solitudinem venissemus, R mum Albiensem Episcopum visendi gratia, qui ut doctissimus est sic Fabrum hunc nostrum summo prosequitur amore, antequam a fratre suavissimo divelli me patiar sic tam diuturnæ cessationis veniam impetraturum abs te credidi, si pollicear me futura diligentia et frequentia deinceps moram hanc præteritam repleturum.

  A011000706 

 Après être demeuré si longtemps sans vous écrire, mon très bon et très respectable Girard, je suis à peu près dans la situation où se trouvent parfois de bons écoliers qui, n'étant pas arrivés aux heures fixées, ont manqué inconsidérément certaines leçons.

  A011000706 

 Ils voudraient bien rentrer dans le devoir et reconquérir les bonnes grâces de leur professeur; mais flottant entre la crainte et l'espérance, ils ne savent se déterminer pour l'heure où ils devront paraître en présence du maître irrité: faut-il éviter sa colère présente en sacrifiant le pardon espéré, ou obtenir leur pardon en s'exposant à être punis? Dans une [74] telle hésitation l'esprit de l'enfant a bien de la peine à discerner ce qui lui est plus avantageux.

  A011000707 

 Ainsi moi, qui me devais déjà une fois tout entier à vous, à raison de la bienveillance dont vous m'avez entouré, et à notre très digne Favre parce qu'il m'a obtenu cette faveur, je me devrai désormais tout entier à vous seul, et cela avec d'autant plus de raison que je me trouve dans ce [75] magnifique monastère où l'on ne peut entrer sans se rappeler cette sentence: « Il est plus difficile de réformer que de former.

  A011000708 

 La majesté de ce lieu, le caractère sacré de cet excellent et très vertueux Pontife vous feront croire à ma parole; pour le même motif aussi, je l'espère, vous [76] recevrez amicalement un coupable qui en vous écrivant revient au devoir, et j'aurai moi-même plus de soin de rester fidèle à ce devoir....

  A011000715 

 Alioquin cum in ipso fere [77] provocandi articulo, tuas illas amœnissimas et, quod caput est, amicissimas litteras accepissem, tanto tuæ humanitatis lumine mentem meam obtundi sensi ut qui jam jam scripturus eram, tantæ humanitati respondere posse omnino deinceps desperarem.

  A011000723 

 Il ne faut rien moins que la très grande autorité que vous avez sur moi pour me convaincre, comme vous me l'écrivez, qu'il est toujours plus facile de répondre à un ami que de le provoquer; car [77] lorsque j'étais sur le point de vous prévenir, votre lettre si gracieuse et, qui plus est, si amicale, m'est parvenue.

  A011000724 

 Cette estime n'a pas besoin d'un monument qui en conserve le souvenir; elle est gravée en caractères assez durables pour défier l'action du temps..

  A011000733 

 Rectissime namque facitis qui, patris vestri clarissimi et optimi authoritatem secuti, ad me tam amanter scripsistis.

  A011000740 

 Deux raisons principales me portent à vous écrire, mes très chers Amis: la première est de répondre à la lettre dont vous m'avez favorisé récemment, et qui m'a causé tant de plaisir; la seconde est de vous demander une nouvelle lettre, car celle que vous m'avez écrite est tout endommagée par la lecture répétée que j'en ai faite.

  A011000741 

 Ayez jour et nuit, mes [79] très chers Amis, les yeux fixés sur le modèle éclatant qui resplendit devant vous; suivez-le religieusement.

  A011000741 

 En agissant de la sorte, vous qui êtes dans son atelier d'excellents apprentis, vous en sortirez très nobles ouvriers, et spécialement vous aurez appris de lui à m'aimer..

  A011000742 

 Saluez en mon nom votre illustre mère à qui j'ai voué un respect si grand qu'il ne peut être justement comparé qu'à la piété filiale.

  A011000760 

 Mais je ne vois pas ce qui peut m'être attribué dans cet ouvrage, car vous l'avez vous-même tissé et enrichi de tant de belles pierreries, que, par une heureuse transformation, il a perdu son ancien nom et sa première forme..

  A011000776 

 J'ai reçu votre lettre par le porteur à qui vous l'aviez remise.

  A011000776 

 Qu'est-ce qui m'agréa davantage, ou de voir votre envoyé ou de lire votre lettre? Tout ce qui vient de vous ne peut que m'être extrêmement agréable.

  A011000786 

 » Quæ tua mihi gloria eo suavior est perfecta, quo nuper te in confratrum ex Cruce nostrorum numerum majore cum oblectamento [86] renunciavit vir optimus et ipsa canitie venerandus, Joannes Tissotius, communis hujus Confraternitatis prior meritissimus; ut jam certo quodam jure omnium nostrum bona videantur esse communia qui, tum aliis nominibus tum hoc peculiari fratres ex Cruce censemur.

  A011000795 

 Ce n'est certainement pas la science seule qui a élevé si haut les Martin, les Chrysostome, les Hilaire, les Damascène; mais bien plutôt cette magnanimité chrétienne avec laquelle ils ont déclaré la guerre pour le Christ aux empereurs et aux autres faux frères, et se sont montrés intrépides à combattre les combats du Seigneur..

  A011000795 

 Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard, puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous [84] l'étendard du très saint Crucifié; car n'est-ce pas combattre pour le Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause des ennemis de la Croix? Vous ne pourrez jamais rencontrer une occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence divine.

  A011000795 

 O bienheureux combat dans lequel à la fois nous mourons et nous vivons pour le Christ! Qu'est-ce qui a, je vous le demande, environné de tant de gloire et [85] d'une si religieuse vénération la mémoire des anciens Pères de l'Eglise? C'est que jamais aucune menace n'a pu les empêcher de patronner (permettez-moi cette expression) la cause de Jésus crucifié.

  A011000795 

 Oui sans doute, il est très facile à un Chrétien, et c'est une chose pour ainsi dire à la portée de tous, de suivre Jésus-Christ guérissant les infirmes, ressuscitant les morts; mais de suivre Jésus-Christ souffrant et mourant, voilà ce qui n'est accordé qu'à un fort petit nombre.

  A011000808 

 Il pleut a Son Altesse, il y a quelque tems despuys ces guerres, declairer pour l'eglise de ce diocæse estre de son intention et playsir que tous les biens qui se trouveroyent en ses estats avoir esté de l'eglise anciennement, devant que Geneve eut chassé les ecclesiastiques, retournassent a l'eglise, comme vray patrimoyne de Jesuchrist.

  A011000808 

 Qui a faict que le Chappitre de Saint Pierre ayant esté advisé, ou pensant quil se devoit tenir quelque journëe a Thurin touchant ces balliages et autres affayres, il a pris resolution, en l'asseurance de vostre zele et pieté, de vous supplier tres humblement de leur faire ausmosne de vostre credit et intercession en cest endroict, affin qu'en cas de quelque restitution de païs, ils ressentent le prouffit de la devote intention de sa dicte Altesse, et que les biens qui se trouveront avoir esté dudict Chappitre au tems de la subversion de Geneve leur soient restitués.

  A011000808 

 [88] Ils vous supplient donques, Monsieur, tres humblement, tous en general et moy en particulier, comm'ayant cest honneur d'estre Prevost en leur compaignie, de prendre ce leur affere en main; se promettans que si la bonne intention de Son Altesse, dressëe sur la pieté de la cause, est aydëe de vostre faveur et authorité, elle sortira en son effect avec grand merite de sa dicte Altesse, qui nous aura remis nostre pain en la main, et de vous, Monsieur, qui nous aures procuré ce bien, duquel je puys bien vous asseurer avec verité que nous avons bon besoin, pour s'estre la pauvreté de cest'eglise cathedrale de trente chanoynes, quasi tous gentilhommes ou gradués, fort rengregëe par ces guerres, sans avoir voulu jamais diminuer aucune chose de ce qui s'observoit pour la decoration du service divin..

  A011000819 

 Non antea potui, mi Frater, suavissimis illis tuis litteris respondere quam hic idem qui tuas attulerat Chamberium versus rediret.

  A011000851 

 Et apportent pour excuse le mauvais traittement qu'ilz recevroyent des Bernois et Genevois, qui les traitteroyent comme des deserteurs de leur creance, s'ilz les [94] voyoyent seulement venir a nous d'autre façon qu'avec des injures a la bouche ou des pierres a la main.

  A011000852 

 Mais, Monseigneur, nous esperons avec patience que ce fort armé qui garde sa mayson sera chassé par un plus fort que luy, qui est Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A011000868 

 Quelques Thononais avaient donc apporté votre lettre: je vous le demande, pouvait-il y avoir rien de plus efficace que ce présent qui relevait mon courage pour aller à eux? En effet, je me trouve tellement devenu un autre vous-même, que sans vous je ne pourrais traiter avec ces hommes..

  A011000868 

 Voilà qui est de bon augure, sans doute, si d'après le vieux proverbe, par un individu on peut juger de tous.

  A011000877 

 Lætiores enim fructus in dies allatura mihi videtur verbi hæc divini pluvia, quod ubi paulo pressius deprehendam, non committam quin te, qui rem tantopere consilio, auctoritate et opera promovisti [certiorem faciam]..

  A011000877 

 Sane vir est hic noster in Christo pater, qui pro sua in Deum ac eos qui sunt Dei charitate omnem omnium mereatur observantiam, et nonnisi ab [98] nostri simillimis amatoribus satis amari possit.

  A011000884 

 Cet homme est vraiment notre père en Jésus-Christ; sa charité envers Dieu et envers ceux qui sont à Dieu lui donne droit à la vénération de tous, et il ne peut être aimé dignement que par des hommes qui [98] aiment comme nous.

  A011000884 

 Je ne tarderai pas à vous écrire de nouveau pour vous parler de ce qui se passe ici et des affaires de la religion..

  A011000884 

 Je viens à votre dernière lettre qui m'apportait un témoignage très manifeste du souvenir que me conserve notre P. Chérubin.

  A011000885 

 Lorsque je l'aurai mieux constaté, je ne manquerai pas de vous le faire savoir, à vous qui avez employé votre conseil, votre autorité, votre action pour favoriser cette entreprise..

  A011000895 

 Quod cum ita sit, tuæ erit humanitatis ac amplitudinis, mihi inter tuos ita locum aliquem fixum firmumque attribuere, ut me non minus unquam tuum existimare possis quam esse possim, et quando tuorum Allobrogum numerum inire placuerit, ego ultimus in mentem tandem tibi veniam, qui si propensionem ac erga te observantiam animorum tam probe perspectam haberes quam merita, inter primos facile apparerem..

  A011000902 

 Les choses étant ainsi, il appartiendra à votre bonté et à votre magnanimité, Monseigneur, de m'attribuer entre ceux qui vous sont dévoués une place si sûre et si stable que je ne puisse jamais être moins vôtre que vous n'aurez daigné me croire.

  A011000903 

 Pour nous, unissant nos prières à celles de tous vos Albigeois et [101] de ceux qui cultivent les lettres, nous demanderons au Seigneur de vous conserver longues années et de rendre vos diocésains parfaitement soumis au joug de la religion.

  A011000912 

 L'orayson, l'aumosne et le jeusne sont les trois parties qui composent le cordon difficilement rompu par l'ennemi; nous allons, avec la divine grace, essayer d'en lier cest adversaire....

  A011000933 

 Pour me nourrir en vostre memoyre [et] [104] conserver ce bien pour moy, je vous ay voulu addresser ceste lettre comm'une humble requeste, pour vous supplier m'entretenir tousjours en la faveur laquelle une foys vous m'avies accordëe, n'ayant rien faict des lors qui m'en puysse priver, sinon que ce fut d'avoir tant attendu de vous escrire et salluer.

  A011000934 

 Et au reste, pour vous rendre quelque conte du vostre despuys que je suys de retour d'Italie, je me suys tellement faict ecclesiastique que j'ay celebré Messe le jour de saint Thomas l'Apostre dernier, en nostre eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, ou je suys indigne Prævost, qui est la premiere dignité apres l'episcopale, et, par le commandement de mon Evesque, des demy annee en ça j'ay praesché icy et ailleurs parmi le diocæse la parole de Dieu; en quoy je m'accuseroys bien fort de temerité si l'obeissance ne m'en avoit osté le scrupule.

  A011000948 

 Sic graviter ego sentio qui tam leviter scribo....

  A011000955 

 Aussi je sens péniblement, moi qui écris si légèrement....

  A011000956 

 Ce que je ressens, ce qui me peine gravement c'est mon récent éloignement de vous.

  A011000963 

 Tantæ me sane pudet tarditatis, qui suavissimis illis litteris quibus meas expectabas hactenus non satisfecerim.

  A011000970 

 Le retard existe, je le confesse, et il n'est pas sans coulpe; mais voici une raison qui m'excuse un peu.

  A011000977 

 Guichardo nostro tandem conscientia adactus litteras dedi, idque raptim, qui colloquiis de re Christiana et concioni cæteram diem [111] insumpsi.

  A011000984 

 Mais je sens la difficulté de l'entreprise, et de plus, il me manque les troupes auxiliaires dont j'aurais besoin: je veux dire les livres nécessaires à un homme qui ne garde en sa mémoire qu'un très petit bagage de connaissances..

  A011000985 

 Je vais passer à Thonon le reste du Carême; c'est ce qui me paraît être le meilleur.

  A011000985 

 La guerre « est douce à qui n'en a pas l'expérience.

  A011000994 

 Verebar enim ne charissimæ patriæ miseriam corde tuo illo piissimo exceptam paullo [112] durius, uti solemus qui nihil a nobis humani alienum putavimus, sustineres, videndo quam audiendo..

  A011000995 

 Lædebar ego a meipso, qui ideo lædebar quod te lædi existimarem.

  A011001000 

 Lædebar ego a meipso qui ideo lædebar quod tu quoque lædi putarem, cum primos hos animorum motus ratione antevertere fabri sit non tyronis..

  A011001003 

 Accepi hodie litteras a R. P. Cherubino nostro, qui inchoatum hoc opus promovendi sua industria et opera se summo desiderio teneri scribit, ac ita nos ad illud hortatur, ut interim si a primo, secundo vel tertio servo ad nuptias invitati noluerint venire, quartus demum sit advocandus qui compellat intrare.

  A011001003 

 Veniat ergo ipse qui omnium instar esse poterit, ac tum demum succedat quartus.

  A011001014 

 Je craignais en effet que, selon notre habitude de ne regarder comme étranger à nous-mêmes rien de ce qui touche [112] l'humanité, votre cœur si tendre eût un peu plus de peine à supporter la vue des misères de notre chère patrie qu'à en entendre le récit..

  A011001015 

 En présence d'un avertissement aussi solennel, j'ai senti s'évanouir aussitôt toute la sollicitude prématurée qui avait d'abord agité mon cœur à votre sujet.

  A011001020 

 J'étais blessé par moi-même, moi qui l'étais parce que je vous croyais aussi blessé; c'est qu'il appartient non à un apprenti, mais à un artisan de prévenir par la raison ces premiers mouvements de l'âme..

  A011001023 

 Il m'écrit qu'il a un très ardent désir de donner à l'œuvre commencée ici une plus grande impulsion par son industrie et son action personnelles, et voici ce qu'il nous recommande: Si ceux qui sont conviés à la noce refusent l'invitation d'un premier, d'un deuxième, d'un troisième serviteur, il faut en appeler un quatrième qui les force à entrer.

  A011001023 

 Je ne m'étonne pas qu'ils refusent de venir sur l'invitation d'un homme aussi froid que je le suis; mais s'ils refusaient encore après avoir été appelés par des hommes qui ont bien fait leurs preuves, alors je n'hésiterais pas à adopter le sentiment du P. Chérubin.

  A011001023 

 Qu'il vienne donc lui-même, qui vaudra tous les autres ensemble, et qu'un quatrième lui succède enfin.

  A011001035 

 Par la grace de Dieu, nous sçavons que celuy qui perseverera sera sauvé, et que l' on ne donnera la couronne qu'a celuy qui aura legitimement combattu, et que les momens de nos combatz et de nos tribulations operent le prix d'une gloire eternelle..

  A011001050 

 Nous marchons, mais a la façon d'un malade qui, apres avoir quitté le lict, se trouve avoir perdu l'usage de ses piedz et, dans son infirme santé, ne sçait s'il est plus sain que malade..

  A011001061 

 Et si ce n'estoit que je suys icy engagé en un jeu ou qui la quitte la perd, je me serois desja rendu par devers vous; ce que je me prometz de faire, Dieu aydant, plus tost que je ne vous puys promettre et non jamays si tost que je souhaitteroys.

  A011001062 

 Ce pendant je ne perds point d'occasion de les accoster; mays une partie ne veulent pas entendre, l'autre partie s'excuse sur la fortune quilz courroyent quand la trefve romproit avec Geneve, silz avoyent faict tant soit peu semblant de prendre goust aux raysons catholiques; qui les tient tellement en bride quilz fuyent tant quilz peuvent ma conversation.

  A011001062 

 Et cest'occasion seule me prive pour quelques jours du bien que je recevray de vous ouyr, parce que Son Altesse ayant un gentilhomme en Suysse qui doit bien tost revenir, si par fortune il apportoyt point de bonnes nouvelles, je pourrois, me trouvant icy, fair'esclorre ceste foy secrette.

  A011001062 

 Et toutefois, ayant presché en ceste ville ordinairement toutes les festes, et bien souvent encor parmi la semayne, je n'ay jamays esté oùy des huguenotz que de troys ou quatre qui sont venuz au sermon quatre ou cinq fois, sinon a cachetes, par les portes et fenestres, ou ilz viennent presque tous-jours, et les principaux.

  A011001062 

 Neant-moins il y en a quelques uns qui sont desja du tout [120] persuadés de la foy; mays il ni a point de moyen de les tirer a la confession d'icelle pendant l'incertitude de l'evenement de ceste trefve.

  A011001063 

 J'en dis trop, a vous qui sçaves bien de quell'estouffe doit estre la resolution qui faict abandonner le soucy des biens de ce monde et de la famille.

  A011001064 

 Au reste, j'ay icy quelques parens et d'autres qui me portent respect pour certaynes raysons particulieres que je ne puys pas resigner a un autre; et c'est ce qui me tient du tout engagé sur l'œuvre.

  A011001064 

 Aussy seroit il bien dommage qu'un autre employast icy sa peyne pour neant, qui pourroit faire plus de fruict ailleurs que moy, qui ne suys encor gueres bon pour præcher autre que les murailles, comme je fais en ceste ville..

  A011001065 

 Voyla ce que pour cest'heure je puys escrire, me reservant de vous dire le reste a bouche plus seurement et bien tost, Dieu aydant, quand vous me favoriseres de vos saints conseilz et instructions, qui ne seront jamays [121] recueillys plus humblement et affectionnement que de moy.

  A011001077 

 Dicamne, mi Frater, quanta animi voluptate tuas litteras et clarissimi viri Antonii Possevini nudius tertius exceperim? Et cum alterius seorsim recordatio sola animum omnem delectare posset et soleret, quid quæso non recordatio solum, sed utriusque erga me tantum benevolentiæ pignus effecerit? Epistola per se scribentis [122] quædam effigies manualis est; at in selecto illo libello de Poësi et Pictura, tam genuina est Possevini effigies, ut non in messem alienam miserit manum qui tam eleganter et graphice seipsum representant et pinxerit; ac nihilo fere minus se libello mihi præsentem exhibeat quam ipsissima præsentia tibi.

  A011001078 

 In iis est Petrus Poncetus jurisconsultus doctus et vir bonus, qui cum jampridem de præsentia corporis Christi in Eucharistia recte sentiret, etsi in quamplurimis turpissime erraret, a scola Calviniana quæ in tanto Sacramento falleret et falleretur abduci se facile passus est; ad caulas vero Catholicas redire peculiare fuit negotium.

  A011001090 

 Dirai-je, mon Frère, avec quelle joie intime j'ai reçu avant-hier votre lettre et celle du très digne P. Antoine Possevin? Si le seul souvenir de l'un de vous séparément suffît d'ordinaire pour délecter toute mon âme, qu'en a-t-il été, je vous le demande, non du souvenir seulement, mais de ce gage précieux de la bienveillance de l'un et [122] de l'autre à mon égard? Une lettre est déjà comme un portrait de celui qui écrit; mais l'image de Possevin est si naturelle dans ce charmant ouvrage de la Poésie et de la Peinture que, pour se représenter et se peindre soi-même avec tant de grâce et d'exactitude, il n'a certainement pas emprunté les pensées d'autrui.

  A011001091 

 Malgré ses erreurs grossières sur presque tous les points de notre croyance, il avait depuis longtemps des idées justes sur la présence réelle du corps de Jésus-Christ dans l'Eucharistie; ainsi ce fut chose aisée de le détacher de la secte de Calvin, laquelle se trompe et trompe les autres en ce qui concerne cet auguste Sacrement.

  A011001091 

 » Je m'arrête donc ici à cause des tranchées de cet enfantement qui arrive au septième mois.

  A011001092 

 Pensez vous-même quelle conclusion je tirerai de ceci par rapport à vous qui êtes l'auteur de ces biens.

  A011001092 

 [125] Celui-ci m'a envoyé une image de la Vierge Mère adorant l'Enfant Jésus qui dort.

  A011001102 

 Et qua est statura et voce, ut vides, rodomontea, non ausus sum omnino negare inermis homuncio; quamvis nihil aliud habeam quod iterum scribam, præsertim sic ex tempore, quam Poncetum, de quo superioribus, jam promisisse se in verba Ecclesiæ Catholicæ palam paulo post juraturum, [ac primo] quidem Compesio, [128] qui id ab eo primum expressit, ipsaque eadem hora mihi.

  A011001109 

 Cette promesse fut faite d'abord à Compois, qui la lui extorqua en premier [128] lieu, puis à moi sur l'heure même.

  A011001114 

 Nimirum vult hic in canonicum haberi, nos repugnamus; habemus enim Constitutiones decreto Apostolico firmatas quæ cuiquam locum inter nos facere vetant, qui vel nobilis ex utroque parente vel doctor non sit.

  A011001116 

 Hæc communia; at ego a te expecto quid de Possevino [131] nostro, nam de Cantore, fratre nostro, et de Girardo a canonico quodam Sebusiano qui nobiscum est audivi.

  A011001123 

 Cet ecclésiastique veut être chanoine, mais nous nous y opposons; car, en vertu de nos Constitutions, confirmées par un décret apostolique, nous devons exclure tout candidat qui ne serait pas noble dans les deux souches ou n'aurait pas le grade de docteur.

  A011001124 

 En conséquence, nous ne voudrions pas voir la question tranchée par un autre que par vous, en qui nous honorons non seulement un très habile artisan, mais un très religieux confrère..

  A011001125 

 Pour moi, j'attends de vous des [131] nouvelles de notre Possevin, car j'en ai eu du Chantre, notre frère, et de Girard par un certain chanoine de Bresse qui est auprès de nous.

  A011001125 

 Voilà ce qui concerne le général.

  A011001163 

 Gratias autem Deo omnipotenti quantas possum ago maximas, quod amicitiæ nostræ vires hisce conatibus experiri nos non sit passus qui ex amici communis miseria prodire debuerant.

  A011001163 

 Scio namque primum te esse Guichardum, et ordine naturæ, quod aiunt, et temporis, me vero secundum; qui si ordinem affectionis spectes, neque primus sim neque secundus, ne forte vel numero simus diversi.

  A011001163 

 Sic enim animi quietem hac in causa tuo nomine indixit idem qui tuas attulit, hesterna die, urbis hujus præsbiter.

  A011001179 

 C'est ainsi que le prêtre de cette ville qui m'apporta hier votre lettre, me tranquillisa l'esprit de votre part touchant cette affaire.

  A011001179 

 Je rends les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant qui n'a pas permis que notre amitié mesurât ses forces à des efforts suscités par le malheur d'un ami commun.

  A011001179 

 Je sais, en effet, que le premier à qui il appartient de venir en aide à Guichard, c'est vous, et par ordre de nature, comme on dit, et par ordre d'ancienneté; moi, je ne suis que le second; mais au point de vue de l'affection, que je ne sois, je vous prie, ni le premier ni le second, et que rien n'altère l'unité qui existe entre vous et moi.

  A011001180 

 Je ferai injure à ce très noble M. de Montrottier, qui vous est des plus attachés, si je ne vous dis combien il a dépensé d'énergie pour soutenir cette cause par son éloquence lorsqu'il ne pouvait le faire par l'action.

  A011001182 

 Qui ne sait, en effet, que des écrits tels que les vôtres ne sortent pas de mon pauvre atelier et que de petits esprits ne peuvent traiter de si grands sujets? Et en vérité, si j'ai énoncé le premier ou rappelé à votre mémoire quelques idées que sans doute vous connaissiez déjà, soit, attribuez-le moi; mais ce ne sont là que des tables rases et brutes qui doivent disparaître sous une peinture si achevée.

  A011001182 

 Vous, au contraire, vous nommez fond ce qui n'est que partie, et, pour que l'hyperbole amicale corresponde en tout point à votre affection, vous semblez affirmer que la façon même est de moi.

  A011001183 

 Pour moi, étant chez nos parents de Sales, au milieu des oiseaux qui chantent le printemps, j'ai admiré et admiré encore dans tous ses détails ce très suave poème, et il ne faut pas que vous ignoriez ceci: je ne crois pas [138] qu'on ait jamais chanté plus belle ode que celle où, avec autant d'esprit que d'élégance, vous rappelez les larmes d'Alexandre le Grand, au point.

  A011001187 

 Vous êtes à peu près le seul qui m'approuviez, mais c'est assez, et voici ma résolution: dans quatre mois, c'est-à-dire mon année achevée, si chacun ne remplit pas fidèlement son devoir en cette affaire, je ne souffrirai plus qu'aucun autre que vous me retienne dans cette charge.

  A011001188 

 Portez-vous bien; aimez, comme vous le faites, votre très humble frère, et s'il vous plaît, saluez en mon nom tous les nôtres, en particulier ma très illustre sœur qui ne m'est pas autrement....

  A011001195 

 Non enim tu ignotus es vicissim aut obscurus, qui tot recte (ut modestissime dicam) factis, dictis, scriptis pro Christo universis Christi fidelibus innotuisti, ut mirandum non sit eum qui omnibus toties scripsit Christianis, a multis hoc solum nomine quod Christiani sint, litteras item accipiat..

  A011001195 

 Virtutis is est splendor, quod tu omnium minime ignoras, Pater observandissime, nullis ut locorum intervallis [140] impediri possit quominus et videatur ipsa, et eos a quibus possidetur suo lumine reddat omnibus qui vel virtutis nomen tantum honorant conspicuos et amabiles.

  A011001196 

 Cum ergo non longo multum intervallo, et solo fere quod aiunt Lemano lacu a te cognovissem me abesse, rem quidem tibi non ingratam, mihi vero in posterum [141] longe utilissimam facturum existimaverim si qui præsens nequeo, absens per litteras, commodum aliquando de rebus et dubitationibus theologicis interrogarem, et docentem te per litteras item interdum audirem.

  A011001197 

 En igitur nonum jam ago mensem inter hæreticos, et in tanta messe octo tantum spicas in arcam Dominicam inferre potui; summo Dei beneficio, quippe qui non tam sim operarius quam operariorum prodromus.

  A011001216 

 C'est pourquoi je ne pense pas avoir besoin d'excuse quand j'ose vous écrire, moi, homme de rien, inconnu et obscur; car vous n'êtes pas également un homme inconnu et obscur, vous qui vous êtes signalé auprès de tous les fidèles du Christ par tant de choses (j'emploie le terme le plus modéré) si bien faites, dites et écrites pour le Christ.

  A011001216 

 Il n'est pas étonnant que celui qui a écrit si souvent à tous les Chrétiens reçoive aussi des lettres de plusieurs, pour cela seul qu'ils sont Chrétiens..

  A011001216 

 Tel est l'éclat de la vertu, vous le savez mieux que personne, très vénéré Père, qu'aucune distance ne peut l'empêcher d'être aperçue [140] et, par sa lumière, d'illustrer ceux qui la possèdent et les rendre aimables à quiconque honore au moins le nom de la vertu.

  A011001218 

 Au nombre de ces convertis se trouve un certain Pierre Poncet, jurisconsulte très érudit et, pour ce qui concerne l'hérésie, beaucoup plus savant que le ministre calviniste du lieu.

  A011001218 

 Cette lecture le tira de [142] l'erreur et le ramena dans la voie frayée qui conduit à l'Eglise.

  A011001218 

 Or, voici le neuvième mois que je suis au milieu des hérétiques, et si vaste que soit la moisson, je n'ai pu renfermer que huit épis dans le coffre du Seigneur; encore est-ce un grand bienfait de Dieu en faveur d'un homme qui est moins un ouvrier qu'un avant-coureur d'ouvriers.

  A011001218 

 Voyant dans des entretiens familiers, que le témoignage de l'antiquité faisait impression sur lui, je lui prêtai votre Catéchisme qui contient les enseignements des Pères rapportés au long par Busée.

  A011001219 

 Il en donnait cette raison, empruntée à Calvin, qu'en hébreu ces deux pronoms sont du masculin, tandis que le mot hébraïque qui désigne le péché est du féminin.

  A011001219 

 Je m'adresse donc à vous, qui êtes un docteur très habile et très obligeant, et je vous demande, moi pauvre débutant sans aucune science ni expérience, l'interprétation de cette phrase hébraïque; je l'attends de l'inclination que vous avez d'aider tout le monde.

  A011001231 

 Non enim tu vicissim ignotus es aut obscurus, sed tot rebus bene (ut modestissime loquar) hactenus pro Christo gestis, dictis, scriptis, universis Christi fidelibus innotuisti, ut mirandum non sit eum qui universis toties scripsit Christianis, a multis hoc solum nomine quod Christiani sint, epistolas item accipiat..

  A011001231 

 Virtutis quidem ea est præstantia, Pater observandissime, ut quod tu omnium minime ignoras, nullis terrarum aut locorum intervallis impediri possit, quomimis et videatur et eos a quibus possidetur iis etiam reddat ronspicuos et amabiles qui, quamvis quid ipsa sit virtus ignorent, virtutis tamen nomen honorant.

  A011001232 

 Cum ergo non longo admodum intervallo, et solo propemodum quod aiunt Lemanno lacu a te me abesse cognovissem, rem tibi quidem non ingratam, mihi vero in posterum longe utilissimam facturum existimavi, si qui præsens nequeo, familiarius per litteras absens interrogarem, et docentem te per litteras item interdum audirem, pro tua in proximos charitate.

  A011001234 

 Pauci tantum qui supersunt Catholici ea re recreati [sunt]; hæreticorum nullus propemodum accessit unquam, nisi videndi me potius (est enim genus hominum curiosum) quam audiendi gratia.

  A011001235 

 Ego vero interpretationem Catholicam satis confirmavi, sed objectionem clare refellere non potui, quippe qui libris hic caream necessariis.

  A011001247 

 Monsignor R mo Vescovo de Geneva, vedendo esser contra l'una et l'altra ragione et contra la libertà ecclesiastica questo privilegio, m' ha mandato qui in Chiambery dal supremo Senato di Sua Altezza, acciò che se ce ne fosse lo potessi veder, per poi darne avviso a V. S. Ill ma et R ma.

  A011001249 

 Ho dubbio che Monsig r Vescovo di Geneva havendo avviso di quanto habbiam fatto qui col Senato, scriverà sopra di ciò amplissimamente a V. S. Ill ma et R ma; nè per questo ho volsuto lasciar di scriverne io, acciò no dia risposta Sua Altezza al suo Senato innanzi che lo sappia V. S. Ill ma, a cui pregando dal nostro Signore [150] Iddio ogni vero contento, basciogli humilissimamente le reverendissime mani et resto,.

  A011001275 

 Et par ce que d'un costé il desire infiniment ne faire chose qui vous despleut, et de l'autre il est obligé au proufit de son neveu, tant qu'il se peut maintenir avec rayson, il m'a prié d'employer mon credit vers vous affin qu'il vous playse ne vous desplaire point s'il met a effect le droit de son neveu, quil a desja acheminé si avant et avec tant de frais quil demeureroit en grosse perte sil le quittoit ainsy tout court, sinon que sa partie voulut entendre a ce que Monseigneur le Reverendissime et monsieur d'Angeville en avoyent une fois ordonné a l'amiable.

  A011001275 

 L'obligation que j'ay a monsieur de Ronis et a Monseigneur le Reverendissime, chez qui son neveu sert, m'a faict aysement vous prier, comme je fays, que sil ny a point d'autre interest pour vous que pour l'affection que vous pourries avoir a celuy qui est leur competiteur, il vous playse leur permettre la poursuitte de leur prætention; quilz vous rendront autant de service que l'autre..

  A011001289 

 Peregrinationibus partim, partim necessariis cursitationibus insumpsi totum mensem; ac si quando pedem firmavi, defuit qui litteras perferendas susciperet..

  A011001291 

 Quid enim [qui] in tanta vicinitate tam audacter mentiuntur non audeant de homine tot intervallis disjuncto comminisci?.

  A011001300 

 J'ai passé tout le mois soit en pèlerinages soit en courses indispensables, et si je me suis arrêté quelquefois, je n'ai trouvé personne qui se chargeât de vous porter ma lettre..

  A011001301 

 La moisson de Thonon est un fardeau qui dépasse mes forces, mais j'ai résolu de ne l'abandonner qu'avec votre agrément, par votre ordre.

  A011001301 

 [153] J'ai été tourmenté et je le suis encore, mon Frère, en voyant que parmi tant de catastrophes qui menacent nos têtes, il nous reste à peine un moment pour cultiver la dévotion dont nous aurions un si pressant besoin.

  A011001302 

 Ce qui m'empêchait de m'en rapporter à leur témoignage, c'était d'une part leur supériorité dans l'art de mentir, et de l'autre, l'insigne impudence avec laquelle ces mêmes hommes affirmaient dernièrement que Poncet était affreusement tourmenté du démon, et que je passais les nuits à l'exorciser en secret pour chasser l'esprit immonde.

  A011001302 

 J'ai reçu en effet son petit présent, comme vous le dites, et le Sponde envoyé par notre Girard, double hommage dont je vous suis redevable, à vous qui avez fait valoir auprès de tous deux le respect que je leur ai voué.

  A011001302 

 Quand on calomnie si audacieusement ses proches voisins, que n'osera-t-on pas inventer contre un homme qui se trouve à une si grande distance?.

  A011001318 

 On ne saurait croire combien de pensées inquiétantes agitaient mon âme attristée, relativement à vous et à tous les vôtres, qui deviez, des premiers, comme il arrive, être mis en péril.

  A011001318 

 Puisque notre siècle est si infortuné, on s'accoutume à tenir pour heureux tout ce qui n'est pas absolument malheureux.

  A011001325 

 Quo de mysterio sententiam rationesque Catholicorum ex me audiendi tanto tenebantur desiderio, ut qui palam nondum venire, ne legis suæ immemores viderentur, ausi sunt, me ex diverticulo quodam secreto audiverint, si tamen per vocis meæ tenuitatem licuit..

  A011001326 

 Ego hac iterum egi venatione ut promitterem me, sequenti concione, de Scripturis luce meridiana clarius [158] dogma commonstraturum, ac tantis rationum momentis propugnaturum, nullus ut futurus sit ex adversariis qui non cognoscat densissimis se tenebris excœcatum, nisi qui humanitati ac rationi nuntium remiserit.

  A011001326 

 His nimirum rodomonteis propositionibus se ingeniumque suum ad arenam vocari recte cognoscunt, ne videlicet si non veniant existimentur imbelles omnino, qui Catholicam vel homuncionis nescio cujus impressionem reformident..

  A011001335 

 Ils savent bien que ces espèces de rodomontades les invitent à descendre dans l'arène, en sorte que s'ils ne venaient pas ils seraient tenus pour gens tout à fait pusillanimes, qui redouteraient de se mesurer avec la religion catholique, même quand elle est défendue par je ne sais quel homme de rien..

  A011001337 

 Pour nous, ayant grand courage par la grâce de Dieu, nous attendons avec empressement et avec joie cette lutte qui donne bon espoir..

  A011001345 

 Quod autem de Barone nostro scribis, male apud malos qui religionem ferream sequuntur audit, eo vero me nomine angit quod spes quæ differtur affligit animam.

  A011001354 

 Quant à la première dont vous me parlez, et à celle du P. Possevin, qui avaient été confiées à notre Portier, [160] je n'en ai pas entendu souffler le moindre mot jusqu'ici.

  A011001355 

 Quant à ce que vous m'écrivez de notre baron, c'est une mauvaise nouvelle pour les méchants qui suivent une religion de fer; et moi je souffre parce que l' espérance différée afflige l'âme.

  A011001355 

 Voilà bien en effet un des grands malheurs de notre temps: la crainte est plus nuisible que le mal lui-même à ceux qui, entre les honnêtes gens, ou pour employer l'expression du Texte sacré, les hommes de cœur, voient les choses de loin.

  A011001356 

 Seul, un pauvre ministre insensé ayant lu que vous nommez « heureuse la faute qui nous a valu un tel et si grand Rédempteur, » s'est écrié comme un homme tout à fait stupide et extravagant: « O blasphème! ô athéisme! ô Papisme! » Mais avec toute la modération possible, j'ai, par un tiers, remis à la raison cet effronté, car lui-même n'a pas encore osé en venir aux mains avec moi..

  A011001357 

 Mais parce qu'il sent sa conscience ébranlée par les arguments des Catholiques, il fuit le Christ Notre-Seigneur qui le poursuit..

  A011001380 

 Et afin que, même ici, rien ne se fasse sans vous, [164] je vous demande, très doux Frère, de donner son vrai sens à cette règle: « La preuve incombe à celui qui affirme et non à celui qui nie.

  A011001392 

 Et quoy que toutes ces gens ne disent ni escrivent rien de nouveau, si escrivent ilz en nouvelle façon qui requiert quelque prælusion.

  A011001392 

 Je n'ose reprendre Calvin ni Beze en façon que ce soit, la ou ilz sont imposteurs et blasphemateurs, que chacun ne veuille sçavoir ou ce que je dis se trouve; dequoy j'ay desja receu deux affrontz que je n'eusse pas eu si ne me fusse pas fié aux citations des livres qui m'ont faict faute.

  A011001392 

 Quant a Beze, [166] j'ay sceu despuis, que tant s'en faut qu'il escrive pour appoincter de religion, que son livre monstre le differend estre inappoinctable et rejette l'opinion d'un autre de mesme forme qui vouloit mesler les tenebres avec la lumiere; mays comme je n'en sçavois rien que par ouÿ dire, aussy j'avois esté trompé de l'autre costé pour trois relaps, gens de simple condition et de peu d'importance..

  A011001394 

 Si est il, a mon advis, necessaire que les necessités particulieres [soient] sceües, et revelees par ceux qui les voyent.

  A011001410 

 A faute dequoy voyci la second'annëe qui se passe des qu'on a commencé de precher icy a Thonon, sans jamais interrompre, avec fort peu de fruict, tant par ce que les habitans n'ont voulu croire qu'on prechast par commandement de Vostr'Altesse, ne nous voyans entretenir que du jour a [168] la journee, qu'aussy par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni dequoy les nourrir, puysque les frais mesmes qui s'y sont faitz jusqu'a present ne sont encor paÿés.

  A011001410 

 Et a cecy pourroyent suffire les pensions qu'on employoit avant la guerre a l'entretenement de passé vingt ministres huguenotz qui prechoyent en ces balliages, sil playsoit a Vostr'Altesse de commander qu'avec une prompt'execution elles y fussent appliquëes..

  A011001410 

 Il est du tout necessaire qu'il y aÿe un revenu certain et infallible pour l'entretenement de quelque bon nombre de prædicateurs qui soyent debrigués de tout autre soucy que de porter la sainte parole au peuple.

  A011001411 

 Encores seroit il necessaire de faire redresser les eglises et y establir revenu convenable pour les curés qui en auront la charge, ne pouvans les precheurs s'attacher a aucun lieu particulier, mays devans estre libres pour aller par tous ces balliages comme la necessité portera.

  A011001411 

 Et sur tout il est besoin au plus tost de dresser et parer les eglises de ceste ville de Thonon et de la parroisse des Alinges, et y loger des curés pour l'administration des Sacremens, veu qu'en l'un et en l'autre lieu il y a ja bon nombre de Catholiques et plusieurs autres bien disposés qui, faute de commodités spirituelles, se vont perdans; outre ce, que cela servira beaucoup pour apprivoiser le peuple a l'exercice de la religion Catholique, principalement sil y a moyen de faire les offices honnorablement, comm'avec orgues et semblables solemnités, au moins en ceste ville qui est le rapport de tout le duché..

  A011001412 

 Ce leur sera, Monseigneur, une douce violence qui les contraindra, ce me semble, de subir le joug de vostre saint zele, et fera une grand'ouverture en leur obstination.

  A011001412 

 Playse donques a Vostr'Altesse fair'escrire une lettre aux scindiques de ceste ville, et commander a l'un des messieurs les [169] Senateurs de Savoÿe de venir icy convoquer generalement les bourgeois, et en pleyn'assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr' Altesse a prester l'oreille, entendre, sonder et considerer de pres les raysons que les precheurs leur proposent pour l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz furent arrachés sans rayson, par la pure force des Bernois; et ce, en termes qui ressentent la charité et l'authorité d'un tres bon prince, comm'est Vostr'Altesse, vers un peuple desvoÿé.

  A011001414 

 En fin, qui adjousteroit a tout cecy un college de Jesuites en ceste ville, feroit ressentir de ce bien tout le voysinage, qui, quand a la religion, est presque tout morfondu..

  A011001415 

 Le glorieux saint Maurice, auquel Vostr'Altesse porte tant d'honneur, sera nostr'advocat en ceste cause pour impetrer de son Maistre toute benediction a Vostr'Altesse, qui est l'instrument principal et universel de l'establissement de la foy catholique en ces contrëes, lesquelles il arrousa de son sang et de ses sueurs pour la confession de la mesme foy.

  A011001415 

 Reste, Monseigneur, que je remercie Dieu qui vous presente de si signalëes occasions, et allum'en vous de [170] si sains desirs de luy faire le service pour lequel il vous a faict naistre prince et maistre des peuples.

  A011001430 

 A faute dequoy voicy la second'annëe que l'on preche icy a Thonon sans beaucoup de fruict, tant par ce que les habitans ne peuvent croire que ce soit par l'aveu ou bon playsir de V. A., ne nous voyans entretenir que du jour a la journee, que par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste sainte besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni moyen de les y nourrir, mesme que la despence qui s'y est faite jusqu'a present n'a encor esté payëe.

  A011001430 

 A quoy pourroyent suffire les pensions qu'on employoit avant ces guerres a l'entretenement de vingt et tant de ministres huguenotz qui [172] prechoyent en ce duché, sil playsoit a V. A. de commander qu'avec une prompt'execution elles y fussent appliquëes..

  A011001430 

 Il est du tout necessaire quil y ait un revenu certain et infallible pour l'entretenement de quelque bon nombre de predicateurs, puysque pour croire il faut ouïr et l'on ne peut 0uyr sans precheur, et que ceux qui viendront icy pour precher doivent estre debrigués de tout autre soucy que de porter la parole de Dieu.

  A011001431 

 Encores seroit il necessaire de faire redresser quelques eglises en quelques lieux qui seroyent jugés plus a propos, avec les autelz bien proprement parés, pour apprivoyser les habitantz a l'exercice de la religion catholique; et en ces lieux la establir revenu competent pour les curés qui en auront charge, ne pouvans les precheurs demeurer fermes en aucun lieu, mays devans discourir de costé et d'autre pour l'instruction de tout le duché, et mesme des deux autres balliages, s'il y eschoit.

  A011001431 

 Mays sur tout il faudroit qu'au plus tost on dressat l'autel et fit on parer l'eglise en ceste ville et de la parroisse des Alinges, et qu'on y logeat des prestres pour y administrer les Sacremens, y ayant en l'un et en l'autre lieu bon nombre de Catholiques, et plusieurs autres prestz a se convertir quand ilz verront bon ordre en cest affaire, qui, faute de ce secours, se perdent bien souvent.

  A011001432 

 Et par ce que l'on precheroit pour neant, sur tout en ceste ville, si les habitans fuyoyent les precheurs et la predication, comm'ilz ont faict cy devant, et ne veulent prester l'oreille a l'instruction ni conferer avec ceux qui viendront, je crois, Monseigneur, que sil plaict a V. A. fair'escrire une lettre au cors de ceste ville, et commander encores a l'un de messieurs les Senateurs de Savoÿe de venir icy faire assembler le conseil general des bourgeois de ceste ville, et en pleyne assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr'Altesse a prester l'oreille, ouyr, sonder et considerer de [173] pres les raysons et predications de l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz ont estés arrachés par les Bernoys sans aucune rayson, et ce en termes qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon prince, vrayement catholique comm'est V. A., vers un peuple desvoÿé, ce leur sera une douce violence qui les contraindra de subir librement le saint joug de vostre zele.

  A011001434 

 Mays qui adjousteroit a tout cecy un college de Jesuites en ceste ville, feroit ressentir de ce grand bien tout le voysinage, qui, quand a la religion, est quasi tout morfondu..

  A011001435 

 Au contraire, [il] attirera par ses prieres la benediction du Pere celeste a quicomque l'advancera, et particulierement sur Vostre Altesse qui en est la cause principale et universelle, pour la prosperité de laquelle je prie ordinairement Dieu, comme je dois, puysque j'ay ce bien d'estre né et nourry, ainsy que je vivray et mourray, sil plaict a sa divine bonté,.

  A011001435 

 Le glorieux Martir saint Maurice, auquel vous portes tant d'honneur, demandera vangeance a son Maistre contre ceux, quelz [174] quilz soyent, qui empecheront et retarderont l'establissement de la foy catholique en ces contrëes, lesquelles il a arrousëes de ses sueurs et de son sang pour le tesmoignage de ceste mesme foy.

  A011001435 

 Reste, Monseigneur, que je remercie de tout mon cœur nostre Sauveur qui vous presente de si grandes occasions, et donne de si ardantz desirs de luy faire le service pour lequel il vous a faict naistre prince et maistre des peuples.

  A011001448 

 Habes sane, fateor, suavissime Frater, quod de me conqueraris qui hoc anno a me nihil litterarum accepisti; habeo vero quod de anno hoc conquerar qui tot me cursitationibus initio torsit ac contorsit ut nullibi secundum propemodum diem quiescere licuerit.

  A011001448 

 » At ego, ne igitur spinetum rosa carens ingrediar (non [177] enim me ad sui contemplationem infœlix civitas, sed unius quidem hominis, sed qui instar multorum mihi sit, præsentia pertraxerat), et ut suavissimi complexus jacturam aliquo modo resarcirem, ad Salesios nostros venio, mox ad Baronem nostrum Chivronium, qui me tanta benevolentia quanta maxima dici potest exceptum, per multos dies quibusdam suis cum fratribus et agnatis rebus componendis retinuit, ut litteras illas suavissimas ad 7 calend.

  A011001450 

 Quod autem attinet ad prioratus, prior ratus sum egomet nihil ad me spectare; hoc autem ad me spectat uti Chaventius, qui a secretis est Principis, ingratum me non existimet.

  A011001460 

 Comme pour attiser, si toutefois la chose eût été possible, le désir dont je brûlais de jouir de votre présence, vous sembliez imiter l'industrie de celle « qui s'enfuyait vers les saules, tout en cherchant auparavant à se faire voir.

  A011001460 

 J'en ai ressenti un regret d'autant plus vif que moindre était l'espace qui nous séparait, et pour atteindre celui qui semblait, ainsi qu'il arrive souvent, courir devant moi, j'ai voyagé une bonne partie de la nuit, mais en vain.

  A011001461 

 Bientôt après je me rendis chez notre baron de Chevron, qui me fit un accueil bienveillant au dessus de toute expression, et me retint plusieurs jours pour règlement d'affaires avec quelques-uns de ses frères et autres parents.

  A011001461 

 Quant à moi, ne voulant pas m'enfoncer dans un buisson d'épines [177] sans rose (car ce n'était pas la malheureuse cité qui m'attirait pour se faire admirer, c'était la présence de cet homme qui seul a pour moi plus d'attraits que la foule), et afin de compenser en quelque sorte la perte que j'avais faite de vos embrassements, j'allai chez nos parents à Sales.

  A011001463 

 Récemment, dans une lettre très élégante et très aimable, il [179] m'a écrit les jugements avantageux que portaient sur moi le prince et le Nonce apostolique, et exposé amplement son inclination personnelle pour moi, qui lui suis d'ailleurs inconnu.

  A011001464 

 C'est le livre douzième, nombre parfait qui prouvera qu'entre nous existe la somme parfaite de toute amitié.

  A011001465 

 C'est la faute d'un serviteur qui l'a oublié, [180] quoique je lui eusse donné la liste de ce que je voulais emporter; mais je prendrai mes mesures pour que votre attente ne soit pas trop longue.

  A011001493 

 Poi, se Sua [187] Altezza commandasse al Governatore della provincia di accarezzare li convertiti, invitare gl'ostinati et privarli, [se ricusano,] d'ogni officio et honore publico, et in particolare, se commandasse a uno de' supremi Senatori di Savoya di venire qui in Tonone invitare questi citadini, no sarebbe poco aiuto..

  A011001506 

 Que les autres disent ce que bon leur semble; quant à moi je dis que pour remédier aux maux et aux afflictions de ces églises savoisiennes, il fallait un guide, un médecin qui fût non seulement capable et très prudent, mais encore zélé et compatissant..

  A011001507 

 Afin de commencer [184] à exécuter les ordres qui me sont intimés par sa lettre, je la renseignerai fidèlement, et aussi souvent que faire se pourra, sur tout ce que je jugerai digne d'être porté à sa connaissance et à celle de Sa Sainteté pour le bien spirituel de la Savoie.

  A011001507 

 C'est pourquoi je regrette infiniment de ne posséder aucune des autres conditions qui justifieraient l'opinion avantageuse que vous avez conçue de moi, si ce n'est un ardent désir de servir la sainte Eglise et d'obéir avec une grande promptitude aux commandements de mes supérieurs, surtout à ceux de Votre Seigneurie.

  A011001507 

 Loué soit le Dieu béni qui nous a donné Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime laquelle, dans la lettre qu'elle m'adressa il y a longtemps et que j'ai reçue depuis peu, montra quel est son zèle pour secourir cette province désolée en m'écrivant, et traitant si cordialement avec moi qui, mettant à part ma qualité de prédicateur, suis une personne privée et peu digne de considération.

  A011001508 

 Bon nombre des habitants, plus touchés du fracas des arquebuses que des prédications qui leur étaient faites par ordre de Monseigneur l'Evêque, revinrent à la foi et rentrèrent dans le sein de notre mère la sainte Eglise; mais ensuite ces contrées ayant été infestées par les incursions des Genevois et des Français, le peuple retomba dans son bourbier.

  A011001508 

 Cependant, inspiré par l'occasion et invité par le petit nombre de Catholiques qui se trouvaient là, je commençai à faire plusieurs prédications, non sans quelque espérance de leur voir produire d'heureux fruits; dès lors, soit par moi-même le plus souvent, soit par d'autres prêtres, en partie chanoines et en partie curés de ce diocèse, l'exercice de la prédication s'est continué sans interruption tous les jours de fête, si ce n'est deux fois que nous avons été contraints de l'omettre.

  A011001509 

 Et en outre, il devrait être pourvu dans le même temps aux besoins de quatre ou cinq paroisses qui ont demandé des prêtres pour les [187] desservir.

  A011001509 

 Il faudrait avoir des moyens et des revenus assurés pour nombre de prédicateurs qui pussent répandre la sainte parole dans les diverses parties de cette province hérétique.

  A011001509 

 Il faudrait d'autres revenus destinés aux prêtres qui doivent demeurer dans les paroisses converties pour y administrer les Sacrements; car les prédicateurs ne peuvent se fixer dans un lieu particulier, mais doivent être libres pour se rendre là où les besoins des populations les réclameront.

  A011001509 

 Mais surtout en cette ville de Thonon, qui est le rendez-vous de toute la province, on doit très promptement ériger l'autel, restaurer l'église et se procurer des ornements et des revenus pour y faire l'office convenablement, avec accompagnement d'orgue et choses semblables.

  A011001560 

 Il pourra se faire qu'on en soit empêché par les Chevaliers de Saint-Lazare qui détiennent les revenus ecclésiastiques de ce pays, revenus nécessaires pour la réparation des églises et pour l'entretien des curés et des prédicateurs.

  A011001560 

 Je crois voir en cela une douce invitation de la [191] souveraine Providence pour engager ce peuple à rentrer dans le giron de la sainte Eglise, et pour déterminer ceux qui en ont le pouvoir à leur procurer les secours nécessaires.

  A011001584 

 Ce demain, ce sempiternel demain auquel est toujours remise l'arrivée du prince me cause depuis longtemps une vive douleur; car ce retard renvoie aussi au lendemain ce qui devrait être fait aujourd'hui: l'achèvement de nos affaires religieuses..

  A011001600 

 Essendo venuto qui appresso Monsignor R mo Vescovo per il sinodo et altri negotii, ho ricevuto tre delle [195] lettere che piacque a V. S. Ill ma scrivermi, due alli 8 di Aprile di medesima sostanza, et una al terzo, delle quali la ringratio con ogni humiltà, et della memoria che hebbe di me nel bisogno ch' io havevo della licenza de' libri prohibiti, la quale io son aspettando ogn' hora, et ancora di quella dispenza nel matrimonio contratto fra parenti, non potendo però mandare a V. S. Ill ma i nomi, cognomi, patria et dioccesi, come mi commandò, per non haver ancora risposta del loro curato che sta un pezzo lontano.

  A011001620 

 Je ne puis néanmoins indiquer à Votre Seigneurie Illustrissime, ainsi qu'elle me l'a ordonné, les noms, prénoms, patrie et diocèse des intéressés, faute d'avoir reçu la réponse de leur curé qui demeure assez loin..

  A011001621 

 J'espère vous annoncer bientôt des nouvelles qui seront pour Votre Seigneurie Illustrissime le sujet d'une joie parfaite, si on nous procure le moyen d'envoyer un nombre convenable de [196] prédicateurs en cette province.

  A011001621 

 Quant aux fruits de salut qui se produisent et se multiplient de plus en plus dans le Chablais, je ne puis vous donner des renseignements détaillés, ni vous envoyer la liste des convertis, car je l'ai laissée à Thonon.

  A011001622 

 Et pour ce qui est des bénéfices, je ne crois pas expédient de les rendre à ceux qui précédemment en avaient été pourvus, même par Sa Sainteté, à moins qu'ils ne mettent à leur place d'autres prêtres capables.

  A011001637 

 Et le secours que les ames qui sont en Purgatoire reçoyvent, n'est autre qu'une recompense de la communion de l'Eglise en laquelle les personnes chrestiennes meurent, communion par laquelle elles ont merité d'estr' aydëes par nos prieres.

  A011001637 

 Je vous envoye le commentaire de saint Hierosme tout au long, duquel ont estés tirees les paroles qui [198] vous faysoyent difficulté.

  A011001638 

 Que si l'occasion se praesentoit, je voudrois bien sçavoir s'il leur sera point demeuré de scrupule, car il est mal aysé a personnes qui ne sçavent pas poiser la fermeté de la vraÿe Eglise de demordre ainsi tout a coup.

  A011001652 

 Peccator enim vivens potest melior esse justo mortuo si voluerit in ejus transire virtutes; vel certe, eo qui se [200] in malitia, potentia, procacitate jactabat et mortuus fuerit, melior potest quis pauper esse et vilissimus.

  A011001653 

 Aliter referebat mihi Hebræus versiculum istum in quo dicitur: Melior est enim canis vivens super leonem mortuum, ita apud suos exponi: utiliorem esse quemvis indoctum, et eum qui adhuc vivat et doceat præceptore perfecto qui jam mortuus est.

  A011001663 

 Speravo ch'egli havrebbe dato conto al Serenissimo Prencipe di quel poco che sin adesso habbiam potuto fare qui in questo paese, et di quanto è necessario per veder fra pochi mesi questa benedetta opra compita et perfetta.

  A011001664 

 Nò posso più io solo restare qui per esser favola delli nemici, i quali vedendo non si dar altr' ordine, sprezzano tanto più il mio ministerio, del quale nientedimeno io ad ogni modo devo esser zeloso..

  A011001677 

 C'est ce qui me fait toujours plus désirer d'aller moi-même à Turin afin d'obtenir une déclaration du bon plaisir de Son Altesse sur cette affaire si importante..

  A011001677 

 J'espérais qu'il aurait rendu compte au Sérénissime Prince du peu qu'il nous a été possible de faire jusqu'ici dans ce pays, et de ce qui est nécessaire pour voir en peu de mois cette bénite œuvre achevée et affermie.

  A011001678 

 J'ai le cœur brisé de me voir hors d'état de satisfaire des paroisses entières qui désirent être rassasiées de la sainte doctrine catholique, faute d'avoir les moyens de leur envoyer à cet effet un nombre suffisant de prédicateurs et de pasteurs.

  A011001678 

 Je ne puis plus rester seul ici pour devenir la fable de nos ennemis, qui, voyant qu'on ne donne plus aucun ordre, méprisent mon ministère, dont cependant je dois être jaloux de toute manière..

  A011001680 

 Ils sont en cela favorables aux hérétiques, qui calomnient toutes les conversions opérées de notre temps afin d'empêcher l'effet que produit ordinairement l'exemple des plus notables sur les consciences du peuple.

  A011001680 

 Mais pour ceci et beaucoup d'autres choses qui regardent le service de Dieu et de la sainte Eglise, j'espère que bientôt Votre Seigneurie me donnera audience selon cette bienveillance avec laquelle elle daigne m'inviter en son palais, afin que je puisse [204] m'honorer non seulement d'être, comme je le suis, votre très humble et tout dévoué, mais encore votre serviteur familier.

  A011001712 

 Et en cela, il n'y a de toute façon aucun péril à courir, si ce n'est celui d'abandonner l'entreprise et de fuir de Bethléem, au cas où ces négociations de paix aboutiraient à une guerre; ce qui traverserait [les intérêts de la religion] non seulement en Chablais, mais dans plusieurs autres lieux de ce diocèse.

  A011001712 

 Qui sait si Dieu ne veut pas que la paix spirituelle soit la préparation et le fondement de la temporelle?.

  A011001725 

 At ne propterea crede, quæso, nihil me dedisse cogitationum qui meæ menti unus perpetuo obversaris; sed tot undique sum obrutus negotiis, et dico candide, ut Necii nunquam mihi firmus fuerim.

  A011001740 

 Je commençais à espérer un succès favorable, mais j'entends je ne sais quelles annonces de guerre qui ébranlent mes espérances.

  A011001752 

 Je vous escris avec cest'asseurance que le peu de loysir et de commodité que j'ay ne vous empechera pas de croire a bon escient que vous n'aves point de parent qui soit plus vostre affectionné que je suis..

  A011001754 

 J'ay voulu vous saluer par ce mot de mauvays ancre et de mauvays papier, mais avec autant de bonne affection que peut et doit un qui desire de vous estre irrevocablement,.

  A011001770 

 Et bien que la singuliere recommandation en laquelle vous aves la justice soit un'inseparable proprieté de vostre vie et qui [211] vous rend digne de recommandation immortelle, si est ce que pour rendre l'amitié de laquelle vous m'honnores et l'honneur que je vous porte plus recommandable, j'ay deu, ce me semble, vous faire, et vous prie de recevoir, ceste humble recommandation qui part de celuy qui ne pense en rien estre recommandable qu'en l'honneur qu'il a d'estre advoué de vous,.

  A011001801 

 Je supplie donc très humblement Votre Seigneurie de vouloir bien écrire à qui de droit, afin que ces si pauvres petites églises de notre pays ne soient pas privées du secours qui peut leur revenir de ces legs.

  A011001801 

 L'on doit aussi avoir égard à la calamité qui a jusqu'ici fermé les passages d'Italie; ces curés de campagne n'étaient pas obligés à des démarches pour obtenir des passeports de Son Altesse, car ainsi ces legs auraient été consumés en dépenses qu'ils ne sont pas en mesure de faire.

  A011001801 

 Or, il existe à Rome, à ce que l'on dit, un décret d'après lequel les legs pour oeuvres pies qui ne sont pas acquittés dans le cours de l'année, doivent être appliqués à la fabrique de [Saint-Pierre de] Rome.

  A011001816 

 Cæterum viri isti Mezingenses, qui, te præsente, de extremo hæresi remittendo nuntio mecum egerant in ædibus nostris Marclianis, post rectam fidei quam vocant professionem, immunitatem, quam eo nomine a Serenissimo Principe consecuti sunt, ad principalis patrimonii procuratorem, quo eam ratam habeant deferunt.

  A011001822 

 Elle m'a fait d'autant plus de plaisir qu'elle me permet de conjecturer votre arrivée auprès de nous; car, ainsi qu'il advient ordinairement dans les grands désirs, le moindre indice de leur réalisation produit une espérance qui tient de la certitude.

  A011001823 

 Cependant ces hommes de Mésinge qui, dans notre maison forte de Marclaz, me parlaient en votre présence d'abjurer l'hérésie, ont fait ce qu'on appelle la due profession de foi.

  A011001823 

 J'écris à plusieurs personnes pour recommander ces hommes, mais à condition qu'ils remettront immédiatement mes lettres à qui de droit, si vous le jugez utile; sinon, ils les rapporteront... [218].

  A011001833 

 Se Sua Altezza, secondo il suo santo zelo, mandarà qui un senatore ad invitare gl' habitatori di Tonone all' udito della santa parola, sì com' io lasciai in memoria, spero che si farà un gran buon effetto..

  A011001834 

 Molti sonno Catholici da quel tempo in qua che passò qui Sua Altezza; molti sonno relapsi in foro exteriori solamente, per forza et violentia dell'armate nemiche; molti sonno indifferenti, nè sanno quel che si siano, et tutti, come erranti pecorelle, senza pastore.

  A011001836 

 Ho ritrovato ancora altre parrochie et persone qui molto ben disposte alla santa fede, et se si essequiranno le sante intentioni di Sua Altezza con fervore, si farà una grande conversione, massime essendo il trattato di pace in così pie et sante mani.

  A011001838 

 Mando qui alligata la informatione secretta fatta per [222] commissione di V. S. Illma, la quale io supplico di perdonarmi se no sarà così ben acconcia, sì perchè questa è la prima che io feci, sì perchè non ho potuto haver secretano molto a proposito.

  A011001857 

 Cette huile, qui leur paraît peu de chose, suffira pour produire une lumière de saints exercices qui projettera ses rayons jusqu'au milieu des Bernois et des Genevois, pourvu qu'ils nous laissent ce revenu sans contestation..

  A011001875 

 Je ne pense point qu'il y ait aucune rayson qui puisse retarder l'affection sainte de Vostre Altesse en la sollicitation de [ce] grand bien, ni qui la rend'autre qu'aymable et admirable a ses plus endurcis ennemis.

  A011001875 

 Le zele que j'ay au service de Vostre Altesse me faict oser dire qu'il importe, et de beaucoup, que layssant icy la liberté qu'ilz appellent de conscience, selon le traitté de Nyon, elle præfere neanmoins en tout les Catholiques et leur exercice; et que partant elle se layss'entendre a ces gens quilz doivent simplement et seulement user de la permission quilz ont, sans se mesler d'empecher ceux qui, par toute rayson et par l'exemple mesme de leur souverain Prince, taschent d'avancer la foy catholique.

  A011001876 

 M. de Lambert veut user de liberalité a l'endroit d'un ministre qui se convertit et qui par sa sollicitation en tirera beaucoup avant quil se descouvre; je crois que Vostre Altesse l'aura agreable et luy commandera quil en face encores davantage.

  A011001892 

 Ma questo sarà poi un niente quando V. S. Ill ma ci aiutarà dei suoi soliti favori, et sollecitarà che quanto prima si metta qui [228] un honorato et convenevole essercitio catholico; chè tuttavia ne vedo maggior numero disporsi alla santa fede, se bene alquanti ci fanno delle borrasche colla lingua et le maledicentie et simili arti diaboliche..

  A011001939 

 Monsieur de Lambert ayant receu advis que Vostre Altesse avoit agreable qu'il eust secouru le ministre qui se veut catholizer n'a pas osé tirer consequence de la pour la continuation de ce bienfaict, qui me faict supplier Vostre Altesse de la luy declairer.

  A011001954 

 Già che il signor cavaglier Bergera se ne ritorna, così non ho bisogno di dargli (sic) avviso particolar di quello che si è stabilito qui, per ordine delle Sig rie V. Ill me, ad [232] honor d'Iddio et propagatione della santa fede catholica.

  A011001955 

 Et questo saria che, vedendo in effetto la sperata pace, le Sig rie V. Ill me si contentassero di lasciare assolutamente tutte le cure et dependenze di esse che esse tengono qui; et così, giungendo quelle con altre che da particolari sonno processe, si potrà far un servitio, in questo balliagio, tanto chiaro che se ne vederà la luce d'ogni intorno..

  A011001966 

 Puisque M. le chevalier Bergera s'en retourne, je n'ai pas besoin de vous renseigner sur ce qui a été établi ici, par ordre de Vos Seigneuries Illustrissimes, à l'honneur de Dieu et pour la propagation [232] de la sainte foi catholique.

  A011001967 

 Cet expédient consiste en ce que, étant donné le traité de paix désiré, Vos Seigneuries voulussent bien céder absolument toutes les cures dont elles jouissent en ce pays avec leurs dépendances; en y ajoutant celles qui sont provenues des particuliers, on pourrait faire en ce bailliage un service religieux si éclatant que la lumière s'en répandrait de tous côtés..

  A011001967 

 Il m'a [233] donc semblé devoir proposer une fois pour toutes à Vos Seigneuries Illustrissimes un expédient qui nous mettrait à l'abri du besoin dans l'accomplissement de cette œuvre, et préviendrait l'importunité que leur occasionneraient les demandes de secours que nous serions obligés de faire de temps en temps.

  A011001967 

 Néanmoins, puisque je me vois destiné à être le fourrier et le procureur d'un grand nombre de prédicateurs et d'autres honorables ecclésiastiques qui viendront ici combattre les combats du Seigneur des armées, je ne saurai manquer de me rendre peut-être importun à Sa Sainteté, à Leurs Altesses et à Vos Seigneuries pour leur demander de nous alléger les dépenses qui croîtront de jour en jour, selon le nombre des ouvriers nécessaires au progrès de cette œuvre.

  A011001979 

 Ad ogni modo, sia che se faccia, sia che non se faccia questa conferenza, supplico V. S. Ill ma che con l'authorità [236] sua habbiamo qui in Chiablais per questo anno detto P. Cherubino et il P. Spirito, dello stesso Ordine, et altri quanto più si potrà, sì di quell' Ordine come della Compagnia di Gesù, acciò che uniti quelli con altri secolari che verranno, possiamo far un vivo assalto all'heresia in questi paesini, chè pian piano se ne sentirà l'odor in tutta la vicinanza, sì de'Bernesi come de'Genevrini.

  A011001992 

 A la vérité, lesdites lettres me parvinrent le jour même où j'expédiai les miennes; mais j'attendais mon retour ici pour y répondre, et à mon retour j'attendis de jour en jour la mise à exécution de l'ordre donné pour les six curés, ce qui n'a pas encore été fait jusqu'à présent: telle est la raison pour laquelle j'ai tant tardé à vous écrire.

  A011001992 

 Il me semble [235] qu'il n'était nullement besoin d'user à mon égard du commandement in virtute sanctæ obedientiæ pour m'obliger à vous donner plus souvent des nouvelles de nos affaires, puisque votre simple volonté me presse assez fortement pour me faire accomplir les plus grandes choses qui soient en mon pouvoir..

  A011001992 

 S'il y a en ce délai quelque péché de ceux qui constituent un cas réservé, j'implore en toute humilité mon pardon.

  A011001993 

 Il nous faudrait encore d'autres missionnaires en aussi grand nombre que possible, soit de l'Ordre des Capucins, soit de la Compagnie de Jésus, afin qu'unis aux prêtres séculiers qui viendront, nous puissions livrer un vigoureux assaut à l'hérésie en ces petits pays; ainsi, peu à peu, l'odeur s'en répandra dans tout le voisinage, tant à Berne qu'à Genève.

  A011001994 

 Il a encore voulu que j'en écrivisse à Son Altesse et au Conseil des Chevaliers, ce que j'ai fait pour ne pas négliger de mon côté le peu qui est en mon pouvoir.

  A011001994 

 Il m'a pressé de vous communiquer cette proposition, ce que je fais très volontiers, la jugeant juste et très utile à cette entreprise; car il ne faut pas que nous ayons à devenir courtisans et pensionnaires des Chevaliers, ce qui, s'il m'est permis de le dire, serait inconvenant et préjudiciable au fruit qu'on peut espérer.

  A011001994 

 Il voulait aussi m'engager à écrire à Sa Sainteté; mais quant à cela je ne me sens pas le courage de faire voler directement mes lettres si haut, d'autant plus que Votre Seigneurie peut et veut tout ce qui est nécessaire à cet égard.

  A011001994 

 Toutefois, ce bienfait et tous les autres qui nous sont venus de Son Altesse, je reconnais les devoir à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime....

  A011002003 

 Ma quanto alla prima, nella quale V. S. Ill ma mi comandava di ritornar qui in Tonone, non ho da farglie altra risposta colla carta, poi che già l'ho fatta alla sua intentione col l'effetto..

  A011002005 

 Et sia laudato Iddio æterno della patientia et zelo che ha dato a V. S. Ill ma per far infine spontar questa benedetta impresa con questo principio, del qual, per dar distinto raguaglio a V. S. Ill ma, dirò che ciè un pezzo che il signor cavaglier Bergera è giunto qui con quel ordine che mi scrisse V. S. Ill ma; et essendo allhora in Annessi per certo negotio, ritornai quanto prima per non esser cagione della retardatione di così importante servitio, quantumque io fossi certo che questo cavaglier saria qui un pezzo, per haver a riscuotere da sette millia ducati per la sua Religione, che è una summa laquale no si fa così presto fra questi travagli di guerra.

  A011002007 

 Egli m'è necessario di star qui la Quaresima, nò posso io molto trascorrere adesso, poichè egli m'è necessario horamai, per mancamento d'altri, di attender alle confessioni per Pasqua..

  A011002007 

 Ho buona provisione de sacerdoti, quali di subito si sbrigheranno per venire qui alla patientia et mortificatione, et usarò ogni diligentia acciò siano ricchi di buona vita et almanco commodi di lettere.

  A011002021 

 Cependant j'étais sûr que le séjour de ce chevalier serait de longue durée, car il avait à percevoir pour son Ordre sept mille ducats, somme qui ne peut se toucher si vite parmi ces troubles de guerre.

  A011002021 

 Je vois les grands embarras que Votre Seigneurie Illustrissime aura eus pour obtenir la provision en faveur des six curés, et je ne puis que m'étonner du peu de zèle de ceux qui font des difficultés en [240] un pareil sujet.

  A011002022 

 Mais, comme Votre Seigneurie me l'écrit, le même Dieu qui, avec le temps, fait sortir de très grands arbres des petites semences, donnera aussi, moyennant le temps et votre travail, un accroissement convenable à ce faible commencement..

  A011002023 

 J'ai un bon nombre de prêtres qui se dégageront bientôt pour venir s'exercer ici à la patience et à la mortification; je mettrai tous mes soins afin qu'ils soient riches de bonne vie et du moins, bien pourvus de savoir.

  A011002024 

 Afin d'aider à nous pourvoir de ce qui est encore requis, soit à Thonon soit dans les autres paroisses, il a bien voulu affecter à cette dépense le montant [243] des six pensions à partir du 15 janvier jusqu'au 1 er mars, époque à laquelle on a commencé le paiement.

  A011002024 

 J'en ai parlé au chevalier Bergera; mais n'étant pas chargé de nous délivrer de l'argent à cet effet, il s'est borné à dépenser huit ou dix ducatons pour l'église de Thonon où tout était sens dessus dessous, sans autre ameublement qu'un simple autel de bois, mal fait, qui a été construit pour Noël.

  A011002025 

 A la vérité, je ne puis comprendre comment ces clercs armés prétendent [244] qu'un curé confidentiaire puisse être capable de compter parmi les six, qui doivent avoir des mœurs un peu plus réglées que n'en ont il'ordinaire les confidentiaires..

  A011002025 

 Par un billet de M. de Ruifia, les Chevaliers témoignent désirer que plusieurs curés qui prêtent leur nom à des laïques, possesseurs actuels de certaines cures en ces bailliages, remettent ces cures, s'ils ne sont pas aptes à les desservir, à l'Ordre qui est propriétaire, par concession de Sa Sainteté, des bénéfices des bailliages; et, s'ils ont les qualités requises, qu'ils soient compris au nombre des six curés pensionnés.

  A011002027 

 Je vois de plus la peine que Son Altesse a éprouvée en apprenant l'opposition apportée par ces gens de Thonon à l'érection de l'autel; j'en ai reçu une lettre qui m'a bien consolé.

  A011002038 

 Nè questo è mancamento de detto cavaglier, qual è buon et di buona intentione; [247] ma è mancamento di quelli che hanno tolto in affitto li beni de quella Religione, alli quali haveva datto ordine di pagare, et essi van differendo di giorno in altro quanto possono: et per questo non posso chiamare i sacerdoti et curati, non havendo danari da dargli per principiar le loro residentie qui in questo balliagio.

  A011002038 

 Sì che io non ho speranza di veder grand' effetto de queste pensioni avanti Quaresima passata, si perchè io non ho ancora denari, sì perchè no potremmo cavare horamai li sacerdoti che devono venire dalle chiese dove sonno, per le confessioni et altre necessità; et io no posso accompagnarli et collocarli, restando ancora qui impedito per l'istessa ragione..

  A011002039 

 Oltre le sei pensioni assegnate dalla Religione di San Lazaro, ne haveremo doppo Pasqua una settima dalli Religiosi di Henai, di Lione, i quali havendo qui un buon priorato, mi han promesso di darne una tale quale io addimandarò, senza regolarsi alle pensioni cavaleresche.

  A011002040 

 Ma hebbi gran difficoltà a ritrovarmi per tempo alla prædica di Thonone, che era discosto di Cervens de cinque or sei millia; sì che, stando qui, è quasi impossibile di trascorrere in più luoghi.

  A011002040 

 Qui verrà, per quanto mi ha promesso, il dottor Rogetto, il qual son certo che V. S. Ill ma haverà veduto, per esser stato deputato per il viaggio di Piemonte; et essendo egli buono et prattico predicatore, potrà supplire in duoi luoghi.

  A011002053 

 Je supplie très humblement votre bonté de croire plutôt toute autre chose d'un serviteur qui vous a tant d'obligations et qui vous est si attaché, et d'être persuadé que c'est l'occasion et non la volonté qui m'a manqué.

  A011002055 

 Ce n'est pas la faute dudit chevalier, qui est bon et bien intentionné, mais celle des gens.

  A011002056 

 qui ont affermé les biens de la Religion [247] et auxquels déjà il avait ordonné de payer; néanmoins ils diffèrent tant qu'ils peuvent d'un jour à l'autre.

  A011002057 

 Outre les six pensions assignées par l'Ordre de Saint-Lazare, nous en aurons après Pâques une septième des Religieux d'Ainay, de Lyon, qui, ayant ici un bon prieuré, m'ont promis d'en donner une telle que je la demanderai, sans se régler sur les pensions des Chevaliers.

  A011002058 

 C'est le docteur Roget qui viendra ici, selon la promesse qu'il m'en a faite, lequel doit vous être certainement connu, puisqu'il a été député pour le voyage de Piémont; étant bon et très expérimenté prédicateur, il pourra desservir deux paroisses.

  A011002058 

 Et ayant averti le peuple que je souhaitais prêcher, j'eus une nombreuse et bienveillante assistance qui, au sortir du sermon, me témoigna un ardent désir de ce pain des enfants.

  A011002058 

 Mais j'eus grand'peine à me rendre à temps pour le sermon de Thonon, qui est à cinq ou six milles de Cervens, de sorte que, étant fixé ici, il m'est presque impossible d'évangéliser plusieurs localités.

  A011002058 

 Votre Seigneurie Illustrissime voit donc la cause pour laquelle les affaires de la religion ne se font pas avec l'ardeur désirable: c'est l'avarice de ceux qui détiennent les biens ecclésiastiques et le mauvais usage qu'ils en font..

  A011002061 

 N'ayant présente à l'esprit aucune autre particularité qui vaille la peine d'être signalée, je prie Notre-Seigneur vous donner tout vrai contentement, et je serai toujours,.

  A011002072 

 Dernierement, quand j'eu (sic) cest honneur de bayser les mains a Vostre Altesse, je luy repræsentay six ou sept pauvres gens, vieux et impuyssans a gaigner leur vie, qui ont vescu icy avec une admirable constance en la loi catholique.

  A011002072 

 Et parce que leur pauvreté pourroit estre secourue avec une petite piece des graines de [251] Ripaille et Filly qui sont destinees aux aumosnes, je suppliay tres humblement Vostre Altesse, a leur nom, de leur en assigner quelque portion; et selon la pieté dont Dieu l'a enrichie elle le trouva raysonnable.

  A011002072 

 Maintenant je sçai que ces aumosnes se reduysent aux Alinges pour la munition de la garnison; mays je ne laisseray pas pour cela d'oser supplier Vostre Altesse quil luy plais'ordonner que, d'une si grande quantité, quattre ou cinq muys en soyent appliqués a ces pauvres gens vieux et a un autre qui, estant encores de bon aage, ne laisse pas d'estre pauvre et, moyennant cest'aumosne, pourra servir au clocher pour les Catholiques..

  A011002073 

 Il y a aussy certains petitz vilages qui estoyent anciennement de la parroisse d'Alinges, et personne ne leur contredisoit d'en estre encores maintenant; mays par ce que Vostre Altesse, selon son saint zele, a gratiffié la parroisse d'Alinges d'un'immunité de toutes charges pour quattre ans a venir, en contemplation de [252] leur retour a l'Eglise, on a opposé a ces petitz vilages que du tems de l'occupation des Bernois on leur commanda d'aller ailleurs a la præche.

  A011002105 

 Je crois que tous ceux à qui j'ai confié des lettres pour être présentées à Votre Seigneurie Illustrissime rivalisent entre eux pour me faire paraître très négligent, puisque, d'après ce qu'on me dit, M. le chevalier Bergera n'est pas encore parti de Chambéry, et on laisse assez de temps à ce gentilhomme qui devait se mettre en route la semaine dernière, pour me permettre d'ajouter ceci à mes lettres précédentes..

  A011002106 

 J'ai placé à Cervens un bon prêtre qui, au commencement de ces guerres, avait [254] déjà été nommé pour desservir cette paroisse si les choses réussissaient et il était connu d'une grande partie des habitants.

  A011002121 

 Supplico humilissimamente V. S. Ill ma per amor di Dio si degni perdonarme se così spesso non haverà ricevute lettere da me, perchè la poca commodità che havemo qui, et massime io, di inviare le lettere in Chamberi, overo in Aousta, ne è stata la causa principale.

  A011002122 

 Se vorranno i Cavaglieri lasciar le cure et beneficii curati, purchè li particolari che ne hanno qui facciano il medesimo et se ne faccia un grosso per esser diviso in parti eguali, da Tonone in poi dove deve esser un essercitio più decente, crederei che questo saria un buon ordine.

  A011002124 

 Et io saria volentieri andato sin ad Annessi per esser un poco consolato con Monsignor R mo et quelli Padri benedetti, poichè io son qui solo come leproso fuori dell'armata; ma un poco de ressentimento di febre che io hebbi questi giorni passati, le confessioni alle quali per forza bisogna che io attenda et le altre necessità di qua mi tengono alligato qui sin alla Pasqua.

  A011002139 

 Je crois que tous ceux à qui je confie mes lettres pour être présentées à Votre Seigneurie Illustrissime s'efforcent à l'envi de me faire paraître très négligent; car, il y a trois jours, l'un d'entre eux m'en renvoya une qu'il avait depuis quelque temps pour la porter en Piémont, assurant qu'il ne pouvait [256] passer outre, et, d'après ce qui m'a été dit, le chevalier Bergera, qui en a une autre, était encore naguère à Chambéry.

  A011002140 

 Mais parce que je ne sais qui voudrait fournir les revenus nécessaires à tant de personnes, j'ai toujours été d'avis qu'environ dix-huit curés suffiraient.

  A011002140 

 Pour dire ce que je crois, les paroisses étant très étendues, ils doivent avoir une pension convenable, suffisant à leur entretien [257] et à celui d'un vicaire qui les seconde, en sorte qu'ils puissent remplir leur ministère avec bienséance, et qu'ils n'aient pas à exiger des aumônes pour les confessions, sépultures, Messes et autres choses; car si cela est peut-être licite, toutefois il n'est en aucune manière expédient.

  A011002140 

 Si les Chevaliers consentaient à céder les cures et les bénéfices-cures, et si les particuliers qui en détiennent ici faisaient de même, on pourrait les réunir en un lot qu'on diviserait en parties égales entre les paroisses rurales; car à Thonon l'exercice du culte demande plus de solennité.

  A011002141 

 Quant aux considérations faites à Rome au sujet de la conférence, elles sont vraiment très sages; j'ai écrit de très amples mémoires sur ce qu'il m'en semble, et je les ai envoyés à M. Louis de Sales, chanoine de Genève, homme expérimenté, zélé, éloquent dans la prédication, très prudent pour ce qui regarde le service de Dieu et [258] qui connaît mes pensées aussi bien que moi-même.

  A011002142 

 Cette province est tellement malade que le moindre accident qui surviendrait empêcherait un grand succès..

  A011002142 

 Je dirai ingénuement mon avis: Sa Sainteté ne pourrait faire mieux que de laisser toute autorité et liberté d'action en cette affaire et en d'autres semblables à Votre Seigneurie et à M gr notre Evêque, puisque [259] cette guerre doit se diriger par l'œil et non par l'oreille; car bien souvent les occasions se présentent et passent sans retour pour ceux qui ne savent pas les saisir.

  A011002143 

 J'y ai laissé un bon prêtre, qui déjà au commencement de ces guerres avait été désigné pour être curé de cette paroisse si les affaires réussissaient; il était déjà connu d'un grand nombre d'habitants.

  A011002144 

 Quant aux Pères Jésuites, je voudrais le P.Jean Saunier, un des premiers qu'ils aient envoyés ici, et un autre qui a prêché ce Carême à Rumilly, mais dont je ne me rappelle pas le nom.

  A011002145 

 Je dis en vérité que cent écus par tête sont nécessaires, parce qu'il faudra à chacun un compagnon, et [261] à ceux qui ne sont pas Capucins il faut encore un cheval pour aller d'un lieu à un autre; mais les cures fourniront à cette dépense, pourvu qu'elles nous soient cédées, jusqu'à l'établissement des curés.

  A011002155 

 Je suppliay nagueres Vostre Altesse par une lettre qu'il luy pleust accorder une portion de cinq ou six muys de froment des aumosnes de Ripaille et de Filly pour le soulagement de sept ou huit vieux bons Catholiques, pauvres et indigens, et pour un qui servist a Thonon au clocher pour les Catholiques.

  A011002155 

 Plaise donq lautrefois a Vostre Altesse de faire ceste aumosne a ces pauvres gens, puisque c'est d'un bien qui est desja destiné aux pauvres..

  A011002156 

 Je supplie encor Vostre Altesse pour certains petitz vilages qui estoyent anciennement de la parroisse des Alinges et en furent distraitz sous les Bernois, lesquelz desirent estre reunis a leur ancienne eglise et y faire l'exercice catholique; a quoy personne ne contrediroit, si ce n'estoit que Vostre Altesse a, par sa liberalité, exempté la parroisse des Alinges des charges et subsides, a quoy ilz auroyent part par consequent.

  A011002156 

 Plaise donq a Vostre Altesse estendre plustost sa liberalité sur ces petitz vilages, qu'accourcir la premiere parroisse qui s'est faitte catholique par deça..

  A011002157 

 Le ministre qui se veut catholiser et s'y dispose de plus en plus fut secouru de quelque peu de bled par monsieur de Lambert, et Vostre Altesse declaira l'avoir aggreable; mais monsieur de Lambert n'a pas osé en tirer consequence qu'il failloit continuer, qui me faict encor supplier Vostre Altesse de le luy faire entendre..

  A011002191 

 J'ai reçu hier votre lettre du 4 avril, et j'ai vu dans la copie de celle du Cardinal Aldobrandino qui s'y trouvait jointe combien [264] Sa Sainteté a pour agréable d'être tenue au courant de nos affaires.

  A011002192 

 Jamais non plus je ne cesserai de presser, voire même de crier afin d'obtenir par les entrailles de Jésus-Christ, que l'on prenne des mesures pour la réforme ou le changement des Religieux des abbayes d'Aulps, d'Abondance, et d'autres encore qui sont en cette province des séminaires de scandales..

  A011002193 

 M. de Blonay, porteur de cette lettre, est un gentilhomme de grand mérite, qui peut nous rendre bien des services.

  A011002208 

 Cum anno præterito de Bezæ, primarii inter Calvinianos hæretici, ad Ecclesiam Catholicam reditu ac conversione, tum Pater Spiritus Balmensis, ex Ordine Cappuccinorum concionator, tum ego ipse quoque, non [268] levibus multorum permoti sermonibus, bene sperare cœpissemus, ne in re tam optata aut industria nostra aut adminicula cætera desiderarentur, ita inter nos convenit, uti nimirum ille quidem, qui ad Capitulum, quod vocant, generale sui Ordinis, Romæ indictum, properabat, de re tota cum Beatitudinis Vestras clementia coram dissereret, peteretque ne redeunti hæresiarchæ (si videlicet rumorem sequatur eventus) Apostolica desit providentia.

  A011002210 

 Verum, quando per tantam benignitatem licet, committendum non existimo quin dicam passim finitimos undequaque Genevensium populos, hactenus hæreticos, ballivagiorum ut loquuntur de Gex et Gaillard, restitutionem fidei reique Catholicæ infimis postulare precibus, quo deinceps Catholice vivere queant; atque plurimorum [270] inter eos quotidianam audivi quærimoniam quod Catholici cum sint, ritu tamen Catholico vivere Reipublicæ Genevensis tirannide prohibeantur, cum alioquin ea Respublica non suo, sed Francorum Regis Christianissimi nomine in ejusmodi populos violentum illud exerceat imperium; neque probabile sit ejus tyrannidis qua Catholicorum conscientiæ opprimantur conscium esse Regem, qui nuperrime tanta contentione Catholicam communionem expetivit.

  A011002229 

 J'ai dû mettre Votre Béatitude au courant de toute cette affaire, car je ne voudrais pas passer pour négligent ou peu attentif à exécuter les ordres qui m'ont été transmis, soit par les Lettres Apostoliques de Votre Clémence, soit par la bouche du P. Esprit..

  A011002230 

 Et puisque votre bonté si grande m'y autorise, je ne veux pas manquer l'occasion de vous dire que les populations hérétiques jusqu'ici, qui de tous côtés environnent Genève, celles des pays qu'on nomme bailliages de Gex et de Gaillard, demandent avec les plus humbles prières, le rétablissement de la foi et du culte catholiques afin de pouvoir vivre en catholiques.

  A011002230 

 Si j'ai osé présenter à Votre Béatitude ce trop long exposé, [271] c'est que je n'ignore pas quel zèle Sa Clémence apporte à restaurer la discipline chrétienne, et que, dans les conditions de cette vie mortelle, on ne peut apprendre ce qui se passe au loin que par ceux qui sont présents..

  A011002246 

 Cum anno præterito de Theodori Bezæ, primarii inter Calvinianos hæretici, ad Ecclesiam Catholicam reditu et conversione, tum Pater Spiritus Balmensis, ex Ordine Cappuccinorum, insignis et probitate et doctrina concionator, tum etiam ego ipse, multorum non levibus permoti sermonibus, bene sperare cœpissemus, ne in re tam desideranda aut industria nostra aut adminicula cœtera desiderarentur, ita inter nos conventum fuit, uti scilicet ille quidem, qui per ea tempora ad Capitulum, quod vocant, generale sui Ordinis, Romæ indictum, properabat, de re tota coram Beatitudine Tua dissereret, peteretque ne (si rumorem sequatur eventus) redeunti hæresiarchæ Apostolica providentia desit.

  A011002249 

 Verum, quando per Beatitudinis Tuæ clementiam licet, committendum non duxi quin eam certiorem faciam, undequaque passim finitimos Genevensium populos, hactenus in hæresim abductos, ditionum Gexensis et Galliardensis, ritusque et rei Catholicæ restitutionem demississime postulare, quo deinceps Catholicam vitam agere queant; atque quotidianam plurimorum inter eos audiri querimoniam, qui, Cattolici cum sint, Genevensis Reipublicæ tyrannide prohibeantur ritu Catholico vivere: cum alioquin Genevenses, non suo sed Christianissimi Francorum Regis nomine, in ejusmodi populos imperium ac vim exerceant; neque probabile sit ejus tyrannidis qua conscientiæ Catholicorum opprimantur conscium esse Regem, qui tanta contentione Catholicam communionem nuper obtinuit.

  A011002286 

 Ce que je regrette incroyablement, c'est que cette affaire ait été divulguée à grand bruit par notre cour, qui est si discrète qu'elle suffirait à révéler les mystérieux secrets de l'Apocalypse; et nous avons à traiter avec des animaux auxquels le moindre bruit est suspect..

  A011002286 

 Nous étant retrouvés ensemble ces jours passés, le P. Chérubin, le P. Esprit et moi, et conférant des incidents particuliers qui sont arrivés dans les localités où nous avons prêché le Carême, nous avons jugé que la conférence pour laquelle on attend l'autorisation de Rome sera, moyennant la grâce de Dieu, une chose très fructueuse.

  A011002289 

 Quant à notre Chablais, je suis un peu arrêté jusqu'à la conclusion de la trêve, qui, me dit-on, se négocie maintenant.

  A011002304 

 Ceux de Bernex, qui sont une liëue pres de Geneve, au balliage de Ternier, m'ont addressé une requeste pour avoir l'exercice catholique, comme si j'avois ou le moyen ou l'authorité de ce faire.

  A011002304 

 Maintenant, Monseigneur, le voyla contraint d'abbandonner pour n'avoir dequoy vivre; et neanmoins la cure, qui est en commande a messieurs de Saint Lazare, est de fort bon revenu.

  A011002304 

 On avoit establi un curé a Saint [279] Jullin pres Geneve, qui jusques a praesent a fort bien fait son devoir, selon le tesmoignage de plusieurs gens de bien; le peuple tout autour en estoit fort consolé.

  A011002306 

 Ce sera un'aumosne des plus fleuries qui puissent partir de la main de Vostre Altesse.

  A011002306 

 Je ne lairray pas encores de remettr'en memoyre a Vostre Altesse la pauvreté du ministre qui se recatholise, duquel je luy ay ja si souvent escrit, qui ne peut estre secouru d'ailleurs, et celle de ces set ou huict personnes catholiques qui sont en extreme disette, pour lesquelz aussy j'ay ci devant supplié a Vostre Altesse, affin que quattr'ou cinq muis des aumosnes de Ripaille et Filly leur soyent appliqués en pension leur vie durant, qui ne peut plus guere durer puysque ce sont presque tout gens vieux; et ces aumosnes ne touchent en aucune façon la Religion de Saint Lazare.

  A011002326 

 Il buon, dotto P. Fra Spirito, Cappucino, essendo venuto qui queste feste di Pentecoste et predicato qui nella terra et nella parrochia des Alinges, si è sentito molto consolato di questo nuovo popolo, et il popolo incredibilmente delle sue fruttuose prediche.

  A011002326 

 Io fra tanto son andato a visitar la nuova parrochia di Cervens dove ancora ho havuto consolatione; et tuttavia si vederà maggior frutto quando questi ed altri predicatori veneranno qui et si fermeranno alquanto, il che adesso detto Padre non ha potuto far, chiamato dal Padre Provinciale.

  A011002328 

 Per conto mio son restato consolatissimo di veder qui questo buon P. Spirito, il qual potrà testificar delle cose comme stanno..

  A011002329 

 Il [288] signor Rogetio venera qui fra pochi giorni, comme V. S. Ill ma glie commandò, et già saria venuto se non fossero certi negotii del clero che lo trattengono.

  A011002348 

 Cette cure appartient à l'Ordre de Saint-Lazare qui donnait une certaine pension au curé; maintenant on vient de la lui ôter, d'où résulte ce scandale qui ne pourrait être plus grand.

  A011002348 

 De Saint-Julien, qui n'est guère plus éloigné de Genève, me sont arrivées des lettres du juge-mage de Gex et autres en faveur du curé dudit lieu.

  A011002349 

 J'ai donc recours à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime, lui envoyant à cet effet la requête des gens de Bernex et celle du curé de Saint-Julien qui, une fois déjà présentée à Son Altesse, est demeurée sans réponse sur son principal objet.

  A011002349 

 Je vous prie instamment de ne pas les égarer, afin que je puisse m'en servir contre ceux qui trouveraient mauvais que je m'entremette en tant de choses.

  A011002352 

 Chose étrange, mais non point miraculeuse, car elle est ordinaire: ces misérables enfants de ténèbres sont plus avisés et prudents dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière! Pour mon compte, j'ai été très consolé de voir ici ce bon P. Esprit qui pourra certifier de l'état des choses..

  A011002353 

 Cette semaine je placerai un curé dans la paroisse de Brens: c'est la quatrième de ce bailliage qui sera pourvue.

  A011002353 

 M. Roget viendra [288] dans quelques jours, comme Votre Seigneurie Illustrissime le lui a commandé; il serait déjà venu sans certaines affaires du clergé qui le retiennent encore.

  A011002372 

 Monsignor Reverendissimo chiamò subito il P. Provinciale de'Cappucini, quale era qui, acciò scrivesse al P. Cherubino, che era in Mommelliano, per farlo venire qui acciò dia assoluta risposta a quelli di Geneva, la quale sin adesso non si è potuta dare, et si pigli quanto prima, di banda et d'altra, qualche risoluta conclusione.

  A011002375 

 Desiderarci bene preghar humilissimamente V. S. Ill ma che col beneplacito di Sua Santità mi fosse lecito ritener il canonicato semplice, acciò venendo qui io habbia luogo nel cuoro (sic) nostro, il quale è tanto ben ufficiato che è una delle più grandi consolationi ch'io ne habbia.

  A011002384 

 Doppo questa scritta et non mandata, il P. Spirito mi ha mandata una, quale io [ho] giunta qui, et credo che glie darà aviso delle cose di Tonone..

  A011002397 

 C'est le plus grand service qui soit rendu au Seigneur en toute cette abbaye.

  A011002397 

 J'envoie à Votre Seigneurie Illustrissime une copie du Bref de Sa Sainteté en faveur du feu P. Papard: vous y verrez les motifs pour lesquels le Pape jugea raisonnable que l'Abbé donnât cette prébende, motifs qui actuellement sont plus pressants que jamais.

  A011002398 

 Les Religieuses d'Evian sont non seulement pauvres, mais elles [293] endurent la faim, et je sais que l'Abbé leur fait l'aumône; pour ce qui est de leur donner une prébende, comme il le prétend, je pense qu'il faut distinguer entre prébende et prébende.

  A011002400 

 M gr le Révérendissime manda aussitôt le P. Provincial des Capucins, qui était ici, pour le charger d'écrire au P. Chérubin, actuellement à Montmélian, et lui ordonner de venir rendre une réponse positive à ceux de Genève.

  A011002402 

 Il est bien vrai que la prévôté n'a pas un liard de rente et le canonicat que l'on donne au Prévôt ne rapporte en moyenne que soixante écus par an; j'estimerais donc plus [297] avantageux d'être un curé renté, que d'être un pauvre Prévôt, n'était l'espoir de notre retour à Genève, lequel soutient encore maintenant plusieurs docteurs distingués et nobles qui ont appartenu à notre Eglise.

  A011002402 

 J'ai à la vérité vécu jusqu'à présent, et mieux que je ne le mérite, mais d'une manière précaire; c'est pourquoi, toutes choses bien pesées, je me résous à demander la cure, qui est le plus riche bénéfice de ce diocèse parmi ceux qu'il m'est possible et permis d'espérer..

  A011002402 

 Mais, pour parler clairement, je suis presque contraint de céder cette prévôté à quelqu'un qui puisse résider ici plus assiduement que je ne le fais moi-même pendant que je suis occupé en Chablais, et qui ait en même temps de quoi vivre sans ce revenu.

  A011002403 

 Que votre bonté daigne me pardonner si, au milieu de tant de graves sollicitudes qui l'accablent, je l'entretiens d'une affaire qui m'est personnelle; mais, dans mes doutes, je ne sais où me reposer si ce n'est dans le cœur de Votre Illustrissime et Révérendissime Paternité..

  A011002436 

 Au sujet de ce qui a été promis par les Chevaliers, il est vrai que le chevalier Bergera obligea les fermiers en ma faveur; mais il est vrai aussi que j'ai protesté ne point vouloir plaider avec ces gens, qui sont tous habitants de Thonon; et il ne faut pas que ceux qui tâchent de les convertir aient ces démêlés avec eux, surtout en des temps si calamiteux, et en des pays où tout le monde est pauvre..

  A011002437 

 Pour ce qui est d'augmenter le nombre des curés, je persiste à dire qu'il est très convenable que non seulement les Chevaliers, mais encore tous ceux qui détiennent des bénéfices en Chablais les remettent à M gr le Révérendissime afin qu'il les donne ensuite aux plus capables.

  A011002437 

 Sur les cinq je n'en connais qu'un qui ne soit pas molesté [302] par les Chevaliers mêmes, et celui-ci n'en a pas tiré un seul liard parce qu'il en a été empêché par les Genevois.

  A011002437 

 Toutefois, il me semble que MM. les Chevaliers ne doivent pas, sous de vains prétextes, retarder cette œuvre et dire que presque toutes les cures sont entre les mains des ecclésiastiques; car il n'y a pas cinq prêtres qui jouissent paisiblement de ces bénéfices.

  A011002449 

 Et sachant que cest heur de comparoistre en vostre memoire en une si honnorable occasion ne peut partir que de la bonté de Vostre Altesse, qui aura peut [être] esté persuadëe qu'il y aye quelque suffisance en moy, proportionëe a ceste sienne faveur, je rougis d'honte d'en estre tant indigne, et loue Dieu neanmoins qui a donné a Vostre Altesse ceste resolution de vouloir procurer des bons pasteurs a vostre peuple; car encores que je soys le plus indigne de tous ceux qu'elle pouvoit se reduyr'en souvenance, si [306] est ce que l'intention droitte de Vostre Altesse ne laisse pas d'en estre tres recommandable..

  A011002462 

 Je ne puys penser d'ou me vient la faveur [par laquelle] il vous pleut embrasser dernierement l'honnorable souvenance que Son Altesse eut de moy sur la nouvelle qui courut de la maladie de Monseigneur l'Evesque de Geneve, si ce n'est vostre bonté, qui vous sollicite a bienfaire jusques aux inconneuz.

  A011002462 

 Mays je sçai bien que ceste vostre courtoisie ne se pouvoit adresser a [307] sujet qui s'en tint plus indigne et plus obligé a vous rendre humble service..

  A011002489 

 Comme je vous l'écrivais dans ma dernière lettre, les RR. PP. Jean Saunier, Jésuite, Esprit et Chérubin, Capucins, le chanoine de Sales, [308] le curé d'Annemasse (tous prédicateurs, et le baron de Viry, conseiller d'Etat de Son Altesse, se sont réunis à Annemasse afin d'aviser aux moyens les plus convenables pour ramener à la foi les populations des environs de Genève; voici ce qui a été conclu. Il est absolument nécessaire que les Chevaliers de Saint-Lazare et autres cèdent les cures qu'ils possèdent; qu'un collège de PP. Jésuites, ou du moins une résidence ad tempus soit établie à Thonon.

  A011002489 

 Il faudrait appliquer à cela le revenu d'un prieuré conventuel qui appartient à la commune dudit lieu.

  A011002489 

 Mais afin d'empêcher les habitants de conserver quelque froideur à l'égard des Pères, ce qui entraverait beaucoup le progrès de leur conversion, on proposa de prier Son Altesse de vouloir bien, en dédommagement de ce prieuré, abandonner à la commune l'impôt ou taille qu'elle perçoit maintenant de la ville de Thonon.

  A011002489 

 Tel est le résumé des propositions faites unanimement par les Pères et autres qui assistaient à l'assemblée.

  A011002491 

 De tout ce qui a été proposé à Annemasse, on a dressé un écrit ou mémoire pour être présenté à Son Altesse.

  A011002491 

 Mais les projets relatifs aux cures et au collège ont été remis entre les mains de MM. de Lullin et de Jacob, qui doivent aviser comment on pourrait les mettre à exécution; maintenant, à ce qui m'est dit, on attend pour en finir l'arrivée de M. le chevalier de Ruffia..

  A011002492 

 Là, autour de l'église, qui a été tout endommagée par les huguenots, on construisit avec des toiles, des boiseries, des tapisseries et autres choses semblables une tente très vaste, afin que tout le peuple pût demeurer... [311].

  A011002502 

 Monsieur le president Favre est a Chambery, et m'asseure qu'il mettra au jour les calomnies de ceux qui n'ont point d'autre religion que le mensonge, et reformera les accusations de ces si mal formés reformateurs.

  A011002540 

 C'est dans cette prévision que je m'étais rendu au camp avant de tomber malade: d'abord pour avoir un passeport de Son Altesse, et ensuite pour obtenir la déclaration de son consentement à la restitution des cures du Chablais aux curés qui s'y établiront aussitôt que cette restitution sera faite.

  A011002541 

 Il y a vraiment urgence: ce qui le prouve, c'est que pendant [315] les fêtes de Noël, Son Altesse ayant envoyé à Thonon M. le président Favre, homme d'une piété singulière et d'un grand mérite, pour connaître le sentiment des habitants du Chablais sur l'exercice du culte catholique, presque tous ont témoigné le désirer et ils attendent d'heure en heure qu'il soit rétabli..

  A011002542 

 On m'a dit que Son Altesse a saisi à son profit le revenu des Chevaliers, et je l'ai fait prier de donner la provision nécessaire aux ecclésiastiques qui sont dans les trois cures déjà établies..

  A011002543 

 Sixt est un monastère de Chanoines réguliers, sous la juridiction de l'abbaye d'Abondance; mais les moines qui l'habitent sont des hommes de bien, vivant en la crainte de Dieu, ainsi que me l'a rapporté M. le chanoine de Sales qui a prêché là ces fêtes passées.

  A011002544 

 Et finalement, Dieu m'ayant donné ce peu de vie qui me reste, je reconnais devoir l'employer au service de sa divine Majesté, de la sainte Eglise et tout particulièrement à me témoigner,.

  A011002550 

 Les médecins, qui ne trouvent pas bon que j'écrive, m'ont obligé à me servir de la main d'autrui.

  A011002557 

 Je crois que Vostre Altesse se resouviendra que l'annee passee, appres plusieurs declarations de la bonne intention qu'elle avoit de prouvoir a l'entretenement des gens d'Eglise qui seroient emploiés pour le service de Dieu au duché de Chablais, messieurs les Chevaliers de Saint Lazare promirent en fin finale a Monseigneur le Nonce de donner chasque annee six pensions pour autant de gens d'Eglise; mais pour ne se forcer pas de premier coup, ilz ne firent ceste premiere annee la que la moytié de ce quilz avoient promis, qui fut cause de reduire les six a troys.

  A011002558 

 Autrement, Monseigneur, le service cessera tout a coup la ou il est commencé, qui sera un grand scandale et perte d'ames, et ne se trouvera personne qui veullie plus y aller pour y estre a la mercy de la provision de messieurs les Chevaliers..

  A011002559 

 Ce furent des bergers qui les premiers adorerent Nostre Seigneur né..

  A011002572 

 Certes, ilz ont gasté desja une autre plus grosse cloche, en haine de nous autres Catholiques qui la sonnions.

  A011002572 

 On avoit defendu aux huguenotz de Thonon de sonner la cloche qui est en l'eglise des Catholiques.

  A011002573 

 Desirant donq infiniment, pour l'honneur de Dieu, que Son Altesse daigne lire ou faire lire promptement ma lettre affin que je ne sois prevenu par les requestes de ces huguenotz, je n'ay sceu a qui mieux m'addresser qu'a vous, pour vous supplier tres humblement de bailler ma lettre et prier Son Altesse la voir, et, s'il ne la veut voir, luy discourir du sujet.

  A011002589 

 Mentre scrivevo, ecco che è giunto qui il signor Procurator fiscale di Chiablais, persona catholicissima, il quale mi dà nuova che Sabbato, 14 del presente, vennero quattro persone di Geneva in Tonone, fra i quali era un certo Hermannus Lignarius, tedescho, celeberrimo professore di theologia in Geneva, il quale et Sabbato et Domenica, in præsentia di moltissime persone, venne argumentare et disputare col P. Cherubino, et si scrisse di banda et d'altra le risposte et argumenti; et mi ha [325] communicato detto signor Procuratore fiscale il principio di detta disputa, nella quale il P. Cherubino ha fatto valentissimamente et con grande desterità.

  A011002600 

 Un grand mouvement se produisit alors dans les consciences des hérétiques qui en furent témoins; un certain nombre d'entre eux se convertirent, et les Catholiques en reçurent une grande consolation.

  A011002601 

 Quant aux disputes, j'ai la ferme confiance qu'elles apporteront une très grande édification, malgré toutes les raisons qui sembleraient contraires; car, ou les hérétiques ne viendront pas, et alors la victoire nous demeurera, ou bien ils viendront, et dans ce cas, nous [323] prouverons que la raison et la vérité sont de notre côté; nous aurons de plus le grand avantage de nous tenir sur la défensive et de pouvoir, en répondant, faire de petites exhortations.

  A011002602 

 Cet Herman, qui jouit d'une très grande réputation auprès des hérétiques, a été appelé d'Allemagne parce qu'on le tient pour très subtil; toutefois, au témoignage dudit procureur fiscal, il s'est trouvé fort embarrassé avec le P. Chérubin..

  A011002602 

 J'aurai bientôt, je l'espère, une relation et un mémoire plus détaillés de tout ce qui s'est passé, et j'en donnerai de suite connaissance à Votre Seigneurie.

  A011002612 

 Ce pendant que je ne puis aller en Chablais, les bons Catholiques qui y sont me font part a toutes heures [326] de leurs nouvelles, et sur tout de leurs ennuis, leur semblant bien qu'ilz en sont a moitié allegés quand ilz les ont declairés.

  A011002612 

 Je les ay asseurés que Vostre Altesse a trop de fermeté et reconnoist trop bien les obligations qu'elle a a la faveur que Dieu luy a fait en ces dernieres victoires, pour vouloir accorder aux Bernois chose qui apportast aucune incommodité au service de sa divine Majesté, et que je ne croyois pas qu'il y eust personne aupres de Vostre Altesse, si mal appris de son zele et sa pieté, qui osast entreprendre d'en faire la proposition..

  A011002626 

 Ho le lettere lequali Sua Altezza Serenissima inviava a Sua Santità, nelle quali priegava la Santa Sede che si degnasse restituir le parrochie di Chiablais, cavandole delle mani profane; ma per [330] l'accidente della mia malatia sonno restate qui.

  A011002627 

 Il R. P. Cherubino è qui con noi da duoi giorni in qua, aspettando nuova del convento di Annessi; et ciò ha fatto vedere il progresso della conferentia fra luy (sic) et Hermanno Lignario, famoso lettore di theologia fra [gli] uguonotti, con molto mio gusto.

  A011002647 

 Il administre même les Sacrements, [328] nonobstant la défense très expresse du Révérendissime Ordinaire, ce qui ne se fait pas sans scandale.

  A011002649 

 Si Votre Seigneurie juge bon de les envoyer avant que j'entreprenne le voyage [de Rome], afin d'accélérer cette affaire, qui ne peut être retardée d'une seule heure sans compromettre le salut de beaucoup d'âmes, je me ferai un devoir de les lui expédier aussitôt..

  A011002650 

 Le R. P. Chérubin est ici avec nous depuis deux jours, attendant des nouvelles du couvent d'Annecy; ce qui, à mon grand contentement, m'a donné lieu d'être renseigné sur la marche de sa conférence avec Herman Lignarius, fameux lecteur de théologie parmi les huguenots.

  A011002651 

 Il serait très à propos que Sa Sainteté voulût bien [331] pour la circonstance accorder, outre l'indulgence plénière, quelque grâce spirituelle, comme l'absolution des cas réservés; car en vérité, de ces côtés il y a beaucoup de gens qui, en ayant sur la conscience depuis dix et vingt ans, s'en déchargeraient en cette occasion.

  A011002651 

 La nouvelle s'en étant répandue dans les environs, on se dispose de tous côtés à venir assister à cette dévotion, non seulement des régions catholiques, comme de Fribourg, de Schwitz et du Valais; mais aussi des territoires hérétiques, comme de ceux de Berne et de Genève, ce qui nous donne une très grande espérance de recueillir beaucoup de fruits, à la grande confusion des ministres.

  A011002652 

 J'y dresserai la liste des personnes rentrées dans le sein de l'Eglise durant ces trois dernières années, pour en informer Votre Seigneurie, afin que par ce moyen Sa Sainteté soit encouragée à nous accorder les grâces qui sont nécessaires à cette entreprise..

  A011002653 

 Nous n'avons presque pas d'autre ami à la cour que Son Altesse Sérénissime, ce qui ne nous sert pas beaucoup puisque ses ordres ne s'exécutent pas.

  A011002690 

 Je désirais extrêmement entreprendre ce voyage avec lui, parce qu'étant le seul laïque bien au courant de ce qui s'est fait et de ce qui reste encore à faire pour la sainte foi dans ces pays, il nous aurait certainement été d'un grand secours dans les affaires que nous devrons traiter à ce sujet auprès de Sa Sainteté.

  A011002691 

 J'ai entre les mains les lettres que Son Altesse a écrites à Sa Sainteté et à MM. les Cardinaux, pour prier instamment le Saint-Siège de rendre la jouissance des cures des bailliages aux prêtres qui doivent y faire le service divin.

  A011002691 

 Je n'ai pas voulu les exposer au danger qui jusqu'ici a été sur les routes, d'autant plus que je croyais de jour en jour pouvoir en être le porteur.

  A011002692 

 Si à la faveur de la paix qui nous est annoncée, l'exercice du culte catholique est rétabli définitivement dans ces bailliages, on obtiendra bientôt un résultat que tout retard pourrait compromettre.

  A011002728 

 En attendant le jour où je pourrai la voir et lui offrir les hommages qui lui sont dus, je baise très humblement ses mains vénérées, priant le Seigneur de la conserver de très longues années pour le service de sa divine gloire..

  A011002728 

 Pour moi, qui n'ai en telles rencontres d'autre pouvoir que celui des soupirs et des désirs, il me suffit d'ouvrir mon cœur à Votre Seigneurie.

  A011002741 

 Je la dois du tout a vostre bonté, laquelle j'honnore d'autant plus que je me vois tous les jours obliger davantage a elle par tant d'effetz, qui me fait extremement desirer d'estre tel que je devrois estre pour estre digne sujet de ses bienfaitz; la ou je n'av rien de sortable a ce bon heur qu'une tres humble affection d'estre et vouloir estre, et confesser devoir estre vostre tres redevable..

  A011002741 

 Je me garderay bien, Dieu aydant, d'attribuer a mes merites, qui sont ou petitz ou nulz, la faveur avec laquelle il vous plait recueillir mes importunités.

  A011002757 

 Et a ces fins je fais trois mandatz: un a Meynet, l'autre a Vernaz et l'autre a Castellani, affin quilz respondent vers quelqu'un [de] la despence qui se fera par lesditz musiciens, chacun jusques a la somme de cent florins.

  A011002757 

 Puisque Son Altesse veut que les Quarente Heures se facent le quinziesme de ce moys, et qu'elle veut qu'elles se facent le plus solemnellement que l'on pourra, baillant partant esperance de vouloir rembourser les frais qui s'y feront, ne voyant point d'argent prest, il m'a semblé que on ne pouvoit point avoir de meilleur moyen pour loger les musiciens et autres semblables personnes necessaires et les nourrir, que de faire que [342] les fermiers qui sont reliquateurs de plus de mille florins vaillant pour les pensions de ceste annee, respondent vers quelqu'un de la despence que lesditz musiciens pourront faire, a rate dequoy je les dechargeray de ladite dette.

  A011002757 

 Restera qu'il vous plaise d'essaier si l'on pourra trouver qui veuille fournir aux frais a ceste condition, en advançant, et je tiendrois main a les faire bien paier dans le terme quilz prendroient; et si vous le trouvies, il faudroit faire marcher (sic) a combien par jour ilz entretiendroient la personne honnestement et sans superfluité..

  A011002758 

 Jamais Quarente [343] Heures n'eurent tant de difficultés que celles cy, qui m'en fait tant mieux esperer..

  A011002768 

 Il m'est advis quil seroit bon que monsieur Chevallier, qui a commencé a Bellevaux, poursuivit, et que [344] monsieur Clerici fut curé a Thonon ou il feroit rage a bien tenir l'eglise et instruire la jeunesse; mais il faudroit que le P. Chtrubin fit un peu de disposition a cela tout bellement..

  A011002769 

 Encor aurons nous besoin d'un logis pour sept ou huit personnes ecclesiastiques qui iront la, en payant comme dessus; sinon que celuy qui fournira pour les musiciens fournit encor a cela, comm'il se pourroit bien faire..

  A011002815 

 Des multitudes considérables, venues soit du côté du Valais, soit du [347] côté de Fribourg, comme aussi de tous les environs, se mettront en route cette semaine afin d'assister à une fête qui a été préparée pour la conversion de ces hérétiques.

  A011002816 

 Ce sera aussi, au très grand regret de Sa Sainteté et de M gr le Nonce, perdre une occasion qui ne se retrouvera peut-être jamais de recueillir quelques fruits parmi ces gens..

  A011002818 

 Nous dirons de plus que nous ne savons qui a pu lui indiquer cette route; car il y a près du lac, entre Evian et Saint-Maurice, un passage le plus horrible et le plus dangereux qu'on puisse imaginer, en cette saison de la crue des eaux.

  A011002819 

 En attendant, nous nous tiendrons assurés que, pour l'honneur de Dieu et de la Cour céleste, Votre Excellence nous accordera ce que nous lui demandons avec une ardeur et une humilité qui n'ont point d'égales.

  A011002819 

 Nous confiant donc dans la piété, la bonté et le zèle de Son Excellence, nous lui envoyons ce prêtre, notre compagnon et frère, qui pourra aussi lui exposer verbalement de quelle conséquence serait le scandale qui résulterait de la suppression de la solennité préparée.

  A011002829 

 Cæterum, pre rerum humanarum inconstantia, hac ipsa hora qua scribo advolat ad nos qui, gravissimis de [351] causis, in festum Nativitatis Virginis, superiorum voluntate, solemnem hanc quam instituebamus præcationem referre jubet.

  A011002847 

 D'après vos paroles, je vois que vous avez mis le comble à la solennité projetée de nos fêtes, non seulement par vos prières, mais encore par celles du peuple qui vous est confié.

  A011002848 

 Du reste, telle est l'inconstance des choses humaines, qu'à l'heure même où je vous écris, survient un ordre de nos supérieurs qui, pour les motifs les plus graves, nous enjoignent de remettre à la fête de [351] la Nativité de la Sainte Vierge, les supplications solennelles que nous préparions.

  A011002866 

 Leur religion ne merite pas ceste faveur; mais qui sçait si Dieu se veut servir de vostre courtoisie pour les faire penser a leur conscience? Ilz promettent bien quilz n'en seront pas ingratz.

  A011002868 

 Que Son Altesse ne perde pas cest'occasion de reduire ses peuples en unité de foy; Nostre Seigneur mesprise ceux qui mesprisent le jour de sa visitation..

  A011002869 

 Quand au bruit qui a couru que les Bernois avoyent des trouppes de reitres dela le lac, c'est une bride a veau: est spaventa velliacho.

  A011002905 

 Ma è forza ch'io glie dica che Monsignor di Geneva et di San Paolo et [356] quanti siamo qui de suoi divoti havevamo non poca maraviglia et altro tanto di ramarico in non haver nuova veruna della sanità sua, laquale se mai ci è stata cara, adesso ci deve esser carissima, quando sonno le cose nostre venute in tal stato che più che mai han bisogno di un tale protettore et promotore quale si è sempre mostrata V. S. Ill ma et R ma.

  A011002908 

 Ecco restituita poco meno la santa fede per tutto generalmente; ma le chiese sono rovinate, senza paramenti, senza calici, senza croci: dove ne pigliaremo? Li curati da stabilire qui non devono esser persone di cinquanta ducati; devono haver compagnia di un altro sacerdote.

  A011002909 

 Vorrei poter et saper dar rilatione a V. S. Ill ma di quello che Iddio ha fatto qui nel tempo delle prime 40 hore celebrate il 20 et 21 del mese passato, inanzi che fosse giunta Sua Altezza, et nelle seconde celebrate nel primo et 2 del presente; son certo che io glie cavaria il fastidio che gli ho dato colli miei desiderati Jubilæi.

  A011002927 

 L'heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes qui s'est faite ces jours passés dans ce bailliage de Thonon, nous a donné une consolation incroyable; consolation qui eût été vraiment à son comble, si la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, reçue aujourd'hui par le P. Chérubin, nous fût arrivée en ce même temps.

  A011002927 

 Mais je suis contraint de dire que Nosseigneurs de Genève et de Saint-Paul et [356] nous tous qui vous sommes dévoués ici, avions été fort étonnés et non moins affligés de ne recevoir aucune nouvelle de votre santé.

  A011002928 

 De même encore, nous avons besoin de quelques pouvoirs qui puissent être communiqués, selon les occurrences particulières, à une ou plusieurs personnes; et si nous n'étions pas aussi proches de l'année du Jubilé, je dirais qu'il serait nécessaire pour nous d'obtenir une année de parfait et grand Jubilé..

  A011002929 

 Il faudrait que Sa Sainteté, conformément à la bonne intention de Son Altesse, fît restituer les bénéfices détenus par MM. les Chevaliers, aux pasteurs et ecclésiastiques qui s'établiront maintenant en ce bailliage par manière de provision.

  A011002929 

 Il n'est pas nécessaire de procéder en ceci selon les formalités ordinaires qui exigent beaucoup de temps, puisque en attendant les âmes rachetées par Jésus-Christ se perdent, et il est très vrai que « le salut du peuple doit être la suprême loi.

  A011002929 

 Malheur à qui s'opposera à une œuvre aussi sainte!.

  A011002930 

 Malheur à l'homme seul, surtout dans le voisinage des léopards, des ours et des loups! Il faut même, au besoin, vendre les calices et objets précieux non nécessaires aux autres églises, pour faire ces dépenses et nourrir ces âmes affamées, qui autrement sont exposées d'heure en heure à périr, afin qu'on ne puisse pas nous appliquer ces paroles: « Vous avez tué ceux que vous n'avez pas nourris.

  A011002932 

 Je dirais encore de moi-même que je suis très consolé, si un bruit qui se répand de nos côtés ne m'attristait beaucoup: c'est que le roi très chrétien veut que l'infâme Babylone de Genève soit comprise dans la paix honorable faite par la médiation du Saint-Siège entre les puissances catholiques.

  A011002946 

 At vero, dum ita fœliciter coram Domino lætamur, sicut qui lætantur in messe, sicut exultant victores capta præda quando dividunt spolia, hoc unum accidit intempestive et molestissime: nimirum Rex Christianissimus per litteras Serenissimum Ducem serio admonet, velie se ejus quam tam opportune Sanctitas Vestra, tanta totius orbis Catholici voluptate, perfecit pacis vinculo comprehendi hæresis totius Calviniana matricem et [364] fontem, Genevensem videlicet civitatem, quamvis pacis articulis, ut par erat, nulla illius mentio habeatur.

  A011002947 

 Quapropter istum Ecclesiæ meæ Præpositum, quotquot sumus hic ordinis ecclesiastici viri, quoad ejus fieri potuit celerrime misimus qui, nostro omnium nomine, ad clementis Beatitudinis Vestræ pedes provolutus, quantam res hæc, si succedat, jacturam sit allatura reipublicæ Christianæ, quamque atram tanto ac tam fœlici pacis exitui sit notam impressura, nostro omnium nomine, [365] quam humillime explicabit, ut pro sua erga orbem Catholicum, maxime vero erga hanc tot malis exagitatam provinciam, paterna clementia Sanctitas Vestra serio, tum apud Christianissimum Regem tum apud Ducem Serenissimum agat ne tanta pax sit impiis, nec ejus lætentur privilegio qui ecclesiasticam pacem tot scissuris convellere nituntur.

  A011002954 

 Celui que nous députons aux pieds de Votre Sainteté, ayant été témoin de tout ce qui s'est passé, lui en fera un exposé plus complet et plus fidèle..

  A011002954 

 Une multitude innombrable d'hommes, qui avaient résolu de renoncer à l'hérésie et d'embrasser la foi catholique, ont fait leur abjuration, partie entre les mains de l'Illustrissime Légat, partie entre les miennes.

  A011002955 

 Mais pendant que nous nous réjouissons heureusement devant le Seigneur comme ceux qui se réjouissent au temps de la moisson, comme se réjouissent les victorieux lorsqu'ils se partagent les dépouilles de l'ennemi, voici que nous arrive une nouvelle fort inopportune et affligeante: le roi très chrétien prévient sérieusement par lettres le duc de Savoie qu'il entend que Genève, mère et source de l'hérésie calviniste, soit comprise dans le traité de paix que Votre Sainteté a fait conclure à la grande satisfaction de l'univers catholique, bien [364] que, comme il était raisonnable, nulle mention n'ait été faite de cette ville dans les articles du traité.

  A011002956 

 C'est pourquoi, tant que nous sommes ici d'ecclésiastiques, nous vous avons député le plus promptement qu'il a été possible, le Prévôt de mon Eglise cathédrale qui, en notre nom à tous, se prosternera aux pieds de Votre clémente Béatitude, et lui exposera combien grand serait le dommage qu'une telle paix, si elle vient à se conclure, causerait à la république chrétienne et la tache honteuse qu'elle imprimerait à un si grand et si heureux succès.

  A011002956 

 Que, selon la clémence [365] paternelle qu'Elle témoigne à toute la Catholicité et surtout à cette province agitée par tant de maux, Votre Sainteté daigne intervenir sérieusement auprès du roi très chrétien et du sérénissime duc, afin qu'une telle paix ne soit pas accordée aux impies, et qu'ils n'en goûtent point les avantages ceux qui s'efforcent de bouleverser par tant de divisions la paix de l'Eglise; mais que plutôt ils soient contraints de rendre l'honneur à qui ils doivent l'honneur, le tribut à qui ils doivent le tribut, et que, par ce moyen, la paix vienne sur eux en la vertu du Seigneur et par l'autorité du Siège Apostolique que Votre Sainteté occupe si heureusement et avec tant de clémence, et sur lequel nous supplions le Dieu très grand et très bon de vous conserver de longues années pour le bien de son Eglise.

  A011002963 

 Ac quidem, quando res propter quam abiit nullam sine summo periculo moram patiebatur, nec omnia tunc haberem præ manibus quæ visitationi sanctorum liminum necessaria sunt, ea nunc duxi mittenda, quo vices meas hac in re apud Sanctitatem Vestram agat meo nomine; ratus Clementiæ suæ id acceptum iri, tum ut [367] difficillimo tempore quæ fieri possunt per pauciora, per plura nequaquam fiant, tum ut hic meus procurator, qui non inutilem omnino hoc in agro operam navare consuevit, variis peregrinationibus ab opere abstrahatur..

  A011002970 

 Il y a longtemps que Révérend François de Sales, Prévôt de ma Cathédrale, aurait visité en mon nom les tombeaux des Apôtres, s'il n'en avait été empêché par une très dangereuse maladie qui l'a tenu alité plusieurs mois, et si les voies d'Italie ne nous eussent été fermées par la peste qui a affligé et afflige encore presque toute cette province.

  A011002971 

 C'est autant pour ne pas employer plusieurs moyens là où un seul suffit dans les temps si difficiles où nous vivons, que pour donner occasion à mon procureur, qui n'a pas travaillé inutilement dans le champ du Seigneur, de se délasser par divers pèlerinages des fatigues qu'il a soutenues..

  A011003024 

 Sic enim præfari lubet, non quomodo plerique solent, qui cùm primùm eos quos numquam viderint aut coràm aut per literas salutant, ab excusationibus initium sumunt, ac si vel suspecta minusque laudabilis videri possit honesta illa ineundæ amicitiæ provocatio, vel in eo quod per se honestum atque laudabile sit exequendo, aliam quàm debiti officii rationem exquiri constareve oporteat..

  A011003026 

 Nam quod iis usu venire solet qui longiore absentis aut defuncti alicujus desiderio torquentur, ut ea demùm ratione recreari se sentiant, si non solum amici memoriam diligenter et religiosè, ut par est, colant, sed etiam exactissima naturæ imitatione, quantùm arte effingi potest, ejus quasi præsentis imaginem oculis suis intuendam objiciant, id ipsum nobis, quotquot ad virtutem contendimus, faciendum existimo; ut quoniam admirabilem ejus pulchritudinem, qualis quantaque est, ne animi quidem cogitatione assequi possumus, eos saltem nobis ad amandum et imitandum proponamus in quibus vivam illa sui effigiem elegantioribus et aptioribus, ut ita dicam, coloribus depinxerit.

  A011003028 

 In quibus si te unum esse dicam, qui hodie mihi instar omnium esse possis, in ista præsertim vixdum virili ætate, in qua tot tantaque virtutum ac scientiarum omnium, non argumenta modò sed clarissima lumina proferas ut à quo superari in posterum queas alium quàm te habeas neminem, vereor ne adulatorem me potiùs quàm probum amicitiæ Fabrum suspicêre.

  A011003030 

 Nam et plus præstat qui prior amat, et in præclaro isto et laudabili contentionis genere ex quo suavissimam sibi quisque speret victoriam, priorem vinci vincere est.

  A011003030 

 Sic fiet ut plus tu mihi debeas quàm ego tibi; sed plus ego vicissim virtutibus tuis quàm tu meis, si tamen is ego sum qui meas possim ullas dicere..

  A011003046 

 Utcumque verô sit, est quôd quantas possum tibi referam gratias, qui meis sive precibus sive consiliis tantùm indulgere te profitearis ut studiorum tuorum legem ex arbitrio meo non solùm instituere, quod esset facilius, sed etiam institutam et compositam immutare non recuses.

  A011003047 

 Neque tamen despero quin, si quando una nos vivere et securiore plenioreque otio frui Deus volet, et exemplo et auxilio tuo, theologiæ quoque degustandæ desiderium non parvum subeat, quo jampridem titillari me sentio, in eaque, ut in Domino mori discam, qui Christianæ vitæ scopus esse debet, tandem aliquando consenescam..

  A011003048 

 At cùm neque Spartam quæ mihi divinitùs data est deserere ultro debeam, neque à meipso tanto abesse intervallo ut, qui vel soli jurisprudentiæ imparem me video, theologiæ etiam amplectendæ temerarios spiritus sumere velim, planè conveniens est, ea mihi interim studia præcipuè et in amoribus et cura esse sine quibus nec officii mei nec dignitatis ratio satis recta constare possit, Tu verò longè beatior, qui, in ista potissimùm ætatæ quæ, ut ais, restitutionis beneficium admittere adhuc posset, jam consecutus sis, ut et utramque scientiam, et tua et utriusque dignitate, capessere possis, si voles, et velle debeas, quia potes..

  A011003050 

 Quid ergo? Ad nostrum ego te, ad nostrum, inquam (vereor enim ne non exaudieris), collegium voco, et quanta possum contentione [374] hortor ut senatoriam dignitatem, non jam ambias, sed summis meritis tuis tam honorificè novoque exemplo oblatam alacriter suscipias, præsentemque urgeas occasionem: non quôd verendum sit, si te respicis, ne invitum te unquam effugiat, sed ut tantò longiores dulcioresque dignitatis tuæ fructus percipias, cujus nec minima pars illa futura sit quôd, in tanta rerum omnium perturbatione tamque perdita temporum conditione, tam citô vereque dignus habitus sis qui ad eam promovereris..

  A011003052 

 A me etjam, quem in eo pertinaciorem contradictorem vereri deberes, idipsum te facilè impetraturum recipio; quippe qui nimis feliciter et cùm jurisprudentia et mecum actum putabo, si te aliquando senatorem et, ut voluntatis ita dignitatis communione, fratrem dicere potero..

  A011003066 

 Peropportunè autem anxio mihi obtigit adventus D. Porterii, viri optimi mihique jam inde à multis annis cogniti; qui primo statim congressu rogatus à me quàm benè haberes et num quid à te literarum, respondit valere te optimè, literasque pro salutatione missurum fuisse confirmavit, si non eodem fere instanti ab urbe fuisset tibi decedendum.

  A011003067 

 In quo si me tu minus verecundum putas, ne dicam impudentem, qui tantùm mihi arrogem ut magnum aliquod Reipublicæ detrimentum illatum existimem si eas non acceperis, scito non tanti me nugas et ineptias meas facere, nisi quoniam et ad te scriptas fuerunt et [376] de re ad publicam, ni fallor, utilitatem spectante.

  A011003067 

 Neque enim magis publicè referre arbitror ut te senatorem omnes videant, quàm mea interesse ut qui videbunt sciant quantùm mutuo amori nostro indulseris, qui meis potissimum, sive precibus sive consiliis, persuasus sis, ut in hanc tam præclaram de Republica benè merendi occasionem traduci te paterêre.

  A011003085 

 Imò verò mensis hic, si mihi credis, annus est qui in sequentem annum incidat, aut potius anni plures, apud me quem incredibile videndi tui desiderium sic accendit ut ipsas etiam horas penè singulas pro mensibus numerem, et invita quoque natura, ne dicam astrologia cujus planè sum ignarus, toto hoc hyemali solstitio dies noctibus factas putem longiores.

  A011003087 

 Quod si ita est, patere, obsecro, me in hoc uno à te dissentire: non quoniam ea me ratio litigatoribus asquiorem faciat, quòd inter eos et in mediis litium anfractibus assiduè versari me sit necesse (tantò magis enim odisse deberem, cùm vel pulcherrimarum rerum oblectatio satietate sordescat), sed quia multùm iis debere me sentiam qui, ut mihi per te commendentur, literas ad me tuas deferre volent.

  A011003089 

 Cætera taceo quæ quotidie experiuntur, qui inter amicos et cognitos litigatores judicandi munere sic funguntur, ut neque amicitiæ desertores videri velint, neque improbiores fieri ut amiciores videantur.

  A011003089 

 Neque facilè fero rigidos istos Catones, qui apud probum judicem nullum amicitiæ aut commendationi locum relictum volunt.

  A011003090 

 Facis tamen tu injuriam, non probitati meæ, sed necessitudini nostræ et, si dicere audeam, existimationi, qui ad me ita scribis quasi existimes Salesios ullos, quicumque tandem illi sint, nedum patrueles tuos, aliqua egere apud me commendatione.

  A011003111 

 Longè aliter quàm seculi principes facere soleant, qui cùm amari sine timore possint, timeri tamen quàm amari malunt; unde illud etiam fit ut suorum metum pro odio nec abs re habendum existiment..

  A011003112 

 Non essent in sanctissimo sacerdotum ordine tam multi qui, pròh indignissimum facinus lachrymisque sanguineis expiandum! ad ambiendum sacerdotium tam inconsiderato ferrentur impetu, idque assecuti tam irreligiosè tractarent ut dici nihil possit indignius.

  A011003112 

 Sic Beatissimam Virginem in Angeli sermone turbatam legimus cùm cogitaret qualis esset salutatio; sic diloctissimos Apostolos in Transfigurationis fidem testes adscitos cecidisse in facies suas, cùm ad æternæ felicitatis præmia gaudiaque jamjam delibanda essent invitati; sic denique mulieres sanctissimas cùm ad sepulchrum Domini venissent expavisse, viso Angelo qui tam optatum gloriosissimæ Resurrectionis nuncium adferebat..

  A011003113 

 Gaude potiùs quòd non cum terrestri principe tibi res est, qui quos ad dignitatem aliquam immeritos provehit sic ornare nequeat ut ex imperitis eruditos faciat aut ex balbis oratores; sed cum Deo illo cui non sit difficilius dignum te sacerdotali dignitate facere quàm dignitatem ipsam conferre.

  A011003113 

 Idem enim ille est à quo evasit disertissimus qui legationem imperanti responderat: A, a, Domine, nescio loqui.

  A011003113 

 Idem ille per quem tam sanctus fortisque Rex factus est qui anteà non nisi belluis imperare didicerat.

  A011003114 

 Quare cùm ad istam omnium optimam vitæ rationem sis vocatus, tanquam Aaron, in eoque proprium habeas conscientiæ tuæ testimonium (taceo enim, quod sciunt omnes qui te norunt, quot quantisque difficultatibus impediri poteras ne tam sanctum institutum susciperes aut in suscepto eo perstares nisi te solus divini amoris ardor inflammasset), quid aliud optandum tibi aut faciendum restabat nisi ut vero nostro Aaroni sacerdotem te exhiberes secundum ordinem Melchisedech?.

  A011003115 

 At ridiculus planè sum qui theologum ago, leviaque hæc mitto ad te cui longè preciosiora domi nascuntur; quamquam ut ineptire audeam cogis tu qui, in tanta celestium beneficiorum abundantia quantam tibi jam obtigisse credendum est, non solùm participem me habere vis consiliorum tuorum et, quod amicius est, intimiorum (sic) affectuum, verum etiam adjutore met quasi consolatorem.

  A011003115 

 Igitur, quod facere et possum et debeo, non te hortabor ad istam dignitatem sic tuendam tractandamque ut appareat dignitatis functionem tibi cum multis communem esse functionis verò dignitatem cum paucis (neque enim tu is es qui moneri aut excitari debeas), sed illum ipsum Christum qui sacrificator tecum erit supplex orabo, ut qui tam sancti propositi autor fuit idem sit et adjutor perpetuus et remunerator, tantæque pietatis fructus in dies tibi præstet uberiores et cumulatiores, in annos longissimos sola æternitatis commutatione finiendos..

  A011003136 

 De Tullianorum negotio quod habes, gratiam facis tu liberaliter, qui in beneficiorum loco ponis officia quæ à me sine scelere prætermitti non potuerunt.

  A011003177 

 Nebulones istos Deus malè perdat si diutiùs in tenebris versabuntur, quarum fugandarum gratia lux mihi mea erepta est! Quamquam id ipsum est quod me maximè consolatur, quòd de præclaris tuis conatibus tam benè spero quàm qui optimè, nec dubito quin tuam et industriam et diligentiam, sed præcipuè pietatem, Deus optimus maximus sit fortunaturus..

  A011003178 

 Prætermittebam quòd scire te non nihil interest, quamquam nec erit novum: hodie, si Deus volet, senator noster D. Rogetus, qui te salvere et bono animo esse jubet, mecum ad parentes nostros Salesium versus proficiscitur.

  A011003178 

 Sed illud etiam à te peto, ut emendes quæ putabis et elegantiùs scribi potuisse et argutiùs; vellem enim dignos fieri qui ubique gentium legerentur ac insculperentur.

  A011003201 

 Ego te proxima ut spero hebdomade videbo, et ut patri tuisque omnibus restituam, dabo operam ut successorem habeas Spiritum Cappucinum, jamjam hunc venturum, et si qui alii erunt (neque enim adhuc exploratum habeo) quos Episcopus noster in locum tuum substituere volet.

  A011003221 

 Optabam mirabiliter ut si pater videri nolles, ne multorum qui nostram illam mirificam unitatem minus norunt animos offenderes, compater saltem esses, ne unum hoc vinculum conjunctioni nostræ deesset, melioribus licet ac fortioribus colligatæ; sed occupavit Guichardus noster, cogitque ut in annum proximum necessitudinis hujus accessionem differri oporteat, quam tamen jam inde ab hac hora volo te pro petita habere, cùm habeam ego pro impetrata..

  A011003221 

 Quòd nobis non mihi natum dico, quamquam mirari non potes qui omnia mea tecum communia esse jampridem voluisti, minus tamen miraberis cùm pulcherrimum et suavissimum (sic enim adrelatum est) videbis; patrem namque in eo ut te habeat necesse est qui me habere non potest.

  A011003222 

 Faciam ut Rolandus noster intelligat non solùm peracta feliciter omnia, sed etiam quantum tibi hoc nomine debeat, quantum etiam patri, qui Domini de Sacconex precibus urgebatur ut fratrem suum Comitem Lugdunensem honore isto dignaretur.

  A011003222 

 Non te pœnitebit collati in amicissimum tuique amantissimum virum beneficii; qui sicut de tuo erga se studio numquam dubitavit, ita sibi facile persuasit neque alio quàm te apud patrem intercessore neque ullo sibi apud te adjutore opus esse; officium tamen meum imploravit ideo fortasse ne inviderem si tuus magis esse vellet quàm meus, aut potiùs ut socium obligationis sibi quæreret, nimis (minus?) suis fidens facultatibus quàm ut tantum tibi solus debere vellet..

  A011003223 

 Nec rursus æquum est ut absente me valere te jubeam qui absente te vix valere possim; præsertim mense proximo, quo neque tecum vivere licebit neque cum uxore dormire, nisi fortè postremum hoc potiùs ad valetudinem meam conferat.

  A011003224 

 Faciam te de omnibus certiorem, habeboque ut spero crebriores post hac tabellarios, qui meas ad te literas perferant, non in istam solitudinem in qua nunc degis, sed in urbem hanc, ad quam te brevi ut prævideo revocabit, non solùm parentis nostri observantissimi votum, sed etiam et Episcopi amantissimi jussus.

  A011003226 

 Vides quàm egerim ex bona fide et ut amicum decebat, qui adversus mea commoda pro tua dignitate etiam contra patrem laborarim.

  A011003247 

 Est sanè quòd iis habeam gratiam de meis literis tam fideliter tibi redditis; nam cùm vix ignorare possint quanta sit inter nos animorum voluntatumque consensio, credibile est non valdè tibi infestos esse qui erga me adeo fuerint officiosi..

  A011003247 

 Facis tamen tu non solùm liberaliter, sed etiam Christianè, utrumque autem ex bona fide, qui et magna putes omnia quæ à me ad te proficiscuntur, nec prius de perditissimorum hominum salute desperare velis quàm desperandi finem perditio ipsa afferat.

  A011003271 

 Quamquàm enim te scio eum esse qui laudes tuas ne audire quidem libenter, narrare verò multo minus velis, tuam tamen modestiam hac in re illud frangere deberet quòd de iis nihil possis detrahere quin tantumdem ferè ex Dei optimi maximi gloria, ad quam omnia ut debes refers, detrahatur..

  A011003273 

 Malo te ista vel omninò nescire, vel ex verbis quàm ex literis meis intelligere, ne tu pro singulari tua erga me voluntate, magis mea causa commoveare quàm ego ipse, qui fero, non dicam omninò constanter et indolenter, sed tamen ita moderatè ut appareat « nihil me humani à me alienum » putare; nam præter id quòd jam inde à multis annis omnimodo eventura ista prævideram, nisi Deus à nobis averteret quem ipsum nos à nobis avertimus, illa quoque me non parùm juvat consolatio, miserrima quidem sed tamen efficacissima, tot tantisque nos infortuniis premi non posse ut non plura gravioraque, et pati possimus et expectare debeamus..

  A011003316 

 Cùm opportune omnia mihi abs te veniunt, mi Frater, tùm nihil umquàm opportunius, quàm quòd hoc ipso die qui dandis accipiendisque xeniis faustus creditur, reddidit mihi Filliardus tuas illas amantissimas literas, cæterarum, ut ais, obsignatorias quas anno superiore tam multas tamque elegantes, ut ad me scriberes incredibilis immensusque amor erga me tuus coegit.

  A011003317 

 Neque verò quotquot sumus tui in Christo confratres, aut potiùs filii, quoties convenimus, desistimus, quantùm votis precibusque possumus, Deo supplicare, ut tam fortunata initia feliciore in dies progressu augeat, tandemque optatissimo fine compleat; quod ita venturum sperant omnes, neque dubitare possunt, qui pietatem tuam et ad maxima quæque peragenda faciliùs quàm audenda præstantem proclivemque industriam perspectam habent.

  A011003317 

 Unum illud facere poterat me Thononiensibus qui te fruuntur invidere, unaque succensendi non minor quàm invidendi causa esset, [394] quòd te cùm habeant, frui tamen nesciunt, nisi scriberes incipere eos sapere, tuisque conatibus favere; quo nomine, quantùm tibi totique Reipublicæ Christianæ gratulor, potes tu faciliùs ex gratulandi ratione et necessitate conjicere quàm ego verbis aut vultu explicare.

  A011003318 

 Id qua ratione, aut ut veriùs dicam, cujus culpa factum sit, si ex eo cognovisti, non excuso tam improbabilem hominis negligentiam, sed ignosco culpæ, satis enim mihi fuerit quòd culpa me vacare intelliges; sin fuit ille in hoc ipso negligens ne se accusaret, neque excuso, neque ignosco, tametsi querelas omnes et injurias à me hodie, ut par fuit, remissas esse non nesciam; adeò mihi constitutum est perpetuas cum iis inimicitias gerere si qui erunt quorum culpa fiet ut de mea, non dicam voluntate, (qui enim facere posset?) sed diligentia malè suspicandi quæsita tibi occasio videatur..

  A011003318 

 Pudet incredibiliter quòd per Thovesium, qui priores mihi à te literas attulerat, nullas à me acceperis, nec memini umquàm id contigisse ut binas à te haberem cùm tu à me nullas.

  A011003320 

 Guichardus noster, qui adest, te salutat, impeditus partim dubia valetudine, partim Marchionis nostri assidua consuetudine, ne scribere potuerit..

  A011003339 

 Defuisse tibi ad scribendum chartam inter arma facilè credo, qui propemodum deesse mihi video inter chartas.

  A011003361 

 Sed parùm cautus sum qui, cùm nec gallicè scribere audeam nec latinè possim in tanta temporis penuria, tam longa tamen te morer epistola.

  A011003386 

 Mihi, qui majorem et jucundiorem legendis tuis quàm conscribendis aut poliendis meis diligentiam adhibere soleo, melius visum est et commodius differre rescriptionem in id usque tempus quo in hæc loca rediissem, præsertim cùm nec haberem ad manum per quos possem scribere; quamquàm non parum diligentiam meam illud expectabat, quòd tardius quàm putaram ad Sebusianos meos profectus, videbam ex eo futurum ut longiorem quoque scribendo moram facerem quàm sperares..

  A011003390 

 Quàm, putas, animo meo hæret hærebitque semper, quod te nuper cùm una essemus dicere memini, cùm quidam ad te retulissent me, levissimo implicitum morbo, graviore quàm par fuerat mortis metu cruciatum fuisse, id te de eo qui se fratrem tuum diceret et gloriaretur non temerè credere potuisse! Nam qui, te potissimùm magistro, didicerit mortem non pertimescere, quam ego nunquam sanè pertimescendam existimavi, an non multò stultior sit, si iis rebus moveatur quæ non aliam ob causam acerbæ videri possint quàm quia mortem, vel quod adhuc insanius fuerit, vitam quoque ipsam reddere soleant acerbiorem? Sed tamen facere non possum quin me communes miseriæ conturbent, quibus non valdè affici vereor ne inhumani potiùs quàm constantis hominis esse videretur.

  A011003410 

 Majorem te in dies, mi Frater, voluptatem fructumque capere ex præclaro isto consilio et ad rei Christianæ dignitatem cœlitus comparato instituto, etsi minùs miror, qui numquàm dubitavi quin tam sanctos conatus Deus optimus maximus solita sua ergà te munificentia fortunaturus esset, gaudeo tamen mirum in modum, cùm ex tuis literis ea ipsa intelligo quæ frequentissimis hominum de te sermonibus publicè testata circumferuntur.

  A011003411 

 Nunc verò, majorne dicam nescio voluptas an admiratio est, non eerum dumtaxat qui negotio magis quàm tibi diffidebant, sed illorum etiam qui, cùm eam probarent, vix tamen persuaderi poterant futurum ut jam citò tam uberes diligentiæ et contentionis tuæ fructus constarent, quòd minùs tibi opis et auxilii parari viderent ab iis quorum authoritate præcipuè geri res debebat quàm necesse esset [401] ad tantam rem feliciter aggrediendam gerendamque; sic enim jam omnibus ferè persuasum est fore brevi ut sacrosancta religio per tot annos ab istis populis explosa pristinam suam per te recuperet dignitatem, indeque tamquam ex armario munitissimo potentissima ad expugnandam Babylonem machina tandem depromatur..

  A011003412 

 Mihi sanè non parvi momenti esse videtur quod de Ponceto recuperato scribis; fuit enim ille hucusque præcipui, ut audio, inter hæreticos nominis pro ea qua præstat juris nostri rerumque agendarum scientia, ut liceat sperare non defuturos permultos qui exempli authoritate movebuntur, ut ratione tandem vinci se patiantur.

  A011003416 

 Posteà compertum est, nonnisi mundo eum mortuum, sibi verò totique Reipublicæ Christianæ adhuc superstitem esse; nec desunt qui affirment eum vos Necii proxima Quadragesima habituros.

  A011003416 

 Quo tamen nomine, ne tibi gratulari possim illud facit quòd mihi jam doleo qui tecum non ero.

  A011003417 

 Sed jam nimis multa, qui ad mediam usque noctem Guichardo nostro literas tuas curavi perferendas.

  A011003439 

 Habebis tuæ fortitudinis virtutisque, non modò testes sed etiam admiratores, eos ipsos quos fautores habere, ut decebat, non potuisti; Deum verò optimum maximum retributorem, qui laborum tuorum æstimationem non ex perceptis fructibus, sed ex iis qui percipi potuerunt et debuerunt pro pietate sua initurus est: quamquam vix mihi in animum cadere potest ut de tam piis et, quod præcipuum est, pie habitis conatibus desperandum putem..

  A011003439 

 Nihil autem miserius, quàm quòd hoc tempore in quo pax ista precaria, aut, ut Virgilius loquitur, « sequestra » totque mensium firmatæ induciæ facere deberent ut benè sperare liceret, vix quisquam est qui præter te in hanc curam velit incumbere.

  A011003439 

 Sed illud sanè molestissimum est quod conquereris, nec immerito, tam frigide tantam rem ab ipsis tractari, qui tam præclaros conatus tuos et modis et artibus omnibus fovere deberent.

  A011003463 

 Baronem nostrum qui, ut scis, nunc adest, iterum atque iterum conveni, primùm ut viro nobilissimo meique amantissimo grati animi testimonium exhiberem, deindè ut ex ejus potissimùm sermonibus intelligerem quid ille de tuis conatibus, non tam sentiret quàm speraret.

  A011003481 

 Je ne suis plus marry que, pour faute de porteur, j'aye retardé plus que je ne voulois de respondre a voz premieres lettres, qui me furent rendues ces jours passés avec les sonnetz de ma Seconde Centurie par monsieur de Chavanes; car je me fusse plaint fort aigrement de nostre monsieur Portier, auquel j'avois remis mes precedentes lettres, avec celles du Pere Possevin et le livre quil m'avoit adressé pour vous faire tenir.

  A011003482 

 J'ay pris fort a mon avantage ce que vous m'escrivez, que noz messieurs de Tonon facent estat de ma Premiere Centurie; car outre ce, que malaisement peut il estre ainsy quilz ne facent sans comparaison plus d'estat de vous a qui je la rapporte toute, comme je doy, il me semble que c'est un commencement de tesmoignage quilz donnent de leur resipiscence, sil est vray ce que j'ay tousjours ouy dire, [407] que les heretiques ne veullent point ouyr parler de penitence, du moins en la façon que j'en parle..

  A011003483 

 C'est un personnage duquel j'ay desja ouy souvent parler, et tousjours en bonne part, osté le poinct, qui est le principal, de la religion.

  A011003483 

 Non que j'estime quil y aye en tous de la malice (j'en ay congnu qui, hors le faict de la religion, pouvoient passer en monstre pour honestes hommes); mais je ne peux les excuser que je ne les accuse tous, et tant plus ceux qui sont les plus habiles entre eux, d'un grand deffaut de jugement et de trop de presomption en ce quilz osent faire plus d'estat de leur jugement particulier que de celuy de l'Esglise universelle, fondés seulement sur l'opinion d'un homme, lequel sil eust esté de moins ilz seroient maintenant des nostres..

  A011003484 

 Toutefois, je veux bien esperer de sa conversion puis que vous qui le voyez de plus pres en concevez ceste esperance.

  A011003486 

 Ilz se fondent sur la reigle qui dit que aienti, non neganti, incumbit probatio; mais vous sçavez mieux que moy comment telle reigle est [408] entenduë en nostre jurisprudence, a laquelle proprement elle appertient.

  A011003486 

 Mais ceste raison mesme monstre que la reigle doit estre entenduë d'une pure negative qui ne puisse estre circunstantiee de point de façon; car quand ell'est coarctee, comme parlent noz maistres, de la circonstance de quelque lieu ou de quelque tems, la preuve s'en peut faire, et faut qu'elle se face par celuy qui nie: comme si quelqu'un nioit d'avoir esté a Romme un tel jour, il pourroit et devroit preuver en quel autre lieu il fut ce jour là..

  A011003486 

 Noz loix dient que celuy qui dit et afferme quelque chose [est tenu de le prouver, mais que celui qui soutient la négative] n'est tenu de la preuver; la raison est parce que la preuve d'une negative semble estre impossible par la nature mesme, dautant que ce n'est qu'une pure privation qui en somme n'est rien selon les philosophes.

  A011003487 

 Il y a de plus que la negative mesme qui est pure privation, et quæ nihil ponit, nec includit affirmativam contrariam, doit estre neantmoins preuvee par celuy qui l'avance, toutes et quantes fois que c'est le fondement de son intention; et en ce poinct s'accordent tous noz docteurs, fondés sur ce que tousjours le demandeur doit estre chargé de preuver son intention et ce sur quoy il la fonde.

  A011003487 

 Il y en a une infinité d'exemples ramassez par le premier Marian Socin en ses Commentaires sur le Droit canon, qui traite ceste matiere plus amplement qu'autre docteur quelconque qui jamais en aye parlé.

  A011003488 

 Je me suis fort appuyé autrefois sur ceste derniere consideration pour conclurre que noz heretiques, pour nieurs quilz soyent, sont tenus de preuver toutes leurs negatives; car ilz ne peuvent nier quilz ne soyent demandeurs, puis qu'ilz viennent a nous troubler en nostre possession de sezecentz ans qui nous rend deffendeurs; et vous sçavez que c'est la principale commodité de la possession, qu'elle decharge le possesseur de toute necessité de preuve jusques a ce que le demandeur aye fondé et preuvé son action: de là vient que adversus extraneos, id est, nihil juris habentes actores, etiam viciosa possessio prodest. Mais c'est trop faire le docteur avec vous; aussy me faites vous dottor in volgar.

  A011003490 

 Aussy font ma belle mere et ma maistresse, avec noz escoliers, qui prient tous Dieu avec moy quil vous conserve, Monsieur mon Frere, a longues annees en sa grace, et nous, en la vostre..

  A011003508 

 Movet me etiam non parùm quòd, postremis qui mihi cum illo ante morbum intercesserunt sermonibus, videbatur in eam potissimùm curam velle in posterum incumbere ut sacrosancta religio [410] nostra, tuis potissimùm præclaris conatibus adjuta, per totam istam provinciam quàm latissimè et vivissimè diffunderetur.

  A011003509 

 Ego Librum meum duodecimum, tibi inscriptum et proprio quodam jure tuum quòd in Salesiano tuo, ut meministi, inchoatus sit, dedi optimo et ornatissimo huic viro perferendum ad typographum qui sæpiùs jam ad me scripsit facturum se ut quamprimùm prælo detur.

  A011003530 

 Libris illis de politica, ut eleganter inscribis, auscultatione id præscribentibus, hoc mihi quàm dulce optatumque fuerit, etsi facilè æstimare potes qui optimus testis es nihil me umquam ardentiùs desiderasse, vix tamen possis credere ni tibi persuadeas eum esse me qui factis laudibusque tuis magis delecter quàm tu ipse, in ea præsertim re in qua nominis tui laus cum Dei gloria non possit non esse conjuncta.

  A011003550 

 Quo nomine si tibi et mihi totique reipublicæ nostræ non gratuler, indignus sanè sim quem boni ament, nedum tu qui es optimus.

  A011003551 

 De prioratu Talloriarum rursum benè sperare cœperam, defuncto Calcaneo, qui Principis voluntatem præcipiti ambitione meritis tuis præripuerat.

  A011003572 

 Nunc certioribus quàm anteà rerum argumentis erectæ sunt spes nostræ reditu Præsidis Rochetani, qui affirmat esse omnia non solùm in expedito, sed etiam in tuto, et ante festa Paschalia venturos à Rege in hanc urbem legatos, qui perpetuum inter Principes fœdus sanciant et jurejurando devinciant.

  A011003590 

 Despuis, j'ay eu quelques heures de meilleur loisir, mais point de commodité de porteur qui s'en allast du costé de Sales ou de Tonon..

  A011003591 

 Je m'asseure que vous n'aurez pas esté moins impatient en l'attente de recevoir de mes nouvelles que moy, en l'attente de pouvoir vous faire part des miennes et d'avoir des vostres, combien que pour ma consolation j'aye veu nostre bon frere, qui m'a bien au long entretenu, et discouru plusieurs particularités de vostre voyage, toutes tres aggreables, mesme celle du françois converti; car elle vise a l'honneur de Dieu premierement, puis au vostre, qui sont les deux plus grandes grandeurs que j'apprehende dans ce monde.

  A011003592 

 Au reste, j'ay a vous dire pour bonne nouvelle, et meilleure pour moy que pour vous, que monsieur de Jacob, venant de France, m'a fait entendre que Madame de Nemours l'avoit prié fort affectionnement de sçavoir de Son Altesse si elle auroit aggreable que je fusse convié d'estre President du Genevois; a quoy s'accorde un billet escrit par monsieur de Charmoisy, nostre parent, a monsieur son pere, qui adjouste que Monsieur et Madame de Nemours estoyent sur le poinct de m'en prier.

  A011003592 

 Je ferois tort a ceste lettre, pleine d'un sujet tant desiré, si je la chargeois d'autre matiere, sinon pour vous dire que j'ay fait tenir voz pacquetz a monsieur de Lullin par le secretaire mesme de monsieur de Jacob, qui m'a promis de les delivrer en mains propres..

  A011003592 

 Je serois trop long a vous conter tout ce qui a esté dit sur ce propos entre luy et moy; tant y a, que son advis a esté que je peux et doy entendre a ceste condition, et que Son Altesse l'aura tres aggreable, et a resolu de faire l'office a ce voyage qu'il fait en nostre court, ou il s'est acheminé despuis deux jours.

  A011003610 

 Combien que je vous aye escrit ny a que deux ou trois jours par l'homme de monsieur de Coudree bien amplement, et avec beaucoup de contentement pour la bonne nouvelle de laquelle je vous ay fait part de ma promotion a l'estat que je desirois, tousjours plus pour m'approcher de vous, qui m'estes et serez in æternum instar omnium, que pour m'esloigner du reste de mes amis, si est ce que j'ay recherché encores ceste commodité de vous pouvoir escrire par monsieur le Gouverneur, pour me reintegrer en la possession de noz premieres diligences, autant que la commodité ou, pour mieux dire, l'incommodité et le malheur du tems le pourra permettre; car Necy est maintenant plus decrié que jamais pour le mal qui est naguieres survenu pres du pont de Nostre Dame.

  A011003629 

 Je n'eusse pas laissé partir ces bons villageois sans les charger de mes lettres si j'eusse esté adverty de leur despart; mais la faute n'en est qu'a leur procureur qui m'avoit promis de me les faire voir, ce qu'il n'a fait.

  A011003630 

 Je feray voir au Conseil d'Estat la requeste du gentilhomme duquel vous m'escrivez a la premiere assemblee qui se fera, qui ne peut estre devant demain, 15 e de ce mois, et n'oublieray rien de ce que je pourray pour luy faire ressentir quelque bon effect de vostre recommandation; me resjouissant au reste des bonnes esperances que vous donne Monsieur le Nonce, ne pouvant croire qu'elles doivent plus longuement demeurer sans effect en chose de telle importance, et laquelle je ne doubte point que Son Altesse, aussy bien que luy, n'affectionne beaucoup plus qu'auparavant des qu'ilz vous ont veu: et me semble qu'icy l'autheur doit admirer leur tardiveté autant que son sçavoir..

  A011003631 

 Ce pendant, pour accroistre ce contentement qui n'est qu'un a vous et a moy, je vous diray que je viens de recevoir lettres de monsieur de Jacob, par lesquelles il m'asseure que Son Altesse a tres aggreable que j'aille en Genevois et qu'elle m'en priera (voyez quelz termes); et qu'en tesnioignage de cela, mes gaiges de senateur me demeureront.

  A011003631 

 J'espere que de nostre court monsieur de Jacob les apportera a son retour; mais ce ne sera pas, comme je croy, avant Pasques, car il fait estat de se treuver a Paris seulement pour le quinziesme du mois prochain, a ce que dit monsieur de Trollioux qui est passé pour luy aller preparer son logis.

  A011003631 

 Je m'estois bien promis que je me treuverois a la premiere grand'Messe que vous diriez a Tonon pour ces festes de Noel, mais a ce que je voy, la chose sera remise a l'an qui vient.

  A011003631 

 [418] Mais tenez, je vous prie, ce dernier poinct secret, car il m'importe affin qu'on ne me rabbatte rien dans cela des gaiges qu'avoit monsieur Poille, qui est le plus haut degré d'ambition et d'avarice auquel ma pauvreté aspire.

  A011003632 

 Ma maistresse et tous voz neveux qui sçavent parler vous saluent, mais le pere sur tous et plus que tous, comme celuy qui est et sera a jamais,.

  A011003636 

 Je resalue infiniment tous ces messieurs qui se resouviennent de moy, et outre les messieurs, madame du Foug, de laquelle je suis bien humble et obligé serviteur..

  A011003653 

 C'est maintenant, a ce que je voy, quil fera bon estre de voz amis a qui en voudra avoir a Romme et a Turin.

  A011003674 

 L'autre raison qui m'esmeut beaucoup, c'est que la trefve estant sur le poinct de finir, il ne faut doubter que [421] si elle estoit finie ou rompue l'ennemy courroit quant et quant du costé de Tonon, quand ce ne seroit que pour abbattre l'autel lequel vous auriez fait construire..

  A011003675 

 Je ne fauldray, incontinent apres qu'il sera arrivé, de luy en parler, tant pour sçavoir s'il apporte point de commandement de Son Altesse sur ce faict, que pour entendre ce qui luy en semblera; et sera bon que vous luy en escriviez, affin qu'il s'en prenne quelque bonne resolution entre luy et monsieur de Lambert, lequel m'a dit que si la trefve est continuee il viendra le voir.

  A011003695 

 Mais ilz sont bien d'advis que pour ce qui reste a faire de plus, vous attendiez quelque commandement plus expres de Son Altesse, pour ne contraindre Son Altesse de venir aux remedes violens qui seroient necessaires si ces messieurs faisoient quelque insolence qui cust forme de mespris ou de rebellion; car en somme, comme vous escrivez, ilz n'ont point capitulé avec Son Altesse..

  A011003695 

 je l'ay aussy sceu de monsieur le prenaient Pobel, qui a tousjours presidé au Conseil d'Estat en l'absence de monsieur de Jacob; j'en ay encores parlé a monsieur de Jacob, qui me dit n'avoir ouy aucunes plaintes de vous, ny deça ny dela les monts, au contraire toutes les voix du monde favorables a vostre reputation, et l'un et l'autre treuvent bon ce que vous avez fait et que vous continuiez, estant bien resolus, si quelqu'un de ces messieurs vient se plaindre a eux, de luy bien laver la teste sans savon.

  A011003697 

 J'ay de rechef recommandé a monsieur le president Pobel l'affaire de ce bon gentilhomme de Tonon, et a monsieur Chaven encor qui m'avoit promis merveilles sans y avoir encor rien fait; et l'un et l'autre m'ont promis de le favoriser pour amour de vous, et de la plus briefve expedition qu'il sera possible..

  A011003698 

 Excusez ma haste, et tenez moy in infinitum, extensivè et intensivè, pour celuy qui est,.

  A011003698 

 Monsieur l'Evesque de Sainct Paul se recommande a vos bonnes graces et m'a asseuré d'avoir fait tenir vostre pacquet a Monseigneur [423] le Nonce, qui doit l'avoir receu ja des samedy dernier.

  A011003703 

 Ma maistresse et voz neveux vous baisent les mains; aussy fay je moy a tous ceux de qui vous m'escrivez.

  A011003718 

 Je vous escrivois qu'ayant conferé avec monsieur le president Pobel et autres seigneurs du Conseil d'Estat, j'avois sceu que le scyndic Vernaz, qui estoit venu en ceste ville, ne s'estoit aucunement plaint de vous, et que quand luy ou quelque autre viendroit a si mauvaise fin, on luy lavera bien la teste.

  A011003719 

 Qu'y feriez vous, mon Frere? Il faut prendre ceste mortification et la joindre a tant d'autres qui ont esprouvé vostre patience.

  A011003721 

 Si faut il qu'encor je vous die que j'ay receu par monsieur de Jacob les patentes de Son Altesse, qui me permet d'aller en Genevois en retenant mon estat de senateur avec mes gaiges.

  A011003722 

 Je le porte impatiemment pour le desir que j'ay de vous voir, et monsieur vostre pere, avec tout ce qui est de la suite.

  A011003722 

 Mais je me console en l'esperance qu'entre cy et la, Son Altesse fera lever ceste gendarmerie qui ruine tout le pauvre Genevois, ou du moins la cavallerie.

  A011003722 

 Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est en ceste volonté, et que cela seroit ja fait, sans l'advis qui vint a nostre court de la contagion reprise a Necy, lors qu'on estoit sur le poinct d'en faire les depeches.

  A011003723 

 J'ay escrit bien au long a Monsieur nostre pere par l'homme de Necy qui m'apporta la lettre de messieurs du Conseil; je m'asseure que la lettre luy aura esté rendue.

  A011003741 

 Maintenant je me passeray [426] de luy, et au premier Conseil d'Estat, qui se tiendra demain comme j'espere, j'auray quelque bonne provision, a ce que me fait esperer monsieur le president Pobel, auquel j'en ay parlé ja des long tems et qui m'a promis toute la faveur qui luy sera possible.

  A011003741 

 Vous m'avez osté d'une extreme peine me faisant sçavoir de voz nouvelles et m'envoyant la requeste de ce bon gentilhomme qui languit des si long tems; car ayant eu je ne sçay combien de fois la main a la plume pour vous escrire, j'ay tousjours esté retenu et empeché par honte que j'ay du tort que nous avons, monsieur Chaven et moy, de l'avoir abusé si longuement.

  A011003742 

 Ce pendant tenez vous joyeux, nonobstant les traverses ou nonchalances de ceux qui devroyent vous ayder en ceste vostre si saincte entreprise; vostre patience a desja vaincu les plus grandes difficultés, j'estime que ce qui reste a faire ne vous peut estre que subjet d'honneur et de contentement.

  A011003742 

 J'en ay escrit a monsieur vostre pere ce qui m'en sembloit..

  A011003742 

 Je ne vous escris rien de ce malheureux acte qui s'est naguieres commis a Mussel, tant pour n'en avoir le loisir que pour n'interrompre voz devotes pensees d'un si fascheux entretien.

  A011003743 

 J'ayme mieux vous parler de monsieur Locatel, nostre frere, qui m'a chargé par sa derniere lettre de vous baiser bien humblement les mains, et vous advertir qu'il est pere d'une Marguerite.

  A011003759 

 J'avoy differé quelques jours de vous escrire tout expressement pour donner loisir a mes depeches de venir, affin de vous entretenir desormais de quelque subjet plus aggreable que ne sont ces esperances languissantes qui nous ont morfondus despuis tant de mois.

  A011003759 

 Je ne pouvois desirer lettres plus favorables que celles qui m'ont esté escrittes par Leurs Excellences, outre les patentes.

  A011003762 

 Vostre commere vous salue pour elle et pour son petit François qui se fait tous les jours plus gros que grand; nostre frere de mesme, avec toute la brigade; mais moy plus que tous, qui suis,.

  A011003813 

 Mando qui alligata la commissione al signor Vicario di Geneva che assolva et dispensi sopra quelle persone che hanno contratto matrimonii in gradi prohibiti, et si potrà regolare conforme alla stessa commissione..

  A011003829 

 Vedo che Ella sta con pensiero della tarda spedittione che si fa qui circa li curati di Ciables, et con gran causa, per il zelo che Dio benedetto le ha dato della conversione di quelle anime.

  A011003949 

 Et insieme aspetto avviso delli theologi che se havessero bisogno per questa conferentia, perchè io ho authorità da Nostro Signore di avvalermi di tutti li Religiosi; et qui in Torino ci sono dei valentissimi Gesuiti, cioè un francese et un italiano, il quale è Rettore del collegio, et quando s' havesse a venire a conferentia et che V. S. giudicasse la venuta loro utile, io li mandarci subito subito.

  A011003988 

 Assicuro ben V. S. che la tenerà per poco tempo, perchè Sua Altezza l' ha destinata a cose maggiori, et se io me trovarò qui nella vacanza sarò diligentissimo procuratore.

  A011004039 

 Pochi giorni sono fu qui il signor Presidente Fabro, il quale io conobbi con grandissimo mio contento per haver trovato in lui tutte ciucile parti di pietà et di dottrina che V. S. mi haveva testificato con le sue di 25 d'Aprile et di 18 di Maggio.

  A011004061 

 A quoy vous continuerez avec la dexterité et prudence que vous sçavez convenir, ayant escript au sieur de Lambert qu'il a tres bien faict de secourir le ministre qui se veult catholiser, ainsy que vous et luy Nous escripvez..

  A011004079 

 A ceste cause, ayant remarqué la doctrine, vie exemplaire et autres rares qualitez qui reluisent en nostre tres cher et bien aymé Orateur Messire François de Sales, Prevost de Sainct Pierre de Geneve, heu d'allieurs esgard aux travaux que cy devant il a supportez et a present supporte a la conversion des devoyés de nostre religion riesre nostre Duché du Chablais, de quoy nous sçavons aussy Sa Saincteté estre bien informee, avons par ces presentes, en vertu des concessions et indultz que Nous avons du Sainct Siege Apostolique, icelluy nommé et presenté, nommons et presentons audict Evesché de Geneve, suppliant Tres Sainct Pere le Pape et le Sacré College des Cardinaulx quilz veuillent a nostre nomination prouvoir ledict Messire François de Sales dudict Evesché, soit par coadjutorie ou autrement, luy octroyant les despeches sur ce necessaires..

  A011004079 

 A tous ceux qui ces presentes verront sçavoir faisons qu'estant deuement informé du sainct zele que tres Reverend Pere en Dieu, nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur Messire Claude de Granier, Evesque de Geneve, a de faire colloquer en son Evesché, par coadjutorie ou autrement, homme cappable de telle charge, conforme a nostre intention, qu'a tousjours esté qu'es benefices dependantz de nostre nomination les personnes mentantes soient preferez aux aultres.

  A011004113 

 De quoy je reçois un tres grand contentement, attendu que nostre attente nous a appourté ce bon heur que d'y avoir un tant principal Prelat, lequel Nous attendrons audict lieu, ou Nous nous acheminerons a l'advantaige; vous en ayant bien voullu donner [advis] a celle fin, que ce pendant vous vous disposiez a une bonne patience qui se terminera a ladicte venue, sans aultre dilation..

  A011004113 

 Sur l'advis que Nous avons heu du passage du Legat par nostre Estat et par le pays de Valley, nous depeschames hier un courrier au Pere Cherubin pour le prier de differer les Quarente Heures jusques [449] au [28] du present, qui sera justement le jour de son arrivee a Thonon.

  A011004129 

 Je vous prie qu'un peu de temps ne nous soit vendu si cher, comme il seroit si icelle (sic) se faisoit sans Nous, qui Nous causeroit un regret inevitable.

  A011004129 

 Par mes antecedentes lettres, vous aurez sceu de la venue du Legat et le desir qu'avons qu'il se treuve aux Quarente Heures, qui les sollempnisera beaucoup plus; et seroit bien marry si pour un peu de temps luy et moy en perdions la commodité.

  A011004143 

 Peu appres la lettre que vous avons escript du jourd'huy est arrivee la vostre du dix huictiesme, qui Nous appourte un tres grand contentement et ensemble remplit de toutte consolation, voyant tant d'ames bien disposees pour se remettre au vray chemin.


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres.html
  A012000020 

 Bonne harmonie qui règne entre l'Archevêque de Vienne et l'Evêque de Genève.

  A012000031 

 — Tribulations qui ont fondu sur cette province.

  A012000034 

 — Mauvais vouloir de ceux qui devraient les favoriser.

  A012000055 

 Remerciements des avances affectueuses qui lui sont faites.

  A012000078 

 — La trop grande multiplicité de désirs est contraire à la perfection; il faut exécuter ceux qui sont le plus à notre portée et restreindre les autres.

  A012000080 

 Ordonnance relative au choix des dignitaires qui doivent assister l'Evêque aux offices de la Fête-Dieu. 107.

  A012000085 

 Il les engage à accepter une fondation qui leur est offerte pour l'entretien de quatre enfants de chœur.

  A012000090 

 Exposé des différends qui existent entre le Chapitre de la cathédrale et celui de Notre-Dame de Liesse pour une question de préséance.

  A012000095 

 Recommandation en faveur d'un homme qui désirait affermer la terre de Duingt.

  A012000096 

 Réponse à l'invitation qui lui est faite d'aller prêcher le Carême à Dijon. 125.

  A012000102 

 Exposé des causes qui ont provoqué l'apostasie du Chablais: pression exercée par les Genevois.

  A012000103 

 Tous les monastères de Savoie, ceux des Chartreux exceptés, ont besoin de réforme; autorité requise à celui qui entreprendrait cette œuvre.

  A012000122 

 — Secret que doit garder le pénitent sur ce qui est dit en confession.

  A012000133 

 — Signes auxquels on peut le reconnaître; défauts qui lui sont opposés.

  A012000139 

 — D'une certaine impuissance spirituelle et des tentations qui en dérivent.

  A012000139 

 — Deux sortes de bonnes volontés: l'une qui remplit l'enfer, l'autre le Paradis.

  A012000156 

 Raisons qui ne permettent pas de donner au fils de ce seigneur la cure et le doyenné de Vuillonnex. 222.

  A012000159 

 Plaintes contre les syndics de Thonon qui refusent de remettre aux Jésuites le prieuré de Saint-Hippolyte; combien il est urgent d'obtenir cette cession.

  A012000162 

 — Difficultés qui entravent la poursuite de l'affaire.

  A012000199 

 Mays au reste il y reluit presque par tout une courtoisie et maintien angelique, sur tout en nos trois commissaires, les Cardinaux Burghesio, Arigo ne et Bianchetto, et par excellence au Cardinal Baronius, qui nous a portés de toute sa faveur tant vers Sa Sainteté que vers les Cardinaux..

  A012000201 

 Et parce quil ni a point de Nonce en France, il a fallu attendre qu'on en deputast un, qui est Monseigneur de Modene, lequel est arrivé icy et prend ses memoires pour partir, et entre autres il en aura des bonnes pour nos affaires, comme m'a dit encor ce mattin le Cardinal Aldobrandino.

  A012000201 

 Quand a la commission que j'avois premiere et principale, je l'ay sollicitee et vers Sa Sainteté et vers l'Aldobrandino le plus vivement que j'ay sceu, et pour toute resolution on a escrit a Monseigneur nostre Nonce quil traitte avec Son Altesse, affin qu'il ne prenne aucune resolution touchant le point duquel on le sollicitoit qui pourra servir d'une reelle et legitime rayson de refus a sadite Altesse.

  A012000202 

 Le Cardinal Sainte Severine me dit que Monseigneur le Nonce sollicitoit de me faire depescher pour aller vers vous en l'absence du bon P. Cherubin, lequel, a ce qu'on nous advise de deça, est tumbé en une tres lamentable [4] infirmité; et Sa Sainteté et ces messieurs du Saint Office, bref tous les bons, regrettent infiniment cest accident, et pour la valeur de la personne, qu'il rend inutile, et pour le bruit qu'en feront les adversaires, qui, n'ayant aucune rayson pour leur opiniastreté, font bouclier de tous les sinistres evenemens qui nous arrivent, pour naturelz et ordinaires quilz soyent.

  A012000203 

 Je serois ingrat si je ne vous donnois advis que nous avons icy le seigneur chevallier Buccio, prieur de Contamine, qui s'employe pour nous a bon escient, et le seigneur Bartholommeo Bonesio, cameriero secreto di Sa Sainteté..

  A012000221 

 Ce fidele amy ne s'empressera que trop pour escrire en Savoye les signes de bonté paternelle dont le Pape m'a honnoré, qui m'obligent d'estre plus que jamais bon enfant et bon serviteur de la sainte Eglise Romaine; mays quoy que nos amis escrivent, souvenes vous que nos amis exagerent aussi souvent nostre bien que nos ennemis exagerent nos maux, et qu'en fin nous ne sommes que ce que nous sommes devant Dieu.

  A012000234 

 Qui in Turino salutai Monsignor Arcivescovo etiandio a nome di V. P. molto R da, laquale egli protestò di riverire molto.

  A012000237 

 Fra tanto li signori Cavaglieri di San Lazaro, sapendo ch'io portavo il Breve di Sua Santità col quale si dà authorità a Monsignor di Geneva di applicare le loro entrate che hanno nelle parrochie convertite, alla sustentatione de'curati, pastori et prædicatori, mi fan citare per render ragione della mia villicatione, et son stato costretto di fermarmi qui sin tanto che Sua Altezza mi ha spedito; onde spero di partire quanto prima, sì per uscir fuori de questi pericoli, che in vero sonno da stimare, sì anco per ritornar all' opera.

  A012000256 

 Elle en fut contente, sauf de l'examen qui, de prime abord, lui parut hors de propos; mais après avoir entendu mes raisons, elle en demeura satisfaite.

  A012000256 

 Ici à Turin je n'ai pas manqué de saluer M gr l'Archevêque au nom de Votre très Révérende Paternité, pour qui il m'a protesté avoir une grande estime.

  A012000259 

 Cependant MM. les Chevaliers de Saint-Lazare sachant que j'étais porteur du Bref de Sa Sainteté qui confère à M gr de Genève l'autorité d'appliquer à la subsistance des curés, des pasteurs et des prédicateurs les revenus qu'ils ont sur les paroisses converties, me font citer pour rendre raison de mon administration.

  A012000259 

 J'ai donc été contraint de m'arrêter ici jusqu'à ce que Son Altesse me congédie; néanmoins j'espère partir au plus tôt, soit pour sortir de ces périls, qui vraiment sont à considérer, soit aussi pour retourner à l'œuvre.

  A012000260 

 De Turin on peut dire: Comment est-elle devenue deserte? puisque chacun fuit, si ce n'est le prince qui se dispose néanmoins à sortir lui aussi.

  A012000260 

 On espère que Son Altesse ira en France, où elle est ardemment [10] désirée par le roi, qui a chargé le prince de Conti et le comte de Soissons d'aller à sa rencontre jusqu'aux frontières, et de le conduire ensuite là où se trouvera Sa Majesté, avec tous les honneurs que l'on a coutume de lui rendre à elle-même; c'est ce que la princesse de Conti écrivit par un exprès à son chargé d'affaires en cette cour de Savoie.

  A012000298 

 Il reste que Votre très Illustre Seigneurie, de son côté, ne tarde pas à s'y rendre, afin de terminer ce qui concerne [13] le service de Dieu et des âmes dans ces bailliages de Thonon et Ternier, puisque je vois que Votre très Illustre Seigneurie a été nommée pour assister à l'exécution du Bref du Siège Apostolique..

  A012000323 

 Monsieur, je prie Dieu de tout mon cœur pour vostre prosperité, et vous supplie croire que vous ne sçauries donner credit vers vous a l'intercession d'homme du monde qui soit plus entierement et fermement,.

  A012000343 

 Potendo adesso scrivere per ritrovarme qui in Chiamberi, dirò a V. S. Ill ma et R ma che le cose della conversione in Chiablais et altri balliaggi, sì come non vanno in dietro, così non vanno nè anco molto inanzi, perchè il progresso dipende delli servitii et essercitii catholici, liquali non si ponno fare con quella decentia et splendore [17] che converria in questi principii, per mancamento de denari et altri mezzi necessarii; poichè nè anco li sacerdoti stabiliti in quelle parti hanno le provisioni necessarie alla necessaria sustentatione, sì che se Monsignor R mo Vescovo non li havesse incantati con varie lusinghe et belle parole, non cie ne saria restata la mezza parte.

  A012000346 

 Io son [20] venuto qui per la lite del benefitio di Bornando, il quale essendomi stato concesso per gratia di V. S. Ill ma et R ma, vien occupato da altri senza titolo, et spero che fra poco me ne vederò liberato..

  A012000356 

 Per esser li passi di Roma chiusi, supplico V. S. Ill ma di commandare che si invii il plico qui giunto..

  A012000369 

 La cause de ceci est que Son Altesse Sérénissime ayant député M. le premier Président du Sénat et M. le chevalier de Ruffia pour assister à la répartition que M gr l'Evêque doit faire, selon l'ordre du Saint-Siège, des parts nécessaires aux curés, prises sur les bénéfices des bailliages, le susdit chevalier, qui, lorsque je partis de Turin, devait venir immédiatement, n'a jamais paru.

  A012000369 

 Me trouvant maintenant à Chambéry, je puis écrire à Votre Seigneurie, et lui dire que si bien les affaires de la conversion du Chablais et des autres bailliages ne reculent pas, de même aussi n'avancent-elles pas beaucoup; car le progrès dépend des offices et des exercices du culte catholique qui, faute d'argent et d'autres moyens [17] nécessaires, ne peuvent se faire avec la décence et l'éclat qui seraient convenables dans ces commencements.

  A012000370 

 Cependant il est très vrai que parmi les convertis aucun n'a jamais fait mine de regarder en arrière; toujours ils se fortifient dans la foi, tandis qu'il s'en convertit d'autres qui étaient des plus obstinés dans l'hérésie.

  A012000371 

 J'attends avec un grand désir l'extension en dehors de la confession sacramentelle de la faculté qui m'est concédée d'absoudre les hérétiques, car cela est nécessaire.

  A012000371 

 Vraiment, si dans la conclusion de la paix on fait un effort pour faire resplendir l'exercice du culte et la doctrine catholique en ce pays, je suis sûr que nous verrons la gloire de Dieu et que peut-être, selon la Loi, les possessions seront, pendant ce Jubilé, restituées à leurs anciens maîtres; car on voit clairement que toute la résistance faite par les ministres Genevois provient moins du courage ou de l'ardeur qui leur reste que de rage et de désespoir; en sorte que si nous les pressons un peu énergiquement, c'en est fait d'eux, et leur peuple, déjà fatigué des sornettes qu'ils débitent, prêtera facilement l'oreille à la vérité.

  A012000373 

 Il s'agit de pauvres gens qui ont... échangé des promesses de mariage; voulant ensuite en venir a l'exécution, on a découvert qu'ils étaient parents au troisième et quatrième degré, ce qu'ils n'avaient pas su jusqu'alors.

  A012000374 

 Que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime me pardonne si j'outrepasse les règles de la discrétion en lui écrivant avec tant d'importunité, car je n'ai vraiment personne à qui recourir sinon [21] à sa bonté; Elle me l'a témoignée tant de fois que je ne puis faire difficulté de la réclamer.

  A012000395 

 Ma incontrando per strada il signor Governatore di questa provincia insieme con monsieur d'Avulli, liquali gli hanno dato nuova del dono di dodeci millia scudi dati da Sua Altezza per riscuotere il priorato di Sant' Hipolito di questa terra, con altri beni ecclesiastici per dotar il collegio già destinato de' Reverendi Padri Giesuiti, [25] onde egli è ritornato per farne fare la cessione alli possessori et spedir il negotio; il che havendo fatto molto bene, parte domani per la prima impresa, lasciandome qui, sì per prædicar, già che non ciè altro predicatore, sì anco per darglie raguaglio delle occurrentie et servire Monsignor di Vienna..

  A012000395 

 Perchè (sic) non comparendo il signor cavaglier Rufia, non si è potuto essequire il Breve di Sua Santità sin adesso; per questo, et per altri importantissimi negotii, Monsignor R mo Vescovo nostro si partì Domenica passata per andarsene alla volta di Annessi, credendo di passar quindi in Chiamberi per trattar con Sua Altezza Serenissima acciò si finisca horamai quello negotio fundamentale per questa opera, et che li curati, huomini di pezzo (sic) che qui s'affaticano, non habbino più quelle incommodità et bisogni che sin adesso han patito.

  A012000396 

 Onde fia bisogno che senza indugio si mandino li denari in Chiamberi al P. Rettore del collegio, chiamato P. Stephano Bartolone, il qual poi li mandarà qui senz'altro.

  A012000396 

 È vero che il P. Bernardino Castorio, il quale havendo predicato qui un pezzo partì la settimana passata, et è pur ritornato con Monsignor R mo et se ne parte anco domani insieme con Sua Signoria R ma, mi ha detto che non solo saria bisogno di haver li denari nello istesso tempo che giungeranno qui li Padri della missione, ma sarebbe espediente che cie ne fosse prima per farglie il viatico dalli luoghi di donde partiranno sin qui..

  A012000417 

 Dieu soit loué de ce que ces évènements se rencontrent sous le pontificat d'un Pape si zélé, pendant la nonciature de Votre Seigneurie, et que l'information soit confiée à un Prélat doué de tant de sagesse comme est M gr de Vienne, qui, par la grande expérience qu'il a de nos mœurs ultramontaines, en est singulièrement capable.

  A012000417 

 On ne pourra jamais faire si bien qu'il ne soit mieux de faire [24] davantage encore pour déraciner l'arbre maudit, qui, étendant sur tant de parties du christianisme ses feuilles vénéneuses, est planté et enraciné tout près d'ici.

  A012000418 

 C'est pourquoi il est revenu ici pour faire exécuter cette cession aux propriétaires et terminer la négociation; l'ayant heureusement achevée, il part demain pour effectuer son premier dessein, et me laisse ici soit afin de prêcher, puisqu'il n'y a pas d'autre prédicateur, soit pour l'informer de ce qui peut survenir, et servir M gr de Vienne..

  A012000418 

 Pour cette raison et d'autres affaires très importantes, M gr notre Révérendissime Evêque prit Dimanche dernier la route d'Annecy, comptant passer de là à Chambéry, afin de traiter avec Son Altesse Sérénissime et terminer une bonne fois la négociation fondamentale de cette œuvre, en sorte que les curés, hommes de mérite qui se fatiguent ici, n'aient plus à souffrir les privations et les nécessités qu'ils ont endurées jusqu'à présent.

  A012000419 

 Il est donc nécessaire que l'on envoie sans retard l'argent à Chambéry, au P. Recteur du collège, appelé P. Etienne Bartoloni, qui l'enverra ensuite ici sans autre délai.

  A012000419 

 J'écris au P. Provincial des Jésuites pour hâter la venue des six Pères que Sa Sainteté veut entretenir à ses frais; je suis sûr que nous les aurons au commencement du mois prochain, ce qui sera une grande consolation pour les pasteurs et pour le peuple.

  A012000470 

 Essendo poi giunto qui son andato ritardando di giorno in giorno di mandarglie le lettere et cose qui alligate, sperando di poterle inviare per mezzo del signor figluolo del Barone di Chivron, il quale si credeva di partir ogn' hora; sin tanto che vedendo passar via il tempo, mi son risolto di non aspettar più, anzi dar più presto il plico alle mercè de' corrieri..

  A012000493 

 Etant enfin arrivé ici, j'ai tardé de jour en jour à expédier les lettres et les pièces ci-incluses, espérant les envoyer par le fils du baron de Chevron qui se croyait toujours sur le point de partir; mais voyant passer le temps, j'ai résolu de ne plus attendre et de livrer plutôt le pli aux courriers..

  A012000493 

 Non pas que la contagion soit à Annecy, par la grâce de Dieu; mais le seul respect dû à la personne du prince exige que nul venant des lieux qui ont été infectés, encore qu'ils soient entièrement purifiés, ne se présente à la cour que longtemps après la quarantaine.

  A012000494 

 J'ai reçu en route une lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et [32] Reverendissime du 14 octobre, et une autre du 2 de ce mois, ainsi que deux autres qui y étaient jointes, pour M gr l'Archevêque de Vienne auquel je me suis empressé de les faire parvenir sûrement.

  A012000495 

 L'autre partie doit être employée à recouvrer un doyenné, ce qui ne peut se faire jusqu'à ce que le gentilhomme qui l'avait acheté soit revenu de Paris: ce retour, on l'espère, sera prochain.

  A012000495 

 Par la première lettre de Votre Seigneurie je vois la consolation qu'Elle a éprouvée du don fait par Son Altesse; une grande partie est déjà effectuée et versée, car Son Altesse a racheté, au prix de sept mille écus, le prieuré de Thonon qui est destiné au collège.

  A012000496 

 Le P. Bartoloni a reçu les cent huit écus expédiés par Votre [33] Seigneurie Illustrissime; il a aussitôt envoyé à Thonon un Père prédicateur, qui y est arrivé le dernier jour d'octobre.

  A012000497 

 J'ai reçu l'absolution pour ces pauvres âmes qui ont contracté mariage au troisième et quatrième degré, ce dont je remercie l'infinie charité de Votre Seigneurie Illustrissime.

  A012000497 

 Je sais que c'est au zèle, à la bonté et prudence de Votre Seigneurie que l'on doit de toute façon en attribuer le succès; s'il est [34] tel que je l'espère, il sera très glorieux à Sa Sainteté, très honorable à Votre Seigneurie, principal instrument d'une si grande œuvre, très utile à la sainte Eglise, particulièrement à ces populations; et, ce qui importe davantage, plus agréable au Seigneur notre Dieu que tout ce que l 'on a vu par le passé: Ce sera une montagne élevée pour les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons..

  A012000497 

 Jusqu'ici je n'ai eu aucune lettre du P. Chérubin mais seulement de Révérend Clerici, qui m'a renseigné sur les affaires que l'on traite à Rome avec beaucoup d'ardeur.

  A012000499 

 J'ai obtenu de Son Altesse une aumône de trente écus d'or pour les frais de voyage d'une femme milanaise qui, étant sortie de Genève aces trois fils et quatre filles en âge de se marier, veut retourner catholique à Milan; mais je ne crois pas qu'elle puisse passer de [35] si tôt.

  A012000534 

 J'ai écrit à Votre Seigneurie qu'un Père Jésuite prédicateur s'était rendu à Thonon; maintenant ils sont deux, car un de ses confrères l'a rejoint le jour [38] de saint André, et bientôt arriveront les autres qui nous sont envoyés d'Avignon..

  A012000535 

 Je ne crois pas pourtant que Sa Sainteté veuille suspendre les nôtres, qui non seulement ne sont pas moins nécessaires cette année qu'en tout autre temps, mais qui le sont même davantage.

  A012000535 

 Le P. Recteur des Jésuites m'a soulevé une difficulté touchant les pouvoirs qui nous ont été concédés pour absoudre les hérétiques; à savoir, que la veille de Noël de l'année jubilaire Sa Sainteté a coutume de déroger généralement à tous les privilèges précédemment accordés.

  A012000536 

 J'ai cru devoir informer de tout cela Votre Seigneurie Illustrissime; car ayant obtenu par sa bonté cette grâce de notre Saint-Père, de même ai-je besoin de ses faveurs pour la suite du procès que je me propose de poursuivre, afin de ne pas ouvrir la porte aux fraudes qui se font au préjudice du concours; ce dont notre bon Sénat se soucie fort peu.

  A012000537 

 J'espère que, grâce à ce voyage, on résoudra tout ce qui se rattache à ces questions..

  A012000538 

 En attendant je prie Dieu d'accorder toutes sortes de contentements à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, à qui je baise les mains en toute humilité, la suppliant de me pardonner si j'ose lui exposer avec tant de liberté les choses qui me sont personnelles; mais les témoignages d'extrême bienveillance tant de fois reçus m'encouragent en ces rencontres....

  A012000564 

 Mais si la divine Bonté a donné jusqu'à présent des témoignages de protection à cette œuvre, il me semble qu'en voici un très signalé et très certain, à savoir, que le Souverain Pontife en prenne le soin et la sollicitude qu'il a coutume d'avoir pour ce qui touche le service du Sauveur, dont il est le lieutenant sur la terre..

  A012000565 

 On ne pouvait, en effet, désirer un plus ardent et vigoureux défenseur et promoteur parmi ces forts et vaillants qui entourent le lit sacré de Salomon; de sorte qu'il est désormais évident que le Christ veut, par l'entremise du Saint-Siège, nous être un Dieu protecteur et une maison de refuge.

  A012000592 

 Or, puisque le rapport envoyé par M gr l'Archevêque de Vienne est bien plus clair et étendu, il me semble ne pouvoir rien ajouter à cette réponse sinon en ce qui concerne nos ecclésiastiques.

  A012000592 

 Outre ceux-ci, nous en avons plusieurs qui, sans être docteurs, sont cependant très instruits, et d'autres en assez grand nombre qui prendront leurs grades cette année à Avignon.

  A012000593 

 Il a fait venir pour mille écus de livres, avec intention d'employer les années qui lui restent au bien de sa patrie, et cependant, faute de ressources, il n'a pas encore pu ouvrir ces livres ni utiliser son savoir; car, bien qu'il soit chanoine de l'Eglise de Genève, néanmoins, étant maladif et âgé déjà de cinquante-cinq ans, il endure, à la faim près, une grande pauvreté.

  A012000593 

 Mais ce qui nous arrête c'est que nous n'avons nul moyen de procurer à ces hommes de mérite un logement convenable à leur [46] condition et à leur office.

  A012000594 

 J'ai voulu dire ceci à Votre Seigneurie Illustrissime pour lui exposer sommairement les obstacles qui s'opposent au progrès du service de Dieu dans ces contrées.

  A012000631 

 Io supplico il signor Secretano di V. S. Ill ma che si degni inviare il plico qui alligato..

  A012000639 

 C'est ce qui inspire la plus grande inquiétude aux pasteurs destinés à la garde de ces brebis; car le reste n'est pas de leur ressort..

  A012000640 

 M gr de Vienne s'était retiré en un lieu de ce diocèse, qui appartient, quant à la juridiction temporelle, partie à la Savoie et partie aux Valaisans; mais ceux-ci lui ont fait intimer l'ordre de se retirer, sous peine de confiscation des biens qu'il possède sur leur territoire.

  A012000659 

 Or Dieu, qui est Seigneur de nos vies, soit a jamais loué de toutes ses volontés..

  A012000659 

 Sur la lettre que monsieur de Sanci m'escrivoit pour me rendre solliciteur aupres de vous de son intention, j'ay ouvert celle quil vous escrivoit, appuyé tant sur la creance qu'il vous plait prendre en la fidelité de l'affection que j'ay a vostre service, qu'aussi sur la crainte que j'avois que ce ne fut pour chose qui meritast que j'allasse aupres de vous pour en entendre vos commandemens.

  A012000676 

 Ho sentito una grandissima consolatione dalla lettera che Vostra Paternità molto R da si degnò inviarmi per il [54] signor Philippo de Quoex, et ciò per più ragioni; ma particolarmente perchè da quella ho conosciuto che non solo di me, ma di tutta questa provincia tiene singolare memoria et sollecitudine, laquale non può esser senon molto giovevole, sì come sin adesso è stata, et massime in questi tempi tanto calamitosi nelli quali sedet quasi vidua et oppressa amaritudine, nec est qui consoletur eam ex omnibus caris ejus..

  A012000696 

 Cette sollicitude ne peut lui être que très avantageuse, ainsi qu'elle l'a été jusqu'à présent, surtout en ces temps si calamiteux, durant lesquels elle est devenue comme une veuve accablée d'amertume, et de tous ceux qui lui étaient chers il n'en est pas un seul qui la console..

  A012000705 

 Je ne veux pas manquer de vous avertir que l'affaire de la coadjutorerie n'a eu aucun succès ni avancement depuis l'examen; c'est pourquoi, si vous me favorisez de vos lettres, je vous supplie de ne pas me donner un titre qui ne me convient pas..

  A012000735 

 Je lui donnerai en [57] même temps une consolation: celle de lui apprendre que si bien à Thonon et à Ternier, d'où je revins seulement le Dimanche de la Quinquagésime, on a beaucoup souffert sous le gouvernement de M. de Montglat, huguenot, et par les diverses embûches des Genevois (à Ternier surtout ils ont exercé une tyrannie, et commis à l'égard des choses sacrées des indignités qui ne se peuvent dire), néanmoins, malgré tout cela, parmi un si grand nombre de convertis il ne s'en trouvera pas quatre qui soient retombés, et encore sont-ils de basse condition.

  A012000795 

 Je vous supplie ensuite de daigner me continuer vos bonnes grâces partout où vos mérites vous porteront, et de croire que jamais vous n'aurez un serviteur qui soit plus que moi dédié à votre obéissance, quoique je sois inutile..

  A012000796 

 Pour ce qui concerne les âmes, j'ai trouvé que, malgré la guerre, le nombre des convertis s'est accru depuis Noël, bien que sous la domination du lieutenant du gouverneur donné par le roi de France, lequel pendant qu'il était là était huguenot au suprême degré, quelques brebis se fussent d'abord égarées; mais elles sont peu en quantité et nulles en qualité.

  A012000797 

 Mais quant au moyen de doter les églises, la difficulté est très grande pour les mêmes raisons qui ont existé jusqu'ici: c'est-à-dire Tous cherchent leurs intérêts, jusqu'à M. le Prévôt du Grand-Saint-Bernard qui, sous certaines prétentions de nominations qu'il [63] avait avant l'invasion de l'hérésie, traverse cette œuvre partout où il peut, et lui, qui n'a jamais paru au temps du labeur, veut maintenant s'emparer des bénéfices; de sorte que, craintes au dehors, combats au dedans.

  A012000799 

 Là aussi il faudra pourvoir de pasteurs, car ce bailliage est maintenant entièrement huguenot et occupé par les Genevois, qui demeureront bien compromis par l' Intérim s'ils sont contraints de restituer les biens ecclésiastiques.

  A012000821 

 Je n'ignore pas avec quel empressement cette excellente mère Vous avertira de mon passage, elle qui m'a embrassé avec une [68] âme débordante de joie, et qui n'eût pas consenti à me laisser partir si je ne l'avais contrainte à constater combien est urgente la cause de mon départ.

  A012000821 

 Vous-même, du reste, pouvez juger de cette urgence, puisqu'elle m'oblige à m'éloigner sans vous saluer, vous qui alliez si tôt revenir, vous qu'une si petite distance séparait de moi! Il s'agit de la religion; or, cette cause qui est la première pour tous, doit l'être surtout pour moi, qu'elle soulève et entraîne avec tant de force.

  A012000846 

 Bien que d'après ce qui m'a été dit par M. le président Favre et M. le baron de Chevron je sache que peut-être cette lettre ne parviendra pas entre vos mains pendant votre nonciature, je ne veux pas toutefois laisser de vous donner connaissance de deux choses, au succès desquelles votre autorité et votre bonté pourront beaucoup aider à l'occasion..

  A012000847 

 L'une concerne l'extension de la sainte foi près de Genève, dans le bailliage de Gex, qui appartient à ce diocèse, et s'étend des confins de la Bourgogne et du pays des Bernois jusqu'à un demi-mille de Genève.

  A012000847 

 M. le baron de Lux, qui en a pris possession au nom du roi, a déclaré que l'intention du roi lui-même était que l'exercice du culte catholique y fût rétabli au moyen de l' Intérim de la même manière qu'il se pratique en France.

  A012000847 

 Mais parce que l' Intérim français veut que les biens ecclésiastiques et les églises soient rendus aux prêtres, aux évêques et autres, les Genevois, qui détiennent les terres et les revenus de M gr de Genève, de son Chapitre et d'autres églises, ont protesté que cet Intérim ne devait leur préjudicier en rien.

  A012000849 

 Ce n'est pas certes que je désire cette dignité, dont le poids m'a toujours paru formidable, surtout dans ces temps de confusion et de trouble; [72] mais c'est pour ne pas résister à l'avis de tant de gens de bien qui ont jugé que je ne devais plus retarder cette affaire.

  A012000849 

 Cette église est dépouillée de la plus grande partie de ses revenus, qui sont entre les mains des ennemis de la foi; de plus, il y a tant de travaux à supporter que son Evêque ne peut manger qu'au prix de beaucoup de sueurs le peu de pain qu'elle lui donne..

  A012000851 

 Je lui remets donc entièrement le succès de ceci et de tous mes autres projets, la suppliant de conserver pour l'utilité de son Eglise Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, à qui je baise très humblement les mains... [74].

  A012000862 

 Et perchè se quella restitutione si fa sarà uno di (sic) grandi colpi che habbino sentito quelli hæretici sin adesso, mi è parso convenevole di dar raguaglio di questa occasione a V. S. Ill ma et R ma, acciò che anco lei adopri il suo santo zelo in promovere questa impresa con raccommandarla alla Santa Sede; che per questo Monsignor Vescovo di Geneva scrive all' Ill mo signor Cardinal Aldobrandino la lettera qui alligata, laquale per magior sicurezza ho indossato per via di V. S. Ill ma et R ma, alla quale basciando humilissimamente le reverendissime mani, priegho dal Signor Iddio buon principio, meglior [76] progresso et ottimo fine della sua tanto importante nunciatura, insieme con ogni suo vero contento.

  A012000877 

 Puisque les divers besoins de ce diocèse me donneront souvent occasion de recourir à l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, il m'a semblé que je pouvais et devais commencer par celui-ci, qui est remarquable et très important..

  A012000878 

 Le pays de Gex, occupé jusqu'à présent par les Genevois, est tombé, par les articles du traité de paix, entre les mains du roi de France, au nom de qui le baron de Lux en a pris possession depuis peu, en déclarant que l'intention du roi était d'y rétablir l'exercice de la foi catholique au moyen de l' Intérim de la même manière qu'il se [75] pratique en France.

  A012000878 

 Mais parce que ledit Interim exige que les églises et les biens ecclésiastiques soient rendus aux Catholiques, les Genevois, qui détiennent en ce bailliage un grand nombre de terres, décimes et autres revenus de M gr l'Evêque de Genève, de son Chapitre et de plusieurs églises, ont protesté que l' Intérim ne devait leur préjudicier en rien.

  A012000895 

 Apres que Monsieur l'Evesque de Geneve a eu establi les eglises en tout ce balliage, horsmis en deux [77] ou trois lieux, et entr'autres en ceste ville, faute de moyens convenables, il m'a layssé icy pour quelques jours pour essayer d'attirer ce peu qui reste d'huguenotz hors du fort de leur obstination.

  A012000895 

 Neanmoins je n'ay encor peu tirer d'eux pleyne resolution, et en ay trouvé des autres qui sont si avant en leur opiniastreté que mesme ilz refusent leurs aureilles a la sainte parole, et ne veulent se prester a aucune rayson; gens ignorans et qui d'ailleurs sont de nulle consideration.

  A012000895 

 Si que, apres avoir fait ce qui a esté de ma capacité et ayant veu que tant de doctes Peres Jesuites et autres prædicateurs y ont employé toute leur industrie, je me suys venu rendre aux officiers que Vostre Altesse a ordinairement en ce lieu et a tous ceux que j'y ay veu et peu rencontrer, entr'autres a monsieur le marquis de Lulin, pour aprendre d'eux si de nostre costé il demeuroit quelque diligence a faire..

  A012000896 

 Et tous concourent a cest'opinion, quil n'y a plus aucun moyen de reste pour en chevir, sinon que Vostre Altesse, par un edit paysible, commande que tous ses sujetz ayent a faire profession de la foy catholique, et en prester le serment dans deux moys es mains de ceux qui seront deputés, ou de vuider ses estatz, avec permission de vendre leurs biens.

  A012000896 

 Plusieurs, par ce moyen, eviteront le bannissement du Paradis pour ne point encourir celuy de leur patrie; les autres, qui seront fort peu en nombre, sont de telle qualité que Vostre Altesse gaignera beaucoup en les perdant, gens desquelz l'affection est des-ja pervertie et qui suyvent le huguenotisme plus tost commun parti que comme une religion.

  A012000897 

 Chacun sçait qu'elle desire extremement de voir ses païs netz du mal de l'heresie, personne n'ignore l'ardeur de son zele en cest endroit; si elle ne le fait pas, le pouvant si aysement faire, plusieurs croiront que le desir de ne mescontenter pas les huguenotz qui sont en son voysinage en soit l'occasion.

  A012000897 

 Et toutefois on estime qu'il ny aura aucun mescontentement pour ce regard; et quant il y seroit, quil ne devroit entrer en aucune consideration aupres de Vostre Altesse, qui n'a que faire d'incommoder ses saintes intentions pour gratifier des gens qui, en cas pareil, ne voudroyent en rien s'accommoder au gré de Vostre Altesse..

  A012000898 

 Mais puisque les grans princes ont soin de toutes les pieces de leurs estatz, il est raysonnable que chacune leur contribue les advis qui semblent estre pour leur service; ce que je fay avec toute franchise a l'endroit de Vostre Altesse, pour la singuliere debonaireté que Dieu luy a donnée, et de laquelle je me prometz le bonheur d'estre tousjours avoué,.

  A012000898 

 Monseigneur, je ne puis pas sonder plus avant que cela, et ne sçai sil y a chose au pardela de ceste mienne consideration qui puisse ou empecher ou retarder l'edit que je souhaitte; en quoy je me sousmetz purement a son meilleur jugement.

  A012000909 

 Je prendray le plus d'instruction que je pourray des particularités requises pour ce tant signalé commencement d'une œuvre de laquelle la gloire estant toute a Dieu, comme a sa source, doit neanmoins verser beaucoup d'honneur sur vous, qui estes le principal instrument duquel il s'est voulu servir..

  A012000923 

 Et perchè detto signor Re domandava il numero tale quale verrebbe significato dal signor Barone di Lux, luoghotenente nel governo di Borgogna, Bressa et altri paesi nuovamente uniti al regno, io sono venuto qui per sapere più particolarmente come haverebbe da passar questo negotio; il che non è ancora conchiuso..

  A012000935 

 Et parce que le roi demandait que, quant au nombre, on s'en tînt exactement à celui qui serait marqué par M. le baron de Lux, lieutenant dans le gouvernement de Bourgogne, Bresse et autres pays récemment réunis au royaume, je suis venu ici pour apprendre plus particulièrement comment cette affaire doit se traiter; ce qui n'est pas encore résolu..

  A012000936 

 Autant que j'ai pu le découvrir, le roi voudrait de toute façon avoir quelque bon prétexte pour enlever lesdits revenus à cette ville, sans offenser les cantons hérétiques des Suisses et la reine d'Angleterre qui font beaucoup d'instances en faveur des Genevois; et ce qu'il désire c'est d'en être pressé au nom du Saint-Siège, auquel il n'y aurait pas lieu de refuser une si juste requête..

  A012000937 

 De cette manière, la négociation réussirait très bien; et ce ne serait pas un petit préjudice pour les Genevois, [83] qui demeureraient très pauvres, ni peu de lustre à la religion catholique; ce serait aussi ouvrir peu à peu la voie pour amener à quelque plus grand bien la ville même de Genève..

  A012000938 

 Pour toutes ces choses nous n'avons, après Dieu, rien à espérer sinon de la Sainteté et bonté de notre Saint-Père et du zèle de Votre Seigneurie, à qui je baise très humblement les mains..

  A012000947 

 Et au progres des discours que j'ay eu avec luy, j'ay treuvé que le Roy et ses gens sont fort disposés a nous rendre nos biens, c'est a dire les biens de nostre Chapitre qui sont riere Gex, mais il desireroit d'en estre recherché et pressé par Sa Sainteté.

  A012000947 

 L'importance sera d'obtenir de nostre Saint Pere quil y mette de la ferveur et face que son Nonce qui est en France empoigne vivement ceste sollicitation..

  A012000948 

 Je vous prieray donq de l'accompagner ou monsieur Reydet, en la donnant, d'une declaration un peu ample de la necessité que nous avons de l'assistence du Saint Siege, du dommage que cela fera a l'heresie et du grand honneur qui en reussira a la sainte Eglise..

  A012000949 

 Neanmoins, encor ay je apprins que c'est par ce [que] les cantons huguenotz et la Reyne d'Angleterre s'entremettent pour ceux de Geneve, qui sont les possesseurs ou usurpateurs desdits biens, et le Roy voudroit avoir un juste prætexte pour les esconduire.

  A012000949 

 Outre cela, il y a un point encor plus important, qui est quil seroit expedient que Monseigneur le Cardinal escrivit une lettre a Monseigneur de Geneve, par laquelle il luy donnast courage de demander la restitution de ses biens qui sont a Gex, et un'autre au Nonce, affin quil l'assistast en ceste demande.

  A012000950 

 Saches au reste que nous sommes fort en affaires pour ce respect, monsieur Rogex et moy, et des fondemens que nous voyons ne pouvons conclure sinon que si nous sommes aydés de ceux qui peuvent et doivent le faire, non seulement cela se fera, mais de plus grandes choses.

  A012000959 

 Il y a un article en la paix qui porte que un chacun des deux princes possederà les terres qui luy demeurent a mesmes termes qu'elles estoyent auparavant la guerre.

  A012000974 

 Car ayant pieça beaucoup honnoré vostre nom, sous lequel tant de beaux ouvrages, marqués d'une rare vertu et doctrine de leur autheur, paroissent aux yeux du monde, j'ay aussi des lhors fort souhaitté lhonneur d'estre en vostre connoissance; non que je cuyde y pouvoir entrer que pour fort peu de chose, mais parce que ça tous-jours esté une honneste ambition a ceux qui ont la vertu en reverence, de rechercher la bienveuillance de ceux qui en ont la possession.

  A012000974 

 Un mien ami demeurant a Lion m'a demandé quelques memoires sur les particularités de la revolte de Geneve, des conversions qui se font aupres et du tems auquel le P. Justinien en a esté Evesque.

  A012000975 

 Je vous prieray m'excuser si je ne vous envoye pas pour l'heure les memoires que vous desires au premier article, par ce que je suis en voyage et ne puis pas obtenir de ma souvenance tout ce que je luy en demande, avec l'asseurance des particulieres circonstances qui sont requises pour s'en bien servir.

  A012000975 

 Mays estant de retour au diocsese, qui sera dans peu de jours, j'en iray a la queste par tout [88] ou je cuyderay en pouvoir rencontrer des pieces, et bientost apres je les vous envoyeray..

  A012000976 

 Mays touchant les conversions qui se font autour de Geneve....

  A012001007 

 Au premier, qui est soumis au roi de France, ont été érigées trois paroisses, dans lesquelles on a installé trois de nos chanoines pour la sainte prédication.

  A012001007 

 Ils y opèrent beaucoup de fruit, car il se trouvait en ce pays plusieurs anciens Catholiques dont la foi était cachée et couverte comme un feu sous la cendre du culte huguenot, qui seul s'y pratiquait depuis soixante-six ans; cette foi étant maintenant mise à découvert par le souffle de la parole divine, ils rendent témoignage à la vérité.

  A012001007 

 Je vais maintenant rendre compte à Votre Seigneurie des progrès [de la religion] dans ce diocèse, en lui disant qu'ils sont très heureux, non seulement à Thonon et Ternier, car cela est désormais ancien; mais aussi, tout récemment, dans les bailliages de Gex et de Gaillard, qui s'étendent jusqu'aux portes de Genève.

  A012001008 

 Il reste que non seulement en trois paroisses, mais en toutes, qui sont au nombre de vingt-six, on rétablisse le saint exercice [du culte] et que les revenus ecclésiastiques soient enlevés aux ministres hérétiques et aux Genevois; car, lorsque le peuple sera obligé d'entretenir les ministres à ses frais, il s'en lassera bientôt, et d'autant plus qu'il verra de bons prêtres lui offrir gratuitement de salutaires pâturages.

  A012001008 

 Je me propose toutefois de revenir au plus tôt pour le saint Jubilé de Thonon, surtout s'il est vrai, comme on nous le dit, que nous jouirons alors du bienfait de la présence de Votre Seigneurie Illustrissime qui sera, de toute façon, très utile et très fructueuse..

  A012001009 

 Pour répondre aux points touchés par Votre Seigneurie, je dirai [91] au sujet de la Maison de Thonon que, par son moyen, la bienheureuse Vierge, à qui elle est dédiée, foulera et brisera la tête venimeuse du serpent qui s'est refugié à Genève et à Lausanne; la religion sera rétablie dans le Valais, pays très corrompu et ravagé en ce qui concerne l'Eglise; elle illuminera les ténèbres des Bernois et autres Suisses; en un mot, le bien que ce dessein peut apporter à toutes ces provinces est indicible.

  A012001010 

 On pourrait y remédier par les moyens suivants: il faudrait que le Saint-Siège prît sous sa très spéciale protection cet établisse-ment de Thonon, et que, dans ce but, il employât le concours des princes catholiques; que le Sérénissime duc fît ceindre cette ville de murailles, ce qui, de l'avis de personnes expérimentées, peut se faire [92] en peu de temps; que l'on usât d'une grande charité et libéralité [à l'endroit de cette œuvre] et qu'on y appliquât largement les revenus de bon nombre d'abbayes inutiles et de bénéfices, en observant les réserves de droit.

  A012001011 

 Il a eu aussi plusieurs filles, dont l'une a été mariée [93] à un gentilhomme genevois appelé Fernex, seigneur de Bessinge; de là peut provenir l'erreur de la relation qui fait ledit Paschali seigneur de Bessinge.

  A012001025 

 Nous avons deux proces, ou mediatement ou immediatement, avec le procureur Chappaz: l'un est en estre, celuy des Miucet; l'autre n'est qu'au projet dudit Procureur, qui est celuy quil prætendoit mouvoir pour la [95] mayson de monsieur Jan de la Thuille.

  A012001027 

 Je finis, et dis que je suis d'advis qu'on prenne jour avec des bons arbitres, [ce] qui pourroit attendre le retour de monsieur le President; il le desire, et il seroit le mieux.

  A012001045 

 Me voyci a Messemieu avec monsieur nostre Præsident, et chez luy, devans partir tous deux aujourdhuy pour aller a Dijon, luy, a la solicitation d'un proces qui luy est important, moy, pour y trouver monsieur le mareschal de Biron et monsieur le baron de Lux desquelz je prætens obtenir une puissante recommandation aupres du Roy, ou, des Dijon, je m'achemineray pour nos affaires de Gex desquelz voyci l'estat..

  A012001046 

 Nous ne sommes pas contens de si peu, car nous demandons tout, tant pour l'exercice, qui va premier, que pour les biens; non seulement par ce que cela nous accommodera, mais encor plus par ce que cela incommodera la religion huguenotte, laquelle devant estre entretenue aux despens du peuple, manquera bien tost et indubitablement.

  A012001069 

 [101] Ce qu'estant, je ne m'en puis retourner que bien depesché, Dieu aydant; aussy vay je esventant certaines conjectures qui m'en font concevoir tres bonne esperance.

  A012001070 

 Nous avons un Nonce plein de tres bonne volonté et qui s'employe de courage.

  A012001071 

 Nous n'avons aucunes nouvelles qui vaillent l'escrire, qui me fera finir par la tres humble reverence que je vous fay, vous baysant les sacrees mains, et priant Dieu qu'il vous donne, Monseigneur, ce que vous doit desirer et souhaitter.

  A012001075 

 Monsieur Deage vous bayse tres humblement les mains, comme fait aussy le bon Pere Galesius, qui part pour aller prescher a Calais..

  A012001089 

 J'ay receu deux de vos lettres, l'une du 21 janvier, l'autre du 5 febvrier, ausquelles je devois une plus soudaine response que je n'ay pas fait, si j'eusse peu tirer les resolutions qui devoyent servir de matiere a mes responses si tost que j'eusse desiré.

  A012001091 

 Et notes que si maintenant je ne fay rien, la porte de ceste esperance sera fermëe pour un grand tems; c'est cela qui me fait opiniastrer et rendre importun..

  A012001094 

 Attendant l'issue de mes affaires, j'ay esté forcé, par [104] honnesteté, de precher en la chapelle de la Reyne trois lois la semaine, devant les princesses et courtisans, n'ayant peu refuser aux prieres et commandemens qui m'en ont esté faitz.

  A012001094 

 Mays cela s'entend sans retarder la sollicitation, que je fay lentement pour seconder l'humeur de ceux qui ont le fait en main, ausquelz je suis contraint de m'accommoder..

  A012001096 

 Ce pendant, voyci l'advis que je luy donne: monsieur le baron de Lux poursuit pour avoir ce prieuré pour un fort honneste ecclesiastique, gentilhomme de Bourgoigne, et, a mon advis, le seul fondement de vacance quil prætende est tel: Nul homme ne [105] peut avoir benefice en France qui ne soit naturalisé françois selon le concordat; or, monsieur Persiani ne l'est pas, donques son benefice est vacquant.

  A012001115 

 L'affaire pour la sollicitation duquel je suis icy est de si delicate conduitte et bigearre poursuitte que je n'ose encor vous en rien promettre, si ce n'est que je continueray d'y mettre tout le soin et affection que vous desires pour le faire resoudre; ce que j'espere pouvoir bien tost obtenir, sinon avec toutes les bonnes conditions que tous les bons desirent, au moins avec quelque advantage qui nous puisse servir de sujet pour une meilleure esperance.

  A012001134 

 J'apprehende infiniment de m'en retourner sans autre expedition que d'esperances; neantmoins ma conscience me tesmoigne que j'ay fait tout ce que je pouvois, et estime que si la moisson ne suit pas de si pres le travail et la semence que j'ay fait en ce voyage, elle s'en recueillira neantmoins une fois et dans quelques moys; en fin, qu'en faysant nostre devoir et ce qui est en nous, il faut subir les effectz que la providence de Dieu a establis..

  A012001154 

 Monseigneur, je suis si pressé qu'il ne me reste plus de loysir que pour vous bayser tres humblement les mains et supplier de me continuer la faveur de vos graces, comme a celuy qui est a jamais,.

  A012001174 

 De moy, je confesse n'y avoir contribué que ma foible enonciation et ma voix pour servir d'echo, dans l'estendue d'une petite heure, a la reputation de ce grand prince, qui parloit [111] asses d'elle mesme et qui esclatera a jamais par les beaux exploitz dont non seulement la France et l'Allemaigne, mays toute l'Europe, voire toute la chrestienté, ont esté tesmoins.

  A012001175 

 Au reste, si mon affection et bonne volonté n'estoit garante de ma sincerité et obeissance, la plus belle partie, qui en a esté obmise, auroit rayson de se plaindre; mais ayant entrepris seulement de faire un simple eloge et sommaire de ce qui estoit convenable au tems, au lieu et a l'assemblee, j'ay deu laisser a l'histoire, qui reserve des volumes entiers pour une si belle vie, de suppleer a mon defaut, me contentant du nom et du devoir de panegyriste, dont j'ay tasché de m'acquitter.

  A012001175 

 Que si, apres cela, on veut considerer ce qu'il y a du mien, rien sans doute que la sincerité de mes affections et respectz, qui ne mourront jamais pour la memoire de ce prince, qui ne doit jamais mourir en celle de tous les bons, mais principalement en la vostre, Madame, qui trouves advantageusement dans les vertuz de ce grand prince et cher espoux deffunct, comme aussi dans les vostres qui luy estoyent communes, dequoy vous consoler dans ceste sensible privation; quoy que la plus solide, la veritable et la plus chrestienne consolation est celle que vous aves puisee dans la source, qui est la volonté de Dieu, qui seul en ceste occasion a donné ce grand calme et ceste absolue resignation qui paroist en vostre esprit..

  A012001189 

 Je suis seulement marri que monsieur de Saint Evroul, qui peut plus quo tous, s'en va de ceste ville pour plusieurs jours; [113] neanmoins je le presseray qu'avant son despart nous puissions ensemblement donner une secousse a l'esprit de Madame, pour faire esclorre une bonne et entiere resolution..

  A012001190 

 Dequoy il se treuva a la verité un petit piqué, et moy, extremement marri de l'indiscretion de ceux qui, sur le desplaisir quii avoit de la perte, luy allerent alleguer toutes ces choses.

  A012001190 

 Il ni a point de si parfaitte amitié qui ne se trouble quelquefois par quelque petit nuage, lesquelz estans passés, amoris redintegratio sunt..

  A012001199 

 Il ni a pas long tems que j'ay veu monsieur de Quoex vostre bon oncle, qui se porte bien..

  A012001214 

 Je n'ay eu la commodité des vostre despart de visiter mes dames Filles de Dieu sinon une fois en ces octaves, que je leur presentay un metz du grand festin qui se celebroit en ce tems-la; mais je me suis obligé de leur en porter un autre sur le mesme sujet.

  A012001214 

 Je vis a part nostre espousee, qui tesmoigne beaucoup de contentement en son esprit et beaucoup de force de courage.

  A012001215 

 J'ay esventé parmi les bonnes ames le desir qui vous avoit esté proposé de la Congregation de l'Oratoire, mais je ne voy pas encor la sayson bien arrivee: Dieu fera son œuvre..

  A012001216 

 Vous sçaves bien que Paris perd le P. Don Vicaire, qui s'en va Prieur a Cahors, en Querci.

  A012001244 

 Mais je suis embarqué dans le coche de Chalons qui est inexorable a [120] divertir de son chemin, et d'ailleurs je suis un petit pressé de faire mon retour, qui m'empeche de chercher autre moyen de me rendre a vostre Champcenai.

  A012001245 

 Quant a vous, je me prometz que vous m'aymeres au travers de toutes les distances du monde, lequel n'est pas asses grand pour borner l'activeté de nostre amitié; car je juge de la vostre par celle que je sens en mon ame, nonobstant la difference que l'object y peut apporter, qui se treuve aussi grand pour mon action quii est petit pour [121] la vostre; mais l'agent de vostre part ne doit estre vaincu.

  A012001265 

 Ce que je me sens tous-jours plus obligé de faire, devant entrer en la charge d'Evesque par le trespas du bon et saint Prælat duquel Vostre Altesse avoit tant gousté la pieté; en la succession duquel (puisque ça esté le bon plaisir du Saint Siege et de Vostre Altesse de m'y appeller) j'espere vivre heureusement parmi une infinité de travaux et de peynes qui s'y presentent, sous la faveur et protection de Vostre Altesse, pour la prosperité delaquelle je feray toute ma vie prieres a Nostre Seigneur, et demeureray,.

  A012001265 

 Je donnay advis a Vostre Altesse du voyage que je devois faire en France et du sujet qui m'y portoit, pour lequel ayant presque inutilement employé plusieurs moys, me trouvant maintenant de retour, j'estime aussi luy en devoir donner advis, affin qu'elle sache ou ses commandemens me rencontreront quand il luy plaira m'en honnorer.

  A012001296 

 C'est ce qui nous a fait penser a un autre remede, qui est d'emprunter sil se peut, quelque bonne somme de deniers, pour, par apres, vendre et mesnager a l'aise nos desseins; et nous sommes advisés de monsieur de Prangin, lequel on estime en semblables occasions asses bon medecin, pour autant quil a les drogues necessaires, pourveu que son urgent soit bien asseuré.

  A012001296 

 Reste quatre mille escus, lesquelz nous ne pouvions assembler que par l'exaction de l'argent qui nous est deu et par des ventes d'autres biens, et des engagemens; mais tout cela ne se peut bien faire qu'avec du loisir, comme vous pouves penser.

  A012001297 

 Reste maintenant que quelcun nous face ce bien que de prendre la peyne de sonder si monsieur de Prangin y voudroit entendre, ou bien, a faute de luy, sil se pourroit trouver quelqu'un autre, ou en Valey ou ailleurs de ce costé la qui le voulut faire.

  A012001299 

 J'attens de jour a autre les despeches de Romme necessaires pour la resolution et execution de l'affaire de l'evesché; les ayant, je vous en feray sçavoir des nouvelles et ne parleray plus que des choses spirituelles, attendant cependant de vous des nouvelles de ces choses [126] temporelles, que je vous supplie d'embrasser pour ceste mayson, qui vous est entierement acquise et servente, et de moy en particulier, qui ay tous-jours esté et seray toute ma vie,.

  A012001330 

 Ce grand homme, Très Saint Père, peu de temps avant sa mort, avait demandé de m'avoir pour coadjuteur et successeur, quoique je ne lui appartinsse aucunement par les liens du sang et de la parenté, et il l'avait obtenu, à sa très grande joie, de l'ineffable bienveillance de Votre Sainteté; j'ai en conséquence reçu les Lettres apostoliques du Saint-Siège qui m'établissent successeur de l'Evêque défunt.

  A012001342 

 Angebat tamen quod fieri posse non videbatur, ut Fratres ejusdem Ordinis, qui monasterii hujusmodi gubernacula susciperent, in Galliam facile inducerentur.

  A012001342 

 Quare selecti sunt viri tres, doctrina, morum integritate ac rerum gerendarum peritia conspicui, qui, [132] maximo monasterii bono, operi præfici possent, atque ita deinceps omnibus difficultatibus quæ ex locorum et temporum injuria oriebantur sigillatim [obviarent]..

  A012001343 

 Quare nunc ad Beatitudinis Vestræ pedes mittitur hic nuntius, qui suppliciter ab ea petat Apostolica mandata, quibus res acta constet et perficiatur..

  A012001344 

 Ego vero, Beatissime Pater, qui omnibus propemodum hac de re consiliis interfui, etsi dignus non sum cujus testimonium audiatur, non possum mihi temperare quin, quemadmodum facturum me recepi, testatum faciam, quoad per me fieri potest, e re Christiana fore ut hi cælestes motus, hoc tempore et eo præsertim loco, Vestræ Beatitudinis Apostolicis benedictionibus promoveantur.

  A012001351 

 A cette occasion, madame Catherine d'Orléans, princesse de Longueville, très illustre non seulement par la noblesse des [131] princes de sa maison, mais encore, ce qui est le principal, par son amour pour le Christ, ayant projeté de fonder à Paris un monastère de femmes de l'Ordre des Carmélites réformées, jugea bon de m'adjoindre à d'autres théologiens d'une piété éminente et d'un profond savoir pour délibérer ensemble sur ce projet de fondation.

  A012001352 

 Mais ayant considéré qu'il s'est établi tout récemment à Rome un monastère de Carmélites, qui est confié aux soins d'un Père de la Congrégation de l'Oratoire, la difficulté s'évanouit aussitôt.

  A012001352 

 On a donc choisi trois hommes fort instruits, de mœurs pures, entendus aux affaires, qui fussent à même de prendre [132] la direction de l'œuvre pour le plus grand bien du monastère.

  A012001353 

 Il ne reste maintenant rien à désirer sinon que le Saint-Siège Apostolique approuve cette entreprise, et en confie l'exécution à la volonté du roi, qui a donné aussitôt son consentement contre l'attente de plusieurs.

  A012001354 

 Pour moi, Très Saint Père, qui ai assisté à presque toutes les conférences tenues à ce sujet, je me suis engagé à vous déclarer ce que j'en pense, bien que mon témoignage soit très indigne d'être entendu, et je ne puis m'empêcher d'assurer qu'il sera très utile à la religion que Votre Sainteté favorise de ses bénédictions apostoliques cette céleste inspiration, vu le temps et surtout le lieu où elle s'effectuera.

  A012001385 

 Je vous diray donq simplement ce qui m'a esmeu a vous escrire ainsy a toutes ensemble..

  A012001386 

 Croyes-moy, je vous supplie: je suys fort importuné de l'affection extreme que je porte au bien de vostre mayson; car icy, ou je ne puis vous rendre que fort peu de services, elle ne laisse pas que de me suggerer une infinité de desirs, qui vous sont inutiles et a moy.

  A012001386 

 Je n'ose pas pourtant rejetter ces inclinations, parce qu'elles sont bonnes et sinceres, mays sur tout parce que je croy fermement que c'est Dieu qui me les a donnees.

  A012001386 

 Or, c'est un vent qui agite maintenant mon esprit en l'affection qu'il vous porte, et ne sçaurois m'empescher de vous le nommer; car c'est le seul sujet qui m'a fait desrober ce loysir pour vous escrire, a la presse d'un monde d'affaires qui m'environnent en ce commencement de ma charge..

  A012001386 

 Que si elles me mettent en danger de quelques inquietudes, ce n'est pas par leurs qualités, mais par la foiblesse de mon esprit qui est encor sujet au mouvement des vens et de la maree.

  A012001388 

 Mais n'ayant pas deu arrester pour cela, estant appellé icy pour un bien plus grand, je me suis mis a vous escrire sur ce sujet, bien que j'aye quelque tems desbattu en moy mesme si cela seroit a propos ou non; car il me sembloit presque que cela seroit inutile, d'autant que ma lettre seroit sujette a recevoir des repliques, et m'en feroit donner; qu'elle arriveroit peut estre hors de sayson; qu'elle ne vous representeroit pas naifvement ni mon intention ni mon affection; que vous estes en lieu ou vous seres conseillees de vive voix par un monde de personnes qui vous doivent estre en plus grand respect que moy, et que si vous ne croyes a Moïse et aux prophetes qui vous parleront, malaysement croires vous a ce pauvre pecheur qui ne peut que vous escrire, et que, outre cela, a ce que l'on m'a dit, quelques autres predicateurs, meilleurs et plus experimentés a la conduitte des ames [138] que je ne suys, vous en ont parlé sans effect.

  A012001389 

 On m'a dit tout cela, et beaucoup d'autres choses qui s'ensuyvent.

  A012001390 

 Mes bonnes Dames, vous deves corriger vostre mayson de tous ces defautz, qui sont sans doute contraires a la perfection de la vie religieuse.

  A012001391 

 La fille de Babylone est miserable; oh, que bienheureux est celuy qui escrase et brise tes petitz contre la pierre. Le desordre, le desreglement des Religions est vrayement une fille de Babylone et de confusion; ah, que bienheureux sont les espritz qui n'en souffrent que les commencemens, ou plustost les terrassent ou fracassent a la pierre de la reformation.

  A012001391 

 Les enfans d'Israël disent en un Psaume: Filia Babylonis misera; beatus qui tenebit et allidet parvulos tuos ad petram.

  A012001391 

 Prenes moy, dit le Cantique, ces petitz renardeaux qui ruinent les vignes; ilz sont petitz, n'attendes pas qu'ilz soyent grans, car si vous attendes, non seulement il ne sera pas aysé de les prendre, mais quand vous les voudres prendre ce sera lhors qu'ilz auront des-ja tout gasté.

  A012001392 

 Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut sembler a quelques unes, n'estes vous pas beaucoup moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misere, disoit aujourd'huy saint Chrisostome en l'homelie de l'Evangile de sainte Cecile, de laquelle nous faisons la feste; quelle misere, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir [140] combattu, battu et vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et neanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy, mammon, dieu des richesses.

  A012001393 

 Est ce, je vous supplie, un petit mal que celuy qui attaque et gaste une partie noble de vostre cors, a sçavoir le vœu de pauvreté? On peut estre bonne Religieuse sans chanter au chœur, sans porter tel ou tel habit, sans telle ou telle abstinence; mais sans la pauvreté et communauté, nulle ne le peut estre.

  A012001393 

 Le vermisseau qui rongea la courge de Jonas sembloit estre petit, mays sa malice estoit si grande que l'arbrisseau en perit.

  A012001394 

 Pendant que cet Ismaël, ce soin et desir n'attaque point vostre Isaac, c'est a dire vostre vœu et profession, bien qu'il demeure chez vous et en vostre mayson, j'en suis content, et, ce qui est le principal, Dieu n'en est point offensé.

  A012001396 

 Bien souvent les Superieures plient ce qu'elles ne peuvent rompre, et permettent ce qu'elles ne peuvent empescher; et la permission, par apres, a ceste ruse et malice, qu'ayant duré quelque tems elle s'en fait accroire et, au contraire des choses qui viellissent, elle se renforce et semble perdre petit a petit sa laideur et difformité.

  A012001397 

 Appellés cela comme vous voudres, mais c'est une pure proprieté; car la ou il n'y a point de proprieté « il n'y a point de mien et de tien, qui sont les deux motz qui ont produit le malheur du monde.

  A012001397 

 Il y a des permissions qui peuvent estre aucunement bonnes, mais celle cy ne l'est pas, car c'est en fin une proprieté, quoy que voilee et cachee; c'est l'idole que Rachel tenoit cachee sous sa robe.

  A012001397 

 On dit que la Superieure le permet et que c'est sous son bon playsir: voyla Rachel qui parle.

  A012001397 

 » Le Religieux qui a un liard ne vaut pas un liard, disoyent les Anciens..

  A012001398 

 Les abeilles ayment leurs ruches, qui sont comme leurs maysons (je vous dis un jour que c'estoit comme des religieuses naturelles entre les animaux); mays elles ne laissent pas d'esplucher par le menu ce qui y est et de les purger a certains tems.

  A012001398 

 Rien n'est si constant sous le ciel qui ne flechisse; rien de si pur qui ne recueille quelque poussiere..

  A012001399 

 C'est bien fait de ne point dire inutilement les defautz que l'on voit dans les maysons et de ne les point [145] manifester; mays de ne les vouloir pas reconnoistre ni confesser a ceux qui peuvent estre utiles pour y donner remede, c'est un amour des-ordonné.

  A012001399 

 L'Espouse au Cantique confesse son imperfection: Je suis noire, dit elle, encor que belle; ne prenes pas garde a ce que je suis brune, c'est le soleil qui m'a haslee.

  A012001399 

 Mais ici il n'en est pas besoin]; il suffit d'y appeller ceux qui y peuvent servir.

  A012001401 

 Or, entre les Religieux, ceux de saint François excellent en cest endroit, qui est la confiance et resignation qu'ilz ont en la Providence divine, n'ayant nul moyen ni en particulier ni en general, pratiquant pleinement la parole du Psalmiste: Jacta cogitatum tuum in Domino, et ipse te enutriet; Jette tout ton soin en nostre Seigneur, et il te nourrira.

  A012001402 

 Pendant que saint Pierre se fia en Celuy qui l'appelloit il fut asseuré; quand il commença a douter et perdre la confiance il enfonça dans les eaux.

  A012001403 

 Ainsy celuy nous doit aggreer qui procure nostre bien, quoy qu'il soit de tout point desaggreable et fascheux.

  A012001403 

 J'ay accoustumé de dire que nous devons recevoir le pain de correction avec beaucoup d'estime, encor que celuy qui le porte soit desaggreable et fascheux, puisque Helie mangeoit le pain [148] porté par les corbeaux.

  A012001403 

 Je me doute encor qu'il y ayt un autre empeschement a vostre reformation: c'est qu'a l'adventure, ceux qui vous l'ont proposee ont manié la playe un peu asprement.

  A012001403 

 Mays voudries vous bien pour cela rejetter vostre guerison? Les chirurgiens sont quelquefois contrains d'aggrandir la playe pour amoindrir le mal, lhors que sous une petite playe il y a beaucoup de meurtrisseures et concasseures; ç'a esté peut estre cela qui leur a fait porter le rasoir un petit bien avant dans le vif.

  A012001405 

 Puisqu'il est le Dieu de paix, apaises vos espritz, mettes les en repos; ne permettes pas que la [coustume, la difficulté, je diray clair et nel, ne permettes pas que la] contention que vos espritz auront peut estre faite contre ceux qui vous auront cy devant voulu corriger, fasse aucun prejugé contre la lumiere celeste.

  A012001406 

 A ceux la vous deves confier vostre affaire, affin qu'ilz jugent de ce qui sera plus convenable; car vostre sexe est sujet des la creation a la condition de l'obeissance, et ne reussit jamais devant Dieu qu'en se sousmettant a la conduitte et instruction.

  A012001406 

 Apres que vous aures traitté de vostre affaire avec vostre Espoux et par ensemble, appellés a vostre secours et pour vostre conduitte quelques uns des plus spirituelz qui sont a l'entour de vous; ilz ne vous manqueront pas.

  A012001407 

 C'est cela qui m'a fait desirer qu'elle soit meilleure et parfaite.

  A012001407 

 Je vous diray comme vostre saint Patron saint Jan qui reçut commandement d'escrire aux prelatz d'Orient: Je sçay vos œuvres qui sont presque toutes bonnes, vous estes presque tres bonnes Religieuses; mais j'ay quelque petite chose a dire contre vous, il vous manque quelque chose.

  A012001407 

 Je vous supplie et conjure, par la charité qui est entre vous, ostes de vostre mayson ce qui est de trop et adjoustes ce qui y defaut..

  A012001441 

 C'est pourquoi je vous supplie, sur l'occasion de ma promotion et reception a cest evesché, de m'accorder encor vostre faveur en deux demandes que je vous fais fort humblement: l'une, de m'aymer tous-jours et vous asseurer bien fort de mon service que je vous offre; l'autre, d'avoir aggreable la requeste que je fai presenter a messieurs du Senat, puis qu'ell'est droitte, juste et sainte, et pour un qui, priant Dieu pour vous, sera toute sa vie,.

  A012001459 

 Je suis Evesque consacré des le jour Nostre Dame, 8 de ce mois, qui me fait vous conjurer de m'ayder tous-jours plus chaudement par vos prieres, comme de ma part je ne vous oublie pas, sur tout en la recommandation de la Messe.

  A012001460 

 Je vous supplie, Monsieur, de croire entierement quil ni a homme au monde qui vous soit plus dedié et affectionné que je suis et seray toute ma vie, pour demeurer,.

  A012001481 

 Je dois beaucoup a la constance de l'amitié quil vous plait me porter, qui me maintient si vivement en vostre souvenance ou je desirerois bien avoir pris place par quelque bon service que je vous eusse fait.

  A012001502 

 Et di tutto questo desideravo di dar raguaglio a V. S. R ma, supplicandola che come il Signor Iddio ci a (sic) uniti nella vocatione (chè ambidui, come mi vien detto, l'istesso giorno siamo stati præconisati), così si degni V. S. R ma tenermi, quantumque indegno, strettamente unito seco nel suo cuore; et per consequenza, che si degni spesso darmi gl'avisi et ricordi che il Spirito Santo glie inspirerà, ricordandosi che Ella è stata l'instrumento della mia promotione et che « qui dat esse, debet dare consequentia ad esse.

  A012001502 

 Onde [159] essendo qui giunte le Bulle et il mandatum per la successione in persona mia, ho ricevuto la santa consecratione il giorno della Concettione di Maria Vergine, Nostra Signora, in cujus manibus sortes meæ, et il Sabbatho seguente venni qui al luogho della residentia.

  A012001517 

 Veuillez, en conséquence, me donner souvent les conseils et les instructions que le Saint-Esprit vous inspirera, vous ressouvenant que vous avez été l'instrument de ma promotion et que celui « qui donne l'être doit donner ce qui s'ensuit.

  A012001517 

 [159] C'est pourquoi, les Bulles et le mandatum qui m'appellent à lui succéder étant arrivés, j'ai reçu la consécration épiscopale le jour de la Conception de la Vierge Marie, Notre Dame, entre les mains de laquelle j'ai remis mon sort, et le samedi suivant je me suis rendu ici, lieu de ma résidence.

  A012001518 

 Que Votre Seigneurie m'accorde la faveur de me recommander en quatre mots à M gr le Nonce actuel, car il importe beaucoup, dans une foule de circonstances, qu'il m'ait en affection; ce qui ne peut se faire que par l'entremise de votre charité..

  A012001519 

 En attendant je baise humblement les mains de Votre Révérendissime Seigneurie, et je prie Dieu de nous guider dans ces voies difficiles du gouvernement des églises, et que son bon [161] Esprit nous conduise dans la terre droite, moi surtout qui suis maintenant dans ce pays montueux et tortueux, appartenant à des provinces diverses, et où règne l'abomination de la désolation.

  A012001519 

 J'espère cette année faire un voyage en Piémont pour visiter l'église de Notre-Dame de Mondovì; à cette occasion je ne manquerai pas de me rendre là où se trouvera Votre Révérendissime Seigneurie, affin que, la main dans la main et bouche à bouche, nous renouvelions cette amitié qui ne peut vieillir, mais dont le sentiment toutefois s'accroit par la présence.

  A012001535 

 Une autre fois, si vous m'escrives sur quelque semblable sujet, donnés moy exemple de l'action de laquelle vous me demandes l'advis; comme seroit a dire de quelqu'un de ces sentimens qui vous aura donné le plus de soupçon pour n'estre pas receu, car j'apprendray bien mieux vostre intention.

  A012001536 

 Or, on peut connoistre d'ou ilz viennent par certains signes que je ne sçaurois pas bien dire tous: en voicy seulement quelques uns qui suffiront.

  A012001537 

 Si qu'en lieu de s'estimer quelque chose par le sentiment, la partie superieure juge et reconnoist sa foiblesse, et s'humilie amoureusement devant son Espoux, qui respand son bausme et son parfum affin que les jeunes fillettes et tendres aines comme elle, le reconnoissent, l'ayment et le suivent; la ou le mauvais sentiment nous arrestant, en lieu de nous faire penser a nostre foiblesse, nous fait penser qu'il nous est donné pour recompense et guerdon..

  A012001538 

 Bref, le bon ne desire point d'estre aymé, mais seulement que l'on ayme Celuy qui le donne, non qu'il ne nous donne sujet de l'aymer, mais ce n'est pas cela qu'il cherche; la ou le mauvais veut que l'on l'ayme sur tout.

  A012001539 

 Par ces quattre ou cinq marques vous pourres connoistre d'ou viennent vos sentimens; et, venans de Dieu, il ne faut pas les rejetter, mais reconnoissant que vous estes encores un pauvre petit enfant, prenes le lait des mammelles de vostre Pere, qui, par la compassion qu'il vous porte, vous fait encor office de mere.

  A012001539 

 Recevés les donq, dis je, ma tres chere Seur, vous estimant foible de l'estomach spirituel, puisque le Medecin vous donne du vin, nonobstant les fievres des imperfections qui sont en vous.

  A012001540 

 Neanmoins vous deves croire que, quand Dieu vous envoyera ces sentimens, c'est pour vostre imperfection, laquelle il faut combattre, non pas les sentimens qui servent contre elle.

  A012001541 

 C'est une impertinence propre a la condition de vostre esprit deslié et pointu, qui veut tyranniser vostre volonté et la contreroller avec supercherie et subtilité..

  A012001541 

 Il me semble que je vous voy empressee avec grande inquietude a la queste de la perfection; car c'est cela qui vous a fait craindre ces petites consolations et ces sentimens.

  A012001544 

 L'autre rayson est que cest examen, quand il est fait avec anxieté et perplexité, n'est qu'une perte de tems; et ceux qui le font ressemblent aux soldatz qui, pour se preparer a la bataille, feroyent tant de tournois et d'exces entr'eux que, quand ce viendroit a bon escient, ilz se treuveroyent las et recreuz; ou comme les musiciens qui s'enrouëroyent a force de s'essayer pour chanter un motet; car l'esprit se lasse a cest examen si grand et continuel, et, quand le point de l'execution arrive, il n'en peut plus.

  A012001546 

 Mon troysiesme commandement est que vous facies comme les petitz enfans: pendant qu'ilz sentent leur mere qui les tient par les manchettes, ilz vont hardiment et courent tout autour, et ne s'estonnent point des petites bricoles que la foiblesse de leurs jambes leur fait faire: ainsy, tandis que vous appercevres que Dieu vous tient [168] par la bonne volonté et resolution qu'il vous a donné de le servir, allés hardiment, et ne vous estonnes point de ces petites secousses et choppemens que vous feres; et ne s'en faut fascher, pourveu qu'a certains intervalles vous vous jetties entre ses bras et le baysies du bayser de charité.

  A012001548 

 Asseurés de mesme nostre Seur Anne Seguier, ma fille tres chere en Jesus Christ, et madame vostre Maistresse, de laquelle j'ay presenté les salutations au bon monsieur Nouvelet, qui en a fait grand feste.

  A012001561 

 J'ay receu double consolation de la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys, car elle me tesmoigne vostre bienveuillance, que je desire beaucoup, [171] et me donne advis des graces que Dieu fait a vostre monastere, qui me sont des nouvelles les plus cheres que je sceusse recevoir, d'autant que j'honnore et prise extremement ceste mayso'n par une certaine inclination que Dieu m'en a donné..

  A012001562 

 La faveur que le Roy vous fit dans l'octave de vostre grand Apostre, quittant la nomination, en est un bon præsage, mesmement estant accompagné de la bonne volonté de ces vertueux espritz qui concourent avec le vostre au desir d'un'entiere reformation, Je represente souvent a l'autel ce saint dessein a Celuy qui l'a [172] dressé et qui vous a donné l'affection de l'embrasser, affin qu'il vous face la grace de le parfaire.

  A012001563 

 Et croyés moy, Madame, le soin le plus parfait c'est celuy qui approche du plus pres au soin que Dieu a de nous, qui est un soin plein de tranquillité et de quietude, et qui, en sa plus grande activité, n'a pourtant nulle esmotion et, n'estant qu'un seul, condescend neanmoins et se fait tout a toutes choses..

  A012001565 

 Vous n'en donneres jamais part a personne qui soit de meilleur cœur, ni plus que moy,.

  A012001596 

 Cependant, Monsieur, je vous supplie, croyes que tout tel que je suis, je ne cederay jamais a pas un de ceux qui vous sont acquis en affection et fidelité; dequoy quand il vous plaira de tirer les preuves en m'employant, je le prendray en singuliere faveur, comme j'eusse fait a vous rendre service sur le particulier sujet pour lequel vous m'escrivies que [175] vostre agent s'addresseroit a moy, ce quil n'a pas fait jusques a l'heure..

  A012001596 

 Je voudrois que la resjouissance que vous prenés de ma promotion a ceste charge eut autant de sujet en ma capacité et suffisance comm'ell'en a en l'amitié delaquelle il vous plait m'honnorer; Dieu, par sa bonté, m'aydera et suppleera a ce qui me manque.

  A012001597 

 Je demeureray donques attendant les occasions, et priant Dieu quil vous conserve et donne le comble de ses graces, comme doit celuy qui est.

  A012001613 

 Je vous envoyeray l'advis que vous desires de moy touchant la preparation requise pour subir le faix qui pend meshuy sur vos espaules.

  A012001624 

 Aussi bien faut il que tous, les uns apres les autres, nous en sortions selon l'ordre qui est establi; et les premiers ne s'en trouvent que mieux, quand ilz ont vescu avec soin de leur salut et de leur ame, comme a fait monsieur mon oncle et mon aisné, duquel la conversation a esté si douce et si utile a tous ses amis, que nous, qui avons esté de ses plus familiers et intimes, ne sçaurions nous empeseher d'avoir beaucoup de regret de la separation qui s'en est faitte.

  A012001624 

 C'est la principale pensee que nos amis decedés requierent de nous, en laquelle je vous supplie de vous entretenir, laissant les desmesurees tristesses pour les espritz qui n'ont point de telles esperances..

  A012001624 

 Mais j'estime que vous aves tant de charité et de crainte de Dieu, que, voyant son bon playsir et sainte volonté, vous vous y accommoderes, et adoucirés vostre desplaysir par la consideration du mal de ce monde, qui est si miserable que, si ce n'estoit nostre fragilité, nous devrions plustost louer Dieu quand il en oste nos amis que non pas nous en fascher.

  A012001637 

 Je vous supplie, Monsieur, de me conserver tous-jours lhonneur de vostre bienveuillance, et de me favoriser d'une recommandation qui me face bien tost despecher; car outre ce, qu'ayant fait la fidelité que je dois je seray fort inutile de dela, je laisse un grand amas d'affaires spirituelles de deça qui, de leur nature, requierent la presence de l'Evesque.

  A012001638 

 Outre cela, Monsieur, je vous fay encor une supplication pour un pauvre curé de Ternier, qui s'appelle Burgiat, curé de Beaumont, qui a esté fait prisonnier de guerre par ceux de Geneve, affin que si il se fait quelque traitté dans lequel il puisse rencontrer sa delivrance par [179] quelque eschange ou autrement, il vous plaise, Monsieur, luy faire cette charité; et je puis vous asseurer qu'elle sera fleurie devant nostre bon Dieu, puisque il a esté pris sans sa coulpe et quil rendoit fort bien son devoir..

  A012001639 

 Ce pendant, je prie tous-jours sa divine Majesté quil accroisse de jour en jours ses graces et benedictions sur vous, de qui je seray toute ma vie,.

  A012001660 

 C'est une maladie d'esprit a ceux qui sont malades au cors de desirer les medecins esloignés et les preferer a ceux qui sont presens.

  A012001660 

 Il ne suffit pas de croire que Dieu nous peut secourir par toutes sortes d'instrumens; mais il faut croire qu'il ne veut pas y employer ceux qu'il esloigne de nous, et qu'il veut employer ceux qui sont pres de nous.

  A012001660 

 Premierement, croyés fermement, je vous supplie, que l'opinion que vous aves de ne devoir recevoir allegement de Dieu que par moy est une pure tentation de celuy qui a accoustumé de nous mettre des objetz esloignés en consideration, pour nous oster l'usage de ceux qui nous sont presens.

  A012001661 

 Apres cela il me semble que vous aves rencontré le vray sujet de vostre mal, quand vous me dites qu'il vous est advis que c'est une multitude de desirs qui ne pourront jamais estre accomplis.

  A012001661 

 Neanmoins je vous diray nuement ce qui m'en semble..

  A012001662 

 Mays par quel ordre? Il faut commencer par les effectz palpables et exterieurs, qui sont le [181] plus en nostre pouvoir: par exemple, il n'est pas [requis] que vous n'ayes desir de servir aux malades pour l'amour de Nostre Seigneur, de faire quelques vilz et abjectz services en la mayson par humilité; car ce sont desirs fondamentaux, et sans lesquelz tous les autres sont et doivent estre suspectz et mesprisés.

  A012001663 

 Il est bon d'empescher cette multiplication de desirs, de peur que nostre ame ne s'y amuse, laissant ce pendant le soin des effectz, desquelz, pour l'ordinaire, la moindre execution est plus utile que les grans desirs des choses esloignees de nostre pouvoir, Dieu desirant plus de nous la fidelité aux petites choses qu'il met en nostre pouvoir que l'ardeur aux grandes qui ne dependent pas de nous..

  A012001664 

 Nostre Seigneur compare l'ame desireuse de la perfection a la femme grosse qui enfante; mais a la verité, si la femme enceinte vouloit produire deux ou plusieurs enfans a la fois, et tous deux ensemble, elle ne le sçauroit faire sans mourir; il faut qu'ilz sortent l'un apres l'autre.

  A012001665 

 Faittes comme ceux qui sentent les ennuis et desvoyemens d'estomach sur la mer; car apres qu'ilz ont roulé et leur esprit et leur cors par tout le navire pour treuver allegement, ilz viennent en fin embrasser l'arbre et le mat d'iceluy, et le serrent estroittement pour s'asseurer contre le tournoyement de teste qu'ilz souffrent.

  A012001680 

 Et quant a celles de ce pais, elles sont si desagreables que je ne pense pas vous en devoir entretenir, puis qu'elles ne consistent qu'en volleries et pilleries que font ceux de Geneve sur nous, et particulierement sur les gens d'Eglise qui seulz ne sont receuz a aucune contribution [185] ni composition, dont s'en est ensuivi l'abandonnement d'une grande quantité d'eglises.

  A012001708 

 Maintenant, Monsieur, je vous envoye la provision de Rome que vous desiries, laquelle j'ay ouverte pour sçavoir si tout ce dont vous avies besoin y estoit; et je voy que tout y est, et quelque chose davantage, dont vous n'aves que faire, ne prejudiciant en rien a la provision pour le reste qui vous est requis.

  A012001709 

 L'autre partie de ma promesse m'est plus malaysee a mettre en effect pour les infinies occupations qui m'accablent; car je pense estre a la plus fascheuse charge qu'aucun autre de cette qualité.

  A012001710 

 Et pour faire cette grande et solemnelle mutation, il faut renverser vostre esprit et le remuer par tout; et pleust a Dieu que nos charges, plus tempestueuses que la mer, eussent aussi la proprieté de la mer, de faire jetter et vomir toutes les mauvaises humeurs a ceux qui s'y embarquent.

  A012001710 

 Helas, Dieu soit loué, qui vous a donné le desir de n'en faire pas de mesme; j'espere qu'il vous en donnera encor le pouvoir affin que son œuvre soit parfaitte en vous..

  A012001710 

 Je vous diray ce qui fut dit a un berger choisi pour estre Roy sur Israël: Mutaberis in virum alterum; il faut que vous soyes tout autre en vostre interieur et en vostre exterieur.

  A012001711 

 Je laisse a part M. du Val, qui est bon a tout [188] et universellement propre pour semblables offices.

  A012001711 

 Je n'ay gueres veu d'esprit qui me revienne comme celuy la, ains je n'en ay point veu ni rencontré; mais il y a ce mal, c'est qu'il est extremement occupé.

  A012001711 

 Je vous en nomme un troisiesme, homme a qui Dieu a beaucoup donné et qu'il est impossible d'approcher sans beaucoup proffiter, c'est M. de Berulle; il est tout tel que je sçaurois desirer d'estre moy mesme.

  A012001712 

 Il faut le lire avec reverence et devotion, comme un livre qui contient les plus utiles inspirations que l'ame peut recevoir d'en haut; et par la, reformer toutes les puissances de l'ame, les purgeant par detestation de toutes leurs mauvaises inclinations, et les addressant a leur vraye fin par des fermes et grandes resolutions..

  A012001712 

 Mays ce n'est pas la son principal usage: c'est qu'il dressera vostre esprit a l'amour de la vraye devotion et a tous les exercices spirituelz qui vous sont necessaires.

  A012001717 

 Tous les Peres et theologiens sont d'accord que les Evesques, outre leur Ange particulier qui leur est donné pour leur personne, ont l'assistence d'un autre commis pour leur office et charge.

  A012001718 

 Le tres saint Conncile de Trente, apres tous les Anciens, a determiné qie « le premier et principal office de l'Evesque est de prescher; » et ne vous laisses emporter a pas une consideration qui vous puisse destourner de cette resolution.

  A012001732 

 Je luy proposay que, venant un agent de Madame, il seroit expedient de commander a quelques uns des officiers de la justice de terminer en une journee amiable toutes les difficultés qu'elle avoit, soit avec le seigneur Dom Amedeo, soit avec autres; ce que Son Altesse accorda fort volontier, et monstra de priser extremement tout ce qui appartenoit au contentement de Madame, comme sa parente proche et vefve d'un prince son parent, et des louanges duquel il me dit merveilles..

  A012001735 

 Reste que je parle de moy, qui suis tres marri de ne pouvoir si tost chevir du payement de Thorens; mais [195] j'espere que Madame aura quelque consideration au malheur qui nous accable de deça et auquel Thorens mesme a une grande part.

  A012001754 

 J'ay consideré l'expedient que le sieur cappitaine de Moyron propose pour descharger les ecclesiastiques du logement de guerre et y ay veu plusieurs inconveniens, et, entre les autres, celuy que je crains le plus, [196] qui est que la liberté et immunité ecclesiastique en seroit, ce me semble, directement violee.

  A012001755 

 Cependant, et moy et tous les ecclesiastiques qui sont icy, nous prierons Dieu pour vostre santé, et je demeureray,.

  A012001769 

 Mon voyage de Piemont a esté cause de l'un; je ne sçai qui l'a esté de l'autre.

  A012001769 

 Nos nouvelles ne sont que des [197] vielles miseres, entre lesquelles les plus grandes sont celles qui concernent l'abandonnement de cent eglises autour de Geneve, presque desolees.

  A012001770 

 J'ay un certain cœur tenant qui jamais ne lasche sa prise.

  A012001789 

 Cependant, je me recommande a vos oraysons, et prie reciproquement Nostre Seigneur quil vous accompagne de ses graces et nous donne a tous l'esprit et zele de son service, qui est ce que doit desirer,.

  A012001804 

 Il me reste a vous en ramentevoir aux occasions, qui m'a fait maintenant vous en rafraischir la premiere supplication que je vous en ay faite, laquelle vous gratifieres, je m'en asseure, non seulement pour l'humble et entiere affection de laquelle je vous honnore, mais aussi en contemplation de ce bon Prælat decedé, duquel les merites vivent devant Dieu et en vostre souvenance..

  A012001822 

 Je receu par mon frere une de vos lettres qui me fait louer Dieu dequoy il a donné quelque lumiere a vostre esprit.

  A012001822 

 Les fievres spirituelles, aussi bien que les corporelles, sont ordinairement suivies de plusieurs ressentimens, qui sont utiles a celuy qui guerit pour plusieurs raysons, mais particulierement parce qu'ilz consument les restes des humeurs peccantes qui avoyent causé la maladie, affin qu'il n'en demeure pas un brin; et parce que cela nous remet en memoire le mal passé, pour faire craindre de la recheute, a laquelle bien souvent nous nous porterions par trop de licence et de liberté, si les ressentimens, comme menaces, ne nous retenoyent en bride pour nous faire prendre garde a nous jusques a ce que nostre santé soit bien confirmee..

  A012001823 

 A cette occasion, elle multiplioit des desirs inutiles, qui, comme des bourdons et freslons, devoroyent le miel de la ruche, et les vrays et bons desirs demeuroyent affamés de toutes consolations.

  A012001823 

 Maintenant donq prenés un petit haleyne, respirés quelque peu, et, par la consideration des dangers echappés, divertissés ceux qui pourroyent advenir ci apres.

  A012001823 

 Tenés pour suspectz tous ces desirs qui, selon le commun sentiment des gens de bien, ne peuvent pas estre suyvis de leurs effectz: telz sont les desirs de certaine perfection chrestienne qui peut estre imaginee mais non pas prattiquee, et de laquelle plusieurs font des leçons, mais nul n'en fait les actions..

  A012001824 

 Ceux qui aspirent au pur amour de Dieu n'ont pas tant besoin de patience avec les autres comme avec eux mesmes.

  A012001824 

 Sçachés que la vertu de patience est celle qui nous asseure le plus de la perfection, et s'il la faut avoir avec les autres, il faut aussi l'avoir avec soy mesme.

  A012001825 

 Il faut confesser la verité, nous sommes des pauvres gens qui ne pouvons gueres bien faire; mais Dieu, qui est infiniment bon, se contente de nos petites besoignes, et a aggreable la preparation de nostre cœur.

  A012001825 

 Toute cette preparation neanmoins n'est nullement proportionnee a la grandeur de Dieu, qui est infiniment plus grand que nostre cœur; mais aussi cette preparation est [203] ordinairement plus grande que le monde, que nos forces, que nos actions exterieures..

  A012001826 

 Mays au bout de la, il faut chercher qui le face; car quand ce vient a la prattique, nous demeurons courtz, et voyons que ces perfections ne peuvent estre si grandes en nous ni si absolues.

  A012001826 

 Un esprit qui, d'un costé, considere la grandeur de Dieu, son immense bonté et dignité, ne se peut saouler de luy faire des grandes et merveilleuses preparations.

  A012001827 

 On peut bien faire des simples souhaitz qui tesmoignent nostre reconnoissance; je puis bien dire: Hé, que ne suis je aussi fervent que les Seraphins pour mieux servir et louer mon Dieu! Mais je ne doy pas m'amuser a faire des desirs comme si en ce monde je devois atteindre a cette exquise perfection, disant: Je le desire, je m'en veux essayer, et si je ne puis y atteindre je me fascheray.

  A012001828 

 Cheres imperfections, qui nous font reconnoistre nostre misere, nous exercent en l'humilité, mespris de nous mesmes, en la patience et diligence, et nonobstant lesquelles Dieu considere la preparation de nostre cœur, qui est parfaitte..

  A012001828 

 Nous ne pouvons aller sans toucher terre; il ne faut pas s'y coucher ni vautrer, mais aussi ne faut il pas penser voler; car nous sommes des petitz poussins qui n'avons pas encores nos aisles.

  A012001830 

 Ce sont les vertuz qui s'exercent plus en descendant qu'en montant, et partant elles sont sortables a nos jambes: la patience, le support des prochains, le service, l'humilité, la douceur de courage, l'affabilité, la tolerance de nostre imperfection, et ainsy ces petites vertuz.

  A012001833 

 Ce que je vous escrivis n'estoit pas pour vous garder de communiquer avec moy par lettres, et de conferer de vostre ame qui m'est tendrement chere et bienaymee, mais pour esteindre l'ardeur de la confiance que vous avies en moy, qui, pour mon insuffisance et pour vostre esloignement, ne puis vous estre que fort peu utile, bien que tres affectionné et tres dedié en Jesus Christ.

  A012001856 

 [Monsieur] de la Bastie de Dombes me fait une recharge de toute autre façon; car il vient (sic) a Farges [208] et Asserens, ou il monstra un'extreme affection et resolution pour empescher la jouissance des biens qui estoyent clairement donnés et ouctroyés pour l'entretenement du pasteur de ces lieux en l'ordonnance que vous, Monsieur, en avies faitte par les patentes de l'establissement.

  A012001857 

 C'est cela qui me mit fort en peyne, en laquelle je serois encor si je ne me fusse resouvenu que vous l'aymies et avies beaucoup d'authorité sur luy; car j'ay pensé qu'encor quil eut fait tant de demonstration de roydeur, si est ce que vostre entremise le plieroit tous-jours assés a la rayson quand il vous plairoit de l'y employer.

  A012001857 

 Ce que je vous supplie humblement de faire, non seulement pour lhonneur et service de Dieu, qui vous est le plus cher, mais encor pour lhonneur de la premiere action que vous aves faitte en ce sujet et qui a servi de fondement a toute cette suitte.

  A012001857 

 Je fus estonné de ce que monsieur de la Bastie y estoit venu luy mesme, qui tesmoignoit un'ardeur d'esprit et une volonté tout'entiere; mais je le fus encor plus quand je sceu que ce n'estoit point pour luy ni pour aucun de ses enfans, mais pour un tiers.

  A012001858 

 J'ay deduit ce fait un peu bien au long affin que, par ce moyen, vous sceussies les accidens survenuz en une besoigne que je vous ay veu embrasser avec tant de ferveur, au milieu de la rigueur du plus grand froid de l'annee, avec tant de consolation de tous ceux qui furent presens, et specialement de feu Monsieur l'Evesque mon predecesseur, qui, pendant quil a vescu despuis, ne sceut onques s'empescher d'en faire feste..

  A012001859 

 Au demeurant, Monsieur, j'ay tous-jours esté extremement curieux de sçavoir des nouvelles de vostre santé, et les dernieres que j'en ay eues ont esté que vous avies esté prendre congé de Monsieur et Madame de Nemours pour venir de deça pour le service du Roy; qui m'a fait mettre en doute si ceste lettre vous rencontreroit encor a Paris ou si vous series des-ja en chemin: c'est pourquoy j'en ay fait un duplicat, affin que l'un fut envoyé d'un costé et l'autre de l'autre.

  A012001872 

 En quoy la verité est que je n'ay pas liberté de faire election d'aucun expedient, comme j'aurois si j'en estois le juge souverain, puisque le Saint [211] Siege Apostolique et le siege de Vienne, qui est metropolitain de ce diocsese, m'ont entierement lié les mains, et particulierement pour le regard de la façon de proceder que monsieur le Præsident de Genevoys m'a proposee, qui fut celle que feu Monsieur l'Evesque Justinien fit prattiquer une fois.

  A012001883 

 Je luy represente maintenant la [213] mesme supplication, et qu'il luy playse de se faire dire les raysons qui m'ostent le pouvoir d'employer l'expedient que monsieur le president Favre m'a proposé.

  A012001883 

 Je remercie tres humblement Vostre Excellence du soin qu'ell'a eu de respondre a la supplication que je luy fis, pour avoir son congé de terminer par le droit et les constitutions de l'Eglise le different de precedence qui est entre le Chapitre de Saint Pierre et celuy de Nostre Dame en cette ville.

  A012001884 

 Mais je me resouviens aussi, Monseigneur, que vous estes si entier en la pieté, que vous ne voudres jamais en rien authoriser ceux qui voudront rompre les ordonnances de l'Eglise, sous le voyle et pretexte d'estre advoüés vos chapelains.

  A012001884 

 Mais sur tout je supplie tres humblement Vostre Excellence de leur defendre l'usage de son nom pour se defendre en si mauvaise cause, et contre moy, Monseigneur, qui [suis] si jaloux du respect que je dois a tout ce qui luy appartient, quil ne sera jamais besoin de m'en resouvenir.

  A012001895 

 Je me suis fort peu meslé des affaires de la Mayson de Thonon jusques a præsent; neanmoins, ayant icy un creancier d'icelle, homme de merite et qui est en extreme necessité, je me suis des-ja essayé de le faire payer par autre voye, selon les moyens que le Pere Cherubin m'avoit proposés.

  A012001895 

 Mais n'estans reussis et voyant la necessité de ce creancier croistre tous les jours, je me suis enquis sil y auroit aucun autre moyen pour faire ce payement; et on m'a dit que Son Altesse avoit ordonné certaine pension annuelle a ladite Mayson, delaquelle on pourroit bien prendre la somme requise, qui n'est que de 80 escus, et particulierement sil vous playsoit d'en dire un mot de faveur.

  A012001911 

 Despuis vostre despart, madame de Beaulieu a esté demandee en mariage par monsieur de Sainte Clere, qui est gentilhomme, fort homme de bien et d'honneur, grand Catholique et craignant Dieu, qui sont des qualités pour lesquelles ell'a fort gousté l'offre de ses affections.

  A012001913 

 Au demeurant, hier vostre brave Henri me fit lhonneur de me venir faire mille caresses ceans et me donner les signes de l'hereditaire bienveüillance quil me portera a l'advenir, comme estant filz de pere et mere a qui je suis inviolablement,.

  A012001931 

 C'est cela, Monsieur, qui me fait esperer d'en voir bien tost tout d'une main un heureux accomplissement, pour lequel ledit P. Cherubin allant a Chamberi, je vous supplie, Monsieur, de continuer vostre faveur a ce saint œuvre affin que la conclusion s'en puisse prendre au plus tost, a faute delaquelle je voy l'establissement de l'eglise de Thonon demeurer en suspens..

  A012001932 

 Je ne crains nullement de vous estre importun pour des semblables occasions qui tendent a la gloire de Dieu, delaquelle il vous a donné tant de jalousie et de sainte ambition.

  A012001953 

 Madame pourra treuver estrange le retardement de son payement de Thorens; mais il n'est pas croyable combien nous avons eu de difficultés jusques a present pour ces troubles des guerres, qui ne font que de finir.

  A012001971 

 Cela m'estonne d'autant plus que je me voy esloigné de le meriter, n'ayant rien en moy qui puisse respondre a l'opinion que vous aves de moy qu'une fort entiere affection a l'accroissement de la gloire de Dieu et a ceux qui la desirent, entre lesquelz sachant que vous tenes des premiers rangs, je vous supplie de croire que vous ne me sçauries faire voir aucun'occasion de vous rendre service que je ne m'y porte de tout mon cœur.

  A012001971 

 En cette volonté, je m'essayeray de vaincre toutes les difficultés qui me pourroyent destourner de me rendre aupres de vous au teins que vous m'aves marqué en vostre lettre..

  A012001972 

 Ce sera pour l'Advent que j'auray beaucoup a debattre pour m'eschapper des grandes incommodités qui se presentent contre l'extreme desir que j'ay de vous contenter; et neanmoins, plus tost que de vous donner aucun sujet de croire que je veüille user d'aucune exception a vos volontés, je vous asseure des maintenant que si vous mesme ne me donnés le pouvoir de demeurer icy l'Advent, je n'y demeureray non plus que le Caresme, mays forceray tous les empeschemens pour me treuver en tous deux les tems en vostre ville.

  A012001990 

 Jay entendu que vous ne voulies continuer de dire deux Messes suy vant la permission que je vous en avoys donné, qui me fait vous dire que jusques a ce que je vous enleve le pouvoir vous ne cessies de servir Vincie comme vous aves de coustume.

  A012002006 

 Voicy une lettre qui m'arrive de Monseigneur le Nonce de Turin, qui me conjure de luy envoyer « un picolo bilancio delli conti che sonno stati veduti in Tonone « circa le cose della Santa Casa, perchè gioverà molto appresso Sua Santità per ottenere molte gratie.

  A012002037 

 C'est pourquoi le Conseil de ladite Maison m'a demandé de supplier en son nom Votre Seigneurie de vouloir bien, en qualité de premier supérieur et de Primicier de cette institution, faire [224] rendre compte à M. Gabaleone et lui donner ordre de payer d'abord à M. de Prissy douze ducatons qui lui sont justement dus par cette Maison, ainsi que pourra l'attester le P. Chérubin.

  A012002037 

 Je ne doute point que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'ait appris par le P. Chérubin avec quel soin ont été faits les comptes de la Sainte-Maison de Thonon pour ce qui a été trouvé au deçà des monts.

  A012002037 

 Reste à dresser ceux qui concernent les affaires d'au delà des monts.

  A012002053 

 Monsieur de Saint Paul me dit que monsieur l'Abbé avoit laissé d'accenser l'abbaye, selon qu'il m'avoit donné parolle, pour quelques parolles laschees de vostre part, qui estonnerent les fermiers qui s'offroyent.

  A012002053 

 Si cela est, vous aures occasion d'en tenir quitte ledit sieur Abbé, puisque quant a moy, cela ne m'importe point, pourveu que vous soyes payés comme il faut, qui est mon seul regard pour ce particulier.

  A012002085 

 Episcopus, mirum in modum gavisus, Terniensi balliagio duos concionatores, unum ex Dominicana familia, alterum ex [231] Societate Jesu addicit; Tononensi autem duos e sua Cathedrali: Ludovicum de Sales, qui nunc Præpositus est ipsius Ecclesiæ, et me, nunc quidem Episcopum indignum, tunc autem Præpositum..

  A012002087 

 Nostri tamen rem pro virili promovent, ac primarios primum viros aliquot ex hæresis vorticibus in communionis Catholicæ portum recipiunt, sexque variis locis erectæ [sunt] Catliolicorum parrochiæ: tres in Tononensi, tres item in Terniensi agro (cur autem plures non erigerentur, partim operariorum paucitas, partim quod non suppeteret unde sustentari possent, partim quia pace nondum firma, res adhuc incertæ videbantur), et e Patrum Capuccinorum Ordine novi et strenui adveniunt messores, qui alacritate et zelo multorum vices supplebant..

  A012002088 

 Idque accidit anno millesimo quingentesimo nonagesimo octavo, adeoque [233] fœliciter successit ut Illustrissimus et Reverendissimus Cardinalis Florentinus, a latere Sedis Apostolicæ Legatus, diebus aliquot interpositis adveniens, multa jam hominum millia viderit conversa esse, quibus quidem ipse partim absolutionem contulit, partim ab Episcopo prædecessore meo, partim etiam a me dari voluit, cum scilicet in tanta pœnitentium copia, omnibus diei horis paratus esse deberet aliquis qui ad caulas Christi redeuntes oves exciperet..

  A012002088 

 Itaque ita biennium traducitur, cum Dux, in re quam vive gerebat præcordiis impatiens morarum, ipsemet venire, Tononenses qui præcipui videbantur convenire ac cum eis coram agere constituit.

  A012002089 

 Illis enim aliquot mensibus quibus Dux hinc conversioni procurandæ incubuit atque adeo Tononi moratus est, cor ejus peculiari quadam gratia in manu Dei esse videbatur, ut ad quodcumque vellet converteret illud; cum sive publicis ad populum cohortationibus ac vocibus Catholico Principe dignis, sive privatis monitis ad eos qui videbantur hæresis majores columnæ, sive exemplis bonorum operum, [234] omnibus animi dotibus ac viribus, cum populo illo universo contenderet ut illum Ecclesiæ Catholicæ inferret referretque, constitutus scilicet Dux a Deo super plebem illam, prædicans præceptum ejus.

  A012002090 

 Huc usque tamen pars ista maxima illorum populorum ad Ecclesiam reversa aliquot habebat immixtos utriusque sexus hæreticos, qui cæteris obstinatiores in errore permanebant.

  A012002090 

 Nam et recte memini interfuisse me Consilio super ea re habito, speciali nimirum mandato Principis accersitus, in quo plerique consiliariorum rem illam tunc aggredi tempus non esse, resque non ferre mordicus asserebant, neque sane sine probabili illarum quas Status appellant rationum momento, quibus tamen omnibus unam religionis rationem Dux sanctissime præposuit ac prætulit, idque videntibus, spectantibus ac frementibus Bernensium legatis, qui illis ipsis diebus ut id averterent solemnem egerint legationem.

  A012002090 

 Verum balliagium Galliardense remanebat adhuc in potestate Genevensium, ex induciarum conditionibus, atque adeo ad illud nullus Catholicæ fidei patebat aditus; at cum paulo post per pacis decreta redditum etiam [236] fuisset Duci, in illud immissi [sunt] operarii, Ducis expensis, ex Societate Jesu et cleri secularis sacerdotes qui exiguo tempore, magnis laboribus, maxima Dei gratia, rem propemodum omnem perfecerunt..

  A012002091 

 Qui sane unicus fere ac solus bellorum exactorum fructus huic diæcesi contigit..

  A012002104 

 Après Dieu, c'est le Saint-Siège Apostolique, c'est sa vigilance qui assure la stabilité de la république chrétienne.

  A012002104 

 Aussi importe-t-il beaucoup de lui faire un rapport consciencieux et fidèle des évènements qui intéressent l'Eglise en chaque pays; sinon, quand on soumettra un exposé de faits à la sollicitude souveraine du Pontife, on pourra faire passer pour vrai ce qui est faux ou pour faux ce [228] qui est vrai.

  A012002105 

 C'est ce qui donna l'idée aux Bernois de songer sérieusement à restituer les provinces dont ils s'étaient rendus maîtres.

  A012002105 

 D'autre part, on n'était pas en mesure de se faire justice par la force des armes; voici donc ce qui fut conclu et ce qui fut fait: le duc reprendrait ce qu'on appelle les quatre bailliages de Thonon, Ternier, Gaillard et Gay ou Gex, qui confinent à Genève de quatre côtés et s'étendent tout autour de cette ville, à la condition expresse toutefois qu'il ne s'y ferait aucun exercice de la religion catholique.

  A012002105 

 Pendant que la Savoie presque tout entière était au pouvoir du roi de France François I er, les Suisses Bernois, infectés depuis peu du venin de l'hérésie luthérienne et zwinglienne, se jetèrent sur ces quartiers de Savoie qui confinent à leur pays.

  A012002107 

 Cette résolution causa au Prélat une joie inexprimable; il envoya au bailliage de Ternier deux prédicateurs, l'un de la famille Dominicaine, [231] l'autre de la Compagnie de Jésus; et au bailliage de Thonon, deux autres de son église cathédrale: Louis de Sales, qui en est maintenant le prévôt, et moi, qui en suis aujourd'hui l'évêque, quoique indigne, et qui, pour lors, en étais le prévôt..

  A012002108 

 Nous avions devant nous soixante-quatre paroisses; or, si l'on excepte les officiers catholiques du duc, qui n'en voulut jamais avoir que de tels, on n'eût pas trouvé une centaine de fidèles sur une population de plusieurs milliers d'âmes.

  A012002110 

 Avec une telle multitude de pénitents, il fallait en effet qu'à toute heure un prêtre fût prêt pour accueillir ces brebis qui revenaient au bercail du Christ..

  A012002111 

 Sans doute, « il est digne et juste » de rapporter au suprême, à l'immuable Moteur de toutes choses le mouvement si remarquable et si profond qui s'est fait dans les âmes; mais, avouons-le sincèrement, Dieu a daigné se servir surtout du duc de Savoie et de son zèle, comme du principal instrument.

  A012002111 

 Tantôt il faisait publiquement des exhortations au peuple; tantôt il entamait des conférences privées avec ceux qui passaient pour les plus fortes [234] colonnes de l'hérésie.

  A012002112 

 On le voit, il n'est pas de pierre que ce très zélé prince n'ait voulu, pour ainsi dire, remuer de ses propres mains: caresses, menaces, il n'a rien épargné de ce qui était en son pouvoir pour ramener ces peuples; et, ce qui est encore plus digne d'éloges, il agissait ainsi à l'encontre des avis et des sentiments d'un grand nombre de ses conseillers.

  A012002112 

 Toutefois, pendant que la majeure partie de ces populations était rentrée dans l'Eglise, au milieu d'elles restèrent quelques hérétiques de l'un et de l'autre sexe, qui, plus obstinés que les autres, s'entêtaient dans leurs erreurs.

  A012002113 

 Partout l'on célèbre et l'on fréquente les mystères de la foi catholique; chaque paroisse est pourvue de son curé; enfin ces trois bailliages, que les clauses du traité ont remis au duc, sont tout à fait restitués à l'Eglise, et, ce qui importe le plus, c'est qu'après avoir recouvré la foi et la religion, leurs habitants ont persévéré sans que [237] ni les persécutions des dernières guerres, ni les menaces des hérétiques aient jamais pu les ébranler.

  A012002114 

 Et maintenant, Très Saint Père, cette restauration catholique, importante à coup sûr et digne de considération, ce prince qui en a été l'heureux instrument, ce diocèse tout entier qui mérite la sympathie à tant de titres, attendent du Siège Apostolique, des marques sérieuses de sollicitude, des témoignages de tendresse et votre bienveillante protection.

  A012002115 

 En outre, plusieurs chanoines de mon Eglise cathédrale, et d'autres personnes d'une probité et d'une doctrine éprouvées ont vu et en quelque sorte touché les choses dont je vous fais le récit, car ils ont collaboré dans le Seigneur à l'instruction de ces peuples et ils ont été pour « une grande part » dans tout ce qui s'est fait.

  A012002129 

 Verbi gratia: habbiamo qui vicino il priorato di Talloyres, casa honoratissima quanto alla fondatione, et appresso Geneva il priorato di Contamina et la badia di Entremonti; il primo è sottoposto [241] all'Abbate di Savigny in Francia, il secondo all'Abbate di Cluni, il terzo all'Abbate di San Rufo di Valenza.

  A012002139 

 Voici la raison qui me porte à désirer cette mesure: une partie des monastères étant soumis à des supérieurs non réformés, la réforme, quand bien même leurs inférieurs l'accepteraient, ne pourrait être durable.

  A012002140 

 Quant aux autres, tels que les monastères de Sixt, de Peillonnex, [242] du Sépulcre en cette ville, et semblables, il est nécessaire de les séculariser, vu que les moines sont Chanoines réguliers de Saint-Augustin, mais d'une certaine Congrégation qui n'a ni général, ni provincial, ni Chapitre, ni visite, ni forme expresse de vœu, ni Règle, ni Constitutions.

  A012002177 

 Quam fuerit in usu inter priscos illos Ecclesiæ Pastores scriptionis epistolarum officium, nemo sane est qui nesciat; et tu, Reverendissime Pater, id omnium minime ignoras: charitas mutua sola scribendi causa, cujus sacrum perfectionis vinculum nulla locorum distantia solvit.

  A012002179 

 Accedit et alia scriptionis causa, commendandi scilicet D. Rudolphum, filium Joannis a Dunghen, tuæ diœcesis virum, qui et ipse primus Reverendissimæ Paternitatis Vestræ colendæ animum injecit, cum inter multas [247] laudes, quibus te dignum sæpe prædicat, hanc adjiceret, multam quidem suorum civium erga Principes suos devotionem, tua tamen præsertim opera effectum quod urbs illa jam toties [tam] inusitatis quoque stratagematibus tentata, in hostium potestatem nondum venisset; illud nimirum tuum esse eloquium ac vim dicendi, ut cum buccinæ clangore muri Hierichuntini sint eversi, tubæ tuæ evangelicæ sonitu Buscoducensia mœnia et propugnacula sarta tecta hucusque permanserint..

  A012002190 

 Pour être différents, l'exil et la prison sont deux maux qui s'équivalent.

  A012002191 

 C'est lui qui le premier m'a donné l'idée de rendre mes devoirs à Votre Révérendissime Paternité.

  A012002192 

 Cet homme, qui rend un tel hommage à vos mérites, me fit savoir, étant sur son départ, que s'il pouvait vous présenter une attestation de la vie honorable qu'il a menée parmi nous, cela lui serait, en toutes circonstances, d'une précieuse utilité.

  A012002192 

 Il me semble donc le voir retourner maintenant vers vous pourvu d'une rare provision de vertus et de piété, semblable au navire d'un marchand qui revient avec une riche cargaison.

  A012002192 

 Il n'est pas besoin de dire avec quel zèle il s'est appliqué, pendant tout ce temps, au droit et aux belles-lettres; mais ce qui importe davantage à mes yeux, il a embrassé avec une exactitude scrupuleuse et qui ne s'est jamais démentie, les devoirs de la piété et de la religion.

  A012002202 

 J'entens que l'on fait certaines aumosnes generales en Abondance et La Chapelle le jour mesme de Pentecoste, au moyen dequoy plusieurs circonvoysins abandonnent les offices de leurs parroisses, et ceux du lieu sont fort distraitz de leurs devoirs et devotions au prejudice de lhonneur qui est deu a un jour de si grande solemnité.

  A012002217 

 C'est en cette action en laquelle gist le plus grand effort de la [251] force et constance d'un genereux esprit, et qui attire le plus la faveur du Ciel.

  A012002217 

 Je participeray tous-jours a tous les evenemens aggreables et desaggreables qui vous toucheront; mais je me res-jouis de cettuy-ci qui vous a donné sujet de prattiquer la charité chrestienne au pardon que vous aves fait a celuy qui, sans sujet, avoit prattiqué la desloyauté mondaine en vostre endroit.

  A012002218 

 Neanmoins, la parole ayant esté donnee avant leur retour, et les necessités de mon diocese le requerant, je m'essayeray de cooperer avec eux a l'œuvre de Nostre Seigneur, estudiant tous-jours en theologie, comme il a pleu au Roy de me faire resouvenir, comme n'ayant nul autre desir que celuy la, ni aucune autre occupation qui me soit agreable.

  A012002219 

 M. de la Porte est en ces quartiers, qui prendra quelque argent de nous, ainsy qu'il m'escrit, et que Madame de Mercœur m'a commandé de luy donner en deduction de nostre dette envers elle.

  A012002220 

 J'ay appris que M. de Berulle m'a fait l'honneur de m'envoyer le livre que je desirois; mais je ne doute point qu'il l'aura confié a mon frere, qui n'en aura pas eu le soin proportionné au prix que je fay de tout ce qui part dudit seigneur de Berulle, de la bienveuillance duquel je suis autant jaloux que nul autre.

  A012002221 

 Je me suis extremement res-joui du bon succes des affaires des Peres Jesuites en France, a laquelle, comme vous sçaves, je desire et souhaitte toute bonne et sainte prosperité, qui ne luy peut jamais arriver que par la renaissance de son ancienne vertu et pieté, a laquelle cette excellente Compaignie peut infiniment contribuer, estant favorisee du zele de Sa Majesté comme elle va estre, a ce qu'on me dit..

  A012002227 

 L'argent de bon qui doit estre a Gex, les pensions des ministres payees, est entre les mains des ministres mesmes qui opiniastrent autant pour ne le rendre pas que pour aucun article de leur foy; mais je verray si a Dijon je pourray y mettre du remede..

  A012002239 

 Et ne vy jamais mon esprit party au choix de deux inconveniens, comme je l'ay eu en ceste occasion; mais ayant tout consideré, j'ay fait election de celluy qui pouvoit recepvoir plus de remede et qui ne tumboit pas si droittement sur le service des ames, aymant mieux m'exposer a la mercy de l'opinion des bons qu'a la cruauté de la calomnie des mauvais.

  A012002239 

 J'accuse fort vollontier la pauvreté de mon esprit, qui, regardant touttes choses en leur face naturelle, n'a sceu penetrer jusques a ce succes..

  A012002251 

 Que pleut a Dieu, Monseigneur, que les nouvelles qui courent il y a quelques moys de deça de la restitution de Gex a Vostre Altesse ne soyent autant certaines qu'elles sont desirables; j'en auroy ce particulier contentement de voir la sainte religion asseuree en tout mon diocese, sans employer ny tant de peine ni tant de soing comme je suis obligé de faire maintenant.

  A012002272 

 Cette diversité de souverains m'oblige nécessairement à traiter et à demeurer en bonne intelligence avec tous deux, ainsi qu'avec leurs représentants et leurs Parlements ou Sénats; ce qui ne me cause pas peu d'embarras, surtout à l'égard de la France, où l'on sait que je [257] suis savoyard et feudataire de la Savoie.

  A012002272 

 Or, parce que la partie de ce diocèse qui appartient à la France relève du Parlement de Dijon, je dois traiter avec lui pour cinq chefs différents..

  A012002273 

 Et en cinquième lieu, bon nombre de Catholiques de Gex qui, moyennant l'édit appelé de liberté, pourraient obtenir l'exercice de la religion dans leurs paroisses, n'ont personne pour présenter leurs requêtes ni pour en solliciter l'entérinement..

  A012002273 

 La quatrième est celle-ci: grâce à la diligente intervention de M gr l'Illustrissime Nonce de France, il n'est plus question d'établir le culte hérétique à Seyssel; toutefois, à [258] moins que je ne donne un mémoire particulier des circonstances qui doivent en empêcher l'établissement, ce projet ne sera point abandonné, mais seulement ajourné.

  A012002274 

 Néanmoins je n'ai pas voulu manquer de rendre compte à Votre Sainteté de cette détermination, comme je désire faire de toutes mes actions, qui doivent en tout et partout être réglées par le bon plaisir apostolique..

  A012002284 

 M. Deage fut celuy qui me trompa, ayant luy mesme le premier esté trompé par sa surdité; car il me dit que vostre laquais [260] estoit sorti de la ville le soir pour faire son partement plus matin, qui me garda d'escrire comme je devois..

  A012002286 

 Et quant aux consolations, je sçai qui vous estes, et ma cousine aussi, et laisse au bon Jesus, lequel vous aves en vostre esprit, a vous faire cet office.

  A012002301 

 J'ay veu un arbre planté par le bienheureux saint Dominique a Romme: chacun le va voir et cherit pour l'amour da plantateur; c'est pourquoy, ayant veu en vous l'arbre du desir de sainteté que Nostre Seigneur a planté en vostre ame, je le cheris tendrement, et prens playsir a le considerer plus maintenant qu'en presence, et je vous exhorte d'en faire de mesme et de dire avec moy: Dieu vous croisse, o bel arbre planté; divine semence celeste, Dieu vous veuille faire produire vostre fruit a maturité, et lhors que vous l'aures produit, Dieu vous veuille garder du vent qui fait tomber les fruitz en terre, ou les bestes vilaines les vont manger.

  A012002301 

 Madame, ce desir doit estre en vous comme les orangers de la coste marine de Gennes, qui sont presque toute l'annee chargés [264] de fruitz, de fleurs et de feuilles tout ensemble; car vostre desir doit tous-jours fructifier par les occasions qui se presentent d'en effectuer quelque partie tous les jours, et neanmoins il doit ne jamais cesser de souhaitter des nouveaux objetz et sujetz de passer plus avant, et ces souhaitz sont les fleurs de l'arbre de vostre dessein; les feuilles seront les frequentes reconnoissances de vostre imbecilité, qui conservent et les bonnes œuvres et les bons desirs: c'est la l'une des colomnes de vostre tabernacle..

  A012002302 

 Loüé soit Dieu, qui vous a donné ce cher et saint amour; faites le croistre tous les jours de plus en plus, et la consolation vous en accroistra tout de mesme, puisque tout l'edifice de vostre bonheur est appuyé sur ces deux colomnes.

  A012002302 

 Saint Paul nous commande d'honnorer les vefves qui sont vrayement vefves; mays celles qui n'ayment pas leur viduité ne sont vefves qu'en apparence, leur cœur est marié.

  A012002303 

 Gardés vous des empressemens et inquietudes, car il n'y a rien qui nous empesche plus de cheminer en la perfection.

  A012002304 

 Loués Dieu cent fois le jour d'estre « fille de l'Eglise, » a l'exemple de la Mere Therese qui repetoit souvent ce mot a l'heure de sa mort avec une extreme consolation.

  A012002305 

 Je le supplie qu'il vous donne abondamment son saint amour, et a tout ce qui vous appartient..

  A012002319 

 A vous, Madame, qui estes mariee, les moyens sont de vous bien unir a Dieu et a vostre prochain et a ce qui despend d'eux..

  A012002321 

 Et a cet effect, il faut que vous ayés les autheurs qui ont couché les pointz des meditations sur la vie et mort de Nostre Seigneur, comme Grenade, Bellintani, [268] Capillia, Bruno, dans lesquelz vous choysirés la meditation que vous voudrés faire, et la lirés attentivement pour vous en resouvenir au tems de l'orayson, et n'avoir autre chose a faire que de les remascher, suyvant tous-jours la methode que je vous mis par escrit en la meditation que je vous donnay le Jeudy Saint..

  A012002322 

 Prenes playsir a lire les livres que Grenade a fait de l'orayson et meditation, car il ni en a point qui vous instruise mieux ni avec plus de mouvemens.

  A012002323 

 C'est l'advis de saint Paul, qui ordonne aux serviteurs de servir Dieu en leurs maistres et leurs maistres en Dieu.

  A012002323 

 Il faut considerer le prochain en Dieu, qui veut que nous l'aymions et caressions.

  A012002323 

 Il faut s'exercer en cet amour du prochain, le caressant extérieurement; et, bien qu'il semble au commencement que c'est a contre cœur, il ne faut point laisser pour cela, car ceste repugnance de la partie inferieure en fin sera vaincue de l'habitude et bonn'inclination qui sera produite par la repetition des actions.

  A012002323 

 Quant a ceux qui servent pour se bien unir avec le prochain, ilz sont en grand nombre, mais je n'en diray que quelques-uns.

  A012002324 

 Mais en tout ceci prenes garde soigneusement que monsieur vostre mari, vos domestiques et messieurs vos parens ne soyent point offencés par des trop longs sejours aux eglises, des trop grans retiremens et abandonnement du soin de vostre mesnage, ou, comm'il arrive quelquefois, vous rendant contrerolleuse des actions d'autruy ou trop desdaigneuse des conversations ou les regles de devotion ne sont pas si exactement observees; car en tout cela il faut que la charité domine et nous esclaire, pour nous faire condescendre aux volontés du prochain en ce qui ne sera point contraire aux commandemens de Dieu..

  A012002325 

 Les malades aymeront vostre devotion silz en sont charitablement consolés; vostre famille, si elle vous reconnoist plus soigneuse de son bien, plus douce aux occurrences des affaires, plus amiable a reprendre, et ainsy du reste; monsieur vostre mari, sil void que a mesure que vostre devotion croist vous estes plus cordiale en son endroit et plus soüefve en l'affection que vous luy portés; messieurs vos parens et amis, silz reconnoissent en vous plus de franchise, de support, de condescendence a leurs volontés qui ne seront pas contraires a celle de Dieu.

  A012002326 

 Prenes-la en bonne part, comm'aussi cette lettre, qui sort d'un'ame qui est entierement affectionnee a vostre bien spirituel, et qui ne desire rien plus que de voir l'œuvre de Dieu parfait en vostr'esprit.

  A012002346 

 Je suis infiniment consolé du playsir que vous prenes a lire les Œuvres et la Vie de la Mere Therese, car vous verrés le grand courage qu'elle eut a reformer son Ordre, et cela vous animera sans doute a reformer vostre Monastere, ce qui vous sera bien plus aysé qu'il ne fut pas a elle, puisque vous estes Superieure perpetuelle.

  A012002346 

 Je vous recommande sur tout l'esprit de douceur, qui est celuy qui ravit les cœurs et gaigne les ames.

  A012002364 

 L'Eglise a tous-jours esté combattue par cette mesme façon; mais vos negatives doivent estre preuvees par une mesme sorte de preuve qu'est celle que vous exigés de nous, car c'est a celuy qui nie de preuver, quand il nie contre la possession et que sa negative sert de fondement a son intention.

  A012002366 

 Je vous conjure, par les entrailles de Jesus Christ, de vouloir meshuy lire et l'Escriture et les anciens Peres avec un esprit deschargé de preoccupations: vous verrés [274] que les parties principales et essentielles de la face de l'Eglise ancienne sont entierement conservees en celle qui est maintenant.

  A012002367 

 Il ne seroit pas possible de faire avec proffit des conferences par escrit entre nous, nous sommes trop esloignés de sejour; et que pourrions nous escrire qui n'ait esté repeté cent fois? Si la commodité le permettoit, croyes que je ne la refuserois pas, non plus que je ne la refuseray pas aux sieurs ministres de Geneve, mes voysins, quand il la desireront en bons termes..

  A012002381 

 J'obeis donques a la voulonté de Vostre Altesse, et sur une particuliere connoissance que j'ay de la verité, je la puis asseurer que ce monastere, qui fust jadis asses celebre, est presque ruiné quant aux bastimens, et tellement appauvri quant au revenu qu'il ne sçauroit de long tems rendre cent ducatons annuels a son Prieur; et pour la presente annee, ayant receu un grand degast par la tempeste, il n'y a pas, a beaucoup pres, dequoy supporter les charges.

  A012002398 

 Car je vous dis qu'en cela vous ne sçauries avoir fait faute, puisque le mal vous pressoit et vostre medecin spirituel estoit absent; que cela n'estoit pas changer de directeur, ce que vous ne pouviés faire sans perte bien grande, mais que c'estoit seulement se soulager pour l'attendre; que mes advis ne s'estendoyent que sur le mal present, qui requeroit un remede present, et partant ne pouvoyent nullement prejudicier a la conduitte generale de vostre premier directeur.

  A012002398 

 Je me res-jouis donques que vous ayes reconneu combien il est veritable que ceux qui sont bien accordans en l'intention du service de Dieu ne sont jamais guere esloignés d'affections et conceptions..

  A012002398 

 Madame, si vous vous en resouvenés, je vous dis bien cela mesme, quand vous me dites que vous craignés de [277] l'avoir offencé ayant receu les petitz advis que je vous donnay verbalement sur le sujet de vostre affliction interieure qui vous troubloit en la sainte orayson.

  A012002402 

 Je suis en un lieu et en une occupation qui me rend digne de quelque compassion, et ce m'est consolation de recevoir, parmi la presse de tant de fascheuses et difficiles affaires, des nouvelles de vos semblables; [280] ce m'est une rosee.

  A012002419 

 Ce n'est neanmoins pas a moy de le faire, qui suis sujet; c'est pourquoy j'ay supplié Monsieur le Nonce de m'en faire venir un petit mot de declaration qui me descharge de leur rigueur, laquelle, ce me semble, n'est pas sortable en ce tems, en ce lieu, en ces occasions..

  A012002437 

 L'autre lettre vous servira pour contenter le bon Pere a qui vous desires la pouvoir monstrer.

  A012002438 

 Je suis bien d'accord avec ceux qui vous ont voulu donner du scrupule, quil est expedient de n'avoir qu'un pere spirituel, l'authorité duquel doit estre en tout et par tout præferee a la volonté propre, et mesme aux advis de tout autre particuliere personne; mais cela n'empesche nullement le commerce et communication d'un esprit avec un autre, ni d'employer les advis et conseilz que l'on reçoit d'ailleurs.

  A012002438 

 Outre cela, elle ne laissoit pas d'avoir tous-jours quelque particulier et grand confident auquel elle se communiquoit, et duquel elle recevoit les advis et conseilz pour les prattiquer soigneusement, et s'en prævaloir en tout ce qui ne seroit contraire a l'obedience vouée; dont elle se treuva fort bien, comm'elle mesme a tesmoigné en plusieurs endroitz de ses escritz.

  A012002438 

 Peu auparavant que je receusse vos lettres, un soir je prins en main un livre qui parle de la bonne Mere Therese, pour delasser mon ame des travaux de la journée, et je treuvay qu'ell'avoit fait vœu d'obeissance particuliere au P. Gracian, de son Ordre, pour faire toute sa vie ce quil luy ordonneroit qui ne seroit contraire a Dieu ni a l'obeissance des superieurs [283] ordinaires de l'Eglise et de son Ordre.

  A012002440 

 Encor faut il que je vous die, pour coupper chemin a toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre cœur, que je n'ay jamais entendu quii y eut nulle liayson entre nous qui portast aucune obligation, sinon celle de la charité et vraÿe amitié chrestienne, delaquelle le lien est appellé par saint Paul le lien de perfection, et vrayement il l'est aussi, car il est indissoluble et ne reçoit jamais aucun relaschement.

  A012002440 

 Tous les autres liens sont temporelz, mesme celuy des vœuz d'obeissance, qui se rompt par la mort et beaucoup d'autres occurrences; mais celuy de la charité croit avec le tems et prend nouvelles forces par la duree.

  A012002440 

 Voyla, ma bonne Seur (et permettes moy que je vous appelle de ce nom, qui est celuy par lequel les Apostres et premiers Chrestiens exprimoyent l'intim'amour qu'ilz s'entreportoyent), voyla nostre lien, voyla nos chaysnes, lesquelles plus elles nous serreront et presseront, plus elles nous donneront de l'ayse et de la liberté.

  A012002441 

 Et ce pendant ne vous mettes nullement en scrupule, car vous n'aves point offencé le disant, bien qu'a l'adventure vous eussies mieux fait le celant, a cause de la reverence du Sacrement, qui doit estre si grande qu'hors iceluy il ne soit rien mentionné de ce qui s'y dit.

  A012002441 

 Je suis consolé que vous aves en horreur la finesse et duplicité, car il ni a guere de vice qui soit plus contraire a l'embonpoint et grace de l'esprit.

  A012002441 

 Neanmoins je loüe vostre candeur et me resjouïs que vous l'aÿés dit, comm'aussi tout le reste, bien que vous devés estre ferme en la resolution que je vous donnay, que ce qui se dit au secret de la Pœnitence est tellement sacré quil ne se doit pas dire hors d'icelle.

  A012002441 

 Toutefois, un autre coup, demeurés ferme, et tenes pour non dit et totalement tëu ce qui est couvert du voyle sacramentai.

  A012002442 

 Interpretés a bien cette longueur, car j'en ay usé pour eschapper, sil m'est possible, les repliques et scrupules qui naissent asses volontiers es espritz de vostre sexe.

  A012002443 

 C'est le bon Jesus qu'il nous faut enfanter et produire en nous mesmes; vous en estes grosse, ma chere Seur, et beni soit Dieu qui en est le Pere.

  A012002443 

 Je me suis souventesfois animé parmi mes petites difficultés par les paroles de nostre doux Sauveur qui dit: La femme, quand elle enfante, a une grande detresse; mais apres l'enfantement elle oublie le mal passé parce qu'un enfant luy est né. Je pense qu'elles vous consoleront aussi, si vous les consideres et repetes souvent.

  A012002443 

 Nos ames doivent enfanter non pas hors d'elles mesmes mais en elles mesmes, un enfant masle, le plus doux, gracieux et beau qui se peut desirer.

  A012002444 

 Au demeurant, je ne dis jamais la sainte Messe sans vous et ce qui vous touche de plus pres; je ne communie point sans vous, je suis en fin autant vostre que vous sçauries souhaitter.

  A012002444 

 Madame, pries-le pour moy, qui suis fort miserable et accablé de moy mesme et des autres, qui est une charge intolerable si Celuy qui m'a des-ja porté avec tous mes pechés sur la Croix ne me porte encores au Ciel.

  A012002474 

 Ce n'est pas un intérêt personnel qui me sollicite, [290] puisque je ne connais ce personnage que depuis un an; il a fait plusieurs prédications dans ce diocèse de Genève, au grand avantage et à la satisfaction des auditeurs..

  A012002475 

 Que Votre Béatitude reçoive ma requête avec cette très suave clémence qui m'a donné confiance de lui écrire sur cette affaire.

  A012002486 

 Le seigneur chevalier Lobet m'a treuvé chez ma mere, ou je n'ay sceu luy donner autre satisfaction que de vous supplier bien humblement, comme je fay, qu'il vous playse, Monsieur, de faire examiner ses pretentions autant comme il se peut sommairement, en la presence des seigneurs officiers de Son Altesse qui ont charge de la conservation des biens de la Sainte Mayson; et je donne des a present mon consentement a tout ce qui sera advisé et treuvé raysonnable pour terminer cette affaire.

  A012002487 

 Je ne voy point d'autre moyen de servir en cette affaire le seigneur Lobet, eu esgard a la haste qu'il a de s'en retourner en Piemont, et puisque les affaires de cette Sainte Mayson ne sont pas au pouvoir de moy seul, qui, en cette occasion et en tout'autre, feray tous-jours joindre [292] ma volonté a vos desirs, comme doit celuy qui, priant Dieu pour vostre prosperité, sera toute sa vie....

  A012002517 

 Je suis par tout le reste de mon ame fort imbecille et foible; mais j'ay l'affection fort tenante et presque immuable a l'endroit de ceux qui me donnent le bonheur de leur amitié, comme je croy fermement que vous aves fait.

  A012002518 

 Je vous diray donq, Monsieur, que, despuis les dernieres nouvelles que vous aves euës de moy, j'ay esté perpetuellement parmi les travaux et traverses que le monde fait naistre en ma charge, et me semble que cette annee m'a esté encor plus aspre que celle du noviciat; mays je puis dire aussi que nostre bon Maistre m'a beaucoup assisté de ses saintes consolations, qui m'ont fortifié en sorte que je puis dire d'avoir nagé parmi les eaux d'amertume sans en avoir avalé une seule goutte.

  A012002519 

 Encor vous diray-je cecy: j'y ay reconneu plusieurs centaines de personnes laïques et seculieres qui font une vie fort parfaitte, et, parmi le tracas des affaires du monde, font tous les jours leur meditation et saintz exercices de l'orayson mentale..

  A012002519 

 Il s'y est fait quelque fruit, nonobstant mon indignité, non seulement pour ceux qui m'ont attentivement escouté, mais aussi pour moy, qui ay reconneu en plusieurs personnes tant de vraye pieté que j'en ay esté esmeu.

  A012002520 

 A mon retour, en suitte de ce que j'y avois traitté et [295] qui avoit esté le sujet qui m'avoit fait sortir de mon diocese, je vins a Gex, ou M. le baron de Lux et quelques uns de cette court de Parlement estoyent arrivés pour, de la part du Roy, affermir l'establissement de l'exercice catholique que les huguenotz avoyent totalement esbranlé, et resoudre de plusieurs difficultés que l'esprit chicaneur de l'heretique y avoit fait naistre.

  A012002520 

 Plusieurs parroisses, a cette occasion, vinrent demander l'exercice de la sainte Eglise, qui jusques a l'heure n'avoyent pas osé; et le Roy du despuis le leur a accordé, bien que l'execution en soit un petit retardee pour des considerations que la malice du tems donne..

  A012002521 

 Il laisse a part la grande multitude de mes imperfections, qui sont sans doute blasmables, et ne me censure que de celles que je n'ay point, par la grace de Dieu: d'ambition, d'oysiveté exterieure, luxe en chiens de chasse et escuries, et semblables folies, qui sont non seulement esloignees [296] de mon affection, mays incompatibles avec la necessité de mes affaires et la forme de vie que ma charge m'impose.

  A012002521 

 Je bransle a sçavoir si je doy respondre, et n'estoit l'opinion de mes amis qui me combat, je serois resolu a la negative; mesme que j'ay en main quelque petite besoigne qui sera sans doute plus utile que celle la, et je suis si tourmenté de la multiplicité des sollicitudes que je n'ay nul loysir d'estudier..

  A012002523 

 Je ne suis jamais a l'autel que je ne l'en supplie, et nommement pour vous, Monsieur, de qui je me prometz un riche contreschange, a qui je bayse tres humblement les mains, et suis inviolablement,.

  A012002542 

 Je differerois [298] bien mon voyage, mais j'ay des autres assignations qui ne me laissent libre que ce tems-la pour le faire..

  A012002556 

 Je ne sçai si c'est l'amour que vous me portes qui tire cette eau de la pierre, ou si c'est celuy que je vous porte [299] qui fait sortir des roses de l'espine.

  A012002556 

 Permettes-moy ce mot d'amour, car je parle a la chrestienne, et ne treuvés pas estrange que je vous promette des eaux et des roses; car ce sont des epithetes qui conviennent a toute doctrine catholique, pour mal ageancee qu'elle soit.

  A012002558 

 Pour parler avec ordre, je considere la predication en ses quattre causes: l'efficiente, la finale, la materielle et la formelle; c'est a dire, qui doit prescher, pour quelle fin l'on doit prescher, que c'est que l'on doit prescher et la façon avec laquelle on doit prescher..

  A012002563 

 Mais en un Evesque, en un predicateur, si ces actions ne sont assaysonnees de cent mille circonstances qui malaysement se peuvent rencontrer, ce sont scandales et grans scandales.

  A012002563 

 Mays je remarque que non seulement il faut que [301] l'Evesque et predicateur ne soit pas vicieux de peché mortel, mays de plus qu'il esvite certains pechés venielz, voire mesme certaines actions qui ne sont pas peché.

  A012002566 

 Et il est vray; il semble qu'on puisse dire apres saint Paul: An experimentum quæritis ejus qui loquitur in me Christus? On a beaucoup plus d'asseurance, d'ardeur et de lumiere.

  A012002566 

 Il n'est pas croyable, dit saint Chrysostome, combien la bouche qui a receu le Saint Sacrement est horrible aux demons.

  A012002569 

 C'est elle qui donne mesure a la matiere et a la forme: selon le dessein qu'on a de bastir une grande ou une petite mayson, on prepare la niatiere, on dispose l'ouvrage..

  A012002569 

 La fin est la maistresse cause de toutes choses; c'est elle qui esmeut l'agent a l'action, car tout agent agit et pour la fin et selon la fin.

  A012002570 

 La fin donques du [303] predicateur est que les pecheurs mortz en l'iniquité vivent a la justice, et que les justes qui ont la vie spirituelle l'ayent encores plus abondamment, se perfectionnans de plus en plus, et, comme il fut dit a Hieremie, ut evellas et destruas les vices et les pechés, et ædifices et plantes les vertuz et perfections.

  A012002571 

 C'est pourquoy Dieu envoya aux Apostres, le jour de la Pentecoste, qui fut le jour de leur consecration episcopale, ayans des-ja eu la sacerdotale le jour de la Cene, des langues de feu; affin qu'ilz sceussent que la langue de l'Evesque doit esclaircir l'entendement des auditeurs et eschauffer leurs volontés..

  A012002572 

 C'est un certain chatouillement d'oreilles, qui provient d'une certaine elegance seculiere, mondaine et prophane, de certaines curiosités, ageancemens de traitz, de parolles, de [304] motz, bref, qui depend entierement de l'artifice: et quant aelle cy, je nie fort et ferme qu'un predicateur y doive penser; il la faut laisser aux orateurs du monde, aux charlatans et courtisans qui s'y amusent.

  A012002572 

 Car qui est cette ame tant insensible qui ne reçoive un extreme playsir d'apprendre bien et saintement le chemin du Ciel, qui ne ressente une consolation extreme de l'amour de Dieu? Et pour cette delectation, elle doit estre procuree; mais elle n'est pas distincte de l'enseigner et esmouvoir, c'en est une dependance.

  A012002572 

 Il y a une autre sorte de delectation qui ne depend pas de l'enseigner et esmouvoir, mays qui fait son cas a part et bien souvent empesche l'enseigner et l'esmouvoir.

  A012002572 

 Je sçai que plusieurs disent que, pour le troisiesme, le predicateur doit delecter; mays quant a moy, je distingue, et dis qu'il y a une delectation qui suit la doctrine et le mouvement.

  A012002573 

 Saint Paul deteste les auditeurs prurientes auribus, et par consequent les predicateurs qui leur veulent complaire.

  A012002578 

 Et des histoires prophanes, quoy? Elles sont bonnes, mais il s'en faut servir comme l'on fait des champignons, fort peu, pour seulement resveiller l'appetit; et lhors encor faut il qu'elles soyent bien apprestees, et, comme dit saint Hierosme, il leur faut faire comme faisoyent les Israëlites aux femmes captives quand ilz les vouloyent espouser: il leur faut rogner les ongles et couper les cheveux, c'est a dire les faire entierement servir a l'Evangile et a la vraye vertu chrestienne, leur ostant ce qui se treuve de reprehensible es actions payennes et prophanes, et faut, comme dit la sainte Parolle, separare pretiosum a vili.

  A012002580 

 C'est un livre qui contient la parole de Dieu, mais en un langage que chacun n'entend pas.

  A012002580 

 Ceux qui l'entendent par la meditation font fort bien de s'en servir, comme faisoit saint Anthoine, qui n'avoit nulle autre bibliotheque.

  A012002581 

 Mais sur tout, que le predicateur se garde bien de raconter des faux miracles, des histoires ridicules, comme certaines visions tirees de certains autheurs de basse ligne, choses indecentes et qui puissent rendre nostre ministere vituperable et mesprisable..

  A012002583 

 Et Nostre Seigneur mesme: Doctrina mea non est mea, sed ejus qui misit me.

  A012002587 

 Ainsy ce mot diligere doit estre pesé, par ce qu'il vient de eligo et represente naïfvement le sens litteral, qui est qu'il faut que nostre cœur, nostre ame et nostre esprit choisissent et preferent Dieu entre toutes choses, qui est le vray amour appreciatif duquel les theologiens interpretent ces paroles..

  A012002588 

 Quand il y a diversité d'opinions entre les Peres et Docteurs il se faut abstenir d'apporter les opinions qui doivent estre refutees, car on ne monte pas en chaire pour disputer contre les Peres et Docteurs catholiques; il ne faut pas reveler les infirmités de nos maistres et ce qui leur est eschappé comme hommes, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A012002589 

 Le premier est de tirer un sens allegorique qui ne soit point trop forcé, comme font ceux qui allegorisent toutes choses; mais faut qu'il soit naïfvement tiré, sortant de la lettre, comme saint Paul fait, allegorisant d'Esaü et Jacob au peuple Juif et Gentil, de Sion ou Jerusalem a l'Eglise..

  A012002591 

 Tiercement, il faut que l'allegorie soit bienseante; en quoy sont reprehensibles plusieurs qui allegorisent la defense faitte en l'Escriture a la femme de ne point prendre l'homme par ses parties deshonnestes, au Deuteronome, chapitre XXV: Si habuerint inter se jurgium viri duo, et unus contra alterum rixari cæperit, volensque uxor alterius eruere virum suum de manu fortioris, miseritque manum et apprehenderit verenda ejus, abscides manum illius, nec flecteris super eam ulta misericordia; et disent qu'elle represente le mal que fait la Synagogue de reprocher aux Gentilz leur origine, et qu'ilz n'estoyent pas enfans d'Abraham.

  A012002594 

 Il faut presque observer les mesmes regles au sens anagogique et tropologique; dont l'anagogique rapporte les histoires de l'Escriture a ce qui se passera en l'autre vie, et le tropologique les rapporte a ce qui se passe en l'ame et conscience.

  A012002594 

 J'en mettray un exemple qui servira pour tous les quatre sens.

  A012002595 

 Ces paroles de Dieu parlant d'Esaù et Jacob: Duæ gentes sunt in utero tuo, et duo populi ex utero tuo dividentur, populusque populum superabit, et major serviet minori, en Genese, XXV, litteralement s'entendent des deux peuples sortis, selon la chair, d'Esaü et de Jacob, c'est a sçavoir les Idumeens et les Israëlites, dont le moindre, qui fut celuy des Israëlites, surmonta le plus grand et l'aisné, qui fut le peuple d'Idumee, au tems de David..

  A012002596 

 Allegoriquement, Esaü represente le peuple Juif, qui fut l'aisné en la connoissance de salut; car les Juifz furent les premiers preschés.

  A012002596 

 Jacob represente les Gentilz, qui furent les puisnés; et neanmoins les Gentilz ont en fin surmonté les Juifz..

  A012002597 

 Analogiquement, Esaü represente le cors, qui est l'aisné; car avant que l'ame fust creée, le cors fut fait et en Adam et en nous.

  A012002597 

 Jacob signifie l'esprit, qui est puisné.

  A012002600 

 Les courtes sentences et fortes sont comme celle de saint Augustin: « Qui fecit te sine te, non » salvabit « te sine te; » et l'autre: Qui pœnitentibus veniam promisit, tempus pœnitendi non promisit; et semblables.

  A012002600 

 Les predicateurs qui en alleguent de longues allanguissent leur ferveur et l'attention de la pluspart des auditeurs, outre le danger auquel ilz s'exposent de manquer de memoire.

  A012002601 

 Si vous voules parler de quelque vertu, allés a la Table de saint Thomas, voyés ou il en parle, regardés ce qu'il dit; vous treuveres plusieurs raysons qui vous serviront de matiere: mays au bout de la, il ne faut pas employer cette matiere sinon qu'on puisse fort clairement se faire entendre, au moins aux mediocres auditeurs..

  A012002602 

 Abraham, disent-ilz, viel; Abraham, [312] qui n'avoit que ce filz si beau, si sage et vertueux et si aymable; et neanmoins, sans replique, sans murmurer et hesiter, il le mene sur le mont, et veut bien luy mesme de ses propres mains l'immoler.

  A012002602 

 Il faut choisir des histoires belles et esclattantes, les proposer clairement et distinctement, et les appliquer vivement, comme font les Peres proposans l'exemple d'Abraham qui immole son filz, pour monstrer que nous ne devons rien espargner pour faire la volonté de Dieu; car ilz remarquent tout ce qui peut rendre recommandable l'obeissance d'Abraham.

  A012002603 

 Mais il faut prendre garde a ne faire pas des descriptions vaines et flacques, comme font plusieurs escoliers qui, en lieu de proposer l'histoire naïfvement et pour les mœurs, se mettront a descrire les beautés d'Isaac, l'espee tranchante d'Abraham, l'enceinte du lieu du sacrifice et semblables choses' impertinentes.

  A012002604 

 Ainsy ceux qui par la meditation ont rencontré des colloques, doivent observer deux regles en la predication: l'une, de voir s'ilz sont solidement fondés sur une apparente probabilité; l'autre, de ne point les proposer fort longs, car cela refroidit et le predicateur et l'auditeur..

  A012002604 

 Comme en cette histoire: qui introduit Isaac se lamentant sur l'autel, implorant la compassion paternelle pour s'eschapper de la mort, ou bien Abraham disputant en soy mesme et se plaignant, il fait mal et tort a la valeur et resolution de l'un et de l'autre.

  A012002606 

 Celles qui sont tirees des histoires naturelles, si l'histoire est belle et l'application belle, c'est un double lustre; comme celle de l'Escriture de la renovation ou rajeunissement de l'aigle, par nostre penitence..

  A012002607 

 Or, il y a un secret en ceci qui est extremement proufitable au predicateur: c'est de faire des similitudes tirees de l'Escriture, de certains lieux ou peu de g'ens les sçavent remarquer; et ceci se fait par la meditation des paroles..

  A012002608 

 Je tire deux similitudes de deux choses qui se perdent avec le son.

  A012002608 

 L'autre: quand un grand riche meurt, on sonne toutes les cloches, on luy fait des grandes funerailles; mais, passé le son des cloches, qui le benit? qui parle de luy? Personne.

  A012002608 

 On tire une similitude de la cloche, qui appelle les autres a l'eglise et n'y entre point; car ainsy un homme qui fait des œuvres sans charité, il edifie les autres et les incite au Paradis, et il n'y va point luy mesme..

  A012002608 

 Saint Paul parlant de celuy qui n'a point de charité et fait quelques œuvres, il dit que factus est sicut æs sonans, aut cymbalum tinniens.

  A012002609 

 Et certes, qui observera cecy fera fructueusement beaucoup de belles similitudes, esquelles similitudes il faut observer la decence a ne dire rien de vil, abject et sale..

  A012002609 

 Les navires donques qui chomment au port, si tost que le vent propice les saysit aux voiles et qu'il les emplit et fait enfler, elles singlent.

  A012002609 

 Or maintenant, il faut voir les choses qui vont plus viste par dilatation, et vous en treuveres quelques unes, comme les navires quand le vent estend leurs voiles.

  A012002609 

 Or, pour rencontrer ces similitudes, il faut considerer les motz, s'ilz sont point metaphoriques; car quand ilz [314] le sont, tout aussi tost il y a une similitude a qui les sçait bien descouvrir.

  A012002612 

 Il faut tenir methode sur toutes choses; il n'y a rien qui ayde plus le predicateur, qui rende sa predication plus utile et qui aggree tant a l'auditeur.

  A012002612 

 J'appreuve que la methode soit claire et manifeste, et nullement cachee, comme font plusieurs qui pensent que ce soit un grand coup de maistre de faire que nul ne connoisse leur methode.

  A012002613 

 Pour vous ayder en cecy, je vous diray que, ou vous [315] voules prescher quelque histoire, comme de la Nativité, Resurrection, Assomption, ou quelque sentence de l'Escriture, comme: Omnis qui se exaltat humiliabitur, ou tout un Evangile ou il y a plusieurs sentences, ou la vie de quelque Saint avec quelque sentence..

  A012002614 

 Es Maries j'y voy la ferveur et diligence; es Anges, la joye et jubilation en leurs habitz blancz et en leur lumiere; es gardes je voy la foiblesse des hommes qui entreprennent contre Dieu; en Jesus je voy la gloire, le triomphe de la mort, l'esperance de nostre resurrection..

  A012002615 

 Ce qui s'ensuit, c'est le tremble-terre, la venue et apparition des Anges, la recherche des dames, la response des Anges; et en toutes ces parties il y a merveilles a dire, et par bon ordre..

  A012002615 

 La resurrection est precedee de la mort, de la descente aux enfers, de la delivrance des Peres qui estoyent au sein d'Abraham, de la crainte des Juifz qu'on ne desrobbe le cors; la resurrection, en cors bienheureux et glorieux.

  A012002615 

 On peut prendre en un mystere le point principal, comme en l'exemple precedent, la resurrection; puys considerer ce qui a precedé ce point la et ce qui s'en est ensuyvi.

  A012002616 

 Comment? glorieux, immortel, etc. Qui est nay? le Sauveur.

  A012002616 

 On peut en tous mysteres considerer ces pointz: qui? pourquoy? comment? Qui resuscite? Nostre Seigneur.

  A012002618 

 Ainsy donques, ayant descouvert en la sentence que vous voules manier la vertu a laquelle elle vise, vous pourres reduire vostre sermon a methode, considerant en quoy gist la vertu, les vrayes marques d'icelle, ses effectz et le moyen de l'acquerir ou exercer; qui a tous-jours esté ma methode, et j'ay esté consolé d'avoir rencontré le livre du Pere Rossignol, Jesuite, conforme a cette methode.

  A012002618 

 Quand vous voules prescher une sentence, il faut considerer a quelle vertu elle se rapporte, comme par exemple: Qui se humiliat exaltabitur; voyla le sujet de l'humilité bien clair.

  A012002619 

 Il y a une autre methode, monstrant combien cette vertu dont il s'agit est honnorable, utile et delectable ou playsante, qui sont les trois biens qui se peuvent desirer.

  A012002621 

 Ou bien de considerer ce qu'il fit agendo, qui sont ses vertuz; patiendo, ses souffrances, soit de martyre ou de mortification; orando, ses miracles.

  A012002621 

 Ou bien de considerer comme il a combattu le diable, le monde, la chair: la superbe, l'avarice, la concupiscence, qui est la division de saint Jan: Omne, dit il, quod est in mundo, aut est concupiscentia carnis, etc. Ou bien, comme je fis a Fonteynes, sur saint Bernard: comme il faut honnorer Dieu en son [318] Saint et le Saint en Dieu; comme il faut servir Dieu a l'imitation de son Saint; comme il faut prier Dieu par l'intercession de son Saint; et ainsy effleurer la vie du Saint dont on parle, et mettre chaque chose en son lieu..

  A012002622 

 Voyla bien asses de methodes pour commencer; car apres un peu d'exercice vous en feres d'autres qui vous seron propres et meilleures.

  A012002626 

 Entre tous ceux qui ont escrit des sermons, Diez m'aggree infiniment: il va a la bonne foy, il a l'esprit de predication, il inculque bien, explique bien les passages, fait de belles allegories et similitudes, des hypotyposes nerveuses, prend l'occasion de dire admirablement, et est fort devot et clair.

  A012002626 

 Il luy manque ce qui est en Osorius, qui est l'ordre et la methode, car il n'en tient point; mays il me semble qu'il se le faut rendre familier au commencement.

  A012002626 

 Il y a un Espagnol qui a fait un gros livre qui s'appelle Sylva Allegoriarum, lequel est tres utile a qui le sçait bien [320] manier, comme aussi les Concordances de Benedicti.

  A012002626 

 Voyla, ce me semble, le principal de ce qui me vient maintenant en memoire pour la matiere..

  A012002630 

 J'ay dit genereuse, contre ceux qui ont une action craintifve, comme s'ilz parloyent a leurs peres, et non pas a leurs disciples et enfans.

  A012002630 

 J'ay dit grave, contre certains qui font tant de bonnetades a l'auditoire, tant de reverences et puys tant de petites charlateries, monstrans leurs mains, leur surplis, et faysans telz autres mouvemens indecens.

  A012002630 

 J'ay dit noble, contre l'action rustique de quelques uns qui font profession de battre des poings, des piedz, de l'estomach contre la chaire, crient et font des hurlemens estranges, et souvent hors de propos.

  A012002630 

 J'ay dit un peu lente, pour forclorre une certaine action courte et retroussee, qui amuse plus les yeux qu'elle ne bat au cœur..

  A012002631 

 Je dis de mesme du langage, qui doit estre clair, net et naïf, sans ostentation de motz grecz, hebreux, nouveaux, courtisans.

  A012002632 

 Nos anciens Peres et tous ceux qui ont fait du fruit se sont abstenuz de tous fatras et jolivetés mondaines.

  A012002635 

 J'ayme la predication qui ressent plus a l'amour du prochain qu'a l'indignation, voire mesme des huguenotz, qu'il faut traitter avec grande compassion, non pas les flattant, mais les deplorant..

  A012002638 

 Je finis disant que la preédication c'est la publication et declaration de la volonté de Dieu faitte aux hommes par celuy qui est la, legitimement envoyé, affin de les instruire et esmouvoir a servir sa divine Majesté en ce monde, pour estre sauvés en l'autre..

  A012002641 

 Il faut, avant que je ferme cette lettre, que je vous conjure, Monsieur, de ne la point faire voir a personne duquel les yeux me soyent moins favorables que les vostres, et que j'adjouste ma tres humble supplication que [323] vous ne vous laissies emporter a nulle sorte de consideration qui vous puisse empescher ou retarder de prescher: plus tost vous commenceres, plus tost vous reuscires.

  A012002642 

 Saint Jan mourant ne sçavoit que repeter cent fois en un quart d'heure: « Mes enfans, aymés vous les uns les autres, » et avec cette provision il montoit en chaire: et nous faysons scrupule d'y monter si nous n'avons des myrobolans d'eloquence! Laissés dire a qui alleguera la suffisance de Monsieur vostre predecesseur: il commença une fois comme vous..

  A012002643 

 Mais mon Dieu, Monsieur, que dires vous de moy qui vay si simplement avec vous? L'amour ne se peut taire [324] ou il y va de l'interest de celuy qu'on ayme.

  A012002649 

 Pour l'amour de Dieu, aymés moy tous-jours, et me tenes pour autant vostre serviteur qu'homme qui vive, car je le suis.

  A012002656 

 En cela seul ilz n'auront pas sceu passer la mesure a dire, ni vous, Monsieur, a croire que je leur ay voüé toutes mes affections, qui vous sont par ce moyen acquises, puisqu'il sont vostres avec tout ce qu'ilz ont..

  A012002657 

 C'est bien la verité que j'ay reconneu en Monsieur de Bourges une si naïfve bonté et d'esprit et de cœur que je me suis relasché a conferer avec luy des offices de nostre commune vocation, avec tant de liberté que, revenant a moy, je n'ay sceu qui avoit usé de plus de simplicité, on luy a m'escouter, ou moy a luy parler.

  A012002658 

 Il n'est pas jusques au petit Celse Benigne et a vostre Aymee qui ne me connoissent et qui ne m'ayent caressé en vostre mayson.

  A012002661 

 » Ceux qui s'arment avant que l'alarme se donne le sont tous-jours mieux que les autres qui, sur l'effroy, courent ça et la au plastron, aux cuissars et au casquet.

  A012002662 

 Ceux qui partent a l'improuveuë sont excusables de n'avoir pas pris congé des amis et de partir en mauvais equipage, mais non pas ceux qui ont sceu l'environ du tems de leur voyage.

  A012002662 

 Les arbres que le vent arrache ne sont pas propres pour estre transplantés parce qu'ilz laissent leurs racines en terre; mays qui les veut porter en une autre terre, il [329] faut que dextrement il desengage petit a petit toutes les racines l'une apres l'autre.

  A012002663 

 A cet effect, je croy, Monsieur, que vous aures une incroyable consolation de choisir de chasque jour une heure pour penser, devant Dieu et vostre bon Ange, a ce qui vous est necessaire pour faire une bienheureuse retraitte.

  A012002665 

 Vostre saint Bernard dit que l'ame qui veut aller a Dieu doit premierement bayser les piedz du Crucifix, purger ses affections et se resoudre a bon escient de se [330] retirer petit a petit du monde et de ses vanités; puys bayser les mains, par la nouveauté des actions qui suit le changement des affections; et en fin le bayser en la bouche, s'unissant par un amour ardent a cette supreme Bonté.

  A012002666 

 Ceux qui pretendent au païs eternel, quoy que singlans en la haute mer des affaires de ce monde, ont un certain pressentiment du Ciel qui les anime et encourage merveilleusement; mays il faut se lenir en prouë et le nés tourné de ce costé la..

  A012002666 

 On dit qu'Alexandre le Grand, singlant en haute mer, descouvrit luy seul et premierement l'Arabie Heureuse a l'odeur des bois aromatiques qui y sont; aussi, luy seul y avoit sa pretention.

  A012002668 

 C'est bien assés, Monsieur, si ce n'est trop pour cette annee, laquelle s'enfuit et s'escoule de devant nous, et dans ces deux moys prochains nous fera voir la vanité de sa duree, comme ont fait toutes les precedentes qui ne durent plus.

  A012002668 

 Et pardonnés moy, je vous en conjure par vostre propre humilité, si ma simplicité a esté [331] si extravagante en son obeissance que de vous escrire avec tant de longueur et de liberté sur un simple commandement, et avec une entiere connoissance que j'ay de vostre extreme suffisance, qui me devoit ou retenir au silence ou en une exacte moderation.

  A012002683 

 Je vous envoye, ma chere Fille (et voyla le mot que vous voules et que mon cœur me dicte), un escrit touchant lu façon de faire l'orayson mentale qui me semble la plus aysee et utile.

  A012002684 

 Mais quoy que vous voyies [en] ces autheurs qui sont excellens, ne vous departes point de la forme que je vous ay envoyee..

  A012002686 

 Et tenés cette regie perpetuellement, que jamais vous ne deves finir vostre orayson qu'avec confiance; car c'est la vertu la plus requise pour impetrer de Dieu, et celle qui l'honnore le plus.

  A012002689 

 Au repas, j'appreuverois que vous observassies de faire [334] dire le Benedicite et les Graces ecclesiastiques qui sont a la fin du Breviaire; et cela vous le pourres introduire au meste tems que vous introduires le Breviaire de Trente, ou devant, s'il vous semble, et, petit a petit, faire que chaque Dame le die a son tour; car l'Eglise ne l'a pas fait mettre sinon a fin que nous l'observions.

  A012002690 

 Apres cela les Litanies de Nostre Dame, et apres, l'orayson de Nostre Dame, ou celle qui est apres: Visita, quæsumus, Domine, habitationem, et ce qui s'ensuit.

  A012002694 

 Je n'ay pas icy les livres qui en traittent, et peut estre le disent-ilz mieux que moy; mais il n'importe: si vous le treuves ailleurs, tant mieux..

  A012002695 

 Je vous voy dedans, sans doute; si Dieu vous donne sa grace et quelques annees de vie, ce sera vous qui seres employee de la divine Providence a cette sacree besoigne, et sans beaucoup de peyne.

  A012002695 

 Quant a la reformation de vostre Mayson, ma chere Fille, il faut que vous ayes un cœur grand et qui dure.

  A012002696 

 Mais comme quoy? Allés de loin a loin, gaignés ces jeunes plantes qui sont la et leur inspirés l'esprit d'obeissance; et pour ce faire usés de trois ou quatre artifices..

  A012002698 

 Par exemple: Mon Dieu, que les [337] Abbesses qui ont des Superieures qui leur commandent, ou bien des Superieurs, sont bien plus ayses! elles ne craignent point de faillir, elles ne font rien qu'a propos, toutes leurs actions sont bien plus aggreables a Dieu; et semblables petites amorces..

  A012002700 

 Le quatriesme c'est de faire profession vous mesme de ne vouloir rien faire que par l'advis et conseil de vostre pere spirituel, auquel neanmoins vous n'attribueres nullement aucun tiltre de commandement, ni a ce que vous feres par sa direction aucun tiltre d'obeissance, de peur d'exciter des contradictions, et que les malins ne suscitent des jalousies en l'esprit de ceux qui sont Superieurs de vostre Monastere, car cela gasteroit tout.

  A012002701 

 Il faut les y conduire petit a petit, en sorte qu'inspirees en cette douce façon, dans quelque tems toutes leurs pensions soyent mises ensemble en une bourse, de laquelle on tirera tout ce qui sera necessaire, esgalement et a propos, selon la necessité d'une chacune, comme il se fait en plusieurs monasteres de France que je sçay.

  A012002704 

 Il faut avoir un cœur de longue haleyne; les grans desseins ne se font qu'a force de patience et de longueur de tems; les choses qui croissent en un jour se perdent en un autre.

  A012002722 

 Sur ce bon fondement j'appliqueray mon esprit et mes prieres a penser en tout ce qui sera utile et requis pour faire une parfaitte reformation de tout vostre Monastere; ayés seulement un grand courage et plein d'esperance.

  A012002728 

 C'estoit l'un des plus grans serviteurs de Dieu qui l'ust de cet aage, et de mes plus intimes amis; il fut fait Evesque en un mesme jour avec moy.

  A012002742 

 Ce m'a esté un extreme contentement d'avoir eu et veu vostre lettre; je voudrois bien que les miennes vous en peussent donner un reciproque, et particulierement pour le remede des inquietudes qui se sont eslevees en vostre esprit despuis nostre separation.

  A012002743 

 Je vous ay dit une fois, et m'en resouviens fort bien, que j'avois treuvé en vostre confession generale toutes [345] les marques d'une vraye, bonne et solide confession, et que jamais je n'en avois reçeu qui m'eust plus entierement contenté.

  A012002745 

 Ceux qui sont simplement gens de bien cheminent en la voye de Dieu; mays les devotz courent, et quand ilz sont bien devotz, ilz volent.

  A012002746 

 Il faut avant toutes choses observer les commandemens generaux de Dieu et de l'Eglise, qui sont establis pour tout fidelle chrestien, et sans cela il n'y peut avoir aucune devotion au monde: cela, chacun le sçait.

  A012002749 

 Et qu'est ce donques qui vous les rend fascheux? Rien, a la verité, sinon vostre propre volonté, qui veut regner en vous a quel prix que ce soit; et les choses que peut estre elle desireroit si on ne les luy commandoit, luy estant commandees elle les rejette.

  A012002749 

 La deuxiesme consideration c'est de penser a la nature des commandemens de Dieu, qui sont doux, gratieux et souëfves, non seulement les generaux, mays encores les particuliers de la vocation.

  A012002749 

 Saül avoit commandement de gaster et ruyner tout ce qu'il rencontreroit en Amalech: il ruyna tout, horsmis ce qui estoit de pretieux, qu'il reserva et en fit sacrifice; mais Dieu declaira qu'il ne veut nul sacrifice contre l'obeissance.

  A012002750 

 C'est nostre chetifve nature qui veut tous-jours que sa volonté soit faitte, et non pas celle de Dieu.

  A012002751 

 Ceux qui ont la fievre ne treuvent nulle place bonne; ilz n'ont pas demeuré un quart d'heure en un lict qu'ilz voudroyent estre en un autre: ce n'est pas le lict qui en peut mais, c'est la fievre qui les tourmente par tout.

  A012002751 

 D'ou vient cette generale inquietude des espritz, sinon d'un certain desplaysir que nous avons a la contrainte, et une malignité d'esprit qui nous fait penser que chascun est mieux que nous? Mais c'est tout un: quicomque n'est pleinement resigné, qu'il tourne deça et dela, il n'aura jamais repos.

  A012002751 

 Il faut considerer qu'il n'y a nulle vocation qui n'ayt ses ennuis, ses amertumes et degoustemens; et, qui plus est, si ce n'est ceux qui sont pleinement resignés en la volonté de Dieu, chascun voudroit volontier changer sa [348] condition a celle des autres: ceux qui sont Evesques voudroyent ne l'estre pas; ceux qui sont mariés voudroyent ne l'estre pas, et ceux qui ne le sont le voudroyent estre.

  A012002751 

 Une personne qui n'a point la fievre de la propre volonté se contente de tout; pourveu que Dieu soit servi, elle ne se soucie pas en quelle qualité Dieu l'employe: pourveu qu'il face sa volonté divine, ce luy est tout un..

  A012002754 

 Avant que de faire ou vous preparer a faire aucune des choses de vostre vocation qui vous faschent, pensés que les Saintz ont bien fait gayement d'autres choses plus grandes et fascheuses: les uns ont souffert le martyre, les autres ont souffert le deshonneur du monde.

  A012002754 

 Et qu'est ce que nous faysons qui approche en difficulté a cela?.

  A012002756 

 Et venant au particulier de ce qui vous faschera, dites: Voules vous que je face telle et telle chose? Helas, Seigneur, encor n'en suis je pas digne; je le feray tres volontier: et ainsy, que vous vous humilies fort.

  A012002761 

 Quand il vous surviendra quelque contradiction, resignés vous fort en Nostre Seigneur, et vous consolés sçachant que ses faveurs ne sont que pour les bons ou pour ceux qui se mettent en chemin de le devenir..

  A012002761 

 Souvenes vous de ce que je vous ay si souvent dit: laites honneur a nostre devotion; rendes la fort aymable [351] a tous ceux qui vous connoistront, mays sur tout a vostre famille; faites que chascun en die du bien.

  A012002775 

 Ce grand mouvement d'esprit qui vous y a porté presque par force et avec consolation; la consideration que j'y ay apporté avant que d'y consentir; ce que ni vous ni moy ne nous en sommes pas fiés a nous mesmes, mais y avons appliqué le jugement de vostre confesseur, bon, docte et prudent; ce que nous avons donné du loysir aux premieres agitations de vostre conscience pour se refroidir si elles eussent esté mal fondees; ce que les prieres non d'un jour ni de deux, mais de plusieurs mois ont precedé, sont indubitablement des marques infallibles que c'estoit la volonté de Dieu..

  A012002776 

 Ilz pressent, ilz veulent qu'on trousse marché avant que de l'avoir traitté, et se contentent d'une courte priere, qui ne sert que de pretexte pour establir des choses les plus importantes..

  A012002776 

 La premiere parole qu'ilz jettent a l'oreille de l'ame qui en est agitee c'est de n'ouïr point de conseil, ou, si elle en oyt, que ce soyent des conseilz de gens de peu et sans experience.

  A012002777 

 Arrestes-vous la, je vous supplie, et ne disputés [353] plus avec l'ennemy en ce sujet; dites luy hardiment que c'est Dieu qui l'a voulu et qui l'a fait.

  A012002777 

 Ce fut Dieu qui vous embarqua en la premiere direction, propre a vostre bien en ce tems la; c'est Dieu qui vous a portee a celle ci, laquelle, bien que l'instrument en soit indigne, il vous rendra fructueuse et utile..

  A012002777 

 Ce n'a esté ni vous ni moy qui en avons fermé le traitté; ç'a esté un troysiesme, qui en cela n'a peu regarder qu'a Dieu seul.

  A012002777 

 La difficulté que j'y apportay au commencement, qui ne procedoit que de la consideration que j'y devois appliquer, vous doit entierement resoudre; car cryés bien que ce n'estoit pas faute de tres grande inclination a vostre service spirituel (je l'avois indicible), mais parce qu'en chose de telle consequence je ne voulois suivre ni vostre desir ni mon inclination, ains Dieu et sa provividence.

  A012002778 

 Chasque affection a sa particuliere difference d'avec les autres; celle que je vous ay a une certaine particularité qui me console infiniment, et, pour dire tout, qui m'est extremement prouffitable.

  A012002778 

 Mays maintenant, ma chere Fille, il y est survenu une certaine qualité nouvelle qui ne se peut nommer, ce me semble; mais seulement son effect est une grande suavité interieure que j'ay a vous souhaitter la perfection de l'amour de Dieu et les autres benedictions spirituelles.

  A012002778 

 Quand vous vous declarastes a moy plus particulierement, ce fut un lien admirable a mon ame pour cherir de plus en plus la vostre, qui me fit vous escrire que Dieu m'avoit donné a vous, ne croyant pas qu'il se peust plus rien adjouster a l'affection que je sentois en mon esprit, et sur tout en priant Dieu pour vous.

  A012002779 

 Grand cas ce me semble, ma Fille: la sainte Eglise de Dieu, a l'imitation de son Espoux, ne nous enseigne point de prier pour nous en particulier, mais tous-jours pour nous et nos freres Chrestiens: « Donnés nous, » dit elle, « accordés nous, » et en semblables termes qui en comprennent plusieurs.

  A012002779 

 Il ne m'estoit jamais arrivé, sous cette forme de parler generale, de porter mon esprit a aucune personne particuliere: despuis que je suis sorty de Dijon, sous cette parole de nous, plusieurs particulieres personnes qui se sont recommandees a moy me viennent [354] en memoire; mais vous, presque ordinairement la premiere, et quand ce n'est pas la premiere, qui est rarement, c'est la derniere pour m'y arrester davantage.

  A012002780 

 Il ne faut nullement respondre ni faire semblant d'entendre ce que l'ennemy dit; qu'il clabaude tant qu'il voudra a la porte, il ne faut pas seulement dire: Qui va la? Il est vray, ce me dires-vous, mais il m'importune, et son bruit fait que ceux de dedans ne s'entendent pas les uns les autres a deviser.

  A012002780 

 Mays sur tout tenes vous bien fermee dedans, et n'ouvres nullement la porte, ni pour voir qui c'est ni pour chasser cet importun; en fin il se lassera de crier et vous laissera en paix.

  A012002782 

 Vive Jesus en qui je croy vive l'Eglise a laquelle j'adhéré! et semblables paroles enflammees.

  A012002785 

 Au bout de tout cela, ces tentations ne sont que des afflictions comme les autres, et faut s'accoiser sur le dire de la Sainte Escriture: Bienheureux est qui souffre la tentation, car ayant esté esprouvé, il recevra la couronne de gloire. Sachés que j'ay veu peu de personnes avoir esté avancees sans cette espreuve, et faut avoir patience; nostre Dieu, apres les bourrasques, envoyera le calme.

  A012002786 

 Pour le quatriesme point, je ne veux point changer les offres que vous fistes la premiere fois que vous voüastes, ni la place qui vous fut donnee, ni tout le reste..

  A012002787 

 Ayant salué les Saintz qui sont au Ciel, dites un Pater noster et l' Ave pour les fidelles trespassés et un autre pour tous les fidelles vivans.

  A012002787 

 Salués tous les Saintz avec cette oraison vocale: « Sainte Marie et tous les Saintz, veuilles interceder pour nous vers Nostre Seigneur, affin que nous obtenions d'estre aydés et sauvés par Celuy qui vit et regne es siecles des siecles.

  A012002787 

 » Sancta Maria et omnes Sancti, intercedi te pro nobis ad Dominum, ut nos mereamur ab eo adjuvari et salvari qui vivit et regnat in sæcula [357] sæculorum.

  A012002788 

 Oyés tous les jours la Messe, quand il se pourra, en la façon que j'ay descritte en l'escrit de la meditation, et, soit a la Messe, soit le long du jour, je desire que le Chapelet se dise tous les jours, le plus affectueusement qui se peut.

  A012002793 

 Je vous laisse l'esprit de liberté, non pas celuy qui forclost l'obeissance, car c'est la liberté de la chair; mais celuy qui forclost la contrainte et le scrupule ou empressement.

  A012002796 

 J'appreuve que neanmoins on la flatte quelquefois, en luy donnant a manger de l'avoyne que saint François luy donnoit pour la faire aller viste: c'est la discipline, qui a une merveilleuse force, en piquant la chair, de resveiller l'esprit; seulement deux fois la semaine..

  A012002798 

 Ayés les Confessions de saint Augustin, et lisés soigneusement des le huitiesme Livre; vous verrés sainte Monique vefve, avec le soin de son Augustin, et plusieurs choses qui vous consoleront..

  A012002808 

 Il ne perd gueres sa joye, parce que nulle privation ne rend triste celuy qui n'avoit son cœur attaché nulle part.

  A012002808 

 Le cœur qui a cette liberté n'est point attaché aux consolations, mais reçoit les afflictions avec toute la douceur que la chair peut le permettre.

  A012002809 

 Exemple: Une ame qui s'est attachee a l'exercice de la meditation, interrompés la, vous la verres sortir avec du chagrin, empressee et estonnee.

  A012002809 

 Les effectz de cette liberté sont une grande suavité d'esprit, une grande douceur et condescendance a tout ce qui n'est pas peché ou danger de peché; c'est cette humeur doucement pliable aux actions de toute vertu et charité.

  A012002809 

 Les occasions de cette liberté sont toutes les choses qui arrivent contre nostre inclination; car quicomque n'est pas engagé en ses inclinations ne s'impatiente pas quand elles sont diverties..

  A012002809 

 Une ame qui a la vraye liberté sortira avec un visage esgal et un cœur gracieux a l'endroit de l'importun qui l'aura incommodee, car ce luy est tout un, ou de servir Dieu en meditant, ou de le servir en supportant le prochain; [363] l'un et l'autre est la volonté de Dieu, mais le support du prochain est necessaire en ce tems la.

  A012002811 

 Au contraire, si j'ay l'esprit de contrainte ou servitude, je ne laisseray pas ma meditation ores qu'un malade ayt grandement besoin de mon assistence a cette heure la, ores que j'aye un depesche de grande importance et qui ne puisse estre bien differé; et ainsy des autres sujetz..

  A012002811 

 Exemple: Je desseigne de faire la meditation tous les jours au matin; si j'ay l'esprit d'instabilité ou dissolution, a la moindre occasion du monde je differeray au soir: pour un chien qui ne m'aura laissé dormir, pour une lettre qu'il faudra escrire, bien que rien ne presse.

  A012002812 

 Il me reste a vous dire deux ou trois exemples de cette liberté, qui vous feront mieux connoistre ce que je ne sçay pas dire.

  A012002815 

 Le pelerin n'en vouloit pas manger, non obstant sa necessité; Spiridion, qui n'en avoit nulle nécessité, en mange luy le premier par charité, affin d'oster par son exemple le scrupule du pelerin.

  A012002816 

 Le P. Ignace de Loyole, qu'on va canoniser, le Mercredi Saint, mange de la chair sur la simpl'ordonnance du medecin, qui le jugeoit expedient pour un petit de mal quil avoit.

  A012002817 

 Mais je vous veux præsenter un soleil au pris de tout cela, un vray esprit franc et libre de tout engagement, et qui ne tient qu'a la volonté de Dieu.

  A012002819 

 J'ay oublié a dire que non seulement la volonté de Dieu se connoit par la necessité et charité, mais par l'obedience; de façon que celuy qui reçoit un commandement doit croire que c'est la volonté de Dieu.

  A012002821 

 L'annee qui vient, sil plait a Dieu, je vous en donneray un autre, apres que vous aures bien proffité en l'escole de cettuyci..

  A012002822 

 J'ay receu le billet de vos vœux, que je garde et regarde soigneusement commun juste instrument de nostre alliance toute fondee en Dieu, et laquelle durera a l'æternité, moyennant la misericorde de Celuy qui en est l'autheur..

  A012002822 

 Pour le neufviesme point, croyes de moy deux choses: l'une, que Dieu veut que vous vous servies de moy, et n'en doutes point; l'autre, que en ce qui sera pour vostre salut, Dieu m'assistera de la lumiere qui me sera necessaire pour vous servir; et, quand a la volonté, il me l'a des-ja donnee si grande qu'elle ne peut l'estre d'avantage.

  A012002823 

 Monsieur l'Evesque de Saluces, l'un de mes plus intimes amis et des plus grans serviteurs de Dieu et de l'Eglise qui fut au monde, est decedé despuis peu, avec un regret incroyable de son peuple, qui n'avoit joüy de ses travaux qu'un an et demi; car nous avions esté faitz Evesques ensemble et tout d'un jour.

  A012002824 

 Dieu le veuille, ma tres chere Seur, mais pour mon regard je ne voy rien devant mes yeux qui me puisse faire esperer d'avoir liberté d'aller de dela; je vous en dis la rayson en confiance estant a Saint Claude.

  A012002839 

 Cui quidem malo nullo præsentiore remedio medicinam fieri posse existimant periti rerum æestimatores, quam si ex reformatis et recenti Spiritus Sancti igne accensis et inflammatis Congregationibus viri Religiosi adducantur, et in locum eorum (ut modestissime dicam) qui terram hactenus perperam occupaverunt, sufficiantur.

  A012002854 

 Dans cette pensée, Vespasien Aiazza, abbé commendataire de Notre-Dame d'Abondance, a projeté d'attribuer et de remettre ce Monastère aux Religieux Feuillants de Saint-Bernard, dont la bonne odeur s'est répandue dans beaucoup d'endroits, après en avoir banni six moines qui, presque tous usés de vieillesse, végètent comme ensevelis dans la plus grossière ignorance de la discipline [372] monastique.

  A012002854 

 Le meilleur remède à ce mal, au dire de personnes éclairées, c'est de choisir dans les Congrégations nouvellement réformées, embrasées et enflammées du feu du Saint-Esprit, de vrais Religieux afin de les substituer à ceux qui, pour ne rien dire de plus, ont occupé indignement la terre.

  A012002870 

 Je dois neanmoins en faire ma tres humble supplication a Vostre Altesse, comme celuy qui en recevra autant de consolation que les peuples de ce diocæse en recevront d'ædification..

  A012002870 

 Je sçai des long tems combien Vostre Altesse desire la reformation des monasteres de deça les mons, et qu'ell'a tous-jours jugé que le meilleur moyen d'y parvenir c'estoit d'oster par voye raysonnable les moynes et [374] Religieux qui, jusques a present, s'y sont mal comportés, et y mettre en leur place des autres Religieux des Congregations reformees.

  A012002887 

 Et neanmoins, le sieur Praevost de Montjou m'envoye une lettre de Vostre Altesse qui me deffend de l'attaquer en proces.

  A012002887 

 La cure des Alinges, qui ne fut onques a la disposition du Praevost de Montjou, a esté legitimement conferee a un fort honneste prestre lequel, des le commencement du restablissement de la sainte religion en ces quartiers la, y a tres utilement travaillé.

  A012002887 

 Monseigneur, il a tort, et c'est a moy de supplier tres humblement Vostre Altesse de luy commander de ne point troubler l'establissement des curés de Chablaix, qui a tant cousté et de peynes et de soin au zele de Vostre [376] Altesse.

  A012002888 

 Vostre Altesse a la Mayson de Saint Bernard en sa protection, mais elle n'a pas moins sous sa grace et singuliere faveur cette miserable evesché de Geneve, pour conserver, avec ses commandemens, les droitz de l'un'et de l'autre; qui est tout ce que je puis souhaitter en cette occasion particuliere, en laquelle j'ay trois grans advantages.

  A012002905 

 J'ay de l'advantage par tout, car ledit sieur de Montjou a esté condamné devant les officiers de Son Altesse, et je suis defendeur et en possession, et respons non de mes actions mais de celles de feu Monsieur de Geneve mon prædecesseur, et en faveur d'un curé qui, des le fin commencement, a servi fort utilement a la gloire de Dieu en cette parroisse la.

  A012002905 

 Je viens de recevoir une lettre de Son Altesse par laquelle elle me commande que je ne poursuive plus le proces qui est entre monsieur de Montjou d'une part, et le curé des Alinges et moy de l'autre.

  A012002906 

 Monsieur, j'ay veu que la lettre qu'il a pleu a Son Altesse m'envoyer estoit sortie de vostre main, qui m'a fait croire que je devoys vous supplier de prendre en protection mon droit pour ce sujet, comme je vous supplie bien humblement, me resouvenant que vous m'aves fait l'honneur de m'aimer il y a long tems, et me promettant la mesme faveur encor maintenant que je suis,.

  A012002923 

 Mais monsieur l'Abbé d'Abondance se treuve fort empesché a la vouloir payer, d'autant quil entre en une bonne despense pour introduire les Peres Feuillans en son Abbaye, et que d'ailleurs il est fort chargé de pensions; il dit neanmoins que si ceux qui ont les pensions vouloyent supporter charitablement la moytié de laditte praebende, il contribueroit volontiers l'autre moytié.

  A012002924 

 Mais cela ne se peut ni attendre ni esperer sinon de la bonté et providence de Vostre Altesse qui le commandast a l'Abbé et aux pensionnaires, en faveur des ames qui en seroyent assistees et du bon monsieur Nouvelet, duquel la pauvreté seroit soulagee et la viellesse consolee, et qui ne respire ni devant Dieu ni devant les hommes que la grandeur et sainte prosperité de Vostre Altesse, de Messeigneurs ses enfans et de la posterité, pour laquelle je prie aussi tous les jours sa divine Majesté, comm'estant,.

  A012002940 

 Je diray ce que je pourray tumultuayrement, et sil me reste quelque chose apres cela, je vous l'escriray dans bien peu de tems par homme de connoissance qui va a Dijon et revient..

  A012002941 

 Je vous remercie de la peyne que vous aves prise a me desduire l'histoire de vostre porte de saint Claude, et prie ce beni Saint, tesmoin de la sincerité et integrité de cœur avec laquelle je vous cheris en Nostre Seigneur et commun Maistre, quil impetre de sa sainte bonté l'assistence du Saint Esprit qui nous est necessaire pour bien entrer au repos du tabernacle de l'Eglise.

  A012002942 

 Car, puisque vous voules oster les quatorse mille francz a celuy a qui ilz avoyent esté donnés pour le faire transiger, il est bien raysonnable que la transaction quil a faitte pour les avoir soit aussi gastee.

  A012002942 

 Cela les rend correspectifz l'un a l'autre, et dela s'ensuit que, voulant faire casser et rompre celuy des moulins a cause de l'enorme lesion, il faut aussi rompre et casser celuy de la transaction qui luy est correspectif, et laysser les affaires au mesme estat auquel elles estoyent avant la transaction et l'achapt des [381] moulins.

  A012002942 

 Pour vostre proces, je vous diray qu'en ayant conferé avec un des excellens hommes qui vivent, affin quil m'aydast a m'en bien esclarcir, j'ay rencontré, ce me semble, le nœud de l'affaire pour vous bien et solidement conseiller pour nostre ame, qui est a Dieu et delaquelle, pour l'amour d'icelluy, il nous faut estre fort jaloux.

  A012002942 

 Vous voules reprendre ce que vous luy avés donné, qui est la somme de 14000 francz; rendes luy aussi ce que vous avés de luy a cette consideration, qui est la cession de cette succession.

  A012002944 

 Je ne vous diray plus rien du doute que vous avies si Dieu vouloit ou ne vouloit pas ce qui se passa a Saint Claude; car, puisque sa bonté s'est inclinee jusques aux aureilles de vostre cœur pour s'en declairer a vous, il n'est plus quæstion que vous en douties.

  A012002945 

 C'est une certaine impuissance, ce me dites vous, des facultés ou parties [382] de vostre entendement qui l'empesche de prendre le contentement de la consideration du bien, et, ce qui vous fasche le plus, c'est que, voulant lhors prendre resolution, vous ne sentes point la solidité accoustumee, ains vous rencontrés une certaine barriere qui vous arreste tout court; et de la vient le torment des tentations de la foy.

  A012002946 

 Ces deux enfans en un mesme ventre s'entrebattent comm'Esau et Jacob; c'est pour quoy Rebecca s'ecrie: M'estoit il pas mieux de mourir que de concevoir avec tant de douleurs? De ces convulsions s'ensuit un certain degoustement qui fait que vous ne savoures pas les meilleures viandes.

  A012002946 

 Croyes-moy, ce n'est que le goust qui vous manque, ce n'est pas la veüe.

  A012002946 

 De l'autre costé, vous aves l'amour de Dieu, qui est conceu apres et est puisné; il a aussi ses mouvemens, inclinations, passions, actions.

  A012002947 

 Cependant, seroit-ce point peut estre une multitude de desirs qui fait des obstructions en vostre esprit? J'ay esté malade de cette maladie.

  A012002947 

 Il y a quelque chose en moy, ce dites vous, qui n'a jamais esté satisfait, mais je ne sçaurois dire que c'est.

  A012002948 

 Cest empressement donques est un defaut en vous, et c'est ce je ne sçai quoy qui n'est pas satisfait, car c'est un defaut de resignation.

  A012002949 

 Il mourut-la, plus heureux que plusieurs qui moururent en la terre de promission, puisque Dieu luy fit lhonneur de l'ensepulturer luymesme.

  A012002950 

 Voules vous connoistre si je dis vray que le defaut qui est en vous c'est de cett'entiere resignation? Vous voules bien avoir une croix, mais vous voules avoir le choix; vous la voudries commune, corporelle et de telle ou telle sorte.

  A012002951 

 Or sus, ma Seur, ma Fille, mon ame (et ceci n'est pas trop, vous le sçaves bien), dites moy, Dieu n'est il pas meilleur que l'homme? mais l'homme n'est il pas un vray neant en comparaison de Dieu? Et neanmoins voyci un homme, ou plustost le plus vray neant de tous les neans, la fleur de toute la misere, qui n'ayme rien moins la confiance que vous aves en luy, encor que vous en ayes perdu le goust et le sentiment, que si vous en avies tous les senti mens du monde; et Dieu n'aura-il pas aggreable vostre volonté bonne, encor qu'elle soit sans nul sentiment? Je suis, disoit David, comm'une vessie sechee a la fumee du feu, qu'on ne sçauroit dire a quoy elle peut servir.

  A012002954 

 La promesse que vous fistes a Nostre Seigneur de ne jamais rien refuser de ce qui vous seroit demandé en son nom, ne vous sçauroit obliger sinon a le bien aymer; c'est a dire que vous pourries l'entendre en telle façon que la prattique en seroit vicieuse, comme si vous donnies plus qu'il ne faut et indiscretement.

  A012002957 

 Je ne puis laisser le mot de Madame, car je ne veux pas me croire plus affectionné que saint Jan l'Evangeliste, qui neanmoins en l'Epistre sacree qu'il escrit a la sainte dame Electa l'appelle Madame; ni estre plus sage que saint Hierosme, qui appelle bien sa devote Eustochium Madame.

  A012002960 

 Item, resouvenes vous de vous comporter avec un grand respect et honneur en tout ce qui regardera le bon Pere spirituel que vous sçavés; et mesme traittant avec ses disciples et enfans spirituelz, quilz ne reconnoissent que la vraye douceur et humilité en vous.

  A012002967 

 L'une dit: Je voudrois bien faire, mais il me fasche et ne le feray pas; l'autre dit: [Je] veux bien faire, mais je n'ay pas tant de pouvoir que de vouloir, c'est cela qui m'arreste.

  A012002981 

 Tous vos degoustemens ne m'estonnent point; ilz cesseront un jour, Dieu aydant, et si bien vous aves donné peu de satisfaction a ce bon Pere, [390] je m'asseure qu'il ne s'en troublera point; car je le tiens pour capable de connoistre les divers accidens d'une ame qui commence a cheminer au chemin de Dieu.

  A012002984 

 Faites estat que le fer qui ouvrira vostre jambe soit l'un des cloux qui perça les pieds de Nostre Seigneur.

  A012002985 

 David affligé disoit a Nostre Seigneur: J'ay fait le muet et n'ay dit mot, parce que c'est vous, o mon Dieu, qui m'aves fait ce mal que je souffre.

  A012002985 

 Voyla vostre croix qui vous arrive: embrassés-la, et la caressés pour l'amour de Celuy qui vous l'envoye.

  A012002986 

 Prenes tous les jours une goutte ou deux du sang qui distille des playes des pieds de Nostre Seigneur et le faites passer par la meditation, et avec imagination trempés reveremment vostre doigt en cette liqueur et l'appliqués sur vostre mal, avec l'invocation du doux nom de Jesus, qui [392] est un huyle respandu, disoit l'Espouse aux Cantiques, et vous verrés que vostre douleur s'amoindrira..

  A012002988 

 Je vous l'envoyeray bien tost, car j'en auray commodité; mays ce pendant vous treuveres dans Grenade tout ce qui est requis, et dans la Prattique spirituelle.

  A012002989 

 Quand Nostre Seigneur fut a la croix il fut declairé Roy, mesme par ses ennemis; et les ames qui sont en croix sont declairees reynes..

  A012002990 

 Saint Paul, qui avoit esté au Ciel et parmi les felicités du Paradis, ne se tenoit pour heureux qu' en ses infirmités et en la Croix de Nostre Seigneur.

  A012002996 

 Demandés en ce tems la a Dieu les vertuz qui vous seront plus necessaires..

  A012003008 

 Si monsieur vostre mary ne me tient pas pour son serviteur il a bien tort, car je le suis tres asseurement, et de tout ce qui vous appartient..

  A012003020 

 Je ne puis laisser partir aucun messager d'ici qui s'en aille de dela sans luy donner de mes lettres, et au moins pour vous.

  A012003021 

 Despuis le despart de vostre homme j'ay feuilleté tous les escritz que vous m'avies envoyés, et ni ay rien treuvé qui ne soit bien bon, sinon le point qui regarde la confession, ou il est dit quil faut tous-jours changer de [396] confesseur.

  A012003021 

 Il est vray que c'est un grand abus de tellement se lier a un confesseur que sil advient de n'en avoir pas la commodité, pour cela on s'en inquiete ou trouble; car c'est s'attacher a l'instrument de nostre bien et non pas a l'ouvrier d'iceluy, qui est Dieu, et par consequent perdre la vraye liberté.

  A012003022 

 J'ay bien opinion que dedans ces escritz il y a plusieurs pointz de tres diffidile prattique, et qui font une abstraction d'esprit un petit excessive a qui voudroit les empoigner de haute lutte.

  A012003022 

 Mais il faut aussi y apporter le remede convenable, qui est de ne point se roydir en leur exercice qu'avec advis et moderation, et apres qu'on aura fort usé les pointz plus aysés.

  A012003024 

 Si cet homme ne passoit a Geneve je vous eusse renvoyé tous vos papiers; mais je craindroys quil ne fut recherché la dedans, et qu'ilz les voulussent voir et s'en mocquassent, comm'ilz ont accoustumé de faire des choses qui ne sont pas a leur goust.

  A012003025 

 Mon Dieu qui connoist ma foiblesse ne la voudra pas espreuver, et se sera peut estre contenté de la menace.

  A012003030 

 Je veux bien que vous communiquies mes advis qui regardent vostre conscience avec vostre confesseur, mais nompas mes lettres qui sont un petit trop naifves et [398] cordiales pour estre veües par des yeux autres que bien simples, et respondans a mon intention toute franche et ronde en vostre endroit..

  A012003047 

 Je vous envoye l'original que vous avés desiré de moy, avec quelques autres papiers qui regardent le mesme sujet, et ne sçai pourquoy les scindiques de Thonon prenent ce biais de nier une chose si claire et quilz ne peuvent ignorer.

  A012003065 

 C'est pourquoy je luy ay donné advis de passer jusques a vous, Monsieur, qui jugeres de sa proposition, laquelle, a ce quil m'a dit, il n'a communiqué a homme du monde que a moy, qui ne l'ay pas bien entendue..

  A012003065 

 Ce porteur, qui s'appelle Henri de la Rose (vulgo nativo), de Matisco, mais qui a vescu une grande partie de son aage a Geneve, est venu a moy pour recevoir l'absolution de son hæresie, laquelle je luy ay conferee.

  A012003084 

 Si monsieur le Præsident eüt esté icy, j'eusse sur le champ essayé de faire ce que vous desirés de moy vers luy, comme je le feray, Dieu aydant, tout aussi tost quil sera de retour de Chamberi qui sera, comm'il m'escrit, aux Rois..

  A012003085 

 Le vous puisse je rendre en quelque façon reciproque, et je l'espere de la bonté de Dieu, lequel je supplie de tout mon cœur vous donner bon commencement, meilleur progres et tres bonne fin de cette nouvelle annee qui nous arrive.

  A012003103 

 Entre plusieurs embarassemens qui rendent ma charge pesante, j'en a y un pour les cures de Saint Sergue, Perrigni, Fessi, Lully, Brenthonoz et Lulin, desquelles les portions congrues furent tirees par feu Monsieur mon prædecesseur, en partie sur les revenuz de l'abbaye d'Aux, d....

  A012003114 

 Je vous confesse que je n'ay point de scrupule de me desregler de mon reglement quand c'est le service de mes brebis qui m'occupe, car alhors il faut que la charité soit plus forte que nos propres inclinations, pour bonnes que nostre amour propre nous les face voir; et, en faysant cet escrit que je vous envoye, mon dessein a esté, non de me gesner, mais ouÿ bien de me regler, sans m'obliger a aucun scrupule de conscience, car Dieu me fait la grace d'aymer autant la tressainte liberté d'esprit que haïr la dissolution et le libertinage.

  A012003122 

 J'ay tous-jours esté avec vostre [403] cœur des hier, et luy ay souhaitté ce qui luy est arrivé; bien plus, mon cœur m'avoit presque dit ce qui est descendu dans le vostre.

  A012003124 

 Courage, Madame; ce seroit une vraye et prodigieuse pusillanimité en un'ame bien nee de quitter une telle resolution que celle que vous aves receu; Dieu, qui vous l'a donnee, ne la retirera jamais si vous ne la chassés.

  A012003137 

 Je vous supplie donq tres humblement que la mesme bonté avec laquelle il vous plait de favoriser le filz de vostre bienveuillance, vous mette en consideration des necessités de la viellesse du pere, qui, priant Dieu pour vostre santé et prosperité, vous est et sera a jamais, comm'il a tousjours esté et doit estre,.

  A012003148 

 Quod nos oves non ita pridem errantes, nunc autem ad caulas Christi reversas, tanta sollicitudine ac charitate complectatur Sanctitas Tua, sicuti ex litteris amantissimorum nostri virorum qui in Urbe versantur, ac præsertim ex Archiepiscopi Viennensis ad nos adventu [406] cognovimus, illud ipsum est procul dubio, quod ab iis qui nos per Evangelium in Christo genuerunt statim initio audivimus: unum esse nimirum in terris Pastorem maximum, cui sic absolute, sic indistincte suas oves Christus commiserit, ut planum sit « non aliquas designasse, sed assignasse omnes, » cuique proinde, præter instantiam quotidianam, sollicitudo sit omnium Ecclesiarum..

  A012003149 

 Qui ob id, ad pedes Beatitudinis Tuæ provoluti, gratias agimus quantas possumus maximas, præcamurque ut ea beneficia quibus jam nostram hanc provinciam nosque auctiores facere animo destinavit Apostolico, pergat [407] promovere, neve suam clementiam ullo unquam tempore nobis deesse patiatur.

  A012003160 

 Nous voyons là, justifié sans aucun doute, l'enseignement recueilli à l'origine, des lèvres de ceux qui nous ont engendrés à Jésus-Christ par l'Evangile: c'est qu'il n'y a sur la terre qu'un Pasteur suprême, auquel le Christ a confié ses brebis, mais si absolument et si indistinctement qu'il est de toute évidence qu'il « ne lui en a pas désigné quelques-unes en particulier, mais qu'il les lui a remises toutes; » et c'est pourquoi celui-ci, en portant le poids de ses préoccupations quotidiennes, doit veiller avec un soin attentif sur toutes les Eglises..

  A012003161 

 Aussi reconnaissons-nous dans Votre Béatitude la primauté du sacerdoce catholique, avec le zèle qui convient à une dignité si auguste.

  A012003186 

 C'est pourquoi on supplie Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de vouloir bien traiter des affaires du Chablais avec Sa Majesté le roi très chrétien, afin qu'il daigne faire à ces peuples la [410] grâce de ne pas les livrer entre les mains de ces républiques hérétiques; ou, si absolument il veut les livrer, que ce soit du moins sous cette réserve, que nulle innovation ne sera faite en ce qui concerne la religion, mais que toutes choses seront maintenues dans l'état où elles se trouvent maintenant....

  A012003195 

 Je loue donq Dieu qui nous a establi pardeça ceste pierre de refuge; et, pour employer ceste faveur, je vous supplie, Monseigneur, d'avoir aggreable que je luy represente une des plus importantes necessités de ceste Eglise..

  A012003196 

 Il y a environ soixante et cinq ans que les Bernois se saysirent de ces mesmes balliages et de celluy de Gex, et ne les eurent pas plus tost, qu'a vive force ilz y planterent l'hæresie, delaquelle ces pauvres ames demeurerent empestees, jusques a ce qu'appres, par la grace de Dieu, y avoir fait [412] prescher la foy catholique trois annees continuellement, en fin, des trois annees en ça, ces peuples pour la plus part (qui revient a quatorse ou quinze mill'ames) ont esté ramenés au giron de l'Eglise, sous l'expresse et formelle authorité du Saint Siege Apostolique.

  A012003196 

 J'entens un gros bruit qui porte que les Bernois taschent par toutes voyes d'avoir congé de Sa Majesté de se saysir des balliages de Thounon (sic) et Ternier, qui sont de mon diocæse; je me sens obligé en ma conscience de vous representer la dommageable consequence qui s'ensuivroit d'une telle saysie.

  A012003198 

 Entre lesquelz, le plus aspre et dangereux pour elles, pour tous les bons, qui leur peut arriver, seroit celuy duquel il court des-ja certain bruit, venant, a l'adventure, de ceux qui sont ennemis de leur conscience, ennemis de toute l'Eglise tressainte, pour le service delaquelle je supplie le grand Pere de famille de vous conserver longuement, et faire vivre saintement en toute prosperité, selon la volonté de Celuy qui m'en donne une d'estre eternellement.

  A012003198 

 Or, Monseigneur, puysque la providence de Dieu, sans laquelle rien ne se fait icy bas, ouvre aux armes du Roy [413] le passage et chemin a ces balliages, il me semble que je vous dois supplier tres humblement et par les entrailles de Jesus Christ, comme je fais, de prendre en singuliere protection aupreès de Sa Majesté la conservation de ces saintes nouvelles plantes, lesquelles sont autant plus cheres a l'Eglise leur mere, a ceux qui les ont plantees et a Sa Sainteté, qui les a arrousees de tant de bienfaitz, qu'elles sont encor tendres et exposees a beaucoup de vens.

  A012003213 

 Dequoy je me suis d'autant plus res-joüy en Jesus Christ que tout a l'heure j'avois eu advis comme asseuré que l'exercice de l'heresie se devoit restablir a Thonon sous vostre permission; ce que toutefois je ne voulois ni pouvois me persuader, tant pour la ferme creance que j'ay en la franchise avec laquelle vous chemines au service de Dieu, qu'aussi pour les saintes intentions que Sa Majesté tres Chrestienne a touchant ce point, comm'elle me declaira ouvertement estant en ceste ville; sans l'asseurance desquelles j'eusse imploré le credit que nostre Saint Pere a en son endroit, ainsi que je dois et que Sa Sainteté m'a commandé de faire a toutes les occasions qui se presenteront pour le bien de ces nouvelles plantes qui luy sont si cheres.

  A012003214 

 Et outre ce, de prendre sur tous autres benefices desdits balliages, de quelle qualité qu'ilz fussent, et sur tous biens dependantz de l'Eglise, ce qui seroit necessaire pour les portions des curés et prædicateurs, en cas que les benefices de Saint Lazare ne fussent suffisans, avec tout pouvoir d'unir les parroisses ensemble ou les diviser selon que je jugerois a propos..

  A012003215 

 Mays sur tout, apres que j'auray levé du doyenné de Vullionnex la portion necessaire pour le curé de Bernex en supplément de ce qui manquera d'ailleurs, je n'en puis [416] aucunement disposer au præjudice du tiers qui s'est tous-jours maintenu en possession avec provision de Romme.

  A012003215 

 Qui me fait vous supplier, Monsieur, de prendre en bonne part si je ne rapporte au contentement de monsieur du Villars ce que vous desiries, puys quil tient au pouvoir que je n'ay plus et non a l'affection, laquelle j'y ay tres entiere, quand ce ne seroit que pour lhonneur que je porteray tous-jours a tout ce qu'il vous plaira me recommander..

  A012003233 

 J'ay tous-jours porté dans le cœur beaucoup de desir d'aggreer a tous vos semblables, et a vous particulierement des que j'eu le bien de jouir plus famillierement de [417] vostre conversation, au tems que vous me remettes en memoire par vostre lettre; qui me rend autant plus de regret me voyant les mains liees et me treuvant hors de pouvoir au sujet pour lequel vous m'escrives avec tant de courtoisie, et que monsieur de Sanci me recommande si affectionnement, puis que quant a la cure je suis engagé dans l'ordre que j'en ay pieça envoyé au Saint Siege Apostolique, par lequel ell'est unie avec celles de Bernex et de Confignon.

  A012003249 

 Je vous en supplie et conjure par lhonneur et fidelité que vous deves a Jesuschrist, et encor de me donner advis s'il sera besoin que je recoure derechef pour cest effect au Roy, de la bonté et parole duquel je me prometz toute justice, mesmement estant appuyé sur le credit de Sa Sainteté que j'imploreray, resolu que je suis de ne m'espargner en rien pour la bergerie qui m'a esté confiee..

  A012003249 

 Or, Monsieur, je sçai ce que Sa Majesté en a resolu, car elle m'en a donné sa parole qui doit servir de mille asseurances.

  A012003259 

 Ex iis duo, ipso Pentecostes sacro die, adjunctis aliquot ex secularibus sacerdotibus qui jamdudum in agro Tononiensi operi evangelico incubuerant, in loca Genevæ viciniora (quæ omnia balliagii de Gagliard nomine veniunt), non minus opportuno quam fœlici ausu irruptionem fecerunt, tanta [421] Dei optimi maximi voluntate et animorum contentione ut quinque hebdomadarum spatio plus quam quingenti utriusque sexus hominibus ex hæresis horrendo baratro sint erepti et in album Catholicorum restituti..

  A012003259 

 Sunt enim in oppido Tononiensi sex e Societate Jesu Religiosorum, qui populum concionibus docent, excipiendis confessionibus instant, et pueros, cum litterarum primordiis tum fidei rudimentis, ingenti totius provinciæ bono et lætitia instituunt.

  A012003260 

 Est enim oppidum Tononiense inter utramque civitatem situm, ut si qui sit in eo ambidexter miles, utramque possit impetere..

  A012003260 

 Et quidem, si quo modo fieri queat, nihil utilius huic provinciæ contingere potest [422] quam si collegium Societatis Jesu in oppido ipso Tononiensi construatur et erigatur; ex eo namque, non modo nunc aliquot Religiosi in omnes hujus diocæsis partes excurrere possent, sed etiam deinceps plerique et sacerdote * et juvenes veluti ex Seminario prodirent, qui circum circa per vicos et oppida Evangelium inferrent; atque ita validam haberemus arcem ex qua veluti ex opposito contra Genevensis et Lausanensis collegiorum insanos impetus dimicaremus.

  A012003269 

 Deux d'entre eux, le jour même de la solennité de la Pentecôte, prirent quelques aides parmi les prêtres séculiers qui depuis longtemps se sont voués dans le champ des âmes de Thonon aux labeurs évangéliques, puis, ensemble, ils entrèrent soudainement dans les localités les plus voisines de Genève, comprises sous le nom de bailliage de Gaillard.

  A012003270 

 Dès maintenant il fournirait quelques Religieux qui s'occuperaient à parcourir tous les quartiers du diocèse.

  A012003270 

 Je supplie donc instamment Votre Béatitude, qui remplace sur terre le Maître de la moisson, d'envoyer de nouveaux ouvriers au champ de la récolte; car le plus grand service qu'on puisse [422] rendre à cette province, ce serait, si la chose est possible, de construire et d'ériger à Thonon même un collège de la Compagnie de Jésus.

  A012003271 

 Aussi, tandis que Votre Sainteté prépare de plus grands projets, il suffirait, en attendant, que dans ces deux chantiers Elle doublât les ouvriers, ce qui porterait la Mission au [423] nombre apostolique de douze.

  A012003271 

 C'est, au fond, la liberté laissée à chacun de mal penser et d'agir [424] de même; voilà ce qui multiplie étrangement les difficultés de propager l'Evangile.

  A012003271 

 En reconnaissant ce précieux concours, j'ose aussi prier très humblement Votre Béatitude de ne pas nous priver de ses libéralités et de son assistance; je l'en conjure dans le Christ Notre-Seigneur, à qui je demande, du fond de mon âme, d'être propice à votre vieillesse et à vos très saints désirs..

  A012003271 

 Il y a ordonné l'entier rétablissement du culte catholique, je l'entends dire du moins, mais sous la réserve (l' Intérim, comme on l'appelle,) qui tolère une place à l'hérésie.

  A012003271 

 L'avantage qui en résulterait pour la cause chrétienne est assez évident.

  A012003271 

 Si j'avais sous la main quelques hommes de la Compagnie de Jésus, instruits comme ils le sont d'ordinaire, je leur adjoindrais le Prévôt de mon Eglise, et aussi quelques chanoines et autres ecclésiastiques qui me sembleront le plus capables pour ce ministère.

  A012003281 

 A quoy personne n'avoit apporté de la difficulté pendant que les scindiques y ont esté catholiques; [426] mais des l'annee passee, que la guerre ouvrit la porte a ceste poignee d'heretiques qui y est pour faire entrer ceux de leur secte au scindicat et maniement de la ville, les ditz Peres Jesuites y ont receu plusieurs empechemens, et sur tout n'agueres que lesditz scindiques se sont opposés a leur jouissance, sous prætexte que les assignations n'ont pas eu effect; ce que la guerre a causé.

  A012003281 

 Ce pendant que par l'heureuse reprise que Vostre Altesse fait de la possession de son balliage de Galliard, l'Eglise va regaignant sous son authorité les ames lesquelles y estoyent perdues par l'heresie, l'ennemi sousleve des secrettes embusches aux desseins qui furent si saintement faitz a Thonon.

  A012003281 

 Vostre Altesse, qui jugea bien que pour restablir la foy catholique en ce balliage un college de Jesuites en devoit estre l'un des fondemens, avoyt commandé aux scindiques de Thonon de vuider leurs mains du prieuré qui est en ladite ville, et le remettre aux Peres Jesuites pour le commencement dudit college, avec intention neanmoins de rembourser ladite ville de l'argent qu'elle avoit delivré a l'achapt de ce benefice, par de bonnes assignations qu'elle leur avoyt accordees.

  A012003282 

 C'est cela, Monseigneur, qui me fait importuner Vostre Altesse pour la supplier humblement, comme je fais, d'apporter a ce des-ordre le remede qu'elle connoistra bien y estre propre; et je prieray tous-jours Dieu pour sa longue et heureuse santé, demeurant,.

  A012003295 

 Dequoy, bien que je ne doute nullement, si est ce que sur ce poinct je me sens redevable de supplier tres humblement Vostre Majesté qu'en suite de l' Interim publié par tout le royaume, il luy plaise donner libre et favorable acces a l'exercice catholique en ce petit coin de Gex, lequel meshuy depend de ce grand theatre auquel Vostre Majesté fait si heureusement les actions royales, et, qu'en execution, les biens ecclesiastiques jadis destinés a ce service, soyent restablis a ceux qui le feront et ausquelz ilz appartiennent, avec les temples et eglises..

  A012003295 

 Je loüe Dieu de la reception que Vostre Majesté a faitte de son païs de Gex, qui est dependant de mon diocese, par la fidelité que les habitans d'iceluy luy ont juree, croyant que leur reduction a son obeissance serviroit de porte a la reduction de leurs ames en l'Eglise Catholique.

  A012003296 

 La bonté et justice de ceste requeste m'en promet un favorable appoinctement, comme la grandeur du courage de Vostre Majesté m'asseure d'une pleine et soudaine jouissance du bien que j'en pretens, qui n'est principalement que la gloire de nostre bon Dieu, l'establissement de laquelle est l'unique gloire de la tres chrestienne couronne qu'il a donnee a Vostre Majesté, et laquelle je le supplie luy vouloir tres longuement conserver en toute felicité et pour son service, desirant vivre tous-jours en l'honneur d'estre,.

  A012003325 

 En conséquence j'ai recouru à M. le baron de Lux, lieutenant de Sa Majesté en ce pays, et j'ai aussi écrit au roi afin d'obtenir le rétablissement du culte catholique et la restitution des églises, avec leurs revenus, aux pasteurs et autres qui en sont les possesseurs canoniques, ainsi que cela s'est fait dans toute la [429] France conformément à l'édit de l' Interim.

  A012003325 

 Et parce qu'il s'agit d'une œuvre très sainte et fort désirée de Sa Béatitude, je supplie Votre Seigneurie de daigner présenter à cette couronne de vives instances; car je suis certain qu'Elle pourra, grâce à sa haute influence, conclure cette négociation avec autant de bonheur que de promptitude; de mon côté je suis prêt à faire tout ce qui dépendra de moi.

  A012003325 

 Le pays de Gex, qui avoisine Genève et fait partie de mon diocèse, a été soumis de nouveau à la domination du roi très chrétien: les serments, hommages et protestations de fidélité usités en pareil cas ont été rendus par les habitants.

  A012003355 

 Je ne doute point, cependant, que ce qui a été une fois trouvé bon par Sa Sainteté ne lui soit toujours agréable; c'est pourquoi, me voyant accablé sous le poids des années, et les occasions [431] de travailler en cette vigne se multipliant de plus en plus, je recours de nouveau à la bonté de Votre Seigneurie, afin qu'Elle daigne employer son saint zèle pour m'aider à triompher de la difficulté que crée la situation gênée dudit Prévôt; c'est la seule qui nous reste à surmonter.

  A012003355 

 Néanmoins, soit par le malheur de la guerre qui survint alors, soit encore parce que le Prévôt manque des ressources nécessaires, la concession de cette faveur est restée jusqu'ici sans effet.

  A012003356 

 C'est pourquoi j'espère aussi de la providence divine et de celle du Siège Apostolique qu'aucune difficulté humaine ne pourra entraver l'exécution de mon projet, surtout si Votre Seigneurie veut bien l'appuyer par un effet de sa charité et de sa débonnaireté accoutumées, qui seules m'encouragent à l'en supplier.

  A012003386 

 Ce pays, qui fait partie [433] de mon diocèse, a été jusqu'à présent occupé par les Genevois.

  A012003403 

 Mays voyant maintenant que sa bonne volonté ne pourra pas si tost estre mise en son entier effect pour les difficultés que le tems y a despuis fait naistre, j'ay estimé qu'en attendant de voir sur pied le college de ceste ville, il seroit fort a propos que lesdits Peres Jesuites entrassent au college d'Annessi, pour disposer les escoliers qui y sont a ce dessein, et donner advancement a ceux qui se commencent a former en la petite escole [436] quilz ont icy, laquelle il seroit sur tout requis de continuer.

  A012003404 

 La mesme bonté de Vostre Altesse qui me fait oser l'importuner si souvent pour ces bonnes causes, m'en fait encor esperer favorable issue, laquelle attendant, je continueray mes prieres a Dieu tout puissant, quil luy playse donner a Vostre Altesse, Monseigneur, parfaitte et longue prosperité pour le bien et conservation de son peuple et accroissement de la sainte religion..

  A012003419 

 Je voy qu'il est requis de faire la distribution des diesmes ecclesiastiques qui ont esté saysis au balliage de Galliard par vostre authorité, aux pasteurs qui y sont en charge; et par ce que monsieur de Rovinoz, juge du lieu, qui les a saysiz, desireroit avoir vostre commandement pour les lascher, je vous supplie de luy ordonner quil ayt a les delivrer ou faire delivrer entre les mains du sieur chanoyne Gottri, lequel j'y ay deputé œconome, comme de mesme la rente de Colonge sur l'abbaye de Bellerive et autres revenuz ecclesiastiques, affin que, comme je puys prouvoir de pasteurs aux peuples, je puysse aussy prouvoir d'entretenement aux pasteurs, l'un estant necessaire a l'autre..

  A012003437 

 Et par ce que je n'en puis esperer sinon ce que le Roy en ordonnera, je vous envoye ce chanoyne de mon Eglise pour apprendre de vous ce que je m'en dois promettre; dequoy je vous prie luy vouloir donner les advis pour me les apporter, et de trouver bonne l'ardeur de mon desir en un affaire qui me doit estre si recommandable, et au succes duquel j'auray l'un de mes plus chers contentemens, et Sa Sainteté encores, laquelle en attend de jour a autre les premieres nouvelles..

  A012003455 

 Je me suis essayé d'establir les eglises de Chablaix et Ternier et l'ay presque fait, Dieu merci, en la façon [440] de laquelle je donnay n'a guere advis a Vostre Altesse; n'en demeurant que trois pour l'establissement desquelles je n'ay encor peu treuver les moyens necessaires, et entre autres pour celle de Thonon, en laquelle Sa Sainteté m'avoit ordonné par son Brief que j'establisse huit præstres avec un curé, outre trois prædicateurs qui devoyent estre communs pour les deux balliages.

  A012003456 

 Attendu mesme qu'aussi bien sera-il requis de procurer vers Sa Sainteté quelque recompense pour la Milice de Saint Maurice, en contrechange des biens qui ont estés appliqués aux autres cures des balliages; si que, par mesme moyen et avec mesme facilité, on la pourroit obtenir pour ce reste de Filly..

  A012003471 

 Il est vray que, n'ayant pas jugé lesdites raysons considerables pour empescher ledit establissement des curés, sans lequel des lhors toutes les eglises demeuroyent despourvëues, puysque les pasteurs, entretenuz jusques a l'heure avec tous les artifices possibles, estoyent resoluz d'abandonner silz ne se voyoyent en asseurance de leurs [443] provisions, ayant sur ce prins l'advis de gens tres zeléz au service de Vostre Altesse et qui sont capables de semblables conseilz, sans la presence desquelz je n'ay rien voulu faire, je passay outre a l'execution du Brief; en telle sorte neanmoins, que je retranchay de beaucoup son estendue, laquelle si j'eusse voulu suyvre, j'eusse esté contraint de lever tout le bien d'Eglise que ladite Milice tient es balliages: encor ni eut il pas esté suffisant.

  A012003471 

 J'avois des-ja amplement donné advis a Vostre Altesse de tout ce que j'avois fait en Chablais et Ternier pour l'establissement des cures, quandj'ay receu la lettre quil luy a pleu m'escrire, du... octobre, par voye du seigneur chevallier Bergeraz, par laquelle j'ay conneu que mon action avoit esté bien mal representee a Vostre Altesse, en ce qu'on luy a dit que j'avois procedé sans ouÿr les seigneurs de la Milice de Saint Maurice; car j'ay trop de bons et irreprochables tesmoins au contraire, qui m'ont veu ouïr fort au long toutes les raysons et allegations que ledit sieur Bergeraz a voulu advancer, comme procureur general de ladite Milice, et, avec luy encores, le sieur juge de Prez, conseil ordinaire d'icelle.

  A012003471 

 Mays le respect que je porte aux intentions de Vostre Altesse m'a fait tenir le plus court quil m'a esté possible, et en telle sorte que, n'ayant du tout rien touché a Ripaille, je n'ay prins de Filly et Doveynoz sinon justement ce qui estoit requis pour les curés des parroisses riere lesquelles ces deux benefices prenoyent les diesmes; et ce, pour autant quil estoyt impossible de faire autrement..

  A012003472 

 Et avec tout cela, le demeurant de ces deux benefices est si bon que, quant a Filly, le revenu de messieurs les Chevalliers y est aussi grand, ou peu s'en faut, quil estoit au paravant (ce que j'ay assigné aux curés n'estant de plus grande valeur que ce qui estoit ci devant assigné aux ministres huguenotz sur laditte Abbaye); si que lesdits seigneurs Chevalliers ne sont que peu ou point interessés pour cest esgard.

  A012003472 

 Et quant a Doveynoz, bien que Vostre Altesse l'avoit entierement layssé pour estre employé a l'entretenement des pasteurs, si est ce que j'ay laissé au prieuré une bonne piece de revenu de laquelle je n'ay encor aucunement disposé, attendant la resolution que Vostre Altesse me donneroit pour la dotation de la cure de Thonon et de deux autres qui sont aux chams, lesquelles ne sont pas appointees de ce qui leur est necessaire.

  A012003472 

 Sur quoy j'ay, par une mienne lettre, demandé tres humblement la bonté de Vostre Altesse a secours, affin quil luy pleut me permettre de prendre encor d'avantage sur lesdits benefices que j'ay espargnés, ou bien me donner les moyens d'y appliquer quelqu'autre revenu, ne treuvant aucun autre expedient pour eviter le scandale, [444] qui sera extremement grand si Thonon et les autres deux lieux demeurent destitués de curés..

  A012003473 

 J'ay bien voulu ainsy particulariser a Vostre Altesse ce que j'ay fait pour, par apres, la supplier en toute humilité, comme je fay, quil luy plaise ne point croire ceux qui luy parleront de moy au contraire de ce que je luy en escris.

  A012003489 

 J'espere neanmoins encor; et, par la bonté du commencement que je vois, je suis tousjours tant plus invité d'en desirer le progres et compliment, lequel aussi nostre Saint Pere me commande d'attendre de la justice, equité et zele de Vostre Majesté, comme je fay, plein d'asseurance que ceste main royale, qui ne sçait laisser aucun de ses ouvrages imparfait, ayant donné commencement au restablissement de la sainte religion en ce petit coin de mon diocese, qui a l'honneur d'estre une piece de vostre grand royaume, ne tardera point d'y apporter la perfection que le Saint Siege en attend, que son edit promet, et que je luy demande tres humblement, avec la faveur de sa grace; suppliant nostre Sauveur, pour la gloire duquel je presente ceste requeste, qu'il comble de benedictions le sceptre tres chrestien qu'il a mis en la main de Vostre Majesté, et, qu'apres le luy avoir maintenu longuement, il le fasse heureusement passer en celle de Monseigneur le Dauphin, pour l'appuy de l'Eglise et religion catholique, qui est tout le bien qu'apres l'eternelle felicite peut souhaitter pour Vostre Majesté,.

  A012003489 

 Sur le bon playsir de Vostre Majesté, qu'elle me delaira par sa lettre, j'ay esté en son balliage de Gex, [445] et y ay establi des ecclesiastiques pour l'exercice de la sainte religion catholique es lieux que M. le baron de Lux m'a assigné, qui ne sont que trois en nombre; beaucoup moins, a la verité, que je n'avois conceu en mon esperance, laquelle, portee de la grandeur de la pieté qui reluit en la couronne de Vostre Majesté, n'aspiroit a rien moins qu'au tout.

  A012003515 

 C'est pourquoi Votre Sainteté est très humblement suppliée de la part de l'Evêque de Genève, qui a la mission et le devoir de rappeler à l'Eglise du Seigneur les brebis [447] égarées, de lui accorder plein pouvoir de leur en ouvrir la porte toutes les fois qu'elles reviendront avec un vrai repentir, en les absolvant de toute hérésie, lapses ou relapses.

  A012003516 

 En outre, comme il est nécessaire aux prédicateurs qui travaillent à la conversion des hérétiques de lire les livres prohibés, afin de les réfuter plus commodément, ceux surtout que les Genevois et autres gens du voisinage font paraître chaque jour, l'Evêque demande très humblement le pouvoir d'autoriser ceux qu'il jugera convenable, tel le Prévôt de la cathédrale de Genève, à lire et garder les livres susdits pendant qu'ils travaillent à cette mission.

  A012003517 

 Il a donc semblé bon, expédient et même nécessaire à l'Evêque de ce diocèse, ainsi qu'aux prédicateurs et autres personnes zélées qui s'adonnent à cette œuvre, d'essayer de fonder une maison de miséricorde ou hospice de vertu.

  A012003517 

 On enseignerait à chacun selon sa capacité, ou les sciences ou quelque métier qui lui permettrait ensuite de gagner sa vie.

  A012003517 

 Parmi les milliers de personnes qui, par la bonté de Dieu notre Seigneur, se sont converties et soumises à la sainte Eglise cette année dernière aux environs ou sur les confins du territoire de Genève, bon nombre ont été, par suite de leur conversion, dépouillées de tous leurs biens: les unes, parce qu'elles sont sorties de Genève ou de quelque autre ville; et d'autres, parce qu'elles trouvaient dans leur commerce avec les Genevois la majeure partie des ressources nécessaires à cette misérable vie temporelle.

  A012003518 

 Ce qui fait que... [450].

  A012003518 

 L'un des nouveaux convertis, gentilhomme distingué, poussé par une véritable compassion envers ceux qui, touchés de l'Esprit-Saint, embrassent la sainte foi, a donné huit mille écus d'aumône; quelques autres personnes ont fait de petites offrandes proportionnées à leurs ressources.

  A012003518 

 Tout cela néanmoins n'atteint pas la somme qui serait nécessaire pour établir sur un fondement solide cette très pieuse entreprise.

  A012003528 

 Et che in summa, quelli popoli petunt panem, dandi sunt qui frangant eis; et non è modo più conveniente che applicandovi le decime et primitie che essi a questo effetto pagano: Et quos non pavisti occidisti..

  A012003540 

 Au sujet des difficultés qui se rencontrent dans les articles proposés de la part de l'Evêque de Genève, Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime est très humblement suppliée de soumettre ce qui suit à la considération de Sa Sainteté:.

  A012003541 

 Qu'en droit il faut prélever la portion congrue sur les autres bénéfices, d'après la teneur de la Bulle d'union qui exige que cinquante ducats au moins soient donnés à chaque pasteur sur lesdits bénéfices indistinctement.

  A012003541 

 Qu'on doit enfin donner à ces peuples qui demandent du pain des prêtres pour le leur rompre.

  A012003543 

 Quant à la dispense sollicitée par les chanoines de Genève pour avoir une église paroissiale: Qu'ils pourront desservir ces églises de temps en temps; que ce privilège leur a été concédé par d'autres Pontifes en semblable occasion; que si on le leur refuse il faudra les dispenser du statut établi et confirmé par le Pape Martin (à la teneur de ce statut, ils ne peuvent admettre dans leur Chapitre personne qui ne soit noble ex utroque parente, ou docteur); ou bien il faudra pourvoir convenablement à leur entretien d'une autre manière, jusqu'à ce que l'on recouvre les revenus usurpés par les hérétiques.

  A012003544 

 Quant aux décimes de l'Evêque: Que lui seul, sans le concours d'aucun autre, ayant obtenu du duc de Savoie que les douze mille écus d'or que le clergé de Savoie donne à ce prince fussent payés en écus de monnaie, il n'a pas cru devoir faire instance pour ses intérêts personnels, et le clergé, jouissant de la faveur qu'il lui a obtenue, ne sera pas grevé beaucoup de décharger l'Evêque de la contribution qui lui incomberait, laquelle n'excède pas cent écus..

  A012003587 

 Qui Nous faict a present vous dire que n'avez a en faire plus aulcune poursuitte, ains vous en despartir, n'estant nostre intention de en rien prejudicier a ladicte Religion.

  A012003603 

 Et pour ne faillir en rien d'y appourter de nostre cousté tout ce qui sera en nostre pouvoir, Nous avons ordonné au President Rochette que tout aussy tost que Nous serons partis, il s'achemine en ces quartiers la pour establir ce qui est necessaire pour l'entretenement des curez, a celle fin que chascun d'eux y puisse faire sa residence pour y exercer religieusement ce qui est de leur charge; a quoy vous tiendrez main et l'y assisterez de tout vostre pouvoir, ainsy que de mesme escripvons a l'Evesque de Geneve..

  A012003603 

 Nous avons veu par vostre lettre du septiesme du present, la devotion que ce peuple a monstré en ce qui est de sa nouvelle conversion; ce qui Nous a appourté un singulier contentement, comme aussy l'esperance que vous avez que le reste en fera de mesme, en quoy Nous nous asseurons que vous vous employerez avec la mesme affection et pieté qu'avez faict par cy devant, avec tant de louange et satisfaction nostre.

  A012003604 

 Quant a l'establissement de la Maison de vertu ou Refuge de Thonon, mise en avant par le Pere Cherubin a Romme, vous en traicterez avec ledict President, et par ensemble avec ledict Evesque, vous adviserez de ce qui est necessaire que faisions pour icelle; et Nous en envoyerez les memoires pour, sur icelles, y faire les dheues considerations et y prendre la resolution que verrons estre convenable..

  A012003619 

 Et d'aultant qu'il faut faire le boclier de ladit'attestation contre ce que l'on a donné a entendre a Sa Sainteté, il est necessaire que non seullement elle soit signee de vous, mais de vos chanoines qui en peuvent avoir eu notice, et de quelques autres notables ecclesiastiques qui pourront servir a la foy indubitable de ladicte attestation, comme aussi pour son ampliation, a laquelle Nous nous asseurons que n'oblierez rien; non plus que du bon ordre que l'on tint, moy present, pour appeller ceux qui estoyent esgarez a la vraye foy, et combien d'ames l'on y gagna pour lhors et jusques a present, et si l'on y continue l'œuvre et quel fruit s'en ensuit, et plus amplement, comme trop mieux vous sçavez convenir, pour me l'envoyer au plus tost a l'effait que dessus..

  A012003635 

 Ce que desirant de reprouver, il est necessaire que vous Nous en envoyez une bien autentique attestation comme il ny a en point de lieu que la sainte Messe n'aye esté retablie, et qu'elle se celebre jusques sur les portes de Geneve, et les cures pourveues de bons curez, la plus part desquelz y annoncent la parolle de Dieu, et que ceulx qui se sont reunis a la sainte foy y continuent avec un grand zele.

  A012003635 

 Ce quil est necessaire qu'attestiez bien amplement et comme celluy qui en est mieux informé que les aultres, et Nous l'envoyez au plus tost, sans touttesfoys en icelle faire aulcune mention que Nous vous en ayons escript, mais requis du peuple pour desabuser Sa Sainteté de ce que l'on a dict d'eulx.

  A012003658 

 Sua Altezza sarà qui in Saluzzo fra tre o quattro giorni, dove io le parlarò a lungo; et si va discorrendo che venendo il Re di Francia a Lione a primavera, forse potrebbe tornare in Savoia.

  A012003725 

 Io me ne rallegro con V. S. di cuore, et l'assicuro che mentre mi fermarò qui non lasciarò di far appresso Sua Santità tutti gli officii possibili, come ho fatto per lo passato..

  A012003738 

 Nostro Signore mi ha conceduto facultà di potere assolvere et dispensare quelli poveri huomini che havendo contratto et consumato il matrimonio, si trovarono parenti in terzo et quarto, et qui alligata mando l'assolutione et dispensa commessa al signor Vicario di Geneva.

  A012003837 

 Sua Beatitudine si è contentata di darmela benignamente, et qui alligata V. S. haverà la speditione.

  A012003903 

 Les vostres, qui sont de cette qualité, auront le mesme effect et me rendront constant en la resolution d'estre toute ma vie,.

  A012003933 

 lit encores que l'honneur qui vous accompagne en ceste charge pastorale meritoirement soit accompagné de beaucoup de peines et travaux, neantmoins je sçay que Vostre Reverendissime Seigneurie, bruslant du zele de l'honneur de Dieu et advancement de sa gloire, portera ce fardeau joyeusement, qu'est le bien et salut de vos diocesains.

  A012003934 

 De quoy il m'a semblé estre expedient en advertir Vostre Reverendissime Seigneurie, a ce qu'il luy plaise favoriser ceste œuvre, et ce faisant permettre a Monsieur Grandis, a Monsieur Theodore, a Monsieur Chevallier et autres qu'il vous plaira (nommement le Reverend Pere Fourrier), qui sont de bonne volonté, moyennant vostre licence [481] ayants a ces fins esté assemblez pour pouvoir resider du moins la plus part de la sepmaine icy, et vacquer pour ce commencement aux lectures qui leur seront ordonneez; vous asseurant que, ce faisant, outre le merite que Vostre Reverendissime Seigneurie acquiert, et le bien qui en arrivera a ce pays et a tout l'estat de Monseigneur et a la voisinance, principalement pour la conversion des heretiques que Son Altesse aura tres aggreable, ainsy que je peux remarquer par les lettres qu'elle me faict, et comme j'estime, aydant Dieu, vous dire lors que j'auray ceste faveur recevoir vostre sainte benediction, comme aussy plusieurs autres choses sur ce subjet..

  A012003935 

 Attendant donc vostre arrivee en ce pays, et sur tout vostre prompte et favorable response, avec vostre permission je baise tres humblement les mains a Vostre Reverendissime Seigneurie, comme celuy qui a esté, est et sera, aydant Dieu,.


13-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIII-Vol.3-Lettres.html
  A013000016 

 — De qui faut-il l'obtenir et par quelle prière.

  A013000018 

 — Avoir « les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit.

  A013000018 

 — Les tentations qui viennent de Dieu et celles qui n'en peuvent venir: conduite à tenir à l'égard de ces dernières.

  A013000029 

 — Montrer de la bienveillance à quelques personnes qui veulent se convertir.

  A013000032 

 A qui revient la bénédiction des cloches; délégation générale et pouvoir de déléguer par l'Abbé d'Abondance, en des cas semblables.

  A013000033 

 — Ne pas regarder à qui, mais pour qui on obéit.

  A013000036 

 — Ayons une piété qui plaise à Dieu et aux hommes.

  A013000040 

 Détresse de plusieurs paroisses; prière d'ôter les obstacles qui les empêchent d'être pourvues de pasteurs.

  A013000057 

 — Quels sont ceux qui ont le plus de moyens de servir Dieu.

  A013000058 

 — Ce qui convertit nos fautes en roses et parfums.

  A013000076 

 — Vanité et bassesse d'un cœur « qui niche sur un autre arbre que sur celuy de la Croix.

  A013000077 

 Une langueur qui pique l'âme au lieu de l'assoupir.

  A013000077 

 — Ce qui est défendu, ce qui est permis les jours de Communion.

  A013000083 

 — Les Carmélites de Dijon et la bonne odeur qui émane de leur cloître.

  A013000084 

 La clôture de l'abbaye du Puits-d'Orbe et ceux qui devraient la respecter.

  A013000084 

 « Le mal des maux, » pour les âmes « qui ont des bonnes volontés.

  A013000084 

 » — Prendre modèle sur les abeilles: faire le miel « dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour, » et ne pas désirer une perfection qui nous dépasse.

  A013000085 

 — Aux âmes qui débutent dans l'oraison, « il est expedient de se servir de toutes » leurs « pieces, et l'imagination encores.

  A013000097 

 — Pensées qui occupaient le Saint tandis qu'il portait le Saint-Sacrement à la Fête-Dieu.

  A013000098 

 — Les mille bonnes odeurs qui parfument nos affections.

  A013000107 

 — Comment nous devons juger les actions et ce qui leur donne du prix.

  A013000113 

 — Une femme du monde qui « est arrivee bien haut.

  A013000122 

 — Jamais le Sauveur « ne manque aux ames qui aspirent en luy.

  A013000123 

 Accusé de réception d'une lettre qui invitait le Saint à la diète de Ratisbonne.

  A013000125 

 Le devoir d'une âme qui veut aimer Dieu.

  A013000129 

 CCCLXXXII. A Sa Saintete Paul V. Le Saint prie le Souverain Pontife d'accueillir paternellement un gentilhomme converti qui a donné des gages de fidélité.

  A013000137 

 Le Saint avertit la baronne de Chantal de se tenir prête pour le voyage, au temps qui sera marqué.

  A013000138 

 » — Les services spirituels profitent à ceux qui les donnent.

  A013000141 

 — Considérations qui attendrirent le Saint, au cours d'un sermon de la Passion donné à Sainte-Claire.

  A013000158 

 Le Saint sollicite des encouragements pour deux gentilshommes qui voulaient doter la Sainte-Maison de Thonon d'ateliers d'arts mécaniques.

  A013000164 

 Le Saint avertit le Nonce d'une erreur qui l'a privé de recevoir un document annoncé sur la question de Auxiliis.

  A013000167 

 Le Saint promet de contrôler la vocation d'un jeune homme qui semblait un peu hâtive. 202.

  A013000171 

 — Signification de la couleur de pourpre qui teint le chapeau cardinalice.

  A013000172 

 Paix, union merveilleuse dans la famille du Saint, bien que composée de plusieurs ménages; à qui elle allait « à confesse.

  A013000179 

 Règlement d'une affaire qui intéresse une cure. 215.

  A013000181 

 — Une tentation du Saint, qui « alla tost en fumee.

  A013000184 

 — Les cercles qui se font en l'eau et les entortillements d'esprit chez les âmes chatouilleuses.

  A013000184 

 — Un prédicateur qui parle à son auditoire.

  A013000188 

 Le miel qui doit adoucir toutes les affections et toutes les actions.

  A013000193 

 — N'affecter ni ne fuir l'humilité visible, c'est-à-dire les offices humbles, l'écorce qui conserve le fruit.

  A013000193 

 — Qui sont les veuves vraiment veuves.

  A013000215 

 Or, la divine Providence, qui adapte toujours les moyens à la fin qu'elle veut atteindre, avait tout disposé pour la glorification de saint François de Sales..

  A013000219 

 De minutieuses études faites en vue d'une thèse sur sainte Jeanne-Françoise de Chantal, semblent l'avoir providentiellement destiné à l'œuvre qui reste à accomplir; car il arrive au moment précis ou les [VI] écrits du saint Docteur exigent une critique plus pénétrante, une plus parfaite connaissance de la langue française et de l'histoire religieuse du passé..

  A013000219 

 Si les douze premiers volumes ont eu la bonne fortune d'être publiés avec la collaboration d'un vrai savant, ceux qui vont paraître seront édités sous la direction d'un Religieux de grand mérite, érudit et doué d'un incontestable talent littéraire.

  A013000220 

 Les lecteurs qui liront leurs notices rapides ne se douteront pas, peut-être, des labeurs considérables que chacune d'elles a coûtés..

  A013000221 

 Les vénérées Filles du Saint me pardonneront de dire la part qui leur revient dans cette œuvre immense, et le grand public ne sera pas fâché, sans doute, de savoir que les monastères d'aujourd'hui continuent d'être, comme au temps passé, des ruches ferventes où s'amassent silencieusement des trésors d'érudition et de science historique..

  A013000222 

 Pour y réussir, il est armé de toutes pièces, et, ce qui, dans l'espèce, le dispose mieux à ce genre de travail, il possède une connaissance approfondie des âmes, qu'il a puisée dans l'expérience du ministère sacré. [VII].

  A013000225 

 Le temps présent n'offre-t-il pas quelque analogie avec cette époque lointaine qui fut si agitée, et, par suite, cette Edition des Lettres de saint François de Sales n'est-elle pas vraiment opportune? Les âmes, enfiévrées et lasses de l'agitation des événements, trouveront dans cette lecture le repos, la quiétude de l'esprit, avec les saines pensées qui adoucissent les blessures du cœur et amènent par degrés, l'homme vers son Dieu, le souverain pacificateur..

  A013000225 

 Les contemporains du Saint, fatigués des luttes fratricides qui avaient rempli tout le XVI e siècle du fracas des armes et du bruit des discussions politiques et religieuses, aspiraient de tous leurs vœux au calme, à la paix, à la tranquillité dans l'ordre et dans la pratique de la tolérance.

  A013000235 

 Les proscriptions qui ont mis en si grand péril tant d'asiles de la vie monastique en France, ont dispersé au loin de secourables auxiliaires et aussi de précieux documents.

  A013000236 

 La nouvelle série de Lettres, qui vont de janvier 1605 à fin mars 1608, montre les mêmes qualités qu'on a pu remarquer dans les lettres précédentes: le charme savoureux de la langue, la finesse des observations morales et surtout l'art de présenter sur un ton gracieux et persuasif les conseils de la perfection chrétienne.

  A013000239 

 Cet appel à la perfection qui sollicitait alors les plus nobles instincts de la conscience humaine, ce travail mystérieux de fermentation religieuse qui mettait en vibration tant de nobles âmes, revit et transpire à travers la plupart des lettres de cette époque..

  A013000240 

 C'est le Carmel de sainte Thérèse qui, sous la virile impulsion de l'humble M me Acarie, se fonde dans la capitale et de là essaime dans « nos Gaules » à la faveur d'une incroyable popularité.

  A013000241 

 Ce sont les monastères d'hommes en Savoie qui se réforment; les tièdes et les récalcitrants se voient remplacés par des Ordres nouveaux.

  A013000241 

 Mais les monastères de femmes semblent plus soucieux de la régularité: celui de Sainte-Claire est fidèle à son glorieux passé; à Sainte-Catherine, près d'Annecy, une élite se prépare d'âmes choisies qui fondera les Religieuses Bernardines réformées de Rumilly..

  A013000243 

 Les ministres de l'hérésie aux abois essaient en vain de regagner dans des conférences publiques le peuple qui les abandonne.

  A013000245 

 En les lisant, on a comme la sensation d'entendre le bruissement de cette germination merveilleuse qui devait s'épanouir plus tard en opulentes floraisons de sainteté; ainsi voit-on, aux premiers jours du printemps, la sève lentement circuler à travers les tiges souples des arbres reverdis, puis gonfler les bourgeons, annonciateurs des fleurs et des fruits..

  A013000247 

 C'est lui qui, en Savoie, et partout où le porte [XI] son zèle, met la main à ce travail de réédification morale et religieuse, ou qui en prend la meilleure part.

  A013000247 

 Ces prédications fécondes, c'est lui qui les organise ou qui les fait; ces fondations, il les conseille, il les protège, il les confirme; les conversions, il les prépare, il les rend durables.

  A013000248 

 Un grand Pape sollicite ses vues sur les plus hautes questions de la théologie, l'empereur d'Allemagne l'invite à la Diète, le duc de Savoie suit ses conseils, Baronius lui offre ses services; de Bérulle, le P. Possevin, le P. Fourier s'honorent d'être ses amis, les âmes les plus éminentes recherchent sa direction, et, ce qui n'est pas moins glorieux pour le saint Evêque, les petites gens, les malheureux se recommandent à sa charité..

  A013000253 

 Sans l'humeur changeante et les infirmités de la rétive Abbesse, aurions-nous les admirables lettres qui lui furent écrites en vue de l'en guérir? Si l'on veut consoler ou relever l'âme découragée des malades ou des infirmes, qu'on lise les lettres à Rose Bourgeois; il n'est pas, croyons-nous, dans notre langue, d'exhortations plus lénitives et plus énergiques.

  A013000255 

 Les plus scrupuleuses verront par l'exemple d'une femme qui « est arrivee bien haut, » jusqu'où peut aller la condescendance d'une épouse chrétienne..

  A013000256 

 La dernière lettre qui figure dans ce volume nous la fait voir appliquée à l'oraison et à la lecture des écrits de sainte Thérèse et de sainte Catherine de Sienne..

  A013000263 

 Or, à tous ces [XV] ennemis de la paix et de l'activité, l'habile Directeur fait une guerre sans merci, et quand il a débarrassé l'âme des vaines craintes et dégagé la volonté des obstacles qui lui font échec, alors il lui donne un point d'appui immuable: la volonté de Dieu..

  A013000263 

 Quels sont les éléments destructeurs de la véritable activité? Au regard de François de Sales, ce sont les vains désirs, la peur de l'opinion, les longs et subtils repliements de l'âme sur elle-même, les rêveries mélancoliques, les songeries creuses, le fléchissement devant la douleur physique ou les angoisses morales, les passions enfin qui excitent, mais qui affaiblissent.

  A013000265 

 « Il faut avoir un cœur d'homme, » écrit-il à cette femme qui avait à peine trente-trois ans.

  A013000266 

 » Plus encore; accepter d'être « commere » de cet homme qui lui a rendu ses enfants orphelins..

  A013000267 

 Ecoutez la réponse: « Je viens de parler pour vous a Nostre Seigneur... et certes, je n'ay pas osé luy demander absolument vostre delivrance; car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit estre presentee, ce n'est pas a moy de desirer qu'il ne le face pas.

  A013000269 

 Une telle direction est faite pour grandir le cœur; c'est en vain qu'on voudrait y trouver une doucereuse condescendance, une sorte de bonhomie paterne qui s'arrange de tout, même de l'inertie..

  A013000272 

 Il est vrai, l'effort du Saint et de sa direction va tout d'abord à épurer l'âme, à illuminer l'intelligence, à rectifier la volonté, à mettre de l'ordre dans toutes les puissances; mais la volonté n'est-ce pas la pièce maîtresse, l'instrument des actions humaines dont il importe avant tout de s'assurer? Régler la volonté, la fortifier, lui donner du ressort, de l'élan, est-ce faire autre chose que d'accumuler d'avance, pour l'action ultérieure, les trésors de l'énergie morale? Et les facultés agissantes, qui les excite, qui les met en jeu, sinon le vouloir intérieur? L'activité n'est souple, n'est durable, n'est féconde que si elle jaillit de cette force invisible qui s'appelle la volonté.

  A013000273 

 Pour toutes les misères du corps et de l'âme, des instituts surgissent; mais qui les fonde? De grandes chrétiennes, la plupart admiratrices du saint Evêque de Genève, formées à la piété par ses écrits, ou même encouragées par les exemples de la baronne de Chantal devenue à son tour fondatrice, et laissant à ses filles son esprit de charité active et bienfaisante..

  A013000275 

 Ils verront croître et grandir avec les années l'amitié sainte, « blanche plus que la neige, pure plus que le soleil » qui devait unir pour une œuvre commune ces deux grandes âmes.

  A013000275 

 Quant aux lecteurs qui aiment à pénétrer dans l'intimité des Saints, à connaître leurs confidences, qui s'édifient à contempler la ravissante simplicité de leurs âmes, ils feront dans ces lettres des découvertes touchantes.

  A013000277 

 C'est tantôt l'accueil enthousiaste d'une petite ville qui s'illumine la nuit pour fêter son arrivée, tantôt c'est l'effroyable masse des montagnes glacées qui le saisit d'admiration; mais dans la plaine, au fond des vallées, il trouve toujours son Dieu; il le rencontre chéri et adoré sur les plus hauts sommets par les âmes simples, et même, comme le Patriarche Séraphique, il a su entendre les louanges que lui donnent les chevreuils et les chamois.

  A013000277 

 » Il se laisse prendre à toutes les émotions délicates et profondes qui peuvent remuer une âme sensible.

  A013000280 

 » Il faut le voir se divertissant des masques avec les enfants de son catéchisme, devant une assistance qui le « convioit par son applaudissement a continuer de faire l'enfant avec les enfans.

  A013000281 

 Quelle humilité que celle qui lui fait accepter avec une gratitude touchante les conseils de sa fille spirituelle! L'illustre ami des Cardinaux, le conseiller vénéré des Papes, le grand convertisseur d'âmes devient un enfant quand il écrit au P. Possevin, son ancien maître, et surtout quand il se remet pour « rabiller » son âme sous la conduite de son vieil ami, le P. Fourier..

  A013000283 

 « Le bon et debonnaire Jesus soit a jamais le Roy de nos cœurs! » C'est le cri qui déborde à tout instant de son âme transportée.

  A013000283 

 » Installer Jésus-Christ dans les âmes, l'y faire régner, c'est toute son ambition; car il croit, il sait, il affirme que c'est lui qui « redresse tout, purifie tout, vivifie tout... fait tout en tout.

  A013000285 

 Par un rare bonheur, la fantaisie et le bon sens, la raison et la poésie, qui d'ordinaire s'excluent dans les œuvres de l'esprit, se pondèrent et s'unissent ici sans effort.

  A013000287 

 La page qui raconte la douleur sobre et silencieuse de M me de Boisy en apprenant la mort de sa fille, respire une sérénité admirable.

  A013000288 

 Mais bientôt, dominant les « ressentimens » de ses regrets, il s'adresse à sa fille spirituelle qui lui avait paru n'avoir pas assez maîtrisé les siens.

  A013000288 

 » Leçon bien « haute, » de l'aveu même de celui qui la donnait, trop haute sans doute pour des « cœurs a demi mortz; » mais pouvait-elle effrayer ce « cœur vigoureux » qui aimait et qui voulait « puissamment? ».

  A013000292 

 Après les avoir lues, on garde comme conclusion le souvenir de la bonne Pernette Boutey, la sainte villageoise de La Roche, l'une des « grandes « amies » du Saint, qui « devint plus belle après sa mort qu'elle n'avoit esté durant sa vie.

  A013000292 

 Il faut donc leur infuser des goûts qui ne passent pas, des sentiments et des espoirs qui les fixent dans un état tranquille et sûr.

  A013000301 

 Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont, à défaut d'Autographes ou de copies authentiques, on a dû emprunter le texte à des publications antérieures.

  A013000302 

 Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui précèdent chaque pièce; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original, ou qu'elles sont authentiques, quoique fournies par les textes imprimés.

  A013000304 

 Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la précèdent immédiatement au texte; la fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi.

  A013000304 

 Les divergences qui existent entre quelques minutes et le texte définitif sont données au bas des pages.

  A013000317 

 Benite soyes vous en vostre cœur et en vostre cors, en vostre personne et en celles de ceux qui vous sont plus chers, en vos consolations et en vos travaux, en tout ce que vous feres et que vous souffrires pour Dieu.

  A013000327 

 Je n'auray pas plustost recouvert mes forces et rencontré quelque commodité de vous escrire [2] que je le feray fort soigneusement, comme j'ay fait cy devant a touttes les occurrences qui s'en sont presentees.

  A013000328 

 Je n'escris qu'a vous par ce que c'est un exercice qui m'est encor defendu; et je crois que vous me feres ce bien que de saluer tout le reste de ceux et celles qui m'ayment en Nostre Seigneur, puisque je vous en supplie bien humblement.

  A013000332 

 Ma mere, qui est venue icy pour m'assister, vous salue tres humblement, et moy je n'oublie point Celse Benigne..

  A013000347 

 J'y vois neantmoings encor quelque peu d'inquietude et d'empressement qui empesche le dernier effect de vostre patience.

  A013000348 

 Mais resouvenés vous de deux choses: l'une, que les enfans d'Israël furent quarante ans parmi les dezerts avant que d'arriver en la terre du sejour qui leur estoit promis; et neantmoings, six sepmaynes pouvoyent suffire pour tout ce voyage, et a l'aise.

  A013000348 

 Ny il ne fust pas loisible de s'enquerir pourquoy Dieu leur faisoit prendre tant de detours et les conduisoit par des chemins si aspres; et tous ceux qui en murmurerent moururent avant l'arrivee.

  A013000349 

 Pleust a Dieu que nous regardassions peu a la condition du chemin que nous frayons et que nous eussions les yeux fichés sur Celuy qui nous conduit et sur le bien heureux pays auquel il nous mene.

  A013000352 

 Mais (listes luy, je vous supplie, que cela ne se peut en aucune façon; je trahiroys son ame si je luy permettoys cest abbus. Il faut qu'a la fine premiere confession qu'elle fera, que tout au commencement elle s'accuse de ce peché oublié (j'en dis de mesme sil y en a plusieurs), purement et simplement, et sans repeter aucune autre chose de sa confession generalle, laquelle fut fort bonne; et partant, non obstant les choses oubliees, cett'ame la ne se doit nullement troubler. Et ostez luy la mauvaise apprehension qui la peut mettre en peyne pour ce regard; car la verité est que le premier et principal point de la simplicité chrestienne gist en ceste franchise d'accuser ses pechés quand il en est besoing, purement et nuëment, sans apprehender l'oreille du confesseur, laquelle n'est la presente que pour ouyr des pechés et non des vertus, et des pechés de toute sorte..

  A013000354 

 Je veux bien qu'elle le nourrisse, mais non pas qu'il croisse; car, croyez moy, il sera tousjours meilleur d'ouyr Nostre Seigneur avec indifference et en l'esprit de liberté, ce qui ne se pourra faire si ce desir grossit, car il assujettira toutes les facultés interieures et tyrannisera la rayson sur le choix.

  A013000356 

 Je ne veux pas respondre a vostre derniere lettre par le menu, sinon en certains pointz qui me semblent plus pressans.

  A013000356 

 Mais qui vous a jamais enseigné que Dieu en fust autheur? Bien des tenebres, bien des impuissances, bien du liement a la perche, bien de la dereliction et destitution de vigueur, bien du devoyement de l'estomach spirituel, bien de l'amertume de la bouche interieure, laquelle rend amer le plus doux vin du monde; mais des suggestions de blaspheme, d'infidelité, de mescreance, ha non, elles ne peuvent sortir de nostre bon Dieu: son sein est trop pur pour concevoir telz objetz..

  A013000357 

 C'est le diable qui va par tout autour de nostre esprit, furetant et brouillant, pour voir s'il pourroit treuver quelque porte ouverte.

  A013000357 

 Il faisoit comme cela avec Job, avec saint Anthoine, avec sainte Catherine de Sienne et avec une infinité de bonnes ames [9] que je connois, et avec la mienne qui ne vaut rien et que je ne connois pas.

  A013000358 

 O Dieu, mais donques la voyla, la sainte violence qui ravit les cieux.

  A013000358 

 Voyés vous, ma Fille, mon ame, c'est signe que tout est pris et que l'ennemy a tout gaigné en nostre forteresse, hormis le donjon imprenable, indomptable et qui ne peut se perdre que par soy mesme.

  A013000359 

 Or, voyes vous les ames afiligees parce que l'ennemy, occupant toutes les autres facultés, fait la dedans son tintamarre et fracas extreme? A peyne peut on ouÿr ce qui se dit et fait en ceste volonté superieure, laquelle a bien la voix plus nette et plus vive que la volonté inferieure; mais celle cy l'a si aspre et si grosse qu'elle estouffe la clarté de l'autre.

  A013000360 

 Au demeurant, ces tentations si importunes viennent de la malice du diable; mais la peyne et souffrance que nous en ressentons vient de la misericorde de Dieu, qui, [10] contre la volonté de son ennemy, tire de la malice d'iceluy la sainte tribulation par laquelle il affine l'or qu'il veut mettre en ses thresors.

  A013000363 

 Vous ne sçauries avoir trop de confiance en moy, qui suis parfaittement et irrevocablement vostre en Jesus Christ, duquel mille et mille fois le jour je vous souhaitte les plus cheres graces et benedictions.

  A013000376 

 Je m'asseure que l'un et l'autre a esté grand, car c'est la coustume de nostre bon Dieu de ne point envoyer des afflictions et tourmentz a ceux qui l'aiment, qu'il ne leur envoye quant et quant des grandes consolations, et, comme dit le Psalme, selon la multitude des tribulations, ses delectations rejouissent nostre ame.

  A013000378 

 Il est infiniment ediffié de vos deportementz et de tout ce qui est en vostre Monastere.

  A013000379 

 J'ay sceu qu'il y avoit a Dijon un grand personnage de vostre Ordre, rare en pieté et discipline religieuse, et qui est Visiteur du monastere de Fontesvreau.

  A013000397 

 Je ne voy encores rien devant mes yeux qui me puisse promettre le bonheur de vous voir cette annee; et quant a ce que vous me touchez de [me voir] de deça, il ne me semble pas que ce soit chose bien aysee a faire, ni [peut] estre convenable de quelque tems, eu esgard aux [liens] avecq lesquels Dieu vous a attachee de dela.

  A013000397 

 Pour ma part, croyez moy je vous supplie, je n'ay pas moings de desir de vous revoir, et a loisir, que vous sçauriez avoir encor [vous même; mais] il faut sçavoir qui est le plus expedient et a propos.

  A013000398 

 Les medecins m'ont fort defendu d'escrire de ma main au sortir de cette maladie; c'est pourquoy j'ay employé la main d'autruy jusques icy, adjoustant de la mienne que vous vous resouvenies de ce que je vous ay tant recommandé, et que, le faysant, vous feres chose qui aggreera plus a Dieu que si, sans le faire, vous donnies vostre vie au martyre; parce que Dieu veut l'obeyssance beaucoup plus que le sacrifice.

  A013000399 

 Continués et perseverés, car la couronne est pour ceux qui perseverent..

  A013000400 

 O ma tres chere Dame, ma bonne Seur, cette vie est courte, les recompenses de ce qui s'y fait sont eternelles.

  A013000401 

 Je vous diray seulement que le commerce des huguenotz n'est pas absolument defendu a ceux qui sont meslés avec eux; mays la verité est qu'il faut s'en abstenir le plus qu'on peut, car il a accoustumé de refroidir la devotion.

  A013000411 

 O Sauveur du monde, que voyla qui va bien! Il faut porter sa croix; quicomque la portera plus grande se treuvera mieux.

  A013000427 

 Mais aussi, le mesme Dieu a laissé en plusieurs de ses chers disciples, beaucoup de marques de leurs mauvaises inclinations quelque tems apres leur conversion, et le tout pour leur plus grand proffit: tesmoin le bienheureux saint Pierre, qui despuis la premiere vocation choppa plusieurs fois en des imperfections, et s'abattit tout a fait et fort miserablement une fois par la negation..

  A013000427 

 Pendant que nous sommes icy bas, il faut que nous nous portions tous-jours nous mesmes jusques a ce que Dieu nous porte au Ciel, et pendant que nous nous porterons, nous ne porterons rien qui vaille.

  A013000428 

 Salomon dit que c'est un animal bien insolent que la chambriere qui devient soudainement maistresse.

  A013000429 

 Es palais des princes et des rois on y met des statues qui ne servent qu'a recreer la veuë du prince: contentés vous donq de servir de cela en la presence de Dieu, il animera cette statue quand il luy plaira..

  A013000429 

 Mais qu'est ce que vous y voudries faire sinon ce que vous y faites, qui est de presenter et representer a Dieu [19] vostre neant et vostre misere? C'est la plus belle harangue que nous facent les mendians que d'exposer a nostre veuë leurs ulceres et necessités.

  A013000432 

 C'est la le blanc de la perfection auquel nous devons tous viser, et qui plus en approche, c'est celuy qui emporte le prix..

  A013000432 

 Il faut regarder ce que Dieu veut, [20] et, le reconnoissant, il faut s'essayer de le faire gayement, ou au moins courageusement; et non seulement cela, mais il faut aymer cette volonté de Dieu et l'obligation qui s'en ensuit en nous, fust ce de garder les pourceaux toute nostre vie et de faire les choses les plus abjectes du monde; car, en quelle saulse que Dieu nous mette, ce nous doit estre tout un.

  A013000433 

 Entre ceux qui sont ou courroucés ou mescontens, il y en a qui tesmoignent leurs desplaysirs seulement en disant: Mon Dieu, que sera cecy? et les autres disent des paroles plus cuisantes et qui ne tesmoignent pas seulement un simple mescontentement, mais une certaine fierté et despit.

  A013000434 

 Mais, Madame, il faut que je confesse la verité: je crains perpetuellement, en ces desirs qui ne sont pas de l'essence de nostre salut et perfection, qu'il ne s'y mesle quelque suggestion de l'amour propre et de nostre propre volonté; comme, par exemple, que nous nous amusions tant a ces desirs qui ne nous sont pas necessaires, que nous ne laissions pas asses de place en nostre esprit pour les desirs, qui nous sont plus requis et plus utiles, de nostre propre humilité, resignation, douceur de cœur et semblables; ou bien, que [21] nous ayons tant d'ardeur en ces desirs, qu'ilz nous apportent de l'inquietude et de l'empressement, et en fin, que nous ne les sousmettions pas si parfaittement au vouloir de Dieu qu'il seroit expedient..

  A013000435 

 Il faut donques, et par exemples et par paroles, semer parmi eux tout bellement des choses qui les puissent induire a vostre dessein, et, sans faire semblant de les vouloir instruire ou gaigner, jetter petit a petit des saintes inspirations et cogitations dedans leur esprit.

  A013000444 

 O tribulation, que vous series desirable si on voyoit aussi bien vos roses que l'on void vos espines! Mon Dieu, ma Fille, que j'ayme vostre mauvaise jambe, car je sçai bien qu'elle vous portera plus au Ciel que la bonne; [22] jambe qui n'est pas une jambe, c'est un'aisle pour vous faire voler en l'air de la vie spirituelle.

  A013000456 

 Vous m'obligés infiniment d'employer, comme vous faites, toutes les occasions qui se presentent a vous pour m'escrire; car j'ay tous-jours beaucoup de consolation a [23] recevoir de vos nouvelles.

  A013000457 

 Hors de la, despuis la Quasimodo jusques a la Pentecoste, je ne voy rien devant mes yeux qui me puisse destourner de la consolation que je prendray au bien de vostre presence, si vous prenes la peyne de venir jusques a la mayson de ma mere, ou j'auray plus de commodité de vous entretenir sur tout ce qu'il vous plaira.

  A013000461 

 Je supplie monsieur vostre mary et messieurs vos enfans de m'aymer en qualité d'un homme qui est entierement acquis a leur merite.

  A013000461 

 Le porteur, qui m'est conneu de longue main, m'a dit de combien de charité vous uses en son endroit.

  A013000471 

 Despuis encor vous ay-je escrit, mais parmi la presse d'un monde d'affaires qui m'empescherent de vous beaucoup entretenir, comme j'eusse beaucoup desiré de faire, ne me manquant jamais le sujet, pour l'extreme contentement que j'y prens..

  A013000471 

 Mon mal aussi fut peu de chose, s'il me semble; mais les medecins, qui croyoyent que j'estois empoisonné, donnerent tant de crainte a ceux qui m'ayment, qu'il leur estoit advis que je leur eschappois des mains.

  A013000471 

 Voyci le grand mot qui me rend si absolument vostre: c'est que Dieu le veut, et je n'en doute nullement.

  A013000473 

 Acceptés mille fois le jour cette croix, et la baysés de bon cœur pour l'amour de Celuy qui vous l'envoye; c'est sans doute qu'il vous l'envoye par amour et comme un riche present.

  A013000473 

 Representes vous souventefois le Sauveur crucifié tout vis a vis de vous, et pensés qui souffre plus l'un pour l'autre, et vous treuveres vostre mal beaucoup moindre.

  A013000474 

 Et pourquoy, je vous prie, plustost la qu'ailleurs, sinon parce qu'ailleurs elles demeurent dedans l'ame et la elles sortent dehors? L'agitation de la mer esmeut tellement toutes les humeurs, que ceux qui entrent sur icelle pensans n'en avoir point, ayant un peu vogué, connoissent bien qu'ilz en sont pleins, par les convulsions et vomissemens que ce bransle desreglé leur excite.

  A013000475 

 Cette inquietude d'importance et d'autres inquietudes desquelles vous aves esté assaillie et qui vous ont laissé de la peyne en l'esprit, ne m'estonnent point, puysqu'il n'y a rien de pis.

  A013000477 

 Nous voudrions prier dans l'eau de naffe et estre vertueux a manger du sucre, et nous ne regardons point au doux Jesus qui, prosterné en terre, sue sang et eau de destresse pour l'extreme combat qu'il sent en son interieur, entre les [28] affections de la partie inferieure de son ame et les resolutions de la superieure..

  A013000478 

 Que si nous sçavions bien qui nous sommes, en lieu d'estre esbahis de nous voir a terre, nous nous estonnerions comment nous pouvons demeurer debout.

  A013000479 

 Qui a Dieu pour object de ses intentions et qui fait ce qu'il peut, pourquoy se tourmente il? pourquoy se trouble il? qu'a il a craindre? Non, non, Dieu n'est pas si terrible a ceux qu'il ayme; il se contente de peu, car il sçait bien que nous n'avons pas beaucoup.

  A013000481 

 La seconde, c'est qu'il est force que nous souffrions de l'ennuy interieur quand Dieu arrache la derniere peau du viel homme pour le renouveller en l'homme nouveau qui est creé selon Dieu; et partant nous ne devons nullement nous troubler de cela, ni estimer que nous soyons en la disgrace de Nostre Seigneur.

  A013000481 

 La troysiesme, c'est que toutes les pensees qui nous rendent de l'inquietude et agitation d'esprit ne sont nullement de Dieu, qui est Prince de paix; ce sont donq des tentations de l'ennemy, et partant il les faut rejetter et n'en tenir conte..

  A013000483 

 Si j'avois icy mes papiers, je vous envoyerois un traitté que je fis a Paris pour ce sujet en faveur d'une fille spirituelle et Religieuse d'un digne monastere, qui en avoit besoin et pour soy et pour les autres.

  A013000484 

 Et quant a l'exterieur, j'appreuverois que tous les jours vous fissies [31] quelque acte d'humilité, ou de paroles ou d'effect; j'entens de paroles qui sortent du cœur.

  A013000486 

 Je laisse a part l'extreme confiance que vous aves en moy, qui m'oblige a un extreme zele a vostre bien.

  A013000487 

 Mays avec cela, je vous prie de faire en sorte que cet autre bon Pere qui a desiré de vous ayder ne puisse pas reconnoistre que vous ne le goustes pas, par ce qu'a l'advenir il sera utile pour estre employé a l'œuvre que vous et moy desirons, pour obtenir quelque chose du Saint Pere..

  A013000488 

 Et ne faut nullement donner aucune alarme de rien qui se passe, affin que les benedictions du Ciel viennent en nostre terre comme la rosee sur l'herbe, que l'on voit descendue avant que de s'en appercevoir; et ainsy faut-il conduire imperceptiblement tout vostre dessein jusques au comble de sa perfection.

  A013000491 

 Ma mere, qui vous offre tout son service et celuy de tous les siens, continue au desir qu'elle avoit d'avoir l'honneur de voir ma seur aupres de vous.

  A013000493 

 La pauvrette est de la seconde sorte: languissante sous les melancholies et embarrassemens de diversités de foiblesse, qui semblent accabler sa vertu; il faut l'ayder tant qu'on pourra et laisser le reste a Dieu..

  A013000494 

 Je ne finirois jamais de vous escrire si je suivois mon inclination pleine d'affection; mais c'est asses, la Messe m'appelle, ou je vay presenter Nostre Seigneur a son Pere pour vous, ma tres chere Fille et pour toute vostre Mayson, pour obtenir de sa divine bonté son Saint Esprit [34] qui addresse toutes vos actions et affections a sa gloire et vostre salut.

  A013000520 

 Vous m'aves infiniment consolé a m'escrire si souvent comme vous aves fait; de mon costé, je n'ay jamais manqué de vous escrire par toutes les commodités qui s'en sont presentees.

  A013000522 

 J'ay escrit asses amplement a M. [Viardot,] a qui j'avois jetté beaucoup de mon amitié estant par dela.

  A013000522 

 Pour vous, ma chere Seur, je vous ay des-ja dit en une autre lettre que non seulement j'appreuvois le choix que vous avies fait d'iceluy pour estre vostre confesseur, mais que je m'en consolois; et vous disois que vous pourres apprendre de luy ce qui sera convenable touchant les aumosnes et autres charités que vous voules et deves faire.

  A013000523 

 Embrassés avec sincerité ses saintes volontés, quelles [38] qu'elles soyent, et ne pensés jamais avoir atteint a la pureté de cœur que vous luy deves donner, jusques a ce que vostre volonté soit non seulement du tout, mais en tout, et mesme es choses plus repugnantes, librement et gayement sousmise a la sienne tres sainte; regardant a ces fins, non le visage des choses que vous feres, mais Celuy qui vous les commande, qui tire sa gloire et nostre perfection des choses les plus imparfaittes et chetifves, quand il luy plaist..

  A013000524 

 Ilz sont invariables, incorruptibles et eternelz, puisque nous nous aymerons au Ciel pour le mesme amour de Jesus Christ qui nous joint de cœur et d'ame icy bas, et qui me rend.

  A013000541 

 Fouillés tous les replis et voyés tous les ressors de vostre ame, et considerés tout ce qui aura besoin d'estre ou rabillé ou remis.

  A013000541 

 Præpares bien tout ce qui sera requis pour rendre ce voyage fructueux, et tel que cett'entrevëue puisse suffire pour plusieurs annees.

  A013000542 

 En ce qui regarde les ennuys des tentations de la foy ne vous y amuses pas, mais attendes que vous soyes icy, car ce sera bien asses tost.

  A013000542 

 Le plus que vous pourres apporter d'abnegation ou indifference de vostre propre volonté, c'est a dire de desir et resolution de bien obeir aux inspirations et instructions que Dieu vous donnera, quelles qu'elles soyent, ce sera le mieux, car Nostre Seigneur agit es ames qui sont purement siennes et non præoccupees d'affections et de propres volontés.

  A013000544 

 Je l'en supplie de tout mon cœur, [41] et vous, ma chere Seur, de venir joyeuse en luy, qui est vostre joye et consolation.

  A013000547 

 De Saint Claude, vostre chemin s'adresse droit a Gex, ou je vous feray tenir un homme qui vous accompaignera jusques chez ma mere.

  A013000547 

 L'homme qui vous ira au rencontre vous conduira.

  A013000559 

 L'esperance qu'on me donnoit d'avoir bien tost lhonneur de vous voir de deça, me faysoit attendre de vous supplier humblement pour beaucoup de grandes necessités ecclesiastiques qui sont en ce diocæse; mais puisque nous sommes encor incertain de la jouissance du bien de vostre præsence, j'ay prié le sieur Gottri, present porteur, d'aller apprendre de vous, Monsieur, quelle issue ces bonnes affaires pourront avoir.

  A013000560 

 Il y a encor plusieurs autres parroisses qui ne sont pas assorties de leurs besoins, comme Thounon, qui n'a point de curé, ains seulement des vicaires; Ivoire en est de mesme et quelques autres, a quoy messieurs les Chevaliers sont tenus de fournir et prouvoir quant aux portions congrues, comme moy quant aux personnes.

  A013000560 

 Ilz n'ont plus aucun sujet de se plaindre de l'excessiveté des portions, puisque, Monsieur, elles ont esté reduites en vostre præsence a la plus moderee quantité qu'elles pouvoyent avoir; il ne reste donques que d'accomplir ce qui fut arresté..

  A013000562 

 Il y a quelques honnestes personnes qui veulent revenir a l'Eglise et quitter l'heresie, et desireroyent a cet effect quelques petites faveurs de Vostre Excellence, laquelle, pour ce regard, en entendra les particularités du porteur et luy en dira ses volontés..

  A013000563 

 Je ne sçai, Monsieur, si je doy plus rien esperer pour le college de cette ville, qui a tant besoin des Peres Jesuites, mays je sçai bien que n'en puis rien esperer [44] que par l'assistence de vostre charité, la grandeur delaquelle me promet qu'elle me pardonnera si je vous donne tant et si souvent de l'importunité..

  A013000604 

 C'est sans doute que, de droit ordinaire, la benediction des cloches, come (sic) de toutes autres choses qui sont beneistes avec le cresme, ne peut estre faite que par l'Evesque, ou soit que telle benediction procede de l'Ordre episcopal, ou, come je crois plustost, qu'elle soit reservee pour la dignité.

  A013000604 

 Et pour dire la verité, il me semble qu'en ces choses cerimoniales, il n'y a pas grand danger de suivre l'opinion qui facilite nostre charge, et mesmes es lieux ou pour la multitude des parroisses, la distraction seroit grande de se porter a touttes sortes de semblables actions..

  A013000605 

 Et de plus, si vous avez trop d'incomodité de vous y emploier vous mesmes, emploiez y qui bon vous semblera, car je le tiens pour deputé a ce faire et l'advoüe..

  A013000606 

 Dimanche nous faisons la solemnelle action de graces pour l'eslection du Pape Paul V, qui fut cy devant Cardinal Borghese, aagé de 52 ans, plain de suavité, de meurs, de doctrine et de sainteté..

  A013000609 

 Il y a quinze jours quil se tint une conference a Dijon entre un Pere Jesuiste et l'un des plus habiles ministres [49] qui soit en France, ou le Jesuiste feit si excellemment, que le ministre, ne pouvant supporter les efforts du combat, demeurast pasmé sur la place, avec une tres-grande confusion..

  A013000625 

 Je veux, ma Fille, que nous celebrions toutes les annees les jours anniversaires de ceux ci, par l'addition de quelques particuliers exercices a ceux qui nous sont ordinaires.

  A013000628 

 La mort mesme n'aura point de pouvoir pour le dissoudre, puisqu'il est d'une estoffe qui dure eternellement..

  A013000629 

 Helas, nenny, ma tres aymee Fille, ne regardés point a qui, mais pour qui vous obeisses.

  A013000629 

 Je suis fort consolé, ma chere Fille, de vous voir pleine du desir d'obeissance; c'est un desir de prix incomparable, et qui vous appuyera en tous vos ennuys.

  A013000638 

 Je le beniray toute ma vie des graces qu'il vous a preparees: preparés-luy aussi de vostre costé des grandes resignations en contreschange, et portés vaillamment vostre cœur a l'execution des choses que vous sçaves qu'il veut de vous, malgré toutes sortes de contradictions qui se pourroyent opposer a cela..

  A013000639 

 En un mot, estant aggreables a Dieu et reconneuës pour cela, a qui doivent elles estre desaggreables? Prenés garde, ma tres chere Fille, a vous rendre tous les jours plus pure de cœur.

  A013000640 

 On se mocqua du peintre qui, voulant peindre un cheval, fit un taureau excellemment bien fait: l'ouvrage estoit beau en soy, mais peu honnorable a l'ouvrier, qui avoit autre dessein et n'avoit bien fait que par hasard.

  A013000653 

 Pour me tenir en possession de vous escrire a toutes les commodités qui s'en presenteront, je vous diray ces trois ou quatre choses lesquelles j'ay dittes a madame de Chantal nostre bonne seur, mais non pas si clairement quil ne soit encor utile de vous les representer icy.

  A013000654 

 Il ne faut plus que nos inclinations naturelles maistrisent nostr'ame; il faut que ce soit la lumiere superieure, et que, partant, encor que naturellement nous ayons de la peyne a nous communiquer, la rayson neanmoins et la connoissance du devoir nous emporte a toutes les executions des choses aggreables a Dieu, entre lesquelles, celleci de descouvrir sa conscience quand et a qui il est requis, est une des plus principales.

  A013000655 

 Vos lettres, ce me sembloit, tendoyent a cela, qui m'occasionna de luy en escrire; neanmoins, je ne veux pas en cela vous donner aucune contrainte.

  A013000656 

 Nostre seur de Chantal me dit quelque chose de certaines craintes et ombres qui se presentent quelquefois a vous en vos prieres; et je luy dis que vous ne deviés pas seulement arrester un seul moment vostre esprit a considerer si cela estoit ou non, ni que cela peut estre ou que c'est; car je vous asseure, ma chere Seur, que cela n'est rien du tout, sinon une divagation d'imaginative que l'apprehension de la solitude, ou l'ennuy et difficulté de ces commencemens engendre en vostre esprit.

  A013000656 

 Tenes donq ferme, car ce n'est rien; et quand cela vous arrivera, ne vous amuses ni peu ni prou a penser et philosopher la dessus, mais tenes vous pour tout asseuree que Dieu est avec vous, et divertisses soudainement vostre pensee a quelqu'autr'object, comme seroit a Jesuschrist qui vous regarde des le Ciel et a sa sainte Mere..

  A013000657 

 Vous aves maintenant ma jeune seur, laquelle sans doute vous fera bien de l'incommodité; mais il ni a remede, je ne sçaurois vous en faire ni des excuses ni des ceremonies, j'ay trop de confiance en cett'estroitte alliance qui est entre nous.

  A013000678 

 Ne voyes vous pas que l'on n'esmonde point les vignes a coups de coignee, mais que l'on les coupe avec la serpe doucement et sarment apres sarment? J'ay veu telle piece de sculpture que le maistre a manié dix ans avant qu'elle fust parfaitte, et n'a jamais cessé d'en lever avec le ciseau et le burin, et petit a petit, tout ce qui empeschoit la juste proportion.

  A013000678 

 Non sans doute, il n'est pas possible d'arriver en un jour ou vous aspires: il faut ores gaigner ce point, demain un autre, et pied a pied nous nous [58] rendrons maistres de nous mesmes, qui ne sera pas une petite conqueste..

  A013000681 

 Je vous l'ay dit, Madame, et je vous l'escris maintenant: je ne veux point une devotion fantasque, brouillonne, melancholique, fascheuse, chagrine; mais une pieté douce, souëfve, aggreable, paysible et, en un mot, une pieté toute franche et qui se fasse aymer de Dieu premierement, et puis des hommes.

  A013000683 

 Je prie tous-jours Dieu qu'il vous tienne de sa sainte main; rendes moy le reciproque, et jettés quelques souspirs au pied de la Croix pour mon ame, laquelle est toute voüee au service de la vostre et de tout ce qui vous est plus cher.

  A013000701 

 Non, ma Fille, je ne crain (sic) point les liens et chaisnes qui m'obligeront a vous, car le grand lien spirituel me serre si fort, que tous les autres me semblent des filetz d'araignees en comparayson.

  A013000702 

 Dieu, qui a fait le reste, fera bien encor quil s'accommodera un jour du tout a nous..

  A013000702 

 Seigneur Dieu, je croyois que vous n'oseries pas seulement y penser sans mon advis, et vous me parles d'en sortir! O ma Fille, qu'est ce qui a esbranlé nos resolutions? Quelle nouvelle difficulté nous peut faire retirer de nos desseins, si proffitables a nos ames, si pleins de la gloire de Dieu? Ouy vrayment, il m'en faudra bien parler, et faudra bien que nous en parlions a Dieu avant que de le faire.

  A013000705 

 Ma chere Fille, tenes les yeux sur Jesuschrist qui vous a appellee a cette sainte œuvre; faites tout pour l'amour de luy.

  A013000709 

 J'ay marqué en l'advis que je donne, les Heures canoniques selon que nous les disons en nostre cathedrale, hormis Matines, qui sont tous-jours dites a 9 heures du [62] soir; et toutes les mesmes Heures se sont treuvees marquees en mesme sorte es Constitutions de la Mere Therese.

  A013000721 

 Mais pour ma Seur, c'est ma fille, et, avec vostre congé, je pense que nostre bon Dieu, qui m'a tant donné de cœur a son bien, me donnera de la lumiere pour le service de son esprit.

  A013000735 

 Je vous escriray dans peu de jours par le Gardien des Cordeliers d'Aoustun qui doit venir a Lion au jour de saint Bonaventure; je luy envoyeray mes lettres pour les vous faire tenir..

  A013000736 

 Ne craignés nullement a m'escrire de vos travaux, car a qui en voudriés vous escrire?.

  A013000753 

 Je ne suis nullement en doute de la fermeté de vostre zele et de vostre memoyre es choses qui regardent le service de Dieu.

  A013000754 

 Et permettes moy, Monsieur, je vous en supplie, que je vous resouvienne de ce quil vous pleut m'accorder pour mon particulier, qui est, qu'estant a Chamberi, vous me feries lhonneur de considerer, si pour n'avoir pas voulu accorder des excommunications en matiere criminelle et contre les Canons, il est raysonnable que le temporel de l'evesché ou celuy du vicaire soit saysi....

  A013000765 

 Puisque le conte que mes freres vous ont envoyé se treuve bon au fons, je vous supplie avec toute mon affection de donner ordre au payement de ce qui reste, ou par quelque bonn'assignation ou autrement.

  A013000765 

 Vous termineres par ce moyen les importunités que vous recevés de nostre sollicitation et les incommodités que nous recevons de la retardation du payement, et vous nous obligeres encor de plus fort a vostre service, sur tout moy qui, priant Nostre Seigneur pour vous, me prometz un'entiere asseurance de vostre amitié et suis, Monsieur,.

  A013000780 

 Vous me demandies comme je voulois que vous fissies a l'entreveuë de celuy qui tua monsieur vostre mary; je respons par ordre..

  A013000782 

 Je replique: je n'entens pas que vous recherchies le rencontre de ce pauvre homme, mais que vous soyes condescendante a ceux qui le vous voudront procurer, et que vous tesmoignies que vous aymes toutes choses.

  A013000791 

 In tanta salutantium contentione qui, hoc Pontificatus initio, ad pedes Sanctitatis Tuæ venerabundi accesserunt, [69] non debui, credo, meam ingerere tenuitatem, quæ etsi obedientia, fide ac pietate erga Beatitudinem Tuam nulli inferior est, meritis tamen adeo depressa jacet, ut vix in comparatione conspici ac notari potuisset..

  A013000792 

 Debeo et mihi, qui mirificam illam Tuam benignitatem jampridem sum expertus, dum Tu, Beatissime Pater, in ultimo illo et ad Pontificatum proximo Cardinalatus gradu tantisper hæreres, et ego hujus Ecclesiæ Præpositus negotium de ecclesiis, hæreticorum longissima occupatione dirutis, Catholicorum usui restituendis, apud [71] Sanctam Sedem tractarem, nuntiumque gratissimum deferrem de multis hominum millibus ad Christi caulas nuperrime reductis; ut me nunc propitium habiturum Pontificem et Patrem sperare par sit, quem tam beneficum jam inde nactus sum Cardinalem..

  A013000792 

 Debeo namque hoc gaudii testimonium Cathedræ Apostolicæ, cui de tanti Pontificis sessione congratulor; debeo et Tibi, Pontifici maximo, qui tantam [70] Cathedram exornas; debeo Urbis et orbis fidelibus universis, qui suavissime virtutum tuarum odore recreantur; debeo huic provinciæ, quæ, undique fluctibus ac jactationibus hæreticorum quassata propemodum ac contrita, plurimam spem ex perspecta Tua providentia concepit.

  A013000802 

 Je le dois à vous, le Pontife suprême, à vous qui illustrez une telle Chaire.

  A013000803 

 Aussi, nous n'en pouvons douter, outre la sollicitude que vous avez de l'universalité des Eglises, vous voudrez aider d'une particulière assistance au relèvement de ce diocèse, qui, plus que les autres, a subi de la part des hérétiques les pires des vexations; et cette assistance sera d'autant plus féconde que vous exercez de plus haut sur nous votre prééminence.

  A013000803 

 D'ailleurs, c'est le Christ, Chef des Evêques, dont sur terre vous tenez la place, qui, la où le péché avait abondé, fait surabonder la grâce..

  A013000804 

 C'est pourquoi je suis tout joyeux de saluer de mes félicitations la [72] dignité apostolique qui resplendit souverainement en votre personne.

  A013000812 

 Je suis icy parmi mille traverses et tout plein d'impuissances a l'execution de ma charge, mais neanmoins consolé par Nostre Seigneur de plusieurs conversions d'heretiques, et nommement des bourgeois de Geneve qui, par un mouvement extraordinaire, sortent a la file de [73] l'heresie pour entrer en la sainte Eglise; mays tous presque de jeunes gens, comme si c'estoit un essaim qui cherchast une meilleure ruche....

  A013000822 

 O Dieu, disois je, qui me donnera ce bonheur de voir un jour le nom de Jesus gravé dans le fin fons du cœur de celle qui le porte marqué sur sa poitrine? O que j'eusse soüaité d'avoir le fer de la lance de Nostre Seigneur en une main et vostre cœur de l'autre! Sans doute j'eusse fait cet ouvrage.

  A013000823 

 Pries fort pour moy, qui suis tant et si nompareillement vostre..

  A013000840 

 Je vous supplie, Monsieur, de continuer en mon endroit la charité que vous m'aves promise de prier Dieu pour moy, qui suis....

  A013000850 

 Je le fay pour m'accommoder a son desir, bien que je sois certain quii n'est point besoin d'animer ni resouvenir vostre zele qui, de soymesme, [tend] asses a toutes ces saintes actions..

  A013000850 

 Voyla le bon Pere Sebastien qui brusle de zele a la reduction de ces ames de Gaillart, et comme vous verres, [77] il s'essaye de me communiquer de sa chaleur et me charge de vous envoyer sa lettre.

  A013000851 

 Je confesse la verité: nul soin que j'aye en cette charge ne mord si souvent mon esprit comme celuy-la, et sur tout pour le regard de ces cinq ou six parroisses qui n'ont nul curé; entre lesquelles, Tonnay, qui est sur les portes de Geneve, est digne d'un bon et prompt secours..

  A013000871 

 Je suis tous-jours en peyne de sçavoir si vous aures encor point rencontré de personnage propre pour la conduire de cette trouppe d'ames, qui, sans doute, ne peut autrement estre qu'avec beaucoup de troublement et d'inquietudes, qui sont des herbes qui croissent volontier dans les monasteres mal cultivés, et principalement en ceux des filles.

  A013000880 

 Non, de par Dieu, ma tres chere Fille, non, je ne seray point en peyne, je ne craindray point, je ne douteray point pour vos impuissances, ni pour le mal qui est dans vostre teste.

  A013000880 

 Qu'est ce que je puis craindre de vous a cette heure? Non, j'ay je ne sçai quoy qui me respond en bien de l'estat de vostre ame..

  A013000882 

 Je pense que Magdeleyne, qui estoit avec madame vostre Abbesse, estoit bien mortifiee de ce qu'elle ne pouvoit plus voir son cher Seigneur a pur et a plein; seulement elle l'entrevoyoit la sur la croix, elle se relevoit sur ses pieds, fichoit ardemment ses yeux sur luy, mais elle n'en voyoit qu'une certaine blancheur pasle et confuse; elle estoit neanmoins aussi pres de luy qu'auparavant.

  A013000883 

 Bienheureux sont ceux qui ont le cœur net, car ilz verront Dieu; il ne dit pas qu'ilz le voyent, mais qu'ilz le verront..

  A013000886 

 Il ne messied point aux vefves d'estre un petit reculees; il y a une trouppe d'honnestes gens qui attendent aussi bien que vous, il est raysonnable qu'ilz soyent preferés.

  A013000888 

 Ouy, ma Fille, j'appreuve que vous marquies les mouvemens interieurs qui vous auront porté aux imperfections et defautz, pourveu que cela ne vous inquiete point.

  A013000888 

 Pour vos pensees, il n'est pas requis de s'amuser a celles qui ne font que passer, mais seulement a celles lesquelles, comme font les abeilles, vous laisseront leurs germes et esguillons dans leurs piqueures..

  A013000894 

 A Dieu, ma tres chere Fille; a ce grand Dieu, dis je, auquel nous nous sommes voués et consacrés, et qui m'a rendu pour jamais et sans reserve tout dedié a vostre ame, que je cheris comme la mienne, ains que je tiens pour toute mienne en ce Sauveur qui, nous donnant la sienne, nous joint inseparablement en luy.

  A013000904 

 Ayes un grand cœur, et eslevé, qui sache conserver sa paix et sa tranquillité parmi toutes sortes d'orages..

  A013000925 

 Je reviens du bout de mon diocæse qui est du costé des Suisses, ou j'ay achevé l'establissement de trente trois parroisses esquelles, il y a unze ans, il n'y avoit que des ministres, et y fus en ce tems la, trois ans tout seul a prescher la foy catholique.

  A013000926 

 C'est luy qui m'a donné a vous; il soit a jamais beni et loué..

  A013000926 

 Vivés joyeuse et soyés genereuse; Dieu que nous aymons et a qui nous sommes voués, nous veut en cette sorte la.

  A013000928 

 Soyés toute resolue que toutes les tentations d'enfer ne sauroyent souiller un esprit qui ne les ayme pas; laissés les donq courir.

  A013000943 

 J'ay soudainement despeché vostre homme, et par ce que je doy prescher a midi, je ne vous diray sinon que je suis tous-jours fort consolé, quand j'ay de vos lettres, et le dois bien estre encor plus par celle ci qui m'asseure si asseurement que vostre cœur est ferme au dessain quil a fait de servir son Dieu a la poursuite de la vraye devotion..

  A013000945 

 Et ne vous puis oublier pour ce regard, [90] nom plus que moymesme, qui, saluant mille fois monsieur vostre mari et vos bonnes graces, suis sans fin.

  A013000961 

 Nous y verrons des roses entre les espines, la charité qui esclatte parmi les afflictions interieures et exterieures; les lys de pureté, les violettes de mortification, que sçai-je moy? Sur tout j'ayme ces trois petites vertus: la douceur de cœur, la pauvreté d'esprit et la simplicité de vie; et ces exercices grossiers: visiter les malades, servir aux pauvres, consoler les affligés et semblables; mais le tout sans empressement, avec une vraye liberté.

  A013000973 

 Ce me seroit pourtant de la consolation de vous voir assistee de quelqu'un qui fust propre a vostre dessein, et qui, par la veuë et presence, sceust mieux juger des particulieres convenances que je sçaurois faire de si loin..

  A013000974 

 Mais laissons nous aller a la providence de Dieu, qui sçait ce qui est mieux..

  A013000974 

 Nous parlons de la closture; mais j'y suis bien a bon escient, et nos montaignes sont les murailles de mon monastere, et la malice de nostre aage sert de portier qui m'empesche de sortir.

  A013000975 

 Vous ne laisseres pas, je m'asseure, de faire exhaler de vostre cœur mille parfums de courtes mais ardentes prieres, aux pieds de Jesus Christ crucifié, qui doit estre l'ordinaire [93] object de vos pensees, en ce saint tems de vos tribulations.

  A013000976 

 Je ne retiens vostre homme qu'un seul jour, tant je desire de vous [donner] l'asseurance que vous desires de ma chetifve et inutile santé, et de tout ce qui est a vous de deça..

  A013000976 

 Par ci apres, vous pourres me faire escrire tant que vous voudres, par l'entremise de madame de Chantal, qui a treuvé une voye fort aysee a Aoustun, par laquelle je vous escriray aussi le plus que je pourray.

  A013000979 

 Je suis, ma chere Fille, plus vostre que mien; vostre [94] autant que vous mesme, puisque Celuy qui vous a donné a vous mesme m'a rendu vostre..

  A013000982 

 J'escris un billet de salutation a madame de Chantal, vostre seur si affectionnee; elle l'aura par commodité, car il n'y a rien qui presse..

  A013000992 

 Beni soit Dieu, mes cheres Dames, qui tient vos cœurs [95] en sa main et leur donne la sainte forme de son bon playsir.

  A013000992 

 Que puis-je dire en ce grand contentement que j'en reçois, sinon que Dieu vous veuille affermir de plus en plus en ces saintes affections et vous donne la sainte perseverane? Y a il consolation au monde, comparable a celle d'un'ame religieuse, qui n'a que Dieu pour l'object de ses affections? Y a-il rien de si doux que de voir une mere, avec tant de filles autour d'elle, qui, comme branches d'un bel olivier, fleurissent sur le tige de la sainte obeissance et observance de la Regie?.

  A013000993 

 Que vous estes donques heureuses d'estre dans le panier des figues douces, car il ni a point de douceur qui puisse estre parangonnee a une Religion reformee..

  A013000994 

 Et combien de benedictions, je vous prie, vous donneront celles qui, marchant sur vos pas, vivront ci apres saintement en vostre Mayson..

  A013000994 

 Il me semble que je voÿe escrire vos noms au Ciel, et qu'on adjouste que vous estes les meres de plusieurs autres qui, apres vous et a vostre imitation, embrasseront la Croix en vostre Monastere.

  A013000994 

 Non seulement vous jouires du bonheur que la vie vrayement religieuse donne aux ames qui l'embrassent, mais vous en aures encor cette particuliere consolation: c'est, mes Dames, que non seulement vous receves cette benediction pour vous, mais vous la feres couler a vostre posterité spirituelle, et laisseres dedans vostre Mayson des plantes apres vous, qui rendront le mesme fruit, Dieu [96] aydant.

  A013000996 

 Ayes aggreable l'affection qui le pousse a vos yeux, et croyes, je vous supplie, que je ne cesseray jamais d'implorer de la misericorde de Dieu les graces qui vous sont requises, pour le saint accomplissement de cette sainte besoigne que vous aves si heureusement commences avec madame vostre Abbesse.

  A013000996 

 Pour moy, mes cheres Dames, j'en ay une consolation indicible, et n'ay sceu me retenir de vous la tesmoigner par cest escrit, qui vous porte a la haste quelques unes de mes pensees sur vostre sujet.

  A013000997 

 Aimes vos vœux, qui vous peuvent ouvrir la porte de ce saint tabernacle; vives avec la sainte douceur du cœur, qui rend toutes choses souëfves; conserves cette couronne que Dieu a mis sur vos testes, le plus haut fleuron de laquelle c'est l'obeissance.

  A013000997 

 Vous estes sorties du monde et vous montes pas a pas le sacré mont de perfection: ne regardes point en derriere, voyes devant vos yeux le Ciel [97] qui vous attend.

  A013001014 

 Il estoit couché parmi les obscures tenebres, en un lieu fort affreux: il sentit des grans espouvantemens, mais ce fut pour peu, car soudain il vit une clairté de feu et ouyt la voix de Dieu qui luy promit ses benedictions.

  A013001016 

 Je voyois l'autre jour les abeilles qui demeuroyent a recoy dans leurs ruches parce que l'air estoit embrouillé; elles sortoyent de fois a autre voir que c'en seroit, et neanmoins ne s'empressoyent point a sortir, ains s'occupoyent a repaistre leur miel.

  A013001016 

 O Dieu, courage! Les lumieres ne sont pas a nostre pouvoir, ni aucune autre consolation que celle qui depend de nostre volonté, laquelle estant a l'abry des saintes resolutions que nous avons faittes et pendant que le grand sceau de la chancellerie celeste sera sur vostre cœur, il n'y a rien a craindre..

  A013001018 

 Que puisse-elle remplir nostre cœur et nostre ame, comme elle remplit l'esprit de saint Paul, qui ne sçavoit autre chose que cela.

  A013001019 

 Je suis immortellement tout vostre, et Dieu le sçait, qui l'a voulu ainsy et qui l'a fait d'une main souveraine et toute particuliere..

  A013001030 

 La force de l'attraction interieure ne peut souffrir ni dilation ni allentissement; c'est pourquoy, voyant que j'avois compassion de son cœur qui se va consumant en ses desirs, elle me conjura fort de vous en escrire ce qui m'en semble, estimant que mon entremise luy seroit plus favorable cette seconde fois que la premiere..

  A013001030 

 Sans mentir, Monsieur, son desir est violent et qui sort d'un'ame vivement esprise de devotion et saysie de l'amour celeste, qui me fait croire que ce sera un grand dommage d'en empescher les effectz.

  A013001031 

 Et s'il vous falloit immoler vostre fille comm'Abraham voulut faire son enfant, et Jephté le fit reellement, n'auries vous pas le courage de le faire pour Dieu? Or, voyla une douce et non sanglante immolation de vostre fille que Dieu desire de vous; en cela connoistra-il combien vous l'aymes, si vous exposés l'ame de cette fille, qui est vostre ame, pour l'amour de sa divine Majesté, laquelle vous a tant aymè que de donner son Filz pour vous..

  A013001031 

 Je vous diray donq, Monsieur, que l'esprit de madamoyselle vostre fille estant si parfaittement animé du dessein de vivr'a Dieu totalement et sans division, elle n'aura jamais repos hors du lieu ou elle aspire; et vous, qui l'aimes tendrement, aures aussi beaucoup d'inquietude de la voir vivra contrecœur au monde et devant vos yeux.

  A013001032 

 Et vous sçaves que nous ne devons pas nous arrester au bien, quand nous pouvons attaindre au mieux et que nous y sommes attirés comm'est cette benite fille, laquelle, pour le plus grand bienfait qu'elle prætend de vostre paternelle charité, vous demande congé de voüer [102] son cors, son ame, ses pensees, ses forces, ses annees et sa liberté a Celuy qui luy a donné tout ce qu'ell'a..

  A013001033 

 Je vous prie, Monsieur, d'avoir aggreable cette recharge que je vous en fay, qui sort d'un cœur tout affectionné a vostre bonheur et prosperité, que je supplie la divine Bonté vous vouloir departir abondamment, et demeure, Monsieur,.

  A013001044 

 Sans doute, il n'esloigne point l'heure de l'accomplissement de vos saintz souhaitz que pour vous la faire rencontrer plus heureuse; car voyés vous, ma tres chere Fille, cet amoureux cœur de nostre Redempteur mesure et adjuste tous les evenemens de ce monde a l'advantage des espritz qui, sans reserve, se veulent asservir a son divin amour..

  A013001045 

 Car il est vray, ma Fille, que nos fautes, lesquelles tandis qu'elles sont dans nos ames, sont des espines; sortant dehors par la volontaire accusation, elles sont converties en roses et parfums, d'autant que, comme nostre malice les tire dans nos cœurs, aussi c'est la bonté du Saint Esprit qui les pousse dehors..

  A013001045 

 Elle viendra donq, cette bonne heure que vous desires, au jour que cette Providence souveraine a nommé dans le secret de sa misericorde; et alhors, avec mille sortes de secrettes consolations, vous desployeres vostre interieur devant sa divine Bonté, qui convertira vos rochers en eau, vostre serpent en baguette, et toutes les espines de vostre cœur en roses et en roses odorantes, qui recreeront vostre esprit et le mien de leur suavité.

  A013001046 

 Quel bonheur d'estre la, seule a seule avec Dieu, sans que personne sache ce qui se passe entre Dieu et le cœur, que Dieu mesme et le cœur qui l'adore! J'appreuve que vous vous exercies es meditations de la Vie et Passion de Nostre Seigneur..

  A013001074 

 Aussi, ayant su naguère que vous étiez à Venise pour l'impression de votre Apparatus Sacer et cet honnête homme devant s'y rendre (c'est encore lui qui, de retour, pourra me rapporter exactement des nouvelles de votre santé), je désire en vous saluant très humblement, s'il vous plaît, me rappeler à votre souvenir..

  A013001076 

 Or, c'est moi, mon Père, qui suis l'homme en question, et de plus, je fis, il y a trois ans, un voyage à Paris pour les affaires de ce diocèse, [107] dont une partie se trouve sur les Etats du roi de France.

  A013001077 

 J'entretiens des rapports de très particulière amitié avec le P. Jean Fourier, Recteur de votre collège de Chambéry, qui m'assiste grandement de sa direction et de ses avis..

  A013001078 

 Je composai depuis un autre livret qui a reçu l'approbation de plusieurs; si j'en avais eu la commodité, je vous l'aurais offert, non certes que je le juge digne de tomber sous vos yeux, mais pour vous rendre mon devoir et soumettre à votre censure toutes mes affaires, tout ainsi que jadis je vous soumettais mon âme elle-même, et c'est de quoi je serai fier toute ma vie..

  A013001079 

 Veuillez agréer, je vous supplie, mon Révérend Père, cette lettre; elle vient, n'en doutez pas, d'un homme qui vous honore et vénère [109] autant que nul autre, et qui s'estimera fort honoré et obligé si vous daignez le recommander parfois à la miséricorde de notre Sauveur.

  A013001091 

 Estant et devant estre homme de fort peu de ceremonies, je vous diray fort simplement que Dieu m'a donné [110] tant d'inclination a vous souhaiter ses graces et benedictions et tant de confiance en vostre vertu, qu'il ne me seroit pas possible ni de cesser de supplier sa divine Majesté affin qu'il perfectionne son saint amour en vostre esprit, ni de douter que vous n'ayes aggreable de vous resouvenir quelques fois de moy, qui, chargé de grand fardeau, ay bien besoin de l'assistance de vos prieres reciproques.

  A013001092 

 C'est ainsy, Madame, qu'il faut faire: recueillir tous-jours avec humilité et consideration les [111] choses qui se disent au nom de Dieu, pour petites qu'elles soyent et quoy que le diseur soit peu de chose.

  A013001092 

 Continues, je vous supplie, a faire ainsy vostre proffit de tout ce qui vous est proposé.

  A013001092 

 Resveilles souventefois en vous l'esprit de joÿe et de suavité, et croyes fermement que c'est le vray esprit de devotion; et si par fois vous vous sentes attaquee du contraire esprit de tristesse et d'amertume, eslancés a vive force vostre cœur en Dieu et le luy recommandes, puis, tout soudainement, divertisses vous a des exercices contraires, comme de vous mettre a quelque conversation sainte, mais de celles qui vous peuvent resjouir.

  A013001111 

 Oh! que voyla qui va bien.

  A013001112 

 Non, je n'en veux point parler; Dieu nous veuille bien esclairer et faire voir son bon playsir, car, au peril de tout ce qui est en nous, nous le suivrons ou qu'il nous conduise.

  A013001113 

 Vray Dieu! que devoit-elle penser en descendant et voyant ces abismes devant ses yeux interieurs? Je croy qu'elle disoit avec Job: Qui me fera la grace, o mon Dieu, que tu me conserves et defendes en enfer? Et avec David: Non, je ne craindray nul mal, car, Seigneur, tu es avec moy.

  A013001114 

 Il n'est pas besoin de dire en confession ces petites pensees, qui, comme mousches, passent et viennent devant vos yeux, ni l'affadissement des goustz que vous aves eu en vos vœux, car tout cela ne sont point pechés, mais ennuis, mais incommodités..

  A013001127 

 Le pied a l'estriet, pour aller a la visite ces six semaines qui sont entre ci et l'Advent, je vous remercie humblement du soin quil vous a pleu prendre pour les freres Rollans.

  A013001128 

 Il est vray que je voy bien l'incommodité que ces traynemens donne (sic) a vos affaires, dont je suys desplaysant; mais ce sont les princes qui espreuvent ainsy leurs plus fidelles, voulans encor en cela imiter l'Inimitable..

  A013001129 

 Dieu sçait ce quil fera pour ma cousine, qui ne peut estre que mieux que d'estre en un monastere ou elle seroit si peu reconneüe..

  A013001147 

 Je vous remercie infiniment de la lettre qu'il vous a pleu m'escrire, qui m'a donné un'extreme consolation, [117] et de sçavoir que vous aves souvenance de moy, et d'entendre les heureuses nouvelles du progres des monasteres de la sainte Mere Therese en nos Gaules; car, a la verité dire, j'ay une particuliere devotion et a la Mere et aux filles: dont je loue Dieu d'en voir ces nouvelles plantes a Dijon, ville qui m'est chere autant que si j'en estois.

  A013001148 

 Vous m'obligeres extremement si, a vos commodités, vous me faites part du succes et des particularités de l'arrivee de cet Ordre en France, et des ames qui s'y sont reduites.

  A013001169 

 Monsieur nostre bon pere m'escrit souvent de vos nouvelles: rien ne me peut arriver de plus souhaittable quand elles sont bonnes, comme elles sont tous-jours selon Dieu, en qui je sçai que vous jettes toute vostre veuë interieure, et au bon playsir duquel tous vos desseins et desirs se vont fondre..

  A013001170 

 Je sçai, ma chere Seur, que les petitz ennuys sont plus fascheux, a cause de leur multitude et importunité, que les grans, et les domestiques, que les estrangers; mais aussi je sçai que la victoire en est souventesfois plus aggreable a Dieu que plusieurs autres, qui, aux yeux du monde, semblent de plus grand merite..

  A013001180 

 Pour le papier des cinq mille francz, je ne puis vous en donner resolution, que vous ne me marquiés a qui l'interest en pourroit revenir; c'est a dire qui en pourroit souffrir perte si vous le gardies, car de la depend le jugement que j'en dois faire.

  A013001182 

 Ce vous est (et a moy par consequent) un extreme contentement de sçavoir que ce chevalier estoit bon, doux et gracieux a ceux qui l'avoyent blecé ou offencé; maintenant il en aura bien a voir que nous en voulons faire de mesme.

  A013001182 

 Et vous voyes donques que sil vous pouvoit parler, il vous diroit ce que je vous ay dit, pour l'entrevëue de celuy qui luy fit le coup de son trespas.

  A013001182 

 J'ay esté consolé, au recit que vous me faites des traitz de vertu qui parurent en l'ame de feu monsieur vostre mari, sur le point de son depart de ce monde: signes evidens de son bon fons et de la presence de la grace de Dieu.

  A013001182 

 Mais que diray-je de nostre Espoux moderne? Quelle douceur exerça-il a l'endroit de ceux qui le tuerent, et non pas par disgrace et mesgarde, mais par une pleyne malice.

  A013001183 

 Il ne passe jour que je ne prie pour le bien de l'ame de monsieur vostre premier espoux, et je pense que vous m'en aves voulu souvenir par ces deux recitz que vous m'en aves fait, qui m'ont esté fort aggreables..

  A013001185 

 Il faut user des frications et bains chauds pour, petit a petit, dissiper l'humeur qui nous alentit et engage nos jambes.

  A013001185 

 Voyes vous bien, cette chere seur que j'ayme infiniment, ell'est guerie, Dieu merci, mais encor un peu de defluxion dessus ses jambes la font (sic) aller lentement a la closture de sa Mayson: encor un peu de respect aux volontés des freres, des peres, des meres, que sçai-je moy? O mon Dieu! que bien heureux sont ceux qui, en semblables occasions, dient a leurs peres et freres: Je ne sçai qui vous estes, je ne vous connois point.

  A013001186 

 Vous pouves les esmoucher avec un mouvement civil et tranquille, mais non pas avec un effray ni impatience qui vous face perdre contenance..

  A013001188 

 Et voyla donq M me de Saint Ange qui vous arrivera fort a propos.

  A013001188 

 Pour ma seur, je suis de vostre advis; non que je ne voulusse bien qu'elle fut auprès de vous, puisqu'elle n'a pas son cœur contourné a la Religion, mais pour condescendre a l'amitié de madame l'Abbesse, qui merite bien qu'on ne la contrechange pas de desplaysir en ses faveurs.

  A013001189 

 Celuy qui n'a pas essayé, que peut [il savoir? dit la Sainte] Escriture.

  A013001189 

 Mais je voy nostre bon Dieu qui permet tout pour le mieux, et je l'en beny de tout mon cœur.

  A013001190 

 N'adjoustes gueres de peynes corporelles a celles du jeusne de l'Eglise; mais puisqu'en Caresme on jeusne et que l'on n'employe pas le tems du souper a manger, sinon pour la petite collation, vous pourres bien prendre une demi heure environ ce tems la, a mediter sur la Passion ou sur ce qui vous aura touché au sermon.

  A013001191 

 Je ne sçay rien qui me puisse tirer hors d'icy, sinon la volonté du Saint Pere, ou l'extreme (mais je dis extreme) necessité du prochain, sur tout de mes enfans spirituelz.

  A013001192 

 J'ay confirmé un nombre innombrable de peuple; et a tous les biens qui se seront faitz parmi ces simples ames, vous aves tous-jours participé, comme a tout le reste de ce qui se fait et se fera en ce diocese, pendant que j'en auray l'administration.

  A013001192 

 Toutes les croix que j'avois preveues, a l'abord n'ont esté que des oliviers et palmiers; tout ce qui me sembloit fiel s'est treuvé du miel, ou peu s'en faut.

  A013001204 

 C'est pourquoy, en ce repos corporel, j'ay pensé au repos spirituel que nos cœurs doivent avoir en la volonté de Dieu ou qu'elle nous porte; mais il ne m'est pas possible d'estendre les [126] considerations qui se doivent faire pour cela, qu'avec un peu de loysir bien franc et net..

  A013001205 

 Ah! que nous sommes redevables a sa Bonté qui nous a fait desirer avec tant de resolutions de vivre et mourir en sa dilection! Sans doute, ma Fille, nous le desirons, nous y sommes resolus; esperons encor que ce grand Sauveur, qui nous donne le vouloir, nous donnera aussi la grace de le parfaire..

  A013001206 

 Et ce nid, pour qui seroit-il fait, ma chere Fille? Pour les petitz poussins de celuy qui l'a fait: pour l'amour de Dieu, pour les affections divines et celestes..

  A013001206 

 Je considerois l'autre jour ce que quelques autheurs disent des alcions, petitz oyseletz qui pondent sur la rade de la mer: c'est qu'ilz font des nidz tout ronds, et si bien pressés que l'eau de la mer ne peut nullement les penetrer; et, seulement au dessus, il y a un petit trou par lequel ilz peuvent respirer et aspirer.

  A013001206 

 La dedans, ilz logent leurs petitz, affin que la mer les surprenant, ilz puissent nager en asseurance et flotter sur les vagues, sans se remplir ni submerger; et l'air qui se prend par le petit trou, sert de contrepoids, et balance tellement ces petitz pelotons et ces petites barquettes, que jamais elles ne renversent.

  A013001207 

 Ah! que j'ayme ces oyseaux qui sont environnés d'eaux et ne vivent que de l'air, qui se cachent en mer [127] et ne voyent que le ciel! Ilz nagent comme poissons et chantent comme oyseaux; et, ce qui plus me plaist, c'est que l'ancre est jettee du costé d'en haut et non du costé d'en bas, pour les affermir contre les vagues.

  A013001220 

 A cett'intention, j'ay fait ces quattre motz pour vous en prier, estant fort desireux de tout ce qui regarde le bien [129] de cette ville la, comme je seray aussi tous-jours de ce qui tendra au service de vostre Chapitre, auquel je souhaite les benedictions cœlestes, et suis,.

  A013001234 

 Je pense que ces bonnes festes qui nous arrivent vous auront r'appellé au pres de madame nostre bonne mere, apres ce long voyage de Languedoc.

  A013001253 

 Ell'a desiré, Monsieur, que j'adjoustasse ma supplication a sa misere, pour obtenir, ce luy semble plus aysement, vostre compassion; et je n'ay pas deu l'esconduire, tant en faveur des bonnes festes, que pour connoistre son mari exempt de malice et fort homme de bien et fidelle, qui me fait vous supplier humblement, Monsieur, de luy vouloir estre propice..

  A013001270 

 Demandés-le luy, elle vous le donnera; et l'ayant, desrobbés luy secrettement une de ces petites gouttelettes qui sont dessus ses yeux.

  A013001270 

 Hé, qu'il luy sied bien de faire l'accouchee et de manier ce petit Enfançon; mais sur tout j'ayme sa charité, qui le laisse voir, manier et bayser a qui veut.

  A013001271 

 Ne vous chargés point d'austerités ce Caresme, sinon avec le congé de vostre confesseur, qui, a mon advis, ne vous en chargera pas.

  A013001272 

 A Dieu, ma chere Fille; je suis celuy qui vous a dedié tout son service..

  A013001302 

 Le bon Pere Maurice, qui est icy pour quelques jours, me dit que sil vous playsoit de recommander au [136] sieur juge maje de Ternier, ou au sieur de Rovenoz son lieutenant, l'execution et observation des editz faitz contre les huguenotz, ou plus tost pour eux et leur reduction, en peu de jours les effectz en seroyent tres bons et desirables.

  A013001318 

 J'estois a Sales le 22 de ce mois, pour obeir a ma bonne mere qui desiroit de me voir avant mon despart, et j'y receus vostre lettre du premier jour de cette annee, dont je receus beaucoup de consolation, laquelle se respandit sur toute la famille qui est infiniment vostre.

  A013001318 

 Le 25, voyci vostre homme qui m'arriva et me treuva environné d'affaires, si que je n'ay sceu le depescher qu'aujourd'huy..

  A013001320 

 La, ma Fille, je pretens de me revoir par tout, et remettre toutes les pieces de mon cœur en leur place, a l'ayde de ce bon Pere qui est esperduement amoureux de moy et de mon bien..

  A013001321 

 Je vous puis dire avec verité que j'en ay eu du travail sans mesure despuis que je me suis mis a la visite; et, a mon retour, je treuvay une besoigne de laquelle il me fallut entreprendre ma part, qui m'a infiniment occupé.

  A013001324 

 Mais bien, dit le Sage, celuy qui n'a esté tenté que sçait-il? Tout va bien, tout ira bien, Dieu aydant, et, comme je dis ordinairement, si Dieu nous ayde nous ferons prou..

  A013001324 

 Si les mousches qui avoyent gasté, ou au moins qui vouloyent gaster la suavité de l'onguent estoyent fort pressantes et en grand nombre, o Dieu, en ce cas la il faut qu'elle se renge a un exacte retranchement de toutes paroles superflues, de tous gestes, de toutes vëues, et que le seul confessional, pour tout, demeure en liberté.

  A013001325 

 Aussi, dit saint Chrisostome, ce sont les deux motz qui ont ruiné la charité au monde..

  A013001325 

 Croyes moy, j'ayme tout cela d'un amour tout entier, et ne m'est pas possible d'apprehender « le mien et le tien » en ce qui nous regarde.

  A013001327 

 Et vrayment ce sont des braves gens: ne voyent-ilz pas que nous avons osté l'enseigne et que nous avons rompu le traffiq que nous pouvions avoir avec le monde? Il est vray, nostre cors n'est plus nostre, nomplus que l'ivoire du trosne de Salomon n'estoit plus aux elephans qui l'avoyent porté en leur gueule.

  A013001327 

 Le grand Roy Jesus l'a choysi pour son siege: qui l'en deplacera? O donques, il faut estre toute simple en cet endroit, et ne point ouïr de capitulation.

  A013001327 

 Qui sont ces temeraires qui veulent rompre et briser cette blanche colomne de nostre sacré tabernacle? Ne craignent ilz point les Cherubins qui le tiennent deça et dela et le couvrent sous l'ombre de leurs aisles? Et bien, il s'est passé un peu de vanité, un peu de complaysance, un peu de je ne sçai quoy: or, cela n'est rien.

  A013001328 

 Ouy da, ma Fille, lises et lises cherement l' Imitation de vostre Abbesse et les epistres de saint Hierosme; vous y treuveres celle qu'il escrit a sa Furia, et quelques autres qui sont bien belles.

  A013001329 

 Je ne dis pas que mon absence de quelque peu de jours luy fut nuysible pour la privation de ma presence, car ce n'est pas cela qui m'empesche; mais c'est que la sayson est si sujette aux vens et orages que je ne suis pas a mon pouvoir d'aller et de venir, mais faut que je vogue a leur merci.

  A013001329 

 M'entendes vous bien? Je croy qu'ouy, car vous sçavés ce que je vous dis un jour de mon voyage de Dijon, lequel je fis des-ja contre le commun advis de tous mes amis, mais sur tout de celuy auquel je devois le plus deferer, qui est le mesme Pere Recteur que je vay voir a ce Caresme prenant, lequel, avec un grand zele de mon bien, me pensa quasi arrester; mais ce grand Dieu, en la face duquel je regardois droit, tiroit tellement mon ame a ce beni voyage, que rien ne me peut arrester, et aussi il l'a reduit tout a bien et a sa gloire.

  A013001330 

 Mais qui l'empeschoit? L'ame de saint Paul; et saint Chrisostome dit que c'estoit le Saint Esprit..

  A013001340 

 Je m'en vay dire maintenant a mes auditeurs que leurs ames sont la vigne de Dieu; la cisterne est la foy, la tour est l'esperance, et le pressoir, la sainte charité; la haye, c'est la loy de Dieu, qui les separe des autres peuples infideles..

  A013001341 

 Oh! Dieu conserve cette vigne qu'il a plantee de sa main; Dieu veuille faire abonder de plus en plus les eaux salutaires de ses graces en sa cisterne; Dieu soit a jamais le protecteur de sa tour; Dieu soit celuy qui veuille tous-jours donner tous les tours au pressoir, qui sont necessaires pour l'expression du bon vin, et tenir tous-jours close et fermee cette belle haye dont il l'a environnee, cette vigne, et face que les Anges en soyent les vignerons immortelz..

  A013001354 

 Je doy a jamais tascher de vous tenir hautement et constamment dans le siege que Dieu vous a donné en mon ame, qui est establi a la Croix..

  A013001354 

 Or sus, il est vray, ma chere Fille, nostre unité est toute consacree a la souveraine unité; et je sens tous-jours plus vivement la verité de nostre cordiale conjonction, qui me gardera bien de vous oublier jamais, qu'apres et long tems apres que je me seray oublié de moy mesme pour tant mieux m'attacher a la Croix.

  A013001355 

 Au demeurant, allés de plus en plus, ma chere Fille, establissant vos bons propos, vos saintes resolutions; approfondissés de plus en plus vostre consideration dans les playes de Nostre Seigneur, ou vous treuveres un abysme de raysons qui vous confirmeront en vostre genereuse entreprise et vous feront ressentir combien vain et vil est le cœur qui fait ailleurs sa demeure, qui niche sur autre arbre que sur celuy de la Croix.

  A013001355 

 O mon Dieu, que nous serons heureux si nous vivons et mourons en ce saint tabernacle! Non, rien, rien du monde n'est digne de nostre amour; il le faut tout a ce Sauveur qui nous a tout donné le sien..

  A013001358 

 A Dieu encor une fois, ma bonne, ma chere Fille, ma Seur, que je cheris incomparablement en Nostre Seigneur, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A013001369 

 Il est vray, ma bonne Seur; mais ne taschés-vous pas d'heure a autre de les faire mourir en vous? C'est chose certaine que, tandis que nous sommes icy environnés de ce cors si pesant et corruptible, il y a tous-jours en nous je ne sçai quoy qui manque.

  A013001369 

 Je ne sçai si je vous l'ay jamais dit: il nous faut avoir patience avec tout le monde, et premierement avec nous mesmes, qui nous sommes plus importuns a nous mesmes que nul autre, despuis que nous sçavons discerner entre le viel et le nouvel Adam, l'homme interieur et exterieur..

  A013001371 

 En la primitive Eglise, ou tous communioyent tous les jours, pensés vous qu'ilz se tinssent les bras croisés pour cela? Et saint Paul, qui disoit la sainte Messe ordinairement, gaignoit neanmoins sa vie au travail de ses mains.

  A013001372 

 De deux seules choses se doit on garder le jour de la Communion: du peché et de voluptés et playsirs recherchés, car pour ceux qui sont deus et exigés, ou qui sont necessaires, ou qui se prennent par une honneste condescendance, ilz ne sont nullement defendus ce jour la; au contraire, ilz sont conseillés, moyennant l'observation d'une douce et sainte modestie.

  A013001372 

 Il y a un autre exemple es gens mariés, qui, ce jour la, peuvent ains doivent rendre leurs devoirs, mais non pas les exiger sans quelque indecence, laquelle neanmoins ne seroit peché mortel.

  A013001373 

 Tout ce que la veuë nous apporte, c'est le danger, car qui le void est en quelque perii de l'aymer; mais a qui est bien resolu et determiné, la veuë ne nuit point.

  A013001373 

 Vous me demandes si ceux qui veulent vivre avec quelque perfection peuvent tant voir le monde.

  A013001374 

 Mais il me fasche, dites vous, des mauvais jugemens que l'on fait de moy qui ne fay rien qui vaille, et on croit que si; et vous me demandés une recette.

  A013001376 

 Nos deux seurs des chams ont plus de necessité d'assistance que vous qui estes en la ville, en laquelle vous abondes d'exercices, de conseil et de tout ce qu'il faut, la ou elles n'ont nul qui les ayde..

  A013001377 

 Ne dois-je pas plus de compassion a cette pauvre crucifiee qu'a vous, qui, Dieu mercy, aves tant de commodités?... [151].

  A013001387 

 Pour moy, je voy cette grande horreur et hayne que vous aves pour ces suggestions, et ne doute nullement que cela ne vous nuise et ne donne de l'advantage a l'ennemy, qui se contente de vous ennuyer et inquieter, puisqu'il ne peut faire autre chose, comme il ne fera jamais, Dieu aydant.

  A013001388 

 J'ay neanmoins bien esté en consideration, pour penser que c'est qui pouvoit permettre au monde l'audace et l'imprudence de penser a les esbranler; car il me semble que nous luy faysons asses mauvais visage pour luy oster le courage de nous vouloir chatouiller.

  A013001442 

 Je vous demanday congé pour venir faire l'office que je fay en cette ville; je vous le demande maintenant pour mon retour, duquel je voy bien tost arriver la journee, avant laquelle je ne sçay si j'auray une si [157] bonne commodité de vous bayser les mains, comme est celle que me donne le voyage de M. vostre Official, pour aller pres de vous; qui m'a donné le sujet de vous supplier des maintenant d'avoir pour aggreable l'affection que j'ay eue au service de vostre peuple, et de croire que je suys,.

  A013001453 

 Vous seres consolé sans doute, Monsieur mon Pere, par le voysinage de ces bonnes Dames Carmelites, desquelles la bonne odeur se respand souefvement par tout ou elles sont receües; et moy, qui participe a tous vos contentemens, je m'en res-jouis beaucoup, comme aussi de la conversation de messieurs de Berulle [et Gallemand], que j'honnore de tout mon cœur pour sçavoir que Dieu a le sien tourné du costé du leur..

  A013001455 

 Je m'en revay a mon Annessy, puisque le Caresme est achevé, d'où je vous escriray le plus souvent qu'il me sera possible pour vous tenir la memoire fraische de celuy qui, quoy que indigne et inutile, est glorieux d'estre et se pouvoir dire toute sa vie,.

  A013001472 

 Les ames qui vous en font scrupule sont bonnes et devotes, comm'elles tesmoignent par leur scrupule, lequel neanmoins n'a nul fondement; c'est pourquoy il ne s'y faut pas arrester.

  A013001472 

 Pleut a Dieu que les hommes qui n'entrent en cette Mayson-la que par curiosité et indiscretion, en fisse (sic) bien scrupule, car ilz auroyent bon fondement pour cela; mais non pas vous, jusques a ce que, comme je dis, la clausure y soit establie, qui ne sera jamais si tost que je le desire..

  A013001473 

 C'est le mal des maux entre ceux qui ont des bonnes volontés, qu'ilz veulent tous-jours estre ce quilz ne peuvent pas estre, et ne veulent pas estre ce qu'ilz ne peuvent n'estre pas.

  A013001473 

 La nature a mis une loy entre les abeilles, que chacune d'icelles face le miel dedans sa ruche et des fleurs qui luy sont autour..

  A013001473 

 Mais je ne pense pas que cela se puisse aysement; qui me fait dire qu'elles n'employent pas bien ce bon exemple, qui leur devroyt servir pour les animer a bien embrasser la perfection de leur estat, et non pas a les troubler et faire desirer celuy auquel elles ne peuvent arriver.

  A013001489 

 Non pas, peut estre, a ceux qui sont des-ja fort advancés en la montaigne de la perfection; mais pour nous autres qui sommes encor es vallees, quoy que desireux de monter, je pense qu'il est expedient de se servir de toutes nos pieces, et de l'imagination encores.

  A013001504 

 Je sçai que mes prieres sont superflües, puysque vostre bonne volonté est abondante; mais je ne puis m'empescher de vous en faire ces repliques, par ce que mon desir, qui est extreme au bien de cette seur et a la gloire de sa Mayson, m'en presse et sollicite incessamment..

  A013001504 

 Mais, Monsieur mon tres honnoré Pere, sans vous, sans vostr'authorité elle ne peut rien, ni pour establir cette [entière] reformation qui est requise en son Monastere, ni pour la maintenir, au moins en ce commencement.

  A013001506 

 Monsieur Grenaud qui rapporte mes lettres me presse bien fort de les luy donner, et je serois indiscret si je rincommodois apres quil a pris la peyne de venir icy expres pour m'apporter les vostres et prendre celles ci.

  A013001524 

 Que si j'estois aussi pres de vous quil seroit requis pour discerner sur cette particularité, je vous en dirois mon opinion; mais vous ne pouves faillir, suivant celle de ceux qui voyent vostre disposition et necessité presente: c'est pourquoy vous deves, avec confiance, vous y reposer..

  A013001525 

 Haïssés donq vos imperfections parce qu'elles sont imperfections, mays aymés-les parce qu'elles vous font voir vostre rien et vostre neant, et qu'elles sont sujet a l'exercice et perfection de la vertu et misericorde de Dieu, a laquelle je vous recommande incessamment, me confiant que vous en faites le reciproque pour moy, qui, a jamais, suis et seray.

  A013001525 

 Mais cette inquietude qui vous arrive de ne pouvoir atteindre a ce signe de perfection pendant cette vie, vous invite au soupçon du desplaysir que vous en aves, lequel sans doute n'est pas pur, puisqu'il inquiete.

  A013001529 

 Je salue monsieur vostre mari; je luy souhaite le Ciel propice, comme a tout ce qui vous appartient.

  A013001541 

 Je les ay asseuré (sic) quil ne leur estoit besoin d'aulcun'autre chose, puisque, Monsieur, vous esties tout disposé a les gratifier pour ce sujet, qui, a la verité, est de soi mesme tres recommandable..

  A013001577 

 Le sieur de Manigod, qui est fort bon et honneste gentilhomme, m'a conjuré de l'assister de son intercession aupres de Vostre Grandeur, pour obtenir une grace qu'il en desire.

  A013001612 

 Vous ni treuverés rien, ce me semble, qui ne vous soit facile, mesmement les ayant oüy declairer de vive voix.

  A013001614 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous comble abondamment [173] des graces de son Saint Esprit, et desire que reciproquement vous me facies part a vos prieres, comm'a celuy qui sera tous-jours,.

  A013001629 

 Avec icelle, j'ay receu l'advis que cette bonne fille que vous connoissés, m'a envoyé de ce petit accident [174] qui luy estoit arrivé en l'amitié spirituelle de la personne a laquelle ell'avoit pris de la confiance; et par ce que vous luy dires mieux ce que je desire qu'elle sache sur ce point, que je ne sçaurois luy escrire, je le vous diray..

  A013001629 

 Voicy qu'en fin j'ay receu la lettre que vous m'escrivi tes le 28 decembre de l'an passé; et le pauvre La Pause, a qui ell'avoit esté remise, s'estant rompu une jambe aupres de Mascon, n'a peu me l'apporter plus tost.

  A013001630 

 Mais il y a cela de plus: c'est quil faut que la main du vigneron qui l'esmonde soit plus delicate, dautant que les superfluités qui surcroissent sont si minces et deliees que, en leur commencement, on ne sçauroit presque les voir, si on n'a les yeux bien essuiés et ouvertz.

  A013001630 

 Ne voyt on pas que les vignes qui produisent le meilleur vin sont plus sujettes aux superfluités et ont plus de besoin d'estre emondees et retranchees? Tell'est l'amitié, mesme spirituelle.

  A013001630 

 Qu'elle ne s'estonne nullement de cet inconvenient; car ce n'est qu'une crasse et rouilleure qui a accoustumé de s'engendrer au cœur humain sur les plus pures et sinceres affections, si on ne s'en prend garde.

  A013001631 

 Il me reste a vous dire, ma tres chere Seur, que le chemin de devotion le plus asseuré, c'est celuy qui est au pied de [la] Croix: d'humilité, de simplicité, de douceur de cœur.

  A013001648 

 J'ay fait toucher au doit (sic) au seigneur chevalier Bergeraz que nous avions besoin de la dotation de plusieurs eglises, qui ne se peut prendre que dessus le revenu de l'Ordre; [176] et nous demeurasmes d'arrest, apres plusieurs contestes, qu'il procureroit une briefve resolution du Conseil dudit Ordre sur ce sujet.

  A013001648 

 Sachant combien Vostre Altesse est propice et favorable a tout ce qui regarde l'establissement de la foy catholique, specialement dans ses Estatz, je me plains a elle du peu de conte que messieurs de Saint Maurice et Lazare tiennent de contribuer ce qu'ilz doivent a cet effect pour le Chablaix, Gaillart et Ternier.

  A013001649 

 Que si Vostre Altesse n'use de sa providence et pieté ordinaire a commander audit Conseil et sieur Bergeraz que, sans delay, il (sic) satisfacent a leur devoir, je n'espere pas d'en voir jamais aucune bonn'issue, laquelle j'affectionne extramement, non seulement pour mon devoir et le salut de plusieurs ames qui manquent d'assistence faute de pasteurs, mais encor par ce que ce sera le comble de lhonneur, qui est deu a la bonté et pieté de Vostre Altesse, de la reduction de ces peuples; qui me fait la supplier tres humblement, et par l'amour de Nostre Seigneur, quil luy playse employer sa bonne et puissante main a l'execution d'une si saint'œuvre, de laquelle la recompense sera immortelle au Ciel, que je desire a Vostre Altesse de tout mon cœur, apres que, par une longue suite d'annees, ell'aura heureusement regné en terre, pour le bien de son peuple et la gloire de son Dieu..

  A013001664 

 Et voyant qu'il n'arrive point, je me plains a vous, Messieurs, mais de vous mesmes, qui, ce me semble, avés trop peu de soin d'une chose si importante a la gloire de Dieu et salut des ames.

  A013001664 

 J'attens, il y a long-tems, l'ordre que vous deves donner de vostre costé a la juste dotation des eglises de Chablaix, Gaillart et Ternier, qui sont encor despourvëues de pasteurs, faute de moyens convenables pour les y loger.

  A013001664 

 Que si monsieur le chevalier Bergera a des-ja l'ordre en main et que ce retardement vienne de sa part, je me plaindray beaucoup plus de luy, qui sçait par combien d'assemblees et de disputes je luy ay clairement fait voir la necessité de cette provision..

  A013001681 

 Et ne laisses pas, je vous supplie, Madame ma chere Cousine, de me croire fort fidelle en tout ce qui regardera vostre service, car je le seray toute ma vie autant que nul homme du monde..

  A013001681 

 On m'a apporté la lettre ci jointe comme venante de vostre part, et moy qui, a la verité, suis chaud a sçavoir de vos nouvelles, je l'ay tout soudainement ouverte sans considerer l'inscription.

  A013001681 

 Receves-la donq, sil vous plait, apres qu'ell'a esté ouverte, mais tout de mesme comme si elle ne l'avoit pas esté, et pardonnes a ma præcipitation qui [179] a deceu le respect que je porte et a l'escrivant et a vous.

  A013001684 

 C'est grand cas que je ne puis m'empescher de vous parler de ces exercices du cœur et de l'ame; c'est par ce que je n'ayme pas seulement la vostre, mais je la cheris tendrement devant Dieu qui, a mon advis, desire beaucoup de devotion d'elle..

  A013001704 

 Seigneur Dieu, que dites vous, ma tres chere Fille? Vous puis je servir de lien, moy, qui n'ay point de plus grand desir sur vous que de vous voir en l'entiere et parfaite liberté de cœur des enfans de Dieu? Mais je vous entens bien, ma chere Fille, vous ne voules pas dire cela; vous voules dire que vous penses que ma survivance soit a la gloire de Dieu, et pour cela vous vous y sentes affectionnee.

  A013001710 

 Je pense que si vous m'entendes bien, vous verres que je dis vray, et que je combatz pour une bonne cause quand je defens la sainte et charitable liberté d'esprit, laquelle, comme vous sçaves, j'honnore singulierement, pourveu qu'elle soit vraÿe, et esloignee de la dissolution et du libertinage qui n'est qu'une masque de liberté..

  A013001711 

 O Dieu! mon Dieu me face tel, que tout ce que j'employe a mon usage soit rapporté a son service, et que ma vie soit tellement sienne, que ce qui sert a la maintenir puisse estre dit servir a sa divine Majesté..

  A013001712 

 Mais bien! que vostre intention vous vaille devant Dieu! J'en suis content pour une piece; mais qui me l'estimera a sa juste valeur? car si je voulois rendre aux pauvres son prix selon que je l'estimeray, je n'aurois pas cela vaillant, je vous en asseure.

  A013001713 

 Et qui est cette divine toyson, sinon le merite, sinon les exemples, sinon les mysteres de la Croix? Il me semble donques que la Croix est la belle quenouille de la sainte Espouse des Cantiques, de cette devote Sulamite; la laine de l'innocent Aigneau y est pretieusement liee: ce merite, cet exemple, ce mystere..

  A013001713 

 Sur cette cogitation, voyci Isaïe qui dit que Nostre Seigneur en la Passion estoit comme une brebis que l'on tond sans qu'elle die mot.

  A013001713 

 Voyés-vous, j'adorois Celuy que je portois, et me vint au cœur que c'estoit le vray Aigneau de Dieu, qui oste les pechés du monde.

  A013001714 

 Car, qui sont ces choses hardies qui se rapportent au fuseau, sinon les mysteres de la Passion filés par nostre imitation? La dessus, je vous souhaittay mille et mille benedictions, et qu'a ce grand jour du jugement nous nous treuvassions tous revestus, qui en Evesque, qui en vefve, qui en mariee, qui en Capucin, qui en Jesuite, qui en vigneron, mais tous d'une mesme laine blanche et rouge, qui sont les couleurs de l'Espoux.

  A013001714 

 Filés, dis je, et tirés dans le fuseau de vostre cœur toute cette blanche et delicate laine: le drap qui s'en fera vous couvrira et gardera de confusion au jour de vostre mort, il vous tiendra chaude en hiver, et, comme dit le Sage, vous ne craindres point le froid des neiges.

  A013001716 

 Ce pendant, vous fileres vostre quenouille, non point avec ces grans et gros fuseaux, car vos doigtz ne les sçauroyent manier, mais seulement selon vostre petite portee: l'humilité, la patience, l'abjection, la douceur de cœur, la resignation, la simplicité, la charité des pauvres malades, le support des fascheux et semblables imitations pourront bien entrer en vostre petit fuseau, et vos doigtz le manieront bien en la conversation de sainte Monique, de sainte Paule, de sainte Elizabeth, de sainte Liduvine et plusieurs autres qui sont aux piedz de vostre glorieuse Abbesse, laquelle, pouvant manier toute sorte de fuseau, manie plus volontier ces petitz, a mon advis, pour nous donner exemple..

  A013001716 

 Cela suffira bien, et aussi n'ay je point voulu vous respondre a ces desirs de s'esloigner de sa patrie ou de servir au Noviciat des filles qui aspirent a la Religion: tout cela, ma chere Fille, est trop important pour estre traitté sur le papier; il y a du tems asses.

  A013001720 

 A cet effect, je vous ay envoyé trente escus par Lyon, tant pour la despence qui sera necessaire a l'envoyer prendre, qu'a faire ses petitz honneurs avec les filles qui servent madame l'Abbesse, avec lesquelles elle n'aura pas tant demeuré sans les beaucoup incommoder.

  A013001720 

 J'ay bien un peu d'apprehension que madame nostre Abbesse ne s'en fasche, mais il n'y a remede; si n'est-il pas raysonnable de laisser si longuement dans un monastere une fille qui n'y veut pas vivre toute sa vie..

  A013001721 

 Et avec vous, feray je point quelque petite ceremonie pour vous remettre ce fardeau sur les bras? Je vous asseure que cela ne seroit pas en mon pouvoir; mais ouy bien de vous supplier, mais je dis conjurer, et s'il se peut dire quelque chose de plus, que vous ayes a me marquer tout ce qui sera requis pour l'equiper et tenir equipee a vostre guise, comme les princesses d'Espagne font, quand on leur donne des filles pour menines, car cela je le veux, et tres absolument; voire, jusques a luy faire porter un chaperon de drap, si cela appartient a vos livrees.

  A013001722 

 Mais ne triomphés-vous pas quand vous m'imposes silence sur vos secretz? Vrayement, ce n'est pas moy, ma chere Fille, qui ay dit a monsieur N. que vous esties ma fille: il me le vint dire tout d'abord, comme chose que je devois recevoir fort a gré, et aussi fis je.

  A013001722 

 Or bien, je ne diray mot de vos besoignes, ni de l'emploite que vous en voules faire; car, a qui, je vous prie, le dirois je?.

  A013001723 

 Je sçavois des-ja le despart du bon Pere [de Villars]; ce qui m'avoit fasché, car il ne sera peut estre pas aysé de rencontrer un esprit si sortable a vostre condition que celuy la.

  A013001723 

 On m'a dit qu'en sa place est arrivé un grand personnage, des premiers predicateurs de France, mais que je ne connois que par son nom, qui est grand et plein de reputation..

  A013001724 

 Je me conserveray tant qu'il me sera possible, pour l'amour de moy, que je n'ayme que trop, et encores pour l'amour [190] de vous qui le voules et qui aurés part a tout ce qui s'y fera de bon, comme vous aves en general a tout ce qui se fait en mon diocese, selon le pouvoir que j'ay par ma qualité de le communiquer..

  A013001731 

 J'oubliois de vous prier de m'envoyer le plus tost que vous pourres, des chansons spirituelles que vous aves de dela; faites moy ce bien, je vous prie, ma chere Fille, pour l'amour de Dieu, qui vous veuille benir et conserver eternellement.

  A013001741 

 J'ay vostre lettre du 6 de juin, et tout maintenant, je monte a cheval pour la visite qui durera environ cinq mois.

  A013001741 

 Je m'y en vay de grand courage, et des ce matin, j'ay senti une particuliere consolation a l'entreprendre, quoy que auparavant, durant plusieurs jours, j'en eusse eu mille vaines apprehensions et tristesses, lesquelles neanmoins ne touchoyent que la peau de mon cœur et non point l'interieur: c'estoit comme ces frissonnemens qui arrivent au premier sentiment de quelque froidure.

  A013001742 

 Je m'imagine, pour moy, que si nous avions l'odorat un peu bien affiné, nous sentirions les afflictions toutes musquees et parfumees de mille bonnes odeurs; car encor que d'elles mesmes elles soyent d'odeur desplaysante, neanmoins sortant de la main, mais plustost du sein et du cœur de l'Espoux, qui n'est autre chose que parfum et que bausme luy mesme, elles arrivent a nous de mesme, pleynes de toute suavité..

  A013001744 

 Vivés joyeuse, ou saine ou malade, et serrés bien ferme vostre Espoux sur vostre cœur, ma chere Fille, ma tres chere Fille, a qui je suis ce que sa divine Majesté veut que je sois et qui ne se peut dire.

  A013001754 

 Souspirés souvent a l'union de vostre volonté avec celle de Nostre Seigneur; ayés patience avec vous mesme en vos imperfections; ne vous empresses point, et ne multipliés point des desirs pour les actions qui vous sont impossibles..

  A013001755 

 Si nostre bon Dieu vous fait courir, il dilatera vostre cœur; mais de nostre costé, arrestons nous a cette unique leçon: Apprenes de moy qui suis debonnaire et humble de cœur ... [194].

  A013001764 

 Je vous supplie bien humblement de donner un passeport pour un moys au sieur d'Ivoyre, de Chablaix, qui donne de grandes esperances de s'instruire et convertir pendant ce tems-la, a ce que j'apprens par l'advis que m'en a donné le sieur chanoyne Grandis, homme tres digne d'estre creu, et sur la parole duquel je vous fay cette supplication sans scrupule, priant Nostre Seigneur quil vous conserve en parfaitte prosperité.

  A013001781 

 J'ay receu vostre lettre icy, emmy le chemin de ma visite, et l'ay renvovee a mon frere de la Thuille, affin qu'avec mes autres freres, il pourvoye a ce que Madame soit satisfaitte par les moyens plus convenables, puisque je suis en un'occupation qui ne me permet pour le present d'y pourvoir moy mesme.

  A013001799 

 Je me porte tous-jours bien, et vous porte tous-jours bien en mon cœur, qui vous souhaite mille et mille benedictions cælestes, estant, Monsieur,.

  A013001815 

 Mais parce que je m'en declaire fort amplement a madame vostre femme, en l'entremise de laquelle j'ay beaucoup de confiance pour obtenir ce que je desire, je ne m'estendray pas davantage a le particulariser, me devant contenter de vous supplier de tout mon cœur de me vouloir gratifier en ce sujet qui me semble digne de vostre bonté et charité..

  A013001826 

 Les petitesvefves, les petites villageoises, comme basses vallees, sont si fertiles, et les Evesques, si hautement eslevés en l'Eglise de Dieu, sont tout glacés! Ah! ne se treuvera-il pas un soleil asses fort pour fondre celle qui me transit? [199].

  A013001827 

 Que voulies vous que je pensasse la dessus? Je vous en envoyeray un jour un extrait, car, sans mentir, il y a je ne sçai quoy de bon en cette petite histoire d'une femme mariee, et qui estoit, de sa grace, de mes grandes amies et m'avoit souvent recommandé a Dieu..

  A013001828 

 Je viens de parler pour vous a Nostre Seigneur en la sainte Messe, ma tres chere Fille, et certes, je n'ay pas osé luy demander absolument vostre delivrance; car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit estre presentee, ce n'est pas a moy de desirer qu'il ne le face pas; mais je l'ay conjuré et conjure par cette si extreme dereliction par laquelle il sua le sang et s'escria sur la croix: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as-tu delaissé, qu'il vous tienne tous-jours de sa sainte main, comme il a fait jusques a present, bien que vous ne sçachies pas de quel costé il vous tient, ou au moins que vous ne le senties pas.

  A013001829 

 Ouy, ma tres chere Fille, si nous sçavions un seul brin de nostre cœur qui ne fust pas marqué au coin du Crucifix, nous ne le voudrions pas garder un seul moment.

  A013001829 

 Si nous avions un seul filet d'affection en nostre cœur qui ne fust pas a luy et de luy, o Dieu, nous l'arracherions tout soudainement.

  A013001830 

 Ouy, ma tres chere Fille, priés pour celuy qui, incessamment, vous souhaitte mille benedictions, et la benediction des benedictions, qui est son saint amour parfait..

  A013001839 

 Ou est ce que Dieu faisoit resider la force divine qu'il avoit mise en Samson, sinon en ses cheveux, la plus foible partie qui fust en luy? Que je n'oye plus ces paroles d'une fille qui veut servir son Dieu selon son divin playsir, et non selon les goustz et agilités sensibles.

  A013001840 

 Il n'est pourtant point dit que Nostre Dame et saint Joseph, qui estoyent les plus proches de l'Enfant, ouÿssent la voix des Anges ou vissent ces lumieres miraculeuses; au contraire, au lieu d'ouÿr les Anges chanter, ilz oyoient l'Enfant pleurer, et virent, a quelque lumiere empruntee de quelque vile lampe, les yeux de ce divin garçon tout couvertz de larmes, et transissant sous la rigueur du froid.

  A013001840 

 Une chose nous est necessaire, qui est d'estre aupres de luy.

  A013001841 

 Trois croix sans plus, et rangés-vous a celle du Filz, ou a celle de la Mere vostre Abbesse, ou a celle du Disciple: par tout vous seres la bien receuë, avec les autres filles de vostre Ordre qui sont la tout autour..

  A013001842 

 Car, qu'est-ce autre chose estre abject, qu'estre obscur et impuissant? Aymés-vous comme cela pour l'amour de Celuy qui vous veut comme cela, et vous aymerés vostre propre abjection..

  A013001844 

 Voyla un homme qui a un chancre au bras, un autre l'a au visage: celuy la le cache, et n'a que le mal; celuy-ci ne le peut cacher, [204] et, avec le mal, il a le mespris et l'abjection.

  A013001844 

 Voyla un pauvre artisan, un pauvre escholier, une pauvre vefve qui en est de mesme; on s'en mocque, et sa pauvreté est abjecte.

  A013001845 

 Il y a des actions d'une mesme vertu qui sont abjectes, les autres honnorables.

  A013001846 

 Je suis malade en une compaignie qui s'en importune: voyla une abjection conjointe au mal.

  A013001849 

 Encor faut-il avoir esgard a la charité, laquelle requiert quelquefois que nous ostions l'abjection pour l'edification du prochain; mais en ce cas, il la faut oster des yeux du prochain qui s'en scandalizeroit, mais non pas de nostre cœur qui s'en edifie.

  A013001849 

 Encor que nous aymions l'abjection qui s'ensuit du mal, il ne faut pourtant pas laisser de remedier au mal.

  A013001849 

 Je me suis desreglé en ceci, en cela: j'en suis marry, quoy que j'embrasse de bon cœur l'abjection qui s'en ensuit; et si l'un se pouvoit separer de l'autre, je garderois cherement l'abjection, et osterois le mal et peché.

  A013001850 

 Je vous dis que ce sont celles que nous n'avons pas choysies et qui nous sont moins aggreables, ou, pour mieux dire, celles esquelles nous n'avons pas beaucoup d'inclination; mais, pour parler net, celles de nostre vocation et profession.

  A013001850 

 Qui me fera la grace que nous aymions bien nostre abjection, ma chere Fille? Nul ne le peut, que Celuy qui ayma tant la sienne, que, pour la conserver, il voulut mourir.

  A013001851 

 Mais non, je ne vous avois pas dit que vous n'en eussies nulle esperance ni nulle pensee, ouy bien que vous ne vous y amusassies pas; parce que c'est chose certaine qu'il n'y a rien qui nous empesche tant de nous [206] perfectionner en nostre vocation que d'aspirer a une autre, car, en lieu de travailler au champ ou nous sommes, nous envoyons nos bœufz avec la charruë ailleurs, au champ de nostre voysin, ou neanmoins nous ne pouvons pas moissonner cette annee.

  A013001853 

 Je dis tout; mais que ce soit pour entrer en Religion, c'est grand cas, il ne m'est encor point arrivé d'en estre d'advis; j'en suis encor en doute, et ne voy rien devant mes yeux qui me convie a le desirer.

  A013001854 

 Je vous la diray bien au long, le tems en estant venu; et si elle ne vous donne pas du repos interieur, nous employerons l'advis de quelque autre a qui, peut estre, Dieu communiquera plus clairement son bon playsir.

  A013001854 

 Mais parce que ce point est de tres grande importance, et qu'il n'y a rien qui nous presse, donnés-moy encores du loysir et du tems pour prier davantage et faire prier a cette intention; et encor faudra-il, avant que je me resolve, que je vous parle a souhait, qui sera l'annee prochaine, Dieu aydant.

  A013001855 

 Demeurés, ma Fille, toute resignee es mains de Nostre Seigneur; donnés luy le reste de vos ans, et le supplies qu'il les employe au genre de vie qui luy sera plus aggreable.

  A013001855 

 Ne preoccupés point vostre esprit par des vaines promesses de tranquillité, de goust, de merites; mays [208] presentés vostre cœur a vostre Espoux, tout vuide d'autres affections que de son chaste amour, et le suppliés qu'il le remplisse purement et simplement des mouvemens, desirs et volontés qui sont dedans le sien, affin que vostre cœur, comme une mere perle, ne conçoive que de la rosee du ciel et non des eaux du monde; et vous verres que Dieu nous aydera, et que nous ferons prou et au choix et a l'execution..

  A013001856 

 C'est a dire, j'appreuve que vous les facies nourrir es monasteres en intention de les y laisser, moyennant deux conditions: l'une, que les monasteres soyent bons et reformés, et esquelz on face profession de l'interieur; l'autre, que le tems de leur Profession estant arrivé, qui n'est qu'a seize ans, on sache fidellement si elles s'y veulent porter avec devotion et bonne volonté, car si elles n'y avoyent pas affection, ce seroit un grand sacrilege de les y enfermer.

  A013001856 

 Il faut les mettre la dedans avec des douces et souëfves inspirations, et si elles y demeurent comme cela, elles seront bien heureuses et leur mere aussi de les avoir plantees dans les jardins de l'Espoux, qui les arrousera de cent mille graces celestes.

  A013001859 

 Vous dis je pas la premiere fois que je parlay a vous de vostre ame, que vous appliques trop vostre consideration a ce qui vous arrive de mal et de tentation, qu'il ne failloit le considerer que grosso modo, que les femmes, et les hommes aussi quelquefois, font trop de reflexions sur leurs maux, et que cela entortilloit les pensees l'une dans l'autre, et les craintes et les desirs, dont l'ame se treuve tellement embarrassee qu'elle ne s'en peut demesler.

  A013001860 

 Que craignes vous, ma Fille? Oyés nostre Seigneur qui crie a Abraham et a vous aussi: Ne crains point, je suis ton protecteur.

  A013001861 

 Mon saint Pierre, dit l'Escriture, voyant l'orage qui estoit tres impetueux, il eut peur; et tout aussi tost qu'il eut peur, il commença a s'enfoncer et noyer, dont il cria: O Seigneur, sauvés moy. Et Nostre Seigneur le print a la main et luy dit: Homme de peu de foy, pourquoy as-tu douté? Voyés ce saint Apostre: il marche pied sec sur les eaux, les vagues et les vens ne sçauroyent le faire enfoncer; mais la peur du vent et des vagues le fait perdre, si son Maistre ne l'eschappe.

  A013001872 

 Ah, ma Fille, a qui tient-il que nous ne soyons saintz parmi tant d'exemples domestiques et estrangers, en la ville et aux chams? Tout nous presche en faveur de la sainteté, et nous n'y allons que fort lentement.

  A013001872 

 Je vous envoyeray bien tost le recueil de la vie d'une [212] sainte villageoise de mon diocese, mariee, et qui, en quarante huit ans de vie, a donné toutes les marques d'une vie parfaitte dans l'interieur et dans l'exterieur; car elle a esté une Monique dans son mesnage et une Magdeleine dans l'orayson.

  A013001881 

 A l'arrivee de monsieur de Sauzea, j'ay receu mille consolations par le recit quil m'a fait de tout ce qui se [213] passe de dela, particulierement pour vostre regard.

  A013001881 

 Je suis en une occupation qui me tient la bride si courte que je ne me puis guere eschapper pour vous escrire selon mon souhait, ni a madame nostre Abbesse.

  A013001882 

 Cet exercice la n'est nullement deshonneste devant les yeux de Dieu; au contraire il luy est aggreable, il est saint, il est meritoire, au moins pour la partie qui rend le devoir et n'en recherche pas l'acte, mais seulement y condescend pour obeir a celuy a qui Dieu a donné l'authorité de se faire obeir pour ce regard..

  A013001883 

 Je dis que vous l'aymies et cherissies, non point pour ce qui est exterieur et qui peut regarder la sensualité en elle mesme, mais pour l'interieur, par ce que Dieu l'a ordonné, par ce que, sous cette vile escorce, la sainte volonté de Dieu s'accomplit.

  A013001884 

 O Dieu, faut-il donques que l'action qui, en l'exterieur, est si basse, soit si haute en merite, et mes prædications, mes Confirmations, si relevees en l'exterieur, soyent si basses en merite pour moy, faute d'amour et de dilection! J'ay dit ceci de la sorte affin que vous sachies que la Communion n'est nullement incompatible avec l'obeissance, en quelque sorte d'action qu'on l'exerce.

  A013001885 

 Il y a plus: c'est que si la partie communiee recherchoit elle mesme, le jour de la Communion, le peché ne seroit que tres veniel et tres leger, a cause d'un peu d'irreverence qui entreviendroit.

  A013001885 

 Mais la partie qui recherche peche-elle point, si elle sçait que l'autre aÿe communié? Et je vous dis que non, nullement, sur tout quand les Communions sont frequentes; ce que j'ay dit de l'Eglise primitive en fait foy, et la rayson y est toute claire.

  A013001889 

 Vous faittes trop de faveur a cette petite et vile creature de la desirer aupres de vous, mais ma mere juge que la vie des chams est plus propre pour les filles de ce pais que celle des villes; c'est cela qui luy fit prendre resolution d'en importuner plus tost madame de Chantal que vous.

  A013001902 

 Quant a ses moyens, ilz sont telz que monsieur et madame la Presidente vous escrivent, et ses incommodités aussi, lesquelles, comme vous pourres aysement juger, peuvent estre bien aysement effacees; ce qui ne sera pas plus tost fait, que l'on verra ce jeune gentilhomme croistre tous les jours en moyens et bonheur, qui me fait dire sans reserve qu'une damoyselle aura tous-jours beaucoup de contentement avec luy..

  A013001932 

 Litteras quas ad me sacræ Cæsareæ Majestatis nomine detulit hic tabellarius, qui me agrorum Gebennensium ecclesiis visitandis incumbentem invenit, hoc ipso die XXIX Septembris quem Ecclesia Catholica Beati Michaelis Archangeli honori, ad Christi majorem gloriam addixit.

  A013001957 

 Les conjurations que la bonne madame l'Abbesse me fait d'aller-la sont si puissantes, qu'autre chose ne pourroit me retenir de l'entreprendre maintenant, sinon la plus grande gloire de Dieu qui me tient encor tout cloué sur ce banq..

  A013001957 

 ... et de prendre tant de loysir pour le faire que vous en soyes bien satisfaitte, comme j'espere que Dieu vous en fera la grace, et a moy qui le souhaite sans fin.

  A013001958 

 Je seray auditeur d'un vertueux et fervent Capucin, et feray le cathechisme aux enfans et entendray les confessions; et ainsy ne feray que des petits exercices qui n'estourdiront point mon cœur, mais le resveilleront seulement.

  A013001961 

 Devant que nous fussions au païs des glaces, environ huit jours, un pauvre berger couroit ça et la sur les glaces pour recourir une vache qui s'estoit esgaree, et, ne prenant pas garde a sa course, il tumba dans une crevasse et fente de glace de douze piques de profondeur.

  A013001961 

 Mais, ma chere Fille, vous diray-je pas une chose qui me fait frissonner les entrailles de crainte? Chose vraye.

  A013001961 

 On ne sçavoit quil estoit devenu, si son chapeau qui, a sa cheute, luy tumba de la teste et s'arresta sur le bord de la fente, n'eut marqué le lieu ou il estoit peri.

  A013001961 

 Quelz esguillons pour moy, ma chere Fille! Ce pasteur qui court par des lieux si hazardeux pour une seule vache; cette cheute si horrible que l'ardeur de la poursuite luy cause, pendant quil regarde plus tost ou est sa queste et ou ell'a mis ses pieds que non pas ou il est luy mesme et ou il chemine; cette charité du voysin qui s'abisme luy mesme pour oster son ami de l'abisme: ces glaces me devoyent elles pas ou geler de crainte ou brusler d'amour?.

  A013001963 

 C'est luy qui m'a rendu irrevocablement et inviolablement vostre..

  A013001975 

 Je vous escrivis, il y a six semaines, pour respondre a tout ce que vous m'avies demandé, et ne doute nullement que vous n'ayés receu ma lettre; qui me fera tenir plus resserré en celle ci.

  A013001975 

 Rien ne nuit tant a cett'entreprise que la varieté des propositions qui se font, et sur tout celle qu'on fait d'une Regle si exacte, car cela espouvente l'esprit de nostre seur et des autres aussi.

  A013001977 

 Ilz veulent estre maistres, et n'est ce pas la rayson? Si est, certes, en ce qui depend du service que vous leur deves; mais les bons seigneurs ne considerent pas que pour le bien de l'ame, il faut croire les directeurs et medecins spirituelz, et que, sauf les droitz quilz ont sur vous, vous deves procurer vostre bien interieur par les moyens jugés convenables par ceux qui sont establiz pour conduire les espritz.

  A013001977 

 Mon Dieu, le bon pere que nous avons et le tres bon mari que vous aves! Helas, ilz ont un peu de jalousie de leur empire et domination, qui leur semble estr'aucunement violé quand on fait quelque chose sans leur authorité et commandement.

  A013001978 

 Non, je ne me puis contenir, ma chere Fille, que je ne vous die ma pensee; je sçai que vous treuveres tout bon [226] ce qui vient de ma sincerité.

  A013001978 

 Si cela est, sans doute c'est la eause qui les fait tirer a quartier maintenant.

  A013001979 

 J'ay souvent admiré l'extreme resignation de saint Jan Baptiste qui demeura si long tems au desert, tout proche de Nostre Seigneur, sans s'empresser de le voir, de le venir escouter et suivre.

  A013001980 

 Vous pourres neanmoins gaigner des occasions secrettes pour communier; car, pourveu que vous deferies et compatissies a ces volontés de ces deux personnages et que vous ne les metties point en impatience, je ne vous donne point d'autre regie de vos Communions que celle que vos confesseurs vous diront, car ilz voyent l'estat present de vostr'interieur et peuvent connoistre ce [227] qui est requis pour vostre bien.

  A013001982 

 Une chose est bien asseuree, c'est que vous les pouves lire en toute bonne conscience, comme aussi vous pouvies entrer au cloistre du Puys d'Orbe sans scrupule; mais il ni a pourtant pas lieu de vous ordonner pœnitence pour le scrupule que vous en aves l'ait, puisque le scrupule mesme est un'asses grande peyne a ceux qui le nourrissent ou souffrent, sans qu'on en impose d'autres.

  A013001983 

 Tenes vostre cœur fort large pour y recevoir toutes sortes de croix et de resignations ou abnegations pour l'amour de Celuy qui en a tant receu pour vous.

  A013001987 

 Je pense tant remuer de pierres que l'annee prochaine je pourray me desrober pour voir nostre Puys d'Orbe; mais il ne faut pas que pour cela nostre seur attende de faire tout doucement ce qui se pourra faire pour le bien de son Monastere.

  A013002024 

 Hunc ergo mitto fratrem meum germanum, Ecclesiæ mese canonicum, qui meo nomine id muneris exequatur, et statum diæcesis, quam potui distinctissime ac accuratissime descriptum, deferat, cujus summa hæc est: provinciam vastam, pariter et vastatissimam, multa proinde ad ejus instaurationem requiri quæ non nisi a Sedis Apostolicæ authoritate manare queunt; ejus propterea opem et operam enixe ac summis votis exposco, cum paterna illa benedictione ac [232] benevolentia quam Vestra Sanctitas his libenter impertitur quos habet filios subditos cum omni timore..

  A013002034 

 Aussi, sa restauration exige des réformes qui ne peuvent s'accomplir, qu'en vertu de l'autorité du Siège Apostolique.

  A013002065 

 Je regrette que le pauvre homme ait tant de démêlés avec ses moines qui vraiment l'empêchent de faire du fruit: il ne faut pas aimer les contestations..

  A013002080 

 Cela m'a tenu occupé, mais consolé, a la reception de plusieurs confessions generales et changemens de consciences, outre la mer de mes affaires ordinaires, entre lesquelles (je le dis a vous) je vis en plein [236] repos de cœur, resolu de m'employer fidellement ci apres et soigneusement a la gloire de mon Dieu, premierement chez moy mesme, et puis en tout ce qui est a ma charge.

  A013002080 

 Nous avons eu ces quinze jours un tres grand Jubilé, qui sera par tout le monde, sur le commencement de l'administration du Pape et la guerre de Hongrie.

  A013002106 

 Visitaturus Apostolorum limina, per fratrem istum meum germanum et a Sancta Sede pleraque hujus diocæsis bono necessaria expectaturus, quantis possum [239] humillimis præcibus [ad] opem Illustrissimæ et Reverendissimæ Dominationis confugio, qui etiamnum cum hujus meæ Ecclesiæ Præpositus essem et eadem Apostolica limina prædecessoris mei nomine visitarem, humanissime ac beneficentissime ab eadem Illustrissima et Reverendissima Dominatione Vestra sum exceptus..

  A013002110 

 Revu sur l'Autographe qui en 1891 appartenait à D. Ponte, prêtre de Turin..

  A013002116 

 Quand j'étais Prévôt de l'Eglise qui est aujourd'hui la mienne, et qu'au nom de mon prédécesseur, je visitai les mêmes tombeaux apostoliques, je reçus de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie un accueil plein de bonne grâce et de parfaite obligeance..

  A013002117 

 J'ai pour adversaires un grand nombre d'hommes qui tiennent la doctrine du diable.

  A013002117 

 Je plaide aujourd'hui la cause de ce diocèse qui, plus que tous les autres diocèses du monde chrétien, mérite l'appui de la bienveillance apostolique, la faveur des prélats et la sympathie de tous les gens de bien.

  A013002124 

 Helas! ma tres chere Fille, il est vray: Dieu, ce me semble, vous faisoit alhors renaistre spirituellement entre mes bras interieurs, qui vous embrasserent, certes, tendrement, et mon cœur fut tout dedié au vostre..

  A013002125 

 Faites bien cela; car c'est le grand point de l'humilité de voir, servir, honnorer et s'entretenir es occurrences et a propos (car il ne faut pas se rendre importune en la recherche) avec ceux qui nous sont a contrecœur, et demeurer humble, sousmise, douce et tranquille entr'eux.

  A013002135 

 Et si l'asseurance que vous prendrés de la nostre peut servir a l'avancement de la vostre, vous vous porteres bien, puisque tout ce qui est vostre icy se porte si bien..

  A013002150 

 Mais ce pendant, faites bien la besoigne qui est devant vos yeux maintenant; c'est a dire, continués a faire tout doucement vos exercices spirituelz, rendes vostr'esprit et vostre cœur cent fois le jour entre les mains de Dieu, le luy recommandant en toute sincerité.

  A013002151 

 Il faut avoir un grand courage en cet heureux amour divin, et une grande confiance sur l'asseurance que nous avons que jamais ce celeste Espoux ne manque aux ames qui aspirent en luy..

  A013002151 

 Je sçai que l'abandonnement de vostre pere vous afflige, mais repetes souvent et de cœur et de bouche la [244] parole du Profete: Mon pere et ma mere m'ont delaissé, et le Seigneur m'a eslevé a soy. C'est une croix, sans doute, a une fille que d'estre ainsy abandonnee du secours des hommes; mais c'est une croix tressainte et qui est la plus propre pour gaigner plus entierement l'amour de Dieu.

  A013002187 

 C'est avec ma Fille qui est bonne, et de laquelle je sens le cœur inebranlable en la sainte amitié qu'elle me porte, que je me donne tout loysir de respondre.

  A013002188 

 Mais je pense bien pourtant que cette bonne fille ne tiendra pas son cœur; j'en serois grandement marri pour l'amour d'elle, qui commettroit une grande faute..

  A013002188 

 Sachés que le cœur qui veut aymer Dieu ne doit estre attaché qu'a l'amour de Dieu.

  A013002191 

 Et je dis excellentes, parce que ces petites resolutions de ne faire pas mal ne sont pas suffisantes: il en faut une de faire tout le bien qu'on pourra et de retrancher non seulement le mal, mais tout ce qui ne sera pas de Dieu et pour Dieu..

  A013002192 

 Il soit beni eternellement par vous, ma tres chere Fille, et par moy qui suis sans fin vostre..

  A013002192 

 Vivés toute a Celuy qui est mort pour nous, et soyés crucifiee avec luy.

  A013002200 

 Alioquin non sum adeo stupidus quin sentiam quam multum tuæ benevolentiæ debeam, quæ mihi, viro prorsus ignoto, et si ordinis episcopalis caracterem (qui mihi cum multis communis est) non observaveris, [250] nullo prorsus nomine conspicuo, librum illum aureum addicere cogitavit et voluit....

  A013002208 

 C'est elle qui a conçu la pensée et le désir de songer à moi, parfaitement inconnu et n'ayant aucun titre à la notoriété (si l'on ne tient pas compte du caractère [250] épiscopal que je partage avec beaucoup d'autres), pour me dédier ce précieux ouvrage....

  A013002228 

 Demandés-la, je vous supplie, continuellement pour moy qui en ay tant de besoin..

  A013002228 

 Je suis vrayement comme les peres, qui ne se contentent jamais ni ne se peuvent assouvir de parler avec leurs enfans des moyens de les aggrandir.

  A013002228 

 Mon Dieu qui void mon cœur sçait qu'il est plein de beaucoup de grans souhaitz pour vostre advancement spirituel, ma chere Fille.

  A013002229 

 Je m'en vay en supplier l'Archer qui en porte le carquoy, par l'intercession de saint Sebastien, duquel nous celebrons aujourd'huy la feste..

  A013002229 

 Que cette sagette nous face mourir de sa sainte mort, qui vaut mieux que mille vies.

  A013002241 

 Cum Romanæ Sedis majestas omnes totius orbis Christianos suo splendore perlicere consueverit, tum vero Sanctitatis Vestræ clementia eos vel maxime pertrahit [253] qui ex errorum tenebris sub ejus autoritate per Dei gratiam emerserunt; inter quos cum vir hic, loca sancta visitaturus, litteras a me postularet quibus de ejus religione ac fide quod res est, Sanctitati Vestræ testatum facerem, quo gratius ac facilius ad ipsius pedes admittatur, ita sane faciendum existimavi ne defuisse videar, cum meo erga eum officio, tum etiam hominis pietati.

  A013002256 

 Le Siège Romain séduit d'ordinaire par sa majestueuse splendeur tous les chrétiens de l'univers; cependant, Votre Sainteté, par l'attrait [253] de sa douceur, gagne surtout les cœurs de ceux qui, des ténèbres de leurs erreurs, sont venus se ranger sous son autorité.

  A013002256 

 Le personnage qui se présente à vous est de ce nombre.

  A013002285 

 Cependant, il a toujours eu pour ce qui concerne leurs âmes, le soin et la sollicitude convenables; en effet, par ses lettres, il les a tellement attirés à la connaissance de la vérité, que s'il pouvait les pourvoir d'un abri parmi les Catholiques, tous embrasseraient volontiers la foi.

  A013002304 

 Mais si je ne l'ay pas veuë encor, je la voy en esprit, et l'honnore et cheris comme toute mienne en Celuy qui m'a rendu tout vostre et tout sien.

  A013002307 

 Cette multitude de pensees qui tracassent vostre esprit ne doivent nullement estre attaquees; car, quand auries-vous achevé de les desfaire l'une apres l'autre? Il faut seulement de tems en tems, je veux dire plusieurs et plusieurs fois le jour, les desmentir toutes ensemble et les rejetter en gros; et puys, laisser l'ennemy faire tant de [259] fracas qu'il voudra a la porte de vostre cœur, car pourveu qu'il n'entre point, il n'importe.

  A013002318 

 Or en fin, ma tres chere Fille, hier, voyci un parquet qui m'arrive, comm'une flotte des Indes, riche le lettres et de chansons spirituelles.

  A013002319 

 J'y penseray bien fort, et presenteray plusieurs Messes pour obtenir la clarté du Saint Esprit pour m'en bien resoudre; car voyes vous, ma chere Fille, c'est un maistre coup que celluy-la, et qui doit estre pesé au poids du sanctuaire.

  A013002319 

 Mon Dieu, que vous faites bien de mettre vostre desir de sortir du monde en depost es mains de la Providence cæleste, affin qu'il n'occupe point vostre ame inutilement, comm'il feroit indubitablement qui le laisseroit menager et remuer a sa fantasie.

  A013002320 

 Mais pourquoy donques je vous supplie, ma Fille, remettrois-je vostre voyage de Saint Claude? Sil ni a point d'autr'incommodité que celles qui se presentent, il me semble quii ni a pas dequoy le remettre.

  A013002320 

 Quand a celuy que je desire faire de dela, que de peyne a le præparer et de hazart a le faire! Mais Dieu, qui void mon intention, en disposera par sa bonté, et nous en parlerons [261] avant que le tems en arrive; et des desirs de ma petite seur aussi, laquelle est a Dijon avec le bon monsieur de Crespy qui ne la veut point trop confier a M me Brulart, de peur qu'elle ne la face Carmeline.

  A013002321 

 Vous y verrés des Cordelieres du Tiers Ordre, que l'on loue fort; et peut estre un'Abbesse d'un'autre Religion qui est a quatre liëues de lâ, c'est a dire a Baume les Nonains, qui est fort vertueuse, des plus grandes maysons [262] de mon diocæse et qui m'ayme singulierement.

  A013002323 

 Il ni aura nul hiver; mais icy l'hiver y est requis pour l'exercice de l'abnegation et de mille petites belles vertus qui s'exercent au tems de la sterilité.

  A013002325 

 Dieu vous en sçaura bon gré, car il ayme les petitz enfans; et, comme je disoys l'autre jour au cathechisme pour inciter nos dames a prendre soin des filles, les Anges des petitz enfans ayment d'un particulier amour ceux qui les eslevent en la crainte de Dieu et qui instillent en leurs tendres ames la sainte devotion; comme au contraire, Nostre Seigneur menace ceux qui les scandalisent, de la vengeance de leurs Anges.

  A013002325 

 Voyla donq qui va bien..

  A013002326 

 Despuis que je suis de retour de la visite, j'ay tant esté pressé et empressé a faire des appointemens que mon logis estoit tout plein de playdeurs qui, par la grace de Dieu, pour la pluspart s'en retournoyent en pais (sic) et repos.

  A013002327 

 Ce sont des maladies qui sont comme les fievres legeres: elles layssent apres elles une grande santé.

  A013002328 

 Ce sont advis bons et propres pour vous, mais non point commendemens; quand on commande on use de termes qui se font bien entendre.

  A013002329 

 J'ay donné charge au porteur, qui est monsieur Favre, mon grand Vicaire, de vous envoyer la presente aussi tost quil sera arrivé, affin que vous ayes le loysir de luy renvoyer vostre response, puisquil sera a Dijon huit jours entiers..

  A013002331 

 En eschange, je vous envoye le livre ci joint, auquel vous verres beaucoup de beaux traitz qui furent en partie faitz sur mes premieres prædications par M. le President de cette ville, homme de rare vertu et fort chrestien..

  A013002333 

 Ah, mon Dieu, que je suis redevable a ce Sauveur qui nous ayme tant, et que je voudrois bien pour une bonne fois le serrer et coller sur ma poitrine! J'entens aussi bien sur la vostre, puis quil a voulu que nous fussions si inseparablement uns en luy..

  A013002350 

 Mon ame, qui est toute voüee a la vostre, me fait des grans reproches sur cett'intermission; bien que je sçay que vous ne jugeres pas mes affections par cette sorte de tesmoignage, et que ce soit le moindr'effect de l'infini devoir que je vous ay..

  A013002351 

 Je passeray ce Caresme a faire residence en ma cathedrale et a rabiller un peu mon ame qui est presque toute descousue par tant de tracas qu'ell'a souffert despuis la chere consolation que j'eu aupres de vous en vostre maison a Dijon.

  A013002364 

 J'ay mieux aymé m'addresser a Sa Sainteté mesme qu'a nul autre, tant par ce que l'affaire le merite, que par ce que je ne sçai pas qui aura la commission de prouvoir a vos expeditions.

  A013002365 

 Conserves moy, je vous supplie, en vostre bonne grace comme celuy qui, vous souhaittant la perpetuelle assistence du Saint Esprit, sera toute sa vie,.

  A013002379 

 Si vous escrives de dela, faites, je vous prie, une lettre a madame Graguette, l'animant tous-jours a ce dessein, et de se joindre fort a son Abbesse en cœur et esprit, avec le support qui sera necessaire..

  A013002380 

 Si je ne vous respons pas si exactement aux lettres que vous m'envoyes, accusés-en ma mauvayse coustume, qui est de ne point mettre la main a la plume que sur le despart des messagers, dont il arrive que souvent, en ce point la, je suys embarrassé d'autres occupations..

  A013002397 

 Il y a quelque tems que le sieur baron de Montlong, sorti des prisons de Geneve, s'est retiré en cette ville, et pour sa consolation il m'est venu voir asses souvent; qui m'a donné le loysir et la commodité de descouvrir qu'il a beaucoup de connoissances des affaires de cette ville la et beaucoup de bonnes pensees qui, a l'adventure, pourroyent estr'utilement employees au service de Son Altesse.

  A013002401 

 Monsieur, apres avoir eu escrit la presente, j'ay pensé [273] que je ferois mieux d'en rendre porteur ce gentilhomme qui, a bouche, pourra dire a Vostre Excellence plusieurs particularités considerables..

  A013002423 

 Je n'avois encor point fait de Caresme en cette chere ville que celle ci (sic), despuis que je suis Evesque, hormis la premiere en laquelle on me regardoit pour voir ce que je ferois; et j'avois asses affaire a prendre contenance et pourvoir au general des affaires du diocese qui m'estoit tombé sur les bras tout fraischement.

  A013002423 

 O mon Dieu, a qui dirois je ces choses, sinon a ma chere Fille?.

  A013002425 

 Que puisse-elle estre bien utile a ceux pour qui je la prens..

  A013002426 

 Je nommois le vostre et celuy de cette jeune servante de Dieu de qui je vous parlois, et plusieurs autres.

  A013002427 

 Or sus, demeurés tous-jours en paix entre les bras du Sauveur qui vous ayme cherement, et duquel le seul amour nous doit servir de rendés vous general pour toutes nos consolations, ce saint amour, ma Fille, sur lequel le nostre, fondé, enraciné, creu, nourry, sera eternellement parfait et perdurable..

  A013002437 

 Receves-le avec honneur et reverence, et priés Dieu pour celuy qui vous le donne et pour moy qui l'ay impetré..

  A013002453 

 L'arbre touffu c'est le meurte; et puisqu'il represente [278] l'humilité et abjection de soy mesme, celle la l'a mieux nommé qui a le plus humblement cedé..

  A013002467 

 Et penses vous que je sois exempt de pareilles attaques? Mais c'est la verité, je ne fay que m'en rire quand je m'en resouviens, qui est fort peu souvent.

  A013002469 

 Hier (car il faut que je vous die encor ce mot) je fis un sermon de la Passion devant nos Religieuses de Sainte [280] Claire qui m'en avoyent tant conjuré, apres le sermon de la ville auquel j'assistay.

  A013002470 

 Dieu soit a jamais leur Dieu, et l'Ange qui a conduit leur mere les veuille benir a jamais.

  A013002470 

 Ouy, ma Fille, car ç'a esté un grand Ange qui vous a donné vos bons desirs: ainsy puisse-il vous en donner l'execution et la perseverance..

  A013002471 

 Vive Jesus qui m'a rendu et me tient pour jamais tout vostre.

  A013002482 

 Aymés-moy ce pendant, et croyés que mon ame vous est toute dediee en Nostre Seigneur, qui m'a rendu.

  A013002485 

 qui salue humblement monsieur mon pere et tout vostre cher troupeau..

  A013002494 

 Ce porteur m'a promis de vous rendre cette lettre pour tout ce moys, qui sera bien asses tost pour vous faire disposer au voyage.

  A013002511 

 Mais il faut que je specifie M lle Genevieve Acharie, qui m'escrivit l'autre jour une lettre digne de response.

  A013002530 

 Croyés-moy, Dieu sera glorifié en vostre voyage et venue, d'autant que c'est luy seul qui l'a disposé et m'a osté les empeschemens que je voyois nagueres devant mes yeux pour le faire si tost.

  A013002530 

 Mais avant que vous parties, demandés la benediction a Monsieur d'Autun, s'il se peut, avec permission de vous prevaloir des Indulgences qui vous seront octroyees ou vous passeres par les Evesques.

  A013002532 

 A Dieu donq, ma tres chere Fille, jusques a ce tems la; et en ce tems la et en l'eternité, a Dieu soyons nous, et a Dieu sans plus, puisque hors de luy et sans luy nous ne voulons rien, non pas mesme nous mesmes, qui aussi bien, hors de luy et sans luy, ne sommes que des vrays riens.

  A013002541 

 Non, a la verité, je ne doute nullement que vous ne m'aymies fort estroittement; j'aurois bien peu de sentiment si tant de tesmoignages que vous m'en aves rendus ne m'en asseuroyent, outre lesquelz j'en ay un dans moy mesme qui me suffiroit pour cela; car il ne me semble pas que mon cœur vous peust aymer comm'il vous ayme si, par une secrette correspondance, le vostre ne l'attiroit; car l'on a beau dire que la connoissance des merites force a l'amour (je dis a l'amitié); c'en est vrayement un grand motif, mais inutile si on n'espere pas une reciproque affection.

  A013002542 

 Voyla que monsieur de Sansix, qui vient expres pour me voir et vostre chere discretion, m'advertit que dans deux jours je seray avec vous, et pourrons dire [288] le reste tout a l'ayse, sans que, pour mon goust particulier, je traitte incivilement ce gentilhomme en le faysant trop longuement attendre une si vile veuë comme est la mienne..

  A013002543 

 Je le supplie que son saint amour fasse tous-jours vivre joyeusement nostre amitié et celle de tous ceux qui nous appartiennent pour luy.

  A013002558 

 La confiance que vous aves en moy me console tous-jours, et suis neanmoins marri de ne pouvoir si bien [289] correspondre par lettres comme je desirerois; mais Nostre Seigneur, qui vous ayme, supplee par tant d'assistances que vous aves la..

  A013002559 

 J'appreuverois qu'en l'orayson vous vous tinssies encor un peu au petit train, preparant vostre esprit par la leçon et disposition des pointz, sans autre imagination neanmoins que celle qui est necessaire pour ramasser l'esprit.

  A013002559 

 Or sus, je sçai bien que quand par bonne rencontre on treuve Dieu, c'est bien fait de s'entretenir a le regarder et arrester en luy; mais, ma chere Fille, de le penser tous-jours rencontrer ainsy a l'impourveu, sans preparation, je ne pense pas qu'il soit encor bon pour nous qui sommes encor novices, et qui avons plus besoin de considerer les vertus du Crucifix l'une apres l'autre et en detail, que de les admirer en gros et en bloc.

  A013002561 

 Ma chere Fille, je pense que la Communion soit le grand moyen d'atteindre a la perfection; mais il faut la recevoir avec le desir et le soin d'oster du cœur tout ce qui desplait a Celuy que nous y voulons loger..

  A013002563 

 Ma chere Fille, nous sommes au chemin des Saintz; allons courageusement, malgré les difficultés qui y sont..

  A013002564 

 Il me semble que j'ay satisfait a tout ce que vous desiries de sçavoir de moy, qui n'ay point de plus grand desir que de vous servir fidellement en cet endroit.

  A013002575 

 Nostre bon Pere Bonivard partit hier, qui, par une pure rencontre de sentiment, appreuve infiniment le choix que j'ay fait pour vous.

  A013002577 

 Il m'a rendu, ma chere Fille, et me rend tous les jours plus, ce me semble, au moins plus sensiblement, plus suavement, du tout, en tout et sans reserve, uniquement, inviolablement vostre; mais vostre en luy et par luy, a qui soit honneur et gloire aux siecles des siecles, et a sa sainte Mere.

  A013002587 

 Ne nous amusons point a la consideration de la beauté des autres, mais saluons seulement ceux qui passent par iceux et disons leur simplement: Dieu nous conduise a nous revoir au logis..

  A013002587 

 Ne nous faschons point de nos tempestes et des orages qui par fois troublent nostre cœur et nous ostent nostre [294] bonance.

  A013002588 

 Dieu, qui void les intimes replis de mon cœur, sçait qu'il n'y a rien en ceci que pour luy et selon luy, sans lequel je veux, moyennant sa grace, n'estre rien a personne et que nul ne me soit rien; mais, en luy, je veux non seulement garder, mais je veux nourrir, et bien tendrement, cette unique affection.

  A013002589 

 Maintenant donq, y ayant pensé, je vous dis qu'il n'y a point de danger d'en parler quand l'occasion s'en presente, car cela ne tesmoigne que la memoire que vous en deves avoir; mais je croy qu'il seroit mieux, parlant de luy, d'en parler sans paroles et souspirs qui tesmoignassent un amour attaché et engagé a la presence corporelle; et parlant, en lieu de dire: feu mon pauvre mary, je voudrois [295] dire: mon mary, que Dieu ayt en sa misericorde; et ces dernieres paroles, les dire avec sentiment d'un amour non point affoibli par le tems, mais bien affranchi et espuré par l'amour superieur.

  A013002594 

 Priés souvent pour celuy qui ne sçauroit prier sans vous faire part de ses prieres, ni plus desirer son salut que le vostre.

  A013002604 

 Hier j'allay sur le lac en une petite barquette pour visiter Monsieur l'Archevesque de Vienne, et j'estois bien ayse de n'avoir point d'appuy qu'un ais de trois doigtz sur lequel je me peusse asseurer, sinon la sainte Providence; et si, j'estois encor bien ayse d'estre la sous l'obeissance du nocher, qui nous faysoit asseoir et tenir ferme sans remuer, comme bon luy sembloit: et vravement je ne me remuay point.

  A013002605 

 A Dieu, ma tres chere Fille, ce mesme Dieu que j'adore, qui m'a rendu si uniquement, si intimement vostre; qu'a jamais son nom soit beni et celuy de sa sainte Mere.

  A013002617 

 Il ne m'est pas possible de me contenir de vous escrire a toutes sortes d'occasions qui s'en presentent.

  A013002619 

 Voyes-vous, ma chere Seur ma Fille, c'est Nostre Seigneur en l'habit de jardinier que vous rencontres tous les jours ça et la, es occurrences des mortifications ordinaires qui se presentent a vous.

  A013002632 

 Ne vous desire-je pas, ma chere Fille, tout ce qui se doit desirer?.

  A013002634 

 Je suis icy a Viu, qui est la terre de nostre evesché.

  A013002634 

 Vous ne sçavés pas, ma chere Fille, ce qui me vient en l'esprit? je dis tout presentement, car je suis esmeu a la joye.

  A013002636 

 Ouy, ma chere Fille, attachés-vous fort a la Providence divine: qu'elle face ce qu'elle voudra de vous et de tout ce qui est vostre.

  A013002647 

 Non, ma Fille, ne marqués plus ainsy par le menu vos defautz, remarqués-les seulement en bloc; car cela suffira abondamment pour vous faire connoistre a qui vous desires et pour vostre direction..

  A013002651 

 Bien, escrivés-moy donques de ces duplicités ce qui vous en faschera le plus; je m'essayeray de vous bien esclaircir sur cela, car je m'y entens un peu..

  A013002651 

 Mais cependant, l'acte que vous me marques n'est pas fort double; au moins il n'est pas double d'une fort mauvaise estoffe, car que pretendries vous pour vous a faire connoistre que le bon M. le Conte jeusnoit? La fascheuse duplicité c'est celle qui a une bonne action doublee d'une intention mauvaise ou vaine.

  A013002652 

 Ma chere Fille, lisés le 28e chapitre du Combat spirituel, qui est mon cher livre, et que je porte en ma poche il y a bien dix huit ans, et que je ne relis jamais sans proffit.

  A013002661 

 C'est par nostre bon Pere Gardien des Capucins que je vous escris, ma bonne, ma tres chere Fille, car je [305] me suis imaginé que facilement quelques uns des leurs qui sont a Aoustun se treuveroyent en leur Chapitre provincial, qui pourroyent vous rendre ces lettres..

  A013002662 

 Ayés en un bon, bien resolu, bien constant, c'est a dire l'ancien, celuy qui vous fit faire nos vœux avec tant de courage; car pour celuy-la, ma Fille, il le faut arrouser souvent de l'eau de la sainte orayson, il faut avoir grand soin pour le conserver dans nostre verger, car c'est l'arbre de vie.

  A013002662 

 Croyés moy, ma Fille, les viandes douces engendrent les vers aux petitz enfans, et en moy qui ne suis pas petit enfant; c'est pourquoy nostre Sauveur nous les entremesle d'amertumes..

  A013002662 

 Mais certains desirs qui tirannisent le cœur, qui voudroyent que rien ne s'opposast a nos desseins, que nous n'eussions nulles tenebres, mais que tout fut en plein mydi; qui ne voudroyent que suavités en nos exercices, sans degoustz, sans resistence, sans divertissements; et tout aussi tost quil nous arrive quelque tentation interieure, ces desirs la ne se contentent pas que nous n'y consentions pas, mais voudroyent que nous ne les sentissions pas; ilz sont si delicatz quilz ne se contentent pas que l'on nous donne une viande de bon suc et nourrissante, si elle n'est toute sucree et musquee; ilz voudroyent que nous ne vissions seulement pas les mousches du moys d'aoust passer devant nos yeux: ce sont ces desirs d'une perfection trop douce, il n'en faut pas avoir beaucoup.

  A013002663 

 Non, [306] ma Fille, regardons a nostre Sauveur qui nous attend au dela de toutes ces fanfares de l'ennemi.

  A013002664 

 Hier au soir, nous eusmes icy des grans tonnerres et des esclairs extremes, et j'estois si ayse de voir nos jeunes gens, mais particulierement mon frere, nostre Groysi, qui multiplioyent les signes de croix et le nom de Jesus.

  A013002665 

 Courage, ma Fille, n'avons nous pas occasion de croire que nostre Sauveur nous ayme? Si avons certes; et pourquoy donques se mettre en peyne des tentations? Je vous recommande nostre simplicité, qui est si jolie et qui est si aggreable a l'Espoux, et encor nostre pauvr'humilité, qui a tant de credit vers luy; et faites moy une charité pareille en me les recommandant a moy.

  A013002666 

 De la, je passay a Sales pour un soir seulement, et vins le dernier jour de julliet icy pour celebrer nostre grande feste de Saint Pierre aux Liens, qui est le titre de nostre Eglise.

  A013002666 

 Mon Dieu, qui suis-je? Peu de chose, ma Fille, moins que rien.

  A013002683 

 Je dis a Dieu, ma Fille, parce que je me confirme tous les jours plus en la creance que j'ay que c'est Dieu qui m'impose ce devoir: c'est pourquoy je le cheris si incomparablement..

  A013002686 

 Or, cette consequence, je la tire maintenant en vous escrivant, car alhors je n'y pensay pas, d'autant que je n'avois nulle sorte d'attention qu'a ce qui se passoit au mystere..

  A013002687 

 Et puisque mon cœur me presse de vous dire tout ce qui luy arrive de consolation (ce qu'aussi bien ne sçai je faire a beaucoup pres a nulle autre creature), je vous diray que ces trois jours passés, j'ay eu un playsir nompareil a penser au grand honneur qu'un cœur a de parler seul a seul a son Dieu, a cet Estre souverain, immense et infini.

  A013002687 

 Ouy, car ce que le cœur dit a Dieu, nul ne le sçait que Dieu mesme de premier abord, et, par apres, ceux a qui Dieu le fait sçavoir.

  A013002691 

 Je dis en peyne sans peyne, car je suis plein de toute bonn'esperance a cause de Nostre Seigneur, qui est si bon et si doux et si amoureux des ames qui desirent l'aymer..

  A013002703 

 Helas, ma chere Fille, dites moy, le doux Jesus ne nasquit il pas au cœur du froid? Et pourquoy ne demeurera-il pas aussi au froid du cœur? J'entens a ce froid duquel, comme je pense, vous parles, qui ne consiste pas a aucun relaschement de nos bonnes resolutions, mais simplement en une certaine lassitude et pesanteur d'esprit, qui nous fait cheminer avec peyne en la voye en laquelle nous nous sommes mis, et de laquelle nous ne nous voulons jamais esgarer, jusques a ce que nous soyons au port.

  A013002704 

 Je vous diray ce jour la quelqu'une de ses divines paroles qui planterent si avant le Sauveur dans le cœur de ses disciples..

  A013002704 

 Que puysse-je participer a l'esprit de ce Saint qui vous a nommee de son nom des vostre Baptesme, et qui le confirmera en vostre faveur le jour mesme auquel toute l'Eglise le reclame.

  A013002714 

 Ce porteur, qui est de mes amis et homme digne de louange en sa profession, a desiré ma recommandation aupres de vous pour raccourcissement du proces qu'il a devant le souverain Senat.

  A013002732 

 Li duoi gentilhuomini nominati nel memoriale qui giunto sonno in procinto di impiegar notabil summa [315] de denari per erigere nella Casa di Tonone molti artificii mercantili, per mezzo de'quali verrebbe grandemente ajutata l'opra della conversione de gl' hæretici, poichè adoprandosi li convertiti nell' essercitio de detti artificii, potrebbero vivere convenientemente, senza discorrere in qua et in là comme sin hora sonno costretti di fare.

  A013002746 

 De plus, bien d'autres, en voyant un lieu de rendez-vous s'ouvrir devant eux, seraient engagés à se convertir, et à la longue, ce ne serait pas un petit préjudice pour Genève qui perdrait ainsi une grande partie de son commerce et de ses ouvriers..

  A013002759 

 Que de choses, ma Fille, j'aurois a vous dire si j'en avois le loysir, car j'ay receu vostre lettre du jour de sainte Anne, escritte d'un stile particulier et qui ressent au cœur, et requiert une ample responce..

  A013002761 

 Croiries vous bien, ma tres bonne Fille, que ce soir propre, j'ay eu une petite inquietude pour un affaire qui ne meritoit certes pas que j'y fisse pensee? Or, cela neanmoins m'a fait perdre deux bonnes heures de mon sommeil, chose qui m'arrive rarement.

  A013002761 

 Et je connoissois bien que Dieu me vouloit faire entendre que si les assautz et grandes attaques ne me troublent point, comme a la vérité elles ne font, ce n'est pas moy qui fay cela, c'est la grace de mon Sauveur; et, sans mentir, apres cela je me sens consolé de cette connoissance experimentale que Dieu me donne de moy mesme..

  A013002775 

 Mais le tort de sa dote confessee et non receue reviendroit a messieurs vos parens plus proches, si vous mouries sans enfans; car il [319] faudroit quilz ramboursassent la somme de la dote a ces messieurs qui seroyent substitués, ou au moins cela le (sic) mettroit en proces.

  A013002792 

 Je vous en sçay vrayement bon [320] gré, mais si faut-il que vous ne perdies point courage pour cela; car encor que vous n'aures pas tant d'ayde exterieure, si est ce que, tenant tous-jours vos desirs et resolutions d'estre toute a Dieu bien vifs et formés en vostre ame, le Saint Esprit vous consolera par une secrette assistance qui suppleera aux exercices que vous laysses, puisque vous ne les laysses que pour l'honneur et la gloire de cette mesme divine Bonté..

  A013002793 

 Vous pourres bien avoir une demi-heure chaque jour pour vostre orayson mentale, outre la priere d'appareil qui se fait avec Madame.

  A013002794 

 Au demeurant, d'estre sujette et vivre en compaignie vous donnera mille sujetz de vous bien mortifier et rompre vostre volonté, qui n'est pas un petit moyen de perfection, si vous l'employes avec humilité et douceur de cœur.

  A013002806 

 Mais ce qui me contente le plus est mon petit neveu, filz aisné de la mayson: sa nourrice m'asseure qu'ordinairement il tette [322] les mains jointes, avec une posture fort devote.

  A013002815 

 J'ay fort prié ce porteur, qui est des vieux serviteurs de la mayson de Monsieur et de mes bons amis et voysins, [323] de vous saluer de ma part avec le plus d'efficace qu'il pourra.

  A013002815 

 Permettes-moy, Monsieur, que, sans necessité, par la seule abondance de mes desirs, je vous supplie de me continuer ce bien que j'estime tant, et qui m'honnore et console si fort..

  A013002816 

 Cela arresteroit toutes ces brouilleries, qui ne servent qu'a divertir ces espritz des meilleures pensees qu'ilz pourroyent faire au service de Jesus Christ et du public..

  A013002816 

 Et m'y plairois bien davantage, si ce n'estoit ces petites riottes qui pullulent tous les jours entre les officiers de Monsieur, desquelz quelques uns se rendent plus aigres qu'ilz ne devroyent contre le bon monsieur Favre, duquel ilz espuisent les belles humeurs et l'aage.

  A013002818 

 J'apprehende bien qu'elle se voye; car, a la verité, je n'ay rien sceu des actions particulieres de cette Princesse, qui sont neanmoins celles qui pourroyent relever ma petite besoigne.

  A013002818 

 Je voudrois avoir envoyé l'Orayson funebre de Madame; mais j'attens des memoires de la grandeur de la mayson d'Este qui me doivent venir d'Italie, n'ayant jamais rien peu apprendre qui fust esclattant comme je desire, par les livres que j'ay peu avoir en ce païs ni aucun recit qu'on m'ayt fait.

  A013002848 

 Aussi j'espère que Sa Sainteté aura eu l'inspiration de prendre une mesure qui tourne à la gloire de Dieu et à la paix de la sainte Eglise.

  A013002848 

 Mais la susdite copie sera restée sur la table de monsieur votre Secrétaire, puisque je ne l'ai pas reçue avec votre lettre; par contre, j'ai trouvé la lettre ci-jointe qui, je pense, m'aura été envoyée par erreur, car elle ne vient pas du Cardinal et ne traite en aucune façon de la dispute de Auxiliis.

  A013002864 

 Dimanche matin, elle envoya prendre mon frere le chanoyne; et parce qu'elle l'avoit veu fort triste, et tous les autres freres aussi le soir precedent, elle luy commença a dire: « J'ay resvé toute la nuit que ma fille Jane est morte; dites moy, je vous prie, est il pas vray? » Mon frere, qui attendoit que je fusse arrivé pour le luy dire, car j'estois a la visite, voyant cette belle ouverture de luy presenter le hanap et qu'elle estoit couchee en son lit: « Il est vray, » dit il, « ma mere; » et cela sans plus, car il n'eut pas asses de force pour rien adjouster.

  A013002867 

 J'estois son pere spirituel et me promettois bien d'en faire un jour quelque chose de bon; et ce qui me la rendoit fort chere (mais je dis la verité), c'est qu'elle estoit vostre.

  A013002867 

 Mais neanmoins, ma chere Fille, au milieu de mon cœur de chair, qui a eu tant de ressentimens de cette mort, j'apperçois fort sensiblement une certaine soüefveté, tranquillité et certain doux repos de mon esprit en la Providence divine, qui respand en mon ame un grand contentement en ses desplaysirs.

  A013002868 

 Mais vous, ma chere Fille, que voules vous dire quand vous me dites que vous vous estes bien treuvee en cette occasion telle que vous esties? Dites-moy, je vous prie: nostre esguille marine n'a-elle pas tous-jours esté tendante a sa belle estoille, a son saint astre, a son Dieu? Vostre cœur qu'a-il fait? Aves-vous scandalizé ceux qui vous ont veu sur ce point et en cet evenement? Or cela, ma Fille, dites le moy clairement; car voyes vous, je n'ay pas treuvé bon que vous ayes offert ni vostre vie ni celle de quelqu'un de vos autres enfans en eschange de celle de la defuncte.

  A013002870 

 Je vous voy, ce me semble, ma chere Fille, avec vostre cœur vigoureux, qui ayme et qui veut puissamment.

  A013002871 

 Et bien, si Dieu vous ravissoit tout cela, n'auries vous pas encor asses d'avoir Dieu? N'est ce pas tout, a vostre advis? Quand nous n'aurions que Dieu, ne seroit ce pas beaucoup? Helas, le Filz de Dieu, mon cher Jesus, n'en eut presque pas tant sur la croix, lhors qu'ayant tout quitté et laissé pour l'amour et obeissance de son Pere, il fut comme quitté et laissé de luy; et le torrent des passions emportant sa barque a la desolation, a peyne sentoit il l'esguille, qui non seulement regardoit, mais estoit inseparablement unie a son Pere.

  A013002871 

 Helas, ma Fille, a la verité dire, cette leçon est haute; [331] mais aussi, Dieu, pour qui nous l'apprenons, est le Tres Haut.

  A013002872 

 Je m'espanche, ce me semble, un peu trop; mais quoy? je suis mon cœur, qui ne pense jamais trop dire avec cette si chere Fille..

  A013002873 

 Nous n'envoyerons point a son quarantal; non, ma Fille, il ne faut pas tant de mysteres pour une fille qui n'a jamais tenu aucun rang en ce monde, ce seroit se faire mocquer.

  A013002885 

 J'ay regretté toutes les pertes qui se sont faites en vostre mayson, de laquelle je suis l'un des enfans, au moins en affection.

  A013002886 

 Ne vous violentes point pour parler: en cet amour divin, asses parle qui regarde et se fait voir.

  A013002887 

 Et vous resouvenes qu'il n'est pas question qu'un seul mange tout un festin preparé pour plusieurs: As-tu treuvé du miel, manges en ce qui suffit, dit le Sage.

  A013002887 

 La Methode, la Perfection, la Perle sont des livres fort obscurs et qui cheminent par la cime des montagnes; il ne s'y faut guere amuser.

  A013002901 

 Mais si ell'est de la terre, je le connoistray aysement par le repentir qui la suivra de pres, et lequel, a mon advis, je descouvriray soudainement; et en ce cas, je m'employeray avec affection au dessein que vous agreés, et que, pour cela, j'ay [336] bien avant au cœur, comme je vous supplie de croire fermement..

  A013002907 

 Monsieur, ces grans vœuz sont indissolubles, sinon a la souveraine authorité; qui nous donnera du loysir de mesnager doucement le dessein..

  A013002917 

 Le voyla donq quil part avec ces quatre lignes qui vous diront briefvement que l'aspreté du tems m'a en fin fait sonner a la retraitte et suis des avant hier de retour a la ville..

  A013002917 

 O ma chere Fille, ne voyci pas grand cas! c'est mon Noé qui va a Lion, et neanmoins je n'ay pas loysir de [337] vous escrire, car je ne sçavois pas quil partist avant qu'aller dire la Messe; et au sortir d'icelle, nos messieurs les chanoynes m'ont prié de l'envoyer pour certaines affaires qui regardent encor le service de Dieu.

  A013002918 

 Mais il y a six jours que Jaques revint, qui m'apporta vos lettres, lesquelles m'ont bien fort consolé.

  A013002918 

 O Dieu, non: ni la mort, ni les choses presentes ni les futures, ni les prosperités ni les adversités, ne nous separeront jamais de la charité qui est en Jesuscrist.

  A013002919 

 Et si, il m'a fallu desrober un peu de ce loysir pour confesser nostre M me de Charmoysi, qui m'a consolé beaucoup de la voir tous-jours ferme en la resolution de vivr'a Dieu.

  A013002919 

 Maintenant il faut aller a la Messe de sainte Catherine, qui est solemnelle en nostr'eglise; si que je vous escris entre ma Messe et celle de nostre Chapitre.

  A013002920 

 Vivons a Dieu, ma Fille, vivons pour Dieu, vivons en Dieu qui vit et regne a jamais..

  A013002923 

 Mais dites moy, ma chere Fille, n'est ce pas nostre bon Dieu qui ouvre le chemin au mariage de nos jeunes gens? Cette facilité de messieurs vos plus proches, d'ou peut elle provenir que de la Providence celeste? De deça, ma Fille, je le confesse, mon esprit y est, je ne dis pas porté, mais lié et collé; ma mere ne pense qu'a cela, toute la fraternité y conspire; et tandis que la sayson s'advancera, prions bien Dieu que sa sainte main conduise l'œuvre.

  A013002927 

 A Dieu, ma chere Fille, a ce grand Dieu, dis-je, auquel nous sommes voués et consacrés, et qui m'a rendu pour jamais et sans reserve tout dedié a vostre ame que je cheris comme la mienne, ains que je tiens pour toute mienne en ce Sauveur qui, nous donnant la sienne, nous joint inseparablement en luy..

  A013002945 

 Seulement vous supplie-je bien humblement de croire que vous ne pouvies pas obliger de cet honneur des gens qui le receussent avec plus de ressentiment que nous faysons, mes proches et moy, qui tous en sommes remplis de consolation.

  A013002965 

 Je loüe Dieu de tout mon cœur de la santé de madame ma chere tante, et permettes moy de commencer ma salutation par l'endroit qui m'est maintenant le plus sensible.

  A013002966 

 Tous les vostres de deça se portent bien, et particulierement nostre Religieuse de Sainte Claire qui avance bien fort en la sainte devotion.

  A013002986 

 Mais ce diocese de Geneve en doit ressentir une joye toute particuliere; car le voyla, Monseigneur, doublement asseuré de la protection de Vostre Altesse, par le sang duquel elle est extraitte et par celuy qui teint son sacré chapeau, puisque la couleur de pourpre n'y tient nulle place que pour representer le sang du Sauveur, dans lequel les grans de l'Eglise doivent tous-jours tremper leur zele..

  A013002987 

 Que si Vostre Altesse l'a aggreable, j'adjousteray que je n'ay encor sceu rencontrer en l'histoire un seul des Cardinaux de sa serenissime Maison qui n'ayt eu en sa main cet evesché de Geneve, pas mesme le grand Felix.

  A013003000 

 En verité, vous auries du playsir de voir un si estroit accord parmi des choses qui sont pour l'ordinaire si discordantes: belle mere, belle fille, belle seur, freres et beaux freres.

  A013003009 

 Je vous advoüe qu'une bonne partie de la louange en est deuë a nostre la Thuille; car cette intelligence ne se peut faire sans une tres grande sagesse et pieté en celuy qui a la conduitte principale de tout cela... [348].

  A013003019 

 At ego libentius ac opportunius, qui omnium optime virum de cujus promotione sermo est cognovi; est enim civis meus, Beatissime Pater, ab ineunte ætate litteris in hac ipsa civitate nostra ab optimo patre eruditus, [350] quibus postea alibi tanta studiorum contentione, tanta ingenii felicitate animum addixit, ut doctor theologus creatus, brevi in concionatorem omnino celeberrimum evaserit.

  A013003019 

 Quod ubi Catholici Montispessulanenses rescivere, mira concepta lætitia, ad Regem ex primoribus destinaverunt, qui omnium nomine gratias agerent de tanto Pastore sibi destinato..

  A013003020 

 Hæc porro cum ita sint, Beatissime Pater, facile conjici potest quam fœliciter accidat Ecclesiam illam huic viro committi, qui per omnes ecclesiasticorum munerum gradus exercitatus ascendat supra muros illius, tanquam custos fidelis, qui non tacebit die ac nocte inclamare nomen Domini.

  A013003021 

 Ita ego, qui hactenus ejus Pastor exstiti, pre illius erga hanc Ecclesiam Gebennensem merito, Beatitudinem Vestram, utriusque Patrem optimum maximum, per viscera Christi obtestor, ad humillima pedum oscula... [353].

  A013003028 

 On peut bien lui dire: Votre douleur est grande comme la mer; qui pourra vous consoler? Aussi, selon toute justice, les enfants de la maison de Dieu doivent d'abord féliciter cette Eglise à la veille d'être si bien pourvue, et ensuite l'Eglise Romaine, comme étant leur très bonne mère..

  A013003030 

 Aussi, Très Saint Père, c'est une heureuse fortune pour cette Eglise, on le conçoit aisément, d'être confiée à un homme qui a passé par tous les degrés des fonctions ecclésiastiques.

  A013003031 

 C'est la grâce que je demande à Votre Béatitude pour lui, ayant été jusqu'ici son Evêque, et aussi à cause des obligations que lui a l'Eglise de Genève, et je la demande très humblement, par les entrailles du Christ, à vous qui êtes le Père de l'un et de l'autre, prosterné à vos pieds pour les baiser.

  A013003044 

 Helas, ma Fille, je ne le sçai pas; mais je sçai seulement que, pour le bien exprimer, il faut avoir une langue toute de feu, c'est a dire qu'il faut que ce soit par le seul amour divin, qui, sans autre, exprime Jesus en nostre vie en l'imprimant dans le [354] fond de nostre cœur.

  A013003055 

 O qu'il nous faut desirer cet amour et qu'il nous faut aymer ce desir, puysque la rayson veut que nous desirions a jamais d'aymer ce qui ne peut jamais estre asses aymé, et que nous aymions a desirer ce qui ne peut jamais estre asses desiré.

  A013003056 

 Je suis bien ayse, ma Fille, que vous facies les litz des pauvres malades; et si, je suis bien ayse que vous y ayes de la repugnance, car cette repugnance est un plus grand sujet d'abjection que la puanteur et saleté qui la provoque..

  A013003057 

 Ces deux Dimanches j'ay treuvé nos Communions diminuees de la moytié; cela m'a bien fasché; car encor que ceux qui les faisoyent ne deviennent pas meschans, mais pourquoy cessent-ilz? Pour rien, pour la vanité.

  A013003069 

 Et puis qu'asses demande du pain celuy qui se plaint de la faim, je vous dis, ma Fille: ouy, communiés ce Caresme les mercredis et vendredis et le jour de Nostre Dame, outre les Dimanches..

  A013003069 

 Il y a deux sortes de faim: l'une, qui est causee de la bonne digestion; l'autre, du desreglement de la force attirante de l'estomach.

  A013003070 

 Ainsy, ma Fille, ceux qui font bonne digestion [357] spirituelle ressentent que Jesus Christ, qui est leur viande, s'espanche et communique a toutes les parties de leur ame et de leur cors.

  A013003070 

 Mais qu'entendes vous que l'on face digestion spirituelle de Jesus Christ? Ceux qui font bonne digestion corporelle ressentent un renforcement par tout leur cors, par la distribution generale qui se fait de la viande en toutes leurs parties.

  A013003073 

 Je me feray mieux entendre en vous disant que je crains de rencontrer des secretaires qui, quand on leur dit: Donnés-moy ma botte, bridés ce cheval, faites ce lit, ilz respondent: Je ne suis pas pour cela; car en tout j'employe le premier que je treuve, horsmis les ecclesiastiques.

  A013003079 

 A peu que pour cela je ne retins la lettre de M me de Charmoysi; mais la consolation qui luy en pouvoit revenir m'en empescha..

  A013003080 

 Nous n'avons pas icy qui les face; s'il n'y a pas beaucoup d'incommodité, envoyés m'en un..

  A013003082 

 Les deux pointz que je vous dis en la chappelle de Sales pour la pureté du cœur sont d'eviter le peché et de [360] ne point y laisser entrer aucune affection formee qui ne tende a l'honneur et amour de Dieu.

  A013003087 

 Considerés cette volonté en vostre particuliere personne, en tout ce qui vous arrive de bien et de mal et qui vous peut arriver, hors le peché; puys, appreuvés, loués et aymés tout cela, protestant de vouloir a jamais honnorer, cherir, adorer cette souveraine volonté, exposant a sa merci et luy donnant vostre personne et celle de tous les vostres, et j'en suis.

  A013003089 

 La contagion qui estoit a Cruselles ne s'est point espanchee.

  A013003090 

 Demain je l'iray voir, car en voyla un bon sujet, mesme son mari estant allé en Piemont; qui luy donne encor un peu d'ennuy.

  A013003090 

 Elle tesmoigne de vous cherir passionement, comme m'a dit mon frere qui la voit fort souvent.

  A013003090 

 Il me semble que la devotion s'accroist un peu et que Nostre Seigneur dispose la place a l'exercice d'une petite troupe de chetifves femmelettes qui se retireront, Dieu aydant, un jour en ces quartiers.

  A013003090 

 J'excepte nostre chere M me de Charmoysi, qui est au lit d'un catherre qui luy est tombé sur les yeux.

  A013003105 

 J'ay escrit un mot a mon frere, qui vous regarde, [363] ne pensant pas vous escrire.

  A013003117 

 Je vous ay escrit il n'y a justement que six heures, [364] par l'homme qui rameyne le cheval sur lequel Thibaut est venu.

  A013003120 

 Mais sçaves vous, tout cela va par ordre et n'y a rien a craindre, sinon parce que tout se tient a moy qui suis un grand miserable.

  A013003131 

 Hier seulement je vous escrivis, ma chere Fille, par la voye de Lyon; et maintenant, vovci arriver l'homme de M. de Sainte Claire, qui m'apporte vostre lettre du 24 fevrier, a laquelle je vay briefvement respondre; et, si je puis, je respondray encor a quelqu'une des autres..

  A013003132 

 Je fay cela, il est vray, mais c'est par vive force: autrement, je dors fort bien ce qui m'est necessaire, et je veux que vous en facies de mesme.

  A013003133 

 Tout cela ne m'estonne nullement, car vous aves un esprit si douillet et jaloux de ce que vous aves en resolution, que tout ce qui le touche a biais contraire vous est si sensible [367] que rien plus; et je vous ay dit mille fois qu'il ne faut pas, ma chere Fille, aller si pointilleusement en nostre besoigne..

  A013003134 

 Helas, ma Fille, vous diray je ce qui m'est advenu ces jours passés? Jamais de ma vie je n'avois eu un seul ressentiment de tentation contraire a ma profession; l'autre jour, sans y penser, il m'en tomba une dans l'esprit.

  A013003134 

 Je le voyois, ce me sembloit, la bas, bien bas, au fin fond de la partie inferieure de l'ame, qui s'enfloit comme un crapaud.

  A013003134 

 Non point de desirer que je ne fusse pas d'Eglise, car cela eust esté trop grossier; mais parce qu'un peu auparavant, parlant avec des personnes de confiance (et vrayement je pense que ce fut nostre Groysi), je dis que si j'estois encor en l'indifference et que je fusse heritier d'un duché, je choisirois neanmoins l'estat ecclesiastique, tant je l'aymois, il m'arriva un desbat en l'ame, que si, que non, qui dura quelque tems.

  A013003138 

 Dites luy les considerations qui font differer la sortie, et puis celles que j'ay fait pour le genre de vie apres la sortie (mais, outre tout cela, ce sera sans doute [369] la plus grande gloire de Dieu, pour des raysons que je ne puis dire), et vous verres qu'il dira que nos resolutions sont resolutions faites de la main de Dieu.

  A013003166 

 J'ay perdu des pacquetz en chemin qui vous auront fait estre quelque tems sans avoir de mes lettres, mesme celles par lesquelles je respondois a ce que M. de Sauzea m'avoit dit de vostre [371] part; dont j'ay esté bien fasché, car je vous escrivois avec grande confiance..

  A013003183 

 C'est en fin par monsieur Favre que je vous escris, ma chere Fille, et tous-jours neanmoins sans loysir, car il m'a faillu escrire beaucoup de lettres, et tous-jours vous estes la derniere a qui j'escris, ne craignant point pour cela de m'en oublier.

  A013003183 

 Je me repentis l'autre jour de vous avoir tant escrit de choses sur cette petite brouillerie d'esprit qui vous estoyt arrivee; car, puisque ce n'estoit rien en vraye verité, et que l'ayant communiqué au P. Gentil tout cela s'estoit esvanoüy, je n'avois que faire sinon de dire: Deo gratias.

  A013003184 

 Car, si apres tant de tems, apres [373] tant de demandes a Dieu on ne se resoult pas sans difficulté, comme penserons, sur des considerations faites sans appareil (pour celles qui viennent a gauche) et faites par des simples odeurs et goustz (quant a celles qui viennent a dextre), comme penserons nous, dis-je, bien rencontrer? Or sus, laissons cela, n'en parlons plus..

  A013003186 

 C'est comme j'en ay veu plusieurs qui, s'estant mis en cholere, sont par apres en cholere de s'estre mis en cholere; et [374] semble tout cela aux cercles qui se font en l'eau quand on y a jetté une pierre, car il se fait un cercle petit, et cestuy la en fait un plus grand, et cet autre un autre..

  A013003186 

 Helas, ma chere Fille, c'est aussi un entortillement que celuy duquel vous m'escri vies par monsieur de Sauzea, ce tintamarre ... qui vous fait peur de ...ement de ....

  A013003186 

 Mon Dieu, ma Fille, ne sçauries vous vous prosterner devant Dieu quand cela vous arrive, et luy dire tout simplement: Ouy, Seigneur, si vous le voules je le veux, et si vous ne le voules pas je ne le veux pas; et puis passer a faire un peu d'exercice et d'action qui vous serve de divertissement.

  A013003187 

 Imagines vous (je veux dire penses) que vous estes un petit saint Jan qui doit dormir et se reposer sur la poitrine de Nostre Seigneur, entre les bras de sa providence.

  A013003187 

 Voyes vous (voyci un autr'espanchement d'esprit, mais il ni a remede), ceux qui ne peuvent pas soufrir la demangeayson d'un ciron, en la pensant faire passer, a force de se gratter ilz s'escorchent les mains.

  A013003190 

 Nostre chanoyne est tout empressé, le pauvre garçon; car il est parmi une trouppe de personnes qui le tirent de tous coustés pour se servir de luy pour leurs ames.

  A013003191 

 Thibaut me dit que vous aves vostre petit Baron qui fait merveilles, mais il me dit du bien de nostre Aymee avec un goust particulier; et de nostre Charlotte, il dit qu'ell'est toute malade, et Françon, toute jolie et grosse fille: j'ayme bien tout cela.

  A013003208 

 Il a fallu que je vous envoyasse cet Exercice; en quoy je voy bien que plusieurs choses sont si particulieres [377] a l'ame que je traittois qu'elles ne peuvent estre appliquees ailleurs; mais vous, qui la connoisses, ne laisseres pas de vous y recreer.

  A013003212 

 Je salue humblement monsieur vostre oncle et monsieur Robert qui vous gouverne vostre Baron; or sus, et dame Anne et dame Jane..

  A013003212 

 Vous connoistres la lettre de Thibaut, a qui neanmoins je n'ay encor sceu parler, car je suis bien affairé.

  A013003227 

 Or, c'est a vous, mon Pere, a qui je confie ce petit message d'amitié, parce que vous m'aves donné une plus particuliere confiance en la vostre, et que je suis,.

  A013003260 

 Mon Dieu, que le royaume interieur est heureux quand ce saint amour y regne! Que bienheureuses sont les puissances de nostre ame qui obeissent a un roy si saint et si sage! Non, ma chere Cousine, sous son obeissance et dans cet estat, il ne permet point que les grans pechés habitent, ni mesme aucune affection aux plus moindres.

  A013003260 

 [383] Il est vray qu'il les laisse bien aborder les frontieres affin d'exercer les vertus interieures a la guerre et les rendre vaillantes, et permet que les espions, qui sont les pechés venielz et les imperfections, courent ça et la parmi son royaume; mais ce n'est que pour nous faire connoistre que sans luy nous serions en proye a tous nos ennemis..

  A013003274 

 Aussi sçai-je que vous estes en un lieu et en une compaignie ou rien ne vous peut manquer pour ce sujet; mais la charité qui se plaist a la communication fait que vous me demandés la mienne en me donnant la vostre.

  A013003274 

 Je receus il y a quelque tems une de vos lettres, que je cheris fort parce qu'elle porte tesmoignage de la confiance que vous aves en mon affection, qui aussi vous est entierement acquise, vous n'en deves nullement douter.

  A013003275 

 L'inquietude que vous aves a l'orayson et laquelle est conjointe avec un grand empressement pour treuver quelque objet qui puisse arrester et contenter vostre esprit, suffit elle seule pour vous empescher de treuver ce que vous cherchés.

  A013003277 

 Et pour vous ayder a cela, resouvenes-vous que les graces et biens de l'orayson ne sont pas des eaux de la terre, mais du Ciel, et que partant, tous nos effortz ne les peuvent acquerir, bien que la verité est qu'il faut s'y disposer avec un soin qui soit grand, mais humble et tranquille.

  A013003278 

 Combien de courtisans y a-il qui vont cent fois en la presence du Roy, non pour luy parler ni pour l'ouyr, mais simplement affin d'estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses serviteurs? Et cette fin de se presenter devant Dieu, seulement pour tesmoigner et protester de nostre volonté et reconnoissance a son service, elle est tres excellente, tres sainte et tres pure, et par consequent de tres grande perfection..

  A013003279 

 La seconde cause pour laquelle on se presente devant Dieu, c'est pour parler avec luy et l'ouyr parler a nous par ses inspirations et mouvemens interieurs; et ordinairement cela se fait avec un playsir tres delicieux, parce [386] que ce nous est un grand bien de parler a un si grand Seigneur, et quand il respond, il respand mille bausmes et onguens pretieux, qui donnent une grande suavité a l'ame..

  A013003294 

 Ayes aggreable, Messieurs, je vous supplie, que je vous expose sur ce papier les raysons qui m'ont tiré hors de vostre ville, ma chere patrie.

  A013003295 

 Non, a la vérité, elle n'en a point, ni d'estre, ni de subsistence, sinon en leur langue qui la fait naistre de leur impudence..

  A013003296 

 C'est bien parlé, car ilz m'ont fort souvent veu les larmes aux yeux et les plaintes a la bouche sur le malheur de leurs ames qui fuyent si esperduement leur salut et se precipitent a la perdition.

  A013003296 

 Les autres me font un esprit melancolique et triste, qui ne peut se contenter que par le changement d'air et d'objet.

  A013003297 

 Mais le froid si rigoureux, les glaces si fascheuses de l'hiver de la religion qui domine maintenant dans vos murailles, m'a fait passer en une region plus douce et salutaire, en attendant qu'apres les aspretés de cette sayson si tenebreuse, le Soleil de justice, ramenant sa lumiere sur vostre orison, y face renaistre la prime et premiere amænité de la sainte pieté et devotion....

  A013003309 

 Pardonnes moy, Madame ma tres chere Fille, cette liberté avec laquelle je vous incommode de cette fille, qui ne pourra jamais, non plus que moy, correspondre a l'obligation qu'elle vous a. Nostre Seigneur vous en veuille recompenser, et je suis,.

  A013003322 

 Mais aux vefves appartient sur tout l'humilité; car, qui peut enfler la vefve d'orgueil? Elle n'a plus son integrité (laquelle neanmoins peut estre contreschangee par une grande humilité viduale; et est bien mieux d'estre vefve avec force huile en sa lampe que d'estre vierge sans huile ou avec peu d'huile), ni ce qui donne le plus haut prix a ce sexe selon l'estime du monde; elle n'a plus son mari, qui estoit son honneur et duquel ell'a pris le nom.

  A013003323 

 Et pourquoy desireroit elle les yeux de ceux de qui elle ne desire pas le cœur? L'Apostre commande a son cher disciple quil honnore les [392 b ] vefves qui sont vrayement vefves.

  A013003323 

 Et qui sont les vefves vrayement vefves, sinon celles qui le sont de cœur et d'esprit, c'est a dire qui n'ont leur cœur marié avec aucune creature? Nostre Seigneur ne dit pas aujourdhuy: Bienheureux ceux qui sont netz de cors, mais de cœur, et ne loüe pas les pauvres, mais les pauvres d'esprit.

  A013003323 

 Qu'est ce a dire vefve, sinon destituee et privee, c'est a dire miserable, pauvre, chetifve? Celles, donques, qui sont pauvres, miserables et chetifves en leur esprit et en leur cœur sont louables; et tout cela veut dire celles qui sont humbles, desquelles Nostre Seigneur est le protecteur..

  A013003324 

 Entre les gueux, ceux qui sont plus miserables et desquelz les playes sont plus grandes et effroyables, ilz se tiennent pour meilleurs gueux et plus propres a tirer l'aumosne.

  A013003325 

 Les hommes regardent ce qui est dehors, mais Dieu regarde le cœur.

  A013003325 

 Soyés douce et affable avec un chascun, hors-mis a ceux qui voudront vous oster vostre gloire, qui est vostre misere, vostre viduité parfaitte.

  A013003325 

 Voyes vous, il aymeroit mieux mourir que de perdre ses infirmités, qui sont sa gloire.

  A013003326 

 Soyés bien ayse que le monde ne tienne conte de vous: s'il vous estime, mocqués vous en joyeusement, et riés de son jugement et de vostre misere qui le reçoit; s'il ne vous estime pas, consoles vous joyeusement dequoy, au moins en cela, le monde suit la vérité..

  A013003375 

 Les grandes et rares qualitéz que la bonté et liberalité de Dieu vous a desparties, qui forcent les estrangiers mesmes de les recognoistre et d'en rechercher la jouissance, nous obligent encoures d'en faire l'estat que nous devons et de nous en prevalloir, tant pour nostre particulier que pour le general de ceste province, et principalement de cette ville, laquelle, comme estant le chef de l'Estat, semble avoir quelque droict de rechercher avec nous cet honneur de vous avoir pour predicateur a ce Caresme prochain, si la disposition de voz affaires vous en donnent aultant de commodité comme nous en avons tous de volonté et de desir..

  A013003393 

 Que je suis contant et consolé quant je reçois de voz nouvelles! Elles me ravissent; et qui n'en seroit touché, y reconnoissant une affection sans mesure envers moy, qui n'en suis digne que par vostre pure bonté et courtoisie? Les grandes obligations doivent estre plustot ensevelies dans le silence que non assez dignement remercieez.

  A013003394 

 [396] Ces quatre personnes signalees qu'avez faict rentrer en vostre troupeau, seront autant de trompettes qui en rappelleront d'autres et feront reconnoistre aux aveugles la lumiere de la verité chrestienne.

  A013003395 

 En cette occasion et toute autre qui regarderont vostre service, vous mi treuverez porté avec toute sorte de passion..

  A013003395 

 Pour ce que vous desirez, que ce qui est de vostre diocese estant soubs l'obeissance du Roy soit uni au corps du clergé de ce royaume, je le treuve fort juste et mi empleiray de tout mon credit; mais je croy quil seroit a propos que vous m'en envoyassiez une requeste addressante auxdit (sic) sieurs du clergé.

  A013003412 

 Et le dessein que je vous avois proposé se treuve trop long et trop ennuyeux; car aussy bien fay je conscience de pipper tant de gens qui me prendront pour quelque grand theologien, et me doit bien suffire que j'en trompe des-ja tant d'autres qui me tiennent pour plus grand jurisconsulte que je ne suis.

  A013003414 

 Comme j'estois en cest endroit, monsieur Rogex m'est venu advertir de la venue de Monsieur et quil est sur le poinct de partir pour [398] passer outre; qui sera la cause que je ne vous feray ceste plus longue, sinon pour vous dire que l'on n'a poinct de nouvelles de la santé de Son Altesse despuis mercredy dernier, qu'on fut adverty que son acces dernier avoit esté moindre que les autres..

  A013003428 

 Je remercie tres humblement et de tout mon cœur la divine Bonté qui m'ha fait grace de recevoir de voz nouvelles, et de ce que [399] la main d'iceluy, qui est Episcopus animarum nostrarum, opere par vostre moyen.

  A013003430 

 Et comme tout cecy est derivé et plus abondamment, j'espere, derivera d'iceluy qui deit: Cum exaltatus fuero à terra, omnia trabam ad me ipsum, aussi nous preuvrons tous-jours que ceste beniste conformité de noz volontez à la divine, bourgeonne et rend le centiesme à quiconque se sacrifie entierement en holocauste à Dieu.

  A013003431 

 De voz euvres, qui sont issues contre ceux qui avoient escrit au deshonneur de la Croix, j'eusse desiré participer, tant pour soulagement de mon esprit et pour en tirer proffit, que pour en faire mention en mon Apparatus sacer; mais, possible, par quelque occasion, si Dieu plait, j'en participeray, et lors, en la seconde edition du dict Apparatus, j'en feray mention, puis que la premiere est parachevee.

  A013003431 

 Que si le seigneur Gaillon aurà moyen de vous apporter quelcune de mes petites ou grandes pieces qui, possible, ne vous sont pas parvenues es mains, vous plairrà, Monseigneur, les accepter et prendre en gré, comme provenantes d'iceluy qui vous ayme par dessus tous ces (sic) enfans spirituels, et vous revere et honnore à l'egal de quelconque autre Prelat..

  A013003432 

 Et pour ce que la responce fut en italien, imprimee en Avignon, il y eut un docte homme qui la traduit en françois, mais l'on ne l'imprima pas, car autres affaires et voyages me surprindrent.

  A013003432 

 Je le vous envoye donq, comme tribut deu à celuy qui ha la charge dans Geneve, car ainsi je cuyde, et je sçay que vous l'avez de Dieu pour la convertir.

  A013003432 

 Pendant que j'estois à Lyon preschant contre les calvinistes, jadis 44 annees, j'escrivis un petit livre et une lettre à un de Geneve qui estoit italien.

  A013003432 

 Vous en fairez, apres l'avoir leu, ce que vous en jugerez mieux pour le salut des ames, soit que l'on le traduise en françois, soit que ce qui est traduit desja en françois touchant la dicte responce se mette en lumiere, ou à part, ou l'adjoustant au reste, car je vous envoye le tout..

  A013003433 

 Si vous envoye je un autre petit mien livre tiré de la Biblioteque Choisie, mais abbregé, le quel ha esté imprimé icy et reimprimé à Paris, vous priant, Monseigneur, de le lire; car, possible, vous jugerez qu'il puisse proffitter à vostre troppeau et, par une nouvelle maniere, clorre la bouche aux heretiques et rembarrer ceux qui mesdisent de nostre Compagnie et des autres Ordres religieux..

  A013003450 

 Le Conseil de la Religion nous a faict voir la lettre que luy avez escrit, comme aussy celle du Berghera, en conformité de la nostre, touchant la provision des benefices qui restent a pourvoir riere les baillages de Chablais, Gaillard et Ternier que Nous desirons et affectionons tout ce qui se peut.

  A013003450 

 Mais comme c'est chose sur laquelle il a fallu faire plusieurs cessions et qui depend de l'advis et participation de beaucoup de personnes, cella en a retardé la resolution, que neantmoins nous envoyerons bien tost.

  A013003468 

 Son pere la laissa en enfance sous la charge de sa mere qui l'instruisit soigneusement et syncerement en toute sorte de pieté; c'est pourquoy en sa jeunesse elle conçeut le desir d'estre Religieuse, mais ses parens et alliez n'y voulurent point bailler leur consentement; et certes, la nature ne luy avoit pas baillé la force pour supporter les rigueurs de la Religion..

  A013003469 

 Ayant donc attaint l'aage de vingt ans, elle fust mariée à Pierre du Mugnai, d'Arenton, qui avoit levé boutique à La Roche de toute sorte de mercerie, mais principalement de drapperie; avec lequel elle a tousjours vescu tres-sainctement.

  A013003473 

 En fin, il faudroit que j'employasse bien du temps si je voulois raconter les actions de saincteté que ceste bonne femme a faictes devant les hommes; car des autres œuvres de pieté qu'elle a faictes devant Dieu tant seulement, il n'y a personne qui les puisse raconter.

  A013003476 

 Et apres disner, son mary devant aller à La Roche pour des affaires, elle luy monstra tout ce qu'elle avoit preparé et disposé, luy persuada de dotter la chappelle d'Amancy selon qu'il vous promist, Monseigneur, et de faire faire des habits d'eglise, disant qu'il falloit assembler des thresors au Ciel, et n'avoir plus de goust aux choses qui sont sur la terre, mais à celles qui sont au dessus de nous.

  A013003477 

 Elle fust encore visitée par sa sœur Nicole, qui vouloit demeurer aupres d'elle; mais elle luy dit: « Ma sœur, allez vous-en; vous avez des affaires à La Roche et [405] estes plus malade que moy; nous nous verrons bien-tost en Paradis, avec l'aide de Dieu.

  A013003478 

 Le sire François, chyrurgien, arriva aussi tost, qui luy appliqua des ventouses, pendant lesquelles elle perdit la parolle et jetta à force larmes.

  A013003505 

 Reddidit mihi litteras Reverendissimæ Dominationis Tuæ frater tuus qui statum Ecclesiæ tuæ pienissime exposuit.

  A013003506 

 Quod ut facilius assequamur, assiduis id ab eo precibus petamus, qui novit bona cuncta cultoribus suis largiri..

  A013003539 

 Vos vertus et vos mérites m'obligeoient assez à vous honorer et à vous consacrer mes très-humbles services, mais l'affection qu'il vous plaît porter à toute notre petite famille et l'estime que vous faites de ma fille de Chantal m'accable d'obligations; de sorte que, ne pouvant assez m'acquiter, je serai contraint de faire cession non seulement de ce peu de bien que Dieu m'a donné, mais aussi de moi-même, qui suis et veux demeurer à jamais vostre très-humble serviteur..

  A013003541 

 Le chef donne cette vigueur aux membres, en les animant des saintes inspirations qui découlent d'un esprit tout divin, tel qu'est le vôtre.

  A013003541 

 Monsieur de Bourges n'est pas comme cela; cependant je puis dire que de tous les Prélats qui sont en deça, il est le mieux avec ses confreres..

  A013003543 

 Je salue humblement tout ce qui vous appartient..

  A013003562 

 J'en ay quelque desir, qui deviendra meilleur par la continuation que j'ose me promettre de vostre sainct et charitable secours..

  A013003562 

 Quant a moy, je ne sçay autre motif de vostre charité ardente, sy ce n'est que vous ayez jugé expedient que je demeurasse encor en cette terre des mourants pour faire penitence de mes offenses et me faciliter le chemin qui conduit a la terre des vivants.

  A013003563 

 Et pour vous rendre comte en peu de mots de mon mal, la verité est que j'ay experimenté au plus fort de la maladie, qu'il y a difference [412] entre la meditation qui se fait de la mort en santé et celle qu'engendre la vraie apprehension d'une maladie jugee mortelle.

  A013003564 

 Et s'il est vray qu'au besoin on fait preuve asseuree de l'amitié, je puis dire qu'a cette occasion je suis grandement obligé a la ville de Chambery, mais en premiere instance a vous, Monseigneur, qui, de grace speciale, m'avez offert ce que la raison ne me permettoit esperer ou desirer: vostre presence et vous mesme.


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres.html
  A014000018 

 — Humilité et désintéressement de François de Sales; c'est la volonté du Pape qui lui manifestera la volonté de Dieu. 21.

  A014000023 

 — Eloge de la sainte chasteté: vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes et les corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la troupe des cœurs vierges.

  A014000028 

 — Les afflictions qui aident à bien servir Dieu.

  A014000029 

 Le Saint demande au Saint-Siège le renouvellement de plusieurs permissions qui doivent faciliter son ministère et celui de ses prêtres. 33.

  A014000030 

 — Le Saint aimé de «beaucoup de bons veillars.» — Pensées qui lui sont venues quand il faisait oraison.

  A014000034 

 — Le Saint se réjouit d'apprendre le bien qui se fait à Paris par son entremise et celle de ses amis. 39.

  A014000037 

 — L'humeur mélancolique: circonstances qui la favorisent; nécessité et moyens de la combattre.

  A014000038 

 — Notre-Seigneur aime ceux qui souffrent. 44.

  A014000050 

 — Conseil du Saint à «ceux qui se meslent des ames» et aux personnes de piété.

  A014000051 

 Témoignages d'affection pour les PP. Jésuites de Chambéry et de sympathique dévouement à une pieuse chrétienne qui soupirait après le cloître. 55.

  A014000065 

 — Le Saint déplore les dangers que court une âme infidèle à ses engagements sacrés et bénit Dieu qui l'a gardé de l'erreur dès son jeune âge.

  A014000073 

 — Obligation d'une âme qui est toute à Dieu.

  A014000075 

 A qui faut-il laisser les extases et la contemplation de l'Essence divine.

  A014000083 

 — Ce qui conserve «nos tares.» — Désirs illusoires de changement; c'est nous-même qu'il faut changer. 82.

  A014000083 

 — La miséricorde de Dieu surpasse la misère de ceux qui «en luy ont logé leurs esperances.» — Le meilleur remède contre l'appréhension de la mort.

  A014000083 

 — Ne pas examiner ce qui est fait, mais penser à ce qui est à faire.

  A014000084 

 — Les «petites tricheries quotidiennes.» — La confiance filiale des petits enfants proposée aux âmes qui aspirent à l'extrême perfection.

  A014000095 

 Le monde «n'est qu'un vray trompeur.» — Considérations proposées à une personne qui songeait à se marier.

  A014000113 

 Remerciements du Saint à son «arch'intime» qui voulait le faire venir à Paris.

  A014000113 

 — Les obédiences qui entravent sa liberté.

  A014000117 

 Prière au destinataire de s'entremettre auprès des sujets de sa Maison qui refusaient de payer les prémices à leur curé. 122.

  A014000120 

 DXLIX. Au Roi de France, Henri IV. Remerciements adressés à Henri IV à propos du rétablissement du culte catholique dans deux paroisses de Gex; «bien infini» qui en résultera.

  A014000122 

 — Pourquoi la patience est nécessaire à ceux qui veulent servir les âmes.

  A014000122 

 — Une Religieuse qui avait besoin de changer d'air.

  A014000130 

 — Un grand nombre de genevois ébranlés; obstacles qui s'opposent à leur retour.

  A014000131 

 — Les grands désirs qui remplissent le cœur d'un Saint.

  A014000133 

 — Sentiments qui doivent animer un cœur grandement épris de Jésus-Christ crucifié.

  A014000133 

 — Une pauvreté qui n'en est pas une.

  A014000134 

 — Le temps de Dieu; récompense promise à ceux qui en usent bien.

  A014000142 

 — Les mères chrétiennes et Notre-Seigneur, qui se comporte au rebours des autres enfants. 148.

  A014000148 

 — Ce qui «contenta fort» le Saint.

  A014000161 

 — Un «pauvre chetif pere» et la seule chose qui pouvait le contrister.

  A014000171 

 A un Jésuite qui s'intéressait à l'œuvre du Saint, celui-ci raconte les circonstances qui ont donné jour aux commencements de la Visitation.

  A014000176 

 Remerciements et actions de grâces de la Savoie et de son Evêque pour la promotion d'Antoine Favre «a l'estat de premier President.» — Ce qui donne le plus de douceur à la vie humaine.

  A014000176 

 — Responsabilité et devoir des princes dans le choix de ceux qui l'exercent en leur nom. 182.

  A014000177 

 Affaire d'argent qui sépare deux frères; intervention du Saint pour les accommoder. 183.

  A014000182 

 — Une Congrégation qui ne veut être «ni mendiante ni playdante.» — Sommaire des Règles.

  A014000186 

 Ce qui est pire que la mort pour une âme de Saint.

  A014000198 

 — En quels cas le monde juge sévèrement les âmes qui l'ont quitté pour le cloître; celles-ci perdent toujours quelque chose aux sorties.

  A014000208 

 Les désirs d'un Saint à propos de la manducation quotienne du «Pain vivant et suressentiel.» — Les vertus dont il embaume les âmes qui le reçoivent. 213.

  A014000209 

 Conseils à un jeune homme qui allait à la cour de France; à quelles âmes cette fréquentation est-elle moins dangereuse.

  A014000210 

 Pourquoi ne pas se tourmenter des fâcheuses pensées qui sont autour, du cœur.

  A014000219 

 Ce qui rend notre durée périssable, et partant plus aimable.

  A014000219 

 — L'espérance de l'éternité, et les motifs philosophiques qui la légitiment.

  A014000219 

 — L'échelle qui nous conduit aux années éternelles.

  A014000244 

 [1] Veuille ce mesme Dieu me bien inspirer ce qui sera plus propre pour vostre conduitte..

  A014000247 

 Quand vous aures le repos, employés-le vivement, faysant le plus d'actes de douceur que vous pourres et es occasions les plus frequentes que vous en ayes, pour petites qu'elles soyent; car, comme dit Nostre Seigneur, qui est fidele es petites choses, on luy confiera les grandes.

  A014000259 

 Je sçai que vous aves eu des lettres de monsieur mon cousin vostre mari, mais je ne puis me contenir de vous dire que monsieur de la Fleschere, qui fut hier icy, m'asseure que jamais il ne se porta mieux, ni monsieur de Charmoysi.

  A014000286 

 Si que Vostre Majesté commandant qu'on les laysse, elle leur fera un'excellente aumosne, car elle leur donnera le repos, seule condition qui peut rendre leur disette aucunement supportable, du milieu delaquelle [je prie] Dieu quil prospere Vostre Majeste..............................................................................................qui est....................................

  A014000294 

 J'ay une extremement bonne esperance pour vous, parce que j'ay veu, ce me semble, en vostre cœur une profonde resolution de vouloir servir sa divine Majesté, qui me fait asseurer que vous userés de fidelité es exercices de la sainte devotion.

  A014000294 

 Que si bien il y entrevient beaucoup de manquemens par infirmité, il ne faut nullement s'estonner; mais, en detestant d'un costé l'offence que Dieu en reçoit, il faut de l'autre avoir une certaine humilité joyeuse qui ayt a playsir de voir et connoistre nostre misere..

  A014000295 

 La preparation de toute la journee, qui se fait briefvement le matin; l'orayson mentale avant disner, selon vostre loysir, pour une heure ou environ; le soir, avant souper, une petite retraitte, en laquelle, comme [7] en maniere de repetition, vous facies une douzaine de vives aspirations en Dieu selon la meditation du matin, ou sur quelque autre sujet..

  A014000297 

 Ne vous amuses pas a combattre les menuës tentations qui vous arrivent, par des contestes ou disputes avec elles, mais par des simples retours de vostre cœur a Jesus Christ crucifié, comme si vous allies bayser son costé ou ses pieds par amour..

  A014000299 

 Je me dedie de grand courage au service de vostre ame, qui me sera dores-en-avant chere comme la mienne propre.

  A014000309 

 J'ay receu vostre lettre du 21 avril qui me fait admirer la bonté du Roy, qui non seulement me fait lhonneur de se resouvenir de moy, mais encor de me vouloir du bien et m'estimer digne de luy rendre du contentement au service de l'Eglise en son royaume.

  A014000311 

 C'est pourquoy, ou que je sois appellé pour le service de la gloire divine, je ne contrediray nullement d'y aller; mais sur tout en France, a l'air de laquelle ayant esté nourri et instruit, je ne puis dissimuler que je n'aye une speciale inclination, et encor plus, la voyant sous un Roy que je doys honnorer et estimer si hautement et qui m'oblige si extremement comm'il fait.

  A014000311 

 Et je sçai bien qu'il ny a nulle si mauvayse piece au monde qui ne soit utile a quelque chose; mais il faut [9] luy treuver son usage et son lieu.

  A014000311 

 Il est vray que je suis en mon pais et entre les miens, avec une certaine suffisance qui me suffit et, ce qui m'est le plus cher, avec un repos aussi grand que ma charge le peut permettre et qui meshuy me semble asses ferme.

  A014000313 

 C'est trop dit, ce me semble, a vous, Monsieur, qui m'aymes tant et me connoisses tant, et qui sçaves entr'autres choses que je suis de tout mon cœur, Monsieur,.

  A014000329 

 Je n'ay pas creu, sur une proposition si generale comm'est celle que Sa Majesté me fait faire, de me devoir resoudre; car il se pourroit bien faire que venant a joindre et a voir le lieu ou l'occasion en laquelle on me voudroit tirer, que je me treuverois tout a fait insuffisant au service que l'on praetendroit de moy, ou quil ne seroit pas expedient que je me misse au change, dautant que les changements, a mon advis, sont tous-jours dignes de consideration pour ceux qui ne sont pas mal.

  A014000329 

 Si le sujet n'en est grand et digne, on est blasmé de legereté, et l'attirail en est tous-jours de grands frais; car il faut un peu tout dire avec vous qui aves mon cœur en main..

  A014000330 

 C'est cela qui me rend tout ceci difficile, car, pour parler en conscience, je ne merite pas l'employte de tant de misteres.

  A014000349 

 L'autre jour en l'orayson, considerant le costé ouvert de Nostre Seigneur et voyant son cœur, il m'estoit advis que nos cœurs estoyent tout alentour de luy, qui luy faisoyent hommage comme au souverain Roy des cœurs.

  A014000351 

 Mais, avec tout cela, ceci ne sera que nostre alliance exterieure, car Celuy a l'œil duquel le fond de mon cœur est ouvert, sçait bien que le lien interieur duquel il joint mon esprit au vostre est totalement independant de tous ces accidens, qui ne peuvent ni adjouster ni diminuer a cette intime et tres pure affection et union que Dieu a fait en nous..

  A014000358 

 Je voy ce que vous me dites de ces bonnes ames, [14] compagnes de vos desirs; de vos desirs, dis je, qui se fortifient et se rendent actifs dedans vostre cœur.

  A014000359 

 Et ne vous troubles point, ma Fille, je vous prie, de ce que je vous escrivis l'autre jour touchant la proposition qui se fait de me tirer moy mesme de ma terre et de mon parentage; car rien ne se fera que de par Dieu, et de quel costé que j'aille sous sa conduite, tout ira fort bien et pour vous et pour moy.

  A014000369 

 Je verray dans peu de jours mes cousines a Sainte Catherine, ou je leur offriray tout ce qui est en mon [16] pouvoir; mais elles ont un si bon pere et une si bonne mere, que le reste des parens n'ont nul sujet de les servir.

  A014000387 

 Ne seres-vous pas bien heureuse de commencer en ce monde la vie que [18] vous continueres eternellement en l'autre? Benisses donq Dieu qui vous a donné cette sainte inspiration..

  A014000388 

 Considerés combien cette vertu est noble, qui tient nos ames blanches comme le lys, pures comme le soleil; qui rend nos cors consacrés et nous donne la commodité d'estre tout entierement a sa divine Majesté, cœur, cors, esprit et sentimens.

  A014000393 

 Mais parles-en a vostre confesseur; car s'il vous ordonnoit de ne le faire pas, il le faudroit croire, puisque, voyant l'estat present de vostre ame, il pourra mieux juger ce qui est expedient que moy..

  A014000395 

 Au demeurant, je recommanderay le tout a Dieu, lequel sçait que je vous cheris fort affectionnement en luy; et le mesme jour de Pentecoste, je luy offriray vostre cœur et ce qui en sortira pour sa gloire.

  A014000405 

 C'est un martyre continuel que celuy de la multiplicité des affaires; car, comme les mouches font plus de peyne et d'ennuy a ceux qui voyagent en esté que ne fait le voyage mesme, ainsy la diversité et la multitude des affaires fait plus de peyne que leur pesanteur mesme..

  A014000407 

 Ne vous confiés pas de pouvoir reuscir en vos affaires par vostre industrie, ains seulement par l'assistance de Dieu; et partant, reposés vous en son soin, croyant qu'il fera ce qui sera le mieux pour vous, pourveu que, de vostre costé, [21] vous usies d'une douce diligence.

  A014000420 

 J'escrivis il y a quinze jours a nostre grand amy, et luy addressay une lettre pour Sa Majesté, que je remerciois, suivant le conseil que vous me donnes avant que je l'eusse receu; tant mon affection, qui est vostre, a de pouvoir de tirer mon esprit a quelque conformité du vostre, duquel, en toutes parties, il est au demeurant inferieur..

  A014000421 

 Je m'esjouis d'une joye toute particuliere sur l'advancement de ce digne amy, duquel le merite se fera tous-jours plus paroistre en montant, comme fait le soleil; [23] et ce grand Roy, qui le tire apres sa prouvoyance, le portera sans doute bien plus haut..

  A014000422 

 Pour Ihonneur que Sa Majesté me fait, je l'admire d'autant plus que je ne vois rien en moy qui n'en soit extremement indigne, et ne doute point que vostre bienveuillance en mon endroit et celle de nostre amy ne soyent le seul vent qui enfle la voyle de ma barque pour la porter en cette haute mer, en laquelle, si Dieu me fait passer, ce ne sera pas sans un grand danger, puisqu'elle n'est pas pour les eaux salees de l'Ocean, mais pour nos petitz lacs d'eau douce..

  A014000434 

 Et ne doutant point que messieurs vos Religieux n'affectionnent ce parti paysible et plus sortable a nos vocations, je tiens des-ja l'appointement pour fait, bien que, puisque vous le desirés, le proces ne se retarde point encor, lequel neanmoins il sera bien raysonnable de sursoyer quand le jour sera marqué entre nous; ce qui sera bien tost, si vous nous envoyés vostre intention pour ce regard..

  A014000434 

 Les sieurs chanoynes de mon Eglise s'accommodent fort volontier au desir que j'ay de vous voir bien ensemblement [24] avec eux, par un appointement amiable de tous les differens qui sont entre vous.

  A014000436 

 Mais les causes estant ostees, tous ombrages, soupçons et rapportz cesseront, et, comme nous devons, et l'un et l'autre des cors s'entretiendront par une sainte charité a cooperer l'un a l'autre pour le service du cors general de Jesuschrist qui est l'Eglise..

  A014000437 

 Je prie sa divine Majesté qu'elle nous rende tous dignes du service auquel nous avons esté appellés, et suis, en ce qui regarde vostre particulier,.

  A014000456 

 Il nous faut joindre ces deux choses ensemble: une extreme affection de bien et exactement prattiquer nos exercices, tant de l'orayson que des vertus, et de nullement nous troubler ou inquieter ou estonner, s'il nous arrive d'y commettre des manquemens; car le premier point depend de nostre fidelité, qui doit tous-jours estre entierè et croistre d'heure en heure; le second depend de nostre infirmité, laquelle nous ne sçaurions jamais deposer pendant cette vie mortelle..

  A014000469 

 Je feray souvent pour cela la priere de saint Augustin: Helas! Seigneur, voyla un petit poussin esclos sous les aysles de vostre grace: s'il s'escarte de l'ombre de sa mere, le milan le ravira; faites donq qu'il vive a la faveur et a l'abry de la grace qui l'a produit.

  A014000475 

 Pour vous rendre fervente en l'orayson, desirés-la bien fort, lisés volontier les louanges de l'orayson qui sont semees en beaucoup de livres: en Grenade, au commencement de Bellintani et ailleurs; car l'appetit d'une viande fait qu'on s'entend fort a la manger..

  A014000476 

 Souvenes vous de ce que fit saint François quand son pere le mit a nud devant l'Evesque d'Assise: «Maintenant donques, dit il, je pourray bien dire: Nostre Pere qui estes es cieux.» Mon pere et ma mere, dit David, m'ont abandonné, et le Seigneur m'a pris a soy..

  A014000487 

 Mihi ac aliis viris idoneis a me deputandis, quoscumque haereticorum seu alias prohibitos libros legendi et retinendi, necnon haereticos, etiam relapsos, pœnitentes [30] recipiendi, ac insuper sacerdotes, qui ecclesias ac caemeteria polluta ac omnia ornamenta ad divinum cultum necessaria benedicere possint deputandi, matrimonia in quarto affinitatis vel consanguinitatis gradu ab haereticis conversis revalidandi, vota simplicia commutandi, pugnantes in duello absolvendi, facultatem ac authoritatem amplissimam, ad quinquennium, Sacra Congregatio jampridem concessit.

  A014000488 

 Petitionis ratio est quia plerosque adhuc in diocæsi habemus haereticos qui quotidie, tum publicis concionibus, tum privatis colloquiis, ad Ecclesiae caulas redeunt, et quia cominus, non solum cum haereticis, sed cum haereticorum magistris pugnare, et mihi interdum et aliis [31] etiam per diocaesim concionatoribus contingit, quod sine prohibitorum librorum lectione vix fieri posse, nemo peritus dixerit.

  A014000509 

 J'attens que l'on m'assigne le tems auquel je devray aller au conté de Bourgoigne pour consacrer Monsieur l'Evesque de Lausanne, car un gentilhomme qui manie cet affaire m'a asseuré que j'y seray appellé; et cela estant, de la j'iray infalliblement vers vous, et verray le reste des alliés de dela, chacun chez soy, sinon peut estre ceux de Dijon ou je ne pourray peut estre pas aller, de peur de m'engager en un lieu d'ou je ne pourroys pas [33] sortir si tost qu'il seroit requis, sans laisser beaucoup de mes [fonctions] a faire.

  A014000510 

 Entr'autres choses, il me vint en l'esprit ce qui est dit de Bala, servante de Rachel, qu'ell'enfantoit ses enfans sur les genoux et dans le giron de sa dame, et les enfans n'estoyent plus siens, mais de Rachel sa dame; et me sembloit que si nous mettions, par une juste confiance, nos cœurs et nos affections sur les genoux et dans le giron de Nostre Dame, qu'ilz ne seront plus nostres, mais a elle: cela me consoloit beaucoup.

  A014000512 

 Je ne sçaurpis me courroucer avec ceux qui vont simplement..

  A014000513 

 Si par fortune il s'en vouloit mesler, ou mesme qu'il parlast beaucoup de ce sujet-la, dites luy que je vous ay defendu de vous entretenir de ces choses-la et de vous en mesler, ni personne qui soit avec vous; car ce sont des discours auxquelz il s'engage plus avant quil ne faut.

  A014000515 

 J'ay fait ces jours passés une course a Thonon pour recevoir des habiles hommes ecclesiastiques qui s'estoyent mis entre les huguenotz par desbauche.

  A014000515 

 O Dieu, quelle grace ay-je receue d'avoir esté tant de tems, et si jeune et si chetif, parmi les haeretiques, et si souvent invité par les mesmes amorces, sans que jamais mon cœur aye [37] seulement voulu regarder ces infortunés et malheureux objetz! Benite soit la main debonnaire de mon Dieu qui m'a tenu ferme dans cet enclos..

  A014000530 

 C'est grand cas; je pense tous-jours que si je la voy a souhait avec toute sa trouppe, si nous ne faysons pas tout ce qui seroit desirable, nous en ferons quelque chose; car j'ay quelque confiance en la confiance qu'ell'a en moy, qui aussi la cheris d'un amour fort particulier en Nostre Seigneur..

  A014000531 

 Est ce bien une vraye impatience, ou sont ce point seulement des repugnances naturelles? Mais puisque vous la nommés impatience je la tiendray pour telle, et en attendant de vous en parler plus amplement a bouche devant que l'automne se passe, je vous diray, ma chere Seur, en esprit de liberté, qu'a ce que j'ay reconneu de vous par vos lettres, plus que par le peu de conversation que j'ay eu avec vous, vous aves un cœur qui s'attache puissamment aux moyens de vostre praetention.

  A014000532 

 Et croyes moy, tout ce qui est contraire a cet advis n'est autre chose qu'amour propre..

  A014000532 

 Le remede seroit de prendre la peyne de vous bien persuader et bien detremper vostre esprit en ce sentiment: c'est que Dieu veut que vous le servies ainsy comme vous estes, et par les exercices convenables a cet estat et par les actions qui en dependent; et en suite de cette persuasion, il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estat et des exercices d'iceluy pour l'amour de Celuy qui le veut ainsy.

  A014000533 

 Quand a la sainte Communion, j'appreuve que vous continuies a la desirer fort frequente, pourveu que ce soit avec la sousmission que vous deves avoir a vostre confesseur, qui void l'estat present de vostre ame et est si digne personnage..

  A014000535 

 Je feray part aux Sacrifices que je presente, a la Mere Prieure des Carmelines; j'honnore generalement tout cet Ordre, et la remercie de la charité qu'ell'use en mon endroit de prier pour moy, qui suis des plus necessiteux de la sainte Eglise..

  A014000550 

 At in rei veritate dico: cum generalem diocaesis meae visitationem, nulla praetermissa parrœcia, pene exegerim, nullum omnino reperi [42] haereticum in parroeciis quae a Bernatibus et Genevatibus non fuerunt occupatae, nullum librum prohibitum, antiquis nonnullis exceptis, qui ex mera negligentia et contemptu in alicujus domus profundo pulvere restabant; et Catholici nostri tantis anguntur scrupulis, ut, cum de libro aliquo dubitant, vel in ignem projiciunt, vel deferunt ad delegatos.

  A014000556 

 Mais la vérité, la voici: dans la visite générale de mon diocèse, que j'ai presque achevée, sans laisser aucune paroisse, je n'ai trouvé absolument aucun hérétique dans les paroisses qui n'ont pas été occupées par les Bernois et les [42] Genevois, ni aucun livre prohibé, si ce n'est quelques vieux ouvrages restés ensevelis, soit pure indifférence, soit mépris, dans la poussière de quelque maison.

  A014000557 

 Après tout, je n'use pas, je le confesse, de toute la diligence qui serait nécessaire; toutefois, je mets de la fidélité et du bon vouloir à celle que, selon ma petitesse, je puis exercer.

  A014000572 

 A Dieu, ma chere Fille, je m'en vay aux prieres du soir qui se font devant le Saint Sacrement pour les necessités de ce pais.

  A014000572 

 Vous ny seres pas oubliee, car vous tenes un rang en mon cœur qui ne le peut permettre.

  A014000588 

 J'ay de la consolation d'oiiir le resonnement, quoy que confus, des biens qui se font a Paris par vostre entremise et de ces autres serviteurs de Dieu, que j'honnore de tout mon cœur.

  A014000607 

 Demain, madame de Deré vient a Deré, et moy j'y iray mercredi faire la part des honneurs du logis qui me compete, en qualité de bien humble parent du nouveau marié.

  A014000622 

 Ayant sceu que les bons Peres Religieux de cette ville vous avoyent esleu pour leur Prieur, je m'en suis extremement res-jouy; et ne pouvant aller moy mesme vous faire la priere quilz vous veulent presenter de vouloir accepter cett'election et charge, je vous envoye cet [50] escrit, qui vous tesmoignera que jamais vous n'aves esté ni desiré ni demandé avec plus d'affection et de sincerité que vous l'estes d'eux et de moy, qui, en particulier, m'essayeray de vous servir si promptement en toutes occurrences, que vous n'aures pas, Dieu aydant, occasion [de vous repentir] d'avoir gratifié mon desir.

  A014000622 

 Faites nous donques a tous ce bien que de ne point esconduire nostre juste demande, qui regarde la gloire de Dieu et le restablissement d'un convent tout entier..

  A014000639 

 La bienheureuse Angeline de Foligni disoit que Nostre Seigneur luy avoit revelé quil n'avoit nulle sorte de bien tant aggreable que celuy qui luy estoit fait par force; c'est a dire, que celuy qu'une volonté bien resolue luv fait contre les alanguissemens de la chair, les repugnances de la partie inferieure, et au travers des secheresses, tristesses et derelictions interieures.

  A014000639 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que vous seres heureuse si vous estes fidele en vos resolutions, parmi les croix qui se presentent, a Celuy qui vous ayma si fidelement jusques a la mort, et la mort de la croix..

  A014000640 

 Demeures avec Jesus, vives en luy et par luy, qui m'a fait.

  A014000652 

 Isaïe l'appelle homme de douleurs; il ayme les douleurs et ceux qui les ont.

  A014000663 

 Oüy, ma tres chere Fille, de bon cœur je rendray a la mayson de la Flechere le nom de François, qui me fut donné au saint Baptesme par monsieur le Prieur de la Flechere, vostre oncle et mon bon parrein; mais si c'est une fille, nous en ferons une bonne Religieuse..

  A014000689 

 Conservés un esprit d'une sainte joye qui, modestement respandue sur vos actions et paroles, donne de la consolation aux gens de bien qui vous verront, affin qu'ilz en glorifient Dieu qui est nostre unique pretention.

  A014000712 

 Vivés tous-jours, ma chere Cousine, ma Fille, avec ce courage d'aggrandir perpetuellement en la dilection de Dieu; tenés bien estroittement sur vostre poitrine et entre les bras de vos saintes resolutions Celuy qui, par tant de signes visibles, vous a tesmoigné d'avoir eu eternellement vostre nom et vostre cœur gravé en sa volonté pleine de bienveuillance en vostre endroit..

  A014000713 

 Je vous supplie de visiter par lettre la bonne Madame l'Ancienne, a laquelle vos encouragemens seront profitables; car pour le present, je n'ay nul loysir que pour vous escrire ces quatre motz que je fay, vous donnant la sainte benediction de Dieu, qui tous les jours me rend plus vivement et singulierement,.

  A014000727 

 C'est luy qui me rend si uniquement.

  A014000739 

 Helas! je regrette sans doute tant d'incommodités qui s'opposent a nos desirs; mais faysant ce qui est en nous, doucement et constamment, ce bon Dieu suppleera au reste et vous consolera de son assistence speciale..

  A014000740 

 Je vous escriray, Dieu aydant, avant mon depart d'icy, et a mon premier loysir, je vous mettray par ordre tout ce qui me semble propre a la reprise de nos bons propos.

  A014000754 

 C'est pourquoy je vous veux dire que vous n'espargnies nullement ni le repos, ni les medecines, ni les viandes, ni les recreations qui vous seront ordonnees.

  A014000754 

 Vous feres une sorte d'obeissance et de resignation en cela, qui vous rendra extremement aggreable a Nostre Seigneur; car en fin, voyla une quantité de croix et mortifications que vous n'aves pas choisies ni voulues, Dieu vous les a donnees de sa sainte main: receves les, baysés les, aymés les.

  A014000771 

 Par ce que, pour eviter l'imposition de decimes perpetuelles, les deputés de Bresse ont obtenu un arrest qui me semble asses favorable tant au clergé de Bresse qu'a vous, et qui est sorti au prouffit commun de tous les ecclesiastiques des pais eschangés, il me semble que pour concourir avec eux a l'execution dudit arrest, vous deves faire un deputé d'entre vous qui aille a Lion, pour traitter du payement des sommes convenues pour obtenir l'exemption.

  A014000787 

 Car je sçai bien que Dieu commande en la personne d'Abraham a tous ses fideles: Ambula coram me, et esto perfectus; et que beati qui ambulant in viis Domini, et que nos peres euntes ibant, et in corde suo ascensiones disponebant, ut irent de virtute in virtutem..

  A014000789 

 Et si vous voules bien faire, tenés pour tentation tout ce qui vous sera suggeré pour changer de place; car, tandis que vostre esprit regardera ailleurs que la ou vous estes, jamais il ne s'appliquera bien a proffiter ou vous estes..

  A014000803 

 C'est bien fait, sans doute, de desirer la vie a celuy que Dieu vous a donné pour conduire la vostre; mais, ma Fille, ma bienaymee, Dieu a cent moyens, je veux dire infinis moyens, pour vous guider sans cela: c'est luy qui vous conduit comme une brebis.

  A014000804 

 Plusieurs sortent du monde qui ne sortent pour cela pas d'eux mesmes, cherchans par cette sortie leurs goustz, leurs repos, leurs contentemens; et ceux ci s'empressent merveilleusement apres cette sortie, car l'amour propre qui les pousse est un amour turbulent, violent et desreglé.

  A014000805 

 Et m'enquerant des particularités de cette Vie, il me dit qu'ell'avoit esté quarant'ans mariee, et qu'en sa viduité ell'erigea une Congregation de vefves qui demeurent ensemble en une mayson, dans laquelle elles observent une vie religieuse, et personne n'entre en icelle que pour grandes causes; elles, neanmoins, sortent pour servir les pauvres et les malades, en quoy gist leur plus particulier exercice, et que cette mayson rend un fruit et un exemple bien grand a Romme.

  A014000805 

 Mais faut-il pas que je vous die ceci, puisque j'en ay [68] esté consolé? Je rencontray a Chalons monsieur André Valladier (c'est ce grand praedicateur qui prescha apres moy, estant Jesuite): or, il me fit mille sortes d'honneurs et de caresses et me dit mille choses diverses.

  A014000805 

 Vive Dieu, ma Fille, et qu'a jamais il regne en nos cœurs! Je n'avois rien sceu de tout cela quand je vous parlois a Dijon, et a nos bonnes vefves: c'est le Saint Esprit, sans doute, qui donne ces mouvemens conformes en divers endroitz de son Eglise.

  A014000806 

 Ce bon personnage me dit bien d'autres choses qui ne me furent pas si aggreables, car il parloit avec grande vehemence de sa sortie, et comme vous sçaves, j'ay grand'aversion des espritz troubles.

  A014000807 

 Je dirois volontier a ceux qui se meslent des ames, comme saint Bernard a ses Novices: «Je ne.

  A014000808 

 Que dira-on? Tout cela n'est rien pour ceux qui ne voyent le monde que pour le mespriser, et qui ne regardent le tems que pour viser a l'aeternité.

  A014000808 

 Recommandons le a Dieu, faysons tout bellement ce qui se peut pour le faire reuscir, ainsy que je feray de mon costé; mais au bout de la, si l'œil de Dieu qui penetre l'advenir, voyant que cela ne reviendroit pas peut estre ni a sa gloire ni a nos intentions, sa divine Majesté ordonn'autrement, il ne faut pas, ma Fille, pour cela en perdre le sommeil d'une seule heure.

  A014000809 

 Et bien, nous y ferons ce qui se pourra, et Dieu face selon son bon playsir de nous et de tout ce qui est a nous..

  A014000810 

 Nostre bon pere est venu joyeusement et a un'ame inclinee a la devotion; mais l'embaras des affaires apporte sans doute quelque sorte d'empeschement a une entiere praeparation qui luy seroit necessaire en ce declin de sa vie; mais elle se doit procurer tout bellement.

  A014000810 

 Nostre livre de devotion n'est pas encor imprimé: quand il le sera, j'en envoyeray a tous ceux a qui j'en ay promis.

  A014000811 

 J'ay pensé a vostre cher filz, et connoissant son humeur, je pense quil faut avoir grand soin de son esprit affin que maintenant il se forme a la vertu, ou qu'au moins il ne panche pas au vice; et pour cela, il le faut bien recommander au bon M. Robert, et luy faire souvent gouster le bien de la vraye sagesse par des remonstrances et recommandations de ceux qui sont vertueux.

  A014000812 

 Je vis il y a quelque tems, une fille qui portoit un seau d'eau sur sa teste, au milieu duquel ell'avoit mis un morceau de bois; je voulus sçavoir pourquoy, et elle dit que c'estoit pour arrester le mouvement de l'eau, de peur qu'elle ne s'espanchast.

  A014000813 

 A Dieu, ma chere Fille, a laquelle je suis tout donné en Celuy qui s'est tout donné a nous, affin qu'estant mort pour nous, ne vivions plus qu'a luy.

  A014000848 

 Car nostre bon Dieu esprouve quelquefois nostre courage et nostre amour en nous privant des choses qui nous semblent et qui sont tres bonnes a l'ame; et s'il nous void ardans a la poursuitte, et neanmoins humbles, tranquilles et resignés au manquement et a la privation de la chose poursuivie, il nous donne des benedictions plus grandes en la privation qu'il ne nous en donne en la possession de l'estat desiré; car, en tout et par tout, Dieu ayme ceux qui, de bon cœur et simplement, en toutes occasions et en tous accidens, peuvent luy dire: Vostre volonté soit faite ............................

  A014000869 

 Il faut que mon cœur vous die ce mot que je dis l'autre jour a une autre vendangeuse, qui est bien de vos plus cheres cousines.

  A014000871 

 Et pour presser la grace de Dieu, il faut multiplier l'orayson par les courtz, mais vifs eslancemens de nos cœurs; et pour presser sa promesse, il faut multiplier les œuvres de charité, car ce seront elles a qui Dieu donnera l'effect de ses promesses.

  A014000872 

 Encor pensant, ma chere Fille, que les mammelles de l'Espoux soyent son flanc percé sur la croix, o Dieu, combien cette croix est une sep tortisse, mais bien chargee! Il n'y a qu'un seul raysin, mais qui en vaut plus que mille.

  A014000873 

 Saint François aymoit les aigneaux et moutons parce qu'ilz luy representoyent son cher Sauveur; et je veux que nous aymions ces vendanges temporelles, non seulement parce que ce sont choses appartenantes au soin qui correspond a la demande que nous faysons tous les jours de nostre pain quotidien, mais aussi, et [78] beaucoup plus, parce qu'elles nous eslevent aux vendanges spirituelles..

  A014000875 

 A Dieu, Madame; vivés joyeuse, puisque vous vous estes toute dediee a la joye immortelle, qui est Dieu mesme, qui veuille a jamais vivre et regner au milieu de nos cœurs Je suis en luy et par luy,.

  A014000885 

 Je vous conjure, ma chere Fille, [79] d'aymer bien ce bon Dieu qui vous a tous-jours esté si doux, et de n'aymer rien qu'en luy, par luy et pour luy..

  A014000885 

 Mais sil est sien et quil me l'ayt donné, ne le luy puis-je pas donner comme tout mien? Qu'a jamais, et le vostre qui est mien et le mien qui est vostre, puissent estre tous siens, puis que, par son immense bonté, le sien est tout nostre.

  A014000914 

 Je n'ayme nullement certaines ames qui n'affectionnent rien, et a tous evenemens demeurent immobiles; mais cela, elles le font faute de vigueur et de cœur, ou par mespris du bien et du mal.

  A014000914 

 Mais celles qui, par un' entiere resignation en la volonté de Dieu, demeurent indifferentes, o mon Dieu, elles en doivent remercier sa divine Majesté, car c'est un grand don que celluy la.

  A014000916 

 C'est luy qui m'a rendu pour jamais.

  A014000934 

 Mais nous demeurasmes court au second, parce qu'encor que plusieurs d'entre vous, animés d'une sainte devotion, donnassent leur parole devant Dieu de contribuer, si est ce que plusieurs aussi n'entrerent pas en cette si digne deliberation selon leur devoir; et pour tous il se treuva la difficulté de l'exaction, qui est neanmoins la piece la plus requise a l'execution, et a faute de laquelle tout a cessé, comme il appert..

  A014000936 

 Donnés donq, je vous prie, cette satisfaction a mon ame qui est vostre, ce bon exemple aux autres, cette douceur a vostre vie et cette consolation a vostre posterité, que par des dissensions et varietés de conceptions, une si bonne œuvre ne soit point remise ni divertie.

  A014000941 

 Je m'essayeray de vous procurer un meilleur predicateur que celuy qui vous prescha l'annee passee, et cela ne me sera pas difficile, bien qu'il est impossible que jamais vous en ayes un plus affectionné.

  A014000948 

 Mocques vous, je vous prie, de toutes ces menues pensees de vaine gloire qui se viennent presenter a vostrè ame parmi vos bonnes actions; car ce ne sont proprement que des mouches, lesquelles ne vous peuvent faire nul autre mal que de vous importuner.

  A014000950 

 Ne respondes non plus aucun mot a la pensee deshonneste [85] qui vous arrive; seulement, dites en vostre cœur, a Nostre Seigneur: O Seigneur, vous sçaves que je vous honnore; ah! je suis toute vostre; et passes outre, sans disputer avec cette tentation..

  A014000951 

 Quand vous n'aures pas vostre confesseur ordinaire, il ne faut pas laisser d'aller a un autre, regardant a Dieu et non pas a l'homme qui confesse ou absout; mesmement, vous confessant souvent comme vous faites..

  A014000987 

 Vous ne sçauries m'obliger davantage que de prendre la confiance que vous aves en moy, qui aussi vous cheris et honnore avec toute la fidelité que vous pouves desirer.

  A014001016 

 Mon frere, qui va la, vous dira peut estre que je vous [91] cheris et honnore bien fort; mais vous croiries peut estre bien aussi qu'il me feroit ce bon office par charité, et je desire que vous sçachies que c'est mon cœur qui a vrayement ce sentiment-la: c'est pourquoy je l'escris ainsy de ma main et de mon cœur..

  A014001017 

 Mais dites-moy donq, Madamoyselle, je vous supplie l'amour de Dieu regne-il pas tous-jours en vostre ame? N'est-ce pas luy qui tient les resnes de toutes vos affections et qui dompte toutes les passions de vostre cœur? Oh je n'en doute nullement; mais, Madamoyselle, il faut que vous permetties a un esprit qui vous ayme cherement, de vous demander ce qu'il sçait, pour le playsir qu'il prend d'ouyr dire et redire vostre bonheur.

  A014001028 

 Ma Fille, accoisons nous en la perte de ces ames, car Jesus Christ a qui elles estoyent plus cheres, ne les laisseroit pas aller apres leur sens, si sa plus grande gloire ne le requeroit.

  A014001029 

 Les epistres de saint Hierosme luy seront encores bonnes, car voyes vous, outre les tesmoignages qui sont espars ça et la es escritz des saintz Peres en faveur de l'Eglise (car en fin ilz parlent tous comme nous), l'esprit mesme de ces grans personnages respire par tout contre l'heresie..

  A014001030 

 Il n'est pas encores receu a l'Eglise, et m'a donné esperance que ce sera moy qui le recevray.

  A014001030 

 Je n'ay jamais veu homme si docte de ceux qui sont hors de l'Eglise.

  A014001030 

 Je voulois dire que ces anciens Peres ont un esprit qui respire contre l'heresie, es pointz mesmes esquelz ilz né disputent pas contre elle.

  A014001030 

 L'autre jour, de grand matin, un homme grandement docte et qui avoit esté ministre long tems, vint me voir, [94] et me racontant comme Dieu l'avoit retiré de l'heresie: «J'ay eu,» ce me dit il, «pour catechiste le plus docte Evesque du monde.» Je m'attendois qu'il me nommast quelqu'un de ces grandes renommees de cet aage, et il me va nommer saint Augustin.

  A014001031 

 Despuis j'ay tous-jours dit que qui presche [96] avec amour presche asses contre les heretiques, quoy qu'il ne die un seul mot de dispute contre eux; et c'est pour dire qu'en general, tous les escritz des Peres sont propres a la conversion des heretiques..

  A014001031 

 Estant a Paris et preschant en la chapelle de la Reyne, du jour du Jugement (ce n'est pas un sermon de dispute), il se treuva une damoyselle, nommee madamoyselle Perdreauville, qui estoit venue par curiosité; elle demeura dans les filetz, et sur ce sermon prit resolution de s'instruire, et dans trois semaines apres, amena toute sa famille a confesse vers moy et fus leur parrein a tous en la Confirmation.

  A014001031 

 Voyes vous, ce sermon la, qui ne fut point fait contre l'heresie, respiroit neanmoins contre l'heresie, car Dieu me donna lhors cet esprit en faveur de ces ames.

  A014001046 

 C'est grand cas, ma chere Fille, que nul ne m'escrit de vous, ni de Dijon, ni de Bourbilly, sinon l'autre jour madame de Chantal qui me dit qu'elle vous iroit voir.

  A014001048 

 J'attens que ce primtems nous donne la commodité de nous revoir, et tandis, tous les jours je prie pour vous; et certes, mon cœur vous cherit tres parfaittement en Celuy qui, pour nous, eut le sien transpercé sur la croix.

  A014001080 

 Cette annee, qui se passe en ces deux jours suivans, me sera memorable pour avoir en icelle receu le bien de [100] vostre amitié et connoissance.

  A014001101 

 Le tems que nous determinons de donner a Dieu en l'orayson, donnons le luy avec nostre pensee libre et desoccupee de toutes autres choses, avec resolution de ne jamais le reprendre, quelz que travaux qui nous en arrivent, et tenons un tel tems pour chose qui n'est plus a nous; et encor que vous y senties vostre misere, ne vous troubles point, ains soyes en joyeuse, pensant que vous estes une vrayement bonne besoigne pour la misericorde de Dieu.

  A014001117 

 Il faut resister au mal et reprimer les vices de ceux qui sont en nostre charge, puissamment, vaillamment, mais doucement, paisiblement.

  A014001118 

 Ceux qui se courroucent combattent le mal, mais ceux qui sont doux le vainquent: Surmontes, dit l'Apostre, le mal par le bien..

  A014001127 

 Voyés s'il y a quelques pieces et facultés de vostre ame ou quelque sens de vostre cors qui ne soit pas a Dieu, et l'ayant descouvert, reprenes le ou qu'il soit, et le luy rendes, car vous estes a luy, toute, toute..

  A014001128 

 Chaque moment present doit porter son soin, et l'unique occupation dans les retours a Dieu, est un general abandonnement et desir qu'il destruise tout ce qui s'oppose a ses desseins..

  A014001134 

 Ce sont ces mouches qui perdent la suavité de l'unguent, parce qu'elles sont mortes.

  A014001135 

 Ce n'est pas moy qui dis ceci, c'est Dieu..

  A014001139 

 Car, quant aux extases, insensibilités, et ces unions deifiques, eslevations, transformations et semblables vertus, et qu'on estime distraction de servir Nostre Seigneur en son humanité et membres d'icelle, et ne s'amuse plus qu'a la contemplation de l'Essence divine, il les faut laisser pour les ames rares, eslevees et qui en sont dignes.

  A014001139 

 Chacun doit aymer les vertus qui luy sont convenables, chacun selon sa vocation.

  A014001140 

 Elle a compassion de la pauvreté et confusion de ceux qui l'ont invitee aux noces, leur procurant leurs necessités.

  A014001141 

 Apprenons a souffrir volontier des paroles d'abaissement et qui tendent au ravalement de nos opinions et de nos advis; puis nous apprendrons a souffrir le martyre, a faire l'aneantissement en Dieu et 'l'insensibilité en toutes choses.

  A014001142 

 Qui dit autrement, se trompe et est trompé..

  A014001144 

 Dieu prend playsir a vous voir faire vos petitz pas, et, comme un bon pere qui tient son enfant par la main, il accommodera ses pas aux vostres et se contentera de n'aller pas plus viste que vous.

  A014001155 

 Estonnes vous encores moins des assoupissemens et distractions qui surviennent, car ce sont accidens naturelz.

  A014001155 

 Et comme au grand monde, le ciel n'est pas tous-jours serein et descouvert, mais souvent l'air se couvre par des nuages et brouillardz, ainsy au petit monde, qui est l'homme, l'esprit n'est pas tous-jours gay et clair, mais couvert quelquefois d'assoupissement qui trouble sa clairté et empesche sa gayeté..

  A014001163 

 J'ay fort prié Nostre Seigneur qu'il vous fist bien sentir comme il faut resigner tout vostre soin, toutes vos agilités et souplesse d'esprit, toutes ces petites pointes de vostre entendement qui veulent tout mesnager, voir et prevoir, entre les mains de sa Bonté souveraine et tres paternelle, ne permettant point que vostre cœur s'inquiete, ains le faysant reposer doucement sur les bras du Sauveur..

  A014001166 

 La presence de Dieu que la Mere Therese enseigne au 29 et 30 chapitres du Chemin de perfection est excellente, et pense que c'est la mesme que je vous marquois, quand j'escrivois que Dieu estoit dans nostr'esprit comme le cœur d'iceluy, et en nostre cœur comme l'esprit qui le vivifie, et que David appelloit Dieu: Dieu de son cœur.

  A014001170 

 Et qui pourra asseurer que celuy qui estoit hier pecheur et meschant le soit aujourd'huy?.

  A014001170 

 Il ne faut pas toutesfois favoriser le mal, le flatter ou le couvrir, ains parler rondement et dire franchement mal du mal, et blasmer les choses blasmables, quand l'utilité de celuy de qui l'on parle le requiert; car en cela, Dieu est glorifié.

  A014001170 

 Je vous conjure de ne dire jamais mal du prochain [114] ni rien qui tant soit peu le puisse offencer.

  A014001171 

 Quand nous regardons les actions du prochain, [voyons-les] dans le biais qui est le plus doux, et quand [nous] ne pouvons excuser ni le fait ni l'intention de celuy que, d'ailleurs, nous connoissons estre bon, n'en jugeons point, mais ostons cela de nostre esprit et laissons le jugement a Dieu.

  A014001189 

 Je vous asseure que ma mere est dans une telle impatience [116] d'estre mere d'une fille que vous luy aves donnee, que les continuelles presses qu'elle m'en fait me bailleroyent avec elle de l'inquietude, si je ne me souvenois de l'edifice auquel je travaille, qui est de bien establir mon ame dans une constante paix.

  A014001197 

 Celuy qui les a portees m'en rapportera bien tost la response, de laquelle je vous feray part comme desireux de vostre consolation spirituelle, estant,.

  A014001215 

 Il n'y a point a douter que vous vous expliqueries bien mieux et plus librement a vive voix que par escrit; mais en attendant que Dieu le veuille, il faut employer les moyens qui se presentent.

  A014001216 

 C'est le meilleur remede de tous contre l'apprehension de nostre trespas, que la cogitation de Celuy qui est nostre vie, et de ne jamais penser a l'un qu'on n'adjouste la pensee de l'autre..

  A014001216 

 Et si, il ne faut nullement entrer en defiance, car bien que nous soyons miserables, si ne le sommes nous pas a beaucoup pres de ce que Dieu est misericordieux a ceux qui ont volonté de l'aymer et qui en luy ont logé leurs esperances.

  A014001216 

 O cette mort est hideuse, ma chere Fille, il est bien vray; mais la vie qui est au dela, et que la misericorde de Dieu nous donnera, est bien fort desirable aussi.

  A014001217 

 A faute de cela, ma Fille, vos imperfections, que vous voyes subtilement, vous troublent encor plus subtilement, et par ce moyen se maintiennent, ny ayant rien qui conserve plus nos tares que l'inquietude et empressement de les oster..

  A014001217 

 Tant que vous pourres, faites parfaitement ce que vous feres, mais quand il sera fait, ni penses plus, ains penses a ce qui est a faire.

  A014001232 

 De remedier aux occurrences qui ne vous regardent pas en particulier, mais vostre mayson, il le faut faire, avec cette remise neanmoins, de vouloir avec un cœur esgal attendre l'evenement que Dieu disposera pour le mieux.

  A014001234 

 C'est bien fait d'aspirer d'une generale aspiration a l'extreme perfection de la vie chrestienne, mais il ne faut pas philosopher en particulier, sinon sur nostre amendement et sur nostre advancement selon les occurrences quotidiennes, de jour en jour, remettant la conduitte de nostre souhait general a la providence de Dieu, et nous jettant pour ce regard entre ses bras, comme un petit enfant qui, pour croistre, mange de jour en jour ce que son pere luy fournit, esperant qu'il luy fournira a proportion de son appetit et de sa necessité..

  A014001247 

 Je receus le huitiesme de ce mois la lettre qu'il vous pleut m'escrire le 25 de l'autre prochainement passé, et proteste que rien ne m'est arrivé, il y a long tems, qui m'ayt rempli de tant de joye et d'honneur; car mon ame, qui reveroit la vostre d'un grand respect, desiroit par quelque heureuse rencontre avoir quelque digne acces a vostre bienveuillance.

  A014001247 

 Mais, comme le pouvois je esperer, [124] estant cloué et affigé a ces montaignes, et si indigne de vostre consideration? Et voyci neanmoins que Dieu a voulu me prevenir de cette consolation, de laquelle je remercie tres humblement sa Bonté, et me sens fort obligé a la vostre qui s'y est si amiablement inclinee.

  A014001248 

 C'est un memorial que j'avois dressé pour une belle ame qui avoit desiré ma direction; et cela, emmi les occupations d'un Caresme, auquel je preschois deux fois la semaine.

  A014001248 

 Ce fut luy qui me pressa si fort de faire mettre au jour cet escrit, qu'apres l'avoir hastivement reveu et accommodé de quelques petitz ageancemens, je l'envoyay a l'imprimeur: c'est pourquoy il s'est presenté a vos yeux si mal accommodé.

  A014001248 

 Mais puisque, tel qu'il est, vous le favorisés de vostre approbation, si jamais il retourne sous la presse, je me delibere de l'ageancer et accroistre de certaines pieces qui, a mon advis, le rendront plus utile au publiq et moins indigne de la faveur que vous luy faites..

  A014001249 

 Il n'y a peut estre Evesque a cent lieuës autour de moy qui ayt un si grand embrouillement d'affaires que j'ay; je suis en lieu ou je ne puis avoir ni livres ni communications propres a telz effectz.

  A014001250 

 Celuy ci sera suivi d'un autre, qui monstrera la prattique du mesme amour divin en l'observation des commandemens de la seconde Table; et tous deux pourront estre reduitz en un volume juste et maniable.

  A014001263 

 Mon Dieu, que vous seres la bien venue, ma chere Fille, et comme il m'est advis que mon ame embrasse la vostre cherement! Partes donq au premier beau jour que vous verrés, apres que vostre cheval se sera delassé, lequel, sans doute, on ne pourroit pas bien vous renvoyer sinon despuis troys jours en ça, pour les dernieres pluyes qui sont tombees en ce païs.

  A014001265 

 J'en voudrois envoyer a plusieurs personnes, mais je vous asseure que, pour tout, il n'en est venu que trente en ce païs, et je n'ay peu fournir a la dixiesme partie de ceux a qui j'en devois donner.

  A014001266 

 Ne vous repentes point de m'avoir escrit des douze cens livres, car vous ne vous deves nullement repentir de rien qui se passe avec moy..

  A014001266 

 Sachés seulement, ma vraye Fille, que je suis tout plein de joye et de contentement dequoy vostre Groysi parle non seulement avec respect, mais avec un amour tout affectionné de vous et de messieurs vos peres, et ce qui me plaist le plus, de ma chere petite Aymee.

  A014001272 

 Elle m'escrit que, pour tous les advis que je luy ay donnés pour le bon ordre de son Monastere, elle ne pourroit pas se resoudre a rien faire sans le consentement de son frere, qui a, dit elle, un grand [131] pouvoir sur sa volonté.

  A014001273 

 J'ay ouvert la lettre que mon frere vous escrivoit, pour curiosité que j'avois de voir le poulet qui estoit dedans.

  A014001285 

 Mais, ma Fille, il y a bien d'autres choses a vous demander pour cette mesme devotion de la bienheureuse Mere Therese: c'est que je voudrois que vous me fissiés extraire son image au vif jusques a la ceinture seulement, sur celle qu'on dit que ces bonnes Seurs ont, et allant par dela, un de nos curés qui doit y aller [133] dans sept ou huit jours, la prendroit a son retour pour me l'apporter.

  A014001286 

 Ah mon Dieu, ma Fille, que les vertus d'une femme mariee sont aggreables a Dieu! car il faut qu'elles soyent fortes et excellentes pour durer en cette vocation; mais aussi, o mon Dieu, que c'est une chose douce a une vefve de n'avoir qu'un cœur a contenter! Mais bien; cette Bonté souveraine sera le soleil qui esclairera cette bonne chere seur, affin qu'elle sache ou prendre son chemin.

  A014001286 

 Je recommanderay au Saint Esprit la chere seur vefve, affin qu'il l'inspire au choix d'un mary qui luy soit a jamais a consolation.

  A014001287 

 Je me recommande a celles de nostre petite fille [Madeleine] et de N. Il est vray que [Madeleine] est ma fille un peu plus que les autres; et me semble que tout est mien, ma Fille, en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est rendu tout nostre.

  A014001296 

 Et en l'un et en l'autre vous aves eu de l'empressement qui vous a troublee et inquietee, et puis embarrassee.

  A014001296 

 J'ay receu vos deux lettres, ma chere Fille, et voy bien clairement que tout, le mal que vous aves eu n'a esté qu'un vray embarràssement d'esprit provenu de deux desirs qui n'ont pas esté satisfaitz en vous: l'un estoit le desir de servir a Dieu en l'occasion qui se presentoit; l'autre, le desir de connoistre si vous avies fidellement fait vostre devoir.

  A014001297 

 A quoy j'adjouste, pour un advis general, que quand nous ne sçavons pas discerner si nous avons bien rendu nostre devoir en quelque occurrence et sommes en doute d'avoir offencé Dieu, il faut alhors s'humilier, requerir Dieu qu'il nous excuse et demander plus de lumiere pour une autre fois, et oublier tout a fait ce qui s'est passé et se remettre au train ordinaire; car une curieuse et empressee recherche pour sçavoir si nous avons bien fait, provient indubitablement de l'amour propre qui nous fait desirer de sçavoir si nous sommes braves, la ou l'amour pur de Dieu nous dit: Truand ou couard que j'ay esté, humilie toy, appuye toy en la misericorde de Dieu, demande tous-jours pardon et, sur une nouvelle protestation de fidelité, passe outre a la poursuite de ton avancement..

  A014001306 

 Je vous dis donq qu'il faut que vous ayes une speciale attention a vous y tenir douce, et qu'estant levee le matin, sortant de l'orayson, revenant de la Messe ou Communion, et tous-jours quand vous rentres en ces affaires domestiques, il vous faut estre attentive a commencer doucement, et coup sur coup regarder vostre cœur, voir s'il est doux, et s'il ne l'est pas, l'addoucir avant toutes choses; que s'il l'est, il en faut loüer [137] Dieu, et l'employer aux affaires qui se presentent, avec un soin special de ne point le laisser dissiper..

  A014001307 

 C'est pourquoy, ma chere Fille, il faut qu'en ces exercices vous consideries la volonté de Dieu, qui y est, et non pas la chose mesme qui se fait.

  A014001307 

 Invoqués souvent l' unique et belle colombe de l'Espoux celeste, affin qu'elle impetre pour vous un vray cœur de colombe, et que vous soyes colombe non seulement volant par l'orayson, mais encor dedans vostre nid et avec tous ceux qui sont autour de vous..

  A014001307 

 Vostre ame s'entretenant souvent aux exercices spirituelz, qui sont doux et aggreables a l'esprit, quand elle revient aux exercices corporelz, exterieurs et materielz, elle les treuve bien aspres et fascheux; c'est pourquoy aysement elle s'impatiente.

  A014001307 

 Voyés-vous, ma Fille, ceux qui mangent souvent du miel treuvent les choses aigres plus aigres et les ameres plus ameres, et se degoustent aysement des viandes aspres.

  A014001308 

 Si je sçavois que madamoyselle nostre chere seur Jacob fust la, je la saluerois aussi, et sa petite Françon, comme je fay vostre Magdeleine qui est encor mienne..

  A014001315 

 Je prens avidement cette commodité de vous escrire, quoy qu'elle soit un peu pressante, pour respondre a vostre derniere lettre, toute marquee de suavité, du jour [139] du grand Pere saint Joseph, grand Amy du Bienaymé, grand Espoux de la Bienaymee du Pere celeste, qui a voulu que son Filz celeste fust repeu entre les lys de cette Espouse et de cet Espoux.

  A014001316 

 Or sus, venés donq, mon tres cher Frere, et que ce soit par mon ministere que vous soyes orné de ce grand caractere du sacerdoce evangelique, affin qu'en certaine façon [140] tres veritable, mais que le sang et la chair n'entend pas, nous contractions par ce moyen un parentage spirituel que la mort mesme, ni les cendres de nos cors ne pourront desfaire et qui durera eternellement, et pour lequel mon esprit aura une reelle relation de paternité, filiation et fraternité avec le vostre.

  A014001329 

 Je vous envoye neanmoins celuy-ci, que j'ay emprunté d'une dame qui l'avoit, affin que, s'il est possible, vous ayes le [142] premier de ma part.

  A014001342 

 Cela est clair par l'authorité de tous les plus dignes Evesques de l'Eglise de Dieu, qui ont appellé de tiltres bien plus relevés non seulement les Patriarches et Archevesques, mais les autres Evesques mesmes.

  A014001345 

 Il ne reste a resoudre que l'argument fondamental de vostre volonté, mais il ne se peut resoudre; car ce n'est que vostre humilité: ut qui major est dignitate, sit potior humilitate.

  A014001345 

 J'y respons néanmoins, et dis que j'appelle ainsy tous les Evesques a qui j'escris en esprit de liberté, et les rends esgaux quant a cet honneur exterieur, laissant a mon interieur de donner diverses mesures de respect, sous un mesme mot, selon la diversité de mes devoirs; comme a vous, Monseigneur, c'est, je vous asseure, avec une reverence toute cordiale, toute particuliere..

  A014001346 

 Vostre dilection, qui souffre tout et qui est non seulement patiente, mais debonnaire, me rendra excusable, vous asseurant que je suis.

  A014001355 

 Je vous ay dit la rayson pourquoy toutes s'y doivent confesser, ce qui ne sera point grief a aucune; car celles qui voudront ne se confesseront que d'un jour ou de deux, s'estans prealablement confessees, et celles qui voudront pourront en user autrement..

  A014001355 

 Le Concile de Trente ordonne a tous les Superieurs et Superieures des Monasteres qu'au moins trois fois l'annee ilz fassent confesser ceux qui sont sous leurs charges a des confesseurs extraordinaires; ce qui est grandement [146] requis pour mille bonnes raysons.

  A014001356 

 Il faut que ce soit vous, ma Fille bienaymee, qui ayés l'administration des pensions; mais deputés une des Dames, qui, sous vostre authorité, ayt soin de tenir le conte de ce qui s'en employe..

  A014001359 

 Quant a celle qui est absente, il faut escrire et a elle et a son frere, que, pour la plus grande gloire de Dieu, salut de vos ames, edification du prochain et honneur de vostre Monastere, vous aves pris resolution avec toutes vos Seurs Religieuses de vivre plus retirees dans vostre Mayson qu'on n'a pas fait ci devant; et que la chose estant si raysonnable et honneste, vous ne doutes point qu'elle ne s'y veuille ranger: dont vous la conjurés et sommés, par l'obeyssance qu'elle vous a vouee et hors laquelle elle ne peut faire son salut, luy promettant qu'elle ne treuvera, ni en vous ni es autres, sinon une douce et tres amiable conversation, laquelle seule, outre [147] son devoir, peut la semondre a une sainte retraitte; et choses semblables.

  A014001360 

 Si j'oublie quelque chose, je le diray a nostre seur, qui vous ira voir infalliblement, et elle vous chérit bien fort.

  A014001373 

 Celle ci procede de la connoissance que j'ay de la sincerité de vostre bienveuillance en mon endroit, et celuy la de la multitude des riches qualités qui decorent le rang que vous tenes en l'Eglise de Dieu; auquel, bien que je vous aye devancé quant au [149] tems, je vous voy neanmoins si loin devant moy en toute autre façon, que c'est le moins que je veuille et doive faire que d'user exactement d'une reciproque reverence en vostre endroit.

  A014001373 

 Et si vous ne vous esties pas mis a l'extremité du plus haut point d'honneur envers moy, je me fusse essayé de vous en rendre plus que vous ne m'en donnes; mais il faut que je demeure vaincu, tant parce que vous sçaves tout mieux faire que moy, que d'autant que le lieu d'ou sort l'honneur que vous me faites luy donne un poidz si excessif que je n'ay rien qui le puisse esgaler.

  A014001374 

 Continués, je vous supplie, Monseigneur, d'aymer celuy qui vous souhaitte toute sorte de bonheur en la graCe de Dieu, et qui est, d'une affection inviolable,.

  A014001386 

 Vous voulant honnorer, cherir et servir toute ma vie, je me suis enquis de madame vostre chere cousine, ma seur, de l'estat de vostre cœur, duquel elle m'a dit [150] chose qui m'a consolé.

  A014001387 

 Vous aves un grand soin pour la famille qui est sur vos bras, mais il n'amoindriroit pas quand vous entreprendries la charge d'un'autre peut estre aussi grande.

  A014001388 

 L'exercice auquel vous estes maintenant vous servira d'un petit martire, si vous continues a joindre les travaux que vous y aurés avec ceux du Sauveur, de Nostre Dame et des Saintz et Saintes qui, emmi la variété et multiplicité des importunités que leur soin leur donnoit, ont conservé inviolablement l'amour et la vraye devotion a la tressainte unité de Dieu, en qui, pour qui et par qui ilz ont conduit leurs vies a une fin tres heureuse.

  A014001406 

 Nous avons depuis peu monsieur l'Evesque de Belley en ces quartiers, qui me fait la faveur de me venir voir la semaine prochaine.

  A014001407 

 Faites moy cette faveur que de me conserver en la vostre, a laquelle je correspondray fidellement par autant de tres humble affection [152] que vous en pouves desirer de celuy qui vous souhaite toute prosperité et benediction, demeurant,.

  A014001407 

 Il faut que je m'en glorifie au pres de vous qui, avec moy, estimés si praetieusement son amitié.

  A014001424 

 Ce qu'ayant ouy, il perdit sa premiere opinion et son courage, m'addressant neanmoins a un viel cyrurgien auquel il estime beaucoup de choses estr'aysees qui sont difficiles aux autres, et lequel, comm' on dit, fait des petitz miracles; et pour cela, je l'envoyay querir, affin quil oüyt [153] tout le recit de vostre fait et quil en dit son opinion.

  A014001424 

 Desirant sçavoir avant le depart de M me de Chantal que c'est que je pouvois esperer du gentilhomme qui croyoit de pouvoir guerir vostre jambe, je luy fis dire par M me de Chantal mesme toute l'origine et le progres de vostre mal, car je ne le sçavois pas.

  A014001425 

 Et de peur que nous n'ayons oublié quelque chose en la qualité de ce mal, qui fit la chose plus aysee qu'elle n'est, le filz de cet homme la allant a Dijon pour autre chose, c'est a dire a la suite d'un gentilhomme qui est fort de mes amis, j'ay fait quil ira au Puis d'Orbe mesme, affin d'apprendre par monsieur du May toutes les particularités plus exactement, et apporter une bonne et veritable description de toute l'affaire.

  A014001427 

 J'attendray donq la response par le mesme porteur, qui, partant ce jourdhuy, ne me donne pas le loysir d'escrire a vos cheres Seurs et filles, vers lesquelles je desire estre excusé sil vous plait.

  A014001442 

 Je vous escrivis avant hier sur le sujet de vostre jambe; maintenant je vous escris sur celuy de mon cœur qui vous cherit d'un amour extreme, et pour cela, pense [155] continuellement comment, en quoy et quand il pourra tellement servir le vostre, que celuy de vostre Espoux, nostre tres doux Sauveur, en soit satisfait et content.

  A014001450 

 J'ay veu, ma tres chere Fille, cette petite infirmité qui vous estarrivee ces jours passés sur les divers mouvemens de vostre cœur, entre l'affection de renoncer a vostre [156] propre inclination, et l'inclination de suivre vostre goust particulier.

  A014001453 

 Vive Jesus, en qui je suis tout vostre..

  A014001462 

 Et parce qu'il est l'un des plus apparens convertis qui soyent sortis de Geneve, je supplie tres humblement Vostre Altesse de luy estre secourable, comm'elle l'est a tous ceux qui ont leur refuge en sa debonnaireté, tandis que je continueray tous-jours a luy souhaitter le comble des graces celestes, demeurant,.

  A014001474 

 Aymons-nous bien, chere Seur, et nous tenons bien ensemblement a ce Sauveur de nos ames, en qui seul nous pouvons avoir nostre bonheur.

  A014001474 

 Je suis tout plein d'esperance que Nostre Seigneur sera de plus en plus fidellement servi, obei et honnoré de vous, qui est le plus grand bien que je vous puisse souhaitter..

  A014001474 

 Que vous seres heureuse si vous embrasses [158] constamment ce dessein! La pauvre petite seur [de la Thuille], qui s'en est allee si chrestiennement et si soudainement, a bien resveillé mon esprit a l'amour de ce souverain Bien auquel toute cette courte vie doit estre rapportee.

  A014001475 

 Benisses ceux qui vous affligent, et Dieu, ma chere Fille, vous benira..

  A014001487 

 Dieu vous veut aussi sevrer, ma chere Niece, et vous faire manger des viandes solides, c'est a dire des viandes dures, car de plus solides il n'y en a point au Ciel ni en la terre que la sainte Communion; mais son refus, qui est plus dur a vostre ame qui aspire a son saint amour, requiert aussi des desirs plus fortz..

  A014001497 

 J'escrivis avant hier a cette bonne fille qui est a Geneve et luy donnay la permission qui luy est requise pour l'usage des viandes.

  A014001497 

 Quant au livre de la Croix, il est vray que le ministre La Faye s'est essayé d'y respondre; mays il l'a fait d'une telle sorte que mes amis n'ont jamais voulu que je prisse seulement la peyne de penser a repliquer, tant la response leur a semblé indigne, et ont creu que mon livre fournissoit asses de defenses [161] contre ceux qui l'attaquent, sans que j'y adjoustasse chose du monde.

  A014001500 

 Madame de Chantal se recommande bien fort a vous, ainsy qu'elle l'escrit par celle qui l'avoit accompagnee..

  A014001501 

 Tenes vostre cœur au large, et tous-jours tout remis a la Providence divine, soit pour les grandes choses ou pour les petites, et procurés de plus en plus dans vostre cœur l'esprit de douceur et de tranquillité, qui est le vray esprit de Jesus, qui veuille a jamais regner en nos cœurs..

  A014001514 

 Comment est-il possible, disoit saint Gregoire a un Evesque, que les orages de la terre esbranslent si fort ceux qui sont au Ciel? S'ilz sont au Ciel, comme sont-ilz agités de ce qui se passe en la terre? O Dieu, que cette leçon de la sainte constance est requise a ceux qui veulent serieusement embrasser leur salut!.

  A014001514 

 N. m'a bien dit de vos nouvelles et de celles de M., laquelle il m'a depeinte pour fort affligee; mais je crois bien, c'estoit sa fille celle qui est morte.

  A014001515 

 Il est vray que cette imaginaire insensibilité de ceux qui ne veulent pas souffrir qu'on soit homme, m'a tous-jours semblé une vraye chimere; mais aussi, apres qu'on a rendu le tribut a cette partie inferieure, il faut rendre [163] le devoir a la superieure, en laquelle sied, comme en son throsne, l'esprit de la foy qui doit nous consoler en nos afflictions, ains nous consoler par nos afflictions.

  A014001515 

 Que bienheureux sont ceux lesquelz se res-jouissent d'estre affligés et qui convertissent l'absynthe en miel!.

  A014001516 

 Il ne faut pas que je vous die, ma chere Fille, combien affectionnement je vous recommande a Nostre Seigneur, car c'est avec un cœur tout nouveau et qui va tous-jours s'aggrandissant de ce costé-la.

  A014001516 

 Je suys un peu plus a l'orayson qu'a l'ordinaire; car ne vous faut-il pas un peu parler de mon ame qui est tant vostre? Graces a Dieu, j'ay un extreme desir d'estre tout a luy et de bien servir son peuple..

  A014001517 

 A Dieu, ma chere Fille, que mon ame ayme et cherit incomparablement, absolument, uniquement en Celuy qui, pour nous aymer et se rendre nostre amour, s'est rendu a la mort.

  A014001525 

 Et comme ceux qui cheminent sur la corde tiennent tous-jours en leurs mains le baston de contrepoidz, pour balancer leurs cors justement en la varieté des mouvemens qu'ilz ont a faire sur un si dangereux plancher, vous deves aussi fermement tenir la sainte Croix de Nostre Seigneur, affin de marcher asseurement parmi les perilz que la varieté des rencontres et conversations pourront apporter a vos affections; en sorte que tous vos mouvemens soyent balancés au contrepoidz de l'unique et tres aymable volonté de Celuy auquel vous aves voué tout vostre cors et tout vostre cœur.....

  A014001525 

 Je vous escrivis l'autre jour, mais mon cœur qui vous cherit tendrement, ne se peut assouvir de vous en rendre [164] au moins ce foible tesmoignage de vous escrire le plus souvent que je puis.

  A014001526 

 Mais jamais vous ne l'atteindres, puisque cet amour sacré n'est nomplus fini que son object, qui est la souveraine Bonté..

  A014001527 

 A Dieu, tres chere Niece, aymés-moy tous-jours constamment, en qualité de l'homme du monde qui vous desire le plus de vrayes et solides consolations.

  A014001527 

 Ouy, ma Fille, je vous souhaite l'abondance de l'amour divin, qui est et sera eternellement l'unique bien de nos cœurs, qui ne nous ont esté donnés que pour Celuy qui nous a donné tout le sien..

  A014001534 

 Encor faut-il un peu condescendre a cette pauvre fille, qui est vrayement bonne, quoy qu'infirme; et pour cela je luy dirois volontier qu'elle vint, si je ne craignois l'inquietude et la diversité de sentimens que messieurs vos parens en prendront.

  A014001534 

 Je voy l'esprit de nostre chere seur, qui desire de venir faire un voyage et «s'en promet un grand alegement.

  A014001535 

 Et si, il ne faut pas que ce soit si tost, par ce que nous avons un peu de soupçon de guerre, qui s'evacuera, et que Monsieur le Duc de Nemours doit passer icy pour quelques jours, pendant lesquelz je ne pourray pas l'abandonner.

  A014001535 

 Or, quand elle se resoudra de venir, il faut que ce soit sans bruit et tout simplement, comme pour venir a Saint Trivier et a Saint Claude, et vous aussi, et la bonne madamoyselle de Puligni aussi, si ell'est de la trouppe, [166] affin d'eviter les curiosités de ceux qui voudront tout enquerir.

  A014001536 

 Au demeurant, croyes que j'auray bien de la consolation si je vous puis voir entre nos montaignes, qui sont toutes en fort bon air, et nous vous gouvernerons toutes avec du loysir, Dieu aydant.

  A014001536 

 En un mot, prenes garde que vos congés soyent donnés franchement, et cela estant, ce me sera un grand contentement de vous voir un peu parmi nous, quoy que vous n'y seres nullement bien traittees... encor que nous voulussions; mais vous seres receues par certaine sorte de cœur ( sic ) qui ne sont pas vulgaires..

  A014001537 

 Et pour reparer ce manquement, il faut que vous facies au double des oraysons jaculatoires, et que vous appliquies le tout a Dieu par un acquiescement entier a son bon playsir qui [167] vous separe aucunement de luy, vous donnant cet empeschement la a la meditation; mais cet ( sic ) pour, vous unir plus solidement a luy par l'exercice, de la sainte et tranquille resignation.

  A014001537 

 Que nous importe-il que nous soyons avec Dieu ou d'une façon ou d'autre? En verité, puisque nous ne cherchons que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en l'orayson, sur tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre aussi bon de l'un que de l'autre; outre que les oraysons jaculatoires, les eslancemens de nostr'esprit sont des vrayes continuelles oraysons, et la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions faire a Celuy qui nous a sauvés en souffrant.

  A014001539 

 Ne vous inquietes point de ne pouvoir pas servir Dieu selon vostre goust, car en bien vous accommodant a vos incommodités vous le servires selon le sien, qui est bien meilleur que le vostre.

  A014001552 

 Mais je treuvois mon pectoral bien plus riche, encor quil ne fut composé que d'une seule pierre, qui est la perle orientale que la Mere perle conceut en ses entrailles chastes, de la benite rosee du ciel; car voyes vous, je tenois ce divin Sacrement bien serré sur ma poitrine, et m'estoit advis que les noms des enfans d'Israel estoit ( sic ) tous marqués en iceluy.

  A014001553 

 L'espervier et le passereau de saint Joseph me revenoyent en l'esprit; et me sembloit que j'estois chevalier de l'ordre de Dieu, portant sur ma poitrine le mesme Filz qui vit eternellement en la sienne.

  A014001554 

 Voyla ce que je vous puis dire maintenant, a ce retour de vostre cher et brave neveu, qui a esté si courtoys que d'arrester volontier ces quattr'ou cinq jours avec nous.

  A014001565 

 Je suis marry que je n'ay plus tost receu la salutation que maistre Constantin m'avoit apporté de vostre part; car j'eusse eu plus de loysir de vous escrire selon mon cœur, qui est si plein d'affection pour vous et vous cherit si fort qu'il ne peut se contenter de vous entretenir pour un peu..

  A014001581 

 J'appreuverois fort que ceux qui portent barbe fussent bien rasés a la teste et au menton, selon les anciennes coustumes des Benedictins; et que, tant qu'il sera possible, on n'allast plus seul a seul, ains tous-jours avec un compaignon..

  A014001584 

 Je sçay et voy vostre Regle qui dit merveilles; il n'est pas pourtant expedient de passer d'une extremité a l'autre sans milieu..

  A014001597 

 Pour moy, qui suis ennemi juré des cours, j'appreuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir, et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et [176] de l'amitié sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et honnore d'un cœur tres fidelle, et qui est,.

  A014001608 

 Dieu donne a monsieur N. beaucoup de grace d'avoir monsieur son grand pere qui veille sur luy.

  A014001609 

 Or, attendre en attendant, c'est de ne s'inquieter point en attendant; car il y en a plusieurs qui en attendant n'attendent pas, mais se troublent et s'empressent..

  A014001610 

 Et tout plein de petites traverses et secrettes contradictions qui sont survenues a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu, qui est certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon cœur.

  A014001611 

 C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist et paroist sur un [178] arbre et en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre.

  A014001611 

 Et puisque je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle: c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point; et vous remercie du zele que vous aves pour son bien, qui est indivis avec celuy de la vostre, si vostre et mien se peut dire entre nous pour ce regard.

  A014001611 

 Je vous diray plus: c'est que je la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.

  A014001611 

 Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument disjoint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux, et vous, ma Fille, que vous series contente! Mais je parle pour l'interieur et pour mon sentiment; car mon exterieur, et, ce qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections contraires, et le bien que je veux, je ne le fay pas; mais je sçay pourtant bien qu'en verité et sans feintise je le veux, et d'une volonté inviolable.

  A014001622 

 Mais puisque, comme vous m'advertisses, ces Messieurs de l'autre costé ont fait choix de celuy qui parlera pour leur pretendue religion, nommé le lieu et marqué la Version qu'eux desirent employer a cet effect, il m'est advis que c'est a bon escient qu'ilz traittent; et en cette persuasion, je vous diray que j'accepte tres volontiers que ladite conference se fasse dedans la ville de Geneve et que ce soit a la Version de la Bible imprimee a Anvers, a laquelle nous nous arrestions..

  A014001641 

 Je dis de vostre presence, qui m'est desirable sans fin, et en vostre Paris, ou elle me seroit concedee plus a souhait qu'ailleurs..

  A014001642 

 Mais, Monsieur, dites donq la verité, je vous supplie: ces obediences et mortifications de n'oser pas estre libre quand on n'est pas serf, ne sont elles pas comparables a celles de ceux qui ne sont pas libres par ce qu'ilz sont serfz? Il faut neanmoins s'y accommoder, et tout doucement, qui est l'importance.

  A014001643 

 Et puisque je suis sur ce sujet, je diray encor quil y a trois jours que je receu une lettre de monsieur de [182] Santeül, qui, de la part de monsieur Perrochel, me semont a la chaire de Saint Gervais pour l'an 1611, et me dit que l'on en a parlé avec monsieur des Hayes, mon arch'intime.

  A014001645 

 Au demeurant, voyant que Dieu le veut, je m'arreste de tres bon cœur icy, et prens, en eschange de la satisfaction que j'aurois de vous voir, l'ayse que j'ay a penser en vous, a parler de vous avec ceux qui vous honnorent, et sur tout a vous cherir d'un amour tendre et respectueux, autant qu'homme du monde..

  A014001646 

 Encor faut il que je vous die que nous avons despuis peu nostre monsieur de Charmoysi, avec lequel je me suis entretenu ce matin trois grosses heures sur son depart de la mayson de Monsieur, et ay treuvé que certes il a [183] eu plusieurs bonnes raysons de le faire, qui seroyent trop longues a deduire; neanmoins il m'a dit que tous-jours il s'accommoderoit a ce que ses amis, et sur tout vous et moy luy conseillerions.

  A014001646 

 Et apres une separation si entiere, il sera malaysé d'oster un peu d'aversion des cœurs de l'un a l'autre; et celuy de Monsieur, comme vous sçaves, ayme d'avoir ses coudees franches, et celuy de monsieur de Charmoysi est courageux, qui ne peut souffrir le desdain.

  A014001646 

 Je vay pensant comme je pourrois faire pour servir d'instrument a la reparation de tout cela, mais je voy la chose malaysee, car les oreilles de Monsieur se remplissent tous les jours de plus en plus de persuasions contraires, que ceux qui n'ayment pas monsieur de Charmoysi ont tout loysir et advantage de faire.

  A014001647 

 Mais si vous continues de vouloir faire le voyage a la Sainte Baume, ne doutes pas que vous ne m'ayes pour [184] associé a vostre pelerinage, car ce n'est pas sortir de Savoye d'aller a Marseille, pourveu que ce soit sur le Rosne, auquel nous contribuons tant d'eaux et tant de sable; et nostre cher petit Evesque, mais grand Praelat, sera bien ayse de nous faire l'hospitalité en passant, moyennant un sermon que je feray a son peuple, qui, oyant parler de Geneve, y viendra tout entier, huguenotz et Catholiques pesle mesle.

  A014001648 

 Et puis qu'elles favorisent ce chetif livret de l'Introduction a la Vie devote, je vous supplieray, dans trois semaynes, de leur en faire a chacune un present de ceux que je vous envoyeray de la seconde edition, et autant que la commodité le permettra; a laquelle j'ay adjousté beaucoup de petites chosettes, selon les desirs que plusieurs dignes juges m'ont tesmoigné d'en avoir, et tous-jours regardant les gens qui vivent en la presse du monde..

  A014001665 

 Ayant esté prié par le sieur de Crans, juge maje de Foucigni, d'interceder vers Vostre Excellence affin d'obtenir la survivance de sa charge en faveur de son filz, je fay tres volontier cet office, parce qu'il regarde un gentilhomme bien nay, qui a bon esprit et bonne ame, qui a fort bien estudié et qui, en l'exercice de la lieutenance de son pere, quil fait il y a quelque tems, tesmoigne qu'ayant la charge en chef, il s'en acquiteroit dignement et se rendroit utile serviteur de Vostre Excellence; a laquelle je fay donq tres humble demande de ce bienfait pour ce viel pere qui, se preparant a la sortie de ce monde, a cette juste ambition d'y laisser son filz au mesme service de son Prince, qu'il a eu lhonneur d'y exercer..

  A014001666 

 La bonté de Vostre Excellence, qui daigne me tenir en sa grace, m'a donné le cœur d'entreprendre cette intercession envers elle, pour laquelle j'en fay journellement [187] a l'autel envers Dieu, affin quil la comble de benedictions immortelles.

  A014001681 

 Et si, il faut adjouster a l'inscription, le titre de Conseiller du Conseil des Vingtz et cinq Seigneurs; car il y a un autre Sarrasin qui [189] n'en est pas, bien qu'il soit de grand credit dans cette ville la..

  A014001681 

 Une lettre a celuy que vous escrives, sera fort a propos; mais il faut qu'elle soit presentee par quelqu'un qui aye asses d'asseurance pour le presser de faire responce, en cas qu'il voulust la supprimer et faire le fin; a quoy quelque notable personne de la Franche Comté, qui fust des villes avec lesquelles ceux de Geneve ont commerce, seroit fort sortable.

  A014001683 

 Et quand je dis le peuple, je veux dire les Seigneurs des deux Conseilz, qui ne sont que marchans et certains gens de peu..

  A014001684 

 J'aymerois donq mieux advouer que l'Escriture est tres suffisante pour nous instruire de tout, et dire que l'insuffisance est en nous, qui, sans la Tradition et sans le magistere de l'Eglise, ne sçaurions nous determiner du sens qu'elle doit avoir, ni des consequences qu'on en peut tirer pour la direction et gouvernement du peuple Chrestien; car en cette sorte, la chose demeurant la mesme, l'explication est plus specieuse et plausible a ceux aux oreilles [191] desquelz on ne fait que crier que nous mesprisons les saintes Lettres..

  A014001693 

 En ceci, la dilation ne peut nuire, mon Reverend Pere; et je sçai tout maintenant par un advis, que si la conference se fait, il sera voirement bien requis que nous nous voyons, non pour autre chose, que parce que l'humeur de ce peuple la m'estant familiere, je vous pourray dire plusieurs [192] choses qui vous serviront en cette sainte et tres prouffitable entreprise..

  A014001728 

 Vous aures sceu comme je traversay Geneve sous la conduite de mon bon Ange, et cela seulement per non parer poltrone et pour verifier que qui ambulat simpliciter, ambulat confidenter, et avec la profession de ma qualité.

  A014001748 

 Il fut des-ja publié l'annee passee, mais si imparfait que je n'osay pas l'exposer a la veuë d'un si grand Prince; maintenant qu'il est un peu moins mal accommodé, j'en prens la hardiesse, porté par la seule consideration de cette douce bonté qui a tous-jours aggreablement receu les foibles tesmoignages de mon invariable fidelité.

  A014001749 

 J'envoye a Vostre Altesse l'attestation de l'estat de deux images et de quelques autres particularités qui regardent l'estime que l'on a eu de la sainteté du serenissime et glorieux Amé.

  A014001750 

 Pour cela, Monseigneur, sachant que les affections et services hereditaires sont les plus fermes, je souhaitterois qu'il pleust a Vostre Altesse s'incliner a cette requeste, de l'enterinement de laquelle se respandra une bonn odeur qui fera connoistre a chacun que sa providence s'estend jusques a prendre soin des enfans de ceux qui l'ont fidellement servie, pourveu qu'imitateurs de leurs peres, ilz s'en rendent dignes..

  A014001763 

 Je dis infini, Sire, par ce qu'en effect, il regarde le salut des ames, qui s'estend jusques a l'eternité; et non seulement des ames qui ont esté maintenant favorisees de cet incomparable bonheur, mais de plusieurs autres qui, excitees par l'exemple de celles ci et par l'odeur de la sainte affection de Vostre Majesté, minutent des tres humbles requestes pour en obtenir une pareille grace.

  A014001764 

 Quant a moy, Sire, je contemple en ces reparations de la sainte Eglise, une des rares qualités qui font connoistre et reconnoistre en Vostre Majesté, le sang et le cœur du grand saint Louys et de Charles Maigne, l'un et l'autre des plus grans restaurateurs du service de Dieu que les Chrestiens ayt ( sic ) jamais veu..

  A014001765 

 Et puis que je dois ce tesmoignage a la verité, je vous diray, Sire, que celuy que jusques a present Vostre Majesté a employé comme son instrument pour l'execution de ses volontés en cet endroit, a un zele qui ne peut rien oublier et une prudence qui ne sçauroit jamais rien gaster, qui est tout ce qui se peut desirer en une si digne et importante affaire..

  A014001776 

 J'ay eu fort peu de mal de ma cheute, qui ne m'avoit apporté qu'une fouleure de nerfz et un os demis; mais [202] j'en ay l'incommodité de demeurer au lict, et par consequent, de ne point celebrer.

  A014001777 

 Nostre seur a bien fait de m'advertir de ces petites tricheries de paroles que cette pauvre Religieuse va semant; car cela me peut servir et ne peut nuyre a personne, puisque je ne suis point despiteux, et pour cela ne laisseray pas de penser a quelque moyen d'ayder cette chetifve ame qui, a mon advis, est pleyne de legereté et inconstance, plus tost que de malice.

  A014001779 

 Vous faites bien pour ce qui regarde l'orayson et ces distractions et petites envies spirituelles.

  A014001780 

 Je vous recommande M me de Charmoysi qui est toute malade, a ce que me dit M. de Charmoysi, et un ( sic ) bonn' œuvre que nous allons entreprendre pour le bien de plusieurs ames..

  A014001781 

 Je suis tout entierement tout vostre en Nostre Seigneur, qui vive et regne es siecles des siecles.

  A014001793 

 Mais, ma chere Fille, il faut estre patient a ceux qui veulent servir les ames, car tous-jours ainsy au commencement, elles sont volages, bigearres et inventrices de paroles.

  A014001793 

 Qui se voudroit desgouster pour cela, ne feroit jamais rien.

  A014001820 

 Ce sera a vous qui touchés la chose, d'en faire comme vous jugeres plus a propos.............................................................................................................

  A014001820 

 Je vous escrivis n'a gueres en response de la lettre que vous m'avies envoyee sur le sujet de la Congregation des prestres reformés, vous tesmoignant le desir que [207] j'avois de contribuer a une si utile entreprise tout ce qui depend de moy; et ne pouvant disposer de l'absence de mon diocese requise pour cette œuvre, je vous asseurois que, si tost que je serois arrivé a Neci, j'escrirois au Saint Pere pour avoir son commandement sur cela.

  A014001820 

 Or, despuis j'ay pensé que si on pouvoit faire [que,] de dela, le Nonce du Saint Siege qui reside a Paris escrivist en faveur [208] de ce dessein la, il le rendroit fort aysé; qui m'a fait vous escrire encor des icy, pour ne rien oublier de mon costé, de tout ce que je croyois pouvoir estre utile a faire reuscir une chose de si grand poix pour le bien de l'Eglise.

  A014001842 

 O que bienheureux sont ceux qui le portent doucement et constamment! Je l'ay vrayement porté tous ces jours sur ma langue, et l'ay porté en Egypte, ce me semble, puisqu'au Sacrement de Confession j'ay ouy grande quantité de penitens qui, avec une extreme confiance, se sont addressés a moy pour le recevoir en leurs ames pecheresses.

  A014001844 

 Sçaves vous que je dis estendant vostre corporal pour la consecration? Ainsy, dis je, puisse bien estre estendu le cœur de celle qui me l'a envoyé, sous les sacrees influences de la volonté du Sauveur.

  A014001845 

 Vive Jesus qui m'a rendu tout vostre, et plus que je ne puis dire.

  A014001854 

 Il faut, ma chere Mere, ne plus vous amuser a certaines considerations qui ne servent a rien et sont de trop peu de valeur pour occuper l'esprit; et, ayant mis doucement l'ordre qui se peut mettre aux affaires, sil ( sic ) vont bien, en louer Dieu, sil ( sic ) ne vont pas si bien que vous desireriés, puisque vous ne pouves pas mieux faire de vostre costé, remettre le tout entre les bras de Dieu qui, en fin, conduit toutes choses selon quil voit expedient a nostre bien..

  A014001877 

 Ayant esté pres de deux mois entiers en Bourgoigne, partie au duché, pour assister aux noces de mon frere de Groysi, qui doit tant estre vostre serviteur, partie au comté, pour l'execution d'un commandement que le Pape avoit confié a Monsieur l'Evesque de Basle et a moy conjointement, j'ay treuvé a mon retour la lettre [215] que vous avies pris la peyne de m'escrire par le bon monsieur de Soulfour, qui passa a Chamberi tandis que j'estois sur mon voyage; lettre, comme toutes les autres, pleyne des marques de ce grand et fort amour que vous me portés, et duquel je suis reciproquement amoureux de toute l'estendue de mon cœur, et autant glorieux qu'homme du monde a qui vous le sceussies departir..

  A014001878 

 Et tandis, je m'esclarciray aussi de mon costé d'un autre que j'ay treuvé a mon retour, fort inopinement, lequel (affin que je vous le die, Monsieur, a qui je voudrois estre tous-jours tout ouvert) consiste en un esclarcissement d'un ombrage que quelqu'insolent a fait par l'interposition de sa calomnie, entre l'esprit de Son Altesse et moy, comme si j'avois certaine intelligence sur ma miserable Geneve, pour y entrer et regner par autre moyen que celuy de sa grace.

  A014001878 

 Le fondement du mesdisant a esté dix ou douze jours entiers que je fus a Gex ce mois de septembre passé, et ou allant, par une certaine imprudente hardiesse, je passay tout au travers de Geneve, apres avoir fait dire a la porte a celuy qui marchoit immediatement devant moy, que j'estois Monsieur l'Evesque, et escrire en la bullette: Franç.

  A014001879 

 Sur tout cela, donq, on a fait cet argument: Qu'a-il tant fait a Gex, et qui luy a donné cett'asseurance de passer en cette ville tant ennemie du nom quil porte et de sa qualité, et en laquelle ses praedecesseurs ne sont jamais entrés des la revolte, sans saufconduit, sans se desguiser, sans desadvouer sa qualité? Mais en vray ( sic ) verité, ilz ont peu de connoissance de mon ame, s'ilz me jugent si plein de consideration et d'apprehension que je ne puisse pas faire une petite temerité.

  A014001881 

 J'auroys honte de tout cela, si vostre faveur ne devoit couvrir la nudité qui y est, comm' encor ce que j'ose vous addresser tant de lettres qui sont en ce pacquet..

  A014001886 

 Monsieur, c'est a vous a qui j'escris ainsy librement de mes nouvelles..

  A014001914 

 Le P. Joseph Alamanni, recteur du collège de Turin, m'a envoyé une relation des fruits qui se sont faits à Salamanque au moyen des Exercices spirituels; or, c'est vous qui l'avez chargé de me faire [219] cette communication.

  A014001915 

 Une dame qu'on n'avait jamais pu convertir, est morte ces jours passés, après avoir, néanmoins, fait profession de la foi catholique le jour même de sa mort et reçu les divins Sacrements, grâce aux exhortations d'une paysanne sa voisine: grand sujet d'admirer les secrets de la bonté de Dieu pour ceux qui ont su les considérer dans cet événement..

  A014001916 

 Dans le bailliage de Gex, qui appartient maintenant au roi de France, la plupart des habitants sont encore huguenots; car cette maudite religion a persisté parmi eux depuis soixante-dix ans que les Bernois l'y ont implantée.

  A014001917 

 Et je crois que si leur édit (qu'ils appellent fondamental), suivant lequel le premier qui proposera le changement de religion doit être condamné a mort, si cet édit était aboli, plusieurs entreraient en pourparlers pour obtenir l'exercice du culte catholique dans une église de la cité.

  A014001918 

 Arrivé à la porte de la ville, le préposé demanda qui j'étais; je fis répondre par mon vicaire général que j'étais Monsieur l'Evêque.

  A014001919 

 Souvent je leur ai offert de me rendre auprès d'eux pour convaincre leur doctrine de fausseté, à la condition d'en recevoir quelque garantie pour ma personne et pour ceux qui viendraient avec moi; je leur ai meme fait porter la parole par des gens de qualité, avec un écrit signé de ma main et cacheté: jamais ils ne l'ont voulu; ils en ont été empêchés par les [224] ministres.

  A014001920 

 L'ouvrage a été bien accueilli en France à cause de la nouveauté de son contenu qui ne vise qu'à aider les gens du monde..

  A014001921 

 Je vous supplie de le recevoir comme venant de quelqu'un qui vous honore, vous révère et vous aime de tout son cœur, et qui prie Dieu de vous combler de toute sainte prospérité..

  A014001932 

 J'en vis un'autre a Dole, damoyselle de fort bon lieu et qui a extremement bonne mine, un peu ma parente (car ell'est de ce pais), et qui vous vit a Dijon ou ell' estoit allé conduire une Religieuse Carmeline.

  A014001932 

 Oüy, [mon ame,] ma Fille, je vis la bonne M. David, [226] qui me plait fort.

  A014001933 

 Et moy, qui ay quelquefois du courage, je me suis fort plaint par une lettre, de laquelle la consequence peut estre diverse, mais tous-jours universellement a la gloire de Dieu et a ma consolation.

  A014001933 

 Helas! ceux qui me connoissent sçavent que je ne pensay jamais a intelligence et que je fay mille traitz de courage par une vraye simplicité; non pas certes simplicité d'esprit (car je ne veux pas parler doublement avec vous), mais simplicité de confiance.

  A014001933 

 Mais, ma chere Fille, c'est la Providence de nostre cher Seigneur qui vous retient un peu la, car voyci qu'a mon arrivee, j'ay treuvé des nouvelles qu'on m'avoit fait une grande calomnie en nostre court, propre a me mettre en la disgrace de ce Prince qui, des quelque tems en ça, tesmoignoit tant de m'aymer.

  A014001933 

 Or tout cela n'est rien, et je ne le dis aussi [227] qu'a vous, a laquelle je ne puis rien celer de ce qui me regarde..

  A014001933 

 Or, j'en attens l'evenement, et ne voudrois pas que vous fussies icy qu'apres que cette bourrasque sera passee, qui sera bien tost, Dieu aydant.

  A014001934 

 Sur cela, celuy qui manie toute la barque et duquel depend l'autre fondatrice, sans que je luy en eusse jamais parlé, sans quil en eut jamais rien apperceu, me va proposer que la mayson estant achettee et presque praeparee pour une douzaine de filles, il seroit bon de l'employer a la Congregation de quelques dames devotes, selon que jadis il avoit ouy discourir a un vieux Capucin italien.

  A014001935 

 J'escris a nostre M. de Vaucroissant, qui'a tort, certes, sil croit que je ne l'ayme pas parfaittement, car certes, je le cheris tout entierement; mais voyes vous, quelques fois l'ardeur de l'amitié s'evapore en jalousie.

  A014001935 

 Je vous envoye les lettres que j'oubliay a vous porter de M me Vignod, qui est tres bonne fille.

  A014001936 

 La bonne M me de Baume fut bien consolee, quoy qu'accablé de tant de gens qui me demandoyent confession je n'eu pas tout le loysir que je desirois pour l'entretenir, car outre cela, j'avois mon grand affaire sur les bras..

  A014001941 

 La pauvre petite seur, est toute grosse, a ce que son mari m'a dit, qui se plaint de quoy ell'est un peu melancolique; je pense que dans quatre jours elle viendra..

  A014001962 

 C'est la verité, ma tres chere Fille, que rien ne nous peut donner une plus profonde tranquillité en ce monde que de regarder souvent Nostre Seigneur en toutes les afflictions qui luy arriverent despuis sa naissance jusques a sa mort; car nous y verrons tant de mespris, de calomnies, de pauvreté et indigence, d'abjections, de peynes, de tourmens, de nudités, d'injures et de toutes sortes d'amertumes, qu'en comparayson de cela nous connoistrons que nous avons tort d'appeller afflictions et peynes et contradictions ces petitz accidens qui nous arrivent, et que nous avons tort de desirer de la patience pour si peu de chose, puisqu'une seule petite goutte de modestie suffit pour bien supporter ce qui nous arrive.

  A014001963 

 Je connois fort bien l'estat de vostre ame et m'est advis que je la voy tous-jours devant moy avec toutes ces petites esmotions de tristesse, d'estonnement et d'inquietude qui la vont troublant, parce qu'elle n'a pas jetté encor asses avant les fondemens de l'amour de la croix et de l'abjection dedans sa volonté.

  A014001963 

 Ma tres chere Fille, un cœur qui estime et ayme grandement Jesus Christ crucifié, ayme sa mort, ses peynes, ses tourmens, ses crachatz, ses vituperes, ses disettes, ses faims, ses soifz, ses ignominies, et quand il luy en arrive quelque petite participation, il en jubile d'ayse et les embrasse amoureusement.

  A014001963 

 Vous deves donques tous les jours, non pas en l'orayson, mais a part, en vous proumenant, faire une reveuë de Nostre Seigneur entre les peynes de nostre Redemption, et considerer quel bonheur vous sera d'y participer; voir en quelle occasion ce bien la vous peut arriver, c'est a dire les contradictions que vous pourres avoir en tous vos desirs, mais sur tout es desirs qui vous sembleront plus justes et legitimes, et puis, avec un grand amour de la Croix et Passion de Nostre Seigneur, vous vous deves escrier avec saint André: «O bonne croix,» tant aymee de mon Sauveur, quand me recevres-vous entre vos bras?.

  A014001964 

 Quand nous nous reverrons, resouvenes moy que je vous parle un peu de cette tendresse et delicatesse de vostre cher cœur, car vous aves sur tout besoin, pour vostre paix et repos, d'estre guerie de cela avant toutes choses, et de bien former en vous l'apprehension de l'eternité, en laquelle quicomque pense souvent, il se soucie fort peu de ce qui arrive en ces trois ou quatre momens de vie mortelle..

  A014001974 

 Voyci, ma tres chere Fille, cette annee qui se va abismer dans le gouffre ou toutes les autres se sont jusques a present aneanties.

  A014001975 

 Helas! quand je pense comme j'ay employé le tems de Dieu, je suis bien en peyne qu'il ne me veuille point donner son eternité, puisqu'il ne la veut donner qu'a ceux qui useront bien de son tems..

  A014001976 

 Au moins, parmi ces jours sacrés, mille desirs m'ont saysi de vous donner le digne contentement que tant vous souhaittes de mon ame comme de la vostre mesme, en m'avançant soigneusement a cette sainte perfection a laquelle vous aspires et pour laquelle vous respires en la faveur de ce cœur, qui, reciproquement, vous souhaitte sans fin toute la plus haute union avec Dieu qui se peut treuver icy bas..

  A014001976 

 Je vous escris sans loysir, [234] car ma chambre est pleine de gens qui me tirent; mais mon cœur est solitaire toutefois, et plein de desir de vivre a jamais tout pour ce saint amour, qui est l'unique pretention de ce mesme cœur.

  A014001983 

 Et puis, vostre mal, qui n'est d'autre chose que de secheresse et aridité, ne peut estre remedié par lettre; il faut en presence ouyr vos petitz accidens, et encor, apres tout, la patience et resignation en est l'unique guerison.

  A014001984 

 Et quoy que saint Pierre aymast la montaigne de Thabor et fuist la montaigne de Calvaire, celle ci toutefois ne laisse pas d'estre plus utile que celle la, et le sang qui est respandu en l'une, est plus desirable que la clairté qui est respandue en l'autre.

  A014001985 

 L'inquietude et chagrin qui vous arrive de la connoissance de vostre neantise n'est pas aymable; car encor que la cause en est bonne, l'effect neanmoins ne l'est pas Non, ma Fille, car cette connoissance de nostre neantise ne nous doit pas troubler, ains adoucir, humilier et abbaisser; c'est l'amour propre qui fait que nous nous impatientons de nous voir vilz et abjectz.

  A014001985 

 Or sus, je vous conjure par nostre commun amour, qui est Jesus Christ, que vous vivies toute consolee et toute tranquille en vos infirmités.

  A014001999 

 Mais sçaves vous ce qui me plait? C'est que vous me dites que vous me parles a cœur ouvert; car, ma chere Fille, c'est une bonne condition pour avancer selon l'esprit que d'avoir le cœur ouvert pour la fidele et naifve communication que nous devons faire entre nous, d'autant que Nostre Seigneur, qui se plait tant a communiquer son esprit aux siens, se plait aussi beaucoup a voir que nous nous entrecommuniquions les nostres, pour nous entresoulager et ayder..

  A014002013 

 Voyes vous, ma Fille, vostre venue luy est bien a cœur, parce qu'elle espere de servir bien Dieu en vostre personne et en celle des filles et femmes qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite, mais sainte et aymable retraitte que nous meditons..

  A014002022 

 Ni ces liens reciproques ne sont point rompus par la mort, car ce sont des liens de l'amour sacré, qui est aussi fort pour les conserver que la mort pour les dissoudre..

  A014002023 

 Or, les miracles que Dieu a faitz en faveur de ce grand Prince, la grande estime de la sainteté d'iceluy que sa divine Providence a nourrie dans le cœur des peuples qui ont le bonheur d'estre sous sa couronne et de plusieurs autres circonvoysins, les histoires qui celebrent si hautement la pieté de sa vie, ce sont, Monseigneur, tout autant de sommations que ce saint Prince vous fait de luy faire les honneurs qui sont dus a son [240] excellente sainteté.

  A014002036 

 Et vous, Monsieur, me refuseres-vous la grace que je vous ay requise, de voir et recevoir monsieur vostre filz, qui recourt a vostre sein paternel [241] pour y vivre meshuy avec toute humilité et obeissance qu'il vous doit rendre? Donnes-moy, je vous conjure, Monsieur, ce contentement, que ce soit par mon entremise que ce bonheur arrive a ce filz, affin qu'il sache que je tiens un rang en vostre bienveuillance aussi grand que celuy que vous tenes en mon honneur et respect..

  A014002037 

 Tandis que les peres exercent leur severité a l'endroit de leurs enfans par necessité, ilz leur doivent preparer de la douceur en leur volonté, affin que la rigueur qui les a chastiés ne les accable pas, degenerant en dureté et fierté.

  A014002048 

 Le gentilhomme a qui j'avois confié le soin de luy parler arrivera bientost icy, et j'apprendray plus particulierement ce quil aura dit touchant l'esperance de vous guerir, et tout au plus tard, je vous escriray des Salins..

  A014002061 

 Ce pendant, chere Seur, prenés bien courage a faire vostre enfant; je dis celuy du cors et celuy du cœur, mais sur tout celuy du cœur, qui est Nostre Seigneur, lequel vous voules, je m'asseure, produire en vostre vie et en vous mesme beaucoup mieux d'ores en avant.

  A014002069 

 Ayant appris par messieurs les coeschevins de vostre ville qui ont pris la peyne de venir icy, ce que vous leur aves confié pour me dire, il ne me reste que de vous prier de croire que je conserveray cherement en mon ame l'affection avec laquelle je vous avoys dedié les predications que vous aviés desirees de moy pour ce Caresme, lesquelles je veux contreschanger en autant d'oraysons que je feray pour le bonheur de vostre ville.

  A014002100 

 Mais, mon cher Frere, soyés genereux; dites luy vous mesme qu'il faut qu'elle oublie [248] son peuple et la mayson de son pere; mais non pas son pere, car elle s'en souviendra tous-jours devant Dieu, qui est nostre Pere commun.

  A014002148 

 O ma chere Fille, que vous me fistes un jour grand playsir de me recommander la sainte humilité! car sçavés-vous, quand le vent s'enferme dedans nos vallees, entre nos montaignes, il ternit les petites fleurs et desracine les arbres; et moy, qui suis logé un peu bien haut en cette charge d'Evesque, j'en reçois plus d'incommodités.

  A014002148 

 Tenés-vous bien ferme, et serrés bien estroittement ce pied de la sacree Croix de Nostre Seigneur; la pluye qui y tombe de toutes pars abat bien le vent, pour grand qu'il soit.

  A014002150 

 Que je suis content que nous avons retranché les aisles a Caresme prenant en cette ville et qu'on ne le connoist presque plus! Quelles congratulations en fis-je [253] Dimanche a mon cher peuple, qui estoit venu en nombre extraordinaire pour ouyr le sermon sur le soir et qui avoit rompu toutes conversations pour venir a moy! Cela me contenta fort, et que toutes nos dames avoyent communié le matin, et qu'elles n'osoyent entreprendre de faire des balz sans demander licence.

  A014002153 

 Qu'ay je a vous dire davantage, sinon que nous vivions d'une vie toute morte, et que nous mourions d'une mort toute vive et vivifiante en la vie et en la mort de nostre Roy, de nostre Seigneur et de nostre Sauveur, en qui je suis.

  A014002163 

 Sa divine Majesté nous attire en cette sorte au desir du Ciel, y retirant petit a petit tout ce qui nous estoit plus cher icy bas..

  A014002177 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse de prester vostre oreille favorable au sieur de Blonnay, present porteur, qui ne desire luy parler que des choses qui luy sont aggreables, puisqu'elle prend tous-jours playsir a l'advancement de la gloire de Dieu, de l'exaltation de la foy et du salut des ames..

  A014002178 

 Ce mesme Dieu tout puissant face de plus en plus abonder Vostre Altesse en benedictions et consolations celestes, qui sont les continuelz et ardans desirs que fait pour elle,.

  A014002196 

 Mais a mesme presque que je voulois partir, ilz m'envoyerent deux des leurs, qui m'annoncerent que Monsieur leur Archevesque leur avoit absolument refusé permission de me donner leur chaire.

  A014002234 

 Et pour moy, je confesse, ma Fille, que j'ay eu un grand ressentiment de cette separation (car c'est la confession que je doy faire de ma foiblesse, apres que j'ay fait celle de la bonté divine); mais neanmoins, ma Fille, ça esté un ressentiment tranquille, quoy que vif, car j'ay dit comme David: Je me tais, o Seigneur, et n'ouvre point ma bouche, parce que c'est vous [ qui ] l'aves fait.

  A014002235 

 En voyci une petite histoire, car c'est a vous a qui je parle; a vous, dis-je, a qui j'ay donné la place de cette mere en mon memorial de la Messe, sans vous oster celle que vous avies, car je n'ay sceu le faire, tant vous tenes ferme ce que vous tenes en mon cœur; et par ainsy, vous y estes la premiere et la derniere.

  A014002235 

 [261] Mon pauvre frere vostre filz, qui dormoit encor, estant adverti accourt en chemise, et la fait relever et promener et ayder par des essences, eaux imperiales et autres choses qu'on juge propres en ces accidens, en sorte qu'elle se reveille et commence a parler, mais presqu'inintelligiblement, dautant que le gosier et la langue estoyent saysis..

  A014002236 

 On me vient appeller icy, et j'y vay soudain avec le medecin et apoticaire, qui la treuvent letargique et paralitique de la moytié du cors; mais lethargique en telle sorte, que neanmoins ell'estoit fort aysee a reveiller, et en ces momens de reveil elle tesmoignoit le jugement entier, soit par ces ( sic ) paroles, qu'elle s'efforçoit de dire, soit par le mouvement de sa main saine, c'est a dire delaquelle l'usage luy estoit demeuré.

  A014002237 

 Voyla tout ce qui se passa..

  A014002238 

 Au demeurant, je ne me puis taire du grand bon naturel de vostre filz, qui m'a si extremement obligé au soin et travail quil a pris pour cette mere, mais je dis avec tant de cœur, que sil eut esté quelque estranger, je serois forcé de le tenir et jurer mon frere.

  A014002239 

 Vostre petite chambre vous attendroit, nostre petite table, et nostre simple et petit traittement vous sera fait et offert de bon cœur, je veux dire de mon cœur qui est grandement vostre.

  A014002241 

 Si cela se peut, je ny voy nul inconvenient, car enfin vous auries vostre argent icy, outre [263] tout celuy qui depend de moy, qui est autant vostre que nul autre, et cette dote seroit payee, quil faut aussi bien payer une foys.

  A014002244 

 Dieu scait, ma Fille, si j'ayme tendrement cett'ame et si je nuis plein de desir de son bien, et que jamais je ne la veux ni puis abandonner, je dis quoy qu'elle fit; mais je n'ose pas la presser de loin, car cet ( sic ) un esprit qui ne peut estre conduit qu'avec amour et confiance; confiance, dis-je, tous-jours nourrie de nouvelles et continuelles demonstrations d'affection, ce qui ne se peut faire de loin.

  A014002245 

 J'escriray au P. de Monchi quil souffre beaucoup, car nous ne sommes point deshonnorables a l'Eglise, quand nous imitons Nostre Seigneur, qui a tant souffert d'ignominies pour nostre salut.

  A014002245 

 Je regrette l'accident de M me de Saint Jean, qui devoit arriver ou plus tost, ou plus tard, ou jamais.

  A014002247 

 Ne dites mot de Sainte Catherine, car c'est le secret qui doit tout faire reuscir.

  A014002248 

 Neanmoins (je parle simplement devant Nostre Seigneur, et a vous a qui je ne puis parler que purement et candidement) je ne pense pas tant sçavoir que je ne sois tres ayse, je dis extremement tres ayse, de me demettre de mon sentiment et suivre celuy de ceux qui en doivent par toute rayson plus sçavoir que moy; je ne dis pas seulement de cette bonne Mere, mais je dis d'une beaucoup moindre.

  A014002249 

 A Dieu, ma chere Fille, jusques a se revoir bien tost, moyennant Jesus, qui vive et regne a jamais en nos espris.

  A014002258 

 J'aurois tort d'avoir tant attendu a vous rendre les actions de graces que je vous dois, pour la souvenance que vous aves a moy tesmoignee par le petit poulet que mon frere m'apporta, si je n'avois esté distrait par le trespas de ma pauvre bonne mere, qui m'obligea d'estre a Sales quelque tems, pour rendre cette derniere assistance a cette chere personne.

  A014002258 

 Mais, ma chere Cousine, vous seres toute consolee quand vous sçaures qu'elle nous a laissé toutes sortes d'argumens d'esperer que son ame est receue en la main dextre de son Dieu, qui est en fin l'unique bonheur auquel nous aspirions en toute [occurrence] de cette basse et miserable vie mortelle.

  A014002258 

 Mon excuse est fascheuse, je m'asseure, a vostre cœur qui, de sa grace, aymoit fort cette amie defuncte, laquelle, de son costé, vous honnoroit d'une affection toute dediee a vostre service.

  A014002275 

 Or bien, venés, chere Fille, venés es montaignes; Dieu vous y face voir l'Espoux sacré qui tressaille es mons et outrepasse les collines, qui regarde par les fenestres et a travers la treille, les ames qu'il ayme.

  A014002283 

 Et mesme, quand quelque violent presage nous arrive, tel qu'estoit celuy duquel vous m'escrives, il faut renoncer aux apprehensions qui nous en reviennent, tant qu'il nous est possible, de peur que nostre ennemy, nous treuvant faciles a croire telz ressentimens, n'abuse de nostre facilité.

  A014002283 

 Il n'y eut nulle offence en [269] tout ce qui se passa touchant les presages du peril de monsieur vostre filz; bien qu'il ne faille pas attendrir son esprit a donner creance a ces preoccupations, mais aller doucement remettant tout ce qui nous touche entre les mains de la divine Providence.

  A014002286 

 Dites donq ce reste de Caresme, cinq Pater noster et cinq Ave les genoux nudz et les mains nuës, par obeissance et pour vous conformer a Celuy qui va nud sur la croix pour nous, c'est a dire duquel nous allons rememorer la mort..

  A014002287 

 Que s'il ne se treuve point de prestre qui ayt besoin de cette assistance, je pense que Sainte Claire en pourra [270] estre aydee.

  A014002321 

 D'autre part, quoique les provisions du Saint-Siège doivent être respectées de tous, Sa Sainteté n'entend pas, cependant, porter préjudice à l'alternative des Evêques, à moins qu'elle [272] ne le déclare expressément; ceux-là donc qui demandent les bénéfices, ont tort de prétendre enlever, par des provisions Apostoliques le droit des Ordinaires.

  A014002336 

 Questo gentilhuomo Genevrino, Alessandro di Montecrescenti, havendo perso quanto haveva per essersi [274] convertito alla santa fede catholica, è stato qui un pezzo in refugio; ma non trovando modo di stabilire in queste misere valli alcun modo di vivere, con quel poco aiuto che io gli ho potuto dare, ecco che se ne va in Roma, ove credo che sarà ricapitato dalla sacra Congregatione de' convertiti, poiché egli è di costumi et maniere molto honorate, et assai anco qualificato nelle buone lettere et scientie matematiche..

  A014002362 

 Or, pour le moins m'a-elle dit que vous chemines fidellement en la crainte de Nostre Seigneur, qui est le grand mot de ma consolation, puisque mon ame desire tant de bien a la vostre tres chere..

  A014002363 

 Pourveu qu'on ayt la crainte de Dieu pour guide, il importe peu quelle l'on tienne, bien qu'en elles mesmes, les unes soyent plus desirables que les autres a ceux qui ont la liberté de choysir..

  A014002364 

 Cependant, les bonnes Meres Çarmelines font bien d'observer exactement leurs Constitutions et rejetier les espritz qui ne sont pas propres pour leur maniere de vivre..

  A014002366 

 Car, ce que monsieur vostre mary dit est veritable, qu'il pourroit, a l'adventure, changer toutes ces mauvaises humeurs que vous me marqués; mais acela [278] s'entend s'il est de bon naturel et que ce ne soit que la jeunesse ou la mauvaise compaignie qui le gaste.

  A014002366 

 Mais, si c'est un esprit de nature mal qualifié, comme il ne s'en void que trop, certes, c'est tenter Dieu de hazarder une fille en ses mains, sous l'incertaine et douteuse presomption d'amendement, et sur tout si la fille est jeune et qui ayt besoin de conduitte elle mesme; auquel cas, ne pouvant rien contribuer a l'amendement du jeune homme, ains estant plust.ost a craindre que l'un ne serve de sujet de perte a l'autre, qu'y a-il en tout cela qu'un evident danger? Or, monsieur vostre mary est grandement sage, et m'asseure qu'il fera toute bonne consideration, a quoy vous le servirés; et moy je prieray, selon vostre desir, qu'il playse a Dieu de bien addresser cette chere fille, affin qu'elle vive et viellisse en sa crainte..

  A014002366 

 Touchant le mariage de cette chere fille que j'ayme bien fort, je ne puis bonnement vous donner conseil, ne sachant de quelle nature est ce chevalier qui la recherche.

  A014002368 

 Madame de [Chantal] m'a dit que, pour vostre exterieur et la bienseance de vostre mayson, vous marchies fort sagement; et tant elle que mon frere de Thorens m'ont dit une chose qui m'a rempli d'ayse: c'est que monsieur vostre mary acqueroit de plus en plus grande bonne reputation d'estre bon justicier, ferme, equitable, laborieux au devoir de sa charge, et qui en tout vivoit et se comportoit en grand homme de bien et bon Chrestien.

  A014002369 

 Le voyage de Lorette est un grand voyage pour des femmes: je vous conseille de le faire souvent en esprit, joignant par intention vos prieres a cette grande multitude de personnes devotes qui y vont honnorer la Mere de Dieu, comme au lieu ou premierement l'honneur incomparable de cette maternité luy arriva.

  A014002369 

 Mais puisque vous n'aves point de vceu qui vous oblige d'y aller en presence corporelle, je ne vous conseille pas de l'entreprendre; ouy bien d'estre de plus en plus zelee a la devotion de cette sainte Dame, de laquelle l'intercession est si forte et favorable aux ames, que pour moy, je l'estime le plus grand appuy que nous puissions avoir envers Dieu pour nostre advancement en la vraye pieté; et puis parler de cela, pour en sçavoir plusieurs particularités remarquables.

  A014002377 

 Or sus, ma chere Seur, ma Fille, je m'en vay vous escrire tant que je pourray sur le sujet de vostre lettre, qui m'a esté rendue par la seur que vous aymés tant et qui vous cherit reciproquement de tout son cœur..

  A014002378 

 Il est vray, nous l'avons en fin cette chere seur, mais ce n'est pas moy pourtant qui vous l'ay ostee; c'est Dieu qui nous l'a donnee, ainsy que, Dieu aydant, la suite le tesmoignera.

  A014002378 

 Je ne doute nullement que cette petite conversation que vous eustes ensemble a Bourbilly ne vous fust bien douce, car c'est une heureuse rencontre que de deux espritz qui ne s'ayment que pour mieux aymer Dieu; mais il ne se pouvoit pas faire que cette sensible presence durast long tems, puisque nostre commun Maistre vous demandoit l'une la, l'autre icy, pour son service.

  A014002380 

 Je diray la Messe que vous me demandes, bien que jamais je n'en die point qui ne soit tres expressement vostre; mais je n'ay peu me remettre en memoire le sujet que vous dites que je sçai; aussi n'en est-il pas besoin..

  A014002381 

 Et pour la particuliere qui ne veut pas s'accommoder a la Communauté, il faut user de support et de benignité envers elle, et Dieu la reduira au train des autres..

  A014002384 

 Il faut vrayement aller au Chapitre, malgré toute la repugnance que vous y aves; et, apres la lecture de la Regle, il faut dire quelque chose, quand ce ne seroit que: «Dieu nous face la grace de bien observer ce qui a esté leu.».

  A014002386 

 Combien y a-il de bons medecins qui ne sont gueres sains? et combien se fait-il de belles peintures par des peintres bien laidz? Quand donq vos filles viennent a vous, dites leur tout bellement en charité ce que Dieu vous inspirera, et ne les renvoyés point vuides d'aupres de vous..

  A014002386 

 Helas! ma Fille, si personne ne servoit aux ames que ceux qui n'ont point de difficultés es exercices et qui sont parfaitz, vous n'auriés point de pere en moy; et il ne faut pas laisser de soulager les autres, encor que l'on soit soy mesme en perplexités.

  A014002388 

 Tenés-vous le plus que vous pourrés aupres de vos filles, car vos absences ne leur peuvent donner que des sujetz de murmurer; et rien ne leur peut tant adoucir leur sujettion que la vostre, rien ne les peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec elles: et c'est en cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté crucifié pour nous.

  A014002389 

 Non, ni la mort, ni les choses presentes, ni celles qui sont a venir, ne me separeront jamais de cette dilection que je vous porte en Jesus Nostre Seigneur, auquel soit honneur et gloire..

  A014002396 

 Et pour vous humilier encor un peu, salués de ma part monsieur Lafon et ces bonnes filles qui servent Dieu en la personne de ses servantes; car tout cela m'est cher..

  A014002403 

 Celle qui vous l'envoye me la donna avec des grans signes de sincere affection en vostre endroit.

  A014002405 

 O Dieu, ma chere Fille, qu'ell'est heureuse cette chere niece qui s'en est allee de ce monde avant que d'y avoir souillé ses affections! Je prie le Saint Esprit quil donne sa sainte consolation au pere.

  A014002421 

 Il y a encor quelqu'accommodement a faire dans nostre petit nouveau bastiment; mais ce n'est pourtant pas chose qui puisse retarder le commencement de nostre dessein, lequel je propose devoir estre a ces prochaines festes de Pentecoste, Dieu aydant..

  A014002422 

 icy bonne compaignie, qui n'attend que le jour heureux auquel elle se consacrera pour une bonne fois a l'unique object de leur cœur.

  A014002442 

 J'ay bien pensé je ne sçai quoy de bon ce matin sur l'Evangile courant, en ces paroles: Qui demeure en moy et moy en luy, il porte beaucoup de fruit; car sans moy, vous ne pouvés rien faire.

  A014002453 

 J'ay receu a beaucoup d'honneur la salutation que le sieur Ramus m'a faitte de vostre part, m'estimant fort heureux de vivre en vostre amitié, comm'en eschange je vous supplie de croire que je vous respecte et revere de tout mon cœur, me sentant extremement redevable a la constante inclination que vous avés au bien de cette mienne evesché, pour laquelle vous vous estes tous-jours affectionné a eslever les jeunes gens qui vous sont envoyés d'icy a toutes sortes de solide vertu, et sur tout au zele de la sainte foy catholique..

  A014002454 

 Et si mesme, pour quelque sienne necessité, es occasions qui se peuvent presenter, il avoit besoin de secours pecuniaire et a ma consideration il vous playsoit l'assister, je ne manquerois nullement au remboursement, bien que sa mere et ses freres ayent une fort bonn'intention de ne point luy defaillir en ce qui sera requis..

  A014002454 

 Mais il y en a deux pourtant que je doys preferer en ce mien desir, dont le premier est Jean Anthoyne Rolland, [290] duquel la mere est de la mesme mayson de feu monsieur le fondateur du College et ma proche parente, laquelle ayant plusieurs enfans, a destiné celluy ci a l'estude, comme celuy qui a plus d'apparence de bon esprit; qui me fait vous supplier de le prendre particulierement en protection.

  A014002454 

 Or, en voyla encor quelques uns qui se vont rendre sous vos aisles pour ce mesme sujet, lesquelz je suis obligé de vous recommander tous generalement, puis que tous ilz sont mes tres chers enfans en Nostre Seigneur.

  A014002455 

 L'autre est Bernardin du Nant, filz d'un fort honneste [291] pere, et qui a longuement et fidellement servi feu Monsieur le Reverendissime mon praedecesseur, et duquel, pour cela, je doys affectionner le bien; dautant plus que sa pauvreté et toutes les autres conditions pour lesquelles il a esté nommé, le rendent fort recommandable.

  A014002457 

 Et ce pendant, je me confie en vostre douceur que vous aggreeres l'offrande que je vous en fay, en contemplation de la sincerité du cœur qui vous l'offre.

  A014002457 

 On l'a reimprimé six foys en deux ans et en divers endroitz, mais je n'ay encor peu avoir que des editions de Lyon, qui est en nostre voysinage; non plus que de la traduction que quelques Peres Jesuites en ont fait faire en Italie.

  A014002494 

 Praesupposant que cela ne vous incommode pas, je seray bien ayse que vous logies en vostre logis de la ville M lle d'Escrilles; et pour les meubles, ce qui sera [295] requis je le feray prendre ceans, ou mesme je la logerois, si cela vous estoit beaucoup incommode, parce qu'ell' est icy comm' estrangere..

  A014002508 

 O Dieu, qui nous fera la grace de nous combler de charité? Recommandés-moy a vostre Abbesse..

  A014002540 

 J'ai pensé à une chose qui pourrait, si Votre Seigneurie l'approuve, contribuer grandement à la gloire du Bienheureux.

  A014002541 

 Mais, pour réaliser ce projet, il faudrait que Son Altesse l'agréât et qu'elle le fît agréer à Sa Sainteté; ce qui, à mon avis, sera très facile à Son Altesse, si elle ordonne qu'on fasse à Rome des instances à ce sujet, d'autant plus qu'anciennement déjà, le Bienheureux était très vénéré dans ce diocèse.

  A014002541 

 Si, ensuite, elle daigne m'informer des intentions de Son Altesse, je ne manquerai pas de faire, de [300] mon côté, tout ce qui sera convenable; mais je vous prie que ce soit au plus tôt, pour ma consolation..

  A014002558 

 [302] Mais la voyant faitte, j'ay creu que je devois au bien de mondit frere une très humble supplication a Son Excellence, affin quil luy playse de nous gratifier de cet honneur, lequel est certes plus grand que nous ne meritons, mais qui ne peut tumber en une personne plus fidelle au service de Son Excellence que mondit frere sera; a quoy j'adjouste que l'estude quil a fait asses fructueusement en droit, pourra encor le rendre moins inutile en cette place, si Dieu et Monseigneur l'y conduisent..

  A014002559 

 La lettre donq ci jointe est pour ce sujet, et celle qui est addressee a monsieur Desfrenes aussi, qui me fait vous supplier de la rendre le plus tost quil vous sera possible, et comme pour l'amy; car encor que nous ne vous ayons jamais rendu aucun service qui nous puisse acquerir cette qualité, si avons nous bien eu ce desir, et moy particulierement, qui, priant Nostre Seigneur quil vous conserve et accompaigne, suis,.

  A014002576 

 Et moy, sçachant combien de filles desiroyent la retraitte du monde, qui ne la pouvoyent treuver es Religions ja establies, j'acceptay l'offre et promis toute mon assistance pour ce projet..

  A014002577 

 Monsieur le Baron de [Cusy,] qui m'avoit apporté l'ambassade, acheta une petite mayson au faubourg, en lieu extremement propre pour bastir et commencer a dresser ce petit edifice; en sorte qu'en peu de tems il le rendit commode pour loger une douzaine de personnes, avec l'ornement d'un petit oratoire, affin que celles qui seroyent si heureuses que de vouloir servir d'exemple aux autres, s'y puissent retirer et commencer a faire essay du dessein.

  A014002577 

 Tost apres, voyci que l'on me fit entendre qu'il n'y avoit que la moitié des moyens que l'on avoit proposé, et despuis l'on mit en doute de beaucoup de commodités temporelles qui devoyent arriver avec une personne, laquelle avoit premierement chaudement entrepris de venir, et puis s'estoit tout a coup rafroidie..

  A014002580 

 J'espere que Dieu sera glorifié en ce petit dessein, et, comme vous a dit le Pere Recteur, la pierre [306] fondamentale que Dieu nous donne pour iceluy est une ame d'excellente vertu et pieté, ce qui me fait tant plus croire que la chose reuscira heureusement..

  A014002581 

 Je sçai que je m'attireray des contrerollemens sur moy, mais je ne m'en soucie pas; car, qui fit jamais bien sans cela? Ce pendant, plusieurs ames se retireront aupres de Nostre Seigneur, treuveront un peu de refrigere et glorifieront le saint nom du Sauveur, qui, sans cela, demeureroyent avec les autres grenouilles es marais..

  A014002582 

 Vostre candeur et sainte bonne foy m'oblige a vous dire naïfvement tout cecy, et encor adjouster que je suis filz et serviteur bien humble du Pere Recteur, qui sçait bien que nostre Congregation, qui se commencera dans peu de jours, est le fruit du voyage de Dijon, pour [307] lequel je ne peus jamais regarder les choses en leur face naturelle; et mon ame estoit secrettement forcee a penetrer un autre succes qui tumboit si directement sur le service des ames, que j'aymois mieux m'exposer a l'opinion et a la mercy des bons qu'a la cruauté de la.

  A014002591 

 Ah! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit voir aucune mort plus lamentable que celle du grand Henri IV. Mais qui n'admireroit avec vous l'inconstance, la vanité et la perfidie des grandeurs de ce monde? Ce Prince, ayant esté si grand en son extraction, si grand en la valeur guerriere, si grand en victoires, si grand en triomphes, si grand en bonheur, si grand en paix, si grand en reputation, si grand en toutes sortes de grandeurs: hé, qui n'eust dit, a proprement parler, que la grandeur estoit inseparablement liee et collee a sa vie, et que, luy ayant juré une inviolable fidelité, elle esclatteroit un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier moment, qui la termineroit en une glorieuse mort? Non certes, Monsieur, il sembloit bien qu'une si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant, apres une finale ruine et de l'heresie et du Turcisme.

  A014002591 

 Ces quinze ou dix huit ans que sa forte complexion et santé, et que tous les vœux de la France et de plusieurs gens de bien hors de la France luy promettoyent encor de vie vigoureuse, eussent esté suffisans pour cela: et voyla qu'une si grande suite de grandeurs aboutit en une mort qui n'a rien de grand que d'avoir esté grandement funeste, lamentable, miserable et deplorable; et celuy que l'on eust jugé [309] presque immortel, puisqu'il n'avoit peu mourir parmi tant de hasars, desquelz il avoit si longuement fendu la presse pour arriver a l'heureuse paix de laquelle il avoit esté jouissant ces dix annees dernieres, le voyla mort d'un contemptible coup de petit couteau et par la main, d'un jeune homme inconneu, au milieu d'une ruë!.

  A014002592 

 Qui eust dit, je vous supplie, Monsieur mon cher amy, qu'un fleuve d'une vie royale, grossi de l'affluence de tant de rivieres d'honneurs, de victoires, de triomphes, et sur les eaux duquel tant de gens estoyent embarqués, eust deu perir et s'esvanouir de la sorte, laissant sur la greve et a sec tant de navigans? N'eust-on pas plustost jugé qu'il devoit aller fondre dans la mort, comme dans une mer et un ocean, par plus de triomphes que le Nil n'a d'emboucheures? Et neanmoins, les enfans des hommes ont esté trompés et deceuz en leurs balances et leurs presages ont esté vains..

  A014002593 

 Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces considerations; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions convenables, exhalant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'eternité.

  A014002594 

 Ainsy prié-je cette souveraine Bonté qu'elle soit pitoyable a celuy qui le fut a tant de gens; qu'elle pardonne a celuy qui pardonna a tant d'ennemis, et qu'elle reçoive cette ame reconciliee a sa gloire, qui en receut tant en sa grace apres leurs reconciliations..

  A014002594 

 C'est ce seul bonheur qui me fait esperer que la douce et misericordieuse providence du Pere celeste aura insensiblement mis dans ce grand cœur royal, en ce dernier article de sa vie, la contrition necessaire pour une heureuse mort.

  A014002595 

 Pour moy, je le confesse, les faveurs de ce grand Roy en mon endroit me sembloyent infinies, mettant en consideration ce que j'estois, lhors qu'en l'annee 1602 il me fit des semonces d'arrester en son royaume, qui estoyent capables d'y retenir, non un pauvre prestre tel que j'estois, mais un bien grand Prelat.

  A014002608 

 Ouy, je le dis tout de bon, je ne pensois pouvoir ce que je puis en cela, et treuve une source qui me fournit des eaux tous-jours plus abondantes.

  A014002633 

 Monsieur, je vous supplie d'impetrer, sil se peut, une copie de la façon de recevoir ceux qui se presentent a la Confrairie de Nostre Dame des Carmes, car j'ay [315] esgaré celle que j'avois, et neanmoins je suis requis de recevoir quelques dames..

  A014002645 

 C'est aussi le plus grand garend que les Princes puissent avoir (lhors qu'a leur tour ilz seront censurés a l'heure de leur mort), d'avoir commis leur authorité a des gens capables de la bien manier; car n'ayans peu faire comme Dieu, qui, quand il luy plait, donne la suffisance a ceux auquelz il a remis l'authorité, ilz l'auront jointe au plus pres qu'ilz auront sceu, donnant l'authorité a ceux quilz auront reconneu avoir la suffisance..

  A014002645 

 Mais passant entre les peuples par les mains de gens doctes, bien affectionnés et equitables, elle remplit les provinces de bon heur et de suavité; estant es uns, comm'un torrent impetueux qui ravage tous les bords qu'il accoste, et es autres, comm'une douce riviere qui rend amenes les rivages qu'elle detrempe.

  A014002646 

 Les magistratz, Monseigneur, representent la souveraine majesté des Princes sur les biens et vies des sujetz; c'est pourquoy les Princes, par une sainte jalousie, doivent avancer es offices, des personnes qui les sachent bien [317] representer.

  A014002680 

 Ne faut il pas, ma chere Seur, que ne pouvant vous voir, je vous aille au moins donner la bonne feste en esprit? O Dieu, que voyci un grand Saint qui se presente aux yeux de nostre ame! Quand je le considere dans ces desertz, je ne sçai si c'est un Ange qui fait semblant d'estre homme, ou un homme qui pretend de devenir Ange.

  A014002681 

 Les locustes representent la vie active, car la locuste ne chemine jamais sur terre, ni ne vole jamais en l'air, mays, par un mysterieux meslange, tantost on la voit sautante et tantost touchante la terre pour reprendre son air; car ceux qui font la vie active sautent et touchent terre alternativement.

  A014002686 

 J'ayme ce beau rossignol du bois, qui, estant tout voix et tout chant, sortant sur les advenuës de Judee, annonce le premier la venue du Soleil.

  A014002695 

 Entre plusieurs considerations qui m'ont rendu de l'ennuy sur le trespas du grand Roy que la France, avec le monde, vient de perdre, j'ay receu celle de la perte que vous y aves faite; car il vous aymoit et avoit une grande connoissance des raysons pour lesquelles il vous pouvoit encor aymer davantage.

  A014002696 

 Mon Dieu, que nostre grand amy aura esté touché rudement de ce coup! car son merite ne treuvera peut estre pas des yeux qui le regardent clairement, comme faisoyent les yeux de ce digne Monarque.

  A014002709 

 Cela s'entend, ma chere Fille (car vous ne l'entendres pas, si je ne le vous dis), cela s'entend l'annee qui vient, sil y escheoit; car pour [323] celleci, vrayement, il faut estre Juifve aux Juifz et Grentile aux Gentilz, manger avec les mangeans et rire avec les rians, dit le grand Apostre de ce jourdhuy.

  A014002709 

 Mais vous, qui estes robuste, jeusneres donq en pain et eau.

  A014002710 

 Mais demain, vous verres la pauvre petite jeune Dame, enceinte du Filz de Dieu, qui vient doucement occuper l'esprit de son cher et saint mari pour avoir le congé de faire la sainte visite de sa vielle cousine Elizabeth; vous verres comme elle dit a Dieu a ses cheres voysines pour trois moys qu'elle pense estre aux chams et es montaignes; car ce mot est bon.

  A014002711 

 Et comme les vins enfermés dans les caves ressentent sans la sentir l'odeur des vignes florissantes, ainsy le cœur de ce saint Patriarche ressent, sans la sentir, l'odeur, la vigueur et la force du petit Enfant qui fleurit en sa belle vigne.

  A014002711 

 Mais penses que la Vierge ne sent que ce de quoy ell'est pleyne et qu'elle ne respire que le Sauveur; saint Joseph, reciproquement, n'aspire qu'au Sauveur qui, par des rayons secretz, luy touche le cœur de mille extraordinaires sentimens.

  A014002711 

 O Dieu, quel beau pelerinage! Le Sauveur leur sert de bordon, de mante et de petite bouteille a vin, a vin dis je, qui res-jouit les Anges et les hommes, et qui enivre Dieu le Pere d'un amour demesuré.

  A014002711 

 O saint empressement qui ne trouble point et qui nous haste sans nous præcipiter! Les Anges se disposent a l'accompaigner, et saint Joseph a la conduire cordialement.

  A014002720 

 Que s'il failloit ouyr les advis des parens, la chair et le sang sur des telles occurrences, il se treuveroit peu de gens qui embrassassent la perfection de la vie chrestienne.

  A014002720 

 Si c'est de ceux a qui Dieu a donné le pouvoir et imposé le devoir de conduire vostre ame et vous commander es choses spirituelles, certes vous aves rayson; car en obeissant a ceux-la, vous ne pouves pas faillir, bien qu'eux se peuvent tromper et vous mal conseiller, s'ilz le font, principalement, regardant ailleurs qu'a vostre seul salut et advancement spirituel.

  A014002720 

 Vous aves opinion que vostre desir de vous retirer du monde ne soit pas selon la volonté de Dieu, puisqu'il [325] ne se treuve pas conforme a celuy de ceux qui, de sa part, ont le pouvoir de vous commander et le devoir de vous conduire.

  A014002721 

 En quoy vous aves tort (et pardonnés a ma naïfve liberté de langage), vous aves tort, dis-je, d'appeller les [326] empeschemens qui vous sont donnés a l'execution de cette inspiration, volonté de Dieu, et le pouvoir de ceux qui vous empeschent, pouvoir de Dieu..

  A014002721 

 Le second est que, puisque non seulement vous aves desiré de vous retirer, mais vous le desireries encor s'il vous estoit permis de ceux qui vous ont retenue, c'est un signe manifeste que Dieu veut vostre retraitte, puisqu'il continue son inspiration parmi tant de contradictions, et vostre cœur, touché de l'aymant, a tous-jours son mouvement du costé de la belle estoille, quoy que rapidement destpurné par les empeschemens terrestres.

  A014002723 

 En cette sorte, vous corrigeres l'exces et conserveres vostre dessein, et n'y aura rien en cela qui n'aille gayement, doucement et saintement..

  A014002723 

 Je me fais entendre, que vous avies offert la moitié de vos biens, ou bien le payement de cette mayson, qui est maintenant dediee a Dieu.

  A014002723 

 Or sus, il faut corriger cet exces, et venir en cette mayson avec une portion de vostre revenu, autant qu'il est requis pour vivre sobrement, en laissant tout le reste a qui vous voudres, et mesme reservant la portion susdite, apres vostre mort, pour ceux a qui vous en voudres faire du bien.

  A014002735 

 J'ay conferé sur vostre lettre avec les Dames qui sont desja congregees et avec ceux qui les conseillent, et ont esté d'advis de mettre en condition aux filles et femmes qui entreront en leur Congregation, que, passé la premiere annee, elles apporteront un fons d'argent ou de terre, sur lequel elles puissent estre entretenues; et cela pour autant que, comme vous sçaves, en ce païs on ne fait jamais bien les payemens des pensions, ains tout se revoque en proces..

  A014002736 

 Il est vray que l'on regarde encor aux facultés, car une damoyselle qui seroit de bonne volonté et n'auroit pas moyen de tant faire, on se contente de moins..

  A014002737 

 C'est pourquoy, si cette bonne damoyselle peut, il faut qu'ell'ayt une somme de trois ou quatre mille florins pour un coup, ou un fond qui les vaille, ou en fin une piece a jouir par elle mesme, qui porte 200 florins annuelz, reversible a ses parens quand elle mourra.

  A014002741 

 Or en fin, c'est une Congregation simple, instituee pour les femmes et filles qui, pour leur infirmité corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration d'entreprendre des grandes rigueurs, ne peuvent entrer es Religions formees et reformees; car la elles auront une ( sic ) refuge doux et gracieux, avec la prattique des vertus essentielles de la devotion..

  A014002760 

 Mays nous, qui sommes encor tous tendres, nous avons des ames qui se divertissent aysement au sentiment des travaux et douleurs du cors; c'est pourquoy, ce n'est pas merveille si durant vos maladies vous aves intermis l'usage de l'orayson interieure.

  A014002760 

 Tandis que nos cors sont en douleur, il est malaysé d'eslever nos cœurs a la consideration parfaitte de la bonté de Nostre Seigneur; cela n'appartient qu'a ceux qui, par des longues habitudes, ont leur esprit entierement contourné du costé du Ciel.

  A014002777 

 Je salue ces cheres filles qui sont autour de vous: ce sont mes douces amours en Jesus Christ, et vous, ma chere Fille, vous estes mon propre cœur en Celuy qui, pour avoir le nostre, nous presente le sien tout a descouvert.

  A014002786 

 Seulement, me parlant d'oster les [scandales qui esto]yent a Belley, je luy dis simplement......me.............................................................................................................................

  A014002803 

 Montons tous-jours, ma chere Seur, montons sans nous lasser, a cette celeste vision du Sauveur; esloignons-nous petit a [338] petit des affections terrestres et basses, et aspirons au bonheur qui nous est preparé..

  A014002804 

 Comme voulons-nous mieux tesmoigner nostre fidelité qu'entre les contrarietés? Helas, ma tres chere Fille, ma Seur, la solitude a ses assautz, le monde a ses tracas; par tout il faut avoir bon courage, puisque par tout le secours du Ciel est prest a ceux qui ont confiance en Dieu, et qui, avec humilité et douceur, implorent sa paternelle assistance..

  A014002804 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serons heureux si nous aymons bien cette souveraine Bonté qui nous prepare tant de faveurs et benedictions! Soyons bien tous a elle, ma Fille, parmi tant de tracas que la diversité des choses mondaines nous presente.

  A014002804 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, je desire ou de mourir ou d'aymer Dieu; ou la mort ou l'amour, car la vie qui est sans cet amour est tout a fait pire que la mort.

  A014002825 

 Ce papier vous portera simplement des paroles qui sortent du fond de mon cœur sur la derniere lettre que j'ay receüe de vostre part, il y a pres de six semaines..

  A014002826 

 Mais faites, mon cher Monsieur, que je cheris a l'esgal de mon cœur, faites tous-jours vivre courageusement vos vertus qui, aussi bien, sont immortelles, et je me prometz ce contentement de voir qu'un peu d'interruption que la perte de ce grand Roy fait a vostre bonheur, ne servira que de reprise d'haleine a vostre fortune; car en fin, c'est Dieu qui manie les resnes du cours de nostre vie, et nous n'avons point d'autre fortune que sa providence, laquelle sera tous-jours specialement sur vous quand vostre amour sera special en son endroit.

  A014002827 

 Oh bien, vous aves la Monsieur [341] de Montpellier, et m'asseure que vostre mutuelle prudence aura apporté tout le soulagement a vos espritz qui se peut recevoir.

  A014002827 

 Pour moy, Monsieur, je; vous conjure de croire que vous n'aves point de cœur au monde qui soit plus absolument en la pensee du bien qu'il a d'estre si parfaittement aymé de vous..

  A014002850 

 Ce bon Frere qui est icy, ne partira que jeudi, car tout aujourdhuy j'ay esté tant tracassé quil n'est pas possible de plus.

  A014002855 

 Cependant, bon soir, ma tres chere Fille, ma Seur; faites bien la cour a cette celeste Pouponne qui nous arrive, et luy demandes sa grace pour impetrer celle de son Filz.

  A014002868 

 C'est pourquoy je luy souhaitte de plus en plus beaucoup d'avancement au saint amour de Dieu, qui est la benediction des benedictions..

  A014002870 

 Tenés vous tous-jours bien serree et jointe a [345] Nostre Seigneur, et vous ne sçauries avoir aucun mal qui ne se convertisse en bien..

  A014002882 

 Combien de gens avons-nous veu, en paix dans les espines des maladies et perte des amis, perdre la paix interieure dans les tracas [346] des proces exterieurs? Et voyci la rayson, ou plustost la cause sans rayson: nous avons peyne de croire que le mal des proces soit employé de Dieu pour nostre exercice, parce que nous voyons que ce sont les hommes qui font les poursuittes; et, n'osans pas nous remuer contre cette Providence toute bonne, toute sage, nous nous remuons contre les personnes qui nous affligent et nous en prenons a eux, non sans grand peril de perdre la charité, la seule perte delaquelle nous devons craindre en cette vie..

  A014002882 

 Et faut que je confesse qu'encor qu'a mon advis les afflictions qui regardent les personnes propres et celles des proches soyent plus affligeantes, neanmoins celles des proces me donnent plus de compassion, parce qu'elles sont plus dangereuses pour l'ame.

  A014002883 

 Souvenés-vous que jamais Nostre Seigneur ne dit un seul mot contre ceux qui le condamnerent, il ne les jugea point; il fut jugé et condamne a tort, et il demeura en paix et mourut en paix, et ne se revengea qu'a prier pour eux.

  A014002912 

 La Congrégation de ces dames est érigée à la grande satisfaction des gens de bien qui la voient.

  A014002913 

 Or, il se rappelle très bien avoir vu dans un ancien missel cet office, et d'avoir servi ladite Messe du bienheureux Amédée, célébrée par un de ses oncles qui [349] était aussi prieur claustral et se nommait Amédée.

  A014002914 

 Je dois ajouter que j'allai présenter mes hommages à Son Altesse M gr le Prince, qui passa l'autre jour à Chambéry.

  A014002943 

 J'avois dit a M. Michel que vous communieries; et ce grand Saint merite bien qu'on face soigneusement sa feste, quand ce ne seroit que pour apprendre a porter nos testes et que nos testes ne nous portent pas, qui est la perfaite resignation..

  A014002944 

 Je vis des hyer la lettre du bon Pere, et pour ce qui me regarde, je vous en entretiendray la centiesme partie d'un quart d'heure, car il ny a pas pour davantage.

  A014002944 

 Mais quant a vostre Celse Benigne, gardes bien que vous savouriés delicieusement tout ce qui est dit si joliment de luy, car c'est vostr'enfant.

  A014002944 

 Voyla donq la chere lettre que je vous renvoye, car je ne voudrois estre plus longuement depositaire d'un escrit qui parle de Celse Benine si mignardement..

  A014002945 

 Je vay escrire a la petite seur par monsieur son mari qui s'en reva.

  A014002952 

 Et ce pendant, nourrisses cherement la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, par tous les bons exercices qui peuvent establir vostre cœur en l'humilité, douceur et pureté; car si vous jettes ainsy vostre fiance en cette souveraine Bonté, ell'abbregera les jours pour vous faire plus tost jouir de la retraitte a laquelle elle vous appelle..

  A014002952 

 Madamoyselle, Vostre desir de vivre toute a Nostre Seigneur m'est extremement aggreable, et vous tesmoigneray combien [354] j'en [ai de mon] costé pour vous en faire reuscir heureusement, quand monsieur vostre pere apportera ce qui est requis de sa part.

  A014002968 

 A ce renouvellement des entrees de la cour, me voyci a vostre porte, requerant quil vous playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur et de celle que j'ay pour la cure des Abergemens contre le Chapitre de Belley, qui a le tort principalement en ce quil me veut priver de la garde des cures et eglises parrochiales vacantes, contre toute rayson, contre toute coustume et contre les [356] articles que nous avions signés et arrestés par composition amiable, mais articles lesquelz ayans esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement; puysque mesme je reconnois tous les jours plus clairement que leurs provisions du doyenné de Seyserieu sont foibles et imbecilles, au pris de celles de monsieur de Vitré, et que d'ailleurs ces messieurs ne songent qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir la discipline ecclesiastique et qu'a nous introduire des methodes contraires aux Conciles.

  A014002969 

 Et quant a l'affaire de M. de Sauzea, j'ay appris chose qui m'a despieu; et c'est que sa partie a remis son droit a M. Gontier, homme puissant et de grand credit, comm'on me dit.

  A014002986 

 Mays, ma tres chere Fille, en fin tous les remedes humains se sont treuvés inutiles pour la guerison de cette pauvre jambe, qui vous donne une peine qu'il faut sagement convertir en pœnitence perpetuelle.

  A014002987 

 C'est la verité aussi que l'on perd tous-jours quelque chose aux sorties qui peuvent, voire mesme avec quelque perte temporelle, estre evitees.

  A014002987 

 Je le croy; mays croyes moy aussi, ma tres chere Fille, que comme les filles qui ont quitté le monde devroyent ne le jamais vouloir voir, aussi le monde qui a quitté les filles ne le ( sic ) voudroit jamais voir, et pour peu qu'il les voye, il s'en fasche et murmure.

  A014002987 

 Pour cela, si vous escoutes mes advis, vous sortires le moins quil vous sera possible, et mesme pour ouyr les sermons, puisque vous aures bien le credit d'avoir quelquefois le praedicateur en vostre oratoire, qui dira des choses toutes propres pour vostre assemblee..

  A014002988 

 Contentes en cela messieurs vos parens, et je croy qu'apres vous pourres confidemment leur demander du secours pour vous bien loger, car il me semble que je les [voy qui disent: Pourquoy loger a] commodité des filles.....qui sortent [359] et vont parmi le monde? Et le desplaysir qu'ilz ont de ces sorties fait qu'ilz en exagerent la quantité et qualité.

  A014002989 

 Je confesse que je n'admire nullement que vos proches se scandalizent de voir la froideur de l'amitié qui est entre deux seurs naturelles, deux seurs spirituelles, deux seurs Religieuses.

  A014003007 

 Et puysque le sieur de Blonnay vous en escrit encor, je n'employeray rien de plus pour ce sujet, qui suis tous-jours de tout mon cœur,.

  A014003007 

 Je vous prie de prendre la peyne de retirer le legz fait a la Sainte Mayson, duquel ou vous ou l'hoir aves adverti M. de Blonnay, affin qu'il soit employé, selon l'intention du legataire, en une œuvre grandement pieuse [361] qui se praesente maintenant.

  A014003021 

 J'en parlay l'autre jour a monsieur l'advocat general, qui me dit que malaysement obtiendrions-nous une telle declaration, mais que le Senat feroit bien faire un'information par un commissaire deputé de sa part, qui pourroit servir autant que l'attestation mesme; ce qui suffiroit, car je ne suis point attaché a la maniere.

  A014003021 

 Je vous supplie donq, Monsieur mon Frere, de nous gratifier en cett'occasion, laquelle nous est importante et qui regarde une grande suite..

  A014003049 

 Or sus, il faut donq bien tous-jours perseverer, ma tres chere Fille, a colloquer vivement toute vostre confiance en Nostre Seigneur parmi ce grand embarras d'affaires qui sont dessus vos bras, qui vous servira de juste sujet pour vous bien fonder en la resignation et tranquillité; car la tranquillité qui n'est pas exercee par la tempeste est une tranquillité faineante et trompeuse..

  A014003063 

 Vous voules, ma tres chere Fille, quelques bonnes pensees qui aydent a nos Seurs a passer les Advens avec autant de devotion qu'elles en ont le desir.

  A014003064 

 Le premier objet, c'est Marie conçeùe sans peché; le second, saint Jean, l'enfant de la grace, criant au desert pour faire aplanir les chemins pour FEspoux qui doit arriver; le troisiesme, ce mesme Espoux et Sauveur arrivant par sa sainte naissance, qui nous fait chanter joyeusement a Noël l' Emmanuel où Dieu avec nous..

  A014003064 

 Nous verrons dans ce mois trois objetz, non seulement capables d'occuper nos ames, mays qui doivent [366] ravir nos cœurs en la sainte dilection.

  A014003076 

 Mays celle du violement du cimetiere me regardant, affin d'y donner le plus digne et [367] prompt remede que je puis, je vous supplie tres humblement, Monseigneur de vouloir, en quelque journee aggreable, prendre la peyne de faire la reconciliation requise; en quoy vous favoriseres infiniment ce pauvre peuple qui, ne pouvant mais du crime, ne laysse pas de souffrir la privation de cette commodité spirituelle, et m'obligeres de rechef a vostr'obeissance, a laquelle pour tant d'autres raysons je suis tout voué et dedié..

  A014003077 

 Cependant je prieray Nostre Seigneur quil vous prospere et multiplie vos ans en sa benediction, qui est le souhait ordinaire de celuy qui, vous baysant tres humblement les mains, se tient glorieux d'estre,.

  A014003095 

 Sur ces nouveaux courages que nous prenons, je voy arriver la feste de la Conception de Nostre Dame, feste de tres particuliere devotion a ceux qui sont voués et dediés a son service.

  A014003107 

 Avec mille actions de graces des deux dernieres lettres [que] vous aves pris l'incommodité de m'escrire emmi ce grand tracas qui vous accable, je vous supplie de ne jamais faire aucune sorte d'effort pour me donner ce contentement; car encor que je confesse quil soit grand, si est ce que celuy de vostre conservation et repos m'est incomparablement plus grand..

  A014003109 

 Je vous supplie de commander a du Pont de les remettre au premier qui passe en Piemont.

  A014003123 

 Or bien, encor vous escris-je maintenant apres dix heures du soir, pour accompaigner le livre ci joint qui me semble un peu plus correct que ceux des autres editions, bien que je ne l'aye pas veu que par ci par la; et, outre ce, il y a trois chapitres: Des habitz, Des desirs et Quil faut avoir l'esprit juste.

  A014003123 

 Tel quil est, il part de l'homme du monde qui vous souhaite plus de benedictions cælestes..

  A014003124 

 Je n'eu pas le loysir de me resouvenir, quand je fus a Chamberi, de vous dire que je vous avois envoyé une copie des principaux statutz de la Visitation; et si, je ne me souviens pas par qui je les envoyay.

  A014003124 

 Oseray-je bien vous prier de faire tenir la lettre ci jointe a la petite Chatel? C'est sa bonne seur qui la m'a envoyee; et je puis bien dire sa bonne seur, car vrayement elle l'est.

  A014003124 

 Toute leur Mayson vous salue, notamment M me de Chantal qui vous honnore et cherit ardemment..

  A014003138 

 Ah! Ce [374] dis-je, o Sauveur de nostre cœur, puisque meshuy nous serons tous les jours a vostre table pour manger non seulement vostre pain, mays vous mesme, qui estes nostre pain vivant et sur essentiel, faites que tous les jours nous facions une bonne et parfaite digestion de cette viande tres parfaitte, et que nous vivions perpetuellement embausmés de vostre sacree douceur, bonté et amour..

  A014003147 

 Ainsy, la vanité fait qu'on s'amuse a ces folastres galanteries qui sont a louange devant les femmes et autres espritz minces, et qui sont a mespris devant les grans courages et espritz relevés, et l'ambition fait que l'on veut avoir les honneurs avant que les avoir merités.

  A014003147 

 C'est elle qui nous fait mettre en conte pour nous, et a trop haut prix, le bien de nos predecesseurs, et voudrions volontier tirer nostre estime de la leur..

  A014003147 

 Et comme la vanité est un manquement de courage, qui, n'ayant pas la force d'entreprendre l'acquisition de la vraye et solide louange, en veut et se contente d'en avoir de la fause et vuide, aussi l'ambition [376] est un exces de courage qui nous porte a pourchasser des gloires et honneurs sans et contre la regle de la rayson.

  A014003147 

 Je ne suis pas si paoureux que plusieurs autres, et n'estime pas cette profession-la des plus dangereuses pour les ames bien nees et pour les courages masles, car il n'y a que deux principaux escueilz en ce gouffre: la vanité, qui ruine les espritz molz, faineans, feminins et flouetz, et l'ambition, qui perd les cœurs audacieux et presomptueux.

  A014003148 

 Tenes bon a la frequente Communion, et croyés-moy, vous ne sçauries faire chose qui vous affermisse tant en la vertu, lit pour bien vous asseurer en cet exercice, ranges-vous sous le conseil de quelque bon confesseur, et le priés qu'il prenne authorité de vous demander conte en confession des retardemens que vous feres en cet exercice, si par fortune vous en faisies.

  A014003149 

 Sur tout, gardés vous des mauvais livres, et pour rien du monde ne laissés point emporter vostre esprit apres certains escritz que les cervelles foibles admirent, a cause de certaines vaines subtilités qu'ilz y hument, comme cet infame Rabelais et certains autres de nostre aage, qui font profession de revoquer tout en doute, de mespriser tout et se mocquer de toutes les maximes de l'antiquité.

  A014003150 

 Je vous recommande la douce et sincere courtoysie qui n'offense personne et oblige tout le monde, qui cherche plus l'amour que l'honneur, qui ne raille jamais aux [377] despens de personne, ni piquamment, qui ne recule personne et aussi n'est jamais reculee, et si elle l'est, ce n'est que rarement; en eschange dequoy, elle est tres souvent honnorablement avancee..

  A014003151 

 Prenés garde, je vous supplie, a ne vous point embarrasser parmi les amourettes, et a ne point permettre a vos affections de prevenir vostre jugement et rayson au choix des sujetz aymables; car, quand une fois l'affection a pris sa course, elle traisne le jugement comme un esclave, a des choix fort impertinens et dignes du repentir qui les suit par apres bien tost..

  A014003152 

 Constamment, parce que, si vous ne tesmoignes pas avec perseverance une volonté esgale et inviolable, vous exposeres vos resolutions aux desseins et attaques de plusieurs miserables ames qui attaquent les autres pour les reduire a leur train.

  A014003152 

 Et je dis en fin chrestiennement, pour ce que plusieurs font profession de vouloir estre vertueux a la philosophique, qui neanmoins ne le sont ni ne le peuvent estre en façon quelconque, et ne sont autre chose que certains fantosmes de vertu, couvrant a ceux qui ne les hantent pas leurs mauvaise vie et humeurs par des ceremonieuses contenances et paroles.

  A014003152 

 Mais nous, qui sçavons bien que nous, ne sçaurions avoir un seul brin de vertu que par la grace de Nostre Seigneur, nous devons employer la pieté et la sainte devotion pour vivre vertueusement; autrement, nous n'aurons des vertus qu'en imagination et en ombre.

  A014003153 

 Il vous importera aussi infiniment de faire quelques [378] amis de mesme intention, avec lesquelz vous puissies vous entreporter et fortifier; car c'est chose toute vraye que le commerce de ceux qui ont l'ame bien dressee, nous sert infiniment a bien dresser ou a bien tenir dressee la nostre.

  A014003153 

 Je pense que vous treuveres bien aux Jesuites, ou aux Capucins, ou aux Feuillans, ou mesme hors des monasteres, quelque esprit courtois qui se res-jouira si quelquefois vous l'alles voir pour vous recreer et prendre haleyne spirituelle..

  A014003154 

 C'est un exercice de faineant; et ceux qui se veulent donner du bruit et de l'accueil jouant avec les grans, disans que c'est le plus court moyen de se faire connoistre, tesmoignent qu'ilz n'ont point de bonne marque de merite, puisqu'ilz ont recours a ces moyens propres a ceux qui, ayans de l'argent, le veulent hazarder; et ne leur est pas grande la louange d'estre connus pour joueurs, mais s'il leur arrive de grandes pertes, chacun les connoist pour folz.

  A014003155 

 Et Nostre Seigneur ne veut pas dire qu'il faille que tous ceux qui sont es cours s'habillent mollement; mais il dit seulement que, coustumierement, ceux qui s'habillent mollement se treuvent la.

  A014003155 

 Neanmoins Nostre Seigneur dit que ceux qui s'habillent mollement sont es maysons des rois; c'est pourquoy je vous en parle.

  A014003159 

 Faites souvent cette bonne pensee, que nous cheminons en ce monde entre le Paradis et l'enfer, que le dernier pas sera celuy qui nous mettra au logis eternel et que nous ne sçavons lequel sera le dernier, et que, pour bien faire le dernier, il faut s'essayer de bien faire tous les autres.

  A014003159 

 O sainte et interminable eternité, bienheureux qui vous considere! Ouy, car qu'est-ce que [ce] [380] desduit de petitz enfans que nous faysons en ce monde pour je ne sçai combien de jours? Rien du tout, si ce n'estoit que c'est le passage a l'eternité.

  A014003169 

 Ayés bien soin de soulager doucement vostre pauvre cœur; gardés-vous bien de luy sçavoir mauvais gré de ces fascheuses pensees qui luy sont autour.

  A014003169 

 Non, ma Fille, car le pauvret n'en peut mais, et Dieu mesme ne luy en sçait aucun mauvais gré pour cela; au contraire, sa divine sagesse se plaist a voir que ce petit cœur va tremblotant a l'ombre du mal, comme un foible petit poussin a l'ombre du milan qui va voltigeant au dessus de luy; car c'est signe qu'il est bon, ce cœur, et qu'il abhorre les mauvaises fantasies..

  A014003177 

 Je suis marri que vous ayes eu l'incommodité d'envoyer expres ce porteur qui m'a rendu les livres que vous luy avies confiés.

  A014003177 

 Mais quand il sera en estat d'estre envoyé, je vous avertiray quelques semaines devant, affin que vous ayes ce qui sera [383] convenable pour l'edition, en suite de ce que ci devant je vous en ay dit et escrit a monsieur le Suffragant..

  A014003178 

 Je vous prie de m'envoyer par la premiere commodité le livre de La Venerie, de Jaques du Fouilloux, et celuy d'Esperron, et un petit livret du Combat spirituel, de ceux qui sont nagueres traduitz..

  A014003196 

 Et outre le contentement que vous aures d'avoir exercé une telle charité a l'endroit de toute un' honnorable famille, faysant revivre l'enfant qui sembloit perdu, vous me rendres de plus en plus obligé de [385] vous honnorer avec le respect que, pour plusieurs autres raysons, je veux et dois rendre a vos merites..

  A014003218 

 Et quant au premier, bien que je n'aye pas accoustumé d'estre pour personne es appointemens, attendu que ma qualité m'invite tous-jours a la neutralité pour penser la paix, si est-ce que, si elle le veut ainsy, je me dispenseray de lettre pour ce coup, et M. de la Roche, qui est dehors, estant venu, je luy parleray a mesme effect..

  A014003219 

 Neanmoins, je veux bien dire que malaysement pourroit-on luy permettre d'avoir une fille de chambre qui ne fust pas de la mayson, mais ouy bien qu'elle fust specialement servie par mie de celles qui seront en la mayson.

  A014003244 

 Demain, ma tres chere Fille, je ne sçaurois voir cette grande Seur, sinon quil y eut chose qui pressast; car [389] ne ferons-nous pas l'exhortation? et apres cela, il sera nuit.

  A014003272 

 Hé, vray Jesus! que cette nuit est douce, ma tres chere Fille! «Les cieux,» chante l'Eglise, «distillent de toutes pars le miel;» et moy je pense que ces divins Anges qui resonnent en l'air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel celeste sur les lys ou il se treuve, sur la poitrine de la tres douce Vierge et de saint Joseph.

  A014003272 

 J'ay peur, ma chere Fille, que ces divins Espritz ne se mesprennent entre le lait qui sort des mammelles virginales, et le miel du Ciel qui est abouché sur ces mammelles.

  A014003273 

 Mais je vous prie, ma chere Fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges de vous et de moy se treuverent en la chere trouppe des musiciens celestes qui chanterent en cette nuit? O Dieu, s'il leur playsoit d'entonner de rechef aux oreilles de nostre cœur cette mesme celeste chanson, quelle joye, quelle jubilation! Je les en supplie, affin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté..

  A014003274 

 Mais, o Dieu, que de suavités, comme je pense, a leur sommeil! Il leur estoit advis qu'ilz oyoyent tous-jours la sacree melodie des Anges qui les avoyent salués si [392] excellemment de leur cantique, et qu'ilz voyoyent tous-jours le cher Enfant et la Mere qu'ilz avoyent visité..

  A014003282 

 Ah! ma Fille, c'est cett'eternité que sur tout je vous souhaitte tres heureuse, et a cause d'elle vous vivés tous-jours presente a mon cœur, qui se res-jouit de voir que vous perseveres a vouloir de tout le vostre servir sa divine Majesté en sainteté et pureté.

  A014003282 

 Faites bien cela, ma chere Fille, et parmi les orages des affaires importuns de ce miserable siecle, affermisses-vous souvent aupres de ce Sauveur qui est venu apporter la paix, la douceur, la tranquillité aux gens de bonne volonté..

  A014003291 

 Elles passent donq, ces annees temporelles, Monsieur mon Frere; leurs mois se reduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a mesure qu'ilz perissent et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable; puisque cette vie estant pleine de miseres, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte eternité qui nous est preparee en l'abondance de la misericorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les continuelles pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer que par des autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand sur elle..

  A014003292 

 Ainsy, Monsieur mon Frere, nous nous treuvons au pied du Crucifix, qui est l'eschelle par laquelle, de ces annees temporelles, nous passons aux annees eternelles..

  A014003292 

 Certes, Monsieur mon Frere, je ne suis jamais attentif a l'eternité qu'avec beaucoup de suavités; car, dis-je, comme est-ce que mon ame pourroit estendre sa cogitation [395] a cette infinité, si elle n'avoit quelque sorte de proportion avec elle? Certes, tous-jours faut-il que la faculté qui atteint un object ayt quelque sorte de convenance avec iceluy.

  A014003292 

 Mon desir donq m'asseure que je puis avoir l'eternité: que me reste-il plus que d'esperer que je l'auray? Et cela m'est donné par la connoissance de l'infinie bonté de Celuy qui n'auroit pas creé une ame capable de penser et de tendre a l'eternité, s'il n'eust voulu luy donner les moyens d'y atteindre.

  A014003294 

 Voyla comme mon cœur s'espanche devant le vostre, et fait des saillies qu'il ne feroit pas sans cette confiance que luy donne l'affection qui me rend.

  A014003301 

 Voyla cette petite trouppe de Sainte Catherine qui vous va voir, m. Vous ne connoisses que ma cousine de Ballon, mais les autres ne laissent pas d'estre bonnes filles; je les vous recommande, m. La chere fille de la haut m'a escrit avec beaucoup de salutation pour vous..

  A014003312 

 Ce gentilhomme, qui est fort de mes amis, partant d'aupres de monsieur le baron de Lux pour aller droit a la court, je luy donne ces quatre ou cinq motz qui vous asseureront de la continuelle passion avec laquelle mon cœur vous honnore, respecte et cherit..

  A014003381 

 Cum in generali Congregatione sanctae Romanae et universalis Inquisitionis habita in Palatio Apostolico montis Quirinalis, coram Sanctissimo Domino nostro Domino Paulo, divina Providentia Papa Quinto, ac nobis, die infrascripta, nomine Reverendae Paternitatis tuae supplicatum fuerit, quatenus ad animarum salutem, ac haeresum et errorum confutationem eidem Paternitati tuae infrascriptas facultates concedere dignaremur, ut haereticos quoscumque, etiam relapsos, reconciliandi; cum haereticis jam conversis, qui matrimonia in quarto consanguinitatis gradu nulliter contraxerunt, ut de novo contrahere possint dispensandi; diaecesanorum vota commutandi; pugnantes in duello ab excommunicatione absolvendi; Regulares extra claustra degentes coercendi; quoscunque haereticorum libros legendi et retinendi, eosque etiam aliis permittendi; deputandi nonnullos confessarios idoneos in suadiaecesi, qui haereticos redeuntes in foro conscientiae absolvere, ac etiam aliquas personas ecclesiasticas quas per eandem diaecesim vestes sacras et alia ad divinum cultum necessaria benedicere possint..

  A014003383 

 Praeterea Paternitati tuae, ut omnes et quoscunque suos diaecesanos ad eam in aliquo suae diaecesis loco constitutam, seu residentem sponte venientes utriusque sexus, ac tam laycos quam clericos saeculares et cujusvis Ordinis Regulares, haereticos, schismaticos et a sancta Catholica fide aberrantes, illorumque credentes, etiam in haereses et errores semel relapsos, non tamen Italos, Hispanos, aut alios ex partibus in quibus Sanctum Inquisitionis Officium exerceretur, nec eos qui in judicio de haeresibus accusati vel condemnati fuerunt, aut pluries in eas relapsi, in eadem Paternitatis tuae diaecesi commorantes, de quibus nihilominus Sanctissimus Dominus noster Papa aut hoc sacrum Inquisitionis Officium consulatur, poenitentes quidem ab excommunicationis, suspensionis et interdicti, aliisque ecclesiasticis sententiis, censuris et poenis, quas propter haereses et excessus hujusmodi quomodolibet incurrerint, dummodo corde sincero et fide non ficta coram notario et testibus publice vel privatim, prout casus exegerint et Paternitati tuae magis expedire videbitur, haereses, schisma et errores suos ac alios quoscunque detestati fuerint, anathematizaverint et abjuraverint, ac in gremium sanctae matris Ecclesiae recipi et admitti humiliter postulaverint, atque praestito per eos jurejurando promiserint de caetero ab hujusmodi haeresibus, schismate eterroribus, ac aliis similibus excessibus poenitus abstinere, in forma Ecclesiae consueta, injuncta inde eis et eorum cuilibet, pro modo culpae, poenitentia salutari, et aliis injungendis, prout eorum saluti Paternitas tua expedire cognoverit, per se ipsam in utroque foro absolvere, et in gremium sanctae matris Ecclesiae recipere et reconciiiare [licebit]; nec non ut universos et singulos suos diaecesanos, qui libros haereticorum seu alias prohibitos, etiam in Indice Romano librorum prohibitorum damnatos, scienter legerint vel retinuerint, haereticorum quoque et schismaticorum receptatores, fautores et defensores qui in illorum haeresibus non adhaeserunt, et in futurum ab hujusmodi perniciosa lectione, vel retentione et excessibus praedictis abstinere firmiter proposuerint, similiter ab excommunicationis et aliis ecclesiasticis sententiis, censuris et poenis, quibus propterea fuerint innodati, in eadem forma Ecclesiae consueta, injunctis eisdem poenitentiis salutaribus et aliis injungendis, in utroque foro pariter absolvere et liberare..

  A014003384 

 Et insuper, ut cum eisdem poenitentibus qui clerici saeculares, vel [407] cujusvis Ordinis Regulares fuerint, super irregularitate per eos, tum haeresum, schismatis et errorum, quam lectionis vel retentionis librorum haereticorum, seu alias prohibitorum, ac excessuum hujusmodi, aut alias praemissorum duntaxat occasione contracta; quoad executionem Ordinum tantum, non autem quoad habilitationem obtinendi vel retinendi beneficia ecclesiastica, dignitates et officia, iis tamen, qui haeretici fuerint, et in sacris Ordinibus constituti ab altaris ministerio, et omnium Sacramentorum administratione perpetuo vel ad tempus arbitrio Paternitatis tuae suspensis, si aliud canonicum impedimentum non obsistat, poenitentia vel ejus parte peracta, et suffragantibus meritis in utroque foro dispensare..

  A014003385 

 Ac praeterea, ut cum singulares casus occurrerint, vel alias Paternitati tuae expedire videbitur, aliquos sacerdotes saeculares vel cujusvis Ordinis Regulares idoneos, et ad sanctum Poenitentiae Sacramentum ministrandum praevio examine a Paternitate tua approbatos, et in dicta diaecesi Gebennensi constitutos seu residentes, qui haereticos, schismaticos et delinquentes praedictae diaecesis Gebennensis ad eos sponte venientes, et ad sanctae matris Ecclesiae gremium recipi et admitti humiliter postulantes, abjuratis per eosdem verbo in ipso Sacramento Pcenitentias, haeresibus, schismate et erroribus suis, ac aliis quibuscunque praestitoque jurejurando, quod talia deinceps non committent, si in haereses et errores relapsi non sint, aut de eis in judicio inditiis praeventi vel condemnati, in forma Ecclesiae consueta, impositis eisdem pcenitentiis salutaribus et aliis injungendis, in foro conscientiae duntaxat, citra ullam habilitationem aut dispensationem, absolvere praedicti sacerdotes possint, et quilibet eorum possit, eligere et deputare Paternitas tua possit et valeat..

  A014003386 

 Insuper, de speciali mandato praedicti Sanctissimi Domini nostri Papae vivae vocis oraculo nobis facto, eidem Paternitati tuae, ut cum haereticis suae diaecesis ad fidem Catholicam conversis et reconciliatis, qui matrimonia in quarto consanguinitatis vel affinitatis gradu nulliter contraxerunt, ut denuo non obstante hujusmodi impedimento, matrimonia in facie Ecclesiae, servata forma Concilii Tridentini, contrahere possint, dispensare, prolem susceptam et suscipiendam legitimam nuntiando.

  A014003386 

 Vota etiam eorundem diaecesanorum (castitatis et Religionis duntaxat exceptis), in alia pietatis opera commutare; eos qui in singulari certamine seu duello hactenus pugnaverunt, a sententia excommunicationis et aliis poenis hac de causa per ipsos incursis, absolvere et liberare; Regulares quoscunque sine licentia et obedientia suorum Superiorum in diaecesi Paternitatis tuae extra claustra degentes coercere; ac tandem sacerdotes aliquos Paternitati tuae benevisos, qui in dicta diaecesi existentes corporalia, pallas, vestes [408] sacras et alia ornamenta ad divinum cultum necessaria, in quorum benedictione non intervenit sacra unctio, benedicere; ecclesias, oratoria et caemeteria pollutas et polluta, cum aqua a Paternitate tua, vel alio Catholico Antistite, gratiam et communionem Sanctae Sedis Apostolicae habente, [benedicta,] reconciliare possint, et quilibet eorum possit, Paternitas tua eligere et deputare valeat: licentiam, facultatem et auctoritatem ad quinquennium proxime futurum, a data praesentium duntaxat duraturam, harum serie ac tenore damus, concedimus et impartimur, non obstantibus in contrarium facientibus quibuscunque; volumus autem ut praedictis facultatibus cum suis diaecesanis duntaxat et non cum aliis Paternitas tua uti valeat..

  A014003405 

 Le livre spirituel que vous venez de mettre sur la presse de l'imprimeur, me ravit, m'eschauffe, m'extase tellement, que je n'ay ny langue, ny plume dont je puisse vous exprimer l'affection qui me transporte en vostre endroict, pour l'amour de ce grand et signalé service que vous en rendez à la divine bonté et l'inestimable fruict qui en reviendra à tous ceux qui seront si heureux que de le lire ainsi qu'il faut..

  A014003406 

 Et je pourrois, je voudrois, je devrois passer outre, et les preferer en ce cas, s'il estoit question de la debattre sur le champ; car l'erreur n'estant que la matiere des heresies et l'obstination la forme, la doctrine qui illumine l'entendement remedie à la matiere; mais la vertu, la devotion, l'ardeur de la pieté qui fleschist la volonté et en desloge l'opiniastreté, domine sur la forme qui tient le preciput en l'essence: de maniere qu'à ce compte, il faut, ou que la doctrine des controverses cede à celle de la pieté et devotion, ou au moins qu'elle se l'associe tellement, qu'en luy concedant sa necessité, elle recognoisse que, sans elle, on n'advance rien, car tout pecheur est ignorant.

  A014003406 

 Mais, que falloit-il attendre d'un Evesque de Geneve tel que vous, sinon quelqu'œuvre entre autres, qui mist fin à l'infamie de Geneve, dont toute l'Europe a esté infectée d'heresie? Je ne nie pas que les livres si doctement escrits par tant de Docteurs excellans, dont le Cardinal Bellarmin est le souverain, n'ayent grandement servy contre les heresies de ce siecle; mais je veux bien aussi dire et sous-tenir que ceux qui ont escrit sur la morale et de la devotion n'y ont pas apporté moins de remede.

  A014003415 

 Vostre dessein des deux Traictez sur les deux Tables, disposera des eschelles et degrez aux cœurs de ceux qui seront si heureux que de les lire, relire et retenir; car ils arriveront par ce moyen au supreme faiste de la charité qui accomplist la loy et qui est vrayement le tout homme; comme sans icelle, tout homme, pour grand qu'il puisse estre en tout le reste d'excellence, doit dire: Je ne suis rien..

  A014003416 

 Ces cinquante deux semaines, quoy que reïterées par plusieurs années, ne luy dureront rien, luy representant les deux septenaires de gloire spirituelle et corporelle qui suivront le grand Jubilé qui ne finira jamais..

  A014003417 

 Par les deux derniers projects que vous destinez, ce sera pepiner le monde de predicateurs qui fassent de mesme que vous; et je m'oseray promettre (s'il plaist à Dieu que vous puissiez esclorre ces [411] belles conceptions) une si acile et nombreuse reduction des desvoyez, soit en la doctrine, soit aux mœurs, que l'on sera contrainct d'advouër que l'on n'avoit encore point treuvé de semblable methode..

  A014003418 

 Et puis, vous appeliez tout cela de petites entreprises de courte haleine, de basse estoffe! Et je persiste en tout ce que ma precedente vous representoit de la valeur de vostre livre, au dessus des grands et immenses volumes de plusieurs qui s'essayent de combattre l'heresie, dont l'obstination ne peut estre vaincue que par la melioration des volontez, s'il faut user de ce terme: à quoy la reformation des mœurs sert directement..

  A014003419 

 Faictes donc, Monsieur, que ce vostre zele, qui est vrayement selon la science des Saincts, execute ce que vous me daignez communiquer.

  A014003428 

 Celuy qui a de bon vin, n'a point besoing d'enseigne.........................................

  A014003428 

 Je ne desadvouë pas que je n'aye faict une grande feste de vostre Introduction en plusieurs bonnes compagnies; mais ce n'est pas ma recommandation qui l'a mise en vogue: elle vole de ses propres aisles, elle est douce de son propre succre, elle est embellie et enrichie de ses propres couleurs et joyaux.

  A014003433 

 Hic zelus comedit me, qui ut sit secundum scientiam et spiritum Jesu Christi, libentissime dirigar consiliis Apostolicis et sapienti potestate Superiorum..

  A014003433 

 Nostre R. P. Provincial s'en retournant en France, layssa charge a nostre R. P. Recteur que l'on ne passast plus avant en l'affaire duquel je vous avois escrit, sans son expresse communication; ce qui tirera l'execution en longueur, et non sans ma langueur.

  A014003433 

 Spes enim quæ differtur affligit animam; sed qui venit mittere ignem in terram, nec aliud vult nisi ut ardeat, eam reponit spem in sinu meo, ut quamvis me occiderit, sperem in eam; supliant en toute humilité Vostre Reverendissime Seigneurie d'aggreer recommander le tout a Nostre Seigneur, tant au famillier colloque du tres hault Sacrifice, comme en ses ferventes oraisons et sublimes elevations d'esprit a Dieu, afin que par sa toute puissante misericorde et paternelle providence, il ouvre les portes de salut a ceux qui s'amusent en l'ombre de mort.

  A014003434 

 Je me doubte bien que ce delay se procure pour ce que nos Superieurs m'ayant accordé a Gray pour le saint Advent et Caresme, ils ne voudroyent que l'on entamast besogne qui me tint engagé en ce temps la.

  A014003434 

 Sur quoy, attendant vostre saint advis, je pourray escrire a nostre Reverend Pere General, gardant la subordination de la pleyne puissance par laquelle il peut disposer de ses sujets; veu mesme que si, suivant ce que nostre R. P. Recteur propose, il est de besoing que le R. P. Provincial de Lyon y entrevienne et qu'en cela je deusse respondre a luy (selon que le pourroit [413] exiger ce qui se passera), des le commencement l'on aye prouveu a telle suave disposition, que le cours d'une si bonne entreprise ne soit entrecoupé..

  A014003445 

 Contre la liberté que mon esprit ayme si fort, je travaille, selon mon premier desir, à me rendre obeyssante, et je ne puis être touchée lâchement en ce dessein, puis qu'il y a des couronnes eternelles jointes à une temporelle, qui est l'honneur d'être eternellement vôtre fille..

  A014003453 

 Toutesfois, à vostre exemple, Monseigneur, qui sur le decez de Madame vostre mere avez pris une ferme et constante resolution sur la volonté de Dieu, je me resous et conforme à ce qui plaist à Dieu; et puis qu'il veut avoir ma fille pour son service en ce monde, pour la rendre, par ce chemin, en sa gloire eternelle, je veux bien monstrer que j'ayme mieux son contentement avec le repos de sa conscience, que mes propres affections..

  A014003454 

 Elle s'en va donc consacrer à Dieu, mais c'est à la charge qu'elle n'oubliera pas son pere, qui l'a si cherement et tendrement aymée.

  A014003462 

 Il Rev. Giovanni Sauli, sacerdote di Verduno in Lorena, è venuto qui et ha esposto alla Santità di Nostro Signore che 166 heretici calvinisti delle città di Losana et Geneva vogliono tornare alla fede cattolica con le famiglie loro et abiurare l'heresie in mano di V. S. a Tunone; rapresentando che non possono conferirsi ( sic ) altrove con le famiglie, senza pericolo della vita di molti di essi, facendo instanza che si conceda a lei facoltà di assolverli et reconciliarli in utroque foro.

  A014003476 

 Vous avez laissé cette petite ville toute parfumée de la suavité de votre douce, dévote et débonnaire conversation, particulièrement Messeigneurs nos bons prélats, qui en parlent avec grand sentiment.

  A014003477 

 Il est vrai, mon très-cher Seigneur, à vous parler dans la pure vérité, que j'étais intérieurement sollicitée du désir de vous parler d'un sujet que ces bonnes âmes ne savent pas; et bien que ma bassesse et la révérence que je porte à votre mérite et que je dois à votre dignité combattissent cette pensée, néanmoins c'était elle qui m'excitait à vous prier souvent de nous venir voir, et à me plaindre à votre bonté de ce que vous ne le faisiez pas.

  A014003477 

 Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en [417] particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité..

  A014003478 

 Ce mépris que l'on donne des Religieux peut aussi grandement diminuer la piété des peuples, qui est fort soutenue et accrue par leurs bons exemples et doctrine, et de plus, mon très-cher Seigneur, les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans leurs erreurs, et font des trophées et des risées quand ils voient que ses propres enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les pères, qui sont Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies de leurs enfants, avec confusion, et que les enfants ne le souffrent dans la soumission qu'ils doivent; cela, dis-je, donne un grand scandale, ce qui ne peut apporter qu'un très-grand détriment à la très-sainte Epouse de Notre-Seigneur.

  A014003478 

 Il vous a donné une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour, et enrichir l'Eglise d'infinité de traités de dévotion, pour le bien et avancement des âmes: c'est la sainte occupation que ceux qui vous honorent désirent maintenant à votre aimable loisir, afin que, par le moyen de cette pure dilection de notre divin Sauveur, dont votre chère âme est si parfaitement amoureuse, vous preniez garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les Religieux.

  A014003478 

 Vous voyez qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements, et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt étouffé par votre bonté et charitable support, qu'il ne s'allume un feu qui éteigne celui de la sainte charité en plusieurs âmes, et ne cause de très-grands scandales en l'Eglise de Dieu, ainsi que plusieurs bien sensés appréhendent et prévoient qu'il arrivera infailliblement, si votre débonnaireté et votre zèle à la plus grande gloire de Dieu ne vous fait supporter sans revanche l'insolence d'une réponse que l'on dit avoir été faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante et éloignée de la vérité et du respect qui vous est dû, ne peut porter coup contre l'estime que l'on a de v.otre véritable vertu..

  A014003479 

 Oubliez donc, mon très-cher Seigneur, cette offense, à l'imitation du divin Sauveur, qui en avait reçu de bien plus grandes de ceux pour qui il demanda pardon en les excusant, et vous souvenez aussi, mon bon Seigneur, de la modestie et douceur avec laquelle notre Bienheureux Père parle en la préface de l'Amour divin, de celui qui l'avait si insolemment bafoué en pleine chaire: il attribue cette faute à son zèle.

  A014003479 

 Quand il en savait quelque défaut, il les couvrait tant qu'il pouvait, et s'employait soigneusement à les aider à réparer: je l'ai vu dans cette pratique seize années; avec combien de charité, de travail et d'écrits il se conduisait! les sensibles douleurs qu'il ressentait quand leurs défauts et ceux des ecclésiastiques venaient en évidence, parce que la mésestime de telles personnes diminue et affaiblit grandement la piété des peuples, qui est fort soutenue et conservée par leurs bons exemples..

  A014003479 

 Vous chérissez si tendrement l'esprit de ce Bienheureux, [418] imitez-le, mon très-cher Seigneur, en sa patience à tout supporter, et en cette prudence charitable qui le tenait attentif à ne dire ni écrire jamais aucune chose qui pût tant soit peu blesser le général, ni les particuliers d'aucun Ordre, ni décrier personne du monde, pour vile et chétive qu'elle fût.

  A014003480 

 Permettez-moi, Monseigneur, de vous supplier de me donner quelques petits témoignages que vous n'aurez point désagréé ma simplicité et confiance en votre bonté, car mon cœur aurait une bonne touche s'il pensait avoir fait quelque chose qui vous déplût, ayant tant de désirs de se voir continuer l'honneur de votre précieuse amitié...............................................................


15-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XV-Vol.5-Lettres.html
  A015000013 

 Comme l'Evêque de Genève entendait réduire un délinquant à l'obéissance; ses griefs contre une famille qui le protégeait.

  A015000018 

 — Un « livret » qui a besoin d'une préface pour être plus intelligible.

  A015000037 

 — Un Saint qui avait le don d'ouvrir les cœurs. 35.

  A015000038 

 Pourquoi faire ce qui est requis pour tenir sa santé un peu forte.

  A015000046 

 — Qu'est-ce qui approche Notre-Seigneur de nos cœurs.

  A015000058 

 — Tout nous crie: Amour, amour! — Des dames qui « font merveilles».

  A015000072 

 — La pauvre mère poule et les poussins qui s'entrebecquettent.

  A015000074 

 — La sainte Croix; elle béatifie ceux qui l'aiment et la portent.

  A015000075 

 — Détresse des habitants qui en est la suite.

  A015000076 

 — Témoignages d'estime au destinataire qui avait transmis l'invitation.

  A015000077 

 Notre-Seigneur saura bon gré à qui porte et supporte les âmes qui se trouvent faibles.

  A015000082 

 Un Père vigilant qui a peur d'être blâmé pour ne l'être pas assez.

  A015000082 

 — De qui doit-on attendre l'issue des maladies.

  A015000083 

 » — Ce qui arrive souvent aux chasseurs.

  A015000083 

 — A César ce qui est à César, mais aussi à Dieu ce qui est à Dieu.

  A015000084 

 Des bailliages qui n'avaient pas été visités « il y a plus de cent ans.

  A015000086 

 — Comme le monde censure ce qui est fait pour Dieu.

  A015000095 

 — Ce qui arrive entre les enfants des hommes.

  A015000097 

 — C'est Notre-Seigneur qui unit les cœurs indissolublement.

  A015000106 

 — Quand il nous arrive quelque chose contre notre gré, que faire? — Jugements et manquements qui ne sont pas mortels.

  A015000113 

 Ce qui rend profitable la nourriture corporelle et spirituelle.

  A015000118 

 Les amitiés qui ont Dieu pour auteur, et la distance des lieux.

  A015000123 

 — Triple alliance qui doit exister entre le Pape et les rois.

  A015000124 

 La plus heureuse salutation qui fut jamais.

  A015000137 

 Le Saint revendique son droit, qui était contesté, de conférer les bénéfices dans certaines paroisses situées en France.

  A015000142 

 Une postulante qui avait de la répugnance pour l'abjection; comment traiter avec elle.

  A015000149 

 — Pour mourir, tous les moments sont « heureux » à ceux qui craignent Dieu.

  A015000155 

 Recommandation en faveur d'un gentilhomme offensé qui demande justice.

  A015000157 

 Une bonne fille qui ne pourra pas être si tôt consolée.

  A015000158 

 Ce qui donnait à François de Sales « un particulier contentement.

  A015000158 

 — Un sentiment qui rend légers tous les déplaisirs. 141.

  A015000159 

 — Comment les âmes qui prient servent leur pays et leur époque. 143.

  A015000159 

 — Le sort ordinaire de ceux qui recherchent l'intimité de Dieu.

  A015000160 

 — Où tendait l'amitié mutuelle qui unissait l'ime du Saint et celle de la Mère de Chantal 144.

  A015000167 

 — Ce qui rebutait quelquefois les prétendantes à la Visitation.

  A015000169 

 — Un Saint qui a soin de ses dévots.

  A015000181 

 Ce qui rend certaines tentations inoffensives.

  A015000186 

 Une âme qui va bien.

  A015000186 

 — Les entreprises extraordinaires qui ne sont pas hasardées.

  A015000192 

 — Les croix qui répugnent aux sens et à la nature.

  A015000203 

 — L'oraison et la variété des affections qui viennent t'y mêler.

  A015000213 

 — A la Visitation, « toutes choses sont basses, » excepté « la pretention » des Religieuses qui l'habitent. 190.

  A015000217 

 Un contrat qui va bien.

  A015000228 

 Une chape vraiment belle: d'où lui vient sa beauté; symbolisme des dessins qui la décorent.

  A015000268 

 Dieu sçait que le desir duquel je suis pressé de faire chastier messire Nicolas Nacot, n'a point d'autr'origine qu'en mon devoir, qui m'oblige de reduire a l'obeissance ceux qui la doivent et la refusent a l'authorité que je tiens.

  A015000270 

 Mais, comme pouvoit-on ne faire pas ce qui estoit desiré d'un si bon lieu? Or, Madame, je serois extremement [2] desplaysant si, sur la bienveuillance delaquelle vous me gratifiés, j'avois pensé seulement a tirer de vous chose qui vous deut donner le moindre repentir du monde, et jugerois de vous avoir grandement offencé si je l'avois fait esciemment..

  A015000273 

 Je me res-jouys que Sa Sainteté ayt ouctroyé le [remède] requis au mal de l'action que fit messire Nacot, et seray encor plus ayse quand je sçauray quil aura esté legitimement appliqué; car, honnorant tres cherement monsieur vostre mari et vous, Madame, comme je fay et feray toute ma vie, je desire que tout ce qui vous est praetieux vive entre les benedictions caelestes et que rien ne demeure jamais en vostre mayson qui les en puisse divertir.

  A015000273 

 Madame, j'ay de l'affection et de lhonneur pour monsieur vostre mari, pour vous et pour les vostres autant que vous sçauries souhaiter d'homme qui vive; [3] mais le plus grand desir que je face, c'est que jamais Dieu ne soit abandonné, non pas mesme pour un moment..

  A015000291 

 L'honneur que j'ay d'estr'aymé de vous, servira de [simple] praeface a ma supplication, laquelle je vous [5] fay [d'estre] favorable protecteur de ce porteur, frere de monsieur le premier President de Savoye et mon Vicayre general, pour les affaires qui le tirent vers vous, qui sont parties siennes et parties miennes; mais, a mieux dire, siennes et miennes tout ensemble, puisque luy mesme est mien par une longue et bonn'amitié..

  A015000292 

 Ce qui est le plus, c'est qu'ell'est toute pleyne de vraye bonté et pieté, qui la rend uniquement chere a toutes ses Seurs.

  A015000307 

 Il faut, ma chere Seur, l'attribuer aux occasions qui ne s'en sont pas presentees, et non jamais a nulle sorte de mesconnoissance des obligations que je vous ay, qui sont indicibles, puis qu'elles ne sont pas comprehensibles..

  A015000307 

 Mais que puis-je faire ni dire, ma tres chere Seur, qui puisse dignement vous satisfaire sur ce sujet? Je confesse ingenuement que je suis vaincu, et que, comme vous me devances infiniment de toutes partz, vous le faites tres particulierement en celle-ci, de me rendre les devoirs et les tesmoignages d'amitié pour celle-la avec laquelle je vous ayme.

  A015000307 

 Si vostre lettre m'a comblé de joye, je le demande a mon cœur, qui a esté tout absorbé de consolation voyant et la souvenance que vous aves de moy et l'honneur que vous continues de me faire en m'aymant, mais tendrement et cherement, comme vous me le tesmoignes.

  A015000308 

 Croyés, ma tres chere Seur, que mon cœur est fraternellement amoureux du vostre, et que si j'avois la commodité d'assouvir ses desirs, je serois bien tost en vostre solitude, laquelle, vous dites, je redoute pour son aspreté, mais laquelle j'ayme precisement pour mille sujetz, mais principalement pour l'amour de vous, qui, par vostre presence, me l'avés rendue ci devant plus douce et plus aggreable que ne furent jamais les plus delicieuses conversations des villes.

  A015000309 

 Il ne faut pas oublier de dire quatre motz, avant de finir, de la chere seur qui a manqué de nous estre ravie ces jours passés par un brave et galant gentilhomme qui la recherchoit en mariage.

  A015000312 

 Faites-le, ma chere Seur, sinon pour vous, pour le moins en consideration de ceux qui la souhaitent entiere et parfaite.

  A015000312 

 Il faut finir en vous recommandant le soin de vostre santé, avec la joye interieure et la recreation exterieure, qui vous serviront pour un entier restablissement.

  A015000337 

 J'ay bien treuvé le livret duquel je vous parlay; mais j'y ay rencontré des choses si dures, que je ne vous le veux bailler qu'apres vous avoir fait une præface qui vous le rende plus intelligible et moins scabreux.

  A015000338 

 J'ay un petit projet a vous communiquer, qui tend a la gloire de Dieu et reduction d'une grande ame.

  A015000350 

 J'ay trois de vos lettres qui ne sont point respondues, et si, je n'ay encor point de loysir maintenant.

  A015000350 

 Seulement vous diray-je que la faute commise avec madame la [11] Comtesse et M. du Coudrey m'a donné mille consolations en sa reparation, car vous la fistes extremement bien a mon gré; et ne failloit pas pour cela quitter la tressainte Communion, laquelle, au contraire, il faut employer pour remede a telz petitz defautz, qui ne viennent pas tant de mauvayse volonté, comme de surprise et foiblesse..

  A015000351 

 Il faut ainsy cheminer par varieté de petitz accidens spirituelz et temporelz, tenans tous-jours neanmoins a Nostre Seigneur qui, en cette sorte, nous conduira par sa grace a l'estat immobile de la sainte eternité..

  A015000352 

 Hier elle receut une nouvelle fille, qui fait la septiesme, [12] et dans peu on attend la huitiesme.

  A015000379 

 Or sus, ma tres chere Fille, la plus grande gloire de Dieu, qui est la souveraine maistresse de nos affections, m'a retenu aupres de cette bonne dame de Saint Cergue, pour la reduction de laquelle vous aves prié; car l'ayant veuë disposee a prendre les finales resolutions de son bonheur, je ne l'ay point voulu abandonner qu'elle ne les eust faites, dont je loüe Nostre Seigneur de tout [15] mon cœur.

  A015000382 

 Vive Dieu! ma Fille: ou rien, ou Dieu; car tout ce qui n'est pas Dieu, ou n'est rien, ou est pis que rien.

  A015000392 

 J'iray ce soir voir M me de Chantal (qui guerit fort lentement, sur tout des jambes et des bras, et qui vous bayse tres affectionnement les mains) pour conferer avec elle sur la reception de la fille dont vous m'escrives, delaquelle les bonnes qualités ne sont pas de peu de consideration.

  A015000392 

 Nous verrons aussi la chere grande fille, qui est certes fort aymable et le cœur gauche de M me de Chantal..

  A015000395 

 Bonsoir, ma tres chere Seur; aymes fidellement ce frere et serviteur qui est tout vostre..

  A015000411 

 Quoy que c'en soit, j'ay tant a cœur cette sainte entreprise, qui ne vient que d'en haut, que rien ne m'estonne en sa poursuite, et croy que Dieu rendra tout a fait cette Mere une sainte Paule, sainte Angele, sainte Catherine de Gennes et telles saintes vefves, qui, comme belles et odorantes violettes, ont esté si aggreables a voir dans le sacré jardin de l'Eglise.

  A015000419 

 O Dieu, ma toute chere Fille, je proteste, mais je proteste de tout mon cœur, qui est plus vostre que mien, que je ressens vivement la privation que je souffre de vostre veüe pour ce jourdhuy.

  A015000432 

 Maintenant neanmoins, je luy ay porté moy mesme ce fascheux advis, en la reception duquel son desplaysir a grandement combattu sa vertu, laquelle sans doute, si elle n'eust esté fort solide et profonde, ell'eust esté vaincüe; mays, Dieu mercy, ell' en a tant tesmoigné, que ceux qui l'ont veuë en ce point de tristesse, en ont receu un exemple digne de memoyre..

  A015000453 

 Vous deves croire le confesseur de N. en ce qui regarde son entree en Religion, car vous ne sçauriés mieux apprendre l'intention de Nostre Seigneur que par l'advis de celuy qu'il a donné pour directeur a la fille dont il s'agit.

  A015000455 

 O Dieu! que ce leur seroit chose utile a tous deux de renoncer a ces inutiles et inconsiderees complaysances, et que ce seroit une [24] grande charité de les en retirer! Mais, quant a la personne que je connois, quoy que jadis elle fust aucunement interessee en ce mal, qui pour n'estre pas vicieux ne laisse pas d'estre perilleux, je ne treuve aucun inconvenient que quelquefois, selon les occurrences, elle se confesse en toute liberté a ce personnage-la, dans le cœur duquel, s'il y avoit quelque impureté, elle ne se glisseroit pas par la confession, mais ouy bien par les autres conferences et conversations, ou privautés et hantises.

  A015000456 

 Ne laissés pas de faire la Communion le jeudi et les festes sur semaine, et le mardi du Caresme; mais cela n'en doutés plus, ains employés vostre cœur a estre bien fidele en l'exercice de la pauvreté emmi les richesses, de la douceur et tranquillité emmi le tracas, et de la resignation du cœur et de tout ce qui vous doit arriver en la providence de Dieu.

  A015000456 

 Qu'est-ce qui nous peut manquer, ayant Dieu?.

  A015000470 

 Je suis bien content, ma tres chere Fille, que vous retourniés doucement a la sainte orayson, pour un peu [26] recreer nostre pauvre cœur aupres de son Sauveur qui, comme l'arbre de bausme, distillera tous-jours quelque goute de sa sainte liqueur sur nous, qui demeurerons paysiblement en attention.

  A015000482 

 Je me res-jouis avec vostre peuple qui a le bien de recevoir de vostre bouche les eaux salutaires de l'Evangile, et m'en res-jouirois bien davantage, s'il les recevoit avec l'affection et reconnoissance qui est deuë a la peyne que vous prenes de les respandre si abondamment.

  A015000482 

 Mays, Monseigneur, il faut beaucoup souffrir des enfans tandis qu'ilz sont en bas aage, et bien que quelquefois ilz mordent le tetin qui les nourrit, il ne faut pas pourtant le leur oster.

  A015000483 

 J'attendray cependant les livres quii vous plaist me promettre, qui tiendront en mon estude le rang convenable a l'estime que je fais de leur autheur, et a l'amour parfait avec lequel je luy porte et porteray toute ma vie honneur, respect et reverence..

  A015000506 

 Je vous ay escrit par celuy qui m'a apporté ce matin vostre lettre; mais ces pauvres gens d'Estrembieres me forcent, par leurs remonstrances, d'interceder pour eux, puisqu'ilz recourent a moy pour cela, en qualité, disent-ilz, de mes enfans les plus exposés a la persecution de leurs freres rebelles.

  A015000506 

 Je vous supplie donq tres humblement, en ce qui pourra bonnement et saintement se faire, de les avoir en recommandation..

  A015000526 

 Ma chere Fille, tenons nous, je vous supplie, tout au bas bout de la Croix, trop heureux si quelque goutte de ce bausme qui distille de toutes pars tombe dedans nostre cœur, et si nous pouvons recueillir de ces basses herbettes qui naissent la autour..

  A015000528 

 Je supplie ce grand Saint, qui a si souvent dorloté nostre Sauveur et qui l'a si souvent bercé, qu'il vous face les caresses interieures qui sont requises a l'avancement de vostre amour envers ce Redempteur, et qu'il vous impetre abondance de paix interieure, vous donnant mille benedictions.

  A015000528 

 Vive Jesus, [33] vive Marie! et encor le grand saint Joseph qui a tant nourri nostre Vie..

  A015000541 

 Le P. François et moy avons escrit a Thonon selon vostre derniere lettre, et ferons avec soin tout ce qui se presentera a faire sur ce sujet..

  A015000542 

 Je vous escrivis l'autre jour des miseres de ce païs, non point contre la verité, qui est plus grande en cela qu'on ne sçauroit dire, mais bien contre mon gré, puisque le mal est irremediable.

  A015000557 

 A cette intention, je luy parlay bien amplement de mes affaires et des occurrences qui me regardoyent, et ne sçavois bonnement comme faire pour luy celer l'extreme mespris que Dieu m'a donné de toutes ces adventures qu'on appelle de fortune et d'establissement; car il ne veut pas que cela soit mesprisé d'un si grand mespris comme est celuy que, graces a Nostre Seigneur, j'en ressens en mon ame.

  A015000600 

 Nous l'enfermasmes le jour de la tres sainte Trinité, avec deux compaignes et la servante que je vous fis voir, qui est une ame si bonne dans la rusticité de sa naissance, que, dans sa condition, je n'en ay point veu de telle.

  A015000601 

 Voyla, mon tres cher Frere, un petit sommaire de ce qui s'est fait icy..

  A015000602 

 Or, la charité n'a point de peyne qui ne soit bienaymee: Ubi amatur, non laboratur; vel si laboratur, labor amatur..

  A015000603 

 O mon Dieu, mon tres cher Frere, si Dieu, qui incline tant de personnes a me remettre la clef de leurs cœurs, voire a en lever la serreure devant moy affin que je voye mieux tout ce qui est dedans, pouvoit si bien fermer le mien que rien n'y entrast jamais que son divin amour et que rien ne l'ouvrist que la charité, hé, que vous m'aymeries suavement! Priés fortement pour cela, et croyés fermement que je suis.

  A015000603 

 Si ce pauvre garçon ne m'eust rencontré ici pour se confesser a moy, il s'en alloit a Rome, ne treuvant personne a qui ouvrir a son gré confidemment son ame, ou, a la verité, j'ay treuvé moins de mal que je ne pensois, et incomparablement moins qu'il ne croyoit.

  A015000614 

 pas de vous faire bien ayder, tant quil se pourra, affin que ce mal vous soit utile; car voyes vous, ma chere Fille, il faut bien estre soigneuse de faire ce qui est requis pour nous tenir un peu forte et vaillante, puisque, comme vous le desires, il nous faut faire des effortz pour devenir saints et rendre des grans services a Dieu et au prochain.

  A015000616 

 Oüy, ma Fille, vous estes le courage de mon cœur et le cœur de mon courage en ce doux et triomphant Sauveur qui l'a ainsy voulu, et que je supplie employer le tout a sa gloire, unique praetention de mon cœur et de mon courage uniquement unique en luy..

  A015000646 

 Au demeurant, j'ay avec moy un jeune homme d'Eglise, neveu de feu Monsieur le Reverendissime mon predecesseur, qui s'est immaginé qu'a l'adventure il pourroit entrer par delà au service de quelques jeunes seigneurs pour leur instruction, et par ce moyen estudier aussi; et m'a tant pressé, sachant en quelle confiance je suis avec vous, que j'ay esté contraint de luy promettre de vous supplier de me donner quelque advertissement si cela pourroit estre.

  A015000646 

 Mais j'adjouste pourtant, qu'encor que ce jeune homme soit de fort bonne mayson (mais mayson descheuë) et qu'il ait l'esprit fort gentil et bien estudié, si est-ce que c'est plus son jugement qui le porte a ce desir que non pas mon advis, qui est que son courage n'est pas pour entrer en ladite sujettion que telle condition requiert.

  A015000647 

 Or, Monsieur, il me suffira, s'il vous plaist, de m'escrire un mot qui le puisse aucunement desabuser, car il est force de traitter avec luy; affin que, sans [se tourmenter] de vous prier, il attende que Dieu luy pourvoye des moyens de nager a ses despens; ce qui sera bien tost, puisque j'en voy des-ja la semence paroistre sur le champ, qu'il seroit prest a recueillir des maintenant, si la jeunesse luy eust permis d'estre aussi arresté ci devant comme il est resolu de l'estre dores-en-avant..

  A015000648 

 Vous interpreteres le tout en bonne part, comme d'un cœur qui prend toute confiance au vostre..

  A015000661 

 Le sieur Martinet, conseiller de Son Altesse et maistre de la Chambre des Comtes de Savoye, sachant avec combien de prudence et de soin les jeunes gens sont [45] conduitz et gouvernés sous vostr'authorité et direction dans vostre college, il desireroit grandement que son filz, qui a des-ja fait son cours en philosophie, eüt le bien d'y estre receu et retiré, affin que plus heureusement il acheve ses estudes; et cela, sans aucunement charger la despense du college, puisque pour icelle, il prouvoyeroit de la pension et fourniture requise..

  A015000679 

 O Dieu, ma chere Seur, ma Fille bienaymee, a propos de nostre cœur, que ne nous arrive-il comme a cette benite Sainte de laquelle nous commençons la feste ce soir, sainte Catherine de Sienne, que le Sauveur nous ostast nostre cœur et mist le sien en lieu du nostre! Mais n'aura-il pas plus tost fait de rendre le nostre tout sien, absolument sien, purement et irrevocablement sien? Oh qu'il le face, ce doux Jesus! je l'en conjure par le sien propre et par l'amour qu'il y enferme, qui est l'amour des amours.

  A015000689 

 Le rencontre du bruit de guerre, qui n'est pas encor esteint, du refus des passages et de ces fausses nouvelles qui ont couru ces jours passés, me semble estre mal a propos pour cett'occasion d'aller hors l'Estat et parmi monsieur le Grand et monsieur de Lux; mais je ne vois point de suffisant pretexte pour m'excuser de ce service de Dieu et des ames.

  A015000707 

 Estant appellé pour restablir le saint exercice de la foy en une bourgade du pais de Gex, qui est de mon diocese, [49] mais hors de l'obeissance de Son Altesse Serenissime, j'ay voulu, avant mon depart, donner connoissance a Vostre Excellence de ce petit voyage auquel ma charge m'oblige, affin qu'en toutes occasions j'observe tant quil me sera possible les loix de mon devoir..

  A015000726 

 Vous seres bienheureuse, ma tres chere Seur, ma Fille, si parmi toutes ces fadaises de partialités, vous vives toute en vous mesme pour Dieu (Dieu, qui seul aussi merite d'estre servi et suivi avec passion); car ainsy faysant, ma chere Seur, vous donneres bon exemple a toutes et gaignerés la sainte paix et tranquillité pour vous mesme..

  A015000728 

 Tenés vostre esprit en paix, non obstant cet embarrassement qui est autour de vous.

  A015000729 

 Quand nous voyons que les persecutions ou contradictions nous menacent de quelque grand desplaysir, il nous faut retirer, et nous et nos affections, sous la sainte Croix, par une vraye confiance que tout reviendra au prouffit de ceux qui ayment Dieu..

  A015000742 

 Non, ma tres chere Fille, ce n'est pas la tranquillité qui l'approche de nos cœurs, c'est la fidelité de nostr'amour; ce n'est pas le sentiment que nous avons de sa douceur, mais le consentement que nous donnons a sa sainte volonté, laquelle il est plus desirable qu'elle soit executee en nous, que si nous executions nostre volonté en luy.

  A015000753 

 Vrayement je m'en res-jouis aussi dequoy bien tost nous aurons le bien de vous voir icy, en attendant le Caresme prochain, auquel sans doute je porteray une extreme affection de gaigner beaucoup d'ames a Celuy qui, pour les gaigner toutes, voulut bien perdre sa tres digne vie sur la croix.

  A015000785 

 Dieu, qui en cela m'assiste, veuille retirer et ma personne et mes actions a sa gloire et a son honneur, selon nostre souhait.

  A015000786 

 O Dieu, ma chere Fille, qui pouvoit mesler si parfaitement deux [56] espritz qui ne fussent qu'un seul esprit, indivisible, inseparable, sinon Celuy qui est unité par essence?.

  A015000786 

 Sa Bonté me fait savourer des douceurs, certes, extraordinaires et suaves et qui ressentent au lieu d'ou elles viennent.

  A015000787 

 Les affaires de la religion, qui s'accroissent icy tous les jours, me feront arrester plus longuement que je ne pensois, ma tres chere Fille; mais certes tres aggreablement, puisque c'est pour la gloire de Dieu et le service des ames qu'il a rachetees, lesquelles, en divers lieux de ce balliage, demandent qu'on leur restablisse le saint exercice.

  A015000787 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que ce m'est une honnorable et douce peyne que celle-cy, qui me fait esperer que, sinon maintenant, au moins par ci apres, tout ce païs pourra estre purgé de tant d'infection que le malheur de l'heresie y avoit assemblé..

  A015000816 

 J'ay pris ma bonne part du contentement que messieurs vos confreres ont eu au restablissement du saint exercice en l'eglise d'Ivonne, ou je ne doute point que vous ne facies de plus en plus paroistre le zele que vous aves au service de Nostre Seigneur, comme je vous supplie faire au soin du redressement et ameublement [59] de l'autel; et de mesme en la diligence de prouvoir le curé de l'entretenement qui luy est requis, lequel, affin quil ne demandast que raysonnable, je luy ay taxé conformement a celuy que vous donnés au curé de Sessi..

  A015000844 

 O ma tres chere Fille, que je souhaitte ce gracieux vent qui vient du midy de l'amour divin, ce Saint Esprit qui nous donne la grace d'aspirer a luy et de respirer pour luy..

  A015000846 

 Dites a la grande fille, que, comme moy, elle se glorifie en sa foiblesse, qui est toute propre pour recevoir la force; car, a qùi donner la force qu'aux foibles?.

  A015000847 

 Ce feu sacré qui change tout en soy, veuille bien transmuer nostre cœur, affin qu'il ne soit plus qu'amour et qu'ainsy nous ne soyons plus aymans, mais amour; non plus deux, mais un seul nous mesme, puisque l'amour unit toutes choses en la souveraine Unité.

  A015000855 

 J'ay donq pensé, ma chere Mere, si vous en estes d'accord, qu'il nous faut prendre pour armes un unique cœur percé de deux flesches, enfermé dans une couronne d'espines, ce pauvre cœur servant d'enclaveure a une croix qui le surmontera, et sera gravé des sacrés noms de JESUS et MARIE..

  A015000855 

 Voyla M. Rolland qui va suppleer a mon defaut.

  A015000856 

 Le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son sacré cœur; il est donq bien juste que nostre cœur demeure, par une soigneuse mortification, tous-jours environné de la couronne d'espines qui demeura sur la teste de nostre Chef, tandis que l'amour le tint attaché sur le throsne de ses mortelles douleurs..

  A015000856 

 Ma Fille, je vous diray a nostre premiere veuë mille [63] petites pensees qui me sont venues sur ce sujet; car vrayement, nostre petite Congregation est un ouvrage du cœur de Jesus et de Marie.

  A015000857 

 Bon jour encor, ma Fille; j'apperçois entrer nos plaideurs qui viennent interrompre la paix de mes pensees..

  A015000866 

 Quelques vertueux gentilshommes et moy, ayans, Dieu merci, terminé les poursuites que le sieur de Blonnay faysoit a rayson de la perte de son filz contre le sieur [64] de Saint Paul, par un amiable et chrestien appaysement de toute inimitié et dispute, j'ay creu que je devois en donner asseurance a Vostre Altesse, affin quil luy playse de plus facilement incliner sa clemence et donner sa grace a celuy qui, ayant la paix avec sa partie par cet accomodement, et le pardon de Dieu par la contrition et confession, n'a plus a rechercher que la remission de la peyne, que Vostre Altesse seule luy peut ouctroyer et que la debonnaireté d'icelle luy fait esperer..

  A015000884 

 Et non seulement je n'ay point fait de mesnage contre le service de Vostre Altesse (ce qui ne m'est jamais arrivé ni ne m'arrivera jamais, ni en effect, ni en pensee), mais au contraire, autant que la discretion et le respect que je doy a ma qualité me le permettent, j'ay observé tout ce que j'estimois estre considerable pour le service de Vostre Altesse, affin de luy en donner advis, comme [66] j'eusse fait par escrit si, a mon retour, je n'eusse treuvé le commandement qu'elle me donnoit de les porter de bouche a monsieur le Marquis de Lanz, auquel je parlay en toute franchise et naifveté; l'asseurant entr'autres choses, que les bruitz touchant le dessein des François sur Geneve n'estoyent que des vrayes chimeres, que quelques uns avoyent peut estre fabriquées pour rendre probables leurs prætendus services.

  A015000885 

 Et ne sçai si, pour ce regard, il vint point a propos qu'a mesme tems les Souisses qui revenoyent d'aupres de Vostre Altesse dirent en passant des merveilles en faveur des droitz qu'ell'a sur le pais de Vaux; dequoy ceux de Geneve furent extremement esmeuz..

  A015000887 

 Je dis plusieurs autres particularités a monsieur le Marquis de Lanz, desquelles sans doute il aura eü bonne memoire pour les representer a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement de croire que j'ay gravé trop avant en mon cœur le devoir que je luy ay, pour jamais me relascher a faire chose qui puisse tant soit peu nuyre au service de ses affaires, et que j'ay une trop grande [68] aversion au tracas des choses d'Estat, pour jamais y vouloir penser d'un'attention deliberee.

  A015000887 

 Je ne sçai donq comment la calomnie ose me representer avec des affections estrangeres, puisque mesme je vis, Dieu merci, de telle sorte que, comme je ne merite voyrement pas d'estre en la bonne grace de Vostre Altesse, n'ayant qui puisse dignement correspondre a cet honneur la, aussi merite-je de n'estre jamais en sa disgrace, ne faysant ni n'affectionnant rien qui me puisse porter a ce malheur, que je ne crains aussi nullement, moyennant l'ayde de Nostre Seigneur, qui, en faveur de la veritable fidelité que je conserve a Vostre Altesse, ne permettra jamais que les brouillons et calomniateurs m'ostent la gloire que j'ay d'estr'advoüé, Monseigneur,.

  A015000899 

 En consideration de cela, un certain seigneur de Monluel, qui par longues annees avoit possedé un petit benefice simple audit Gex, de la valeur d'environ 20 ou 25 escus de revenu, ayant de son gré et par son election desiré que ce sien benefice fut uni a nostre dit Chapitre, je l'ay fait encor plus volontier, comme chose sainte et juste..

  A015000899 

 Nostre Chapitre de Geneve a plus cooperé aux commencemens de l'establissement de l'exercice catholique [69] a Gex qu'aucuns ecclesiastiques; car, outre que monsieur le Prevost, messieurs Grandis, Bochuti et Gottri, chanoynes dudit Chapitre, ont esté les premiers qui ont fait residence a leurs despens en ce pais-lâ durant un'annee, ce fut ce Chapitre qui fournit aux fraitz que je fis, estant encor Prevost, pour la sollicitation de la confirmation de l'establissement.

  A015000901 

 Mais comme ce n'est pas tous-jours l'erreur de l'entendement, ains le defaut de la volonté et l'impureté des affections qui tient les hommes hors de l'Eglise, aussi n'y rentrent-ilz pas tous-jours quand ilz connoissent la verité d'icelle..

  A015000902 

 A cette consolation, messieurs le Grand et de Lux en adjoustoyent presque ordinairement une autre, qui estoit de me parler de vous et de vos merites comme l'honneur amoureux que je vous porte me pouvoit faire desirer.

  A015000903 

 Il failloit dire ce mot de confiance avec vous, qui me donnés si abondamment le bonheur de vostre amitié, que tout le monde s'en res-jouit avec moy, et particulierement ces seigneurs dont je viens de dire les noms.

  A015000916 

 Sa casaque d'armes, faite de poil de chameau, representoit son humilité qui le couvroit par tout; sa ceinture de peau morte, mise sur son ventre et sur ses reins, signifioit la mortification avec laquelle il restrecissoit et serroit toutes ses concupiscences.

  A015000918 

 Vrayement, nos bonnes Dames de la Visitation font merveilles, et qui les void en est tout consolé.

  A015000928 

 Je le treuve plus que vierge, parce qu'il est vierge mesme des yeux, qu'il a plantés sur les objetz insensibles du desert et ne sçait point par les sens qu'il y ait deux sexes; plus que confesseur, car il a confessé le Sauveur avant que le Sauveur se soit confessé luy mesme; plus que predicateur, car il ne presche pas seulement de la langue, mais de la main et du doigt, qui est le comble de la perfection; plus que docteur, car il presche sans avoir ouy la source de la doctrine; plus que martyr, car les autres martyrs meurent pour Celuy qui est mort pour eux, mais luy meurt pour Celuy qui est encor en vie, et contreschange, selon sa petitesse, la mort de son Sauveur avant qu'il la luy ait donnee; plus qu'evangeliste, car il presche l'Evangile avant qu'il ait esté fait; plus qu'apostre, car il precede Celuy que les Apostres suivent; plus que prophete, car il monstre Celuy que les Prophetes predisent; plus que patriarche, car il voit Celuy qu'ilz ont [74] creu, et plus qu'ange et plus qu'homme, car les Anges ne sont qu'espritz sans cors, et les hommes ont trop de cors et trop peu d'esprit: celuy ci a un cors et n'est qu'esprit..

  A015000929 

 J'ay un goust extreme a le regarder dans ce sombre, mais bienheureux desert qu'il parfume de toutes parts de devotion, et dans lequel il respand jour et nuit des soliloques et devis extatiques devant le grand objet de son cœur; cœur qui, se voyant seul a seul, jouit de la presence de son Amour, treuve en la solitude la multitude des douceurs eternelles, la ou il succe le miel celeste qu'il ira par apres bien tost distribuer dans les ames des Israëlites aupres du Jourdain..

  A015000930 

 Mays cecy est encor admirable, que Nostre Seigneur ayant dit qu' entre tous ceux qui estoyent nés de femme, nul n'estoit p lus grand que Jean, il adjouste: Voire, mais celuy qui est le moindre au Royaume des cieux, c'est a dire en l'Eglise, est plus grand que luy.

  A015000941 

 Helas! vous estes si souvent en moy, pourquoy suis-je si peu souvent en vous? Vous entres en moy, pourquoy suis-je tant hors de vous? Vous estes dans mes entrailles, pourquoy ne suis-je dans les vostres pour y fouiller et recueillir ce grand amour qui enivre les cœurs?.

  A015000959 

 Monsieur Nouvelet, qui va petit a petit achevant le petit reste de sa vie, a desiré que je vous asseurasse de son humble affection.

  A015000975 

 On est bien empesché avec ces amoureux, ma chere Fille! Voyci ce jeune gentilhomme qui me demande une lettr'a vous pour vous rendre plus recommandables ses prætensions, et moy je me resouviens bien de ce que vous m'escrivistes lautrefois, quil failloit conduire l'affaire tout bellement et le presser a loysir.

  A015000976 

 Mays cependant, ma tres chere Fille, je suis bien ayse de vous escrire ainsy de tems en tems, et vous resouvenir [81] de mon ame, qui ne cesse point de souhaitter mille perfections a la vostre, pour la gloire de Nostre Seigneur qui m'a rendu,.

  A015000987 

 Ce sera sur les neuf heures et demi, ma chere Fille et tres bonne Mere, a qui je donne mille fois le bon jour..

  A015000987 

 Nous avons donq pris cette matinee pour vous faire avoir l'exhortation de Monseigneur de Belley, qui tesmoigna hier de desirer de vous voir.

  A015001014 

 Nous verrons donq un peu ce qui se pourra faire..

  A015001016 

 Et bien, au demeurant, voyla donq le cher mari qui s'en va, ma chere Fille.

  A015001017 

 La chere cousine est aux vendanges, et on me dit qu'elle se porte bien, comme fait madame de [Chantal], qui, a mon advis, s'avance fort en l'amour de Dieu, avec toutes ses Seurs..

  A015001029 

 A ce que vous me dites, je vois qu'il sera mieux de remettre jusques a lundi; vous series trop precipitees toutes, et eux aussi, comme je pense; et je seray bien ayse de ne point rompre l'assignation aux bonnes Seurs de Sainte Claire, qui ont demain leur grande feste, ni au catechisme de Nostre Dame, ou il faut que je sois catechiste, estant invité il y a dix ou douze jours, a mon gré, la veille de Nostre Dame.

  A015001037 

 Aussi n'en sçauries-vous conserver pour personne qui ayt plus de sincere affection pour vous, a qui je souhaitte continuellement devant Nostre Seigneur mille benedictions, et celle-la sur toutes et pour toutes, que vous soyés toute parfaitement sienne.

  A015001037 

 Soyés-le, Madame, de tout vostre cœur, car c'est le grand, ains l'unique bonheur qui vous puisse arriver; et si, monsieur le Senateur n'en aura point de jalousie, puisque vous n'en seres pas moins sienne, et en recevra de l'utilité, puisque vous ne sçauries donner vostre cœur a Dieu que le sien n'y soit engagé..

  A015001049 

 Vous faites extremement a mon gré de continuer vos exercices emmi les secheresses et langueurs interieures qui vous sont revenues, car puisque nous ne voulons servir Dieu que pour l'amour de luy, et que le service que nous luy rendons parmi le travail des secheresses luy est plus aggreable que celuy que nous faysons parmi les douceurs, nous devons aussi, de nostre costé, l'aggreer davantage, au moins de nostre volonté superieure.

  A015001050 

 Pour vostre temporel, puisque vous vous estes essayee d'y mettre de l'ordre et que vous n'aves peu, il faut donq maintenant user de patience et de resignation, embrassant volontier la croix qui vous est arrivee en partage, et selon que les occasions se presentent, vous prattiqueres l'advis que je vous avois donné pour ce regard..

  A015001051 

 Combattes fidellement vos impatiences en exerçant non seulement a tous propos, mais encor sans propos, la sainte debonnaireté et douceur a l'endroit de ceux qui vous sont plus ennuyeux, et Dieu benira vostre dessein..

  A015001072 

 Nos filles qui veulent faire les vœux pourront bien faire un peu d'orayson preparatoire sur les vœux de Nostre Dame et de tant de filles et femmes assemblees qui les firent a Nostre Seigneur et qui les gardent avec tant de fidelité, qu'elles souffrent plus volontier pour le divin Maistre que de s'en despartir..

  A015001080 

 Et puisque l'homme veut si soudainement partir, je vous donne mille benedictions, ma tres chere Fille, vous escrivant au parloir de la Visitation, ou M me de Chantal vous salue tres cordialement comme moy, qui suis.

  A015001095 

 Quant au premier, la bonne madame de [Chantal] vous [93] dira tout ensemble son advis et le mien, de ce qui est requis pour l'entier establissement de vostre fille en cette Congregation.

  A015001096 

 C'est la vraye verité, Monsieur, qu'encor que mes amis meurent, mon amitié ne meurt point, ains, s'il s'y fait quelque changement, c'est pour une nouvelle naissance qui la voit plus vive et vigoureuse entre leurs cendres, comme un certain phœnix mystique; car, bien que les personnes que j'ayme soyent mortelles, ce que j'ayme principalement en elles est immortel, et j'ay tous-jours estimé cet axiome fondamental pour la connoissance des vrayes amitiés, qu'Aristote, saint Hierosme et saint Augustin ont tant solemnisé: Amicitia quæ desinere potuit, nunquam vera fuit..

  A015001097 

 Et donq, puisqu'il vous plaist, puisque vous le voules, je vous dis de toute mon affection: prenés la place, Monsieur, en cette communication, et mon cœur vous y regardera, vous y cherira, vous y envoyera ses pensees avec un amour qui ne violera point les loix de respect et un respect qui ne se separera jamais du devoir de l'amour.

  A015001098 

 Pleust a Dieu, dis je, que mon Polycletus, qui m'est si cher, n'eust point mis sa maistresse main sur un airain de si mauvais lustre!.

  A015001099 

 Je hais par inclination naturelle, par la condition de ma nourriture, par l'apprehension tiree de mes ordinaires considerations et, comme je pense, par l'inspiration celeste, toutes les contentions et disputes qui se font entre les Catholiques, desquelles la fin est inutile, et encor plus celles desquelles les effectz ne peuvent estre que dissensions et differens, mais sur tout en ce tems plein d'espritz disposés aux controverses, aux mesdisances, aux censures et a la ruyne de la charité..

  A015001100 

 La pauvre mere poule qui, comme ses petitz poussins, nous tient dessous ses aisles, a bien asses de peyne de nous defendre du milan, sans que nous nous entrebecquetions les uns les autres et que nous luy donnions des entorses.

  A015001101 

 Je n'ay pas voulu remarquer tout plein de choses qui me semblent devoir estre extremement addoucies, et me suis contenté de vous dire ainsy en gros et grossierement mon petit sentiment, ains, pour parler naïfvement, mon grand sentiment pour ce regard.

  A015001101 

 Mais dites [96] moy maintenant, Monsieur, si je m'excuse envers vous de vous parler ainsy franchement, repliqueres vous point que c'est aussi trop franchement? Voyla pourtant comme je traitte avec ceux qui veulent que je contracte une entiere amitié avec eux.

  A015001104 

 Que s'il vous semble que d'abord je devois user de plus de moderation, je vous supplieray de croire que je n'en sçai point en l'amitié, ni presque en rien qui en depende.

  A015001113 

 Ouy, ma Fille, puisqu'il plaist ainsy a la divine Bonté, je suis inseparable de vostre ame et, pour parler avec le Saint Esprit, nous n'avons meshuy plus qu'un cœur et qu'une ame; car ce qui est dit de tous les Chrestiens de la naissante Eglise, se treuve, graces a Dieu, maintenant entre nous.

  A015001114 

 Je suis tous-jours attendant des nouvelles du succes de vostre voyage, que je me prometz avoir esté bon, mais non pas sans crainte pourtant, a cause de la foiblesse de vostre santé et l'excessive chaleur qui a regné quelques heures de ces jours passés; mais je veux croire qu'en ces heures-la vous aures sejourné, et aures employé les matinees et les soirs qu'il a tous-jours fait un peu de vent.

  A015001115 

 Mon cœur fera cependant mille millions de bons desirs pour le vostre comme pour soy mesme, et ne cesseray point d'implorer les prieres de la tres sainte Vierge en ce lieu qui est tout consacré a son honneur..

  A015001116 

 Je renvoye ce jourd'huy nostre M. Michel aupres de nos filles, affin qu'elles ne demeurent pas tout a fait privees de quelqu'un en qui elles ayent confiance, j'escris a nostre Seur de Brechard une lettre pour toutes, affin de leur donner courage.

  A015001119 

 Elle vacquera cependant a rendre son cœur un peu fort et genereux contre la tendreté et delicatesse qui le tenoit a tous propos sujet au degoust.

  A015001129 

 Ma chere Fille, tout ce qui se fait pour l'amour est amour; le travail, ouy mesme la mort n'est qu'amour, quand c'est pour l'amour que nous les recevons..

  A015001129 

 Or sus, beni soit Dieu qui vous a fait arriver au lieu ou les affaires qu'il vous avoit laissees sur les bras vous ont appellee.

  A015001130 

 Mays, pour ma sainteté, qui est ce que vous affectionnés le plus, je ne fay gueres de choses, sinon mille continuelz desirs et quelques prieres particulieres, affin qu'il plaise a Nostre Seigneur les rendre utiles [101] et fructueuses pour tout nostre cœur, et, presque ordinairement, je me treuve plein d'une douce confiance que sa divine Bonté nous exaucera.

  A015001131 

 Il me tarde, ma tres chere Fille, que ce cœur que Dieu nous a donné, soit uniquement et inseparablement donné et lié a son Dieu par ce saint amour unissant qui est plus fort que la mort et que tout.

  A015001132 

 Ma tres chere Fille, helas! que bienheureux sont ceux qui l'ayment et qui la portent! Elle sera plantee au Ciel quand Nostre Seigneur viendra juger les vivans et les mortz, pour nous apprendre que le Ciel est l'autel des crucifiés.

  A015001142 

 Ayant veu a Six l'espouventable et irreparable accablement survenu il y a quelques annees, par la cheute d'une piece de montagne, je n'ay sceu refuser aux habitans du lieu, qui recourent a la clemence de Vostre Altesse pour, a proportion, estre deschargés des tailles, mon veritable tesmoignage en faveur de leur trop juste praetention.

  A015001174 

 Ce pendant, perseverés courageusement a porter et supporter celles qui se treuveront foibles; et croyés moy, ma chere Fille, ma Niece, que Nostre Seigneur, a qui vous estes toute, vous en sçaura un grand gré.

  A015001174 

 Je le supplie qu'il vous comble de force, de douceur et de benediction, et toute cette chere trouppe de filles qui me sont pretieuses comme la prunelle de mes yeux..

  A015001175 

 A Dieu donq, ma tres chere Fille, ma Niece, continues d'aymer en Nostre Seigneur, celuy qui est en luy tres cordialement tout vostre..

  A015001186 

 C'est aussi bien fait [106] d'avoir de la confiance en nostre Seur de Brechard, et c'est la grace de Dieu qui nous rend ainsy le cœur franc envers ceux a qui, pour son amour, nous obeissons..

  A015001186 

 Mais vrayement, il faut estre bien brave a surmonter tous ces petitz chagrins et la melancholie qui les produit.

  A015001186 

 Or, je sçay bien que vous estes fort fidelle pour ce regard, et que si vous faites quelques petitz mauvais pas, soudain vous vous releves humblement, doucement et sans vous estonner; car il faut faire ainsy, ma chere Fille, pour devenir parfaitement sainte, qui est vostre pretention.

  A015001198 

 Je salue du cœur que vous connoisses, nostre grande fille et luy recommande nostre chere et bonne Mere, comm'aussi monsieur de Thorens, que je cheris en qualité de mon frere et de vostre filz, qui veut dire excessivement.

  A015001215 

 Quel desplaysir viens-je de recevoir en la triste nouvelle du trespas de madame ma tante, qui m'aymoit si tendrement et cherement, et a laquelle j'avois si justement voué tant d'affection! J'irois moy mesme vous tesmoigner ce ressentiment, si je croyois, par ce moyen, de pouvoir alleger le vostre, ou que cet engagement auquel je suis parmi les assignations de ma visite le me permist; mais au moins, voyla mon frere qui va recevoir vos commandemens pour luy et pour moy, et vous asseurer que, comme j'ay honnoré de tout mon cœur la vie de cette chere defuncte, aussi cheriray-je a jamais son honnorable memoire autant qu'aucun de ses parens et serviteurs qu'elle ayt laissés en ce monde..

  A015001217 

 Certes, pour moy, j'ay beaucoup de consolation en la connoissance que j'avois de l'interieur de cette bonne tante, laquelle plusieurs fois, avec extreme confiance, me l'avoit communiqué en la sacree confession; car j'en tire une asseurance que cette divine Providence, qui luy avoit donné un cœur si pieux et chrestien, l'aura comblee de benedictions en ce despart qu'elle a fait d'entre nous.

  A015001250 

 L'ardeur du saint amour qui vous pousse a vouloir tout faire, vous doit aussi retenir et laisser faire aux autres quelque chose pour leur consolation..

  A015001251 

 Dieu nous sera bon, ma Niece, ma Fille: j'espere qu'il nous menace pour ne nous point frapper, et que la chere [112] Peronne de nostre Mere luy ira au devant a son arrivee, avec sa tres chere lieutenante, ma fille tres aymee, que je desire qui travaille avec un esprit ardent mais doux, fervent mais moderé, attendant le bon succes des maladies et affaires non de sa peyne, non de son soin, mays de l'amoureuse bonté de son Espoux.

  A015001251 

 Qu'il la veuille benir eternellement, avec toute la trouppe de ma tres chere Mere absente et qui nous est si presente au cœur, en la presence de Celuy qui est l'unique tout du cœur de la Mere et des filles..

  A015001261 

 A Cesar ce qui est a Cesar, mays aussi, a Dieu ce qui est a Dieu..

  A015001261 

 Je dis presque, a cause de celuy qui dit: Cum his qui oderunt pacem eram pacificus; autrement, je pense que je ne l'eusse pas dit, car les chasseurs poussent par tout dans les buissons, et retournent souvent plus gastés que la beste qu'ilz ont cuidé gaster.

  A015001261 

 Je ne veux nullement repliquer sur la declaration qu'il vous plaist de me faire de vostre intention en l'edition [113] du petit livre, car je serois marri si j'avois jamais eu un seul petit soupçon au contraire; mays je diray seulement ce mot qui part de la condition de mon esprit.

  A015001262 

 Vous me supporteres, s'il vous plaist, selon vostre bonté et ayant esgard a mon affection, qui est toute inclinee a vous honnorer et cherir tres specialement.

  A015001273 

 Des la reception de vostre derniere lettre, qu'on me rendit sur le commencement de septembre, j'ay presque tous-jours esté aux chams pour faire la visite des baillages qui sont autour de Geneve, qui n'avoyent esté visités il y a plus de cent ans, pour avoir esté restablis seulement des douze ou quinze ans en ça au giron de la sainte Eglise.

  A015001273 

 Plusieurs bourgeois et bourgeoises de Geneve qui estoyent venus aux vendanges, nous ont veu en cet exercice, et ont tesmoigné pour la pluspart d'en avoir pris bonne edification, et quelques uns qui m'ont voulu ouïr, ont esté estonnés dequoy leurs ministres leur descrivoyent nostre creance tout autrement que nous ne la preschons pas; chose....

  A015001284 

 Et partant, je suis bien content de faire l'office d'une fille de Hierusalem; et renuntiabo Dilecto tuo: Ecce qui amat et quem amas infirmatur.

  A015001284 

 Je voy bien en vostre lettre que vous languissés, puisque vous me dites: Ecce quem amas infirmatur; mais je n'en ay pourtant point de compassion qu'avec une extreme suavité, d'autant que infirmitas hæc non est ad mortem, sed ut manifestentur opera Dei; ecce enim qui amat infirmatur, puisque amore languet.

  A015001285 

 J'ay veu avec un extreme playsir le projet de vostre Somme de Theologie, qui est, a mon gré, bien et [117] judicieusement faite.

  A015001289 

 Comme aussi de faire des prefaces pour continuer les [118] matieres: « Postquam egimus de Deo uno, congruum est ut nunc de Deo trino, sive de Trinitate, » etc. Cela est bon pour des gens qui vont sans methode, ou qui ont besoin de faire connoistre leur methode parce qu'elle est extraordinaire ou embarrassee.

  A015001291 

 En celle: « Utrum praedestinatio sit ex praevisis meritis, » soit que l'on tienne l'opinion des saintz Peres qui ont precedé saint Ambroyse, soit qu'on tienne celle de saint Augustin ou celle de saint Thomas ou celle des autres, on peut former les argumens en stile affectif, sans amplifier, ains en abbregeant; et au lieu de dire: « Secundum argumentum sit, » simplement mettre un chiffre, 2..

  A015001307 

 Je vous diray franchement que, quant a l'obligation de vostre conscience, je ne varie nullement et persevere a ce que je vous en ay dit il y a long tems, qui est en un mot, que si la necessité de la personne de ce bon seigneur est telle que vous soyés requise en presence pour la secourir, vous deves arrester.

  A015001307 

 Maintenant que vous n'aves pas fait a beaucoup pres un si grand abandonnement et que vous aves reservé asses de liberté pour avoir [121] un soin moderé de vostre mayson et de vos enfans, parce que ce peu de retraitte que vous aves fait est pour Dieu, il se treuve des gens qui taschent de le faire estimer mauvais et contre le devoir..

  A015001308 

 Ce que je ne dis pas pour ce bon chevalier qui vous souhaitte aupres de soy, car vrayement il a rayson de desirer le bien de vostre conversation, qui ne peut que luy estre fort aggreable; mays pour ceux qui en parlent par maniere de conscience et de scrupule, qui, a mon advis, ne sont pas bien fondés en cela, bien qu'en la lettre de monsieur N. je les voye fort doctes et de grand esprit.

  A015001310 

 Je suis, comme vous sçaves, de toute mon ame, ma tres chere Fille, tout parfaitement vostre en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre, Jesus Christ, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A015001332 

 Les ecclesiastiques et Catholiques de Gex me conjurant d'aller a leur ayde pour un affaire qui importe a la gloire de Dieu, je m'y en vay tout maintenant.

  A015001332 

 Mays, avant que de partir, je vous en donne advis, remettant, apres mon retour, de fayre part a Vostre Excellence de ce qui se sera passé..

  A015001348 

 Or sus, qu'est-il besoin de parler ainsy a une ame qui me connoist comme elle mesme?.

  A015001349 

 Je me porte fort bien, grace a nostre Sauveur, qui me donne certain courage nouveau de l'aymer, servir et honnorer plus que jamais de tout mon cœur, de toute mon ame et de tout moy mesme; mays je dis de tout moy mesme, ma tres chere Fille, m'estant advis que jusques a present je n'ay point eu l'ardeur ni le soin convenable au devoir que j'ay a cette immense Bonté..

  A015001350 

 Ma tres chere Fille, remerciés cette clarté souveraine qui respand si misericordieusement ses rayons dans ce cœur, qu'a mesme que je suis parmi ceux qui n'en ont point, je vois plus clairement et illustrement sa grandeur et sa [125] desirable suavité.

  A015001351 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction; c'est le continuel et invariable souhait de ce cœur qui est vostre en Jesus Christ..

  A015001365 

 Et pour le mari de la Torta, vous vous addresseres a monsieur le senateur de la Valbonne, qui va lâ, affin qu'il luy parle authoritative; et, en passant icy, je luy recommanderay l'affaire.

  A015001381 

 Et pour la Bourgoigne, sous laquelle on comprend les païs eschangés, on commit le sieur de Mazuyer, vicomte d'Ambrieur, maistre des requestes, grand catholique et grand homme d'affaires, et le sieur de Vilarnos, beau-filz du sieur du Plessis Mornay, qui a la survivance de son beaupere au gouvernement de Saumeur, grand heretique, et au reste, gentilhomme de bonne sorte et bien qualifié..

  A015001382 

 Mays parce que je n'estois pas la, la proposition se fit en mon nom par un tres bon et digne Pere Capucin, originaire de Beugey, mays natif de Chamberi, qui neanmoins n'ayant point de procuration, promit de me faire ratifier..

  A015001383 

 Et en fin, apres trois ou quatre assemblees ainsy generales et publiques, la multitude des oppositions et allegations de nos adversayres fut causé que le tout a esté renvoyé au Conseil privé, pour estre par iceluy ordonné selon qu'il verra a faire; sauf pour le regard de l'eglise des Carmes de Gex, toute ruinee, et [129] une chapelle jointe a icelle, fondee par un bastard de la mayson de nos Princes, comme encor de l'eglise d'Alemoigne, qui, sur le champ, m'ont esté remises.

  A015001383 

 Sur cela, estant adverti et conjuré par les Catholiques de me rendre en praesence pour un coup de si grande importance, j'y allay nuit et jour, et me treuvay asses tost pour une assemblee generale de tout ce païs-la, ou je refis a vive voix mes requisitions et m'essayay de respondre aux allegations des ministres, qui n'ont rien oublié de leur costé pour empescher le fruit de cette commission demandee imprudemment par leurs confreres, qui ne prirent pas garde que, si ailleurs l'execution de l'Edit leur estoit favorable, a Gex elle leur estoit extremement contraire.

  A015001400 

 Me voyci lautrefoys [de retour.] Je ne fus presque pas arrivé de la visite [en ce pays] de deça, quil me falut partir pour aller [par delà] le Rosne pour chose qui importoit au service de Dieu.

  A015001401 

 Acceptons-le donques avec tres profond'action de [131] graces, de la main de ce Pere debonaire qui nous l'a imposé; et si nous avons de la difficulté a respirer, il nous faut tant plus aspirer et souspirer en Dieu par des desirs continuelz de faire progres en son saint amour.

  A015001402 

 Néanmoins] cette nuit passee elle s'est si bien [reposée]... [que si ce n']est pas miracle, c'est au moins une speciale grace que [Dieu a] faitte aux prieres de ses cheres compaignes qui toutes estoyent des-ja en larmes; si bien qu'a mon jugement, il ni a plus rien a craindre pour ce coup.

  A015001403 

 M me de Chantal doit arriver pour Noüel, sinon que quelqu'affaire d'importance luy soit survenu; car je luy ay escrit qu'elle n'espargnast pas le tems pour bien conclure tout ce qui est requis, affin qu'apres son retour elle demeure en plus grand repos.

  A015001404 

 La chere cousine est toute aupres de M me de Lambert qui est malade, si que je ne l'ay point veu il y a trois semaines; mais elle se porte bien..

  A015001418 

 Beni soit Dieu qui nous a visités en sa douceur, et qui nous a consolés! Amen.

  A015001434 

 Je ne doute point, ma tres chere Fille, que vous ne soyes grandement exercee de diverses rencontres desplaysantes, sçachant une partie des sujetz qui vous en peuvent donner; mays en quoy, et quand, et comment pouvons nous tesmoigner la vraye fidelité que nous devons a Nostre Seigneur, qu'entre les tribulations, es contradictions et au tems des repugnances? Cette vie est telle qu'il nous faut plus manger d'absynthe que de miel; mais Celuy pour lequel nous avons resolu de nourrir la sainte patience au travers de toutes oppositions, nous donnera la consolation de son Saint Esprit en saison.

  A015001447 

 Fille, dites moy, je vous prie, sera-il mieux que je vous aille revoir demain matin pour assister au disner de cette grande fille, et encor de la Jaquemaz, sil y escheoit, ou que j'y aille [137] seulement apres Vespres pour la voir souper? Mon opinion est que ce soit apres Vespres, par ce que j'auray plus de tems, comme j'espere, d'estre avec moy (je veux dire avec vous) et avec elle; et lhors j'adjousteray aux tablettes le mot qui manque, car j'ay grand'envie d'estr'un jour homme de parole..

  A015001456 

 Soudain apres disné, qui estoit le tems que j'avois reservé pour nostre cœur, mon bon cousin monsieur de Charmoysi m'est venu treuver jusques a troys heures, qui estoit le terme que j'avois promis d'aller parler en particulier avec les bonnes Dames de Sainte Claire, d'ou je viens maintenant..

  A015001459 

 Mon Dieu, ma tres chere mienne Fille, en fin, qui sommes nous, sinon ce que Nostre Seigneur a voulu que nous fussions?.

  A015001470 

 J'excepte pourtant la visite de la petite seur, qui vient de me laisser maintenant, et laquelle m'a laissé avec bon goust, par ce que nous avons parlé de bonnes choses.

  A015001473 

 Revu sur l'Autographe qui, en 1900, était conservé à Milan,.

  A015001483 

 De dire VIVE JESUS sur la montaigne de Thabor, saint Pierre, tout grossier, en a bien le courage; mais de dire VIVE JESUS sur le mont de Calvaire, cela n'appartient qu'a la Mere et a l'amoureux fidelle qui luy fut laissé pour enfant..

  A015001483 

 Laissons pour un peu la meditation (ce n'est que pour mieux sauter que nous reculons), et prattiquons bien cette sainte resignation et cet amour pur de Nostre Seigneur qui ne se prattique jamais si entierement qu'emmi les tourmens; car d'aymer Dieu dedans le sucre, les petitz enfans en feroyent bien autant, mais de l'aymer dedans l'absinthe, c'est la le coup de nostre amoureuse fidelité.

  A015001486 

 Et bien, ma chere Fille, il n'est pas aussi requis que vous le fassies, ains que tout simplement vous esleviés, le plus frequemment que vous pourrés, vostre cœur a ce Sauveur et que vous fassies ces actions: premierement, d'accepter le travail de sa main, comme si vous le voyies luy mesme vous l'imposant et fourrant en vostre teste; secondement, vous offrant d'en souffrir encores davantage; troisiesmement, l'adjurant par le merite de ses tourmens, d'accepter ces petites incommodités en l'union des peynes qu'il souffrit sur la croix; quatriesmement, protestant que vous voules non seulement souffrir, mais aymer et caresser ces maux comme envoyés d'une si bonne et douce main; cinquiesmement, invoquant les Martyrs et tant de serviteurs et servantes de Dieu qui jouissent du Ciel pour avoir esté fort affligés en ce monde..

  A015001487 

 Il n'y a nul danger a desirer du remede, ains il le faut soigneusement procurer; car Dieu, qui vous a donné le mal, est aussi l'autheur des remedes.

  A015001498 

 Mays pour rendre ce cœur capable de recevoir une si douce liqueur, circoncisés-le et retranchés d'iceluy tout ce qui peut estre desaggreable a vos saintz yeux.

  A015001498 

 O Vierge sainte, qui, la premiere de toute la nature humaine, aves prononcé ce nom de salut, inspirés-nous la façon de le prononcer ainsy qu'il est convenable, affin que tout respire en nous le salut que vostre ventre nous a porté..

  A015001500 

 C'est pourquoy saint Joseph et Nostre Dame, puis tout le voysinage commence a crier: JESUS, qui veut dire Sauveur..

  A015001500 

 Quand un bausme est bien fermé dans une phiole, nul ne sçait discerner quelle liqueur c'est, sinon celuy qui l'y a mise; mais quand on a ouvert la phiole et qu'on en a respandu quelques gouttes, chacun dit: C'est du bausme.

  A015001510 

 Que si Nostre Seigneur exauce mes vœux, cet an vous sera l'an de prosperité, de contentement et de benediction sur vous, Monsieur, en vous et tout autour de vous, qui, par apres, en verres une grande suite de pareilz, lesquelz en fin aboutiront a l'annee eternelle, en laquelle vous jouires immortellement de l'Autheur de toute vraye prosperité et benediction..

  A015001523 

 J'ay esté si consciencieux que je n'ay pas osé le faire transcrire, parce que, quand vous me l'envoyastes, vous m'en parlastes comme chose qui estoit reservee pour encor a vostre Compaignie.

  A015001536 

 Veuille cette bonté du Seigneur, qui vous a esté propice et a moy en vostre guerison, nous favoriser longuement de sa duree et d'une constante consolation en cette sainte et douce amitié qu'elle a establie entre nous.

  A015001546 

 Voyla M. Michel qui va un peu plus tost que l'ordinaire, affin que vous puissies prendre vostre tablette au moins une heure avant disner..

  A015001547 

 Mais, ma tres chere Fille, toutes deux, ces prises que [149] vous feres, sont tablettes cordiales; sur tout la premiere, composee de la plus excellente poudre qui fut jamais au monde.

  A015001547 

 Or, la tablette de la sainte Communion est cela mesme qui a esté mis en tablette, affin que nous la puissions mieux prendre; bien que ce soit la tres divine et tres grande table que les Cherubins et Seraphins adorent et de laquelle ilz mangent par contemplation reelle, comme nous la mangeons par reelle Communion.

  A015001547 

 Ouy, ma chere Fille, car nostre Sauveur a pris nostre vraye chair, qui est en somme poudre; mais en luy, elle est si excellente, si pure, si sainte, que les cieux et le soleil ne sont que poussiere au prix de cette poudre sacree.

  A015001548 

 Non, ma chere Fille, demeurés en paix, car Dieu, a qui elle est, la soulagera..

  A015001549 

 Hé! Seigneur [150] Sauveur, j'entrevois, ce me semble, la clairté de vostre œil debonnaire qui nous promet le retour de vos rayons pour faire renaistre un beau printems en nostre terre.

  A015001557 

 Ma chere Fille, si elle retiroit vostre bonne seur, ce que nous devons esperer n'arriver pas si tost, vous ne laisseries pas pour cela d'estre sous la protection de ce tres bon Pere eternel qui vous couvriroit de ses aisles.

  A015001557 

 Mays avec cela, ma chere Seur, il ne se faut pas former des craintes inutiles; il suffira bien de recevoir les maux qui de tems en tems nous arrivent, sans les prevenir par l'imagination..

  A015001566 

 La bonne Mere de Chantal, qui est malade sans danger, comme j'espere, vous saluë de tout son cœur.

  A015001576 

 En toutes, je m'essayois de vous tesmoigner l'ardent desir que j'aurois de rendre quelque sorte de service pour l'erection, institution et avancement de vostre Congregation, laquelle j'estime devoir estre un (sic) des plus fructueuses et apostoliques œuvres qui ayt esté faite en France, il y a long tems.

  A015001577 

 Mays l'homme qui la porta n'arriva pas asses tost pour treuver ledit seigneur de Marillac qui passoit en diligence; car cet amy a qui j'avois escrit, m'a veu despuis et m'a dit quil avoit parlé avec luy, sans que pourtant il tesmoignast d'avoir aucun'affaire de luy..

  A015001577 

 Monsieur de Marrillac passa loin d'icy une journee et m'envoya homm'expres qui m'apporta vostre lettre, sur laquelle j'en escrivis un'autre a un de mes amis qui a grand part au maniment des affaires de ce Prince, affin quil servit monsieur de Marillac en cett'occasion.

  A015001578 

 Voyla comment je vous ay en tout et par tout esté inutile, mays certes je n'ay esté ni seray jamais sinon tres affectionné, mesm'en ce dessein qui est tant a la gloire de Nostre Seigneur et avancement de la pieté.

  A015001582 

 Monsieur, j'ay voirement receu les deux livretz qui me furent renduz par monsieur de Sauzea, et pleut a Dieu que vostre commodité fut de m'en envoyer encor deux autres, car je les employerois utilement..

  A015001596 

 Si vous m'aves souhaité par dela, j'ay bien correspondu de mon costé, estimant que un voyage seroit grandement utile, non aux autres, mays a moy qui, par la conference que j'aurois avec tant de gens de bien, rafraichirois les resolutions et l'esprit qui m'est necessaire en ma vocation..

  A015001597 

 J'eusse desiré plus quil ne se peut dire, d'estre utile au service de la sainte Congregation qui esclost maintenant sous la direction de monsieur de Berulle, laquelle j'ay opinion devoir estre l'une des plus fructueuses qui ayt jamais esté a Paris; mais je ne puis en point de façon, Nostre Seigneur ne m'en treuvant pas digne, et l'affaire pour laquelle ledit seigneur Berulle m'escrivit, impossible, a laquelle neanmoins j'eusse volontier contribué tout mon pouvoir, sil y eut eu apparence de la voir reuscir..

  A015001598 

 Ainsy l'en supplie-je, et quil vous face de plus en plus abonder en son saint amour, [156] auquel je vous supplie de me recommander continuellement, comme une personne qui est a [jamais],.

  A015001598 

 Dieu, qui par sa misericorde est autheur de cette benite assemblee, la logera, la protegera et dilatera pour le salut et perfection de plusieurs.

  A015001612 

 Ce matin, m'estant esveillé un peu a bonn'heure, j'ay pensé que peut estre il seroit a propos demain, qu'avant que de venir a la sainte Messe, vous fissies appeller toutes nos filles vers vous, et puis que vous fissies venir les deux qui doivent estre receües, et qu'en presence des autres, vous leur dissies trois ou quatre paroles en ce sens:.

  A015001614 

 Et quand nous commettrions un'autre pour estre vostre Maistresse, quelle qu'elle fut, vous devries luy obeir avec toute humilité pour la mesme rayson, sans regarder en la face de celle qui vous gouvernera, mais en la face de Dieu qui l'a ainsy ordonné..

  A015001615 

 Et moy je vous cheriray cordialement comme vostre seur, mere et servante; toutes nos Seurs vous tiendront pour leurs seurs tres aymees, et ce pendant vous aures ma Seur de Brechar (sic) pour Maistresse, a laquelle vous obeires, et suivres ses advertissemens avec l'humilité, sincerité et simplicité que Nostre Seigneur requiert en toutes celles qui se rangent en cette Congregation.

  A015001615 

 Vous vous tromperies bien si vous pensies estre venues pour avoir plus grand repos qu'au monde, car au contraire, nous ne [159] sommes icy assemblees que pour travailler diligemment a desraciner nos mauvaises inclinations, corriger nos defautz, acquerir les vertus; mays bienheureux est le travail qui nous donnera le repos eternel.

  A015001618 

 « Benites seront celles qui vous donneront bon exemple et qui vous consoleront en vostre entreprise.

  A015001630 

 O Seigneur Jesus, par vostre tristesse incomparable, par la desolation nompareille qui occupa vostre cœur divin au mont Olivet et sur la croix, et par la desolation de vostre chere Mere, qu'elle eut tandis qu'elle fut privee de vostre presence, soyés la joye, ou au moins la force de cette fille, quand vostre Croix et Passion est tres uniquement conjointe a son ame..

  A015001631 

 Je pense qu'il vous faut caresser la seur de nostre Seur N., car en fin la douce charité est la vertu qui respand le bon odeur edificatif, et les personnes moins eslevees la reçoivent avec plus de prouffit.

  A015001660 

 Et si vous obeisses humblement, une Communion vous sera plus utile en effect que deux et troys faites autrement; car il n'y a rien qui nous rende la viande si prouffitable, que de la prendre avec appetit et apres l'exercice.

  A015001661 

 Ainsy, o mon doux Maistre, je vous demande, sinon vostre digne Cors, au moins les benedictions qu'il respand sur ceux qui en approchent par amour.

  A015001661 

 Demeurés pour un peu en la posture de la Chananee: Ouy, Seigneur, je ne suis pas digne de manger le pain des enfans; je suis vrayement une chienne qui rechigne et mords le prochain sans propos, par mes paroles d'impatience; mais si les chiens ne mangent le pain entier, au moins [ont-ilz] les miettes de la table de leurs maistres.

  A015001662 

 Relisés le Combat spirituel et faites une speciale attention aux documens qui y sont: il vous sera fort a propos.

  A015001707 

 C'est par le retour de ce pauvre medecin, qui n'a sceu guerir nostre Mere et que je n'ay sceu guerir, que [168] je vous fay ce mot.

  A015001708 

 Prenés garde que quelques unes de mes brebis galeuses et errantes n'infectent et ne fassent errer le cher et bienaymé troupeau; travaillés doucement a l'entour de cette bergerie et dites leur souvent: Charitas fraternitatis maneat in vobis; et sur tout, priés Celuy qui a dit: Ego sum Pastor bonus, affin qu'il anime nostre soin, nostre amour et nos paroles..

  A015001733 

 Or sus, je voy bien que nous ne serons jamais guere ensemble, si ce n'est en esprit; aussi est-ce l'Esprit de Dieu qui est l'autheur de la sainte amitié dont vous m'affectionnés, qui, par la distance des lieux, ne peut estre empesché qu'il ne face sa sacree operation dans nos cœurs..

  A015001734 

 Et qui sçait, si nous nous humilions devant Dieu, que sa sainte misericorde ne nous ouvre point un jour la porte de nostre Geneve, affin que nous y rapportions la lumiere que tant de tenebres en avoyent bannie? Certes, j'espere en la souveraine bonté de Nostre Seigneur, qu'en fin il nous donnera cette grace; mais prions et veillons pour cela..

  A015001748 

 Semper quidem operæ pretium fuit homines qui peculiari ac illustriori vitæ sanctimonia Deum coluerunt, in Sanctorum numerum, publica Ecclesiæ authoritate, solemnique ritu referre: sic enim Deus in Sanctis uberius laudatur, Sanctorum gloriam libentius enarrant populi et laudem eorum splendidius annunciat [173] Ecclesia.

  A015001749 

 At vero, Beatissime Pater, hoc quod « semper et ubique dignum et justum est, » hisce nostris temporibus, non solum « salutare » tantum, sed fere necessarium videri debet, cum scilicet quia abundavit iniquitas, refrigescit charitas multorum, imo propemodum omnium; unde quoniam defecit sanctus a terra, ex iis qui redempti sunt de terra, revocandi sunt in memoriam et in medium Ecclesiæ reducendi illi qui hactenus majore sanctitatis splendore claruerunt, ut sint (quemadmodum unus eorum dixit) in speculum et exemplum, [174] ac quoddam veluti condimentum vitæ hominum super terram, sicque apud nos etiam post mortem vivant, et multos ex iis qui viventes mortui sunt, ad veram provocent et revocent vitam..

  A015001752 

 Age ergo, Beatissime Pater, et hanc quoque lucernam igne divino accensam ne diutius sub modio relinquas, sed pone eam super candelabrum, ut luceat omnibus qui in domo sunt.

  A015001752 

 Nomen ejus sanctifica, qui nomen Dei tanta charitate sanctificavit, ac miraculorum multitudine collustravit; annuntia toti Ecclesiæ quæ est in terris, quia Dominus mirificavit Sanctum suum in Cælis, ut exaudiat nos cum clamaverimus ad eum.

  A015001753 

 Hæc sunt vota ejus qui Beatitudini Vestræ diu ac fœliciter Christianis omnibus præesse ac prodesse, omnibus animi viribus exoptat.

  A015001764 

 Il a toujours été à propos que ceux qui ont servi Dieu par une sainteté de vie particulière et plus éclatante, fussent mis au nombre des Saints par l'autorité publique de l'Eglise et selon le rit consacré.

  A015001765 

 Aussi, puisqu' il n'y a plus de saint en ce monde, il faut, d'entre les justes qui ont été rachetés de la terre, évoquer le souvenir et ramener au milieu de nous la pensée de ceux dont la vie a jeté le plus d'éclat par le rayonnement de la sainteté.

  A015001765 

 Or, Très Saint Père, ce qui a toujours été, « et en tous lieux, juste et louable, » doit paraître non seulement utile, mais presque nécessaire en notre temps où la charité, à cause du débordement de l'iniquité, s'est refroidie chez plusieurs et à peu près chez toutes les âmes.

  A015001765 

 Qu'ils servent, comme l'a dit l'un d'eux, de miroir et d'exemple à la vie des hommes; qu'ils en soient [174] de quelque manière le condiment, afin qu'ils vivent parmi nous, même après-leur mort, et qu'ils appellent et ressuscitent à la vraie vie beaucoup de chrétiens d'entre ceux qui, quoique vivants, sont morts..

  A015001767 

 Voici la province entière de Savoie qui vous fait la même supplication, mais surtout ce diocèse de Genève qui, se sentant ennobli par la naissance d'un si grand prince, aura à juste titre, une grande confiance en son intercession.

  A015001768 

 Faites-nous donc cette grâce, Très Saint Père, et ne laissez pas plus longtemps sous le boisseau cette lampe allumée par le feu divin, mais placez-la sur le chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Sanctifiez le nom de celui qui a sanctifié le nom de Dieu avec tant de charité et l'a fait glorifier par tant de miracles; annoncez à toute l'Eglise qui est sur la terre que le Seigneur a exalté son Saint dans les Cieux, pour nous exaucer quand nous crierons vers lui.

  A015001769 

 Ce sont les vœux de celui qui désire de toutes ses forces que Votre Sainteté soit longtemps et heureusement, et pour leur bien, à la tête de tous les chrétiens..

  A015001798 

 Car voyes-vous, Madame ma Mere, ne dois-je pas estre fort glorieux de me treuver maintenant receu en la bienveüillance de monsieur et de madame de Cerviere, [181] vos chers enfans, comme presque cet autre frere qui, impatient d'estre privé de la douceur de vostre presence, s'en reva si vitement aupres de vous, a laquelle il donnera, Dieu merci, des bonnes nouvelles de la santé de cette bonne seur, que je veux servir et honnorer de tout mon cœur en l'absence des autres meilleurs freres..

  A015001798 

 Elle vous tesmoignera seulement que j'ay un extreme sentiment du bonheur que vous m'aves departi, m'advoüant pour vostre filz, me voyant tous les jours arriver des nouveaux ruysseaux de faveur qui descoulent de cette vive fontaine.

  A015001802 

 Mon Dieu, que j'ay de contentement de voir en cette chere seur qui est icy, non seulement l'air de vostre visage, mais, ce qui est le plus beau, les traitz de vostre esprit et de vos affections.

  A015001833 

 C'est ce [184] qu'on remarque surtout à notre époque; à plus forte raison chez la jeunesse, qui de sa nature est téméraire et hardie.

  A015001833 

 Par des avis particuliers reçus de Paris et de Dijon et par des [183] opuscules imprimés dans ces deux villes, on voit clairement que la discussion touchant l'autorité du Très Saint Père sur les rois s'étend de plus en plus; de même en est-il de celle qui a pour objet de comparer les Conciles avec les Souverains Pontifes.

  A015001834 

 Il faut ajouter que les raisons des adversaires flattent l'oreille des grands, non pour leur justesse, mais parce qu'elles favorisent leurs vues; il ne manquera pas non plus de théologiens qui, pour diverses considérations, embrasseront le parti de la division..

  A015001835 

 Se plaindre d'abord de ce que, tandis qu'aucun différend ne s'est élevé entre Sa Béatitude et le roi, tandis que le Pape a [185] témoigné en toute occasion un cœur vraiment paternel, très affectionné et très sympathique au bien et à l'affermissement de la prospérité de cet Etat, on voit maintenant surgir certains esprits piquants, inquiets et ennemis de la sainte union qui existe entre Sa Sainteté et Sa Majesté; ils viennent impudemment mettre en doute l'affection du Saint-Père pour cette couronne, soulèvent ces disputes oisives et inopportunes, et engendrent par ce moyen dans les esprits malades et faibles, une sorte de défiance pour l'attachement sincère de Sa Béatitude à l'égard du roi et du royaume.

  A015001836 

 Sans doute, il faut louer le zèle des prédicateurs qui se sont opposés à l'insolence des adversaires; mais puisqu'on voit que par la continuation des plaidoyers, des controverses, des altercations, le feu s'allume au lieu de s'éteindre, le silence sera bien plus avantageux que la discussion elle-même.

  A015001839 

 Pourvu que les thèses soient bien établies, la meilleure réponse qui se puisse faire aux importunités de ces esprits turbulents, est de ne pas les juger dignes de réponse.

  A015001840 

 Quant à ceux qui parlent en mauvaise part de l'autorité pontificale, on ne devrait pas leur répondre directement, mais indirectement; se plaindre de ce qu'ils font cela sans nécessité et avec la maligne intention de rendre odieux le Saint-Siège, lequel néanmoins n'a pour ce royaume que les sentiments d'une mère très douce et très aimante.

  A015001841 

 Ce qui pourrait aussi faciliter le succès, serait de recommander l'affaire aux Provinciaux et aux Généraux d'Ordres, d'adresser des Brefs pleins de bienveillance aux Universités, en particulier à la Sorbonne, et aussi aux Prélats, témoignant en tous avec quelle affection paternelle Sa Sainteté souhaite la conservation de ce royaume, et combien elle désire que tous dressent les peuples à la vraie et sincère obéissance et soumission que les sujets doivent à cette couronne..

  A015001844 

 J'ai écrit tout ceci pour agréer à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, dont je baise les mains, priant Dieu notre Seigneur d'accorder à votre zèle sincère pour le service de l'Eglise, la récompense qui lui est due sur la terre et au Ciel..

  A015001856 

 Difficile, non pas certes en elle mesme, car au contraire, elle est fort aysee a rencontrer aux espritz qui la cherchent par le chemin de la charité; mays difficile, parce qu'en cet aage qui redonde en cervelles chaudes, aiguës et contentieuses, il est malaysé de dire chose qui n'offence ceux qui, faysant les bons valetz, soit du Pape, soit des Princes, ne veulent que jamais on s'arreste hors des extremités, ne regardant pas qu'on ne sçauroit faire pis pour un pere que de luy oster l'amour de ses enfans, ni pour les enfans que de leur oster le respect qu'ilz doivent a leur pere..

  A015001857 

 Il les ayme tous tendrement, il souhaitte la fermeté et stabilité de leurs couronnes, il vit doucement et amiablement avec eux, il ne fait presque rien dans leurs Estatz, non pas mesme en ce qui regarde les choses purement ecclesiastiques, qu'avec leur aggreement et volonté.

  A015001858 

 Certes, icy je suis dans l'Estat d'un Prince qui a tous-jours fait tres particuliere profession d'honnorer et reverer le Saint Siege apostolique; et neanmoins, nous n'oyons nullement parler que le Pape se mesle, ni en gros ni en detail, de l'administration temporelle des choses du païs, ni qu'il interpose ou pretende aucune authorité temporelle sur le Prince, ni sur les officiers, ni sur les sujetz en façon quelconque: nous nous donnons plein et entier repos de ce costé la et n'avons aucun sujet d'inquietude.

  A015001859 

 Je vous le dis sincerement, ma tres chere Fille: j'ay une douleur extreme au cœur de sçavoir que cette dispute de l'authorité du Pape soit le jouet et sujet de la parlerie parmi tant de gens qui, peu capables de la resolution qu'on y doit prendre, en lieu de l'esclarcir la troublent, [192] et en lieu de la decider la deschirent, et, ce qui est le pis, en la troublant, troublent la paix de plusieurs ames, et en la deschirant, deschirent la tres sainte unanimité des Catholiques, les divertissans d'autant de penser a la conversion des heretiques..

  A015001860 

 Or, je vous ay dit tout cecy pour conclure que, quant a vous, vous ne deves en façon quelconque laisser courir vostre esprit apres tous ces vains discours qui se font indifferemment sur cette authorité, ains laisser toute cette impertinente curiosité aux espritz qui s'en veulent repaistre, comme les cameleons du vent.

  A015001861 

 Et d'autant que les Chrestiens, Princes et autres ne sont pas alliés au Pape et a l'Eglise d'une simple alliance, mays d'une alliance la plus puissante en obligation, la plus excellente en dignité qui puisse estre; comme le Pape et les autres Prelatz de l'Eglise sont obligés de donner leur vie et subir la mort pour donner la nourriture et pasture spirituelle aux Rois et aux royaumes chrestiens, aussi les Rois et les royaumes sont tenus et redevables reciproquement de maintenir, au peril de leurs vies et Estatz, le Pape et l'Eglise, leur [193] Pasteur et Pere spirituel.

  A015001861 

 Grande, mais reciproque obligation entre le Pape et les Rois; obligation invariable, obligation qui s'estend jusques a la mort inclusivement, et obligation naturelle, divine et humaine, par laquelle le Pape et l'Eglise doivent leurs forces spirituelles aux Rois et aux royaumes, et les Rois, leurs forces temporelles au Pape et a l'Eglise.

  A015001861 

 Le Pape est le souverain Pasteur et Pere spirituel des Chrestiens, parce qu'il est le supreme Vicaire de Jesus Christ en terre; partant, il a l'ordinaire souveraine authorité spirituelle sur tous les Chrestiens, Empereurs, Rois, Princes et autres, qui, en cette qualité, luy doivent non seulement amour, honneur, reverence et respect, mais aussi ayde, secours et assistance envers tous et contre tous ceux qui l'offencent, ou l'Eglise, en cette authorité spirituelle et en l'administration d'icelle.

  A015001861 

 Si que, comme par droit naturel, divin et humain, chacun peut employer ses forces et celles de ses alliés pour sa juste defense, contre l'inique et injuste aggresseur et offenseur, aussi l'Eglise ou le Pape (car c'est tout un) peut employer ses forces et celles de l'Eglise et celles des Princes chrestiens, ses enfans spirituelz, pour la juste defense et conservation des droitz de l'Eglise contre tous ceux qui les voudroyent violer et destruire.

  A015001862 

 L'authorité de l'un n'est point contraire a l'autre, ains elles s'entreportent l'une l'autre; car le Pape et l'Eglise excommunient et tiennent pour heretiques ceux qui nient l'authorité souveraine des Rois et Princes, et les Rois frappent de leur espee ceux qui nient l'authorité du Pape et de l'Eglise, ou s'ilz ne les frappent pas, c'est en attendant qu'ilz s'amendent et humilient..

  A015001872 

 Quoy qu'extremement occupé, comment pourrois-je m'empescher de saluer ma tres chere Fille, au jour de la plus heureuse salutation qui fut jamais faite? Hé! je supplie cette glorieuse Vierge qui fut aujourd'huy saluee, qu'elle nous impetre quelque part a la tres sacree consolation qu'elle receut.

  A015001873 

 Salut a toutes nos filles tres cherement, [et] a la chere petite seur, a qui j'escriray au premier rencontre de loysir..

  A015001902 

 Ce n'est autre chose qu'une vraye insensibilité qui vous prive de la jouissance, non seulement des consolations et inspirations, mais aussi de la foy, esperance et charité.

  A015001902 

 Vous les aves pourtant et en fort bon estat, mais vous n'en jouisses pas, ains estes comme un enfant qui a un tuteur qui le prive du maniement de tous ses biens, en sorte que, tout estant vrayement a luy, neanmoins il ne manie et ne semble posseder ni avoir rien [197] que sa vie, et, comme dit saint Paul, estant maistre de tout, il n'est point different du serviteur en cela; car ainsy, ma tres chere Fille, Dieu ne veut pas que vous ayés le maniement de vostre foy, de vostre esperance et de vostre charité, ni que vous en jouissiés, sinon justement pour vivre et pour vous en servir es occasions de la pure necessité..

  A015001903 

 Helas, ma tres chere Fille, que nous sommes heureux d'estre ainsy serrés et tenus de court par ce celeste Tuteur! Et ce que nous devons faire, n'est sans doute autre chose que ce que nous faysons, qui est d'adorer l'aymable providence de Dieu, et puis nous jetter entre ses bras et dedans son giron.

  A015001906 

 Je dis bien parmi ces tenebres, car je vous laisse a penser: Nostre Dame et saint Jean [198] estans au pied de la Croix, emmi les admirables et espouvantables tenebres qui se firent, ilz n'oyoyent plus Nostre Seigneur, ilz ne le voyoyent plus et n'avoyent nul sentiment que d'amertume et de detresse, et bien qu'ilz eussent la foy, elle estoit aussi en tenebres, car il failloit qu'ilz participassent a la dereliction du Sauveur.

  A015001906 

 Que nous sommes heureux d'estre esclaves de ce grand Dieu qui, pour nous, se rendit esclave!.

  A015001918 

 C'est, Monseigneur, qu'il vous playse luy continuer lhonneur de vostre bienveuillance encor apres son trespas, comm'a un serviteur fidele et ancien de Vostre Altesse, qui, en la vie et en la mort, n'avoit rien eü de plus entier en son ame que la tres humble obeissance qu'il devoit a vostre couronne; et que, ne pouvant plus exercer cette sienn'affection en ce monde, il avoit fait choix du filz aysné du sieur de Chenex pour le nommer son heritier, affin qu'avec ce peu de biens qu'il luy laisse, il puisse estre eslevé et nourri en la vertu et en la puissante inclination du service de Vostre Altesse, a laquelle, outre son originaire devoir, le nom et les armes de Lambert, qu'il luy ordonne de porter, le rendront absolument hipothequé et consacré.

  A015001919 

 M'estant donques rendu depositaire de ces derniers souhaitz de ce bon defunct, je rens mon depost a Vostre Altesse, a laquelle il estoit addressé, la conjurant par sa propre bonté de departir ce bonheur a ce jeune gentilhomme, pour ne point rendre vain le contentement que celuy qui l'a fait son heritier prenoit en l'extremité de ses jours, en l'esperance qu'il avoit que Vostre Altesse ne l'esconduiroit point en cette tres humble supplication que je luy fay maintenant de sa part.

  A015001932 

 Ce porteur, qui est filz d'un tres bon pere et lequel est de mes meilleurs amis, n'a pas voulu retourner a Paris sans vous rapporter de mes lettres comm'il m'en avoit apporté des vostres, estimant que, comm'il desire, il vous en seroit plus aggreable.

  A015001932 

 Il vous dira toutes nos nouvelles, qui, a mon advis, consiste (sic) en ce que nous n'en avons point.

  A015001932 

 Je luy suis fort obligé de cette bonne pensee, fondee sur la creance qu'il a de la parfaitte bienveuillance dont vous me favorisés, qui est une persuasion laquelle, comm'elle m'est fort honnorable, elle m'est aussi fort douce et aymable.

  A015001934 

 Nous attendons le passage du sieur de Granier, qui nous dira ce quil aura pris d'argent sur vostre faveur, et soudain, Dieu aydant, je l'envoyeray, voulant meshuy donner commencement a la satisfaction de tant de devoirs pecuniaires que je vous ay; car quant aux autres, je ne pourray ni ne voudray jamais en estre quitte, ayant un extreme playsir d'estre par obligation ce que je suis si absolument par inclination: c'est,.

  A015001950 

 Je sçavois bien qu'un si bon peuple ne pouvoit qu'avoir un playsir infini d'un predicateur qui a tant de bonnes parties.

  A015001951 

 Dieu soit a jamais loüé du fruit qui en naistra, si tant est qu'il luy playse benir l'intention que j'ay de son saint service en ce petit travail..

  A015001952 

 Les deux freres que vous aymes vous honnorent et cherissent affectionnement, et parlent fort souvent de vous en ce sens et avec ce goust, mays celuy ci particulierement qui, vous saluant de tout son cœur, et madame ma chere bonne seur, est invariablement,.

  A015001968 

 Elles vont par tout furetant, sucçant et picorant tandis que leur esté et leur automne dure, et l'hiver arrivé, elles se treuvent sans retraitte, sans munition et sans vie; ou nos chastes abeilles, qui n'ont pour objet de leur veuë, de leur odorat, de leur goust, que la beauté, la suavité et la douceur des fleurs rangees a leur dessein, outre la noblesse de leur exercice, ont une fort aymable retraitte, une munition aggreable et une vie contente parmi l'amas de leur travail passé..

  A015001968 

 Mon Dieu, mes cheres Filles, que je treuve bien plus [205] heureuses les abeilles, qui ne sortent de leur ruche que pour la cueillette du miel, et ne sont associees que pour le composer, et n'ont point d'empressement que pour cela, et dont l'empressement est ordonné, et qui ne font dans leurs maysons et monasteres sinon le mesnage odorant du miel et de la cire! Qu'elles sont bien plus heureuses que ces guespes et mouches libertines, qui, courans si vaguement et plus volontier aux choses immondes qu'aux honnestes, semblent ne vivre que pour importuner le reste des animaux et leur donner de la peyne, en se donnant a elles mesmes une perpetuelle inquietude et inutile empressement.

  A015001969 

 Et ces ames amoureuses du Sauveur, qui le suivent en nostre Evangile jusques sur le haut du desert, y font un plus delicieux festin sur l'herbe et les fleurs, que ne firent jamais ceux qui jouissoyent de l'appareil somptueux d'Assuerus, ou l'abondance estouffoit la jouissance parce que c'estoit une abondance des viandes et des hommes..

  A015001970 

 Quand l'air vous sera nubileux, entre les secheresses et aridités, travaillés au dedans de vostre cœur par la prattique de la sainte humilité et abjection; quand il sera beau, clair et serein, allés, faites vos spirituelles saillies sur les collines de Calvaire, d'Olivet, de Sion et de Thabor, et, de la montaigne deserte ou Nostre Seigneur repaist sa chere trouppe aujourd'huy, volés jusques au sommet de la montaigne eternelle du Ciel et voyés les immortelles delices qui y sont preparees pour vos cœurs..

  A015001971 

 Hé, qu'ilz sont heureux ces cœurs bienaymés de mes [206] filles, d'avoir quitté quelques annees de la fause liberté du monde, pour jouir eternellement de ce desirable esclavage auquel nulle liberté n'est ostee que celle qui nous empesche d'estre vrayement libres!.

  A015001974 

 Dieu m'a favorisé d'avoir peu escrire tout d'une haleyne, quoy que presque sans haleyner, ces quatre petitz motz a mes tres cheres filles, qui, mises ensemble comme fleurs en un bouquet, sont delices a la Mere de la Fleur de Jessé et la fleur des meres.

  A015001975 

 Vive Jesus, en qui je suis.

  A015002036 

 J'ay dit a ce porteur ce qui m'a semblé a propos, qui est quil regardast a treuver parti tout a loysir, affin de sortir de ce service auquel il est, plus convenablement..

  A015002037 

 Ma fille [de Vignod] doit estre bien sur ses gardes [211] pour ne donner aucun sujet aux hommes de soupçon, par aucun desreglement de contenance, ou amusement, ni sujet de jalousie a l'Espoux celeste, qui est, a la verité, jaloux des ames qu'il favorise, affin qu'on ne distraise de son amour aucune affection pour l'appliquer a la creature.

  A015002061 

 Je croy que l'on considerera qu'il n'y a pas de loy au monde qui m'ayt privé de l'usage de mon authorité ecclesiastique en la provision des benefices de mon diocese; et que, comme M. l'Archevesque de Lyon pourvoit en Bourgoigne Comté, M. l'Evesque de Grenoble en Savoye et a Chamberi mesme, non obstant leur residence au royaume, de mesme dois-je jouir de l'authorité de pourvoir dans le royaume, quoy que je sois habitant en Savoye..

  A015002079 

 Vostre derniere lettre m'a donné mille consolations, [214] et a madame [de Chantal] a qui je l'ay communiquee, n'y ayant rien veu qui ne peust estre monstré a une ame de cette qualité la et qui vous cherit si saintement.

  A015002080 

 Mays mon Dieu, ma tres chere Fille, que dirons-nous de ces hommes qui apprehendent tant l'honneur de ce miserable monde et si peu la beatitude de l'autre? Je vous asseure que j'ay eu des estranges afflictions de cœur, me representant combien pres de la damnation eternelle ce cher cousin s'estoit mis, et que vostre cher mary l'y eust conduit.

  A015002090 

 Or je ne doute point de cela, ma tres chere Fille, ma Niece, que ce mesme Sauveur qui vous a prise par la main ne vous conduise jusques a la perfection de son saint amour; car j'espere que vous ne vous secoueres point d'une si douce et suave conduite et n'abandonneres jamais Celuy qui, par son infinie bonté, n'abandonne jamais ceux qui ne veulent pas l'abandonner.

  A015002090 

 Vray Dieu, que nous serons heureux si nous sommes fideles a cette immense douceur qui nous attire!.

  A015002091 

 Mais, en tout evenement, nous nous entretiendrons l'un l'autre par la sainte dilection qui me fera tous-jours estre,.

  A015002097 

 J'ay annoncé la feste de Pentecoste a monsieur Favre qui l'attend en devotion, et nous tous..

  A015002105 

 La qualité de [217] cett'eglise-lâ, qui est si honnorable entre toutes celles de France, le voysinage et perpetuel commerce de ceux de ces pais ci avec les Lionnois, lhonneur que ces seigneurs m'ont fait de m'envoyer expres monsieur le Comte de Saconay, originaire sujet et vassal de Vostre Altesse et lequel tient un rang fort principal entr'eux, me convie a ne point refuser en une si affectionnee et digne recherche.

  A015002105 

 Seulement ay-je reservé le bon playsir de Vostre Altesse, sous lequel je veux tous-jours vivre; qui me fait la tres humblement supplier de me fayre sçavoir ce qu'ell' aura aggreable pour ce sujet, tandis que je continueray mes vœux pour sa prosperité, comme doit,.

  A015002131 

 Il me semble qu'il ne faut pas estonner cette fille si ell'est tentee, ains seulement la bien examiner sur le desir d'estre de la Congregation, et si on la treuve foible, luy donner loysir d'y penser, affin qu'elle se resoulve sans præcipitation; car il m'est advis que ce soit une bonne fille, mais qui a repugnance a l'abjection, et par ce qu'ell'a l'esprit fort, elle ne peut bonnement le plier du tout pour encor..

  A015002143 

 Mon Dieu, ma chere Mere, que j'admire la contrarieté qui est en moy, d'avoir des sentimens si purs et des actions si impures! car vrayement il m'est advis que le Paradis seroit emmi toutes les peynes d'enfer si l'amour de Dieu y pouvoit estre, et si le feu d'enfer estoit un feu d'amour, il me semble que ces tourmens seroyent desirables.

  A015002143 

 Pour moy, je n'ay rien sceu penser ce matin qu'en cette eternité de biens qui nous attend, mais en laquelle tout me sembleroit peu ou rien, si ce n'estoit cet amour invariable et tous-jours actuel de ce grand Dieu qui y regne tous-jours.

  A015002165 

 Dans ce but, il tâcha par tous les moyens d'effacer le souvenir de leur nom, de profaner leurs reliques, de tourner en ridicule leurs intercessions, de blasphémer contre leurs mérites et les honneurs qui leur sont dus..

  A015002165 

 L'une des opinions maudites et réprouvées que l'infâme Calvin enseigna avec plus d'ardeur et d'impudence dans la malheureuse cité de Genève, ce fut le mépris des Saints qui règnent au Ciel avec [223] Jésus-Christ.

  A015002166 

 De fait, en plusieurs circonstances, un grand nombre de personnes ont éprouvé l'efficacité de son intercession en faveur de ceux qui, avec une vraie confiance en Dieu, recourent à ses prières; d'autres cependant n'osent l'invoquer tant que la sainte Eglise ne l'a pas mis au nombre des Saints..

  A015002166 

 Mais, parce qu'il n'est pas canonisé, on ne lui rend pas cet honneur public et solennel qui est dû à l'éminence et à la réalité de [224] ses mérites.

  A015002167 

 Elle causera aux ennemis des Saints une grande confusion, consolera grandement les âmes dévotes, éveillera dans les princes le désir d'imitation, enfin elle sera un sujet d'allégresse et de bénédiction pour toute l'Eglise, mais surtout pour ce diocèse désolé où naquit et fut élevé ce grand Prince qui, ainsi que son nom même l'atteste, fut tant aimé de Dieu et l'aima si ardemment..

  A015002168 

 Dans ces pays, en effet, les hérétiques ont un grand mépris pour les Saints; il est donc fort à propos de mettre devant leurs yeux cette lampe qui brilla jadis parmi leurs ancêtres: ils y verront une vie d'une piété admirable et des miracles d'une merveilleuse évidence..

  A015002177 

 Ce que j'ay de plus prest, qui regarde la conduite des ecclesiastiques de ce diocæse, je le remettray, Dieu aydant, a ce porteur, non seulement par ce qu'il est mon diocæsain et quil a des-ja esté employé en semblable occasion, mays par ce aussi que vous le voules, puis que je suis de tout mon cœur,.

  A015002177 

 Certes, mon Reverend Pere, je desire grandement de pouvoir tirer de la presse de mes inutiles occupations [227] quelque petite besoigne de devotion, qui, en quelque sorte, corresponde aux augures que vostre charité en fait; mays il est tres vray que je n'ose nullement esperer cela pour maintenant.

  A015002181 

 Presque toutes nos chaires sont occupees par les RR. Peres Capucins, qui ont huit Maysons, la plus part nouvellement fondees; et si, je vous puys dire que, excepté celle de cette ville, je n'oserois en presenter une [228] a quelque predicateur qui, pour y venir, eut besoin de faire une journee..

  A015002195 

 Habbiamo qui in questa diocæsi un certo Crespiliano il quale è da Modena, et un pezzo fa venne a Genevra dove, fatta l'abiuratione della santa fede catholica et datosi in preda all'heresia, fece professione di philosophia [229] in quella maledetta città.

  A015002213 

 Ayant ensuite quitté Genève pour se retirer sur les terres de ce diocèse qui dépendent de la France, il prit, dans une famille très honorable, une femme également hérétique.

  A015002247 

 Je [n'écris que deux mots, car] je suis sans loysir; mesme que demain il faut que j'aille estre l'aumosnier de nos Seurs de la Visitation pour la reception d'une fille de Dijon, de fort bonne famille et de tres bonne mine, qui y est arrivee ce matin avec sa mere et asses bien accompaignee.

  A015002261 

 Mays une si bonne conscience est tous-jours asses preste, et ny a rien a craindre pour ceux qui craignent Dieu: tous les momens leur sont heureux.

  A015002262 

 Je ne voy point de tems qui ne soit propre, pourveu que le voyage que M. le Grand doit faire a Gex ne me contraigne d'absenter de cette ville quand vous series de deça; et c'est chose delaquelle je ne me puis rien promettre.

  A015002263 

 En vraye verité, vous n'aves point de cœur qui soit plus vostre que le mien.

  A015002281 

 Et moy, Monseigneur, qui ay intercedé pour luy, je l'accompaigne encor en cett' action de graces, et suppliant Nostre Seigneur quil comble de prosperité Vostre Altesse, je demeuré, Monseigneur,.

  A015002297 

 Je cheriray des-ormais le pauvre petit livret de l' Introduction a la Vie devote plus tendrement que je [237] n'ayfait, puis qu'il m'a acquis lhonneur de vostre sainte bienveuillance, et me sentiray de plus fort obligé au P. Irenee qui, le premier, m'a donné la consolation de me le faire sçavoir.

  A015002297 

 Mays c'est en fin a vostre bonté a laquelle j'en dois le tres humble remerciment, qui s'est rendue si favorable et a l'œuvre pour l'appreuver, et a l'autheur, pour l'aymer..

  A015002299 

 Je garderay pretieusement les traductions qu'il vous a pleu m'envoyer, non seulement par ce que ce genre d'escritz m'est fort aggreable, mais par ce que ce me sera un tiltre du bien que j'ay de participer a vos bonnes graces, lesquelles je vous supplie, Monseigneur, me conserver comm'a un homme qui les estime et revere autant que nul autre, et lequel, confessant quil ne les a jamais meritees, espere neanmoins quil ne meritera jamais de les perdre, puisque liberalement elles luy ont esté concedees..

  A015002300 

 Dieu multipliera vos ans si mes vœux sont exaucés, et en vos ans, ses celestes benedictions, et tous-jours vous [238] m'aymeres affectionnement, comme celuy qui est et sera invariablement,.

  A015002319 

 Voyla du saint metail que j'envoye pour vos parroissiens, qui, esperans des benefices par l'intercession de saint Theodule qui l'a beni, devront tascher d'assister a la Messe qui se celebrera a son honneur au jour que nous avons marqué de sa feste au Manuel.

  A015002334 

 Et voyla donq, ma tres chere Fille, un bouquet spirituel ou vous voyes deux lys dans une rose, l'un qui est né dans l'autre, et qui tous deux benissent, de l'odeur de leur suavité et de la perfection de leur beauté, la [240] rose des cœurs qui, par une parfaitte mortification poignante, vivent nuds, despouillés et quittes de toute autre chose pour eux.

  A015002334 

 Hé, qui nous fera la grace que nous savourions bien le miel que cette Mere abeille fait au milieu de cette fleur aymable?.

  A015002345 

 Or, voyant que jusques a present je n'ay aucune response et que si, par adventure, je la recevois negative dans quelque tems, la faveur que vous m'aves faitte de me souhaitter seroit suivie du desplaysir de n'avoir ni mes sermons, ni peut estre ceux des autres predicateurs sur lesquelz, a mon defaut, vous pourries avoir jetté les yeux, d'autant que ce pendant ilz se pourroyent engager ailleurs: cela, Messieurs, fait que je vous supplie de ne plus continuer envers moy l'honneur de vostre attente et de colloquer ce vostre choix en quelqu'autre qui ayt plus de liberté que moy pour l'accepter.

  A015002345 

 Vous ne pourres que beaucoup gaigner au change, si l'on a esgard a la suffisance, puisqu'en cette partie-la je suis inferieur a tous les predicateurs qui hantent les bonnes villes et montent es grandes chaires, comme la vostre.

  A015002346 

 Que si, apres ces longueurs qui sont ordinaires es cours, la response de Son Altesse m'arrivoit selon vostre desir et le mien, et qu'il vous pleust me conserver l'eslection que vous avies faite de moy pour une autre annee, je vous asseure, Messieurs, que je conserveray de mon costé la volonté que j'avois prise de suivre la vostre; volonté que je vous offre des maintenant avec un bien humble remerciement, pour demeurer toute ma vie,.

  A015002359 

 Ce gentilhomme, qui a en ce païs plusieurs alliés dignes de recommandation, recourt a la justice de Vostre Altesse Serenissime pour tirer rayson d'un homme qui est maintenant a Thurin, des-ja remarqué pour desloyal, ainsy qu'on luy a fait entendre.

  A015002359 

 Et bien que la justice ne soit desniee a personne, si est ce que, si Vostre Altesse le reçoit en sa speciale protection pour ce regard, il espere qu'il jouira beaucoup plus tost des fruitz qu'il en pretend; et pour cela, il implore sa bonté, a quoy j'adjouste ma tres humble intercession, qui suis,.

  A015002396 

 Je travaille apres le livret que vous souhaites, et seres des premiers a qui j'en dedieray une copie, si jamais Dieu me le fait voir au jour..

  A015002412 

 Je pense en vous quand moins vous le pensés, et vous voy avec un cœur de compassion, sçachant bien combien vous aves de rencontres en ce tracas parmi lequel vous vivés, qui vous peuvent divertir de la sainte attention que vous desires avoir a Dieu.

  A015002413 

 Prenés donq bien courage, et convertissés vostre peyne, qui est sans remede, en matiere de vertu.

  A015002413 

 Vous deves, a cette consideration, prendre patiemment et doucement les ennuis qui vous arrivent, pour l'amour de Celuy qui ne permet cet exercice vous arriver que pour vostre bien..

  A015002413 

 Voyés souvent Nostre Seigneur qui vous regarde, pauvre petite creature que vous estes, et vous voit emmi vos travaux et vos distractions; il vous envoye du secours et benit vos afflictions.

  A015002425 

 Ergo, Serenissime Princeps, congregatio illa virginum, quamvis Institutum Ecclesiæ judicio probatum et in Burgundia jampridem incœptum colere vellet, multis tamen contradicentibus hujus sæculi filiis, qui et interdum, per horrendam astutiam, pietatem pietatis prætextu evellunt, nulla ratione hucusque negotium illud sacrum conficere valuit.

  A015002434 

 Pendant cette saison d'été, je passais en revue les affaires religieuses de ce pays de Gex, lorsque, de la ville voisine de Saint-Claude, quelques petites vignes, qui auparavant répandaient une [248] odeur de piété très suave, ont exhalé soudain l'amère douleur de leur âme..

  A015002435 

 C'est d'ailleurs le sort ordinaire de ceux qui cherchent d'un peu plus près le royaume et la gloire de Dieu, d'avoir à subir des traverses sur mer et des traverses sur terre, et surtout de la part des faux frères, c'est-à-dire des renardeaux qui détruisent les vignes.

  A015002435 

 Oui, Serenissime Prince, cette association de jeunes filles, quoiqu'elle désirât prendre un Institut approuvé par l'Eglise et depuis longtemps établi en Bourgogne, a rencontré bien des contradicteurs parmi les enfants de ce siècle qui bien souvent, par une effroyable malice, renversent la piété au nom de la piété même; et ainsi, cette œuvre si sainte n'a pu aucunement se faire.

  A015002436 

 Dans un tel embarras, plusieurs ont essayé d'enlever tout espoir à des âmes si simples; toutefois, celles-ci ont repris confiance, et non sans raison, lorsque jetant les yeux sur l'éminente piété de Votre Altesse, elles ont pensé à bon titre en obtenir sans peine le secours qui écarterait tous les obstacles.

  A015002437 

 C'est pourquoi, ce nouvel essaim d'abeilles mystiques qui se préparent à composer le miel de l'oraison, sera, je crois, d'autant plus agréable à Votre Altesse, qu'elle a résolu de s'employer avec plus de générosité et de profit au service de notre époque..

  A015002437 

 Je trouverai en effet pour m'aider à plaider ma cause, la douceur qui est naturelle à Votre Altesse, l'esprit de piété qui lui a été départi, la dévotion qu'elle a acquise et enfin la malheureuse condition de notre temps, qui exige bien des prières, et partant beaucoup d'âmes qui prient.

  A015002448 

 Il faut mourir ou aymer, car qui n'ayme, dit saint Jean, il demeure en la mort..

  A015002451 

 C'est luy qui m'a rendu tout vostre, et vous toute mienne, affin que nous fussions plus purement, parfaitement et uniquement siens.

  A015002460 

 Ayant esté remis en la possession de toutes les eglises de Gex qui estoyent occupees par les ministres, hormis de celles que ceux de Geneve detiennent, pour le regard desquelles j'ay esté renvoyé au Conseil du Roy de France, je suis revenu a mon ordinaire residence, en laquelle je vous salue tres humblement et vous supplie me conserver lhonneur de vostre bienveuillance..

  A015002461 

 Le commissayre deputé pour me mettre en ladite possession est un simple conseiller de la cour de Parlement de Digeon, qui vint luy troysiesme; et neanmoins, s'est fort bien sceu fair'obeir, non obstant toutes les allegations et repugnances des heretiques.

  A015002462 

 Rien autre ne s'est passé qui soit digne de vous estre representé; c'est pourquoy, priant Nostre Seigneur quil [254] vous face de plus en plus abonder en sa grace, je me nommeray en toute verité,.

  A015002493 

 Acquiesçons, Monsieur, aux decretz de la Providence souveraine, decretz qui sont tous-jours justes, tous-jours saintz, tous-jours adorables, bien qu'impenetrables et obscurs a nostre connoissance..

  A015002504 

 Hé, que belle est cette Aube du jour eternel, laquelle montant devers le Ciel, va, ce semble, de plus en plus croissant es benedictions de son incomparable gloire! Qu'a jamais les odeurs d'eternelle suavité esparses sur les cœurs de ses devotz, remplissent celuy de ma tres chere Mere comme mon cœur propre, et que nostre chere petite Congregation, toute voüee a la louange de son Filz et des mammelles sacrees qui l'ont alaité, jouisse des benedictions preparees aux ames qui l'honnorent..

  A015002508 

 Le 15 aoust, jour de la glorification de nostre tres honnoree Maistresse, qui soit a jamais nostre amour..

  A015002519 

 Je vous escris sans loysir, a cause du soudain despart de ceux qui portent ce pacquet a Lion.

  A015002550 

 J'ay veu despuis vostre depart M me de Chantal, qui vous honnore d'un honneur fort particulier et desire que tous-jours je vous supplie de la tenir en vostre bonne grace; ce que je fay de tout mon cœur..

  A015002551 

 C'est pourquoy je le fay, avec la reserve de vostre bon playsir, pour le tems et pour toutes autres conditions, et encor pour la chose mesme, laquelle je ne veux vouloir qu'a mesure que cela se pourra faire sans vostre incommodité, vostre contentement m'estant plus cher que tout l'honneur qui pourroit arriver a ma niece, laquelle, pour ne rien celer a ma tres chere et tres honnoree Mere, je m'essayeray de gaigner pour la Visitation; mais par ce que les humilités quil y faut exercer rebuttent quelquefois les filles, si je ne puis la tourner de ce costé la, j'imploreray encor de plus fort vostre faveur.

  A015002570 

 Nous avons eu la bonne Madame de Baume, que mon cousin saluâ, et luy fit une petite harengue sur le sujet de sa maistresse, qu'elle aggrea extremement; et me dit que si elle luy pouvoit rendre quelque sorte de bon office en ses amours, elle le feroit de tout son cœur, m'asseurant que cette damoyselle dont il est question estoit une perle en bon naturel, en bonn'humeur et en vertu: qui me fait d'autant plus louer le choix que vous en aves fait pour la consolation de vostre viellesse future, et voudrois bien pouvoir contribuer quelque service a ce dessein, comm'aussi a tous les autres qui regarderont vostre contentement..

  A015002571 

 Et a ce propos, hier ma chere petite cousine me [265] vint voir, qui m'expliqua son intention pour le regard de la vocation religieuse, et me dit son petit cas si honnestement et gentilment, que j'en demeuray fort edifié et consolé.

  A015002572 

 Pour moy, priant Nostre Seigneur qu'il vous conserve a longues annees pour les vostres et pour moy, qui suis le plus humble, je demeure,.

  A015002591 

 N'est ce pas le saint Archevesque que nous voulons aller reverer, qui a soin de ses devotz?.

  A015002592 

 Mays l'importance est de sçavoir qu'est ce qu'en dira monsieur nostre Abbé, qui doit estre nostre Raphael en cette peregrination.

  A015002610 

 Vous sçaures par cette si digne porteuse parmi quelle multitude de tracas je vous escris; qui me servira d'excuse si je ne vous parle pas si amplement comme je desirois..

  A015002612 

 Je voudrois que le matin, au lever, vous pliassiés les genoux devant Dieu pour l'adorer, faire le signe de la Croix et luy demander sa benediction pour toute la journee; ce qui se peut faire au tems que l'on diroit un ou deux Pater noster.

  A015002612 

 Le soir, avant souper ou environ, vous pourries aysement faire un peu de prieres ferventes, vous jettant devant Nostre Seigneur autant comme on diroit un Pater; car il n'y a point d'occasion qui vous tienne si sujette, que vous ne puissiés desrober ce petit bout de loysir.

  A015002614 

 Croyés-moy, ma chere Fille, [269] Dieu ayme les ames qui sont agitees des flotz et tempestes du monde, pourveu qu'elles reçoivent de sa main le travail et, comme vaillantes guerrieres, s'essayent de garder la fidelité emmi les assautz et combatz.

  A015002636 

 Mays en l'occasion d'aller en nostre chaire de Saint Benoist, ce n'est pas vous, Monsieur, seulement qui n'en deves pas douter, c'est tous ceux qui s'entendent tant soit peu en mes inclinations..

  A015002637 

 Dieu sçait bien que je præparois un cœur tout nouveau, plus grand, ce me semble, que le mien ordinaire, pour aller-lâ prononcer ses saintes et divines paroles: premierement, pour, en une si belle et dign'occasion, rendre de la gloire a sa divine Majesté; puis, pour donner du contentement a celuy qui m'y appelloit avec [271] tant de cœur et de courage.

  A015002639 

 Certes, si Son Altesse ne venoit point, l'authorité du Pape seroit toute [272] puissante, car j'employeroys son commandement sans prendre congé que par lettres; mais Son Altesse estant icy, j'aurois peyne a me desmesler des repliques qui me seroyent faites et ne croys pas que je le puisse.

  A015002639 

 Monsieur de Charmoysi qui, apres moy, desiroit le plus mon voyage, est en peyne comme treuver une bonne sortie de ces considerations.

  A015002659 

 Ilz sont, certes, tous troys enfans de personnes de bonne qualité et pour lesquelles je voudroys beaucoup de bien et de satisfaction; mays en particulier l'un d'entr'eux, nommé Grillet, est filz d'une mere qui m'appartient en sang et d'un pere que, pour sa probité, j'affectionne estroittement.

  A015002661 

 Ce sont les seules nouvelles dont je vous puis servir et, comme je pense, les plus agreables et qui vous donneront tant plus de courage de favoriser ce diocaese, eslevant aux lettres et a la pieté ceux qui vous sont envoyés, et priant Nostre Seigneur pour moy qui, reciproquement, vous souhaite toute sainte prosperité et demeure,.

  A015002681 

 C'est par ce quil me dit hier quil vous iroit voir, que je vous donne cet advis, et par ce que je suis bien ayse de saluer un peu ce matin le cœur de ma tres chere Mere, qui est le mien propre, bien que j'espere de le saluer ce soir, Dieu aydant..

  A015002692 

 Sachant bien que vostre si soudain despart ne peut estre que pour quelqu'affaire de grand'importance, [276] je prieray tant plus soigneusement Nostre Seigneur quil vous assiste de son saint esprit de conseil et de force, pour persuader les choses justes et convenables a ceux qui, peut estre, n'y sont pas beaucoup disposés..

  A015002711 

 Je m'asseure qu'elle vous respondra selon vostre desir, et la pensee qui vous est venue au contraire est une vayne pensee; car vrayement ces bonnes filles ont des cœurs tout plains de tres [278] saint et ferme amour pour vous, de qui elles receurent une grande consolation en la sorte avec laquelle vous listes vostre demande..

  A015002712 

 Or, la paix de Dieu, c'est la paix qui prouvient des resolutions que nous avons prises pour Dieu et par les moyens que Dieu nous ordonne.

  A015002728 

 Je vous fis response l'autre jour, ma chere Fille, sitost que j'eu leu vostre lettre; mais le garçon qui l'avoit apportee ne revint pas prendre la mienne, laquelle je vous envoye encores toute telle que je la fis..

  A015002729 

 Certes, j'ay esté en peyne de la pauvre chere Francine, laquelle j'espere devoir estre une bonne servante de Nostre Seigneur et qui ne laissera pas, moyennant la grace cæleste, d'aller au Ciel apres avoir rendu des bons services a Dieu entre les hazars de cette vie mortelle.

  A015002730 

 Ce fut avant-hier seulement que je receu vos lettres bien tard, que la [281] chere cousine, a qui elles avoyent esté portees, m'envoyâ.

  A015002730 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction, ma tres chere Fille, et tout ce qui vous est plus cher..

  A015002731 

 Voyla le P. Gardien qui m'appelle, et je m'y en vay, vous laissant avec la paix et grace du Saint Esprit..

  A015002749 

 La distance de nos sejours limite presqu'a ce seul effect la volonté que j'ay sans limite de vous rendre fidele et humble service, et ne me reste, ce semble, aucun autre moyen de la tesmoigner, si ce n'est par le commerce des lettres que je vous envoyeray souvent, pour vous rafraichir la memoire de mon ame qui a tous-jours tant de besoin d'estre secourue de vos oraysons, et qui recevra tous-jours beaucoup de consolation de sçavoir de tems en tems des bonnes nouvelles de la vostre.

  A015002750 

 Alles donq maintenant, ma tres chere Seur, en vostre mayson et au pres de ce cher mari qui vous attend; je vous suivray en esprit, et respandray sur vous et sur luy les vœux de beaucoup de benedictions.

  A015002750 

 Et puis qu'il faut que bien tost apres vostre arrivee vous souffries de rechef son absence pour le voyage quil doit faire a la court, continués bien en vos exercices spirituelz, tenes vous bien serree a Nostre Seigneur, et il suppleera, sans doute, le manquement de la desirable presence du mari, par celle qui est incomparable de son Saint Esprit, lequel, habitant au milieu de vostr'ame, la comblera de sa suavité nompareille.

  A015002755 

 J'escris un billet a M. de Medio, chanoyne de Saint Nizier, qui est celuy qui me fera recevoir de vos lettres quand il vous playra de m'en gratifier, et en son absence, monsieur Vulliat, contrerolleur de la mayson de Monseigneur le Duc de Nemours.

  A015002756 

 J'envoyeray les lettres desquelles vous gratifiés ma seur de Mayrens et madame de Charmoysi, laquelle est aux chams, aussi bien que mon frere de Boysi, qui sera bien marri de ne s'estre pas treuvé icy pour vous remercier luy mesme.

  A015002757 

 Dieu vous soit guide et conducteur, ma tres chere Seur, et a vostre cher pouppon, que pour maintenant je nommeray encor Pierre, qui est si joly, a ce qu'on me dit..

  A015002767 

 Mais, ma tres chere Mere, vous m'espargnes un peu trop le nom de filz, qui est le [286] nom du cœur, pour me donner un nom respectueux, qui est bien aussi nom du cœur, mais non pas du maternel, qui est celuy de mes delices..

  A015002768 

 C'est la verité, ma chere Mere, que nous eusmes icy une grande assemblee a nostre Jubilé et, ce qui importe, qu'il se fit quelque fruict.

  A015002768 

 Mais puis quil ne se peut d'autre façon, je vous approcheray souvent en esprit pour, avec vous conjointement, demander a Nostre Seigneur quil luy playse consoler vostre ame de sa benediction, la faisant abonder en son saint amour et en la sacree humilité et douceur de cœur, qui ne sont jamais sans ce saint amour, non plus que le saint amour sans elles..

  A015002769 

 Non, je vous supplie, ma chere Mere, car bien quil les faille rejetter et detester pour s'en amender, si ne faut-il pas s'en affliger d'une affliction fascheuse, mais d'une affliction courageuse et tranquille, qui engendre un propos bien rassis et solide [287] de correction; et ce propos, ainsy pris en repos et avec meureté de consideration, nous fera prendre les vrays moyens pour l'executer, entre lesquelz je confesse que la moderation des affections mesnageres est grandement utile.

  A015002770 

 Sur tout, ma tres chere Mere, il faut bien combattre la haine et les mescontentemens envers le prochain, et s'abstenir d'une imperfection insensible, mais grandement nuisible, de laquelle peu de gens s'abstiennent; qui est que s'il nous arrive de censurer le prochain ou de nous plaindre de luy (ce qui nous devroit rarement arriver), nous ne finissons jamais, mais recommençons tous-jours et repetons nos plaintes et doleances sans fin; qui est signe d'un cœur piqué et qui n'a encor point de vraye santé.

  A015002771 

 Vostre bon Curé, qui me plaist fort, m'a parlé de vostre desir et je luy ay dit ma pensee.

  A015002787 

 Le capitaine La Rose est de ceux qui, les premiers, sortirent de cette ville la et de l'heresie qui y regne.

  A015002798 

 Il n'y a point de danger en ce qui vous est arrivé, puisque vous le communiques; mays notés, ma tres chere Fille, que Dieu a commencé ses visitations en [290] vostre ame sur le sentiment et l'exercice de la petitesse, bassesse et humilité, pour appreuver l'advis qui vous est donné de bien vous reduire a ce point et d'estre vrayement une petite fille: je dis toute petite, en vos yeux, en vos exercices, en obeissance, naïfveté et abjection de vous mesme; petite, et un vray enfant, qui ne cache ni son bien ni son mal a son pere, a sa mere, a sa nourrice..

  A015002811 

 Revu sur l'Autographe qui, en 1895, appartenait à S. E. le Cardinal Sanfelice..

  A015002819 

 Je laisse a monsieur Milletot le contentement de vous representer l'heureux succes de la commission que le Roy luy avoit donné pour l'execution de l'edit de Nantes a Gex, et me reserve seulement de vous faire [293] un tres humble remerciment pour le soin continuel que vostre zele a du restablissement de la gloire de Dieu en ce miserable balliage, ou l'heresie, qui a si longuement foulé aux piedz la pieté, nous menace ericor maintenant, aussi effrontement que jamais, de rendre vaine l'esperance que nous avons en vostre protection; comme si le credit des pretendues eglises de France estoit plus puissant pour nous empescher le renversement de l'effectuelle jouissance de nostre juste pretention, que la justice de la Reyne et vostre intercession pour faire maintenir un arrest si equitable et si saint, comm'est celuy en vertu duquel l'edit a esté executé..

  A015002820 

 A quoy ne [294] serviroit pas peu si monsieur Milletot, qui a si dignement prattiqué sa commission, avoit quelque charge particuliere d'ordonner et connoistre de tout ce qui en dependroit, par maniere de surintendance aux officiers de la justice; car iceux estans de contraire religion a la nostre, ce nous seroit un grand bien d'avoir qui eust un soin particulier de nous, comme auroit ledit sieur Milletot, qui certes a tesmoigné une grande prudence et bonn'affection en cette occurrence..

  A015002820 

 Mais, Monsieur, comme c'est nostre bonheur d'avoir une foy contraire a celle des huguenotz, aussi nous glorifions-nous d'avoir une esperance opposee a leur presomption; a rayson dequoy, tous les Catholiques de Gex, et moy plus que tous, esperons et espererons tous-jours de voir tous les jours quelque progres de nostre sainte religion en ce petit bout de royaume qui est si heureux d'estre sous vostre gouvernement.

  A015002821 

 Mais, Monsieur, vostre sagesse vous suggerera ce qui sera plus a propos sur ce point, et moy, ce pendant, je continueray mes souhaitz devant Nostre Seigneur pour vostre prosperité, affin qu'il luy plaise vous en combler a jamais.

  A015002832 

 Nostre pauvre Gex est tous-jours presque en mesme [295] estat; ce quil y a de plus, ne sont que certaines dispositions qui nous font promesse de mieux a l'advenir, Mays il faut louer Dieu, car aussi bien ne meritons-nous pas quil face une transmutation momentanee de ces cœurs lâ, qui seroit un miracle en la grace, comme fut la transmutation de l'eau au vin, en la nature.

  A015002833 

 Cela donq me semble impossible aux curés et a moy qui voudrois m'engager pour eux..

  A015002835 

 Or, je vous represente l'un et l'autre, affin quil vous playse, Monsieur, si vous le juges raysonnable et que je ne me soys pas trompé en mon discours, d'oster l'un et l'autre, en sorte que les lettres puissent estr'utiles a ceux pour lesquelz vostre faveur les a obtenues; car il ne manquera pas d'entrepreneurs qui, par le manquement de l'execution de telles charges, attaqueront ces pauvres curés pour avoir leurs benefices, viande si friande en ce tems, que les plus incapables en veulent plus avoir..

  A015002836 

 Dieu, qui de sa grace a esté jusques a present avec moy en ce chemin ecclesiastique [297] par lequel je chemine, m'a donné du pain a manger et de l'eau a boire et des vestemens pour m'affeubler: c'est bien assés pour m'obliger a le tenir pour mon Dieu, a luy dresser des autelz a Gex, en France et par tout ou il luy playra employer ma misere pour la gloire de sa misericorde.

  A015002860 

 Je ne puis pas perdre cett'occasion de vous ramentevoir mon affection qui vous honnore au dessus de toutes les pensees que vous en sçauries jamais avoir.

  A015002861 

 Je suis marri de ce succes a cause de la religion, qui est si peu regardee et favorisee, et j'ay encor mon interest particulier pour 25 ou trente parroisses de ce pais-la, qui sont de mon diocæse..

  A015002862 

 Voyla nos nouvelles, et n'est pas besoin que je vous die que je ne desire pas que l'on sache que je les escrive, car aussi ne les escrirois-je pas a un autre qu'a vous, a qui je suis tout extraordinairement,.

  A015002886 

 Ce seroit un tres grand bien qu'a Chamberi il y eust des Ursulines et voudrois bien y pouvoir contribuer quelque chose; car en fin, bonheur a ceux qui nourrissent [302] les enfans pour l'amour, crainte et service de Dieu.

  A015002886 

 Nos Dames de la Visitation doivent donner courage d'entreprendre, a celles qui seront tant soit peu disposees.

  A015002887 

 Ma tres chere Seur, ma Fille, aymés tous-jours bien mon ame, qui ayme tant la vostre.

  A015002891 

 Des-ormais on sera en peyne a refuser, et neanmoins il le faudra faire, si ce n'est pour quelque personne qui puisse rendre quelque extraordinaire service a Nostre Seigneur.

  A015002891 

 La bonne Thiollier sera, a mon advis, fort consolee en cette Congregation, laquelle se treuvera composee, mercredi prochain, de seize bonnes filles, laissant a part celles qui sont receuës et qui ne peuvent encor [303] venir.

  A015002917 

 Et ce pendant, vous sçaves bien que vous ne deves pas jeuner aujourdhuy, car nostre glorieuse Reyne et Maistresse a besoin de ce peu de forces qui vous restent pour d'autres services qu'elle veut des-ormais tirer de vous..

  A015002927 

 Prenés donq discrettement la place, pour vos prieres, qui vous sera plus propre, pourveu que ce soit sans banc; car je ne voudrois pas que vostre banc fust aupres de l'autel, a cause [de] la messeance.

  A015002941 

 Ce seroit sans doute un grand bien pour ces pauvres petites filles, qui souvent, sous les caresses de leurs meres, aprenent beaucoup de vanités qui croissent avec elles et plus qu'elles..

  A015002988 

 J'ay bien veu au sermon nostre bienaymee fille Françoise, mais je n'ay pas osé luy demander comme ma tres chere Mere se portoit; car il y avoit trop de gens qui m'eussent oüy, et eussent esté en peyne de curiosité pour sçavoir quell'estoit cette tres chere Mere, autre que Dieu et ses Anges et ses Saintz, et nostre cœur, ne sachant combien l'affection qui me rend pere, filz et une mesm'ame avec vous, est suffisante et plus que suffisante pour faire cela..

  A015002989 

 Mays pour ce qui nous regarde, vous sçaves que Dieu m'a osté a moy mesme, non pas pour me donner a vous, mais pour me rendre vous mesme.

  A015002991 

 Non, ce n'est pas le P. Archange du Tillet, c'est le P. Constantin de Chamberi qui sera nostre prædicateur le reste de cet Advent, et moy je seray souvent celuy de nos cheres Seurs, car ce n'est pas souvent, soit tous-jours, que je suis le vostre..

  A015003000 

 Sans doute, ma tres chere Seur, que je ne passeray jamais en Bourgoigne sans aller voir vostre ame bien-aymee, qui est tous-jours presente a la mienne; mais je ne suis pas prest pour aller en ces quartiers la.

  A015003001 

 Et vous sçavés, ma tres chere Fille, que je vous ay tous-jours dit que vous m'escrivissies plus amplement par l'entremise de madame la Presidente, qui aura bien le soin de m'envoyer vos lettres, comme aussi de vous faire tenir les miennes..

  A015003002 

 M. l'Abbé de Saint Maurice ne donne pas la survivance pour le prieuré de Semur, ne le pouvant pas faire; mais en toute occurrence de vacance, je feray tout ce qui me sera possible pour monsieur vostre frere..

  A015003027 

 Les Catholiques de Gex, qui ne peuvent respirer qu'en l'air de vostre royale faveur, sçachans qu'en leur ville il y avoit jadis un monastere de Carmes, lequel estant restabli rendroit beaucoup de bons effectz pour l'accroissement de la foy, ilz supplient tres humblement Vostre [316] Majesté d'aggreer les poursuites qu'ilz en font et de les faire reuscir selon le saint zele dont elle est animee.

  A015003047 

 Non certes, ma tres chere Fille, mais vous n'en sentes pas la consolation si souvent, et ne pouves pas faire les actions exterieures; en quoy ne consiste pas l'amour divin, mais en la resolution du cœur, qui veut a jamais et inseparablement demeurer uni de toutes partz a la volonté divine..

  A015003058 

 Ce n'est pas mal fait de trembler quelquefois devant Celuy en la presence duquel les Anges mesmes tremoussent quand ilz le regardent en sa majesté; a la charge toutefois que le saint amour, qui predomine en toutes ses œuvres, tienne aussi tous-jours le dessus, le commencement et la fin de vos considerations..

  A015003059 

 Voyla donq qui va fort bien, puisque ces petitz esclairs de vostre esprit ne font plus leurs saillies si soudaines, et que vostre cœur est un peu plus doux.

  A015003060 

 Nostre Seigneur sans doute suppleera a tout ce qui [319] vous defaudra d'ailleurs, affin que vous puissiés faire une plus parfaite retraitte aupres de luy, pourveu que ce soit luy que vous aymiés, que vous cherchiés, que vous suiviés.

  A015003074 

 Un petit enfant qui est sur le sein de sa mere dormante, est vrayement en sa bonne et desirable place, bien qu'elle ne luy die mot, ni luy a elle..

  A015003085 

 Tenés bien Jesus Christ crucifié entre vos bras, car l'Espouse l'y tenoit comme un bouquet de myrrhe, c'est a dire d'amertume; mais, ma tres chere Fille, ce n'est pas luy qui nous est amer, c'est luy seulement qui permet que nous, nous soyons amers a nous mesmes.

  A015003095 

 J'oubliay hier de vous reprendre dequoy vous ne recevies pas en simplicité la parole de Dieu, ains avies des aversions qui vous la rendoyent moins suave des uns que des autres.

  A015003103 

 Non, car il est bien juste et raysonnable que vous pleuries un peu; mais un peu, ma chere Fille, en tesmoignage de la sincere affection que vous luy porties, a l'imitation de nostre cher Maistre qui pleura bien un peu sur son amy le Lazare, et non pas toutefois beaucoup, comme font ceux qui, colloquans toutes leurs pensees aux momens de cette miserable vie, ne se resouviennent pas que nous allons aussi a l'eternité, ou, si nous vivons bien en ce monde, nous nous reunirons a nos chers trespassés pour ne jamais les quitter.

  A015003103 

 Nous ne sçaurions empescher nostre pauvre cœur de ressentir la condition de cette vie et la perte de ceux qui estoyent nos delicieux compaignons en icelle; mais il ne faut pourtant pas desmentir la solemnelle profession que [325] nous avons faitte de joindre inseparablement nostre volonté a celle de nostre Dieu..

  A015003103 

 Or sus, ma tres chere Fille, on me vient de dire que la chere seur est partie, nous laissant encor icy bas avec les passions ordinaires de la tristesse qui a accoustumé d'attaquer les demeurans en telles separations.

  A015003104 

 Adorons cette Providence divine et disons: Ouy, vous estes benite, car tout ce qui vous plaist est bon.

  A015003104 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que ces petitz accidens doivent estre receus doucement de nos cœurs! nos cœurs, dis-je, qui meshuy doivent avoir plus d'affection au Ciel qu'en la terre.

  A015003105 

 Ne vous mettes pas en peyne de vostre orayson ni de cette varieté de desirs qui vous viennent, car la varieté des affections n'est pas mauvaise, ni le desir de plusieurs vertus distinctes.

  A015003105 

 Pour vos resolutions, vous les pouves bien particulariser en cette sorte: Je veux donq plus fidellement prattiquer les vertus qui me sont necessaires; comme, en telle occasion qui se presente, je me prepare a prattiquer telle vertu; et ainsy des autres.

  A015003127 

 Je l'appellerois excessif, si je considerois seulement l'indignité de celuy qui le reçoit; mais je voy bien que la source d'ou il procede, Monsieur, ne permet pas que l'on puisse nommer ainsy cette faveur, quoy qu'elle excelle au dessus de toutes autres, puis que vous me favorisés selon ce que vous estes, Monsieur, et non selon ce que je suis, qui certes ne suis rien, sinon en l'affection avec laquelle je revere Vostre Grandeur, pour la prosperité de laquelle je respans plusieurs bons souhaitz devant ce grand Dieu du Ciel, qui gratifie volontier les grans de la terre qui gratifient les petitz [329] et qui leur sont doux, gracieux et favorables ainsy que vous m'estes, Monsieur, et que je vous supplie de m'estre tous-jours, me regardant comme.

  A015003139 

 Benissés Dieu du loysir qu'il me donne ces deux jours pour faire un peu d'orayson extraordinaire; car vrayement sa Bonté a respandu dans mon esprit tant de lumieres et dans mon pauvre cœur tant d'affection pour escrire en nostre cher livre du saint amour, que je ne sçay ou je prendray des paroles pour exprimer ce que j'ay conceu, si le mesme Dieu qui m'a fait concevoir ne me fait enfanter..

  A015003152 

 A vostr'advis, ma chere Fille, vos vœuz et vos devotions ne sont ilz pas bien recompensés? Vous les faysies pour luy, mais affin quil demeurast icy [331] avec vous, en cette vallee de miseres; Nostre Seigneur, qui entend mieux ce qui est [bon] pour nous que nous mesme, a exaucé vos prieres en faveur de l'enfant pour lequel vous les faysies, mais au despens des contentemens temporelz que vous en prætendiés..

  A015003153 

 A la fin de nos jours, lhors que nos yeux seront desillés, nous verrons que cette vie est si peu de chose quil ne failloit pas regretter ceux qui la perdoyent bien tost: la plus courte est la meilleure, pourveu qu'elle nous conduise a l'eternelle..

  A015003173 

 Entr'autres causes de ma defiance, c'est que voyci arriver M. l'Aumosnier de Belleville, [333] qui est celuy qui m'a escrit pour M me des Gouffier, et la rayson veut, que venant expres pour me voir, je luy en donne le plus de commodité que je peurray.

  A015003187 

 Vous pourres donques celebrer le mariage entre ce Claude Pietrequin et la fille de la Croix blanche, puis que monsieur de Siccard, qui vaut cent tesmoins, asseure quiilny a rien du costé dudit Pietrequin qui empesche, et que d'ailleurs la chose presse du costé de la fille..

  A015003188 

 Voyés ce qui sera requis estre fait pour celuy qui sert a Chalex, et moy j'appreuveray vostre advis..

  A015003189 

 Monsieur le baillif m'ouvre un moyen pour eviter le bruit qui pourroit naistre pour la chapelle, qui est de sursoyr a tout jusques a retour [338] du P. François.

  A015003189 

 Qui a tems, a vie; mais il faudroit que monsieur de Livron voulut donner ce loysir a l'affaire: a quoy le P. Michel Ange et vous, pourres le disposer.

  A015003226 

 Mays il auroit necessité, de plus, de quelqu'assistance pour meubler sa chambre, et prætend que la Sainte Mayson, selon son institut et la charité qui y regne, l'aydera volontier de quelque chose pour cela.

  A015003244 

 Mays vous vous representeres que la mayson en laquelle vous venes est une petite Congregation encor mal logee, et en laquelle toutes choses sont basses, humbles et abjectes, hormis la pretention de celles qui y sont, qui n'est rien moins que de parvenir a la perfection de l'amour divin..

  A015003255 

 Je ne puis dignement vous remercier des beaux presens qu'il vous a pleu m'addresser, que j'ay receus avec [344] une extreme joye, non certes pour leur valeur, qui est grande, mais parce que ce sont de grans tesmoignages du cœur que vous aves envers moy, m'estant envoyés avec bien du soin et incommodité.

  A015003258 

 Mais usons doucement et toutesfois, si vous me croyés, un peu avidement de la presence du grand amy, que j'estime si grand pour moy, que je ne voy rien de si grand parmi toutes les grandeurs de Paris qui ne me semble petit en comparayson de sa bienveuillance.

  A015003267 

 Bienheureux sont ceux qui n'estiment jamais avoir rien perdu de ce que Dieu a receu a sa grace..

  A015003267 

 Que si nostre accoustumance et nos sens, amusés a voir et estimer ce monde et la vie d'iceluy, nous font un peu trop ressentir ce qui nous y contrarie, corrigeons souvent ce defaut par la clairté de la foy, qui nous doit faire juger tres heureux ceux qui, en peu de jours, ont achevé leur voyage.

  A015003277 

 Voyla des lettres qui m'ont esté rendues aujourdhuy, les unes venant de Chamberi, les autres de Bourgoigne.

  A015003278 

 Mays a vostre venue, qui sera peut estre bien tost, nous en parlerons plus amplement..

  A015003278 

 Or, la conclusion neanmoins fut quil se sousmettroit a ce qui en seroit advisé par telz arbitres et amis que l'on jugeroit convenable de choysir pour vuider les pretentions d'eux et de vous a l'amiable, qui est en somme le bon mot; outre que vrayement il ne tesmoigna nullement de treuver mauvaise vostre recherche.

  A015003310 

 Soudain que vous aures nouvelles que le testament sera ouvert, envoyes appeller et prier mon cousin, et luy en conferes, disant que vous aures besoin de son ayde, affin que si le testament a lieu, le peu de bien qui en arrivera a la Congregation arrive en paix et tranquillement..

  A015003322 

 Vous m'obligés trop de rendre tant de tesmoignages de vostre affection envers moy qui ay si peu de force pour correspondre a mon gré, par quelque bon effect de gratitude, a lhonneur que vous me faites, quoy qu'en verité j'en aye un desir extreme.

  A015003346 

 Dieu vous inspirera ce qui sera pour sa gloire et la vostre.

  A015003347 

 Mes freres sont tous vos serviteurs tres humbles, sur tout mon frere de Boisy, qui n'est pas present maintenant que j'escris; et si, je ne l'ay point adverti..

  A015003362 

 Nostre fille se porte bien et tout ce qui est avec elle, avec un peu d'embarassement pour cet hæritage; mais j'espere que tout s'esclarcira bravement, Dieu aydant..

  A015003380 

 Maintenant, Vostre Altesse pourra voir les informations prises a charge et descharge dudit sieur Abbé, que ce porteur a en main, et me donner sur cela ses commandemens, ausquelz j'obeiray avec la [356] fidelité qui me fait incessamment supplier Dieu pour la prosperité de Vostre Altesse, delaquelle je suis, Monseigneur,.

  A015003380 

 Sur les plaintes qui me furent faites de monsieur l'Abbé de la Tour, a rayson des bastonnades qu'il avoyt donnees au sieur Berthelot, la grandeur du respect que je doys a Vostre Altesse me suggera de ne point entreprendre de justice sur la personne dudit sieur Abbé, puys qu'il estoit ambassadeur ordinaire de Vostre Altesse et n'estoit icy que par maniere de passage, et de jour a jour en attente de retourner a l'exercice de son ambassade.

  A015003396 

 De regie pour vostre viè, je ne vous en donneray que celle qui est dans le livre; mais si Dieu dispose que je vous puisse voir et il y a quelque sorte de difficulté, je vous respondray.

  A015003396 

 Il n'est nul besoin que vous m'escrivies vostre confession: que si vous aves quelque point particulier duquel vous desiries conferer avec mon cœur, qui est tout vostre, vous le pourrés..

  A015003399 

 Faites cela pour moy, qui tous les jours vous recommande a Dieu, et je prie son infinie Bonté qu'a jamais elle vous benisse..

  A015003411 

 Quant a moy, le voyage de Thurin qui m'a esté ci devant volontaire, m'est a present necessaire pour plusieurs [359] raysons; et y estant, je passeray aysement a Milan pour rendre la veneration de si longuemain destinee au sepulchre du glorieux saint Charles.

  A015003432 

 Mays ce pendant, il faut que madame de Charmoysi tienne bonne contenance et ne face nulle sorte de plaintes qui puissent venir a la connoissance de monsieur de Jacob, ains que luy parlant, elle tesmoigne une grande asseurance que la bonté de Son Altesse et de Monseigneur de Nemours regardera bien tost favorablement son mari et sera offencee contre ceux qui luy ont voulu procurer du mal.

  A015003433 

 Eusse-je pas esté mieux si mon bonheur eut permis l'effect de vostre volonté, et que j'eusse presché en vostre chaire et jouy de la douceur de vostre conversation et de la presence de Monsieur nostre Evesque qui est lâ? J'espere, dans le moys, partir pour Thurin, ou je feray tout ce qui me sera possible affin d'avoir ma liberté pour l'annee suivante; car le desir du bien que j'attens de vostre [363] veüe et du rencontre de tant de gens d'honneur qui, pour vostre consideration, me recevront en leur conversation, est extreme dedans mon cœur.

  A015003454 

 Remettés-vous en la volonté divine, qui vous conduira selon vostre mieux pour l'emprisonnement de vostre mary..

  A015003456 

 Et ce pendant, je m'employeray de tout mon cœur, affin d'ayder vostre mary, envers tous ceux que je croy avoir du credit pour le faire delivrer et que je sçauray vouloir faire quelque chose a ma contemplation; et des-ja j'ay commencé ce bon office des avant hier, vous cherissant comme ma vraye fille, et tout ce qui vous appartient, pour l'amour de Nostre Seigneur a qui vous appartenes, la volonté duquel soit faite es siecles des siecles.

  A015003466 

 J'ay fait avec le procureur La Tour quil ira jeudi a Dizonche; c'est un bon personnage qui fera fort bien [366] l'office.

  A015003467 

 J'ay response de M me d'Aiguebellette qui dit que M lle des....

  A015003476 

 Et les S fermees, avec leurs flesches qui montent d'un costé et descendent de l'autre, demonstrent l'exercice de ces divins amours, dont l'un remonte en Dieu et fait des Philothees, l'autre descend au prochain et fait des Philantropes: qui est l'unique bien de la charité, qui nous rend vrays serviteurs et servantes de la divine Majesté.

  A015003476 

 O vrayement, elle est belle en extremité, la chappe que la plus chere mere qui vive envoye a son tres cher pere; [367] car elle est toute au nom de JESUS et de MARIE, et represente parfaitement le Ciel des bienheureux, ou Jesus est le soleil et Marie la lune luminaires presens a toutes les estoilles de cette sainte habitation; car Jesus y est tout a tous, et n'y a point d'estoille en ce globe celeste en laquelle il ne soit representé comme en un miroüer.

  A015003477 

 Benite soit a jamais la chere main de ma Mere qui a si bien sceu faire ce bel ouvrage! Que cette main soit propre a faire des choses fortes, et tout esgalement a manier le fuseau.

  A015003477 

 Qu'elle soit ornee de l'anneau de fidelité et son bras, du brasselet de charité; que la dextre du Sauveur soit a jamais jointe a elle et qu'elle paroisse pleine au jour du jugement; qu'a jamais le cœur qui l'anime soit revestu de JESUS, de MARIE, de philothie, de philanthropie, de sainteté, d'estoilles, de dards volans du celeste amour et de toute sorte de vertu fleurissante; que le Saint Esprit la rayonne en tous tems.

  A015003485 

 Vous pourres bien travailler dedans la mayson, aujourdhuy et demain, pourveu que personne ny entre d'estranger, sinon M. Grandis, M. Roget et la petite seur; et bien que quelqu'autre entrast, vous pourries neanmoins bien travailler en ces besoignes qui sont pour l'eglise..

  A015003500 

 Chacun est scandalisé du grand pouvoir que les accusations seules ont: sil suffit d'accuser, qui sera innocent? Ceux qui connoissent M. de Servette, et je croy que Son Excellence le connoist, sçauront bien discerner de l'action d'hier.

  A015003500 

 J'escris a part ce billet pour laisser l'autre lettre en estat de pouvoir estre monstree a monsieur le marquis de Lans; et si je ne l'avois escritte si precipitamment, j'eusse voulu quil l'eut envoyee ou a monsieur le Chancelier, ou a quelqu'un qui eut entrepris de bien [370] representer a Son Altesse la malice et le venin des ennemis de nostre pauvre parent, qui est la, mussé comme un lievre dans Marcia, avec une fort exacte obeissance.

  A015003558 

 Hé, que bienheureux est le cœur qui ayme et cherit la volonté divine en toutes occurrences!.

  A015003558 

 Il faut attendre, ma tres chere Mere, l'evenement de cette maladie le plus doucement qu'on pourra, avec parfaitte resolution de se conformer a la volonté divine [375] en cette perte, si perte se doit nommer l'absence de quelque tems, qui, Dieu aydant, sera reparee par une presence eternelle.

  A015003560 

 O Dieu, ma Mere, laissons nos enfans a la mercy de Dieu, qui a laissé le sien a nostre mercy; offrons luy la vie des nostres, puisqu'il a donné la vie du sien pour nous.

  A015003572 

 Car j'ay treuvé qu'icy on ne respire que la foy en un seul Jesuschrist, on n'aspire et espere qu'en un seul Jesuschrist, on n'annonce que l'amour d'un seul Jesuschrist, qui est hautement et clairement reconneu pour vive et vivante source et unique fin de toutes louanges et benedictions.

  A015003572 

 Je confesse bien pourtant en bonne foy, que l'une des choses qui m'a le plus aydee a me fayre voir l'erreur auquel je vivoys, a esté la confession de foy que j'ay veu faire icy aux Chrestiens catholiques, mise en comparayson avec l'accusation qui s'en fait ordinayrement es sermons et conferences de messieurs les ministres.

  A015003572 

 Je ny ay point treuvé d'idoles, ains des [378] images de Jesuschrist, exterminateur des idoles, et des portraitz des Saintz, qui ont perdu la vie plustost que de souffrir les idoles.

  A015003573 

 Dont, comm'une pauvre petite brebiette esgaree qui retrouve en fin le trouppeau que par mesgarde ell'avoit laissé, je m'y suis librement, [379] volontairement et par franche election, remise et reunie, n'ayant pas voulu refuser au Saint Esprit l'exercice de sa grace en mon cœur, ni a la verité divine, l'hommage que mon entendement luy devoit; affin que les propheties, qui prædisent en tant d'endroitz le retour des ames a l'Eglise, fussent heureusement accomplies en moy et par moy, et qu'ayant esté une des estoiles errantes, desquelles parle saint Jude, en un ciel apparent et contrefait, je fusse meshuy un'estoile du vray firmament, qui est l'Eglise Catholique, en laquelle on ne connoist le grand dragon roux que pour le combattre et fouler aux pieds, ains escraser et exterminer par la force de la Parole de Dieu, pure, simple et entiere; Parole qui est la vraye espee et le vray bouclier des croyans, et a laquelle nul homme n'a touché pour en oster un seul mot, y adjouster un seul point, ou y broüiller le vray sens, que soudain il n'ayt esté repris, puis condamné par la mesme Esglise..

  A015003574 

 Comm'en effect, je ne m'espancherois pas mesme si avant a parler [380] de cette grace que j'ay receüe avec un'autre qu'avec vous qui m'aymes, et que je prie ne point communiquer la presente, pour ne me point rendre plus odieuse a ceux qui croyront que ce mien despart d'avec eux m'en rende digne, et lesquelz, non obstant cela, je ne laisseray neanmoins de cherir d'une vraye et sincere dilection, priant, etc..

  A015003574 

 Et si je pouvois aussi bien exprimer les raysons qui m'ont induite a ce desirable retour comme je les ay veüe (sic) clairement pour m'y resoudre, je croy que vous en series fort satisfaite.

  A015003574 

 Mais ce bon Dieu qui ne nous manque jamais es choses necessaires a nostre salut, m'a donné la lumiere requise pour le voir et l'embrasser, par ce que sans cela je me fusse perdue, et ne m'a pas donné le moyen de bien declairer ce que j'ay conneu et connois par cette lumiere, par ce que ce n'est pas a moy d'instruire ni enseigner.

  A015003574 

 Voyla ce que je vous puis dire de l'estat de mon ame qui sent une grande consolation en la misericorde de Dieu, si doucement exercee envers moy; et vous prie de croire qu'en cet heureux changement je n'ay jetté mes yeux que sur Jesuschrist crucifié et sur l'eternité glorieuse quil m'a acquise par son sang, au prix delaquelle j'estime toutes choses un vray rien.

  A015003585 

 Je ne respons encor pas aux articles quil vous a pleu me faire envoyer, par ce que je n'ay encor sceu retirer le double de la fondation de la Mayson de Thonon, qui estoit la principale piece que vous me commandiés de vous faire tenir.

  A015003618 

 Je n'ay pu vous faire responce plutost a celle qu'il vous a pleu de m'escrire; j'attendoys d'y sçavoir les volontés du Roy qui a eu fort aggreable que vous mettiez au bailliage de Gex les Religieux Carmes reformez que Sa Sainteté vous doit envoyer.

  A015003619 

 Il ne m'arrive contentement qui soit egal a celuy que je reçois de vous faire service qui vous soit aggreable: cela estant, je suis asseuré que cette action est receue avec plaisir devant Dieu.

  A015003619 

 Ne me soyez, Monsieur, s'il vous plaist, siche de vos commandementz; me les [385] departant, vous faictes chose charitable, puisque sans iceux je ne fais chose aucune qui soit digne d'aggreer a la divine Majesté..

  A015003633 

 Quant à l'entretien du sieur Curé, outre ce que le ministre possedoit en domaine dependant de la cure et trois cents florins de pension qui estoyent par nos fermiers payez audit ministre, nous avons bien voulu nous charger et incommoder de luy augmenter l'entretien de quarante francs sur nostre revenu; qui fera une notable somme pour un homme d'eglise.

  A015003634 

 Si non, nous vous supplions ne pas trouver mauvais si nous maintenons nos privileges, que nous croyons que vous nous conserverez; qui nous fera sur ce vous baiser tres humblement les mains, et prier Dieu de vous conserver et vous donner santé longue et heureuse vie, nous qui sommes,.

  A015003653 

 Vostre humilité, ma condition et mon humeur me defendent la flatterie et commandent la congratulation pour les biens que ma Mere, qui, de ses eaux salutaires, m'a engendré en vie eternelle, reçoit par vous.

  A015003654 

 Il est blanc, ce cœur, par la pureté de ses intentions; il est poli, par les diverses afflictions qui, en guise de coups de marteau, ont osté toutes les superfluités et l'ont jointe au point du lieu sacré ou elle devoit estre posee, et vostre ingenieuse main a gravé sur ce marbre poli, pour un monument eternel de gloire a Dieu, ces quatre belles paroles qui sont les devises de vostre cœur: VIVE JESUS! VIVE MARIE! Tout a Dieu, tout pour sa gloire!.

  A015003655 

 N'ay-je pas donc sujet de dire: Benite soit la pierre, beni soit l'ouvrier, et beni soit eternellement l'Architecte celeste qui, dans son idee eternelle, avoit fait le projet de cet edifice? Il me semble, Monseigneur, que cette Congregation manquoit encor a l'Eglise, et que Dieu vous ait suscité en nos jours pour l'eriger.

  A015003656 

 Monseigneur, donnés moy quelque petite part aux prieres qui se feront dedans ce temple.

  A015003669 

 La reception de celle dont il vous a pleu m'honorer a apporté une telle joye et consolation en mon ame, qui me sembloit, la lisant, que je vous voioyt present.

  A015003669 

 Mais d'autant qu'elle contenoit quelque avis plains (sic) de difficulté et facherie ou je me suis trouvé reduicte, il m'a semblé qui me seroist plus seant de m'en taire pour le present, remettant à nostre premiere veüe à le vous dire de bouche; qui sera, comme j'oze esperer, bien tost, puis que nous approchons [389] de la feste qui vous donne subject de venir à Thonon.

  A015003670 

 Cependant, je vous diray (Monseigneur) comme par la grace et support de mon Dieu je persevere en l'exercise ou il vous a pleu m'acheminer, qui apporte un grand repos à mon ame et contentement à mon esprit parmi les traverses et facheries qui faut supporter en ce monde.

  A015003670 

 Je me raffreschis aussi la memoire tous les jours des bonnes et salutaires instructions qui vous a pleu me despartir, en la lecture des beaux livres que je tiens cherement de vous, Monseigneur, ou je trouve le remede à tous mes maux.

  A015003676 

 Revu sur l'Autographe inédit, qui, en 1895, appartenait à M me Doroz,.

  A015003685 

 Ainsi, Monseigneur, je vay, avec les griffes de ma plume, vous carresser comme mon cher maistre, et vous demander quelques unes des miettes qui tombent sous vostre table, lorsque vous rompé le pain de salut a vos cheres Filles..

  A015003685 

 Les petits chiens, [qui] aiment grandement leurs maistres et que leurs maistres aiment bien, ne laissent pas de les importuner [390] quelquefois de leurs griffes, mesme en leur tesmoignant qu'ils les aiment et en les caressant.

  A015003687 

 Et moy, mon unique Seigneur, quand je considere vostre Congrégation devant Dieu, je la vois aussi haute en amour comme vous l'avez faite profonde en humilité, et j'espere que bientost la France, jalouse du bien de nos montagnes, voudra partager ce bonheur avec elles; j'espere, dis je, que comme les plaines sont plus propres a s'estendre que les monts et vallees, que dés que vous auré fait quelques Maisons en nos quartiers, ce sera jetter madame de Chantal comme un grain dans ces plaines, qui raportera au centuple.

  A015003701 

 J'ey par plusieurs foys prié lesdictz sieurs mes nepveuz de prendre une journee pour y resouldre en vostre presence, lesquelz ne si veullent entendre, ains desmeurent saysis de tout, a mon grand prejudice, veu les grandz charges et debtes qui sont deubz sus noz biens..

  A015003716 

 Ha! que ce vous est un heureux travail que de combatre et debatre contre les huguenots! (travail qui infalliblement vous acquerrera une couronne de gloire et ça bas et au Ciel.).

  A015003716 

 Vostre Introduction, certes, a esté si bien receüe par deça, que l'impression s'en est multipliée a l'esgal, sans doubte, du fruict qui en a reussi.

  A015003737 

 De quoy, du despuis, je n'ay heu de vous aucune resolution, quoique mon fermier aye sollicité lesditz curez, nottamment ceux (sic) de Gex qui l'a entretenu a parolles jusques a Noel dernier, et remettant l'affaire sur vous, puis que vous avon envoyé lesdittes coppies et memoires.

  A015003737 

 Il y a quelque temps que nous avez asseuré, monsieur de Gerlande et moy, par vostre reponce à celles que luy et moy vous avions escriptes, que me donneriez tout contentement pour le faict de mes biens de Crozet, pays de Gex, dans les limites de vostre evesché, desquels vous avez prins la possession sans qu'il vous appartienne; car de tout temps, ça esté un membre despandant de ma commanderie, fors des la prinse dudit pays par les seigneurs de Berne, qu'il a esté occuppé par ceux de la religion, ainsi que je [394] vous ay fait entendre par mes lettres et comme le sieur Girod, mon fermier, l'a fait voir sur lieux aux curez de Gex et Farges, qu'aviez a ces fins deputez, tant par mes derniers terriers, que ceux qui sont faiz des cent et quattre vingts ans en ça, desquels il leur a baillé les coppies pour les vous fere tenir des le moys d'octobre dernier; par ou il appert clairement, avec d'autres enseignements, que la chappelle de Crozet ne fust jamais cure ny parroisse, moings que lesdits biens en feussent depandants.

  A015003737 

 Tellement que, par le silence que m en a du despuis fait ledit Girod (auquel j'avois donné charge d'en suivre les poursuittes), a cause d'une maladie qui des lors l'a retenu au lit jusques a present, je croyois que luy en aviez relasché la possession..

  A015003738 

 Mais je vois maintenant le contraire et que me detenez tousjours lesdits biens contre tous nos droits et privilleges; car jamais les Evesques n'ont heu a cognoistre sur ceux qui depandent de nostre Ordre.

  A015003739 

 Et quant a ce qui concerne le service que je doibs faire celebrer en laditte chappelle, je veux tousjours rendre mon debvoir et payer le prestre qui le voudra faire au jour de la fondation; mais d'y entretenir ung, je ne le puis, tant pour en estre dispencé, que a cause des grandes charges que je paye a ma Religion, joinct que le revenu n'est suffizant pour l'y entretenir.

  A015003739 

 L'asseurance donques que je prends que ne voudriez vous prevalloir de ce qui depand de nostre Ordre, ny le constituer en frais pour chose si juste, mais plustot qu'en desiriez l'accroissement, me fait croire que me donnerez tout contentement et que l'equité de vos proceddures ne refusera ce qu'avec justice nous pourroit avec toute raison facilement rendre..

  A015003794 

 Et de plus, comme Monseigneur le Reverendissime, a certaine assemblee quil feit faire, feit appeller messieurs les Scindics ausquelz fut remonstré la grande affluence de peuple qui accourera icy au Jubilé qui ce (sic) celebrera vendredy prochain, dont par ce moyen les logis seront remplis, tellement quil sera besoin de rechercher quelques licts pour les plus notables, dans ceste ville, vers les plus riches d'icelle, et ce quy il fault pourvoir.

  A015003795 

 Pour l'affluence des personnes qui arriveront en ceste ville pendant le prochain Jubilé, que en cas de necessité, l'on recherchera quelques licts vers les plus aisés, pour loger ceux que seront representés par mondict Seigneur le Reverendissime; estant donné acte de la remonstrance faicte par messieurs les Scindics, de la volonté de monseigneur le Marquis de Lans continuant le faict de la garde.

  A015003802 

 Et partant, ce jourdhuy, affin que chascun se contint a son debvoir quant au peuple, suivant l'ordonnance de noble et spectable sieur Jean Flocard, docteur es droitz, noble Jean Crochet, noble Guilliaume Meclard, honnoré de ce tiltre de procureur au Siege presidiai du Conseil du duché de Genevois, et noble François Marvin, scindics et consulz de la cité d'Annessy, et des seigneurs leurs Conseillers: messire Janus de Sales, chevallier de la saincte Religion de Sainct Jean de Jerusalem, residant pour maintenant a Malte, lieutenant de noble sieur Louys de Sales son frere, seigneur dudict lieu de Sales et de Thorens, a deux heures apres midy, auroit faict assembler partie des enfans et habitans de la ville, au son de 4 tambours, accompagnés du fiffre; qui, assemblés a la place du College, les a faict marcher comme cy apres:.

  A015003805 

 Lequel drappeau, ledict sieur Falcaz l'auroit reçu, gettant les genoux en terre, des mains du sieur premier Scindic; et apres les remerciations ordinaires, ledict sieur Falcaz seroit descendu portant a deux mains ladicte baucine et le drappeau neuf dans icelle, et auroit trouvé la compagnie qui avoit faict alte jusques a sa venue, et se meit a son rang: estans a ladicte compagnie davantage de 200, sans ledict chief et officiers..

  A015003806 

 Ledict sieur Falcaz seroit entré dans ladicte eglise, et arrivé au marchepied du grand autel, ou il trouva Illustre et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, Esvesque et Prince de Geneve, revestu d'une estolle et la miltre en teste, auroit presente ledict drappeau (est ans messieurs les Scindics, accompagnés de plusieurs Conseillers et de secretaires, dans leurs sieges): lequel drappeau auroit benist, usant de plusieurs sainctes et belles ceremonies; puis, mise (sic) a son baston, mondict Seigneur l'auroit eslevé un peu hault par la poignee, et despuis remis audict sieur Falcaz qui, retournant a sa trouppe qui faisoit aussi alte, a continué son chemin par devant Saincte Croix, ou soit la porte Genotton; et se rendant devant l'Hostel de ville, auroit arborisé aux fenestres ledict drappeau, ou il a demeuré jusques au lundy apres, dixieme de ce moys.

  A015003807 

 Estant a noter que pendant que la trouppe passoit par devant la Porte Genotton, le penon d'icelle s'estoit mis en tout debvoir, s'estant assemblé avec l'enseigne deployee, portee par lé fils ayné de M r Jean Gabriel Compte; qui neanmoins a esté aulcunement altein en sa charge par M e Jean Greyfié, procureur au Conseil de Genevoys, et par M e Claude et François Greyfié ses freres, qui se sont mis en debvoir de luy arracher ladicte enseigne: s'estant tous les pennons esmeus tellement, que les ungs ont levé les armes contre les aultres, estant le tout reucy, par la grace de Dieu, que nul n'a esté offencé..

  A015003809 

 Et puis, Illustre et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, revestu d'une chappe de drap d'or, assisté de deux sieurs chanoines revestus de tuniques de satin rouge, et ung prestre qui portoit au devant la croce, revestu de une chappe de damas roge (sic), estant pres des deux chantres portant des chappes de satin rouge et des miltres de damas a leurs testes et tenant leurs bastons d'argent en main; et dernier (derrière) mondict Seigneur, autre prestre revestu d'une chappe de damas rouge pour porter sa miltre..

  A015003809 

 Les devots Capucins premier; puis la croix de Sainct François et de Saincte Clare joinctes ensemble, avec les Peres de Sainct François qui les environnoient.

  A015003810 

 Et estant entonné l'hymne Veni Creator Spiritus, la procession a commencé, au rang que dessus, a marcher, mise neanmoins en reng par le M e des Ceremonies de M rs de Sainct Pierre, qui portoit un beau baston d'argent et marchoit en teste de la croix de Sainct Pierre.

  A015003811 

 Puis suyvoient quatre petits enfans portans chascun une tocque armizee des armes de la ville, devant et dernier, portant chascun une torche cire blanche qui n'estoit allumee; estans suivis du secretaire de la ville tout seul, puis de messieurs les Scindics portans leurs bastons de scindicat en main, le premier revestu de sa robbe d'audience, ayant les parementz devant et des manches de velours, avec sa cornette.

  A015003812 

 En apres, les prestres d'honneur et les sieurs chanoines, portant leurs aumusses aux bras, et finallement deux chantres portans deux beaux et grands bastons d'argent neuf, ayant de grosses pommes d'argent a la cyme, revestus de chappes d'or tres riches: qui tous, apres avoir salué le clergé, se sont mis audevant la croix de Sainct Pierre avec celle de Sainct Maurice, puis ont commencé a chanter en musique, a leur tour, le reste du Te Deum, etc., avec Messieurs de Sainct Pierre.

  A015003812 

 En tel ordre sont entrés dans l'eglise de Nostre Dame, qui estoit paree tres richement, ainsy que sera declairé cy apres.

  A015003815 

 Premierement, a la premiere porte de l'entree de ladicte eglise, sçavoir celle qui est plus proche de la chappelle de Nostre Dame, au dessus de l'arcade reposoit l'image de la tres sacree Vierge Marie en bosse, et au dessoubz d'icelle estoit escript ce distique en grosse lettre jaune, estant ung anagramme faisant les premieres lettres des motz MARIA VIRGO:.

  A015003828 

 Le susdict distique entouré de lierre et de buis, qui estoit soustenu de quatre belles colonnes aussi de buys et de lierre, environnees d'ung papier feullaige de roze, avec l'arcade de ladicte porte de mesme parure, et a chasque costé ung cherubin.

  A015003831 

 Au dessoubz du couvert de ladicte porte, pres les degrez de l'Hostel de ville, par ou la procession fait son entree, estoit une Annonciade tres riche, et au dessoubz, aultre distique parlant a ceulx qui desiroient d'entrer:.

  A015003837 

 Et apres que mondict Seigneur a heu en main le tres sainct Corps de Jesus Christ, les deux chantres de Nostre Dame ont commencé Pange lingua, qui a esté chanté en musique par le cœur (chœur) de ladicte eglise, et celluy de Messieurs de Sainct Pierre chante le second verset dudict hymne; et ainsy successivement les ung (sic) apres les aultres, jusque a la fin d'icelle.

  A015003837 

 Puis la procession a continué a marcher, sçavoir: les Peres Capucins et tout le reste du clergé, sauf Messieurs de Nostre Dame et de Sainct Pierre, contre l'hostel (autel) de Nostre Dame, au devant la trille de fer duquel s'estant reposés, Monseigneur le Reverendissime seroit allé prendre le tres sainct et tres auguste Sacrement, qui a esté remis par ledict sieur Doyen, qui continuellement, despuis l'arrivee a ladicte eglise, luy a assisté avec les aultres assistans que dessus.

  A015003841 

 Oultre que ladicte chappelle, comme aussy tout le reste, estoit richement tapissee, sans seulement veoir cuing (coin), tant petit quil fut, qui ne fut couvert de tapisserie, et des plus belles, l'autel de ladicte chappelle estoit bien et devotement paré..

  A015003842 

 Au devant des personnages qui sont audict autel en bosse, estoit ung drap d'or qui leur arrivoit ung peu plus hault de la ceinture; le sainct siboire (tabernacle) revestu d'ung pavillon de toille d'argent, garny de ses escallins esclattans..

  A015003843 

 Au dessus de la corniche, qui estoit faicte a jour, estoit ung Jesus a bosse, revestu d'une chemise de toyle d'argent; au bas, a l'endroict [406] de ses piedz, ung pommeau, et deux aultres a chasque costé, et au bas d'icelle corniche, sçavoir entre les consoles dorees et argentees estoit escript ce distique en lettre d'or:.

  A015003849 

 Et estoit dressé ung autel, auquel pour y arriver, falloit monter six degrés, ausquelz ne paroissoit aultre que de feullaiges dorés et argentés, enrichis de diverses couleurs; et a chasque bout desdicts degrés, ung cherubin; et au marchepied de l'aultel, de chasque costé, deux vases grands de mayolica (faïence) blanche, remplis de diverses fleurs, notamment de passefleurs de Rome, qui sont jaunes.

  A015003849 

 L'oratoire estant dressé au jubé de ladicte eglise pres du sainct Crucifix, en lieu fort eminent, dressé d'une merveilleuse façon, sans que ledict Crucifix fut veu; fort bien, de la Vierge et de sainct Jean, la teste seulement et les mains, qui sembloient adorer le tres auguste Sacrement.

  A015003849 

 Le fons qui estoit pres de la voulte estoit bleu, parsemé d'estoilles, avec ung aultre parement de satin bleu estoillé, et au milieu, ung JESUS a façon de soleil..

  A015003851 

 Et entre la grande et les petites arcades estoient deux portes ouvertes, et au dessus ung fons despict (peint); chacune porte soustenue [407] avec lesdictes arcades, de quatre grandes colonnes argentees, a façon de chappiteau et a canaulx creux et de relief, et deux autres grandes plattes richement travaillees, ausquelles estoient le soleil et la lune en deux verres rond (sic), et aultres verres en triangle, et les aultres en long, qui rendoient une grande clarté.

  A015003851 

 Sur lesquelles plattes colonnes estoient deux cherubins revestus d'une robbe drap d'or, et sur deux colonnes d'argent, aultres deux cherubins revestus de robbes toille d'or et de soye viollette; et sur lesdictes aultres deux colonnes d'argent, estoient deux grandes fleurs de cartons couleurs, et au dessus desdictes arcades et portes estoit parsemé d'etoilles qui rendoient grande clarté.

  A015003864 

 Au tour de la grande arcade, qui estoit au devant le tres auguste et tres sainct Sacrement, estoient couchés ces mots, aussy en grosse lettre:.

  A015003877 

 Puis au dessoubz desdictes arcades, ou soit desdictes colonnes et pillastres, estoit ung tres riche tour de lict, travaillé sur gaze de diverses couleurs de soye, sans franges, qui estoit si long quil arrivoit d'ung but (bout) a l'aultre; et au milieu, ung tres beau Agnus Dei, et au dessoubz, douze Apostres.

  A015003893 

 Au milieu de l'arcade du milieu, pendoient les armes d'heureuse memoire Pape Clement, qui jadis s'appelloit Robertus de Gebennis; au milieu de l'arcade pres le clochier, pendoient les armes d'Illustrissime et Reverendissime Monseigneur Cardinal de Savoye, et au milieu de l'aultre et troisieme arcade, celles de Son Altesse et de Monseigneur.

  A015003893 

 Puis a costé de celle du milieu, deça et dela au dessus d'icelle, sçavoir aux deux sieges qui sont de pierre, deux anges revestus de rouge, les ailes dorees, tenans chascun ung chandellier d'argent ou estoient deux cierges de cyre blanche.

  A015003895 

 Et comme toutes les croix sont sorties de l'eglise, Messieurs de Nostre Dame sont pareillement sortis par le premier portai, avec leur croix et au mesme ordre que cy devant, et ont attendu aupres du Pont ladite procession qui passoit, saluans tout le clergé a mesure quil passoit, notamment Monseigneur le Reverendissime.

  A015003895 

 Et toute la nuyct l'eglise de Nostre Dame a esté ouverte et plaine de peuple, et sur les autelz, de chandelles pour esclairer les penitens et ceulx qui y abordoient..

  A015003899 

 Et portoit l'enseigne monsieur Jean Rogex, estant sergent honnorable Pierre des Roches, dict des Terres; et estoient en soldatz bien armés, davantaige de 200, sans les officiers, qui ont faict ung corps de garde devant l'Hostel de ville, oultre les quatre des quatre grandes portes..

  A015003900 

 Et aux cinq heures ont esté commencees les Matines par monsieur le doyen François de Lornay, avec le reste de l'Office de tout ce jour la, estant tousjours l'eglise remplie de peuple qui tachoit de se confesser; dont, pour le peu de confesseurs, plusieurs s'en sont allés confesser et communier a leurs parroisses, d'aultant que mondict Seigneur le Reverendissime, par ordonnance quil feit attacher aux portes des eglises, n'en commit la charge des confesseurs sinon a quatre sieurs chanoines de Sainct Pierre et a trois sieurs chanoines de Nostre Dame qui ne pouvoient souffire; estans lesdits quatre de Sainct Pierre: Reverends seigneurs Estienne de la Combe, Claude Grandis, Philibert Rogex et Janus des Oches; et les aultres, Jean Loys Jacques, Thomas Peyssard et Roux des Oches..

  A015003901 

 Et es aultres actions de musique, estoient meslees les trompettes, qui estoient en nombre de sept; n'estant a oublier que soudain que le Jubilé fut ouvert, le chasteau ne manqua a rendre son debvoir et de tirer des pieces de canons a la louange de nostre Createur, jusques a 40 coups.

  A015003902 

 Puis environ une heure, l'on a celebré Vespres, et apres, la predication par le Pere Capucin cy devant; et enfin, joyé (joué) une partie de l'histoire de la vie de Joseph, vers Sainct Mauris, sur ung theatre basti aux despens de la ville, et qui a duré deux heures et demye.

  A015003903 

 Et a esté continué la mesme devotion le jour de Nostre Dame, auquel ledict sieur Doyen a faict l'Office, saufz a la grand Messe, qui a esté celebré (sic) par Monseigneur le Reverendissime au grand autel, et a l'apres disné il a faict un tres rare sermon.

  A015003904 

 Ce qui a esté obmis, c'est que le cartier de Bœuf est entré en garde, [411] son enseigne desployee, portee par messire Humbert Falquet, conduict par noble Jean Jacques Demoliet, capitaine, et honnorable Petremand Jacquet, sergent, estans environ 250; dont arrivans devant l'Hostel de ville, a la salve qui a esté faict, a esté percer (sic) le drappeau d'ung coup de basle, et le cartier de la Perriere s'est retiré..

  A015003905 

 Et tous les cœurs des eglises assemblés en pareil ordre que celle cy devant, Monseigneur a prins le tres sainct Sacrement, puis marchand au mesme reng qu'a l'ouverture du Jubilé, la procession est partie par la grand allee de Nostre Dame, qui est allé (sic) vers le pré Chapuis, au coing Gouard; et puis revinrent a l'eglise, ou Monseigneur a remis le Sainct Sacrement au siboire de l'autel de Nostre Dame, et l'Ave Maria sonnee, la procession s'est retiree..

  A015003919 

 A la verité, s'il m'est permis de parler avec vous sans offenser personne, je ne sçay qui peut avoir conseillé S. A. S. de mander deux Ambassadeurs extraordinaires avec moy, pour demander une simple responce sur les poursuittes et propositions que j'ay desja faict cy devant a sept ou huict assemblees et dietes, suivant les commandements de S. A. S. Pour moy, j'estime sçavoir cette negociation mieux que mon Pater; s'il eut pleu a S. A. Sme de me laisser suivre mes dessins, possible luy aurois-je apporté quelque contentement.

  A015003919 

 Je suis bien asseuré qu'il y a deux personnages parmi le monde qui voudroient bien que je fusse ailleurs qu'en ce pais: je m'expliqueray un jour avec vous plus amplement..

  A015003919 

 Vous priant d'asseurer S. A. S. sur ma parolle, que je suis autant praticque des affaires de Suisse, autant aymé et cognu, que tel qui a demeuré en ce pais les cinq et six ans, au rapport que le seigneur Auditteur Valdengue en fera, s'il veut dire la verité.


16-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVI-Vol.6-Lettres.html
  A016000020 

 — Première entrevue du Saint et des «bonnes damoyselles» qui devaient concourir à la fondation du monastère de Lyon. 21.

  A016000021 

 — Trois vertus qui comprennent toute la dévotion.

  A016000032 

 Oraison funèbre de la première des filles du Saint, qui alla voir au Ciel ce que Dieu préparait aux autres. 31.

  A016000036 

 Un grand Saint qui a vécu à la façon des anciens Evêques Envoi de ses reliques. 34.

  A016000040 

 — Grands éloges d'un ami qui désirait entrer dans cette Congrégation. 37.

  A016000041 

 Une messagère qui vaut mieux que la meilleure lettre.

  A016000058 

 — Les «pauvres gens» servis comme frères et membres de Jésus-Christ, plus heureux que le «pauvre pere.» — Espérance qui consolait celui-ci de ne voir pas à son gré ses filles de la Visitation. 53.

  A016000065 

 Recommandation en faveur d'un gentilhomme qui avait ses biens en France. 59.

  A016000073 

 — Privilège de ceux qui sont à Dieu. 67.

  A016000077 

 Ce que souhaite le Saint et ce qui lui est indifférent; son humilité et sa modération.

  A016000078 

 Une lettre qui a consolé, embaumé l'âme du Saint.

  A016000086 

 — Circonstances qui aggravent la culpabilité des délinquants. 79.

  A016000087 

 Apologue du musicien devenu sourd, et la sainte musique d'une âme qui sert Dieu, sans joie, abandonnée entièrement au bon plaisir divin. 80.

  A016000088 

 Ce qui tenait occupé le Saint toutes les matinées; l'emploi meilleur qu'il aurait voulu en faire.

  A016000090 

 — Ce qui est plus efficace contre le mal que le ressentiment. 82.

  A016000090 

 — Comment parler des personnes qui nous ont fait tort.

  A016000091 

 — Le Traitté de l'Amour de Dieu l'empèche d'entreprendre un travail qui lui est proposé. 83.

  A016000113 

 — Ce qui lui vint au cœur de dire au Cardinal de Savoie.

  A016000118 

 — Ce qui tourmentait le plus François de Sales à leur sujet.

  A016000118 

 — Le courage «desreglé» des catholiques qui acceptent le duel.

  A016000132 

 — Propriétés de l'eau vive que l'on puise en Notre-Seigneur par la sainte oraison; erreur et malheur des familles religieuses qui ne s'appliquent pas à cet exercice.

  A016000132 

 — Un ignorant qui en sait plus que beaucoup de savants.

  A016000135 

 — L'idéal qui sied à une grande âme.

  A016000136 

 Témoignages de sympathie à un ambassadeur qui n'avait pas réussi dans sa mission.

  A016000137 

 «La mousse des exemptions.» — Une vertu qui vaut un procès de canonisation.

  A016000142 

 Un échange qui accommoderait infiniment les monastères de Saint-Dominique et de la Visitation; il se fera, si le prince de Nemours en témoigne le désir.

  A016000146 

 — Les Proviseurs sont priés d'agréer ce qui a été fait et de correspondre au désir du Saint. 133.

  A016000147 

 Dieu guide les âmes qui remplissent avec humilité quelque mission de sa Providence.

  A016000158 

 — Une besogne qui n'est pas déplaisante à son auteur.

  A016000163 

 Une première étape et la pensée de zèle qui donnait un élan joyeni an saint voyageur.

  A016000166 

 Réponse à donner à une personne qui combat une vocation.

  A016000169 

 Où réside la foi dans l'âme des saints qui sont tentés contre cette vertu.

  A016000189 

 —Bénédictions à la Fondatrice et à chacune de ses filles qui l'accompagnaient. 167.

  A016000190 

 — C'est l'invitation et la société d'Antoine des Hayes qui auraient ses préférences s'il pouvait aller prêcher à Paris.

  A016000193 

 — La présence du Saint-Sacrement, trésor de vie pour les maisons qui en jouissent. 171.

  A016000202 

 — Pourquoi, même à Sainte-Claire, François de Sales, en parlant de saint Joseph, n'a pas eu la ferveur qui lui est habituelle à la Visitation.

  A016000205 

 Soulèvement d'une paroisse qui refuse une partie de la dime au Chapitre de Genève.

  A016000208 

 Entremise du Saint pour faire rentrer en grace auprès du destinataire un parent qui l'avait offensé.

  A016000214 

 L'Evêque de Genève s'excuse de ne pouvoir accepter une proposition qui l'obligerait à résider en France.

  A016000218 

 Puissants désirs de servir le divin amour qui affluent dans le cœur du Saint.

  A016000223 

 — La seule chose qui nous mette en repos.

  A016000267 

 Avanthier je fus l'un de ceux qui firent l'ostension fort solemnelle du saint Suayre, ou Son Altesse me fit l'honneur de me tesmoigner beaucoup de bienveuillance en diverses occasions.

  A016000267 

 Je n'attens plus que d'avoir une bonn'audience d'elle, selon qu'elle me la promit a Trein, et une autre de Monseigneur de Nemours: et puis, me voyla de rechef a cheval pour retourner en ma pauvre petite coquille, qui m'est plus chere que tous les palais des grans Princes, desquelz les caressent ( sic ) m'obligent extremement, sans m'engager nullement..

  A016000302 

 Et moy, ma chere Fille, je vous escris encor plus courtement pour responce a vostre lettre du 5 de ce mois, tant pour mille petites affaires et visites que je reçoy, que pour la ferme esperance que j'ay de vous voir bien tost, resolu, Dieu aydant, de partir d'icy samedi ou Dimanche prochain, pour estre a Neci au jour de la sainte Pentecoste, puisque je n'arreste plus que pour l'affaire de ces pauvres bannis; car, quant [5] aux despeches, je laisseray le bon M. de Blonay qui, de bon cœur, demeurera pour les solliciter.

  A016000303 

 Je vous ay des-ja fait sçavoir que nous aurons madame la Duchesse de Mantoue, qui est la vertu mesme, pour nostre protectrice; mays il ne faut pas encor en faire du bruit, pour une rayson que je vous diray.

  A016000304 

 Caressés cordialement les messieurs qui s'en revont, en particulier M. Floccard.

  A016000304 

 Nous ramenerons vostre filz, qui, a la verité, a grand desir de s'employer a la guerre, si elle suit..

  A016000305 

 Je salue fort ma chere fille madame de Thorens, et M lle de Rabutin, qui est aussi ma fille; comme encor toutes celles qui sont autour de vous, que vous sçavés m'estre pretieuses plus qu'il ne se peut dire.

  A016000306 

 C'est luy qui sçait ce qu'il luy plaist que nous soyons, en la tres parfaite union qu'il a faite en luy mesme et par luy mesme.

  A016000319 

 Si vous sçavies, Monsieur, d'ou vient l'empeschement, vous admireries l'industrie du dœmon qui s'oppose a nos desirs..

  A016000320 

 Je vous diray ce mot en la confiance que j'ay de vostre prudence: M. Troüillouz, qui sert Son Altesse es affaires de France, dit a Thurin, sur le propos de la recherche qui a esté faite ci devant de me faire aller a Paris: C'est Charmoysi et le sieur des Hayes qui ont ce dessein, nul autre n'y eut pensé qu'eux.

  A016000321 

 Je treuve tres mauvaise la procedure du libraire qui a osé, sans rime ni rayson, mettr' un tiltre si impudent au livret de la Croix.

  A016000321 

 Mays, pour tout cela, je ne vous supplieray point de prendre la peyne de faire faire les deffences qui seroyent requises pour en empescher la debite, car ce vous seroit une trop grande importunité.

  A016000322 

 «Je hay l'architecteur qui, privé de rayson,.

  A016000325 

 J'escris a madame de Charmoysi, qui vous fera sçavoir ce qui en est et l'advis que je luy donne, puisque je suis pressé de finir..

  A016000326 

 Monsieur, je suis plus qu'homme qui vive,.

  A016000329 

 qui vous souhaite, et a madame vostre chere moytié, tout le bonheur du Ciel et de la terre..

  A016000344 

 Les mains d'un si digne porteur vous rendront, je m'asseure, ce papier aggreable, outre la faveur maternelle delaquelle vous recevés tout ce qui vous est presenté de ma part.

  A016000345 

 Au demeurant, Madame ma chere Mere, il faut bien que je me res-jouisse avec vous de la consolation que vous aves de vous voir assistee et accompaignee d'une nouvelle bonne et bellefille, et que je vous conjure de luy [11] ordonner qu'elle me reçoive en sa bonne grace, comme un de vos enfans plus humbles qui est, outre cela,.

  A016000359 

 Et me voyci donq au pres de ma tres chere Mere, moy mesme sans autre, avec tesmoignage de tous ceux qui me voyent que je me porte fort bien.

  A016000360 

 Dieu vous donne le bonsoir, ma tres chere Mere, a qui je suis de tout mon cœur en Nostre Seigneur.

  A016000368 

 Dormes doucement sous la fraich'ombre des aisles du celeste Colombeau, qui soit a jamais nostre paix et protection.

  A016000390 

 Celles d'humilité, de modestie et de douceur sont celles qui comprennent toute la tres sainte devotion.

  A016000391 

 Vous estes bien heureuse d'avoir un mary si chrestien comme est celuy que Dieu vous a donné en sa debonnaireté, car le joug du Sauveur, qui est en soy si doux et suave, le devient encor davantage quand deux le portent ensemblement..

  A016000404 

 Suivés l'esprit de vostre Compaignie, qui fleurit en tant de lieux et despuis un si long tems en pieté..

  A016000411 

 O Dieu, ma tres chere et unique Mere, aymons parfaittement ce divin objet qui nous prepare tant de douceur au Ciel; soyons bien tout a luy, et cheminons nuit et jour entre les espines et les roses, pour arriver a cette celeste Hierusalem..

  A016000413 

 Helas! ma tres chere Mere, que la vanité fait de tort a ces chetifz petitz espritz, qui ne se connoissent pas et se mettent entre les hazars! Mais pourtant, comme vous sçavés, en bien remonstrant, il faut user d'amour et de douceur; car les advertissemens font meilleure operation comme cela, et autrement on pourroit detraquer ces cœurs un peu foibles.

  A016000423 

 Despuis, je ne l'ay point veuë, sinon a son despart pour Belley, qu'elle vint ceans, mais en une occurrence qui m'empescha de luy pouvoir parler a souhait parce que j'estois plein de gens..

  A016000424 

 Dieu a caché le secret des choses a venir aux hommes, et si nous ne devions servir sinon les ames qui doivent perseverer, nous serions bien en peyne comme les discerner d'avec les autres.

  A016000424 

 cecy affin que vous sçachies respondre doucement a ceux qui murmurent..

  A016000426 

 Mais vous, ma tres chere Fille, vives tous-jours toute a Dieu, qui vous y a tant obligee par les graces et instructions quil vous a departies; et je suis, d'un cœur parfait,.

  A016000449 

 Revu sur l'Autographe qui se trouvait à Lyon, chez les RR. Pères Jésuites,.

  A016000456 

 Faites voir, je vous prie, ces lettres a nostre madame des Gouffier, et les voyes vous mesme; c'est affin qu'elle considere si je dis bien au P. Grangier selon ce qui s'est passé..

  A016000468 

 Vous estes absolument dame de tout ce qui est en mon pouvoir; tout ce que vous m'envoyerés sera retiré et gardé soigneusement.

  A016000498 

 La nouvelle peyne en laquelle le sieur de Charmoysi se treuve a cause du danger de peste qui l'environne, [29] ains le presse dedans sa mayson mesme me fait encor une fois supplier tres humblement Vostre Grandeur de m'envoyer l'ordre quil vous a pleu, Monseigneur, de m'accorder pour sa liberté, affin qu'il puisse au plus tost s'oster de cette mayson suspecte et, apres sa quaranteyne, s'esloigner de ces perils..

  A016000520 

 Mes freres sont tous vos serviteurs et se rendront tous-jours pour vous suivre par tout; mais voyla Bernardet qui me dit qu'il n'est plus tems pour ce coup, puysque Son Excellence part soudain apres disné, estant arrivee des ce soir passé..

  A016000521 

 Nous sommes icy en occupation pour telles petites observations, et cela me tient lieu de [32] mortification, car en verité, j'aurois bien d'autres choses a faire qui seroyent plus utiles..

  A016000551 

 Je luy conferay ses derniers Sacremens, mais je n'eus pas la consolation de la voir expirer; et certes, c'eust esté avec suavité que j'eusse receu les derniers souspirs de cette premiere de mes filles qui est allee voir au Ciel ce que Dieu reserve et prepare aux autres..

  A016000560 

 Je prie Nostre Seigneur, qui est l'Aigneau que nostre grand saint Jean nous monstra, qu'il vous reveste toute de la tres sainte laine de ses merites, ma tres chere [35] Mere, ma Fille.

  A016000560 

 O Dieu, quelle admirable pureté de cœur, quelle indifference a toutes choses en cet admirable ange humain, ou homme angelique, qui semble n'aymer quasi pas son Maistre pour l'aymer davantage et plus purement.

  A016000571 

 Elle me prie fort particulierement de vous saluer de sa part, et je le fay en vous saluant moy mesme de la part de mon cœur qui vous souhaite mille et mille benedictions, comme fait M me de Chantal..

  A016000571 

 Je receu il y a trois jours une lettre de la petite cousine, qui a rencontré autant de bonheur dela, que son mari de rigueur par deça.

  A016000586 

 Ce sera moy, si je puis, qui le premier vous annonceray, ma tres chere Fille, l'arrivee du bienaymé Celse [37] Benine.

  A016000587 

 Que je suis marri de ne pouvoir estre tesmoin des caresses quil recevra d'une mere insensible a tout ce qui est de l'amour naturel, car je croy que ce seront des caresses terriblement mortifiees.

  A016000597 

 Je ne pouvois pas, ce me semble, vous offrir chose plus aggreable, Madame, ni qui tesmoignast mieux a Vostre Grandeur qu'en mon voyage j'ay eu memoire de recommander a la divine Majesté vos vœux et souhaitz par l'intercession de ce grand Serviteur de sa gloire..

  A016000597 

 La commodité d'une si digne porteuse m'a donné le courage de vous presenter des reliques que j'ay aportees de Milan, du grand saint Charles Borrhomee, saint qui a vescu en ce mesm'aage auquel nous sommes, mais a la façon de ces anciens Evesques sous lesquels l'Eglise a tant fleuri.

  A016000613 

 Vous sçaures toutes autres nouvelles par monsieur l'Abbé et par la lettre de Jaques, lequel est esperdument amoureux, et qui le voudroit ouïr, il seroit occupé jour et nuit au discours de sa passion.

  A016000630 

 Je suis bien ayse qu'elle aille, soit pour revenir, soit aussi... Son filz est a la Thuille, mays qui reviendra aujourd'huy.

  A016000630 

 M. de Blonnay est icy, qui y va voir sa maistresse, et je luy donneray vostre lettre pour la chere seur..

  A016000643 

 Je l'accompaigne de ma supplication envers vous, affin qu'il [43] vous playse le recevoir avec cette charité qui vous a consacré au service de Dieu des vostre jeunesse et que je prie Dieu ne vous abandonner jamais..

  A016000655 

 Et cependant, Monsieur, voyla le sieur de N., mon grand amy, mays, ce qui importe, grand serviteur de Dieu, homme doux, gracieux, humble, fort sincere, fort gentil et devot praedicateur, [44] qui va offrir sa vie et son service a la Congrégation.

  A016000670 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma tres chere et bienaymee Fille, a qui je suis tout dedié.

  A016000679 

 La justice et bonté de Vostre Grandeur luy suggereront qu'elle ne nous peut esconduire en une si juste et civile supplication, qui ne tend qu'a nous conserver en sa bienveuillance.

  A016000681 

 Vostre Grandeur, qui est bonne, juste et douce a chacun, ne me sera pas, sil luy plait, ni aspre, ni rigoureuse.

  A016000694 

 Comme je vous donnay connoissance de ce petit voyage de Gex, aussi veux-je donner advis a Vostre [47] Excellence de mon retour, et qu'hier, environ les trois heures que j'en partis, je laissay le baillif de Nion et quelques autres Bernois qui vindrent prier monsieur le Grand de France de faire revenir ses trouppes, attendu qu'ilz estoyent asseurés que vous, Monsieur, ne desarmies point et que les trouppes piemontoises et espagnoles passoyent les mons. A quoy monsieur le Grand respondit quil les remercioit de l'advertissement, mays qu'avant que rien remuer, il attendroit M. d'Amanzé, quil avoit envoyé par deça aupres de Vostre Excellence, pour apprendre ce qui est du desarmement.

  A016000695 

 Au reste, il est impossible que ceux qui ont veu lhonneur et le respect que ce seigneur porte au nom de Son Altesse s'en puisse ( sic ) taire.

  A016000695 

 Il a couché ce soir a Saint Claude, ce matin il y a fait ses Pasques, ce soir il couche a Chatillon; Dimanche il doit estre a Belley pour l'accommodement de quelque difficulté publique, et sa compaignie, qui estoit la derniere demeuree a Gex, se retire du costé de Bourgoigne.

  A016000712 

 Mon Dieu, ma tres chere Mere, quand vous m'escrivistes que vous esties une pauvre abeille, je pensay que je ne le voudrois pas tandis que vos secheresses et afflictions interieures durent; car ce petit animal, qui en santé est si diligent et pressant, perd le cœur et demeure sans rien faire tout aussi tost qu'il est malade.

  A016000713 

 Appuyés vostre esprit sur la pierre qui estoit representee par celle que Jacob avoit sous sa teste quand il vit sa belle eschelle, car c'est celle la mesme sur laquelle saint Jean l'Evangeliste se reposa au jour de l'exces de la charité de son Maistre Jesus.

  A016000724 

 Is censetur rationibus veris moveri ad episcopatum deponendum, qui bona fide suum de se judicium suum de deponendo episcopatu, desiderium suasque denique quibus nititur rationes, vel consilio prudentium, vel saltem judicio superiorum paratus est submittere, ac in utramque partem eadem alacritate suum obsequium conferre..

  A016000725 

 Qui enim confidunt in Domino, assument pennas velut aquilae, volabunt et non deficient; deficientes autem, quemadmodum fumus deficient, et qui ad sarcinas formidolosus revertitur, otium quidem habet, sed non majorem quam qui praeliatur securitatem..

  A016000725 

 Ratio est, quia dum in procuranda oneris depositione [52] tempus impenditur, vix ac ne vix quidem satis in eo sustinendo satis operae insumitur; ut qui de repudianda uxore cogitat, vix interim de ea recte diligenda sollicitus est.

  A016000731 

 Celui-là est censé s'inspirer de raisons sérieuses, qui, de bonne foi, est prêt à soumettre, soit au conseil d'hommes sages, soit du moins à l'appréciation des supérieurs, son avis personnel sur le fait de quitter l'épiscopat, son désir et les raisons de ce désir, et qui, en même temps, est disposé à se ranger avec une égale promptitude au pour et au contre..

  A016000732 

 Car ceux qui se confient dans le Seigneur prendront des ailes comme l'aigle; ils voleront et ne defailliront pas; ceux au contraire qui perdent courage, s'évanouiront comme la fumée.

  A016000732 

 Le soldat qui décampe tout tremblant, trouve sans doute le repos, mais pas autant de sécurité que celui qui combat..

  A016000732 

 Tel un homme qui songe à répudier sa femme; il ne s'inquiétera pas, en attendant, de l'aimer comme il devrait.

  A016000749 

 Je n'ay sceu non plus l'escrire moy mesme, mais ceux qui l'ont escrit n'ont point de connoissance de l'usage auquel je l'ay dedie..

  A016000749 

 Le tout est a la bonne foy, sans art ni couleur; car ces matieres n'en veulent point, la simplicite leur servant de beaute, comme a Dieu qui en est l'autheur.

  A016000749 

 Parmi les lassitudes et autres ressentimens que la maladie m'a laysse, j'ay dresse le Memorial qu'il vous [55] avoit pleu desirer de moy, et ay voulu y adjouster un abbrege, affin qu'il vous fust plus commode en vos confessions de le porter et voir, le grand vous demeurant comme en reserve pour y avoir recours en vos difficultes et en tirer l'esclarcissement de ce qui se treuveroit obscur en l'abbrege.

  A016000750 

 Beni soit Dieu eternellement de la bonte qu'il exerce envers vostre ame, Monsieur, l'inspirant si puissamment a la resolution de consacrer le reste de vostre vie mortelle au service de l'eternelle: vie eternelle qui n'est autre chose que la Divinite mesme, entant qu'elle vivifiera nos espritz de sa gloire et felicite; vie, seule vraye vie et pour laquelle seule nous devons vivre en ce monde, puisque toute vie qui n'aboutit pas a la vitale eternite est plustost une mort qu'une vie.

  A016000753 

 Oh! si vous pouviés doucement decevoir vostre chere ame, Monsieur, et en lieu que vous aves entrepris de communier tous les moys un an durant (mais un an de douze moys), quand vous auries achevé le douziesme vous y adjoustassiés le treiziesme, puis le quatorziesme, puis le quinziesme, et que vous allassiés ainsy poursuivant de moys en moys, quel bonheur a vostre cœur, qui, a mesure qu'il recevroit plus souvent son Sauveur, se convertiroit aussi plus parfaitement en luy.

  A016000765 

 O Dieu, Seigneur Jesus, pour qui seul je desire nostre vie, et a qui je me resigne pour nostre mort, vostre volonte soit faite!.

  A016000766 

 Je prie la Vierge Marie qu'elle vous tienne en la protection de sa pitoyable maternite, et vostre bon Ange et le mien, quil ( sic ) soyent vos conducteurs, affin que vous arrivies en prosperite entre les accueilz de ce pauvre tres unique pere et de vos cheres filles, qui tous vous attendrons ( sic ) avec mille souhaitz, et particulierement moy qui vous suis en Nostre Seigneur ne plus ne moins que vous mesme..

  A016000777 

 J'escriray un memoyre court, mais qui vous sera, comme je pense, utile; bien qu'hier je dis a monsieur Ouvrier mon advis clairement, par le moyen duquel il aura changé d'opinion, mesme quil emporta un des livres qui faysoyent a ce propos.

  A016000800 

 Sur tout, il y en a une qui m'a esté d'extreme consolation, y voyant les marques de la parfaite confiance que vous aves en moy, par la communication des accidens et troubles de vostre chere ame.

  A016000801 

 Helas! cet unique sage du monde, Salomon, qui avoit tant fait de merveilles en sa jeunesse, se tenant fort asseuré de la longueur de sa vertu et de la confiance de ses annees passees, lhors qu'il sembloit estre hors des escalades, il fut surpris de l'ennemi qu'il avoit le moins a craindre, selon le cours ordinaire.

  A016000805 

 Que si quelquefois le livre vous manque, faites vostre orayson dessus quelque mystere fertile, comme sont ceux de la Mort et Passion, le premier qui se presentera a vostre esprit..

  A016000805 

 Reparés ce defaut par les frequens eslancemens de vostre cœur en Dieu, lisés souvent et peu a la fois quelque livre bien spirituel, faites des bonnes pensees en vous promenant, priés peu et souvent, offrés vos langueurs et lassitudes a Nostre Seigneur crucifié; et quand vous seres delivree, reprenés tout bellement vostre train et assujettissés-vous a suivre les matieres de quelque livre propre a cela, affin que [64] venant l'heure de l'orayson, vous ne demeuries pas esperduë comme celuy qui a l'heure du disner n'a rien de prest.

  A016000813 

 Ce porteur est trop fidele pour le laisser partir sans que je luy donne ces quatre motz qui vous asseureront, sil vous plait, de la continuelle souvenance que j'ay de mon devoir filial envers une si bonne mere comme vous m'estes.

  A016000829 

 Qu'eussies-vous fait de plus, sçachant le mal que j'avois? car, comme je voy, vous pries tous-jours Nostre Seigneur-pour moy, qui reciproquement ne manque jamais a vous faire part des chetifves oraysons et de la tressainte Messe que je celebre.

  A016000831 

 Or sus, demeurés en paix devant Nostre Seigneur, qui vous ayme il y a si long tems, vous donnant sa tres sainte crainte et le desir de son amour.

  A016000832 

 Je voudrois avoir un bon marteau pour esmousser la pointe de vostre esprit, qui est trop subtil es pensees de vostre advancement.

  A016000832 

 Ne craignés donq plus, et ne soyés plus a picoter sur vostre chere conscience; car vous sçaves trop bien qu'apres vos diligences, il ne vous reste plus rien a faire autour de luy, qu'a reclamer son amour, qui ne desire de vous que le vostre..

  A016000833 

 Je fay incessamment mille souhaitz de benediction sur vous; et sur tout, que vous soyes humble, douce et toute succree, et que vous facies proffit de vos peynes, les acceptant amoureusement pour l'amour de Celuy qui, pour l'amour de vous, en a tant souffert..

  A016000844 

 Il y a la, nombre suffisant de fort bons pasteurs et de bons Peres Capucins qui, n'estans point ouÿs des hommes, sont veus de Dieu, lequel sans doute aggree bien leur sainte inutilité presente, laquelle il recompensera par apres d'une moisson plantureuse, et s'ilz sement en pleurs, recueilleront en joÿe..

  A016000857 

 A quoy m'assurant vous appourteres tout' aide et faveur, je me remetz pour le reste a ce qui vous sera representé par le sieur Surveillant, auquel j'ay envoyé l'ordre que je desire estre tenu..

  A016000857 

 Voyant l'extreme indigence que les Dames de Sainte Claire de cette ville ont d'estre secourues promptement pour empecher une totale ruyne des bastimens de leur monastere, ce qui ne se peut faire qu'avec une grande somme de deniers, laquelle ne peut estre tiree d'une seule bourse, j'ay advisé de faire inviter, tant les gens d'Eglise que les peuples, de contribuer a cett' intention, un chacun selon ses facultés et devotion, quelqu'aumosne [71] et liberalité.

  A016000873 

 Si ces pauvres qui luy ont parlé sont de la terre ou du Ciel, je ne sçai, Dieu le sçait; mais je sçai bien qu'ilz luy ont parlé le langage de Jesus Christ et de saint Jean escrivant aux Evesques d'Ephese, de Smyrne, de Pergame, de Thyatire, de Sardes, de Philadelphie et de Laodicee..

  A016000909 

 Certes, j'aymerois bien ce mal qui, estant si petit, m'apporteroit tant de consolation; je n'en voudrois vrayement jamais guerir a ce conte, non pas mesme quand ma Mere seroit venue et qu'elle vous auroit amenee avec elle..

  A016000910 

 Ma tres chere Mere et ma tres chere fille passeront modestement et non gueres loin du logis de ce pauvre pere et filz, sans y entrer et sans le voir, et iront tout droit servir ces pauvres gens qui ne leur sont vrayement ni filz ni pere, mais qu'elles regardent comme freres et membres de Jesus Christ.

  A016000910 

 Mais cependant, puisque vous ne pouves panser cette jambe, pensés un peu a ce cœur de vostre pauvre et chetif pere; priés bien pour luy qui, reciproquement, vous souhaite mille et mille benedictions..

  A016000910 

 Mays, ma tres chere Fille, comme vous sçaves, cela [76] ne doit pas estre ainsy, car encor que l'innocence de ces cœurs de pere et de fille n'ayent pas besoin en leur candeur de tant de retenue, si est ce qu'il faut souffrir celle que l'aigreur des autres cœurs requiert, et que le pauvre pere, tout pauvre pere qu'il est, demeure sans estre visité par ses filles, voire par sa tres chere Mere, sinon qu'il ayt quelque mal qui puisse, par sa grandeur, meriter ce grand bien.

  A016000911 

 Un jour nous nous verrons tous ensemble en cette eternelle liberté de l'amour qui n'aura plus de bornes ni de fin, ni d'autres limites que celles de son immensité..

  A016000921 

 Ma tres chere Cousine, sachés que je vous escris le cœur plein de desplaysir pour la perte que j'ay faite, mais plus encor pour l'imagination vive que j'ay du coup [78] que le vostre recevra, quand il entendra les tristes nouvelles de vostre viduité si prompte, si inopinee, si lamentable! Que si la multitude de ceux qui auront part a vostre regret vous en pouvoit diminuer l'amertume, vous en auries tantost bien peu de reste; car nul n'a conneu ce brave chevalier decedé, qui ne contribue une particuliere douleur a la reconnoissance de ses merites..

  A016000922 

 Ce fut Dieu, ma tres chere Cousine, qui vous donna ce mari, c'est luy qui l'a repris et retiré a soy; il est obligé de vous estre propice es afflictions que les justes affections, lesquelles il vous avoit eslargies pour vostre mariage, vous causeront meshui en cette privation..

  A016000922 

 Mais, ma tres chere Cousine, tout cela ne vous peut point soulager qu'apres le passage de vostre plus fort sentiment, pendant lequel il faut que ce soit Dieu qui soustienne vostre esprit et qui luy soit refuge et support.

  A016000924 

 J'en supplieray sa divine Majesté, et contribueray au repos de l'ame du cher trespassé plusieurs saintz Sacrifices; et a vostre service, ma tres chere Cousine, je vous fay tres sincerement offre de tout ce qui est a mon pouvoir, sans aucune reserve, car je suis et veux encor plus puissamment que jamais, faire profession d'estre,.

  A016000953 

 En sorte que ce qui se boit apres la Communion par le peuple, ce n'est pas le sang du Sauveur, mais seulement du vin qui se prend pour laver la bouche et faire plus entierement avaler le precieux cors et sang des-ja receu en la tressainte Communion.

  A016000953 

 Or, elle ordonne que les lays reçoivent la Communion es especes du pain seulement, esquelles ilz participent neanmoins parfaittement au cors et sang de Nostre Seigneur, tout autant comme s'ilz le recevoyent encor sous l'espece du vin, puisque ce mesme Sauveur a dit: Qui me mange, il vivra pour moy; et: Qui mange ce pain, il vivra eternellement.

  A016000954 

 Et quant au Mariage, il n'est pas raysonnable de le celebrer ailleurs que devant l'autel, puisque c'est un Sacrement si grand, et que ceux qui le reçoivent ne sont pas hors de l'Eglise, comme les petitz enfans qu'on apporte au Baptesme, ains sont des-ja baptizés et, par consequent, introduitz en l'Eglise et a l'autel..

  A016000955 

 Laissés vous donq conduire, mes Amis et Freres, comme bonnes brebis, a ceux qui, sous mon authorité et celle du Saint Siege Apostolique, vous ont esté donnés pour [82] pasteurs; et Dieu vous benira, ainsy que je l'en prie, estant de tout mon cœur,.

  A016000965 

 Je ne sçai, ma tres chere Mere, si monsieur le premier President a traitté avec vous pour toute la somme que monsieur de Duzonche devoit, car je ne m'en resouviens pas; et neanmoins on me le demande de Foucigni, certains qui doivent traitter avec ledit sieur de Duzonche et a qui il importe..

  A016000968 

 Revu sur l'Autographe qui se trouvait à Evian, chez les RR. PP. Missionnaires de Saint-François de Sales.

  A016000974 

 Elle ne favorisera jamais homme qui vive avec plus de fidelité et d'affection a son service que moy, qui espere et attens de voir encor bien tost l'acces a cette ville ouvert a ces deux gentilzhommes; car la bonté et equité de Vostre Grandeur, Monseigneur, pressera et sollicitera son cœur a le faire, sans qu'aucune autre entremise y soit necessaire..

  A016000991 

 Maintenant il se presente un'occasion de luy faire avoir l'eglise et le prieuré du Sepulcre, par la resignation [85] de celuy qui en est prouveu.

  A016000991 

 Mays, Monseigneur, avant toutes choses, le bon playsir de Vostre Altesse est requis, lequel ledit Chapitre la supplie tres humblement de luy ouctroyer, comm'un'aumosne a des pauvres bannis et dejettés de leur siege par les ennemis de Dieu et de Vostre Altesse Serenissime; laquelle, certes, pour cela ne les rendra pas riches, puisque ledit prieuré n'est que de cent ducatons de revenu, mais elle les accommodera beaucoup, ce benefice estant en cette ville et [86] fort a la bienseance de cette compaignie qui ne cessera jamais, non plus que moy, de souspirer et aspirer devant la divine Majesté jusques a ce que, sous les auspices de Vostre Altesse, elle retourne en son ancien sejour..

  A016001006 

 Et je l'accompagne par cet escrit, comme tesmoin oculaire de la perpetuelle et invariable fidelité, et de feu son pere et de luy, envers la couronne de Vostre Altesse, parmi tant de divers accidens qui ont tiré leurs biens hors de sa sujettion..

  A016001021 

 Et bien que l'insuffisance et la petite mediocrité des moyens de mes freres leur empesche la reception du bien et de lhonneur que vous leur desires, si est ce que la proposition seule né leur peut estre que fort desirable, car elle donnera, pour le moins, quelque commencement de bonn'impression d'eux au Prince; et eux, donques, et moy vous sommes extremement obligés, Monsieur, par cette nouvelle obligation qui nous rend tous-jours plus vos serviteurs..

  A016001022 

 Au demeurant, quoy que cette nouvelle legation que Son Altesse vous impose ayt beaucoup de charges, ell'a aussi beaucoup d'honneurs; entre lesquelz celuy la, d'estre envoyé comme reparateur des desordres et manquemens qui sont survenus en son service, me semble fort grand et digne qu'il vous soit deferé.

  A016001025 

 Nous avons eu M. le Marquis de Lans, qui revient demain de La Roche icy..

  A016001026 

 Ce sont toutes nos nouvelles, au moins les miennes, de moy, qui vis hors des affaires et du commerce de ceux qui les manient.

  A016001042 

 Mays, a parler de cœur a cœur entre nous deux, il a un esprit attaché a ses imaginations, qui sont trop grandes et disproportionnees a ses forces et a sa capacité, laquelle n'est pas de gouverner, mais d'estre gouverné.

  A016001042 

 Or, tout ce qui l'endommage, est que son esprit est si fertile en pensees et projetz, quil ne se peut contenter.

  A016001057 

 Cependant, ces freres vous porteront ces quatre motz, par lesquelz je vous salue avec tout l'amour et lhonneur qu'un frere le plus aymant peut rendre a une seur la plus aymee, et vous envoye un chapelet de ceux qui ont touché les reliques de saint Charles, n'ayant rien apporté de plus praecieux de ce pais-lâ.

  A016001057 

 Je ne l'ay encor pas quittee [92] du tout, mays ce tems pourtant, qui s'est si fort raffroydi, allentit aussi un peu cett'attente.

  A016001058 

 Je n'oublie pas de parler a mes freres de vostre desir, mais mon frere de Villaroget, qui doit adjuster l'affaire, est tous-jours long en toutes choses; je presseray neanmoins, affin que vous ayes le cœur content.

  A016001071 

 Cette seur ne s'en ira pas sans vous porter ce petit bon soir que je vous donne, ma tres chere Fille, avec tout mon cœur qui est tout vostre.

  A016001073 

 Vous me demandiés l'autre jour des nouvelles de la chere cousine, mais je n'en ay nulle, sinon par une lettre de Monsieur l'Evesque de Montpellier, du 22 octobre, qui me dit simplement qu'elle estoit encor en Normandie; mais maintenant qu'elle a receu des lettres de [94] monsieur son mary qui la rappellent de deça, je croy qu'elle est a son despart, ou par chemin..

  A016001083 

 Je n'ay pas eü le bien de voir monsieur de Rogemont, mais je ne laisse pas de sçavoir que vous aves esté affligee [95] a rayson de certain pasquin qui a couru par dela.

  A016001084 

 Le mal de la calomnie ne se guerit jamais si bien que par la dissimulation, en mesprisant le mespris et tesmoignant par nostre fermeté que nous sommes hors de prise, principalement en matiere de pasquins; car la calomnie qui n'a ni pere ni mere qui la veuill'advouer, monstre qu'ell'est illegitime..

  A016001085 

 A qui a renoncé au monde, rien de ce qui se passe de la part du monde ne peut nuire.

  A016001085 

 Jettes vous au ( sic ) pieds du Crucifix, et voyes combien d'injures il reçoit; supplies-le, par la douceur avec laquelle il les a receües, quil vous donne la force de supporter ces petitz brins qui, comm'a sa servente juree, vous sont tumbés en partage.

  A016001086 

 Mays les ames qui, comme vous, n'ont pas cette commodité, peuvent prendre celle de quelqu'autre confesseur, le plus discret et sage qu'elles treuveront..

  A016001086 

 Or il est vray quil seroit plus a propos de faire cette reveüe devant celuy qui auroit des-ja receue la confession generale, affin que par la consideration et rapport de la vie precedente a la suivante, on peut mieux prendre les resolutions requises; et en toutes façons cela seroit plus desirable.

  A016001087 

 Par exemple: vous ne deves pas enquerir combien de fois vous seres tumbee en cholere, car peut estre y auroit il trop a faire; mais simplement vous dires si vous estes sujette a ce desreglement, si lhors quil vous arrive vous y demeurés engagee longuement, si c'est avec beaucoup d'amertume et de violence, et en fin quelles sont les occasions qui vous y provoquent le plus souvent: si c'est le jeu, la hautaineté ou orgueil, si c'est la melancolie ou opiniastreté.

  A016001088 

 De sorte que ces reveües annuelles sont grandement salutaires aux espritz qui sont encor un peu foibles; car si bien les premieres resolutions ne les ont pas du tout affermis, les secondes et troysiesmes les affermiront davantage, et en fin, a force de se resoudre souvent, on demeure tout a fait resolu.

  A016001096 

 Mays je viens d'apprendre de plus, que si vous n'acquiesces a cette volonté tant pressante de Monsieur, Son Altesse vous mandera et fera aller recevoir ses commandemens en Piemont, ou si je sçavois que vous peussies effacer les faux entendre sur lesquelz cette persecution vous est faitte, je serois bien ayse que vous allasies; mais je crains, qu'outre la despense, vous ne recevies des nouveaux desplaysirs, car homme d'honneur m'a dit, il ny a pas 24 heures, qu'il sçavoit fort bien qu'en cas que vous vous opposies davantage, on vous fera une nouvelle attaque sur le nom de Gex, lequel ilz presupposent avoir esté pris par vous, quoy que ce soit un nom de prince et d'une terre qui estoit dependante de la couronne de Savoÿe..

  A016001097 

 Ce sont, a la verité, des estranges et tres malignes passions qui enfantent ces recherches; mays, puis qu'il n'y a remede, je persevere a croire que le meilleur sera [99] de se mocquer de tout ceci, tesmoigner que ni vostre honneur, ni l'estime que les gens de bien font de vous ne depend ni du gravement, ni du razement de ces armoyries.

  A016001097 

 Mays il faudroit faire cela sans monstrer ni contre cœur ni desplaysir, car faysant cela, vous feries deux choses: l'une, que Monsieur connoistroit tant plus tost le tort qu'il permet vous estre fait par la trop grande creance quil a en vos hayneux; l'autre, que ceux qui vous pensent fascher n'en auroyent pas le goust qu'ilz s'en promettent, quand ilz verroyent que vous vous mocques et mesprises leurs attaques et les effets de leurs efforts.

  A016001098 

 Voyla mon advis, et vous asseure que si l'on faysoit le mesme tort qui vous est fait, a mes freres, je m'en rirois et voudrois [avoir] tant de courage que de mespriser le mespris et me moquer d'une si maigre vengeance; car en fin, tous les gens d'honneur voyent bien qu'on vous recherche par pure passion, et que le tems ne porte pas qu'on puisse treuver du remede a ce mal, et qu'en somme, il faut ceder aux volontés des puissances superieures, et qu'en somme, il ni va ni peu ni prou de vostre honneur.

  A016001112 

 Ce n'est pourtant que pour vous saluer et tesmoigner que je vous souhaite bon voyage, avec toute sainte consolation, et encor a toute vostre barque, ce pendant que nous [101] irons attendant les saintz jours de l'Advent de Nostre Seigneur, qui nous preparera beaucoup de benedictions, si nous luy preparons bien nos cœurs..

  A016001127 

 Ceux qui sont a Dieu treuvent par tout ce qui leur est cher..

  A016001150 

 Pour celles-ci, en effet, en cas de pauvreté, il y a beaucoup à pâtir dans cette ville, avec seulement un pauvre hôpital qui n'a pas le moyen de leur faire de grandes charités.

  A016001152 

 Dans ce but, il serait nécessaire: Premièrement, que Votre Altesse déclarât par lettres patentes ou par lettres privées, qu'elle reçoit et prend sous sa protection cette Congrégation, et chacune des Sœurs ou Dames qui la composent maintenant et qui la composeront à l'avenir..

  A016001154 

 Elle ne prétend pas non plus avoir jamais de revenu, si ce n'est pour l'entretien des bâtiments, de la sacristie, de l'aumônier et pour payer le médecin, soit avec des rentes annuelles, soit par d'autres moyens qui ne chargent personne et qui n'apportent aucun empêchement aux impôts ou tailles du Sérénissime Duc.

  A016001154 

 Et si, comme on l'espère, cette Congrégation se trouve dans quelques années pourvue d'un revenu suffisant pour les dépenses ordinaires, les veuves déchargées de leurs enfants et les vierges qui voudront servir Dieu notre Seigneur dans la chasteté, l'obéissance et la piété, pourront le faire très facilement, puisqu'elles y seront admises moyennant une simple pension assignée par leurs familles, leur vie durant..

  A016001156 

 Votre Altesse aura par ce moyen toujours droit à la meilleure part de toutes les bonnes œuvres qui se pratiqueront dans la Congrégation et l'oratoire, mais particulièrement aux prières de ces Dames qui, jour et nuit, invoqueront l'Esprit-Saint pour l'éternelle consolation de Votre Altesse..

  A016001166 

 Pour moy, apres mon premier sentiment pour la douleur d'une seur si praetieuse et aymable, je me roydis, et dis que jamais la calomnie qui a honte de marquer son pere, ne fut ni forte pour durer, ni active pour entrer dedans l'esprit des gens qui en ont tant soit peu, et n'arrivera jamais que nostre seur, tant environnee de vertu et de reputation, puisse estre blessee par la mesdisance..

  A016001181 

 Ouy, ma tres chere Mere, remettés bien vostre cœur entre les mains de nostre chere Maistresse, qui sera conceuë ce soir en la commemoration que nous en ferons, et je le luy demanderay; car, ma chere Mere, je suis bien resolu de ne vouloir plus de cœur que celuy qu'elle me donnera, cette douce Mere des cœurs, cette Mere de saint amour, cette Mere du cœur des cœurs.

  A016001192 

 Mais je dis plus, et le dis devant Nostre Seigneur: que quand j'aurois bien de l'interest d'un costé plus que de l'autre, j'espererois cette grace de la divine Majesté, de n'estre pas si passionné et desordonné en l'amour propre, que sçavoir mauvais gré a qui ne suivroit pas mon parti.

  A016001194 

 J'ay des-ja esté recusé par l'une des parties, qui se plaint de moy; il n'est pas a propos de me jetter les plaintes de l'autre sur les bras..

  A016001194 

 Tout le desplaysir que j'ay en ceci, c'est de ne vous pouvoir pas asses plaire et m'accommoder a vostre desir, mesmement en ce qui est d'escrire a Monseigneur le Cardinal Bellarmin.

  A016001195 

 Il va en fin mille raysons, ce me semble, pour lesquelles je dois ouyr parler de part et d'autre sans me mesler de faire des offices ni pour les uns ni pour les autres, jusques a ce que je sois deschargé de l'office de juge qui m'est commis..

  A016001196 

 Je sçay qu'un autre moins discret et charitable que vous pourroit beaucoup dire de choses de moy entre les poursuittes, comme il a esté fait a Chamberi; dont je loue Dieu que ce soit vous plustost qu'un autre, bien que, pour parler franchement entre nous, je me sente fort asseuré de n'estre point blasmé de quicomque, sans passion, voudra conferer les tems et les occasions de ce qui s'est passé par mes mains, et de ce qui s'est passé par celles de ceux qui se deulent.

  A016001197 

 Je finis donq par ou j'ay commencé, vous remerciant de rechef de la peyne que vous prenes pour ces bonnes ames, [116] qui prient et prieront Dieu pour vous, et vous demeureront extremement obligees avec moy qui, de tout mon cœur, suis sans fin,.

  A016001207 

 Mais je dis de rechef, ma chere Fille, que cette lettre m'a donné des eslans d'amour envers Dieu, qui est si bon, et envers vous, qu'il veut rendre si bonne, que certes, je suis obligé d'en rendre action de graces a sa divine Providence.

  A016001207 

 Si fay, si fay de par Dieu, ma tres chere grande Fille, je sçay bien quel cœur vous aves en mon endroit; mais [117] ne voules vous pas que je prenne le tems et la saison pour y planter les plantes des vertus plus excellentes, desquelles le fruit est eternel? Or sus, je n'ay nul loysir, mais je vous dis en verité, que vostre lettre a embaumé mon ame d'un si delicieux parfum, que de long tems je n'avois rien leu qui m'eust donné une si parfaite consolation.

  A016001208 

 Ne vous estonnés point de ce qui s'est passé, mais simplement, humblement, amoureusement, confidemment, reunisses vostre esprit a celuy de cette bien aymable ame, qui, je m'asseure, en recevra mille et mille consolations.

  A016001226 

 Helas, comme il est beau, ce pauvre petit Poupon! Il me semble que je voy Salomon sur son grand throsne d'ivoyre, doré et ouvragé, qui n'eut point d'esgal es royaumes, comme dit l'Escriture, et ce Roy n'eut point de pair en gloire ni en magnificence; mais j'ayme cent fois mieux voir le cher petit Enfançon en la cresche que de voir tous les rois en leurs throsnes..

  A016001227 

 Mais si je le voy sur les genoux de sa sacree Mere, ou entre ses bras, ayant sa petite bouchette, comme un bouton de rose attachee au lis des saintes mammelles, o Dieu, je le treuve plus magnifique en ce throsne, non [120] seulement que Salomon dans le sien d'ivoyre, mais que jamais mesme ce Filz eternel du Pere ne fut au Ciel; car si bien le Ciel a plus d'estre visible, la Sainte Vierge a plus de vertus et perfections invisibles, et une goutte du lait qui flue virginalement de ses sacrés sucherons, vaut mieux que toutes les influences des deux.

  A016001228 

 Voyes-vous pas qu'il reçoit la haleine de ce gros bœuf et de cet asne, qui n'ont sentiment ni mouvement quelconque? Comme ne recevra-il pas les aspirations de nostre pauvre cœur, lequel, quoy que non tendrement pour le present, solidement neanmoins et fermement, se sacrifie a ses pieds, pour estre a jamais serviteur inviolable du sien et de celuy de sa sainte Mere et du grand gouverneur du petit Roy?.

  A016001229 

 Ma tres chere Mere, c'est la verité: j'ay une lumiere toute particuliere qui me fait voir que l'unité de nostre cœur est ouvrage de ce grand Unisseur, et partant, je veux desormais non seulement aymer, mais cherir et honnorer cette unité comme sacree.

  A016001239 

 Celle qui m'empesche d'aller vous dire la Messe aujourd'huy est petite et grande; je vous la diray a nostre premiere veuë..

  A016001240 

 Apres y avoir bien pensé devant Dieu, je me suis resolu qu'il faut affermir nostre Congregation a faire ses changemens ce jour auquel Dieu fait les siens, nous faysant tous passer d'une annee a l'autre, donnant une leçon annuelle de nostre instabilité, de nostre changement, du renversement et de l'aneantissement des annees qui nous menent a l'eternité.

  A016001248 

 Mettés-le, ce cher cœur, dans le costé percé du Sauveur, et l'unissés a ce Roy des cœurs, qui y est comme a son throsne royal pour recevoir l'hommage et l'obeissance de tous les autres cœurs, et tient ainsy sa porte ouverte affin que chacun le puisse aborder et avoir audience.

  A016001257 

 Voyla nostre monsieur l'abbé qui s'en va fort content en l'esperance de vous treuver a Chamberi.

  A016001258 

 Mais il faut que je vous laisse, car vous voyla glorieux avec ce bon seigneur qui vous cherit bien fort; mais moy, je suis incomparablement.

  A016001274 

 [Priez pour] moy, qui suis.

  A016001287 

 C'est, a la verité, une honte bien grande pour vous si les laïcs prennent la connoissance de la correction sur ceux du cors auquel on vous a donné pour chef; mais ce sera encor quelque sorte de reproche pour moy qui vous y ay porté, si je ne surveille pas a vous assister, et sembleray estre coulpable de tout ce qui s'y fera, avec vous, bien qu'en verité, ni vous ni moy ne puissions pas tout empescher..

  A016001289 

 Vous sçaves comme et combien tendrement je vous ayme, et particulierement; qui me fait croire que vous prendres cet advertissement aussi doucement qu'avec tres grande affection je vous fay la remonstrance, pour le bien de la Mayson ou Nostre Seigneur vous conserve, et laquelle il veuille rendre si pleine de sainteté que je sçay que vous le souhaittés avec moy, qui suis.

  A016001296 

 Je travaille a vostre Livre neufviesme de l' Amour de Dieu, et aujourd'huy, priant devant mon Crucifix, [128] Dieu m'a fait voir vostre ame et vostre estat par la comparayson d'un excellent musicien, né sujet d'un prince qui l'aymoit parfaitement, et qui luy avoit tesmoigné se plaire passionnement a la douce melodie de son luth et de sa voix.

  A016001306 

 Mais ce sont des infinités de petites niaiseries, que le monde par force m'apporte tous les jours, qui me font de la peyne et de la fascherie et rendent mes heures inutiles.

  A016001306 

 Neanmoins, tant que je m'en puis eschapper, je metz tous-jours quelque petite ligne en faveur de ce saint amour qui est le lien de nostre mutuelle dilection..

  A016001306 

 O pleust a Dieu, ma tres chere Fille, que ce fust le Traitté de l'Amour celeste qui me tinst occupé toutes [129] les matinees! Il seroit bien tost achevé, et je serois bien heureux d'appliquer mon esprit a de si douces considerations.

  A016001307 

 L'amour propre peut estre mortifié en nous, mais il ne meurt point pourtant jamais; ains, de tems en tems et a diverses occasions, il produit des rejettons en nous, qui tesmoignent qu'encor qu'il soit couppé par le pied, si n'est il pas desraciné.

  A016001307 

 Que si nous avions la vraye charité qui nous fait avoir un mesme cœur et une mesme ame avec le prochain, nous serions parfaitement consolés quand il feroit du bien..

  A016001308 

 Au contraire, si nous avions la perfection de l'amour de Dieu, nous aymerions mieux faire ce qui est commandé, parce qu'il vient plus de Dieu et moins de nous..

  A016001308 

 C'est tous-jours nous mesmes qui recherchons nous mesmes, nostre propre volonté et nostre amour propre.

  A016001309 

 Sans doute, ma chere Fille, ce qu'on a repugnance a s'imaginer le rehaussement des autres, c'est parce que nous avons un amour propre qui nous dit que nous ferions encor mieux qu'eux, et que l'idee de nos bonnes propositions nous promet des merveilles de nous mesmes et non pas tant des autres..

  A016001312 

 Or je ne vis que passamment la dame qui devoit venir pour faire sa confession generale, et avec des yeux tout moistes d'avoir laissé sa fille; car les gens du monde [131] [se] laissent en se laissant, mais ceux de Dieu ne se laissent jamais, ains sont tous-jours unis ensemblement avec leur Sauveur..

  A016001324 

 Je viens tout maintenant de recevoir les deux lettres que vous avies confiees a M me de Trevernay, et une autre par laquelle elle me specifie la qualité de vostre desplaysir, que je vois estre grandement fascheux pour la multitude des accidens qui semblent attachés aux sujetz dont il vous est arrivé..

  A016001325 

 En fin, Dieu qui vous a conduite jusques a present, vous tiendra de sa tres sainte main; mais il faut que vous vous jetties, avec un total abandonnement de vous mesme, entre les bras de sa providence, car c'est le tems desirable pour cela.

  A016001325 

 Si vous le faites, croyes moy, ma chere Seur, vous seres toute estonnee de merveille, qu'un jour vous verres esvanouis devant vos yeux tous ces espouvantailz qui maintenant vous troublent.

  A016001337 

 C'est a vous aussi a qui j'addresse mes responses a Monseigneur de Bazas et a monsieur de Fontayne Duboys, et ce sera a vous, sil vous plait, de leur faire [135] aggreer mes intentions, puisque vous leur aves donnees celles quilz ont de m'aymer.

  A016001337 

 C'est asses a un vieux entendeur et qui m'ayme fortement..

  A016001339 

 Or sus, salutem a tous ceux qui m'ayment, de vostre connoissance, et mille benedictions a Dieu du repos quil vous a donné en cette sainte Societé.

  A016001358 

 J'ay toute ma vie grandement prisé la ville de Thoulouse, non pour sa grandeur et noblesse, mays, comme dit saint Chrisostome de son Constantinople, a cause du service de Dieu qui y est si constamment et religieusement maintenu.

  A016001358 

 Sil vous plait donques respondre a la demande que vous ont faite de moy ces seigneurs de cette ville la, je vous supplie tres humblement de leur faire sçavoir que ce n'est ni faute d'estime que je face de leurs merites, ausquelz je ne sçaurois jamais correspondre, ni faute de pouvoir que vous ayes sur moy, qui suis tres entierement vostre, mays faute de pouvoir que j'aye moy mesme sur moy mesme, que je ne seconde pas leurs desirs, plus honnorables cent fois pour moy que je ne devrois praetendre..

  A016001376 

 Nostre interieur n'a plus de resistance; il faut que la crainte et la paresse de l'homme exterieur cede a la volonté victorieuse de notre Maistre qui veut que, tout froid et tout glacé que je suis, j'escrive de son saint amour.

  A016001385 

 Hier au soir je parlay encor a l'un des sçindiques, qui me promit de haster l'affaire le plus qu'il se pourra..

  A016001401 

 Quand ilz m'ont laissé, j'alloys de rechef; il m'a falu arrester avec les deputés d'un Monastere qui est de ma charge, qui me sont venu proposer leurs necessités pour continuer leur reforme.

  A016001401 

 Quel moyen de refuser cette si bonne audience a des gens qui viennent pour Dieu, et de deux journees loin, pour une si bonne affaire? Le cœur de ma Mere, comme le mien propre, se fut courroucé et mutiné si, pour tel sujet, je n'eusse renoncé a son contentement qui est le mien mesme..

  A016001402 

 Il faut aller dire la Messe pour cette Mere aupres d'elle, et elle l'oüyra cordialement des sa chambre, affin qu'elle et moy, d'un cœur, d'un esprit et d'un'ame, offrions a sa divine Majesté la suite de nostre vie, pour consacrer a son service tous les instans qui nous en restent.

  A016001402 

 Mays demain, o c'est le jour de sainte Emerentienne et de la naissance de ma Mere; Dieu ne permettra pas que je sois ainsy retenu, car mesme j'ay a conferer avec elle de choses qui sont pour son Amour divin et asseurer la partie.

  A016001413 

 L'esperance que ce peuple de Neci et de Genevoys a conceüe de voir ce college, qui est maintenant presque en friche, remis a la Congregation des Peres Barnabites, n'a ni rayson ni fondement que sur la bonté [145] paternelle de Vostre Altesse Serenissime, laquelle en a eu aggreable le projet, non seulement par ce quil estoit propre pour le proffit publiq temporel de ses tres humbles sujetz, mais aussi pour l'utilité quil rapporteroit au salut des ames.

  A016001428 

 Mais je vous remercie infiniment de la douceur avec laquelle vous recevés mes intentions qui, en verité, ne sont que sinceres et de servir nostre commun Maistre.

  A016001428 

 Mays c'est trop dit entre nous qui, a mon advis, nous connoissons trop bien l'un l'autre, pour avoir besoin ni d'excuses, ni de paroles en telles occurrences..

  A016001430 

 J'escris pour l'affaire de M me de Gouflier, une lettre au Cardinal Bellarmin, un' autre au Cardinal Lante, qui sont deux colonnes de mes esperances pour toutes les affaires de deça, et la 3 e a la Congregation de Vescovi.

  A016001436 

 Pour M. de Syrvinges, qui pourroit obtenir une licence quil demeurast extra monasterium, cela suffiroit; Monsieur l'Evesque de Mascon luy promet de l'assister de ses recommandations..

  A016001437 

 C'est un Pere fort courts et qui, comme je pense, pourra beaucoup..

  A016001440 

 c'est que il faut que ladite dame de Gouffier soit delivree de l'obligation de sa profession, affin que, selon son desir, elle puisse estre receue en la Congregation de la Visitation, laquelle, bien que ce ne soit pas une Religion formelle, est neanmoins une mayson de fort bonne discipline et propre pour cette personne; puisqu'ell'est d'ailleurs de si petite complexion, qu'elle ne pourroit porter l'austerité ni de Sainte Claire ni des Carmelines, ni d'autres Religions formelles esquelles on fait des grandes veillees, des grandes abstinences et autres mortifications et aspretés corporelles qui requierent une entiere santé..

  A016001453 

 Que l'Abbesse du Paraclet est une grande dame qui tient grand train, et le monastere en lieu champestre, qui ne reconnoist aucun superieur; de sorte que si la suppliante alloit la, elle seroit forcee, et par sa mere naturelle et par l'Abbesse, d'y demeurer, et empescheroit on la verification de ses allegations, laquelle se fera mieux, plus solidement et plus facilement par l'Ordinaire du lieu ou ell'est.

  A016001459 

 Cette pauvre miserable Bellot a une ame qui ne veut point estre corrigee par censures, car elles ne luy ont pas manqué au commencement de ses vanités, cause de sa ruine; et la bonne Mere de Chantal n'a rien espargné de ce qu'elle pouvoit penser estre propre pour l'en retirer, prevoyant bien que cette humeur vaine la porteroit plus loin que pour lhors elle ne s'imaginoit..

  A016001460 

 Mais je croy bien que vous aures de la peyne a treuver la commodité de faire a propos cet office qui requiert beaucoup de loysir; car on nous dit qu'elle est gardee fort soigneusement.

  A016001460 

 O que de misericordes Dieu fait aux ames qu'il retient en sa tres sainte crainte et en son divin amour! Mieux vaut le moindre brin de ce tresor, que tout ce qui est au monde..

  A016001493 

 Verum, ubi de Illustrissimae et Reverendissimae Dominationis Vestrae promotione a Reverendissimo Ecclesiae [159] vestrae Canonico qui huc Ordinationis gratia accesserat, deque cumulatissimis personae vestrae illustrissimae dotibus, paulo fusius ac uberius audivimus, tum vero tristitia nostra versa est in gaudium et luctus noster versus est in cytharam, ut nimirum Deo ingentes gratias ageremus quod lucernam suam in Hierusalem extingui non esset passus, sed pro patre filium excitasset quem constitueret super civitatem illam Sedunensem, quam et nos Sion appellamus..

  A016001506 

 Mais dès que nous eûmes appris la promotion de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, par un vénérable chanoine de [159] votre église qui était venu ici pour une Ordination, et qu'il nous eût dit, avec force détails, les très riches qualités de votre éminente personne, notre tristesse alors se changea en joie et nos airs de deuil en des chants d'allégresse.

  A016001508 

 Ainsi donc, Illustrissime et Révérendissime Prélat, l'amitié de votre prédécesseur envers moi, qui paraissait éteinte, va revivre et durer plus assurée et plus confiante que jamais.

  A016001508 

 Vous pouvez compter sur moi, non seulement pour tous les services fraternels qui dépendent de notre commune vocation, mais encore pour le concours empressé que vous attendriez d'un très dévoué et très humble serviteur.

  A016001519 

 Verum, ubi de Ill mae et R mae Dominationis Vestrae promotione, a R do Canonico Ecclesiae Vestrae accepimus qui, etiam ipse, nos de dotibus quibus Deus omnipotens Vestram R mam Personam uberrime cumulavit, ad amussim quoad per eum fieri poterat edocuit, tum vero, Ill me et R me Praesul, tristitia nostra versa est in gaudium, aut, ut more Sacrae Scripturae dicam, versa est in cytharam, qua nimirum gratias plurimas Deo ageremus quod lucernam suam in Hierusalem non extinxisset, sed pro patribus filium nasci fecisset, quem constitueret principem super omnem illam terram tibique fausta ac salutaria praecaremur..

  A016001528 

 A [162] notre avis, parmi ceux qui lui survivent, personne ne pourrait lui être comparé pour le zèle et l'habileté, soit pour défendre la religion des ancêtres, soit pour propager la foi catholique..

  A016001529 

 Mais en apprenant la promotion de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par un révérend chanoine de votre Eglise, qui nous a dit aussi de quels dons le Dieu tout-puissant a comblé abondamment votre Révérendissime personne, notre tristesse s'est changée en joie ou, afin de parler comme la Sainte Ecriture, en cythare, rendant à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas éteint sa lampe en Jérusalem, mais de ce qu'il avait fait naître à la place des pères un fils, pour l'établir chef sur tout ce pays; en même temps, nous avons songé à vous adresser tous nos vœux de bonheur et de salut..

  A016001531 

 Ainsi, Illustrissime et Révérendissime Prélat, l'amitié de votre prédécesseur, qui me paraissait brisée pour toujours, va revivre plus ferme et plus suivie que jamais, si j'en juge par les sympathies que témoigne votre lettre.

  A016001531 

 Vous pouvez attendre de moi, non seulement les services fraternels qui dépendent de notre commune vocation, mais encore l'assistance la plus humble et la plus dévouée que vous désireriez du plus fidèle et du plus attaché des serviteurs.

  A016001532 

 En attendant, je continuerai avec plus d'instance ce que j'ai fait [164] jusqu'a present, en vous souhaitant, de Dieu notre Sauveur, le secours d'en-haut, afin que, confirme par l' esprit de force, vous conduisiez heureusement votre vaisseau parmi les redoutables tempetes qui 1'assaillent, au port désiré de la paix et de la bienheureuse piété..

  A016001560 

 C'est a tous propos, et pour cela presque hors de propos, que je vous importune des occurrences qui me viennent; mays la faveur de vostre bienveuillance m'asseure.

  A016001560 

 Je vous supplie de prendre la peyne de voir le memorial ci joint, et de considerer si on pourroit en quelque sorte faire ressentir a madame d'Angoulesme l'obligation qu'ell'auroit de tenir compte a la seconde seur de la damoyselle de Charansonay, de la moytié de la [166] legitime de sa mere; car, selon l'advis que vous prendres la peyne, sil vous plait, de m'en donner, je verray si ce sera chose qui se puisse entreprendre.

  A016001560 

 Or, la damoyselle qui praetend est ma parente, et pour me porter encor davantage, elle me veut donner la moytie de ce qu'elle pourroit avoir, pour estre employee en ceuvres pies.

  A016001561 

 Je vous escrivis il ny a que trois jours, et a M me de Charmoysi, qui me retiendra de vous entretenir davantage, estant mesmement presse du depart de ce jeune gentilhomme qui, par sa courtoysie, m'offre bien de retarder, mais il n'est pas raysonnable.

  A016001565 

 Monsieur de Charmoysi est a Chambery, ou il est rendu pour le passage du Cardinal d'Est, et se porte fort bien; qui est tout ce que je pourrois dire de plus aggreable a M me de [Charmoysi sa femme, ma cousine,] que je salue icy [avec vostre permission.].

  A016001577 

 Mais vous, ma Fille, qui ne pourrés pas chanter les louanges de ce Saint de nostre cœur, vous les ruminerés, comme l'Espouse, entre vos déns; c'est a dire, que vostre bouche estant close, vostre cœur sera ouvert a la meditation des grandeurs de cet Espoux de la Reyne de tout le monde, nommé Pere de Jesus, et son premier adorateur apres sa divine Espouse..

  A016001607 

 Cette lettre, ma tres chere Fille, vous est recommandee, ne sçachant a qui mieux en faire l'addresse a cause [171] du passage du cousin.

  A016001631 

 Il vous expliquera plus amplement mon intention, qui me fera finir la presente me recommandant a vos prieres et disant,.

  A016001660 

 C'est pourquoy Vostre Majesté a regardé l'eglise de Gex, qui est sur le fin bord du royaume, et la voyant extremement miserable, luy a ordonné aumosne de trois cens escus; pour laquelle je vay maintenant [176] en esprit, avec tous les Catholiques de ce lieu-la, en faire action de graces a vostre charité royale, Sire, laquelle nous supplions en toute humilité nous vouloir donner la jouissance de ce bienfait duquel nous avons des-ja la concession, pour laquelle nous implorerons a jamais la souveraine bonté de Nostre Seigneur qu'elle conserve et prospere Vostre Majesté en l'abondance des graces celestes..

  A016001671 

 J'estois il y a un an, et environ ces heures, a Turin, et monstrant le saint Suaire parmi un si grand peuple, plusieurs gouttes de la sueur qui tomboit de mon visage [177] rencontrerent dedans le saint Suaire mesme; et nostre cœur, sur cela, fit ce souhait: Hé, playse vous, Sauveur de ma vie, mesler mes indignes sueurs avec les vostres, et destremper mon sang, ma vie, mes affections dedans les merites de vostre sacree moiteur!.

  A016001696 

 Je loüe Dieu de l'heureux retour de Leurs Altesses et du contentement que vous receves de leurs faveurs, qui sont donnees a vostre zele pour vostre service et dont vous aves rendu de si bonnes preuves ci devant..

  A016001697 

 Vous me rendes trop glorieux, Monsieur, de me promettre l'honneur de la bienveuillance de ce rare ambassadeur de Dieu, qui a si bien traitté des affaires celestes a Saint Jean le Caresme passé, et de me faire esperer la veuë de son Ajo del Christiano, livre qui, par le nom de son autheur et par son tiltre, ne promet rien moins que la perfection de son espece..

  A016001698 

 Comme que ce soit, Dieu vous comble de prosperité, avec madame ma cousine et tout ce qui vous est plus cher, et j'ay l'ordinaire honneur,.

  A016001711 

 Mays du despuis, ayant sceu que Vostre Altesse avoit jette ses yeux et son desir sur Ripaille pour le mesme effect, je m'en suis infiniment res-joui; et en toute humilité je la supplie d'en ordonner au plus tost l'execution, affin que nous voyons en nos jours la pieté restablie en un lieu qui a esté rendu tant signalé par celle que Messeigneurs les predecesseurs mesmes de Vostre Altesse y tint si saintement et honnorablement prattiquee; asseurant qu'en meilleures mains le genereux et pieux dessein de cette restauration ne pourroit estre confié, qu'en celles d'un Ordre si ferme et constant comme est celuy des Chartreux, lequel, ayant tous-jours esté des son commencement fort obligé a la serenissime Mayson de Vostre Altesse, luy a aussi reciproquement tous-jours esté et est tres affectionné et dedié..

  A016001722 

 Ce billet escrit a l'impourveu vous saluera, ma tres chere Fille, de la part de mon ame qui ayme parfaitement la vostre en Nostre Seigneur.

  A016001736 

 Mais, ma tres chere Fille, je confesse que je suis scandalizé de voir des ames bonnes catholiques, et qui d'ailleurs ont de l'affection a Dieu, estre si peu soigneuses du salut eternel, que de s'exposer au danger de ne voir jamais la face de Dieu et de voir a jamais et sentir les horreurs de l'enfer.

  A016001737 

 L'amour que je porte a mes amis, mais specialement au cher mari, me fait herisser les cheveux en teste quand je sçai qu'ilz sont en tel peril, et ce qui me tourmente le plus, c'est le peu d'apparence qu'il y a qu'ilz ayent le vray desplaysir qu'il faut avoir de l'offense de Dieu, puis qu'ilz ne tiennent conte de s'en empescher a l'advenir.

  A016001749 

 Je vous supplie de voir la lettre de nostre monsieur de Sainte Catherine et me faire sçavoir, si pourtant vous en aves connoissance, quell' est la sentence dont il fait mention en la 2 me ligne, comm'aussi sil seroit asses tost pour escrire que l'on pourroit bien accepter Monseigneur de Lion pour commissaire; car, a ce que je voy, cela faciliteroit beaucoup l'affaire, et M me de Goffier a receu une lettre de M me l'Abbesse du Paraclit [187] qui oste tout le scrupule qu'elle pouvoit avoir sur la personne de mondit seigneur l'Archevesque..

  A016001774 

 Le bien de la venue des Peres Barnabites en cette ville est de si grande consideration, que Vostre Altesse, [189] laquelle l'a si saintement desiré, le fera sans doute puissamment reüscir, non obstant les petites difficultés qui se presentent, qui ne procedent que d'une bonne affection, a laquelle Vostre Altesse donnera, sil luy plait, la mesure et discretion; en sorte que si le Pere General des Barnabites ne pouvoit ouctroyer la dispense qu'on requiert, sa Congregation ne laissast pas pour cela d'estre introduite dans ce college ou, en [190] tous evenemens, ell'apportera un'utilité incomparablement plus desirable que tout ce qui s'y est fait jusques a present..

  A016001788 

 Or pourtant, cela n'a rien esté sinon une evacuation de catarre, sans laquelle indubitablement j'allois estre fort malade; la ou [191] maintenant je me porte fort bien, quoy que tous-jours un peu incommodé de ce flux qui, petit a petit, va passant..

  A016001789 

 Ma tres chere Fille, pries tous-jours bien Dieu pour mon cœur, qui vous ayme d'un amour plus que paternel, affin quil se purifie et que l'amour divin y regne sans exception, reserve, ni fin quelcomque; car ainsy ne cesse-je de vous souhaiter une parfaite sainteté..

  A016001790 

 Je m'en vay voir nostre pauvre Mere et la bonne M me d'Escrilles qui m'attendent; je les salueray de vostre part, comme je vous prie de saluer la chere seur..

  A016001806 

 Les Catholiques de Gex et moy avons receu les trois cens escus d'aumosne que Vostre Majesté a donnés pour la reparation des eglises, avec une tres humble reverence et action de graces, non seulement parce que les [192] faveurs qui proviennent de si haut lieu sont tous-jours de grande estime, mais aussi parce que ce sont comme des arrhes de plus grans bienfaitz pour l'avenir; dont nous en esperons que la royale bonté de Vostre Majesté regardera de son œil propice la misere a laquelle l'heresie a reduit ce pauvre balliage, pour respandre a son secours les graces et assistances qui luy peuvent servir de remede..

  A016001819 

 Et puis, [193] vous ne regardés pas, comme je pense, ma personne, mais cet Ordre sacré duquel elle est doüee, qui est le premier de tous les Ordres en l'Eglise, de laquelle vous aves cet incomparable honneur et bonheur d'estre un membre vivant, et non seulement vivant, mais animé de l'amour sacré, qui seul est la vie de nostre vie, comme vos bons desirs tesmoignent..

  A016001819 

 Mays la nature mesme, qui est si sage, a bien fait une pareille singularité en une plante que les arboristes nomment communement le filz avant le pere, parce qu'elle pousse son fruit avant ses fleurs.

  A016001821 

 Ainsy, ce mot de Filz sera plus plein d'honneur, de respect et de reverence que celuy de Monsieur; mais d'une reverence toute destrempee en l'amour, pour le meslange duquel elle respandra en mon ame une suavité qui n'aura point d'esgale.

  A016001822 

 Que d'ayse, mon cher Filz, quand on me dit que vous estes le seigneur au grand cœur, qui, emmi ces vaines vanités de la cour, demeurés ferme en la resolution que [194] ce cœur a prise de contenter celuy de Dieu! Hé, si faites, mon cher Filz; perseverés a communier souvent et a faire les autres exercices que Dieu vous a si souvent inspirés.

  A016001823 

 Qu'a jamais Dieu soit vostre grandeur et le monde vostre mespris. et je suis ce pere qui vous ayme comme son Benjamin et vous honnore comme son Joseph..

  A016001833 

 J'ay sceu tout ce qui s'est passé pour l'assemblee des trois Estatz de vostre balliage au prejudice de celuy [195] des trois qui a tous-jours esté le premier et le plus favorisé en France, et lequel estant sous ma charge pour ce quartier la, permettes moy, Monsieur, que je me plaigne a vous premierement, et que je vous supplie de voir si ce tort se pourra reparer entre vous et ces bons ecclesiastiques, avant que le devoir de ma charge m'oblige de m'en douloir ailleurs.

  A016001833 

 Je vous honnore de tout mon cœur, et tous nos gens d'Eglise vous tiennent pour leur bon pere; mays en cette cause qui regarde la gloire de Dieu et le respect de l'estat ecclesiastique, nous ne pouvons rien dissimuler..

  A016001835 

 Monsieur, je me prometz qu'y ayant bien pensé, vous nous osteres ce juste sujet de plainte, et nous conserverés, comme je desire a jamais continuer, en l'affection qui m'a fait par tout nommer,.

  A016001854 

 J'ay donné en main propre de Monseigneur le Duc de Nemours les deux lettres que vous m'avies addressee ( sic ), comme je feray tous-jours fort exactement tout ce qui sera de vos volontés et en mon pouvoir..

  A016001856 

 Je ne nie pas, certes, que le favorable tesmoignage que vous rendes a ce pauvre petit livret de l' Introduction ne m'ayt grandement encouragé, et plus en verité que celuy de plusieurs grans personnages qui, sans me connoistre, me l'ont beaucoup recommandé par lettres.

  A016001858 

 Ces bonnes Dames de la Visitation escrivent a madame ma cousine, d'une petite ambition qui leur est venue, en laquelle pourtant elles regardent a la gloire de Nostre Seigneur.

  A016001875 

 Outre l'humble remerciment que je dois et fay a V. R. pour le bon accueil qu'il vous pleut de faire a la supplication que je vous presentay, il y a quelque tems, en [200] recommandation de la fille de monsieur de Lornay des Costes, j'adjouste encor mon intercession a mesme intention, affin quil vous playse faire le billet requis au P. dom Vicayre de Melan, qui a dit audit sieur de Lornay que, moyennant cela, sa fille seroit asseuree de sa place..

  A016001906 

 Non certes, Monsieur, je ne suis nullement delicat, amant les ceremonies, les complimens; non, pas mesme [203] les offences ne gastent rien avec moy, si elles ne sont faites et appostees expres pour ruiner l'amitié (je parle de l'amitié, et non de la commune charité que rien ne doit ruiner); car celles qui proviennent de negligence, de foiblesse, d'inconsideration, voire mesme de quelque soudaine passion d'ire, de courroux et de haine, il me semble qu'un'amitié un peu forte les doit supporter, en consideration de nostr'humanité qui est sujette a ces accidens..

  A016001929 

 Ma tres chere Seur, A cette premiere fois que je vous escris, je vous veux dire deux ou trois motz de preface, qui puissent servir pour toutes les lettres que je vous envoyeray des-ormais selon les occurrences..

  A016001931 

 Certes, ma tres chere Seur, et vous et vos filles estes [206] tres heureuses d'avoir en fin rencontré la veine de cette eau vivante qui rejaillit a la vie eternelle, et de vouloir en boire de la main de Nostre Seigneur, auquel, avec sainte Catherine de tiennes et la bienheureuse Mere Therese, il me semble que vous faites celte sainte priere: Seigneur, donnès-moy de cette eau.

  A016001931 

 Qu'a jamais cette Bonté divine soit loüee, qui luy mesme s'est rendu une source d'eau vive au milieu de vostre compaignie; car a ceux qui s'addonnent a la tressainte orayson, Nostre Seigneur est une fontayne en laquelle on puise par l'orayson l'eau de lavement, de refrigere, de fertilité et de suavité..

  A016001932 

 Vous n'estes donq point trompees de l'avoir embrassee, mais trompees sont les ames qui, s'y pouvant appliquer, ne le font pas..

  A016001934 

 Le frere N. est un vray ignorant, mais ignorant qui sçait plus que beaucoup de sçavans; il a les vrays fondemens de la vie spirituelle, et sa communication ne vous peut qu'estre utile.

  A016001938 

 En particulier, ce m'a esté de la consolation de sçavoir la bonté et vertu de vostre Pere confesseur, qui, avec un esprit vrayement de pere envers vous, cooperée a vos bons desirs et est encor bien ayse que les autres y contribuent.

  A016001938 

 Pleust a Dieu que tous les autres de vostre Ordre fussent aussi charitables et affectionnés a la gloire de Dieu! les monasteres qui sont en leur charge seroyent plus parfaitz et plus purs..

  A016001939 

 Je resaluë mes cheres Seurs Anne et Marie Salomé, et me res-jouis dequoy elles sont entrees en cette Religion [208] en un tems auquel la vraye et parfaite pieté commence a y refleurir; et pour leur consolation, je leur dis que leur parente M me des Crilles, qui est maintenant novice a la Visitation, tasche aussi fort de son costé de s'avancer en Nostre Seigneur..

  A016001950 

 Que bienheureux est vostre cœur, ma chere Fille, qui se dedie a un'affection si juste et si sainte! Plus nous irons avant, plus nous reconnoistrons la grandeur de la grace que le Saint Esprit nous fait de nous donner ce courage.

  A016001965 

 Helas, ma tres chere Fille, que dires vous de ce pere qui tarde tant a respondre? Certes, ce n'est pas faute de memoyre, et moins de volonté, mays j'ay un peu douté ou vous esties jusques des il y a trois jours, que je sçai que vous estes la..

  A016001966 

 J'escris donq a M. le Premier selon vostre desir, bien que je sache combien peu vous aves besoin d'intercession aupres de luy qui vous honnore tant..

  A016001967 

 Vous treuveres la lettre ci jointe d'un peu longue datte, mays il ny a remede; nostre bonne Mere qui l'escrit, ne me voit point sans que nous parlions de vous comme de celle qui nous ayme tant..

  A016001982 

 Les meilleurs moyens pour exprimer cette passion sont ceux dont vous me gratifies, pourveu que l'on y entende une merveille que j'appellerois miracle, si je n'en estois l'ouvrier, apres Dieu et vostre commandement: car ordinairement, l'amour paternel est puissant parce qu'il descend comme un fleuve qui prend sa source de la pente; mais en nostre sujet, le mien, qui sort de ma petitesse, en remontant a vostre grandeur, il prend vigueur a la montee et accroist sa vistesse en s'eslevant: c'est parce que, si les autres se [212] contentent de ressembler a l'eau, celuy-ci est comparable au feu.

  A016001983 

 Il est juste et equitable que ceux qui vivent ne vivent pas pour eux mesmes, mais pour Celuy qui est mort pour eux.

  A016001983 

 Une grande ame, Monsieur, pousse toutes ses meilleures pensees, affections et pretentions jusques dans l'infini de l'eternité; et puisqu'elle est eternelle, elle estime trop bas ce qui n'est pas eternel, trop petit ce qui n'est pas infini, et surnageant a toutes ces menues delices, ou plustost a ces vilz amusemens que cette chetifve vie nous peut presenter, elle tient les yeux fichés dans l'immensité des biens et des ans eternelz..

  A016001984 

 Que bienheureuse est la peyne, pour grande qu'elle soit, qui nous delivre de la peyne eternelle! Qu'aymable est le travail duquel la recompense est infinie!.

  A016001992 

 Mays ce tems est [214] ainsy fait, il ne produit pas les choses bonnes et desirables qu'avec plusieurs travaux de ceux qui les entreprennent, et au contraire, le mal s'avance sans culture, par la propre malice de cet aage..

  A016002005 

 Mais je regrette pourtant que vostre esprit patisse tant en cette guerre, en laquelle, sans doute, il n'y a presque que les Anges qui puissent conserver l'innocence; et qui tient la moderation emmi les proces, le proces de sa canonization est tout fait pour luy, ce me semble.

  A016002005 

 Neanmoins, quand la necessité le requiert et que l'intention est bonne, il faut s'embarquer sous l'esperance que la Providence mesme qui nous oblige a la navigation, s'obligera elle mesme a nous conduire..

  A016002009 

 Je voy bien, Monseigneur, par vostre lettre et par [216] celle de M. de N., qui, en verité, est mon amy et bon pere tres singulier, que nous ne sçaurions conserver les libertés ecclesiastiques que les Ducs nous avoyent laissees es pais estrangers.

  A016002009 

 Oh! Dieu benisse la France de sa grande benediction et y fasse renaistre la pieté qui regnoit du tems de saint Louys..

  A016002010 

 Mais cependant, Monseigneur, puisque ce pauvre petit clergé de vostre evesché et du mien a le bonheur que vous parleres en son nom aux Estatz, nous serons delivrés de tout scrupule, si apres vos remonstrances nous sommes reduitz en la servitude; car, que pourroit-on faire davantage, sinon s'escrier au nom de l'Eglise: Vide, Domine, et considera, quia facta sum vilis? Quelle abjection, que nous ayons le glaive spirituel en main et que, comme simples executeurs des volontés du magistrat temporel, il nous faille frapper quand il l'ordonne et cesser quand il le commande, et que nous soyons privés de la principale clef de celles que Nostre Seigneur nous a donnees, qui est celle du jugement, du discernement et de la science en l'usage de nostre glaive! Manum suam misit hostis ad omnia desiderabilia ejus; quia viditgentes ingressas sanctuarium suum, de quitus prœceperas ne intrarent in ecclesiam [217] tuam.

  A016002011 

 Et tandis que nostre Josué sera la, nous tiendrons les mains haussees et prierons qu'il ayt une speciale assistance du Saint Esprit; nous invoquerons les Anges protecteurs et les saintz Evesques qui nous ont precedé, qu'ilz soyent autour de vous et qu'ilz animent vos remonstrances..

  A016002011 

 Or sus pourtant, Monseigneur, vous verres nos articles et feres, je m'asseure, tout ce qui se pourra pour la conservation des droitz de Dieu et de son Eglise.

  A016002013 

 Vous verres la, le Pere Dom Jean de Saint Malachie, a Saint Bernard; si vous le hantes, vous [218] treuveres en luy une veine feconde de pieté, de sagesse et d'amitié pour moy qui l'honnore reciproquement bien fort.

  A016002027 

 Ce qui a esté promis a M. le curé de Sessi, je vous [219] prie qu'on le luy face bon sil se peut, car en verité, la qualité du lieu requiert qu'on le gratifie.

  A016002029 

 M. Cheynel sçait ou il faut prendre les cent escus du don du Roy qui restent, car je croy quil en a despensé deux cens, dont il faudra aviser avec le P. Commissaire, quand il [220] sera venu, comme on se pourra faire, car avec M. Cheynel je ne sçai qu'en dire, puisque mesme le P. Cotton qui a moyenné cest'aumosne, me le recommande fort.

  A016002042 

 J'ay veu, ma tres chere Fille, vostre esmotion de colere et de repugnance a l'endroit de ceux qui traittent avec vous asprement.

  A016002042 

 Or sus, il faut rasseoir vostr'esprit, car cela n'est rien que nous ne sachions bien; car nous sçavons bien que nostre nature bouillonne en mille sortes d'aigreurs quand on nous attaque, et que nostr'amour propre nous suggere tous-jours asses de mauvayses affections contre ceux qui nous attaquent.

  A016002056 

 Mais je ne veux plus rien dire sur ce sujet, qui aussi m'est indicible; il me suffit que Dieu m'a fait cette grace, laquelle m'est tous les jours plus delicieuse, quand 0n me dit de toutes parts que vous vives a Dieu, quoy qu'emmi ce monde..

  A016002057 

 Non certes, mon tres cher Filz, quoy que vous changies de lieu, d'affaires et de conversations, vous ne changeres jamais, comme j'espere, de cœur, ni vostre cœur d'amour, ni vostre amour d'object, puisque vous ne sçauries choisir ni un plus digne amour pour [223] vostre cœur, ni un plus digne object de vostre amour que Celuy qui vous doit rendre eternellement bienheureux.

  A016002057 

 O Jesus mon Dieu, quel bonheur d'avoir un filz qui sçache par merveilles si bien chanter les chansons de Sion emmi la terre de Babylone! Les Israëlites s'en excuserent jadis parce que non seulement ilz estoyent entre les Babyloniens, ains encor captifs et esclaves des Babyloniens; mais, qui n'est point en l'esclavage de la cour, il peut emmi la cour adorer le Seigneur et le servir saintement.

  A016002058 

 Vous seres donq la mon Josué qui combattrés pour la cause de Dieu en presence; et moy je seray icy comme un Moyse qui tendray mes mains au Ciel, implorant sur vous la misericorde divine affin que vous surmonties les difficultés que vostre bonne intention rencontrera..

  A016002068 

 Puisque le brevet requis pour la declaration de la nullité des vœux de madame de Gouffier vostre seur, est expedié en la sorte qu'elle a peu desirer, elle ne peut, ce me semble, mieux tesmoigner qu'elle n'a pas pourchassé sa liberté que pour la reengager plus heureusement a Dieu, qu'en s'approchant de vous pour prendre les resolutions convenables a son entiere retraitte, laquelle ayant choysie en ce lieu et en la compaignie qu'ell'a veüe et consideree plus d'un an, il m'est advis que je dois vous protester, Monsieur, que sa naissance, ses vertus [225] et ses saintes intentions luy ont acquis tout le service que je luy pourray rendre; et que si bien elle sera icy esloignee de la plus part de ses parens, elle sera neanmoins proche de plusieurs personnes qui les honnorent infiniment, et qui l'auront en une consideration si sainte et honnorable, que pour ce regard, Monsieur, vous n'aures nul sujet de blasmer son choix, auquel, puis qu'ell'a eu plus d'attention a contenter Dieu que de servir aux respectz humains, sa divine Majesté sans doute luy donnera toutes les benedictions qu'ell'en doit esperer, et en fera deriver sut vous quelque bonne part, si mes souhaitz sont exaucés: car je le ( sic ) feray toute ma vie pour vostre bonheur, et demeureray de tout mon cœur,.

  A016002083 

 Or, j'en parlay l'autre jour a Monsieur, qui treuva bon de le recommander aux Administrateurs du college par l'entremise de M. Dufresne.

  A016002123 

 En quoy, toutefois, ni eux, ni moy, qui ay eu la charge d'en faire les propositions, n'avons rien eu en plus grande consideration que de faire les traittés de sorte que l'alliance et correspondance qui est et doit estre entre le college de Savoye Chappuysien de dela et celuy de deça, fut saintement et religieusement conservee en tout ce qui en depend; qui nous fait croire que non seulement vous aggreeres, mais que vous loüeres ce qui a esté fait et en favoriseres davantage ce college, puisque Dieu y sera mieux servi et la jeunesse mieux instruite..

  A016002139 

 Non certes, ma chere Fille, je ne seray point en peyne de vostre conduitte si vous marches sur ce chemin la, car Dieu sera vostre guide, et puis vous ne manqueres pas de personnes qui vous donneront conseil pour cela..

  A016002140 

 Si que, tout ce qui est le plus a la gloire de Dieu doit estre suivi et aymé et poursuivi: c'est la regle de tous les vrays serviteurs du Ciel..

  A016002141 

 C'est sans doute la plus grande gloire de Dieu qu'il y ayt une Congregation de la Visitation au monde, car elle est utile a quelques particuliers effectz qui luy sont propres; c'est pourquoy, ma tres chere Fille, nous la devons aymer.

  A016002141 

 Mais s'il se treuve des personnes plus relevees [236] qui ayent aussi des pretentions plus grandes, nous devons les servir et reverer tres cordialement, quand l'occasion s'en presentera.

  A016002142 

 Resalués les de ma part et les asseurés de mon affection a leur service en tout ce que je pourray, qui ne sera pourtant jamais rien a cause de ce que je suis..

  A016002153 

 Ce sera, Dieu aydant, dans peu de jours, par le bon M. le contrerolleur Vulliat, lequel nous est demeuré de reste au partir de Monseigneur de Nemours et qui praetend, pourtant, d'aller tost a Lion mesme.

  A016002153 

 Et maintenant, c'est par M. de Foras, qui me promet de faire seurement tenir la lettre, que j'employe pour vous annoncer la venue de vostre despeche de Romme, mais despeche si bien faite, que si nous l'avions faite nous mesme nous ne l'aurions pas faite autrement.

  A016002153 

 Je vous en envoyeray une copie, avec une lettre de Monseigneur le Cardinal Bandini, qui vous escrit si courtoysement que l'on ne pourroit rien desirer de plus.

  A016002154 

 Monseigneur le Nonce de France est deputé, et le lieu pour estre ouïe sera nostre pauvre chere Visitation; si que il y a toute sorte d'apparence que Monseigneur le Nonce me commettra, et que vous aures le commissaire le plus vostre et qui vous souhaite le plus de sainte consolation qui soit et puisse estre au monde.

  A016002157 

 Vives toute a Dieu, pour qui je suis tout parfaittement vostre, ma tres chere Fille, ma Seur tres cherement bienaymee..

  A016002172 

 Certes, ma tres chere Fille, vous me faites bien playsir de me nommer vostre Pere, car j'ay en verité bien un cœur amoureusement paternel pour le vostre, lequel je [241] voy bien tous-jours un petit foible en ces ordinaires legeres contradictions qui luy arrivent.

  A016002172 

 O ma tres chere Fille, il ne l'abandonnera jamais, car quoy que nous soyons troublee et angoissee de ces impertinentes tentations de chagrin et de despit, si est-ce que jamais nous ne voulons quitter Dieu, ni Nostre Dame, ni nostre Congregation qui est sienne, ni nos Regles qui sont sa volonté..

  A016002173 

 Et ces deux filles de ces diverses meres se battent, et celle qui ne vaut rien est si mauvaise, que quelquefois la bonne a bien a faire a s'en defendre, et lhors, il est advis a cette pauvre bonne qu'elle a esté vaincue et que la mauvaise est plus brave.

  A016002173 

 L'autre, c'est une certaine Peronne Marie qui a une tres bonne volonté d'estre toute a Dieu, et pour estre toute a Dieu, d'estre toute simplement humble et humblement douce envers tous les prochains; et c'est celle ci qui voudrait imiter saint Pierre, qui estoit si bon apres que Nostre Seigneur l'eut converti; c'est cette Peronne Marie qui est fille de la glorieuse Vierge Marie et, par consequent, de bonn'affection.

  A016002173 

 L'une est une certaine Peronne, laquelle, comme fut jadis saint Pierre son parrein, est un peu tendre, ressentante et depiteroit volontier avec chagrin, quand on la touche; c'est cette Peronne qui est fille d'Eve et qui, par consequent, est de mauvaise humeur.

  A016002175 

 N'ayes point honte de tout ceci, ma chere Fille, non plus que saint Paul, qui confesse quil avoit deux hommes en soy, dont l'un estoit rebelle a Dieu et l'autre obeissant.

  A016002187 

 Mays, qui pourroit asses admirer non plus qu'asses loüer sa Providence? Cette Bonté paternelle aura regardé de l'œil de son amour une quantité de filles et de femmes qui, pour diverses raysons, demeuroyent entre les hazars des flotz de la mer mondaine, s'il ne leur dressoit un port aysé auquel elles puissent surgir, nonobstant que leurs barques soyent un peu foibles.

  A016002188 

 Au reste, ma chere Fille, celuy qui a destourné, ramene maintenant ses congregees a leur premier dessein.

  A016002188 

 Il m'escrit un trait de la Providence divine qui me plaist fort; car en la patente de permission que Leurs Majestés ont donnee pour l'erection de cette Mayson, on lanommoit «de la Congregation de la Visitation,» comme si Nostre Seigneur se fust voulu declairer par la voix royale.

  A016002190 

 Je retourne a l'affaire de dela, et puisque je suis a parler, je ne me puis tenir de m'estonner dequoy il semble qu'on se soit comme caché des Jesuites; car au contraire, entre les biens des Congregations, au dessus des Religions, celuy la est de ( sic ) plus grans, que les Congregations peuvent fort aysement avoir l'assistence [245] des Peres Jesuites, comme la Congregation des Guastales, de Milan, celle de Castillon et plusieurs autres d'Italie, qui fleurissent en sainteté et perfection..

  A016002212 

 La bonne Religieuse de Monthouz me dit hier que M me la Senatrice sa cousine desiroit se confesser ce matin a moy, qui le veux bien, et peut estre que, pour cet effect, elle seroit plus ayse que ce fut a la Visitation; et moy aussi, puisqu'aussi bien, malaysement puis-je sauver ma matinee, et que nostre M. Michel, a moytié malade, ne sçauroit escrire ce que je luy fournirois du livre, et que sur tout il nous fera grand bien de nous entrevoir, et ce sera tous-jours autant de fait.

  A016002222 

 Ce que je fay par ces quatre motz, de tout mon cœur, tant en consideration de la mere, qui est digne d'estr' assistee et qui est ma parente, qu'en consideration du filz qui, a mon advis, est plein de bonne volonté de reuscir en la crainte de Dieu..

  A016002240 

 Et j'ay treuvé, Monseigneur, que c'estoit le vray service de Vostre Grandeur qui requeroit vostre retour, et non seulement le general desir de tous vos tres humbles sujetz, qui prendroyent sa presence a soulagement, apres beaucoup de peyne qu'ilz ont souffert..

  A016002243 

 Et donq, Vostre Grandeur ne seroit elle pas infiniment marrie de se treuver tant esloignee de Son Altesse et de ses Estatz? Ell'a voyrement commandé que le sieur de la Grange fit passer ses trouppes dela les montz, qui est un bon tesmoignage de la perseverance de Vostre [254] Grandeur au devoir qu'ell'a envers sadite Altesse; mais d'en esloigner sa personne tandis que la fievre de la guerre est en ses Estatz et qu'on ne sçait si Dieu permettra que nous y voyons arriver des acces perilleux, je ne sçai, Monseigneur, ce que l'on en pourra juger, au prejudice de l'affection que je sçai bien neanmoins estre immuable dans vostre cœur..

  A016002245 

 Au moins ne manquera-il pas d'espritz qui la conseilleront, et peut estre avec tant de couleurs et d'artifices, qu'ilz la rendront probable..

  A016002245 

 Je proteste, Monseigneur, que je n'en pensois pas tant dire, mais escrivant, la chaleur de ma fidelité envers Vostre Grandeur m'a emporté au dela des limites que je m'estois proposees; car en fin, je suis pressé de la crainte que le souvenir de cet abandonnement de Son Altesse en un tel tems, ne soit pour durer longuement et pour servir de motif a quelque reciproque separation qui ne pourra jamais estre avantageuse, et pourra, en cent occasions, estre desavantageuse a Vostre Grandeur.

  A016002246 

 Si la fidelité de ce porteur, mais sur tout si la bonté de Vostre Grandeur ne me donnoit asseurance, je n'aurois garde d'envoyer une lettre escritte avec cette liberté; mais je sçai d'un costé, qu'elle ne sera point egaree, et [255] d'ailleurs, que elle ne sera leùe que par des yeux doux et benins envers moy, qui aussi l'escris (ainsy Dieu tout puissant me soit en ayde) sans en avoir communiqué le dessein qu'a deux des tres humbles et fideles serviteurs, sujets et vassaux de Vostre Grandeur.

  A016002263 

 Il est vray que c'est un prestre qui me l'escrit, et par consequent peut estre mal instruit des nouvelles de cette qualité lâ; mays le retour du sieur de Corbonex esclarcira ce point.

  A016002263 

 Je vous remercie tres humblement de la part qu'il vous plait de me faire de vos nouvelles, toutes pareilles aux nostres de deça, car j'ay esté aussi prié d'escrire une lettre a Monseigneur le Duc de Nemours pour luy persuader de revenir; le tout, sur les remonstrances de monsieur son procureur fiscal, qui s'eschauffe infiniment a ce dessein.

  A016002263 

 Mays que pourront ces orateurs mortz, en comparayson des harangueurs continuelz qui vivent, et soufflent perpetuellement dans les aureilles de ce Prince son esloignement de ce païs? Et puis, n'ont ilz pas des-ja fait la moytié de leur besoigne? [257] Et si nous n'avons sceu empescher le depart, quel moyen d'obtenir le retour? Melius non incipient quam desinent.

  A016002264 

 Le bon curé ne sçait ce quil demande en la proposition quil fait faire audit sieur de Blonnay, car il parle contre Dieu et rayson: contre Dieu, par ce quil desire une symonie; contre rayson, par ce quil refuse un soulagement qui luy est offert gratuitement.

  A016002266 

 Le grand honneur quil vous portoit requeroit que vous, Monsieur, fussies le seul qui luy fissies cette demonstration de la memoire que vous aves de luy; aussi, nul n'en pouvoit faire egalement.

  A016002282 

 Ce soir, M me de Treverney a receu une lettre en cette ville, escritte le 29 octobre par son mari, qui asseure expressement de la bonne santé du vostre.

  A016002283 

 Hier, M lle de Monthouz, cousine germaine du cher [260] mary, entra a la Visitation pour faire le premier essay; et madame la Senatrice sa cousine l'amena, qui est aussi une bonne ame, et de la confession generale delaquelle j'ay receu bien du contentement pour les bonnes inspirations que j'ay veu en son esprit.

  A016002284 

 Et moy, ma tres chere Fille, je m'en vay aussi en Valley pour consacrer Monseigneur l'Evesque de Sion, qui sera un voyage de trois semaines, pour le moins..

  A016002301 

 M. le senateur de Monthouz est ici, qui demain vous ira voir, ainsy qu'il m'a dit, et la cousine..

  A016002311 

 Et nos Savoyards se sont comportés tous-jours fort honnorablement, n'ayant rien fait qui leur puisse causer ce mal, sinon qu'ilz ont esté trop braves et ont obtenu les principales charges..

  A016002311 

 Item, les Cordeliers de ce païs de Savoye ont eu nouvelles que leur Provincial sollicite messieurs du clergé de France affin quilz fassent retrancher leurs couvens de la Province de Saint Bonaventure es Estatz qui se celebrent; en suite de quoy, les Cordeliers savoyards n'auroyent plus acces a l'estude de Paris, [264] ou ilz ont eu tant de doctes et braves docteurs qui ont regenté et gouverné en ce couvent la, comme je l'ay veu moy mesme.

  A016002313 

 Et pour le regard du livre de l' Amour de Dieu, je le revoy et fay transcrire, pour l'envoyer, Dieu aydant, ce Caresme a l'imprimeur, qui aura charge de vous faire presenter des premieres copies.

  A016002326 

 Id enim a me Deus Salvator, qui nos nobis invicem finitimos constituit, ut invicem alter alterius quoad fieri potest onera portemus.

  A016002351 

 Ce sera un voyage un peu plus long, et qui me tiendra hors de cette ville presque jusques aux festes.

  A016002351 

 Cependant les nouvelles de la paix se fortifieront, Dieu aydant, et madame ma cousine arrivera pres de vous, qui me gardera de luy faire presentement response..

  A016002370 

 Je ne veux pas vous beaucoup entretenir maintenant par lettre, car en voyla une vivante qui vous va voir, [270] en laquelle vous lires plus de bien que je ne sçaurois vous en escrire..

  A016002380 

 Je m'asseure que vous la recevres de bon cœur a cause de son merite, et qu'elle est fille de monsieur et madame de la Ruaz, a qui j'ay lhonneur d'appartenir..

  A016002380 

 Voyci, ma chere Mere, ma niece de la Croix, qui vient des Dames de Bonlieu, a dessein de se faire Religieuse [271] aupres de vous.

  A016002390 

 Qu'a jamais ce Sauveur soit nostre robbe [273] royale qui nous couvre et defende du froid de l'iniquité, et nous eschauffe en ce divin amour que nostre unique cœur cherche..

  A016002390 

 Voyla pourquoy je vay encor plus joyeusement voir si Dieu se servira de moy en quelque chose pour sa gloire; car saches, ma tres chere Mere, que j'ay eu en chemin, et ce matin encor plus, des grans sentimens de la grace que Dieu fait a ceux qu'il employe a son service et ausquelz il donne le vray goust des vertus, ayant eu cette pensee sur les paroles que l'Eglise inculque et qui donnerent le dernier coup a la conversion de saint Augustin: Non point es banquetz et ivroigneries, non point es couches et impudicitès, mais revestes vous de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A016002404 

 Mays parmi cela, j'ay apperçeu que le seigneur gouverneur de Milan a des grandes prattiques pour attirer cet Estat au parti d'Espagne, et a presque des-ja gaigné pour cet effect les vœux et les voix des quattre dizains, qu'ilz appellent, d'en haut: Rarogne, Vespia, Brighen et Comze, qui auroyent des-ja fait passer leur inclination en resolution, si Monseigneur de Sion et les trois dizains d'embas, Sion, Sierre et Loeïtze, ne se fussent grandement opposés pour empescher ce coup, lequel toutefois il sera malaysé de destourner, si quelqu'un n'arrive promptement entr'eux de la part de Vostre Altesse, avec les provisions requises pour reasseurer ces espritz-la fort esbranslés..

  A016002405 

 Et par ce, Monseigneur, que le Valley estant si proche de Savoye et Piemont, ne peut estre qu'extremement utile aux affaires de Vostre Altesse, quand ell'en aura l'alliance et correspondance, j'ay pensé que cet advis estoit d'importance et que je le devois donner a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement de l'avoir aggreable, comm'encor que je luy die que ce jeune Prelat que nous venons de sacrer est de fort bonne esperance, devot, actif, de bon esprit et plus gentil que sa nation n'a pas accoustumé d'en produire, fort affectionné a Vostre Altesse, et qui attendoit avec honneur un anneau episcopal en present, de Monseigneur le Prince Cardinal, ainsy qu'on luy avoit fait esperer..

  A016002419 

 Je vous donnay advis, a mon départ d'Annessi, comme je venois en Valley pour la consecration de Monseigneur l'Evesque de Sion qui, des il y a longtems, m'y avoit convié, et a la celebration delaquelle j'estois necessaire en quelque sorte, puisqu'il n'avoit point d'Evesque plus proche qui luy peut rendre cet office avec moins d'incommodité que moy.

  A016002420 

 C'est pourquoy je la supplie d'envoyer ma lettre ci jointe au plus tost a sadite Altesse, a laquelle je ne dis pas que ces gens-la sont merveilleusement ombrageux et delicatz a entretenir, car elle le sçait bien; mays je luy eusse volontier dit qu'en suite de cela, ilz ont treuvé estrange que le seigneur Valdenghe n'ayt pas comparu au sacre de leur Evesque et a l'assemblee qui estoit assignee a ce jour la, puisque mesme on leur en avoit donné intention, comme aussi a Monseigneur de Syon que Monseigneur le Prince Cardinal luy envoyeroit son anneau episcopal.

  A016002420 

 Que si ledit sieur Valdenghe, ou quelqu'autre de la part de Son Altesse, ne se treuve mardi, 16 de ce moys, ou soudain apres, en l'assemblee generale des dizains qui se doit [277] celebrer, je crains infiniment que l'alliance de Son Altesse ne se convertisse en celle d'Espagne..

  A016002421 

 Au reste, il ne se peut dire combien de carouz on a fait a la santé de Son Altesse, de Messeigneurs les Princes et de Vostre Excellence mesmement, Dimanche passé, au festin solemnel qui ne dura sinon despuis un'heure apres mydi jusques a sept heures et demi du soir; et Vostre Excellence peut penser si, passé la premiere heure, les autres devoyent estre longues a ceux qui ne s'estoyent jamais treuvés en tell'histoire.

  A016002438 

 Qu'elle s'en addresse donq a Nostre Seigneur, qui tient les cœurs des siens en ses mains pour les tirer ou bon luy semble.

  A016002449 

 Nostre Mere d'icy l'ayme parfaitement, et nous voyons que c'est un vase bien poly, vuide, ouvert pour recevoir de [280] grandes graces celestes; car c'est une ame droitte, un esprit vuide et desnué de toutes les choses de ce monde, et qui n'a pensee ni dessein que pour son Dieu.

  A016002449 

 O qu'elle est heureuse en cet estat! car peu importe le tems passager a une ame qui aspire a l'eternité, et qui ne regarde ces momens perissables que pour aller en la vie immortelle..

  A016002450 

 Ah! mon cher Pere, mon Frere, vivons ainsy en ce petit pelerinage, joyeusement selon le gré de nos hostes, en tout ce qui n'est point peché.

  A016002451 

 Ah! vray Dieu, mon cher Pere, moy qui ne fus jamais seulement bon clerc, m'appartient-il d'instruire les saintz Religieux? Portés doucement et amoureusement vostre croix, laquelle, a ce que j'entens, est asses grande pour vous combler de benedictions, si vous l'aymés..

  A016002463 

 J'ay repensé, ma tres chere Mere, au desir que M me de Gouffier a de vous venir prendre, et l'ay conferé avec ses lettres; et m'est venu en l'esprit que peut estre il ne seroyt pas si hors de rayson quil me sembloit d'abord, puisqu'elle son esprit si embarrassé et plein de choses qui l'affligent.

  A016002471 

 Mays de tout cela, ma chere Mere, je ne m'en metz nullement en peyne; au contraire, je benis Dieu dans la nuit de vostre souffrance, et rens grace a Celuy qui vous monstre combien il faut souffrir pour son nom..

  A016002480 

 Dites moy comme vous vous portes, pour Dieu et pour moy, qui suis, comme vous sçaves vous mesme, plus vostre que vous mesme..

  A016002487 

 Mais dites donq un peu bien, ma tres chere Mere, comme vous vous estes portee, car le cœur de vostre filz, qui est le filz de vostre cœur, desire un peu de certitude de cela.

  A016002496 

 Maintenant que vous diray-je? Bien des choses sans doute, si je voulois suivre mes affections, lesquelles seront [284] tous-jours pleynes pour vous, comme je desire que les vostres soyent bien pleynes pour moy, quand sur tout vous seres dans le petit oratoire, ou je vous supplie d'en respandre beaucoup devant Dieu a l'intention de mon amendement; ainsy que de mon costé je respans, non les miennes, qui sont indignes a rayson du cœur ou elles sont, mays le sang de l'Aigneau immaculé, devant le Pere eternel, en faveur de la bonne intention que vous aves d'estre toute sienne..

  A016002497 

 Quel bonheur, ma chere Mere, d'estre tout a luy, qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre! Mais il faut pour cela crucifier en nous toutes nos affections, et specialement celles qui sont plus vives et mouvantes, par un perpetuel allentissement et attrempement des actions qui en procedent, affin qu'elles ne se facent pas par impetuosité, ni mesme par nostre volonté, mais par celle du Saint Esprit..

  A016002498 

 Sur tout, ma chere Mere, il nous faut avoir un cœur bon, doux et amoureux envers le prochain, et particulierement quand il nous est a charge et degoust; car alhors nous n'avons rien en luy pour l'aymer, que le respect du Sauveur, qui rend l'amour sans doute plus excellent et digne d'autant qu'il est plus pur et net des conditions caduques..

  A016002506 

 Mais toutefois, comme ce sont les grandes lumieres qui descouvrent les atomes, ainsy m'aves vous peu voir..

  A016002507 

 A quoy je suis encor attiré par cette sçavante pieté qui vous fait si heureusement transformer les muses payennes en chrestiennes, pour les oster de ce viel prophane Parnasse et les loger sur le nouveau sacré Calvaire.

  A016002507 

 Et pleust a Dieu que tant de poetes chrestiens qui ont en nostre aage si dignement tesmoigné comme vous, Monsieur, la beauté de leur esprit, eussent aussi, comme vous, fait paroistre la bonté de leur jugement au choix des sujetz de leurs poëmes! La corruption des mœurs ne seroit pas si grande; car c'est merveille combien les discours resserrés dans les lois des vers ont de pouvoir pour penetrer les cœurs et assujettir la memoire.

  A016002507 

 Or, puisque non seulement il vous a pleu, Monsieur, de jetter vostre pensee et, ce qui est encor le plus, vostre bienveuillance sur moy, je vous supplie tres humblement de me continuer cette grace par la mesme courtoisie et bonté qui l'a fait naistre en vostre ame sans aucun merite de ma part; et si je ne puis par les effectz, au moins par affection je m'essayeray de correspondre a cette faveur, vous portant a jamais un honneur, ouy mesme (si vous me permettes ce mot) un amour tres particulier.

  A016002529 

 Or, d'autant que l'entreprise est grande et que c'est la premiere saillie ou production de nostre Mayson (que je desire qui ne produise rien que de bon), nous voulons y envoyer la cresme de nostre Congregation; et parce que nostre chere fille Marie Aymee est un de nos plus pretieux sujetz, je desire de la poser aux fondemens de ce nouvel edifice..

  A016002530 

 Et encor (pour parler un peu humainement a un pere qui ayme bien son enfant), cette mission est glorieuse a nostre fille, a laquelle je ne me baste point de demander si elle voudra aller, me tenant asseuré de son obeissance, comme je [289] suis asseuré de vostre resignation, et que vous le deves estre de l'affection fraternelle de.

  A016002538 

 Si vous aymes les richesses, vous y treuveres l'or que les Rois y ont laissé; si vous aymés la fumee des honneurs, vous y treuveres celle de l'encens, et si vous aymes les delicatesses des sens, sentes-y la mirrhe odorante qui parfume tout l'estable.

  A016002539 

 En fin, ma chere Cousine, puisque, sans reserve, vous voules estre toute pour Dieu, ne tenes point vostre cœur en peyne, et, entre toutes les secheresses qui vous peuvent arriver, soyes ferme a demeurer entre les bras de la misericorde divine..

  A016002540 

 Et pour ces apprehensions qui vous arrivent, c'est l'ennemy qui, vous voyant a cette heure toute resolue de vivre en Nostre Seigneur sans reserve et sans exception, il fera toute sorte d'effort pour vous incommoder et rendre dure la voye de la sainte devotion.

  A016002568 

 Hé! Dieu veuille benir et prosperer ce voyage, qui s'entreprend pour son honneur et l'edification de plusieurs.

  A016002569 

 Je vous salue infiniment, ma tres chere Fille, a qui je suis tres parfaitement en Nostre Seigneur, qui vous sauve et benisse a jamais.

  A016002580 

 Les ames que Dieu a rendu tout une sont inseparables, car, qui peut separer ce que Dieu a joint? Non, ni la mort, ni chose quelconque ne nous separera jamais de l'unité qui est en Jesus Christ, qui vive a jamais en nostre cœur.

  A016002585 

 Or sus, ma chere Fille, puisque Dieu est l'unité de nostre cœur, qui nous en separera jamais? Non, ni la mort ni la vie, ni les choses presentes ni les futures, ne nous separeront jamais, ni ne diviseront nostre unité.

  A016002597 

 Hé! ma tres chere Mere, ma Fille, il me vient en memoire que le grand saint Ignace, qui portoit Jesus Christ en son cœur, alloit joyeusement servir de pasture aux lions et souffrir le martyre de leurs dens: et voyla que vous allés, et nous allons, s'il plaist a ce grand Sauveur, a Lion, pour y faire plusieurs services a Nostre Seigneur, et luy preparer plusieurs ames desquelles il se rendra l'Espoux.

  A016002598 

 Que bienheureux sont les espritz qui marchent selon la volonté de ce divin Esprit, et le cherchent de tout leur cœur, laissant tout, et le Pere mesme qu'il leur a donné, pour suivre sa divine Majesté!.

  A016002603 

 Les Anges de dela, qui vous attendent, envoyeront a vostre rencontre leurs [297] benedictions, et vous regardent allant vers leurs lieux, avec amour, puisque c'est pour cooperer a leur saint ministere..

  A016002608 

 O Dieu, que c'est une douce chose que d'avoir la sainte unité des cœurs qui, par une merveille inconneuë au monde, nous fait estre en plusieurs lieux, sans division ni separation quelconque..

  A016002615 

 O Seigneur Jesus, sauvés, benissés, confirmés et conservés ce cœur qu'il vous a pleu de rendre unique en vostre divin amour; et puisque vous luy aves donné l'inspiration de se dedier et consacrer a vostre saint Nom, que vostre saint Nom le remplisse comme un bausme de divine charité, qui, en une parfaite unité, respande les varietés des parfums et odeurs de suavité requises a l'edification du prochain.

  A016002615 

 Ouy, Seigneur Jesus, remplisses, comblés et surabondés en grace, paix, consolation et benediction cette ame qui, en vostre saint Nom, va et demeure ou vostre gloire la veut et appelle.

  A016002616 

 Dieu, qui les a assemblees, les benisse; leurs saintz Anges soyent a jamais autour d'elles, respandant a pleines mains les graces et consolations celestes dans leurs cœurs bienaymés, et que la Sainte Vierge, desployant sa poitrine maternelle sur elles, les conserve en la vertu de son amoureuse maternité.

  A016002623 

 Helas! ce Sauveur a conté toutes vos douleurs, toutes vos souffrances, et a payé au prix de son sang toute la patience et tout l'amour qui vous est necessaire pour saintement appliquer tous vos travaux a sa gloire et a vostre salut.

  A016002633 

 Cependant je vous suis trop obligé de la part que vous aves en tout ce qui me regarde, qui suis aussi de tout mon cœur, Monsieur,.

  A016002646 

 Voyci la seconde commodité de vous escrire, ma tres chere Mere, et voyci aussi ma seconde lettre, qui vous porteroit mille nouvelles du cœur que vous aves icy, si j'avois autant de loysir quil en faudroit; mais je vous en diray asses, ma tres chere Mere..

  A016002647 

 Les deux premiers jours quil ne se vid plus soymesme, il demeura en une douce tendreté et quelques larmes; mais quand je le portay la premiere fois ou il avoit accoustumé de treuver son ame et quil ne l'y treuva plus, il fut saysi d'un estonnement nompareil qui luy a duré trois ou quatre jours et le resaisit souvent, c'est a dire quand il y pense par maniere de privation du bien quil ayme plus que tout autre du monde.

  A016002647 

 Mays tout cela ne touche point la pointe de l'esprit qui, asseuré de plus en plus de l'indissoluble et invariable unité que Dieu a faite de ce que nous sommes, demeure aussi impenetrable a toute sorte d'apprehension.

  A016002650 

 Hé Seigneur, benisses de vostre sainte main le cœur de ma tres aymable Mere, affin quil soit beni en la plenitude de vostre suavité, et quil soit comme une source feconde qui vous produise plusieurs cœurs qui soyent de vostre famille et generation sacree.

  A016002650 

 Je vous salue mille et mille fois, la plus aymee et la plus aymante Mere qui soit au monde, et ne cesse point de respandre des souhaitz sacrés sur vostre personne et sur vostre trouppe.

  A016002651 

 Et sur tout, que le cœur de ma tres chere Mere, comme le mien propre, soit a jamais tout detrempé au tressaint amour de Jesus qui vive et regne es siecles des siecles.

  A016002666 

 Or, puisque je ne puis faire ce voyage la qu'au gré de mon Prince, dans l'Estat duquel je vis et dois vivre, autre n'advenant, et que je ne voy rien qui me puisse promettre son aggreement pour cela, il faut que je prenne patience dans mon buisson, auquel, puisque Dieu y est comme ailleurs, il a dequoy se consoler..

  A016002667 

 Je ne veux point perdre de tems apres Pasque pour tirer au jour ce petit ouvrage de l' Amour de Dieu, que vous aymés et desirés; et voyrement je donneray ordre que vous en aurés les fins premiers exemplaires qui s'en porteront a Paris, comme vous estes aussi le fin premier amy que j'y aye et ailleurs, et que je suis,.

  A016002680 

 Ce qui me rendit d'autant plus estonné, il y a quelque tems, quand je receu une lettre de Vostre Altesse Serenissime, par laquelle elle tesmoignoit d'estre esbahie elle mesme dequoy je tardois tant a rendre ce devoir d'obeissance envers elle et de pieté envers ce Saint.

  A016002680 

 Or, voyla donq derechef, Monseigneur, des authentiques attestations de lhonneur religieux qui a esté porté a ce bienheureux Prince en divers endroitz, avec un petit memorial pour la correction de ce que le P. Maleto en a escrit en desordre, faute d'avoir entendu les actes que j'avois envoyés en langue françoise..

  A016002681 

 Au demeurant, Monseigneur, Vostre Altesse nous [308] ayant fait le bien de procurer la venue des bons Peres Barnabites en cette ville, dont nous la remercions tres humblement, nous la supplions tres humblement aussi tous, tant que nous sommes ses tres obeissans serviteurs de deça, qu'il playse a sa bonté de vouloir bien prendre en speciale protection cette œuvre, delaquelle le fruit sera incroyable et qui portera sa splendeur a la posterité, si les revenus de ce college estoyent suffisans pour l'entretenement d'autant de personnes quil en faudroit pour faire les functions que ces Peres feroyent excellemment en un lieu si propre, regardé de tant de nations estrangeres, centre, de la Savoye, et a la juste distance qu'il faut pour jetter les bons exemples et la doctrine dedans Geneve..

  A016002682 

 C'est pourquoy je la supplie en toute reverence de l'embrasser avec cette pieté qui reluit en elle, et ne cessant point d'invoquer sur sa personne la grace celeste, je demeure a jamais,.

  A016002720 

 Ce que nous avons fait jusques a present est bon, mais ce que nous allons commencer sera meilleur; et quand nous l'aurons achevé, nous recommencerons une autre chose qui sera encor meilleure, et puis une autre, jusques a ce que nous sortirons de ce monde pour commencer une autre vie qui n'aura point de fin, parce que rien de mieux ne nous pourra arriver.

  A016002720 

 Je vis les pleurs de ma pauvre Seur [Marie-Madeleine,] et il me semble que toutes nos enfances ne procedent d'autre defaut que de celuy ci: c'est que nous oublions la maxime des Saintz, qui nous ont advertis que tous les jours nous devons estimer de commencer nostre avancement ou perfection; et si nous pensions bien a cela, nous ne nous treuverions point estonnés de rencontrer de la misere en nous, ni dequoy retrancher.

  A016002722 

 C'est pourquoy le grand Apostre s'escrie: Celuy qui se recommande soy mesme n'est pas appreuvé, mais celuy que Dieu recommande..

  A016002722 

 Mais, ma tres chere Mere, observés donques bien le [312] precepte des Saintz, qui tous ont adverti ceux qui le veulent devenir, de parler ou peu ou point de soy mesme et des choses qui sont nostres.

  A016002723 

 La presence de cette sacree Humanité remplira toute vostre mayson de suavité, et c'est une grande consolation aux ames qui sont attentives a la foy, d'avoir ce thresor de vie proche..

  A016002731 

 J'y ay eu trois consolations, et vous seres bien ayse de les sçavoir, car ce qui me console vous console aussi comme moy mesme..

  A016002734 

 Et quand ilz eurent vuidé la moytié de la place, une quantité d'oysillons qui les regardoyent vindrent la autour d'eux; et tous les pigeons qui mangeoyent encor se retirerent en un coin, pour laisser la plus grand part de la place aux petitz oyseaux, qui vindrent aussi se mettre a table et manger, sans que jamais les pigeons les troublassent..

  A016002734 

 Jean vint au milieu et balia certaine petite place emmi la neige, et jetta la de la graine a manger pour les pigeons, qui vindrent tous ensemble en ce refectoire la, prendre leur refection avec une paix et respect admirable; et je m'amusay a les regarder.

  A016002734 

 Vous ne sçauries croire la grande edification que ces petitz animaux me donnerent, car ilz ne dirent jamais un seul petit mot, et ceux qui eurent plus tost fait leur refection, s'envolerent la aupres pour attendre les autres.

  A016002735 

 J'admiray la discretion de ces mendians, qui ne vindrent a l'aumosne que quand ilz virent que les pigeons estoyent sur la fin du repas et qu'il y avoit encor des restes a suffisance.

  A016002736 

 Mon cœur vous entretient de ses pensees et mes pensees s'entretiennent le plus souvent de vostre cœur, qui est, certes, un mesme cœur avec le mien..

  A016002738 

 Dieu, qui est l'ame de nostre cœur, ma tres chere Mere, nous veuille a jamais remplir de son saint amour.

  A016002752 

 Monseigneur de Nemours a envoyé ces jours passés un gentilhomme pour solliciter promptement une information contre mon frere le chevalier, sur une effrontee [316] imposture que l'on avoit faite contre luy, qui est encor tout malade.

  A016002752 

 Rien ne me fasche en cela que la facilité avec laquelle ce Prince reçoit le rapport des gens de rien, pourveu qu'ilz soyent faitz contre ceux qui me sont quelque chose.

  A016002771 

 Mais ces pauvres gens de bien, qui estoyent revenus par la grace de Vostre Grandeur, preuveront qu'en ces nuitz la ilz estoyent ailleurs, et seroyent bien marris d'avoir ni cooperé, ni consenti a telles malices.

  A016002772 

 Ilz donnent quelquefois des rescritz qui sont emanés par obreption et surreption; c'est pourquoy ilz les renvoyent a leurs cours, Senatz et Conseilz, affin que, parties ouÿes, il soit advisé si la verité a esté teuë, ou la fauseté proposee par les impetrans, desquelz les belles qualités ne servent a rien pour exempter leurs accusations et narrés de l'examen convenable, sans lequel le monde, qui abonde en injustice, seroit tout a fait despourveu de justice.

  A016002773 

 Elle a fait justement de les recevoir, si elle ne les a receuës que dans ses aureilles; mais si elle les a receuës dans le cœur, elle me pardonnera si, estant non seulement son tres humble et tres fidele serviteur, mais encor son tres affectionné, quoy qu'indigne Pasteur, je luy dis qu'elle a offencé Dieu et est obligee de s'en repentir, voire mesme quand les accusations seroyent veritables; car nulle sorte de parolle qui soit au prejudice du prochain ne doit estre creuë avant qu'elle soit preuvee, et elle ne peut estre preuvee que par l'examen, parties ouyes.

  A016002774 

 Les grans Princes ne remettent jamais les places ni les charges qu'a des gens de foy et de confiance, mais ilz ne laissent pas d'estre fort souvent trompés, et ceux qui ont esté fideles hier peuvent estre infideles aujourd'huy; comme ceux qui ont accusé ces pauvres gens peuvent, par leurs deportemens precedens, avoir acquis la creance que Vostre Grandeur leur donne, laquelle ilz meritent de perdre dores-en-avant, puisqu'en abusant, ilz ont fait de si fauses accusations..

  A016002782 

 Cela m'est insupportable, a moy qui ay tant d'inviolables affections a ce Prince, et duquel j'ay si doucement autrefois savouré la bonté.

  A016002783 

 Quel mal leur fait-on, ni a vous, disent les meschans? On nous ravit le bien le plus pretieux que nous ayons, qui est la bonne grace de nos Princes, et puis on dit: Quel [320] mal vous fait-on? Mon tres cher Frere, est il possible que Sa Grandeur m'ayme, qui, ce semble, prend playsir aux rapportz qu'on luy fait de mes freres, puisqu'il a des-ja treuvé que c'estoit ordinairement des impostures, et neanmoins il les reçoit, il les croit, il fait des demonstrations de tres particuliere indignation?.

  A016002784 

 Messieurs les Collateraux, gens hors de reproche, sont reprochés par authorité extraordinaire, seulement parce qu'ilz m'ayment de l'amour qui est deu a tous ceux de ma sorte.

  A016002785 

 Un jour viendra que de m'aymer ne sera plus reproche a personne, comme personne de ceux qui m'ayment particulierement ne merita jamais reproche..

  A016002794 

 Ce porteur est une lettre vivante qui vous exprimera mieux que je ne puis faire sur ce papier, de quel cœur je vous honnore et cheris.

  A016002809 

 J'ay eu force plaintes du curé de Cervens par un certain homme du lieu, qui s'appelle, ce me semble, Pelliex.

  A016002825 

 Or, elle espere principalement en l'entremise de Vostre Altesse Serenissime, Monseigneur, pour obtenir ce soulagement; et je joins ma tres humble supplication a celle que son premier scindique presentera, affin quil plaise a la douceur de [324] Vostre Altesse de favoriser ce pauvre bon peuple qui, avec moy, ne cesse point d'invoquer la divine Majesté sur la personne et les intentions de Son Altesse et de la Vostre,.

  A016002838 

 Et par ce que leur intention, comme je pense, est fort juste et honneste, je n'ay sceu les esconduire; qui me fait vous supplier de les avoir en protection autant comme vous jugerés que vous puissies, sans vostre incommodité, les ayder et favoriser..

  A016002850 

 Helas! ce n'est pas que je n'aye de fort bons desirs de bien servir cette bonne compaignie de servantes de Dieu; mais il faut que la divine Providence, qui m'a dedié a nostre chere Congregation, me donne quelques particuliers mouvemens quand je la sers.

  A016002850 

 Ma Seur Anne Jacqueline, qui est icy et qui me vient de bayser la main de vostre part, veut que je commence cette lettre par sa salutation.

  A016002851 

 J'ay aussi veu la petite Seur Paule Hieronyme, qui a receu une joye incroyable de vostre salutation et a dit qu'elle estoit nostre Eustochium.

  A016002857 

 Hé! Dieu, qui se plaist a tesmoigner sa vertu et sa force en nos infirmités, soit a jamais au milieu de vostre ame pour la tenir enflammee de ce saint amour celeste; qu'il arde emmi les espines et les brusle sans les consumer, affin que l'ardeur de cette fievre amoureuse du Sauveur vous rende douce la fievre ou les restes de la fievre douloureuse que vous aves tant souffert.

  A016002869 

 Il est requis que vous mangies des œufz, et n'y a personne, ce croy-je, qui s'en puisse maledifier..

  A016002870 

 Or, quant a ma niece de Brechard, elle sçait bien que je suis vous mesme, car elle a veu des billetz qui contiennent cette verité la; mays pourtant, je ne luy ay pas voulu monstrer ces trois dernieres lettres, ni en tout, ni en partie.

  A016002874 

 On appelle confesseurs extraordinaires ceux qui, en certain tems, comme quatre ou cinq fois l'annee, viennent; mais ceux de devotion ne viennent que par rencontre..

  A016002884 

 Il faut que je vous parle a cœur ouvert, car a qui donq? Despuis que je suis en cette charge d'Evesque, rien ne [333] m'est arrivé qui m'ayt tant affligé que ce mouvement fait ces jours passés par les scindiques et plusieurs des habitans de Sessel, contre la pieté et la justice.

  A016002886 

 Or, forcé de mon devoir, j'envoye ces deux porteurs, qui ont esté plus que tesmoins oculaires de ce fait, sur [334] tout monsieur Roget, doüé d'une incomparable probité et predicateur fort capable, contre lequel ilz esmeurent les femmes, affin de le faire jetter dans le Rhosne par ce sexe facile a s'esmouvoir, comme s'il eust parlé contre l'honneur de toutes.

  A016002912 

 Ma tres chere Mere, quel moyen de vous escrire a souhait? Mays c'est bien asses que je salue vostre cœur maternel comme le mien propre, avec le plus grand et le plus solide amour qui puisse estre..

  A016002913 

 Et pour mon pauvre cher esprit, qui est un peu travaillé de distractions en l'orayson, que luy diray-je, sinon quil se garde bien des empressemens, quil se tienne fort en la confiance de son Dieu, qu'il se repose en sa providence pour toutes choses, acquiesçant doucement aux evenemens; et puis, si les distractions nous tracassent, ce sera l'un des evenemens quil faudra recevoir, non pour le nourrir, mais pour le souffrir doucement.

  A016002913 

 Ma tres chere Mere, aymes tous-jours bien vostre pauvre chere ame que j'ay, car j'ayme sans mesure, sans fin, hors de toute comparayson et au dessus de tout ce qui s'en peut dire, ma tres chere ame que vous aves: c'est a dire, aymons bien cette tres unique ame et vie quil a pleu a Dieu dé nous donner pour son service..

  A016002914 

 Puys a loysir, ma Seur [Françoise-Gabrielle] veut faire la sienne; [337] mais pour celle ci, il ny a rien qui presse, de sorte que ce sera peut estre seulement bien avant dans l'esté..

  A016002916 

 Mille salutations a nos cheres Seurs qui sont la et, ma tres chere Mere, un peu bien cherement et tendrement a ma chere fille de Chatel, qui sçait bien que je l'ayme, et ma chere Seur de Blonnay, qui est ma fille, et a la pauvre grande fille Jeanne Marie Elizabeth, qui est bien avant dans mon cœur, qui est le vostre propre, ma tres chere Mere.......[Dieu] vous benisse.

  A016002933 

 Je sçai combien est juste le ressentiment d'indignation que vous aves eu contre le sieur de Barraux, et le cœur m'en a fait grand mal, ne m'estant peu tenir de luy en faire la correction et tesmoigner que j'avois part au desplaysir quil vous avoit donné, dautant plus que je m'estois res-joui dequoy il avoit espousé une damoyselle qui est ma parente, sur lhonneur quil a d'estre le vostre si proche.

  A016002933 

 Que si j'osois, j'adjousterois encor mon intercession, que vostre extreme bienveuillance envers rnoy rend hardie et forte, et en fin, la sousmission quil fait, ne desirant sa reconciliation aupres de vous que pour accoyser les remors quil a de vous avoir desagreé, et recouvrer lhonneur le plus pretieux quil ayt en ce monde, qui est d'estre advoüé de vous vostre tres humble serviteur..

  A016002933 

 Tout, comme je pense, favorisera son desir: le tems escoulé, qui luy a donné le loysir de se bien repentir; le tems qui coule, auquel on ne refuse guere le pardon, mesme aux plus perfides ennemis; le bon advocat qu'il employe et avec lequel il va recourir a vostre bonté.

  A016002934 

 Vous feres donq, je m'asseure, encor ce coup selon vostre bonté, laquelle je remercie tres humblement de la faveur quil vous pleut me faire, passant a Lion, m'ayant fait part de la belle Remonstrance contre les duelz, que je prie Dieu vous rendre autant efficace comme les merites de la cause et de celuy qui l'a playdee le requierent..

  A016002935 

 Il est fort gentil, l'esprit vif et qui ayme tendrement la sainte liberté quil a apprise parmi les pages; mais on tasche de luy en faire gouster un'autre un peu plus sainte et, petit a petit, on y proffite parce quil est bon enfant.

  A016002954 

 Si Monseigneur l'Archevesque veut, on pourra bien dispenser pour l'aage en la reception de ces damoyselles, en la contemplation des meres, qui pourront tenir place d'une partie de la resolution que l'aage ne permet pas aux filles.

  A016002955 

 Vous pouves tous-jours respondre pour moy sans scrupule, car il se treuvera tous-jours que ce sera moy qui auray respondu.

  A016003000 

 Remplisses tout vostre cœur de courage, et vostre courage de confiance en Dieu; car Celuy qui vous a donné les premiers attraitz de son amour sacré ne vous abandonnera jamais, si vous ne l'abandonnes jamais.

  A016003010 

 Tenés bon, et prattiques non seulement l'amour solide, mays l'amour tendre, doux et suave envers ceux qui sont autour de vous.

  A016003019 

 Au bout de la, je suis en verité si peu de chose, que je ne suis pas mesme sans honte de voir l'honneur auquel, vous, Monsieur, et celuy qui vous a fait la proposition, aves pensé pour moy.

  A016003021 

 Aussi n'a-ce pas esté sur ses livres que ce desir m'estoit venu, mays sur des autres, comme par exemple, de M. Valladier, qui a fait imprimer l'an passé ses Sermons sous un tel Privilege, et [353] de plusieurs autres; qui m'a fait estimer que ce n'estoit pas un Privilege tant special.

  A016003021 

 Je vous remercie encor, Monsieur, de la peyne qu'il vous a pleu de prendre pour sçavoir si je pourrois obtenir un Privilege pour l'impression de ces petites besoignes [352] que je pourrois faire dores-en-avant; et puisque M. le Chancelier ne treuve pas a propos de me l'accorder sinon pour le libraire que je luy nommeray, il me semble que je dois laisser ce soin la au libraire mesme, qui obtiendra le Privilege pour soy a l'accoustumee.

  A016003021 

 Mays je serois marry que M. le Chancelier creust que j'eusse voulu tirer consequence du grand Cardinal du Perron a moy, qui serois, certes, un temeraire scandaleux si je pensois m'apparier en privilege a cet homme sans pair en doctrine, eloquence et merite.

  A016003022 

 Il commence a prendre un peu de sentiment de reputation, qui luy sera utile, car les remonstrances qu'on luy fait de la part de l'honneur le touchent..

  A016003022 

 Les Peres n'ont pas encor esté d'advis qu'on le mist aux mathematiques de quelques moys, et j'avois treuvé un de nos chanoines qui l'eust fort volontier enseigné.

  A016003022 

 Reste nostre filz qui, en verité, a un cœur fort bon et l'esprit encor meilleur; mais, comme vous le dites, Monsieur, il est un peu friand et brillant, et pour cela nous tascherons de l'occuper fort.

  A016003023 

 Et sans doute, ça esté une vraye inspiration celeste qui vous donna la resolution de le remettre un peu aux Lettres, car la vivacité de son esprit l'eust mis en grand danger en cette autre profession pendant ces deux ou troys ans..

  A016003023 

 Je suis marri que nostre College n'est encor pas en si bon terme comme la bonté et suffisance de ces Peres qui le gouvernent maintenant nous promet qu'il sera bien tost.

  A016003023 

 Mays puisque nous aurons l'honneur de vous [354] voir dans quelque tems, nous parlerons un peu ensemble de tout ce qui est requis pour la bonne conduitte de ce cher enfant, qui est fort aymable et qui reuscira, comme j'espere, extremement bien.

  A016003042 

 Le Pere Dom Henry, Prieur de vostre Monastere de Chambery, est icy, qui prescha hier a la Visitation.

  A016003043 

 C'est, a la verité, une fille que je cheris fort, et qui m'a bien donné de la consolation des il y a dix ans que Dieu voulut qu'elle prist confiance en mon ame; quand vous la verres, je vous prie de la saluer.

  A016003059 

 Ma Mere, helas! c'est sans loysir quelcomque; imagines vous que c'est un billet pour une dame qui veut entrer.

  A016003059 

 Mon ame s'eslance dans vostre esprit, si toutefois il faut user du mon et du vostre entre vous et moy, qui ne sommes rien du tout de separé, mays une seule mesme chose..

  A016003060 

 Dieu, qui est nostre unité, soit a jamais beni..

  A016003061 

 Je suis tres parfaitement en luy, ma tres chere Mere, ce que nul ne sçait que luy mesme qui l'a fait.

  A016003061 

 Vives joyeuse en ce divin Jesus, qui est le Roy des Anges et des hommes.

  A016003068 

 Que vous soyes la ou icy, helas! qui nous peut separer de l'unité qui est en Nostre Seigneur Jesus Christ? En fin, c'est chose desormais, ce me semble, qui n'adjouste plus rien pour nostre esprit, que nous soyons en un ou deux lieux, puisque nostre tres amiable unité subsiste par tout, graces a Celuy qui l'a faite.

  A016003069 

 Mays je crains qu'on ne veuille vous arrester la, ce qui seroit une cogitation injuste [359] et que je ne pourrois ouÿr; je dis la cogitation, car de l'effect, il n'en faut pas parler.

  A016003071 

 Je respons que la vivacité de ces espritz nourris en leur propre jugement ne m'estonneroit point, pourveu qu'on leur eust proposé les maximes generales de la douceur, charité et simplicité, et le despouillement des humeurs, inclinations et aversions naturelles, qui doivent regner en la Congregation; car en fin, qui ne voudroit recevoir que des espritz avec lesquelz il n'y eust point de peyne, les Religions ne serviroyent gueres au prochain, puisque ces espritz-la feroyent presque bien par tout..

  A016003082 

 O que mon ame, des plusieurs jours en ça, est pleine de nouveaux et puissans desirs de servir le tres saint amour de Dieu avec tout le zele qu'il me sera possible! La vostre, ma tres chere Mere, qui n'est qu'une mesme chose, en fera de mesme; car, comme pourroit-elle avoir diverses affections, n'ayant qu'une mesme vie et une mesme ame?.

  A016003095 

 L'homme qui accompagne M. Grandis reviendra soudain avec advis nouveau; je vous en prie, et que ce soit bien distinctement.

  A016003105 

 Nous attendons certes avec une devote impatience M. du Crest, qui n'est encor point arrivé, pour [363] sçavoir un peu de vos nouvelles, car je m'imagine que nous en aurons a force, et par le sire Pierre aussi, par lequel je vous avois envoyé des lettres pour M. des Hayes, ouvertes, affin que vous les vissies.

  A016003106 

 O que bienheureuses sont les ames qui vivent de la seule volonté de Dieu! Helas! si pour en savourer seulement un bien peu par une consideration passagere, on a tant de suavité spirituelle au fond du cœur qui accepte cette sainte volonté avec toutes les croix qu'elle presente, que sera ce des ames toutes destrempees en l'union de cette volonté?.

  A016003120 

 Ce mot part a l'impourveu pour saluer vostre chere ame, que je cheris comme la mienne propre; aussi l'est elle en Celuy qui est le principe de toute unité et union..

  A016003130 

 J'attens, non sans tentation d'inquietude, l'homme qui doit venir de [366] Lion; soudain quil sera arrivé, vous aures part a nos nouvelles.

  A016003131 

 Il proposoit de le remettre a M. de Vallon, qui en donneroit la rente constituée; mays puis que l'on en a besoin pour le bastiment, je pense quil sera mieux de s'en servir que d'en emprunter.

  A016003132 

 Dieu vous benisse des benedictions que ce cœur vous souhaite, ce cœur, dis-je, qui vous cherit vrayement d'un'affection toute paternelle et plus que paternelle..

  A016003139 

 Et comme pourroit on croire que ce brave cœur, qui avoit esté nourri des sa jeunesse en la pieté, et qui avoit en bonne partie entrepris cette si grande separation de tout ce qui luy estoit plus cher pour le zele du service de Dieu, n'ayt aussi esté tres specialement secouru de la grace d'iceluy en son dernier jour, lequel, selon sa profession, il a fini dans les termes de son devoir? Certes, lhonneur de cette mort est extreme, et la posterité la louera sans fin..

  A016003139 

 Il faut advoùer que cet evenement si inopiné est capable de troubler les espritz les plus resoluz de ceux qui ont aymé un peu affectionnement [368] ce brave et genereux frere, et rien que le souverain respect que nous devons a la Providence eternelle, qui ne fait jamais rien que saintement et sagement, ne nous sçauroit mettre en repos sur cet accident.

  A016003140 

 Mays, que ne voudrois-je pas faire pour secourir ce pauvre cœur maternel, quand il sera blessé de ce coup si rude! Releves ce pendant le vostre, mon tres cher Frere, vous qui estes masle, et vous disposes a l'ennuy de voir encor, pour surcroist de vostre perte et de la nostre, les desplaysirs d'une si bonne mere.

  A016003140 

 Qui se promet des autres occurrences en cette plus que miserable vie, il se trompe grandement..

  A016003159 

 Ma tres chere Mere, il est vray, ce cher filz estoit l'un des plus desirables qui fut onques; tous ceux qui le conneurent, le reconneurent et le connoissent ainsy.

  A016003159 

 Mais n'est-ce pas une grande partie de la consolation que nous devons prendre maintenant, ma tres chere Mere? [370] car en verité, il semble que ceux desquelz la vie est si digne de memoire et d'estime, vivent encor apres le trespas, puisqu'on a tant de playsir a les ramentevoir et representer aux espritz de ceux qui demeurent,.

  A016003160 

 Et voyla, ma tres chere Mere, que, sous le bon playsir de la Providence divine, il est parti de cet autre monde pour aller en celuy qui est le plus ancien et le plus desirable de tous, et auquel il nous faut tous aller, chacun en sa sayson, et ou vous le verres plus tost que vous n'eussies fait s'il fust demeuré en ce monde nouveau, parmi les travaux des conquestes qu'il pretendoit faire a son Roy et a l'Eglise.

  A016003161 

 Consolés vous donq, ma tres chere Mere, et soulagés vostre esprit, adorant la divine Providence qui fait toutes choses tres suavement; et, bien que les motifz de ses decretz nous soyent cachés, si est-ce que la verité de sa debonnaireté nous est manifeste et nous oblige a croire qu'elle fait toutes choses en parfaite bonté..

  A016003163 

 C'est l'orayson la plus aggreable que nous puissions faire a Celuy qui en fit une pareille sur la croix, a laquelle sa tressainte Mere respondit de tout son cœur, l'aymant d'une tres ardante charité..

  A016003163 

 Les chrestiens ont grand tort d'estre si peu chrestiens comme ilz sont, et de violer si cruellement les loix de la charité pour obeyr a celles de la crainte; mays, ma tres chere Mere, il faut prier Dieu pour ceux qui font ce grand mal, et appliquer cette priere-la a l'ame de vostre defunct.

  A016003164 

 J'ay prié pour luy et le feray tous-jours, et pour vous, ma tres chere Mere, a qui je veux rendre toute ma vie un particulier honneur et amour, de la part encor de ce frere trespassé, duquel l'amitié immortelle me vient solliciter d'estre de plus en plus,.

  A016003164 

 Vous ne sçauriés croire combien ce coup a touché mon cœur; car en fin, c'estoit mon cher frere et qui m'avoit aymé extremement.

  A016003177 

 Et Dieu soit loué dequoy il luy a pleu la nous conserver! Je veux esperer que ce sera plus longuement que la foiblesse de sa complexion ne nous permet d'esperer; car cette Bonté qui a commencé a nous gratifier, ne s'en lassera point, si nous sommes fideles..

  A016003180 

 Je suis, plus quil ne se peut dire, tout vostre, et a nos cheres Seurs Marie Peronne et Marie, et aussi a vos bienheureuses Novices, que j'appelle ainsy par ce que je connois de plus en plus le bonheur de ceux qui se dedient a l'amour et service divin.

  A016003211 

 Le sieur Philipe de Quoex, recteur de Sainte Catherine, fera voir a Vostre Illustrissime Grandeur combien il me seroit desavantageux d'estre renvoyee par devant Monseigneur l'Evesque de Troyes, et je m'asseure qu'elle considerera et favorisera mes raysons, ainsy que tres humblement je l'en supplie, luy baysant en toute reverence les mains sacrees, et luy souhaitant une grande et abondante recompense de la grace et protection qu'elle exercera pour moy qui suis, Monseigneur,.

  A016003224 

 Ce moys d'aoust passé, madame de la Croix posa la premiere pierre de nostre eglise de la part de Vostre Altesse Serenissime, delaquelle action nous eusmes un grand contentement, pour l'esperance que nous avons que la divine Majesté sera saintement servie en ce petit lieu, par plusieurs bonnes ames qui s'y assembleront a l'advenir en son nom.

  A016003224 

 Ce que Monseigneur l'Archevesque de Lion ayant recommandé a Monseigneur l'Evesque de Geneve, qui est le Pasteur de ce lieu, il a esté jugé expedient de devoir estre accordé, attendu que, par la grace de Dieu, nostre nombre est des-ja asses grand pour pouvoir exercer cette charité, de sorte que troys des nostres sont deputees pour aller dresser cette nouvelle mayson, lesquelles toutesfois, cela estant fait, reviendront icy ou elles se sont premierement donnees a Dieu..

  A016003224 

 Et presque a mesme tems, un nombre de dames vertueuses, filles de la ville de Lion, qui, pour quelque digne sujet, estoyent venues icy l'annee [379] passee et avoyent veu nos exercices, inspirees, comme il est a croire, du Saint Esprit, desirant eriger une mayson de nostre Institut et ayant preparé ce qui est requis a cette intention, nous ont en fin demandé de leur envoyer de nos Seurs pour leur servir de conduite en leur sainte entreprise.

  A016003225 

 Dequoy, comme nous avons deu avant leur depart donner advis a Vostre Serenissime Altesse, aussi estimons-nous qu'elle l'aura fort aggreable, et loüera la Majesté divine dequoy elle daigne se servir de nous pour l'accroissement de sa gloire; puisque mesme, a mesure que nostre Congregation se dilatera, les prieres se multiplieront pour Vostre Altesse, qui a si doucement et favorablement arrousé de sa bienveuillance cette petite plante delaquelle les autres auront pris leur origine, et laquelle, se recommandant tres humblement de plus en plus a Vostre Altesse Serenissime, ne cessera jamais de luy souhaiter toute sorte de sainte consolation, [et] demeurera a jamais toute sienne, comme estant composee,.

  A016003236 

 Ayant conferé avec mes Freres de ce que vous m'aves communiqué pour le regard [des] habitz qui furent jadis a Ripaille, nous n'avons jamais sceu treuver qu'ilz ayent esté remis en depost ceans; et si, ne pouvons croire que s'ilz nous avoyent esté confiés, Son Altesse voulut, apres tant de tems, les nous oster, puisque l'eglise a laquelle ilz appartenoyent n'est point en estre pour les repeter, et que nous ne sommes pas moins ses tres humbles et tres obeissans orateurs qu'aucuns autres ecclesiastiques de ses Estatz.

  A016003268 

 Au sortir de vostre cher Nicy, je ne puis qu'a ma premiere journee je ne retourne par le moyen de ma plume bayser vos sacrees mains et vous dire, comme au depositaire de mon cœur, que tirant contre Geneve et faisant mon oraison sur ce passage: Et instaura numerum militum qui ceciderunt de tuis, hé, Seigneur, ce disois je, restaurez ceux ci, reparez ce nombre infini de Genevois qui sont cheus en l'eternelle perdition.

  A016003268 

 J'ay veu, dis-je, ceste modeste et incomparable Judith, aporter glorieusement la teste de l'Holopherne infernal et mondain, et ay trouvé nostre siecle aussi riche qu'aucun des siecles passés, qui ont fait gloire de triompher en la pieté.

  A016003270 

 Et n'estoit que je voy nostre bon Frere compagnon qui a un peu envie de s'aller delasser, je ne me souviendrois point de finir de vous entretenir de ce que le bon Dieu m'a dit, de sa grace.

  A016003291 

 C'est l'eslancement que je poussois tous les jours vers le Ciel, estant a l'autel, pour la santé de celuy qui m'a enhardy et donné le courage de m'approcher tous les jours de ceste Table sacrée..

  A016003291 

 Quid facient virgultae cum tremunt columnæ? O Dieu, gardez de la mort celuy dont la vie est si necessairement necessaire; plustost, ostez de la vie celuy qui la traine si inutilement et dont les actions sont si miserables.

  A016003292 

 Or, toutes les circonstances de celle que je viens de recevoir de vous, m'obligent: la matiere, la forme, le temps et, plus que tout, cest extreme amour qui, ne la pouvant escrire, l'a dictée, et au milieu de ses douleurs; ainsi, fortior morte dilectio.

  A016003293 

 Je croy qu'il y a des esprits secrets dans les caracteres qui partent de vous, tant ils sont flexanimes, et que d'en haut decoulent des influences particulieres sur vos persuasions, comme si la Deesse Python avoit estably son throsne sur vos levres jamais livre ne me toucha le cœur comme le vostre, jamais lettres ne me contournarent ( sic ) [389] à leur gré comme celles qui me viennent de vous.

  A016003293 

 Vous pouvez sur moy tout ce que vous voulez; vostre jugement a un tel ascendant sur le mien et vostre volonté regente si absolument la mienne, que je rumine vos paroles comme des oracles; je remasche vos escrits comme des fueilles Sibyllines, sur quoy je ne peux faire de gloses qui ne me satisfacent, pourveu qu'elles soient conformes à ces textes.

  A016003296 

 Cependant, si vous estiez en peine de la constitution de mon esprit apres ce deluge d'eaux angoisseuses qui l'ont comme vous sçavez, traversé et presque ensevely dans leur bourbe, je ne vous diray sinon: Hyems abiit, imber transiit et recessit, flores apparuerunt in terra nostra, tempus putationis advenit.

  A016003331 

 Encor que sellon le debvoir que Nous avons d'avoir soing aus affaires importants de nostre Empire, Nous avions assigné l'assemblee generale dans nostre ville Imperiale, a Ratisbonne, par une Nostre dernieredu 22 e octobre de l'annee dernierement escheüe 1613, au premier may de l'annee presente 1614, affin de deliberer et resouldre sur les points contenus en noz propositions faictes pour la derniere diette: Nous avons veu, et avec un extreme regret, cogneu et sceu par des advis tres asseurés, que l'ennemys ( sic ) immortel de toutte la Chrestienneté, tous les jours s'en va d'aultant plus avançant et empietant sur les pais voysins de la province de Sibebourg ( sic? ), laquelle il a soubjugué et reduict en sa puissance avec tout ce qui en despandoit; de sorte que, non content d'avoir, avec un tres grand dommage et cruelle guerre, surmonté ces dictz pais, mais, au tres grand prejudice de la Christienneté, commis plusieurs conflictz tres cruelz et sanglantz et desquelz a present il ne veult desister; car Nous sommes tres asseuré que, pour ce printemps, il se prepare pour attaquer avec touttes ses forces nostre royaume d'Ungrie et les pais Christiens qui luy sont voysins.

  A016003332 

 Et particulierement, se puissent terminer les propositions avancees pour la derniere diette, et que vostre assistance serve a là resulution de ce qui a esté avancé et proposé contre ce cruel ennemy des Chrestiens, le Turc, et pour les necessités de la conservation des forteresses voysines d'icelluy, que sont les defences de tous les pais Christiens; et que le secour accordé pour trente moys ait lieu par tout l'Empire, et que l'on se puisse accorder pour la levee de quelque bonne armee, affin de l'emploier pour repoulser ledict ennemy des Chrestiens et aneantir ses forces qu'il va tous les jours accroisant.

  A016003332 

 febvrier, en ladicte ville, en personne propre, puisque sans l'assemblee desdictz Princes Electeurs, aultres Princes et Estatz de l'Empire, ne se peult resouldre ce qui touche et le repos commun et le bien public de tout l'Empire; oultre que l'absence de plusieurs de noz Electeurs et Princes en la derniere diette, empecha les effaictz que l'on attendoit d'icelle, au grand prejudice de tout l'Empire.

  A016003333 

 Et ne doubtons aucunement que vostre volunté, et de tous lesdictz Princes et Estatz, ne soit tousjours telle, que vous vous porterez tousjours avec une vraie affection pour le contenu ausdictes propositions, et serez tousjours zelé a l'avancement du bien de l'Empire, non seulement en ladicte assemblee, mais encor ou vostre assistance sera necessaire; protestantz, au deffault de ce que la ou lesdictz Estatz et assemblee ne se resouldront a quelque chose de bien, pour la tuition, deffense et soulas de la Christienneté, que ce ne sera a nostre coulpe, ains, comme Nous avons tousjours tesmoigné par tout, nostre syncerité et affection se rendra de plus en plus prompte, comme desja des nostre election Nous vous avons faict paroir en ce que Nous nous sommes portés en ce qui a esté du bien et repos de tout nostre dict Empire, et n'y avons espargné aucun hazard, mesme de nostre vie, comme Nous ne ferons encor par cy appres..

  A016003333 

 Or, puis que pour la conservation de la religion et paix de l'Empire, il est necessaire qu'ilz soient faictz des edictz, loix et ordonnances qui seront inviolablement gardees et observees sellon leur portee, affin que par ce moyen touttes les menees, factions, forces [394] et inquietudes qui se font en icelluy puissent estre empechees et aneanties, et a ces fins vous avons, il y a desja quelque temps, mis le tout en avant; comme aussy plusieurs aultres incommodités, qui desja vous furent proposees a la derniere diette et qui se vont tout le ( sic ) jours de plus accroissantz et augmentantz, Nous offrantz Nous mesme pour touttes les dictes necessités Nous emploier en tout et par tout sellon ce qui sera trouvé expedient et resoulu par tous lesdictz Princes et Estatz en ladicte assemblee.

  A016003384 

 Apres avoir baisé les sacrees mains de Vostre sainte et Illustrissime Seigneurie, je ne puis m'empecher de vous dire que, passant par Lion, tout foible que je suis, j'ay, comme un autre Samson, gousté, odoré et loué la suavité, douceur et pieté du mesnage et du miel de vos cheres abeilles, qui ont jetté leur premier essaim dans cette fameuse ville, ou elles sont en tres grande et rare estime.

  A016003399 

 Je loüe Dieu d'un cœur joyeux que vous ayes transplanté la racine et des branches en nostre France, ou elles rendent desja une odeur de pieté et de devotion qui restaurera la devotion et ralumera le feu du saint amour en plusieurs cœurs de glace.

  A016003399 

 Le Reverend Pere Maillan qui, comme vous savez, est a Lion, m'escrit qu'il trouve en madame de Chantal tout ce que l'on loüe es saintes vefves qui l'on devancee, et quil luy semble, quand il luy va parler, qu'il va dans l'oratoire de la devote et genereuse Judith, tellement tout y respire le Ciel et l'esprit d'oraison.

  A016003428 

 Aussy avons Nous faict que Son Altesse, mon Seigneur et pere, vous aye bien particulierement recommandee au Marquis de Lans et au Senat, auquel vous pourés recourir pour toute sorte d'occasion, comme aussy a Nous, qui ne manquerons de vous favoriser et assister de tout nostre pouvoir, comme la Contesse de Tornon vous dira a bouche, a laquelle Nous avons donné charge d'estre presante en nostre nom a la solannité que vous feres..

  A016003429 

 Voila pourquoy je vous conjure de prier sans intermission, afin que bientost nous puissions voir quelque bout de tant de calamités; ce que Nous asseurant que vous ferés volontier, je vous recommande de prier en particulier pour moy, qui vous cheris bien fort..

  A016003444 

 Je loüe infiniment Nostre Seigneur de vostre bonne et tous-jours meilleure convalescence, vous asseurant que quotidie in sanctissimo Missae Sacrificio je la recommande, ensemble tout ce qui depend de vous, a la misericorde et bonté divine..

  A016003445 

 Il m'a bien dict que pour ce qui est de faire des services de sa personne, qu'il le fera; mais c'est tout froidement, car il croioit que cecy seroit une cause ou il y auroit a gaigner.

  A016003447 

 Escrives moy donc tout court que je despende ce qui sera necessaire au proces et sollicitations, ou vraiement que il ne se peut; car vous sçaves que je vins avec ferme croiance de tous nous autres de faire merveilles avec mes attestations, et non poinct pour plaider.

  A016003447 

 J'ay empronté de Nombride dix ducattons en piece, desquelz je me suis cedulé; je vous prie que, s'il mande la cedule, qu'on les paie a qui la portera.

  A016003448 

 J'avois demandé qu'on la fit au Procureur general de Sainct Paul et au Dom Constantino, car c'estoit le mieux; car ce Procureur est un grand personnage qui, en brief, sera faict Abbé, et, a ce que j'ay conneu, il n'a pas gousté de se voir a la queue de deux autres Procureurs.

  A016003448 

 M. de Savigny a faict bonne procure, mais il n'y a pas mis tout ce qui est necessaire, car il nous commet en façon que l'un ne peut rien sans l'autre, et quod unus cœperit, alter prosequi poterit; et ny est pas aussy la... substitutionem.

  A016003449 

 Vous ferés fort bien, si quelqu'un va a Lyon (car il ne faut mander expres), d'escrire a M. l'Abbé qu'il fit un' autre procure, seulement au Procureur general de la Congregation Montis, etc., [405] sans y mettre son nom, quoy que je l'aye envoyé; car, comme cestuy en sera Abbé, la procure servira pour son successeur et au Pere Dom Constantino Gaietano, decano di essa Congregatione et continuo commensale di Sua Santità; et ce attendant, je ne lairray, avec celle que nous avons, de travailler tout ce qui se pourra.

  A016003451 

 Au reste, en un mot qui en vaut mille: Si Son Altesse parlera en faveur des Feulliantz a Sa Saincteté et priera pour eux, il en sera faict sans autres formalités; sinon qu'en ce cas ledict sieur de Savigny voulut mettre la main a la bourse, et disputer icy la cause a bon escient.

  A016003451 

 De luy dire: En cas que Son Altesse vueille, etc.; que deviendront, etc.? Cela est tout clair que ceux qui sont reformés ne seront jamais chassés, mais seulement les autres, ains seroient ad vitam dans leur monastere, au moins s'ilz y vouloient demeurer; mais M. le Prieur n'a point du tout de volonté d'y demeurer.

  A016003451 

 Je n'y peux faire autre que de informer le Dataire, ce qui va a la longue, pour les grandes occupations ou [il] est.

  A016003452 

 Dieu et de ce grand Pere des moines, sainct Benoit; mais avec tout cela, je suis tout preparé de recevoir avec toutte sorte d'actions de graces, de patience et mortification, tout sinistre evenement qui pourroit arriver, puis que c'est chose asseuré que Dieu permet tout pour le mieux.

  A016003453 

 Il faut vous repeter le mot principal, affin que, tant vous qu'autres a qui il appartient, vous prepariés comme moy: si Son Altesse faict sçavoir a Sa Saincteté sa volonté en faveur des Feulliantz, il ny aura autre remede que celuy que je vous ay desja allegué..

  A016003456 

 J'ay prié M. Gojon de promptement faire la supplique de Cornier et la solliciter, mais, comme vous sçaves: qui n'aura de quoy expedier les Bulles, je ne le conseille d'envoyer a Rome, car touttes les supplications de nostre pays sont accrochees pour les Bulles..

  A016003456 

 Ne procurés pas, s'il vous plaict, qu'il me donne des commissions qui me puissent empescher en l'affaire principal, qui requiert totum bominem.

  A016003457 

 Cet ( sic ) du tout un bon personnage et qui nous est du tout amy; vere Israelita in quo dolus non est.

  A016003472 

 L'Infante Duchesse de Mantoue, ma fille, ayant prins en particuliere protection la Congregation de celle devote compaignie de Dames, nouvellement erigee a Nissy a imitation de celles que saint Carlo a establies a Millan, assavoir de vefves et de filles vierges, pour vivre ensemble en perpetuelle chasteté, soubz l'hobeissance d'une Superieure; les jeunes sans sortir jamais, comme es autres Monasteres les plus reformez, et les autres pour secourir les pauvres malades de ce lieu la, ou il ny a qu'un pauvre hospital lequel n'a le moien d'exercer la charité qui seroit necessaire ausditz mallades; sans qu'elles praetendent vivre d'aulmosne, ny d'accroistre jamais leur revenu de plus de mil cinq centz escus d'or l'annee, qu'elles esperent d'avoir ou par voye de rente constituee, ou en aultre [409] façon, sans agraver noz subjectz sur le faict des tailles, et se contentantz de recepvoir les vefves qui sont sans incommodité d'enfans, et les filles qui vouldront entrer en celle Congregation, moyennant seulement une pension annuelle leur vie durant: ce que Nous a esté fort aggreable, pour l'honneur et gloire qu'en doibt resulter a sa divine Majesté et pour le bien et fruict qu'en recevront nos bien amez subjectz.

  A016003483 

 Et ayant faict reflexion sur les bonnes qualités des Reverends Peres Bernabites, despuis que Nous les avons placés en ceste ville de Thurin, les trouvantz tres capables d'apporter a ladicte ville d'Annessy ung grand bien spirituel et temporel, Nous avons estimé de le faire remettre entre leurs mains, avec tous les biens, revenus, droictz et charges d'iceluy, saufz de moderer ce qui pouvoit estre contraire a leurs Reigles et Constitutions.

  A016003483 

 Et non seulement vous Nous donnerés en cela ung grand contentement, mais aussy tesmoignerés par la vostre affection au bien de la ville et de nos subjectz d'icelle, qui en doibvent ressentir le fruict..

  A016003496 

 C'est pourquoy Nous escripvons aux Scindics de le remettre entre leurs mains, avec tous les biens, revenus, apertenances et aultres droictz d'iceluy, et vous exhortons d'y aporter toute la facilité qui dependra de l'aucthorité que vous y avés, a celle fin de ne retarder ung si grand bien que non seulement la ville, mais toute la province en doibt ressentir.

  A016003496 

 Nous voulons tant croire de vostre zele au mesme bien, que vous franchirés toutes difficultés qui s'y pourraient presenter, afin de rendre cest œuvre a sa perfection..

  A016003514 

 Leurs Magestez le voulant ayder, il se promettoit quil se mestroit en confiance avec ceux de Berne et de Geneve, ses plus proches voisins, et qu'en ceste occasion luy permettant de lever des troupes, il fut passé, avec sept ou huit mil hommes de pied et quelque cavallerie, en Piedmont, ou estant, si sadite Altesse ne l'eust contenté de son mariage, il s'en fust revenu assisté, comme il se promettoit, [412] et suyvy de ce quil y a de François et Savoyars dans son armee, qui sont en effet les meilleurs hommes qu'elle aye; qu'avec l'ayde de Leurs Magestez, il se seroit fait faire raison, et, en tout cas, ny auroit procedé qu'ainsy quil leur eust pleu.

  A016003514 

 Quil connoist clairement que toute la Savoye, et particulierement ses sugets de Genevois, Foucigny et Beaufort, sont lassés de la souveraineté par trop lisentieuse de S. A., qui n'a aucung esgard a leurs miseres depuis vingt ans, et les a reduit au desespoir; et qu'en la resolution quil prendra, ses voisins, bien conseillés, l'assisteront pour leur interest, et se pourront ensemble maintenir sous la protection de Leurs Magestez.

  A016003514 

 Quil croit qu'estant ainsy mal traité, et ses sugets tant oppressés, il peut justement rechercher d'establir la domination du prince, avec telle condition neantmoins, que luy ny aultre n'en puisse abuser a l'avenir, suyvant ses investitures et privileges, alterés par les declarations de ses predecesseurs qui ne luy doivent nuyre ny prejudicier.

  A016003517 

 Nous verrons aussy si nous pourrons nous confier a quelqu'un pour faire parler au Prince de Piedmont, qui est veillé de tous costez, et sera difficile de le pouvoir faire, si ce n'est par le moyen de quelque ecclesiastique partial d'Espagne, qui luy represente le peril quil y a de voir la religion nouvelle introduitte dans les terres de son pere, qui semble y incliner du tout.

  A016003518 

 Tout ce lieu [est] plain d'espions pour prendre garde a ses actions, et ny a que la seule arrivee de l'Ambassadeur qui le maintienne en confiance et honneur.

  A016003574 

 Des documents inédits et une interprétation exacte et rigoureuse des vieilles Chroniques de l'époque, nous permettent de présenter dans l'ordre des dates et dans leur suite naturelle, les événements qui introduisirent en France le premier essaim de la Visitation d'Annecy..

  A016003576 

 «Cette bonne Dame fut tellement touchée de cette lecture et conçut une si haute estime de l'auteur de ce livre, qu'ayant appris qu'il avait érigé une Congrégation en laquelle il avait donné des lois encore plus parfaites, elle fit vœu à Dieu de ne se point donner de cesse et d'employer toutes ses industries pour se faire conduire à Annecy auprès du saint Pasteur et de la nouvelle Congrégation.» Malgré les contradictions qui n'étaient pas pour faire fléchir une volonté tenace, en dépit d'une «petite complexion,» et indécourageable, elle put arriver à Lyon.

  A016003577 

 Vivienne des Gouffiers, marquise de l'Ecluse, qui avait accompagné sa sœur, tomba gravement malade dès l'arrivée et dut retourner en son pays par ordre des médecins.

  A016003580 

 Ame vraiment dévote, «elle entretenoit... dans sa maison plusieurs filles spirituelles qui faisoient profession» de piété «et qu'elle faisoit élever dans la vie interieure et divine, pour s'enflammer en la pratique de la sainte dilection.» C'étaient entr'autres, M me Chaudon, née Bellet, et M me Isabeau Colin, née Daniel.

  A016003580 

 Touchée [419] des merveilles qui se disaient de l'Evêque de Genève, elle aussi avait conçu un très ardent désir de le voir, «de luy remettre la direction de sa conscience et de luy demander l'entrée» dans son premier Monastère.

  A016003581 

 M me des Gouffiers ne tarda guère à découvrir le petit cénacle et, avec cet esprit conquérant qui lui était particulier, elle eut bientôt fait de décider la pieuse troupe à entreprendre le voyage d'Annecy.

  A016003582 

 Leur première entrevue avec le Saint eut lieu dans la matinée du 27; il fut «bien content,» écrivait-il l'après-midi à la Mère de Chantal, «de voir ces bonnes damoyselles..., et particulierement M me de Gouffier, que je voy toute telle que vous m'aves dit.» Dès l'abord, les deux Fondateurs avaient donc distingué la noble étrangère qui tranchait sur les autres par son esprit de décision et sa vive personnalité..

  A016003583 

 Les quatre voyageuses furent accueillies, l'on s'en doute bien, «avec des bontés qui leur ravirent soudain le cœur.» On leur donna l'entrée du monastère pour satisfaire leur dévotion.

  A016003584 

 «Après avoir séjourné dix ou douze jours» au premier Monastère, ces «bonnes damoyselles» s'en retournèrent à Lyon, à l'exception de «M me des Gouffiers qui ne se put résoudre à quitter» les «bienheureux Fondateurs, et demeura dans la Congrégation avec des ardeurs inexplicables pour la perfection.» Les trois autres ne sortirent d'Annecy qu'à regret, protestant qu'elles y laissaient leur cœur..

  A016003585 

 M me d'Auxerre paraissait la plus ardente à la poursuite de ce projet, mais son désir était sérieusement traversé par la présence de son fils encore jeune, qui avait besoin de sa conduite et de ses conseils.

  A016003585 

 «Et ce Reverend Pere, qui avoit contracté une sainte alliance avec» l'Evêque de Genève, «prit la charge de luy en écrire et de sçavoir son sentiment sur cette proposition.» Le saint Fondateur répondit qu'il l'agréait singulièrement et qu'il en favoriserait la bonne issue par «toutes sortes d'assistances.».

  A016003586 

 On accommoda celle-ci au mieux qu'il fut possible, conformément à ce qui avait été remarqué à Annecy.

  A016003587 

 A l'imitation des anciens contradicteurs, qui disaient si Dieu ne parlait qu'à Moyse, ils dirent aussi... si Dieu ne faisait des merveilles que par l'Evêque de Genève; si d'autres Evêques ne pouvaient pas ériger des Congrégations autant parfaites et bien réglées que celle qui était établie à Annecy.

  A016003587 

 Pour la diriger, l'Ordinaire désigna M. Lourdelot, prêtre du diocèse de Langres, qui avait commencé, sans le finir, son noviciat chez les PP. Dominicains de Dijon.

  A016003588 

 «L'esprit humain qui, dans ses entreprises, contrefait turbulemment l'esprit de la grâce, faisait parade d'ardeur à la poursuite de cette bonne œuvre.

  A016003589 

 M gr l'Archevêque donna aux quatre fondatrices l'habit religieux: il «consistoit en une robe gris Minime, une ceinture de corde et un voile blanc,» costume qui ressemblait à celui des Clarisses.

  A016003592 

 Elle va trouver le P. Grangier, le supplie de s'intéressera la reprise du premier projet, et, en même temps, envoie à François de Sales un rapport de tout ce qui se pouvait faire ou espérer pour la réussite..

  A016003592 

 Tout émue et déconcertée par la malheureuse issue de l'entreprise, M me d'Auxerre lui conta sa peine, ses regrets, mais aussi lui confia son désir toujours vivace qui la portait invariablement vers Annecy.

  A016003593 

 La lettre du 15 octobre 1614 semble répondre à cet exposé: on voit par sa teneur, que le Bienheureux, tout en adhérant à un espoir [423] qui lui sourit, se tient sur la réserve et conseille à la fervente négociatrice de prêter son concours suivant l'occurrence, mais sans rien laisser paraître qu'une «tres absolue indifference.» En même temps, il écrivit au P. Grangier, sans doute pour l'assurer qu'il persévérait dans son bon vouloir de favoriser, quand les esprits seraient préparés, l'établissement d'une seconde Maison de la Visitation.

  A016003594 

 Auparavant, l'Archevêque de Lyon avait reçu la visite des Religieuses qui, désemparées et comme des «brebis errantes,» venaient solliciter assistance et compassion, demandant qu'après cette expérience, il plût à Sa Grandeur d'appeler le cher Institut d'Annecy.

  A016003595 

 Assuré maintenant que les obstacles étaient levés, saint François de Sales n'hésitait plus à s'engager, M. Lourdelot lui-même, qui naguère avait contrecarré si passionnément la sainte œuvre, reconnaissait, avec une très méritoire franchise, l'insuccès de sa tentative, et voici qu'il employait ce qui lui restait de crédit pour favoriser le dessein auquel tout d'abord, avec tant d'éclat, il avait fait échec.

  A016003595 

 C'est François de Sales qui nous apprend cette curieuse particularité: «Au reste, ma chere Fille, celuy qui a destourné, ramene maintenant ses congregees a leur premier dessein.

  A016003595 

 Il m'escrit,» ajoute-t-il, «un trait de la Providence divine qui me plaist fort.».

  A016003596 

 Notre-Seigneur y mit ordre: à l'ouverture des patentes, l'on vit que le mot était miraculeusement changé, et qu'où les hommes avaient mis Congrégation de la Présentation, il y avait en beau caractère bien formé Congrégation de la Visitation... Cette merveille... fut cause que notre petit Institut fut mieux goûté qu'il n'eût été; ceux qui avaient été contraires à notre établissement disaient alors: «La main de Dieu travaille pour ces Religieuses ici.».

  A016003597 

 Un récit plus circonstancié de la sainte Fondatrice complète les détails de ce fait merveilleux: «Nous avons appris de ma Sœur Colin,... que M. Fijean, à qui feu Monseigneur de Marquemont remit les lettres pour les porter au Roi afin qu'il les signât,» ayant «obtenu de Sa Majesté la permission que l'on demandait, comme il les présenta à mondit seigneur de Marquemont, l'on trouva le nom de Visitation au lieu de Présentation; de quoi Monseigneur l'Archevêque demeura fort surpris, et beaucoup plus, lorsqu'après avoir su dudit sieur Fijean qu'il avait présenté les lettres en la même forme qu'il les lui avait remises, et ne savait point la cause de ce changement, ni qu'il se fût fait, il voulut revoir celles qu'il avait écrites de sa main, et trouva le même mot de Présentation changé en celui de Visitation, sans qu'il apparût changement de caractère ni effaçure.» Alors, «l'on veid,» remarque la Mère de Chaugy, «que Dieu... avoit conduit l'esprit ou la main du secretaire, pour écrire ce qu'il avoit déterminé dans les conseils eternels de sa Providence.».

  A016003599 

 «Toute cette belle compagnie,» écrit une annaliste, «fut très bien reçue à Annecy, tant par le saint Prélat que par notre bienheureuse Mère de Chantal,» à qui on donna pour coopératrices «nos Mères Marie-Jacqueline Favre, Assistante et Directrice; Péronne-Marie de Chastel, économe, dépensière, surveillante et robière; Marie-Aimée de Blonay, conseillère, sacristine, portière et lingère: toutes sujets d'élite et de choix.» Le 25 janvier 1615, François de Sales écrivait à M me de la Fléchère: «Nostre bonne madame de Chantal part demain pour aller coucher a Clermont, ces messieurs et ces dames de Lion estant venus la prendre.».

  A016003600 

 Celle-ci emportait quelque chose de plus précieux encore que les bénédictions affectueuses d'un Saint: elle avait avec elle les Constitutions écrites de la propre main du Fondateur, c'est-à-dire la législation toute céleste qui devait donner l'âme et la vie aux Monastères de l'avenir..

  A016003609 

 Noz bien amées JANNE CHAPUYS, YSABEAU DANIEL, CLAUDINE CALLON et ANNE MARIE BELLET NOUS ont faict dire et remonstrer que pour le desir qu'elles ont du despuis long temps de vivre soubz quelque saincte Reigle, en servant et se vouant a Dieu, elles auroient choysi et esleu celle de la Congregation des filles dediées à Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION; en laquelle ayant resolu de passer le reste de leurs jours, elles se seroient addressées à nostre amé et feal l'Archevesque de Lyon, lequel approuvant leur bonne et devotte intention, leur aurait, sur la requeste qu'elles luy auroient presentée, promis, pour ce qui regarde sa dignité archepiscopalle, soubz nostre bon plaisir, de faire construire et eriger en nostre ville de Lyon, un Convent, dans lequel elles puissent vivre soubz les Constitutions qui leur seraient par luy ordonnées, conformement à ladicte Congregation, et a la charge d'y demeurer en perpetuelle closture, et ne demander, ny faire demander aucunnes aumosnes pour elles, ains de renter et dotter ledict Convent à proportion des Religieuses qui y seront receues, dont on luy feroit apparoir avant que aucune s'y renfermast, et à condition qu'elles seraient entierement, elles et leur Maison, soubz son regime et jurisdition, et de ses successeurs Archesvesques.

  A016003610 

 Sçavoir faisons que Nous, désirans subvenir ausdictes exposantes en cet endroict, et Nous rendre participans de leurs devotes prieres et oraisons pour la prosperité de cest Estat, de l'avis de la Royne Regente, nostre tres honnoré ( sic ) Dame et Mere, et de nostre propre mouvement, grace speciale, plaine puissance et autorité royalle: Avons permis et accordé, et comettons et accordons par ces presentes, signées de nostre main, ausdictes exposantes, de faire construire, bastir et ediffier, en nostre dicte ville de Lyon, un Convent de la Congregation des Sœurs dediées a Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION, au lieu et place qu'elles choisiront ou auront choysi [428] pour cet effect, à elles appartenant, moings incommode au publicq, et par l'advis du Gouverneur et des Prevost et Eschevins d'icelle ville, pour s'y r'enfermer et vivre le reste de leurs jours aux conditions qui leur ont estes prescriptes par ledict Archevesque de Lyon et soubz son auctorité et jurisdition; sans qu'elles puissent estre en ce que dessus, troublées ou empeschées par quelque sorte de personnes ou en quelque maniere que ce soit.


17-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVII-Vol.7-Lettres.html
  A017000013 

 Le Saint n'agrée pas que ses amis se déchargent sur lui d'une responsabilité qui leur incombe.

  A017000037 

 On peut attendre de grands fruits de l'établissement des PP. Barnabites à Thonon et de la restauration du culte qui sera faite par eux dans l'église de Saint-Augustin.

  A017000041 

 — Le mien et le tien: deux mots qui ruinent la charité.

  A017000042 

 Recommandation en faveur d'un converti qui se destine à l'état ecclésiastique.

  A017000043 

 — Une fille spirituelle du Saint qui donne espérance de bien servir Dieu.

  A017000055 

 — Gracieuse humilité de François de Sales qui s'entend peu aux compliments et marche « a la bonne foy ».

  A017000074 

 De grandes fêtes qui, d'elles-mêmes, parlent divinement.

  A017000076 

 Une affaire qui s'achèvera à la satisfaction du destinataire.

  A017000089 

 — Malades qui refusent les ordonnances du médecin. 84.

  A017000098 

 Un prétendant au sacerdoce qui a besoin d'étudier davantage. 93.

  A017000099 

 — Celui qui a planté un arbre le doit arroser.

  A017000101 

 Des racines qu'on ne peut arracher, mais qui ne doivent pas produire de fruits.

  A017000120 

 — Deux sortes de bons désirs: ceux qui sanctifient l'âme et ceux qui remplissent l'enfer; comment les distinguer.

  A017000127 

 Un malade qui suivra les ordonnances de la Mère de Chantal 120.

  A017000140 

 Une rencontre qui ne serait pas à propos.

  A017000142 

 Un aumônier qui sera « bravement » remplacé par « un pauvre Evesque ».

  A017000152 

 — Dieu ne laisse jamais succomber ceux qui se confient en lui.

  A017000154 

 — Ne pas s'affliger de ce qui ne peut séparer de Notre-Seigneur.

  A017000160 

 » — Un livre qui suppléera à la rareté des lettres.

  A017000169 

 La fidélité d'un porteur de lettrés qui ne doit pas être suspectée.

  A017000177 

 Un fermier qui promet ce qui n'est pas à lui.

  A017000184 

 — « Tout pour Dieu: l'amour et le cœur qui ayme.

  A017000186 

 Un galérien qui doit payer sa grâce par des œuvres pies. 178.

  A017000193 

 — Les fruits spirituels qui se préparent pour le prochain Carême.

  A017000201 

 — Dieu « donne sejour dans son temple æternel a ceux qui luy en font icy bas des temporelz.

  A017000210 

 Les vertus qui doivent accompagner le zèle.

  A017000217 

 Un ecclésiastique qui porte les armes et extorque des lettres de faveur au duc de Savoie.

  A017000220 

 — Que faire des gens qui veulent se gouverner à leur guise.

  A017000268 

 De sorte que, quand cet honneste homme que vous m'envoyastes me vint parler de cela et que je vis la lettre de monsieur de Charmoysi, je fus tout surpris et dis que je n'avoys point de charge de cela, et que mesme, m'estant enquis des Peres Barnabites et de plusieurs autres sil y avoit du mal en M. Rosset, pour lequel on le deust renvoyer, je n'avois rien peu treuver qui meritast cela.

  A017000268 

 Et sur cela, M. de Vallon se chargea de rechef de s'enquerir des deportemens du sieur Rosset, et en alla parler aux Peres Barnabites et a d'autres qui, comme il me dit par apres, treuverent fort estrange qu'on parlast de ce changement; et alla treuver monsieur de Charmoysi qui m'escrivit une lettre par laquelle il me mandoit en termes generaux, que j'avois tout pouvoir, et ne me disoit nulle resolution..

  A017000269 

 En somme, je conclus a M. de Vallon qui m'apporta la lettre, qu'en leur absence et la vostre je prouvoirois aux enfans, quand je m'appercevrois quil y eust chose qui meritast que j'y misse la main, pour le devoir que [2] je leur avois a tous trois; mais que les peres et meres estans presens, c'estoit a eux de s'en accorder et de le faire; et que je m'en remettois a eux, puisque principalement monsieur de Charmoysi requeroit en la lettre que vous m'envoyastes, des conditions en un maistre qu'on ne treuve pas mesme es maistres ou precepteurs des Roys: un maistre qui n'eust rien a faire qu'apres les enfans, ni pour dire la Messe, ni pour estudier d'estude particulier.

  A017000269 

 Or en somme, il ne me sembloit pas raysonnable que les peres estans presens, je fisse rien en cela, n'y ayant rien qui pressast (que je sceusse), et le parti de M. Rosset estant defendu par tant de gens dignes de creance..

  A017000270 

 Je voy vos enfans qui se font gentilz, et ne me semble pas que vous en deves estre en peyne; outre que M. Rosset, qui s'est veu a la veille d'estre hors de sa condition avec quelque deshonneur, s'evertuera de faire tous-jours mieux.

  A017000270 

 Voyla tout, ma tres chere Fille, sinon quil faut que je vous die que des-ja le changement de M. Romain a M. Rosset fut treuvé mauvais, par ce que ceux la mesme qui parloyent en mal de M. Rosset ont dit despuis quilz avoyent eu tort, et M. de Charmoysi le fit seulement pour ne vous point desagreer, par condescendence.

  A017000270 

 [3] Et il m'a pleu de quoy il n'a pas nié l'accident qui luy arriva pour avoir mangé hors du logis..

  A017000271 

 Au reste, nostre Mere est guerie, avec une grande consolation de voir arriver quantité de damoyselles et dames vefves bien qualifiees, qui demandent place en la Congregation.

  A017000272 

 Dieu, a qui nous sommes, nous gardera et fera de plus en plus profiter en son saint amour et au veritable mespris de nous mesme..

  A017000305 

 A mesme que la tres souveraine bonté de la divine Trinité renvoye l'Esprit de son adoration en la sainte Eglise, elle renouvelle, ce me semble, celuy de la sacree vocation de ma tres chere, tres bonne et tres honnoree Mere, laquelle sortant de son païs sans sçavoir ou elle alloit, mais croyant a Dieu qui luy avoit dit: Sors de ta terre et de ton parentage, elle vint en la montagne qui avoit pour son nom: Dieu la verra; et Dieu l'a veüe, multipliant sa race spirituelle comme les estoiles du ciel..

  A017000306 

 O qu'il soit, ce cœur de ma Mere, eternellement fiché au Ciel comme une belle estoile qui en ayt une grande trouppe autour.

  A017000307 

 Gloire soit au Pere, au Filz et au Saint Esprit, de l'assemblee qu'il a faite de tous ces cœurs pour son honneur; mais, helas! que de confusion pour le mien qui a si peu fidelement cooperé a une si sainte besoigne! Or sus, cette mesme tressainte Trinité, qui est une tres souveraine bonté, nous sera propice, et nous ferons des-ormais sa volonté.

  A017000317 

 Ayant receu vostre lettre et le message que l'on m'a fait de vostre part, je vous diray que je connois fort distinctement les qualités de vostre cœur, et entre toutes, son ardeur et force a aymer et cherir ce qu'il ayme: c'est cela qui vous fait tant parler a Nostre Seigneur de ce cher trespassé, et qui vous porte a ces desirs de sçavoir ou il est..

  A017000318 

 Or, ma chere Mere, il faut reprimer ces eslancemens, qui procedent de l'exces de cette passion amoureuse; et quand vous surprendres vostre esprit en cet amusement, il faut soudain, et mesme avec des paroles vocales, retourner du costé de Nostre'Seigneur et luy dire, ou cecy mesme ou chose semblable: O Seigneur, que vostre providence est douce! que vostre misericorde est bonne! Hé, que cet enfant est heureux d'estre tombé entre vos bras paternelz, entre lesquelz il ne peut avoir que bien, ou qu'il soit..

  A017000320 

 Et passés outre; car si vous permettes a vostre ame de s'amuser a cet object proportionné et aggreable a ses sens et a ses passions inferieures et naturelles, jamais elle ne s'en voudra oster, et, sous pretexte de prieres, de pieté, elle s'estendra a certaines complaysances et satisfactions naturelles, qui vous osteront le loysir de vous employer autour de l'object surnaturel et souverain de vostre amour.

  A017000320 

 Il se faut sans doute moderer en ces ardeurs des affections naturelles, qui ne servent qu'a troubler nostre esprit et divertir nostre cœur..

  A017000321 

 Or sus donq, ma tres chere Mere, que j'ayme d'un amour vrayement filial, ramassons bien nostre esprit dans nostre cœur et le rangeons au devoir qu'il a d'aymer tres uniquement Dieu, et ne luy permettons aucun amusement frivole, ni pour ce qui se passe en ce monde, ni pour ce qui se passe en l'autre; mays, ayant departi aux creatures ce que nous leur devons d'amour et de charité, rapportons tout a ce premier amour magistral que nous devons au Createur, et conformons-nous a sa divine volonté..

  A017000332 

 Ce desir qui se presente en l'orayson et cette volonté qui luy vient tous les jours sont aussi des bonnes marques; mays le tems fera voir plus clairement a quoy elle se devra resoudre.

  A017000334 

 Nous benirons aussi l'eau; mais vous ne me dites point a qui nous la donnerons..

  A017000348 

 Je vous remercie de la confiance que vous aves en moy, qui reciproquement vous cheris d'une affection toute particuliere, et ne cesse point de vous souhaiter les vrayes consolations du Saint Esprit entre les tribulations desquelles sa Bonté vous visite, pour vous exercer en l'humilité et patience.

  A017000349 

 Quand le livre dont vous me parles sera imprimé, qui ne peut estre de deux mois, vous en aures, Dieu aydant, que je prie cependant de vouloir estre luy mesme le livre de vostre cœur, dans lequel vous lisies et apprenies a bien aymer sa tressainte Croix, delaquelle il vous fait participante..

  A017000367 

 Et tous-jours feres vous bien de vous humilier fort aux advis de vostre confesseur, qui void l'estat present de vostre ame, lequel, quoy que je m'imagine asses sur ce que vous m'en dittes par vos lettres, si est-ce qu'il ne me peut pas estre conneu si particulierement comme a celuy a qui vous en rendes conte.

  A017000367 

 Or j'entens, qu'encor que vous esloigneres un peu vos Communions, vous ne laisseres pas pour cela de bien suivre la frequence des confessions, car de celles ci, il n'y peut avoir aucune rayson de les esloigner; au contraire, elles vous seront utiles pour assujettir vostre esprit qui, de soy mesme, n'ayme pas la sujettion, et pour l'humilier et luy faire mieux discerner ses fautes..

  A017000368 

 Je vay a Lion pour contenter Monseigneur l'Archevesque de ce lieu-la, qui vouloit venir vers moy en toute façon si je ne me fusse resolu d'aller aupres de luy, puisque c'estoit bien la rayson que je le previnsse en cet endroit.

  A017000369 

 Aymes tous-jours mon ame qui cherit tres parfaitement [13] la vostre.

  A017000383 

 Je respons a vostre derniere demande, en peu de paroles, que je n'ay pas changé d'advis despuis que j'escrivis l' Introduction a la Vie devote; au contraire, je me voy tous les jours affermi en mon sentiment pour ce qui regarde le support des injures.

  A017000384 

 Jamais [14] une femme qui a le vray fondement de l'honneur ne le peut perdre; nul ne croit ces infames diffamations, ni ces chansonneurs: on les tient pour des meschans.

  A017000384 

 Le meilleur moyen de reparer les ruines qu'ilz font, c'est de mespriser leurs langues qui en sont les instrumens, et de leur respondre par une sainte modestie et compassion..

  A017000385 

 Croyés moy, ma chere Fille, l'honneur des gens de bien est en la protection de Dieu, qui permet bien quelquefois qu'on l'esbransle pour nous faire exercer la patience, mais jamais il ne le laisse atterrer, et le releve soudain..

  A017000385 

 J'ay une recente experience de la vanité, ou plustost du dommage que les proces apportent en ces occasions, en une des plus vertueuses dames du Maconnois, qui s'est infiniment mal treuvee d'avoir quitté mon advis pour suivre l'impetuosité de la passion de ses parens.

  A017000409 

 O Seigneur, a qui tout est present, donnes a nostre esprit une telle presence de soy mesme comme vous luy aves donné un'unité, affin quil vive autant consolé quil est requis pour vous bien servir en vostre presence, Seigneur, et en la sienne de soy mesme.

  A017000420 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait aux RR. PP. Missionnaires.

  A017000430 

 Avec mille bonsoir (sic), je vous avertis du depart du [19] P. Cordelier, qui sera demain un'heure devant jour; si vous aves escrit, je feray le memorial.

  A017000441 

 Le Frere N. vint a moy au plus fort de son affliction, et puis dire qu'il estoit plus mort que vif, tant sa desolation estoit extreme; et je me resouvins de Celuy qui linum fumigans non extinguit, et quod confractum est non conterit.

  A017000442 

 Mais, mon Reverend Pere, ç'a tous-jours esté avec cette reserve, qu'elle respecteroit et honnoreroit en toutes occurrences vostre Ordre, et se comporteroit humblement envers tous ceux qui en sont.

  A017000444 

 peut estre vos Constitutions ordonnent a ceux qui reviennent.

  A017000455 

 Elle a grand besoin d'estre assistee et appuyee bien doucement, pour la multitude des travaux que la vivacité de son esprit luy donne, qui ne cesse guere de luy fournir des motifz pour aggrandir son mal.

  A017000455 

 Nous vinsmes donq ce jour-la a Saint Prix, et tous-jours avec la bonne madame la Presidente [Le Blanc] qui m'ouvrit son cœur, autant que l'occasion le luy permit, fort franchement.

  A017000456 

 A mon arrivee, elle s'eslança a mon col avec une joye bien extraordinaire a son humeur melancholique, elle qui jamais ne me fit aucune caresse.

  A017000457 

 Je la laissay en paix, sans apparence de mal, sans plainte, sans tesmoigner aucune sorte de passion, sinon de revoir son mary, qui estoit la seconde chose qu'elle avoit desiré avant son trespas.

  A017000459 

 Vivés toute genereusement et noblement joyeuse en Celuy qui est nostre unique joye.

  A017000471 

 Certes, ces grandes villes sont importunes pour cela, au moins pour les pauvres villageois comme moy, qui n'y sont pas accoustumés.

  A017000471 

 Mais, si je n'ay peu vous escrire, je n'ay pas laissé de parler souvent de vous avec ce digne Prelat, qui certes tesmoigne de vous honnorer et estimer grandement; en quoy je prenois grand playsir, comme vous pouves penser..

  A017000472 

 La guerre a esté courte, mais aspre tout ce qui se peut, [25] et ou Son Altesse et les Princes ses enfans ont fait paroistre leur vertu originaire des anciens Amé et Thomas.

  A017000488 

 Convié par Monseigneur l'Archevesque de Lion, j'ay esté ces jours passés aupres de luy, ou je pensois treuver le loysir de demy heure pour vous escrire; mays je ne sceu onques gaigner cela sur la multitude des visites et de quelques autres occupations qui me furent donnees, outre quelques predications.

  A017000489 

 Il a eu pour cela prou de disputes avec ses maistres, qui le vouloyent empescher de sortir et de prendre des libertés contraires aux regles du college.

  A017000490 

 S'il persevere, nous aurons occasion de nous en contenter; s'il ne le fait pas, il faudra user de l'un de ces deux remèdes: ou bien le retirer dans un college un peu plus fermé que celuy ci, ou bien luy donner un maistre particulier, qui soit homme et auquel il rende obeissance.

  A017000493 

 Playse a sa divine Majesté qu'elle dure, et qu'elle donne ouverture a quelque bonne intelligence et alliance pour le Prince de Piemont, qui est le plus sage, le plus courageux et le plus devot prince qui ayt esté il y a long tems..

  A017000506 

 J'ay de rechef beaucoup de consolation, ma tres chere Fille, de vous voir si contente aupres de ce cher mari, [29] qui me fait beaucoup d'honneur de m'aymer, quoy que je ne le merite nullement, si ce n'est par la fidele affection que je vous ay a tous deux..

  A017000507 

 J'espere neanmoins que le benefice de nature qu'ell'a eü apres une si longue retention, luy sera salutaire et que, moyennant les remedes que ce bon medecin, qui est fort experimenté, luy appliquera, le mal ne passera pas le septiesme, Dieu aydant, lequel nous prierons ardemment pour elle..

  A017000524 

 Car, dequoy vous pourrois je entretenir maintenant? Chacun, en ce païs, se repose pour un peu, comme gens qui ne font que de sortir d'un grand travail, et tous-jours quelques uns prennent le repos final dans la sepulture, pour les extremes incommodités quilz ont souffertes en la guerre, en laquelle il semble quilz n'ont pas eu le loysir de mourir, et qu'au premier tems qu'ilz ont de relasche, ilz font ce devoir.

  A017000524 

 Mais, ce qui console les miserables, c'est que de ceux qui furent nos ennemis, il en meurt beaucoup davantage, comme s'ilz n'estoyent sortis de la terre des tranchees que pour reentrer en celle des tombeaux..

  A017000539 

 Je desirerois neanmoins quil en eut sans prejudice de ma parole, et ne doutant point que les sieurs Gay et Choudens ne s'accommodent volontier a mon intention, je vous prie de faire avec eux quilz associent ce personnage [32] qui, pour l'appuy quil aura de monsieur de Siccard et de monsieur de la Faye, pourra beaucoup pour rendre la ferme plus utile.

  A017000540 

 Et ne sert a rien de m'alleguer des exemples, car les Evesques qui les permettent peuvent avoir plus d'authorité que je n'ay pas; et comm'ilz ont, je m'asseure bien, dequoy respondre de leurs actions, aussi respondray-je, comme j'espere, des miennes.

  A017000556 

 Il faut, ma chere Mere, en telles occurrences me dire vostre advis; car, moy qui ne voy que par vos yeux comme par les miens, en ceci, comme puis-je bien juger sans vous?.

  A017000556 

 Or sus, comme je pourray, je vay dire premierement, que ces bonnes dames seront les bienvenues apres [34] la [Toussaint,] que vous seres icy, si vous treuves bon qu'on les reçoive dans la Visitation pour le tems qu'elles demandent, et que vous pensies qu'elles doivent estre edifiees de la conversation de nos cheres Seurs et de ma veüe; car, ma chere Mere, vous qui les aves veües, pourres mieux discerner cela que moy.

  A017000556 

 Seulement, je suis en peine de ce bon monsieur le president de Ressiguier, qui, comme homme de qualité, sil [35] demeure tant parmi nous, aura sans doute fort a faire a supporter nos bassesses et imperfections.

  A017000557 

 De l'autre projet, certes, je ne voy nulle apparence que nous employons nos filles pour les monasteres du Tiers Ordre, car nous n'en avons pas de reste de filles qui puissent servir de conductrices.

  A017000557 

 Et puis, comme pourroyent elles servir en un Institut qu'elles [ne connaissent] pas? J'admire que cette bonne [dame refuse de convertir] ce dessein en Carmelines; car, pour [le dire à votre cœur] comme au mien propre, les Tiercelines... lesquelles le sont d'un seul Ordre et qui n'est encor [pas reconnu des] doctes, comme n'ayant que cinq ou six petitz monasteres..

  A017000558 

 [Il m'est [36] avis que] ce seroit un bon expedient, que la Mere Elisabeth venant icy, amenast avec soy deux des plus capables de Tholouze et autres deux de Billon, qui, en quatre ou cinq moys, pourroyent estre suffisamment façonnëes pour retourner vers les autres et les mettre en train, avec l'assistence des lettres et des visites de monsieur l'Aumosnier ou de quelqu'autre avec lequel nous confererions; car en somme, je ne voy rien en cette ville que ma Seur de la Roche, pour le present, laquelle ne seroit encor peut estre pas bonne toute seule..

  A017000569 

 Ce ne sera pas sans parler de nostre bastiment d'Annessi avec ce bon Abbé, si toutefois l'arrivee du Pere General des [38] Feüillans qui, comme moy, y doit estre pour le jour de saint Bernard, ne nous occupe en d'autres affaires que vous sçavés.

  A017000569 

 Je ne l'ay encor veu qu'une seule petite fois en commun, car, comme vous sçaves, je ne fay pas ce que je veux a voir mes filles, ni mesme, ce qui importe le plus, a voir ma Mere..

  A017000569 

 Nous y aurons monsieur de Charmoysi, et la petite seur sera un peu mortifiee, qui me vouloit faire festin aujourdhuy.

  A017000585 

 M. de Vallon [a aussi une] brave fille qui poursuit icy, et on est [après à voir] ce que son pere pourra donner..

  A017000586 

 ... et envoyer par la premiere commodité [le paquet] ci joint, et aymes [toujours bien mon] ame, la recommandant a la [miséricorde] de Dieu, qui vous comble toute de ses benedictions.

  A017000596 

 Mays si quelques unes desirent de se confesser a quelque confesseur autre que l'ordinaire, elles le peuvent sans difficulté et sans que les autres qui n'ont pas ce goust-la soyent obligees a changer de confesseur.

  A017000596 

 O Dieu, qu'il est vray que la ferveur ne depend pas de la bouche des confesseurs differens, mays de la grace de Dieu et de la simplicité et humilité du cœur! Mays les Constitutions sont claires, qu'on peut appeller des confesseurs outre les quatre fois, pour la consolation de celles qui le desirent.

  A017000596 

 On peut le dire a M. Michel qui, comme je pense, est capable de cela et de chose plus grande que cela.

  A017000609 

 Je suis en peyne de vous, a cause de ces maladies qui courent, qui sont populaires..

  A017000610 

 Mon Dieu, ma bonne Mere, que cette vie est trompeuse et que l'eternité est desirable! Que bienheureux sont ceux qui la desirent! Tenons nous bien a la main misericordieuse de nostre bon Dieu, car il nous veut tirer apres soy.

  A017000622 

 Or, il ne se peut dire combien l'advancement des Peres Barnabites en ces contrees de deça sera utile pour celuy de la gloire de Dieu, non seulement pour la confirmation de la foy parmi ces bons peuples, qui, a la faveur de l'incomparable courage et rare pieté de Monseigneur, pere de Vostre Altesse, ont esté remis dans le giron de la sainte Eglise catholique, mays aussi pour la confusion des ennemis de la foy qui environnent de toutes parts cette province, delaquelle il ne se peut faire que le bien spirituel ne s'escoule petit a petit sur le voysinage, [46] qui, parce moyen, pourra recevoir insensiblement des grandes dispositions pour se convertir et reduire au devoir..

  A017000624 

 Vostre Altesse, Monseigneur, a pour le partage de la splendeur hereditaire et tous-jours croissante de sa serenissime origine, la gloire des œuvres de sa douce et immortelle pieté; et pour cela, comme elle est l'un des fleurons de la couronne de Monseigneur son pere, elle est aussi l'une des plus pretieuses colomnes du temple de Dieu le Pere eternel: dont, pour l'une et l'autre qualité, je prens la confiance d'implorer la bonté de Vostre Altesse en toutes les occurrences qui regardent les affaires de la sainte religion catholique, entre lesquelz celuy de l'amplification de ces bons Peres Barnabites et le restablissement du service divin en tous les Monasteres de deça estant l'un des plus importans, je le [47] recommande tres humblement au zele de Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement reverence, ne cessant point de luy souhaiter le comble des faveurs celestes, et demeure, Monseigneur,.

  A017000634 

 Je ne sçai si celuy qui la doit faire a sa dispense des deux irregularités, dont l'une luy est naturelle, estant nay hors le mariage, et l'autre acquise, pour jugé, comm' il est a croire, in criminalibus.

  A017000634 

 Le P. D. Juste partit hier et vous porta de mes [48] lettres; mais despuis, je receu celle que vous m'escrivies pour la difficulté qui doit arriver au concours.

  A017000634 

 Mays sil avoit dispense, alhors encor auroit-il tort s'il croyoit que la seule science donnast le prix en cette lice-lâ; et tous-jours faudroit-il se tenir a la pluralité des voix, qui est irreprochable a celuy qui les prend, sur tout sil n'en donne point.

  A017000635 

 C'est pourquoy, je dis en fin, que si cette cure lâ peut estre delivree au jour de l'assignation, j'en seray bien ayse et le desire fort; que si les difficultés semblent ne pouvoir estre surmontees, on pourra differer jusques a mon retour, qui sera le plus tost que je pourray.

  A017000636 

 Ains, il seroit expedient que quand l'on ira mettre en possession, a mesme tems on assignast quelque corne de dixme pour ladite pension du pœnitentier, sans quil eut rien a faire avec le curé; car l'esprit humain est si fascheux en tout ce qui regarde tant soit peu l'interest, que malaysement pourra on autrement asseurer ce petit entretien au pœnitentier..

  A017000636 

 Et a propos de cette pension, il la faut establir en sorte que celuy a qui la cure sera adjugee, ne soit point mis en possession qu'il n'ayt, par consentement mis au greffe, declaré quil prend le benefice avec cette juste charge, imposee par mon authorité et par le conseil des examinateurs.

  A017000637 

 Or, je dis ceci seulement par maniere de proposition, m'estant advis que la charité oblige ces messieurs de gratifier, es occurrences, les plus pauvres d'entr'eux et ceux qui y ont des-ja esté asses d'annees.

  A017000638 

 Et alhors je feray (mais il n'en faut rien dire) tout ce que je doy a ce cher ami, qui doit croire que je suis parfaitement tout sien..

  A017000640 

 Je vous prie, a la premiere commodité, d'escrire fermement a madame de Chantal qu'elle ne se mette nullement en peine pour tous ces bruitz, beaucoup plus grans que le mal, ni pour moy, qui suis bien sage et me garderay fort bien de peril, Dieu aydant..

  A017000651 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait au Noviciat des RR. PP. Jésuites.

  A017000660 

 C'est en cett'occasion de la vacance de Gruffy [que] je vous prie faire cette reserve jusques a la somme de 200 florins; et pour eviter les disputes que l'interest propre fait naistre en pareilles occurrences, je desirerois qu'en la mise en possession de celuy qui sera curé, on assignast une corne de dixme, telle quil seroit advisé, audit seigneur pœnitentier, laquelle il prendroit par ses mains..

  A017000660 

 Vous aures souvenance, je m'asseure, de la resolution que nous prismes, estant presque tous ensemble, de reserver une portion pour le pœnitentier de nostre cathedrale a la premiere vacance de quelque cure qui la pourroit porter; resolution juste, equitable et conforme au Concile.

  A017000674 

 Et ayant pensé, despuys que j'ay sceu plus particulierement quil estoit en estat de nous quitter bien tost, qui je pourrois rendre successeur en sa charge, en fin, apres plusieurs considerations, j'ay resolu de vous y appeller.

  A017000690 

 Vous luy pourres donq confidemment dire que vous m'aves touché un mot de vos affaires; car je [57] sçay bien qu'il ne le treuvera pas mauvais, estant, comme il est, de mes meilleurs amis, et qui sçait bien que je n'ay pas accoustumé de rien gaster et que je ne suis point un entrepreneur d'authorité, ains homme qui ne trouble rien; et pourres encor luy dire tout ce que je vous ay dit, dequoy, pour vous rafraischir la memoyre, je vous feray une repetition..

  A017000691 

 Premierement, que le renoncement de toute proprieté et l'exacte communauté de toutes choses est un point de tres grande perfection, et qui doit estre desiré en tous les monasteres et suivy par tout ou les Superieurs le veulent; car encor que les Religieuses qui n'en ont pas l'usage en leurs maysons ne laissent pas d'estre saintes, la coustume les dispensant, si est ce qu'elles sont en extreme danger de cesser d'estre saintes, quand elles contredisent a l'introduction d'une si sainte observance tant aymable et tant recommandee par le Pere saint François et la Mere sainte Claire, et qui rend les Religions riches en leur pauvreté et parfaitement pauvres en leurs richesses, le mien et le tien estans les deux motz qui, comme disent les Saintz, ont ruiné la charité.

  A017000692 

 Certes, qui est douillet [58] de porter un linge et un drap lavé parce qu'il a esté, auparavant le lavement, porté par son frere chrestien, je ne sçay pas comme il ose dire qu'il ayme son prochain comme soy mesme; et faut qu'il ayt un grand amour propre, qui le fasse estimer si net en comparayson des autres..

  A017000692 

 Or, j'ay veu en un monastere ou j'avois une fort proche parente, que toute la difficulté de cet article estoit en la douilletterie de quelques Seurs en ce qui regarde les chemisettes et les linges; et j'admiray que la lessive ne suffist pas pour ce sujet a des filles de celuy qui baysoit tendrement les ladres et de celle qui baysoit les pieds des Seurs revenantes de dehors.

  A017000695 

 Mays il y a un point d'importance, duquel je vous touchay un mot, que pour le bien de vostre famille vous deves demander a vos Superieurs et qu'ilz ne peuvent en bonne conscience vous refuser: c'est que, deux ou trois fois chaque annee, ilz vous ayent a offrir des autres confesseurs extraordinaires (suivant le commandement du sacré Concile de Trente ), qui oyent les confessions de toutes les Seurs.

  A017000696 

 Et ne faut nullement recevoir les allegations au contraire; car rien ne se fait en ce monde qui ne soit contredit par les espritz minces et fascheux, et de toutes choses, pour bonnes qu'elles soyent, on en tire des inconveniens quand on veut picotter.

  A017000696 

 Ni il ne faut pas dire que vostre Ordre soit exempt des Constitutions du sacré Concile; car, outre que le Concile est sur tous les Ordres, s'il y a aucun Ordre qui doive obeir aux Conciles et a l'Eglise romaine, c'est le vostre, puisque le Pere saint François l'a si souvent inculqué..

  A017000697 

 Et en somme, cet inconvenient n'est pas comparable a mille et mille pertes d'ames que la sujettion de ne se confesser jamais qu'a un seul peut apporter, comme l'experience le fait connoistre; et en somme, c'est une presomption insupportable a qui que ce soit, de penser mieux entendre les necessités spirituelles des fideles et de s'imaginer d'estre plus sage que le Concile.

  A017000697 

 Il est vray que cela pourroit arriver; mays il est vray aussi qu'une fille qui sera si malheureuse que de faire des mauvaises confessions et des Communions indignes pour attendre l'extraordinaire, elle ne fera pas grand scrupule d'en faire plusieurs, et plusieurs mauvaises, pour attendre la mutation du confesseur ou la venue du Superieur.

  A017000698 

 Elles se font donq en cette sorte: La fille qui desire communiquer quelque chose, le dit a la Superieure; la Superieure considere si la personne a laquelle l'on veut communiquer est de bonne qualité et propre a consoler, et si elle est telle, on la mande prier de venir; et estant venue, on meyne la fille qui veut communiquer a la treille, et le rideau demeure sur la treille; et puis, on donne tout a l'ayse loysir de communiquer, chacun se retirant en lieu d'ou on ne puisse ouyr ce que dit celle qui communique, pourveu seulement qu'on la puisse voir.

  A017000698 

 Et je vous diray comme on les fait entre les filles de la Mere Therese, qui sont, a mon advis, les plus retirees de toutes.

  A017000698 

 Et premierement, nul, comme je pense, ne les [60] vous peut defendre; car, tant que j'ay sceu voir en la Regie de saint François et de sainte Claire, il n'y a rien qui les empesche, ains seulement ce qui y est dit empesche toute sorte d'abus.

  A017000698 

 Que si on void une fille qui veuille trop souvent communiquer avec une mesme, passé trois fois on luy refuse, sinon que l'on vist une grande apparence de beaucoup de fruit, et que les personnes fussent hors de soupçon de vanité, meures d'aage et exercees en vertu..

  A017000699 

 C'est grand cas comme c'est une subtile tentation! Nous voulons garder la liberté de la proprieté, qui est contre la perfection, et ne voulons pas recevoir la liberté des communications, laquelle estant bien entendue, nous ayde a la perfection.

  A017000699 

 Et jamais ce ne fut l'intention des Saintz de priver les ames de telles saintes conferences, qui servent infiniment a beaucoup de vertus et sont sans danger, estant bien faites.

  A017000701 

 J'avois oublié de dire que quand le confesseur extraordinaire vient, il faut que toutes les filles se confessent a luy, affin que celles qui en ont besoin ne soyent point descouvertes et que le malin ne seme point de reproches parmi la Mayson; mais celles qui ne veulent pas prendre confiance a l'extraordinaire, pourront, avant que de se confesser a luy, faire leur confession a l'ordinaire, et par apres dire seulement quelques pechés ja confessés, a l'extraordinaire, pour servir de matiere a l'absolution..

  A017000702 

 Nostre Maistre Garinus et tous vos Superieurs majeurs, gens discretz et raysonnables, vous ayderont, je n'en doute point; et mesme vostre bon Pere confesseur, qui est bien vertueux et sage Religieux, ainsy que je puis connoistre, et qui entendra bien la rayson quand elle luy sera bien remonstree..

  A017000718 

 Or, Monseigneur, tous ses devanciers et son frere, ayant tous-jours esté tres affectionnés a l'obeissance de Vostre Altesse, il espere d'elle tout le soulagement qui luy est requis pour estre relevé non de l'indigence, car ayant choysi la profession ecclesiastique il ne pretend pas a cela, mais de la misere seulement..

  A017000719 

 Je supplie donq tres humblement Vostre Altesse de luy estre propice et de me conserver la grace de sa bienveuillance, comme a l'homme du monde qui, avec le plus de fidelité et sincerité, vivra tous-jours,.

  A017000749 

 Il y a quelque tems qu'on a commencé d'introduire en ces païs de deça l'art de la soye, et ne se peut [65] dire combien le progres seroit utile au service de Dieu pour retirer plusieurs ames d'entre les hæretiques, pour affoiblir Geneve, qui se soustient en bonne partie de ce traffiq, et pour soulager les sujetz de Vostre Altesse qui gaigneroyent en ce commerce ce que nos ennemis gaignent..

  A017000750 

 Pour ces raysons, Monseigneur, je conjure et supplie tres humblement vostre bonté et pieté de favoriser puissamment ce bon œuvre, si heureusement acheminé, pour la gloire de ce Sauveur qui vous est si propice et qui maintient en tant d'honneur vostre couronne, vous en preparant une eternelle en la vie future..

  A017000765 

 C'est le seul sujet que j'ay maintenant, car pour le reste, a mesme que, graces a Dieu, nous sommes sans guerre, nous nous treuvons aussi sans nouvelles, hormis de nostre miserable [66] Geneve que la contagion afflige cruellement, sans qu'a 30 lieues a la ronde il y en ait aucun ressentiment; qui fait plus probable ce que plusieurs disent, qu'elle leur est venue par la puanteur de la foudre qui y tumba prodigieusement cet esté.

  A017000783 

 Ma tres chere Fille, moyennant l'ayde de Dieu, nous ferons prou; mais il faut, avec une courageuse humilité, rejetter toutes les tentations de desfiance en la tres sainte confiance que nous avons en Dieu, Certes, vous deves croire que cette charge vous ayant esté imposee par le choix de ceux a qui vous deves obeir, Dieu se mettra a vostre dextre et la portera avec vous, ains la portera, et vous aussi..

  A017000784 

 Mais ne vous estonnés point, faites cet office pour l'amour de ce Sauveur qui vous y a appellee; vous en serés deschargee quand il luy plaira, vous nous reviendres voir quand il en sera tems..

  A017000794 

 Madame de Chantal sera icy dans trois semaines pour le plus tard, et, comme je pense, la chere niece, ma fille, aussi; car M me de Charmoysi, qui vous la doit ramener, fait estat de venir pour la Toussaintz.

  A017000807 

 Cela me met fort en peine, car si elle vient icy avec ces especes de choses inconneües, en lieu de tirer de la consolation de nous, elle nous donnera fort a faire et nous tiendra empeschés a discerner si cela est saint, si ceci est faint, et troublera grandement la pauvre petite trouppe de colombes innocentes qui n'ont pretention a des choses si ravissantes.

  A017000824 

 De qui sçaurois-je avoir peur?.

  A017000825 

 C'est l'Eternel qui m'appuye,.

  A017000827 

 Qui peut estonner mon cœur?.

  A017000828 

 Sil vous appelle (et il est vray quil vous appelle) a une sorte de service qui soit selon son gré, quoy que non selon vostre goust, vous ne deves pas moins avoir de courage, ains davantage que si vostre goust concouroit a son gré; car, quand il y a moins du nostre en quelqu'affaire, ell'en va mieux.

  A017000829 

 Ma tres chere Fille, salues tendrement ma chere Seur Peronne Marie, qui est certes toute dedans mon ame, et ma Seur Françoise Hieronime (je ne vay pas par ordre), et ma Seur Marie Renee et ma Seur Anne Marie, et toutes nos autres Seurs que je n'ayme pas moins pour ne les connoistre que pour estre des servantes de Dieu et filles [tres cheres] de Nostre Dame..

  A017000861 

 [75] Nostre Mere viendra demain, ou tout au plus tard passé demain, si rien n'est survenu despuis Dimanche qui la puisse empescher.

  A017000875 

 Monseigneur l'Evesque de Saint Paul me conjure fort de vous supplier d'aggreer quil s'advoüe des vostres; dequoy je ne fay pas difficulté, puisqu'estant enfant d'une bonne famille, il ne luy arrivera point de necessité qui le puisse porter a vous donner aucune autre sorte d'importunité..

  A017000877 

 Je suis tout fasché des bruitz qui courent de guerre par dela souhaitant tous-jours beaucoup de bonheur a ce royaume, ou il y a tant de gens de bien.

  A017000907 

 Ne regardés point cette varieté d'imperfections qui vivent en vous et en toutes les filles que Nostre Seigneur et Nostre Dame vous ont confiées, sinon pour vous tenir en la sainte crainte d'offencer Dieu, mays non jamais pour vous estonner; car il ne se faut esbahir si chaque herbe et chaque fleur requiert son particulier soin en un jardin..

  A017000917 

 Certes, je vay a la bonne foy, et qui voudra m'estre si rigoureux que de remarquer mes imperfections et defautz, il ne m'aymera jamais guere longuement, sur tout mes manquemens es civilités, complimens et autres choses de bienseance; car, outre que j'ay l'esprit fort lourd, je l'ay encor si chargé d'occupations selon ses forces, que je ne voy pas tout ce quil faudroit..

  A017000934 

 Ce benefice la, Monseigneur, ne peut rendre au curé que cinquante ducatons, et la charge des ames y est fort grande pour la multitude du peuple qui en depend, lequel hante fort l'Alemaigne et a besoin d'un pasteur qui ayt grand soin de l'edifier et conserver en la foy.

  A017000934 

 Sur la recommandation qu'il a pleu a Vostre Altesse de me faire en faveur du sieur du Chatelard, qui me [83] tient lieu de commandement, j'eusse grandement desiré de le pouvoir prouvoir du benefice qu'il praetendoit; mays d'un costé, il n'estoit pas en moy d'en disposer, puisque le Chapitre de mon eglise en avoit la nomination, et d'autre part, tant ledit Chapitre que moy, ne pouvons en sorte quelcomque nous departir des ordonnances du Concile de Trente, que nous avons juré d'observer; et elles ne nous permetent pas de distribuer les benefices curés que par le concours au plus capable, et faysans le contraire, nous nous exposerions a la disgrace de Nostre Seigneur et a la damnation.

  A017000935 

 Certes, je souhaite tout bonheur audit sieur du Chatelard, qui fait profession d'aymer le service de l'Eglise; mais pour des benefices, je luy en desirerois d'autre nature que de ceux qui portent charge d'ames, et ilz ne luy manqueront pas, sii plait a Vostre Altesse le favoriser es occurrences..

  A017000951 

 Or il a desiré un passeport et sauf-conduit de moy aupres de vous, [85] par ce que le bonhomme son beaupere luy a dit que vous m'avies confié l'asseurance que vous pouves prendre de son amendement: qui m'a aussi fait entendre que je pouvois seul donner ouverture a son restablissement en vostre service.

  A017000951 

 Voyla qu'en fin le sieur de Barraux, repentant des il y a long tems, et corrigé de sa faute par le loysir et les raysons qui luy ont bien fait sentir le devoir quil a de vivre sage et sous-mis a vostre obeissance, il s'en va se jetter sous vostre protection, hors delaquelle il connoist bien quil ne peut bonnement durer.

  A017000971 

 Ce m'a esté un grand contentement d'apprendre avec tant d'asseurance le bon estat de vostre santé, et je vous escris ce billet seulement pour me ramentevoir en vostre bienveuillance, et supplier vostre chere ame de me tenir tous-jours au rang quil vous a pleu me donner entre ceux qui ont le bonheur d'estre aymés de vous.

  A017000972 

 En somme, puis que je n'ay pas le loysir de m'estendre davantage, je veux dire en un mot, que je vous cheris avec un honneur et respect tout parfait, et avec vous, tous messieurs mes freres et mesdames mes seurs, entre lesquelz je salue humblement ceux qui sont pres de vous.

  A017000992 

 Des l'advenement de Monseigneur l'Archevesque de Lion en sa charge, il m'escrivit une lettre de faveur, par laquelle il me conjuroit d'entrer en une sainte amitié avec luy, a la façon des anciens Evesques de l'Eglise, qui [88] n'avoyent qu' un cœur et qu' une ame et qui, par la reciproque communication des inspirations qu'ilz recevoyent du Ciel, s'entr'aydoyent a supporter leurs charges, mais principalement quand ilz estoyent voysins les uns des autres.

  A017000993 

 Et je ne sceu nullement d'asseurance sa venue, que le soir avant qu'il arrivast; car encor que six jours auparavant le sieur de Medio, originaire de ce païs, mais chanoine de l'eglise de Saint Nizier de Lion, m'eust escrit qu'il avoit quelque opinion que Monseigneur l'Archevesque estendroit sa visite jusques icy, si est ce que, n'y faysant pas fondement, j'envoyay un laquay pour le sçavoir, qui ne revint que le jeudy au soir avant le vendredy auquel Monseigneur l'Archevesque arriva..

  A017000993 

 Et luy, par sa courtoysie, a voulu contreschanger ma visite sur l'occasion de celle qu'il faysoit de son diocese, a Lagnieu, Saint André, Groslee et autres lieux qui en dependent, esquelz il avoit des-ja gaigné une journee des trois qu'il y a d'icy a Lion.

  A017000994 

 Or, il ne vint point a cachette, comme ont accoustumé de faire ceux qui traittent des affaires odieuses, mays au veu et au sçeu de tout le monde, et amena avec soy huit hommes a cheval, entre lesquelz il n'y en avoit point de [89] marque, sinon le sieur de Ville, docteur en theologie et grand predicateur, originaire de Rossillon pres de saint Rambert, et son aumosnier, nommé monsieur Raymond..

  A017000995 

 Estant icy, je vous asseure que nous n'avons ni fait ni dit, non pas mesme pensé, aucun traitté, ni pour les choses du monde, qui, si je ne me trompe, nous sont a tous deux fort a degoust, ni pour les choses ecclesiastiques, n'ayans rien eu ni a demesler ni a mesler; mays seulement, purement et simplement, nous avons parlé des devoirs que nous avons au service de nos charges, de la façon des Offices ecclesiastiques et de telles choses entierement spirituelles..

  A017000996 

 Vostre Excellence ne m'obligera pas peu si elle en asseure Son Altesse, et je luy engage pour cela mon honneur et ma reputation, et a Dieu qui le sçait, ma conscience et mon salut..

  A017000997 

 Que si Vostre Excellence me le permet, je luy diray avec esprit de liberté, que je suis né, nourry et instruit, et tantost envielly, en une solide fidelité envers nostre Prince souverain, a laquelle ma profession, outre cela, et toutes les considerations humaines qui se peuvent faire me tiennent estroittement lié.

  A017000998 

 Je me prometz de la faveur de Vostre Excellence que Son Altesse demeurera parfaitement satisfaitte, et que rien ne se sçaura de cet ombrage, qui affligeroit le bon Monseigneur de Lion beaucoup plus qu'il ne m'afflige pas moy, qui, par la suitte du tems et les evenemens, seray tous-jours reconneu tres asseuré et tres fidele serviteur de Son Altesse, a laquelle je souhaitte toute sainte prosperité.

  A017001008 

 Bon soir donq mille et mille fois, ma tres chere, tres bonne et tres honnoree Mere, vrayement mienne, c'est a dire tous les jours plus, graces au Sauveur qui vous benisse icy et la.

  A017001018 

 Au reste, quand il ira vers vous, ne luy dites point de paroles qui le puisse (sic) estonner, comme seroit celle que vous aves esté estonnee de quoy il s'en alloit; mais simplement, que vous estant apperceue quil s'en alloit, vous aves desiré d'arrester l'affaire, affin qu'a la profession il ny ait rien a traitter, ains seulement a executer le traitté.

  A017001019 

 Dieu, qui sçait ce qui est requis a vostre cœur mien et a ceux de nos Seurs, me veuille suggerer selon sa gloire.

  A017001028 

 Mays je serois bien ayse de le sçavoir de vous mesme, pour, par apres, en oster plus hardiment la compassion de ceux qui vous plaignent extremement sur ce sujet et en tirent des consequences a leur gré.

  A017001029 

 Nostre Mere et moy, qui ne sommes pas deux, vous cherissons comme nostre grande premiere fille, laquelle maintenant, moyennant la grace divine, en va faire d'autres pour l'eternité..

  A017001061 

 A cet effect, j'ay supplié monsieur de Montmeilleur de persuader a nostre seur de venir jusques en ces quartiers, comme pour voir sa fille, et estans ensemble, nous verrons ce qui se pourra et devra faire; puis, sil est expedient, j'iray a Chamberi.

  A017001062 

 Mays je ne veux pas laisser de vous dire que nostre pauvre Visitation va bien avoir du bruit pour ces deux [98] braves filles qui desirent, demandent et pressent d'y estre receües, et auxquelles sans doute on ne refusera pas la porte quand elles viendront, ainsy que l'on leur [a] promis fort saintement.

  A017001062 

 O que bienheureuses sont ces cheres filles, lesquelles sacrifient ces petitz momens de vie mortelle a la gloire et a l'amour de Celuy qui leur donnera des eternités amoureuses en l'abondance de sa suavité! Elles s'en vont toutes braves et courageuses; et Dieu soit a jamais au milieu de leur cœur et du vostre, ma tres chere Fille bienaymee, que je salue de toute mon ame.

  A017001062 

 Or, puisque vrayement c'en sont, quel moyen y auroit il de n'estre pas bien ayse du bien de ces cheres ames et de l'avancement de la gloire dé Dieu? Et si, je confesse a ma tres chere Fille, quil y a un peu de la malice dans mon cœur; car je suis bien ayse encor que le monde soit trompé et que ces filles, qui sembloyent estre en ses bonnes graces, se moquent de luy, le quittent et le mesprisent, car en verité il le merite, d'autant quil ne vaut rien et quil mesprise Dieu.

  A017001063 

 Le premier President de Tholose m'escrit affin que [99] nous envoyons des Seurs de la Visitation la, en un monastere tout basti, qui a cousté cent mille francz, et dix sept filles qui attendent les nostres pour estre instruites.

  A017001074 

 Il y a aussi troys semaines que, pour moy, je vay trainant entre la santé et la maladie; mais ce n'est pas cela qui m'a empesché d'escrire, c'est que nulle commodité ne s'en est presentee, ni petite ni grande.

  A017001075 

 Mays vous, ma tres chere Fille, n'escrives pas tant de lettres a chasque fois; il suffira, quand vous aures bien tout escrit a la chere Mere, de faire un seul petit billet au pauvre Pere, qui ne die rien sinon quil est tout vostre..

  A017001076 

 Je pense bien que de ces filles qui veulent venir prendre la forme et la prattique des Regles, il en faudra faire venir une partie icy, affin que vous ne soyes surchargee d'un soin excessif, avec nostre chere Seur Marie Aymee, que je voy des-ja, ce me semble, un peu tremblante sous le faix.

  A017001077 

 Celuy qui n'est point tenté, que sçait il? [101].

  A017001077 

 Les liz qui croissent entre les espines en sont plus blancz, et les roses aupres des aux sont plus odorantes et deviennent musquees.

  A017001078 

 Mays j'espere en Dieu que, avec un esprit noble, vous vous tiendres exempte de tout ce qui peut donner scrupule.

  A017001081 

 Je dis a nostre Seur de Gouffie que je voulois meshuy m'essayer de donner de la generosité a la devotion de nos Seurs, et en oster la tendreté que l'on a souvent sur soy [102] mesme, cette petite doüilleterie qui oste le repos et nous fait desirer des particularités spirituelles et interieures, nous fait excuser nos humeurs et flatter nos inclinations.

  A017001083 

 Item, je salue M me la Presidente Le Blanc, quand vous la verres, et M me Colin et M me Vulliat, laissant a part ma chere Seur Marie Peronne, a qui je suis tout, et a toutes nos bonnes Seurs.

  A017001085 

 Vostre renouvellement n'ayant pas esté fait le jour de la Presentation, vous le pourres faire le jour de l'an ou des Roys, ou comme Monseigneur l'Archevesque voudra; car je croy bien que vous voudres que ce soit luy qui le reçoive.

  A017001103 

 La paix n'est pas juste, qui fuit le labeur requis a la glorification du nom de Dieu..

  A017001103 

 Travaillés humblement, simplement et confidemment a cela; vous n'en recevres jamais aucune distraction qui vous soit nuysible.

  A017001114 

 Je vous asseure que ceux qui fantasient et philosophent de si pres de mes actions et sur mes actions se font plus de tort qu'a moy, car ilz ne peuvent blesser mon innocence et ilz se chargent d'une noire malice.

  A017001114 

 Pleust a Dieu, Monsieur, qu'ilz eussent esté auditeurs des discours de Monseigneur de Lion et de moy! et ilz auroyent veu et sceu que nous n'avons pas, que je sçache, dit une parole qui ne tende a l'advancement de la gloire de Dieu dans nos troupeaux; et nous estimons les discours des capitaines et soldatz indignes d'occuper le tems des Pasteurs de la bergerie du Dieu vivant..

  A017001114 

 Sur les plaintes que l'on a fait de moy, je croy d'estre obligé a vous respondre non seulement par la voix de ces messieurs, qui m'ont parlé de la part de Vostre Excellence, mais encor par ma plume.

  A017001127 

 A quoy je respondis que le sujet de cette venue n'estoit qu'une simple visite, laquelle ce Praelat avoit projettee des son advenement en la charge qu'il tient, comm' il m'escrivit des l'hors, et que nous n'avions traitté de chose quelcomque sinon de ce qui appartient a la devotion et conduite spirituelle des ames.

  A017001128 

 Que si, ou ce seigneur, ou autre quelcomque m'eut parlé de chose qui eut tant soit peu regardé le service ou les affaires de Vostre Altesse, ou mesme de chose d'Estat, je n'eusse point attendu de semonce pour la faire sçavoir; car de moy mesme, par le mouvement de mon inviolable fidelité envers la couronne de Vostre Altesse de laquelle je suis sujet, j'eusse promptement rendu le devoir auquel la nature et le serment que j'ay presté m'obligent.

  A017001143 

 J'escris a Son Altesse la lettre ci jointe, et pour luy donner une plus seure addresse, je vous supplie tres humblement de la luy remettre, bien que je n'aye pas lhonneur d'estre conneu de vous, a qui neanmoins je suis de tout mon cœur,.

  A017001158 

 J'ay receu l'une et l'autre de vos lettres et ne pense pas avoir dit a M. le Curé quil ne reconneut pas, mais ouy bien quil ne reconneut pas sans me communiquer la forme de la reconnoissance qu'on luy demandoit, affin que je visse sil y avoit chose qui fut contre le droit divin ou humain, comme il me semble qu'il y auroit si elle estoit telle qu'il me la descrivoit.

  A017001159 

 Et puisqu'elle ne peut pas aller a La Thuille, pour peu qu'elle nous en donne la commodité, nous ferons venir une partie de La Thuille icy; et je dis une partie, par ce que le petit enfant, qui est le plus beau garçon du monde, n'a garde de vouloir venir en ce tems..

  A017001159 

 J'attendray donq ma chere seur M me de Bressieu, qui ne m'oblige pas peu de venir, m'ostant par ce moyen de la necessité d'aller a Chamberi, ou je ne pouvois aller sans beaucoup [111] d'incommodité.

  A017001159 

 Je vous prie de regarder un peu entre vous ce qui se pourra bonnement faire, affin que, sil est possible, on prenne le bon biays pour accommoder honnorablement les affaires.

  A017001198 

 Vous pouves penser, ma tres chere Fille, comme mon ame, qui ayme extremement la vostre, s'imagine tous-jours de vous pouvoir escrire; car en verité j'ay un playsir fort grand quand je puis entretenir mon esprit avec le vostre.

  A017001199 

 Mon Dieu que ce silence me dit des grandes choses! Il m'apprend [115] a faire la vraye orayson mentale; il m'apprend la ferveur amoureuse d'un cœur qui est saisy d'affections que nourrissent ces douces pensees et qui a peur d'en perdre la suavité s'il les prononce..

  A017001211 

 La tentation de rire en l'eglise et a l'Office est mauvaise, quoy qu'elle ne semble que folastre et badine, car, apres la charité, la vertu de la religion est la plus excellente; car, comme la charité rend a Nostre Seigneur l'amour qui luy est deu selon nostre pouvoir, aussi la religion luy rend l'honneur et la reverence requise, et partant, les fautes qui se commettent contre elle sont grandement mauvaises.

  A017001212 

 Celles qui s'humilieront plus profondement le verront de plus pres; car il y est tout abismé dans le fin fond de l'humilité, mais humilité courageuse, confiante et constante..

  A017001212 

 Je ne vous dis pas encor mes pensees sur le sujet dont vous m'aves escrit, parce que c'est aujourd'huy Noël, jour auquel les Anges viennent chercher le Paradis en terre, ou certes aussi il est descendu en la petite spelonque de Bethlehem, dans laquelle, ma tres chere Fille, je vous treuveray tous ces jours suivans avec toutes nos cheres Seurs, qui sans doute feront leur residence, comme des sages abeilles, autour de leur petit Roy.

  A017001213 

 Ce doux Enfant soit a jamais la vie de vostre cœur, ma tres chere Fille, que je cheris nompareillement, et qui est tous-jours present au mien, tant il plaist a Dieu que mon affection se fortifie par cette petite separation de bien exterieur..

  A017001223 

 Je fay en partie ce que M. le Superieur et vous aves desiré, et ne me fusse pas arresté la, n'eust esté qu'hier, ceux qui ont esté employés pour vostre affaire m'y vinrent obliger par leurs remonstrances.

  A017001225 

 La hantise peut infiniment, soit en bien, soit en mal; celle de cette dame ne peut estre que salutaire a qui s'en veut et sçait prevaloir..

  A017001226 

 Il se faut bien garder de redonner la benediction matrimoniale a la sainte Messe, ni de reprononcer ces paroles: Ego vos conjungo; mais apres que ces gens la seront communiés, vous pourres bien, apres la Messe et secretement, leur faire confirmer le consentement de leur mariage, et dire sur eux les oraysons, qui sont dans le Missel, de la benediction..

  A017001249 

 Multos autem invenire licet qui scientiam habeant, qui autem scientiam cum prudentia, hoc opus, hic labor est.

  A017001249 

 Verum ea res minime sane facile fieri potest, tum quia rarus est qui velit se [121] vitamque suam addicere illi muneri semper in eodem loco obeundo, tum quia non quolibet prædicatore apud illos vestros Sedunenses opus esse existimo, sed modestissimo, prudentissimo et patientissimo.

  A017001265 

 Beaucoup, à la vérité, possèdent la science, mais d'en trouver un qui, à la science joigne la prudence, là est la grave difficulté.

  A017001265 

 Mais la chose n'est nullement facile, soit parce que rare [121] est celui qui accepte de se consacrer à ce ministère toujours dans le même lieu, soit parce que j'estime que vos Valaisans ont besoin, non d'un prédicateur quelconque, mais d'un homme qui excelle en modestie, prudence et patience.

  A017001268 

 Je vous envoie un aspersoir pour donner l'eau bénite, votre bienveillance à mon égard l'aura pour agréable; j'eusse cependant souhaité vous offrir un objet plus digne de vos mérites, et qui témoignât mieux de ma vénération profonde et cordiale pour Votre Paternité Illustrissime.

  A017001283 

 Je luy dis un'autre chose d'une response que la petite avoit faite a sa seur sur une proposition generale de mariage; mais il ny a rien en cela qui porte coup, et je le vous diray peut estre ce soir..

  A017001314 

 Vous seres la premiere, ma tres chere et tres bonne Mere, qui recevres de mes escritz en cette annee nouvelle.

  A017001315 

 Bonne et tres sainte annee a ma tres chere Mere de la part de son filz, qui luy souhaitte l'abondance de la grace du Pere eternel, de la paix du Filz circoncis et de la consolation du Saint Esprit, dediant avec ce mesme cœur de ma tres chere Mere, le mien comme le sien a la gloire de la divine Bonté, et luy consacrant tous les momens de cette nouvelle annee pour faire une entiere circoncision de ce mesme cœur, et l'appliquer a recevoir purement et parfaittement l'amour sacré que le celeste et divin nom de JESUS nous annonce escrit en sang sur la sainte humanité du Sauveur..

  A017001318 

 Que nul jour de cette annee, ains que nulle annee ni nul jour de plusieurs annees, que je supplie Dieu vouloir donner a ma tres chere Mere, ne se passe qu'il ne soit arrousé de la vertu de ce sang, et ne reçoive la douceur du vent de ce nom qui respand le comble de toute suavité.

  A017001319 

 Ainsy puisse ce nom sacré remplir de son aggreable son toute la Congregation de nos Seurs, et les gouttes du sang du petit Sauveur se convertir en un fleuve de sainteté qui res-jouisse et rende fertiles tous les cœurs de cette chere trouppe, et sur tout celuy de ma tres chere Mere, que le mien ayme comme soy mesme..

  A017001330 

 Passion toute miraculeuse, qui, au dessus des loix de la nature, m'a donné le bien de vous avoir pour filz, et a vous, Monsieur, le courage et l'humilité de m'advouer pour pere..

  A017001331 

 O combien de foys, Monsieur mon cher Filz, ce nom et ce cœur de pere que je porte envers vous me presse-il d'amour et de zele pour supplier la divine Bonté qui l'a volu comme cela, de combler vostre ame de sa sainte dilection, establissant son royaume celeste en vous! Je le sçai bien que les bons enfans pensent souvent en leurs peres; mays ce n'est pas souvent, c'est tous-jours que les peres ont leurs espritz en leurs enfans..

  A017001332 

 Perseveres, Monsieur mon tres cher Filz, en cette grandeur de courage qui vous tient relevé au dessus des choses temporelles, entre lesquelles vous passes comme un heureux alcyon surnageant aux ondes qui inondent ce siecle.

  A017001332 

 Qu'a jamais le sang du Sauveur soit beni, qui nous a rendu le salut si aysé!.

  A017001332 

 Tenes vos yeux arrestés a cette sainte eternité [129] a laquelle nous allons par la course de ces annees, qui, passant, nous passent comme de poste en poste, jusques a cette fin-la.

  A017001333 

 De faire des amas de paroles sur ce sentiment pour en [130] tesmoigner la grandeur, je n'en ay pas l'art, principalement escrivant avec ce cœur tout de bonne foy, a Vostre Grandeur, qui se contente de la realité de mon affection.

  A017001333 

 Il ne se peut dire, Monsieur mon Filz, combien j'ay de consolation de sçavoir que monsieur vostre frere, ce digne et brave seigneur qui vous tient lieu de cher enfant, est enfin marié; car je ne doute point que cela ne luy soit un grand moyen pour bien servir Dieu, a quoy il est asses porté par la generosité de son courage, outre que je m'imagine que vostre contentement, Monsieur, en est grand.

  A017001354 

 Ilz protestent fort de ne penser a point de mal, mais c'est en un langage qui ne veut pas du tout dire cela.

  A017001354 

 J'ay veu tout ce quil vous plaist de m'escrire touchant M. de Barraux, que je treuve tres bon, comme venant de vostr'esprit qui sçait mieux discerner que nul autre [131] ce qui est convenable.

  A017001354 

 Je m'essayeray de tenir a leur bien et repos, qui despend de l'obeissance quilz doivent rendre a vos intentions, lesquelles, de mon costé, je veux tous-jours respecter et suivre tres affectionnement..

  A017001355 

 Nostre Geneve est tous-jours dangereusement travaillee de contagion, et, par merveille, jusques a present toute la Savoye en est exempte, graces a ce bon Dieu qui, a l'adventure, par la peste temporelle, les veut guerir de la spirituelle, ou bien les prendre du costé du Ciel, puisque du costé de la terre, les hommes s'en empeschent les uns les autres..

  A017001356 

 Ce porteur a desiré ma recommandation aupres de vous, et puisquil est des vostres, je ne luy sçaurois rien refuser de ce qui est en mon pouvoir.

  A017001369 

 Et en fin, la cousine est hors de tout danger; qui m'a fait revenir icy, ou je vous donne mille et mille benedictions, ma tres chere Fille, comm'estant tres parfaitement tout vostre, et salue humblement monsieur le cher mari..

  A017001384 

 Ma tres chere Fille, vostre cœur tient un rang dans le mien qui me fait faire sans cesse mille souhaitz pour vostre consolation et prosperité interieure.

  A017001385 

 Je compatis grandement a vostre peyne, quoy que je ne doute pas qu'elle ne soit aggreable a vostre esprit, qui l'accepte comme venant de ce Pere celeste, lequel donne les tribulations avec un amour nompareil aux enfans de sa providence.

  A017001385 

 Ne vous troublés aucunement de vos infirmités, qui ne vous sont donnees que pour vous affermir.

  A017001386 

 O que cet amour est doux, qui nous fait aspirer les uns pour les autres au Ciel!.

  A017001395 

 Je m'estois mis en chemin pour aller voir la chere cousine, mais il ne me fut possible de passer les Bornes en ce tems, a cause de la nouvelle neige qui y estoit tombee.

  A017001398 

 Vives tout a Dieu, ma tres chere Fille, et cherisses tous-jours fortement mon ame qui vous est toute dediee, comme je suis sans fin,.

  A017001410 

 C'est le seul sujet de ces quatre lignes; car, quant au reste, ce porteur fidele vous dira toutes nos nouvelles, qui sont petites comme en tems de paix..

  A017001424 

 Mays, puisque du bon accueil que Monseigneur l'Archevesque fera a cette Congregation en sa ville depend celuy qu'elle peut prætendre en toute la France, j'acquiesce que l'on en face une Religion formelle, a la reserve de ces deux pointz sus marqués, puisque, comm'il dit, on ne changera rien aux Regles, quil loue et proteste estre « excellentes », car c'est son mot, que le fruit de cette Congregation est admirable, mais que la racine n'en vaut rien; combien que Nostre Seigneur die qu' un mauvais arbre ne sçauroit produire bon fruit. Je voy aussi que, par ce moyen, on contentera une quantité de censeurs, et les peres et parens des filles qui ne les veulent pas donner a Dieu que pour gaigner les portions qu'elles emporteroyent silz les donnoyent a quelque chetif mari..

  A017001425 

 Et non seulement ma volonté, mais mon jugement a esté bien ayse de se sousmettre et rendre l'homage quil doit a celuy de ce digne Prælat; car, ma Fille, que prætens-je en tout ceci, sinon que Dieu soit glorifié et que son saint amour soit respandu plus abondamment dans le cœur de ces ames qui sont si heureuses que de se dedier toutes a Dieu? Les Congregations et les Religions [139] ne sont point differentes devant la divine Majesté, car, selon icelle, les vœux des unes sont aussi fortz que ceux des autres; et le tiltre de Congregation n'estant pas si specieux ni honnoré, m'en playsoit davantage.

  A017001425 

 L'importance est, ma tres chere Fille (et je vous le dis de tout mon cœur qui vous parle en simplicité et totale confiance, car en somme vous estes certes ma fille de mon cœur plus que vous ne sçauries penser, ni moy dire), l'importance est que j'ay fait cet acquiescement avec une douceur et tranquillité, ains avec une suavité nompareille.

  A017001426 

 Je voudrois bien vous dire beaucoup de choses sur ce sujet, affin que, quand Monseigneur l'Archevesque vous parlera, vous sceussies un peu mieux l'entendre; mays pour tout, il suffira que vous l'asseuries quil ne treuvera point en moy un esprit contrariant ni qui veuille surnager.

  A017001427 

 C'est pourquoy, sil plait a Monseigneur de Lyon, on pourra aysement moderer cette rigueur pour l'entree des dames et autres bonnes femmes qui, pour une si sainte fin, voudront entrer..

  A017001427 

 Item, il faudra dextrement et doucement luy faire savourer le prix des entrees des seculieres qui viennent pour rabiller un peu leurs espritz.

  A017001429 

 Ma tres chere Fille, pries Dieu quil remplisse mon cœur de son amour; j'en fay de mesme pour le vostre, qui me semble, certes, estre vrayement mien, comme le mien est tout vostre..

  A017001448 

 Nous prierons a cett'intention; et je m'en vay aujourd'huy a Mionnaz, d'ou je repasseray vers vous tout en passant, au retour, affin de visiter vostre malade, et rendray par mesme moyen le compliment avec M. le Comte qui est gueri.

  A017001473 

 C'est pourquoy je vous conseille de croire le neveu, qui, estant de la profession et ayant l'affection quil a pour vous, ne peut en cela que vous bien conduire.

  A017001491 

 Pour M. vostre mari et le reste, vous en feres ce que [147] vous estimerés a propos; je croy bien que ce ne sera pas trop de luy donner des conseilz, attendu quil craint Dieu, et quil faut avoir soin de bien nourrir ceux qui nourrissent bien cette sainte crainte, encor que ce soit avec imperfection..

  A017001492 

 Le vicariat de Rumilly depend du curé; ce que j'ay fait pour condescendre a l'extreme instance qui m'a esté faite, c'est de luy permettre quil employast M. Nacot, si bon luy sembloit, sans pour cela empescher que l'on employast M. Charvet a cet exercice, pour ceux qui n'auroyent pas agreé l'autre.

  A017001492 

 Ne vous mettes nullement en peine de respondre a ceux qui m'en blasmeront; car encor que je ne le pense pas, peut estre ont ilz rayson.

  A017001493 

 Je considere les caprices des hommes sur le sujet du bon M. de Valence: nous l'escoutons icy de tres bon cœur, et moy, qui ay plus estudié en theologie que tous ceux de Rumilly ensemble, je treuve qu'en verité il presche bien et utilement; on seroit bien ayse en des plus grandes villes de l'avoir.

  A017001508 

 La grandeur de vostre maladie ne permet aucune reserve de viandes pour vous, a qui je ne cesseray jamais de souhaiter toute sainte prosperité, et a madame ma cousine, ni d'estre de tout mon cœur,.

  A017001508 

 Prenes, au nom de Dieu, tout ce qui sera requis pour vostre nourriture.

  A017001530 

 Croyesmoy, ma chere Fille, j'ayme parfaitement nostre pauvre petite Congregation, mays sans anxieté, sans [150] laquelle l'amour n'a pas accoustumé de vivre, pour l'ordinaire; mays le mien, qui n'est pas ordinaire, vit, je vous asseure, tout a fait sans cela, et avec une tres particuliere confiance que j'ay en la grace de Nostre Seigneur, que sa main souveraine fera plus pour ce petit et humble Institut que les hommes ne peuvent penser.

  A017001539 

 J'appreuve bien que vous envoyes vostre filz faire la reverence a Son Excellence, puisque elle ne vous fait nulle response, ni a moy, a qui neanmoins ell'a respondu sur un'autre point dont je luy escrivois; et selon que vous la verres inclinee, vous pourres par apres recourir a Son Altesse, tandis que la memoire est fraische du defunct..

  A017001570 

 Il y a deux ans que par commandement de Vostre Altesse les Peres Barnabites ont esté receus en cette ville pour la direction du college, et ne se peut dire combien de fruit spirituel ilz y ont fait et en toute cette province; qui a donné un grand sujet aux gens de [153] bien de souhaiter plus ardemment toute sorte de prosperité a Vostre Altesse, de laquelle l'authorité nous avoit prouveus de ce bonheur..

  A017001571 

 Ce college est extremement pauvre pour la grandeur des charges qui y sont; et si on ne le secourt par addition de quelques revenus, ces bons Peres y vivront avec tant d'incommodités, que non seulement ilz ny pourront pas faire les progres que leur pieté et les necessités de ce païs requierent..

  A017001572 

 Et, ce qui est plus considerable, comme ces prieurés seroyent utiles a l'entretenement de ces Peres, ces Peres seroyent reciproquement extremement utiles a l'entretenement des prieurés, qui, comme la pluspart des benefices reguliers de ce païs, s'en vont en ruines quant aux choses temporelles devant les hommes, et quant aux services spirituelz devant Dieu, qui sans doute en est grandement offencé: Et non est qui recogitet corde..

  A017001573 

 L'un de ces prieurés s'appelle Silingie et l'autre Saint Clair, tous deux a une lieuë d'icy, fort propres [154] a l'intention que je represente a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement, et sous l'adveu de sa bonté je la conjure, par l'amour qu'elle porte au service de Dieu et de l'Eglise et par la paternelle affection qu'elle a envers ce païs, de vouloir estroittement embrasser et presser le bien de ce pauvre college, qui est au cœur de la Savoye et vis a vis, comme antagoniste, de celuy de Geneve, et qui est la premiere retraitte que cette venerable Congregation des Peres Barnabites a eue deça les monts, sous les favorables auspices de Vostre Altesse, laquelle en aura beaucoup de gloire en ce monde entre les serviteurs de Dieu, et en l'autre encor davantage entre les Anges et les Saintz de Paradis.

  A017001590 

 Et qui in particolare, il giorno della sua festa, Monsignor Arcivescovo di Lione essendo venuto per favorirme della sua præsenza, fece il sermone nella chiesa de' nostri Padri Barnabiti con tanta eloquentia apostolica, che tutti ne restassimo rapiti di dolcezza et suavità, et non si può dire con che gusto furono sentite le laudi di quel Santo.

  A017001604 

 Des grâces pour beaucoup de malades ont été obtenues au moyen de ses reliques; ce qui fait croire que Dieu veut que la vénération pour son Serviteur croisse et fleurisse de nos côtés..

  A017001604 

 Ici, en particulier, le jour de sa fête, Monseigneur l'Archevêque de Lyon qui m'avait favorisé de sa visite, prononça le sermon dans l'église de nos Pères Barnabites avec une telle éloquence apostolique, que tous nous en demeurâmes ravis de douceur et suavité; l'on ne saurait dire avec quelle satisfaction furent écoutées les louanges de ce Saint.

  A017001616 

 En terre, il faut tous-jours combattre entre la crainte et l'esperance, a la charge que l'esperance soit tous-jours plus forte, en consideration de la toute puissance de Celuy qui nous secourt..

  A017001616 

 Il faut donq avoir patience, et petit [160] a petit amender et retrancher nos mauvaises habitudes, dompter nos aversions et surmonter nos inclinations et humeurs selon les occurrences; car en somme, ma tres chere Fille, cette vie est une guerre continuelle, et n'y a celuy qui puisse dire: Je ne suis point attaqué.

  A017001616 

 L'amour propre, l'estime de nous mesmes, la fause liberté de l'esprit, ce sont des racines qu'on ne peut bonnement arracher du cœur humain, mais seulement on peut empescher la production de leurs fruitz, qui sont les pechés; car leurs eslans, leurs premieres saillies, leurs rejetons, c'est a dire leurs premieres secousses ou premiers mouvemens, on ne peut les empescher tout a fait tandis qu'on est en cette vie mortelle, bien qu'on puisse les moderer, et diminuer leur quantité et leur ardeur par la prattique des vertus contraires, et sur tout de l'amour de Dieu.

  A017001631 

 Voyla Tolose qui veut de nos Filles de Sainte Marie, Moulins, [162] Riom, Montbrison, Reims; et c'est grand cas, par tout l'on veut la Mere..

  A017001641 

 Ainsy que je pensois vous renvoyer vos papiers [163] par mon laquay, ma tres chere Fille, ces deux cousins arriverent, qui en seront les porteurs.

  A017001644 

 Au reste, ma pauvre tres chere Fille, entre les ennuys que vostre imagination vous fournit, jettes souvent vostre cœur entre les bras du cher Espoux nouveau; attachés vous comme un'esclave d'amour au pied de sa sainte Croix, et souvienne vous que bienheureux sont ceux qui n'ont rien, pourveu qu'ilz ayent ce grand Tout hors lequel tout n'est rien pour nous..

  A017001660 

 Or sus donq, ma chere Niece, il faut donq bien soigneusement cultiver ce cœur bienaymé et ne rien espargner de ce qui peut estre utile a son bonheur; et quoy que en toute sayson cela se puisse faire, si est-ce que celle ci en laquelle vous estes est la plus propre.

  A017001663 

 Or, pour le faire courtement, vous pourres en vous habillant remercier Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires, dequoy il vous a conservee cette nuict la, et faire encor le deuxiesme et le troysiesme point, non seulement en vous habillant, mays au lit ou ailleurs, sans difference de lieu ou d'actions quelcomques; puis, tout aussi tost que vous pourres, vous vous mettres a genoux et feres le quatriesme point, commençant a faire cet eslan de cœur qui est marqué: « O Seigneur, voyla ce pauvre et miserable [167] cœur.

  A017001663 

 Par exemple, vous deves inviolablement faire tous les matins l'exercice du matin qui est marqué en l' Introduction.

  A017001667 

 Les aumosnes qui se font chez vous, soyent aussi faites par vous tous-jours, quand vous le pourres; car c'est un grand accroissement de vertu que de faire l'aumosne de sa main propre, quand il se peut bonnement faire..

  A017001669 

 Tous les jours lises une page ou deux de quelque livre spirituel pour vous tenir en goust et devotion, et les festes un peu davantage, qui vous tiendra lieu de sermon..

  A017001670 

 Continués a beaucoup honnorer vostre beaupere, parce que Dieu le veut, le vous ayant donné pour second pere en ce monde; et aymés cordialement le mary, luy rendant, avec une douce et simple bienveuillance, tout le contentement que vous pourres; et soyés sage a supporter les imperfections de qui que ce soit, mais sur tout de ceux du logis..

  A017001683 

 Pour moy, je croy quil faudra obtenir une lettre de Son Altesse qui ordonne que cette somme soyt payee, non obstant le deces de celuy a qui il l'avoit ouctroyee.

  A017001684 

 Quant a M. de Saint Jeoire, sil vous asseure bien l'argent, je pense quil seroit bon de luy donner l'autre, car il sera difficile de treuver qui achette tout ensemble; joint que ce sont chevaux vieux, ainsy qu'on m'a dit, et desquelz l'entretien coustera beaucoup: de sorte qu'a la premiere rencontre d'un prix raysonnable que vous en feres, il sera bon de les vandre.

  A017001685 

 Il n'y a eu nul poison en vostre cher mari, car [170] M. Faber, qui entend extremement bien et est homme de grande experience, m'en a fort asseuré; de sorte quil vous faut oster toute sorte de soupçon et d'imagination pour ce regard, ma tres chere Fille.

  A017001715 

 Nul, comme je pense, ne sçauroit desirer la perfection de ce saint project avec plus d'affection que moy, qui prevoy que tout ce peuple de deça en recevra une extreme consolation et un grand accroissement de devotion, mays specialement a Thonon, lieu de la naissance de ce saint Prince, ou l'annee passee, lhors des premieres apprehensions de la peste de Geneve, je remarquay un mouvement universel de confiance es intercessions de ce bienheureux ami de Dieu, lors que je leur representay le juste sujet qu'ilz en avoyent, pour lhonneur que leur air avoit eu d'avoir servi a la premiere respiration de ce grand Prince..

  A017001717 

 Vostre Altesse fera sans doute en cela un'oeuvre grandement aggreable a la divine Majesté, et laquelle il me semble que le bienheureux esprit du glorieux Prince Amé luy recommande des le Ciel tres saintement; estimant que, comme par ses prieres Dieu fortifia le cœur de Son Altesse pour establir la foy en ce lieu la, aussi, par ses merites, Dieu animera l'esprit de Vostre Altesse pour ayder efficacement a y bien establir la tressainte devotion par le moyen de ces bons Religieux, qui assisteront et arrouseront les vieux arbres affin quilz multiplient en fruitz de pieté, et esleveront les enfans comme jeunes plantes a ce que la posterité devance, s'il se peut, leurs prœdecesseurs, et sachent tant mieux reverer leur saint Prince Amé et obeir en toute sousmission au sceptre et a la coronne qu'il a laissé en sa serenissime Mayson, que Dieu veuille a jamais prosperer,.

  A017001731 

 Vostre Altesse ayme sans doute le pauvre Thonon; aussi est il doublement sien, d'autant qu'elle en est le souverain Prince, et par ce qu'elle luy a donné une nouvelle vie par le soin paternel qu'elle eut de remettre tout ce peuple dans le sein de l'Eglise: obligation non seulement immortelle, mais eternelle, puisque elle regarde un bienfait qui doit durer es siecles des siecles..

  A017001732 

 Mays despuis, sont survenues des difficultés que nul ne peut surmonter que la pieté et le cœur invincible de Vostre Altesse, que j'implore, en toute humilité sous la faveur du glorieux et bienheureux Prince Amé, [177] qui nasquit en ce lieu, de la canonization duquel j'augure toute sainte prosperité a la coronne de Vostre Altesse, delaquelle je suis infiniment,.

  A017001760 

 Vous pouves jurer, ma tres chere Fille, en saine conscience, puisque ce que vous dites est vrayement vostre et que les juges ne vous peuvent demander le serment que pour les choses laissees par le mary, qui sont a luy; et vous n'estes aussi obligee de respondre que sur cela.

  A017001775 

 La sainteté de ces jours prochains m'excite a renouveler les vœux de mon obeissance envers Vostre Grandeur, et ceux de mes foibles prieres a Dieu pour la conservation et prosperité de vostre personne, Monseigneur, vous suppliant tres humblement d'accepter l'une et l'autre offrande et le tesmoignage que j'en fay sur ce papier, comme venant d'un cœur qui est invariable en la fidelité avec laquelle il veut et doit vivre a jamais,.

  A017001809 

 J'adjouste le continuel commerce de ceux de Geneve, qui leur donnera commodité de s'edifier par la residence des bons Religieux qu'ilz y verront.

  A017001809 

 Le desir ardent de la ville de La Roche, tesmoigné par les lettres ci jointes, a esté longuement desiré par moy qui ay tous-jours creu que si vous avies un convent en ce lieu la, vous en auries autant de contentement que de nul autre que vous puissies avoir de deça, puisque l'air y est extremement bon, le voysinage fertile et abondant en force bons villages, au passage de Thonon en [182] cette ville, esloigné de quatre lieües de tout autre convent de mendians, et ou, en verité, j'ay reconneu le peuple extremement enclin a la devotion.

  A017001827 

 Helas! cette racine est petite, basse et profonde; mais la branche qui s'en separera perira sans doute, sechera et ne sera bonne que pour estre coupee et jettee au feu.

  A017001853 

 J'ay receu la lettre de Son Altesse, par laquelle elle tesmoigne d'aggreer que je face les sermons du Caresme venant a Grenoble, et ay veu par celle qu'il vous a pleu m'escrire, le soin que vous aves eü de lire ce que j'escrivois a sadite Altesse sur le sujet de la venue de Monseigneur l'Archevesque de Lyon en cette ville; dont je vous rens graces, Monsieur, d'autant plus affectionnement et humblement, que ces bons offices n'ont origine que de vostre bonté et courtoysie, laquelle je vous supplie de vouloir exercer en toutes telles occasions qui m'arrivent plus souvent que je ne desirerois pas, plusieurs Praelatz de France me faysant l'honneur de m'aymer et de me vouloir visiter, encor qu'ilz ne me connoissent pas, ains peut estre par ce qu'ilz ne me connoissent pas..

  A017001854 

 Et en verité, onques il ne m'est advenu d'avoir esté seulement essayé par homme qui vive, ni qui ayt esté, de ce costé lâ; qui me rend d'autant plus estonné quand on me dit que les visites de ces seigneurs ecclesiastiques sont considerees comme suspectes, ne pouvant seulement deviner ni pourquoy ni en quoy, puisque mesme je suis en toutes façons savoyard, et de naissance et d'obligation, qui n'ay, ni n'eu jamais, ni pas un des [186] miens, ni office, ni benefice, ni chose quelcomque hors de cet Estat, et qui ay vescu tellement lié aux exercices ecclesiastiques, qu'on ne m'a jamais treuvé hors de ce train, et qui suis meshuy tantost envielly dans la naturelle et inviolable fidelité que j'ay voüee et juree a Son Altesse..

  A017001854 

 Mays, Monsieur, ce sont visites de simple pieté et affection spirituelle, n'ayant, graces a Dieu, jamais rien eu a demesler avec homme du monde, ni ne m'estant jamais meslé de chose quelcomque qui regarde les affaires seculieres.

  A017001855 

 Or, Monsieur, je vous donne la peine de lire tout ceci, affin que sil vous plait de me favoriser en ces occurrences, vous sachiés ces generalités de mes conditions, qui sont fondaments, comme je croy, bien solides pour bastir sur iceux les defenses dont j'auray besoin si ce malheur continue, qui m'a des-ja si souvent fasché, tous-jours sans ma coulpe, graces a Dieu, ainsy que le tems a fait voir, qui, de plus en plus, descouvrira l'invariable ingenuité et franchise que j'ay en mon devoir de sujettion naturelle envers la coronne sous laquelle je suis nay et nourri..

  A017001885 

 Je receu l'autre jour une lettre de monsieur le Marquis d'Aix, par laquelle il me dit que le sieur Charriere se resoult a vous rendre toutes les satisfactions possibles, telles qu'elles seront advisees par ceux qui prendront la peine de vouloir terminer l'affaire; et que sur cela, il vous avoit fait prier de vouloir ouïr les propositions, selon que je luy avois fait entendre que vous les ouïries, et feries ce que vos principaux parens et amis vous conseilleroyent; qui est, a mon advis, ce que nous resolusmes lhors que nous eusmes le bien de vous voir.

  A017001907 

 Demain je vay consoler madame la Comtesse de Tornon sur le trespas de son mari, y estant obligé par le parentage qui est entre nous et par les obligations que j'ay a la memoire du decedé.

  A017001908 

 Ma tres chere Fille, il y a deux sortes de bons desirs: l'une, de ceux qui augmentent la grace et la gloire des serviteurs de Dieu; l'autre, de ceux qui n'operent rien.

  A017001910 

 Il est vray que pour l'entiere resolution de vostre difficulté il faut que vous remarquies quil y a des desirs qui semblent estre de la seconde sorte, qui sont toutefois de la premiere, comme au contraire il y en a qui semblent estre de la premiere et sont de la seconde.

  A017001911 

 Mays quand en particulier il se presente quelque occasion de profiter, et en lieu d'en venir a l'effect on en demeure au desir, comme par exemple: il se presente occasion de pardonner une injure, de renoncer a la propre volonté en quelque particulier sujet, et en lieu de faire ce pardon ou renoncement, je dis seulement: Je voudrois bien pardonner, mais je ne sçaurois; je voudrois bien renoncer, mais il ny a moyen; qui ne void que ce desir est un amusement, ains quil me rend plus coulpable d'avoir une si forte inclination au bien et ne la vouloir pas effectuer? Et ces desirs ainsy faitz semblent estre de la premiere sorte, et sont de la seconde..

  A017001912 

 Or, maintenant il vous sera aysé de vous resoudre, comme je croy; que sil vous reste quelque difficulté, escrives-la moy, et tost ou tard je vous respondray de tout mon cœur, qui est certes tout vostre, ma tres chere Fille.

  A017001913 

 Car, ma tres chere Fille, de vouloir pour ces sales representations quiter la meditation de la Mort et Vie de Nostre Seigneur, ce seroit faire le jeu de l'ennemi, qui tasche par ce moyen de nous priver de nostre plus grand bonheur.

  A017001913 

 Celles qui sont tendres des imaginations messeantes, es meditations de la Vie et de la Mort du Sauveur, doivent, tant qu'elles peuvent, se representer les misteres simplement par la foy, sans se servir de l'imagination.

  A017001935 

 Et quant aux effectz, il faut s'essayer de payer premierement les dettes privilegiés, comme je pense estre celuy des medecins, qui, comme mercenaires, demandent leurs gages, entant quil se treuvera deu.

  A017001950 

 Ce matin le sieur Roch est parti de cette ville, ma tres chere Fille, et j'ay escrit par luy a M. Bonfilz, qui est a Lagnieu, pour vostre affaire, puisqu'il n'y a pas apparence de le voir si tost, et ledit sieur Roch m'a dit quil y contribueroit son credit..

  A017001951 

 Il faut tenir bon en la douceur et cordiale civilité envers ceux qui demandent, et Dieu vous assistera et fera que vos affaires se demesleront honnestement et plus tost que vous ne sçaures esperer.

  A017001984 

 Habbiamo qui in questa città d'Annessi una devotissima et veramente santissima Congregatione di donne, vedove et vergini, lequali la maggior parte sono nobilissime, et non solamente savoyarde, ma ancora di Borgogna et di Francia.

  A017002003 

 J'envoie à Votre Seigneurie le Mémoire touchant le mode qui me semble plus convenable pour obtenir la conversion des hérétiques; toutefois, comme il présuppose de toute façon que les princes jouissent [198] de la paix, ce n'est pas le moment de le proposer: aussi, je vous demande que jamais personne ne sache que ce Mémoire est venu de moi.

  A017002004 

 Entre autres choses, la Congrégation pratique cette charité, de recevoir les femmes qui, pour la faiblesse de leur complexion ou pour des infirmités corporelles, ne peuvent entrer dans les autres Ordres, pourvu qu'elles aient l'esprit bon et le cœur sincère.

  A017002004 

 Nous avons en cette ville d'Annecy une très dévote et vraiment très sainte Congrégation de femmes, veuves et vierges, qui pour la plupart sont de très noble extraction, non seulement de la Savoie, mais encore de Bourgogne et de France.

  A017002004 

 Une gracieuse église est attenante à leur maison, avec un chœur intérieur, où elles chantent chaque jour l'Office de la Très Sainte Vierge d'un air si pieux et si doux, qu'elles donnent de la dévotion à tous ceux qui les entendent.

  A017002005 

 Or, Sa Sainteté a accordé à ces Dames et Sœurs certaines Indulgences, que je n'ai cependant pas voulu faire publier, parce qu'il [200] m'a semblé qu'elles avaient été concédées comme si cette Congrégation eût été une Association, Confrérie ou Compagnie de femmes vivant chacune dans sa maison; ce qui n'est pas, car elles demeurent au contraire toutes ensemble, avec une observance religieuse telle, qu'on ne saurait, même par la pensée, imaginer une fidélité plus pure et parfaite en chasteté, obéissance et pauvreté qui réduit tout en commun.

  A017002006 

 Dans ce but, je vous envoie une copie des Indulgences que je n'ai pas voulu faire publier et une copie de celles qu'on souhaite, avec un Mémoire de la fondation de cette pieuse Maison, afin que vous sachiez tout ce qui sera requis en cette affaire.

  A017002006 

 Je désire donc maintenant leur faire avoir des Indulgences conformes à leur Institut; mais je ne sais qui employer pour cela, sinon la charité de Votre très Illustre Seigneurie, qui pourra, si bon lui semble, adresser même une supplique particulière au Saint-Père, pour qu'il daigne favoriser cette Congrégation.

  A017002009 

 J'espère aussi que la Sérénissime Infante, duchessse de Mantoue, qui affectionne si fort la Congrégation, fera écrire à l'ambassadeur de Son Altesse de s'employer dans le même but.

  A017002010 

 Je prends toutes ces mesures parce que M. Philippe de Quoex, [203] qui obtint ces Indulgences, nous manda de Rome qu'il était très difficile d'en obtenir d'autre façon.

  A017002023 

 Vivre selon l'esprit, ma bienaymee Fille, c'est penser, parler et operer selon les vertus qui sont en l'esprit, et non selon les sens et sentimens qui sont en la chair.

  A017002024 

 Mays, que sont ces vertus de l'esprit, ma chere Fille? C'est la foy, qui nous monstre des verités toutes relevees au dessus des sens; l'esperance, qui nous fait aspirer a des biens invisibles; la charité, qui nous fait aymer Dieu plus que tout et le prochain comme nous mesmes, d'un amour non sensuel, non naturel, non interessé, mays d'un amour pur, solide et invariable, qui a son fondement en Dieu..

  A017002025 

 Le sens humain veut avoir part en tout ce qui se passe, et il s'ayme tant, qu'il luy est advis que rien n'est bon s'il ne s'en est meslé; l'esprit, au contraire, s'attache a Dieu et dit souvent que ce qui n'est pas Dieu ne luy est rien, et comme il prend part aux choses qui luy sont communiquees, par charité, aussi quitte-il volontier sa part es choses qui luy sont celees, par abnegation et humilité..

  A017002025 

 Voyes vous, ma Fille, le sens humain appuyé sur la chair fait que maintes fois nous ne nous abandonnons pas asses entre les mains de Dieu, nous estant advis que, puisque nous ne valons rien, Dieu ne doit tenir conte [205] de nous, parce que les hommes qui vivent selon la sagesse humaine mesprisent ceux qui ne sont point utiles; au contraire, l'esprit appuyé sur la foy s'encourage emmi les difficultés, parce qu'il sçait bien que Dieu ayme, supporte et secourt les miserables, pourveu qu'ilz esperent en luy.

  A017002026 

 Une Seur est bien douce et aggreable, je la cheris tendrement; elle m'ayme bien, elle m'oblige fort, et je l'ayme reciproquement pour cela: qui ne void que je l'ayme selon les sens et la chair? car les animaux, qui n'ont point d'esprit et n'ont que la chair et les sens, ayment leurs bienfaiteurs et ceux qui leur sont doux et aggreables.

  A017002027 

 Je suis une pauvre chetifve cadette qui, par ma condition naturelle, suis craintifve, honteuse et desfiante de moy mesme, et pour cela, je voudrois bien qu'on me laissast vivre selon cette inclination, a part, parce qu'il faut faire beaucoup de violence a cette honte impertinente que j'ay et a cette crainte superflue.

  A017002027 

 Qui ne void que c'est vivre selon l'esprit?.

  A017002027 

 Qui ne void que ce n'est pas vivre selon l'esprit? Non certes, ma chere Fille, car tandis que j'estois encor bien jeune et [206] n'avois pas encor d'esprit je vivois des-ja ainsy; mais, quoy que selon mon naturel je sois honteuse, craintifve, apprehensifve comme une taupe, neanmoins je me veux essayer de surmonter ces passions naturelles, et, petit a petit, faire tout ce qui appartient a la charge que l'obeissance procedante de Dieu m'a imposee.

  A017002030 

 Monsieur vostre pere se porte bien et tout ce qui vous appartient selon le sang; ainsy en soit il de ce qui vous appartient selon l'esprit.

  A017002049 

 Tenes, voyla des lettres venantes de Lion; sil y a chose qui merite, vous m'en feres part..

  A017002050 

 Je me porte fort bien, ne sentant ni mal ni chose qui le ressemble; seulement, je me treuve tellement sans appetit, que n'ayant pris qu'un petit bouillon, je voudrois volontier ne rien prendre davantage aujourdhuy, me reservant toutefois de faire ce que ma chere Mere voudra, laquelle je conjure au nom de Dieu, qui sçait bien que je ne mens point, de ne point se mettre en peine de moy, car je me sers (sic) le mieux du monde, hors ce reume qui me fait tousser quelquefois..

  A017002051 

 Bon soir donq, ma tres chere Mere, a qui je suis certes, comm'elle sçait, tout parfaitement elle mesme.

  A017002079 

 Elle consiste toute en ce que j'ay le palais de la bouche fort enflé, et qui me donne de la douleur quand je crache ou que j'avale.

  A017002080 

 Demeures bien en paix avec Nostre Seigneur, qui seul doit estre le tout de nostre seul cœur.

  A017002091 

 Quand sera ce que nous serons tous destrempés en douceur et suavité envers nostre prochain? Quand verrons-nous les ames de nos prochains dans la sacree poitrine du Sauveur? Helas! qui regarde le prochain hors [213] de la, il court fortune de ne l'aymer ni purement, ni constamment, ni esgalement; mays la, mays en ce lieu la, qui ne l'aymeroit? qui ne le supporteroit? qui ne souffriroit ses imperfections? qui le treuveroit de mauvaise grace? qui le treuveroit ennuyeux? Or, il y est ce prochain, ma tres chere Fille, il y est dans le sein et dans la poitrine du divin Sauveur; il y est comme tres aymé et tant aymable, que l'Amant meurt d'amour pour luy, Amant duquel l'amour est en sa mort et la mort en son amour..

  A017002100 

 Mais, ma tres chere Mere, entrejettés, [214] je vous prie, quelques actions de vostre part, par maniere d'oraysons jaculatoires, en approbation du despouillement, comme par exemple: Je le veux bien, Seigneur, tirés, tirés hardiment tout ce qui revest mon cœur.

  A017002101 

 Encor ne faut il pas, s'il vous plaist, ma tres chere Mere, prendre aucune nourrice; ains, comme vous voyes, il faut quitter celle que neanmoins vous aures, et demeurer comme une pauvre petite chetifve creature devant le throsne de la misericorde de Dieu; et demeurer toute nue, sans demander jamais ni action ni affection quelcomque pour la creature, et neanmoins vous rendre indifferente a toutes celles qu'il luy plaira vous ordonner, sans vous amuser a considerer que ce sera moy qui vous serviray de nourrice; car, comme vous voyes, si vous prenies une nourrice a vostre gré, vous ne sortiries pas de vous mesme, ains auries tous-jours vostre conte, qui est neanmoins ce qu'il faut fuir sur toutes choses..

  A017002102 

 Ces renoncemens sont admirables: de sa propre estime, mesme de ce que l'on estoit selon le monde (qui n'estoit en verité rien, sinon en comparayson des miserables), de sa propre volonté, sa complaysance en toutes creatures et en l'amour naturel, et en somme tout soy mesme, qu'il faut ensevelir dans un eternel abandonnement, pour ne le voir ni sçavoir plus comme nous l'avons veu et sceu, ains seulement quand Dieu le nous ordonnera et selon qu'il le nous ordonnera.

  A017002110 

 O que bienheureux fut Joseph l'ancien, qui n'avoit ni boutonné ni aggrafé sa robbe, de sorte que, quand on le voulut attraper par icelle, il la lascha en un moment..

  A017002111 

 J'admire la glorieuse Mere qui naquit nue de maternité et fut desnuee de cette maternité au pied de la croix, et pouvoit bien dire: Nue j'estois de mon plus grand bonheur quand mon Filz vint en mes entrailles, et nue je suis quand, mort, je le reçoy dans mon sein.

  A017002112 

 Je vous dis donq, ma chere Mere: que beni soit le Seigneur qui vous a despouillee! O que mon cœur est content de vous sçavoir en cet estat si desirable! et je vous dis comme il fut dit a Isaïe: Marchés et prophetisés toute nue ces troys jours.

  A017002112 

 Perseverés, en cette nudité, de demeurer aupres de Nostre Seigneur; il n'est plus besoin que vous facies des actes, s'il ne vous vient au cœur, ains que seulement vous chanties, si vous pouves, doucement le cantique de vostre nudité: Nue je suis nee du ventre de ma mere, et ce qui s'ensuit.

  A017002124 

 N'ayes plus d'autres bras pour vous porter que les siens, ni d'autre sein pour vous reposer que le sien et sa providence; n'estendes vostre veuë ailleurs et n'arrestes vostre esprit qu'en luy seul; tenes vostre volonté si simplement unie a la sienne en tout ce qu'il luy plaira faire de vous, en vous, par vous et pour vous, et en toutes choses qui sont hors de vous, que rien ne soit entre deux.

  A017002125 

 Je sens insensiblement au fond de mon cœur une nouvelle confiance de mieux servir Dieu en sainteté et justice tous les jours de ma vie; et si, je me treuve aussi nu, graces a Celuy qui est mort nu pour nous faire entreprendre de vivre nus.

  A017002132 

 Et prenés courage, car s'il vous a [219] desnuee des consolations et sentimens de sa presence, c'est affin que sa presence mesme ne tienne plus vostre cœur, mays luy et son playsir; comme il fit a celle qui, le voulant embrasser et se tenir a ses pieds, fut renvoyee ailleurs: Ne me touche point, luy dit il, mais va, dis le a Simon et a mes freres.

  A017002140 

 Vostre cœur sera pur, ma chere petite Fille, puisque vostre intention est pure, et les pensees vaines qui vous [220] surprennent ne le sçauroyent souiller en sorte quelcomque.

  A017002141 

 Alles bien simplement en cette croyance, et salues souvent le cœur de ce divin Sauveur qui, pour nous tesmoigner son amour, s'est voulu couvrir des apparences de pain, affin de demeurer tres familierement et tres intimement en nous et pres de nostre cœur..

  A017002141 

 Qui reçoit la tressainte Communion, il reçoit Jesus Christ vivant: c'est pourquoy son cors, son ame et sa divinité sont en ce divin Sacrement; et d'autant que sa divinité est celle la mesme du Pere et du Saint Esprit, qui ne sont qu'un seul Dieu avec luy, qui reçoit la tressainte Eucharistie reçoit le cors du Filz de Dieu et, par consequent, son sang et son ame, et par consequent, la tressainte Trinité.

  A017002142 

 Ma chere Fille, ces divins Espritz vous apprendront comme vous feres pour bien celebrer ces jours solemnelz, et sur tout l'amour interieur qui vous fera connoistre combien est grand l'amour de nostre Dieu qui, pour se rendre plus nostre, a voulu se donner en viande pour la santé spirituelle de nos cœurs, affin que, les nourrissant, ilz fussent plus parfaitz..

  A017002142 

 Voyons bien en esprit les saintz Anges qui environnent ce tressaint Sacrement pour l'adorer, et en cette sainte [221] octave respandent plus abondamment des inspirations sacrees sur ceux qui, avec humilité, reverence et amour, s'en approchent.

  A017002152 

 En sorte que celles qui communient plus souvent n'estiment pas moins les autres qu'elles, puisqu'on s'approche maintes fois plus pres de Nostre Seigneur en s'en retirant avec humilité, qu'en s'en approchant selon nostre goust propre; et celles qui ne communient pas si souvent, ne se laissent point emporter en la vaine emulation.

  A017002162 

 J'ay bien receu toutes vos lettres, et eusse respondu si ceux qui les ont apportees m'en eussent donné la commodité.

  A017002164 

 M me du Chastelard est a la Visitation, qui proteste grandement de n'avoir jamais eu un seul brin de pensee contraire a la sainte inspiration qu'elle avoit eue et laquelle elle sent plus forte que jamais; et vrayement, c'est une bonne ame qui est en une bonne voye.

  A017002165 

 Ma tres chere Fille, il faut bien supporter le Pere qui ne fait pas trop bien son devoir paternel, quoy qu'il aye un cœur non pareil pour sa tres chere fille, a laquelle il souhaite toutes saintes benedictions..

  A017002188 

 Je vous remercie bien humblement de la souvenance que vous aves de moy, tesmoignee par vostre lettre et vostre beau present, lequel certes, estant de prix, j'ay disputé en mon esprit si je devois l'accepter; et ne l'eusse nullement fait, si ce n'eut esté de peur de contrister vostre charité, laquelle neanmoins en cela je treuve excessive et vous supplie de la moderer, au moins envers moy, qui, au demeurant, vous porteray a jamais dedans mon esprit pour vous souhaiter le comble de toutes benedictions, et a tout ce que vous cherisses le plus..

  A017002207 

 Je ne pense pas quil fust a propos de faire cette premiere veuë ainsy courtement, outre que ces filles ne font quasi que de partir d'icy, ou elles ont demeuré 15 jours, et chacun voudroit sçavoir le pourquoy de leur retour; et puisque vous reviendres icy bien tost, nous en parlerons avec la Mere, et on verra ce qui sera plus expedient..

  A017002246 

 Je vous escris par cette mauvaise commodité qui me presse sans merci.

  A017002271 

 Que vous puis-je dire, sinon que vous perseveries a desirer l'amour qui ne peut jamais estre asses desiré, estant infiniment desirable?.

  A017002272 

 Neanmoins, ma chere Seur, vous pourres utilement repeter souvent la priere de ce Penitent qui disoit: Seigneur, laves moy davantage de mon iniquité et me nettoyes de mon peché; pourveu que ce soit avec une vraye et simple confiance en cette souveraine Bonté, vous asseurant que sa misericorde ne vous manquera pas..

  A017002283 

 Je suis marri de la peine en laquelle monsieur Rigaud s'est mis pour la Præface, que je m'asseure vous aurés recëue des maintenant par un voiturin qui porte une charge de soye a M. Magnin, qui m'a promis de faire rendre le paquet soudain quil seroit arrivé.

  A017002284 

 Et a propos de faute, il y en a deux notables au livre, dont l'une est de l'imprimeur, qui a obmis une ligne entiere; l'autre est de moy, qui ne sçai ou j'avois l'esprit quand j'escrivis les [quatre] vers [qui sont] en la page 725, ligne 8, desquelz je vous envoye la correction, et vous prie qu'en toute façon on les oste pour y mettre [234] ceux que je vous envoye; car ces vers ainsy quilz sont, sont capables de fascher plusieurs lecteurs et les degouster..

  A017002293 

 J'ay sceu la courtoysie que M. Rigaud use a l'endroit des serviteurs de ceans; cela m'oblige fort, mais j'ay peur quil n'en face trop, et cela me tiendra retenu a ne demander pas certains autres livres que je desirois, lesquelz je ne sçaurois pas cotter par ce que je ne sçai pas leur tiltre, dautant que ça esté le P. Grangier qui m'en a donné l'envie lhors quil passa icy..

  A017002294 

 Si je ne vous escris plus avant vostre depart, je vous prie de saluer le R. P. Recteur et le P. Grangier, et les PP. Monet et Fichet; item, le P. Philippe, monsieur de Saint Nizier et tous ceux qui me font la faveur de m'aymer..

  A017002295 

 Je vous escrivis pour avoir un petit Combat spirituel [236] de ceux qui sont imprimés a Paris, par ce que tout y est, car si ilz estoit (sic) imprimés a Lyon avec tout le mesme, ce me seroit tout un..

  A017002297 

 Pour les autres a qui je desire qu'on en presente, comme la [237] Reyne et quelques Princesses, cela se fera a loysir, et suffit que ce soit avant que ces Traittés se publient a Paris..

  A017002332 

 Ignoré de Rome et du monde, je viens, selon la charité qui est [238] dans le Christ, présenter à un Cardinal très connu et très aimé du monde et de Rome une confiante prière..

  A017002333 

 Nous avons, tant ici qu'à Lyon, deux Congrégations de vierges [239] et de veuves qui, bien que méritant plus exactement le nom d'Oblates que celui de Religieuses ou de Moniales, ne laissent pas de pratiquer très saintement la chasteté et la céleste pureté, d'embrasser en toute simplicité l'obéissance et de suivre très religieusement la pauvreté.

  A017002334 

 Or, il n'y a pas bien longtemps, étant allé saluer M gr le Révérendissime Archevêque de Lyon, et nous étant tous deux entretenus de l'état de nos affaires ecclésiastiques, la conversation tomba, entre autres choses, sur ces deux Congrégations de femmes, qui sont en si bonne odeur dans l'un et l'autre diocèse, qu'il semblerait de toute importance de leur donner une constitution régulière..

  A017002336 

 Les devoirs religieux qui remplissent leur vie n'ont que trois [241] particularités, mais qui leur tiennent extrêmement à cœur, et dont la concession par le Siège Apostolique enlèverait à ce changement d'état tout ce qu'il pourrait avoir de dur ou d'amer.

  A017002337 

 Cela est d'autant plus digne d'être pris en considération, que, de toutes les femmes du monde entier, il n'en [242] est point qui prononcent le latin aussi défectueusement que les françaises, à qui il serait vraiment impossible, dans une telle variété d'Offices, de Leçons et de Psaumes, d'observer exactement les lois de l'accentuation et de la prononciation.

  A017002337 

 Et voici le motif de ce désir: ces Congrégations admettent fort souvent des personnes déjà d'un certain âge, qui ne pourraient qu'à grand'peine s'habituer au grand Office avec toutes ses rubriques.

  A017002338 

 Un second point, c'est la permission qu'elles accordent à des veuves de venir, pendant des années parfois, habiter avec elles, en costume séculier, très modeste il est vrai, pour se livrer aux pieux exercices de la Congrégation; et cela, non pas sans doute à toutes les veuves, mais à celles-là seules qui, désireuses d'entrer en Religion, et, en attendant, songeant d'une manière sérieuse à donner congé au siècle et aux sollicitations matrimoniales, cherchent prudemment à cacher ce trésor de la chasteté, qu'elles portent dans des vases fragiles, de crainte que, le portant en leurs mains sous le regard des enfants des hommes, elles ne l'exposent à devenir la proie des voleurs.

  A017002339 

 Elle présente même beaucoup moins de péril que celle qui, dans la plupart des monastères les plus pieux, permet aux Sœurs converses d'aller et de venir pour des raisons d'affaires; et la difficulté n'y est guère plus grande que dans la coutume, pourtant généralement admise, de recevoir des jeunes filles dans les monastères pour y faire leur éducation.

  A017002339 

 Et voici la raison de ce désir: telle est, dans ces pays-ci, la liberté hardie des hommes à harceler les veuves, même les plus pieuses, de leurs conversations et provocations mondaines, que celles qui veulent pratiquer la véritable viduité, ont de la peine à le faire en toute sécurité; à quoi on obvie très heureusement par ce moyen.

  A017002340 

 Outre les veuves dont nous venons de parler et qui se proposent sincèrement de renoncer au siècle, il leur arrive aussi d'admettre des femmes engagées dans les liens du mariage, qui, voulant entreprendre une vie nouvelle dans le Christ, et faire, avec la préparation de quelques exercices spirituels, ce qu'on appelle une confession générale, ont besoin de se retirer pour plusieurs jours en quelque lieu éloigné des bruits du monde.

  A017002341 

 Or, s'il existe des raisons de piété qui autorisent les femmes à franchir de temps en temps la clôture des couvents de Religieuses (et il en existe), il convient de compter ces deux-là parmi les [245] principales, à condition toutefois qu'on n'en use qu'avec l'approbation écrite de l'Ordinaire ou de son vicaire général, et pour autant que ces pratiques ne porteront aucun préjudice à la discipline régulière.

  A017002342 

 Au reste, M gr le Révérendissime Archevêque de Lyon possède un intercesseur d'un très grand crédit dans la personne de l'Ambassadeur du Roi très chrétien; et les Sœurs de cette ville peuvent elles-mêmes compter sur les prières très puissantes de la Sérénissime Duchesse douairière de Mantoue qui les aime beaucoup.

  A017002342 

 Enfin, comme garant de votre commisération à l'égard de ce pauvre diocèse, j'ai vos livres des Controverses, et, pour gage de votre bienveillance à l'égard des âmes dévotes, j'ai votre dernier-né et tant aimable Benjamin; ce qui ne me laisse aucun doute..

  A017002353 

 Orbi et Urbi ignotus, ego qui minime sum dignus vocari Episcopus et simpliciter ambulans omnium mihi totique orbi notissimum et illustrissimum Cardinalem, [248] secundum eam quæ in Christo est charitatem, aggredior confidenter..

  A017002373 

 Ignoré du monde et de Rome, très indigne d'être appelé évêque, mais marchant en simplicité, j'aborde avec confiance, selon la charité [248] qui est dans le Christ, un Cardinal, de tous le plus illustre, et le plus connu de moi et du monde entier..

  A017002374 

 Nous possédons ici une Congrégation de veuves et de vierges qui, bien qu'elles semblent être en vérité plutôt des Oblates que des Moniales proprement dites, respirent pourtant une telle piété, que je ne crains pas d'en dire ce que saint Grégoire de Nazianze affirmait jadis de leurs pareilles: N'ayant dans mon diocèse qu'un petit nombre de ces femmes, je suis tellement fier et joyeux de posséder ces célestes et très belles étoiles du Christ, que, pour l'excellence de la vertu, je ne redouterais pas la comparaison de ma petite troupe avec d'autres bien plus nombreuses..

  A017002378 

 Cependant, trois ou quatre usages leur sont particuliers, qui semblent fort propres, au jugement de la plupart de ceux qui connaissent nos mœurs de ce côté-ci des monts, à promouvoir la piété..

  A017002379 

 En effet, la grande liberté qui unit la vie des hommes, en ces contrées, à celle des femmes, empêche le plus souvent celles-ci de se préparer, dans l'intérieur de leur famille, par des exercices convenables, à la contrition et à une intime douleur de leurs fautes.

  A017002379 

 Premièrement, elles admettent parfois chez elles des séculières, non pas toutes et au hasard, mais seulement celles qui, voulant faire des confessions générales et vaquer aux exercices qu'on appelle spirituels, ont besoin, dans ce but, de se retirer durant quelques jours dans un endroit éloigné des tracas du monde.

  A017002380 

 Le second usage est qu'elles permettent parfois à des veuves d'habiter chez elles, même durant plusieurs mois; à des veuves, dis-je, qui, voulant être des veuves véritables, cherchent à cacher, pendant quelque temps, pour dire adieu au monde et aux solliciteurs en mariages, le trésor qu'elles portent dans des vases d'argile; de peur que, le portant dans leurs mains, au vu de tous, il ne leur arrive d'en être dépouillées par des larrons.

  A017002381 

 D'autre part, elles récitent ce petit Office facilement, marquant avec une parfaite netteté les mots, les accents [252] et les pauses; ce qui leur serait impossible dans la récitation du grand Office..

  A017002381 

 Le troisième point consiste en ce qu'elles ne récitent pas l'Office ecclésiastique, mais seulement celui de la Très Sainte Mère de Dieu: ce qu'elles font, parce qu'on reçoit fréquemment chez elles des sujets d'âge avancé, qui pourraient bien malaisément apprendre le grand Office.

  A017002384 

 Que du moins Sa Sainteté, qui a la charge de tous et doit se faire tout à tous, daigne leur accorder des Indulgences et en enrichir leur église; qu'Elle daigne les encourager à progresser dans la piété par sa paternelle et Apostolique Bénédiction; car la plupart de ces femmes et de ces vierges sont de haute noblesse et issues de parents [253] illustres, et cette Congrégation tout entière est respectée des hérétiques eux-mêmes, tant sa piété sait triompher de l'obstination des ennemis même de la piété..

  A017002393 

 La longueur du tems que monsieur vostre pere a vescu et les dernieres langueurs qui vous ont, il y a quelque tems, annoncé son trespas et menacé de son absence future, vous auront donné sujet de vous resoudre en la perte du bonheur que vous avies de le sentir encor [254] en ce monde; car en somme, puisque nul n'est exempt de la mort, la plus favorable condition que nous puissions avoir d'elle, c'est quand elle nous laisse longuement jouïr de ceux a qui nous appartenons..

  A017002394 

 Pour moy, je ne veux point icy user des termes ordinaires avec vous; le lien qui me tient attaché a vostre amitié et service vous servira de gage et d'asseurance que je rendray bien mon devoir a prier pour le defunct et honnorer sa memoire, et, quant au reste, je suis,.

  A017002406 

 Ces bonnes Seurs de la Visitation qui iront la commencer une nouvelle Congregation, ne pourront qu'estre [255] grandement consolees, puisque vous les protegeéres au nom de Monseigneur l'Archevesque de Lyon, par l'authorité episcopale; et loue Dieu de l'affection que vous tesmoignes a ce bon œuvre, duquel j'espere que vous aures contentement.

  A017002421 

 Puisque Monseigneur de Lyon vous a establi son vicaire pour l'establissement et le progres de la Congregation de la Visitation de Moulins, c'est donq a vous, Monsieur, que j'addresse ces quatre lignes, affin que sous vostre authorité spirituelle, elles servent a ce dessein Dieu, qui, comme je l'espere, benira leur bonne volonté et leur desir....

  A017002430 

 Le service que vous alles rendre a Nostre Seigneur et a sa tres glorieuse Mere, est apostolique; car vous alles [258] assembler, ma tres chere Fille, plusieurs ames en une Congregation, pour les conduire, comme une nouvelle bande, a la guerre spirituelle contre le monde, le diable et la chair, en faveur de la gloire de Dieu; ou plustost, vous alles former un nouvel essaim d'abeilles qui, en une nouvelle ruche, fera le mesnage du divin amour, plus delicieux que le miel..

  A017002431 

 Or, alles donq toute courageuse, en une parfaite confiance en la bonté de Celuy qui vous appelle a cette sainte besoigne.

  A017002431 

 Quand est ce qu' aucun espera en Dieu et qu'il fut confus? La desfiance que vous aves de vous mesme est bonne tandis qu'elle servira de fondement a la confiance que vous deves avoir en Dieu; mais si jamais elle vous portoit a quelque descouragement, inquietude, chagrin et melancholie, je vous conjure de la rejetter comme la tentation des tentations; et ne permettes jamais a vostre esprit de disputer et repliquer en faveur de l'inquietude ou de l'abbattement de cœur auquel vous vous sentires penchee, car cette simple verité est toute certaine: que Dieu permet arriver beaucoup de difficultés a ceux qui entreprennent son service, mays jamais pourtant il ne les laisse tomber sous le faix tandis qu'ilz se confient en luy.

  A017002432 

 L'humilité, ma tres chere Fille, fait refus des charges, mais elle n'opiniastre pas le refus; et estant employee par ceux qui ont le pouvoir, elle ne discourt plus sur son indignité quant a cela, ains croit tout, espere tout, [259] supporte tout avec la charité; elle est tous-jours simple.

  A017002433 

 Qui peut conserver la douceur emmi les douleurs et alangourissemens, et la paix entre le tracas et multiplicité des affaires, il est presque parfait; et bien qu'il se treuve peu de gens, es Religions mesmes, qui ayent atteint a ce degré de bonheur, si est ce qu'il y en a pourtant et y en a eu en tout tems, et faut aspirer a ce haut point..

  A017002433 

 Une personne imbecille excite a un saint support tous ceux qui la connoissent et donne mesme une tendreté de dilection particuliere, pourveu qu'elle tesmoigne de porter devotement et amiablement sa croix.

  A017002433 

 Vostre cors est imbecille, mays la charité, qui est la robbe nuptiale, couvrira tout cela.

  A017002434 

 Chacun presque a de l'aysance a garder certaines vertus et de la difficulté a garder les autres, et chacun dispute pour la vertu qu'il observe aysement et tasche d'exagerer les difficultés des vertus qui luy sont malaysees.

  A017002434 

 Il y avoit dix vierges, et n'y en avoit que cinq qui eussent l'huyle de la douceur misericordieuse et debonnaireté.

  A017002434 

 Je la vous recommande, ma tres chere Fille, parce qu'a icelle, comme a l'huyle de la lampe, tient la flamme du bon exemple, n'y ayant rien qui edifie tant que la charitable debonnaireté..

  A017002435 

 Combien y a-il de personnes maussades exterieurement, qui sont tres aggreables aux yeux de Dieu! La beauté, la bonne grace, le bien parler donnent souvent des grans attraitz aux personnes qui vivent encor selon leurs inclinations; la [260] charité regarde la vraye vertu et la beauté cordiale, et se respand sur tous sans particularité..

  A017002436 

 Ayés donq un grand courage, non seulement grand, mais de grande haleine et de grande duree, et pour l'avoir, demandés-le souvent a Celuy qui seul le peut donner; et il le vous donnera, si en simplicité de cœur vous correspondes a sa grace.

  A017002444 

 Contribues y donq de bon cœur vostre personne et tout ce qui en depend; joignés l'humilité a la sainte confiance et allegresse d'esprit, vous resouvenant qu'en l'ancienne Loy on recevoit au Tabernacle l'offrande de ceux qui, n'ayans autre chose, presentoyent de bon cœur des poilz de chevre pour faire le cilice duquel le Tabernacle estoit couvert.

  A017002456 

 Et pour vous affermir en cette creance, a la fin de vostre exercice du matin, desadvoués par une courte et simple aversion toutes sortes de pensees qui sont contraires a l'amour celeste, comme disant: Je renonce a toutes cogitations qui ne sont pas pour vous, o mon Dieu; je les desadvoue et rejette a jamais.

  A017002456 

 Ne vous troubles nullement pour ces imaginations et pensees estranges ou terribles qui vous arrivent, car, selon la veritable connoissance que j'ay de vostre cœur, je vous asseure devant Nostre Seigneur que vous n'en pouves encourir aucun peché.

  A017002458 

 Ma très chere Fille, vives en Dieu doucement et simplement, avec un continuel amour de vostre propre abjection, et un grand courage a servir Celuy qui, pour vous sauver, est mort en la †..

  A017002468 

 Vous estes employee bien jeune a de grandes œuvres: cela vous doit faire humilier profondement, et vous faire resoudre a fidellement obeir aux Regles et a vostre Superieure; car c'est pour [ce] service qu'on vous a choisie, affin que, comme d'autres serviront de bon exemple aux filles plus avancees en aage qui se rangeront a la Congregation, vous servies aussi de patron aux plus jeunes; ce qui est extremement important, car Dieu ayme tres particulierement les premices des annees et desire qu'elles luy soyent consacrees.

  A017002518 

 Despuis, comme vous aves sceu, Monseigneur le Prince vint icy, a la bonté duquel je suis infiniment obligé, et avec tout le reste du païs je dois mille et mill'actions de graces a la divine Providence qui nous a donné un homme tant plein de vertu et de benedictions pour dominer un jour entre nous.

  A017002518 

 Je vous escrivis des-ja l'autre jour la lettre ci jointe, mais l'homme qui accompaigna monsieur de Monthouz, qui m'avoit rendu la vostre, ne vint point prendre ma lettre, que je sache.

  A017002520 

 En somme, Dieu est bon, et bienheureux est le cœur qui l'ayme..

  A017002521 

 Je parleray a Messieurs de la justice, pour voir ce qui se pourroit faire pour vostre payement.

  A017002533 

 Ah! veuille cette Sainte Vierge nous faire vivre, par ses prieres, en ce saint amour! Qu'il soit a jamais le tres unique objet de nostre cœur; que puisse nostre unité rendre a jamais gloire a l'amour divin, qui porte le sacré nom d'« unissant.

  A017002533 

 Je considerois au soir, selon la foiblesse de mes yeux, cette Reyne mourante d'un dernier acces d'une fievre plus suave que toute santé, qui est la fievre d'amour, laquelle, desseehant son cœur, en fin l'enflamme, l'embrase et le consomme, de sorte qu'il exhale son saint esprit, lequel s'en va droit entre les mains de son Filz.

  A017002537 

 Ah Dieu! ma tres chere Mere, que je veux approfondir creusement nostre cœur devant cette Dame eslevee, affin qu'il luy playse le remplir de cette surabondante rosee d'Hermon, qui distille de toutes parts de sa sainte plenitude de graces..

  A017002546 

 [271] Mays il est vray toutefois, Monsieur mon Filz, que vos lettres m'apportent tous-jours une delectation extreme, y voyant, ou du moins entrevoyant, les traitz de vostre bonté naturelle et de la sainte charité de vostre ame, qui produit et nourrit la douceur de vostre dilection filiale que vous respandes sur moy et qui me remplit de suavité.

  A017002547 

 Et moy ce pendant, Monsieur mon tres cher Filz, affin de suppleer en quelque sorte les defautz que le manquement de commodités me pourroyent (sic) faire faire de vous escrire souvent, je vous envoye le livre de l' Amour de Dieu que j'ay n'a guere exposé aux yeux du monde; et vous supplie que si quelquefois l'affection que vous aves pour moy, vous donnoyt quelque desir d'avoir de mes lettres, vous prenies ce Traitté et en lisies un chapitre, vous imaginant que s'il y a point de Theotime au monde auquel s'addresse (sic) mes paroles, vous estes celuy entre tous les hommes, qui estes mon plus cher Theotime..

  A017002549 

 C'est le plus doux, gracieux et devot Prince [272] qu'on puisse voir; un cœur plein de courage et de justice, une cervelle pleine de jugement et d'esprit, un'ame qui ne respire que le bien et la vertu, l'amour de son peuple et sur tout la crainte de Dieu.

  A017002549 

 Nous avons icy despuis trois jours Monseigneur le Prince de Piemond, qui me fit lhonneur de venir descendre chez moy tout a l'improuveu, estant venu par les postes, luy septiesme; despuys, il a esté logé au chasteau.

  A017002556 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait à Evian, chez les Missionnaires.

  A017002566 

 Maintenant donq il est revenu a moy, qui le rens porteur de cette lettre, affin que si Vostre Altesse le treuve a propos, elle l'escoute sur ce sujet; car a cette seule intention je l'ay renvoyé vers [274] elle, a laquelle faysant tres humblement la reverence, je suis,.

  A017002595 

 J'offre a Vostre Altesse un Traitté de l'Amour de Dieu que j'ay mis en lumiere ces jours passés; non que je l'estime digne des yeux d'un si grand Prince, mays affin qu'en ce que je puis, je face hommage a Vostre Altesse luy presentant les fruitz de mes labeurs, comme issus d'une personne qui ne pensera jamais d'avoir rien de plus cher en ce monde que l'honneur d'estre advoüé,.

  A017002620 

 Mais il faut que je vous die naïfvement ce que je crains plus que tout en cette occurrence: c'est la tentation des aversions et repugnances entre vous et nostre [Sœur des Gouffiers], car c'est la tentation qui arrive ordinairement es affaires qui dependent de la correspondance de deux personnes; c'est la tentation des anges terrestres, puisqu'elle est arrivee entre les plus grans Saintz, et c'est nostre imbecillité, de tous tant que nous sommes enfans d'Adam, qui nous ruine, si la charité ne nous en [278] delivre.

  A017002620 

 Quand je voy deux Apostres se separer l'un de l'autre pour n'estre pas d'accord au choix d'un troisiesme compaignon, je treuve bien supportables ces petites repugnances, pourveu qu'elles ne gastent rien, comme cette separation-la qui ne troubla point la mission apostolique.

  A017002620 

 Si quelque chose de tel arrivoit entre vous deux, qui estes filles, cela ne seroit pas estrange, pourveu qu'il ne durast pas.

  A017002622 

 Je salue tres cordialement nos cheres Seurs, et les conjure de prier Dieu pour mon ame, inseparable de la vostre et des leurs en la dilection qui est selon Jesus, nostre Sauveur..

  A017002629 

 Cette grande chere Fille qui n'escrit point meriteroit qu'on la laissast aussi en son silence; mays mon affection ne le permet pas.

  A017002631 

 Estouffés les en leur naissance; tenes vostre charité bandee et tenes pour suspect tout ce qui sera contraire a l'union, au mutuel support, a la reciproque estime que vous deves avoir les unes envers les autres.

  A017002631 

 Nostre Mere vous dira peut estre, si elle en a le lovsir, la crainte que j'ay que les renardeaux n'entrent dans cette petite nouvelle vigne pour la demolir; je veux dire les aversions et repugnances, qui sont les tentations des Saintz.

  A017002632 

 [280] Vives toute dans les entrailles de la charité divine, ma tres chere Fille, a qui je suis de tout mon cœur.

  A017002669 

 Je l'ay donq fait fermer de mon cachet, affin que, si d'adventure le paquet s'ouvroit, comme fit celuy dans lequel elle me fut addressee, elle ne fust pas ouverte par le froissement du port; car c'est ainsy qu'elle fut declose, et non par la malice du porteur, qui me rendit tout le paquet debiffé, mais en sorte que je conneus quil ny avoit point touché..

  A017002671 

 Dieu, par sa bonté, nous veuille donner sa tressainte paix, et vous conserver a longues annees, Monseigneur, a qui je suis,.

  A017002686 

 Je vous salue de tout mon cœur, lequel, comme vous sçaves, souhaite mille et mille benedictions au vostre, auquel je diray a nostre premiere veue deux nouvelles pour Rumilly qui luy seront des plus aggreables.

  A017002698 

 Et puis que le P. Recteur propose un expedient, il le faut prendre tel quil le dit, hormis qu'apres avoir envoyé a vostre choix ce qui sera plus propre pour cette Mayson-la et pour Rion, vouloir encor faire faire des absences a nostre Mere, c'est dire quil faut demanteler cette Mayson et la laisser a la merci des vens; car, comme vous sçaves, il y a peu de Meres et beaucoup de filles, [287] dont les unes sont des-ja venues, les autres viendront au premier jour, et il faut une Mere icy qui suffise a tout; laissant a part les grandes bonnes affaires qui sont par deça pour cette Congregation, ausquelles nostre seule Mere peut respondre..

  A017002698 

 ... vigne; et voyla que ces infirmités se sont interposees, qui la tiennent au lit et hors du train requis; et a cela surviennent des aversions et repugnances, [286] infirmités spirituelles.

  A017002717 

 O Dieu! quand sera-ce que le support du prochain aura sa force dans nos cœurs? C'est la derniere et plus excellente leçon de la doctrine des Saintz: bienheureux l'esprit qui la sçait.

  A017002719 

 Ma tres chere Fille, vous estes la fille de mon cœur, et je ne laisseray jamais de souhaiter que vous soyes la fille du cœur de Dieu, qui nous a donné des cœurs affin que nous fussions ses enfans, en l'aymant, benissant et servant es siecles des siecles..

  A017002729 

 Il y a quelques jours que Son Altesse fit un' assemblee pour prendre les resolutions convenables a la reparation des Monasteres, tant en ce qui regarde les bastimens temporelz qu'aussi en ce qui regarde l'edifice spirituel de la discipline reguliere..

  A017002765 

 Je ne suis pas homme de cérémonies, surtout avec Votre très Révérende Seigneurie qui, j'en suis sûr, m'aime sincèrement, de même que, de tout cœur, je désire la servir.

  A017002784 

 Je vous supplie de me faire la charité que je puisse avoir la lettre que Son Altesse a accordee au Vice Legat d'Avignon, en recommandation de l'affaire que la Sainte Mayson de Thonon, mon Chapitre et moy y avons, sur le sujet des places du college d'Annessi, ou de Savoye, fondé audit Avignon, qui appartient a la nation de Savoye, affin que nous soyons remis en possession de les avoir.

  A017002813 

 Les Religieux de Talloyres sachans que le fermier de [296] leur Prieur commendataire a promis de fournir trois cens couppes de froment pour l'armee, et qu'il prætend a cet effect employer le bled de sa ferme, ilz supplient tres humblement Vostre Altesse qu'il luy playse de commander qu'avant toute chose les præbendes destinees a la nourriture des Religieux seront reservees, affin que le divin service soit continué, attendu que ledit fermier n'a peu promettre ce qui est aux Religieux.

  A017002829 

 Le college d'Annessi fondé en Avignon recourt par un sien deputé, natif de Chamberi, a nostre Saint Pere le Pape affin d'obtenir de Sa Sainteté quelque digne remede contre les desordres qui y sont survenus au prejudice des sujetz de Vostre Altesse, qui est le mesme sujet pour lequel elle avoit escrit ces jours passés au Vice Legat du comtat d'Avignon; qui me fait la supplier tres humblement d'employer pour ce bon œuvre la mesme faveur a Romme qu'elle avoit accordé pour Avignon..

  A017002844 

 Mays je vous supplie de continuer envers moy vostre bienveuillance, qui suis.

  A017002856 

 Joint qu'icy on ne traite pas d'imposer ni par voye de prest ni autrement, puisque ce n'est qu'un simple secours pour un cas particulier et qui ne tire nulle consequence..

  A017002856 

 de Immunitate Ecclesiarum, a ce qu'il n'opere pas es cas de quelque grande necessité publique; car alhors, les laicz estantz espuisés et ny ayant pas loysir [300] de recourir au Pape, l'Evesque peut ordonner une contribution aux clercz de son diocæse, ainsy que remarque Sylvester en sa Somme, verbo Immunitas, primo [cap.,] § 20, qui incipit: « Quartum.

  A017002882 

 J'espere d'aller bien tost faire la reverence a Son Altesse, car voyci le tems de l'Advent qui m'appelle a Grenoble, ou je ne dois m'acheminer qu'apres avoir demandé les commandemens d'icelle; et j'auray alhors le contentement de vous voir et d'apprendre plus particulierement les circonstances de ce traitté, la nouvelle duquel me fait escrire un mot a monsieur de Monthouz, affin quil face expedier l'affaire des Dames de la Visitation tandis que le beau tems dure et qu'on peut prendre la mesure des bastimens..

  A017002901 

 Ce que vous verres pouvoir estre fait avec amour, il le faut procurer; ce qui ne se peut faire que par desbat doit estre laissé, quand on a affaire avec des personnes de si grand respect..

  A017002901 

 Pour moy, je vous conseille de faire le plus doucement et sagement que vous pourres ce qui vous est recommandé, sans [305] jamais rompre la paix avec le pere et cette mere; car il vaut mieux que les affaires n'aillent pas si bien, et que ceux a qui l'on a tant de devoir soyent contens.

  A017002904 

 Faites bien ce que vous pourres, et le reste laisses le a Dieu, qui le fera ou tost ou tard selon la disposition de sa providence..

  A017002905 

 Je voudrois bien sçavoir qui sont ces curés desquelz on murmure contre moy et mon frere; car, tant qu'il nous sera possible, nous tascherons de remedier aux desordres, s'ilz se treuvent.

  A017002917 

 La derniere fois qu'elle me parla, vous voulant nommer et vostre nom ne luy venant pas en bouche: « La chere seur, » dit elle, « qui vous ayme si parfaitement.

  A017002917 

 Or sus, tout est pour Dieu: l'amour et le cœur qui ayme.

  A017002917 

 » Je vous demande qui eüt entendu ce langage sinon moy, qui vous nommay d'abord.

  A017002918 

 Voyla une lettre pour la seur, qui est vielle, mais ell'a besoin de l'avoir; je la luy envoyay par un prestre de Seyserieu qui, l'ayant treuvee partie, me la rapporta, et maintenant je ne puis luy escrire..

  A017002982 

 Je feray selon le contenu de vostre lettre, si l'occasion s'en presente par la venue de M. de Charmoysi, et encor, passant a Chamberi, je confereray avec M. le President pour sçavoir ce qui se pourra faire.

  A017002984 

 Nous avons eu icy madame de Blonnay qui estoit venue voir sa seur, et s'en est retournee aujourdhuy..

  A017003001 

 Estant obligé de souhaiter l'advancement aux lettres et a la vertu de Nicolas Grillet, qui m'appartient en parentage, et le voyant maintenant sur les rangs pour entrer au cours de la sainte theologie, je supplie vostre charité de luy estre propice et l'assister de vostre soin et faveur speciale, affin quil puisse reuscir tel que nous desirons le voir un jour, propre a servir Dieu et la sainte Eglise en ce diocese, ou il importe tant, a cause du voysinage..

  A017003035 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait aux PP. Missionnaires de Saint-François de Sales, à Annecy.

  A017003042 

 Dans quelque tems il vous escrira, sil y a chose qui vous puisse consoler, car je vous asseure, ma tres chere Mere, que ce pauvre Pere la vous porte dans son cœur comme son esprit propre..

  A017003067 

 Revu sur un fac-simile de l'Autographe qui appartenait à M. le comte de Villers-Masbourg, au château de Schâloen (Limbourg Hollandais)..

  A017003089 

 Que peut on dire a l'ame que Dieu a tiree il y a si long tems et attire continuellement a se reposer dans le sein de sa providence, sinon: Demeurés la, ma Fille, et vous tenes a recoy au plus secret lieu de ce saint tabernacle, vous laissant absolument manier au gré de Celuy qui daigne prendre soin de vous.

  A017003089 

 Soyes genereuse, allegre et suave en cet exercice, et vous y treuveres abondamment les graces de nostre bon Dieu, ainsy que je l'en prie de toute mon ame qui cherit la vostre tres parfaitement..

  A017003090 

 Pries pour celuy qui est vostre sans reserve.

  A017003091 

 Soyes tous-jours joyeuse de cette joye paisible et devote qui a pour fondement l'amour de sa propre abjection, et nourrisses une douce et paisible humilité de cœur, qui vous face aggreer toutes sortes de souffrances et d'abjections, comme n'estant digne d'autre chose..

  A017003123 

 Et pour cela, ilz se sont addressés a moy, affin que, tant au nom dudit Chapitre qu'au mien, je vous priasse de la remettre a ce digne ecclesiastique, qui estant de bonne vie, docteur es droitz et en theologie, sera grandement utile a cett'Eglise..

  A017003123 

 Sur la vacance d'un canonicat de nostre Eglise, au (sic) voys du Chapitre se sont presentés deux personnages [325] ..., l'un et l'autre desirés de cette compaignie; et apres l'election faite en faveur de l'un, il est resté audit Chapitre un grand desir de pouvoir encor avoir l'autre, pour les bonnes qualités qui sont en luy.

  A017003124 

 Mays n'y ayant nulle apparence de faire reuscir sa praetention de ce costé la, je ne pense pas que cela vous doive plus arrester de nous donner, au lieu de vous que nous desirions (sic) plus que tous, quelqu'un qui, en quelque sorte, vous puisse dignement representer: dequoy donq je vous prie avec tout ce venerable Chapitre, ne doutant point que, selon vostre prudence, zele et pieté, vous ne vous disposies a suivre nos desirs..

  A017003129 

 Monsieur, en cas que vous facies ce que nous demandons, il ne sera besoin sinon de faire la resignation en mes mains, c'est a dire une procure ad resignandum pure et simpliciter entre mes mains, ou de mon Vicaire [327] general; car par apres, le moys qui vient, auquel je suis en mon alternative je prouvoirois celuy dont il est question, qui s'appelle monsieur Questan, bourgeois de cette ville..

  A017003156 

 L'ors que Vostre Grandeur vint en cette ville, je me treuvay si pressé de l'assignation præfigee pour les sermons de l'Advent a Grenoble, que je ne peu attendre le bonheur de vostre arrivee; dont j'eu un extreme desplaysir, mais addouci neanmoins par l'esperance qui me restoit, qu'a mon retour je pourrois en quelque sorte regaigner cet honneur.

  A017003157 

 Ce pendant, Monseigneur, les Peres Barnabites m'ayant communiqué l'intention que Vostre Grandeur a de faire [330] bastir leur eglise, m'ont aussi donné une grande consolation; car je sçai que Dieu benit ceux qui luy edifient des maisons, qu'il glorifie ceux qui l'honnorent et qu'il donne sejour dans son temple æternel a ceux qui luy en font icy bas des temporelz.

  A017003157 

 Mays en particulier, Monseigneur, je vous en fay tres humble remerciment au nom de tous ceux qui, estans vos tres humbles et tres obeissans sujetz et serviteurs, sont mes diocæsains, ausquelz je ne manqueray pas de representer la singuliere redevance qu'ilz en auront a vostre pieté; non plus que ces bons Peres ne manqueront pas de rendre memorable a toute leur illustre et devote Congregation la grandeur des bienfaitz dont vous les aves favorisés, Monseigneur, qui n'aves pas seulement voulu les recevoir en vostre ville, qui est leur premier logement deça les mons, mais de plus, leur aures basti le lieu sacré qui sera le plus grand moyen de bien rendre le service auquel leur vie est destinee..

  A017003157 

 Tout ce pais, Monseigneur, et les circonvoysins vous en auront un'obligation immortelle; et par ce moyen, Vostre Grandeur adorera et priera Dieu continuellement a jamais, en la personne de ces bons et devotz Religieux et de tous ceux qui, par leur zele, s'assembleront en ce saint lieu pour y sanctifier le nom divin.

  A017003175 

 Celle ci, comme je m'asseure Vostre Altesse aura des-ja sceu, venoit de faire un enfant d'un estranger quand elle tira promesse de ce jeune gentilhomme; et bien que la charité ayt quelquefois porté des gens de qualité a prendre en mariage des femmes perdues pour les sauver, si est ce qu'il n'en faut pas tirer consequence pour ceux qui, n'estans pas a eux mesme (sic), sous prætexte de charité violeroyent la justice et l'equité, introduisans en leurs familles des personnes dangereuses contre le gré de ceux qui sont les peres et maistres de la famille, mays sur tout en un aage qui n'a pas ordinairement en consideration ni la charité, ni la prudence requise pour exercer une charité en laquelle il faut avoir egard a plusieurs circonstances..

  A017003175 

 Et c'est, Monseigneur, qu'il suffit bien que l'on tolere ces femmes scandaleuses en la republique, sans qu'on leur permette d'entreprendre sur les maysons honnorables et dignes de recommandation, par les infames attraitz desquelz elles charment la foible et legere jeunesse; et la condition d'espouser ou doter n'est ordonnee que pour les filles d'honneur qui ont esté deceües, non pour les femmes deshonnestes qui ont deceu.

  A017003211 

 Elle n'est pas sans affaires, mays bonnes et aggreables, ayant [335] madame la Comtesse de Tournon et ses deux filles, qui font les exercices et preparent leur confession generale..

  A017003212 

 O qu'il faut bien regarder a qui l'on donne acces en telles maysons, et quelles hantises, quelz devis on admet!.

  A017003214 

 Vivés tous-jours toute a Dieu, ma tres chere Fille: c'est le continuel souhait de mon cœur qui cherit le vostre incomparablement..

  A017003231 

 Job desiroit que le jour de sa naissance perist, et moy je souhaitte que le jour qui a veu naistre ma tres chere Mere soit conté entre les jours heureux et benis es siecles des siecles.

  A017003240 

 Vous aves rayson, ma tres chere Seur, d'avoir une parfaitte confiance en moy, qui aussi, de mon costé, vous honnore et cheris de tout mon cœur avec toute vostre benite compaignie; mays j'ay bien tort, certes, [337] d'avoir tant tardé a vous respondre sur la demande que vous me faysies.

  A017003240 

 Vous estes bonne, et vous m'excuseres bien, je m'en asseure, puisque ma faute ne procede pas de mon affection, [mais] de ma memoire, laquelle s'estant reservé ce devoir pour m'en faire souvenir a mon retour en cette ville, s'en oublia par la multitude du tracas qui m'accabla a mon arrivee..

  A017003241 

 Le bon Dieu, auquel vous serves, disposera par sa providence de tout ce qui sera requis pour vous loger un peu mieux en terre et tres heureusement au Ciel..

  A017003241 

 Si, en la place du chasteau, il y a de l'eau et dequoy vous bien accommoder, je pense qu'il ne seroit pas difficile d'obtenir de Son Altesse ce que vous aves projetté; et pour moy, je vous serviray tres affectueusement en cela, comme en toutes autres occasions, esperant que si nous avons la paix, vous seres grandement soulagees du Prince, qui me le dit, estant icy.

  A017003242 

 Si j'eusse sceu ce qui arriva despuis, j'eusse fait du Jubilé selon vos souhaitz; toutefois, Dieu n'a pas laissé de vous bien consoler par autre voye.

  A017003243 

 En somme, de rechef, toutes nommees et non nommees, je les cheris de tout mon cœur qui leur souhaitte, et a leur Reverende Mere, ma Seur, la grace, paix et consolation du Seigneur, et suis sans fin, ma tres chere Seur,.

  A017003243 

 Je les salüe toutes tres cordialement, et leurs noms sont escritz dans mon cœur: de ma Seur Beatrix, Anne, Marie Magdeleine, de ma Seur Symon, Pernette, Christine, de Blonay, Pernette; en somme, toutes, laissant a part ma Seur Claire, qui sçait bien que je luy escris, ni je n'oublie pas ma Seur Estienne.

  A017003243 

 Mes cheres Filles, qui sont les vostres, m'obligent beaucoup d'avoir du soin pour moy en leurs prieres; je les conjure seulement de continuer.

  A017003243 

 Que si le parentage de quelqu'unes avec moy les rend un peu plus affectionnees a me faire cette charité, je leur en seray d'autant plus redevable, et en remercieray Dieu qui a enté l'amitié spirituelle sur le devoir temporel.

  A017003258 

 Ne manger point chose qui ait eu vie, les vendredis de Caresme, n'est pas mal fait non plus, mais cela tire un [340] peu a la vanité d'esprit, quand cela se fait par le rapport de ce qui l'a euë; mays quand cela se fait par mortification, cela est bon.

  A017003259 

 Chemines tous-jours en cette confiance; et, en observant une amoureuse fidelité et loyauté envers ce cher Sauveur, ne vous mettes point en crainte de ne pas asses bien faire: non, ma Fille; mays advoüant vostre bassesse et abjection, rejettes vostre soin spirituel en la bonté divine qui aggree nos petitz et chetifz effortz, pourveu qu'ilz soyent faitz avec humilité, confiance et fidelité amoureuse.

  A017003259 

 J'ay suivy vostre desir, mais vous verres que ce papier du livre a beu tout ce que j'y ay escrit; et je croy, certes, que vostre cœur en fera de mesme, car c'est le vin delicieux de l'ame, qui l'enivre et ravit saintement, que ce divin et celeste amour.

  A017003260 

 J'appreuverois que, par maniere d'essay, on taschast deux ou troys fois de se surmonter avec un peu de violence, au moins quelquefois; car, qui ne gourmande jamais ses repugnances, il devient tous-jours plus douillet..

  A017003261 

 Si fay-je bien, moy, qui suis tout vostre en Dieu, ma chere Fille.

  A017003271 

 Je feray tout l'office qui sera requis pour tenir le sieur Doyen en devoir, affin quil ne mange pas le pain du saint autel, quil ne sert ni n'honnore nullement, ains quil mesprise et deshonnore, en tant quil le peut, extremement.

  A017003291 

 Je salue cherement nos Seurs, et si M me la Comtesse [344] est la, je la salue tres particulierement, et mes cheres filles, qui sont les siennes.

  A017003304 

 Je voy les petitz ennuys que l'ennemi de ce bon œuvre a suscités; et que vous puis-je dire, sinon qu'avec le zele, la patience, douceur, support vous est necessaire, et que, comme j'ay souvent dit, il est requis a qui entreprend quelqu'action [345] relevee pour le Sauveur, d'avoir provision de toutes sortes de vertus selon les occasions qui s'en presentent..

  A017003321 

 Haussés vostre teste dans le Ciel; voyes que pas un des mortelz qui y sont immortelz n'y est allé que par des troubles et des afflictions continuelles.

  A017003347 

 Il y a icy quatre ou cinq filles qui me parlent fort asseurement d'estre de la Visitation, et me semblent propres et dignes d'y estre receues; mais je [348] ne sçai presque comme vous les envoyer, tandis que l'on est la en doute si elles pourront estre establies.

  A017003359 

 Pour M. Vittoz, si les meurs et la renommee ne font point d'obstacle, l'habit quil porte ne luy en fait point, car cet Ordre-la est de Clercz reguliers qui, ayans licence de leurs Superieurs, peuvent servir de curés, ainsy que j'ay declaré par un escrit que je luy en ay fait..

  A017003360 

 Mays il faut bien voir ce qui se pourra faire.

  A017003360 

 Nous avons l'exemple de Monseigneur de Tarentayse, plus fort, plus habile et plus hardi que nous, et qui n'avoit a faire qu'a un seul convent..

  A017003360 

 Quant a y mettre l'excommunication par nostre authorité, la difficulté seroit grande, par ce quil y auroit lieu a l'appel; et c'est une grande besoigne d'avoir a faire a des Religieux qui remueront toutes choses par apres pour empescher les effectz de nostre intention, quoy que juste et sainte.

  A017003361 

 Et pour conclure, sil y a quelque Canon ou Bulle papale qui porte cette excommunication, je suis content qu'avec bon advis on la promulge (sic); sil ny en a point de telle, je suis d'advis que nous facions une simple defence, laquelle nous irons fortifiant, par reservation du cas, ou par excommunication, selon que le tems nous enseignera devoir estre fait..

  A017003380 

 En quoy, bien que je sois son parent, je ne me relascherois pas de le recommander si librement, si je ne voyois que cet honneur ne luy peut meshuy manquer sinon avec beaucoup de perte de sa reputation aupres de monsieur le Grand de France, monsieur d'Alincourt et plusieurs autres seigneurs du voysinage, qui, ayans sceu et luy ayans tesmoigné de se res-jouïr que Vostre Altesse l'en vouloit gratifier, attribueroyent le manquement a quelque degoust qu'il eut donné despuis en l'exercice de cet office, lequel au reste je m'asseure quil fera dignement et au gré de Son Altesse et de la Vostre, Monseigneur, si elle l'y establit.

  A017003396 

 Les affaires de la Sainte Mayson de Thonon appellans le sieur Gilette par dela, je supplie tres humblement Vostre Altesse de proteger et favoriser sa poursuite, qui ne peut aussi reuscir sinon par cet appuy, auquel nous recourons d'autant plus asseurement, que Vostre Altesse nous l'a ainsy commandé l'hors que nous avions le bonheur de sa presence.

  A017003441 

 Mais, que me dit on? On me dit qu'estant grosse vous jeusnes, et frustres vostre fruit de l'aliment qui est requis a sa mere pour luy donner celuy qui luy est deu.

  A017003441 

 Vous ne manqueres pas de mortification pour le cœur, qui est le seul holocauste que Dieu desire de vous..

  A017003454 

 C'est bien fait, ma tres chere Fille, il ne faut point de reserve ni de condition; car, qui recevroit des ames en cette sorte, la Congregation se verroit toute pleine du plus fin, et par consequent du plus dangereux amour propre qui soit au monde.

  A017003454 

 Il faut que celles qui entreront sçachent que la Congregation n'est faite que pour servir d'escole et de conduitte a la perfection, et que l'on y acheminera toutes les filles par les moyens plus convenables, et que les plus convenables seront ceux qu'elles ne choisiront point.

  A017003454 

 « Qui se gouverne soy mesme, » dit saint Bernard, « il a un grand fol pour gouverneur.

  A017003455 

 Or, qui l'ayme pour l'amour de Dieu, n'en veut qu'autant que Dieu luy en veut donner, et Dieu n'en veut donner qu'autant que l'obeissance permet.

  A017003455 

 Qu'elle demeure donq en paix entre les bras de sa Mere, qui la portera et menera par le bon chemin.

  A017003467 

 Je luy feray donq part du memoire qui m'est laissé et, sur ses responses, je vous tiendray avertie, desireux que je seray toute ma vie de vous tesmoigner par effet que je suis,.

  A017003487 

 Il est aysé de conduire la barque quand elle n'est point pressee des vens et de passer une vie qui est exempte d'affaires; mais parmi le tracas des proces, comme parmi les vens, il est difficile de tenir le chemin.

  A017003505 

 Habbiamo spesse volte, li RR. Padri della Congregazione vostra di questi collegii di Annessi et Thonone, trattato insieme et di concerto del modo col quale si potrebbe amplificare detta Congregatione in questi paesi di qua dei monti; et in somma, non troviamo strada megliore di quella che si rappresenta nel Memoriale qui allegato, conforme al quale trattai col Serenissimo Signor [364] Prencipe di Piemonte, acciò si potessero anche amplificare l'entrate et havere in Rumigli alcuni beneficii per il Noviciato: et Sua Altezza mi promise ogni sorte di assistentia dal canto suo..

  A017003541 

 Faites soigneusement l'exercice du matin qui est marqué au livre de l' Introduction; et bien que la vistesse de vostre esprit comprenne en un seul regard tous les pointz de cet exercice, ne laissés pas de vous y entretenir autant de tems comme il en faut pour dire deux fois le Pater, et apres cela, prononcés de bouche [367] cinq ou six paroles d'adoration, et ensuite vous dirés le Pater avec le Credo..

  A017003544 

 Mays affin d'accommoder cet exercice si utile a la vistesse et incomparable promptitude de vostre esprit, il suffira que vous y employes une petite demi heure chaque jour, ou un quart d'heure; car cela, avec les eslans d'esprit, retraittes du cœur en la presence de Dieu et oraysons jaculatoires qui se feront parmi les heures du jour, suffira tres abondamment pour tenir vostre cœur serré et joint a vostre divin Object; et mesme, cette orayson se pourra faire pendant la Messe pour gaigner tems..

  A017003545 

 Et c'est pour respondre a ce que vous me dites, qu'au commencement, le sentiment de la presence de Dieu se faysoit en la teste, qui parfois vous travailloit fort..

  A017003548 

 Et qu'en cela vous allies trompant vostre naturel et le reduisant petit a petit a la sainte mediocrité et moderation; car a celles qui ont le naturel mol et paresseux, nous dirions: Hastes vous, d'autant que le tems est cher; mays a vous, nous vous disons: Ne vous hastes pas tant, d'autant que la paix, la tranquillité, la douceur d'esprit est pretieuse, et que le tems s'employe plus utilement quand on l'employe paysiblement..

  A017003548 

 Vous vous deves lever; faites le paysiblement, sans mouvement desreglé, sans crier et presser celles qui vous servent.

  A017003549 

 O combien d'ecclesiastiques sont embarqués par des mauvaises considerations et par la force que les parens ont employé pour les faire entrer en cette vocation, qui font de necessité vertu et qui demeurent par amour ou ilz sont entrés par force! autrement, que deviendroyent ilz? Ou il y a moins de nostre choix, il y a plus de sousmission a la volonté celeste..

  A017003551 

 En quoy voulons nous tesmoigner nostre amour envers Celuy qui a tant souffert pour nous, si ce n'est entre les aversions, repugnances et contradictions? Il faut fourrer nostre cervelle entre les espines des difficultés et laisser transpercer nostre cœur de la lance de la contradiction; boire le fiel et avaler le vinaigre, et en somme, manger l'absinthe et le chicotin, puisque c'est Dieu qui le veut.

  A017003561 

 A cette premiere commodité que j'ay de vous escrire, je tiens ma promesse, et vous presente quelques moyens [371] par lesquelz vous pourres addoucir la crainte de la mort, qui vous donne de si grans effroys en vos maladies et enfantemens: en quoy, bien qu'il n'y ayt aucun peché, si est ce qu'il y a du dommage pour vostre cœur, lequel, troublé de cette passion, ne peut pas si bien se joindre par amour avec son Dieu, comme il feroit s'il n'estoit pas si fort tourmenté..

  A017003563 

 O que vous estes bon, Seigneur, a ceux qui ont le cœur droit!.

  A017003569 

 Huitiesmement, faites quelquefois reflexion sur ce que vous estes fille de l'Eglise catholique, et vous res-jouisses de cela; car les enfans de cette Mere qui desirent de vivre selon ses loix, meurent tous-jours bienheureux, et, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une grande consolation a l'heure de la mort d'estre « fille de la sainte Eglise.

  A017003570 

 O Dieu, qui espera jamais en vous, lequel ayt esté confondu? J'espere en vous, o Seigneur, et je ne seray point confondu eternellement.

  A017003571 

 O ce petit garçon, qui sera, Dieu aydant, un jour bienheureux en cette vie eternelle, en laquelle il jouira de ma felicité et s'en res-jouira, et je jouiray de la sienne et m'en res-jouyray sans jamais plus nous separer.

  A017003583 

 Ne permettes pas a vostre esprit d'entrer en ces defiances qui le rendent amer et triste.

  A017003587 

 Il ny a rien qui presse, ni rien a faire en vostre ame que de la rendre douce et amiable es contradictions..

  A017003603 

 On me fait peur par le bruit qui court qu'a Chamberi il y a des maladies si dangereuses, et que monsieur d'Avise s'en va mort, qui est le sujet du voyage de ce porteur.

  A017003623 

 Vous me demandies l'autre jour, par la derniere lettre que j'ay eu le bien de recevoir de vous, des nouvelles de [379] monsieur de Charmoysi, mon parent; en quoy vous tesmoignes vostre bon et beau naturel, et cet honneste chevalier vous en sera grandement obligé quand il le sçaura; ce qui sera dans peu de jours, que luy et sa femme viendront en cette ville, puisque Monseigneur le Prince de Piemont ayant reconneu en cette derniere occasion sa valeur et suffisance es choses de la guerre, l'a creé grand maistre de l'artillerie de cet Estat, et despuis a esté embrassé et caressé sans mesure par Monsieur le Duc de Nemours, qui l'invitâ de venir en cette ville et le traitta tres honnorablement.

  A017003624 

 Je suis engagé encor pour l'annee suivante a Grenoble, monsieur le Mareschal Desdiguieres l'ayant demandé a Son Altesse, qui l'a volontier accordé.

  A017003659 

 Si toutefois ce Père avait par hasard la tentation de rester là-bas, je [381] supplie Votre Paternité, pour l'amour de Dieu, de n'y pas consentir; car, en ce commencement, la persévérance et la stabilité des Pères qui ont déjà appris la langue et contracté la sainte amitié requise au maniement des Maisons, sont absolument nécessaires..

  A017003677 

 Bien que je n'aye pas le bonheur d'estre conneu de vous, si est ce que je ne laisse pas de reconnoistre en vous les qualités par lesquelles vous merites d'estre honnoree de tous ceux qui font profession de l'honneur; dequoy madame la Baronne de Giez, ma cousine, se rendra, je m'asseure bien, ma caution.

  A017003678 

 Le sujet de vostre lettre, qu'il vous a pleu de m'escrire, me tesmoigne asses que vous aves dedié vostre amour a Dieu; et que faut-il davantage pour m'obliger a vous dedier mon service? Je le fay donq certes de tout mon cœur, et a madame la signora Donna Genevra, benissant la bonté souveraine de Nostre Seigneur qui, par ses celestes attraitz, vous a donné de si desirables affections..

  A017003679 

 Et peut estre que Sa Sainteté y fera adjouster quelque chose; ce que je ne pense toutefois pas devoir estre chose d'importance, puisque, comme nous escrit celuy qui a l'affaire en main, il ny a point d'autre difficulté sinon pour le regard de l'Office, que les messieurs qui ont l'intendance de cela veulent estre le grand Office du Breviaire; et nous desirerions que cette Congregation ne fut obligee qu'au petit Office, affin qu'elle continuast a le chanter avec la gravité, distinction, tranquillité et, pour le dire en un mot, avec la sainteté que ces ames le prononcent maintenant.

  A017003679 

 Et pour obtenir cette grace, nous employons la faveur de monsieur l'Ambassadeur qui, avec le nom de Madame la Serenissime Infante, fera a mon advis reuscir heureusement l'affaire; en quoy la signora Donna Genevra n'a pas peu de credit..

  A017003679 

 Mays si vous les desirés encores, je vous les envoyeray au premier advis que vous m'en feres donner, comm'encor les prattiques des Regles, qui est une besoigne a part; bien qu'apres tout cela, il faut que vous sachies que les Regles sont a Rome, ou l'on sollicite pour reduire cette Congregation en Religion.

  A017003679 

 Or, voyla les Regles de la Visitation, esquelles neanmoins [383] on n'a pas estendu les derniers articles, par ce qu'ilz comprennent des formulaires asses longs et qui ne regardent pas tant les actions communes des Seurs, comme les particulieres des formes et ceremonies dont on use en leurs receptions seulement.

  A017003686 

 Madame de Bressieu, qui est la, m'a fait grandement presser d'envoyer ces Regles; c'est pourquoy je n'ay pas pris le loysir de les faire mieux escrire, dont je vous supplie de m'excuser..

  A017003695 

 Dites a cette chere Barbe Marie, qui m'ayme tant et que j'ayme encor plus, qu'elle parle librement de Dieu par tout ou elle pensera que cela soit utile, renonçant de bon cœur a tout ce que ceux qui l'escoutent peuvent penser ou dire d'elle.

  A017003695 

 Non certes, ma tres chere Fille, je ne pense pas estre parfait parlant de la perfection, non plus que je ne pense pas estre Italien parlant italien; mais je pense sçavoir le langage de la perfection, l'ayant appris de ceux avec qui j'ay conversé qui le parloyent..

  A017003696 

 Dites luy qu'elle poudre ses cheveux, puisque son intention est droite; car les cogitations qui viennent sur cela ne sont nullement considerables.

  A017003699 

 Ce qui ne peut nuire et peut proffiter est neanmoins bon..

  A017003699 

 La Socirté des Douze ne sçauroit estre mauvaise, car l'exercice duquel elle se sert est bon; mays il faut que cette Barbe Marie, qui ne veut point de peut estre, soufre celuy ci: que, peut estre, cette Societé est veritable, car n'estant nullement tesmoignee par aucun Prælat, ni aucune personne digne de foy, nous ne sçaurions estre asseuree (sic) qu'elle ayt esté instituee, le livret qui le dit n'alleguant ni autheur, ni tesmoin qui en asseure.

  A017003700 

 Que si neanmoins la douce presence accoustumee l'occupoit par apres, elle s'y laissast aller, et aux colloques aussi qu'elle fait par Dieu mesme, qui sont bons en la sorte qu'elle me les represente en vostre lettre; mays pourtant, il faut aussi quelquefois parler a ce grand Tout, comme voulant que nostre rien face quelque chose.

  A017003701 

 Mais au premier cas, je vous laisseray mesnager l'affaire pour Lyon, non pas envers ma Seur Favre, qui sera tous-jours contente de ce que nous [388] ferons, estant si grandement nostre fille et seur comme ell'est; mais ailleurs, a Lion, ou vous sçaves.

  A017003702 

 Je suis bien ayse que mes livres ont treuvé de l'acces en vostre esprit, qui estoit si brave que de croire quil se suffisoit a soymesme; mays ce sont les livres du Pere, et du cœur duquel vous estes la chere fille, puisque ainsy a-il pleu a Dieu, auquel soit a jamais honneur et gloire..

  A017003703 

 Et puis, madame Odeyer, qui m'a bien escrit une lettre fort devote, dont je suis bien consolé, car je luy souhaite beaucoup de bonheur spirituel; et madame de Boqueron, et puis en fin la bonne [389] mere, et nostre bon M. d'Urme, que mon ame honnore et ayme parfaitement..

  A017003705 

 Le President qui a tué sa femme estoit un bon homme, mais cholere; l'Abbé qui a esté blessé n'estoit pas prestre, ni ordonné es Ordres sacrés, mais possedoit le benefice de son abaye, pour estre de grande mayson.

  A017003705 

 On dispute qui avoit le tort; helas! je les regrette tous, car je pense quil l'avoit (sic) tous.

  A017003720 

 Et neanmoins, il ne laisse pas de presser et molester ledit Chapitre, abusant ainsy du nom et de l'authorité de Son Altesse, laquelle sans doute n'a point de telle intention, puisque mesme cet homme ne la sert nullement a ses despens, et n'est pas capable de luy faire aucun service qui merite aucune consideration speciale, n'estant non plus bon soldat que bon prestre.

  A017003720 

 Qui me fait recourir a la providence de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse de renvoyer ledit Choysi a sa residence pour y rendre son devoir, et declarer que, sans cela, il ne peut recevoir ni demander les fruitz [391] de sa præbende, et que ce n'est pas la volonté de Son Altesse qu'on se departe des loix et constitutions ecclesiastiques.

  A017003736 

 J'ay receu maintenant le commandement que Vostre Altesse me fait de me preparer pour aller prescher l'Advent et Caresme suivant a Paris; et neanmoins, par lettres de M. le Baron de Marcieu, j'ay sceu que [392] Vostre Altesse m'avoit accordé pour le mesme Advent et Caresme a la cour du Parlement de Grenoble: qui me fait supplier tres humblement Vostre Altesse de me faire sçavoir auquel des deux lieux je m'attendray d'aller, m'estant, pour moy, chose asses indifferente, pourveu que, ou que je sois, ce soit selon le bon playsir de Vostre Altesse, a laquelle je suis, et a laquelle je souhaite toute sainte prosperité, comme doit,.

  A017003749 

 Le cousin auroit grand'envie de sçavoir si c'est Son Excellence qui a dit quii ne s'estoit pas voulu engager d'escrire a M. de Saint Damian pour ce mariage; par ce que si c'estoit elle, il faudroit en parler plus reservement, quoy qu'il n'en soit rien.

  A017003768 

 Tenes bien, je vous supplie, vostre cœur haut eslevé comme cela, ma tres chere Fille; qu'il ayt tout a fait son soin attaché a la belle eternité qui vous attend.

  A017003769 

 Vivés comme cela parmi toute cette multitude de fascheuses occupations que vostre condition vous oblige de voir et d'avoir; et comme ceux qui s'acheminent a leurs patries n'esperent le repos qu'apres y estre arrivés, ainsy pretendés tous-jours a cette paix perdurable a laquelle vous alles et ardes, travailles et marches..

  A017003770 

 Dieu soit a jamais au milieu de nos espritz, qui est le souhait continuel,.

  A017003791 

 Entre les choses qui pourraient aider ce pauvre et affligé diocèse de Genève, l'une des principales serait l'érection d'un Séminaire.

  A017003792 

 C'est pourquoi je désirerais reprendre ce dessein par un autre biais, si toutefois Sa Sainteté daigne nous favoriser en la façon qui sera proposée à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par le R. P. Benoît Giustiniani.

  A017003792 

 Ce zèle qui reluit en vos écrits, lesquels nous sont d'un si grand secours contre les hérétiques, vous pressera [398] aussi, je n'en doute point, de nous favoriser en cette occasion, qui contribuera beaucoup à la destruction de l'hérésie de Calvin dans son siège même, la ville de Genève..

  A017003802 

 J'ay receu vos [lettres]: et je dis quil sera bon... vous deves venir, qui... la mi octobre, et je tascheray [400] ... a l'avantage.

  A017003834 

 Cependant, avec ce peu de motz, fideles interpretes de mon allegresse, je commence a vous rendre graces tres humbles du bonheur et des benedictions qu'attirera sur ce pais vostre arrivee, et vous supplie tres humblement d'honorer de vostre sejour cete maison, qui desireroit, an cete heureuse conjoncture, avoir encor les plus grands et plus illustres Prelatz qui l'ont autresfois regie, afin que plus dignement elle peust recevoir vous, Monseigneur, qui estes l'honneur et la coronne des Prelatz.

  A017003834 

 Elle retiendra, s'il vous plaist, ses anciens merites, bien que possedee par un successeur indigne qui vous en supplie, avec toutes les affections de son ame, et est,.

  A017003865 

 C'est pourquoy, cognoissant quil me seroit malaysé de faire mieulx, et gehenné d'autre part de tout plein de considerations qui me pressent de me resouldre, j'ay employé deux soirées, hier et avant hier, a brouillasser ce que je vous envoye presentement.

  A017003865 

 C'est un escholier qui parle a son maistre, un fils a son pere; il n'y fault pas plus de mystere..

  A017003866 

 Si quelqu'un l'eust deu veoir, il y a dedans des libertés qui n'y seroyent pas.

  A017003866 

 Si vous trouves bon que madame de Chantal le voye, je m'an [405] remetz a vostre jugement; mais bien vous supplie je que personne autre ne le voye et quil vous plaise, dans quelques jours, me le renvoyer, pour ce que je fais dessein de m'an servir comme d'un Memoire qui, sur le sujet de cet Institut, me fournira diverses choses qui ont passé par mon esprit, mais ne s'arrestent point fidelement en ma memoire; et j'an ay besoing pourtant, tant que cet affaire soit terminé entierement..

  A017003866 

 Vous devineres un peu et les motz et le sens, mais aussy seres vous asseuré que cet escript n'ha point passé par les mains des copistes et que personne ne l'ha veu sinon celuy qui l'ha escript.

  A017003867 

 Il est necessaire quil vous plaise faire deux reflexions: l'une, aulx incommodités communes a vostre diocese et au mien; l'autre, a celles qui sont particulieres au mien.

  A017003867 

 J'ay touché les unes et les autres, mais a la haste, et pourtant confusement; qui m'oblige de vous supplier, comme je fais tres humblement, d'y prendre garde..

  A017003868 

 C'est l'advis de touts les Religieux et casuistes qui an entendent parler; mais c'est ce que me dient ouvertement les plus honorables et qualifiés (sic) personnes de cete ville.

  A017003868 

 Enquoy, si vous approuves l'ouverture que je fais d'allunger le noviciat des veufves et de deffendre les sorties aulx professes, on peult reserver celles qui ont desja fait profession, lesquelles ayantz encor des affaires, pourront sortir, et le reglement aura lieu seulement pour celles qui entreront desormais; et cete reserve pourra estre expresse, ou mentale, comme vous le jugeres a propos.

  A017003868 

 Si cela ne se peult, je desire au moins que nous puissions convenir de Regles qui soyent uniformes pour les deux Congregations.

  A017003894 

 Mais cependant, me pourrez-vous dire oui ou non, simplement et courtement, de ce que je vous vais demander? Mes quatre jours sont passés, auxquels vous m'aviez marqué ce que je ferais; et je vous rends compte en ces deux derniers petits feuillets de ce qui s'est passé, car les deux premiers, c'est ma confession en laquelle vous n'entendrez rien.

  A017003905 

 Hélas! mon unique Père, que cette chère lettre me fait de bien! Béni soit Celui qui vous l'inspira, et que béni soit aussi le cœur de mon Père au siècle des siècles!.

  A017003919 

 Je n'ai pu dire nôtre, car il me semble [409] n'y avoir plus de part, tant je me vois nue et dépouillée de tout ce qui m'était le plus précieux..

  A017003921 

 Que béni soit Celui qui m'a dépouillée! Que sa bonté me confirme et fortifie à l'exécution quand il la voudra.

  A017003923 

 » Et vous me dites: « Ne vous l'avais-je pas bien dit, ma Fille, que je vous dépouillerais de tout? » O Dieu! qu'il est aisé de quitter ce qui est autour de nous! mais quitter sa peau, sa chair, ses os, et pénétrer dans l'intime de la moëlle, qui est, ce me semble, ce que nous avons fait, c'est chose grande, difficile et impossible, sinon à la grâce de Dieu.

  A017003924 

 Je finis donc en vous donnant [410] mille bonsoirs, et vous disant ce qui me vient en vue: il me semble que je vois les deux portions de notre esprit n'être qu'une, uniquement abandonnée et remise à Dieu.

  A017003933 

 Ayant esté adverty que pour la perfection du bon œuvre que nous avons commancé en ceste ville, capitale de mon gouvernement, qui est le nouvel establissement d'une Maison de Sainte Marie, il failloit recourir a vous pour avoir vostre permission, afin de faire venir les Dames qui doivent perfectionner ceste entreprise, j'ay creu que vous m'accorderiez la tres humble requeste que je vous en fais, comme Monseigneur de Lion m'a liberalement octroyé sa permission pour l'establissement..

  A017003934 

 Il ne reste donc plus que vostre permission, afin que ces devotes Dames viennent; dont je vous supplie derechef tres humblement, vous asseurant que je fais gloire que, du temps de mon gouvernement, le Bourbonnois soit des premieres provinces a recepvoir les Religieuses de vostre Ordre, n'ignorant pas quelle est [411] vostre reputation et le renom de vostre sainte vie et merite parmi la France; ce qui me faict desirer de donner une de mes filles a vos Religieuses, quand elles seront icy.

  A017003945 

 Ce n'est pas merveille, Monseigneur, que ce qui est sur les montagnes soit visible a tous; au contraire, je m'esbaÿs de l'admirable voile dont vostre humilité a sy longtemps couvert son ouvrage.

  A017003945 

 Pour mon particulier, j'ambitionerois puissamment le bonheur qu'elle y vint au moins pour quelques mois; mais d'autant que c'est au maistre de famille de sçavoir sy la mere de la famille peut quicter la principale Maison pour aller travailler ailleurs, je me remetz et soubmetz a vostre jugement et disposition, vous asseurant que, quelles que ce soient de voz Filles qui viennent, nous les recevrons, cherirons et servirons avec la mesme sincerité, respect et dilection non feinte que je suis, du Pere de ces vertueuses Filles,.

  A017003957 

 Madame des Goufier ayant pris desir, avec bonne compagnie, de quitter l'Egipte du monde pour se ranger en ceste ville en une Maison de vostre Ordre de la Visitation Saincte Marie, comme en la terre de promission en laquelle elle espere jouyr des delices de son celeste Espoux; apres y avoir aporté les ceremonies necessaires en la benediction du lieu faicte par monsieur le Doyen de Nostre Dame, en la presence de Monseigneur nostre Gouverneur, reste a present la favorable assistance de vos graces, pour envoyer des ouvrieres en sy copieuse moisson que celle de la vie contemplative, lesquelles, recuillans le pain des Anges en leurs ordinaires exercices [413] et s'acquerans les faveurs du Ciel, puissent rendre nostre ville participante des benedictions qui se reçoipvent par le merite de sy sainctes hostesses, lesquelles venant de vostre part nous apporteront un esprit celeste et nous seront autant cherès comme asseurement, et a Vostre Seigneurie et a leur pieté, nous demeurons a jamais,.

  A017003970 

 Il est necessaire d'envoyer icy promptement madame de Chantal ou, si sa santé ne le peut permettre, quelque autre Dame qui puisse donner l'habit et l'esprit aulx filles et veufves qui veullent servir a Nostre Seigneur dans ce sainct Institut..

  A017003971 

 Il y aura encor icy, comme je prevoy, quelques petites difficultés, qui se dissiperont des que l'on verra des Religieuses et que l'Office se fera..

  A017003971 

 Les commencemens que je veoy icy sont si heureux, qu'il fault, Monseigneur, que je vous die ce que j'ay apris d'un bon medecin: qu'encor que l'on veuille faire nourrir les enfans par d'autres que par leur mere, il seroit a souheter, pour le proffit de l'enfant, que la vraye mere luy donnast le premier laict, par un secret de nature qui, donnant et faisant produire l'enfant, ne manque pas a fournir ce qui est pour son mieulx.

  A017003971 

 Vous entendes ce que je veulx dire: si madame de Chantal, vraye Mere de vostre Congregation, pouvoit venir icy donner le premier laict aulx filles commençantes, je prevoyrey autant de bonheur a cete institution et fondation que de celle de nostre Lyon, qui donne tousjours plus de contentement et d'esperance que Dieu y sera glorifié (fidelis sermo est); car c'est ce que nous [414] pretandons.

  A017003972 

 Envoyes en donc au plus tost, Monseigneur, je vous supplie, et me donnes la benediction de vos sainctes prieres, que je vous demande du bon de mon cœur, qui se proteste.

  A017003984 

 Au contraire, Dieu par sa bonté infinie, qui avec la tentation faict accroissement de grace, m'a depuis mon retour eslargy nouvelle force et vertu, voire jusques à surmonter et vaincre toutes les puissances adverses..

  A017003985 

 Si j'avois la cognoissance [415] des temps et des moments que le Pere Celeste retient en sa puissance, j'apposerois quelque terme prefix a ce mien vœu; mais au moins, incontinent apres la S. Martin prochaine, sil plaist a Dieu me prester santé, toutes mes pensees, touts mes efforts et desseins se banderont à effectuer ma promesse; et ay ferme esperance en Dieu, qui ne me confondra point, puis que l'entreprinse est pour son service, honneur et gloire, que par sa grace il me suppeditera touts moiens a ce necessaires, et ostera touts empeschements invincibles: Erunt prava in directa, et aspera in vias planas.

  A017004009 

 J'attends avec avidité d'estudier en ces beaux traictez que vous me faites esperer par la vostre susdicte, afin, nous les donnant, qu'à moy et à ceux qui mieux que moy y feront leur profit, vous nous disiez le dire du Poëte:.

  A017004029 

 Ego quidem paratus sum pro viribus adjuvare propositum Reverendissimæ Dominationis Vestræ, si quis sit qui ad me veniat et negotium urgeat; hactenus enim neminem vidi, nec satis scio cui litteras tradam quas nunc scribo..

  A017004029 

 Sed quod attinet ad negotium virginum et viduarum quod mihi Amplitudo Vestra commendat, non scio prorsus quid agam; tum quia nemo hic est, quod sciam, qui causam sollicitet, tum quia certum est cum illis tribus conditionibus obtineri non posse ab Apostolica Sede, ut confirmetur vera monastica professio.

  A017004043 

 Ce qu'attendant, je vous prie de vous asseurer tousjours de mon affection et du desir que j'ay de la vous faire congnoistre aus occasions, lesquelles ne s'offriront jamais aussy souvent que je les souhaite, pour l'envie que j'ay que vous croies quil ny a personne qui vous soit plus aquis que moy..

  A017004044 

 Neantmoins, je satisferay au desir de ses Peres le plus tost que je [419] pourray, voulant en toute occasion leur tesmoigner l'affection que j'ay a tout se qui leur touche, et a vous combien je suis, Monsieur,.

  A017004044 

 Quant a se que vous m'escrivés pour le regard du bastiment de l'eglise des Peres Bernabites, je contriburay tousjours tout se qui me sera possible pour ung si bon œuvre, estant bien marry que je ne puis des a present leur faire congnoistre la volonté que j'en ay; mais parse que les occasions passees m'ont un peu mis en arriere, cela ne me peult permettre de faire tout se que je voudrois bien.

  A017004065 

 Enfin, il s'en est parlé fort mal à propos; Dieu veuille qu'il y ait plus d'innocence que le monde ne pense! Mon Dieu, mon très honoré Père, que de malheurs qui sont parmi le monde! Bienheureux qui vit en crainte! Pour moi, je ne puis mal penser de cette Dame, je la crois trop vertueuse..

  A017004068 

 La sortie de ma bonne Sœur Marie-Jeanne s'achemine assez doucement; nous en avons écrit amplement au R. Père Coton, son confesseur, qui est celui qui nous l'a remise; il nous a conseillé de la mettre dehors, et le Père Remont, Jésuite, et tous ceux à qui nous en parlons et qui la connaissent..

  A017004091 

 Nous avons donné à Monseigneur de Lyon celle qui s'adressait à lui; nous ne l'avons pas vu du depuis..

  A017004092 

 A la vérité, Monseigneur, son infirmité nous met un peu en peine, car elle est grande, bien que l'on dise que ce soit un mal qui n'ira pas en empirant, parce que ce n'est pas une défluxion, ains une incommodité que la vérole lui a laissée.

  A017004093 

 Nous avons reçu une fille à l'essai, de la main de M me Le Blanc, qu'on espère qui fera bien; elle a eu une étrange persévérance à vouloir être toute à Dieu..

  A017004094 

 Il faut avouer, Monseigneur, que tout ce qui se passe ici conduit fort à l'humilité, à qui en voudra faire profit.

  A017004094 

 Mon Dieu, Monseigneur, que nous avons bon besoin de l'assistance de sa divine Majesté et qu'il nous fortifie! Avec toutes ces rencontres journalières, qui sont assez pleines de mortification, je n'ai nul sentiment de confiance, ni quasi de courage, bien que, grâces à Dieu, nous ressentons toujours, à la pointe de l'esprit, de l'amour à tout ce qui arrive, parce que nous le voyons partir comme des choses que Dieu permet et qu'il nous donne pour nous humilier.

  A017004117 

 Nous avons reçu vos lettres avec toujours une particulière consolation: c'est le remède à tous les maux qui nous pourraient arriver; je veux dire que, quelle sorte de peine ou d'abattement d'esprit que nous ayons, vos nouvelles nous remettent en courage et en vigueur.

  A017004118 

 Mon Dieu, mon très honoré Père, nous sommes un peu en peine de notre digne Mère qui reprend si fréquemment ces accidents si fâcheux et dangereux; elle en a eu un depuis que vous êtes à Grenoble, à ce que nous écrit monsieur de Boisy, force d'avoir trop parlé à nos Sœurs au Chapitre.

  A017004121 

 Nous sommes toujours la moindre de vos filles, mon très honoré Père, mais de celles qui ont plus de désir de vous obéir et de plaire à Dieu..

  A017004123 

 Toutes nos chères Sœurs vous saluent très humblement en toute révérence, mais plus que toutes, celle qui a l'honneur de se dire,.

  A017004143 

 Monseigneur et mon très digne Père, nous louons notre bon Dieu et vous remercions très humblement de la bonne nouvelle que vous nous dites de nos affaires de Rome; nous espérons qu'à (sic) la seule difficulté qui reste sera bientôt éclaircie, s'il plaît à Notre-Seigneur..

  A017004166 

 J'ay veu, passant a Lyon, ceste grande et admirable Fille de vostre cœur, devuider ses affaires avec un si profond jugement, accompagné d'un recueillement si religieux et d'une douceur si atrayante et sans alteration, que si je n'eus pas sceu qui elle estoit, je n'aurois pas laissé de juger, par une consequence indubitable: Voyla la grande Fille de nostre tres debonnaire Pere, Monseigneur de Geneve..

  A017004177 

 Au reste, je ne vous ferois pas cette demande, si je n'estois tres-assurée que Dieu vous a ouvert le livre des consciences, et qu'en vous declarant mon nom je vous découvre qui je suis et tout ce qui se passe dedans mon interieur.

  A017004177 

 Je connois aussi plusieurs dames qui ont le bien de vivre dessous vostre saincte conduite, et qui m'ont assuré que Dieu vous avoit fait naistre en ce siecle pour nous apprendre la vertu, et qu'il ne tiendra qu'à nous d'estre sainctes, si nous voulons suivre les douces loix de vostre saincteté.

  A017004184 

 Il est loisible à tout le monde de consulter son trepied, qui est le Traitté de l'Amour de Dieu de Monsieur de Sales, Evesque de Geneve.

  A017004186 

 Car celuy qui, ravy du son de ses discours,.

  A017004191 

 Quant a la tissure et l'ordre que j'ay donné à ce petit ouvrage, je croy que Celle au nom de qui il vient en lumiere, m'obtiendra de son Amour parfaict, la grace particuliere de mourir de l'amour qu'obtint l'amoureux Chevalier sur le mont des Olives [429] ....


18-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVIII-Vol.8-Lettres.html
  A018000014 

 — Délicate charité de François de Sales à l'égard de ceux qui n'approuvent pas ses avis.

  A018000015 

 » — Ce qui affligeait l'Evêque de Genève et ce qui le consolait.

  A018000030 

 La chose la plus étonnante et douloureuse qui se voit tous les jours.

  A018000035 

 Deux offensés qui souhaitent la grâce de l'offenseur.

  A018000058 

 Une baronne qui promettait de devenir une autre Mère de Chantal.

  A018000061 

 Quelques points qui doivent servir à justifier les Religieuses de la Visitation.

  A018000069 

 L'arbre de vie et la rosée qui le féconde.

  A018000069 

 — Un désir qui sera sûrement satisfait. 65.

  A018000070 

 Retour douloureux et résigné sur les deuils multiples de l'année qui s'achève.

  A018000070 

 — Le Saint prépare la destinataire à celui qui doit la frapper bientôt.

  A018000076 

 — Eloge des PP. Barnabites; la seule chose qui leur manque.

  A018000079 

 Supplique en faveur de ceux qui s'occupent de «l'art de la soye». 75.

  A018000104 

 — Aimer le bonheur de ceux qui nous ont quittés pour aller à Dieu. 94.

  A018000126 

 — Qu'importe le temps à qui regarde l'éternité? — Moyen de transformer en roses toutes les croix. 120.

  A018000133 

 Regrets du Saint en apprenant les obstacles qui s'opposent à la conclusion d'une alliance.

  A018000170 

 Affectueux reproches à un ami qui ne prend pas assez de soin de sa santé. 159.

  A018000175 

 Lettres qui soulagent au lieu de surcharger.

  A018000198 

 Un novice qui ne sera pas profès.

  A018000200 

 — Quelle conduite tenir à l'égard d'une âme qui marche par une voie extraordinaire; la leçon qu'elle doit apprendre.

  A018000204 

 — Le bonheur de ceux qui sont à Jésus-Christ.

  A018000210 

 — Celse-Bénigne s'apprivoise avec le Saint; ce qui lui manque pour faire des merveilles.

  A018000210 

 — « La plus brave princesse » qui se puisse voir et le cartel de son royal fiancé.

  A018000230 

 — Ce qui « osta un peu l'asseurance » au saint prédicateur. 215.

  A018000234 

 — Deux regards qui rendent bienheureux.

  A018000244 

 Une jeune veuve qui désire la vocation religieuse.

  A018000275 

 Mays, de tout ceci, communiques en avec le P. Commissaire qui est, je m'asseure, maintenant vers vous, affin quil fortifie mon intention de ses remonstrances, sil y escheoit.

  A018000275 

 Or, mon intention est que nul præstre n'ayt en sa mayson aucune femme qui y habite, sinon les meres, bellemeres, seurs, belleseurs, tante (c'est a dire seur du pere ou de la mere) et niece, fille de frere ou de seur, selon l'ordre porté par le Concile de Nicee.

  A018000276 

 Le P. Commissaire estant la, je m'asseure, employera sa prudence a discerner ce qui sera expedient, affin que, quand j'y iray avec luy, nous puissions trancher nettement et ordonner a chacun son office et ce qul devra faire..

  A018000307 

 Je dis ceci et pour vous et pour moy; car il faut tous-jours faire ce que nous devons, pour le service de nostre doux et bon Maistre, envers ceux qui sont veritablement en luy nos enfans, et leur ouvrir en tout lieu, ou leur necessite le requiert, le sein maternel de nostre affection a leur salut et leur donner le lait de la doctrine.

  A018000308 

 Et de plus, vous me dites: Mon Pere, ne caches point la verité a vostre filz, qui est perplexe sur ce sujet..

  A018000309 

 Je fus esmeu a la verité, mais je retins toute mon esmotion, et confessay ma foiblesse a nostre Mere, qui, en cette occasion, n'eut, non plus que moy, aucune [6] parole de passion; et je vous diray bien de plus: il semble que ces bonnes gens la se plaisent a luy donner des frequens sujetz de mortification, qu'elle boit insatiablement..

  A018000309 

 Si celuy qui vous a fait un narré de ma cholere, n'en eust pas eu davantage que moy, vous ne series pas en peine de ce chetif Pere.

  A018000310 

 Il est vray que, quand je considere nostre Mere et ses filles, gratias ago ei qui me confortavit, Christo Jesu Domino nostro, quia fidelem me existimavit, ponens in ministerio, a l'occasion de cette Congregation.

  A018000310 

 Mais dites moy, Monsieur mon cher Confrere, quel tort avons nous fait a ce bonhomme? Helas! nostre Mere ni moy ne pretendons qu'a dresser une petite ruche, mediocre et conforme a nostre dessein, pour loger nos pauvres abeilles qui ne se mettront en peine que de cueillir le miel sur les sacrees et celestes collines, et non de la grandeur ou embellissement de leur ruche.

  A018000313 

 Quand je considere nostre pauvre, petite et humble Visitation qui apportera tant de gloire a Dieu, encor ay je quelque consolation d'estre Evesque de ce diocese; au moins y auray je fait ce bien.

  A018000318 

 Vostre œil doit discerner ce qui sera propice pour remedier a ce mal; vostre moderation paternelle doit dissiper les humeurs peccantes; vostre zele, vostre justice et vostre force, doit terminer ces discordes..

  A018000325 

 Nous ferons ce que nous pourrons pour ce pauvre bonhomme affin quil demeure icy, quoy quil me sera malaysé, le P. François qui sçait tout, estant absent.

  A018000326 

 Vous aures sceu comme nous avons gouverné [9] l'Anthoine qui, avec un peu de soin, deviendra brave fille, ayant l'esprit bon comme ell'a, et vous pouves penser si je luy souhaite du bien..

  A018000331 

 Nostre Mere est en affaire pour la reception d'une vertueuse damoyselle de Grenoble qui est venue ce matin, avec une carrossee d'autres dames qui l'ameynent; car il vous faut tenir advertie des particularités de la Mayson, et que M me de la Thuille partit hier, ayant fait sa revëue a la Visitation, ou ell'a esté cachee environ sept ou huit jours, avec beaucoup de consolation pour son cœur..

  A018000345 

 Je jointz ma tres humble supplication a la sienne, protestant que jamais Vostre Altesse ne gratifiera aucuns peuples de sa sujettion qui ayt (sic) plus de cœur, d'honneur, de fidelité et d'obeissance a vostre coronne, Monseigneur, que celuy ci qui, au reste, a un extreme besoin d'estre revigoré par telz bienfaitz, tandis qu'incessamment avec moy il leve les mains et les yeux au Ciel pour la prosperité de Vostre Altesse, delaquelle je seray a jamais,.

  A018000362 

 Et je le croy, Monseigneur, puisque vostre debonaireté se plait aux bien-faitz, et particulierement envers les peuples fideles, obeissans et affectionnés a la coronne de Son Altesse, tel que je puis attester estre celuy ci, qui, outre cela, a grand besoin d'estre en quelque sorte allegé..

  A018000375 

 Helas! j'attens tous les quartz d'heure la nouvelle du trespas de mon frere de Thorens, qui partit d'icy il y a trois semaines, et le jour de la Trinité estoit a Thurin, abandonné des medecins, et hors de toute esperance d'eschapper; et des-ja, de Chamberi, le bruit vient qu'il est mort.

  A018000375 

 Penses si j'auray besoin de 15 jours pour consoler sa pauvre vefve et toute cette fraternité, et pour rasseoir un peu mon cœur, qui est certes grandement esmeu..

  A018000387 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait à M. le chanoine Jean-Marie Chevalier, à Annecy..

  A018000395 

 Mais icy, hors le sentiment naturel, il y a occasion de sainte consolation, puisque ce bon gentilhomme s'en est allé en une bonne viellesse, et, ce qui importe, en une bonne disposition spirituelle..

  A018000395 

 [14] Ne doutés point que je ne prie pour luy, car c'estoit le pere de ma tres chere Fille, qui m'est, je vous asseure, infiniment chere, et aux desplaysirs et playsirs de laquelle mon cœur participe affectionnement.

  A018000396 

 Or, penses, ma tres chere Fille, ou cette affliction me touche, et voyes si la mienne n'est pas surchargee de celle de sa pauvre petite et de nostre Mere, a qui il faut que ce matin j'aille oster le peu d'esperance qui leur estoit restee apres les premieres nouvelles de cet accident, sur lesquelles nous avons mille et mille fois adoré le decret de la Providence divine, et avons jetté nos cœurs entre les mains de Dieu avec esprit de sousmission, repetant: Ouy, Seigneur, car ainsy il a esté aggreable devant vous.

  A018000398 

 Le pauvre chevalier est encor la, qui aura esté spectateur de ce triste trespas, et peut estre en sera-il le sectateur..

  A018000409 

 O Dieu, ma pauvre tres chere Seur, que j'ay de peine pour le desplaysir que vostre cœur souffrira sur le trespas de ce pauvre frere, qui nous estoit a tous si cher! Mays il n'y a remede: il faut arrester nos volontés en celle de Dieu, qui, a bien considerer toutes choses, a grandement favorisé ce pauvre defunt, de l'avoir osté d'un siecle et d'une vocation ou il y a tant de dangers de se damner.

  A018000426 

 C'est quasi un songe de gens qui veillent, de sçavoir ce pauvre garçon [18] mort aussi tost qu'arrivé en ce païs-la, et sans avoir eu le loysir d'avoir veu le Prince auquel il alloit consacrer sa vie et son courage..

  A018000430 

 Beni soit Dieu qui l'a ravi devant les duelz, les mutineries, les desespoirs, et en [19] somme devant ces innombrables occasions d'offencer Dieu que cette espece de vacation donne en ce miserable aage..

  A018000444 

 Vous pouves aysement vous imaginer quelle est nostre affliction pour la perte que nous venons de faire, ayant connoissance comme vous de l'amitié qui a tous-jours esté, graces a Dieu, entre ceux de cette mayson.

  A018000457 

 Je regrette extremement la perte que nous avons faite par le trespas du bon monsieur le President de Sautereau, qui vous honnoroit certes plus quil ne se peut dire, et me favorisoit d'un' amitié extraordinaire, a vostre consideration.

  A018000458 

 J'escris la ci jointe a madame la Presidente de Sautereau, non pour la consoler, mais pour luy tesmoigner que je conserveray a jamais la memoire des infinies obligations que j'avois a son defunt; tandis que je me treuve icy a Sales, aupres de nostre jeune vefve, qui me fait [21] tout estonné de voir en son ame tant d'amour de son mari trespassé et tant de constance a supporter l'amertume du desplaysir de son trespas..

  A018000461 

 J'ay perdu un bon et cordial amy en monsieur de Chanal, qui ayant esté appellé de Dieu a la vie devote des quelques annees en ça, sera mort en tel estat, je m'asseure, que nous avons occasion de benir l'heure de son trespas; et moy particulierement, qui ay une invincible rayson de l'estimer heureux, par le conte de sa conscience et de ses bonnes intentions quil me rendit avant son depart d'Annessi.

  A018000485 

 Neanmoins, ma chere Dame, toutes choses considerees, il faut accommoder nos cœurs a la condition de la vie en laquelle nous sommes: c'est une vie perissable et mortelle, et la mort qui domine sur cette vie ne tient point de train ordinaire; elle prend tantost ci, tantost la, sans choix ni methode quelcomque, les bons emmi les mauvais et les jeunes parmi les vieux..

  A018000486 

 O que bienheureux sont ceux qui, vivans en continuelle [25] desfiance de mourir, se treuvent tous-jours prestz a mourir, en sorte qu'ilz puissent revivre eternellement en la vie ou il n'y a plus de mort! Nostre bienaymé trespassé estoit de ce nombre la, je le sçai bien.

  A018000488 

 Faites cela, Madame, pour l'amour de ce cher mari, et vous imagines qu'il vous en a prié a son depart et qu'il vous demande encor cet office; car en verité, il l'eust fait s'il eust peu, et il desire cela de vous a present: tout le reste de vos passions peut estre selon vostre cœur, qui est encor en ce monde, mais non pas selon le sien, qui est en l'autre..

  A018000489 

 Que si ce conseil, que je vous donne avec une sincerité nompareille, vous est aggreable, prattiqués le, vous prosternant devant Nostre Seigneur, acquiesçant a son ordonnance, et considerant l'ame de ce cher defunt qui desire a la vostre une vraye et chrestienne resolution, et vous abandonnant du tout a la celeste providence du Sauveur de vostre ame, vostre protecteur, qui vous aydera et vous secourra, et en fin vous reunira avec vostre trespassé, non point en qualité de femme avec son mari, mais d'heritiere du Ciel avec son coheritier et de fidele amante avec son fidele amant..

  A018000490 

 J'escris ceci, Madame, sans loysir et presque sans haleyne, vous offrant mon tres affectionné service qui vous est de long tems acquis, et celuy encor que les merites et la bienveuillance de monsieur vostre mari envers moy pouvoyent exiger de mon ame.

  A018000498 

 J'espere quil la nous laissera; il y en a tant d'autres qui sont eschappees apres avoir jetté le tac, et qui ont esté moins assistee (sic) qu'elle ne sera.

  A018000534 

 Je voy que cette venue apportera de l'incommodité, mais, peut estre, bienheureuse incommodité, qui se prend pour recueillir l'estranger par l'hospitalité spirituelle.

  A018000534 

 Qui sçait si Dieu aura pitié d'elle et luy pardonnera? Son mauvais naturel ne m'estonne point, car Nostre Seigneur fait quelquefois les enfans d'Abraham des pierres.

  A018000534 

 Saint Pierre, prince des pœnitens, est devant mes yeux, qui fut si doux aux pecheurs apres quil ne le fut plus..

  A018000535 

 Je suis bien en peine de l'autre chere fille, que nous cherissons tant en suite de la dilection de sa mere; car je [33] ne sçai bonnement comme en parler a sa mere, qui en recevra bien du desplaysir, estant bien esloignee de cette humeur-la.

  A018000537 

 C'est une sainte; elle a grand desir de vous aller voir et de vous mener une sienne brave fille a mon gré, laquelle est aagé (sic) de 19 ans, et, par ouï dire, est un peu touchee d'estre de la Visitation; et cette bonne mere, qui en brusle, estime que la veüe la fera resoudre..

  A018000537 

 Madame de la Flechere de ce pais, qui vint hier faire sa reveüe,vous bayse millefois les mains.

  A018000551 

 Or, faites donq bien, ma chere ame, vos petitz effortz, doux, paysibles et amiables pour servir cette souveraine Bonté qui vous y a tant obligee par les attraitz et bien-faitz dont elle vous a favorisee jusques a present, et ne vous estonnes point des difficultés; car, ma chere Fille, que peut on avoir de pretieux sans un peu de soin et de peine? Il faut seulement tenir ferme a pretendre la perfection du saint amour, affin que l'amour soit parfait, l'amour qui cherche moins que la perfection ne pouvant estre qu'imparfait..

  A018000553 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur et de celuy de nostre chere seur, qui est certes ma fille de tout mon cœur; au moins je le croy et le veux tous-jours croire pour mon contentement..

  A018000563 

 Et l'infortunee beauté et bonne grace que ces pauvres filles [36] faineantes se font accroire d'avoir, parce que ces miserables le leur dient, est cela qui les perd, car elles s'amusent tant au cors, qu'elles perdent le soin de l'ame.

  A018000563 

 Or sus, ma Fille, il faut faire ce qui se pourra et demeurer en paix..

  A018000573 

 La lettre que vous m'aves escrite le 16 may et laquelle je n'ay receuë que le 27 juin, me donne grand sujet de benir Dieu de la fermeté en laquelle il conserve vostre cœur pour le desir de la perfection de la vie chrestienne, lequel je descouvre bien clairement par la naïfveté sainte avec laquelle vous representes vos tentations et le combat que vous faites; et je voy bien que Nostre Seigneur vous assiste, puisque pied a pied et jour a jour vous conqueres vostre liberté et affranchissement des imperfections et infirmités principales qui vous ont ci devant affligee.

  A018000574 

 Fortifies-vous donq, Madame, en ce bon dessein, duquel la fin est la gloire eternelle; n'oublies rien au logis de ce qui est requis pour en chevir.

  A018000575 

 Jamais personne n'a gousté de la devotion, qui ne l'ayt bien treuvee souëfve.

  A018000576 

 Je n'ay guere veu de femmes mariees qui puissent estre devotes a meilleur marché que vous, Madame, qui partant estes fort obligee a vous y avancer..

  A018000579 

 Faites vostre prouffit de cette grossesse en deux façons: offrant vostre fruit a Dieu cent fois le jour, comme saint Augustin tesmoigne que sa mere, estant enceinte de luy, avoit accoustumé de faire; puis, es ennuis et afflictions qui vous en arriveront et qui ont accoustumé de suyvre la grossesse, benissés Nostre Seigneur de ce que vous souffres pour luy faire un serviteur ou servante, qui, moyennant sa grace, le louera eternellement avec vous..

  A018000579 

 J'ay appris que vous esties grosse; j'en ay beni Dieu qui veut accroistre le nombre des siens par l'augmentation des vostres.

  A018000589 

 C'est une famille gastee et des ames perdues, et l'unique fille de cet homme-la, qui est une bonne fille, deshonnoree devant le monde, bien que devant Dieu, estant devote comme ell'est, elle ne laisse pas d'estre d'estime.

  A018000614 

 Apres, donq, avoir bien sceu que l'estrange accident advenu au sieur [Président Crespin] estoit procedé de malheur, plustost que d'aucune malice ou deliberation; voyant qu'en une si extreme tribulation il recouroit a moy pour obtenir, par ma tres humble intercession, l'acces aux pieds de Vostre Altesse, je ne l'ay peu ni voulu esconduire, de peur d'offencer Celuy qui jugera les vivans et les mortz selon l'assistence qu'ilz auront faite aux affligés, puysque mesme les deux personnes [43] qui ont esté les plus touchees en ce desastre semblent conspirer au desir de la consolation de celuy auquel il est arrivé: car la fille ne souhaite rien tant que d'avoir son pere, puisqu'elle a perdu sa mere; et quant a monsieur [l'Abbé de la Mente,] soit qu'il ayt eu compassion de ce pere et de cette fille, soit qu'il ayt esté animé de ce divin Esprit qui nous fait vouloir du bien a ceux qui nous font du mal, il a des-ja protesté qu'il ne vouloit procurer aucune punition, ni faire partie..

  A018000615 

 Et partant, Monseigneur, la faveur que Vostre Altesse fera a cette calamiteuse famille sera egalement ornee de justice et de misericorde, qui sont les deux aisles sur lesquelles l'aggreable renommee des bons princes vole et au Ciel et en terre, parmi mille benedictions et de Dieu et des hommes..

  A018000615 

 Reste l'œil du publiq qui, je m'asseure, regardera avec edification la grace d'un homme qui a tant de raysons et de justes excuses, ainsy que Vostre Altesse jugera bien, si elle commande que rapport luy soit fait de cette desadventure, selon qu'il en resultera des procedures de justice.

  A018000629 

 la fille ne craint rien tant que de se voir privee de son pere, a mesure qu'elle se treuve avoir perdu sa mere; et quant a monsieur l'Abbé de la Menthe, soit quil ayt eu compassion du pere et de la fille, soit quil ayt esté animé de l'Esprit celeste qui nous fait souhaiter du bien a ceux mesme qui nous font du mal, il a protesté qu'il ne vouloit en façon quelcomque faire partie, ni procurer aucune punition..

  A018000644 

 Je voy bien qu'a Sainte Catherine, ou on gardoit la place, j'auray a m'excuser, puisque mesme la chere fille s'estoit desfaite de tout autre besoigne pour avoir le soin de cette fille; mays j'auray plus tost accommodé cela que mon esprit, si en chose qui se peut j'avois despieu a monsieur le premier Præsident.

  A018000644 

 Monsieur le Curé de Bons, qui connoit M. de Beauvilars, en dit beaucoup de bien..

  A018000645 

 M me du Puys d'Orbe vient, et je ne puis nullement quitter les affaires que j'ay icy sur les bras, qui sont publiques et pour ma charge.

  A018000647 

 Au reste, serves vous absolument de nostre logis pour la recevoir et de tout ce qui y est, sil vous semble bon de la faire loger la.

  A018000648 

 Tout se convertira en [48] bien, et la peine de l'enfantement estant passee, on se res-jouira du bien qui demeurera.

  A018000648 

 Voyla aussi cett'autre fille de Bons qui peut estre viendra: voyla bien du tracas.

  A018000651 

 Ce qui me tient en peine pour le fait de la fille de la petite seur, c'est que je l'ay oüie en confession et la fille de chambre aussi, et bien que de ce coste la je ne sache chose au monde de ce qu'on dit, si est ce quil faut eviter qu'on le puisse penser.

  A018000662 

 O Dieu, que... vous a causé de desplaysirs! Venes, ma tres chere Seur, et venes bien disposee a suivre mes conseilz, qui partiront d'un esprit qui cherit vostre ame nompareillement.

  A018000663 

 La bonne madame de Chantal vous attend impatiemment; vous seres, ce me semble, toute alegee du fardeau [50] de vos afflictions quand vous aures esté un jour avec elle et avec ses filles, qui sont, a la vérité, toutes pleines du divin amour et de douceur..

  A018000664 

 J'escris a monsieur le lieutenant qui, je [m'assure,] suivra mon advis.

  A018000708 

 Je pars, certes, accablé de mill'affaires, ayant aujourdhuy consacré la chapelle de monsieur vostre frere, qui sera bien belle, certes, et la tumbe aussi.

  A018000727 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait à M. Mercier, chanoine de la cathédrale d'Annecy.

  A018000769 

 Demeurés donq ainsy, et ne permettes jamais a vostre ame qu'elle s'attriste ni vive en amertume d'esprit, ou en scrupule, puisque Celuy qui l'a aymee et qui est mort pour la faire vivre, est si bon, si doux, si amiable..

  A018000783 

 Reste qu'il vous playse de me faire [60] sçavoir si vous voudries accepter le parti, et si nous pourrions y avoir d'abord huit prestres, puisque la fondation requiert cela, et si il se pourroit pas faire que l'un des huit exerçast la charge des ames, aydé par les autres; car cela estant, je n'auray plus a faire que d'obtenir le consentement de Son Altesse qui, je m'asseure, l'accordera volontier..

  A018000802 

 Et quant au reste, la vefve ne sçauroit garder ce qu'elle prætend; car, quand pour avoir ce qui vous est necessaire de sa mayson on la luy aura payee, il se treuvera asses de gens qui feront tenir sequestré l'argent.

  A018000802 

 Voyci madame la fiscale qui crie tant qu'elle peut misericorde, et la vefve crie aussi de son costé.

  A018000813 

 C'est grand cas comme l'esprit humain est ami de sa volonté, et comme chacun suit l'amour propre sans regarder ce qui est plus au service de Dieu! Sur cela je luy escris l'advis requis pour l'affaire de monsieur le Prieur; je ne sçai si cela accommodera son cœur, mais il me tardoit que je le fisse..

  A018000813 

 Mays a la premiere commodité, je luy feray sçavoir qu'il m'est impossible de le gratifier tandis quil ne sera pas prestre ni lié aux Ordres sacrés; car, quelle apparence de donner les charges ecclesiastiques de telle consequence a un qui n'est encor point ecclesiastique, au præjudice de plusieurs honnestes ecclesiastiques qui ont des-ja fait longuement l'exercice et qui ont bien servi l'Eglise? Je laisse a part qu'il n'est pas du diocæse, car en cela je me puis dispenser.

  A018000828 

 Je vous rens graces tres humbles de lhonneur que vous me faites, qui m'est certes infiniment prætieux; et pleut a Dieu que je peusse correspondre par autant de services comme j'ay de desirs!.

  A018000831 

 Pour cela, suis je obligé de vous asseurer que tous les jours il va de bien en mieux, s'estant rangé a la compaignie de M. le Marquis d'Aix, duquel il eut congé, apres la miserable prise de Verceil, devenir icy, pour toutefois retourner dans peu de jours en Piemont, ou je ne vous diray point quelle perte vous et moy avons faite: vous, d'un serviteur fort asseuré, moy, d'un frere tres aymable et qui entroit fort honnorablement en la connoissance et bienveuillance de son Prince.

  A018000831 

 Vous m'aves renvoyé M. de Barraux, affin quil eut quelque sorte de refuge vers moy en ce qui regarde son bonheur, c'est a dire vostre grace.

  A018000833 

 La tyrannie du peché est cruelle; elle oste le jugement, oüy mesme a ceux qui n'en ont point..

  A018000852 

 Je croy que vous m'excuseres aysement, et mon cousin aussi, qui connoisses asses mon esprit sujet aux evagations..

  A018000853 

 Maintenant, c'est au nom de ma seur de Thorens que je vous escris, et vous presentant son tres humble baysemain, je vous supplie de la favoriser en ce qui se pourra bonnement faire pour le recouvrement de certaines armes de feu mon frere son mari, dont ce porteur vous declarera les particularités; vous remerciant tres humblement encor de la part de cette seur du soin quil vous plaist d'avoir es occurrences des affaires de feu mon frere, que nous allons demeslant le mieux que nous pouvons, pour payer cinq ou six cens escus de debtes quil a laissés, en attendant de voir ce que la providence de Dieu fera naistre de sa vefve enceinte..

  A018000866 

 Ce sont les souhaitz que je fay sur vous, ma tres chere Fille, a qui je suis fort affectionnement.

  A018000912 

 Aussi, n'ayant pu mieux faire, j'ai pensé devoir en avertir Votre Seigneurie, à qui je suis de tout cœur,.

  A018000912 

 C'est pourquoi vous ferez très bien de profiter du temps et de tâcher d'en obtenir la nomination par ceux qui ont le droit de patronage, car les [71] médecins assurent que M. Nicolas mourra bientôt.

  A018000960 

 Entre ceux qui la virent en cette derniere maladie, il y en eut qui, le jour suivant, me vindrent demander congé de l'invoquer, et d'autres qui vindrent renouveller leurs bons propos, esmeus du spectacle de cette mort toute pleine de douleurs extremes, et douleurs toutes parsemees de: « VIVE JESUS! Seigneur Jesus, tirés moy a vous.

  A018000961 

 Or sus, ma tres chere Fille, il m'a fait grand bien de [76] vous dire ces quatre motz qui sont un eschantillon de la pieté de cette mort.

  A018000975 

 Nam quod ad canonicatum attinet, nemo sane, quantumvis parcus, ex ejus fructibus vivere posset, quippe qui ad summum 40 scutorum vix unquam ascendunt, et quam sæpissime, ne quidem ad summam 25 aureorum.

  A018000991 

 Mais il y a de longues années déjà que, converti au Christ, Evêque et Pasteur de nos âmes, il est venu, ou plutôt revenu, à sa très douce Epouse, l'Eglise catholique, dans la communion de laquelle il a été rétabli à [77] Rome même, et par l'ordre du bienheureux Pontife Clément VIII. Plus tard, il reçut de notre Très Saint-Père le Pape Paul V — que Dieu conserve! — un canonicat de notre Eglise de Genève, ainsi qu'une pension qui devait tant bien que mal subvenir à sa pauvreté; car, en ce qui concerne le canonicat, personne assurément, si économe soit-il, ne peut vivre de ses revenus: à peine s'élèvent-ils a quarante écus, et encore, le plus souvent, ils n'atteignent pas même vingt-cinq pièces d'or.

  A018001007 

 Ayant sceu par monsieur le Prieur, monsieur Jean Moccand, la bonne disposition en laquelle vous [vous] treuves pour remettre vostre Monastere et Congregation au train de l'ancienne pieté de vostre Ordre, j'en ay loué Dieu de tout mon cœur et m'en suis grandement res-jouy, [81] comme de chose qui importe extremement au service de Dieu, et a vostre salut et consolation, et a l'edification des fideles..

  A018001008 

 Prenes courage, Dieu sera parmi vous, qui fera l'œuvre, si vous l'en supplies; il ne vous a pas donné cette bonne disposition, qu'il ne veuille vous acheminer a la perfection de l'œuvre..

  A018001032 

 A quoy elles perseverent, et prient lesditz Reverens Peres d'en venir a expedient amiable par les voyes qui seront advisees plus propres; et ce, en consideration de la charité religieuse qui doit regner entre des personnes qui, par commune vocation, ont quitté le monde pour servir Dieu, lesquelles se pouvant entr'ayder, le doivent faire, et non pas s'empescher l'une l'autre..

  A018001032 

 Que neanmoins, bien qu'en cela elles ne fassent rien que selon leur droit et avec legitime authorité de Sa Grandeur et de l'Ordinaire du lieu, elles ont tousjours desiré pouvoir en quelque façon accommoder leur necessité urgente de bastir en ce lieu la avec l'utilité desditz Reverens Peres: ayant a ces fins supplié M. Rousselet et M. le President des Comptes, et quelques autres personnes d'honneur, de vouloir moyenner quelque accommodement qui peust contenter lesditz Peres; s'offrant, icelles Dames, de faire tout ce qu'il plairoit auxditz seigneurs Rousselet et President, ou mesme a telz autres qu'on choisiroit, de marquer et ordonner.

  A018001033 

 De sorte qu'iceluy, toutes choses considerees, les ayant authorisees en ce bastiment, elles sont hors de tout reproche et en droit de bastir en ce lieu la; lequel, au reste, n'est ni proche ni en veuë du monastere desditz Reverens Peres, ains seulement d'un jardin qui leur appartient, escarté de leur monastere et hors l'enclos d'iceluy, lequel, avant que la Congregation de la Visitation fust, estoit exposé a la veuë des femmes et filles, et au bruit [de celles qui] faisoyent la lessive, [là où] maintenant il semble [que] la condition desditz Reverens [Pères est améliorée,] puisque lesdites Dames.......

  A018001033 

 Qu'en ce qui regarde la bienseance et la juste distance qui doit estre entre les monasteres des femmes et ceux des hommes, elles s'en sont rapportees au jugement du Reverendissime Evesque de ce lieu, lequel est chargé par les Canons et par le Concile de Trente de prouvoir a tout ce qui regarde la clausure et asseurance des [85] monasteres des filles.

  A018001033 

 [et] que les Seurs ne regarderont ni ne seront aucunement [regardées.] Mais sur tout [elles auraient prié lesdits] Reverens Peres, avant que de passer aux ameres et peu edificatives poursuites de proces, de convenir de gens d'honneur et de qualité qui fissent essay d'accommoder la necessité qu'elles ont de bastir au lieu que Sa Grandeur leur a accordé, avec l'utilité du monastere de Saint Dominique auquel elles desirent porter respect et honneur.

  A018001034 

 Et qu'il faut encor bien noter la difference qu'il y a entre le monastere et le jardin du monastere, sur tout en cette occurrence en laquelle le jardin est hors de l'enclos du monastere et de sa propre constitution, sujet a la veuë de tout le voysinage; de sorte que l'on n'empire pas sa condition, ains on l'ameliore, puisqu'on leur ostera la veuë des [femmes] qui seront la aux fenestres de..........

  A018001034 

 Monsieur, je laisse a part les procedures faites, les cautions prestees et ce qui resuite des pieces; mais ayant veu les Canons, les Conciles et les elucidations du Concile de Trente, il me semble qu'elles doivent rejetter sur moy l'article de la bienseance, comme chose dont je suis chargé.

  A018001041 

 Mays avant son retour nous aurons bien le contentement de le revoir, et vous aussi, ma tres chere Fille, a qui je souhaite mille et mille benedictions, qui suis infiniment vostre et.

  A018001070 

 En effet, libres et affranchies par ce moyen des pénibles anxiétés qui, dans un si grand dénûment de toutes choses, semblent presque étouffer l'élément spirituel, elles se rendront avec ardeur parfaites observatrices des autres règles de leur Ordre; et, avec plus de [90] joie, de facilité, d'attention et de persévérance, elles s'adonneront à célébrer les louanges de Dieu et à prier pour l'Eglise..

  A018001129 

 Je sais qu'il a failli en faisant imprimer ses livres sans l'autorisation requise, mais je sais aussi que la cause principale de cette faute est une certaine simplicité et inadvertance; sans doute, grâce à la correction paternelle et pleine de bonté qui lui sera faite par Votre Paternité Révérendissime, il se tiendra désormais sur ses gardes.

  A018001147 

 Nous tascherons d'eschapper en toute façon d'avoir besoin du jardin des Peres, puisque je voy que cela en offence grandement quelques uns, qui m'ont dit que vous avies escrit que vous avies fait toutes les sollicitations.

  A018001148 

 J'ay receu une lettre de la premiere qui estoit addressee a Vostre Reverence, et en vostre absence, a moy, en laquelle j'ay plus de part que je ne merite; c'est pourquoy je ne vous la renvoye pas..

  A018001161 

 Mais me doutant que ces Peres de Saint Dominique ne voudront pas lascher ce dont nous avons besoin si on ne leur donne tout le susdit pré, je vous supplie de faire ce qui sera bonnement a faire, affin que Monsieur se contente que nous leur puissions donner le tout.

  A018001176 

 Je croy fermement, ma tres chere Fille, que vostre cœur reçoit de la consolation de mes lettres, qui vous sont aussi escrites d'une affection nompareille, puisqu'il a [100] pleu a Dieu que ma dilection envers vous fust toute paternelle, selon laquelle je ne cesse point de vous souhaiter le comble de toutes benedictions..

  A018001177 

 Je ne sçai, certes, comme les ames qui se sont donnees a la divine Bonté ne sont tous-jours joyeuses, car y a-il bonheur esgal a celuy la? Ni les imperfections qui vous arrivent ne vous doivent point troubler, car nous ne les voulons pas entretenir et ne voulons jamais y arrester nos affections.

  A018001177 

 Tenes bien vostre courage relevé, je vous supplie, ma tres chere Fille, en la confiance que vous deves avoir en Nostre Seigneur, qui vous a cherie, vous donnant tant d'humbles attraitz a son service, et vous cherit en vous les continuant, et vous cherira en vous donnant la sainte perseverance.

  A018001179 

 Qu'a jamais son saint nom soit beni et vous rende eternellement sienne, qui est le souhait continuel,.

  A018001190 

 Il me semble, certes, que je le voy, ce Sauveur crucifié, au milieu de vostre ame comme un bel arbre de vie, qui, par les fleurs des bons desirs qu'il vous donne, vous promet les fruitz du divin amour qu'il produit ordinairement es lieux ou sont la rosee d'humilité, douceur et simplicité de cœur.

  A018001198 

 Mays, graces a Dieu, tout cela s'est passé [103] a leur salut; car mon frere, qui estoit allé au service de Son Altesse en soldat, y est mort en Religieux; son filz est passé en innocence, et sa femme en sainte, apres avoir demandé et obtenu l'habit de la Visitation et fait les vœux au lit de la mort.

  A018001199 

 Ma tres chere Seur, nous avons a remercier Dieu qui nous a si longuement laissé cette mere, et n'est pas raysonnable que nous treuvions mauvais sil la reprend, puis que c'est pour luy donner une meilleure vie..

  A018001199 

 Or sus, ma tres chere Seur, il faudra bien tenir vostre cœur ferme, affin quil ne chancele point a cette secousse, mais qu'attaché a la Providence divine, apres les premiers eslans de douleur qui sont inevitables, il demeure doucement en paix, en attendant avec une sainte esperance le tems auquel, par le mesme passage, nous irons revoir ceux qui nous præcedent.

  A018001212 

 En fin, apres plusieurs incertitudes sur le lieu ou je devois prescher ces Advens et Caresme prochains, Son Altesse me commande de retourner a Grenoble pour complaire a monsieur le mareschal de Lesdiguieres, qui, prié par la cour du Parlement, en a tesmoigné un tres grand desir.

  A018001212 

 Mais ce souhait, entre vous et moy, qui serois estimé homme d'ambition excessive si quelqu'un l'entendoit; et neanmoins, j'y ay certes aussi peu d'ambition que d'esperance, a cause de l'exclamation du Sauveur: O quam difficile est hominem divitias habentem, etc..

  A018001213 

 Cependant, je confesse que, comme d'un costé ce m'eut [105] esté un contentement indicible de jouir de la presence de cet amy incomparable qui me souhaitoit a Paris et de la conversation de plusieurs autres qui me font lhonneur de m'affectionner, aussi m'est-ce un grand soulagement de m'esloigner si peu de ma residence quil semble presque que je ne m'en esloigne point; car en somme, ma femme, mes enfans, mon devoir et mes affaires sont icy, puisque Dieu a voulu que j'y fusse pere de famille et son œconome..

  A018001214 

 Je fus l'autre jour dire a Dieu a mon tres cher, tres aymable et tres digne voysin Monseigneur de Belley, qui s'en reva en son Paris et païs prescher a Saint Severin; et outre mille qualités qui m'obligent a l'honnorer, je le vis si plein d'amour, de respect et d'estime pour vos merites quil ne se peut rien adjouster, et partant vous fustes une grande part de nos plus doux entretiens..

  A018001215 

 Qui cœpit bonum opus, perficiet solidabitque par sa misericorde.

  A018001216 

 C'est la verité que nous n'avons jamais rien veu de cette authorité, ce païs estant hors de la legation; si neanmoins le diocæse luy estant marqué il dispense, j'auray tout sujet de croire quil ne fait rien quil ne puisse; mais en chose de telle importance et qui tire consequence, j'aymerois mieux que l'expedition vint de Rome, pour mettre tout en asseurance..

  A018001230 

 Et c'est celle qui me fait en toute humilité supplier Vostre Altesse de l'avoir en recommandation, si toutefois il peut asses vivre pour avoir besoin de ce qu'il recherche; car il part, ce me semble, a moytié mort, tant il a desir d'avoir moyen de vivre..

  A018001232 

 Monseigneur, de qui je suis.

  A018001270 

 Il est vray, Dieu a affligé nostre mayson en la mort de mon frere et de ma seur de Thorens; mais sa main divinement paternelle nous force d'adorer sa suave bonté qui ne nous a touchés que doucement, puisque mon frere est mort saint entre les soldatz, ou il se treuve si peu de saintz, et ma seur, sa chere espouse et mon unique fille, est morte sainte entre les servantes de Dieu et dans le cloistre, qui est ordinairement un seminaire de sainteté.

  A018001270 

 Le medecin qui la servoit en sa derniere maladie disoit que si les Anges pouvoyent mourir, ilz voudroyent mourir de la sorte..

  A018001283 

 Ce sont des gens de fort solide pieté, doux et gratieux incomparablement, qui travaillent incessamment pour le salut du prochain; en quoy ilz [se] rendent admirables egalement et infatigables.

  A018001283 

 Et il est arrivé encor ces jours passés un malheur, en la perte qu'ilz ont faite d'un Pere Parisien qui deceda.

  A018001283 

 Pour moy, je pense qu'ilz seront un jour de grand service a la France; car ilz ne font pas seulement proffit en l'instruction de la jeunesse (aussi n'est il pas si requis ou les Peres Jesuites font si excellemment), mais ilz chantent au chœur, confessent, cathechisent voire mesme es villages ou ilz sont envoyés, preschent et en somme font tout ce qui se peut desirer, et fort cordialement, et ne demandent pas beaucoup pour leur entretien.

  A018001283 

 Vostre prudence discernera ce qui se pourra faire pour les attirer en vostre Autunois.

  A018001283 

 Voyla ce que je vous puis dire, et ce qui me feroit desirer leur introduction es lieux ou les Peres Jesuites ne sont pas.

  A018001284 

 C'est bien fait de jetter nostre pensee sur la justice qui nous punit, mais c'est mieux fait encor de benir la misericorde qui nous exerce..

  A018001285 

 Et a la verité, pour parler cœur a cœur avec vous, je n'ay presque jamais osé adjouster ce qui s'ensuit: Amove a me plagas tuas..

  A018001285 

 Toute cett'annee nous avons vescu parmi les adversités, et je croy que vous aures sceu le trespas inopiné de mon frere et de, ma seur, que j'appelle inopiné, car, qui l'eut pensé? mais trespas tres heureux pour le genre et la sainteté du passage; car, particulierement ma chere petite seur, fit sa (sic) depart avec tant de pieté et de suavité, qu'un docte medecin qui le vit me dit que si les Anges estoyent mortelz ils desireroyent cette sorte de mort.

  A018001305 

 Commandes donq, je vous prie, que [115] de la main de madamoyselle de Chantal, ma fille bien-aymee, ou de ma chere Seur de Chastel, me soit envoyé quelque petit billet qui m'en apporte, ou du moins quelque message d'honneur..

  A018001331 

 Je remercie humblement Votre Paternité Révérendissime pour la bienveillance avec laquelle elle a renvoyé en ce pays le P. D. Redento qui, je l'espère, fera des fruits dignes de sa vocation et agréables à Votre Paternité.

  A018001332 

 Lorsque j'en traitai avec Son Altesse, elle agréa que, dans ce but, on prit tout le revenu du monastère de Contamine, supprimant les moines pour plusieurs raisons, et attribuant leurs prébendes, partie au collège de cette ville, partie à celui de Thonon, à condition, cependant, de placer dans ces collèges autant de Pères Barnabites qui puissent célébrer les Messes auxquelles les moines étaient tenus.

  A018001333 

 Mais cette sollicitation ne pourra jamais être bien faite que par ledit Père qui est très au courant de la situation locale, non moins que des motifs et des circonstances qui peuvent engager Sa Sainteté à accorder la faveur implorée.

  A018001333 

 Toutefois je crois avec le P. D. Jean-Baptiste, supérieur de ce collège, homme judicieux et qui donne beaucoup de satisfaction à la population, que cette affaire doit se traiter par le P. D. Juste [117] non seulement en notre cour auprès du Sérénissime Prince (ce qui, si je ne me trompe, sera chose facile), mais encore à Rome, où le Père la poursuivrait auprès de l'Ambassadeur de Son Altesse, laquelle, par exprès commandement, en ferait faire la sollicitation.

  A018001335 

 En effet, il a maintenant touché du doigt que j'ai raison; car, dans tout le jardin du collège, il n'est pas une place plus stérile et moins propre à la récréation: deux fenêtres des Pères Dominicains y ont vue directe, et le Père Prieur prétend bâtir son Noviciat contre le mur qui donne juste sur cet endroit-là, avec des fenêtres du même côté.

  A018001335 

 Je supplie Votre Paternité de croire fermement que je n'aurais jamais songé à demander la pièce [119] de terrain du collège où se trouve l'étang sans poissons, si j'avais vu que cette cession dût porter préjudice aux Pères, surtout en ce qui touche leur récréation; car leur santé et leur agrément me sont chers comme les miens propres.

  A018001336 

 J'ajoute même que si on n'exhausse pas de ce côté les murs qui s'étendent vers l'autre partie du collège, celui-ci demeure presque tout entier découvert aux regards des Dominicains.

  A018001337 

 Je supplie de nouveau Votre Paternité Révérendissime d'autoriser le voyage du P. D. Juste, qui me sera de moindre dépense, et à la Congrégation de plus grande utilité.

  A018001348 

 Playse donq a Vostre Altesse de confirmer les privileges des-ja accordés aux maistres et apprentifz, et autres personnes qui font profession de cet exercice.

  A018001384 

 Je suis allé tout gay comme un petit oyseau, dans ma chaire, ou j'ay chanté plus joyeusement que l'ordinaire a l'honneur de ce grand Dieu, qui a racheté ma vie de la mort, et qui me couronnera en sa misericorde et miserations.

  A018001385 

 Dieu donq soit a jamais beni, qui nous console en toutes nos tribulations.

  A018001386 

 C'est aujourd'huy sa premiere feste, qui m'est signalee, et je viens de l'eglise des Peres Recolletz qui est dediee au mystere qui se celebre..

  A018001386 

 La glorieuse Vierge soit a jamais honnoree, qui est nostre Dame et Reyne de dilection.

  A018001387 

 O Dieu, Sauveur de nostre ame, qui estes le jour de la clarté eternelle, donnés ce jour temporel et dix mille apres, bons et utiles, saintz et aggreables, a la Fille bienaymee qu'il vous a pleu rendre mienne et pretieuse a mon cœur comme moy mesme..

  A018001397 

 Je ne pouvois mieux faire recevoir mon remerciement au celeste Medecin qui vous a guerie, que par les mains de ma Dame sa Mere, Marie conceuë sans peché, nostre chere et souveraine Maistresse.

  A018001409 

 Et je ne vous ay [cherchée que] pour premierement me res-jouir avec vous de vostre heureux mariage, car on m'en dit beaucoup de bien; que vous aves tant de contentement et que vous en rendes tant, que monsieur vostre mari est si vertueux, et que le lien d'une sainte et forte amitié vous tient unis ensemble; en somme, que vous aves toute occasion de louer Dieu, qui vous a fait rencontrer si favorablement le soin de monsieur vostre pere et de madame vostre mere..

  A018001412 

 [Il n'y a rien] qui face tant arriver d'honneur, de reputation et de bonheur sur nous que de ne point s'amuser..

  A018001413 

 Je ne vous dis rien de la sainte devotion, qui est desirable en tous tems et tous lieux; car, comme vous sçaves, parmi les joyes et contentemens, elle modere nos espritz; [129] entre les adversités, elle nous sert de refuge et nous delasse; et, quoy qu'il nous arrive, elle nous fait benir Dieu, qui est meilleur que tout.

  A018001414 

 Et quand vous seres quelquefois en priere, priés, je vous supplie, un peu pour moy, qui de tout mon cœur vous souhaitte, et a monsieur vostre mari que je veux honnorer de toute ma force, mille et mille benedictions, demeurant,.

  A018001431 

 Or dites moy, ma tres chere Fille, quelle meilleure penitence peut faire un cœur qui fait faute, que de subir une continuelle croix et abnegation de son propre amour? [131].

  A018001432 

 Mais je dis trop: Dieu luy mesme vous tiendra de la mesme main de sa misericorde avec laquelle il vous a mis en cette vocation, et l'ennemy n'aura point de victoire sur vous, qui, comme la premiere fille de ce païs-la, deves estre bien espreuvee par la tentation, et bien couronnée par la perseverance..

  A018001441 

 Il est vray neanmoins qu'une fille qui voudra perdre son ame et son honneur se pourra marier apres les vœux, comme feroit la plus grande professe de France si elle se vouloit perdre et se servir de l'Edict de pacification.

  A018001443 

 Ce ne seroit pas faute d'observer le silence, mays pour vouloir obstinement troubler et renverser l'ordre et la Congregation, et mespriser le Saint Esprit qui a ordonné le silence es Maysons religieuses.

  A018001443 

 En fin, les Religieux, mesme les plus solemnelz, expulsent; au moins voit-on des [133] Religieux expulsés de l'Ordre de Saint François, voire mesme des Capucins; et les Peres Jesuites, qui sont si avisés et prudens, expulsent pour les desobeyssances, pour peu qu'elles soyent affectionnees et entretenues..

  A018001444 

 La prolongation du noviciat se faysant pour cause, n'est pas contraire au Concile, comme ont declairé ceux qui ont la charge des declarations d'iceluy, et les docteurs mesmes l'entendent ainsy.

  A018001448 

 Si ceux qui font cette objection sont gens d'estude, ilz pourront lire Leonard Lessius, Jesuite, ou ilz treuveront ce qu'il leur faut.

  A018001455 

 Il faut bien tous-jours tenir ferme en nos deux cheres vertus, la douceur envers le prochain et la tres aymable humilité envers Dieu; et j'espere qu'il sera ainsy, car ce grand Dieu qui vous a pris par la main pour vous tirer a soy, ne vous abandonnera point qu'il ne vous ayt logee en son tabernacle eternel.

  A018001456 

 Ne vous estonnes nullement de vos distractions, froideurs et secheresses, car tout cela se passe en vous du costé des sens et en la partie de vostre cœur qui n'est pas entierement en vostre disposition; mays, a ce que je voy, vostre courage est immobile et invariable es resolutions que Dieu nous a donné.

  A018001457 

 Ne vous mettés donq pas en peyne pour cela, mais allés humblement et franchement dire ce que vous aures remarqué; et pour ce que vous n'aures pas remarqué, remettes le a la douce misericorde de Celuy la qui met la main au dessous de ceux qui tombent sans malice, affin qu'ilz ne se froissent point, et les releve si vistement et doucement qu'ilz ne s'apperçoivent pas, ni d'estre tombés, parce que la main de Dieu les a recueillis en leurs cheutes, ni d'estre relevés, parce qu'elle les a retirés si soudain qu'ilz n'y ont point pensé..

  A018001458 

 A Dieu, ma tres chere Fille, ma Niece; conservés tous-jours bien vostre ame bienaymee, et ne tenes pas grand conte de ces annees qui passent, sinon pour gaigner la tressainte eternité..

  A018001466 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que vous autres qui estes les premieres Meres et comme les colomnes de cette petite Congregation, deves estre grandement humbles, vertueuses et unies a l'esprit de Dieu, puisque vous voyes que de toutes partz l'on vous desire, par tout l'on cherche des greffes et plantes de vos pepinieres; car voyla Grenoble, Turin, Montpellier, Valence, Clermont, Le Mans, en somme par tout il semble que l'on vous veuille a l'envi, sans que par nul artifice on recherche ces recherches....

  A018001479 

 Comme Vostre Altesse Serenissime pouvoit choysir mille et mille personnes plus capables de servir dignement Monseigneur le Prince Cardinal au voyage de France, aussi ne pouvoit elle donner le commandement de ce faire a homme qui vive, qui, avec plus de fidelité et de cœur, receut cet honneur, ni qui, avec plus d'affection, se veuille essaÿer de correspondre par son tres humble service a la faveur et gloire que je sens d'y estre appellé.

  A018001513 

 Or, celles qui sont obligees au grand Office, si elles le veulent dire distinctement et posement, ne le peuvent faire sans effort; et si elles le veulent dire viste et couramment, elles se rendent ridicules et indevotes.

  A018001513 

 [140] C'est pourquoy il est plus convenable que celles-ci qui, faute de forces corporelles, ne le pourroyent pas dire posement, ne disent que le petit Office..

  A018001517 

 Je ne voy pas qu'il soit besoin de vous advertir d'autre [141] chose sur ce sujet, sinon que, quant au Monastere de cette ville, attendu que l'eglise d'iceluy est consacree sous le tiltre de la Visitation de Nostre Dame et du glorieux saint Joseph, il seroit desirable que l'on obtinst Indulgence pleniere pour ces jours la, et pour les jours des tiltres des autres Maysons et Monasteres de cette Congregation, outre l'Indulgence du jour de la Visitation, qui est le tiltre general de la Congregation..

  A018001519 

 Ce que je dis, parce que quelques ecclesiastiques austeres et exactz en leurs personnes ont rendu quelque signe qu'ilz n'estoyent pas satisfaitz dequoy en cette Congregation il y avoit si peu d'austerité et de rigueur de peynes; mais il faut tous-jours regarder a la fin, qui est de pouvoir recueillir les filles et femmes debiles, soit en aage, soit en complexion..

  A018001520 

 Je desire encor obtenir une lettre de la Congregation des Evesques a moy et au clergé de ce diocese, par laquelle il me soit enjoint d'eriger un Seminaire de ceux qui pretendent a l'estat ecclesiastique, ou ilz puissent se civiliser es ceremonies, a catechiser et exhorter, a chanter, et autres telles vertus clericales; car, quant aux petitz enfans, nous en avons de reste qui veulent estre ecclesiastiques et qui n'estudient pour autre fin..

  A018001534 

 Non, Monsieur montres cher Frere, vous n'aures jamais cette cogitation, et ce n'est pas cela qui vous fait demander une cedule de [143] moy pour vostre asseurance; car je suis certain que l'amitié dont vous me favorises est si parfaite qu'elle est au dessus de toute desfiance.

  A018001535 

 Nous sçavons bien cette douce importunité des amans, qui se playsent d'ouïr mille et mille fois repeter qu'on les ayme, non pour s'asseurer, mays pour se complaire en l'asseurance quilz ont, qui semble estre mieux savouree quand ell'est plus souvent repetee.

  A018001536 

 Voyla ce que j'en croy, quoy que j'ay treuvé tres mauvais le rencontre et la suite de celuy qui estoit si odieux a tant de gens de respect, et qui [144] devoit, par tant de raysons, ne jamais approcher cette trouppe..

  A018001537 

 Pleut a Dieu seulement qu'elles eussent poursuivi leur voyage jusques icy, ou madame de Chantal leur avoit præparé une douce retraitte pour tant qu'elles eussent volu; je m'asseure qu'elles s'en fussent retournees fort consolees de voir la devotion qui se prattique en la Mayson de la Visitation, ou maintenant nostre fille est portiere pour la seconde fois, tant on estime sa vertu que de luy donner cette charge, l'une des plus importantes, affin que je vous die encor ce mot de consolation..

  A018001538 

 Il y a la des bons Peres Jesuites qui pourront mieux que moy discerner ce qui est requis pour le bien de ce Monastere.

  A018001538 

 Je fis tant par mes remonstrances, que l'esprit de M me du Puis d'Orbe, qui estoit aux abboys a cause de tant de troubles et de regretz dont il estoit accablé, reprit un [peu de vigueur] pour s'en aller en paix et vivre en paix en [son abbaye.] Mays elle m'escrit despuis son retour, qu'elle a de rechef treuvé tant de mauvais traittemens, qu'ell'a perdu presque toute esperance de jamais avoir la paix.

  A018001539 

 Vous l'aves conduit a præsjuger pour moy: et comme pourroit il autrement juger? Je n'ay pas le bonheur de le connoistre, mais ouy bien de connoistre sa Congregation que j'ay au milieu de mon cœur, et de laquelle je respecte et le General et plusieurs autres grans personnages qu'elle reunit, auxquelz donq je joindray celuy ci et le luy tesmoigneray a la premiere commodité qui s'en presentera.

  A018001540 

 Mais, oserois-je vous dire un surcroist de desplaysir qui m'est arrivé en cett' occasion? Je le feray, Monsieur mon tres cher Frere, mais c'est en confiance, vous suppliant que si il ne vous en est parlé, il vous playse n'en rien tesmoigner a personne..

  A018001540 

 Vous aures sceu combien l'annee passee nous a esté dure par le trespas de mon frere, de son filz et de sa femme qui en moins de quatre moys ont esté emportés.

  A018001541 

 Madame sa mere, qui fut presente a cette action, et pour le moins vingt personnes d'honneur m'en seront tesmoins asseurés.

  A018001541 

 Mays il est vray que ceux qui ont veu avec quel amour, quel honneur, quelle douceur cette pauvre fille estoit cherie de tous nous, ne treuvent pas si estrange qu'elle n'ayt pas volu tirer de nostre mayson que ce qu'elle y avoit apporté, sans que par autre voye nous luy ayons ni donné ni pensé a luy donner cette volonté..

  A018001542 

 Je n'ay sceu me retenir, Monsieur mon Frere, de vous dire ce petit mal de cœur, sachant a qui je le dis; car d'en escrire a M. de Bourges, qui ne m'en a point escrit, je ne le juge pas a propos, et me contente de sçavoir en mon ame que suis exempt de ces viles prattiques, ne sçachant mesme pas ce que les testemens de mes pere et mere contiennent, sinon pour rayson des legatz pieux.

  A018001565 

 Vay-je point trop souvent a vostre porte? Vous importune-je point par mes si frequentes supplications? Certes, je ne dois, ni ne puis, ni ne veux manquer au devoir que j'ay a monsieur le Marquis d'Aix, qui me fait la faveur de m'aymer tres particulierement et que pour ses rares qualités j'honnore parfaitement.

  A018001566 

 Mays ce pendant je ne laisseray pas de vous avoir present a mon ame, ni de prier Nostre Seigneur qu'il vous comble, et madame ma seur, de toute sainte prosperité, qui suis,.

  A018001575 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait au Grand Séminaire de Besançon..

  A018001584 

 Faites-le donq, ma tres chere Fille, et ne fuyes rien tant que ce qui la vous peut oster.

  A018001597 

 Si jamais ma bouche a refusé de vous nommer ma fille, ç'a esté sans le consentement de mon cœur, qui des le premier abord du vostre sentit bien que Dieu luy donnoit [151] une forte et invariable affection, toute vrayement paternelle pour vous; mais on n'ose pas tous-jours parler comme on desireroit, sur tout quand on doit du respect a ceux qui portent les mesmes tiltres que nous voudrions avoir.

  A018001613 

 Et parce que maintenant il n'y a pas suffisamment pour entretenir une seule personne, s'il plaisoit a Vostre Majesté leur ordonner les cent cinquante livres sur les tailles, que ledit Pere Provincial luy a demandees en aumosne, il pourrait par ce moyen y colloquer quelque habile et discret Religieux, qui, par les voyes ordinaires de la justice et des loix publiques, retireroit petit a petit les pieces esgarees dudit couvent, sans que pour cela aucun eust occasion de se plaindre, ni que personne en fust grandement incommodé..

  A018001613 

 Pour obeir au commandement que Vostre Majesté me fait par sa lettre du dernier jour d'aoust 1617, que je n'ay receu sinon quatre mois apres, je diray ce qu'il me semble sur la proposition que le Pere Provincial des Carmes de la province de Narbonne luy a faite, pour [153] le restablissement du couvent que ceux de son Ordre avoyent jadis a Gex; et attendu qu'il y a quelques restes des edifices et des biens dudit couvent, je croy bien, Sire, qu'il seroit bon qu'ilz fussent remis en l'Ordre duquel ilz dependent, a la charge que le service y fust fait selon la proportion du revenu qui en proviendroit.

  A018001614 

 Mais quant aux trois cens livres que ledit Pere Provincial demandoit sur les autres revenus ecclesiastiques remis entre mes mains pour le restablissement de l'exercice catholique es eglises du balliage dudit lieu, je ne voy pas que cela luy doive ni puisse estre accordé; veu que tout est requis pour estre employé aux services et offices divins et a l'entretien et reparation des edifices sacrés, sans qu'on en puisse rien oster, ainsy que j'ay clairement fait voir audit Pere Provincial par les contes de ceux qui, de la part de Vostre Majesté, ont esté establis et commis a la recette desditz revenus.

  A018001614 

 Outre que, s'il y avoit quelque chose de plus, il devrait plustost estre destiné a l'accommodement des Peres Capucins qui, des plusieurs annees en ça, resident audit lieu de Gex et y travaillent avec beaucoup de zele et d'incommodités..

  A018001615 

 Et lhors, Sire, si Vostre Majesté me commandoit de nommer quelle compaignie j'estimerois plus propre pour ce lieu la, je nommerois celle des Prestres de l'Oratoire, bons a toutes sortes de services spirituelz et qui plus aysement peuvent se mesler parmi les adversaires..

  A018001615 

 [154] Mais le reste des biens du couvent des Carmes estant si petit, serviroit de peu a cela, qui ne peut estre fait que par le dessein expres de Vostre Majesté et par union de quelque benefice riche, quand il viendroit a vaquer, ou par quelque autre liberalité royale.

  A018001617 

 Je prie Dieu, ce pendant, qu'il comble de benedictions Vostre Majesté, vostre couronne et vostre royaume; qui suis et seray a jamais,.

  A018001631 

 Dieu qui nous l'avoit donné pour son service, le nous a osté pour sa gloire: son saint nom soit beni! [156].

  A018001643 

 O Providence celeste! sans esplucher vos effectz, je les adore et embrasse de tout mon cœur, et acquiesce a tous les evenemens qui en succedent par vostre volonté..

  A018001652 

 Il m'a dit tout ensemble, et l'obligation [158] qu'il vous en avoit, et la difficulté, ou plustost la consideration pour laquelle il n'avoit pas l'acte de la nomination: qui estoit que monsieur vostre mari auroit quelque sorte d'opinion de pouvoir un jour luy mesme la deservir..

  A018001653 

 Et la troysiesme, c'est que, si cette chapelle demeure quelque tems sans recteur, elle n'est pas si petite quil ne se treuve des courans qui l'impetreront a Rome; et elle sera bien impetree, attendu la negligence de ceux qui doivent nommer.

  A018001653 

 Sur cela, Madame, il me semble que vous deves des maintenant gratifier ce neveu qui vous appartient en tant de façons, et luy donner la nomination, affin de conserver vos droitz et l'intention des prasdecesseurs..

  A018001654 

 Pour [ce], je vous escris ainsy librement et sans art, sachant que vous m'aymes franchement, et croires aysement que je parle selon le devoir et l'affection que je vous ay et qui me rend, Madame,.

  A018001669 

 Dieu, qui a fait vostre cœur pour son Paradis, ma tres chere Fille, luy face la grace d'y bien aspirer.

  A018001669 

 Je vous escris sans loysir, comme je fay presque tous-jours en cette multiplicité d'affaires qui m'accablent.

  A018001671 

 Il faut que vostre courage surnage a tout cela; et croyes que si vous estes bien resolue de vivre en charité avec elles, leur monstrant un cœur de douce mere, qui a oublié tout ce qui s'est passé jusqu'a present, vous les verres toutes revenir a vous dans bien peu de moys..

  A018001672 

 De renvoyer ce point a eux, il n'est pas raysonnable; il faut que ce soit vous qui commencies.

  A018001672 

 Et non seulement a elle, mais escrivés aussi a M. le President et a monsieur [161] d'Origny, leur disant qu'apres tant de tourmens que vou saves souffertz, en fin Nostre Seigneur et vostre vocation vous convient de les prier de vous assister au dessein qui a tous-jours esté en vostre ame, de reduire vostre Monastere a quelque perfection de la vie religieuse, et qu'es occasions vous les advertires des moyens requis a cet effect, a ce qu'ilz vous aydent; car en fin, ma tres chere Fille, il faut avoir la paix, et la paix naist de l'humilité.

  A018001691 

 Si c'est sur luy, pourquoy pleurer, que nostre Frere est en Paradis ou les pleurs n'ont plus de lieu? Que si pour vous, n'y a-il point trop d'amour propre (je parle avec vous ainsy franchement), d'autant qu'on jugera que vous vous aymes plus que son bonheur, qui est incomparable? Et voudries vous que, pour vous, il ne fust pas avec Celuy in quo movemur et sumus, tous tant que nous sommes qui acquiesçons a son saint playsir et divine volonté?.

  A018001718 

 Grâce à Dieu, elle finira bientôt, puisque dès l'arrivée de Son Excellence, qui doit venir dans quelques jours, Votre Paternité sera mise en liberté.

  A018001742 

 D'après une copie de l'Autographe qui appartenait à M. Griolet, et qui a été vendu à Genève en 1910, par M. Thury.

  A018001748 

 Entre les saintz projetz que Dieu inspira a Vostre Altesse tandis qu'elle fut icy, pour restablir le lustre du service divin en ces païs de deça, l'un estoit de mettre les Peres Chartreux a Ripaille, qui de tous tems ont une tres particuliere obligation et fidele affection a la coronne de Savoye, et desquelz la vie et les offices sont d'une merveilleuse edification.

  A018001763 

 Et dites-moy, ma tres chere Fille, n'aves vous pas intention d'estre a Dieu? ne voudries vous pas le servir fidelement? Et qui vous donne ce desir et cette intention, sinon luy mesme en son regard amoureux? D'examiner si vostre cœur luy plaist, il ne le faut pas faire, mais ouy bien si son cœur vous plaist; et si vous regardes son cœur, il sera impossible qu'il ne vous plaise, car c'est un cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chetifves creatures, pourveu qu'elles reconnoissent leur misere, si gracieux envers les miserables, si bon envers les penitens! Et qui n'aymeroit ce cœur royal, paternellement maternel envers nous?.

  A018001765 

 Nos imperfections ne nous doivent pas plaire, ains nous devons dire avec le saint Apostre: O moy miserable! qui me delivrera du cors de cette mort? mais elles ne nous doivent pas ni estonner ni oster le courage.

  A018001767 

 Je suis entierement vostre en Nostre Seigneur, qui vive a jamais en nos cœurs.

  A018001774 

 Ces maladies longues sont des bonnes escholes de charité pour ceux qui y assistent, et d'amoureuse patience pour ceux qui les ont; car les uns sont au pied de la croix avec Nostre Dame et saint Jean, dont ilz imitent la compassion, et les autres sont sur la croix avec Nostre Seigneur, duquel ilz imitent la Passion..

  A018001774 

 Ma tres chere Fille, qui estes aussi ma grande fille, le mesme Apostre disoit aussi, que quand il estoit infirme, alhors il estoit fort, la vertu de Dieu paroissant parfaite en l'infirmité.

  A018001774 

 Qui est celuy qui est malade, dit l'Apostre, que je ne le sois avec luy? Et nos anciens Peres ont dit la dessus, que les poules sont tous-jours affligees de travail tandis qu'elles conduisent leurs poussins et que c'est ce qui les fait glosser continuellement, et que l'Apostre estoit comme cela.

  A018001776 

 Dieu garde et benit les sorties aussi bien que les entrees de celles qui font toutes choses pour luy, et qui n'occasionnent pas leurs sorties par leurs mauvais deportemens.

  A018001777 

 Dilatés cependant vostre cœur, ma chere Fille, mon ame, parmi les tribulations; aggrandisses vostre courage, et voyes le grand Sauveur penché du haut du Ciel vers vous, qui regarde comme vous marches en ces tourmentes, et, par un filet de sa providence imperceptible, tient vostre cœur et le balance en sorte qu'a jamais il le veut retenir a soy..

  A018001780 

 En somme, apres tout, nous sommes trop heureux d'avoir pretention en l'eternité de la gloire, par le merite de la Passion de Nostre Seigneur, qui fait trophee de nostre misere pour la convertir en sa misericorde, a laquelle soit honneur et gloire es siecles des siecles.

  A018001805 

 Il est cependant fait par un cœur qui honore grandement et chérit le souvenir de notre Monseigneur.

  A018001832 

 Il y a peu de jours, je reçus de la part du bon Père D. Juste un chapelet avec la croix du bois de saint François, qui, à ce qu'il m'écrivit, m'est aussi offert par [178] vous.

  A018001832 

 Je le garderai précieusement, et en remercie humblement le cœur et la main qui me l'ont donné.

  A018001833 

 C'est pourquoi on demande à Son Altesse de daigner faire en faveur de cette œuvre de piété ce qu'elle a fait en de semblables occurrences, ratifiant le [179] contrat passé avec le Duc de Nemours ou avec ceux qui contractent en son nom; et les Sœurs supplient la Sérénissime Infante de vouloir bien recommander cette affaire, et Votre Seigneurie Illustrissime, d'intercéder pour elles, par charité..

  A018001833 

 Le Père m'écrivit aussi que si quelque occasion d'aider le monastère des Sœurs de la Visitation se présentait, je le fisse savoir à Votre Seigneurie qui servirait d'intermédiaire auprès de la Sérénissime Infante.

  A018001846 

 La Sainte Mayson de Thonon ne peut subsister che (sic) par la bonté et liberalité de Son Altesse, qui en est la fondatrice, et laquelle partant est suppliee maintenant sur divers articles desquelz la resolution et execution est necessaire pour maintenir laditte Mayson, ainsy que le sieur Gilette, present porteur, representera..

  A018001860 

 Vous pouves aussi en cueillir quelquefois au jardin des Olives, sur le mont de Calvaire (je veux dire ces bouquetz de myrrhe de vostre saint Bernard), et supplier le celeste Valentin de les recevoir de vostre cœur et d'en louer Dieu, qui est comme s'il en respandoit l'odeur, puisque vous ne pouves ni asses dignement flairer ces divines fleurs, ni asses hautement en louer la suavité.

  A018001861 

 Il me semble que ce fut saint Thomas d'Aquin que vous tirastes pour le mois: le plus grand Docteur qui aye jamais esté.

  A018001862 

 Or, parlons un peu de ce cœur de ma tres chere Fille: s'il estoit a la veuë d'une armee d'ennemis, ne feroit-il pas des merveilles, puisque la veuë et le rencontre d'une petite fille maussade et escervelee le trouble si fort? Mais ne vous troubles pas, ma tres chere Fille, il n'est point d'ennuy si importun que l'ennuy qui est composé de plusieurs petites, mais pressantes et continuelles importunités.

  A018001863 

 Je le voy bien, que par ces menues tracasseries il y a force sujetz d'exercer l'amour ou l'acceptation de nostre propre abjection: car, que dira-on d'une telle fille qui n'a point fait proffiter et n'a point bien dressé ni donné bonne action a cette petite fille? Et puis, qu'est ce que nos Seurs diront de voir que pour la moindre importunité qu'une creature nous fait, nous nous desbattons, nous nous plaignons, nous grondons? Il n'y a remede, ma tres chere Fille.

  A018001863 

 Recourés bien a l'humilité, et pour ce peu de tems que cet exercice durera, essayés-vous de la supporter en la presence de Dieu, et d'aymer cette pauvre chetifve pour l'amour de Celuy qui l'a tant aymee qu'il est mort pour elle.

  A018001908 

 Que si je n'ay pas escrit plus tost, ça esté sans ma coulpe, a cause de la multitude des bonnes occupations qui m'environnent, outre la principale des sermons..

  A018001909 

 Faites moy cependant lhonneur, je vous supplie, de perseverer a m'aymer, puisque je seray toute ma vie, et [189] de vous et de celle qui est toute vous mesme, Monsieur,.

  A018001926 

 Je n'ay point servi monsieur de Lescheraine vostre [190] filz, ains je ne l'ay mesme pas veu, ni hier quil prit la peine de venir ceans tandis que je me præparois au sermon, ni aujourd'huy qu'il m'a apporté vostre lettre, par ce qu'il n'a pas fait sçavoir son nom a celuy a qui il a parlé et que sa discretion a esté trop grande a s'en retourner, me sachant en occupation.

  A018001942 

 Tout le monde applaudit a ce dessein; nostre bonne dame la Presidente Le Blanc a une sainte ardeur pour cela, et moy j'ay une esperance tres douce que Dieu [191] benira ses intentions, si nous sommes si heureux que de nous humilier comme il faut devant luy, qui veut bien se glorifier en nostre petitesse..

  A018001960 

 Accablé des sermons et de mill'autres surcharges, je vous diray que vous pouves, a mon advis, recevoir ces filles pour soulager vostre Mayson et gratifier ceste damoyselle d'honneur qui le desire, puisqu'il ny a nul inconvenient, les personnes estant si discrettes que la discipline n'en sera point incommodee..

  A018001961 

 Encor me confirme-on que cett'esté se fera le voyage de Monseigneur le Cardinal; qui me donne esperance de vous voir.

  A018001982 

 Certes, il y a huit jours, qu'estant en un monastere pres de cette ville, je vis [195] des choses qui pouvoyent bien faire rire les huguenotz; et des Religieuses me dirent qu'elles n'avoyent jamais moins de devotion qu'a l'Office, ou elles sçavoyent de faire tous-jours beaucoup de fautes, tant faute de sçavoir les accens et quantités, que faute de sçavoir les rubriques, comme encor pour la precipitation avec laquelle elles estoyent contraintes de le dire; et que ne sachant ni n'entendant rien de tout ce qu'elles disoyent, il leur estoit impossible, parmi tant d'incommodités, de demeurer en attention.

  A018001983 

 La deuxiesme responce est qu'en la Visitation il n'y a pas un seul moment qui ne soit employé tres utilement en prieres, examen de conscience, lecture spirituelle et autres exercices..

  A018001984 

 Je m'asseure que le Saint Siege favorisera cette œuvre, qui n'est ni contre les loix, ni contre l'estat religieux, et qui luy acquiert beaucoup de maysons d'obeissance en un tems et en un royaume ou il en a tant perdu; et puisque mesme il n'y a pas tant de considerations a faire pour des maysons de filles, d'autant qu'elles ne font nulle consequence pour les autres Ordres, ni ne peuvent estre occasion de plaintes aux autres fondees sous autres statutz.

  A018001984 

 Sera-ce pas une chose digne du Christianisme qu'il y ait des lieux ou retirer ces pauvres filles qui ont le cœur fort, et les yeux ou la complexion foible?.

  A018001998 

 Mais elle passe bien plus avant, car elle dit que je ne suis pas homme, mais quelque divinité envoyee pour se faire aymer et admirer, et, ce qui importe, elle dit qu'elle passeroit bien plus outre, si elle osoit..

  A018002010 

 Cependant, le favorable accueil et les graces qu'il plaira a Vostre Grandeur de faire a ce jeun'homme qui recourt a vostre bonté, Monsieur, comme a son asyle, serviront de promesse a ceux qui sont si heureux d'estre appellés a la conversion, d'estre protegés envers ceux qui les voudroyent travailler et vexer pour ce sujet..

  A018002010 

 Monsieur, c'est pour cela que je vous ay supplié de nous faire avoir des magistratz catholiques en ce balliage de Gex, qui, par l'authorité qu'ilz possederont, pourront donner le contrepoids a la multitude et malice des ennemis de la religion du Roy et du royaume, qui sont si hardis au mal et si pleins d'artifices pour l'executer que, s'ilz ne sont retenus de main forte, ilz ne cesseront d'empescher par toutes sortes de moyens violens le progres de la conversion des ames.

  A018002025 

 Je fay en toute humilité action de graces a Vostre Altesse de la lettre qu'ell'a escritte a monsieur le Marquis de Lans affin qu'il mit ordre a faire payer les curés d'Armoy, de Draillens, qui de si long tems estoyent en extreme disette et prestz a qui ter leurs charges si je ne les eusse soulagés..

  A018002026 

 J'espere, Monseigneur, que ledit seigneur Marquis effectuera l'intention de Vostre Altesse, ainsy qu'il m'a asseuré a mon retour de Grenoble; et ne me reste qu'a la supplier tres humblement de vouloir tous-jours ainsy proteger les affaires du service de Dieu, qui en suite multipliera ses graces sur la vie et la personne de Vostre [200] Altesse Serenissime, a laquelle je fay tres humblement la reverence, et delaquelle,.

  A018002039 

 Mais quel moyen, je vous prie, a cet abord, parmy ce flux et reflux de visites, et quelque affaire que j'ay treuvé pour Piedmont et Italie? Certes, je n'ay esté que deux fois voir nos cheres Seurs, qui font fort bien.

  A018002042 

 Le nous et nostre ne me deplaist pas, et toutefois il [202] faudra le moderer en sorte que par trop grande habitude de parler ainsy on ne rende pas les defautz, pechés, imperfections communs et les confessions inintelligibles aux confesseurs estrangers; et partant, il semble quil suffiroit de dire nous et nostre de tout ce qui est vrayement commun, comme: nostre chambre, nostre chapelet, nostre travail, nostre Seur, nostre Mere, nostre exercice; car on peut bien dire: Je n'ay pas fait nostre exercice du matin, je n'ay pas esté a nostre disner, j'ay pensé dans nostre lict, et semblables..

  A018002046 

 Je parlay a M. Carra, qui ne presse nullement la reception de sa fille, et luy est indifferent que ce soit ou un jour ou un autre.

  A018002049 

 Je croy fermement que ma Seur Barbe Marie, m'ayme singulierement, et n'a pas tort, ni aussi madame de Granieu, qui m'est a la verité precieuse..

  A018002051 

 Faites vous hardiment communiquer les lettres que j'ay escrit a ma Seur Barbe Marie, car il y en a, a mon advis, qui sont bien bonnes.

  A018002052 

 En somme, je me repose en vous comme a moy mesme pour bien faire mes honneurs et mes amours envers ces benites ames qui m'ayment pour l'amour de Nostre Seigneur..

  A018002054 

 Vives toute en la vie et en la mort de Celuy qui vit pour nous faire mourir a nous mesme, et est mort pour nous faire vivre a luy mesme.

  A018002058 

 J'ay receu la lettre que vous m'escrives, du 22 de ce mois, allant donner la derniere benediction a madame la procureuse fiscale qui a perdu tout sentiment..

  A018002071 

 Et a la verité, puisque Dieu peut et sçait tirer le bien du mal, pour qui fera-il cela, sinon pour ceux qui, sans reserve, se sont donnés a luy? Ouy, mesme les pechés, dont Dieu par sa bonté nous defende, sont reduitz par la divine-Providence au bien de ceux qui sont a luy.

  A018002071 

 La premiere que je souhaite au vostre, c'est celle de saint Paul: Tout revient au bien de ceux qui ayment Dieu.

  A018002073 

 Et qu'aves vous a craindre, qui estes fille d'un tel Pere, sans la providence duquel pas un seul, cheveu de vostre teste ne tombera jamais? C'est merveille qu'estant filz d'un tel Pere, nous ayons ou puissions avoir autre soucy que de le bien aymer et servir.

  A018002073 

 La seconde maxime, c'est qu'il est vostre Pere; car autrement il ne vous commanderoit pas de dire: Nostre Pere qui estes au ciel.

  A018002074 

 La troysiesme maxime que vous deves avoir, c'est celle que Nostre Seigneur enseigna a ses Apostres: Qu'est ce qui vous a manqué? Voyes vous, ma chere Fille, Nostre Seigneur avoit envoyé les Apostres ça et la, sans argent, sans baston, sans souliers, sans besace, revestus d'une seule soutane, et il leur dit par apres: Quand je vous ay ainsy envoyés, quelque chose vous a-elle manqué? Et ilz luy dirent: Non.

  A018002075 

 Il commanda a saint Pierre de marcher sur les eaux; et saint Pierre voyant le vent et l'orage, eut apprehension, et l'apprehension le fit enfoncer, et il demanda secours a son Maistre, qui luy dit: Homme de peu de foy, pourquoy as-tu douté? Et luy tendant la main, il l'asseura.

  A018002076 

 Peu m'importe qui je suis parmi ces momens passagers, pourveu qu'eternellement je sois en la gloire de mon Dieu.

  A018002078 

 Ce qui n'est pour l'eternité.

  A018002081 

 Ceux qui sont piqués des espines de la couronne de Nostre Seigneur, qui est nostre chef, ne sentent guere les autres piqueures..

  A018002097 

 Comme vous sçaves, mon cher Pere, la Mere qui gouverne cette nouvelle trouppe a si bien appris a loger au mont de Calvaire, que tout autre logis terrestre luy semble encor trop beau.

  A018002097 

 Elle n'a donq nul sentiment du refus, sachant bien que les pelerines qui devront avoir retraitte en ce logis, n'y devant habiter que la nuit de cette petite vie, seront, Dieu aydant, si attentives a tirer païs dans le beau sejour de leur cité permanente, que le reste leur sera indifferent..

  A018002097 

 Et puis, elles sçavent qu'il n'est pas hors de propos que les fideles espouses de Celuy qui n'eut jamais ni logis ni ou reposer son chef en ce monde ne soyent pas logees a leur commodité.

  A018002098 

 Il faut avoir patience: Qui seminant in lachrymis, in exultatione metent.

  A018002109 

 Or, faites le donq courageusement et pour l'amour de Celuy qui, pour vostre amour, a bien souffert la mort..

  A018002124 

 Si moins, je feray mon voyage a Saint Brocard, et allant ou revenant, je prendray la consolation de voir cette grandement tres chere Fille, que mon ame ayme tres singulierement, et avec elle, ces autres cheres filles qui l'environnent..

  A018002163 

 Vous vous resouviendres bien de ce que vous me dites de M. de Grenier et de ses lettres; j'ay sceu que c'est, et m'est advis que c'est si peu de chose, que si vous n'en pouves parler fort doucement et imperceptiblement, il ne seroit presque pas bon d'en rien dire, de peur d'effaroucher cette pauvre fille qui se promet tant de consolation de vostre veue; et peut estre les termes generaux suffiront, sil ne se presente d'autre biais bien propre pour venir aux particuliers..

  A018002166 

 Et puis, cette methode de se desfaire du gentilhomme que vous sçaves, engendrera elle pas indubitablement [220] des querelles, puisque il s'est declairé de sa pretention a M. de Chantal et a moy, a qui mesme il a monstré l'escrit? En somme, il arrive souvent en ce monde que les roses se convertissent en espines..

  A018002166 

 Que je suis en peine, ma tres chere Mere, de crainte que nostre mariage, dont nous nous promettions tant de consolation, ne se rompe; car de ne pas communiquer tres clairement et sans replys toutes les difficultés quil y a, a M. de Chantal et a Monseigneur de Bourges, il ny a point d'apparence; et de les leur communiquer, il y a toute apparence que Monseigneur de Bourges se rebutera de voir que cette terre dont on avoit parlé ne soit pas terre, ains une mayson seulement; que mesme on ne la veuille donner que pour apres le trespas, et non aux noces; que l'argent n'est pas exigeable pour estre colloqué a propos des affaires que l'on a, et que l'on veuille tant de pompe, que deux ou trois mille escus ne suffiront pas: de sorte que rien ne demeure qui puisse bien contenter son esprit que vous connoisses, sinon la fille, que tout le monde avoüe estre digne d'amour.

  A018002167 

 Et neanmoins, si on fait 24 mille qui soyent franchement et clairement asseurés et recevables, quant a l'argent, selon la necessité des affaires de M. de Chantal, je pense que l'on devra passer outre.

  A018002167 

 J'ay pensé que je devois escrire un mot a M me Lyotart, laquelle je ne nie pas qu'elle ne me dit qu'elle ne vouloit pas donner cette piece, qu'ell'appelloit terre, qu'hors du contract de mariage: dequoy je me remis, comme des autres particularités, a ce qui seroit avisé entre vous, comme peu expert en telles affaires.

  A018002181 

 En suite de quoy, comme je conseille a madame de Chantal de ne point s'arrester a la diminution des esperances que nous avions des biens, aussi vous conjure-je, Madame, d'apporter de vostre costé tout ce qui peut faciliter et rendre douce et aggreable l'execution d'une si bonne [222] œuvre, et de prendre la methode la plus claire et franche.

  A018002181 

 J'ay sceu par une lettre de madame de Chantal, que le desirable mariage qui fut conclu en mon logis se treuvoit plein de difficultés en l'esclaircissement des articles particuliers; et je confesse que, le croyant si convenable et propre au contentement des parties et de leurs amis, je ne puis m'empescher d'en estre en peyne.

  A018002194 

 Et les effectz de ce veritable tesmoignage en seront mes garens; qui me fait le proferer hardiment, priant au reste la divine Bonté qu'elle face abonder Vostre Grandeur en benedictions, et demeurant,.

  A018002227 

 Cependant, aymes tous-jours constamment, Monsieur mon Frere, celuy qui, a jamais, sans cesse et sans reserve, est et veut estre.

  A018002255 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait à M. l'abbé Pettex, curé de Marignier, près Bonneville (Haute-Savoie)..

  A018002261 

 Pour moy, ma chere Fille, je n'escris a ce coup qu'a vous, car je m'imagine que la bonne Mere sera partie, [227] et ce porteur est un personnage qui fait profession d'estre des grandes connoissances de monsieur vostre mary et ne me donne que ce moment pour vous escrire..

  A018002262 

 Mais que vous diray-je? Ceux qui n'ont qu'une volonté et qu'un cœur, c'est a dire, ceux qui pour tout ne cherchent que le divin amour celeste et que la volonté et le cœur du Sauveur regnent, ilz sont inseparables.

  A018002275 

 Oh! ce grand Dieu qui est propice aux cœurs de bonne [228] volonté, soit a jamais la vie du vostre, ma tres chere Fille, et du mien, qui est vostre et ne cesse jamais de vous souhaiter cette sainte vie de l'amour celeste..

  A018002277 

 Vives, ma tres chere Fille, et soyes toute a Dieu, qui m'a rendu et fait vivre tout vostre.

  A018002290 

 Cependant, salues cherement tout ce qui est plus cher a mon ame dans vostre Grenoble.

  A018002317 

 Je vous diray, Madame, mais aussi, s'il vous plait, ma tres chere Fille, qu'il est impossible de n'avoir pas des ressentimens de douleur en ces separations; car, encor qu'il semble que les unions qui ne tiennent qu'au cœur et a l'esprit ne soyent point sujettes a ces separations exterieures, ni aux desplaysirs qui en procedent, si est ce que, tandis que nous sommes en cette vie mortelle, nous les sentons, d'autant que la distance des lieux empesche la libre communication des ames, qui ne peuvent plus s'entrevoir ni s'entretenir que par cet office des lettres.

  A018002317 

 Mays pourtant, ma tres chere Fille, il y a bien dequoy vivre content en la tressainte dilection que Dieu donne aux ames unies a mesme dessein de le servir, puisque le lien en est indissoluble, et que rien, non pas mesme la mort, ne le peut rompre, demeurant eternellement ferme sur son immuable fondement, qui est le cœur de Dieu, pour lequel et par lequel nous nous cherissons..

  A018002318 

 Que si de m'escrire souvent de ce qui regarde la vostre vous sert de consolation, comme vous me le signifies, faites le eonfidemment, car je vous asseure que la consolation sera bien reciproque.

  A018002329 

 Or sus, il n'y a remede; ç'a esté le beni mariage de madamoyselle de Chavannes, qui en fin reüscira, comme je pense..

  A018002329 

 Vrayement le serein d'hier ni le vent ne m'ont fait aucun ennuy, ma tres chere Mere; mais ouy bien l'accablement d'aujourd'huy qui m'a empesché d'aller saluer vostre cher cœur en presence, nonobstant le juste empressement du mien; je veux dire de vous aller voir moy mesme, qui en avois tant de desir.

  A018002338 

 Or sus, nous nous res-jouissons, certes, avec vous, et de tout nostre cœur, de ce mesme bonheur que nous estimons grand; mais nous avons sceu cette heureuse nouvelle a tastons, ramassant ça et la les asseurances que nous en avions parmi le bruit qui s'en faysoit; car ni Monsieur, ni aucun de sa part, ni nul homme du monde ne nous en a donné aucun advis.

  A018002352 

 Que nous serons heureux, ma tres chere Mere, si nous changeons un jour n.ostre nous mesme a cet amour qui, nous rendant plus un, nous vuidera parfaitement de toute multiplicité, pour n'avoir au cœur que la souveraine unité de la tressainte Trinité, qui soit a jamais benite au siecle des siecles! Amen.

  A018002361 

 Nous sommes tous-jours esperant et attendant la reddition de nostre Verceil, laquelle devroit il y a long tems estre faite, selon la rayson et les promesses, mais qui ne devroit pas estre si tost attendue, selon l'honneur de celuy qui tient la ville, qui expres, dit on, ne la veut pas faire selon les articles et a point nommé, affin que l'on ne puisse pas dire que c'est par l'authorité du Roy qu'il fait ce dernier accomplissement de la paix.

  A018002362 

 Ouy mesme, je le puis dire, sur le sujet de l'image qu'on vous porte, laquelle, vuide d'ame et de cœur, [236] et n'estant que vaine representation d'un homme qui n'est que vanité, prevaut sur moy, qui desirerois bien d'aller en presence aupres de vous pour vous offrir de vive voix mon tres humble service et jouir de l'honneur de vostre veùe.

  A018002378 

 Prenes la peine ou de lire, ou de vous faire lire si vos yeux ne peuvent fournir a cela, le septiesme Livre du Traité de l'Amour de Dieu, et vous y treuveres tout ce qui vous sera necessaire de connoistre de l'orayson..

  A018002379 

 Mays, ma tres chere Fille, estant une fois resolue de cela, ne vous amuses point, au tems de l'orayson, a vouloir sçavoir ce [238] que vous faites et comme vous pries; car la meilleure priere ou orayson, c'est celle qui nous tient si bien employés en Dieu que nous ne pensons point en nous mesmes, ni en ce que nous faysons.

  A018002380 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, marches fidelement au chemin auquel Dieu vous a mis; ayes bien soin de contenter saintement celuy quil vous a associé et, comme une petite mouche a miel, en faysant soigneusement le miel de la sacree devotion, faites encor bien la cire de vos affaires domestiques; car si l'un est doux au goust de Nostre Seigneur, qui estant en ce monde mangea le beurre et le miel, l'autre aussi est a son honneur, puisque il sert a faire les cierges allumés de l'ædification du prochain..

  A018002381 

 Dieu, qui vous a pris par la main pour vous mettre au chemin de sa gloire, vous conduira, ma tres chere Fille.

  A018002399 

 Mays croyes bien reciproquement, mon tres cher Pere, que mon esprit correspond tres exactement au vostre pour ce regard, et que je suis tres indissolublement et invariablement vostre, sans reserve ni exception quelcomque; mais voyes vous, je dis vostre, en sorte que mon cœur en cela n'a point de sentiment qui n'y consente..

  A018002410 

 Il me semble que vous pourres luy respondre en peu de paroles quant a ce qui regarde la grace, en luy disant que en la grande presse qu'on vous a donnee, pour laquelle vous n'avies nul loysir d'attendre sa response, vous aves pris advis de ceux que vous aves jugé vous le pouvoir donner; et que, en fin, selon leur conseil, vous aves fait ce que vous aves fait, marrie que vous seres si elle l'a a contrecœur; et qu'elle excuse vostre simplicité, et n'impute toute cette procedure qu'au manquement d'experience es telles occurrences (car en somme, ma tres chere Fille, il faut affoiblir la passion de cette seur ainsy par humilité et douceur); qu'il ny a d'empesché que ceux qui se treuvent en la meslee, et les filles n'auront ni honneur [242] ni deshonneur en tout ceci, car on sçaura tous-jours que ce sont des filles.

  A018002425 

 Je croy que nostre seur qui est en Piemont n'eut pas fait ainsy, mays elle ne peut pas gouverner tout; la pauvre chere seur Religieuse a fait selon sa condition.

  A018002425 

 Tout cela reviendra a bien, moyennant la grace de Dieu, a laquelle je recommande vostre ame qui m'est chere comme la mienne propre..

  A018002450 

 Ce qui me fait vous supplier tres humblement, Monsieur mon Filz, d'avoir quelque soin de luy, affin que l'on voye que ceux qui abandonnent cette fause religion pour embrasser celle du Roy et du royaume, qui est la seule vraye religion, ne sont pas abandonnés de ceux qui tiennent les meilleurs rangs au service du Roy et de la coronne..

  A018002479 

 Certes, je croy pourtant qu'il n'en peut [248] plus, car, comme un plaideur qui a mauvaise cause, il ne sçait plus que faire, sinon caler et prendre des delais..

  A018002480 

 Certes, asses entre sur la mer qui entre dans un vaysseau qui est a l'emboucheure du Rosne, prest a singler et faire voyle..

  A018002493 

 Je vous escris, ma tres chere Fille, a mesme que je vay monter sur le bateau pour aller visiter un monastere de Religieux reformés desquelz pour le present j'ay charge; mais ce gentilhomme, qui est et mon parent et mon grand amy, allant vers M. le Mareschal, il faut a quel prix que ce soit qu'il vous porte de mes nouvelles, puisque mesme il reviendra et m'en pourra rapporter des vostres.

  A018002493 

 Or, je respons a vos deux derniers billetz, lesquelz, comme tout ce qui vient de vous, m'ont donné une consolation nompareille.

  A018002494 

 Or bien, c'est a vos seules aureilles, qui escoutent si delicatement, que sans dire mot il parle, vous remettant en imagination ce que je disois lorsqu'en chaire je vous representois la volonté de Dieu, qui est vostre sanctification.

  A018002494 

 Vray Dieu, ma tres chere Fille, que sera ce quand nous verrons aeternellement la face du Pere eternel en elle mesme, puisque le portrait mort et muët d'un chetif homme res-jouit le cœur d'une fille qui l'ayme? Mays, ce me dites vous, ce portrait n'est pas muët, car il parle a vostre esprit et luy dit des bonnes paroles.

  A018002496 

 Ne vous mettes nullement en peine de n'avoir pas la memoire si tenante en la recherche de vos fautes, car ce n'est pas le manquement de memoire qui desplait a Dieu, c'est le manquement de volonté; et, graces a sa Bonté celeste, vous ne manques pas en ceci..

  A018002499 

 Je salue la chere Mere de dela, qui est bien ma fille, et nos Seurs et nos Novices, et toute cette Mayson la.

  A018002514 

 Outre l'extreme desir que j'ay tous-jours eu de voir une resolution au maniment des affaires de la Sainte Mayson, par laquelle tous ceux qui y servent a Dieu puissent vivre avec plus de tranquillité qu'on n'a pas fait jusques a present, monsieur le Marquis de Lans me convie a m'employer a cela, s'offrant de son costé de contribuer toute son authorité et son pouvoir.

  A018002532 

 Cette lettre vous est estroittement recommandee, ma tres chere Fille, par celuy qui l'a escritte en chemin, allant d'icy en Bornand; car quant a moy, je ne vous dis rien pour le present, sinon que je feray response a ces bons Peres desquelz vous m'envoyastes les lettres.

  A018002533 

 Cependant, demeures tous-jours toute en Dieu, qui, a la verité, a conduit nostre esprit pour le sujet de la bonne M me Liotard.

  A018002544 

 La Congregation des Cœlestins, agitee maintenant en France de quelque contention, espere que la venue [255] de son Abbé general, qui est de plus commis expressement par nostre Saint Pere le Pape, calmera et accoysera aysement leur petite mer; mais sur tout, si l'œil de Vostre Majesté en favorise le dessein..

  A018002562 

 Madame [de] Brochenu, sa tante, me dit a Grenoble qu'elle desiroit [qu'on] la renvoyast en la Mayson de Grenoble, estimant [que l'air] luy seroit plus propre; c'est pourquoy il ny [aura pas] grande difficulté de la renvoyer, en disant [que ce] n'est pas l'air, mais la volonté de cette fille [qui l']afflige.

  A018002596 

 Ce porteur m'a fort obligé par la peine qu'il a prise de me venir voir, mais encor plus par le soin qu'il a eu de me dire de vos nouvelles, puisqu'elles sont toutes bonnes, et qu'avec cela, pour me donner plus de gloire et de contentement, il m'a dit que vous avies souvent memoire de moy; car je confesse franchement que ce bonheur m'est grandement praetieux, selon l'extreme affection que je sens en mon ame a cherir et honnorer singulierement la vostre qui m'est tous-jours presente, je vous asseure, au moins en mes principales prieres, qui sont celles de la sainte Messe.

  A018002613 

 Je ne seray jamais celuy qui vous ostera vostre pain quotidien tandis que vous seres bien obeissante.

  A018002613 

 Je veux dire, ma tres chere Fille, que vous communiies hardiment tous-jours, quand ceux a qui vous vous confesses diront oüy, outre les Communions ordinaires que je vous ay marquees..

  A018002615 

 Ainsy me semble il que je suis tous-jours avec vostre cœur et avec celuy de cette chere Mere, et que nos cœurs s'entretiennent les uns aux autres, ains ne sont qu'un cœur qui, de toute sa force, veut aymer Dieu, et ne s'ayme qu'en Dieu et pour Dieu.

  A018002615 

 Je suis bien ayse que vous ayes une parfaite confiance a la Mere de dela, car je croy qu'elle vous sera utile, et c'est une Mere qui est toute ma tres chere fille et en laquelle j'ay toute confiance aussi; et sans cette confiance je luy escrirois plus souvent, mais je m'en dispense, comme je feray de vous a qui j'escris maintenant par rencontre, et j'en suis bien ayse.

  A018002616 

 Et je cesse de vous escrire davantage, malgré mon inclination, pour aller penser comment elle mourut d'amour et comme ell'est coronnee de son amour au Ciel, pour en parler demain a mon cher peuple de cette ville qui s'y attend..

  A018002655 

 Quant au reste, je m'en remets à la grande prudence de notre Père Prévôt, présent porteur; je remercie aussi Votre Paternité de nous l'avoir donné et de nous avoir envoyé ces nouveaux Pères qui sont si aimables.

  A018002668 

 O ma Fille, il le faut tenir haut eslevé ce cœur, et ne permettre point qu'aucun accident de secheresse, d'empressement ou d'ennuy l'estonne, puisque, encor que cela le puisse esloigner de la consolation sensible de la charité, il ne le peut toutefois esloigner de la veritable charité, qui est la souveraine grace de Dieu envers nous pendant cette vie mortelle..

  A018002696 

 Je ne vous rendis onques aucun tesmoignage de l'honneur que je vous porte, ni de l'estime que je fay de vostre amitié; mais la faveur que vous m'aves faite de m'asseurer de vostre assistance es occasions, me promet que vous me la departires au sujet qui s'en presente..

  A018002697 

 Et il n'y a moyen d'en rien avoir, ains faut qu'ilz despensent beaucoup par empruntz, pour solliciter inutilement ce qui est deu si justement..

  A018002697 

 Mays pour tout cela, non plus que pour trente pareilles promesses, rien ne se fait, ains finalement Son Excellence a declaré qu'il n'y avoit pas moyen; qui me fait de rechef hurter a la providence de sadite Altesse.

  A018002698 

 Et les parroisses en seront soulagees, car elles payeront plus a commodité, et les curés asseurés, tant de ce qui leur est deu et qu'ilz doivent reciproquement [269] ailleurs ou ilz ont emprunté, que de ce qui leur doit ci apres estre payé pour leurs pensions..

  A018002698 

 Nous la supplions donq d'assigner nostre payement sur les tailles ordinaires des mesmes parroisses, avec commandement a la Chambre de faire descharger les païsans d'autant, et jusques a la concurrence de ce qui nous est deu.

  A018002699 

 Mais encor, s'il n'y a de bonnes clausules derogatoires, courrions nous fortune de n'avoir rien, tant sommes nous favorisés en nos poursuites, pour justes qu'elles soyent! Ce que je dis, non pour me plaindre de la Chambre, qui est certes marrie de nous voir maltraitter non obstant les arrestz qu'elle a rendus pour nous contre les gabelliers, mais pour vous supplier, Monsieur, de ne rien oublier es depesches, affin que nous vous soyons, et ces curés et moy, de plus en plus obligés.

  A018002704 

 Monsieur, je n'ay pas creu de devoir importuner monsieur Boschiz par une lettre en cette occasion, estimant de devoir en cela espargner son loysir et me contenter de le supplier, par vostre entremise, de [me] tenir pour son tres obligé serviteur, qui se promet sa faveur et en cette occurrence et es autres, pour sa bonté..

  A018002717 

 Quod sane mihi gratissimum fuit, qui nimirum eam semper, ut Dei misericordiæ ac gratiæ magis consentaneam, veriorem ac amabiliorem existimavi, quod etiam tantisper in libello de Amore Dei indicavi..

  A018002734 

 Depuis longtemps j'aimais, bien plus, je vénérais votre personne et votre nom, mon [271] Père; non seulement à cause de l'estime que je fais toujours de tout ce qui tient à votre Compagnie, mais encore à cause des œuvres remarquables de Votre Révérence, dont j'ai d'abord entendu parler, et qu'ensuite j'ai vues, examinées, admirées..

  A018002736 

 Comme il arrive [272] en ces occasions, je n'ai pu qu'y jeter rapidement les yeux; cela m'a suffi pour me rendre compte que Votre Paternité y embrasse et soutient cette doctrine, qui a pour elle l'antiquité, le charme propre et le pur sens de l'Ecriture, de la prédestination à la gloire en suite de la prévision des œuvres.

  A018002750 

 Je chantay, l'autre jour, la victoire avant le triomphe, quand je vous escrivis que nous estions d'accord avec les Peres de Saint Dominique; car, comme le contract a esté dressé, il (sic) n'ont pas volu tenir parole, de sorte quil faudra marcher dans les termes de la justice, laquelle si ell'est un peu bien administree, ilz [274] se repentiront d'avoir refusé dix mille florins de ce qui n'en vaut pas cinq cens.

  A018002751 

 Cependant, tenes moy continuellement en vostre cœur, comme un homme qui est parfaitement vostre et ne sera jamais que vostre, et vostre d'une façon nompareille..

  A018002752 

 Je seray bien ayse si je puis avoir la Regie de saint Augustin, d'Italie, car j'ay celle des Augustins de France, outre la latine qui est en ses Œuvres; et qui pourroit avoir les Constitutions des Angeliques, [275] elles serviroyent beaucoup.

  A018002766 

 Ces pauvres gens de la Vald'Aux, comme esperdus d'une ruine presente qui les accable, n'ont sceu ou se jetter a refuge qu'aux pieds de Vostre Altesse.

  A018002766 

 Et certes, je ne voy nullement qu'une main moins forte et un (sic) providence moins paternelle que la vostre, Monseigneur, les puisse garentir; car je pense qu'ilz n'ont a se plaindre principalement que de leur malheur, contre lequel rien ne peut leur donner allegement que le bonheur d'estre regardés en pitié de Vostre Altesse, a laquelle Dieu, qui void leur extreme misere, inspirera, comm'ilz esperent, quelque moyen favorable pour les retirer de ce gouffre.

  A018002795 

 Certes, mon tres cher Frere, ces amitiés sacrees que Dieu a fait sont independantes de tout ce qui est hors de Dieu..

  A018002795 

 Entre les incertitudes du bienaymé voyage qui nous devoit assembler pour plusieurs moys, Monsieur mon tres [279] cher Frere, je ne regrette rien tant que de voir differer le bonheur que nos cœurs se promettoyent de se pouvoir entretenir a souhait sur leurs saintes pretentions; mais le monde et tous ses affaires sont tellement sujetz aux loix de l'inconstance, qu'il nous en faut souffrir l'incommodité, tandis que nos cœurs disent: Non movebor in æternum.

  A018002796 

 J'espere d'aller faire dans quelques jours un peu de saint repos aupres de luy, qui est nostre commun phœnix, pour odorer les bluettes de cinnamome dans lesquelles il veut mourir, pour plus heureusement revivre parmi les [280] flammes de l'amour sacré duquel il escrit les saintes proprietés dans une histoire qu'il compose..

  A018002797 

 Mays, qui vous a peu dire que nos bonnes Seurs de la Visitation ont esté traversees pour leurs places et bastimens? O mon cher Frere, Dominus refugium factus est nobis; Nostre Seigneur est le refuge de leurs espritz, ne sont elles pas trop heureuses? Et comme nostre bonne Mere, toute vigoureusement languissante, me dit hier, si les Seurs de nostre Congregation sont bien humbles et fideles a Dieu, elles auront le cœur de Jesus, leur Espoux crucifié, pour demeure et sejour en ce monde, et son palais celeste pour habitation eternelle..

  A018002798 

 Je dis ceci a vostre cœur seulement, car j'ay fait resolution de ne rien dire de celle qui a entendu la voix du Dieu d'Abraham: Egredere de terra tua, et de cognatione tua, et de domo patris tui, et veni in terra quam monstravero tibi.

  A018002798 

 Or, il me reste de la recommander a vos prieres, parce que les frequens assautz de ses maladies nous donnent souvent des assautz d'apprehension, bien que je ne cesse d'esperer [281] que le Dieu de nos peres multipliera sa devote semence comme les estoilles du ciel et le sablon qui se voici sur l'arene des mers..

  A018002799 

 Toutefois c'est a vous, a qui toutes choses sont disables, puisque vous aves un cœur incomparable en dilection pour celuy qui, avec un amoureux respect, vous proteste qu'il est incomparablement,.

  A018002811 

 J'ay un Chapitre autant bien qualifié qu'il se peut dire; c'est pourquoy, outre le devoir que j'ay au service de Dieu et de l'Eglise, j'en ay un bien particulier a mes Chanoynes, qui, par un asses rare exemple, ne sont qu'un cœur et qu'un'ame avec moy au soin de ce [282] diocæse.

  A018002831 

 Ni je ne vous remercieray pas du bon accueil que vous aves fait a monsieur le President Crespin, soit que vous l'ayes fait selon la generosité de vostre esprit, qui vous est naturelle, soit que vous l'ayes fait selon la bienveuillance que vous me portes, de laquelle l'habitude est passee meshuy en nature par la multitude de l'exercice que vous en faites continuellement.

  A018002831 

 Seulement vous diray je que je prie Dieu d'en estre le remunerateur, luy qui en est l'autheur en vous..

  A018002834 

 Pour moy, je ne sçay encor si j'iray a Paris ou non, cette incertitude dependant de celle du voyage de Monseigneur le Prince Cardinal et de celle qui est ordinaire es cours; ou, pour ne point mentir, je ne dis rien, [284] sinon peut estre qu'il est vray, et peut estre que non.

  A018002846 

 Vous ne sçauries, je vous asseure, Madame, m'escrire trop souvent, ni donner du divertissement a mes occupations par vos lettres, qui plus tost me soulagent par la consolation que j'ay de sçavoir des nouvelles de vostre cœur qui m'est extremement cher, et que je prie de tout le mien de vouloir continuer sa charité envers mon ame, la recommandant souvent a Nostre Seigneur; comme de mon costé je ne cesseray jamais de vous souhaiter la tressainte perseverance, avec un continuel accroissement en l'amour celeste de sa divine Majesté, qui est le comble de tout bonheur, Demeurés en paix, ma tres chere Fille, et benisses de plus en plus la Bonté divine qui vous veut toute pour elle..

  A018002861 

 Vous faites certes tres charitablement, ma tres chere Fille, de m'escrire souvent, car en verité, vos lettres me consolent et recreent extremement, puis que Dieu a voulu que mon cœur soit si paternel qu'il ne se peut dire plus, pour vous, qui estes reciproquement ma fille tres desirable es entrailles de nostre Sauveur.

  A018002863 

 Je vous escris sans loysir et seulement pour respondre a vostre petit billet; un'autre fois que j'auray plus de commodité, je respondray a vos deux precedentes, et qui sçait si dans le moys prochain je passeray a Grenoble? J'en ay certes quelqu'esperance: soit fait selon le bon playsir de Dieu.

  A018002876 

 Outre le desir que j'ay de me ramentevoir souvent en vostre bonne grace, ce bon Pere Capucin, qui est grandement de mes amis, m'en a reveillé la volonté quand il m'a dit qu'il alloit expres voir cette saintete (sic) solitude en laquelle beneplacitum est Deo habitare in ea; et que particulierement il desiroit de vous bayser les mains, poussé de la renommee qu'il a pleu a Dieu que vous ayes, qu'il honnore avec inclination comm'estant du voysinage du lieu de vostre naissance..

  A018002892 

 Ainsy, ces bons et devotz ecclesiastiques s'en revont promeuz aux saintz Ordres, marri que je suis que une quantité d'occupations qui me sont survenues en ces deux jours ne m'ayent permis de les caresser a mon gré, selon l'affection que je porteray toute ma vie a tous ceux qui me seront recommandés de Vos Excellences, que je prie Dieu vouloir combler de [288] benedictions, et sa tressainte Mere de les conserver sous sa douce protection, qui suys tres cordialement,.

  A018002917 

 Mays tenes bien comte, car en somme, je suis homme qui ne veux rien perdre..

  A018002917 

 Qui auroit le loysir d'y mettre un autre rideau, il ne la connoistroit pas, ou bien qui en osteroit le boys pour la luy rendre plus portable.

  A018002939 

 Et bien que cette mesme consideration me deut retenir de vous importuner, si est ce qu'en l'occasion que ledit sieur Desplans vous represente pour le secours des Chanoynes de mon Eglise, je ne laisseray pas de vous supplier de nous estre favorable a tous, affin que les uns soyent aydés, et moy consolé de les voir un peu assistés et delivrés de pauvreté, vous asseurant, Monsieur, que vous obligeres force gens d'honneur et qui ont affection [292] de marcher de bien en mieux au service de Dieu; et en mon particulier, j'en demeureray a jamais,.

  A018002966 

 Ces honorés Pères Visiteurs des Barnabites ont trouvé chez moi un très particulier souvenir des faveurs reçues de Votre Seigneurie Illustrissime; et comme ils m'ont dit que vous aviez quelque [293] connaissance de notre langue française, je vous adresse en toute humilité ce discours ou harangue faite par le cardinal du Perron, œuvre très belle, si je ne me trompe, pour la vivacité du génie qui la caractérise.

  A018002966 

 Si je puis trouver à Paris, où je vais accompagner le Prince cardinal de Savoie, quelque oraison funèbre de feu le cardinal du Perron, je ne manquerai pas d'en faire part à Votre Seigneurie Illustrissime, qui, je n'en doute point, aura pour agréable d'apprendre les particularités de la mort très heureuse et pleine de piété de ce grand homme et Prélat..

  A018003013 

 Ma vedendomi adesso tirato in Parigi, per servire il Serenissimo Prencipe Cardinale nostro in questo viagio di Francia, io perdo ogni sorte di speranza di scrivere, et massime che detta historia richiede di esser scritta da [298] huomo che possa saper moltissime particolarità che io non posso cognoscere nè intender qui, et molto meno in Francia..

  A018003024 

 Mais me voyant maintenant appelé à Paris pour servir notre Sérénissime Prince Cardinal en ce voyage de France, je perds tout espoir de le faire, d'autant plus que l'histoire dont il s'agit requiert [298] un écrivain qui soit à même de savoir beaucoup de particularités que je ne puis connaître ni apprendre ici, et moins encore en France..

  A018003025 

 Pardonnez-moi donc si je ne sers votre Paternité en cette occasion qui cependant m'eut été si agréable, et voyez que la seule impossibilité m'en empêche.

  A018003038 

 Je vous prie que de l'argent qui viendra entre vos mains, qui m'appartiendra, vous delivries a madame la collaterale Flocard, six florins pour la Jeanne Peloux de Geneve; autres trois florins pour la Gautier, et trois pour la Jaquemine de Bœuf; et a la Janine, trois pour la Marguerite de Grenoble, et quatre pour la femme de Maleteste..

  A018003075 

 C'est moy qui veux respondre, Monsieur mon tres cher Frere, puisque c'est a moy a qui lhonneur dont vous parles a nostre frere s'addresse.

  A018003090 

 La Madre dunque, per providentia particolare d'Iddio, si trovô in strada et giunta in Borges quando ricevei il memoriale del Serenissimo Prencipe; et cosi, da Borges verrà, come credo, qui in Parigi per fundar un Monasterio, perchè se bene la morte del Cardinale Perrone mette un poco de difficoltà alle dispositioni che egli vi haveva messe, tuttavia vedo che poco a poco [305] vanno disparendo.

  A018003094 

 Essendo giunti a Orleans, incontrati da monsieur de Betune et di Modena, siamo stati duoi giorni per [307] riposare un poco, et ivi, il giorno di tutti Santi, Sua Altezza fece la santissima Comunione, et poi, a piccole giornate, siamo venuti qui; et non si può dire con quanto honore fu ricevuta Sua Altezza, nè quanto fosse il popolo che venne fuori per vederla, nè si è veduto, di memoria d'huomo, tanta concurrentia per entrata de Prencipe.

  A018003095 

 Et quanto a Sua Altezza Serenissima, ella ha tanti servitori qui partiali che non si possono numerare, et le lodi sue si publicano ognora..

  A018003095 

 Non si può dire poi in che concetto sia qui il nostro Prencipe magiore; tutti lo chiamano specchio de Principi in bontà verso li popoli, in pietà, in fortessa et in summa in tutte le parti che si possono desiderare.

  A018003096 

 Ma ho torto, perchè so che si mandaranno rilationi particolarissime di tutto il viagio et de tutte le cose successe qui.

  A018003116 

 Il me dit en chemin qu'il voulait me parler de ce qui concerne Votre Illustrissime Seigneurie, mais il ne l'a pas fait jusqu'à présent; je ne crois pas même qu'il le puisse de si tôt, occupé comme il l'est par les affaires qui toutes retombent sur ses bras et sur ceux de M. le Marquis votre frère..

  A018003118 

 Arrivés à Orléans, accueillis par MM. de Béthune et de Modène qui étaient venus à notre rencontre, nous arrêtâmes deux [307] jours pour nous reposer un peu; là, Son Altesse fit la sainte Communion pour la fête de la Toussaint, puis, à petites journées, nous vinmes jusqu'ici.

  A018003118 

 Le Roi, la Reine, Monsieur frère du Roi, Madame l'aînée et Madame la cadette firent ensuite grande fête à Son [308] Altesse, mais le Roi surtout qui, au dire de tous les siens, a donné des marques extraordinaires de joie..

  A018003119 

 Madame l'ainée est accomplie, la majesté et la bonté sont empreintes sur ses traits; elle est grande pour son âge et met une grâce incomparable à accueillir, avec une modestie et une gravité singulière, ceux qui l'approchent.

  A018003120 

 Mais j'ai tort [de vous en écrire si long], sachant qu'on doit envoyer des relations détaillées du voyage et de tout ce qui s'est passé.

  A018003149 

 Nous avons icy la cour, cela m'oste beaucoup de mon loysir d'escrire a mon gré; mais ma grande Fille se contentera bien aussi de lire dans mon cœur de loin, que je suis parfaitement sien en Celuy qui, pour estre nostre et affin que nous fussions siens, voulut bien mourir pour nous.

  A018003149 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, donnes tous les momens de vostre vie avec un grand soin a Celuy qui vous prepare son amiable eternité..

  A018003157 

 Je salue vostre cœur de tout le mien et vous prie d'aymer tous-jours bien ce vieux pere qui vous cherit, certes, de tout son cœur de plus en plus, ma tres chere Fille, et se res-jouit d'apprendre que, graces a Dieu, cette Mayson la s'advance en humilité, douceur, paix et amour divin.

  A018003159 

 Je vous escris selon mon sentiment present, car il faut que j'escrive ainsy a l'ame de ma tres chere Fille, priant Dieu qu'il la face sainte, et moy aussi, qui suis tant esloigné de ce bonheur..

  A018003160 

 Croyes moy, Dieu void volontier ce qui est mesprisé, et la bassesse aggreee luy fut tous-jours aggreable.

  A018003161 

 Ma tres chere Fille, je vous salue d'un esprit qui est inseparablement vostre..

  A018003173 

 Au surplus, Monseigneur, je ne sçaurois exprimer avec combien de grace Monseigneur le Cardinal se comporte en cette cour, et combien il est adroit a mesler la qualité de grand Prince que sa naissance luy a donnee, avec celle de tres digne Cardinal que sa profession luy fait tenir, alliant admirablement bien la franche et generale courtoysie, qui est si desiree et estimee de cette nation, avec la modestie et bienseance qui y est si pretieuse, comme par tout le monde..

  A018003185 

 Croyes, ma tres chere Fille, que le trespas de ce cousin et l'apprehension des regretz de la chere cousine m'ont vivement touché; mays parmi tout cela, Dieu soit [316] beni qui, par sa providence, reduit toutes choses au proffit des siens..

  A018003186 

 Nous aurons au moins la plus vertueuse Princesse qui vive..

  A018003188 

 Icy, nous avons beaucoup de peine a faire reuscir l'establissement de la Congregation et crains grandement qu'il ne soit differé, bien que c'est merveille de la quantité des ames qui desirent en estre..

  A018003216 

 Je suis icy jusques a Pasques; et croyes moy, ma tres chere Fille, puisqu'il le faut, j'y suis de bon cœur, mais d'un cœur qui se plairoit grandement d'estre parmi nos petitesses et dans mon païs.

  A018003228 

 Il est luy seul nostre paix, nostre consolation et nostre gloire: que reste-il, sinon que nous nous unissions de plus en [320] plus a ce Sauveur, affin que nous portions bon fruit? Ne sommes nous pas bien heureux, ma chere Mere, de pouvoir enter nos cœurs sur celuy du Sauveur qui est enté sur la Divinité? car ainsy, cette infiniment souveraine Essence est la racine de l'arbre, duquel nous sommes les branches, et nos amours les fruitz: ç'a esté le sujet de ce matin..

  A018003231 

 Il y va bien du tems avant que nous soyons du tout despouillés de nous mesmes et du pretendu droit de juger ce qui nous est meilleur, et de le desirer.

  A018003231 

 J'admire le petit Enfant de Bethlehem, qui sçavoit tant, qui pouvoit tant, et, sans dire mot quelcomque, se laissoit manier, et bander, et attacher, et envelopper comme on vouloit..

  A018003231 

 Quand sera ce que nous ne voudrons rien, ains laisserons entierement le soin a ceux a qui il appartient de vouloir pour nous ce qu'il faut? Mais il n'y a remede: la propre volonté est bridee par l'obeyssance, et toutefois on ne peut l'empescher de regimber et faire des caprices; il faut supporter cette infirmité.

  A018003243 

 Certes, je ne sçaurois refuser mon consentement a vos desirs; mais usons un peu de temperament, je vous supplie, qui m'oste le blasme d'estre un peu trop facile en un sujet ou il y a danger d'outrecuydance..

  A018003243 

 Je vous ay tesmoigné par mes lettres que je prendrois a faveur de me nommer vostre frere, qui est le mot du plus franc et desirable amour de tous ceux que la nature nous a donné et que la grace nous ordonne.

  A018003244 

 Il est vray, l'affection que j'auray pour vous tiendra rang, puisqu'il vous plait, de paternelle, a cause de sa force et constance, et de fraternelle, pour sa confiance et privauté; et, comme que ce soit, « la charité esgale ceux qui l'ont » avec tant d'art, qu'ilz sont entre eux freres, peres, meres, enfans.

  A018003254 

 D'autre part, elles portent des manifestations de certaines choses que Dieu declare fort rarement: comme, l'asseurance du salut æternel, la confirmation en grace, le degré de sainteté de plusieurs personnes, et cent autres choses pareilles qui ne servent tout a fait a rien; de sorte que saint Grrgoire ayant esté interrogé par une dame d'honneur de l'Imperatrice, qui s'appelloit Gregoire, sur l'estat de son futur salut, il luy respondit: « Vostre douceur, ma Fille, me demande une chose qui est esgalement et difficile et inutile.

  A018003254 

 En tout ce que j'ay veu de nostre Seur Marie Constance, je ne treuve rien qui ne me face penser qu'elle [323] soit fort bonne fille, et que partant il la faut aymer et cherir de tres bon cœur.

  A018003255 

 Il y a plus: que quand Dieu se veut servir des revelations qu'il donne aux creatures, il fait preceder ordinairement ou des miracles veritables, ou une sainteté tres particuliere en ceux qui les reçoivent.

  A018003255 

 Or, de dire qu'a l'advenir on connoistra pourquoy ces revelations se font, c'est un pretexte que celuy qui les fait prend pour eviter le blasme des inutilités de telles choses.

  A018003256 

 Il y eut du tems de la bienheureuse Seur Marie de l'Incarnation, une fille de bas lieu qui fut trompee [324] d'une tromperie la plus extraordinaire qu'il est possible d'imaginer.

  A018003256 

 Quand elle portoit l'aumosne a la porte, il multiplioit le pain dans son tablier, de sorte que, si elle ne portoit de pain que pour trois pauvres et il s'en treuvoit trente, il y avoit pour donner a tous tres largement, et d'un pain fort delicieux, duquel son confesseur mesme, qui estoit d'un Ordre tres reformé, envoyoit ça et la parmi ses amis spirituelz, par devotion.

  A018003257 

 Et quant au bon Pere qui semble les approuver, il ne faut pas le rejetter ni disputer contre luy, ains seulement tesmoigner que, pour espreuver tout ce traffiq de revelations, il semble bon de le mespriser et n'en tenir conte.

  A018003260 

 Playsante histoire d'une de mes parentes, de laquelle le mary estant mort en Piemont, s'estant imaginee qu'il l'avoit laissee grosse, elle demeura en cette imaginaire grossesse quatorze mois, avec des imaginaires douleurs et des imaginaires sentimens des mouvemens de l'enfant, et a la fin cria tout un jour et toute une nuit parmi des tranchees imaginaires d'un imaginaire enfantement; et qui l'eust creuë a son serment, elle eust esté mere sans faire aucun enfant..

  A018003261 

 La similitude apportee pour l'explication du mystere de la sainte Trinité est bien jolie, mays elle n'est pas hors de la capacité d'un esprit qui se complaist en ses propres imaginations..

  A018003274 

 J'escris a monsieur le Curé affin qu'il ne remue rien ni contre M. Jaquin, ni contre M. Paris jusques a mon retour, qui sera, Dieu aydant, soudain apres Pasque..

  A018003276 

 Reste, mon Reverend Pere, qu'il vous playse de vous treuver avec les trois ou quatre ecclesiastiques que je marque en la lettre que j'escris a M. le Curé, pour faire un advis de ce qui sera necessaire estre fait pour Sessi, Grilly, Chevry, Versoex, Thuery; et j'escris un billet a monsieur Rogex affin qu'il face des provisions selon cela, ayant creance que je ne sçaurois mieux faire que de suivre si bon conseil..

  A018003300 

 De tout mon cœur, Madame, je me treuveray ou vous me marques et quand vous me marques, et ne refuse pas la commodité de vostre carosse, puisque je n'en ay point que de ceux qui me favorisent; parmi lesquelz vous estes, je vous asseure, l'une des ames a laquelle je souhaite plus cherement, tendrement et fortement toute sorte de sainte consolation, estant sans fin et sans reserve,.

  A018003314 

 En quelles occurrences pouvons nous faire les grans actes de l'invariable union de nostre cœur a la volonté de Dieu, de la mortification de nostre propre amour et de l'amour de nostre propre abjection, et en somme, de nostre crucifixion, sinon en ces si aspres assautz? Ma tres chere Mere, vous ay-je pas souvent intimé la nudité de toutes les creatures, pour se revestir de Nostre Seigneur crucifié? Or sus, Dieu sera au milieu de vostre cœur, qui vous affermira, et j'espere [332] qu'il conduira ce filz a bon port et que vous aurés encor la consolation interieure de le sçavoir..

  A018003315 

 Je me porte fort bien, et je pense qu'aujourdhuy on resoudra sur nostre affaire, qui a esté grandement agité.

  A018003315 

 Plus je vay avant en la connoissance du monde, plus j'estime heureux ceux qui sont a Jesuschrist, quoy qu'ilz endurent pour luy..

  A018003316 

 J'ay eu un certain engourdissement de jambes, qui passe, et ne m'a nullement empesché d'aller et faire tout ce que j'ay volu.

  A018003317 

 J'avois grand desir de voir Monseigneur nostre Archevesque, mais puis qu'il ne vient pas, je me res-jouis en la consolation que vous aves de sa presence et luy bayse tres humblement les mains, et salue de tout mon cœur nos tres cheres Seurs; qui suis infiniment, ainsy que vous sçaves, ma tres chere Mere, vous mesme, en une façon incomparable tout vostre..

  A018003328 

 L'aymant attire le fer, l'ambre attire la paille et le foin: ou que nous soyons fer par dureté, ou que nous soyons paille par imbecillité, nous nous devons joindre a ce souverain petit Poupon, qui est un vrai tire cœur..

  A018003328 

 Mais voyes combien amoureusement il a escrit vostre nom dans le fond de son divin cœur, qui palpite la sur la paille pour la passion affectueuse qu'il a de vostre avancement, et ne jette pas un seul souspir devant son Pere auquel vous n'ayes part, ni un seul trait d'esprit que pour vostre bonheur.

  A018003330 

 Combien de fois arrive il que nous disons des bonnes choses parce que quelque bonne ame nous les impetre? Ne presche elle pas asses, et avec cet advantage, que n'en sçachant rien elle ne s'en enfle point? Nous ressemblons aux orgues, ou celuy qui met le souffle fait en verité le tout et n'en porte point la louange.

  A018003358 

 M'en remettant à ce qu'on apprendra par lui-même, je dirai seulement à Votre Illustrissime Seigneurie, que je ne manquerai pas de faire tout ce qui me sera possible auprès de Son Excellence M. le Comte, afin qu'il seconde votre pieux désir.

  A018003358 

 [336] Et vraiment, Son Excellence me favorise d'une confiance toute particulière, ce qui me fait espérer pouvoir quelque chose sur elle..

  A018003359 

 Votre Seigneurie Illustrissime fait bien de remettre entre les mains de Dieu ce qui concerne le P. D. Juste; et puisqu'il n'est pas au courant du fait... S'il s'élevait quelque calomnie, la divine Providence la fera bientôt cesser, car c'est ainsi qu'elle agit d'ordinaire avec ses serviteurs..

  A018003360 

 De grâce, que votre chère âme ne se laisse pas troubler par des scrupules touchant le vœu que vous avez fait d'être Religieuse; car, qui ne diffère le paiement que pour payer en meilleure monnaie ne doit pas être appelé mauvais payeur, surtout lorsque le jour ni le temps n'ont pas été fixés.

  A018003379 

 Or sus, c'est Dieu qui veut ainsy mettre nostre cœur au sec; ce n'est donq pas une rigueur, c'est une douceur..

  A018003389 

 C'est pourquoy, ma tres chere Fille, nous serons tous-jours ensemble et mon cœur sera [toujours] inseparable du vostre, puisque, graces a Dieu, nous n'avons [qu'une] volonté, qui est d'accomplir la sienne selon nostre petitesse, abjection et misere.

  A018003391 

 Je participe par ressentiment au mal que monsieur vostre mari souffre et a la peine que vous en aves, parmi laquelle nostre tres sacree Maistresse et Abbesse vous peut bien donner de la consolation, vous menant sur la montaigne de Calvaire ou elle tient le noviciat de son monastere, monstrant la leçon non seulement de bien souffrir, mais de souffrir amoureusement tout ce qui nous arrive, et a nos plus chers.

  A018003392 

 Nostre Mere se porte bien a Bourges, et croy qu'elle viendra icy avant Pasques, puisque il y a de l'apparence qu'on y fera un Monastere, bien que jusques a present il y ayt eu des grandes traverses du costé de l'esprit mondain, qui a tous-jours un peu de credit, mesme parmi les gens de bien, [si qu'il faut être] grandement sur ses gardes.

  A018003412 

 O Dieu, ma tres chere Fille, que c'est une leçon digne d'estre bien entendue, que cette vie ne nous est donnee que pour acquerir l'eternelle! Faute de cette connoissance, nous establissons nos affections en ce qui est de ce monde dans lequel nous passons; et quand il le faut quitter, nous sommes tout estonnés et effrayés..

  A018003413 

 Croyés moy, ma chere Fille, pour vivre content au pelerinage, il faut tenir presente a nos yeux l'esperance de l'arrivee en nostre patrie, ou eternellement nous arresterons; et ce pendant croire fermement (car il est vray) que Dieu qui nous appelle a soy regarde comme nous y allons, et ne permettra jamais que rien nous advienne que pour nostre plus grand bien.

  A018003413 

 Il sçait qui nous [343] sommes, et nous tendra sa main paternelle es mauvais pas, affin que rien ne nous arreste.

  A018003414 

 Ne prevenes point les accidens de cette vie par apprehension, ains prevenes les par une parfaite esperance qu'a mesure qu'ilz arriveront, Dieu, a qui vous estes, vous en delivrera.

  A018003414 

 Que deves vous craindre, ma tres chere Fille, estant a Dieu, qui nous a si fortement asseurés qu' a ceux qui l'ayment tout revient a bonheur? Ne pensés point a ce qui arrivera demain, car le mesme Pere eternel qui a soin aujourd'huy de vous, en aura soin et demain et tous-jours: ou il ne vous donnera point de mal, ou s'il vous en donne, il vous donnera un courage invincible pour le supporter..

  A018003415 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille; ostés de vostre imagination ce qui vous peut troubler, et dites souvent a Nostre Seigneur: O Dieu, vous estes mon Dieu, et je me confieray en vous; vous m'assisteres et seres mon refuge, et je ne craindray rien, car non seulement vous estes avec moy, mais vous estes en moy, et moy en vous.

  A018003415 

 Que peut craindre l'enfant entre les bras d'un tel pere? Soyés bien un enfant, ma tres chere Fille; et, comme vous sçaves, les enfans ne pensent pas a tant d'affaires; ilz ont qui y pense pour eux; ilz sont seulement trop fortz s'ilz demeurent avec leur pere.

  A018003427 

 L'autre, qui est a mon gré une brave et digne femme, par ce que voulant meshuy essayer si nous pourrons faire reuscir nostre dessein sans ce bon seigneur, qui, a la verité, est incomparable a tenir les affaires en longueur, nous aurons grandement besoin d'elle et de sa conduite qui est tres bonne..

  A018003427 

 Nous ne vous envoyerons pas encor ni l'une ni l'autre de ces dames: l'une, qui est la mariee, par ce qu'elle ne [345] veut donner que cinq cens francz de pension, se sous-mettant, quant au reste, que sa fille de chambre estant espreuvee, si elle n'est propre a demeurer on la puisse chasser; et pour ses moyens, bien qu'elle ne se determine a rien, si me semble-il qu'elle se laissera conduire.

  A018003428 

 Ce sera eternellement mon sentiment qu'on ne laisse jamais de recevoir les filles infirmes en la Congregation, sinon que ce fut des infirmités marquees aux Regles, telle que n'est pas celle de [cette] fille qui n'a point d'usage de ses jambes, car, sans jambes, on peut faire tous les exercices essentielz de la Regie: obeir, prier, chanter, garder le silence, coudre, manger, et sur tout avoir patience avec les Seurs qui la porteront, quand elles ne seront pas prestes et promptes a faire la charité; car il faudra souvent qu'elle supporte celles qui la porteront, si l'esprit de dilection ne les porte.

  A018003428 

 Si donq ell'a de quoy nourrir celles qui la porteront, je ne voy rien qui doive empescher sa reception, si elle n'est point estropiee de cœur; ains je l'ayme, la pauvre fille, de tout mon esprit.

  A018003430 

 En Piemont et Savoye on a fait des allegresses incroyables les festes de Noel, lors que le Prince eut receu les couleurs des faveurs ou les faveurs de couleurs de Madame; et le Prince publia un cartel pour un tournois general, auquel il invite toute l'Italie a venir voir mourir a ses pieds tous ceux qui diront que l'amarante n'est pas la plus belle de toutes les couleurs, et la Princesse qui favorise cette couleur, la plus digne qui est (sic) jamais esté, et quechevalier qui est son esclave n'est pas le plus heureux du monde.

  A018003431 

 Qui luy pourroit persuader que la douceur et courtoysie est incomparablement plus honnorable que la violence et fierté, le mettroit au chemin de faire des merveilles.

  A018003431 

 Somme toute, je feray tout mon pouvoir pour le filz de ma tres chere Mere, le frere de ma tres chere seur, et le neveu d'un tel oncle qui m'en escrit..

  A018003432 

 Ce qui tient en peine M. de Forax, c'est premierement qu'il ne sçait ou aller prendre la finale conclusion de son mariage, ou de sa prćtention, puisque madamoyselle de Chantal n'est pas aupres de vous, et que, ni elle sans vous, ni vous sans elle ne feres rien.

  A018003433 

 Mon engourdissement de jambes n'est rien de douloureux, ni qui m'empesche de marcher des que j'ay fait dix ou douze pas.

  A018003436 

 Je m'en vay faire response a Monseigneur nostre Archevesque, et puis a M me du Puys d'Orbe qui m'a envoyé homme expres.

  A018003452 

 J'en parleray ou il faudra, et feray tout ce qui sera en moy.

  A018003453 

 Nous treuvons treze mille escus d'or et quinze cens francz de revenu pour commencer; de sorte que nous allons travailler a bon escient, et la bonne fille M me de Gouffier va revoir toutes les dames qui doivent estre de la partie, pour estre bien asseurés de l'affaire..

  A018003454 

 Chacun n'est pas de la bonté de nostre Monseigneur l'Archevesque, car on veut reconsiderer nos Regles, et chacun y treuve son adire, qui d'une façon, qui d'un'autre.

  A018003454 

 Nous sommes reduitz a cette proposition, qu'on recevra dans les Audriettes nos Seurs, a la charge qu'elles recevront des filles, des l'aage de 14 a 15 ans, qui ont besoin de se retirer pour faire choix de leur vocation, lesquelles seront en un quartier a part, ou deux ou trois des Seurs les gouverneront; et pendant le tems qu'elles demeureront, ne sortiront point et vivront en obeissance, en attendant que Dieu leur envoye l'inspiration ou quelque parti.

  A018003454 

 Voyci maintenant mon [351] sens: je leur laisseray faire le projet, et si es particularités de la besoigne il y a chose qui repugne, on refusera; car ce sera asses tost quand ilz me parleront clair, ce que jusques a present ilz n'ont pas fait.

  A018003455 

 Peut estre aurons nous besoin de la faveur de monsieur le Grand pour tesmoigner des qualités de monsieur le Baron de Chantal, affin que non seulement il entre au service du Prince, mais qu'il entre d'abord en qualité qui le puisse contenter et messieurs ses parens; mais je croy que M. le Grand le fera volontier.

  A018003457 

 Je salue tres cherement ma Seur Anne Marie, ma Seur Marie Marthe, ma Seur Anne Catherine, ma Seur Helene, ma Seur... Je vous asseure que je ne treuve pas [352] maintenant les autres qui sont avec vous, car je les vis si vistement a Lyon que je ne l'observay pas.

  A018003468 

 Mais il faut que si les Seurs n'ont pas la confiance de demander a parler a luy, luy mesme l'ayt de demander de parler a elles quelquefois, et sil ne l'avoit pas, il faut que vous la luy donnies, si c'est un Pere qui la puisse recevoir; car, comme il faut pourvoir d'une juste liberté aux Seurs pour la communication, aussi les faut-il retenir dans la regie de la simplicité et humilité; et n'est pas raysonnable que la foiblesse de quelques unes face multiplier les confessions extraordinaires a toute la Congregation, et mette en tristesse et ennuy le pauvre confesseur ordinaire.

  A018003468 

 Pour le point que vous me marques, il ne faut nullement alterer la regie du confesseur extraordinaire; ni aussi estonner ce (sic) Seurs infirmes qui ont appetit d'avoir communication avec le confesseur extraordinaire plus souvent que quatre fois l'annee.

  A018003468 

 [354] Celles donq qui voudront communiquer extraordinairement, qu'elles le facent en esprit d'une douce liberté, et qu'elles se confessent, sil [leur] plait, en communiquant, sans solliciter les autres au mesme desir et sans les forcer par menees a les imiter..

  A018003508 

 Ayant bien veu la lettre que vous me donnastes aux [357] Benedictins, j'ay certes ressenti grandement la peine de celle qui me l'a escritte, non que pour cela je la voye en aucun danger, mais par ce qu'ell'est affligee; et j'ay tant de part en elle qu'il est impossible que son affliction ne m'afflige.

  A018003508 

 Graces a Dieu, ma tres chere Fille, qui esprouve cet'ame, comme j'espere, pour la bien affiner en l'amour de son abjection et en la mortification de sa propre estime..

  A018003520 

 Dieu, qui voit que nous ne venons pas a Paris pour nous faire voir, mais affin de faire voir a sa Bonté plusieurs ames s'acheminer purement a son saint service, nous aydera.

  A018003533 

 Et aggiungo a V. S. la consolatione di San Francesco, che adesso non havendo più il padre temporale, potrà più schiettamente [dire]: Pater noster, qui es in cœlis, a nome del quale Padre celeste io ho cominciato a chiamar V.S.: Figliuola mia dilettissima.

  A018003547 

 Bien que je l'eusse vu quelques heures avant sa mort, je ne fus cependant pas présent au suprême passage, dont personne ne s'aperçut, sauf mon frère qui eut le bonheur de lui donner la dernière bénédiction..

  A018003547 

 Depuis lors, quand j'allais le voir, il me parlait avec un amour plein de révérence pour la dignité dont je suis revêtu, quoiqu'indigne; ce qui montrait bien sa religion.

  A018003548 

 Et pour Votre Seigneurie, j'ajoute la consolation de saint François; maintenant, n'ayant plus de père temporel, vous pourrez dire avec plus de vérité: Notre Père, qui êtes aux cieux.

  A018003548 

 Je ne sais pas les particularités du testament, quoique j'aie été témoin de l'approbation qui en fut donnée par le notaire..

  A018003562 

 En somme donq, vous aures, le Samedi saint, un carrosse a Orleans, qui y arrestera le jour de Pasques, passé lequel vous pourres partir et venir.

  A018003566 

 Ma chere Mere, prenons nouveau courage, ou plustost renouvelions nostre ancien courage pour faire merveilles au service de Dieu et de nostre bienaymee petite Congregation qui est toute sienne..

  A018003588 

 Parce que l'autre jour je vous vis en peine pour Dorothee, j'ay creu que je devois vous donner advis [366] qu'hier, revenant du Louvre tout de nuit, je treuvay ceans des Peres Benedictins qui me dirent qu'une jeune fille s'estoit peu auparavant addressee a eux pour me faire sçavoir que Dorothee estoit detenue par force chez madame de la Trimouille, qui l'avoit mise entre les mains de deux ministres, et que ce matin ilz la vouloyent emmener, et non obstant toutes les resistances qu'elle faysoit.

  A018003589 

 Demain j'auray le bien de vous voir, sil plait a Dieu, et ce pendant, je prie sa divine Majesté qu'elle vous comble de ses plus favorables benedictions, qui suis,.

  A018003604 

 L'enfant ne perira jamais, qui demeurera entre les bras d'un Pere qui est tout puissant.

  A018003607 

 Je ne manqueray pas d'imprimer un singulier amour pour vostre personne en cette Congregation, specialement au cœur de madame de Chantal, vous asseurant que je desire grandement que vous soyes toute comblee de cette pure charité qui vous rende a jamais aymable a Dieu et a toutes les creatures qui le servent.

  A018003619 

 Ayant passé toute la matinee a Saint Germain et deux heures qu'au chemin qu'en chaire, et un'heure et demi avec des dames qui me sont venu voir apres le sermon, j'ay treuvé le bon M. Berger qui ira voir M. le grand Vicaire, pour luy annoncer et faire treuver bon le jour auquel vous commenceres a paroistre, estimant que ce compliment estoit necessaire.

  A018003619 

 Elle dit plus: que l'hostel du Cardinal de Guyse, qui est proche de cette mayson, nous sera encor vendu si nous voulons.

  A018003619 

 Or, elle m'a dit enfin quil failloit prendre la mayson qui est pres de l'hostel de Guise et qui est, ce dit elle, a madamoyselle de Creil; et qu'elle la nantira d'une rente qu'elle respondra de valoir 24 mille escus, dont par apres vous luy tiendres conte a commodité, ce qu'elle veut donner detrait.

  A018003652 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait chez les PP. Missionnaires de Saint-François-de-Sales d'Annecy.

  A018003679 

 Et ne croyés nullement que j'aye cette cogitation que vous recherchies l'excellence du personnage, car, bien que cette sorte de pensee est grandement convenable a ma misere, si est ce qu'en telles rencontres elle ne me vient pas; ains au contraire, il n'y a peut estre rien qui soit plus capable de m'acheminer a l'humilité, admirant que tant de serviteurs et servantes de Nostre Seigneur ayent une si grande confiance en un esprit si imparfait comme est le mien.

  A018003680 

 C'est donq ce meschant esprit qui, a jamais privé d'amour sacré, voudroit empescher que nous jouissions des [378] fruitz de celuy que le Saint Esprit veut estre prattiqué entre nous, affin que, par les reciproques communications saintes, nous ayons moyen de croistre en sa celeste volonté..

  A018003681 

 Il est malaysé, ma tres chere Seur, de treuver des espritz universelz qui puissent esgalement bien discerner en toutes matieres: aussi n'est il pas requis d'en avoir de telz pour estre bien conduit, et n'y a point de mal, ce me semble, de recueillir de plusieurs fleurs le miel qu'on ne peut pas treuver sur une seule.

  A018003697 

 Je ne vous sçaurois asseurer de mon sejour en cette ville, par ce que devant faire mon retour a la suite de Madame sœur du Roy, nostre Princesse, je seray obligé de partir quant et elle, qui partira sur la fin de ce moys, comme l'on dit.

  A018003697 

 Vous pourres tous-jours, quand vous voudres, nous faire sçavoir de vos nouvelles, addressant vos lettres icy, a Maurice des Melliers, valet de chambre de monsieur [le] Comte de Moret, qui est de nos voysins de Thorens; ou bien mesme a Rouen, a monsieur l'advocat Monet, qui est de la Bonneville.

  A018003715 

 Mays croyes moy, je vous supplie, que quand il y seroit, nous n'en aurions rien davantage, ni par la voye de Madame, qui ne demande rien en matiere d'affaires que ce que Monseigneur son mari luy suggere de demander; et il ne veut rien toucher, ni d'une sorte ni d'autre, a ce qui doit estre pris des mains de Son Altesse.

  A018003733 

 Vous seres souvent parmi les enfans de ce monde qui, selon leur coustume, se moqueront de tout ce qu'ilz verront ou penseront estre en vous contre leurs miserables inclinations.

  A018003735 

 C'est peu de chose de plaire a Dieu en ce qui nous plaist: la fidelité filiale requiert que nous luy voulions plaire en ce qui nous desplaist, nous remettans devant les yeux ce que le grand Filz bienaymé disoit de soy mesme: Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mays pour faire la volonté de Celuy qui m'a envoyé; car aussi n'estes vous pas chrestienne pour faire vostre volonté, mais pour faire la volonté de Celuy qui vous a adoptee pour estre et sa fille et son heritiere eternelle..

  A018003736 

 Conserves la sainte gayeté cordiale qui nourrit les forces de l'esprit et edifie le prochain..

  A018003746 

 Moy je me porte bien, et hier je n'eu nulle peine, sinon en la si longue attente qu'on fit faire aux auditeurs, qui me donna certes de l'inquietude, et m'osta un peu l'asseurance; mays, comme vous sçavés, ces choses-la sont de peu de consideration en moy qui suis certes tous-jours de plus en plus vostre en Nostre Seigneur..

  A018003765 

 Je ne sçay pourquoy je vous escris si largement; c'est mon cœur qui ne se lasse pas de parler au vostre, mais il faut [390] que je finisse pour entrer au bain, puisque je suis entre les mains du medecin..

  A018003775 

 La bonne madame de Saint George fait elle mesme par lettre ses excuses a Vostre Altesse, dequoy elle ne s'est [391] peu mettre en chemin pour suivre Madame; mays elle n'a pas l'asseurance de nommer la cause de son retardement, par ce qu'elle est extraordinaire pour elle qui, n'ayant peu devenir grosse en tant d'annees de son mariage, a rencontré ce contentement en celle ci, comme plus heureuse pour la benediction des noces.

  A018003787 

 La seule necessité de mon Eglise me dispense de ce respect, pour vous supplier, comme je fay tres humblement, de vouloir retirer la connoissance du different qui est entre maditte Eglise et les sieurs habitans de Sessel par devant vous, au tems et au lieu qu'il vous plaira de marquer.

  A018003787 

 Non que nous voulions vous donner l'importunité d'assister a la meslee des allegations qui se feront de part et d'autre, mais seulement nous souhaiterions que l'affaire se passast en lieu ou vous puissies, en un mot de vostre authorité, determiner ce qui sera jugé convenable par ceux a qui il vous plaira de donner le soin de voir le droit et le juste; autrement, Monsieur mon Filz, il ny a nul moyen de finir cette conteste, laquelle toutefois est de consequence pour le repos des ames des uns et des autres..

  A018003788 

 Et bien que je nomme ces deux lieux, ce n'est pas pour prsevenir vostre volonté, ains seulement pour tesmoigner qu'y ayant en l'un et en l'autre des gens dignes de creance, il sera peut estre plus a propos d'y faire venir des parties qui ont besoin d'estre rangees par l'advis de juges de qualité, et sur tout par vostre commandement..

  A018003789 

 Et tandis, je prie Dieu, Monsieur mon tres cher Filz, qu'il vous comble de toute parfaite prosperité avec tout ce qui vous est plus cher, et suis invariablement, d'un cœur paternellement passionné,.

  A018003806 

 O que bienheureux est l'esprit de celuy qui ne void que ces deux objetz, dont l'un le ravit a la dilection souveraine, et l'autre le ravale a l'abjection extreme! car, que pouvoit dire ce grand hermite, en un lieu ou il n'avoit que Dieu et luy, sinon: « Qui estes vous, Seigneur, et qui suis-je? ».

  A018003819 

 Voyla en substance ce que j'en appris hier de la Mere Superieure, laquelle me nomma son autheur, bien digne de foy; mais parce qu'il n'est pas du Conseil, je m'addressay hier a M. de Pierrevive, qui, je m'asseure, me donnera plus de clarté..

  A018003831 

 Dites cependant a cette fille bienaymee que je vous ay tant recommandee et que j'ay tant a cœur, que je persevere a luy dire que Dieu la veut tirer a une excellente sorte de vie; dont elle doit benir cett'infinie Bonté qui l'a regardee de son œil amiable.

  A018003832 

 Dites luy, ma tres chere Fille, qu'elle ne doit en sorte quelcomque penser si elle sera des ames basses ou des hautes, ains qu'elle suive la voye que je luy ay marquee, [399] et qu'elle se repose en Dieu; qu'elle marche devant iceluy en simplicité et humilité; qu'elle ne regarde point ou elle va, mais avec qui elle va.

  A018003833 

 Dites luy qu'elle communie hardiment en paix, avec toute humilité, pour correspondre a cett' Espoux (sic), qui, pour s'unir a nous, s'est aneanti et suavement abaissé, jusques a se rendre nostre viande et pasture, de nous qui sommes la pasture et viande des vers. O ma Fille, qui se communie selon l'esprit de l'Espoux s'aneantit soymesme et dit a Nostre Seigneur: Masches moy, digeres moy, aneantisses moy et convertisses moy en vous.

  A018003836 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, et recommandes souvent a sa Bonté l'ame de celuy qui, d'un'affection invariable, est tout dedié a la vostre..

  A018003856 

 Bien que je n'aye aucun autre sujet d'escrire a Vostre Altesse, si est ce que ayant prié ce gentilhomme, mon ami, et qui est grandement affectionné a la Mayson de Vostre Altesse, de luy faire la reverence de ma part, je luy donne ces quatre lignes pour gage, et en toute humilité je demeure,.

  A018003870 

 Mais toutefois, je ne laisse pas de croire fort asseurement et de dire constamment que, nonobstant cette admirable et amiable clarté de l'Escriture es choses necessaires a salut, l'esprit humain ne treuve pas tous-jours le vray sens d'icelle, ains peut errer, et d'effect erre tres souvent en l'intelligence des passages les plus clairs et les plus necessaires a l'establissement de la foy: tesmoins les erreurs lutheriennes et les livres calvinistes, qui, sous la conduitte des peres de la pretendue reformation, demeurent en une contention irreconciliable sur l'intelligence des paroles de l'institution de l'Eucharistie; et se vantant l'un et l'autre parti d'avoir soigneusement et fidelement examiné le sens de ces paroles par le rapport de la conference des autres passages de l'Escriture, et le tout adjusté a l'analogie de la foy, demeurent neanmoins contraires en l'intelligence des paroles de si grande importance..

  A018003871 

 Ainsy firent jadis tous les heretiques, qui tous ont eu pretexte de mieux entendre l'Escriture et de vouloir reformer l'Eglise, cherchans en vain la verité hors du sein de l'Espouse a laquelle l'Espoux celeste l'avoit confiee, comme a une fidele depositaire et gardienne, qui la distribueroit aux chers enfans du lict nuptial qui est et sera a jamais sans macule..

  A018003871 

 C'est l'Esprit de Dieu, Monsieur, qui nous a donné l'Escriture, et c'est le mesme Esprit qui en donne le vray sens, et ne le donne qu'a son Eglise, colomne et appuy de verité; Eglise par le ministere de laquelle ce divin Esprit garde et maintient sa verité, c'est a dire le vray sens de sa Parole; et Eglise qui seule a l'infallible assistance de l' Esprit de verité, pour bien, deuëment et infalliblement treuver la verité en la Parole de Dieu.

  A018003871 

 Si que, qui cherche la verité de cette celeste Parole hors de l'Eglise qui en est la gardienne, ne la treuvera jamais; et qui la veut sçavoir autrement que par son ministere, en lieu de la verité, il espousera la vanité; et en lieu de la certaine clarté de la Parole sacree, il suivra les illusions de ce faux ange, qui se transfigure en ange de lumiere.

  A018003872 

 C'est donq cela que je vous dis en substance, Monsieur, qui n'est ni de loin ni de pres contraire a la doctrine des saintz Peres allegués par monsieur de Mornay au livre qu'il vous pleut m'envoyer hier au soir, et que je vous renvoye ce matin, avec remerciement et protestation que je desireray continuellement de pouvoir, par quelqu'heureuse occasion, tesmoigner,.

  A018003885 

 Je remercie tres humblement Vostre Altesse du soin qu'il luy a pleu de prendre de m'advertir du retour de monsieur Carron, et attendray cependant les commandemens qu'elle me fera pour les affaires qui regardent Monsieur le Duc de Nemours, qu'on m'asseure devoir revenir icy samedi avec Madame sa femme, que l'on dit estre grosse..

  A018003891 

 Monseigneur, j'ay veu madame de Saint George de la part de Vostre Altesse, a qui elle bayse tres humblement les mains et luy fait la reverence, avec action de graces de la souvenance qu'ell' a eu d'elle..

  A018003902 

 Aujourdhuy j'ay veu M me la Comtesse de Soyssons, qui a receu avec accueil la supplication que je luy ay faite de recevoir la petite Congregation en sa protection, et m'a dit qu'on s'addressat a elle en toutes occurrences..

  A018003903 

 Ce matin j'ay eu un'emotion de ventre qui m'a retenu au logis.

  A018003903 

 Et ayant pensé a ce que vous me dites des habitz et de la demande qui s'en fait, j'incline qu'on la retranche; mays nous verrons.

  A018003903 

 Il faut præparer tout ce qui sera requis pour la profession, et pour cela j'iray demain a quelque heure concerter avec vous.

  A018003915 

 Ayant sceu la peine en laquelle se treuve le sieur collateral de Quoëx, detenu es prisons de Chamberi pour la somme d'environ mille ducatons, esquelz il a esté condamné par quelques uns des seigneurs senateurs et maistres des Comptes a ce deputés specialement; asseuré que [407] je suis d'ailleurs, qu'en tout ce dont il a esté chargé il n'a commis aucune faute malitieuse, ni manqué en chose quelcomque a la tres humble sujettion qu'il doit a Vostre Altesse, en laquelle et luy et tous les siens ont tous-jours vescu tres fidelement; et de plus, estant fidele tesmoin qu'en l'occasion qui se presenta en Genevoys, il y a quatre ans, et luy et son frere rendirent force bons et laborieux tesmoignages de leur zele au service de Vostre Altesse, je ne puis m'empescher de la supplier tres humblement et, si elle me permet, de la conjurer par sa propre bonté de tendre sa main secourable a cet homme de bien et d'honneur, pour le retirer de la ruine en laquelle son malheur, et non aucun forfait, le va precipiter..

  A018003916 

 Et sur tout, Monseigneur, la debonaireté et grandeur de courage de Vostre Altesse n'a jamais manqué de support pour les bons; qui me fait esperer que celuy ci en treuvera encor abondamment, et que ma tres humble supplication sera receuë aggreablement, comme conforme a la magnanimité que chacun admire en Vostre [408] Altesse, a laquelle souhaitant incessamment toute sainte prosperité,.

  A018003931 

 Les cinq premiers jours de mon sejour a [Maubuisson] [409] je fus travaillé de foiblesse et d'inquietude; la femme de Port Royal, qui est une archimedecine, me traitta tout a fait comme il le failloit, avec de l'eau de rhubarbe que je meslay avec mon vin, qui me purgea et me restreignit insensiblement.

  A018003932 

 Si je puis, je vous iray voir cet apres disner, non toutefois pour vous entretenir, mays c'est apres avoir confessé des dames qui n'attendent que cela pour s'en aller aux chams; et je ne voy pas que passé cela je me treuve fort occupé que pour aller dire mes adieux tout bellement..

  A018003942 

 La lettre que Vostre Altesse a escrit a Monsieur le Duc de Nemours a esté receue par luy trois jours avant que la copie m'ayt esté remise en main, de sorte que des-ja il m'avoit parlé sur le sujet d'icelle, non sans se douloir du retardement pour l'article qui regarde son payement, deu par le sieur Bonfilz des il y a long tems, a ce qu'il dit, et par le manquement duquel toute sa mayson et ses affaires sont extremement incommodés; dont il ne peut esperer le remede que de la [410] promesse qu'il a pleu a Vostre Altesse de luy faire, d'avoir du soin et de la bienveuillance pour luy qui, a la verité, n'est pas sans beaucoup d'inquietude parmi la necessité en laquelle il se treuvé (sic), ayant si peu de revenuz de deça, ou ses terres sont presque toutes engagees, et ne jouissant de celuy qu'il [a] en Savoye, qui est son fond principal.

  A018003958 

 Elle ne demandera point d'exception, ni pour la [412] rigueur de la clausure, ni pour toute la bienseance qu'on doit observer en vostre Mayson, a parler aux estrangers, donner ou recevoir des lettres, ni pour toutes telles occasions qui sont requises d'estre soigneusement gardees..

  A018003958 

 En somme, j'ayme en elle certaine marque de bonté, qui me fait esperer qu'un jour elle sera bonne servante de Dieu.

  A018003959 

 En fin, je vous dis trop de choses, a vous qui m'entendes si bien, ma tres chere Fille.

  A018003960 

 Je ne l'ay sceu faire jusques a present; mais si je puis, penses si je le feray de tout mon cœur, tout tel que je suis, qui ne suis ni bon demandeur ni bon defendeur.

  A018003972 

 Les lettres sont de M. de Neufcheze, vostre neveu bien-aymé, qui me fit la faveur de se charger d'une requeste que j'avois addressee au Clergé pour M. Boucard, et a obtenu cent escus de pension annuelle.

  A018003972 

 Reste que je m'essaye de gaigner ceux qui doivent les delivrer..

  A018003974 

 Cependant il faut avoir patience de demeurer sans vous voir pour ce jourd'huy, et de demeurer sans rien faire; car j'ay contremandé par tout ou j'avois promis de prescher, et, ce qui m'a bien fasché, j'ay contremandé le Pere Recteur du Noviciat des Jesuites, qui a les Quarante Heures et les octaves du bienheureux Ignace, duquel j'avois desir de parler.

  A018003985 

 Les enfans du siecle sont tous separés les uns des autres parce qu'ilz ont les cœurs en divers lieux; mais les enfans de Dieu ayant leur cœur ou est leur thresor, et n'ayant tous qu'un mesme thresor qui est le mesme Dieu, ilz sont par consequent tous-jours jointz et unis ensemble.

  A018003985 

 Sur cela, il faut soulager nos espritz en la necessité qui vous tient hors de cette ville; ce qui m'en fera aussi bien tost partir pour retourner en ma charge.

  A018003986 

 Cependant, ma tres chere Fille, je commenceray a vous dire que vous deves fortifier par tous les moyens possibles vostre esprit contre ces vaines apprehensions qui ont accoustumé de l'agiter et tourmenter.

  A018003986 

 En un mot, je voudrois que vous fussies toute Philothee, et que vous ne fussies rien plus que cela: c'est a dire, que vous fussies comme je marque au livre de l' Introduction, qui est fait pour vous et vos semblables..

  A018003986 

 Un demy quart d'heure, et moins encor, suffit pour la preparation du matin; trois quartz d'heure ou une heure pour la Messe, et, parmi le jour, quelques eslevations d'esprit en Dieu, qui n'occupent point de tems, ains se font en un seul moment; et l'examen de conscience le soir avant le repos, laissant a part les benedictions et actions de graces de table, qui sont ordinaires, et qui tiennent lieu de reunion de vostre cœur avec Dieu.

  A018003987 

 Es conversations, ma tres chere Fille, soyes en paix de tout ce qu'on y dit et qu'on y fait; car s'il est bon, vous aves dequoy louer Dieu; et s'il est mauvais, vous aves dequoy servir Dieu en destournant vostre cœur de cela, sans faire ni l'estonnee ni la fascheuse, puisque vous n'en pouves mais et n'aves pas asses de credit pour divertir les mauvaises paroles de ceux qui les veulent dire, et qui en diront encor de pires si on fait semblant de les vouloir [416] empescher; car ainsy faysant, vous demeureres toute innocente parmi les sifflemens des serpens, et, comme une aymable fraise, vous ne contracteres aucun venin par le commerce des langues veneneuses..

  A018003991 

 Reste que je vous prie de ne point vous mettre a faire des ceremonies avec moy, qui n'ay ni le loysir ni la volonté d'en faire avec vous.

  A018004001 

 Je m'en vay a la reception de la Religieuse; de la, je vay disner avec M. vostre frere, chez M. d'Origni; de la, a l'assemblee qui se fait pour nos affaires, ou j'auray besoin d'une Regie, car on en parlera, et je n'en ay plus.

  A018004053 

 Nous serons toujours contente en l'assurance que nous avons, [421] Monseigneur, d'avoir part en vos saintes prières, en qualité de celle qui est et sera éternellement,.

  A018004101 

 Nos igitur, qui Divini cultus augmentum et Christianæ religionis propagationem sinceris desideramus affectibus, prædictum Carolum Emmanuelem, Ducem, a quibusvis excommunicationis, suspensionis et interdicti, aliisque Ecclesiasticis sententiis, censuris et pœnis, a jure vel ab homine quavis occasione vel causa latis, si quibus quomodolibet innodatus existit, ad effectum præsentium dumtaxat consequendum, harum serie absolventes et absolutum fore censentes, hujusmodi supplicationibus inclinati, Fraternitati Tuæ per præsentes committimus et mandamus quatenus, si est ita, in prædicta domo, si et postquam illa ad formam Monasterii reducta, et debita clausura munita, sacraque et profana suppellectili luculenter instructa, illique tot census, redditus, proprietates et bona stabilia, quorum annuus valor ad competentem Monasterii dotem, ac illius Abbatissæ, seu Priorissæ, et Monialium congruam sustentationem onerumque illis incumbentium supportationem sufficiat, perpetuo dotata et assignata fuerint, unum Monasterium Monialium Ordinis Sancti Augustini, cum ecclesia, campanili, campanis, cœmiterio, claustro, refectorio, dormitorio, hortis, hortalitiis cæterisque officinis et membris necessariis pro una Abbatissa, seu Priorissa, et competenti Monialium numero quæ inibi, juxta regularia ejusdem Ordinis instituta, sub illius regulari habitu Altissimo perpetuo famulentur, Divinisque laudibus insistant, ac alias in omnibus et per omnia, ad instar aliorum Monasteriorum Monialium dicti Ordinis, perpetuo, sine alicujus [424] præjudicio, auctoritate Nostra Apostolica erigas et instituas.

  A018004123 

 A mon avis, l'ont ne peut du moins que de prouvoir les cures qui auront honnestement de quoy pour l'entretient d'un sr Curé, et principalement si les habitantz des lieux les requirent: comment a Grilly, Versoix, Chevry, ou les paroissiens (dis je) se plaignent de ce que ilz n'ont point de Curéz et qu'ont transporte le revenu autre part..

  A018004123 

 Or ce pendant, quand a Vernier, Matigni et Meirin, mentionnees dans les vostres, il me semble que l'ont (sic) ne pourroit affectér le revenu, soit les diesmes, de toutes troys, pour rendre bonne Sacconex, sans interesser grandement icelles paroisses, et par consequent d'autres qui demeuroient (sic) desertes; et ainsi l'ont mescontenteroit beaucoup de gens.

  A018004124 

 Et partant, puisqu'il vous plaict de faire un establissement general et parfaict de toutes les cures, si vous estiés de retour moyennant la grace de Dieu, vous pourriéz remettre ce qui est de Sacconex avec les autres; et ainsi, pour une bonne foys, vous vous delivreriéz de plusieurs ennuÿs que vous en recevés a l'ordinaire.

  A018004124 

 Je me crain fort que serés forcé de ce faire au plustost, et rompre cette œconomie qui mange une partie du revenu tant pour une chose que pour autre.

  A018004124 

 Quant a celles qui ont les biens venduz ou alienéz, et ce pendant il est requis d'y establir des ecclesiastiques, comme Sacconex, Ornex, Thoiry, voisines des autres, Matigni, Vernier et Meirin, il serait expedient, voire necessaire, sçavoir a quoy monte tout le revenu des biens ecclesiastiques de ce Bailliage generalement, et, selon la porté desdicts biens, les distribüér a chasque cure comme l'ont recognoistroit estre de besoing, et non pas demembrér le corps de l'ceconomie pour accommoder un particulier.

  A018004125 

 Si vous trouvés bon que cela soit, lors monsieur Gobet, au lieu de Versoix (qui est un lieu plus important et qui requier un homme bien capable), pourroit estre institué de Sessy.

  A018004127 

 A faute que ledit sr Cottalliod ne peut obtenir de monsieur Jaquin ce qu'il vous a pleu ordonnér pour son filz, j'ay esté contrain moy-mesme de prendre ce jeune homme avec moy, pour consoler le pere et la mere qui sont fort pauvres.

  A018004127 

 Je desiroys les donnér a des pauvres petitz enfantz tout nuds, et paroissiens, qui portent l'eau beniste par les maysons, qui seroient tres contens de les avoir et servir les Messes cum decóre.

  A018004127 

 Pour toute recompence, il m'a refusé les clefz, comme aussy les robbes que vous aviéz commandé de faire pour les enfantz qui respondroient les Messes.

  A018004135 

 seigneur de Fribourg, les domestiques se plaignoient a eux qu'ilz viendroient (sic) volontier venir a Divonne (lieu plus proche) pour ouyr la S. Messe, mais quilz n'osoient a cause d'eux qui ne le veulent permettre..

  A018004136 

 La sepmaine passee arriva un cas fort estrange a la maison dudit sr Curé, par lequel ce peut veoir de quel esprit sont guidez les auteurs d'iceluy, qui sont gens du lieu.

  A018004146 

 Je ne pouvoy entendre une nouvelle plus aggreable que celle que monsieur de Medio a donné à Monseigneur le R me de vostre voiage de Paris, avec Monseigneur le Prince Cardinal, vous voiant regardé sur le theatre de ce grand monde de deçà comme l'instrument plus considerable pour conduire à heureuse fin l'alliance d'un si illustre et si vertueux Prince, avec une si grande Princesse que Madame de France; y aiant pour associé monsieur le premier President, à qui l'envie eust volontiers ravy cet honneur, si son merite ne le luy eust conservé..

  A018004147 

 Je croy que Monseigneur le R me, qui va recherchant fort curieusement touttes les occasions de m'obliger, ne perdra aussi ceste cy de se joindre a vous, Monseigneur, pour un œuvre si charitable, et quil y contribuera fort volontiers tout son credit, quoyque touttesfois le vostre seul peut suffire pour le faire reussir.

  A018004165 

 Tout va avec grande bénédiction; il n'y a que notre bon monsieur d'Ulme qui, par une jalousie spirituelle, voulant être tout à la Visitation, il veut la Visitation trop à lui, ce qui lui donne trop peu de repos et à notre bonne Mère trop d'exercices.

  A018004181 

 J'ay infiniment à me plaindre à V. A. que nonobstant toutte poursuite que j'aye sceu faire, presenté les lettres de V. A. à Messieurs du Senat, leur commandant de n'octroyer plus aucun dellay au presidan Crespin sur l'assassinat qui m'a esté faict y a deux moys, ayns de veulloyr le juger prontemant; neantmoings, au prejudice de mon honneur et de ma reputation, et de la justice qu'ils doyvent à un chasqun, ils vont prolongant le jugemant, ayant de nouveau octroyé un prolong de troys semaynes pour ce (sic) representer; encore qu'an mespris de la justice, un chasqun croye qu'il ne soyt jamais parti de ce lieu, estan porté d'une partie de ses (sic) Messieurs du Senat ausquels il est apparanté.

  A018004181 

 Qui me faict supplier tres humblement V. A. me faire la faveur de m'octroyer les patantes et lettres a cachet necessaires pour en avoyr ma rayson, suyvan la tres humble priere que luy en fera le Conte de Verzolo de ma part; auquel me remettant, je me diray à jamays, Monseigneur, de V. A.,.


19-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIX-Vol.9-Lettres.html
  A019000018 

 — Une amitié qui commence.

  A019000020 

 — Béatitude de l'âme qui n'est qu'à Dieu; ce qu'elle cherche et ce qu'elle veut. 22.

  A019000028 

 — «Tintamarres et presse» qui empêchent le Saint d'écrire à son gré. 29.

  A019000031 

 Quelque chose qui est «demeuré sur le cœur» du Saint.

  A019000034 

 Deux amis qui n'ont pu se dire adieu, ni se rencontrer en chemin.

  A019000036 

 — L'inconstance de notre âme; ce qui doit y demeurer stable.

  A019000045 

 Ce qui reste à faire pour permettre la célébration d'un mariage. 47.

  A019000048 

 Ce qui attriste le Saint dans les blâmes faits contre lui.

  A019000051 

 Un Père qui connaît bien sa fille.

  A019000052 

 Vieilles lettres qui attendaient un porteur.

  A019000053 

 Requête au nom d'un Monastère qui fleurit «en veritable devotion.» — Un Mémoire dont la lecture n'est pas «hors de sayson» pendant les fêtes de Noël. 56.

  A019000056 

 — A qui appartiennent la joie et la paix.

  A019000056 

 — Un zèle «tout bon» qui avait besoin d'être purifié.

  A019000070 

 — Miséricorde de Dieu qui a peut-être employé le feu d'ici-bas pour épargner à une âme celui du Purgatoire. 73.

  A019000082 

 — Ceux qui s'en réjouissent 83.

  A019000082 

 — Trois sortes de gens qui ne témoignent pas de joie de la promotion de Jean-François à la coadjutorerie.

  A019000083 

 Prière de s'intéresser à l'affaire de la coadjutorerie de Jean-François de Sales qui doit se traiter en Cour de Rome. 84.

  A019000093 

 — Un prédicateur de Carême qui réclame des prières.

  A019000094 

 — Une âme «parfaitement bonne,» mais qui a besoin de réfléchir encore.

  A019000097 

 Les faveurs considérées en ceux qui les donnent et en ceux qui les reçoivent.

  A019000107 

 Des raisons qui ne satisfont pas l'esprit de François de Sales.

  A019000118 

 — Ce qui vaut mieux pour lui qu'un chapeau de cardinal.

  A019000121 

 A quelles conditions on peut recevoir à la Visitation des aspirantes qui n'ont pas encore l'âge d'entrer au noviciat.

  A019000124 

 Un tracas qui empêche de recevoir des consolations et d'en donner.

  A019000129 

 Prière au destinataire de régler les affaires qui retardent la Profession de sa sœur. 128.

  A019000130 

 — Un esprit qui aurait besoin de mûrir.

  A019000131 

 — Coupable qui ne veut pas reconnaître ses torts.

  A019000134 

 — Quelqu'un qui veut être du voyage de Rome pour entretenir à loisir François de Sales.

  A019000135 

 — Une lettre qui mettrait l'Evêque «bien en peine.» — Avis sur les Règles de saint Augustin.

  A019000136 

 — Les tendances d'esprit et de caractère qui lui rendraient périlleux le séjour dans le monde; aversion qui l'éloigne de la vie religieuse.

  A019000137 

 — Bien qui résulterait de l'élection de Jean-François au doyenné de Notre-Dame.

  A019000138 

 — Ce qui rend inutile l'intervention du Saint en faveur d'une Novice.

  A019000141 

 — Une mortification pour les Sœurs qui s'en vont en France.

  A019000149 

 — Exposé des raisons qui rendent une dispense légitime et nécessaire.

  A019000161 

 Ce qui soulagerait la destinataire dans ses afflictions.

  A019000163 

 — Deux sœurs qui s'aiment bien et qui sont très aimées par leur Père spirituel.

  A019000170 

 Félicitations à un père qui a généreusement donné sa fille à Dieu.

  A019000170 

 Grâces qui naîtront de son sacrifice. 175.

  A019000174 

 — A qui appartient une aumône déjà livrée.

  A019000176 

 — Ce qui contrebalance les réels défauts de M me de Port-Royal.

  A019000179 

 — Les Sœurs de la Visitation en visite au Carmel; une règle qui leur fut «souvent inculquee.».

  A019000183 

 Exposé des facilités d'une fondation d'Oratoriens à Rumilly et des avantages qui en résulteraient.

  A019000197 

 L'Evêque de Genève charge son Officiai forain d'une affaire qui intéresse le Chapitre de sa cathédrale.

  A019000202 

 — A qui appartient le Royaume des cieux. 209.

  A019000204 

 Un pourquoi qui serait long à dire. 211.

  A019000208 

 — Ermite qui saura bientôt toutes les nouvelles de la cour. 215.

  A019000212 

 — Insolence de deux laquais au logis de François de Sales; démêlé qui en résulte entre M. de la Valbonne et le baron de Tournon.

  A019000243 

 Voyla, ma tres chere Fille, pour la bonne madame de Vaugrenant, a laquelle j'ay beaucoup de compassion, [1] la considerant ainsy environnee d'affaires, elle qui, a mon advis, n'est pas accoustumee a cela.

  A019000255 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, il faut laisser nostre vie et tout ce que nous sommes a la pure disposition de la divine Providence; car en somme, nous ne sommes plus a nous mesmes, ains a Celuy qui, pour nous rendre siens, a voulu d'une façon si amoureuse estre tout a fait nostre..

  A019000256 

 J'attens response de Monseigneur le [Prince de Piémont], et j'espere que ce sera pour mon retour, auquel mon ame me presse grandement a cause de mon devoir; et ne puis m'imaginer que ni retour, ni chose quelcomque me puisse jamais separer de vous: non, ni mesme la mort, puisque nostre union est en Celuy qui ne meurt plus.

  A019000267 

 Je me blasmerois moy mesme, ma tres chere Fille, si je laissois partir cette chere seur sans luy donner, en ces trois lignes, ce foible mais asseuré tesmoignage de la souvenance que j'ay de vous et de vostre cœur que je cheris parfaitement, avec mille desirs qu'il se perfectionne de plus en plus en douceur et humilité, affin quil vive tout selon le cœur de Nostre Seigneur, auquel je le recommande incessamment, et tout ce qui vous est plus aymable, demeurant a jamais et invariablement,.

  A019000281 

 Non, ne dites pas encor l'Office, mais si vous pouves bien descendre pour la Messe, je le veux bien; et tenes vous assise le plus que vous pourres, et en lieu ou ce grand vent qui tire dans le chœur ne vous frappe point..

  A019000282 

 Je me prepare pour le sermon, avec beaucoup de desir, non toutefois sans defiance, de bien rendre ce devoir a ce grand Saint, bien que je veuille que ce soit luy mesme qui face le sermon, toutes les conceptions d'iceluy estant tirees de luy mesme..

  A019000283 

 Elle a 200 livres annuelles a perpetuité, c'est a dire qui demeureront a la Mayson, et ce qu'il faut pour l'entree.

  A019000289 

 Ayant sceu vostre affliction, ma tres chere Fille, mon ame en a esté touchee de la mesure de l'amour cordial que Dieu m'a donné pour vous; car je vous voy, ce me semble, grandement assaillie de desplaysir, comme une mere qui est separee de son filz unique, et certes bien aymable.

  A019000290 

 Il y a si long tems que vous aves desiré de servir Dieu et que vous estes apprise a l'eschole de la croix, que non seulement vous acceptes celle ci patiemment, mais, je m'asseure, doucement et amoureusement, en consideration de Celuy qui porta la sienne et fut porté sur la sienne jusques a la mort, et de Celle qui n'ayant qu'un filz, mais filz d'amour incomparable, le vit mourir sur la croix, avec des yeux pleins de larmes et un cœur plein de douleur, mais de douleur douce et suave, en faveur de vostre salut et de celuy de tout le monde..

  A019000291 

 Benisses le nom de Dieu qui vous l'avoit donné, et l'a repris, et sa divine Majesté vous tiendra lieu d'enfant.

  A019000302 

 Ce pendant, ce billet vous porte une tres intime et tres chere salutation de la part de mon ame, qui vous voit incessamment et ayme tout uniquement la vostre.

  A019000312 

 L' Introduction a la Vie devote ayant esté faite pour des ames de vostre condition, je vous supplie de la lire [9] et observer au plus pres que vous pourres; car elle vous fournira presque tous les advis qui vous sont necessaires.

  A019000313 

 Quand vous pourres ouÿr la sainte Messe, faites le; quand vous ne pourres pas l'ouÿr, faites une demi heure de priere, unissant vostre esprit a la tressainte Eglise en l'adoration de ce saint Sacrifice et du Redempteur de nos ames qui y est contenu.

  A019000315 

 Cette eternité sainte qui nous attend soit vostre consolation, et d'estre chrestienne, fille de Jesus Christ, regeneree en son sang, car en cela seul gist nostre gloire: que ce divin Sauveur est mort pour nous..

  A019000315 

 Tout passe, ma tres chere Fille; apres le peu de jours de cette vie mortelle qui nous reste, viendra l'infinie eternité.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu il veut bien que chacun sache qu'il le veut servir et [11] se veut essayer de faire les exercices convenables pour demeurer uni a iceluy..

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu ne cherche que luy; et parce qu'il n'est pas moins en la tribulation qu'en la prosperité, on demeure en paix parmi les adversités.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu ne se contriste jamais, sinon d'avoir offencé Dieu; et sa tristesse pour cela se passe en une profonde, mays tranquille et paysible humilité et sousmission, apres laquelle on se releve en la Bonté divine par une douce et parfaitte confiance, sans chagrin ni despit.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu pense souvent en luy parmi toutes les occasions de cette vie.

  A019000343 

 C'est le signe evident de la perfection de vouloir estre corrigee; car c'est le principal fruit de l'humilité, qui nous fait connoistre que nous en avons besoin..

  A019000344 

 Le Alonastere, c'est un hospital de malades spirituelz qui veulent estre gueris, et pour l'estre, s'exposent a souffrir la saignee, la lancette, le rasoir, la sonde, le fer, le feu et toutes les amertumes des medicamens; et au commencement de l'Eglise, on appelloit les Religieux d'un nom qui veut dire guerisseurs.

  A019000345 

 Qui a la crainte de ce divin Esprit ne doit craindre aucun autre esprit.

  A019000356 

 O qu'il soit loué, ce grand Dieu eternel, pour les misericordes qu'il exerce envers nous! Vostre consolation console mon cœur, qui est si fort uni avec le vostre, que rien ne sera jamais receu en l'un que l'autre n'y ayt sa part, ains le tout, puisqu'en verité ilz sont en communauté, ce me semble, parfaite; et qu'il me soit loysible d'user du langage de la primitive Eglise, un cœur et une ame..

  A019000358 

 Chaque jour doit porter son souci; n'ayes point souci du lendemain, car le Dieu qui regne aujourd'huy, regnera demain.

  A019000358 

 Dieu opere de loin et de pres, et appelle les choses esloignees au service de ceux qui le servent, sans les approcher; absent de cors, present d'esprit, dit l'Apostre..

  A019000358 

 J'espere que Dieu vous fortifiera de plus en plus; et a la pensee, ou plustost tentation, de tristesse sur la crainte que vostre ferveur et attention presente ne durera pas, respondes une fois pour toutes, que ceux qui se confient en Dieu ne seront jamais confondus, et que, tant selon l'esprit que selon le cors et le temporel, vous aves jetté vostre soin sur le Seigneur, et il vous nourrira.

  A019000360 

 Apprivoyses petit a petit la vivacité de vostre esprit a la patience, douceur, humilité et affabilité parmi les niaiseries, enfances et imperfections feminines des Seurs qui sont tendres sur elles mesmes et sujettes a tracasser autour des aureilles des Meres.

  A019000360 

 Ne vous glorifies point en [15] l'affection des Peres qui sont en terre et de terre, mays en celle du Pere celeste qui vous a aymee et donné sa vie pour vous..

  A019000360 

 Prenés garde, ma tres chere Fille, a ces motz de sot et de sotte, et souvenes vous de la parole de Nostre Seigneur: Qui dira a son frere: Raca (qui est une parole qui ne veut rien dire, ains tesmoigne seulement quelque indignation), il sera coulpable de conseil; c'est a dire, on deliberera comme il le faudra chastier.

  A019000361 

 Manger peu, travailler beaucoup, avoir beaucoup de tracas d'esprit, et refuser le dormir au cors, c'est vouloir tirer beaucoup de service d'un cheval qui est efflanqué, et sans le faire repaistre..

  A019000362 

 Pour la seconde lettre: Ne falloit il pas que vous fussies espreuvee en ce commencement de plus grande pretention? Or sus, il n'y a rien en cela que des traitz de la providence de Dieu, qui a abandonné cette pauvre creature affin de faire que ses pechés soyent plus fortement chastiés, et que par ce moyen elle revienne a soy et a Dieu, duquel il y a si long tems qu'elle s'est departie.

  A019000363 

 Tenes vostre courage haut eslevé en cette eternelle Providence, qui vous a nommee par vostre nom et vous porte gravee en sa poitrine maternellement paternelle; et en cette grandeur de confiance et de courage, prattiqués soigneusement l'humilité et debonnaireté.

  A019000366 

 Ce qui n'est point Dieu doit estre peu en nostre estime.

  A019000374 

 Non certes, mes tres cheres Filles, il ne faut qu'une lettre pour deux seurs qui n'ont qu'un cœur et qu'une praetention.

  A019000375 

 Quel meilleur souhait puis-je faire pour vous? Soyes comme des avettes spirituelles qui ne portent que miel et cire dans leurs ruches.

  A019000391 

 Voyla nostre bon M. le Collateral qui vous va revoir, pour soudain nous venir rencontrer en chemin.

  A019000394 

 Quelle difference, ma tres chere Mere, entre cette assemblee de divers pretendans (car la cour est cela et n'est que cela), et l'assemblee des ames religieuses qui n'ont point de pretention qu'au Ciel! Oh! si nous sçavions en quoy consiste le vray bien!.

  A019000405 

 Je sceu a mon depart de Paris que vous esties rentree dans Maubuisson avec vostre petite chere troupe, mays je n'ay peu sçavoir si vous avies treuvé vos papiers, vos meubles de devotion et vostre argenterie sacree; car celle qui s'est elle mesme desrobee a Dieu, pourquoy ne desroberoit-elle pas toute autre chose?.

  A019000406 

 O Dieu, que c'est bien autre chose de voir un train d'avettes qui toutes concurrent a fournir une ruche de miel, et un amas de guespes qui sont acharnees sur un cors mort, pour parler honnestement..

  A019000407 

 Je salue les cheres Seurs Catherine Agnes, Marie et Anne; et nostre bonne seculiere, qui m'est si chere, ma Seur Catherine de [22] Gennes.

  A019000409 

 J'ay veu le bon M. de Bonneuil qui jubile de sçavoir que sa chere fille veuille aymer Dieu.

  A019000419 

 Mays il n'a pas pleu a Nostre Seigneur qu'aucune occasion se soit presentee d'aller du costé d'Amiens pendant mon sejour en ces quartiers, d'où partant tout presentement pour me retirer en mon diocsese, duquel je n'ay esté que trop absent, je vay en esprit aupres de vous, et vous envoye ce billet qui vous dira de ma part que toute ma vie j'ay cheri vostre ame de tout mon cœur, et me suis consolé de sçavoir que la divine Majesté vous avoit retiree a son service en une si [sainte] vocation comm'est celle [24] en laquelle vous vivés, et que j'honnore parfaitement, et en laquelle je prie Dieu, et ne cesseray point, que vous perseveries heureusement, faysant des continuelz progres en.......................................

  A019000420 

 Et par ce que je n'[ai point oublié que] vous l'estes aussi fort particulierement, je ne vous appelleray plus ma Seur, [ains ma Fille,] en toutes les occasions qui se presenteront desormais..

  A019000436 

 A peu que je ne luy aye dit les paroles de cet ancien Prophete: Et comment, Seigneur, vous affliges donq encor ces filles, qui pour l'amour de vous m'ont repeu et nourri? Mays non, ma Fille toute tres chere, j'ayme mieux, avec l'autre Prophete, dire: ]e suis muet sous vos verges, et n'ouvre nullement ma bouche, car c'est vous qui faites cela.

  A019000436 

 En somme, il sera tous-jours vray que ceux qui pretendent d'avoir part avec Jesus glorifié doivent premierement avoir part avec Jesus crucifié..

  A019000448 

 Comme pourroit on serrer sur sa poitrine Nostre Seigneur crucifié, sans que les cloux et les espines qui le transpercent ne nous percent?.

  A019000449 

 O le brave et bon frere que vous aves icy! Helas! le depart de son pauvre petit François ne l'a touché que comme un pere qui voit partir son filz de sa mayson et s'esloigner de luy pour approcher un grand Roy et aller recevoir ses faveurs.

  A019000451 

 Or sus, que puis je dire davantage? Celle qui vit mourir le plus aymable filz de tous les filz sur la croix, veuille impetrer de ce mesme Filz les consolations qui vous seront convenables, et a monsieur vostre pere et a madamoyselle vostre mere..

  A019000452 

 Je porte au milieu de mon cœur la memoire de madamoyselle N., vostre chere cousine et ma chere fille, et voudrois bien luy escrire; mays je ne puis parmi ces tintamarres de cette presse qui a peine m'a peu permettre de vous escrire ces lignes.

  A019000453 

 Je n'escris point non plus a madamoyselle vostre mere, car je sçai bien qu'elle se contente que ce soit a vous a qui je dis que je suis finalement son serviteur tres humble.

  A019000453 

 Ma tres chere Fille, demeures ferme et forte en l'amour de Nostre Seigneur, qui m'a rendu, sans que jamais je varie, parfaitement tout vostre..

  A019000461 

 Vous sçaves trop bien la condition de cette miserable vie que nous menons en ce monde, pour estre estonné des evenemens qui y arrivent de diverses sortes.

  A019000473 

 Ell'a eu rayson de dire que c'estoit elle qui avoit fait le mariage, car je ny ay, pour moy, contribué que ce que je ne pouvois pas refuser a la verité des qualités de M. de Forax et que je ne devois pas denier a son amitié..

  A019000473 

 Or sus, il faut que M. et M lle de Forax digere ( sic ) ces amertumes, puisque Dieu le permet, qui, comme j'espere, leur donnera ensuite des bonnes et solides consolations.

  A019000490 

 Et quand on nous reprend ou qu'on nous veut marquer nos imperfections en la conduitte, nous devons doucement tout ouÿr, et puis proposer cela a Dieu et nous en conseiller avec nos aydes ou coadjutrices; et apres cela, faire ce qui est estimé a propos, avec une sainte confiance que la divine Providence reduira tout a sa gloire..

  A019000490 

 Gardes-vous bien de tomber en aucun descouragement pourvoir quelque petite murmuration, ou quelque sorte [34] de reprehension qui vous soit faite.

  A019000490 

 Non, ma tres chere Fille, car je vous asseure que le mestier de reprendre est fort aysé, celuy de faire mieux, difficile; il ne faut guere de capacité pour treuver les defautz et ce qu'il y a a redire en ceux qui gouvernent et en leur gouvernement.

  A019000491 

 Saint Bernard escrivant a l'un de mes praedecesseurs, Arducius, Evesque de Geneve: «Fay,» dit-il, «toute chose avec conseil,» mais conseil de peu de gens, qui soyent paysibles, sages et bons..

  A019000492 

 Faites si suavement cela, que vos inferieures ne prennent point occasion de perdre le respect qui est deu a vostre charge, ni de penser que vous aves besoin d'elles pour gouverner; ains faites leur connoistre doucement, sans le dire, que vous faites ainsy pour suivre la regle de la modestie et humilité, et ce qui est porté par les Constitutions; car voyes vous, ma chere Fille, il faut tant qu'il est possible, faire que le respect de nos inferieurs envers nous ne diminue point l'amour, et que l'amour ne diminue point le respect..

  A019000494 

 Et affin qu'en toutes façons vostre douceur ne ressemble point a la timidité et ne soit point traittee comme cela, quand vous verries une Seur qui feroit profession de n'observer pas le respect, il faudroit, doucement et a part, vous mesme luy remonstrer qu'elle doit honnorer vostre office et cooperer avec les autres a conserver en dignité la charge qui lie toute la Congregation en un cors et en un esprit..

  A019000494 

 Sil y a quelque Seur qui ne vous traitte pas avec asses de respect, faites le luy sçavoir par celle des autres [35] que vous jugeres la plus propre a cela, non comme de vostre part, mais de la sienne.

  A019000495 

 Or sus, ma tres chere Fille, tenes vous bien toute en Dieu, et soyes humblement courageuse pour son service; et recommandes luy souvent mon ame qui, de toutes ses affections, cherit tres parfaitement la vostre et luy souhaite mille et mille benedictions..

  A019000498 

 Je salue cherement nos Seurs, notamment celles qui sont de nostre mayson d'Annessi, que j'ayme incomparablement..

  A019000510 

 J'appris a connoistre tout plein de Praelatz, et particulierement M. l'Evesque de Lusson, qui me jura toute amitié et me dit qu'en fin il se rangeroit a mon parti, pour ne penser plus qu'a Dieu et au salut des ames.

  A019000510 

 Je vis M. le Cardinal de la Rochefocaut, qui m'obligea infiniment, et me dit qu'il desiroit faire l'union des Audriettes, et quil auroit un soin tout particulier de la Mayson de Sainte Marie, c'est a dire, dit il, de vos Filles.

  A019000511 

 Je vis enfin M. le Cardinal de Retz, qui d'abord m'invita a demeurer en France par une proposition laquelle, [38] estant bien mesnagee, seroit la plus convenable a mon esprit de toutes celles qu'on m'eut peu faire.

  A019000511 

 On me dit despuis que M. l'Archevesque de Sens en avoit parlé fort longuement au Roy, qui y avoit pris playsir.

  A019000513 

 A Tours, je vis les Meres Carmelines et y fis un'exhortation, et fus fort edifié de voir la Superieure, fille de feu M lle Acarie, qui est une ame de haute vertu et d'esprit merveilleusement amiable et franc, et joyeux et gay.

  A019000514 

 A Bourges, il est incroyable combien de faveurs nous receumes de M. nostre Archevesque, qui est veritablement cordial; mais nous eumes fort peu de tems a parler.

  A019000514 

 M. de Neucheze, qui fait une particuliere profession de vous aymer, me dit quil vous avoit escrit pour se plaindre de la defiance que son cousin avoit de luy; et que quand il vint a Bourges, il ne vint nullement a l'archevesché et ne vid point M. l'Archevesque, qui est fort bien avec M. le Mareschal.

  A019000516 

 Non pas certes pour celleci, car tout y va presque selon Dieu; et c'est une grande consolation de voir nostre petite Madame si gave et toute bonne, et Madame de Vandaume, qui est un ( sic ) parfaite bonté, et tout son train si bien rangé et vertueux..

  A019000519 

 Monseigneur l'Archevesque et M. de Neuchaize ne peuvent souffrir qu'on parle d'une Mayson a Orleans, et, comme je vous escrivis estant audit Orleans, ou je laissay ma lettre au P. Lalemand, il faudra conduire prudemment la reception ou acceptation d'une Mayson, et estre bien asseuré de ce qui se promettra; car on me dit que le peuple y estoit un peu dur, et les espritz malaysés a conduire.

  A019000520 

 J'ay escrit sur chemin a la Superieure pour la soulager un peu, puisque mesme je ne peu luy dire a Dieu qu'a la desrobee, non plus qu'a nos Seurs de Moulins et de Lyon, a cause de la surprise de mon depart que, par force, il me faut faire soudain comme Madame monte en carosse, par ce que je suis de la carosse qui va immediatement devant elle..

  A019000548 

 Et a la verité, ilz sont praeferables pour mille raysons, puisque maintenant ilz ont faculté de confesser en cette Province; car ilz ont des gens de capacité, une renommee et approbation incomparable des peuples, une pauvreté qui incommode le moins ceux qui les entretiennent, une correspondance entr'eux qui peut tenir en observance les Religieux, et une tres particuliere inclination a vous honnorer.

  A019000548 

 Or, passant icy et entre les a Dieu que je dis a nostre court, les RR. PP. Capucins m'ont fait entendre [46] comme ilz sont desirés a Belley, ou d'autres Religieux se desirent en leur place; et je sçai, Monseigneur, que vostre intention premiere fut d'avoir des Religieux qui administrassent le saint Sacrement de l'absolution, mays que si les Capucins le pouvoyent administrer, vous les praefereries a tous autres.

  A019000549 

 Ce pendant, Monseigneur, faites moy la grace de ne point permettre que mon esloignement de vostre presence diminue vostre sacree bienveuillance envers moy qui vous honnoreray a jamays tres cordialement, et seray invariablement.

  A019000575 

 O moy miserable homme, disoit le grand Apostre, qui me delivrera du cors de cette mort? Il sentoit un cors d'armee composee de ses humeurs, aversions, habitudes et inclinations naturelles, qui avoyent conspiré sa mort spirituelle; et parce qu'il les craint, il tesmoigne qu'il les hait; et parce qu'il les hait, il ne les peut supporter sans douleur; et sa douleur luy fait faire cet eslan d'exclamation, a laquelle il respond luy mesme que la grace de Dieu, par Jesus Christ, le garantira, non de la crainte, non de la frayeur, non de l'alarme, non du combat, mais ouy bien de la desfaite, et l'empeschera d'estre vaincu..

  A019000578 

 Mais es lettres, a la verité, cela est un peu, ains beaucoup plus insupportable; car on void mieux ce que l'on fait, et si on s'apperçoit d'une notable affectation, il faut punir la main qui l'a escritte, luy faysant escrire une autre lettre d'autre façon..

  A019000581 

 Encor faut-il que j'adjouste en ce bout de papier ce mot important: ne charges point vostre foible cors d'aucune autre austerité que de celles que la Regle vous impose; gardes vos forces corporelles pour en servir Dieu es prattiques spirituelles, que souvent nous sommes contraintz de laisser quand nous avons indiscrettement surchargé celuy qui, avec l'ame, les doit exercer..

  A019000602 

 Je vous priay de dire a M. Combaz quil vint retirer sa fille; mays despuis, sachant l'extremité de la passion en laquelle il est sur ce sujet, j'ay pensé que je pourrois encor voir plus particulierement sil y aura moyen de la [54] retenir; et Dieu sçait si j'en seroys joyeux, n'y ayant que la necessité et force de la conscience qui puisse la faire renvoyer.

  A019000619 

 Vostre Altesse donq est suppliee tres humblement de faire declarer la volonté de Son Altesse sur cette occasion, affin que l'on puisse asseurement ou accorder, ou, ce qui est plus desirable, refuser ladite praebende.

  A019000647 

 Et bien que ce rassasiement s'entende pour le jour du jugement auquel on fera justice a tous ceux a qui elle a manqué, et qui par consequent en ont eu faim et soif en ce monde, si est ce que j'espere que le Parlement en fin rassasiera ce personnage, apres qu'il aura eu faim et soif de justice: et Dieu veuille pardonner a ceux qui le persecutent..

  A019000647 

 Pour luy, je n'ay rien a dire, sinon que bienheureux sont ceux qui ont faim et soif de justice, car ilz seront rassasiés.

  A019000648 

 Et neanmoins, puisque vous le treuves a propos, j'escriray au premier jour a M. Berger, affin qu'il ayt dequoy rejetter la calomnie, asseuré de sa parfaitte charité pour moy qui l'estime et honnore plus qu'il ne se peut dire..

  A019000649 

 La Providence supreme sçait la mesure de la reputation [58] qui m'est necessaire pour bien faire le service auquel elle me veut employer, et je n'en veux ni plus ni moins que ce qu'il luy plaira que j'en aye.

  A019000669 

 Mon Dieu, il faut dire la verité: c'est pitié de voir une aymable avette embarrassee parmi les viles toiles des araignees; mays si un vent secourable rompt cette chetifve trame et ces fascheux fïletz, pourquoy est ce que cette chere avette ne prend cette occasion pour se demesler et desprendre de ces pieges et pour aller faire son doux miel? Vous voyes, ma tres chere Fille, mes pensees; faites voir les vostres a ce Sauveur qui vous semond.

  A019000669 

 Vous me le fistes promettre, et je le fay soigneusement: je prie Dieu qu'il vous donne sa sainte force, affin que vous rompies genereusement tous les liens qui empeschent vostre cœur de suivre ses celestes attraitz.

  A019000670 

 Je ne puis n'aymer pas vostre ame que je connois estre bonne, et ne puis ne luy souhaiter le tres desirable amour de la genereuse perfection, me resouvenant des larmes que vos yeux respandirent lhors que, vous disant adieu, je vous desirois a Dieu, et que, pour estre plus a Dieu, vous dissies adieu a tout ce qui n'est pas pour Dieu..

  A019000679 

 Je voy parmi tout cela vostre cœur bienaymé, qui, avec une grande sousmission a la divine Providence, dit que tout cela est bon, puisque la main paternelle de cette supreme Bonté a donné tous ces coups..

  A019000681 

 Nous patissons, nous souffrons, nous mourons avec ceux que nous aymons, par la dilection qui nous tient a eux; et quand ilz souffrent ou meurent en Nostre Seigneur, et que nous acquiesçons en patience a leurs souffrances et trespas pour l'amour de Celuy qui, pour nostre amour, a voulu souffrir et mourir, nous souffrons et mourons avec eux.

  A019000681 

 O ma Fille, si vous aves fait comme cela, vous estes heureusement morte en ce divin Sauveur avec cet enfant, et vostre vie est cachee avec luy en Dieu; et quand le Sauveur paroistra, qui est nostre vie, alhors vous paroistres avec luy en gloire.

  A019000726 

 Permettes moy, je vous supplie, Monsieur, de soulager mon ame en me plaignant a vous mesme de vos plaintes, [65] lesquelles a la verité m'affligent et m'estonnent, ne croyant pas d'en avoir donné aucune occasion; puisque, hors le veritable tesmoignage que j'ay rendu une seule fois des merites et bonnes qualités du gentilhomme, et une autre fois de sa religion, je n'ay nullement cooperé a cette alliance que peut estre par la recommandation que j'en ay faite a Dieu, si elle devoit estre a sa gloire; et tout ce qui se dit de plus n'est qu'exageration..

  A019000727 

 Pouvois je refuser de telz offices a de telles personnes? Non plus que celuy que je fis envers vous, Monsieur, qui, ce me semble, ne me fistes pas sçavoir que vous eussies une si puissante aversion pour ce mariage, que de la j'eusse peu inferer cet ardent mescontentement que vous aves, ce me dit on....................................................................................

  A019000734 

 Ceux qui me connoissent sçavent bien que je ne veux rien ou presque rien avec passion et violence; et quand je fay des fautes, c'est par ignorance.

  A019000744 

 Oh! si les afflictions devenoyent moindres a mesure qu'elles sont respandues dans le cœur de plusieurs, que vous en auries bon marché, ayant tant de personnes, et autour de vous et bien loin de vous, qui vous honnorent et ayment sincerement, se communiquant les uns aux autres vos sentimens pour les ressentir avec vous..

  A019000745 

 Et de plus, quand j'eusse esté aupres de vous, que vous eusse-je peu dire sinon: Bibe aquam de cisterna tua? Quelz parfums peut on donner aux habitans de l'Arabie Heureuse? On ne peut leur porter de la suavité qui soit comparable a celle de leur païs, et ne peut on leur dire autre chose sinon: Sentes, odores, receves les exhalaisons de vos cinnamomes, de vos bausmes, de vos myrtes.

  A019000745 

 Je n'ay rien a vous dire de plus sur ce sujet, sinon que toute ma vie j'honnoreray la riche memoire de ce bon seigneur trespassé, et seray invariablement tres humble [68] serviteur de sa tant honnorable posterité et de madame sa vefve, qui a si heureusement cooperé au bonheur de sa vie et a le faire vivre encor apres la mort en la personne de tant de si dignes enfans; car au reste, de vous vouloir dire des paroles de consolation, je suis trop loin, et ne puis estre ouy qu'apres tant d'autres, que ce seroit une impertinence trop excessive.

  A019000746 

 C'est qu'apres une forte resolution d'aller prendre congé de ce bon pere a mon despart de Paris, l'ayant reservé pour le dernier comme celuy a qui je devois beaucoup d'honneur et qui estoit le plus pres, ravi et emporté de la force des visites qui me furent faites ce jour la, je fus tellement suffoqué d'esprit que je ne pensay point a cette obligation sur l'occasion; et estant en chemin, lhors que je ne pouvois plus m'en acquitter, je m'en apperceus, comme seulement pour en estre marri.

  A019000746 

 Mays moy, c'est la verité que j'ay encor une douleur sur le sujet de ce trespas qui me fasche tous-jours quand j'y suis attentif.

  A019000746 

 Or, [69] j'espere que ce bon seigneur m'a aysement pardonné, s'il faut ainsy dire, puisque voyant Celuy qui voit tout, il voit bien que cette mienne faute n'est point procedee de manquement d'honneur, de respect et d'affection.

  A019000747 

 Mais, a ce propos de conserver les bienveuillances, on m'escrit que je suis presque privé de celle de M. de Montholon pour le sujet du mariage de M. de [Foras.] Et encor faut il que je vous rende conte de ceci, puisque vous estes celuy qui me l'avies procuree; et en un mot, je puis dire avec verité que, hors les veritables tesmoignages que j'ay rendus une seule fois a madame de [Vaulgrenant] de la vertu et bonnes qualités de son mari, je n'ay rien cooperé a ce mariage, sinon qu'apres avoir veu et sceu les fortes et vehementes liaisons d'affections, avec des grandes promesses reciproques d'un futur mariage entre ces deux parties, faites pendant que j'estois a Maubuisson, et de plus, la damoyselle se promettre fort asseurement que madamoyselle de [Sanzelles] appreuveroit tout, je dis alhors, qu'encor que je ne doutasse point de leur discretion a la suite de leurs affections, neanmoins je leur conseillois de ne pas beaucoup tarder leur mariage; conseil conforme aux decretz de l'Eglise, et que je donnay ne regardant qu'au plus grand bien et a la plus entiere asseurance de ces ames, et a l'observance des commandemens de Dieu..

  A019000763 

 La Mere de Celuy qui meritoit une eternelle adoration ne dit jamais un seul mot quand on le couvroit d'opprobres et d'ignominies.

  A019000763 

 Ma Mere, vous estes trop sensible pour ce qui me regarde; et donq, faut il que moy seul au monde je sois exempt d'opprobres? Je vous asseure que rien ne m'a tant touché en cette occasion que de vous voir touchee.

  A019000777 

 Le bon pere me remercie si bonnement de la dilection que je porte a cette chere fille, sans considerer que c'est une affection qui m'est si pretieuse et tellement naturalisee en mon ame, que personne ne m'en doit sçavoir non plus de gré que dequoy je me souhaitte du bien a moy mesme..

  A019000781 

 Sa pauvre seur est en grand danger, a ce qu'on m'escrit; et je vous asseure que mon ame en est toute affligee, et voudrois, si je pouvois, beaucoup faire pour retenir ces deux seurs pour Dieu qui les veut, pourveu qu'elles ne resistent..

  A019000783 

 Quant a la C., il ne faut pas treuver estrange le [76] refus qu'on en a fait: le bien qui en doit reuscir est trop grand pour n'avoir point de difficulté et de contradiction.

  A019000791 

 Le bon poissonnier qui m'a apporté vos lettres de Ri vole nous asseura de venir dans la huitaine prendre les nostres et vos habitz; mais la quinzaine passe, et il [77] ne vient point.

  A019000793 

 Reste M. Favre, qui desire d'attendre M. de [Charmettes.] Si quelqu'un de vostre connoissance vouloit entrer au premier quartier, en m'advertissant dans quinze ou dix huit jours affin que je n'en fisse pas tenir prest l'un des susnommés, cela seroit bon, comme je pense.

  A019000795 

 M. Favre m'escrit que M. de Foras n'est pas encor [79] hors de prison, par l'opiniastreté des parens qui font le pis qu'ilz peuvent.

  A019000798 

 C'est que Monsieur le Reverendissime du Montdevis a, ce dit [80] on, un prieuré pres de [Belley], qui s'appelle Consieu, duquel s'il vouloit se desfaire en faveur de nostre Eglise, on luy asseureroit une bonne pension, pourveu qu'elle n'excedast pas tous les fruitz; et apres on pourroit traitter avec le Chapitre de Belley, du doyenné de Seyserieux.

  A019000798 

 Neanmoins, parce que le Chapitre a cela en desir, vous pourres avec dexterité sçavoir ce qui se pourra faire par dela avec Monseigneur du Montdevis..

  A019000798 

 Or, je voy en cela une extreme difficulté, a cause du placet du Roy qui tres mal volontier ordonnera pour unir a un cors qui est hors du royaume.

  A019000801 

 M. le Marquis de Saint Damian s'en reva, qui m'est venu voir avec beaucoup de demonstrations de nous aymer.

  A019000804 

 Salues la cherement de ma part et l'asseures de mon service tres humble, et de mesme toutes les dames qui me font l'honneur de m'aymer; mais, comme vous sçaures bien faire, mettes a part la signora Donna Genevra, ma tres chere fille.

  A019000805 

 Les deux dames qui vous ont escrit de France sont mesdamoyselles de Crevant, qui s'appelle Anne de Bragelonne, et de Verton, qui s'appelle Marie de Bragelonne..

  A019000822 

 Et puis qu'elles ont encor desiré mon intercession aupres de Vostre Altesse, je la fay tres humblement, adjoustant qu'il ny a, comme je pense, aucun Monastere de cet Ordre-la qui fleurisse plus en veritable devotion que celuy ci..

  A019000839 

 Voyla le tant aymable petit Jesus qui va naistre en nostre commemoration ces festes-ci prochaines; et puisqu'il naist pour nous venir visiter de la part de son Pere eternel, et que les pasteurs et les Rois le viendront reciproquement visiter en son berceau, je croy qu'il est le Pere et l'Enfant tout ensemble de Sainte Marie de la Visitation..

  A019000840 

 Et quand vous luy recommanderes vostre ame, recommandes luy quant et quant la mienne, qui est certes toute vostre..

  A019000840 

 Or sus, caressés le bien, faites luy bien l'hospitalité avec toutes nos Seurs, chantes luy bien des beaux cantiques, et sur tout adores le bien fortement et doucement, et en luy sa pauvreté, son humilité, son obeissance et sa douceur, a l'imitation de sa tressainte Mere et de saint Joseph; et prenes luy une de [ses] cheres larmes, douce rosee du Ciel, et la mettes sur vostre cœur, affin qu'il n'ayt jamais de tristesse que celle qui res-jouit ce doux Enfant.

  A019000841 

 Je salue cherement la chere trouppe de nos Seurs, que je regarde comme des simples bergeres veillantes sur leurs troupeaux, c'est a dire sur leurs affections, qui, adverties par l'Ange, vont faire l'hommage au divin Enfant, et pour gage de leur eternelle servitude luy offrent le plus beau de leurs aigneaux, qui est leur amour sans reserve ni exception..

  A019000849 

 David pleura tant sur Saül mort, quoy que ce fust son plus grand ennemi: pleurons un peu sur ce monde, [87] qui meurt, ains qui est mort pour nous, et auquel nous voulons a jamais mourir..

  A019000851 

 Pour moy, ne doutes nullement de ma fidelité; confies vous en moy sans crainte, sans reserve et sans exception, car Dieu qui l'a voulu me tiendra de sa sainte main affin que je vous serve bien.

  A019000852 

 Ce mesme Dieu sçait que sur vostre despart, il me [vint] en la pensee de vous dire qu'il failloit retrancher le musc et les senteurs; mais je me retins, sur ma methode, qui est suave, de laisser lieu au mouvement que petit a petit les exercices spirituelz ont accoustumé de faire dans les ames qui se consacrent entierement a sa divine Bonté.

  A019000853 

 Ouy, donnes ces poudres et ces papiers dorés a quelque dame du monde, qui soit neanmoins de telle confiance que vous luy puissies marquer le sujet de ce petit renoncement, et ne doutes point que cela scandalise; au contraire, cela edifiera son ame, puisque je presuppose que ce soit une dame qui en ayt une bonne.

  A019000855 

 Et qui ne se mouvroit a ces coups de rasoir qui separent et divisent l'ame d'avec l'esprit, et le cœur de chair d'avec le cœur divin, et nous mesmes d'avec nous mesmes? Mais, vive Dieu! Ces [89] coups sont donnés, c'en est fait: non, jamais plus il n'y aura reunion de l'un a l'autre, moyennant la grace de Celuy pour auquel nous unir inseparablement nous nous sommes separés pour jamais de toute autre chose..

  A019000857 

 O Dieu, ma Fille, a toutes ces compaignies mondaines qui vous arriveront, il faut rendre une contenance doucement joyeuse.

  A019000867 

 Hé! qui [ne] voit le cher petit Enfant de Bethlehem, duquel le zele pour nos ames est incomparable, car il vient pour mourir affin de les sauver; il est si humble, si doux, si amiable..

  A019000868 

 Vives joyeuse et courageuse, ma chere Fille, (je dis en la portion superieure de vostre ame) car l'Ange qui preconise la naissance de nostre petit Maistre annonce en chantant, et chante en annonçant, qu'il publie une joye, une paix, un bonheur aux hommes de bonne volonté, [91] affin que personne n'ignore qu'il suffit, pour recevoir cet Enfant, d'estre de bonne volonté, encor que jusqu'icy on n'ayt pas esté de bon effect; car il est venu benir les bonnes volontés, et petit a petit il les rendra fructueuses et de bon effect, pourveu qu'on les luy laisse gouverner, comme j'espere que nous ferons les nostres, ma tres chere Fille.

  A019000879 

 Je tiens parole, et vous diray, qu'ayant tiré de la courtoysie de monsieur de Dalma tout ce que je desirois pour le dessein d'un accommodement amiable, et pris le mesme jour que j'avois des-ja marqué a monsieur de [92] Paschal qui, de sa grace aussi, m'avoit donné sa parole a mesme fin, voyci que ce billet m'a esté envoyé tout maintenant, par lequel vous connoistres que j'ay besoin en cet endroit d'estre aydé du credit que vous y aves..

  A019000880 

 Mon Dieu, que ce miserable monde nous tourmente! Que bienheureux sont ceux qui le mesprisent de tout leur cœur.

  A019000904 

 Que diray je a cette chere Fille qui m'est si fort a cœur? Vives toute en Nostre Seigneur, ma tres chere Fille, et croyes que, pour luy, la sainte amitié que je vous porte vit fort entierement et immortellement en mon esprit.

  A019000906 

 Ne permettes plus tant a vostre esprit de faire des reflexions sur vostre misere et sur vostre incapacité; car, a quoy est bon tout cela? Dépendes vous pas de la Providence de Dieu en tout et par tout? Or, celuy qui habite dans le sejour du Seigneur demeurera en sa protection..

  A019000913 

 Et en cette consideration, je vous prie de tout mon cœur de vous exercer fidelement en la sainte humilité et obeissance [95] envers ces ames sacrees a qui Dieu a confié la vostre, affin qu'un jour elle soit toute sienne et son espouse bien-aymee.

  A019000914 

 Vives donq ainsy humblement et doucement devant Dieu, ma tres chere Fille, et pries-le souvent pour moy qui suis.

  A019000931 

 Et vous sçaves qui sont nos enfans, car je parle de ceux du cœur: nos bons propos, nos bons desirs, nos amours divins..

  A019000932 

 Mais n'est ce pas, donq, ma Fille, dores-en-avant nous ne serons plus ces vieux nous mesmes que nous avons esté devant; nous serons des nous mesmes qui, sans exception, sans reserve, sans condition, serons a jamais sacrifiés a Dieu et a son amour, et, comme de petitz phœnix, nous serons renouvellés de ce feu de la dilection divine pour laquelle, avec un irreconciliable divorce, nous avons pour jamais abandonné et rejetté le monde et toute sorte de vanité.

  A019000944 

 Il y a si long tems que Son Altesse tesmoigne d'affectionner le secours de monsieur de Corsier, et que je vous prie de l'avoir en recommandation comme l'un de ceux pour qui premierement fut erigee la Sainte Mayson, que je pense estre superflu d'y rien adjouster; et sur tout puisqu'il est tant appuyé de parens et amis en ces quartiers la.

  A019000944 

 Neanmoins, pour rendre mon devoir et a sa condition et aux intentions de Son Altesse, je continue ma recommandation tres affectionnee, qui suis,.

  A019000959 

 Sur le commencement de la semaine qui vient, je feray ma reveuë pour un renouvellement extraordinaire que Nostre Seigneur m'invite de faire, affin qu'a mesure que ces annees perissables passent, je me prepare aux eternelles..

  A019000986 

 Il sera donq a propos que si nostre bon M. [d'Aoste] peut faire que messieurs ses parens ne le treuvent pas mauvais, ce soit luy qui face l'exhortation; et je ne puis deviner quelle rayson ilz peuvent avoir de le treuver mauvais, estant une chose si bonne et honnorable.

  A019000986 

 Je vous asseure, [104] ma Fille, qu'une fille de consideration se faysant Carmelite, je fis l'exhortation, et M. du Val, docteur en theologie, fit l'Office, qui eust mieux presché que moy, et moy mieux fait l'Office que luy.

  A019000987 

 Au reste, ma tres chere Fille, il est vray, qui a son cœur et sa pretention en Dieu, il ne se sent point, au moins en la partie superieure, des agitations des creatures; et qui l'a au Ciel, comme dit saint Gregoire a deux Evesques, il n'est point tourmenté des vens de la terre..

  A019000988 

 Comme, par exemple, en la fille qui fait son essay: j'aymerois cent fois mieux doucement avoir mille escus, que douze cens avec amertume, et long et fascheux tracas.

  A019000989 

 L'abstinence qui se fait contre l'obeissance oste le peché du cors pour le mettre dans le cœur.

  A019000992 

 Puys, ne vous amuses pas a penser quelles sont les pensees de vostre esprit pour cela, puisque de toutes ces pensees il n'y en a point qui soit vostre pensee que celle que, deliberement et volontairement, vous aures acceptee, qui est de faire la Communion pour l'union et comme une union de vostre cœur a celuy de l'Espoux..

  A019001016 

 Vous aves rayson: une fille qui est a Dieu ne doit penser a la reputation, cela est impertinent.

  A019001031 

 Il n'y a point d'entredeux entre vostre sortie et vostre perte; [110] car ne voyes vous pas que vous ne sortiries jamais que pour vivre a vous mesme, de vous mesme, par vous mesme et en vous mesme? et ce d'autant plus dangereusement, que ce seroit sous pretexte d'union avec Dieu, qui toutefois n'en veut point avoir ni n'en aura jamais point avec les solitaires retirés, particuliers et singuliers, qui quittent leurs vocations, leurs vœux, leurs Congregations par amertume de cœur, par chagrin, avec depit et par degoust de la societé, de l'obeyssance des Regles et sainte observance..

  A019001032 

 Oh! ne voyes vous pas saint Simeon Stilite, si prompt a quitter sa colomne sur l'advis des anciens? Et vous, ma tres chere Fille, vous ne quitteres pas vos abstinences sur l'advis de tant de gens de bien, qui n'ont nul interest de vous les faire quitter que pour vous faire rendre quitte et exempte de vostre propre amour? Or sus, ma tres chere Fille, chantes meshuy le cantique de l'amour: O que c'est une chose douce et bonne de voir les Seurs habiter ensemble! Traittés rudement vostre tentation; dites luy: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu; Va en arriere, Satan; tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et a iceluy seul tu serviras..

  A019001033 

 Je vous laisse a penser, ma tres chere Fille: faire les genuflexions au Saint Sacrement comme par despit, en suitte de la tentation, quelle plus grande marque de tentation peut on avoir? La force des inspirations est humble, douce, tranquille et sainte; et comme donq peut estre inspiration vostre inclination, qui est si depiteuse, dure, chagrine et tempestueuse? Retires vous de la, ma tres chere Fille; traittés cette tentation comme on traitte celles du blaspheme, de trahison, d'heresie, de desespoir.

  A019001043 

 Et quant au reste, ce sont les precedentes dispositions au trespas, et non les circonstances d'iceluy, qui sont en effect considerables.

  A019001044 

 Dieu, vostre bon Ange et la sagesse que vostre longue experience vous a acquise, vous suggereront mieux tout ceci que je ne sçaurois faire; mais je le dis pour vous tesmoigner qu'apres avoir contribué mes prieres a vostre consolation et conservation, je voudrois bien y dedier tout ce qui seroit en mon pouvoir, puisqu'ayant le bien et l'honneur de vous estre si proche, j'ay encor le devoir, avec une tres sincere volonté,.

  A019001054 

 A quoy je contribueray tout ce qui sera en mon pouvoir, sous la conduite des loix et constitutions ecclesiastiques, pourveu qu'il vous playse, et aux parties, prendre creance que je ne rechercheray en cela nulle condition que celle qui sera entierement necessaire et inevitable, puisque en verité je suis,.

  A019001054 

 Je croy fort asseurement que nul homme du monde ne vous honnorera jamais plus franchement que je fay; et d'autant plus suis-je marri de ce qui s'est passé ces derniers jours en vostre mayson, puis que Dieu y a esté [113] offensé et le publiq scandalisé, et que le mariage est tout a fait nul et invalide, la commission de dispenser obtenue a Rome n'ayant point esté executee; de sorte qu'il sera requis de celebrer derechef le contract du consentement nuptial, affin de rendre cette conjunction et la posterité legitime.

  A019001068 

 Et j'espere que celle ci aura ce bonheur, comme escritte seulement pour contribuer, en la façon que je puis, mon sentiment a la joye publique et generale que toutes les provinces de la sujettion de Vostre Altesse recevront en ce jour anniversaire qui nous represente celuy auquel, par vostre naissance, Dieu vous donna a la France, et treize ans apres, par vostre mariage, il vous donna a cet Estat, dans lequel sans doute chacun benira a l'envi cet aggreable jour..

  A019001069 

 Que ce jour soit a jamais conté entre les jours que Dieu a creés pour sa gloire; que ce soit un jour d'eslite entre les jours qui sont destinés aux humains pour les acheminer a l'eternité; que ce jour auquel, Madame, vous fustes faite chrestienne, face jour a la consolation de toute la Chrestienneté; et face ce mesme jour, auquel vous aves esté faite nostre tres honnoree Dame et Princesse, reluire la serenissime Mayson de Savoye en une heureuse et tous-jours auguste posterité de Vostre Altesse..

  A019001084 

 Quand les Peres Barnabites allerent a Paris pour obtenir du Roy leur entree au college de Beaune, je les recommanday a Vostre Grandeur comme Religieux grandement estimables, fructueux et sinceres; mays je ne laisse pas, en confirmant cette creance, de repeter maintenant ma supplication pour leur rendre tesmoignage de l'affection que je leur dois, et non par aucune defiance que j'aye que vous ne leur facies ressentir vostre bonté et pieté en ce qui sera de vostre pouvoir.

  A019001103 

 C'est le fin moindre de mes soucis que c'est que deviendra l'heritage de feu M. Gras, et apres un peu [118] de consideration du droit de l'Evesché, vous seres le maistre de tout ce qui en dependra, comme de tout le reste qui appartient a ma personne.

  A019001103 

 Mays qu'un prestre, sans tiltre ni vray ni coloré, se tienne dans une cure par force, ne veuille reconnoistre l'authorité de l'Evesque, rejette l'œconome qui est legitimement envoyé, empesche que l'Evesque ne face inventaire de ce qui est dans une mayson presbiterale, appelle comme d'abus d'une tres legitime authorité, tout ainsy que si du moins le soin des benefices de ma charge, tandis qu'ilz sont vacans et jusques a tant qu'ilz soyent prouveuz, ne m'appartenoyt pas: tout cela, je ne le puis ni treuver bon, ni civil, ni supportable..

  A019001104 

 Quand M. Gras me fera voir ses legitimes provisions, je ne les mespriseray point, et les luy feray fidelement valoir tout ce qu'elles vaudront, sachant le respect qui est deu et aux droitz et aux faitz du Superieur general des ecclesiastiques.

  A019001104 

 Que s'il est permis, sur des patentions, d'esloigner les justes et ordinaires procedures [119] des Praelatz par voye de fait, quelz inconveniens n'en verrons nous pas? Je me demettray quand il en sera tems; mays quant a present, je ne puis, ni ne dois, ni par consequent je ne veux point ceder mon droit de donner tel ordre que bon me semblera a ce benefïce vacant, en attendant qu'il soit prouveu; et ne veux nullement que ceux qui s'ahurtent y administrent les Sacremens, ayant deputé un prestre qui ira demain, pour empescher que ce peuple ne demeure pas desprouveu de ce qui luy sera necessaire de ce costé la..

  A019001105 

 A cette intention j'ay envoyé au Senat, et pour venir a chef de l'inventaire et pour relever l'appellation comme d'abus, affin que je sois desabusé si j'abuse de l'authorité que j'ay, ou que je face desabuser ceux qui pensent que j'en abuse..

  A019001105 

 J'ayme messieurs les Grassi, et d'autant plus que l'un d'entre eux est a vostre service; mais je suis obligé de maintenir le respect qui est deu a l'authorité qui m'est confiee et a luy faire faire place ou il est requis.

  A019001106 

 Tout mon desplaysir seroit si en cela je vous desplaysois aucunement; mays je ne le croyray pas ni ne le sçaurois croire, puisque mon intention est bonne et sans fiel, et vous m'aymes constamment, qui suis aussi invariablement,.

  A019001112 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait chez les PP. Missionnaires.

  A019001127 

 Je la prie qu'elle prepare son petit cœur pour estre le logis de Celuy qui la veut toute posseder.

  A019001139 

 Mais c'est donq asses, ma tres chere Fille: Dieu et vostre bon Ange vous ayant consolee, je n'y metz plus la main; vostre amertume tres amere est en paix, qu'est il besoin d'en plus parler? A mesure que Dieu tire a soy, piece apres piece, les thresors que nostre cœur avoit icy bas, c'est a dire ce que nous y affectionnions, il y tire nostre cœur mesme; et puisque je n'ay plus de pere en terre, dit saint François, je diray plus librement: Nostre Pere qui es es cieux.

  A019001142 

 Les humiliations, dit nostre Seigneur, precedent et introduisent bien souvent l'humilité; continues en cet exterieur, qui est plus aysé, et petit a petit l'interieur s'accommodera..

  A019001145 

 Prenes bien garde a ce qui peut offencer le prochain et a ne rien descouvrir de secret qui luy puisse nuire; et s'il vous arrive, taschés a reparer le tort, tant que vous pourres, sur le champ.

  A019001146 

 Mais, ma Fille, cet amour de la propre excellence n'est [125] il pas gratieux en cette fille que je vous ay tant recommandee et qui en verité m'est chere comme mon ame? Car, qu'y a il de plus gentil que cette petite aversion, laquelle [provient] d'estre appellee fille de cette pauvre Mere? Mays demandes luy, je vous prie, si elle a encor point de sentiment dequoy je l'appelle ma Fille, et si elle voudroit point que je l'appellasse ma Mere? O vray Dieu, qu'il luy a cousté d'effortz pour me dire cette petite niaiserie! Certes, ma Fille, je ne sçai pas combien il luy couste, mais je ne voudrois pour rien du monde qu'elle ne me l'eust dit, puisqu'en cela elle a prattiqué une si profonde resignation et confiance envers moy..

  A019001147 

 O ma Fille, dites luy que ces menues communications de son ame a la mienne entrent en un lieu d'ou elles ne sortent jamais qu'avec congé de celle qui les y met.

  A019001163 

 La paix et tranquillité du cœur, qui prennent leur origine d'une parfaite confiance en la bonté de Dieu et sont le lieu du Saint Esprit, soyent aussi a jamais vos plus cheres compagnes.

  A019001180 

 Mais je parle mal sans y penser, ma tres chere Fille: ce n'est pas vostre cœur qui est alangouri, c'est vostre cors; et a cause de la liayson qui est entre eux, il semble au cœur qu'il a le mal du cors.

  A019001180 

 Mon Dieu, ma Fille, ne vous tenes nullement chargee de souffrir ce qu'il faut que vous souffries: c'est pour la tressainte volonté de Dieu, qui a donné ce poids et cette mesure a vostre estat, corporel; mais l'amour sçait tout et fait tout; il me rend ce me semble, medecin..

  A019001182 

 Ayes toute vostre confiance en sa [130] Bonté, et il aura soin de vostre ame et de tout ce qui la regarde plus que jamais nous ne sçaurions penser..

  A019001182 

 O ma tres chere Fille, demeures en paix, ne vous amuses point a vos imperfections, mais tenes les yeux haut eslevés en l'infinie bonté de Celuy qui, pour vous contenir dans l'humilité, vous laisse vivre dans vos imperfections et infirmités.

  A019001194 

 Et puis, voyla la tres chere seur qui de mesme ne respire presque que la bienveuillance de son beaufrere, et ayme filialement ce chetif Pere spirituel, de qui Dieu luy a [132] donné une si entiere et parfaite amitié qu'elle ne se peut exprimer.

  A019001196 

 Je me resouviens fort bien que j'allay visiter une damoyselle, grande amie de madame l'Abbesse de Baume; et elle sera donq la mienne puisqu'elle est la vostre, car les cœurs qui sont unis a un cœur ne peuvent qu'ilz ne soyent unis ensemble..

  A019001213 

 Cependant, madame de Chevron, ma bonne tante, a pensé jusques a present que j'avois esté l'autheur de cette retraitte; qui a esté la cause que je ne suis point allé voir madame de Boege, en attendant que, par mesme voye, allant visiter l'une de ses ( sic ) dames, je puisse aussi visiter l'autre, estant si voysines comme elles sont; et lhors je n'oublieray pas ce quil vous a pleu de me recommander, Dieu aydant, ayant tous-jours un desir invariable de vous pouvoir, par quelque preuve, asseurer,.

  A019001230 

 Voyla ma procuration, mon tres cher Frere, et le Memoire des choses qui me semblent a propos d'estre remonstrees a Rome; mais puisque vous aves le vent en pouppe et que tout le monde sçait cette affaire par dela, je pense que les faveurs de Son Altesse et de Messeigneurs les Princes osteront toute difficulté.

  A019001231 

 Nostre monsieur de Quoex, dit quil ne faut rien que la procure que j'ay faite, et que la chose soit vivement sollicitee; pour cela, j'escris a monsieur Beybin, qui est non seulement de ce diocese, mais curé de Saint Germain de la Chevre et respondant de Dumont, et voysin de monsieur l'Abbé de Cheysery, et fort dependant de Monsieur de Bourges..

  A019001234 

 Presque tout le monde icy tesmoigne de la joye de vostre promotion, et ceux qui ne la tesmoignent pas sont de trois sortes: les uns, parce qu'ilz ont opinion que c'est tout a fait pour m'oster d'icy, et ilz nous voudroyent tous deux; les autres, parce que cela leur est tellement [137] inopiné, qu'a l'abord ilz ont eu peine de le croire; et les autres, qui sont fort peu et si peu que ce n'est rien, par envie, jalousie et amertume de cœur.

  A019001235 

 Je n'escris a personne, car je n'en ay nul loysir, et il faut faire partir cette procure et ce Memoire, qui est l'essence de l'affaire.

  A019001235 

 Je vous envoyeray mes Bulles par mon neveu, ou par autre premiere commodité, affin que s'il y avoit quelque chose qui servit, on le prit; mais on sçait tout cela en chantant.

  A019001260 

 Je vous prie donc instamment de vouloir bien vous en occuper avec affection et toute diligence; car Son Altesse et Monseigneur le Prince désirent beaucoup que l'affaire réussisse promptement pour de dignes considérations qui regardent leur satisfaction et service.

  A019001272 

 C'est pour vous dire que je ne vous escris que ces deux motz, reservant le loysir pour escrire a d'autres a qui il faut faire responce.

  A019001273 

 O ma tres chere Fille, recommandes moy a ce divin Amour crucifié et crucifiant, affin qu'il crucifie mon amour et toutes mes passions, en sorte que je n'ayme plus que Celuy qui, pour l'amour de nostre amour, a voulu estre douloureusement mais amoureusement crucifié..

  A019001273 

 Vous estes environnee de croix tandis que le cher mary a du mal: or, l'amour sacré vous apprendra qu'a l'imitation du grand Amant, il faut estre en la croix avec humilité, comme indigne d'endurer quelque chose pour Celuy qui a tant enduré pour nous, et avec patience, pour ne point vouloir descendre de la croix qu'apres la mort, si ainsy il plait au Pere eternel.

  A019001284 

 Cette fille me sera chere, venant de la main de la providence de Dieu, et sur vostre recommandation, ma tres chere Fille, qui m'est de tres grande estime en toute façon.

  A019001285 

 Je n'ay encor point parlé a monsieur N.; mais, a veuë de païs, je ne laisse pas de vous dire, ma tres chere Fille, que vous tenies la teste hautement relevee en Dieu et les yeux dans l'eternité bienheureuse qui vous attend.

  A019001285 

 Qu'est ce qui peut nuire aux enfans du Pere eternel qui ont confiance en sa debonnaireté? En toy, Seigneur, j'ay mon esperance; disons bien cecy, ma tres chere Fille, mais disons le souvent, disons le ardamment, disons le hardiment, et ce qui s'ensuit nous arrivera: Je ne seray point confondu.

  A019001296 

 Il est vray, vous l'aves desiré et je l'ay accepté: vous estes ma tres chere Fille, et j'en ay de la consolation, estimant que vos bons souhaitz devant Dieu ne serviront pas peu pour impetrer sa misericorde sur mon ame, laquelle aussi reclame souvent cette mesme Bonté sur la vostre, affin qu'elle soit toute sainte, et qu'en verité elle marche en douceur, humilité et simplicité interieure, qui sont les trois vertus colombines que le divin Espoux Jesus Christ recherche en ses amantes.

  A019001297 

 Je vous escris ces motz sans loysir ni haleine, pour la multitude des responses quil faut que je face; mais je ne [144] les envoye pas sans un'extreme affection que j'ay pour vous, puisqu'il plait a Celuy, ma tres chere Fille, qui m'a rendu, en son divin bon playsir,.

  A019001319 

 On dit souvent de telles propositions qui se doivent entendre commodement, c'est a dire quand les choses se peuvent bonnement faire, selon les lieux, les personnes et les affaires que l'on a. Demeures donq en paix, et faites valoir ce document, sagement, prudemment, non durement ni rigoureusement, ni ric a ric..

  A019001319 

 Or sus, je vous dis, ma tres chere Fille, que si j'ay dit en quelque Entretien: douze heures dans la mayson [146] pour une au parloir, j'ay dit ce qui seroit desirable, s'il estoit prattiquable.

  A019001320 

 Et de plus, s'il se treuve quelque ame, voire mesme au noviciat, qui craigne trop d'assujettir son esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuydance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que pour l'ordinaire celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A019001330 

 Je loue Dieu et vous remercie humblement de la paix et douceur que vous aves donnee a vostre curé qui, je m'asseure, l'employera a rendre meilleur service a l'Eglise.

  A019001331 

 Et mesme que monsieur de Menthon, de la nomination duquel est ladite chapelle, praeferera aussi celluy-la a quicomque pourroit venir, puisqu'il luy est aussi proche qu'a vous, Monsieur, qui sous la faveur de Son Altesse ne tarderes pas, comme j'espere, beaucoup sans avoir des autres bonnes commodités pour monsieur vostre filz; et moy, je desireray tous-jours le bonheur de m'y pouvoir employer..

  A019001331 

 Mays monsieur le Doyen la possedera encor toute l'annee de son noviciat, apres laquelle il en veut disposer en faveur d'un parent qui luy est si proche, [148] et a vous, Monsieur, que quand il me l'a eu nommé et dit ses raysons, il m'a osté tout a fait le courage d'interceder pour tout autre.

  A019001332 

 Ce pendant, Monsieur, cette mesme amitié ancienne qu'il vous a pleu de me marquer, m'oblige a vous communiquer lhonneur que Son Altesse a fait ces jours passés a mon frere qui est aupres de Madame, l'ayant nommé mon coadjuteur et successeur en cett'Evesché, avec une gratification d'autant plus honnorable que ça esté sans que je l'aye jamais ni demandee ni fait demander.

  A019001332 

 De sorte, Monsieur, qu'a mon manquement, vous aures un autre Evesque qui, estant mon frere, sera ensuite comme moy,.

  A019001348 

 Elle n'a garde de se faire du mal qui cuise, elle ayme trop sa peau.

  A019001348 

 Il n'y a rien a craindre, ma tres chere Fille; il y a du malheur en l'esprit de cette Seur qui luy fait parler et de vostre chastiment et du mien avec une esgale fauseté.

  A019001356 

 En somme, nous voyla asses bien selon le lieu ou nous sommes, car mon frere retiendra ses benefices, qui suffiront avec la pension, puisque a la cour [151] il aura cinq bouches et des chevaux entretenus par departement de plat porté en son logis..

  A019001356 

 Et l'excellence du fait, c'est que, ni directement ni indirectement, j'e n'ay demandé ni procuré ce bienfait, qui n'est pas grand, a la verité, quant aux moyens, mais bien grand quand a lhonneur et la façon encor plus honnorable de le conferer.

  A019001358 

 Je suis certes grandement obligé a ce grand Cardinal pour l'estime qu'il fait de moy, qui n'ay jamais merité la moindre des pensees qu'il a eu pour moy.

  A019001358 

 Toutefois, monsieur des Hayes qui a tant de bienveuillance pour moy et tant de dexterité en toute sorte d'affaires, apprendra doucement les intentions, et desnoüera sagement l'affaire, sil la faut desnoüer.

  A019001366 

 Je n'ay jamais bien peu concevoir qu'il fut juste qu'on fit perdre les creances a un homme pour les conserver au debiteur qui, [155] en aage de discretion, a fait l'emprunt; mays si on pouvoit mettre ordre pour l'advenir affin qu'on ne peut plus valablement emprunter et que cela fut notifié aux presteurs, cela seroit bon..

  A019001367 

 La Seur Jeanne Françoise me vient de promettre des merveilles; car saches que le porteur qui me pressoit tant hier n'estant pas parti, j'ay adjousté ces deux motz..

  A019001389 

 C'est elle qui, emmi la meslee des passions, crie tous-jours intelligiblement: VIVE JESUS! Vous aves donq bien rayson de demeurer en paix.

  A019001389 

 Il m'est advis que je voy vostre cœur comme un cadran qui est posé au soleil et qui ne remue point, ains demeure immobile, tandis que l'esguille et calamite qui est dedans [157] s'agite incessamment et, par des continuelles inquietudes, s'eslance du costé de sa belle estoile; car ainsy vostre cœur demeurant immobile, vostre volonté tend par des bons mouvemens a son Dieu.

  A019001391 

 Si j'avois cette pensee, de procurer vostre enfermement, je l'aurois dit; je m'en serois declairé, je ne dis pas a vous, qu'en vraye verité j'estime correspondre a mon affection, mais a madame l'Abbesse et autres qui m'ont parlé confidemment, tant je vay loyalement en semblables occasions.

  A019001399 

 Il vint icy les festes de Noël, renvoyé, ainsy qu'il me dit, par son Pere confesseur qui, ne se pouvant pas bien resoudre sur sa vocation, me l'addressa affin qu'il en conferast avec moy.

  A019001399 

 Son confesseur, a ce qu'il m'a dit, est un tres grand personnage, et de la Compaignie, qui verra plus clairement a la suite ce qui sera convenable, et en discernera mieux que je ne sçaurois faire..

  A019001400 

 Et pourroit ce dessein estre mesnagé sur l'erection d'un evesché a Chamberi, que Son Altesse semble tant affectionner et qui y est si nécessaire, et dont [160] la commodité est meilleure que jamais tandis que M. le mareschal des Diguieres gouverne; car la proposition d'un Seminaire estant faite, on pourra faire aysement entrer en propos l'entretenement de quelques Peres pour la conduite d'iceluy..

  A019001400 

 Que si monsieur de Saunas ne donne pas son prieuré, il y en a d'autres aupres de Chamberi, comme Saint Bardot, et quelques autres petitz qui pourroyent servir a cela.

  A019001416 

 Et pour cela je me contenteray de luy en faire tres humblement la reverence et l'asseurer que, comme elle pouvoit gratifier grande multitude de gens de plus de merite, aussi n'eut elle peu en regarder de plus de fidelité et d'obeissance [161] que mondit frere et moy, qui ne cesseray jamais de louer Dieu de quoy il m'a rendu, par tant de devoirs,.

  A019001416 

 Je ne me puis taire sur la nomination de mon frere a ma coadjutorie, car les grans coups de faveur, comme ceux de la douleur, excitent qui que ce soit a parler; et si, je ne puis rien dire a Vostre Altesse sur ce sujet, qui ne soit grandement au dessouz de mon sentiment.

  A019001429 

 Les faveurs les moins meritees sont a la verité les moins honnorables, mais elles sont aussi les plus obligeantes; et quand elles viennent d'un haut lieu et d'une main souveraine, elles sont estimees parfaites, et ostent a ceux qui les reçoivent le pouvoir d'en faire des dignes actions de [162] graces.

  A019001442 

 Si vous mesures vos faveurs a ce que Dieu a voulu que vous fussies, il n'y en aura jamais de trop grandes; mays [163] si elles sont balancees avec le merite de ceux qui les reçoivent, celle dont il vous a pleu de gratifier mon frere et moy, en la nomination faite par Son Altesse, sera sans doute des plus excessives, et faudra advoüer, Madame, qu'elle n'a nul fondement qu'en la grandeur de vostre bonté; sinon que, parmi plusieurs graces de Dieu, vous aves encor celle la de connoistre les cœurs, et que dedans les nostres Vostre Altesse ayt regardé l'incomparable passion que Dieu mesme y a mise, pour nous rendre infiniment dediés a vostre service et nous faire resigner a jamais a l'obeissance de vos commandemens: car en ce cas, Madame, s'il vous a semblé bon de mettre en consideration nostre tres humble sousmission, Vostre Altesse aura bien eu quelque sujet de nous departir ce bienfait, duquel je luy rens tres humbles graces..

  A019001443 

 Et luy en faysant reverence avec un extreme respect, je prie la divine Majesté qu'elle comble la royale personne de Vostre Altesse de l'abondance de ses benedictions, qui suis,.

  A019001455 

 Demeurés en paix, ma tres chere Seur, et ne croyes point que j'aille ni en Espagne ni ailleurs, au moins ny [164] a-il nulle apparence de cela; et j'espere que j'auray le contentement de vous rendre quelque service pour vostre logement avant mesme que j'aille en l'autre monde, qui est le plus long et le plus esloigné, comm'aussi le plus asseuré de tous les voyages que j'aye a faire, et lequel je vous supplie tous-jours de recommander et faire recommander a Dieu par vos cheres Filles, affin quil me soit heureux.

  A019001471 

 Outre que les venerables Religieux de Six, pour leur bonne vie et affection a la reformation, meritent d'estre [165] protegés, l'affaire qu'ilz ont maintenant prenant son origine en partie de la visite que j'y ay faite, et en laquelle je puis bien prendre Dieu mesme a tesmoin d'avoir eu seulement son service en veüe, et en laquelle, de plus, je n'ay presque rien ordonné qu'apres avoir, par raysons, tiré le consentement amiable des parties, je me sens obligé de faire avec lesdits Religieux une mesme supplication aupres de vous, affin qu'il vous playse de les favoriser en la conservation de leur bon droit; en quoy vous feres chose grandement aggreable a Nostre Seigneur et qui m'obligera extremement, qui suis a jamais,.

  A019001515 

 [169] Elle pourra estre des Seurs Associees, qui sont l'objet de la plus parfaite charité qu'on puisse exercer, ce me semble, en attendant que, le courage luy venant, elle puisse se rendre un peu sujette au chœur.

  A019001528 

 Je vous supplie de donner seure addresse aux lettres de Paris, et de recommander a nostre Seur de Moulins celle de Bourges qui importe a la Superieure de ce lieu la..

  A019001548 

 Pour moy, je n'y suis nullement, non pas mesme par la pensee, car mon ame est toute contournee a la vie contraire, et ne sçauroit s'amuser a la consideration d'un objet qui luy revient si peu..

  A019001558 

 C'est la verité, ma tres chere Fille, que mon ame vous cherit tres parfaitement; et m'est impossible, quand je pense en vous, qui n'est pas peu souvent, que je ne ressente un eslan d'affection fort particuliere..

  A019001559 

 Dieu soit loué, ma tres chere Fille, que vous aves souffert les tranchees d'un accouchement quand vous vous estes enfantee vous mesme a Jesus Christ! Marches maintenant saintement et soigneusement en cette nouveauté d'esprit, et gardes bien de regarder en arriere, car il y auroit un extreme danger; et benisses la divine Providence qui vous avoit preparé une nourrice si aymable.

  A019001560 

 Que cette chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument [174] comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens, ni il ne dependra pas de moy, qui suis fort peu de chose icy et rien du tout ailleurs: seulement je repete que pour mon consentement je le donne, et contribueray, de plus, ce que je pourray bonnement faire a vostre intention..

  A019001561 

 Mais, ma tres chere Fille, ne sommes nous pas enfans, adorateurs et serviteurs de la celeste Providence et du cœur amoureux et paternel de nostre Sauveur? n'est ce pas sur ce fonds sur lequel nous avons basti nos esperances? Faites ce qu'il vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.

  A019001562 

 Donq, ma Fille, pour conclure, je feray pour vostre petit contentement tout ce que je pourray, qui est peu; de dela, je m'asseure qu'on fera de mesme; mais au Ciel on fera tout, on vous comblera de consolations par les moyens que la Sagesse supreme connoist et void, et que nous ne sçavons pas..

  A019001573 

 Si Monseigneur de Grenoble l'eut commis pour faire l'office de Pere spirituel, je l'eusse treuvé bon; mays cela ne l'eut pas contenté, car je voy que tous-jours il eut volu estre en asseurance de parti, ce qui ne se peut ni doit faire, a cause de la consequence..

  A019001574 

 Et je croy bien que jamais rien ne fut survenu du costé de monsieur d'Ulme qui eut apporté du changement, mais tous-jours ne pouvoit on pas donner une totale asseurance.

  A019001607 

 Ces quattre lignes suffiront, ma tres chere Fille, pour servir de preface a une plus grande lettre que je me sens obligé de vous escrire, pour reparer le manquement que j'ay fait de vous rendre ce devoir des mon arrivee en ce pais, ou je vous supplie de croire que vous estes toute presente a mon esprit, qui ne finira jamais de cherir infiniment le vostre et luy souhaiter toutes les plus favorables benedictions de Nostre Seigneur, et particulierement un continuel progres en l'amour celeste qui seul peut assoüir vos affections..

  A019001608 

 C'est un vray martire, ma tres chere Fille, de souffrir beaucoup pour la volonté de Celuy a qui nous avons voué la nostre, et qui nous a tant aymé quil a volu mourir pour nous..

  A019001608 

 J'ay loué sa divine Majesté quand j'ay sceu que vous esties acouchee heureusement apres tant de maux et de peines, par lesquelles la divine Providence vous veut associer a sa croix, qui est la plus estimable marque de sa dilection parmi ses enfans.

  A019001609 

 Je vous demande permission de saluer en ce petit bout de lettre ma tres chere petite fille madamoyselle Anne, qui, je m'asseure, est encor plus devote que belle.

  A019001626 

 Et je me garderay fort bien de jamais rien demander, ni mesme desirer de vostre bonté, Madame, ni de celle de Monsieur, qui ne soit selon les loix de l'honneur et bonheur que j'ay d'estre,.

  A019001637 

 Voyla les saintes Huiles que vous desires, tres ayse que je seray toute ma vie de pouvoir rendre quelque digne service a Monseigneur vostre oncle, a son Evesché et a vous, a qui je suis de toutes mes forces, et vous saluant humblement,.

  A019001650 

 Il faudra avoir un promoteur favorable qui fera tout et conduira tout..

  A019001652 

 La pauvre M me de Charmoysi est toute affligé ( sic ) de son filz qui est de si mauvaise humeur, a ce qu'on luy a dit, et m'a prié de luy escrire une lettre de censure..

  A019001675 

 J'ai attendu jusqu'à présent de vous offrir l'humble remerciement qui vous est dû, car nos bons Pères Barnabites [184] se rendant à Milan, le P. D. Candide, porteur, m'a promis de suppléer à mon défaut en accomplissant ce devoir pour moi.

  A019001703 

 Je vous supplie en même temps, si toutefois cela se peut et s'il est expédient, de vouloir bien les renvoyer ici; car, ayant appris la langue et les usages du pays, ils pourront y travailler plus utilement que d'autres qui viendraient sans ces éléments nécessaires de succès..

  A019001704 

 Néanmoins, je ne laisserai pas de dire à Votre Paternité Révérendissime, comme très désireux du bien et de l'honneur de sa Congrégation, qu'il serait aussi très à propos d'envoyer avec eux un des Pères anciens, dont l'âge inspirerait plus de respect encore [186] pour ces collèges récemment fondés qui s'augmenteront peut-être bientôt d'un troisième pour le Noviciat; ainsi, par la présence et l'autorité d'un si vénérable personnage, toutes ces Maisons recevraient leur entier perfectionnement..

  A019001726 

 Et sil faut joindre cette piece encor, je diray que je suis encor bien ayse du bien de ce jeune ecclesiastique qui, a ce moyen, pourra en s'occupant devenir tous-jours meilleur.

  A019001740 

 Non veritablement, ma tres chere Fille, il n'est pas vray que je vous puisse dire de quel cœur je vous cheris et honnore, ni par consequent que jamais je vous puisse obliger en vous escrivant le plus souvent que je puis; quoy que je le fay avec bien plus de douceur, sachant que vous aymes a recevoir ce petit tesmoignage de mon infinie affection, que vous ne pouves guere connoistre humainement d'autre sorte, et de laquelle en suite vous auries bien sujet de douter si Dieu, qui en est l'autheur, ne vous en donnoit la certitude dans le fond de vostre ame, comm'au milieu de la mienne il a planté un invariable sentiment de ce que vous m'estes et de ce que vostre cœur est au mien.

  A019001760 

 Voyla Son Altesse qui me mande advertir que de toute necessité il veut que j'accompaigne Monseigneur le Cardinal son filz a Rome; et en effect, il sera a propos, pour le service mesme de l'Eglise, que je face ce voyage, bien qu'en toute verité, ma Mere, il ne soit nullement selon mon inclination: car en somme, c'est tous-jours aller, et j'ayme a demeurer; et c'est tous-jours aller a la cour, et j'ayme la simplicité.

  A019001772 

 Dites luy que, pour toute broncharde qu'elle pourroit estre, jamais elle ne s'estonne, ni ne despite contre soy mesme; qu'elle regarde plustost Nostre Seigneur qui, du haut du Ciel, la regarde comme un pere fait son enfant qui, encor tout foible, a peyne d'asseurer ses pas, et luy dit: Tout bellement, mon enfant; et s'il tombe, l'encourage, disant: Il a sauté, il est bien sage, ne pleures point; puis s'approche et luy tend la main.

  A019001773 

 Et si quelquefois elle vous donne de la peine, supportes la suavement a ma consideration, mays sur tout a la consideration de Celuy qui l'a tant aymee, que, pour l'aller prendre dans son neant ou elle estoit, il s'est abbaissè jusques a la mort, et la mort de la croix.

  A019001773 

 O Dieu, ma tres chere Fille, si vous sçavies combien mon cœur ayme cette fille et de quelz yeux je la regarde des icy a tous momens, vous auries un grand soin d'elle, encor pour l'amour de moy, outre ce que vous luy estes; car vous m'aymes d'un amour qui est asses fort pour vous faire aymer tout ce que j'ayme.

  A019001773 

 Quand le grand Apostre recommande a Philemon le pauvre garçon Onesime, il luy dit mille paroles si douces qu'elles ravissent d'amour: Si tu m'aymes, dit il, si tu m'a receu dans ton cœur, reçois aussi mes entrailles; appellant ainsy le pauvre cher Onesime, qui avoit fait un mauvais trait a Philemon, pour lequel Philemon estoit courroucé.

  A019001774 

 Et quant a vous, ma tres chere Fille, comme n'aymeres vous pas Dieu qui vous ayme tant? Quel tesmoignage de son amour, ma Fille, en cet heureux trespas de ce bon pere auquel vous aves tant souhaité une telle fin! Certes, j'en suis ravi..

  A019001775 

 Mille benedictions sur vostre cœur, ma chere Fille, et sur toutes nos cheres Seurs, et sur tout ce qui est a vous, en vous et pour vous; et j'y auray donq ma bonne part, puisque je suis infiniment a vous en Jesus Christ et pour Jesus Christ..

  A019001786 

 Mais cette verité, il la faut doucement mesnager et ne point l'alleguer par maniere de resistance, mais plustost la luy faire dire par quelqu'homme qui la sache dire avec dexterité..

  A019001787 

 Si d'Auvergne on poursuivoit pour vous avoir un moys au commencement de la fondation, je pense que cela seroit bon et a propos pour la consolation des Seurs qui iront.

  A019001788 

 Cependant, ma tres chere Fille, [vous] me voyes bien marri d'estre reduit a l'impossible pour aller prescher a Lyon, Son Altesse voulant tres absolument que j'accompaigne Monseigneur le prince Cardinal a Rome, qui fera le voyage cet automne.

  A019001799 

 Il faut tellement adjuster nos volontés, que, ou elles ne pretendent point de commodités, ou si elles en pretendent et desirent, elles [200] s'accommodent aussi doucement aux incommodités, qui sont indubitablement attachees aux commodités.

  A019001800 

 Et a propos de petites filles, la Seur Jeanne Marguerite, fille de madame la concierge, qui a esté receuë si jeune, est malade d'une maladie douloureuse et, comme dit M. Grandis, mortelle; car elle est pulmonique.

  A019001801 

 Et sera bon qu'il soit ou noir ou tanné, sans ornement, comme j'ay veu a Saint Paul de Milan, ou il y avoit environ cent cinquante Religieuses et vingt ou vingt cinq Novices, et bien autant de pretendantes qui y estoyent en pension et attente; et celles ci estoyent toutes vestues d'une mesme couleur bleue, et des voyles de mesme, et tout leur appareil esgal..

  A019001801 

 Or, si vous receves celle que vous dites, il est vray qu'il ne la faut pas lier aux exercices, car cela la pourroit rebuter en cette si tendre jeunesse, qui ne peut encor savourer ce que c'est de l'esprit, pour l'ordinaire.

  A019001803 

 Un petit habit tanné, ou blanc, ou de la couleur que vous jugeres plus propre, avec un peu de forme approchant de celle de la Religion, qui monstreroit qu'elles sont en pretention et attendant l'aage, les pourroit contenter..

  A019001804 

 Cependant, ma tres chere Fille, qui ne cherche que la gloire de Dieu la treuve dans la pauvreté comme dans les commodités.

  A019001804 

 Laisses donq doucement et paysiblement aller a Lyon qui voudra; Dieu vous garde mieux que tout cela.

  A019001804 

 Quand vous seres en vostre monastere, ses commodités feront leur attraction comme les autres, et les filles y viendront comme les colombes aux colombiers qui sont blancz.

  A019001805 

 Et nonobstant cela, il est bon qu'il y ayt des Seurs Associees, pour faire la charité a tout plein de personnes qui ne sçauroyent dire l'Office, ou pour avoir la veuë trop foible et basse, ou pour avoir manquement d'estomach, ou pour quelque autre infirmité.

  A019001806 

 C'est pourquoy il ne sera nul besoin qu'elles disent les Heures, ains suffira qu'elles fassent ce qui est porté en l'article de cette Constitution, et qu'au reste la Supérieure les employe selon qu'elle verra qu'elles pourront faire..

  A019001823 

 Mays ce point icy je le confie a vous, qui m'aymes, et a M. D.....

  A019001823 

 ne l'ayant volu dire a personne qui vive..

  A019001824 

 Or ay je sceu que monsieur Drujon, vostre frere, a en son pouvoir plusieurs tiltres et papiers appartenans audit prieuré; qui me fait vous prier, par nostre commune vocation et l'amitié que vous me portes, de faire que je les puisse avoir, et qu'en attendant que je voye ce que je devray faire pour cela, je vous prie qu'ilz soyent soigneusement conservés..

  A019001825 

 Je prieray cependant monsieur.....de conferer de ce sujet avec vous, de qui ayant des-ja receu beaucoup de courtoysie, je me prometz encor celle ci tout a fait, et suis,.

  A019001841 

 Dieu, qui est la charité mesme, vous veuille tous conserver en son saint service, parmi lequel je vous prie me faire part en vos oraysons..

  A019001865 

 Laisses en vostre place nostre chere Marie Aymee; les benedictions que Dieu respand sur sa conduite a l'esgard des Novices, s'eslargiront tous-jours sur tout ce qui luy sera commis.................................................................................................

  A019001883 

 N'en doutes point, je vous ayme plus que jamais, parce que je vous voy en estat d'entrer dans cette voye d'une [210] veritable devotion qui commence a destacher son cœur de toutes les choses du monde, affin d'estre toute a Dieu et qu'il puisse absolument disposer de vous, pour n'aymer que ce que Dieu ayme, pour faire sa volonté et suivre ses conseilz, pour fuir avec un soin extreme tout ce qui le peut offencer, mortifier ses passions et regler sa vie sur les maximes de Jesus Christ, estre humble et patiente; car le grand secret pour entretenir une bonne devotion, c'est d'avoir beaucoup d'humilité.

  A019001884 

 Cet Amour increé, qui, sans esgard a ses propres advantages, s'employe par tout a chercher nostre bien, nous cachant souvent les plus belles flammes ou nous le pensions moins, a ce saint artifice pour nous engager a l'aymer de toute nostre puissance; et parce que cet amour est un don [211] gratuit de son amour, aussi devons nous le chercher de toutes nos forces.

  A019001884 

 Nous ne devons pas nous troubler pour nos offences; car souvent ce divin Esprit est plus liberal de ses dons a ceux qui luy ont esté plus avares de leur cœur et de leurs affections..

  A019001885 

 Et si vous me demandes pourquoy cela, il faut avant sçavoir que le Saint Esprit est le vin du Ciel, chez saint Bernard, qui disoit qu'au Ciel il y avoit surabondance de ce vin, je veux dire l'allegresse du Saint Esprit et la joye beatifique; mais il n'y avoit ce pain sacré de l'humanité de Jesus Christ.

  A019001885 

 La terre, au contraire, avoit ce pain sacré dont elle faysoit ses delices et sa joye; elle n'avoit pas ce vin si suave et si brillant du Saint Esprit, qui devoit enivrer nos ames et les combler de joye..

  A019001886 

 Il faut donq, leur dit Jesus Christ, qu'il y ait un saint commerce entre vous et les Anges: vous aures infalliblement du Ciel ce vin si puissant du Saint Esprit, en luy faysant part de vostre pain sacré qui est encor sur la terre et comme entre vos mains, c'est a dire l'humanité de Jesus Christ..

  A019001893 

 Or sus, au nom de Dieu, ma tres chere Fille, il est vray, Dieu veut que vous vous servies de mon ame avec une confiance toute entiere pour tout ce qui regarde le [213] bien de la vostre, laquelle pour cela il m'a rendue toute chere et pretieuse en son celeste amour..

  A019001895 

 Mays, ma Fille, que ferons nous donq de cette liberté que nous avons? Nous la voulons, sans doute, toute immoler a Celuy de qui nous la tenons; car cette resolution est invariable, que, sans reserve ni exception quelcomque, non pas mesme d'un seul moment, nous ne voulons vivre que pour Celuy lequel, pour nous faire vivre de la vraye vie, voulut bien mourir sur la croix..

  A019001896 

 Et de se promettre une resolution si constante qu'on ne peust l'esbransler et mesme renverser, ce seroit se promettre [214] un vray miracle, en cet aage, en cette forme de visage, entre tant de subtilz advocatz et intercesseurs que le monde et sa prudence auroit aupres de vous, qui, sans merci ni relasche quelcomque, assailliroyent, qui d'un costé, qui d'autre, vostre repos; et a force d'importunités, ou de deceptions et surprises, a la fin cheviroyent de leurs entreprises et de vostre force.

  A019001897 

 Helas! ces ames qui ont une inclination toute partiale pour le mariage, pour heureux presque qu'il soit, y treuvent tant d'occasions de patience et de mortification, qu'a grand peyne en peuvent elles porter le fardeau.

  A019001898 

 Certes, les Apostres ayant ouy parler une fois Nostre Seigneur de l'indissoluble lien du mariage, luy dirent: Seigneur, s'il en va de la sorte, il n'est donq pas expedient de se marier? Et Nostre Seigneur appreuvant leur opinion, leur respondit: Tous ne comprennent pas ce mot; qui le peut comprendre, qu'il le comprenne.

  A019001898 

 Or, je dis encor d'autant plus asseurement ceci, que je voy en vous le mariage plus perilleux qu'a une autre, a cause de ce courage pretendant que vous me marques, qui vous feroit incessamment souspirer apres les aggrandissemens et vous feroit nager continuellement dans la vanité..

  A019001899 

 Et Nostre Seigneur commande en sa parabole a son serviteur: Contrains les d'entrer; et pas un de ceux qui furent contraintz ne dit: Laisses moy, vous me blesses.

  A019001899 

 Je vous dis donq ainsy, par force: Ma Fille, entres en Religion; mais en vous le disant, je sens une secrette suavité dans cette force, qui fait que cette force n'est point forcee, ains douce et aggreable.

  A019001901 

 Celuy qui crioit si lamentablement: Le bien que je veux, je ne le fay pas, mais le mal que je ne veux pas est en moy; c'est a dire: En ma chair n'habite pas le bien; car le vouloir est attaché a moy, mais je ne treuve point le moyen de le parfaire.

  A019001901 

 Helas! pauvre miserable que je suis, qui me delivrera du cors de cette mort? La grace de Dieu par Jesus Christ; ou bien: Je rens graces a Dieu par Jesus Christ.

  A019001902 

 Vous aymeres la parole de la Croix, que les payens ont tenue pour folie, et les Juifs pour scandale; et laquelle a nous, c'est a dire a ceux qui sont sauvés, est la sagesse supreme, la force et vertu de Dieu..

  A019001903 

 Oh! vive le Sauveur a qui je suis consacré! que cet advis ne regarde que vostre ame, et n'a nulle mire ni a droitte ni a gauche, que vostre paix et repos..

  A019001914 

 Et parce que elles m'ont allegué.............estant ainsy................ce qui est requis de vostre part pour sa Profession, j'ay pensé, Monsieur, que vous me sçauriés [219] gré si je vous priois de vouloir contribuer a cette bonne œuvre le soin qu'une bonne seur doit attendre d'un bon frere, et contribuer a l'indemnité de ce Monastere qui, ce pendant, entretient tous-jours cette fille et la fait traitter en ses maladies si frequentes, sans en avoir rien..

  A019001927 

 Je ravis ce moment pour vous saluer tres humblement, et madame ma tres chere Seur, ma fille, et vous affirmer que tout ce qui vous appartient icy se porte bien, et, comme je pense, encor a Turin, ou, ainsy que je voy, nostre commun frere arrestera encor un moys ou six semaines, affin de rendre quelque bon service a Madame apres son sacre, et que, revenu icy, je puisse aller la en sa place..

  A019001942 

 Voyla monsieur de Roüer qui va pour les proces que sa mayson a en ce pais-la.

  A019001943 

 Troys ou quatre se presenteront pour le canonicat, entre lesquelz, ce me semble, M. Ducrest, qui est [222] docteur, est tout a mon gré et pour l'exterieur et pour l'interieur; mais je ne sçai ce que messieurs du Chapitre feront..

  A019001944 

 Pour avoir un aumosnier de Madame, j'ay jetté les yeux sur M. le Prieur de Mesme, tout reformé, qui a bien estudié, qui parle bien, a tres bonne mine et a des moyens, et qui, a mon advis, tiendra fort bien cette place, et nous en sera obligé et toute la ville de La Roche.

  A019001945 

 Mais nous acheminons le plus que nous pouvons l'eschange de son benefice avec un autre qui est possedé par un autre changeant, affin quil puisse revenir; et le tems nous fera sages..

  A019001945 

 Pour celuy qui est a Paris, en verité il auroit bien tous les autres talens, mais je croy que la constance lui manquerait, et seroit dans peu de tems dans une dangereuse liberté qui lui serviroit de reproche, et a nous, le passé nous ayant asses appris ce qui se doit presager pour l'avenir.

  A019001946 

 Mon frere et ma seur de Cornillon ont un desir extreme que M. le curé de Regnier venant a mourir, comm'il semble quil doive faire dans peu de jours, M. François Baudri, qui est maintenant vicaire, leur voysin, et qui a plusieurs bonnes petites conditions, eut la nomination, estimans que le bon M. Pergod, qui est procureur de M. Argentier, en nommeroit peut estre quelqu'autre.

  A019001946 

 Pour [224] cela, sil se peut bonnement, il faudroit prier mondit sieur Argentier de faire une lettre a moy, par laquelle, en cas que ledit messire François se treuvast capable et desiré par les parroissiens, on le preferast; attendu que despuis plusieurs annees en ça il fait effectivement la charge de curé, exhortant, administrant les Sacremens et cathechisant, et en somme suppleant le devoir du curé qui, a cause de son mal, ne le peut faire..

  A019001948 

 J'ay veu la lettre de M. Beybin, qui ne m'a point estonné; au contraire, je l'eusse esté extremement si, estans Savoyars et gens de bien, nous n'eussions point esté enviés en une si heureuse faveur de nos Princes.

  A019001948 

 La victoire demeure a ceux qui tiennent la place, et faut demeurer en paix..

  A019001949 

 J'ay receu la lettre de Son Altesse, par laquelle elle me commande ne rien mouvoir au fait de M. Perret jusques a ce que je luy aye donné advis de ce qui m'en semble.

  A019001951 

 Et ce qui m'oste encor plus l'esperance de pouvoir servir monsieur Pernet en son desir, qui est digne de luy et du soin charitable quil a de ceux qui luy appartiennent, c'est que son cousin, M. le chanoyne, a ses apprehensions si fortes, qu'il croid que sa partie a grand tort et luy en doit de reste; combien que m'estant enquis le plus que j'ay peu de la verité, je treuve que c'est tout au contraire, et que ledit sieur chanoyne Pernet a excedé fort scandaleusement, et que le bon M. Rogex l'a traitté avec un respect duquel la partie a grandement a se plaindre.

  A019001951 

 J'ay un desir extreme de servir monsieur Pernet, mesme en la mauvaise affaire que son cousin a avec [226] ce soldat; et y ay des-ja mis la main par l'entremise de monsieur de Mesme, qui a fort heureusement gaigné sur ledit soldat quil se contentera de ses despens, la difficulté n'estant plus que sur la quantité, laquelle je voy estre fort grande par la liste que j'en ay tiree, et delaquelle, si je ne puis maintenant, au premier jour je vous envoyeray copie.

  A019001951 

 Mays qui le luy pourra persuader? En somme, je m'essayeray en cett'occasion de tesmoigner a monsieur Pernet que ses recommandations ont tout pouvoir sur moy..

  A019001952 

 Mays il ny a moyen de le servir en cela par lettres; car d'un costé, je suis engagé des il y a long tems pour M. de Saint Agné, frere de monsieur de Lucei, et d'autre part je sçai que les lettres n'ont nul pouvoir sur l'esprit de cette damoyselle, qui est si pleine de considerations qu'il faut parler, et de presence l'esclarcir des repliques que son esprit luy fournit.

  A019001959 

 J'ay parlé a M. de Mesme qui prend a grand honneur ma pensee,.

  A019001970 

 Vostre Altesse, qui m'avoit commandé de faire recevoir le neveu du sacristain Perret a Contamine,.me commande par un'autre lettre de ne le point faire jusques a ce que je luyaye donné mon advis.

  A019001986 

 Voyla donq la lettre que j'escris a Monseigneur le Prince Cardinal ensuite du desir de Monsieur le Prothonotaire du Laurey, qui n'est guere moins mon frere que le vostre en mon affection; mays vostre parole animera ma supplication affin qu'elle reuscisse..

  A019002001 

 Je voy bien le voyage de Rome incertain, mais il ny a pas moyen de mesnager entre la volonté de Son Altesse que je le face, en cas quil se face, et la qualité de la chaire de Lyon qui ne peut demeurer en attente d'estre prouveue; de sorte que j'ay fait mes excuses..

  A019002003 

 Vous aures sceu la blesseure du sieur Bonfilz, qui est grande a ce qu'on dit, mais je ne croy pas quil en ayt autre chose que le mal..

  A019002004 

 J'escris a madame la Comtesse de Rossillon a qui monsieur de Lauré, que nous vismes a Paris, a despeché ce laquay sur le voyage de Rome, desirant estre du train de Monseigneur le Cardinal.

  A019002005 

 J'ay parlé a monsieur le Prieur de Mesme, qui se sent obligé et desire grandement lhonneur; et ne croy pas que nous puissions mieux rencontrer, tant pour la mine que pour le jeu.

  A019002006 

 Mays voyla nos messieurs du Chapitre qui me viennent prendre pour Vespres.

  A019002021 

 J'escriray pour M. le General si tost que je pourray, et au moins par la Seur qui ira-la, laquelle nous voudrions estre grandement excellente; mais il est malayse d'en treuver de telles.

  A019002022 

 Encor qu'es Regles de saint Augustin il y en ayt qui ne sont pas pour ce tems, il ny a point de danger de les lire, tant pour la reverence du Saint, que pour les bonnes consequences qu'on en peut tirer..

  A019002023 

 Je ne croy pas qu'on vous [237] y veuille faire des ceremonies; mays si on le veut, vous feres la guerre a l'œil, et l'esprit de conseil vous enseignera ce qui sera requis..

  A019002041 

 Il faudra donq chercher une sorte de vie qui ne soit ni mondaine ni religieuse, et qui n'ayt ni les dangers du monde ni les contraintes de la Religion.

  A019002041 

 On pourra bien, ce me semble, obtenir que vous puissies avoir l'entree en quelque Mayson de la Visitation, pour vous recueillir souvent en cette façon de vie, et que neanmoins vous n'y demeuries pas attachee, ains ayes un logis proche pour vostre retraitte, avec la seule sujetion de quelques exercices de devotion propres a vostre bonne conduitte; car ainsy vous aures la commodité de contenter vostre esprit, qui hait si estrangement la sousmission et liayson a l'obeissance, qui a tant de peine a rencontrer des ames faites a son gré, et qui est si clairvoyant a treuver les a dire et si douillet a les ressentir..

  A019002044 

 Ma Fille, ceux qui vivent sur la mer, meurent sur la mer: je n'ay guere veu de gens embarqués dans les procrs, qui ne meurent dans cet embarras.

  A019002052 

 Or, il a une grande esperance que, par ce moyen, il rendra un bon et fructueux service a la coronne, car ceux qui entendent en l'affaire l'asseurent qu'ell'est fort bonne et digne d'estre entreprise.

  A019002053 

 Monsieur le premier President voyant que sa jambe ne luy pourra guiere meshuy permettre d'aller aux audiences, avoit fait une pensee de supplier Son Altesse de vouloir donner son office a son filz, M. de la Valbonne, qui l'exerceroit des a present et sans autres gages que ceux quil a, pendant la vie de son pere, apres laquelle il succedast aus gages comm'a l'estat.

  A019002054 

 En somme, toutes choses bien considerees, il ny en a pas un qui, a tout prendre, puisse mieux, ni certes si bien reuscir en cette charge; car, a ce qu'on me dit, monsieur de Montouz est desiré en la Chambre, et ne veut pas prsetendre ailleurs pour encor..

  A019002054 

 Et ainsy semblables choses, lesquelles sont fort veritables; de sorte que, sans doute, il ny en [a] pas un au Senat qui peut mieux [242] succeder que luy; car les uns sont si vieux quilz n'en peuvent plus, les autres sont bas de naissance et fort peu bien disans, les autres n'ont pas tant d'estude ni tant d'habilité.

  A019002057 

 Leur desir ne peut nuire, et qui pourroit transporter nostre eglise en la leur, par les moyens et avec les articles convenables, selon qu'on en a parlé ci devant, non seulement je ne verrois point d'inconvenient en cela, mais j'y treuverois beaucoup de bien; car, comme Doyen, vous gouverneries l'un des Chapitres; comme Chantre, le chœur de l'un et de l'autre uni, et comm'Evesque, tous deux et tout le clergé de la ville, parmi lequel on pourroit faire renaistre toute sorte de bonne discipline; et vostre canonicat pourroit estre donné a mon neveu.

  A019002058 

 Je suis grandement en peine des parroisses d'Armoy et Draillens pour lesquelles on ne sçauroit avoir un liart, et ceux qui les servoyent, acablés de pauvreté et de dettes dont je suis respondant, se sont retirés par force.

  A019002058 

 Monsieur le President d'Hostel, qui me tesmoigne de l'amitié autant que jamais, me dit qu'a l'advenir on sera payé annee par annee, mais que pour le passé il faut treuver quelque moyen, que pourtant il ne void pas.

  A019002059 

 Nous avons esté contraint de destiner M me de [245] Monthouz a Moulins pour y estre Superieure, par ce que M. Grandis dit que si elle ne changeoit d'air elle mourroit dans peu de semaines, comm'ell'a pensé faire ces jours passés, et l'office de Maistresse des Novices occupoit trop son esprit, qui se portera mieux des affaires exterieures..

  A019002063 

 Nous avons eu icy le P. Alexandre Fichet ces festes de Pentecoste, qui a des grandissimes talens pour precher excellemment, je dis mieux que plusieurs dont on fait si grand estat..

  A019002075 

 Nous sommes parmi le passage des Espaignolz, pendant lequel monsieur le Marquis de Lans a ordonné qu'on fit garde au chasteau de cette ville, et en avoit donné la charge a monsieur de Monthouz; mais sur les remonstrances que ces messieurs du Conseil ont fait, il a revoqué cette charge et l'a laissee audit Conseil, et nommement a mon frere de Thorens qui, en qualité de chevalier dudit Conseil et officier de Monseigneur, en a presentement la garde.

  A019002076 

 J'escris a madame de Chantal, qui en ayant appris plus de particularités, me les fera sçavoir affin que si on peut treuver quelque remede on le face..

  A019002077 

 Certes, j'apprehenderois plus cent fois vostre desplaysir que le mien propre, car je suis parfaitement tout dedié a vostre bienveuillance et a celle de madamoyselle ma [248] fille, a laquelle je n'escriray pas pour cette fois, puis que j'ay des-ja trop retenu ce porteur qui devoit partir hier matin si j'eusse peu escrire.

  A019002077 

 Mays vous croires tous deux, je vous en supplie, que vous ne sçauries jamais rencontrer un'ame qui vous honnore plus passionnement et constamment que moy, qui suis,.

  A019002093 

 O que puisse je, ma tres chere Mere, bien recevoir et employer le don du saint entendement, pour penetrer plus clairement dans les saintz mysteres de nostre foy! car cette intelligence assujettit merveilleusement la volonté au service de Celuy que l'entendement reconnoist si admirablement tout bon, et dans lequel il est enfoncé et engagé: en sorte que, comme il n'entend plus qu'aucune chose soit bonne en comparayson de cette Bonté, aussi la volonté ne peut plus vouloir aymer aucune bonté en comparayson de cette Bonté, ainsy qu'un œil qui seroit planté bien avant dans le soleil ne peut envisager d'autre clarté..

  A019002094 

 Mais parce que, tandis que nous sommes au monde, nous ne pouvons aymer qu'en bien faysant, parce que nostre amour y doit estre actif, comme je diray demain au sermon, Dieu aydant, nous avons besoin de conseil, affin de discerner ce que nous devons prattiquer et faire pour cet amour qui nous presse; car il n'est rien de si pressant a la prattique du bien que l'amour celeste.

  A019002095 

 Le Saint Esprit qui nous favorise, soit a jamais vostre consolation.

  A019002102 

 Et nostre Mere m'escrit que vous luy en donneres une, et la Mayson de Lyon une autre, qui, avec les huit que nous en fournirons, feront le nombre qu'elle desire.

  A019002103 

 Il ne faut pas treuver estrange qu'elle ne soit pas si exacte a faire ce qu'elle fait; car cela arrive souvent aux personnes qui sont attachees a l'interieur, et ne se peuvent tout a fait si bien ranger en toutes choses.

  A019002103 

 Il y a un peu d'extraordinaire qui doit estre consideré sans empressement, affin qu'il n'y arrive point de surprise ni du costé de la nature, qui se flatte souvent par l'imagination, ni du costé de l'ennemi, qui nous divertit souvent des exercices de la solide vertu pour nous occuper en ces actions specieuses.

  A019002103 

 Je voy en cette Seur Anne Marie je ne sçay quoy de bien bon et qui me plaist.

  A019002108 

 J'ay veu des femmes Religieuses, non pas de la Visitation, qui, ayant leu les livres de la Mere Therese, treuvoyent par leur conte qu'elles avoyent tout autant de perfections et d'actions d'esprit comme elle, bien qu'elles en fussent bien esloignees; tant l'amour propre nous trompe..

  A019002108 

 On peut laisser lire le livre de la Volonté de Dieu jusques au dernier, qui, estant asses inintelligible, pourroit estre entendu mal a propos par l'imagination des lectrices, lesquelles, desirant ces unions, s'imagineroyent aysement de les avoir, ne sachant seulement pas que c'est.

  A019002113 

 Ma Seur Claude Cecile est une bonne fille, au gré de la Superieure et de Monseigneur qui l'ayme bien..

  A019002114 

 Vous faites trop [de] reflexions sur les saillies de vostre amour propre, qui sont sans doute frequentes, mais qui ne seront jamais dangereuses tandis que, tranquillement, sans vous ennuyer de leur importunité ni vous estonner de leur multitude, vous dires non.

  A019002115 

 Dequoy vous mettes vous tant en peine? Dieu est bon, il void bien qui vous estes.

  A019002116 

 N'examines pas tant vostre ame de ses progres, ne veuilles pas estre si parfaite; mays, a la bonne foy, faites vostre vie dans vos exercices et dans les actions qui occurrent de tems en tems.

  A019002116 

 Quant a vostre chemin, Dieu qui vous a conduit jusques a present vous conduira jusques a la fin..

  A019002119 

 Ma Fille, je ne sceu jamais donner cette lettre a ceux qui estoyent venus aux Ordres, car ilz partirent trop tost..

  A019002133 

 Et de plus, mon Official et luy eurent une petite prise inopinement, sur ce qu'il s'estoit presenté aux Ordres non tondu ni tonsuré, ni barbe a la façon d'icy, qui l'a fait retourner un peu mescontent; non pas qu'il me l'ayt tesmoigné a moy, mais il le tesmoigna a d'autres en partant.

  A019002134 

 Nous envoyerons sur le commencement du mois prochain, 7 ou huit Seurs en France, lesquelles, comme je pense, passeront a Grenoble; et voyla une mortification pour elles dequoy elles ne vous y treuveront pas, et particulierement pour la Seur Claude Agnes, qui en vain s'en res-jouissoit grandement..

  A019002136 

 de ne point endommager le prochain, n'estant pas raysonnable que qui que ce soit prenne la recreation au despens d'autruy, et sur tout en foulant le pauvre paisan, des-ja asses martirisé d'ailleurs et duquel nous ne devons mespriser le travail ni la condition.

  A019002139 

 Ce soir madame de la Flechere est arrivee, qui m'a dit l'ayse qu'elle eut de vous voir.

  A019002150 

 Or voyla, Monseigneur, un homme, sujet naturel de Son Altesse, qui, sans sçavoir mes pensees, m'a communiqué un veritable dessein qui fait une partie de ma proposition..

  A019002152 

 Monseigneur, de qui je suis.

  A019002166 

 Je pensois que quand Son Altesse donna son placet [260] et ses faveurs a mon frere pour le faire estre mon coadjuteur, comme il est maintenant (devant estre consacré Evesque de Chalcedoine a cet effect dans un mois, a Turin ou il est), j'aurois quelque moyen de retirer le petit bout de vie qui me reste pour me mettre en equipage et me disposer a la sortie de ce monde; mais je voy que pour le present je ne puis l'esperer, d'autant que Son Altesse et Madame veulent que ou mondit frere ou moy soyons aupres de leurs personnes, en sorte que l'un estant icy, l'autre soit la.

  A019002167 

 Et faut que j'adjouste que cette coadjutorie a esté donnee a mon frere sans que je l'aye demandee ni fait demander, ni d'une façon ni d'autre; ce qui ne m'est pas une petite consolation, parce que, n'y ayant rien du mien que le consentement, j'espere que Nostre Seigneur l'aura plus aggreable..

  A019002178 

 Et tenes vostre ame tous-jours en vos mains, ma tres chere Fille, pour la bien conserver a Celuy qui, pour l'avoir rachetee, merite luy seul de la posseder.

  A019002195 

 Nous avons pensé de vous envoyer ma Seur Marie Gasparde d'Avise pourvous accompaigner a vostre retour, qui sera quand vous le jugeres a propos, si rien ne presse du costé de Thurin.

  A019002195 

 Voyla donq nos Seurs qui s'en vont, et, si je ne me trompe, elles sont toutes fort bonnes et de bonn'observance; et nostre Seur Claude Agnes a si bien fait icy, que, comme je croy, elle fera encor mieux-la.

  A019002199 

 Il ny a remede: et ma lettre et la sienne sont escrittes; si jamais nous nous revoyons, vous les confronteras et verres qui a le tort.

  A019002199 

 Mais tous-jours ayme je cette fille, et ne crain nullement ses emotions de decouragement; car apres tout cela, Dieu qui a volu que je luy sois ce que je luy suis, luy seul fera qu'elle n'en doutera jamais, ou si elle en doute, ce ne sera que par secousses et comme par maniere de tentation..

  A019002200 

 En somme, il faut demeurer en paix; car qui voudra meshuy ouyr tout ce qui se dira, aura fort a faire..

  A019002200 

 J'admire ces bons Peres qui croyent qu'on doive adjouster que l'on fait vœu aux Superieurs.

  A019002200 

 Qui promet l'obeissance selon les Constitutions de Sainte Marie, promet l'obeissance et l'observance des vœux a l'Eglise et aux Superieurs de la Congregation ou Monastere.

  A019002200 

 S'ilz voyoyent la Profession des Benedictins, qui est la Profession des plus anciens et peuplés monasteres, ilz auroyent donq bien a discourir, car il ny est fait mention quelcomque ni des Superieurs, ni des vœux de chasteté, pauvreté et obeissance, ains seulement [265] de stabilité au monastere et de la conversion des mœurs selon la Regle de saint Benoist.

  A019002201 

 Je vous supplie de l'aymer cherement, encor pour l'amour de moy, qui voudroys que tous les gens de bien l'affectionnassent parfaitement..

  A019002203 

 Mais si je ne puis, faites luy bien mes honneurs et ne craignes point d'en trop dire, car les paroles de qui que ce soit n'egaleront pas ce que j'en sens..

  A019002203 

 Qu'est il besoin de vous dire ni de lhonneur que je porte a nostre chere M me de Villesavin, ni de l'affection que j'ay pour sa pieté? car vous le sçaves bien; et si je puis gaigner un moment, je luy escriray, et a M. son mari qui m'a fait lhonneur de m'escrire.

  A019002205 

 Ma Mere, nous avons eu icy huit jours entiers nostre tres aymable Monseigneur de Belley, qui a fait des [267] merveilleusement devotes exhortations, et mesme le jour de la Visitation; ce m'a esté une consolation extreme de le voir et savourer la veritable bonté de son esprit..

  A019002206 

 Je n'ay point de nouvelles de mon frere de Boysi des il y a 3 semaines; il attend la venue du P. D. Juste qui, peut estre, arrivera aujourdhuy; mais je ne sçai sil amenera la tres bonne fille, la Signora Donna Genevra, que mon frere m'a escrit il y a quelque tems avoir demandé son congé aux Princes pour venir, impatiente de voir que l'on differe tant l'erection du Monastere de Turin.

  A019002207 

 Il est vray, j'ay prié nos Seurs de garder cette grande Peronne, esperant que si les projetz de la reformation de plusieurs Monasteres en ce pais reuscit ( sic ), je pourray treuver quelque moyen de la faire retirer, et l'oster de l'eminent peril d'estre perdue auquel elle seroit si on la renvoyoit a son pere, qui ne menasse de rien moins que l'envoyer parmi les huguenotz, et qui est homme si terrible, que, puisqu'il le dit, on ne luy fait pas tort d'en douter et le craindre.

  A019002235 

 A la premiere occasion, j'escriray a la chere seur [270] Catherine de Gennes, qui m'est, je vous asseure, toute cherement chere.

  A019002245 

 Hé, qui me delivrera du cors de cette mort?.

  A019002246 

 Il suffit que nous ne consentions pas d'un consentement voulu, deliberé, arresté et entretenu, et cette vertu de l'indifference est si excellente, que nostre viel homme, en la portion sensible, et la nature humaine, selon les facultés naturelles, n'en fut pas capable non pas mesme [272] en Nostre Seigneur, qui, comme enfant d'Adam, quoy qu'exempt de tout peché et de toutes les appartenances d'iceluy, en sa portion sensible et selon ses facultés humaines n'estoit nullement indifferent, ains desira ne point mourir en la croix; l'indifference estant toute reservee, et l'exercice d'icelle, a l'esprit, a la portion superieure, aux facultés embrasees de la grace et en somme a luy mesme, en tant qu'il estoit le nouvel homme..

  A019002249 

 Nous avons eu, ces huit jours passés, nostre bon Monseigneur de Belley, qui m'a favorisé de sa visite et nous a fait des sermons tout a fait excellens.

  A019002275 

 Aussi, ce doyenné venant à vaquer par la mort de son titulaire, pourrait, par brigues et intrigues, tomber aux mains [276] d'un homme ennemi de l'unité catholique et de l'autorité Apostolique, car il en est beaucoup de cette sorte, très en faveur, et qui pourraient exciter dans cette grande ville de redoutables soulèvements qui s'apaiseraient difficilement ensuite, non sans de tristes conséquences..

  A019002276 

 Enfin, il sera de toutes manières obligé de résigner l'évêché de Belley qui ne compte, dans tout le diocèse, ni autant de prêtres ni autant d'âmes que la seule paroisse de Saint-Germain de Paris (je laisse à part la disproportion de la valeur du Prélat avec cet évêché), puisque je sais que, de son propre mouvement, le Roi a voulu l'avoir pour conseiller d'Etat et que, bien qu'il prêchât tous les jours ce Carême passé, la Reine désira qu'il allât le soir faire des conférences spirituelles devant Sa Majesté; aussi faudra-t-il que dans quelques jours il retourne là-bas.

  A019002286 

 Or sus, vous l'aures, je m'asseure, ce soin-la, car vous aspires de plus en plus a la parfaite union avec Dieu, et ce desir vous pressera d'estre de plus en plus exacte en l'observance [278] des vertus qui sont requises pour le contenter: entre lesquelles, la paix, la douceur, l'humilité, l'attention a soy mesme tiennent les premiers rangs..

  A019002296 

 Elle m'a demandé de vostre part, que je luy marquasse les imperfections que j'aurois remarquees en vostre ame; mais je n'ay pas eu asses de tems pour bien considerer ce qui pourroit estre a dire sur ce sujet.

  A019002296 

 Voyla cette chere et bienaymee Mere Peronne Marie qui s'en reva dans son nid, sur ses œufs; je ne l'ay pas veüe a mesme de ce que j'eusse desiré.

  A019002312 

 Vous scaves la bonne trouppe qui est [partie] d'icy, ou nous avons encor la Seur Peronne Marie, qui est en verité une tres excellente fille.

  A019002314 

 Vous aves en ce païs-la le bon Pere Theodose, Capucin, mon grand amy, a qui j'escriray au premier jour, et le bon Pere Anselme de [Riom], qui m'ayme incomparablement et qui demeure a Riom, et je m'asseure qu'il vous ira voir..

  A019002337 

 Et croy que messieurs nos ecclesiastiques seront bien ayses d'avoir avec eux des confreres qui les [284] assisteront, non seulement a bien faire l'Office, mays a bien former leur Congregation sur le modelle que la Bulle de leur erection propose; car rien ne se passera en toute cette affaire qu'avec toute equité, debonaireté et douceur, sans quil puisse rester aucune occasion de se douloir a personne du monde..

  A019002337 

 Monseigneur le Prince ayant sceu que vostre Bulle fondamentale obligeoit la Congregation des Reverens ecclesiastiques de Nostre Dame a vivre a l'instar de ceux de l'Oratoire, et ne doutant point que cela ne se fit plus heureusement si quelques uns desdits Peres de l'Oratoire, qui sont maintenant establis presque par toute la France, venoyent en ladite Congregation de Nostre Dame pour la dresser et perfectionner selon leur Institut, il me commanda d'en traitter avec ceux de Paris; et despuis peu, j'ay receu nouvel advis de la part de Son Altesse, qu'elle vouloit faire reuscir ce projet, et bientost, avec ordre de tenir la place vacante en attente, affin que plus librement et aysement on la puisse employer pour une si sainte intention.

  A019002337 

 Pour cela donq, ay-je estimé qu'on devoit retarder pour un peu la provision, sans craindre d'alterer ladite Bulle fondamentale, qui en sera au contraire mieux executee et plus selon l'intention de Sa Sainteté.

  A019002350 

 Mais ceux qui la font sont dignes de si grand respect et ont tant de merite sur vostre Mayson et sur toute la Congregation, et ont tant de bon zele et de pieté, qu'encor qu'a la rigueur elle ne soit pas bien forte, il faut, ce me semble, la faire valoir pour une partie, selon l'advis du Reverend P. Recteur, qui, comme m'escrit madamoyselle du Tertre, estime que la moytié suffira pour commencer la fondation, et l'autre moytié pour bien accommoder la Mayson de Moulins..

  A019002351 

 Je le fay neanmoins, et dis qu'il seroit a propos que vous, qui aves traitté et qui estes conneuë, menassies ma Seur Paule Hieronime a Nevers, et l'y establissies le mieux que vous pourries, pour le sejour d'un mois ou deux.

  A019002352 

 Il faut peu vouloir, et petitement, tout ce qui n'est pas Dieu..

  A019002354 

 Mays si d'adventure ces Messieurs de Moulins ne vouloyent pas entendre au parti duquel le P. Recteur et moy sommes d'advis, que feroit on? O certes, je ne me puis imaginer cela; mais en ce cas, il faudroit avoir bien soin de nostre Seur Paule Hieronime et de sa compaignie, et advertir nostre Mere, qui peut estre a quelque autre [287] fondation par les mains, ou elle pourroit estre employee.

  A019002356 

 En somme, bienheureux sont ceux qui ne font pas leur volonté en terre, car Dieu la fera la haut au Ciel.

  A019002379 

 Certes, je ne voudrois nullement estre en estime d'un homme qui attire l'argent et l'or, non pas mesme pour les œuvres pies, car [je ne suis pas appellé a cela.

  A019002380 

 En quoy vostre conscience demeurera du tout accoysee sur la plus grande gloire de Dieu qui] reuscira de ce partage, par le moyen duquel vous servires Dieu au monastere dans lequel vous demeureres, en vostre propre personne et par vos propres actions, et en celuy auquel vous ne seres pas, en la personne des Seurs qui, par vostre moyen, y seront assemblees..

  A019002380 

 Mays la consideration de vostre vœu me fait adhaerer au conseil du R. P. Recteur, qui porte, comme vous m'escrivés, que vous [fassies l'un et ne laissies pas l'autre; puisque, comme il est presupposé, il y a suffisamment pour ayder puissamment la fondation de la Mayson de Nevers et pour appuyer et secourir celle de Moulins.

  A019002381 

 Continues, ma tres chere Fille; croisses tous les jours en humilité, douceur, pureté, et recommandes souvent a cette celeste Bonté celuy qui vous recommande incessamment a elle, et qui est a jamais, ma tres chere Fille,.

  A019002398 

 Et moy, qui ne pouvois nullement deviner qu'on eut fait dessein pour Moulins sur ses moyens, veu que je ny avois pas mesme pensé que sous une condition tres incertaine et indefinie, je ne peu treuver que bonne son election, comm'en effect elle l'estoit.

  A019002398 

 Et sur cela, estant averti que j'envoyasse une couple de filles, je les ay envoyees, a la verité sans beaucoup de consideration, n'ayant pas preveu que jamais personne deut attribuer a injustice la sortie d'une personne d'un lieu ou elle n'estoit pas obligee de demeurer, ni la translation d'un'autre, pourveu qu'elle laissat en sa place une qui succedat avec suffisante capacité d'exercer sa charge.

  A019002399 

 Ce qui sera plus selon la gloire de Dieu, sera plus selon mon desir.

  A019002399 

 Je n'ay rien a dire sur cela, ne tenant pas les resnes de sa volonté, ne pretendant rien en la disposition de ses moyens, et ne voulant nullement examiner l'advis de conscience qu'ell'a receu de ceux a qui je ne suis veritablement pas comparable en la connoissance requise a telles decisions.

  A019002400 

 Et pour finir et vous dire, Monsieur, ce que j'escris a l'une et a l'autre de ces filles: j'escris a M lle du Tertre, qu'elle face ce que le P. Recteur luy dira pour sa conscience; et a ma Seur de Brechard, qu'ell'endure tout ce qui reuscira de ce conseil, qu'elle reçoive en patience cett'abjection, et qu'elle se resouvienne que les piqueures des avettes sont plus sensibles que celles des mouches, et qu'a cause de leur miel on ne laisse pas de les aymer, encor qu'elles piquent.

  A019002401 

 Je vous honnore de tout mon cœur, Monsieur, et vous supplie de continuer vostre dilection envers ces filles et envers moy, qui seray a jamais.

  A019002417 

 Ce que je fay, adjoustant au paquet d'hier ce billet et les lettres y jointes, qui m'ont seulement esté rendues il y a deux heures, quoy qu'elles soyent du mois d'avril..

  A019002417 

 Or, monsieur de Cheinex, qui succede au fondateur, s'est chargé de faire que Son Altesse commandera qu'en payant a ceux qui praetendent avoir droit en ladite establerie ce qui sera jugé equitable, on la face oster de la, comm'il est bien convenable; et les Peres Cordeliers ont desiré que je vous priasse, si l'occasion s'en presente, de faire encor office pour cela.

  A019002418 

 Dieu vous face croistre de plus en plus en sa tressainte grace, mon tres cher Frere, a qui je suis.

  A019002430 

 Si cette mesme Providence establit une Mayson a Valence, elle vous fera voir de mesme que nous ne sçavons gueres, et que nostre prudence doit demeurer doucement en paix et faire hommage a la divine disposition qui fait tout reüscir au bien des siens.

  A019002433 

 Si vous aves un nouvel Evesque, vous n'aves pourtant rien de nouveau a faire avec luy, sinon de luy offrir vostre [296] obeissance et de luy demander sa protection; et selon que vous le verres aysé et doux, ou par vous mesme ou par une discrette entremise, vous pourres luy demander un Pere spirituel a qui vous vous puissies addresser es occurrences, et par le soin duquel vous puissies traitter avec luy quand l'affaire le requerra.

  A019002436 

 Demeurés en paix, ma tres chere Fille, et n'espies pas si particulierement les sentimens de vostre ame; mesprises les, ne les craignes point, et releves souvent vostre [297] cœur en une absolue confiance en Celuy qui vous a appellee dans le sein de sa dilection..

  A019002449 

 Faites moy ce bien, ma tres chere Fille, que par la premiere bonne commodité qui se presentera, je puisse sçavoir quelque chose de l'estat de vostre cœur et de toute vostre chere petite trouppe de petitz enfans, que Dieu vous a donnés affin que vous fussies leur mere selon l'esprit encor plus que vous ne l'estes selon le cors; et de nostre frere N. et de nostre seur N., et Sur tout de la bonne madamoyselle vostre mere.

  A019002460 

 Croyes, ma tres chere Fille, il faut aller a la bonne foy sous la conduite de ce bon Dieu, et ne point disputer contre cette regle generale, que Dieu qui a commencé en nous le bien, le parfaira selon sa sagesse, pourveu que nous luy soyons fideles et humbles..

  A019002460 

 Quelle consolation pour vous que c'est Dieu mesme qui vous a faite Superieure, puisque vous l'estes par les voyes ordinaires.

  A019002461 

 Mays on va rechercher entre ses serviteurs quelqu'un qui soit fidele.

  A019002462 

 En un mot, ma chere Fille, il faut que vostre humilité soit courageuse et vaillante, en la confiance que vous deves avoir en la bonté de Celuy qui vous a mise en charge..

  A019002463 

 Tasches de faire bien aujourd'huy, sans penser au jour suivant; puis, le jour suivant, tasches de faire de mesme; et ne penses pas a ce que vous feres pendant tout le tems de vostre charge, ains alles de jour en jour passant vostre office, sans estendre vostre souci, puisque vostre Pere celeste qui a soin aujourd'huy, aura soin demain et passé demain de vostre conduitte, a mesure que, connoissant vostre infirmité, vous n'espereres qu'en sa providence..

  A019002475 

 Et de plus, si j'eusse sceu plus tost le depart du sire Pierre, j'eusse escrit a cette fille bienaymee que vous aves aupres de vous, fille du jour et de l'oratoire de la Visitation, qui fut si efficacement visitee au jour qu'on celebroit la feste des visites celestes.

  A019002475 

 J'ay envoyé a Rome affin d'obtenir l'entree de cette seur, qui sçait bien ce que je luy suis, et que je sçai la sainte et parfaite union qu'ell'a avec cette chere fille, qui merite bien qu'elle la puisse quelque fois voir de plus pres..

  A019002476 

 O ma Mere, je vous escriray, et a toutes nos Filles, si tost que nostre bon P. D. Juste sera parti, qui est le plus admirable amateur et admirateur de la Visitation, de nous et de tout ce qui est de nous, quil est possible d'imaginer.

  A019002494 

 Mais puis qu'il vous plait, je l'y contribueray, grandement obligé a vostre bienveuillance de la veritable asseurance que vous prenes de mon affection, qui est toute invariable a vous honnorer fidelement, et a me faire vivre a jamais,.

  A019002526 

 J'ay receu vostre grande lettre, a laquelle je ne me suis pas hasté de respondre par ce que des-ja j'avois respondu a tout ce qu'elle contient par la lettre que j'escrivis et a vous et a M lle du Tertre, que je mis dans un paquet que j'addressay a monsieur le Mareschal par monsieur des Hayes qui, revenant de Constantinople, alloit en poste au Roy; et je m'asseure que vous l'aures receue..

  A019002527 

 Il me dit que, dans l'interest de Dieu et le mien, je devois me tenir en cette ville, mais neantmoins ayder l'establissement de la Mayson de Nevers, et quil me feroit voir par ses livres que c'estoit avec des tres bonnes raysons quil me disoit que je pouvois transmuer mon dessein.» Sur cela, je luy escrivis, et a vous, qu'elle [307] devroit suivre l'advis de ce Pere, qui ne peut estre que grave personnage, et donner une partie de ses moyens pour Nevers, gardant l'autre pour Moulins, en sorte qu'en faisant l'un elle n'abandonnast pas l'autre..

  A019002529 

 Et quant a l'obeissance, qui est essentielle, ell'est tous-jours bien douce, ce me semble, quand on est en des monasteres ou les Superieures sont bien conditionnees, principalement aux filles infirmes et qui pour quelque digne sujet sont exceptees..

  A019002529 

 Et quant aux exceptions qu'elle desireroit pour moins incommodement vivre dans le monastere: pourveu qu'elle se sousmette aux Regles et aux Constitutions essentielles (en quoy, comme en toutes autres choses, le Pere Recteur et les autres theologiens vous pourront bien conseiller); il ny a Regle au monde, ni Constitutions qui s'accommode ( sic ) tant aux infirmes que celles de cet Institut.

  A019002531 

 Si la fille dont vous m'escrives, du marchand qui a mené les affaires, a sa vocation aux Carmelites, qui oseroit avoir pensé de la desirer ailleurs? Elle sera bienheureuse d'estre en une si sainte assemblee.

  A019002532 

 Si celle qui luy succede aupres de vous ne fait pas tant de besoigne, il faut avoir patience; on ne peut pas avoir toutes choses a souhait.

  A019002549 

 Les biens qui se font sans contradiction ne semblent pas estre de la race des biens des anciens Chrestiens.

  A019002550 

 La pauvre Seur Jeanne Charlotte a esté bien exercee, a ce qu'on m'escrit; et, ce qui est plus deplorable, c'est que l'on a remué ces vieux bruitz qui, comme tres injustes, avoyent esté ensevelis, ainsy que m'escrit ma chere fille de Goufiez, a laquelle je ne puis escrire, me contentant de la saluer de tout mon cœur pour cette fois.

  A019002553 

 Ma Mere, je suis cruel a nos Seurs d'icy, car je ne les voy point; mais le monde m'est cruel a moy, qui m'apporte tant de tricheries.

  A019002554 

 Ma Mere, si j'allois a Rome, il ne faudroit nullement traitter des Constitutions, car ce seroit tous-jours a refaire; on deputeroit quelqu'un pour les revoir, qui les renverseroit toutes, peut estre.

  A019002567 

 Ce n'est rien, certes (et je voy bien que vous le croyes ainsy), ce n'est tout a fait rien en comparayson de vostre devoir et de ces immortelles recompenses que Dieu vous a preparees; car, que sont toutes ces choses que nous mesprisons et quittons pour Dieu? En somme, ce ne sont que des chetifz petitz momens de libertés, mille fois plus sujettes que l'esclavage [313] mesme; des inquietudes perpetuelles, et des pretentions vaines, inconstantes et incapables d'estre jamais assouvies, qui eussent agité nos espritz de mille sollicitudes et empressemens inutiles: et ce, pour des miserables jours, si incertains, et courtz, et mauvais.

  A019002567 

 Mais neanmoins il a pleu ainsy a Dieu, que qui quitte ces neans et vains amusemens des momens, gaigne en contreschange une gloire d'eternelle felicité, en laquelle cette seule consideration d'avoir voulu aymer Dieu de tout nostre cœur et d'avoir gaigné un seul petit grade d'amour eternel de plus, nous abismera de contentement..

  A019002569 

 C'est pourquoy vous ne deves point apprehender: Qui vous a donné la volonté, il vous donnera l'accomplissement.

  A019002569 

 Or, ma Fille certes toute tres chere, cela ne se fait pas en un jour, et Celuy qui vous a fait la grace de faire le premier coup, fera luy mesme avec vous les autres deux; et parce que sa main est toute paternelle, ou il le fera insensiblement, ou, s'il vous le fait sentir, il vous donnera la constance, ains la joye qu'il donna au Saint duquel nous faysons la feste, sur la grille.

  A019002586 

 Je sçai le fort, vif et tendre amour de vostre cœur envers cette seur, et que cette petite separation luy aura costé des grans effortz, et c'est cela qui me donne mille playsirs en la partie superieure; car en l'inferieure, croyes moy, ma Fille, j'ay treuvé mon sentiment engagé dans le vostre, tant il est vray en un sens tres sincere, que «l'amour egale les amans.» Vous aves donq si bonne part en ce sacrifice aggreable, que je m'en res-jouis tres affectionnement avec vous, et croy que la divine Bonté aura une douce souvenance de vostre holocauste et confirmera vostre conseil, et vous rendra, selon l'intention de vostre cœur, une consolation qui vous fera tousjours croistre en cet amour, ou une force qui, sans consolation, vous fera tous-jours de plus en plus parfaitement servir ce celeste amour..

  A019002601 

 Car je sçai bien, Monsieur, que cette fille vous estoit parfaitement pretieuse, et que vous n'auries peu la donner a la divine volonté que premierement vous ne vous fussies abandonné tout a fait vous mesme a son obeissance, qui est le plus excellent bonheur qu'on puisse souhaitter..

  A019002615 

 Mando a V. P. la carta qui alligata, dove vederà i luoghi di S. Gregorio Nazianzeno, et un pazzo ( sic ) del capo Della honestà del letto nuptiale, dove sarà forsi bene di non esprimer tanto alla scoperta la comparatione.

  A019002629 

 Une seule chose me donne à réfléchir: c'est que quelques personnages italiens disent que les chapitres où je traite des jeux, des bals, des amourettes et de semblables amusements et passe-temps, comme aussi celui De l'honnêteté du lit nuptial et la comparaison de la princesse sollicitée, qui se trouve dans le traité des Tentations, conviennent à la légèreté et liberté de la nation française; mais que la retenue et la gravité naturelle des Italiens n'ont pas besoin qu'on parle de tels sujets.

  A019002630 

 J'ai corrigé beaucoup d'endroits où l'imprimeur de Lyon avait fait des fautes, et quelques-uns où les mots français n'avaient pas été bien compris, comme: «austruches,» qui ne signifie par tartaruche (tortues), mais struzzi; «detraquer,» sconcertare; «détraqué,» sconcertato; «goderon,» lattuca; et quelques autres du même genre, peu nombreux et aussi de peu d'importance..

  A019002632 

 Il me fâche que dans cette dernière édition, qui est la sixième, tant d'erreurs se soient glissées en un livre où il n'en faudrait point; car une faute d'impression peut facilement donner un sens faux en matières importantes.

  A019002633 

 Ce n'est pas, certes, faute de sujet; car j'aurais beaucoup à écrire de l'amour du prochain et des choses que j'ai prêchées en trois ou quatre mille sermons faits depuis vingt-huit ans, qui, de l'avis de plusieurs, seraient utiles au bien public.

  A019002653 

 Dans l'incertitude où je suis au sujet d'un nouveau voyage en France, et craignant un départ précipité au moment où j'y penserai le moins, ayant d'autre part cette bonne occasion des Pères Barnabites qui s'en vont là-bas, je renvoie à Votre Paternité l' Introduction traduite par Elle en italien.

  A019002654 

 Détraquement, qui [324] vient du verbe détraquer, sconcertare; détraqué, sconcertato; mais je ne sais si détraquement peut se traduire par sconcertamento; et détraquer signifie aussi sviare.

  A019002654 

 Goderon est la fraise qu'on porte autour du cou; et tels autres mots, comme les défenses du sanglier, qui sont les dents qui sortent de sa gueule, lesquelles en français ne s'appellent pas dents, mais seulement défenses; et encore venaison, qui est la graisse et l'embonpoint des cerfs..

  A019002655 

 D'autre part, il faut, dit-on, parler très prudemment de ce qui touche la pudeur, afin de ne pas éveiller l'impression des vices contraires.

  A019002671 

 Vives heureux et joyeux en la grace de Nostre Seigneur, mon tres cher Frere, et notamment puisque vous aves maintenant le P. D. Juste qui vous ayme tant.

  A019002673 

 Je salue tres humblement madame de Saint George, que j'honnore plus qu'il ne se peut dire, et la signora Donna Genevra, ma chere fille, et M me de Berné, et toutes ces dames qui me font la faveur de me vouloir du bien, et madame de Sarsenas a part, comme l'honnorant singulierement.

  A019002675 

 Je remercieray monsieur l'Ambassadeur soudain que vous aures les Bulles, et le Cardinal Aldobrandin, qui m'a escrit une lettre bien honnorable, et le Cardinal Melin et le [329] Cardinal Sauli qui m'escrit combien d'obligation nous avons en cett'occasion a Monseigneur nostre Prince Cardinal..

  A019002690 

 Marchés donq bien ainsy, ma tres chere Fille, l'esprit relevé en Dieu et qui ne regarde que le visage et les yeux de l'Espoux celeste [331] pour faire toutes choses a son gré; et ne doutes point qu'il ne respande sur vous sa tressainte grace pour vous donner des forces esgales au courage qu'il vous a inspiré.

  A019002690 

 Vous aves le courage trop bon pour ne faire pas parfaitement ce qu'il faut faire pour l'amour de Celuy qui ne veut estre aymé que totalement.

  A019002693 

 Mais que je me sois plaint de vous, certes, je ne l'ay jamais fait, ni n'ay nullement inculqué mon advis, qui est l'advis de tous les theologiens..

  A019002693 

 Or sus, c'est la verité que j'ay escrit une seule fois a N. qu'une aumôsne voiiee et non delivree pouvoit estre en quelque sorte transferee d'un lieu auquel elle estoit destinee en un autre d'egale pieté; mais qu'estant voüee, delivree et executee on ne pouvoit plus s'en desdire, puisqu'une aumosne delivree n'est plus a celuy qui l'a faite, mais, de plein droit et tres certainement, appartient a celuy qui l'a receuë, et sur tout quand il l'a receuë sans condition, ou avec une condition qu'il est prest de son costé d'executer.

  A019002694 

 Voyla cependant qui va le mieux du monde, que vous [332] le veuillies suivre, nonobstant ce que le monde voudroit dire.

  A019002713 

 Hier bien tard je receu vos lettres, ma tres chere Mere, de la veille de Nostre Dame, et ce matin je vous escris hastivement par le sire Pierre qui va partir; et c'est le 22 de septembre, jour de saint Maurice..

  A019002716 

 Et cette si digne et bonne Princesse les protegeant si favorablement, il m'est advis qu'il ny a qu'a beaucoup attendre de progres pour cette Mayson-la, moyennant la grace de Dieu, [335] qui est le souverain et unique objet de toutes nos confiances..

  A019002717 

 Je seray grandement ayse quand je sçauray que vous seres logees, et dedans la ville, puisque mesme c'est le sentiment de nostre bon P. Binet qui a tant de charité pour vous et tant de bonne conduite.

  A019002718 

 Je vous escriray de rechef par luy, qui part au commencement du moys prochain..

  A019002718 

 Or, il escrit maintenant des choses que les Peres Jesuites de deça et quelques theologiens qui les ont veues [336] jugent devoir estre fort utiles parmi le monde: c'est une besoigne de mesme espece que la Memoire de nostre pauvre Darie.

  A019002719 

 De luy escrire il ny a pas moyen, car voyla le sire Pierre qui presse.

  A019002719 

 Elle l'est a mon gré tout a fait, non obstant tout ce qu'elle dit contre elle mesme, qui [est] voyrement veritable, mais qui est contrechangé par une si bonne et franche volonté que cela ne tient point de place, et sur tout par ce qu'elle ne l'ayme pas et que un jour tout cela s'esvanouira devant la grace de Dieu.

  A019002719 

 Ma tres chere Mere, salues tres cherement son ame de la part de mon cœur qui est le vostre et qui est sien.

  A019002719 

 Mays Dieu sçait des choses que nous ne sçavons pas: sil est expedient pour sa gloire, il fera possible ce qui nous semble ne le pouvoir pas estre, et s'il laisse cette fille la, il fera pour elle, la, tout ce que nous pourrions desirer.

  A019002720 

 Je ne sçaurois escrire a M me la Marquise de Meneley, qui m'a escrit si cordialement, ni a madame la Generale des Galleres, que j'honnore si parfaitement: faites [337] bien mes honneurs, sil se peut.

  A019002748 

 Et parce qu'il aura peut-être besoin de l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime pour réussir, je vous prie de la lui accorder là où elle sera nécessaire, pour l'amour de M. l'Abbé d'Abondance qui me chérit si fort, et pour l'amour de Dieu, dont l'honneur est en partie engagé dans cette affaire..

  A019002748 

 J'ai prié M. l'avocat Bouvard, porteur de cette lettre, de se [338] rendre à Montmélian pour une affaire qui m'intéresse aussi bien que Monseigneur de Chalcédoine, mon frère, comme vous l'apprendrez par le susdit porteur.

  A019002761 

 Et je dis ainsy, ma tres chere Fille, en la portion inferieure, parce que c'est celle la qui tient immediatement au cors et qui est sujette a participer aux incommodités d'iceluy.

  A019002761 

 Mays tout cela ne prejudicie nullement aux actes de l'esprit, de cette pointe superieure, autant aggreables a Dieu comme ilz sçauroyent estre parmi toutes les gayetés du monde, ains certes, plus aggreables, comme faitz avec plus de peine et de conteste; mais ilz ne sont pas si aggreables a la personne qui les fait, parce que, n'estant pas en la partie sensible, ilz ne sont pas aussi sensibles ni delectables selon nous..

  A019002762 

 Ma tres chere Fille, il ne faut pas estre injuste, ni exiger de nous que ce qui est en nous.

  A019002762 

 Quand nous sommes incommodés de cors et de santé, il ne nous faut exiger de nostre esprit que les actes de sousmission et d'acceptation du travail, et des saintes unions de nostre volonté au bon playsir de Dieu qui se forment en la cime de l'ame; et quant aux actions exterieures, il les faut ordonner et faire au mieux que nous pouvons, et nous contenter de les [340] faire encor que ce soit a contrecœur, languidement et pesamment.

  A019002763 

 Et ce pendant, prenes patience de [341] sentir vostre cœur un peu engourdi et assoupi, et, avec la partie superieure, attaches vous a la sainte volonté de Nostre Seigneur qui en a ainsy disposé selon sa sagesse eternelle..

  A019002763 

 Ma tres chere Fille, nous avons a Nessi un peintre Capucin, qui, comme vous pouves penser, ne fait point d'images que pour Dieu et son temple; et bien que travaillant il ayt une si grande attention qu'il ne peut faire l'orayson a la mesme heure, et que mesme cela occupe et lasse son esprit, si est ce qu'il fait ces ouvrages de bon cœur, pour la gloire qui en doit reuscir a Nostre Seigneur et l'esperance qu'il a que ces tableaux exciteront plusieurs fideles a louer Dieu et benir sa bonté.

  A019002763 

 Mais souffres amoureusement ces lassitudes et pesanteurs, en consideration de l'honneur que Dieu recevra de vostre production; car c'est vostre image, qui sera colloquee au temple eternel de la celeste Hierusalem et sera regardee eternellement avec playsir de Dieu, des Anges et des hommes; et les Saintz en loueront Dieu, et vous aussi quand vous l'y verres.

  A019002763 

 Or, ma chere Fille, vostre enfant qui se forme au milieu de vos entrailles sera une image vivante de la divine Majesté; mais ce pendant que vostre ame, vos forces, vostre vigueur naturelle est occupee a cet œuvre, elle ne peut qu'elle ne se lasse et fatigue, et vous ne pouves pas en mesme tems faire vos exercices ordinaires si activement et gayement.

  A019002764 

 Playse a sa divine Bonté que et la vostre et la mienne soyent toutes deux selon son tressaint et bon playsir, et qu'il remplisse toute vostre chere famille de ses sacrees benedictions, et specialement monsieur vostre tres cher mari, de qui, ainsy que de vous, je suis invariablement,.

  A019002777 

 Or, j'espere que ses trois filz aussi, quoy qu'il tarde, recevront quelque bonne affluence de la misericorde de Celuy a qui je sçai qu'elle les avoit consacrés.

  A019002779 

 A la verité, estant ce qu'elles me sont, elles ne pourront que d'avoir en vous une tres cordiale et tres asseuree confiance en vostre dilection, en vous rendant tous-jours, et a tout vostre Monastere, un veritable honneur et respect, selon la grande estime et amour que toute la Mayson de cette ville, dont elles sont, a conceu de toutes les vostres, et (puisque je parle avec vous, ce me semble, cœur a cœur) je puis adjouster, et selon la veritable regle que je leur ay souvent inculquee, qu'il failloit que chacun cultivast la vigne en laquelle il estoit, fidelement et tres amoureusement pour l'amour de Celuy qui nous y a [344] envoyés; mais qu'il ne falloit pour cela laisser de connoistre et reconnoistre franchement la plus grande excellence des autres, et a mesme mesure leur porter toute reverence et veneration..

  A019002779 

 Et pour finir, ma tres chere Fille, ce m'est une satisfaction nompareille que la Superieure et les Seurs de Sainte Marie de la Visitation vous ayent veuë; parce que je sçai que cela les aura toutes encouragees a servir bien le Filz et la Mere de Dieu, a qui elles sont consacrees.

  A019002792 

 Yerum, cum ad rem ventum est, ubi ab eo qui litteras illas attulit postulatum est ut facultatis rerum Domus vestrse gerendarum authenticum diploma ac Bullam aut Breve, vel transcriptum concessionis Indulgentiarum proferret, respondit se non habere.

  A019002793 

 Quare, donec de potestate hominis qui litteras attulit et de concessione Indulgentiarum nobis constet, a collectione eleemosynarum et publicatione Indulgentiarum abstinendum decrevimus; parati tamen ex animo vestris adesse votis Domusque vestrae commodis, ubi per legum ecclesiasticarum Canones nobis licuerit.

  A019002799 

 Cependant, Révérend Seigneur, le droit canon et le décret du Concile de Trente ont eu grand soin de défendre que personne puisse publier des Indulgences, surtout celles qui sont jointes à la quête des aumônes, s'il ne produit sans faillir la preuve qu'il en a obtenu la concession.

  A019002799 

 Mais quand on est venu au fait et qu'on a demandé au porteur de la lettre de fournir une pièce authentique qui le constituât votre chargé d'affaires, une Bulle ou un Bref, ou une copie de la concession des Indulgences, il a répondu qu'il n'en avait pas.

  A019002810 

 Je voy des gens de qualité qui penchent grandement et jugent qu'il faudra que les Monasteres soyent sous l'authorité des Ordinaires, a la vielle mode restablie presque par toute l'Italie, ou sous l'authorité des Religieux, selon l'usage introduit des il y a quatre ou cinq cens ans, observé presque en toute la France..

  A019002811 

 Pour moy, ma tres chere Mere, je vous confesse franchement que je ne puis me ranger pour le present a l'opinion de ceux qui veulent que les Monasteres des filles soyent sousmis aux Religieux, et sur tout de mesme Ordre, suivant en cela l'instinct du Saint Siege, qui, ou il peut bonnement le faire, empesche cette sousmission.

  A019002812 

 De plus, il me semble qu'il n'y a non plus d'inconvenient que le Pape exempte les filles d'un Institut de la jurisdiction des Religieux du mesme Institut, qu'il y en a eu a exempter les Monasteres de la jurisdiction ordinaire qui avoit une si excellente origine et une si longue possession..

  A019002813 

 Et en fin, il me semble que veritablement le Pape sousmis en effect ces bonnes Religieuses de France au [348] gouvernement de ces Messieurs; et m'est advis que ces bonnes filles ne sçavent ce qu'elles veulent, si elles veulent attirer sur elles la superiorité des Religieux, les-quelz, a la verité, sont des excellens serviteurs de Dieu, mais c'est une chose tous-jours dure pour les filles, que d'estre gouvernees par les Ordres, qui ont coustume de leur oster la sainte liberté de l'esprit..

  A019002815 

 O ma tres chere Mere, je salue vostre cœur qui m'est pretieux comme le mien propre.

  A019002832 

 En attendant que Vostre Altesse face reuscir le projet du restablissement de la vraye pieté en tous les monasteres et es autres eglises de cet Estat de deça les montz, voyci une digne occasion qui se praesente pour Rumilly.

  A019002832 

 Le sieur de Saunaz, Prieur de Chindrieu en Chautaigne, desire sans fin de consacrer sa personne et son prieuré au service de Dieu et des ames sous l'Institut des Peres de l'Oratoire; et parce que son prieuré est proche de Rumilly, il a jetté ses yeux sur ce lieu-la, duquel la cure estant asses bonne, icelle, jointe au prieuré avec quelques autres petitz benefices, pourroit suffire a l'entretenement de dix ou douze bons ecclesiastiques dudit Oratoire qui auroyent un grand employ en cette ville-la et en tout le voysinage.

  A019002846 

 J'escriray, s'il se peut, encor aujourdhuy a M. l'Evesque de Lusson qui me fit tant de caresses et de faveurs a Tours, qu'a mon [352] advis il fera encor quelqu'estat de ma supplication.

  A019002856 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait à Annecy, chez les RR. PP..

  A019002864 

 O que les affections celestes ont bien d'autres effectz et d'autres consequences que les humaines! Beni en soit le nom de Dieu qui en est l'autheur et le conservateur.

  A019002865 

 Je luy escris, et je vous salue de tout mon cœur, ma tres chere Fille en Jesuschrist, par qui et pour qui et en qui je suis tres absolument vostre, et le seray eternellement..

  A019002877 

 O ma pauvre fille Peronne, si les vers avoyent blessé vostre cœur, vous series morte, car cette partie, qui est la premiere a recevoir la vie et la derniere a la perdre, n'est jamais piquee pour peu que ce soit qu'elle n'en meure, et par consequent celuy en qui elle est.

  A019002886 

 O ma Fille, que le monde appelle souventesfois bien ce qui est mal, et encor plus souvent mal ce qui est bien!.

  A019002887 

 Cependant, puisque cette souveraine Bonté, qui veut nos travaux, veut que neanmoins nous luy en demandions la delivrance, je la supplie de tout mon cœur qu'elle redonne une bonne et longue santé a ce cher mari, et une tres bonne et tres excellente sainteté a ma tres chere fille, affin qu'elle marche fortement et ardemment dans le chemin de la vraye et vivante devotion..

  A019002888 

 A jamais le bon playsir de sa divine Majesté soit nostre playsir et nostre consolation es adversités qui nous arriveront.

  A019002888 

 En somme, graces a Dieu, il y a mal de tous costés; mais mal qui est un grand bien, comme j'espere.

  A019002896 

 Mays en tout ce qui se pourra bonnement, il faut donner satisfaction au bon oncle, qui vous a tous-jours aymé, et je voy que vous ne laisseres pas, estant dans l'Oratoire, de bien le contenter.

  A019002898 

 Monsieur, a qui je suis, de tout mon cœur,.

  A019002905 

 Il faut souffrir cette incommodité de l'amour de nos parens qui ne pensent pas qu'il y ayt de la comparayson entre la satisfaction d'estre chez eux et celle que l'on prend au train du service de Dieu.

  A019002906 

 Benisses Dieu, ma chere Fille, de ces petitz essays qui vous arrivent pour tesmoigner vostre fidelité.

  A019002907 

 Quant aux bonnes festes qui approchent, vous n'aves rien a faire de plus, apres vos Offices, qu'a tenir vostre esprit en la celeste Hierusalem, parmi ses ruës glorieuses ou vous verres de toutes partz retentir les loüanges de Dieu.

  A019002907 

 Vous ires aussi le jour des Mortz en Purgatoire, et verres ces ames pleines d'esperance qui vous exhorteront de profiter le plus que vous pourres en la pieté, affin qu'a vostre depart vous soyes moins retardee d'aller au Ciel..

  A019002915 

 Il est vray, sans doute, l'humilité, la patience, l'amour de Celuy qui nous donne la croix, requierent que nous la recevions sans en faire des plaintes; mais voyes vous, ma tres chere Fille, il y a difference entre dire son mal et s'en plaindre.

  A019002916 

 Passes bien devotement ces saintes festes; voyes bien ces belles ruës de la Hierusalem celeste, ou tant de bienheureux S aintz, resident et ou tous jubilent autour de leur grand Roy et en l'amour de Dieu, [lequel,] comme une celeste source vive, respand de toutes partz ses eaux qui arrousent ces glorieuses ames et les font fleurir, chacune selon ses conditions, d'une beauté incomprehensible.

  A019002917 

 VIVE JESUS! N'est ce pas nostre mot de guet? Non, rien n'entrera dans nos cœurs qui ne die en verité: VIVE JESUS! Il sçait, ce doux Sauveur, que je suis en verité tout vostre..

  A019002926 

 Souvenes vous quand vous m'apportastes les livres heretiques que vous avies pris chez N. N., et que vous me disies avec tant d'ardeur qu'il les failloit brusler et tous ceux qui les lisoyent.

  A019002936 

 Je ne doute nullement que Vostre Altesse Serenissime ne sache qui est le sieur collateral Flocard, qui aura [363] lhonneur de luy presenter cet escrit.

  A019002936 

 Mays je ne laisseray pas de rendre ce veritable tesmoignage pour luy, qu'en toutes les occurrences esquelles il a esté employé au service de Vostre Altesse, il a rendu toutes les preuves qu'on sçauroit desirer, de probité, fidelité et constance, comm'un vray et tres asseuré sujet doit faire; qui me fait tres humblement supplier Vostre Altesse de le vouloir gratifier de son bon œil..

  A019002937 

 Et prie Dieu qu'il la conserve et protege de ses plus saintes faveurs a longues annees, qui suis,.

  A019002951 

 Et sur cette verité, je fay tres humblement la reverence a Vostre Altesse, a laquelle je supplie nostre Sauveur de vouloir departir le comble de ses graces; qui suis.

  A019002958 

 Vous pourres ce pendant respondre a Monseigneur l'Evesque, que ces bonnes filles de Moulins, comme vous aussi, n'estes la que pour faire le service de la fondation, et que quand le Monastere sera establi, vous pourres [retourner] en vos Maysons de profession, ou [l'on vous recevra]; et que partant, il ne faut rien demander pour ces [filles] la a la Mayson de Moulins, qui demeure oblig[ee de les] recevoir quand elles retourneront.....Il semble qu'il n'est pas [a propos de presser] nostre Seur Marie Aymee de Morville; ains qu'elle mesme laisse librement les dix mille francz..

  A019002961 

 Vous pouves employer les Seurs qui doivent estre Domestiques, et qui ne sont point vestues, au service du dehors, par lequel elles meritent tous-jours davantage leur reception future a l'habit..

  A019002974 

 Donnes le plus que vous pourres l'esprit d'un ( sic ) tres humble mais courageuse simplicité, et de l'amour de la croix a ces ames que vous nourrissés, affin qu'elles soyent aggreables a Celuy qui desire les rendre ses espouses..

  A019002989 

 Ayant sceu que M. le Prieur de Rumilly inquietoit le sieur Curé dudit lieu pour certaine reconnoissance qu'il prœtend de luy, j'ay creu que je vous devois rendre ce veritable tesmoignage, que la cure de Rumilly n'est plus au Curé (bien que, comme il est raysonnable, les fruitz luy soyent reservés), puisque il l'a resignee par supplication qu'il m'a faite de l'unir au Chapitre ou cors des Altariens de cette eglise-la, et que j'ay fait toutes les formalités praeparatoires a laditte union, delaquelle les finales expeditions seroyent signees et mises en execution, si Monseigneur le Serenissime Prince ne m'eust fait sçavoir que, voulant faire unir quelques autres pieces [370] pour le plus grand bien de cette eglise, il desiroit que j'attendisse pour un peu, affin de faire tout ensemble ce qui sera requis..

  A019002990 

 Mays cependant, en un'assemblee que les ecclesiastiques de Rumilly et les scindiques firent devant moy, monsieur le Prieur traitta de toutes ses pretentions, en cas de l'union de la cure, laquelle est a la veille d'estre faite, puisque je n'attens que le commandement de Monseigneur le Serenissime Prince qui ne doit pas tarder.

  A019003008 

 Voyla que ces Messieurs de nostre eglise cathedrale recourent a moy en vostre personne, qui represente par dela la mienne, pour un'affaire qu'ilz ont, a mon advis, grande rayson d'affectionner.

  A019003009 

 Et sur l'advis que vous me donnastes l'autre jour, j'envoyeray lundi M. Rollant a monsieur de Mont Saint Jean, puisque je suisforcé de passerjusques en Foucigni pour affaire qui presse, et retourneray icy pour quelques [372] jours, passé lesquelles ( sic ), je m'en iray a Gex; mais vous en seres adverti.

  A019003027 

 En somme, c'est avoir certains papiers, inutiles a vous, Monsieur, ou je suis le plus trompé homme du monde, et utiles a moy qui, apres mon retour d'un voyage forcé que je vay faire, auray bien peut estre lhonneur de vous offrir mon service en presence, comme, absent et present,.

  A019003042 

 Et non seulement l'experience, mais la rayson nous apprend que les filles si jeunes estant reduites sous la discipline d'un Monastere, qui est ordinairement trop disproportionnee a leur enfance, elles la haïssent et prennent a contrecœur.

  A019003042 

 Vous pouvés, avec la permission de Monseigneur [374] l'Evesque, recevoir la petite fille qui est d'un naturel si bien conditionné, selon que vous me dites, que l'on doit esperer qu'il n'en arrivera point d'inquietude a la Religion; mais, ma tres chere Fille, il faut tout a fait eviter de recevoir des autres filles avant l'aage, car Dieu n'a pas esleu vostre Institut pour l'education des petites filles, ains pour la perfection des femmes et filles qui, en aage de pouvoir discerner ce qu'elles font, y sont appellees.

  A019003043 

 Et ne s'ensuit pas que ce qui s'est fait pour cette fois [375] il le faille faire pour des autres, non plus qu'il ne s'ensuit pas qu'un homme s'estant chargé d'une juste charge pour un amy, il doive se surcharger d'une seconde charge pour un autre amy; et ceux qui le seront aussi de vostre Institut auront patience jusques a ce que les enfans soyent d'aage convenable.

  A019003047 

 Je ne pense pas qu'on puisse rien demander pour les Seurs qui vous ont accompagné de Moulins, pour la rayson que je vous ay escritte, l'autre jour que je respondis a cet article..

  A019003049 

 Ma chere Fille, il ne faut pas que vous autres qui fondes des Maysons, facies ces pensees, si vous reviendres ou non, avant quil en soit tems.

  A019003052 

 L'esprit humain fait tant de destours sans que nous y pensions, que il ne se peut quil ne face des mines; celuy pourtant qui en fait le moins est le meilleur.

  A019003054 

 Il ne faut pas donner promesse a point de fille de la recevoir, sinon en cette façon: Nous vous recevons en ce qui nous regarde, mais il faut que Monseigneur l'Evesque le treuve bon; et faire tous-jours conferer avec le Pere spirituel, car il sçaura tous-jours bien les defautz, sil y en a..

  A019003055 

 Il faut eviter de prester vos Constitutions, en disant qu'en la premiere impresse beaucoup de fautes se sont glissees, pour la haste de ceux qui les ont transcrittes, que l'on corrige; et que bientost l'on fera les ( sic ) reimprimer, et que alors vous les communiqueres volontier.

  A019003055 

 Mays les personnes estant discrettes et de condition, en les advertissant de ce defaut, qui a la verité y est grand, vous pourres selon vostre prudence les prester..

  A019003056 

 Il ne se faut pas laisser peindre, si Monseigneur l'Evesque ne le commande ou vostre Pere spirituel, auquel vous pouves obeir en cela comm'es autres choses indifferentes, c'est a dire qui ne sont pas contre l'Institut.

  A019003057 

 Il faut, a la verité, bien reverer l'Evesque, establi superieur en l'Eglise par le Sacrement de son Ordre, c'est a dire par le Saint Esprit, comme dit saint Paul, et par la Regle propre et par la Constitution; et Dieu benira vostre obeissance, qui est l'obeissance des Religieux anciens..

  A019003062 

 Vostre sentiment est le mien: il ne faut pas recevoir les riches au choeur par ce qu'elles sont riches, mais par ce qu'elles ont le talent d'y servir; et si elles ne l'ont pas: qu'elles soyent des Associees si elles sont foibles, ou vielles, ou maladives; si elles sont fortes, qu'on les puisse employer au service de la Mayson, ou du moins a cooperer aux Domestiques si quelque consideration les fait mettre parmi les Associees, comme seroit leur delicatesse, ou la bonté de leur esprit qui les rendra habiles a servir de Superieure ou aux autres offices, hors celuy d'Assistente.

  A019003064 

 On peut recevoir Associees les femmes et filles qui ne sçavent pas lire, car tout ce qui est dit de la lecture s'entend pour celles qui sçavent lire..

  A019003092 

 Et cependant, apres avoir crié qu'il ne failloit pas que le supreme Pasteur, officier en l'Eglise, entreprist de delivrer les sujetz de l'obeissance du supreme Prince de la Republique, pour aucun mal qu'il fist: luy mesme, pour des abus pretendus, se va rendre rebelle a ce supreme Pasteur, ou, pour parler selon son langage, a tous les Pasteurs de l'Eglise en laquelle il a esté baptizé et nourri! Luy qui ne treuvoit pas asses de clarté, disoit il, es passages de l'Escriture, pour l'authorité de saint Pierre sur le reste des Chrestiens, comme s'est il allé ranger sous l'authorité ecclesiastique d'un Roy duquel l'Escriture n'a jamais authorisé la puissance que pour les choses civiles? S'il treuvoit que le Pape excedoit les bornes de son pouvoir, entreprenant quelque chose sur le temporel des Princes, comme ne treuve-il pas que le Roy sous lequel il est allé vivre excede les limites de son authorité, entreprenant sur le spirituel?.

  A019003093 

 Est il possible que ce qui ramena et maintint saint Augustin en l'Eglise n'aye peu retenir cest esprit? Est il possible que la reverence de l'antiquité et l'abjection de la nouveauté n'aye point eu le pouvoir de l'arrester? Est il possible qu'il aye creu que l'Eglise ayt tant erré, et que les huguenotz ou Anglo-calvinistes ayent si heureusement rencontré par tout la verité, qu'ilz n'ayent point erré en l'intelligence de l'Escriture? D'ou peut estre venue cette si universelle connoissance du sens de l'Escriture en ces testes-la, es matieres de nos controverses, que par tout ilz ayent rayson, et nous tort par tout, en sorte qu'il nous faille quitter pour adherer a eux?.

  A019003094 

 La modestie avec laquelle il traitte [382] en vous escrivant, l'amitié laquelle il vous demande avec tant d'affection, et mesme avec sousmission, m'a fait une grande playe de condoleance en mon ame, qui ne peut s'accoiser de voir perir celle de cest ami.

  A019003095 

 J'ay une inclination particuliere a cette grande Isle et a son Roy, et en recommande incessamment la conversion a la divine Majesté, mais avec confiance que je seray exaucé, avec tant d'ames qui souspirent pour cet effect; et des-ormais, encor prieray je plus ardemment, ce me semble, pour la consideration de cette ame-la.

  A019003096 

 Il faut cependant tenir secrette cette miserable nouvelle, qui ne peut estre que trop tost respandue pour tant de parens et amis de celuy qui la nous donne.

  A019003097 

 Mon Frere, quand vous seres consacré, faites le moy sçavoir, et me recommandes a la misericorde de Nostre Seigneur, qui soit a jamais l'unique esperance et amour de nos ames.

  A019003111 

 O que l'establissement des Peres de l'Oratoire reuscira heureusement a Thonon et a Rumilly, et comme Dieu [384] le favorisera! car voyla M. le Prieur dudit lieu qui, ce soir, m'est venu dire qu'en le recompensant, il donnera son prieuré pour les intentions de Son Altesse.

  A019003114 

 Le bon M. Buccio m'a prié de le vous recommander en son affaire, que son frere vous dira, et qui est, ce me semble, grandement favorable.

  A019003115 

 Voyla la response de M. l'Abbé, qui a maintenant dit sa Messe avec beaucoup de devotion.

  A019003116 

 Je ne sçai plus que vous dire, mon tres cher Frere, pour cette fois, ayant le cœur si oppressé de douleur de la perte de ce miserable qui vous escrit, que je confesse de n'avoir jamais eu tant de sensible desplaysir que j'en ay eu; mays par ce que je sens encor un peu d'esperance en Dieu pour son retour, je vous escris la lettre ci jointe, affin que vous la luy envoyïes.

  A019003116 

 Qui sçait si, conservant un peu de credit sur son esprit par cette voye, Dieu s'en servira pour le retirer? Mays je ne sçai pourtant que vous dire la dessus, sinon que bienheureux sont les humbles, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A019003128 

 Je suis grandement affligé, ma tres chere Mere, de la perte spirituelle de cet amy qui a tant demeuré avec moy.

  A019003128 

 O la vanité de l'esprit humain tandis qu'il se fie en soy mesme! O que les hommes sont vains quand ilz se croyent eux mesmes! Il est expedient que scandale arrive, mais malheur a celuy par qui il arrive.

  A019003129 

 Il escrit luy mesme sa perte a [mon frere,] avec [387] tant de respect, de sousmission et de courtoysie que rien plus, et avec ces termes: «Je me separe de la communion de l'Eglise pour me retirer en Angleterre, ou Dieu,» dit il, «m'appelle.» Qui ne gemiroit sur ce mot la: «Je me separe de la communion de l'Eglise»? puisque se separer de l'Eglise, c'est se separer de Dieu.

  A019003130 

 Je salue tres parfaitement madame N., a laquelle je dis par vostre entremise, n'ayant nul loysir, que sa retraitte est comme une datte, qui en fin produira une belle palme de triomphe, mais peut estre seulement d'icy a cent heures, ou a cent jours, ou cent semaines, ou cent moys; et les contradictions qu'elle a eues serviront a cela..

  A019003132 

 Or sus, [Dieu tire sa gloire de ceux qui l'abandonnent.

  A019003144 

 C'est Dieu, ma tres chere Seur, qui a conduit M. de Saunaza l'Oratoire, et je l'en remercie profondement, [389] estimant que ce jeune gentilhomme y servira tres fidelement la gloire de son nom..

  A019003145 

 Qui est bien, s'y doit tenir de pres.

  A019003159 

 Et si l'envie pouvoit regner au royaume de l'amour eternel, les Anges envieroyent aux hommes deux excellences qui consistent en deux souffrances: l'une est celle que Nostre Seigneur a enduree en la croix pour nous, et non pour eux, du moins si entierement; l'autre est celle que les hommes endurent pour Nostre Seigneur: la souffrance de Dieu pour l'homme, la souffrance de l'homme pour Dieu..

  A019003159 

 O que ces pierres qui semblent si dures sont pretieuses! Tous les palais de la Hierusalem celeste, si brillans, si beaux, si aymables, sont faitz de [390] ces materiaux, au moins au quartier des hommes; car en celuy des Anges les bastimens sont d'autre sorte, mais aussi ne sont ilz pas si excellens.

  A019003160 

 Ma chere Fille, si vous ne faites pas des grandes oraysons parmi vos infirmités et celles de monsieur vostre mary, faites que vostre infirmité soit une orayson elle mesme, en l'offrant a Celuy qui a tant aymé nos infirmités, qu' au jour de ses noces et de la res-jouissance de son cœur, comme dit l'Amante sacree, il s'en couronna et glorifia: faites ainsy..

  A019003184 

 L'aspreté du tems et la grandeur des neiges ont retenu comme par vive force le bon M. l'Abbé [jusques] a present, mon tres cher Frere; et ce qui me desplait en ceci, c'est qu'il n'arrivera pas asses tost pour vous donner la commodité de nous faire jouir de vostre chere presence pour ces premieres festes.

  A019003185 

 M. de la Pierre n'a sceu comprendre que Son Altesse eust quelque degoust de luy; il dit qu'il sçait bien qu'elle l'ayme et sçaura bon gré a qui luy presentera sa lettre, qu'il vous prie de luy faire tenir seurement; et se promet que, si vous en parles a M. Le Grand, il se [393] chargera volontier de le faire, et qu'en cela il n'y a point de hasard.

  A019003187 

 Tenés aujourd'huy,........pour toutes asseurances de la triomphante sortie de M. Bonfilz, qui est a mesme tems establi General des Finances, avec un si extreme credit que nul ne pourra plus vivre que par sa bonne grace.

  A019003195 

 M. l'Abbé de Six est en fin trespassé, et on m'a dit que M. l'Esleu ne demeure pas sans affaires avec les Religieux qui ne le veulent pasreconnoistre, parce qu'ilz croyent qu'il n'a pas ses permissions de Rome..

  A019003209 

 Car, de vous dire des nouvelles, ce seroit hors de propos, puisque le porteur en sçait bien plus que moy, qui, presque aussi solitaire qu'un hermite et plus esloigné des affaires du monde que plusieurs hermites, ne sçai rien de tout cela que ce qu'on ne peut ignorer.

  A019003209 

 Mon frere Monsieur de Chalcedoine sera icy dans dix jours, ainsy qu'il m'escrit, et lors il me sera force d'apprendre toutes celles qui courent en nostre cour, ou je ne pense point d'aller qu'apres Pasques..

  A019003224 

 Puisque vous aves treuvé bon, par l'advis mesme de monsieur l'Aumosnier vostre frere, que la charité que vous avies destinee pour le bien spirituel de Belley soit employee pour l'establissement des RR. PP. Capucins en ce lieu-la, qui feront les offices que vous desiries y introduire, il ne restera sinon qu'en suite il vous playse d'ordonner a monsieur de Courtines qui a l'argent, de le delivrer ainsy que les Peres qui sont la luy marqueront.

  A019003237 

 L'extreme desolation qui est en la Sainte Mayson de Nostre Dame de Thonon ne peut recevoir remede que de vostre serenissime providence: la pauvreté y est demesuree, et les enfans du Seminaire tout fin nuds, deschaux et transis de misere; les prestres de la Mayson et les Peres Barnabites n'ont justement que pour manger et habiter, et non pour se vestir, et le reste va tres mal en point; mays, ce qui est le pis, c'est que cette calamité y fait naistre une lamentable desunion, tandis que chacun s'essaye de tirer a soy le peu de moyens et d'argent qu'on y porte.

  A019003237 

 Le remede, Monseigneur, a ce mal qui, a la verité, est de plus grande consequence qu'il ne semble, consiste en ces pointz:.

  A019003238 

 Despuys, on a de beaucoup amoindris les moyens qui y devoyent estre employés et, pour un seul coup, on a osté le prieuré de Nantua, qui sont mille escus de revenu, et environ deux mille ducatons que Son Altesse par sa liberalité y a destinés, ne sont pas touchés a commodité.

  A019003239 

 Monseigneur, si Vostre Altesse fait reuscir le projet d'establir-la des vrays prestres de l'Oratoire, en lieu de ceux qui y sont, on sauvera de ce costé la 300 ducatons; car faysans une vie tout a fait commune, il ne faudra aucun gage comm'il en faut aux autres, layssant a part le lustre et le proffit spirituel qu'ilz apporteront.

  A019003255 

 Reste a voir comme on pourra tenir toutes les Maysons jointes; et certes, je ne sçai pour le present aucun moyen qui ne trayne quant et soy des grandes repugnances.

  A019003258 

 Avec cela, et le memorial estant bien fait, comm'il ne peut manquer de l'estre si elle mesme s'explique bien a celuy qui le dressera, je ne doute point qu'elle ne soit consolee d'un depesche favorable, estant une chose asses ordinaire.

  A019003258 

 Or, il suffira que cela s'essaye par la voye d'un banquier ordinaire, mays auquel, par le moyen du commis d'un secretaire d'Estat qu'elle m'escrit luy estre grandement affectionné, on envoye une lettre qui puisse obliger monsieur [402] l'Ambassadeur de favoriser l'affaire en cas de besoin.

  A019003261 

 Helas! il n'est nullement vray que je me soys fasché en la partie superieure des advis que vous m'aves envoyés sur les Constitutions; mais ayant de prim'abord jetté les [403] yeux sur celuy de l'exclusion des maladives, qui est tout a fait contre mon esprit et sentiment, je dis par un'inconsideree soudaineté: Qui laissera gouverner la prudence naturelle, elle gastera la charité et ne sera jamais fait..

  A019003273 

 Voyla la lettre de monsieur de la Pierre, qui a receu asseurance, ainsy quil m'a fait voir, que Son Altesse l'ayme; dequoy je ne doute point.

  A019003274 

 Ce qui m'en desplait le plus, c'est le mespris de la justice, et que, sans ma coulpe, j'en aye esté l'occasion.

  A019003274 

 Vous aures sceu ce qui s'est passé de la part de monsieur le Baron de Tornon envers monsieur de la Valbonne.

  A019003275 

 Je vous escris l'histoire seulement affin que vous la sachies, et par ce que monsieur le President a recouru a monsieur le Marquis de Saint Damien qui, peut estre, vous en parlera; affin que vous sachies que, quant a moy, je ne me suis nullement plaint, et avois de tres bon cœur pardonné l'insolence, laquelle fut sans doute faite de guet a pend et sans que j'aye jamais offencé ni les maistres ni les valetz; mais je sçai de certaine science qu'il faut dissimuler beaucoup et mespriser toutes les offences qui le peuvent estre, et que, par cette methode, on garde la paix et en fin on gaigne les cœurs des plus inconsiderés.

  A019003275 

 Seulement suys-je marri de ces deux gentishommes, qui prennent des habitudes si contraires a la courtoysie et generosité a laquelle leur naissance les obligent ( sic ) envers la justice et tout le monde; et je ne doute point que monsieur le Marquis ne les convie a faire quelque sorte de tesmoignage a monsieur le President, de des-playsir de l'avoir ainsy traitté..

  A019003276 

 Mays tout ceci, mesnages-le selon que vous jugeres a propos, car il ne faut pas de lite facere lites, ni rien dire ou faire qui puisse ennuyer monsieur le Marquis de Saint Damien, puis que il nous fait lhonneur de nous [406] aymer et qu'il oblige chacun, par sa vertu, a lhonnorer.

  A019003277 

 Dequoy nostre bon P. D. Juste sera bien ayse, et moy aussi, qui suis,.

  A019003277 

 Mays voyla l'heure qui m'appelle pour me praeparer a la Messe, que je vay dire a la Visitation, pour donner l'habit a nostre Seur Marie et a madamoyselle de Servieres, niece de monsieur de Pezieu, avec lequel je disneray ceans, Dieu aydant.

  A019003282 

 J'ay fait ce que monsieur l'Abbé mon cousin m'escrivit a son depart, pour M. Mathieu, et feray ce qui me sera possible pour M. de Lea, estimant que je verray monsieur de Ballon, mon oncle, bientost.

  A019003283 

 Mille salutations a nostre monsieur le Collateral qui m'excusera si je ne luy escris..

  A019003295 

 Quand vous escrires a la Mere qui est allee a Xaintes, je vous prie de l'asseurer de lhonneur et amour que je porte a sa pieté.

  A019003296 

 Certes, dit saint Augustin a ses Filles, vous aves pris naissance, nourriture et accroissement ainsy, pour la plus grande gloire de Dieu et l'establissement de vostre salut: demeures donq ainsy, mes bienaymees, et qui est bien, qu'il ne se meuve pour rien que soit, de peur qu'au lieu de mieux on treuve le mal..

  A019003297 

 Vos Superieurs modernes ont tant travaillé pour vous: cela ne merite-il pas que vous les reveries comme vos Peres, puisque mesme s'ilz ne sont Carmelites d'habit, ilz le sont en effect par le zele et la pieté d'Helie? O combien de Carmelites y aura-il au monde qui n'ont receu que le manteau d'Helie, et non son esprit au double! et combien de prestres seculiers qui, sans le manteau, auront receu son esprit! Combien de Theresiennes sans l'habit, combien de Theresiennes sans l'esprit de la Mere Therese!.

  A019003308 

 Dieu soit beni qui vous a donné une sincere dilection pour ces Seurs de Sainte Marie, et dequoy elles sont parfaitement dediees a vous honnorer et cherir comme elles doivent..

  A019003319 

 Or sus, demeures en paix, souffres en paix, attendes en paix, et Dieu, qui est le Dieu de paix, fera reuscir sa gloire au milieu de cette guerre humaine.

  A019003320 

 Dieu parlera pour ceux qui se taisent, il triomphera pour celles qui endureront, et il couronnera la patience d'un evenement salutaire..

  A019003337 

 Je vous prie d'achetter tout ce qui sera requis pour les tableaux que les Reverens Peres Capucins me font la faveur de faire faire par l'un des leurs, pour l'eglise de Viu et de Thorens..

  A019003387 

 Ce que Nous fîmes d'autant plus volontiers que, outre la particulière inclination et dévotion que ce jeune homme montre d'avoir à cet habit de Saint-Benoit, Nous sommes convié d'en prendre quelque soin en mémoire des services du père qui a délaissé plusieurs autres enfants sans commodités ni moyens de s'élever aux vertus..

  A019003387 

 Nous accordâmes, il y a quelque temps, à Claude du Noyer, le père duquel mourut au siège de Verceil, après Nous avoir longuement servi parmi ces guerres dernières, une prébende des trois qui étaient vacantes au prieuré de Contamine.

  A019003388 

 Chose qui Nous occasionne de vous donner charge pour cela d'embrasser avec votre saint zèle accoutumé, de Notre part, cette affaire; tenir main que le Prieur claustral dudit Contamine mette le froc audit Claude du Noyer, et dispose par même moyen lesdits Pères à payer librement le revenu de sa prébende dès le jour de la vacance, en suite de la provision qu'il en a de Nous; en quoi ils Nous feront chose très agréable de consentir, sans Nous donner plus sujet d'en être importuné davantage ni d'un côté ni d'autre.

  A019003388 

 D'ailleurs, vous verrez le Mémorial ci-joint du [419] Sacristain, qui s'offre de payer auxdits Pères les 500 ducatons qui leur sont assignés sur ledit prieuré, d'employer annuellement 200 ducatons aux réparations d'iceluy et d'accroître encore l'aumône de dix coupes de froment, si [l'on] veut laisser à sa disposition le revenu avec les autres deux prébendes vacantes: qui sont véritablement toutes considérations remarquables et qui Nous font désirer d'autant plus l'effet de la consolation dudit du Noyer, lequel Nous vous recommandons par ce bien particulièrement..

  A019003402 

 Sur quoy neantmoins Nous vous repliquons de ne mouvoir chose aucune que premierement vous Nous ayez envoyé la dessus vostre advis, afin que Nous puissions estre mieux esclaircy de ce qui se debvrà bonnement fere sur ce suject..

  A019003419 

 Il ne vous escrit pas, estant asseuré que vous vous contenteres de luy pour ce coup s'il vous salue de tout son cœur par nostre entremise, estant occupé aupres de cette bonne dame, qui l'a tout a fait guery; de quoy je benis Nostre Seigneur, comme aussi de vostre santé, laquelle il faut conserver pour faire le voyage allegrement..

  A019003420 

 Je suis estonné que l'on tarde tant de nous fayre sçavoir le jour de nostre depart, et que le conducteur qui doit donner ordre pour nous fayre desloger ne vienne point.

  A019003421 

 Je connois de vue celuy qui le poursuit, lequel, avec toutes les bonnes qualités que vous luy donnes, est de tres mauvaise mine..

  A019003421 

 Sy vous voyes la damoyselle, je vous conjure de me tenir fort en sa bonne grâce et de l'asseurer que nous serons lundy a Paris, Monsieur l'Evesque estant arresté pour sacrer Dimanche le grand autel de ceans, chose qui ne se doit fayre qu'en jour de feste.

  A019003441 

 Dautant que l'Evesché de Geneve est de tres grand poidz et tire appres soy beaucoup de soing et de travail, tant pour la grande estendue de sa diocese que la voysinance de l'heresie de Geneve, outre les grandes fatigues que tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire François de Sales, moderne Evesque, faict aux predications et autres exercices spirituelz pour exciter les ames a luy commises a leur perseverance a la devotion: il Nous a semblé luy estre grandement necessaire un Coadjuteur, et que Nous ne pourrions faire nomination de personne plus digne et de plus de merite que de Reverend nostre tres cher, bien amé et feal, devot Orateur Jean François de Sales, frere dudict Evesque et premier Aulmosnier de Madame; lequel, pour sa bonne vie, doctrine et autres vertuz, et pour satisfaire au desir dudict Evesque, Nous avons nommé et presenté, et par ces presentes, en vertu du droict de nomination qui Nous appertient sur ledict Evesché, nommons et presentons a Nostre Tressainct Pere le Pape, pour Coadjuteur et futeur successeur audict moderne Evesque et Evesché de Geneve, suppliant Sa Saincteté de le vouloir aggreer et luy faire expedier ses Bulles et provisions a ce necessaires, moyenant lesquelles Nous voulons qu'il soit receu, admis et maintenu en la plaine et legitime jouissance de ladicte coadjutorie, aucthoritez, prerogatives et autres choses quy en despendent, sans aucune difficulté: car ainsy Nous plait..

  A019003457 

 Ce pendant, Je vous asseureray que Je cheriray tousjours avec passion les occasions qui vous pourront faire cognoistre que Je suis entierement,.

  A019003553 

 Dubito bene che ci saranno delle difficoltà, perchè vorranno qui che s'habbia relatione alle Bolle spedite dagli [429] altri antecessori, e seguitar la forma e stilo di esse; si che, quando costà se ne trovassero alcune nelle quali si facesse tal menzione, credo che il negotio si renderebbe con l'essempio manco difficile.

  A019003564 

 Grande déception pour la jeune veuve! Elle déclare alors son dessein de se «dédier» à Dieu «avec tous» ses «biens en la Maison qui s'établira... à Nevers, [431] mais à la charge toutefois que» la «très chère Sœur Jeanne-Charlotte y sera toujours» sa «Mère.» Cela fit réfléchir.

  A019003564 

 La Mère de Chantal savait de quels ménagements il fallait user avec une âme qu'on voulait sauver à tout prix; elle connaissait d'ailleurs l'incomparable condescendance de François de Sales, et, sans craindre de trop l'engager, elle écrit à M me du Tertre le 24 mars 1620: «Ne doutez point que notre bon Père ne vous concède votre désir selon toute l'étendue de son pouvoir, qui est toujours de plusieurs années.» Avec prudence, la Fondatrice ajoute: «Mais nous nous assurons que Dieu vous ayant confirmée en son saint amour pendant plusieurs années, vous fera aimer la conservation des Règles.» La réponse de l'Evêque de Genève est identique: «Que celte chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens... Mais... faites ce que» Dieu «vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.».

  A019003564 

 M me du Tertre eut vent de ce qui se passait.

  A019003565 

 M me du Tertre ne songeait qu'à se préparer à revêtir l'habit de la Visitation; ses parents, enchantés de sa résolution d'être Religieuse, lui faisaient pour le temporel «un bon parti,» non toutefois sans trainer en longueur les préliminaires du contrat, sans «faire des grandes assemblées de parents et de grands mystères,» qui ne plaisaient pas trop à la Mère de Chantal.

  A019003566 

 François de Sales avait écrit à M gr de Saint-Phal qui, «pour le respect qu'il pourtoit a» la «rare vertu et saincteté» du Serviteur de Dieu, donna franchement son autorisation.

  A019003567 

 Quand on sut à Moulins ce qui se préparait pour Nevers, il y eut une clameur générale.

  A019003568 

 François de Sales, si éloigné des considérations humaines et des questions d'intérêt, ne comprenait pas bien qu'on pût «attribuer a injustice la sortie d'une personne d'un lieu ou elle n'estoit pas obligee de demeurer, ni la translation d'un'autre, pourveu qu'elle laissat en sa place une personne qui luy succedat avec suffisante capacité d'exercer sa charge.» Il envoya, en juillet, la Sœur Paule-Jéronyme de Monthoux pour remplacer à Moulins la Mère de Bréchard, avec la Sœur Françoise-Jacqueline de Musy pour compagne.

  A019003569 

 M. Michel Favre, qui conduisait la Mère de la Roche et ses compagnes en France, en parla à Paris; la Mère de Chantal prit aussitôt la plume: «J'ai appris par l'aumônier de Monseigneur de Genève,» dit-elle, «ce qui se [433] passe à Moulins contre le dessein de la fondation de l'une de nos Maisons à Nevers.

  A019003569 

 Vrai Dieu!... que ces soulèvements ont touché mon cœur!» Et mettant le doigt sur la plaie: «Quoi! il n'est question que d'argent! Et qu'est-ce que cela? Si M me du Tertre en veut plus donner à Moulins qu'à Nevers, au nom de Dieu soit-il! cela nous est indifférent; nous chérissons nos Maisons également, et la chère dame sait bien que c'est son pur mouvement qui l'avait portée à Nevers.

  A019003570 

 C'est pourquoi, ma très chère Fille, je vous conjure que, pour éviter les maux et embarrassements que je prévois, vous laissiez à la Maison de Nevers ce que vous lui avez déjà donné irrévocablement, et ce que vous ne pouvez lui ôter sans faire soulever de grandes mutineries en ce lieu-là: chose qui nous serait insupportable et nous ferait tout quitter...Il restera assez à Moulins, et la Supérieure que Monseigneur de Genève a envoyée vous donnera pleine satisfaction, n'en doutez point.».

  A019003570 

 Les amis du Monastère de Moulins, par un zèle qui n'avait rien de désintéressé, n'entendaient pas qu'on portât ailleurs ces ressources, et M me du Tertre écoutait volontiers de tels conseillers.

  A019003570 

 «Quand les intérêts particuliers se fourrent parmi nos affaires,» continuait la Mère de Chantal, «ils nous font bien souffrir!» S'adressant à M me du Tertre elle-même: «Eh bien!» écrit-elle, «vous avez ouï et reçu des raisons et persuasions qui vous ont été faites pour demeurer à Moulins.

  A019003573 

 «Elle leur parut si jeune qu'ils disaient hautement qu'on leur avait envoyé une enfant pour être Supérieure de ce nouvel établissement; ils lui demandaient son âge et combien il y avait qu'elle était Religieuse, et plusieurs choses de cette nature qui marquaient le peu de succès qu'ils se promettaient de sa conduite.».

  A019003575 

 Les protecteurs du Monastère de Moulins, non contents de la somme qu'on lui abandonnait, réclamaient encore les dix mille francs qui avaient été livrés et employés à Nevers.

  A019003576 

 La Maison de Nevers paya même à celle de Moulins la rente des mille écus qui lui avaient été par elle avancés, jusqu'à ce qu'elle pût rembourser le capital.


20-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XX-Vol.10-Lettres.html
  A020000013 

 Deux raisons qui font espérer à François de Sales la bienveillance du destinataire.

  A020000022 

 Ce qui empêche une âme d'être submergée par les eaux de la tribulation.

  A020000022 

 » — Un feu qui n'a point consumé la patience.

  A020000022 

 — Déplaisirs qui déplaisent et consolent. 23.

  A020000024 

 Un Père qui réclame des nouvelles de sa chère Fille. 26.

  A020000029 

 — Les grâces qui accompagnent celle de la Profession religieuse.

  A020000034 

 Les raisons qui plaident en faveur de M. Gard pour lui obtenir un canonicat. 33.

  A020000036 

 » — Ce qui doit être attaché « au bout du desplaysir du peché.

  A020000037 

 Espoir d'une visite qui fit retarder une lettre.

  A020000059 

 — Une parole qui a ravi le Saint. 59.

  A020000066 

 Des visiteuses qui porteront au monastère de Valence « unguens et parfums de devotion.

  A020000070 

 — En qui nous devons placer toute notre confiance. 69.

  A020000075 

 Cisterciennes et Clarisses qui désirent une réforme.

  A020000078 

 — Ce qu'il y a de naturel dans l'érection des Maisons religieuses; ce qui doit être surnaturel.

  A020000087 

 Dieu, qui donne les charges, donne en même temps son secours pour les remplir.

  A020000089 

 — « Deux grandes Filles » qui « sont un peu de l'humeur de leur Pere.

  A020000099 

 Un amour qui vient du « Maistre et Createur de l'amour.

  A020000109 

 Prières pour un défunt et consolations à ceux qui le pleurent. 106.

  A020000118 

 — Conduite du Saint en cette affaire; à qui il en a remis la solution.

  A020000121 

 — Ce qui ne nuit point au salut est « bien peu considerable.

  A020000124 

 — Ce qui mortifie plus que le mal.

  A020000125 

 Excellent prédicateur qui prêchera volontiers son premier Carême à Rumilly. 124.

  A020000128 

 — Avantages qui résulteraient pour la gloire de Dieu et le service de Son Altesse de l'introduction des Pères de l'Oratoire. 126.

  A020000133 

 Conséquence d'une affection qui ne peut être cachée.

  A020000135 

 Visite qui aurait été faite volontiers.

  A020000135 

 — Les affections qui naissent de la contemplation de la crèche.

  A020000152 

 L'Evêque n'a autorité que sur les Religieuses qui ont fait profession dans son diocèse, et celles-ci appartiennent toujours au Monastère où elles ont prononcé leurs vœux.

  A020000158 

 — Une « condition qui suffit, et sans laquelle rien ne suffit » à une Supérieure.

  A020000160 

 — Espérance qui sera surpassée.

  A020000160 

 — Fille de sainte qui deviendra sainte.

  A020000163 

 — Des âmes qui n'eussent pas été bonnes pour le mystère de la Purification.

  A020000165 

 — Les pensées d'amour-propre ne peuvent nuire à une âme qui considère souvent son néant.

  A020000169 

 — Ce qui restera aux contradicteurs.

  A020000170 

 Ce qui rend une longue lettre inutile.

  A020000174 

 — Dépouillement nécessaire de ceux qui l'habitent.

  A020000175 

 — C'est la suite et la persévérance qui témoignent de la bonté des dispositions.

  A020000181 

 — Bonté de Dieu qui facilite la retraite de M me de Dalet.

  A020000184 

 Des filles qui « font merveilles ».

  A020000195 

 — Election qui ne pouvait être meilleure.

  A020000198 

 MCMXXVI. A Sa Sainteté Grégoire XV. Ce qui s'est fait au Chapitre général tenu à Pignerol.

  A020000198 

 — Concorde parfaite qui y présida.

  A020000202 

 — Voyage qui devient inutile, grâce à l'intervention du Prince et du Pape. 198.

  A020000207 

 — A qui il appartiendra de résoudre la difficulté au sujet d'une aspirante à la Visitation.

  A020000209 

 — « Les defautz qui arrivent en une bonne œuvre n'en gastent pas la bonté essentielle.

  A020000210 

 » — Les effets du sens humain.— Ne pas recevoir des bienfaitrices qui exigent trop de conditions.

  A020000211 

 — A qui la comtesse laisse ses enfants.

  A020000212 

 Conduite à tenir envers des personnes qui contredisent et contrarient.

  A020000215 

 Coup d'éperon à un courage qui défaille. 210.

  A020000223 

 Grâces divines qui se transformeront en « merveilles pour le bien de la sainte Eglise.

  A020000265 

 Et avec cette occasion, je vous fay une tres humble recommandation des droitz de monsieur de la Tour d'Arrerex, present porteur, le bien et les affaires duquel je dois affectionner pour plusieurs raisons; qui suis de tout mon cœur et seray toute ma vie,.

  A020000285 

 Qui me fait vous prier bien humblement, ma tres chere Seur, [3] de contribuer a ce projet tout ce que, selon Dieu, vous pourres, ne doutant point que ce ne soit la plus grande gloire de Dieu et l'advancement et establissement de plusieurs ames en la pieté, et en fin une tres grande consolation pour les premieres qui viendront s'employer a ce bon œuvre..

  A020000286 

 Je vous supplie donq, et toutes vos cheres Seurs, de le favoriser charitablement et de me faire part en vos oraysons, qui suis, ma tres chere Seur,.

  A020000301 

 Quod si id tibi sit oneri, tibi imputes, Illustrissime Domine, qui talis esse voluisti..

  A020000315 

 Si c'est pour vous une charge, ne vous en prenez qu'à vous-même, Illustrissime Seigneur, qui avez voulu être tel que vous êtes..

  A020000317 

 Je baise avec humilité vos mains sacrées, et je supplie le Dieu tout-puissant de conserver et de protéger le plus longtemps et le plus heureusement possible Votre Seigneurie Illustrissime qui sait relever les mains fatiguées et fortifier les genoux affaiblis..

  A020000329 

 Habbiamo qui un giovine di casa honorata, il quale mi è caro per più rispetti, ma massime perchè è buon secolare [6] et molto divoto.

  A020000345 

 Aussi, sachant qu'un eunuque a été même élevé au souverain Pontificat, et que le P. Valère Réginald, auteur du Thesaurus fori Pœnitentialis, malgré la même irrégularité, vit encore aujourd'hui dans la Compagnie de Jésus, je viens très volontiers supplier Votre Révérende Paternité, de vouloir bien favoriser celui-ci qui souhaite avec tant d'ardeur d'être admis dans l'état religieux.

  A020000345 

 Nous avons ici un jeune homme d'une famille honorable, qui m'est cher pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu'il est bon [6] séculier et très dévot.

  A020000362 

 Je m'asseure qu'il se comportera si bien, que ni vous n'aures pas sujet d'estre marri de l'avoir accompagné de vostre benediction, ni moy de vous en avoir prié, qui suis de tout mon cœur,.

  A020000375 

 Mays certes, celles qui ont esté exaucees en telles occasions avoyent tasché de bien unir leurs volontés a celle de Dieu.

  A020000407 

 Et quand elle ira en esprit a Rome voir celuy qui y est, nostre bon frere, c'est son chemin de passer par icy, et sa commodité de s'arrester un peu parmi ces montaignes.

  A020000417 

 Je m'asseure que Monsieur de Calcedoine n'aura rien oublié pour faire reuscir la bonne volonté que Madame aura eue de vous faire l'aumosne, et qu'il vous en rendra a bon compte estant icy, qui sera bientost..

  A020000418 

 Et je luy ay dit que vous ne devies en sorte quelcomque en estre en peine, car nostre Saint Pere le Pape qui sied a present, par une lettre bien expediee que j'ay, vous donne le pouvoir non seulement d'avoir de telles rentes legitimement constituees, mais aussi d'avoir des fons terriens; et peu s'en falut que, en lieu de le permettre, il ne le commandast expressement, tant il estime la mendicité onereuse es monasteres des filles qui sont situés en ces petitz lieux, bourgades et vilettes: de sorte que [13] vous deves demeurer en paix de ce costé la, ma tres chere Seur ma Fille, et moy je suis et demeureray de tout mon cœur,.

  A020000418 

 Vostre bon Pere confesseur m'a communiqué la difficulté que vous aves en vostre esprit sur certaines rentes constituees que vostre pere temporel a establies de quelques sommes d'argent qui vous avoyent esté donnees.

  A020000434 

 Sa divine Majesté habite volontier dans le buisson espineux de vostre cœur environné d'angoisses, et mesme maintenant que le feu qui a bruslé vostre mayson n'a point consumé ni reduit en cendre vostre patience.

  A020000449 

 Vives tout a fait a jamais, comme vous faites, en cet amour celeste, Monsieur mon tres cher Frere, et aymes celuy qui est de tout son cœur, inviolablement,.

  A020000457 

 Que faites vous escartee en ce bon païs d'Auvergne, ma tres chere Fille? car il me semble qu'il y a long tems que vous ne me dites mot; et toutefois, l'amour n'est jamais muet, mesme le filial qui a tous-jours je ne sçai quoy a dire au Pere....

  A020000501 

 Comme il m'a esté un contentement tres particulier de voir monsieur de Cusinens mon cousin, et trop [19] d'honneur quil ne soit venu que pour nous favoriser, Monsieur de Calcedoine et moy, aussi ay-je receu de la peine de celle quil a prise pour cela en ce tems qui est si aspre; mays [il faut] que ceux que vous aymes souffrent ces exces de bienveuillance, et pour moy je n'ay rien a dire sur cela, sinon que nous sommes parfaitement vostres..

  A020000502 

 A mesure que je me disposois au voyage de France et a faire tout ce que j'eusse peu pour y engager monsieur de Lea, mon cousin, puisque, comme bon pere, vous aggreies qu'il vint, le trespas du Pape, inopiné, a tiré Monseigneur le Prince Cardinal a Rome, qui partit six heures apres que Son Altesse eut la nouvelle du Siege vacant, suivi de Monseigneur l'Archevesque de Turin et du comte Guy Saint George et de quelques uns de ses domestiques, de sorte que me voyla en sejour jusques a Pasque..

  A020000514 

 Tandis que de jour a autre je m'attendois de partir pour Paris, j'ay sursis d'escrire en France a qui que ce soit; et a vous mesme, ma tres chere Mere, je n'ay escrit que des petitz billetz.

  A020000515 

 Si faut, ma tres chere Mere, il faut redire les Pseaumes qui se seront ditz tandis que vous dormies, et se confesser dequoy vous ne les aves pas reditz; car ce sont des parties notables de l'Office que vous estes obligee de dire, mais non pas sil ny avoit que trois ou quatre versetz..

  A020000528 

 Ce n'a rien esté qu'une foible ombre d'attaque qui parut en mon logis..

  A020000540 

 Vous estes fille de Jesus Christ crucifié: et quelle merveille y a il donq si vous participes en sa croix? Je me suis teu, disoit David, et je n'ay point ouvert la bouche, parce que c'est vous, Seigneur, qui l'aves fait.

  A020000550 

 Mais je sçai bien aussi que Dieu, qui par sa divine providence vous a dediee a cette sorte de vie en [24] ce monde, ne manque pas de vous fournir des saintes inspirations qui vous sont requises pour vous y comporter saintement..

  A020000551 

 Il me semble qu'il n'en est pas tant de besoin maintenant que vous estes tant accoustumee a la croix; et moy, je suis chargé d'aage, et, pour le dire a vous, d'incommodités qui m'empeschent de pouvoir ce que je veux, et de plus, la multitude des correspondances que j'ay acquises depuis ce tems la, fait que j'escris moins aux uns et aux autres.

  A020000552 

 Quelles benedictions vous puis je souhaiter plus aymables que celles la, d'estre fidele a Nostre Seigneur parmi les adversités de toutes sortes qui vous agitent? car le souvenir que j'ay de vostre ame ne m'arrive jamais qu'avec mille souhaitz que je fay pour vostre avancement en l'amour de ce bon Dieu.

  A020000566 

 Mais, Monseigneur, Vostre Altesse l'a remis a monsieur Carron des il y a environ un an, que je l'envovay, ainsy que m'asseure mon frere qui estoit [26] lors en court.

  A020000566 

 Vostre Altesse Serenissime me commande que je luy envoye un Memorial de ce qui est requis d'estre impetré a Romme pour la restauration de la discipline ecclesiastique en ce païs.

  A020000582 

 Il vous playse donq, Monsieur, de les faire chercher, et, comme je croy, ilz seront aysés a treuver, puisqu'ilz sont en quatre ou cinq feuilles jointes ensemble; car, quant a la forme en laquelle la demande doit estre faite a Romme, c'est chose qu'il faut qui se face a Romme mesme..

  A020000582 

 Mais M. de Calcedoine, mon frere, m'asseure que vous, Monsieur, aves receu les articles du projet qui en fut fait icy et que j'envoyay il y a bien long tems, et que Monseigneur le Serenissime Prince vous l'avoit remis pour les faire traduire en italien, pour les donner a [27] M. d'Aglié qui devoit aller a Romme.

  A020000583 

 Ce pendant, Monsieur, je vous supplie tres humblement d'avoir un soin particulier de l'introduction des PP. de l'Oratoire a Rumilly, par ou il faut commencer, puisque c'est un'affaire qui ne peut souffrir aucun delay; et excuses mon importunité, puisque je suis de tout mon cœur, Monsieur,.

  A020000607 

 Or, je vous propose cette mienne pensee, affin que si vous l'appreuves, il vous playse donner l'obeissance audit Frere Adrien, affin quil vienne tandis que je seray-la, qui ne sera que 5 ou six jours..

  A020000607 

 Si le tems n'empire point, je pense partir demain pour aller a Lion, et par ce voyage, je serois bien ayse si je [29] pouvois esclarcir le cœur de M. Magnin avec le Frere Adrien, et que le Frere Adrien accommodast pour une bonne fois toutes les affaires que l'on a de cette ville a Lyon pour ce qui regarde la soye.

  A020000622 

 Dequoy se doit attrister une fille, servante de Celuy qui sera a jamais nostre joye? Rien que le peché ne nous doit [31] desplaire et fascher, et au bout du desplaysir du peché, encor faut il que la joye et consolation sainte soit attachee..

  A020000637 

 Mais maintenant que je n'espere presque plus ce bien et que ce digne porteur me donne une commodité si asseuree, je me res-jouis de tout mon cœur avec vous, ma tres chere Fille (car ce mot est plus cordial), je me res-jouis et loue Nostre Seigneur de vostre si estimable et aymable mariage, qui [32] vous servira de fondement pour bastir et eslever en vous une douce et aggreable vie en ce monde, et pour heureusement passer cette mortalité en la tressainte crainte de Dieu, en laquelle, par sa grace, vous aves esté nourrie des vostre berceau; car tout le monde me dit que monsieur vostre mary est un des plus sages et accomplis cavaliers de France, et que vostre liayson est non seulement noüee de la sainte amitié qui la doit serrer de plus en plus, mais aussi des-ja benite de la fertilité, par laquelle vous estes a la veille de vos couches, ainsy que [nostre Mere] m'asseure..

  A020000638 

 Il faut donq bien correspondre a toutes les faveurs du Ciel, ma tres chere Fille, car elles vous sont sans doute donnees affin que vous les facies proffiter a la gloire de Celuy qui vous gratifie, et a vostre salut.

  A020000651 

 Vostre Pere spirituel, vostre Confesseur et ces bons Peres qui sont la et qui ont de la charité pour vostre Mayson, pourront, avec suavité, divertir ce destourbier la..

  A020000660 

 J'ay fait asses heureusement mon petit voyage, et ay escrit a nostre filz par M. Sappin, qui partit de Lyon pour Avignon il y aura demain trois semaines, et qui me promit de m'en rapporter des nouvelles avant [les] festes..

  A020000677 

 Quand le bon Pere Arviset m'a dit l'autre jour a Lion que nostre bon pere estoit trespassé, je vous asseure que je fus touché vivement de la passion que les enfans ont accoustumé de sentir quand leur pere les quitte; car je le respectois et honnorois ainsy finalement, ce bon pere, qui m'y avoit obligé en autant de façons qu'il se pouvoit faire..

  A020000678 

 Mais puisque tel a esté le bon playsir de Dieu qu'il s'en allast en son repos, non seulement j'acquiesce, ains je loüe la divine Providence qui luy a donné un bon long sejour en cette vie mortelle, et, ce qui importe le plus, l'a conduit si amiablement par le chemin de sa crainte et de sa grace, que nous avons tout sujet d'estre asseurés qu'il le fait jouir maintenant de sa gloire.

  A020000679 

 Il ne me reste donq plus en cette occasion que de vous supplier de me vouloir tous-jours conserver en l'honneur et contentement qu'il m'avoit accordé pour toute ma vie, qui est que je serois de vostre mayson et censé comme l'un de ses enfans, vostre frere.

  A020000694 

 Mais il ne faut pas les employer qu'avec discretion et reserve, comme encor M. le chevalier de Lescheraine, qui, en cas de besoin, suppliera Monseigneur le Prince Cardinal de favoriser cette affaire..

  A020000694 

 Vous ne laisseres pas pourtant de voir au plus tost le [39] Pere Diegue et le Pere Dom Sens de Sainte Catherine, jadis General des Feuillans, auquel vous remettres la lettre qui est pour Monseigneur le Cardinal de Sainte Suzanne, car je m'asseure que tant ledit Pere Dom Sens que le Pere Diegue s'employeront volontier pour l'affaire des Seurs de la Visitation, selon que je les en supplie.

  A020000695 

 Je le supplie de faire en cela ce qui se pourra bonnement faire, et vous aussi particulierement..

  A020000705 

 Et vous en supplie donq tres humblement, bien ayse d'avoir ce petit sujet de vous rafraichir les offres de mon service, qui suis,.

  A020000725 

 En cette occasion du voyage que le R. P. Dominique, Provincial, et le R. P. Philibert, de l'Ordre des [42] Capucins, font en vos contrees de Valey, je me sens obligé de vous remercier du favorable tesmoignage que vous rendites a Romme pour mon frere Monsieur l'Evesque de Calcedoine, qui est a present mon coadjuteur, lequel, s'il estoit icy presentement, vous eut aussi escrit luy mesme..

  A020000727 

 Et sur cett'esperance de vostre assistence, et du zele, prudence, bonté et bienfaisance du Reverend Evesque de Valey, j'ay donné courage a ces deux Peres, qui sont vrays serviteurs de Dieu et dignes d'estre aymés, de faire de leur part tout ce qu'ilz pourront bonnement pour ce bon œuvre, que je supplie de rechef la divine Providence de vouloir benir, et de vous faire de plus en plus prosperer en sa grace,.

  A020000727 

 Et voyla une bonne commodité qui se presente de rechef a vostre zele en l'establissement des Peres Capucins a Syon, ou, comme vous sçaves, ilz rendront mille sortes de bons et fideles services spirituelz a tout ce pais-la, [43] et beaucoup plus qu'ilz ne pourroyent faire en aucune contree de la patrie; et croy que mesme cela seroit proffitable au service temporel de Messieurs du païs, pour plusieurs dignes considerations que l'estat des affaires du monde me suggere.

  A020000747 

 Nous roulons icy sans avoir pour encor nouvelles de la resolution que M. de Menthon prendra, en attendant la venue de Monseigneur le Prince Thomas qui aura charge de faire achever cett' affaire, ainsy que Monseigneur le Prince dit a nostre frere, M. de Calcedoine; [45] mays je ne laisseray pas de presser un peu tout bellement..

  A020000767 

 En somme, [47] je suis amateur et admirateur de cette sainte ame, et ayme tous ceux qu'elle a aymés en cette vie, et vous tres particulierement, Monsieur, de qui elle mesme me procura la bienveuillance, que je vous supplie me conserver..

  A020000767 

 O quel proffit elle rendra, et mesme aux seculiers, si la piece de son histoire du tems qu'elle fut au monde a esté bien representee, comme je croy qu'elle l'est, puisque c'est M. du Val qui l'a composee.

  A020000778 

 Voyla la bonne madame de Canillac, des belles et rares qualités de laquelle vous m'aves la premiere rendu amateur, qui se plaint admirablement de madame de Dalet sa fille, dequoy ayant treuvé un esseim d'abeilles avec leur miel, elle s'amuse trop avec elles et mange trop de ce miel, contre l'enseignement du Sage qui a dit: As tu treuvé du miel, manges en discrettement.

  A020000779 

 Je confesse que je ne sçai comme il se peut faire qu'une mere de tant d'esprit, de perfection et de pieté, et une fille de si grande vertu et devotion, ne demeurent tout a fait unies en ce grand Dieu, qui est le Dieu d'union et de conjonction; mais je sçai bien pourtant que cela se fait, et que mesme les Anges, sans cesser d'estre Anges, ont des contraires volontés sur un mesme sujet, sans pour cela estre en division ni en dissention, parce que ilz sont parfaitement amoureux de la volonté de Dieu, laquelle, soudain qu'elle paroist, est embrassee et adoree de tous eux.

  A020000780 

 Cette bonne dame, qui est mere, me parle d'un vœu de chasteté fait par la fille, et dit que c'est precipitamment.

  A020000781 

 Mays elle parle, cette mere, d'autre chose, qui est qu'elle aymeroit mieux que sa fille fut Religieuse tout a fait, puysque en ce cas-la on ne la luy demanderoit plus pour caution, et que l'administration des biens des enfans luy seroit conferee.

  A020000782 

 Saint François ne pouvoit gouster l'amas des fourmis; mais il me semble qu'une fille qui a des moyens ne doit jamais les espargner pour sa mere, je dis mesme pour son repos et juste contentement..

  A020000784 

 Au reste, elle ne desire de vous sinon que vous employiés vostre entremise pour moderer le zele que sa bonne fille a a ses retraittes, qui est chose qui ne se peut ni doit refuser, la moderation estant tous-jours bonne en tous les exercices, ormis en celuy de l'amour de Dieu, qu'on ne doit aymer par mesure, ains tout fait « sans mesure.

  A020000784 

 » Employes vous donq bien a cette moderation, a laquelle il sera bien aysé de reduire cette bonne fille, [50] puisque sa bonne mere luy permet qu'elle aille jouyr de la devotion en paix toutes les grandes festes de l'annee, et, outre cela, de six semaines en six semaines trois jours, qui est beaucoup..

  A020000795 

 Je serois bien en peine de vous escrire sur le sujet qui me convie si je n'estois authorisé de madame vostre mere; [51] car a quel propos oserois je mettre la main aux affaires qui se passent entre vous deux, et vous parler de vostre conscience, moy qui sçai que vous estes l'unique digne fille d'une si digne mere, pleyne d'esprit, de prudence et de pieté? Mais puisqu'il le faut, sous cette si favorable condition, je vous diray donq, Madame, que madame vostre mere m'escrit tout ce qu'elle vous a dit et fait dire [52] par plusieurs excellens personnages en comparayson desquelz je ne suis rien, pour vous ranger au desir qu'elle a que vous ne l'abandonnies de vostre assistence filiale en cette grande presse d'affaires temporelles en laquelle les occurrences que vous sçaves ont poussé sa mayson, qu'elle ne peut supporter de voir tomber sous le faix, et sur tout faute de vostre secours qu'elle tient y estre seul et uniquement necessaire..

  A020000796 

 Elle propose troys partis pour cela: ou que vous vous retiries tout a fait en Religion, affin que les creanciers ne vous desirent plus pour caution et que la disposition des biens de vos enfans luy soit libre; ou que vous vous remanies avec les advantages qui vous sont offertz; ou que vous demeuries avec elle avec une seule bourse.

  A020000797 

 Quant au premier, je ne suis pas pour interposer mon jugement si le vœu que vous aves fait vous oblige a ne point desirer dispense, bien qu'elle allegue une grande precipitation qui peut prevenir la juste consideration; car veritablement la pureté de la chasteté est de si haut prix, que quicomque l'a vouee est tres heureux de la garder, et n'y a rien a preferer que la necessité de la charité publique..

  A020000799 

 Il faut en ce cas relever le cœur et les yeux en la providence de Dieu, qui rend abondamment tout ce que l'on donne sur sa sainte ordonnance.

  A020000801 

 Quel remede a cela? Il faut avoir patience, et faire au plus pres que l'on peut tout ce qui est requis pour y correspondre.

  A020000802 

 Et moy, j'ay tort de vous entretenir si longuement, mais j'ay un peu de complaysance de parler avec une ame pure et chaste, et de laquelle il n'y a aucune sorte de plainte que pour l'exces de devotion; tare si rare et si aymable, que je ne puis n'aymer pas et n'honnorer pas celle qui en est accusee, et n'estre pas a jamais, Madame,.

  A020000815 

 Mais, Madame, permettes moy que j'admire comme vous aves peu penser qu'apres tant de remonstrances faites de vive voix par ces grans serviteurs de Dieu, si excellens ouvriers, le Reverend Pere Coton, le Pere Duchesne et autres, et sur tout l'employ de vostre authorité maternelle, de vos larmes, de vos souspirs et de cette puissante representation de vos douleurs et amertumes de cœur que vous aves mieux sceu faire qu'homme du monde, je puisse moy, pauvre prestre, homme esloigné et de si peu de sens que je suis, par des seules lettres, qui n'ont ni repliques, ni mouvement d'action, mettre la main dans le cœur de madame vostre fille pour le contourner a vostre volonté.

  A020000815 

 Neanmoins, Madame, je me range a vostre intention et escris a madame de Dalet et a ma Seur Favre, courtement, parce qu'elles sçavent bien toutes vos raysons, et parce que vostre homme m'a treuvé ayant mon Sinode sur les bras, qui me tient a l'esprit et au cœur.

  A020000846 

 C'est pourquoy il faut, par charité, faire ce qui se pourra bonnement faire pour son salut.

  A020000847 

 Quant a l'autre demande que vous me faites, il est impossible d'y respondre entierement, non seulement a moy, mais aussi aux Anges et aux Cherubins; car Dieu est au dessus de toute intelligence, et s'il y avoit une intelligence qui peust comprendre ou parfaitement dire ce que Dieu est, il faudroit que cette intelligence fust Dieu, car il faudroit qu'elle fust infinie en perfection.

  A020000848 

 Dieu est un esprit infini, qui est la cause et le mouvement de toutes choses, auquel et par lequel tout est, tout subsiste et a son mouvement.

  A020000848 

 Et pour fin, Dieu est le souverain Estre, le principe et la cause des choses qui sont bonnes, c'est a dire qui ne sont point peché..

  A020000849 

 O ma Fille, c'est un abisme! C'est l'Esprit qui vivifie tout, qui cause tout, qui conserve tout, duquel toutes choses ont besoin pour estre; et luy, n'a besoin de nulle chose, n'ayant jamais esté que tres infini en tout ce qu'il est, et est tres heureux, ne pouvant ni commencer d'estre ni finir, parce qu'il est eternel et ne peut n'estre pas eternel.

  A020000862 

 Mays puisqu'il le veut, je le fay tres humblement, Monseigneur, et avec luy encor l'affaire de la reformation des Monasteres de deça les montz et l'establissement si necessaire des Peres de l'Oratoire a Thonon et Rumilly; qui suis a jamais, de Vostre Altesse Serenissime,.

  A020000878 

 Tenes, mon cher Frere, voyla l'oracle sacré qui vous annonce la loy invariable de l'eternité de nostre amitié, puisqu'elle est sainte et non feinte, fondee sur la verité et non sur la vanité, sur la communication des biens spirituelz et non sur l'interest et le commerce des biens temporelz.

  A020000892 

 Helas! je regrette les pechés des calomniateurs, mais cette injure receue est une des meilleures marques de l'approbation du Ciel; et, affin que nous sceussions entendre ce secret, nostre Sauveur luy mesme de combien de façons a il esté calomnié! Oh! que bienheureux sont ceux qui endurent persecution pour la justice!.

  A020000902 

 Ce porteur, le sieur d'Areres, mon proche voysin et grand ami, allant pour voir, s'il peut, la fin d'un affaire qu'il a devant la cour, je l'accompaigne de ma tres humble supplication, que je vous fay, de le proteger en son bon droit qui ne m'est pas moins cher que si c'estoit le mien propre, pour l'obligation d'amitié que je luy ay.

  A020000902 

 Et je me prometz aysement, Monsieur, cette faveur de vostre bonté, qui en ay des-ja tant receues d'autres, et qui sçai le playsir que vous prenes en l'exercice de vostre courtoysie partout ou vous voyes de l'equité..

  A020000919 

 Puysque la Sainte Mayson n'employe pas a present les outilz qu'ell'a pour un martinet, et que mesme les Peres Chartreux ne s'en servent point, je vous prie de les faire prester a mon frere de Thorens, qui fait dresser maintenant un martinet.

  A020000937 

 Je ne vous dis point l'amour plus que paternel, certes, que mon cœur a pour vous, ma tres chere Fille, car je pense que Dieu mesme qui l'a creé vous le dira; et s'il ne le vous fait entendre, il n'est pas en mon pouvoir de le faire.

  A020000937 

 Mais pourquoy vous dis je cela? Parce, ma tres chere Fille, que je ne vous ay pas escrit si souvent que vous eussies peut estre desiré, et que quelquefois on fait jugement des affections plus par les feuilles de papier que par les fruitz des veritables sentimens interieurs, qui ne paroissent qu'es occurrences rares et signalees, et qui sont plus utiles..

  A020000939 

 Et c'est ce qu'il nous a tant inculqué: A qui te veut oster en jugement ta tunique, donne luy encor ton manteau..

  A020000939 

 Jusques a quand sera ce, ma tres chere Fille, que vous pretendres d'autres victoires sur le monde et l'affection a ce que vous y pouves avoir, que celles que Nostre Seigneur en a remportees et a l'exemple desquelles il vous exhorte en tant de façons? Comment fit-il, ce Seigneur de tout le monde? Il est vray, ma Fille, il estoit le Seigneur legitime de tout le monde: et plaida il jamais pour avoir seulement ou recliner sa teste? On luy fit mille tortz: quel proces en eut il jamais? devant quel tribunal fit il jamais citer personne? Jamais, en verité, ains non pas mesme il ne voulut citer les traistres qui le crucifierent devant le tribunal de la justice de Dieu; au contraire, il invoqua sur eux l'authorité de la misericorde.

  A020000940 

 Je ne suis nullement superstitieux, et ne blasme point ceux qui plaident, pourveu que ce soit en verité, jugement et justice; mais je dis, j'exclame, j'escris, et, s'il estoit besoin, j'escrirois avec mon propre sang, que quicomque veut estre parfait et tout a fait enfant de Jesus Christ crucifié, il doit prattiquer cette doctrine de Nostre Seigneur.

  A020000940 

 Que le monde fremisse, que la prudence de la chair se tire les cheveux de despit, si elle veut, et que tous les sages du siecle inventent tant de diversions, pretextes, excuses qu'ilz voudront; mais cette parole doit estre preferee a toute prudence: Qui te veut oster ta tunique en jugement, donne luy encor ton manteau..

  A020000941 

 Il est vray, ma tres chere Fille; mais, graces a Dieu, nous sommes en ce cas la, car nous aspirons a la perfection, et voulons suivre au plus pres que nous pourrons celuy qui, d'une affection veritablement apostolique, disoit: Ayant dequoy boire et manger, et dequoy nous vestir, soyons contens de cela; et crioit apres les Corinthiens: Certes, des-ja totalement et sans doute il y a faute et coulpe en vous, dequoy vous aves des procès ensemble.

  A020000942 

 Mais quel peché? Peché, parce que par ce moyen ilz scandalizoyent les mondains infideles qui disoyent: Voyes comme ces Chrestiens sont Chrestiens! leur Maistre dit: A qui te veut oster ta tunique, donne luy encor ton manteau; voyes comme pour les biens temporelz ilz mettent en hazard les eternelz, et l'amour tendre et fraternel qu'ilz doivent avoir les uns pour les autres.

  A020000942 

 Mays escoutes, ma Fille, escoutes le sentiment et le conseil de cet homme qui ne vivoit plus en luy mesme, mais Jesus Christ vivoit en luy: Pourquoy, adjouste il, pourquoy n'endures vous pas plustost qu'on vous de fraude? Et notes, ma Fille, qu'il parle non a une fille qui aspire d'un air particulier, et apres tant de mouvemens, a la vie parfaitte, mais a tous les Corinthiens; notes qu'il veut qu'on souffre le tort; notes qu'il leur dit qu' il y a de la coulpe pour eux de plaider contre ceux qui les trompent ou defraudent.

  A020000942 

 Notes de rechef, dit saint Augustin, la leçon de Nostre Seigneur: il ne dit pas: A qui te veut oster une bague, donne luy ton carcan, qui sont l'un et l'autre superflus; mais il parle de la tunique et du manteau, qui sont choses necessaires.

  A020000942 

 O ma tres chere Fille, voyla la sagesse de Dieu, voyla sa prudence, et qui consiste en la tressainte et tres adorable simplicité, enfance, et, pour parler apostoliquement, en la tres sacree folie de la Croix..

  A020000945 

 Au reste, je le veux bien, ma Fille, soyes prudente comme le serpent, qui se despouille tout a fait, non de ses habitz, mais de sa peau mesme, pour rajeunir; qui cache sa teste, dit saint Gregoire (c'est a dire, pour nous, la fidelité aux paroles evangeliques), et expose tout le reste a la mercy de ses ennemis pour sauver l'integrité de celle la..

  A020000946 

 Vous aves la tant de gens d'honneur, de sagesse, d'esprit, de cordialité, de pieté; ne leur sera il pas aysé de reduire madame de C. et madame de L. a quelque parti dans lequel vous puissies avoir une sainte suffisance? Sont elles des tigres, pour ne se laisser pas sagement ramener a la rayson? N'aves vous pas la M. N., en la prudence duquel tout ce que vous estes et tout ce que vous pretendes seroit tres bien asseuré? N'aves vous pas M. N., qui vous fera bien cette charité de vous assister [71] en cette voye chrestienne et paysible? Et le bon Pere [Binet] ne prendra il pas playsir a servir Dieu en vostre affaire, qui regarde a peu pres quasi le salut de vostre ame, et du moins tout a fait vostre advancement en la perfection? Et puis, madame de Chantal ne doit elle pas estre creuë? car elle est voirement, certes, je ne dis pas tres bien bonne, mais elle est encor asses prudente pour vous bien conseiller en ceci..

  A020000947 

 Cent et cinquante escus de pension, ou deux cens, sont des richesses pour une fille qui croit en l'article de la pauvreté evangelique..

  A020000947 

 Que de duplicités, que d'artifices, que de paroles seculieres, et peut estre que de mensonges, que de petites injustices, et douces, et bien couvertes, et imperceptibles calomnies, ou du moins des demi calomnies, employe-on en ce tracas de proces et de procedures! Dires vous point que vous vous voules marier, pour scandalizer tout un monde par un mensonge evident, si vous n'aves un precepteur continuel qui vous souffle a l'oreille la pureté de la sincerité? Ne dires vous point que vous voules vivre au monde et estre entretenue selon vostre naissance, que vous aves besoin de cecy et de cela? Et que sera ce de toute cette formiliere de pensees et imaginations que ces poursuittes produiront en vostre esprit? Laisses, laisses aux mondains leur monde: qu'aves vous besoin de ce qui est requis pour y passer? Deux mille escus, et moins encor, suffiront tres abondamment pour une fille qui ayme Nostre Seigneur crucifié.

  A020000948 

 Il est vray, il est difficile a l'homme, mais non pas au Filz de Dieu, qui le fera en vous..

  A020000948 

 Mais de vivre d'aumosne comme Nostre Seigneur, de prendre la charité d'autruy en nos maladies, nous qui d'extraction et de courage sommes cecy et cela, cela certes est bien fascheux et difficile.

  A020000963 

 A celuy qui te veut oster ta robe, donne luy encor ta tunique.

  A020000964 

 Est il possible que ses seurs ne lui veuillent rien donner? Mais si cela est, est il possible que les enfans de Dieu veuillent avoir tout ce qui leur appartient, leur Pere Jesus Christ n'ayant rien voulu avoir de ce monde qui luy appartient? O mon Dieu, que je luy souhaite de biens, mais sur tout la suavité et la paix du Saint Esprit, et le repos qu'elle doit avoir en mes sentimens pour elle; [74] car je puis dire que je sçay qu'ilz sont selon Dieu, et non seulement cela, mais qu'ilz sont de Dieu.

  A020000964 

 Qu'est il besoin de tant d'affaires pour une vie si passagere, et de faire des corniches dorees pour une image de papier? Je luy dis paternellement mon sentiment, car je l'ayme, certes, incroyablement; mais je le dis devant Nostre Seigneur, qui sçait que je ne mens point..

  A020000978 

 Je vous prie d'assister M. le Curé de Vuallier pour le retirement des 400 florins, desquelz on en donnera 150 a M. Sonnerat, et a chacun des trois curés qui ont servi a Draillans, 50; les utres cent demeureront es mains dudit sieur curé de Vuallier, a conte des despens supportés et de ceux qu'il faudra encor supporter au premier jour..

  A020000998 

 Et si vous esties princesse, ou celuy qui vous souhaite prince, puisque vous aves des enfans de vostre premier mari l'on vous devroit dire: Contentes vous de la posterité que vous aves; et a luy: Faites de la posterité d'une autre princesse.

  A020001000 

 Au contraire, s'il est veritable que vous ruineries vos enfans et ce qui est a eux, et que vous vous ruineries vous mesme si vous vous chargies des affaires de vostre mayson paternelle, sans pour cela l'empescher de se ruiner, vous estes obligee, du moins par charité, de ne le faire pas; car a quel propos ruiner une mayson pour en laisser encor ruiner une autre, et donner des remedes contre un mal irremediable, aux despens de vos enfans? Si donq vous sçaves que vostre secours sera inutile au soulagement de monsieur vostre pere, vous estes obligee de ne l'y point employer au prejudice des affaires de vos enfans..

  A020001003 

 Et veritablement, ne vous voulant pas ranger a un second mariage, ni ne pouvant pas seconder le courage que je voy en cette dame a tenir grand train et portes ouvertes a toutes sortes d'honnestes conversations, je ne voy comme ce ne seroit pas plus a propos que vous demeurassies a part, n'y ayant rien d'esgal a la separation des sejours pour conserver l'union des cœurs entre ceux qui sont de contraires, quoy que bonnes humeurs et pretentions..

  A020001004 

 Et je vous supplie, Madame, de ne point vous mettre en aucune consideration qui vous puisse oster la liberté de m'escrire, puisque je suis et seray des-ormais tout a fait et sans reserve vostre tres humble et tres affectionné serviteur, qui vous souhaitte le comble des graces de Nostre Seigneur, et sur tout un progres continuel en la tressainte douceur de charité et la sacree humilité de la tres aymable simplicité chrestienne; ne me pouvant empescher de vous dire que j'ay treuvé parfaitement douce la parole que vous mettes en vostre lettre, disant que vostre mayson est des communes et rien plus; car cela est cherissable en un aage ou les enfans du siecle font de si gros broüa de leurs maysons, de leurs noms et de leurs extractions..

  A020001017 

 La multitude des enfans, et notamment de filles, qui sont en la mayson de Bressieu Roüer, est veritablement digne d'extreme compassion.

  A020001017 

 Or, ilz ont une prætention en Piemont, laquelle ilz sollicitent il y a long tems et ne peuvent en voir l'issüe; qui retient toute cette famille en langueur.

  A020001057 

 Bien qu'il semble qu'il n'importe pas beaucoup de sçavoir a qui les prieurés et abbayes que l'on veut unir appartiennent, puisque on ne pretend pas d'unir les portions des Abbés et Prieurs, ains seulement celles des moines, si est ce que, pour obeir a Son Altesse, je marque icy les noms des possesseurs des dittes abbayes et des prieurés: [82].

  A020001060 

 Tamié, a R. P. François Nicolas de Riddes, aumosnier de Son Altesse, senateur au Senat de Savoye, qui en est Abbé titulaire..

  A020001084 

 Je sçai combien vostre courtoysie est grande, et que vostre bon naturel vous fera tous-jours favoriser monsieur [86] de Corsier, present porteur; mays je ne puis esconduire le desir qu'il a que je vous supplie de l'avoir en recommandation pour l'affaire qui le fait aller la.

  A020001103 

 Et si Vostre Altesse l'a aggreable, tandis que son filz sera la, il employera les heures qui luy resteront apres ses affaires aux exercices convenables a sa condition, affin qu'a son retour il ne soit pas treuvé moins capable de l'honneur et du bonheur qu'il a d'estre tous-jours au service particulier de la personne de Vostre Altesse..

  A020001122 

 Que si je pouvois vous dire que ce sera pour toute sa vie, je le ferois volontier pour [89] contenter vostre zele et celuy de tant d'ames qui se consolent avec elle; mais vous vous imagineres bien quelles occasions peuvent se presenter pour la retirer et destiner ailleurs, selon que la gloire de Celuy auquel elle est vouee le requerra..

  A020001137 

 A moy ne tienne que la bonne Seur Marie entre en la Mayson [90] de la Visitation de Valence toutes les fois qu'il luy plaira, et M lle de Conches aussi, asseuré qu'elles y [91] porteront des unguens et parfums de devotion qui seront de grande utilité pour encourager les Seurs.

  A020001137 

 Mais veritablement, il faudra que Monseigneur de Valence ou le... authorise ces entrees, car ce sont eux qui en auront le vray pouvoir..

  A020001138 

 Je partiray la semaine qui vient pour aller a Thonon, ou je ne seray que huit ou dix jours, pendant lesquelz nous parlerons bien de vous, le bon pere et les freres et moy; ilz se portent tous tres bien.

  A020001138 

 Les [filles] qui doivent venir icy [le feront environ] le tems marqué, avant que je parte; ce pendant elles donneront ordre a leurs affaires et a l'asseurance de leur dot..

  A020001139 

 Continues a estre toute a Nostre Seigneur, ma tres chere Fille, et salues toutes nos Seurs bien cherement, je vous en prie, et M. l'Abbé de Mauzac, et M. Brun qui est tout de mes amis..

  A020001150 

 Et ce matin, a mon premier reveil, il m'est venu une si forte impression de vivre tout a fait selon l'esprit de la foy et la pointe de l'ame, que, malgré mon ame et mon cœur, je veux ce que Dieu voudra, et je veux ce qui sera de son plus grand service, sans reserve ni de consolation sensible ni de consolation spirituelle; et je prie Dieu que jamais il ne permette que je change de resolution..

  A020001150 

 Vous verres en la lettre de ce bon Pere le desplaysir qui certes m'a un peu touché; mais cette nouvelle m'ayant pris dans le sentiment que j'avois d'une totale resignation en la conduitte de la tressainte Providence, je n'ay rien dit en mon cœur, sinon: Ouy, Pere celeste, car tel est vostre bon playsir.

  A020001162 

 [Dieu soit] loué que vous ayes la mon autre tres chere fille, la Mere Seur Marie de Jesus, qui m'a tant saintement aymé en ses plus jeunes annees et qui continue a cela.

  A020001174 

 Ce porteur, le sieur de Lespine, se treuvant accablé de la recherche qui se fait par la Chambre des Comptes des restatz et deniers desquelz feu son pere estoit demeuré debiteur et obligé, sans moyen quelcomque ni esperance de pouvoir exiger lesditz restatz qui sont deuz par les communes, lesquelles ont asses a faire de fournir aux charges presentes, il recourt a l'unique remede, qui est la bonté et debonaireté de Son Altesse et a la vostre, Monseigneur, affin qu'il luy playse d'estre propice a son impuissance et le delivrer de cette recherche.

  A020001191 

 Quelle esperance donq pour nous autres qui n'avons jamais donné le moindre sujet de soupçon, mays sur tout pour vous qui, avec tant de veritable fidelité et utilité, travailles pour son service! Je veux esperer que vous en seres tres bien contenté et recompensé..

  A020001211 

 Qui a rencontré cette source d' eau vive ne peut longuement demeurer alteré des passions de cette vie miserable..

  A020001212 

 Je sçai que vous estes malade; mais, ma chere Fille, a mesure que vostre maladie redouble, vous deves redoubler vostre courage, en esperance que Celuy qui, pour monstrer son amour envers nous, a choysi la mort de la croix, vous tirera de plus en plus a son amour et a sa gloire par la croix et tribulation quil vous envoye.

  A020001226 

 Ayant visité la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, Ell' en recevra la relation, qui est toute la mesme que celle de messieurs de la Chambre des Comptes, et verra, s'il luy plait, les necessités qu'il y a d'y faire des establissemens permanens pour la faire fleurir selon la tres pieuse intention de Vostre Altesse qui l'a fondee.

  A020001226 

 Dequoy escrivant un Memoire a part, dans le paquet que j'addresse a Monseigneur le Serenissime Prince pour moins importuner Vostre Altesse, il ne me reste que de continuer mes supplications a Dieu, qu'il face de plus en plus abonder Vostre Altesse en ses saintes benedictions; qui suis a jamais et invariablement,.

  A020001241 

 Mays les moyens de remedier aux manquemens qui y sont, je les ay mis a part en un [100] feüillet que je joins a cette lettre, laquelle je finis suppliant tres humblement Vostre Altesse de ne se point lasser en la poursuite et resolution que Dieu luy a inspiree de faire au plustost reformer l'estat ecclesiastique, tant regulier que seculier, de la province de deça, estant chose tres asseuree que Dieu contreschangera ce soin de Vostre Altesse de mille et mille benedictions que luy souhaitte incessamment,.

  A020001241 

 Vostre Altesse verra par le resultat ci joint ce qui a esté treuvé bon par les sieurs de Lescheraine et Bertier et moy touchant l'estat present de la Sainte Mayson de Thonon, en la visite que, par le commandement de Son Altesse et de la Vostre, Monseigneur, j'y ay faite ces jours passés.

  A020001252 

 Les huit prestres de la Congregation qui font le service en l'eglise de Nostre Dame et portent la charge des ames vivent veritablement en bons ecclesiastiques seculiers, sans scandale, et celebrent les saintes Messes journalieres qui ont esté establies.

  A020001253 

 Et ainsy, le revenu que possedent a present les ecclesiastiques seculiers de Nostre Dame n'estant point employé en gages particuliers, ains estant mis tout en commun, il y aura dequoy faire une Congregation de beaucoup davantage de Peres, qui, mesnageant par leurs freres les biens, auront dequoy entretenir les meubles de l'eglise, les Offices et ce qui dependra d'eux, en une grande reverence et politesse: et cette partie de la Sainte Mayson, qui est la fondamentale, et laquelle paroist le moins, paroistra indubitablement le plus et edifiera infiniment.

  A020001253 

 Et dautant que les prestres qui y sont maintenant sont gens de bien, on pourra leur prouvoir d'entretenement convenable leur vie durant, estans presque tous vieux, cependant que l'on introduira les Peres de l'Oratoire petit a petit, par les moyens qui seront advisés..

  A020001253 

 L'unique remede a ces inconveniens seroit de composer cette Congregation, non de prestres a gages, mais de vrays prestres de l'Oratoire, ainsy que la Bulle fondamentale de la Sainte Mayson porte; puisque mesmement il y en a en France qui, pour la communion du langage, pourront faire convenablement la charge des ames, et qu'il y en a qui sont sujetz de Son Altesse, et que tous demeurent entierement sous-mis a la jurisdiction des Evesques, en sorte que l'Evesque de Geneve, qui sera tous-jours dependant de Son Altesse, aura l'authorité de les contenir, sans qu'il soit necessaire de recourir hors de l'Estat.

  A020001254 

 Et de plus, il se convertit de tems en tems des honnestes hommes, comme de nouveau le sieur de Prez, sujet de Son Altesse et homme de grande capacité, qui demeure tout a fait sans secours de ce costé la..

  A020001254 

 Il y a encor un defaut notable en la Sainte Mayson, car il ny a point de refuge pour les convertis, qui [102] neanmoins y doit estre selon la premiere intention pour laquelle fut erigee cett'œuvre; de sorte que mesme le sieur de Corsier, converti auquel on avoit assigné entretien, n'en a nulle sorte de commodité, et mourroit de faim si d'autres gens que ceux de la Sainte Mayson ne s'incommodoyent pour luy.

  A020001267 

 J'adjousteray de plus, Monseigneur, qu'il seroit requis, pour l'establissement des PP. Chartreux a Ripaille et en l'abbaye d'Aux, que Vostre Altesse commandast et fit commander par leur General au P. D. Laurens de Saint Sixt, leur Procureur en Savoye, de se rendre aupres d'elle pour terminer ce projet ainsy qu'il est requis; car, Monseigneur, de reformer ces Religieux d'Aux qui y sont maintenant, il est impossible.

  A020001309 

 Mais, ma tres chere [107] Fille, de mettre la main a vostre cœur et d'entreprendre de le guerir, il ne m'appartient pas, et sur tout le mien estant certes des plus affligés de toute nostre parentee, comme celuy qui cherissoit passionnement ce cher oncle, qui m'honnoroit reciproquement, avec beaucoup d'affection, de sa digne et aymable bienveuillance..

  A020001310 

 Je prie donq Dieu, ma chere Cousine, qu'il vous soulage luy mesme de sa sainte consolation, et qu'il vous face ramentevoir, en cette occasion, de toutes les resolutions qu'il vous a jamais donnees d'acquiescer en toutes occurrences a sa tressainte volonté, et de l'estime que sa divine Majesté vous a donnee de la tressainte eternité a laquelle nous devons esperer que la chere ame de celuy de qui nous ressentons la separation est arrivee; car, helas! ma chere Cousine, nous n'avons de vie en ce monde que pour aller a celle de Paradis, a laquelle nous nous avançons de jour en jour, et ne sçavons pas quand ce sera le jour de nostre arrivee.

  A020001320 

 O combien tout cela est esloigné de cette pure charité, qui n'a point de jalousie ni d'emulation, et qui ne cherche point ce qui luy appartient! Ma Fille, cette prudence est opposee a ce doux repos que les enfans de Dieu doivent avoir en la Providence celeste.

  A020001322 

 Croyes moy, le bien qui est vray bien ne craint point d'estre diminué par le surcroist d'un autre vray bien..

  A020001322 

 Qu'importe il a une ame veritablement amante que le celeste Espoux soit servi par ce moyen ou par un autre? Qui ne cherche que le contentement du Bienaymé, il est content de tout ce qui le contente.

  A020001336 

 Mays ce pendant, monsieur de la Pesse m'ayant communiqué la prætention qu'il a de perseverer au service qu'il a exercé ci devant en vostre Conseil de ce pays, je me sens obligé de recommander a Vostre Grandeur sa tres humble supplication, non seulement par ce qu'il est fort homme de bien, mais par ce qu'il s'est tres affectionnement employé en sa charge en un tems difficile et pour des occasions esquelles on ne pouvoit pas nier qu'il ne fallut qu'il eüt du zele et du courage; et peut on dire que sans la fermeté et la diligence [111] de monsieur le collateral Floccard son beaufrere, et la sienne, le sieur Bonfilz, qui avoit une grande industrie et un grand support, ne fut jamais venu au compte auquel l'authorité de Son Altesse l'a reduit.

  A020001337 

 Et je supplie tres humblement Vostre Grandeur de croire que je luy propose mes sentimens avec fidelité et sincerité, n'ayant aucun interest en toute cett' affaire que celuy de son service et du repos de ceux qui y sont et s'y [112] employe (sic) utilement.

  A020001338 

 Monseigneur, qui suys invariablement.

  A020001353 

 Ce porteur va de la part de M. de Chalcedoine et du Chevalier, mes freres, comme aussi de la mienne, pour vous offrir nostre service en cette occasion de la perte que vous aves faite, laquelle, comme elle est extreme, aussi nous la ressentons vivement avec vous; et ne laissons pas pourtant de vous prier de soulager vostre cœur de tout vostre pouvoir, en consideration de la grace que Dieu vous a faite, et a tous ceux qui ont le bien de vous appartenir, vous ayant laissé la jouissance de ce bon pere a longues annees, ne l'ayant retiré qu'a l'aage apres lequel cette vie ne pouvoit plus guere durer sans beaucoup de peines et de travaux qui accompaignent ordinairement la viellesse..

  A020001354 

 Mais vous deves encor plus vous consoler dequoy ce bon pere a vescu toutes ses annees dedans l'honneur et [113] la vertu, en l'estime publique, en l'affection de sa parentee et de tous ceux qui le connoissoyent, et en fin dequoy il est decedé dans le sein de l'Eglise et parmi les actions de la pieté: de sorte que vous aves dequoy esperer qu'il vous assistera mesme en la vie des Bienheureux..

  A020001355 

 Et tandis, je vous offre de rechef mon fidele service, et a madame la Baronne de [Villette] ma cousine, qui suis de tout mon cœur,.

  A020001365 

 Dieu qui a disposé de nos ames pour n'en faire qu'une en sa dilection, soit a jamais beni.

  A020001365 

 Je salue vostre cœur qui m'est plus pretieux que le mien propre.

  A020001367 

 O que la paix est une sainte marchandise qui merite d'estre achetee cherement!.

  A020001368 

 Je fus une heure et demie au parloir: je vis troys de nos Seurs, et je fus fort consolé de voir comme la vraye lumiere leur fait voir la verité des grandes et profondes maximes de la perfection, qui plus qui moins, mais toutes, a mon advis, avancees; [115] et plusieurs dames estrangeres qui les ont veuës s'en sont allees les larmes aux yeux et avec des goustz extremes..

  A020001369 

 Ma tres chere Mere, je salue vostre cœur de tout le mien, qui est tres parfaitement et irrevocablement vostre en Nostre Seigneur, nostre unique amour.

  A020001389 

 O ma Fille, ma Fille, Dieu veuille faire regner l'esprit de Jesus Christ crucifié sur nostre esprit, affin que nostre esprit vive selon cet esprit souverain qui m'a rendu et me conserve eternellement vostre.

  A020001400 

 Je suis grandement consolé de sçavoir que vous estes arrestee plus particulierement au service de Nostre Seigneur en la Mayson de sa tressainte Mere, en une condition que j'estime de grand proffit: J'ay choisi d'estre abject, dit le Prophete, en la mayson de mon Dieu, plus que d'habiter les tabernacles des grans, qui souvent ne sont pas si pieux..

  A020001401 

 C'est un grand honneur, ma chere Fille, [119] d'avoir en charge la conservation d'une mayson toute composee d'espouses de Nostre Seigneur; car, qui garde les portes, les tours et les parloirs des monasteres, il garde la paix, la tranquillité et la devotion de la mayson, et de plus, peut grandement edifier ceux qui ont besoin d'aborder le monastere.

  A020001401 

 Il n'y a rien de petit au service de Dieu, mais il m'est advis que cette charge du tour est de tres grande importance, et grandement utile a celles qui l'exercent avec humilité et consideration..

  A020001401 

 Vous aves esté heureuse d'avoir jusques a present servi Dieu en la personne d'une maistresse de laquelle Dieu est le Maistre et avec laquelle vous cives eu toutes sortes de sujetz de proffiter spirituellement; mais vous estes encor plus heureuse d'aller servir ce mesme Seigneur en la personne de celles qui, pour le mieux servir, ont quitté toutes choses.

  A020001412 

 Une chose vous puis je dire: que cette tant chere Mere differera sa venue jusques a l'extremité, quoy qu'elle soit grandement desiree et requise icy; mays nous nous promettons aussi que le tems estant venu, vous recevres doucement la separation de cette ame, laquelle ne sera pas une mort comme l'est la separation que l'ame fait de son cors, car le Saint Esprit, qui est la vie de nos cœurs, vous animera tous-jours de son saint amour, et vous tiendra de plus en plus unie a nous et nous a vous..

  A020001413 

 Salues, je vous supplie, cherement le cœur de la tres aymee Seur Helene Angelique, qui est bien heureuse de s'estre quittee d'elle mesme pour estre tout a fait a Dieu, qui la benisse et vous aussi, Madame ma tres chere Fille..

  A020001424 

 Le sire Pierre Richard allant expres a Lyon pour vous offrir son service et s'asseurer de vostre bienveuillance, [122] je l'accompaigne volontier pour vous saluer et vous remercier de l'affection qu'il vous a pleu de me tesmoigner, particulierement des mon retour de Lyon; vous priant de tout mon cœur de continuer, comme je persevereray toute ma vie au desir de vous rendre service, qui suis de tout mon cœur,.

  A020001442 

 Dieu appelle a son service les choses qui ne sont point comme les choses qui sont, et se sert du rien comme du beaucoup pour la gloire de son nom..

  A020001442 

 Je vous connois asses, ma tres chere Seur, ma Fille, pour vous cherir de tout mon cœur en la dilection de Nostre Seigneur, qui, ayant disposé de vous pour la charge en laquelle vous estes, s'est par consequent obligé soy mesme a soy mesme de vous prester sa tressainte main en toutes les occasions de vostre office, pourveu que vous correspondies de vostre part par une sainte et tres humble, mais tres courageuse confiance en sa bonté.

  A020001443 

 Demeures en vostre propre abjection comme dans la chaire de vostre superiorité, et soyes vaillamment humble et humblement vaillante en Celuy qui fit le grand coup de sa puissance en l'humilité de sa Croix..

  A020001444 

 Une fille ou femme qui est appellee au gouvernement d'un Monastere est appellee a une grande besoigne et de grande importance, sur tout quand c'est pour fonder et [124] establir; mais Dieu estend son bras tout puissant a mesure de l'œuvre qu'il donne.

  A020001445 

 Ces Seurs qui sont avec vous sont bien heureuses de servir la, par leur bon exemple et humble observance, de fondement a cet edifice spirituel.

  A020001457 

 Je vous honnore, et madame vostre fille, tres parfaitement, et voudrois bien contribuer tout ce qui seroit en moy pour vostre contentement reciproque.

  A020001469 

 Or, je les vous envoyeray ou par cette commodité, si le porteur retarde un jour de plus, ou par la fine premiere qui se presentera, laquelle sera bien tost.

  A020001469 

 Si celuy qui doit porter ces lettres part, comm'il dit, demain de grand matin, certes, ma pauvre tres chere Mere, il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture.

  A020001470 

 J'en attens tous les jours, mais les choses y vont avec tant de tardiveté, que si je me croyois moy mesme, je ferois ce que ceux qui y sont et qui entendent les affaires disent de nous, et particulierement de moy: Nous importunons a force de demander des choses que nous pouvons faire sans les demander; et neanmoins, puisque nous les demandons, il faut souffrir de ne les point avoir que sous les conditions ordinaires de ceux qui les expedient.

  A020001472 

 Quand il sera tems de vous envoyer un ecclesiastique pour vous accompaigner au retour, vous m'advertires, et je vous envoyeray ou M. Michel, ou M. Rolland qui a une affaire par dela, laquelle il pourroit peut estre bien faire en ce tems la, et vous serviroit bien au voyage pour tout le tems que vous desireries, puisqu'il n'est plus chanoine de Nostre Dame, ayant quitté cette place pour avoir plus de commodité de faire ce que je desire de luy; mays il ne faut encor pas faire bruit de ceci..

  A020001477 

 Dieu veuille que les habitans de Bourges le soyent aussi, et je l'espere, puisque celuy qui succede est si capable et homme de bien; mays je ne sçai si c'est le Penitentier de Bourges ou celuy de Paris.

  A020001477 

 Je vous supplie, ma chere Mere, de bien cherement saluer ce cher Archevesque qui sera tous-jours mon Archevesque, nonobstant qu'il quitte son archevesché et que j'en aye un autre a Vienne..

  A020001479 

 Je suis de l'advis du P. Binet pour nostre seur de Gouffiez, et neanmoins je voudrois bien regaigner son cœur, car il me semble qu'elle n'en treuvera pas un qui soit plus pour elle que le mien; et il n'est pas bon d'abandonner les amitiés que Dieu seul nous avoit donnees.

  A020001495 

 J'escris a M. selon vostre desir, bien content que je suis de vous pouvoir rendre quelque petit service, mesme pour vos affaires domestiques, et sur tout puisqu'elles sont utiles au bien de vostre ame pour laquelle j'ayme tout ce qui vous appartient.

  A020001495 

 O que c'est un bon affaire que de n'avoir point de proces! Je suis marri dequoy a Chamberi on ne parle quasi que de cela, et qu'on en parle si chaudement et si passionnement; et je suis consolé dequoy vous aves essayé d'accommoder celuy duquel vous m'escrives, et dequoy vous en parles avec le respect qui est deu a la partie, et dequoy monsieur vostre mary se rend si facile a lascher le sien pour l'assoupir..

  A020001496 

 Dieu soit loüé du contentement que vous aves de la suffisance qu'il vous a donnee! Et continues bien a luy en rendre graces; car c'est la vraye beatitude de cette vie temporelle et civile, de se contenter en la suffisance, parce que, qui ne se contente de cela ne se contentera jamais de rien, et, comme vostre livre dit (puisque vous l'appelles vostre livre), a qui « ce qui suffit ne suffit pas, rien ne » luy suffira jamais.

  A020001497 

 Au reste, ma tres chere Fille, cette si grande crainte qui vous a ci devant si cruellement angoissee doit estre meshuy terminee, puisque vous aves toutes les asseurances qui se peuvent avoir en ce monde d'avoir fort entierement expié vos pechés par le saint Sacrement de Penitence.

  A020001497 

 Qui dit qu'il a bruslé une mayson, il n'est pas requis qu'il die ce qui estoit dedans par le menu; ains suffit de dire s'il y avoit des gens dedans, ou s'il n'y en avoit point..

  A020001497 

 Qui dit: J'ay tué un homme, il n'est pas besoin qu'il die qu'il a tiré son espee, ni qu'il a esté cause de plusieurs desplaysirs aux parens, ni qu'il a scandalizé ceux qui l'ont veu, ni qu'il a troublé la ruë en laquelle il l'a tué; car tout cela s'entend asses sans qu'on le die; et suffit seulement de dire qu'il a tué un homme par cholere, ou de guet a pend par vengeance, qu'il estoit homme simple ou ecclesiastique: et puis, laisser le jugement a celuy qui vous escoute.

  A020001498 

 Pensés meshuy a vostre advancement a la vertu, et ne pensés plus aux pechés passés sinon pour vous humilier doucement devant Dieu et benir sa misericorde qui vous les a pardonnés par l'application des divins Sacremens..

  A020001499 

 Ce qui vous estonne, c'est que vous voudries estre tout a coup telle qu'elle prescrit; et toutefois, ma tres chere Fille, cette mesme Introduction vous inculque que de composer vostre vie a ses enseignemens n'est pas la besoigne d'un jour, ains de toute nostre vie, et que nous ne nous devons nullement estonner des imperfections qui nous arrivent parmi les [132] exercices de nostre entreprise.

  A020001500 

 Il est vray, certes, que l'obeissance vous sera fort utile; et puisque vous desires que ce soit moy qui vous en impose les loix, en voyci quelques unes:.

  A020001507 

 Ne vous lasses point, ma tres chere Fille; il faut remettre vostre esprit, qui est vif et subtil, en la leçon de l'enfance.

  A020001520 

 Mais vous ne vous deves point haster; car, comme vous dites, l'hyver ne vous empeschera point vostre voyage, estant necessaire que vous arresties un peu parmi vos Filles qui sont en France..

  A020001523 

 Mon solliciteur dit que l'on a tort de recourir a Rome pour les choses esquelles on s'en peut passer, et des Cardinaux l'ont dit aussi: car, disent ilz, il y a des choses qui n'ont point besoin d'estre authorisees parce qu'elles sont loysibles, lesquelles quand on veut authoriser sont examinees diversement; et le Pape est bien ayse que la coustume authorise plusieurs choses qu'il ne veut pas authoriser luy mesme, a cause des consequences.

  A020001524 

 J'ay fait faire icy un beau plan de monastere que je vous envoyeray au premier jour; et celuy qui l'a fait est tres bon maistre, et l'a fait sur les descriptions que saint Charles a fait faire des monasteres, en s'accommodant neanmoins a l'usage de la Visitation.

  A020001536 

 Au moins rendray je ce devoir a vostre bienveüillance de prier Dieu qu'il vous comble de ses cheres graces, qui suys, Monsieur,.

  A020001555 

 Que bienheureuses sont les afflictions qui relevent et lancent nos affections en Celuy qui est le Pere de misericorde et le Dieu de toute consolation!.

  A020001574 

 Et par ce que monsieur le President de Lescheraine, qui vint sur le lieu aux festes de Pentecoste de la part de Vostre Altesse, en [139] sçait toutes les particularités, je la supplie tres humblement de l'oüir ou faire ouir sur cela, et de seconder de sa protection une si digne fondation; qui suys invariablement,.

  A020001591 

 Je supplie encor Vostre Altesse Serenissime de se resouvenir de l'establissement des Prestres de l'Oratoire en l'eglise de Rumilly, en l'occasion qui se presente maintenant, que le sieur de Saunas, sujet de Son Altesse, un jeune gentilhomme des plus sçavans theologiens de son aage, y desire contribuer sa personne des-ja vouee a cette Congregation, et son prieuré de Chindrieu, et que le Curé de Rumilly, decrepite et extremement malade, est jugé a mort par les medecins qui asseurent que dans bien peu de jours il decedera..

  A020001610 

 Je ne croy pas que monsieur le Curé de Saint Paul vous face aucune sorte d'ennuy, puisqu'il n'y a point de Religion qui porte tant de respect aux curés que la vostre, ni qui ayt tant de convenance avec l'estat ordinaire de l'Eglise..

  A020001612 

 Et si l'on persevere a faire la charité a celles qui ont ces imperfections corporelles, Dieu en fera venir, contre la prudence humaine, une quantité de belles et aggreables, mesme selon les yeux du monde.

  A020001621 

 Ce n'est pas certes moy qui ay præfigé l'aage auquel il faut que les filles soyent Religieuses, ains le sacré Concile de Trente.

  A020001621 

 Croyes moy, ma tres chere Fille, s'il ny a rien d'extraordinaire qui presse, demeures sousmise en paix a l'obeissance des loix ordinaires de l'Eglise.

  A020001639 

 Certes, vous estes bien brave, ma tres chere Fille, de sçavoir si bien escrire; mays pour vous rendre maistresse en ce mestier, il faut forcer vostre main, pour un tems, d'escrire ainsy a tous, et non seulement a moy qui, plus que tous peut estre, supporterois plus doucement vostre mauvaise escriture..

  A020001640 

 Monsieur de Blonnay vostre pere, et M. le Prieur vostre frere, souperent [145] hier ceans, et ce porteur, qui est bien fort de mes amis, vous dira quilz se portent tres bien.

  A020001646 

 Revu sur l'Autographe qui, en 1896, se conservait à la Bibliothèque Royale de Turin..

  A020001651 

 Vostre cœur, qui en a une singuliere pour le mien, merite, pour le moins, bien ce reciproque.

  A020001653 

 O que nostre tres chere Seur Helene Angelique est bienheureuse d'estre en cette vocation avec le bon playsir de Dieu, qui luy donne la clarté et la consolation convenable et propre a graver profondement son tressaint et pur amour en son cœur..

  A020001654 

 M. Flocard qui vouloit revenir icy a cause de sa femme, avoit rayson, car sa femme est digne d'estre aymee, puisqu'elle tasche de tout son cœur de bien aymer Dieu; et ayant sceu l'honneur que vous faites a son mari ... tous-jours privee de la presence de son mari qui est en Piemont des il y [a] 11 moys..

  A020001658 

 Et vous estes ma tres chere fille en Celuy qui est nostre Tout, qui est beni es siecles des siecles..

  A020001668 

 La peine que vous aves a vous mettre en l'orayson n'en diminuera point le prix devant Dieu, qui prefere les services qu'on luy rend parmi les contradictions, tant interieures qu'exterieures, a ceux que l'on luy fait entre les suavités; puysque luy mesme, pour nous rendre aymables a son Pere eternel, nous a reconciliés a sa Majesté en son sang, en ses travaux, en sa mort..

  A020001669 

 Tous les arbres, ma tres chere Fille, ne produisent pas leurs fruitz en mesme sayson; ains, ceux qui les jettent meilleurs demeurent aussi plus long tems a les produire, et la palme mesme cent ans, a ce qu'on dit.

  A020001684 

 Je me confie en sa bonté qu'il vous verra de bon cœur es occurrences de vostre profit spirituel; mays puisque vous me demandes mon advis, je vous diray, ma chere Fille, que c'est un personnage grandement appliqué au service de Dieu et de son Eglise, au milieu de Paris qui est un monde ou tant de gens voudront avoir part a sa charité, que vous deves faire vostre exercice ordinaire a l'Oratoire, sous la conduite de vostre Pere ordinaire, qui est, ce me semble, le P. Menan, et de troys moys en troys moys voir ce grand Prælat pour la suavité de vostre esprit..

  A020001700 

 Ce qui ne se peut faire aujourd'huy se fera demain, et ce qui ne se peut faire icy se fera au Ciel..

  A020001702 

 Je pense, quant a moy, que non, puisque mesme M. de Damas, qui a appreuvé la premiere impression, est docteur de Paris..

  A020001704 

 Deux maysons de Congregation de Provence, qui ne sont es terres du Pape, veulent estre reduites en Monasteres de nostre Institut et en ont escrit a Grenoble affin d'y pouvoir envoyer des filles pour faire le novitiat; si cela reuscit, ce sera par l'ordre de Rome, et cela affirmera de plus en plus l'approbation, comm' aussi un autre Monastere ancien de la Val d'Aouste, qui fera mesme supplication.

  A020001704 

 En somme, si ces examinateurs et censeurs sans authorité, qui font tant de questions sur toutes choses, se peuvent donner un peu de patience, ilz verront que tout est de Dieu..

  A020001706 

 Je receu hier des lettres de Paris, mais je n'ay eu loysir encor de les voir, a cause de nos troubles qui m'entretindrent hier au soir bien tard avec M. le President, pour conferer de plusieurs choses..

  A020001710 

 Hier je receu une lettre de madame la Premiere de Bourgoigne, qui m'escrit que nos Seurs seront receues a Dijon pour la Saint Martin; si cela est, voyla une nouvelle peine pour vous.

  A020001713 

 Le bon Pere Binet ne me presse point de vous laisser; je luy escriray par M. Jantet, et [à] madame la Marquise de Menelay qui [m'a écrit] si cordialement.

  A020001725 

 Ayant treuvé icy monsieur Lachat, Curé de Vuallier, j'ay voulu employer sa bonne volonté pour vous faire tenir en main propre ces quattre motz, par lesquelz je desire vous ramentevoir l'affection que vous aves tesmoigné ci devant, de vouloir faire la Profession de Religion, qui est grandement necessaire pour le bon establissement de vostre Monastere.

  A020001725 

 Et partant, je vous prie de prendre une finale resolution du tems convenable et des personnes que vous desires qui vous y assistent; et m'en advertissant, je donneray ordre de mon costé affin que rien ne vous manque, moyennant la grace de Dieu, lequel ce pendant je prie vous combler de sa sainte grace; qui suis,.

  A020001741 

 En somme, qui veut bien recevoir les coups des accidens de cette vie mortelle, il doit tenir son esprit en la tressainte volonté de Dieu et son esperance en la bienheureuse seternité.

  A020001741 

 Tout ce tracas de peines et d'ennuys passera bien tost, ce ne sont que des momens; et puis, nous n'avons encor point respandu de sang pour Celuy qui respandit tout le sien pour nous sur la croix..

  A020001742 

 Si c'estoit luy seul qui retranchast les Communions, j'auroys bien eu asses de courage; mays quand c'est par l'advis de toute la Compaignie, il me suffit bien d'user de mon opinion contraire, [157] sans que je les importune contre la leur.

  A020001759 

 Je vous prie de saluer madame de la Flechere, qui m'excusera bien si je ne luy escris pas, n'en ayant nul loysir.

  A020001789 

 Mais je ne porte point d'envie au cœur de qui que ce soit, car jamais il n'y en aura qui vous ayme et cherisse plus que le mien fait, et si je ne craignois d'offencer celuy de ma tres chere fille (dites moy son nom moderne), je dirois absolument: ni tant que le mien fait et fera a jamais..

  A020001792 

 Au moins, mon Reverend Pere, faites bien sçavoir a la Serenissime Infante Catherine que je luy souhaite les benedictions des plus serenissimes Princesses qui furent jamais, et sur tout la perseverance aux desirs fervens d'aymer de plus en plus Jesus Christ crucifié, qui est la benediction des benedictions..

  A020001793 

 O mon Pere, on me presse, et il faut faire partir cet enfant, qui est vostre puisqu'il est mien, filz de mon frere, qui me le donna, mourant tout a fait comme un saint entre mes bras, comme l'autre mourut entre les vostres..

  A020001820 

 Apres avoir souhaité a l'ame de feu monsieur Talon l'æternel repos que Nostre Seigneur a aquis par son sang a tous ceux qui meurent en sa grace, je souhaite a vostre cœur la tressainte consolation qu'il doit prendre en la volonté de sa divine Providence qui dispose de ses creatures en sa bonté.

  A020001850 

 Pries tous-jours bien devotement Nostre Seigneur pour moy qui ne cesse de vous souhaiter la suavité de son saint amour, et, en iceluy, celle de la dilection bienheureuse du prochain, que cette souveraine Majesté ayme tant..

  A020001851 

 Je m'imagine que vous estes la, en ce bel air, ou vous regardes, comme d'un saint hermitage, le monde qui est en bas, et voyes le ciel auquel vous aspires, a descouvert..

  A020001861 

 J'espere que cette [167] action sera benie de la main de Celuy qui ayme la promptitude des bons desseins et des bonnes executions, et qui treuva mauvaise la trop grande prudence de cet enfant qui vouloit aller ensevelir son pere avant que de se ranger tout a fait a sa suite.

  A020001862 

 La divine Majesté vous benisse de plus en plus de son saint amour, et le cœur de monsieur vostre mari qui conspire si doucement avec vous pour aspirer tout a fait a Dieu et ne respirer qu'en luy.

  A020001876 

 Or sus, Dieu qui a commencé en vous le bon œuvre de vostre salut l'achevera et parfaira selon sa tres bonne et tres aymable volonté.

  A020001891 

 En somme, il faut ne vouloir point les choses mauvaises, vouloir peu les bonnes, et vouloir sans mesure le seul bien divin, qui est Dieu mesme..

  A020001891 

 Quand il n'y auroit aucun autre proffit que celuy de la mortification des ames qui l'ayment, ce seroit beaucoup.

  A020001892 

 Je sçai veritablement, ma tres chere Fille, que mes lettres vous sont aggreables; car Nostre Seigneur, qui a voulu que mon ame fust toute vostre, me donne connois-sance de ce qui se passe en vostre cœur par ce que je sens dans le mien.

  A020001893 

 Beni soit Dieu qui conserve la personne du Roy, si chere a tout ce royaume et a toute l'Eglise.

  A020001894 

 Je suis bien ayse de la possession en laquelle nos Seurs sont de leur monastere, et vous aussi avec elles, puisque, par vostre assistence et de ces bonnes dames, les y ayant colloquees, vous y estes en leurs personnes, et elles [170] y sont pour vous, qui, servant le mesme Seigneur en vostre pieuse vocation, estes un mesme esprit avec elles..

  A020001895 

 Et vous aves aussi esté une petite infirmiere, puisque vous aves eu tant de malades ces moys passés; et vous aves esté infirme de leur infirmité, car puisque c'estoyent mesme des personnes si cheres, comme monsieur vostre mary et vostre filz bienaymé, vous aves bien peu dire: Qui est infirme, que je ne sois infirme avec luy? Dieu soit loué, qui, par ces alternatives, nous conduit a la ferme et invariable tranquillité de l'eternel sejour..

  A020001922 

 Il ny a remede, ma tres chere Fille, il faut suivre les loix du monde, puisque on y est, en tout ce qui n'est pas contraire a la loy de Dieu..

  A020001939 

 Mais je suis marry de l'allarme que vous aves prise pour l'estat de nos affaires de deça, qui, graces a Dieu, jusques a present n'a rien d'extraordinaire, sinon que ceux de Geneve, s'estant mis en extreme defiance, font contenance de se preparer a la guerre; mais on ne croid pas pourtant qu'ilz veuillent commencer, puisque s'ilz l'entreprenoyent sans le commandement du Roy, ilz seroyent tout a fait ruynés, et l'on ne peut se persuader que Sa Majesté les veuille porter a ce dessein: de sorte que nous [174] dormons les nuitz entieres, et fort doucement, sous la protection de Dieu..

  A020001940 

 Elle nous a dit tout ce qui s'est passé a Dijon, ou il sera a propos que vous arresties deux ou trois moys pour appaiser ces messieurs du party contraire, qu'il faut combattre et abbattre par la douceur et l'humilité; encor qu'a mon advis nous ayons l'advantage, puisque monsieur le Duc et madame la Duchesse de Bellegarde, madame de [175] Termes et la pluspart du Parlement est pour nous, et particulierement Monsieur l'Evesque de Langres, qui a le zele, la prudence et l'authorité apostolique en ce païs la, et qu'outre cela nous aurons l'assistance de Monseigneur nostre bon Archevesque..

  A020001940 

 Nous avons veu madame de Royssieu, qui n'eut loysir de demeurer icy que deux jours.

  A020001941 

 Madame de Royssieu m'a dit que monsieur le premier President avoit quelque amertume contre moy a [176] rayson de ce qui s'est passé de la part de monsieur de Sauzea; en quoy, sil est vray, il a un tort tres grand, car non seulement je n'envoyay pas monsieur de Sauzea au Puis d'Orbe, mais, avec toute la dexterité qui me fut possible, je m'essayay de divertir la poursuite que l'on faisoit pour l'y attirer, comme sachant bien que son courage estoit trop fort et trop verd pour la conduite d'une telle Mayson que je voyois devoir estre conduite doucement et avec respect.

  A020001942 

 Nos Seurs de Grenoble, avec leur Pere spirituel, monsieur d'Aouste, qui est un grand serviteur de Dieu, desirent que l'on face imprimer le Formulaire de la reception des Prætendantes au novitiat et des Novices a la profession avec les Regles et les Constitutions; mais je croy pourtant que cela doit estre en deux petitz volumes, et que le Formulaire des receptions soit en lettre asses grosse pour estre leüe aysement..

  A020001943 

 Je me suis imaginé en cett'occasion la les douleurs du cœur de madame la Contesse sa chere femme, et n'ay peu contenir le mien d'en recevoir de la tendreté, bien que j'aye eu confiance en Dieu, a qui ell'est, qu'il la tiendrait de sa main paternelle en la tranquillité et resignation qu'il a accoustumé de donner a ses enfans bien-aymés quand ilz sont affligés.

  A020001943 

 Je suis extremement consolé qu'elle se soit un peu soulagee parmy nos Seurs de Bourges, qui, je m'asseure, auront reciproquement receu un grand contentement d'avoir eu lhonneur de sa presence..

  A020001944 

 De sorte qu'a mon advis, Monsieur de Langres pourra prendre resolution sur cela, qui suffit es occasions de grande pieté qui tiennent lieu de necessité morale, et qui, a mon advis, n'a pas deu estre exprimé, pour eviter la censure de tant de gens qui ont tant de complaysance a contreroller semblables choses, selon le zele quilz se forment en leur rigueur..

  A020001944 

 Et a ce propos, ma tres chere Mere, je ne fay nulle difficulté que les Evesques et, en leur absence, les Peres spirituelz des Maysons de la Visitation, ne puissent, ains ne doivent charitablement faire entrer les dames en telles occurrences, sans quil soit besoin quelconque que cela soit [178] declaré dans les Constitutions, par la douce et legitime interpretation de l'article du Concile de Trente qui est mis en la Constitution De la Clausure, car on le pratique bien ainsy en Italie et par tout le monde, mesme pour des moindres occasions: car je vous laisse a penser, si l'on fait bien entrer des jardiniers, des jardinieres, non seulement pour l'ageancement necessaire des jardins, mais aussi pour les embellissemens non necessaires, ains seulement utiles a la recreation, comme sont les berceaux, les palissades, les parterres, les entrees de telles gens estant jugees necessaires non par ce que ce quilz font soit necessaire, ains seulement par ce que ces gens la sont necessairement requis pour faire telle besoigne, si nous ne pourrons pas justement estimer l'entree des dames desolees par quelque evenement inopiné estre necessaire, quand elles ne peuvent pas aysement treuver hors du monastere les soulagemens et consolations si convenables.

  A020001946 

 Vous pourres bien, ma tres chere Mere, complaire a madamoyselle la Princesse de Montpensier en ce qui [179] regarde l'addition des commemoraisons des Saintz qui occurrent, et, de Paris, porter cet usage es Monasteres dans lesquelz vous passeres venant a Dijon, et de Dijon icy; m'estant advis que la grande pieté et vertu de cette grande Princesse merite que l'on reçoive ses desirs comme quelque sorte d'inspiration..

  A020001947 

 Mais maintenant il me fait prier de vous ramentevoir le desir que je vous avois tesmoigné pour la consolation de cette fille et de ses parens; qui me fait croire qu'il y a eu quelque changement en cest affaire, ou bien, qu'a la façon de la court, il desire mon remerciement pour engager davantage celle a qui il sera fait; mais, comme que ce soit, en tout ce qui se pourra bien et legitimement passer, je le vous recommande comme mon bon et ancien ami..

  A020001947 

 Monsieur Duret, qui vous presenta sa petite niece tandis que nous estions la, m'avoit, il y a quelques mois, prié de vous remercier avec luy de la reception de cette fille.

  A020001949 

 J'avois escrit jusques icy, quand j'ay receu vostre lettre du 26 e octobre, laquelle me donne sujet de vous supplier, comme je fay de tout mon cœur, de ne vous mettre nullement en peine de ce qui se passe en ce païs icy, puisque, comme vous dira monsieur de la Pesse, present porteur, graces a Dieu il ny a rien a craindre..

  A020001950 

 M. Crichant m'a veritablement escrit du bruslement des deux pontz; mais il ne me donne point advis comme se sera passé cet accident pour le regard de madame Baudeau, marchande gantiere qui demeuroit sur le Pont aux Oyseaux, de laquelle pourtant je ne puis m'empescher d'estre en soucy, et a laquelle j'avois escrit par luy mesme..

  A020001951 

 Quant au bon monsieur du Val, je crois que sil eut esté en [181] ma place il eust fait comme moy, qui, encor a present, ne me puis resoudre que comme j'ay fait, estimant de ne pouvoir nommer un meilleur arbitre en l'affaire dont il s'agit que le Pape, lequel accordant la demande de Port Royal, tesmoignera suffisamment de la volonté de Dieu, et speciale, puisque il s'agit d'un point ou il y a beaucoup de difficulté..

  A020001952 

 M me de Villeneuve ne m'escrit nullement de l'affaire de nostre chere Seur Helene Angelique, ni de rien qui en approche; mais M. Crichant m'escrit bien que monsieur et madamoyselle d'Interville desireroyent extremement que vous fussies presente a la Profession de cette tres chere fille, a la consolation de laquelle je ne sçay ce que je ne voudrois pas contribuer.

  A020001953 

 Certes, et moy aussi desirerois bien fort de revoir la bonne madame la Presidente Amelot, mais je ne le desire pas pourtant, puisque je ne voy rien qui me puisse [182] faire esperer ce contentement en ce monde; il faudra donq attendre apres cette vie.

  A020001954 

 Je recommanderay a Dieu le cœur du bon monsieur de Marillac qui, je m'asseure, a bien sceu treuver une sainte et veritable consolation au desplaysir de sa perte..

  A020001967 

 Je me laissay aller a l'advis d'autruy; je m'en retourneray aussi volontier a l'advis de ceux qui prendront la peine d'examiner cette affaire, mais sur tout au vostre, lequel donq j'attendray tres affectionnement et recevray tres cherement, estant a jamais,.

  A020001989 

 Monsieur, il y a la un fort honneste advocat de ce païs, [186] nommé M. Monet, qui a quelque envie de pouvoir, es occasions, entrer au service de Monseigneur de Nemours es offices de robbe longue; en quoy je confesse qu'il ne suit pas mon sentiment, car il y a trop d'agitations en ce tems ci; mays il est mon ami, et je le sers selon son goust, vous suppliant, en ce qui se pourra bonnement faire, de le favoriser..

  A020002003 

 M. de Chalcedoine, mon frere, et moy en avons fait un petit feu de joye, comme participant a tout ce qui vous regarde.

  A020002004 

 Or sus, bien que vostre grossesse vous incommode un peu sensiblement tous deux, ma fille qui la sent, et mon tres cher frere qui la ressent, il me semble toutefois que je vous voy tous deux avec deux cœurs si contens et si courageux a bien servir Dieu, que ce mal mesme que vous sentes et ressentes vous console; comme marque que, n'ayant pas exemption entiere de toute affliction en ce monde, vostre parfaite felicite vous est reservee au Ciel, ou je m'asseure que vous aves vos principales pretentions..

  A020002021 

 Mais j'eusse bien desiré de sçavoir quelque particularité de la petite fondatrice, qui semble avoir si peu de force et de santé corporelle pour resister a ce mauvais aïr que l'on dit estre en ce païs là præsentement.

  A020002023 

 Mais en toutes telles occurrences, ceux qui sont sur les lieux et qui voyent l'estat present des espritz a qui vous aves affaire, vous pourront encor mieux conseiller..

  A020002032 

 Revu sur l'original qui se conservait à la Visitation du Puy.

  A020002040 

 Or je ne vous plains pas, car c'est un grand bien de travailler beaucoup pour Dieu; mais je plains nostre tres chere madame de Dalet, qui peut estre en souffrira dans son cœur, et je la cheris et honnore si fort, que cela me fait bien de l'apprehension.

  A020002041 

 On vous envoyera a propos, et cependant, ma tres chere Fille, vives toute en Dieu, et salues bien l'ame de madame de Dalet de la part de la mienne qui est toute [191] vostre et a elle aussi.

  A020002064 

 M. le Prince Thomas, qui a logé ceans ces trois ou quatre jours passés pour faire la chasse en ces plaines voysines, a mis, comme l'on vient de me dire, en alarme ceux de Geneve, qui ont le plus grand tort du monde de se laisser agiter par tant de vaines apprehensions, puisqu'on observe si soigneusement les derniers articles qui ont esté passés..

  A020002075 

 Selon vostre lettre, ma tres chere Fille, du 14 e novembre, nous avions des-ja pensé de choisir icy une Superieure pour Valence; mais Dieu soit loué dequoy pour maintenant vous n'en aures pas besoin, puisque par sa [193] misericorde celle qui y est est hors de danger, ainsy que vous nous escrives du 19 de ce mesme moys; et je suis grandement consolé de ce que vous me dites, qu'elle et ses compaignes sont si bien disposees a souffrir pour Nostre Seigneur, qui ne leur aura pas donné ce courage qu'avec plusieurs autres vertus.

  A020002076 

 J'ay certes grande compassion du cœur de la mere de vostre malade; car, combien qu'en verité cet accident de la fille soit honnorable devant Dieu et ses Anges, et par consequent doive estre souffert avec amour et douceur, si est ce neanmoins que je sçay combien les cœurs des meres sont tendres et sujetz a s'inquieter en des pareilles occasions esquelles, selon les yeux vulgaires des hommes, il y a quelque sorte d'abjection; et c'est l'abjection des maux qui mortifie principalement l'esprit du sexe.

  A020002079 

 Il y en a des autres lesquelles nous ne pouvons nullement apprehender par imagination: comme la verité de la tressainte Trinité, l'eternité, la presence du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement de l'Eucharistie; car toutes ces verités sont veritables d'une façon qui est inconcevable a nostre imagination, d'autant que nous ne sçavons imaginer comme cela peut estre, mais [195] neanmoins nostre entendement le croit tres fermement et simplement, sur la seule asseurance qu'il prend en la parole de Dieu.

  A020002080 

 Et c'est le mensonge auquel vivent tous ceux qui n'adherent pas avec simplicité et nudité de foy a la parole de Nostre Seigneur, mais qui veulent vivre selon la prudence humaine, qui n'est autre chose qu'une fourmiliere de mensonges et de vains discours.

  A020002080 

 Et vivre selon ces choses la, c'est vivre en mensonge, ou du moins en un perpetuel hazard de mensonge (mais vivre selon la foy nue et simple, c'est vivre en verité): ainsy qu'il est dit du malin esprit, qu' il ne s'arresta pas en la verité, parce qu'ayant eu la foy au commencement de sa creation, il s'en escarta, voulant discourir sans la foy sur sa propre excellence, et voulut faire le fin soy mesme, non selon la foy nue et simple, mais selon les conditions naturelles, qui le porterent a l'amour desmesuré et desreglé de soy mesme.

  A020002082 

 Je voy bien qu'il n'y aura pas loysir d'escrire a nostre Seur Colin; c'est pourquoy je vous prie de la saluer cordialement de ma part, et de me recommander a la [196] misericorde de Nostre Seigneur, puisque je suis de tout mon cœur, parfaitement et tout a fait invariablement tout vostre, qui salue toutes nos Seurs et M. Brun..

  A020002089 

 Et bien quil n'ayt encor fait que six ou sept sermons, si est ce quil est capable de prescher devant les Roys et les peuples egalement, et ce qui me plait, c'est qu'il presche devotement.

  A020002089 

 Je l'ouys, et, avec M. de Calcedoine, M. l'Abbé d'Abondance et les Peres Barnabites et M. le Prevost, je jugeay qu'il avoit un des plus excellens talens qui aye esté de long tems en ce païs.

  A020002089 

 Je vous escris courtement, ma tres chere Fille, et vous remercie de vostre lettre que j'ay receue hier matin, suivant laquelle je vous diray que si vous n'aves point de predicateur pour ce Caresme, j'en fourniray un des plus braves et bons que vous puissies desirer, qui prescha hier a la Visitation et preschera un de ces jours devant ce peuple.

  A020002089 

 Si donq monsieur Billet le treuve a propos, il pourra en parler selon sa prudence avec Messieurs de la ville; et soudain que je sçauray ce qui sera resolu, je l'arresteray tout a fait, car des hier je luy en parlay..

  A020002090 

 Je parleray a M. Faber pour faire faire l'adjournement de ce bon prestre, heritier de M. Viret, et reparleray de vostre bonne volonté a la premiere rencontre que je feray de ceux qui vous blasment des dismes..

  A020002105 

 Et selon qu'il a pleu a Vostre Altesse de m'ordonner, je luy envoye ce qui est presentement requis pour l'establissement des Peres de l'Oratoire a Rumilly, qui est une chose pressante; et demeure ce pendant, de toutes mes affections,.

  A020002120 

 Brevet en faveur desditz Peres de l'Oratoire pour l'union du prieuré de Chindrieu et de celuy de l'Aumosne, pres Rumilly, et de celuy de Sainte Agathe [199] de la ville de Rumilly, a la Congregation dudit Oratoire establie en l'eglise d'iceluy Rumilly: qui tous trois les ditz prieurés ne valent que cinq cens ducatons, ou environ, de revenuz..

  A020002131 

 Le Prieur, qui est Religieux de l'Ordre de Cluny, dependant du prieuré de Nantua qui est a present en France; 2.

  A020002131 

 cinq ou six Altariens, qui font un petit cors a part..

  A020002131 

 le sacristain [200] seculier, qui est dependant du prieuré; 3.

  A020002132 

 Et de plus encor, il se treuve des-ja des tres bons ecclesiastiques du pays qui n'attendent que leur venue a Rumilly pour s'associer a eux et se ranger a la Congregation..

  A020002132 

 Or, par l'introduction des Peres de l'Oratoire, cette eglise demeure toute unie, et administree par un mesme esprit de paix et de douceur; car les Peres de l'Oratoire ne sont pas comme les autres Religieux, qui ne peuvent pas avoir la charge des parroisses.

  A020002133 

 Au reste, monsieur de Saunaz est filz de monsieur de Saunaz qui fut pendu a Geneve pour le service de Son Altesse, lors de l'Escalade, et va achever a ces festes de Noël son noviciat en la mesme Congregation, et meurt de desir que son prieuré de Chindrieu soit uni a l'eglise [201] de Rumilly pour ce bon œuvre.

  A020002134 

 Comm' aussi, le prieuré de Chindrieu depend de Cluni, et bien que le Prieur moderne n'ayt pas esté institué de la part de monsieur de Cluni, ça esté par une grace speciale que fit le Pape Clement a ce jeune gentilhomme, qui estoit lors un enfant, a ma remonstrance et supplication, en consideration de la mort du pere qui mourut a moytié martir dans Geneve; en faveur dequoy Sa Sainteté se contenta de donner ce morceau de pain en commende, pour cette fois tant seulement..

  A020002134 

 Et ce qui est grandement a noter, c'est que le prieuré de Rumilly depend de Nantua qui en prouvoit, et Nantua est hors de l'Estat de Son Altesse, et encor, ledit Nantua a le droit de presenter le curé.

  A020002135 

 Or, Monsieur, je vous escritz ainsy au long toutes ces particularités affin que vous voyiés que cette introduction des Peres de l'Oratoire sera non seulement utile au service de la gloire de Dieu et des ames, mays encor selon le service de Son Altesse Serenissime et l'utilité de nostre patrie; qui me fait d'autant plus hardiment vous supplier de nous procurer au plus tost les expeditions que je demande, puis que je n'ay plus presque que deux moys de loysir pour disposer de la cure de Rumilly, apres lesquelz la provision tumbera es mains du Pape..

  A020002148 

 Mais Dieu est bon, il void la grandeur de ma charge et la vanité de mes forces; c'est pourquoy je dis comme saint Ambroyse: Je ne crains pas d'une crainte qui oste le courage, par ce que j'ay un bon Maistre..

  A020002149 

 La tres glorieuse Vierge, nostre tres bonteuse Dame et tres pitoyable Mere, nous veuille combler de son saint amour, affin que vous et moy ensemblement, qui avons eu le bonheur d'estre appellés et embarqués sous sa protection et en son nom, fassions saintement nostre navigation en humble pureté et simplicité, affin qu'un jour nous nous treuvions au port de salut qui est le Paradis, pour louer et benir eternellement son Filz nostre Redempteur.

  A020002158 

 Qu'appelles vous grand esprit, ma tres chere Fille, et [204] petit esprit? Il n'y a point de grand esprit que celuy de Dieu, qui est si bon qu'il habite volontier es petitz espritz; il ayme les espritz des petitz enfans, et en dispose a son gré, mieux que des vieux espritz.

  A020002158 

 Si la fille du procureur dont vous m'escrives est douce, maniable, innocente et pure, ainsy que vous le dites, mon Dieu, gardes vous en bien de la renvoyer; car, sur qui habite l'Esprit du Seigneur, sinon sur les pauvres et innocens qui ayment et craignent sa parole? Icy, nous avons des filles du voyle noir, Associees, qui font tres bien: mais qu'importe il que celle ci soit Associee, jusques a ce qu'elle soit capable du chœur? C'est pour des telles filles que ce rang de Seurs a esté mis es Constitutions..

  A020002174 

 La niece qui est icy est bienheureuse d'estre si bonne et douce Religieuse comme ell'est..

  A020002187 

 L'une et l'autre pensee est bonne, ma tres chere Fille: puisque vous aves tout donné a Dieu, vous ne deves rien chercher en vous que luy, qui est sans doute, luy mesme, le contreschange du mauvais petit tout que vous luy aves donné.

  A020002189 

 Dieu, qui fait des maysons aux escargotz et aux tortues, qui ne pensent point en luy et ne chantent point ses louanges, laissera il ses servantes assemblees pour sa louange sans monastere?.

  A020002189 

 Nos Seurs sont consolees sur l'esperance de la paix; elles le doivent estre encor plus en la parole de l'Espoux celeste, qui conserve les siens comme la prunelle de ses yeux.

  A020002189 

 Saint Hierosme dit a une fille de ses devotes: Celuy n'a besoin de planche qui marche dessus la terre; celuy n'a besoin de toit qui est couvert du ciel.

  A020002202 

 Ilz vous supplieront, mon tres Reverend Pere, de les gratifier de vostre authorité, requise pour cela; et puis qu'ilz le souhaitent, j'implore avec eux vostre charité, ce que je fay d'autant plus volontier, que si je puys prendre connoissance des qualités de cette fille par celles de son aysnee qui est ma belleseur, elle sera vertueuse et bonne servante de Dieu.

  A020002202 

 Messieurs de Bressieux ont une seur au monastere de Melans qui a grand desir d'y estre Religieuse.

  A020002212 

 Revu sur l'Autographe qui se conservait à la Grande-Chartreuse.

  A020002220 

 Bon soir, ma tres chere Mere; Dieu vous comble de ses plus cheres benedictions, qui sont ses dilections.

  A020002231 

 Certes, qui accouche du Filz de Dieu n'a que faire de mendier du monde des consolations exterieures.

  A020002231 

 Je ne sçai, mays je ne treuve point de mystere qui mesle si suavement la tendreté avec l'austerité, l'amour avec la rigueur, la douceur avec l'aspreté.

  A020002231 

 Sainte Paule ayma mieux aussi vivre hospitaliere en Bethlehem que de demeurer riche dame a Rome, luy estant advis que jour et nuit elle oyoit en son cher hospital les cris enfantins du Sauveur en la cresche, ou, comme parloit saint François, du cher « Enfant de Bethlehem, » qui l'incitoit au mespris des grandeurs et affections mondaines et l'appelloit au tressaint amour de l'abjection..

  A020002232 

 Ouy, tres doux Jesus, bausme pretieux, qui donnes toute suavité aux Anges, aux hommes, entres, possedes l'ame de cette chere fille; qu'elle jouisse pleinement de ces affections, affin que l'odeur de ce Nom parfumé rejaillisse en toutes ses actions..

  A020002257 

 Tiercement, travaillés pour acquerir la suavité du cœur envers le prochain, le considerant comme œuvre de Dieu, et qui en fin jouyra, s'il plait a la Bonté celeste, du Paradis qui nous est preparé.

  A020002268 

 Ce qui n'est point Dieu, n'est rien pour nous.

  A020002268 

 Comme se peut il faire que je sente ces choses, moy qui suis le plus affectif du monde, comme vous sçaves, ma tres chere Mere? En verité, je les sens pourtant; mais c'est merveille comme j'accommode tout cela ensemble, car il m'est advis que je n'ayme rien du tout que Dieu et toutes les ames pour Dieu.

  A020002268 

 Mais neanmoins, j'ayme les ames independantes, vigoureuses et qui ne sont pas femelles; car cette si grande tendreté brouille le cœur, l'inquiete et le distrait de l'orayson amoureuse envers Dieu, empesche l'entiere resignation et la parfaitte mort de l'amour propre.

  A020002268 

 Mays c'est grand cas, il n'y a point d'ames au monde, comme je pense, qui cherissent plus cordialement, tendrement et, pour le dire tout a la bonne foy, plus amoureusement que moy; car il a pleu a Dieu de faire mon cœur ainsy.

  A020002279 

 Sur la resolution que vous aves declairee a monsieur vostre pere, je vous exhorte de perseverer a demander sans cesse la clarté du Saint Esprit et sa sainte conduite, en attendant que vous venies icy, et que M me de Chantal [soit de re]tour, affin qu'en chose de si grand' importance et en laquelle il s'agist de la disposition de toute vostre [217] vie mortelle, nous ne facions rien que par la volonté et inspiration de Celuy qui nous a preparé l'eternelle.

  A020002291 

 Je veux dire, Monsieur, que s'il vous plaisoit de suivre vostre pointe et traitter des choses pieuses et saintes d'une façon aggreable, historique et qui charmast un peu la curiosité des espritz du tems, cela les retireroit, ou au moins divertiroit, de la pestilente lecture des Amadis, des romans et de tant d'autres sottises, et ilz avaleroyent insensiblement l'aggreable hameçon qui les retireroit de la mer du peché dans la nacelle de la vertu..

  A020002292 

 Prenes donq courage, Monsieur, suives les mouvemens de ce grand et gratieux genie qui vous anime..

  A020002300 

 O que Dieu est bon, ma tres chere Fille! Il est vray qu'il est bon a tous, mays souverainement a ceux qui l'ayment.

  A020002302 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre ame, pour l'enflammer de plus en plus de son pur amour, qui est la plus digne et la plus desirable benediction de vostre esprit.

  A020002313 

 Ce ne sera plus pour la prudence mondaine, bien que ce soit elle qui ayt excité la volonté, que vous feres cette resolution, mais parce que vous aves conneu que Dieu l'auroit aggreable: ainsy, par l'infusion de la volonté divine, vous corrigeres la volonté humaine..

  A020002313 

 Nous ne sommes pas plus saintz que l'Apostre saint Paul, qui sentoit deux volontés au milieu de son ame: l'une qui vouloit selon le viel homme et la prudence mondaine, et cette cy se faisoit plus sentir; et l'autre qui vouloit selon l'esprit de Dieu, et celle cy estoit moins sensible, mais laquelle pourtant dominoit, et selon laquelle il vivoit; dont d'un costé il s'escrioit: O moy miserable homme, qui me delivrera du cors de cette mort? et d'autre part il s'escrioit: Je vis, non plus moy mesme, mais Jesus Christ vit en moy.

  A020002314 

 Et je prie sa souveraine Bonté qu'elle vous comble de benedictions, vous suppliant de m'aymer tous-jours en luy et pour luy, qui m'a, en toute verité, rendu [223].

  A020002326 

 Que si quelque chose leur manque, ilz peuvent tout en Celuy qui leur a tout donné, et il leur suffit de vouloir pour estre asses puissans.

  A020002327 

 C'est la leur premiere leçon, d'ou ilz apprendront a rendre a Dieu et a leur Roy tous les devoirs de leur sujettion, et a leurs sujetz tous les offices d'une puissance qui ne doit marcher que sur la justice et sur la bonté.

  A020002327 

 De mesme aussi, comme chaque seigneur et chaque gentilhomme est un petit monarque en sa mayson, ilz ne doivent pas s'oublier de ces paroles de l'Apostre: Vous qui estes maistres, faites a vos serviteurs ce qui est juste et convenable, vous souvenans que vous aves un autre Maistre au Ciel et des Rois sur la terre, de qui vous dependes.

  A020002336 

 Plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable et les pretentions des mondains vaines, et ce qui est encor pis, plus injustes..

  A020002338 

 Je suis sans fin vostre, en Celuy qui sera par sa misericorde, s'il luy plait, sans fin tout nostre..

  A020002347 

 Ayant fort souvent esté prié par le sieur Peyssard, vicaire en l'eglise parroissiale de cette ville, de vous representer combien la chapelle de Chitri, qui y est, a besoin de vostre soin et d'un legat que feu M. de Treverney avoit fait pour icelle, je le fay maintenant par cette commodité, sachant que vous aurés grandement aggreable que je vous rende ce devoir, et que vous prendres playsir a faire ce bien-la en un lieu qui porte le nom et les marques d'une mayson qui n'est qu'une avec la vostre et qui s'est si honnorablement, jadis, signalee en la vertu et pieté..

  A020002377 

 Je voudrois que la dissimulation fust franche, et comme doivent estre les actions heroïques qui se pratiquent pour l'amour de Dieu: sans se plaindre, sans tesmoigner des grandes repugnances au pardon, car la candeur du cœur qui pardonne fait tant plus connoistre le tort de l'injuriant..

  A020002378 

 Neanmoins, il faudroit oster de devant les yeux des malins tout ce qui les peut provoquer et qui n'est pas du service de Dieu..

  A020002389 

 L'ennemy, qui a veu que c'estoit tout de bon que ce petit Institut s'augmentoit pour la gloire de Dieu, a suscité cette bourrasque, et encor une autre contradiction de la part de certaines servantes de Dieu, que j'honnore infiniment; et croy que leur rare pieté ne leur permettra pas de vivre longuement sans se remettre sur le train d'une pure et simple dilection de Dieu et du prochain.

  A020002390 

 Sa divine Bonté nous veuille a jamais defendre de la prudence et sagesse, et des saillies de l'esprit humain, et nous face tout a fait vivre en la suite de l'esprit du saint Evangile, qui est simple, doux, amiable, humble, et qui ayme le bien en tous, pour tous, et par tout ou il est; et qui nous fait tellement aymer nostre vocation que nous n'en aymons pas moins les autres, et qui nous fait parler avec veritable sentiment d'honneur, de respect et d'amour de tout ce que Dieu veut estre en son Eglise pour le bien de ses enfans et pour son service..

  A020002404 

 Dieu vous a mis au lieu et au grade auquel il vous a eslevé par vos merites, affin que vous soyes, pour l'amour de luy, le refuge commun des affligés, mais particulierement de ceux qui tombent en adversité plus par malheur que par malice..

  A020002405 

 Mondon, present porteur, est veritablement l'un de ceux la, grandement vexé pour le crime d'autruy, ains pour le fait d'autruy qui n'est pas tout a fait crime, ainsy que Vostre Grandeur, Monsieur, pourra mieux discerner que nul autre, sil vous plait d'oüir le discours de cet accident.

  A020002420 

 Ce pendant l'œil de la Providence eternelle, qui regarde vostre cœur, ne laissera pas de vous tenir au nombre de ses espouses, puisque si vous n'estes pas encor Religieuse par effect vous l'estes en affection, et ne differes de l'estre que pour l'estre mieux..

  A020002434 

 Il faut que je vous die naivement et comm'a vous, que je n'ay nulle authorité es Maysons qui ne sont pas en mon diocsese, ni sur les personnes, ni sur les dependences, ormis sur les Seurs qui sont sorties d'icy, qui, selon leurs vœux et la reciproque obligation qu'elles ont a ce Monastere duquel elles sont tous-jours, et le Monastere envers elles pour les recevoir a toutes bonnes occurrences, demeurent tous-jours membres inseparables de cette Mayson, delaquelle elles ne sont nullement privees, puisque elles n'en sont point dehors sinon par obeissance et selon l'Institut..

  A020002436 

 De sorte, ma tres chere Fille, que pour les deux fondations que vous me marques, vous n'avies nul besoin de m'advertir sinon en ce qui regarde la disposition de vostre chere personne, pour laquelle je ne voy nul lieu de me dispenser contre les promesses faites a tant de personnes, mays sur tout a monsieur vostre pere, qui ne peut quasi plus rien esperer pour l'accomplissement de ses consolations en ce monde, que de vous voir au Monastere de Chamberi que l'on va entreprendre, affin de vous avoir aupres de luy, d'ou il a esloigné tous messieurs vos freres par les charges honnorables dont ilz sont tous prouveuz maintenant, puisque, comme vous sçaves, M. de Feliciaz est senateur et juge maje de la province de Chablaix; monsieur de Charmettes a la cour, aupres de Madame; monsieur nostre President de Genevois icy, d'ou il ne peut absenter, non plus que monsieur de Vaugelaz de la cour de France; de sorte quil ne reste que monsieur [237] le Doyen de la Sainte Chapelle.

  A020002436 

 Et bien que ce tres bon pere, comme tout dedié a Dieu luy mesme, se remet tres volontier a tout ce qui sera jugé plus a propos pour l'employ de sa fille au service de la plus grande gloire de cette celeste Majesté, si est ce que cela mesme nous oblige tant plus a le consoler en ce qui se pourra.

  A020002437 

 Et quant a la fondation de madame de Chazeron, je vous diray mon advis, qui est que l'on la contente en tout ce que l'on pourra, et sur tout quant a la qualité et quant aux privileges de fondatrice, dont elle puisse jouir des maintenant..

  A020002438 

 J'en dis de mesme de la proposition que l'on fait pour Aurillac, ou j'aurois grande inclination, en voyant tant en ce bon Pere Recteur qui vous escrit..

  A020002438 

 Je voudrois donq que l'on prist du tems pour ce Monastere de Rioms et que, sil se pouvoit, on retirast les filles qui en veulent estre en vostre monastere de Montferrant, avec leurs pensions annuelles; puys, la nouvelle Mayson estant faite a Rioms comme une nouvelle ruche, on y envoyast des filles toutes faites, comm'un essein d'abeilles prest a faire le miel.

  A020002438 

 Mays j'appreuverois merveilleusement que l'on ne se hastat pas tant de faire le Monastere de Riom, non seulement pour donner du tems aux autres Institutz des filles, Carmelites, Urselines et autres qui y sont, mays principalement pour en donner a vostre Monastere de Montferrant de se bien establir, sur tout en personnes; car c'est cela que j'apprehende en toutes les fondations, qu'elles ne se facent sans filles bien formees et solides [238] en cette vertu religieuse que l'Institut requiert autant ou plus qu'aucun autre Institut qui soit en l'Eglise, puisque dautant plus qu'il y a moins d'austerité exterieure il faut quil y ayt de l'esprit interieur.

  A020002439 

 Je croy que nostre Mere ira la; et avec ces dames [239] du païs et elle, vous pourres prendre meilleur advis par l'opinion de vos bons Peres spirituelz que vous aves-la, et vos amis, que non pas par la mienne qui ne void pas des icy ce qui pourroit estre plus a propos.

  A020002445 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, et ne bouges, ce reste de tems, d'aupres du petit Enfant qui vous dira, au commencement de ses ans, que l'eternité de laquelle il vient, a laquelle il est, a laquelle il va est seule desirable.

  A020002456 

 Mays, Madame, les pensees des hommes sont vaynes et inutiles en elles mesmes; Dieu seul est le Maistre et le Consolateur des cœurs, c'est luy seul qui apayse les ames de bonne volonté.

  A020002456 

 Or, celles-la sont de bonne volonté esquelles Dieu met son bon playsir, et il met son bon playsir es ames qui, selon sa bonne volonté, esperent en luy..

  A020002457 

 Le cœur qui s'unit au cœur de Dieu ne se peut empescher d'aymer et d'accepter en fin suavement les traitz que la main de Dieu descoche sur luy..

  A020002457 

 Les paroles interieures que Dieu dit au cœur affligé qui recourt a sa bonté sont plus douces que le miel, plus salutaires que le bausme prætieux a guerir toutes sortes d'ulceres.

  A020002458 

 » Bienheureux est le cœur qui sçait bien employer ce souspir!.

  A020002459 

 Madame, je vous dirois volontier, pour remede a vostre douleur, que qui veut exempter son cœur des maux de la terre, il le faut cacher dans le Ciel, et, comme dit David, il faut musser nostre esprit dans le secret du visage de [242] Dieu et dans le fonds de son saint tabernacle.

  A020002459 

 Regardes bien a l'eternité a laquelle vous tendes; vous treuveres que tout ce qui n'appartient pas a cette infinie duree ne doit point mouvoir nostre courage.

  A020002460 

 Je sçai qu'elles se tiennent pour avoir esté grandement honnorees et edifiees de vostre sejour parmi leur abjection, et glorieuses que Monseigneur l'Archevesque les ayt favorisees de son commandement qui, en toutes rencontres, leur doit estre tres cher, et particulierement quand il regarde a vostre consolation..

  A020002460 

 Madame, on me presse de donner cette lettre, qui est des-ja trop longue pour estre si peu consideré (sic). Je benis Dieu dequoy ces Seurs de Sainte Marie vous ont esté aggreables en cett'occasion de vostre retraitte, et de quoy il vous a fait faire ce choix pour cette petite retraitte.

  A020002479 

 Je luy ay donné une copie des Regles de saint Augustin et des Constitutions de la Visitation, affin que sur icelles vous puissies cueillir ce qui vous semblera a propos..

  A020002488 

 Il faut estre constante et toute remise en cette sainte Providence qui vous a mise en besoigne.

  A020002501 

 Puisque non une seule rayson, mais plusieurs bien justes et urgentes retirent la bonne Mere Superieure de la Visitation Sainte Marie de Paris a Dijon et de deça, il est bien raysonnable que je vous remercie, ainsy que je fay tres humblement, des consolations et faveurs qu'elle a recueillies de vostre continuelle charité: vous suppliant neanmoins tous-jours de les luy continuer en la personne de cette trouppe de filles qu'elle laisse la pour le service de la gloire de Dieu, qui est tout vostre amour, et duquel la providence a preparé vostre cœur pour estre le refuge et la protection des petites servantes de son Filz, qui en sont d'autant plus necessiteuses que l'aage et l'imbecillité de leur establissement est plus tendre et sujet a la contradiction..

  A020002515 

 Je vous prie qu'en entrant ou sortant d'Orleans vous prenies occasion de voir la Mere Prieure des Carmelines, fille aysnee de la Seur Marie de l'Incarnation, laquelle, tandis que je fus a Paris, il y a vingt ans, estoit non seulement ma fille spirituelle, mais ma partiale, aagee d'environ treize ans, et qui avoit un naturel bon, franc et naïf; comm' aussi la Mere Sousprieure, qui fit en ce tems la son premier vœu de virginité et sa confession generale devant moy..

  A020002517 

 M. Boucher, chancelier et theologal d'Orleans, est mon ancien compaignon d'estude, qui m'a tous-jours grandement aymé..

  A020002521 

 Je me res-jouis avec elle de l'honneur [et] du bonheur que sa chere fille Marie aura a cette feste de Pasques en sa premiere Communion; et si j'estois la, je prendrois bien a faveur d'estre son instituteur a cette action qui, a la verité, est bien [250] importante.

  A020002522 

 Nous avons pensé pour cela a ma Seur Marie Adrienne Fichet, laquelle est de bon esprit et de bon cœur, comme vous sçaves; a ma Seur Françoise Augustine, de Moyran pres Saint Claude, que je confesse estre une fille grandement a mon gré, et, si je ne me trompe, tout a fait irreprehensible en l'interieur et en l'exterieur; ma Seur Marguerite Scholastique, de Bourgoigne, qui est douce, maniable et de bon esprit, cousine germaine de vostre Assistante; ma Seur Marguerite Agnes, [251] qui est d'aupres de Vienne, qui est de bonne mayson, de bonne observance et d'une aggreable simplicité; a ma Seur Peronne Marie Benod, Seur domestique grandement douce et pliable; outre ma Seur Marie Marguerite Milletot, qui viendra de Grenoble, que vous connoisses, et ma Seur Bernarde Marguerite, qui est celle de Dijon que vous nous envoyastes, de la capacité de laquelle, bien qu'on ayt douté quelques moys durant, on a despuis eu bonne satisfaction.

  A020002529 

 Car ainsy, ma tres chere Fille, si jusques a present le souci de vostre conduite et l'apprehension de vostre future superiorité vous a un peu agitee et vous a souvent fait varier en pensees, maintenant que vous voyla mere de tant de filles, vous deves demeurer tranquille, sereine et tous-jours egale, vous reposant en la Providence divine qui ne vous eut jamais mis toutes ces cheres filles entre les bras ni dans vostre sein, que quant et quand il ne vous eut destinée (sic) un secours, un'ayde, une grace tres suffisante et abondante pour vostre soustien et appuy.

  A020002529 

 Je l'espere, ma chere Fille, et que vous seres comme l'ancienne Anne, laquelle, avant qu'elle fut mere, changeoit souvent de visage, comme touchee de diversités de pensees et d'apprehensions; mays estant devenue mere, dit l'Escriture sacree, sa face ne fut plus variante ni diversifiee, par ce, comme je croy, qu'elle fut accoysee en Dieu qui luy avoit fait connoistre son amour, sa protection et son soin sur elle.

  A020002529 

 Ma tres chere Fille, Je vous souhaite de tout mon cœur une grande humilité dedans un grand courage, affin que vostre courage soit [253] tout a fait en Dieu, qui par sa bonté vous soustienne, et, en vous, la sainte charge que l'obedience vous a imposee.

  A020002530 

 C'est la seule condition qui suffit, et sans laquelle rien ne suffit..

  A020002531 

 Ma Fille, je me confie que Dieu, qui vous a choysi pour le bien de plusieurs, vous donnera l'esprit, la force, le courage et l'amour pour plusieurs.

  A020002544 

 Vives donq de plus en plus en ce celeste amour de Nostre Seigneur qui vous y oblige par mille benedictions qu'il [256] vous a donnees, et sur tout par l'inspiration qu'il vous a departie de le vouloir et de le desirer; et, en ce desir, vivés joyeuse et saintement contente, voire mesme parmi les ennuis et les afflictions qui ne manquent jamais aux enfans de Dieu..

  A020002558 

 Monsieur Roland vous dira [257] toutes les nouvelles que vous pourries desirer de deça, d'ou, comme je croy, plusieurs vous escriront plus amplement que moy qui n'en ay nul loysir; aussi est il a propos que je soys court, pour ne point divertir la consolation que vous aures a recevoir nostre bonne Mere..

  A020002559 

 Si faut il pourtant que je vous die que rien ne me pouvoit estre plus doux et aggreable en vostre lettre, que la bonne nouvelle que vous me donnés de la favorable souvenance que Monseigneur l'Evesque d'Orleans a de moy; et bien que je sache que ce bien provienne de son bon naturel, qui est franc et genereux, si ne laisse je pas de le reconnoistre de Dieu, qui, m'ayant donné une singuliere affection envers ce Prælat, a voulu quil y eut en luy cette aggreable correspondance et qu'il eut une bonne inclination pour moy.

  A020002560 

 Cependant, je salue tres cherement le cœur de cette fille bienaymee, qui sera sainte aussi bien que sa mere, si mes souhaitz sont exaucés; et si nostre bonne Mere la peut voir entrant en la ville ou sortant, j'en seray consolé: aussi luy escris je que cette chere Seur est mon ancienne et partiale fille.

  A020002560 

 Je salue aussi tres affectionnement et intimement la Mere Sousprieure, qui sçait bien que Dieu veut que je la cherisse comme je fay..

  A020002560 

 Nostre chere et cordiale Seur Prieure des Carmelites recevra, je m'asseure, le chapelet et ma lettre par monsieur Jantet, a qui, si je m'en souviens bien, je remis le tout; et n'estant pas encor parti de Beley, ce n'est pas merveille si ni elle ni vous ne l'aves encor pas receu.

  A020002561 

 La fille qui accompagna icy M me de Royssieu me demanda une recommandation pour elle envers vous, et je la luy donnay comme a une fille l'humeur et l'interieur de laquelle je ne connoy nullement.

  A020002561 

 Vous entendres bien ce que je desire, qui est sur tout le bien et la consolation de vostre Mayson..

  A020002562 

 Je confesse que j'ay grand tort de ne point escrire a ma Seur Marie Michele, que j'ayme neanmoins de tout mon cœur; ni a ma Seur Marie Françoise Belet, que j'affectionne grandement non seulement parce qu'ell'est ma fille, mays par ce qu'ell'estoit chere a la bonne M me Le Blanc; ni a ma petite fille Anne Marguerite Clement [259] qui, a la verité, est grandement bienaymee de mon ame, nonobstant la petite duplicité des scrupules qu'elle me demanda avant son depart..

  A020002563 

 Or sus, ce sont toutes mes douces Filles en Nostre Seigneur, que je supplie continuellement de les rendre tout a fait saintes; et vous de mesme, ma tres chere Fille, [260] a qui je suis tres entierement tout dedié et, en verité, tres cordialement vostre.

  A020002580 

 Que je suis consolé quand je m'imagine que, selon mon esperance, on vous annoncera en toute verité cette parole de la mort vitale: V ous estes morte, et vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; car, ma tres chere Fille, de la verité de ce mot depend la verité de l'evenement qu'on prononce consecutivement: Mais quand Jesus Christ apparoistra, et ce qui s'ensuit..

  A020002589 

 Dites moy donq, ma tous-jours plus chere Fille, que fait il? car maintenant il sçait la resolution qui a esté prise par ces six ou sept grans serviteurs de Dieu qui s'assemblerent pour son sujet..

  A020002591 

 Il est vray, ma tres chere Fille, que vous n'aves point de cœur qui soit ni plus ni certes tant vostre que le mien.

  A020002601 

 Et la chere petite, douce fondatrice est bien heureuse d'avoir [264] a souffrir quelque chose pour Nostre Seigneur, qui, ayant fondé l'Eglise militante et triomphante sur la croix, favorise tous-jours ceux qui endurent la croix; et puisque cette petite creature doit demeurer peu en ce monde, il est bon que son loysir soit employé a la souffrance..

  A020002602 

 J'admire ces bonnes Seurs qui s'affectionnent si fort a leurs charges: quelle pitié, ma tres chere Fille! Qui n'affectionne que le Maistre, le sert gayement et presque egalement en toutes charges.

  A020002603 

 Ceux qui ont la santé forte ne sont point sujetz a l'air; mais il y en a qui ne peuvent subsister qu'en changeant de climat.

  A020002603 

 J'admire bien encor cette autre Seur qui ne se peut plaire ou elle est.

  A020002616 

 Que si Elle me permet de joindre a cette remonstrance un mot pour la Mayson de Thonon, je luy diray qu'elle n'a pas moins besoin de la venue des mesmes Peres de l'Oratoire que l'eglise de Rumilly, par ce que, sans cela, tout ce qui regarde l'eglise de Nostre Dame et les bastimens qui en dependent s'en va ruiné, ainsy que messieurs les deputés de la Chambre ont reconneu et ont tesmoigné a Vostre Altesse, la providence et pieté delaquelle je reclame en toute humilité, qui suis,.

  A020002632 

 Je respons a nostre chere Seur Superieure de Montferrant sur ce que vous me proposes par vostre lettre, bien marri que, pour ce qui regarde sa personne, je ne puis pas seconder le desir de madame de Chazeron; car, quant au vostre, Madame, je sçai bien les limites dans lesquelles vous le contenes affin que le service de Dieu soit en toutes occasions purement prattiqué: c'est pourquoy je ne vous fay point d'excuse..

  A020002633 

 Quant a la crainte de la mort et de l'enfer qui afflige vostre chere ame, c'est veritablement une tentation de l'ennemy, mais que l'Amy bienaymé de vostre cœur employera par sa bonté a vostre progres en la pureté et humilité.

  A020002634 

 Ma tres chere Fille, les suggestions de vantance, ouy mesme d'arrogance et outrecuydance, ne peuvent nuire a une ame qui ne les ayme pas, qui tous les jours dit souvent a son Dieu, avec le Roy David: Seigneur, je suis fait comme un néant devant vous, et je suis tous-jours [267] avec vous.

  A020002635 

 Vous sçaves bien en la pointe de vostre esprit que Dieu est trop bon pour rejetter une ame qui ne veut point estre hypocrite, quelles tentations et suggestions qui luy arrivent.

  A020002660 

 Madame ma tres chere Fille, J'ay loué Dieu de vostre santé et du contentement que madame la Comtesse de Saint Maurice vous a donné [269] et a tous ceux qui l'honnorent, par sa grossesse; et si mes vœux sont exaucés, il reuscira a la parfaite jouissance du fruit que vous en desires..

  A020002680 

 J'ay dit a monsieur le Curé de Chaumont ce qui se peut faire en l'affaire qu'il m'a proposee de vostre part; et vous saluant tres affectionnement, je demeure,.

  A020002697 

 Quel moyen que le service de Dieu, qui a des le commencement esté exposé aux contradictions, cesse de l'estre en un si miserable siecle? Mays je ne doute point que les opposans ne demeurent vains en leurs poursuites, sans autre satisfaction que d'avoir joué leur rollet et contenté leur humeur contantieuse.

  A020002698 

 Le bon Pere de Saunaz, qui est venu comme une brebis par obeissance, s'en reva comme un aigneau par obeissance, prest a revenir pour sacrifier a la gloire de Dieu sa vie, sa (sic) prieuré et sa cure pour le bien de Rumilly et de tout ce païs.

  A020002714 

 Mays ce qui est l'importance, c'est qu'on me dit qu'on n'ose pas vous le dire.

  A020002725 

 Or sus, cependant humilies vous sous la main de Jesuschrist qui vous a tiree par sa misericorde a soy..

  A020002727 

 Je salue madamoyselle vostre chere mere, que j'ay tous-jours cheri filialement des que je l'ay conneue; nostre tres chere seur Le Maistre, que je prie Dieu vouloir establir en l'amour du martire que son soin luy peut et doit donner; madame la Coadjutrice de Port Royal, que Dieu veuille rendre sainte par la tressainte et courageuse humilité, et toutes nos autres Seurs qui sont tous-jours au milieu de mon ame, notamment nostre Seur Anne, et nostre Seur Marie, et nostre petite seur Magdeleine, et nostre frere Simon..

  A020002738 

 Combien plus donq se peut elle vouer a Dieu, le mariage qui semble mettre en difficulté sa devotion estant nul de tant de nullités comm'il l'est, devant Dieu et les hommes.

  A020002739 

 Mays quel privilege ont les fondatrices? Devant Dieu, les privilèges sont grans, car elles participent en une façon particuliere a touts les biens qui se font au monastere.

  A020002739 

 Quant au second point que vous demandes, si cette damoyselle pourra tenir lieu de fondatrice, je dis qu'oùy, s'il est treuvé a propos par ceux qui vous conduisent, car les bienfacteurs notables peuvent tenir ce rang la.

  A020002740 

 La bonne Seur Helene Angelique Lhuillier, de Paris, qui fit profession le 12 de febvrier passé, ayant donné quinze mille escus, et ses parens desirans que, comme fondatrice, ell'eut quelques privileges, au jour de son vestement protesta que, puisque elle renonçoit a la mayson de ses parens, elle renonçoit aussi a tous les privileges [277] qu'ilz luy avoyent voulu reserver, puisque le privilege des vrayes Religieuses estoyt d'abonder en l'amour du cæleste Espoux..

  A020002776 

 Ma chere Fille, ce sont des biens du maniement desquelz il vous faudra rendre compte: ayes soin de les bien employer au service de Celuy qui vous les a donnés.

  A020002788 

 Mais Dieu ne tire pas avec esgalité de motifz tous ceux qu'il appelle a soy, ains il s'en treuve peu qui viennent tout a fait a son service seulement pour estre siens et le servir..

  A020002789 

 Entre les filles desquelles la conversion est illustre en l'Evangile, il ny eut que la Magdeleine qui vint par amour et avec l'amour; l'adultere y vint par confusion publique, comme la Samaritaine par confusion particuliere; la Chananee vint pour estre soulagee en son affliction temporelle.

  A020002790 

 Ceux qui furent contraintz d'entrer au festin nuptial de l'Evangile ne laisserent pas de bien manger et de bien boire.

  A020002790 

 Il est tout certain, ainsy que on raconte l'histoire, que cette pauvre fille de laquelle nous parlons, n'avoit pas asses de generosité pour quitter l'amour de celuy qui la recherchoit en mariage, si la contradiction de ses parens ne l'y eusse contrainte; mais il n'importe, pourveu qu'elle ayt asses d'entendement et de valeur pour connoistre que la necessité, qui luy est imposee par ses parens, vaut mieux cent mille fois que le libre usage de sa volonté et de sa fantasie, et qu'en fin elle puisse bien dire: Je perdois ma liberté si je n'eusse perdu ma liberté..

  A020002790 

 Il faut regarder principalement les dispositions de ceux qui viennent a la Religion, par la suite et perseverance; car il y a des ames, lesquelles ny entreroyent point si le monde leur faisoit bon visage, et que l'on void neanmoins estre bien disposees a veritablement mespriser la vanité du siecle.

  A020002793 

 Il y a une bonne histoire a ce propos es Confessions de saint Augustin, de deux gentilzhommes qui avoyent espousé deux damoyselles, qui, apres avoir renoncé aux pretentions des noces, se firent, a l'imitation les uns des autres, tous quatre Religieux..

  A020002796 

 Mais gardes vous bien de luy dire cette mauvaise pensee qui me vient en l'esprit; car, au reste, c'est une bien brave Seur que j'ayme parfaitement, parce que, comme je m'asseure, elle ne vit pas selon ses sentimens, ses aversions et inclinations, qui luy font desirer l'esclat et la gloire de son Monastere, ains plustost selon l'esprit de la Croix de Nostre Seigneur, qui luy fait perpetuellêment renoncer aux saillies de l'amour propre..

  A020002808 

 Et par ce, Monseigneur, que veritablement sa femme et ses enfans qui sont en grand nombre sont dignes de compassion, et qu'en la grace du pere est en-close la grace des enfans, de la femme et de toute la famille, qui ne peut vivre sans l'assistence actuelle de ce pauvre homme, je joins a la tres humble supplication que la Confrairie fait a Vostre Altesse pour ce sujet, ma tres humble recommandation; qui suys, Monseigneur,.

  A020002822 

 Mais, ce Caresme passé, le bon monsieur de Chavanes, qui n'a point de part en cette negligence, ains qui est extremement affectionné a vostre service, et moy, qui ayant la coulpe de cette lenteur, suis toutefois tout dedié a vous servir et honnorer, ferons....

  A020002832 

 Ma tres chere Fille, En peu de motz je vous dis que les ames qui sont si heureuses que de vouloir employer les moyens que Dieu leur a donnés, a sa gloire, doivent se determiner aux desseins qu'elles font, et se resoudre de les prattiquer conformement a cette fin.

  A020002833 

 Cela employé pour son ame, et la gloire qui revient a Dieu de la retraitte de tant de filles estant dediee pour l'accroissement de la charité de ce cœur, fait une somme presque infinie de richesses spirituelles.

  A020002834 

 De charger les Monasteres de la Visitation des pratiques qui divertissent de la fin pour laquelle Dieu les a disposés, je ne pense pas qu'il le faille faire.

  A020002834 

 De vouloir tirer des olives d'un figuier ou des figues d'un olivier, c'est chose hors de propos: qui veut avoir des figues, qu'il plante des figuiers; qui veut avoir des olives, qu'il plante des oliviers..

  A020002847 

 Et par ce que nous vous envoyons ma Seur Paule Hieronime Favrot qui de jour a autre attendoit de faire la Profession, affin de ne l'envoyer pas novice nous la recevons a Profession ce mattin; et soudain la ferons partir avec les autres troys, puisque il ny a pas lieu dans la carrosse pour plus de filles que pour 4.

  A020002847 

 L'inopinee venue de M. Roland nous presse de despescher nos cheres Seurs, qui ne devoyent partir, selon nostre compte, que sur la fin de la semaine suivante.

  A020002848 

 Nous avions encor choysi ma Seur Françoise Agathe; mays voyans qu'il ny avoit place que pour 4, nous avons un peu favorisé sa mere qui avoit de la tendreté sur son depart, et non elle, qui partoit de bon cœur comm'ell'est demeuree de bon cœur.

  A020002851 

 Dans peu, j'envoyeray a nostre Seur Marie Jaqueline tout ce qui luy est necessaire pour venir.

  A020002851 

 Je reviens de la Profession de nos Seurs, ma tres chere Mere, et pour faire partir nos Seurs qui vont a vous, je finis cette lettre, vous recommandant toutes a la sainte grace de Nostre Seigneur.

  A020002852 

 A M lle Soyrot, Arviset, Binet, a toutes les ames qui me font lhonneur d'avoir soin de prier pour moy; a M me du Puys d'Orbe.

  A020002852 

 O Dieu, que c'est une bonne chose de ne vivre qu'en Dieu, ne travailler qu'en Dieu, ne se res-jouir qu'en Dieu! Ainsy je salue vostre cœur, ma tres chere Mere, de tout le mien, qui est vostre.

  A020002867 

 Le pauvre peuple de Rumilly attend tous-jours en bonne devotion la venue des Peres de l'Oratoire en leur ville, et moy j'attens de Vostre Altesse les expeditions necessaires pour les faire venir et la et a Tonon, ou c'est la verité que rien ne peut remedier au mal qui y est, quant au mauvais ordre qu'il y a en l'administration des biens, que par cette venue dé ces Peres.

  A020002881 

 Tenes, ma tres chere Fille, voyla deux lettres pour Monseigneur de Clermont, l'une du bon monsieur vostre pere, l'autre de mov, qui tendent a mesme fin; vous les verres toutes deux, et, s'il vous plait, les cachetteres, et apres que le cachet sera sec, vous les luy rendres.

  A020002883 

 Vous pourres mesme, si vous le juges a propos, procurer dextrement que l'on commette quelques personnes qui ayent le loysir et la volonté entiere: comme seroit quelque bon Pere Jesuite, ou quelque Pere de l'Oratoire, ou quelque bon ecclesiastique.

  A020002884 

 Hier j'eus icy une damoyselle de grans moyens, nullement propre au mariage, et neanmoins je ne sceus jamais luy conseiller la Religion a laquelle elle [296] avoit pensé, qui estoit la Visitation, ni aucune autre, ains la renvoyay au mariage; et aujourd'huy je ne puis conseiller le mariage ni a madame [de] Dalet, ni a madame Bonnefoy, ains suis tout a fait tiré a leur proposer la Religion.

  A020002884 

 O que madame [de] Dalet est heureuse d'avoir un esprit si ferme au desir de la perfection du saint amour! Je la salue tres cordialement, et toutes nos Seurs; mais vostre chere ame, ma Fille bienaymee, je la salue de toute l'estendue des affections de la mienne, qui suis.

  A020002894 

 C'est la verité, ma tres chere Seur, ma Fille, que vous m'aves grandement consolé en la peine que vous aves [297] prise de m'escrire, puisque mesme, ainsy que je m'apperçois, vous estes celle a qui Dieu dispose de faire remettre la charge de Superieure.

  A020002894 

 On vous donnera le loysir de vous bien preparer par une entiere sousmission a la celeste Providence et un parfait encouragement a vous bien exercer a l'humilité et douceur, ou debonaireté de cœur, qui sont les deux cheres vertus que Nostre Seigneur recommandoit aux Apostres, qu'il avoit destinés a la superiorité de l'univers..

  A020002895 

 Ne demandes rien ni ne refuses rien de tout ce qui est en la vie religieuse: c'est la sainte indifference qui vous conservera en la paix de vostre Espoux eternel, et c'est l'unique document que je souhaite estre prattiqué par toutes nos Seurs, que mon cœur salue tres cherement avec le vostre, ma tres chere Fille..

  A020002905 

 Toutes ces bonnes besoignes sont pour l'unique Mere et pour la grande et brave Fille de nostre cœur, qui sera, de plus, genereusement humble parmi tous ces employs..

  A020002926 

 Monseigneur, Puysque ça esté l'intention de Son Altesse que la Sainte Mayson de Thonon servit de refuge a ceux qui, [300] de l'heresie, se convertiroyent a la sainte religion catholique, et que pour cela ell'a commandé par lettre expresse, et par mon entremise, encor, que, des revenuz d'icelle Sainte Mayson, fussent donnés cinquante escus d'or de pension annuelle au sieur de Corsier, gentilhomme bien nay qui, despuys sa conversion qu'il fit entre mes mains, a tous-jours vescu fort vertueusement en bon ecclesiastique, apres avoir perdu tous ses biens, il recourt a Vostre Altesse Serenissime, affin qu'il luy playse de luy faire effectivement joüyr de ce bienfait que la Sainte Mayson ne nie pas luy estre deu, mays qu'elle dit ne pouvoir payer, parce que les deniers que Son Altesse luy a assignés pour sa fondation manquent..

  A020002927 

 Et si d'ailleurs les Peres de l'Oratoire entrent en la Sainte Mayson, on espargnera les gages que l'on donne aux ecclesiastiques seculiers qui y sont maintenant, et de cette espargne on pourra payer cette pension et faire plusieurs autres bonnes affaires: qui sont les deux moyens que je voy, quant a present, plus propres pour remedier a la miserable pauvreté de ce gentilhomme, pourveu qu'il playse a Vostre Altesse que bien tost on les prattique, ainsy que tres humblement je l'en supplie,.

  A020002928 

 Monseigneur, qui suis,.

  A020002960 

 Et les Constitutions, qui renvoye (sic) a un Pere spirituel, ne disent pas qu'il ny en ayt qu'un, mays seulement quil y en ayt un; mays, quand elles le diroit (sic), il faudroit doucement aquiescer a ce qu'un si grand et si favorable Prælat desireroit..

  A020002960 

 Non, ma tres chere Fille: que l'on ayt partagé la charge du Pere spirituel de vostre Monastere, donnant a M. Le Blanc le soin de ce qui regarde vos affaires temporelles, et a M. Vincent celuy des choses purement spirituelles, il ny a point d'inconvenient; au contraire, il semble a propos, eu egard a la grandeur de la ville en laquelle vous estes.

  A020002963 

 Nous verrons icy les deux seurs mariees, et j'ay veu naguere le Frere Vincent, qui est tout brave homme et tres bon Capucin..

  A020002983 

 Ayant receu un brevet de Sa Sainteté, du vint huit d'avril, par lequel elle me commande de me treuver au Chapitre general des PP. Feuillantins qui se doit celebrer d'aujourdhuy en quinze jours a Pignerole, je prevoy qu'il me sera presque impossible de partir asses tost d'icy pour pouvoir aller faire, comme je serois obligé, la reverence a Son Altesse Serenissime et a vous, Monseigneur, et a Madame, avant que de me rendre au lieu de l'assignation; de sorte que je seray contraint de differer la tres humble reddition de ce devoir jusques apres la celebration de l'assemblee.

  A020002997 

 Cette fille me donne tout a propos la commodité de saluer vostre chere ame de tout mon cœur, ma tres chere Fille; et je le desirois bien fort, puisque il faut que je parte dans peu de jours pour aller en Piemont, par le commandement du Pape, qui m'oblige de me treuver au Chapitre general des Feüillans le 30 de ce moys, affin d'y præsider au nom du Saint Siege.

  A020002997 

 Mays avant que je parte, je dresseray tout ce quil faut pour l'eglise de Rumilly, selon que le Prince Thomas m'a commandé, et treuveray tout prest a mon retour, qui sera dans six semaines au plus tard..

  A020003013 

 Les affaires qui se sont passees au Languedoc des quelque tems en ça m'ont osté les commodités de vous escrire si souvent comme je soulois et devroys faire; et bien qu'en cela il n'y ayt point de coulpe de mon costé, je ne laisse pas d'en sentir de la pœnitence, puisque veritablement ce m'est une tres grande consolation quand je puys me ramentevoir en vostre chere souvenance et vous rafraichir les offres de mon inviolable affection a vostre service.

  A020003031 

 C'est le grand et inviolable desir que j'ay pour vous et pour moy, qui seul estant observé et prattiqué, nous consolera au depart de ce monde..

  A020003031 

 Je confesse, ma tres chere Fille, que je ne suis pas satisfait de vous avoir si peu veuë, mais je le suis grandement de vous avoir si bien veuë, puisque j'ay veu vostre cœur bienaymé et, au milieu de vostre cœur, nostre cher Redempteur qui y a rallumé le feu sacré de son amour celeste.

  A020003031 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, combien estes vous obligee a cet Amour eternel, qui vous est si bon et si doux, et qui, comme un bon Pere, a tant de soin de vous inspirer continuellement le desir d'estre toute sienne! Comme pourries vous jamais esconduire ses paternelles semonces, ni rompre le sacré et advantageux marché qu'il a fait avec vous, par lequel il se donne tout a fait a vous, pourveu que vous soyes tout a fait a luy? Soyons le meshuy sans reserve, ma tres chere Fille, et sans condition quelcomque.

  A020003033 

 Mais comme que ce soit, gardes cette representation de larmes comme un memorial de celles de Nostre Seigneur, qui vous face ramentevoir de l'obligation que vous aves a la dilection qui fit pleurer cette infinie Bonté pour nous, et d'un motif parfait de ne jamais offencer une si merveilleuse et aymable Douceur..

  A020003033 

 On dit cela, et le tient on pour certain au diocese d'Orleans, d'ou nostre Seur Claude Agnes, qui est Superieure la du Monastere de la Visitation, me l'a envoyee.

  A020003059 

 La Congrégation, et surtout son Général, n'auront jamais de plus ardent désir que de demeurer soumis au bon plaisir de Sa Sainteté et à ce qui leur sera indiqué par Votre Illustrissime Seigneurie.

  A020003059 

 Toutefois, comme le Père Général doit se rendre à Rome au mois de septembre, on a décidé que le Prieur élu de Saint-Bernard ne prendrait pas possession de sa charge jusqu'à ce que le Général lui-même ait présenté ses hommages à Votre Seigneurie Illustrissime et reçu ses ordres; de sorte que, en qualité de protecteur des Feuillants, Elle pourra alors, si bon lui semble, transférer l'élection de ce [313] français faite en Chapitre, au Prieur de Sainte-Pudentienne, qui est italien.

  A020003072 

 Comme j'estoy ces jours passez à Pignerolle pour assister à la celebration du Chapitre general des Peres Fueillans, j'ay esté convié par Vostre Seigneurie Illustrissime, par vostre Vicaire general et encore par [315] Monseigneur le Nonce, qui est en ces quartiers, d'administrer le Sacrement de Confirmation au peuple de ce lieu, dequoy je me suis acquitté pendant les deux jours consecutifs de Dimanche qui se sont rencontrez au temps de la tenuë du Chapitre.

  A020003073 

 Je m'asseure, que Vostre Seigneurie Illustrissime aura pour chose fort aggreable de le voir favorablement quand il se rendra à Rome l'automne prochain; parce que c'est un personnage de tres-grand merite, et qui a servy et servira à l'advenir la saincte Eglise par ses doctes escrits, et d'ailleurs, parce qu'ayant esté creé General au Monastere de Vostre Seigneurie Illustrissime, il se promet et attend beaucoup de vostre protection..

  A020003073 

 Quant au Chapitre general qui y a esté celebré, je puis dire avec verité que je n'ay jamais veu assemblée plus modeste, plus religieuse, ny où la paix reluisit avec plus d'esclat qu'en celle-là.

  A020003086 

 Il n'a esté veu entr'eux ny discorde, ny dispute, ny la moindre contradiction, mesmement à l'eslection du General, qui a esté faicte d'une approbation tres-generale et par le concours quasi de tous les suffrages; comme certes il estoit tres-convenable, puis qu'ils faisoyent choix d'une personne dont le sçavoir est tres-eminent, la probité exquise et la prudence admirable, et duquel les travaux ont esté tres-heureusement et utilement employez pour la propagation de la saincte foy catholique, comme ses diverses traductions de quelques anciens Peres grecs et quelques traictez qu'il a escrits contre les heresies de ce temps le demonstrent visiblement: de sorte qu'il n'estoit point necessaire que l'authorité Apostolique intervinst en un Chapitre de telle qualité..

  A020003086 

 La lettre que Vostre Seigneurie Illustrissime a eu aggreable de m'escrire, du sixiesme de may, m'oblige de mettre la plume à la main pour vous asseurer que le Chapitre general des PP. Fueillans a esté tenu avec tant de paix et un si unanime consentement des esprits et des [317] volontez de ceux qui y ont assisté, que ces braves Religieux me sembloient plustost une assemblée d'Anges, que d'hommes mortels.

  A020003087 

 Et toutesfois, puis que le commandement de Sa Saincteté l'a ainsi ordonné, j'ay assisté à tous les actes capitulaires qui ont esté faicts, et en rends compte à Vostre Seigneurie Illustrissime; vous suppliant de toute mon affection, que, comme vous avez tousjours honoré de vostre faveur ceste Congregation, il vous plaise luy continuer la mesme bienvueillance, la mesme protection, à fin qu'elle aille tousjours perseverant et croissant en la saincte observance de la discipline religieuse..

  A020003112 

 L'asseurance que les Peres Fueillans m'ont donnée de l'amour et de la faveur que Vostre Seigneurie Illustrissime porte à leur Congregation, m'oblige de vous exposer comment, ayant pleu à Sa Saincteté m'establir President de leur dernier Chapitre general, j'ay rencontré parmy eux une concorde et une pieté si rare, que j'ay esté touché en moy-mesme d'un particulier sentiment d'obligation de louer infiniment la divine Majesté, qui a communiqué à des hommes mortels une si douce et aymable paix d'esprit..

  A020003114 

 C'est l'ardent desir de celuy qui est,.

  A020003128 

 Et pour moy, je ne trouve en tout cecy qu'une chose à redire: c'est qu'il me semble que ce n'est pas un detriment de peu d'importance au public, qu'un personnage d'une condition si eminente et qui a escrit tres-elegamment pour le service de l'Eglise, se trouve neantmoins maintenant occupé ès affaires qu'apporte la charge et la Superiorité qu'on luy a imposée, encore que ceste charge soit sur des personnes religieuses et qui font profession de la perfection monastique.

  A020003142 

 Quod sane omnino hoc triennio futurum sperandum mihi videtur, quando quidem Domnus Frater Joannes a Sancto Francisco, qui Congregationis Superior Generalis est creatus, vir est non tantum spectatæ ac eminentis eruditionis quippe qui variis sacris et præclaris lucubrationibus scripto Ecclesiam ornavit et adversus hæreticos munivit, sed etiam vir est prudentia ac rerum gerendarum peritia excultissimus, quodque caput est, pietate ac zeli scientia instructissimus, ut credendum sit, sub ejus moderamine, Congregationem universam uberiores in dies proventus habituram..

  A020003158 

 A mon avis, cet espoir paraît devoir se réaliser certainement au cours de ce triennat, puisque c'est Frère D. Jean de Saint-François qui a été élu Supérieur général de la Congrégation.

  A020003158 

 Ce n'est pas seulement un homme d'une érudition remarquable et vraiment éminente, par la variété de ses pieux écrits et par de brillants travaux (il a en effet illustré l'Eglise, il l'a défendue contre les hérétiques), c'est encore un homme d'une prudence très avisée et fort exerce aux affaires; enfin, ce qui est capital, il est versé dans la piété et dans la science de l'apostolat.

  A020003174 

 Superiorem autem Generalem nunc habet ista Congregatio, maxima votorum ac suffragiorum conspiratione electum, cui sine controversia omnes eruditionis, prudentiæ ac ingenii palmam cedere debent; virum spectatissimæ probitatis et pietatis, qui gravissimis scriptis Ecclesiam Dei non solum hactenus ornavit et munivit, sed deinceps, quando ei per otium licuerit, ornare ac munire paratus sit; ut sperandum sit, sub ejus moderamine, totam istam Congregationem uberiores in dies proventus facturam.

  A020003183 

 Ayant reçu les Lettres Apostoliques de Votre Sainteté, datées du 28 avril de cette année, qui me constituaient Président du Chapitre général de la Congrégation de Sainte-Marie des Feuillants, j'ai obéi sans retard.

  A020003184 

 Aussi me semble-t-il qu'on puisse appliquer à ce Chapitre la parole du Prophète: Qu'il est bon, qu'il est [328] agréable pour les frères d'habiter ensemble! C'est comme le parfum répandu sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d'Aaron.

  A020003185 

 Cette Congrégation possède maintenant pour Supérieur général un homme qui a réuni la très grande majorité des suffrages, et auquel, sans contredit, tous doivent céder la palme du savoir, de la prudence et du talent; un homme d'une vertu et d'une piété remarquables, qui, par des écrits très profonds, a enrichi et défendu l'Eglise de Dieu, et reste prêt à l'enrichir et à la défendre encore, quand ses loisirs le lui permettront.

  A020003196 

 Les plus courtes responses sont ordinairement les meilleures, et avec cela, [je suis] pressé de mon depart de cette cour et du desir de depescher vostre homme, qui me conjure ardemment de ne le point retenir davantage.

  A020003198 

 Je voy bien qu'il y a plusieurs repliques a ce que je dis; mais je croy bien aussi qu'en ces occurrences il n'est pas question de contester et de disputer, ains de considerer les maximes de l'Evangile, qui sans doute nous conduisent au parfait despouillement, et au mespris de la sagesse temporelle qui ne s'arreste a la sagesse de la vertu que requiert l'excellence et l'eminence de l'amour celeste..

  A020003200 

 C'est une des plus aymables conditions que vous puissies avoir, je le confesse; mais il faut adjouster une autre grandement pretieuse, qui est de ne point user de vostre authorité maternelle contre cet esprit qui, pour eviter le coup, se desrobe plustost que de parer..

  A020003200 

 Vous me marques, Madame, un defaut de cette fille, qui est qu'elle jure sous equivoque; a quoy, ce me dites vous, vous ne vous entendes point.

  A020003201 

 Je vous en donne ma parole plus clairement: je n'ay nulle authorité sur les Monasteres de la Visitation qui sont hors de mon diocese, de sorte que je ne puis m'obliger sinon a ne point consentir, ains a faire tout ce que je pourray, non point par authorité, mais par credit que j'espere d'avoir envers les Superieures de ces Monasteres, et particulierement avec madame [Favre], de laquelle je suis grandement certain qu'elle suivra en cela ma direction.

  A020003210 

 Vous ne vivres pas moins au gré de l'Espoux celeste, qui ne prend pas garde a l'exterieur et duquel vous ne seres pas moins [bien] veuë en verité, bien que l'apparence sera moindre.

  A020003211 

 Attaches vous bien, ma tres chere Fille, a la Croix de Jesus Christ, qui pour vous a souffert une si grande contradiction contre soy mesme; il soit vostre seule mire et son aggreement vostre unique consolation..

  A020003261 

 Et confesso ingenuamente a Vostra Altezza Serenissima che in questa academia di pietà nella quale vivono queste Serenissime Infanti, ho trovata tanta consolatione, che quantunque la mia professione ecclesiastica et la mia educatione nelle lettere sacre siano assai discoste della vita della corte, io nientedimeno ho havuto un gusto particolare di stare qui, per godere in particolare della vista di tanta divotione come riluce in questa triade d'Infanti..

  A020003275 

 Celles-ci proclament avec tant d'affection les vertus accordées par la Bonté divine à Votre Altesse, qu'elles vous tiennent toujours présente au souvenir de ceux qui, en tout respect, jouissent de leur auguste société, comme je l'ai fait ces deux derniers mois.

  A020003316 

 J'estois malade en Piemont quand je receu vostre lettre du 27 may; maintenant, de retour au lieu de ma residence, je vous remercie tres humblement de la souvenance que vous aves de moy qui, reciproquement, ay gravé en mon ame le respect que je doy a vostre vertu [342] et pieté, tesmoignee, de vray, par l'assistence que vous fistes a madame de Gouffier pour la reception des Filles de Sainte Marie de la Visitation..

  A020003317 

 Ensuite dequoy je voudroys bien, je vous asseure, Monsieur, vous rendre quelque utile service en toutes occasions, mays en particulier pour la consolation de madamoyselle vostre fille, et mesme ayant receu une si grande recommandation et si puissante, comm'est celle de Monseigneur le Duc de Nemours qui m'escrit ardemment pour vostre intention.

  A020003317 

 Neantmoins, Monsieur, ( scientibus legem loquor ), je doys limiter mon vouloir par mon pouvoir, qui ne s'estend pas hors de mon diocæse sinon par maniere d'intercession.

  A020003317 

 Que si, apres cela, il se treuve quelque difficulté, ce sera a l'authorité de Monseigneur le Cardinal Evesque de Paris, ou a ceux qui ont charge de luy, de la resoudre..

  A020003318 

 Que si [343] quelqu'un vous a dit le contraire, il a eu tort, de moy qui sçai, des le tems mesme que vous me marques et duquel la memoire m'est si douce, quand j'avois le bonheur d'estre avec vous au college, que veritas non quærit angulos, et qu'il ny a nulle finesse au vray service de la pieté..

  A020003319 

 Et quant aux fraitz que vous aures faite pour l'essay, qui n'auront pas esté employés pour la personne propre de celle qui l'a fait, je croy que vous n'en aures pas du refus..

  A020003319 

 Peut estre donq y aura-il en madamoyselle vostre fille quelqu'autre manquement, non es choses essentielles de la pieté simplement, mays, a l'aventure, en ce qui est requis au genre de vie des Seurs de la Visitation, qui provoque la Superieure a la desirer ailleurs; car je ne puis m'imaginer que, sans rayson, de gayeté de cœur, ni mesme de fierté de courage, elle voulut fascher un personnage de vostre condition, et refuser le sejour au monastere a une fille si bien nee comm'est la vostre, Monsieur.

  A020003339 

 J'espere qu'en fin celuy qui s'estoit chargé de vous si bien accommoder s'empressera de satisfaire a vostre juste desir et a sa conscience..

  A020003353 

 Mon inclination estoit que l'on attendist de faire celuy ci jusques a ce que l'ordre en fust venu de Rome, affin qu'il y eust moins de resistance; la ferveur de la charité de quelques unes ou, si vous voules, l'ardeur de la propre volonté des autres, a fait choisir un autre moyen qui leur sembloit plus court; il ne faut pas pour cela le rejetter, ains il faut y contribuer tout ce que la sainte, sincere et veritable charité nous suggerera.

  A020003353 

 Tous les defautz qui arrivent en une bonne œuvre n'en gastent pas la bonté essentielle: d'ou que le bon vienne, il le faut aymer.

  A020003354 

 Madame ma tres chere Cousine, ma Fille, que cette affaire ayt esté entreprise, je le sceu le jour avant mon depart de cette ville; que l'on en soit venu a l'execution, je le sceu en Argentine; mais vous aves esté la premiere qui m'aves donné connoissance de la particularité, bien que despuis j'en aye appris encor davantage.

  A020003367 

 Mais je suis tout a fait de vostre advis, que l'on n'ouvre point la porte au changement de monastere pour les filles qui le desireront, ains seulement pour celles qui, sans le desirer, seront pour quelqu'autre rayson envoyees par les Superieurs; car autrement, le moindre [349] deplaisir qui arriveroit a une fille seroit capable de l'inquieter et luy faire prendre le change, et en lieu de se changer elles mesmes, elles penseroyent d'avoir suffisamment remedié a leur mal quand elles changeroyent de monastere..

  A020003369 

 [350] Monsieur Sanguin m'escrit une grande lettre et m'a fait escrire par Monsieur le Duc de Nemours sur les difficultés que l'on fait a sa fille; mais je n'ay rien a respondre sinon que les Superieurs qui sont sur les lieux doyvent decider ce fait, et non moy, qui ne puis estre instruit que par le recit des parties et qui, au reste, ne suis pas juge competant..

  A020003370 

 Est il possible que des filles nourries en l'escole de la folie de la Croix, soyent tellement affectionnees a la prudence du monde que ny l'une ny l'autre ne veuille point ceder et que chacune sache tant alleguer de termes de justice? Il faudra tascher pourtant d'arrester celle qui aura moins de rayson, pourveu qu'encores l'esprit du monde luy permette de se laisser condamner; mais je ne croys pas que cela se puisse faire avant vostre venue.

  A020003370 

 Je suis bien plus scandalisé des contestes qui sont entre nos Seurs Superieures de Moulins et de Nevers pour certains mille escus que je voudrois plustost estre au fons de la mer qu'en l'esprit de ces filles.

  A020003372 

 Dieu luy face la grace de l'attirer a une vocation qui soit propre a son salut..

  A020003372 

 Je suis bien ayse du contentement que vous aves de nostre Seur Françoise Augustine et de nostre Seur Parise, comm'aussi je plains beaucoup l'esprit de nostre Seur Valeret qui n'a sceu s'accommoder a l'Institut.

  A020003373 

 Quant a madamoyselle de Vigny, puisque c'est un si bon esprit comme vous m'escrives, on pourra luy permettre ce qu'elle desirera; [352] mais dores-en avant il ne faut pas recevoir de ces bienfaitrices qui desirent tant de conditions..

  A020003375 

 Je suis consolé de l'agreable ædification qu'elle a laissé par les bons exemples de sa vie, qui estoit certes totalement dedié (sic) au service de Dieu, ainsy que j'ay reconneu des que j'ay eu le bien de la connoistre.

  A020003376 

 En somme, il n'est pas en nostre pouvoir de garder les consolations que Dieu nous a donnees, sinon celle de l'aymer sur toutes choses, qui est aussi la benediction souverainement desirable..

  A020003381 

 Ce [355] pendant vives heureuse dans le sein de la bonté de Nostre Seigneur, qui soit beni es siecles des siecles.

  A020003397 

 Je voy clair, ce me semble: Dieu, qui vous appelle si misericordieusement au monastere de la Visitation pour son pur amour, vous ouvre le chemin et facilite librement vostre entree; c'est pourquoy je vous dis hardiment: Sortes maintenant du monde en effect, puisque des-ja vous en estes dehors d'affection..

  A020003400 

 Je dis donq simplement que je ne voy rien qui vous doive retenir au monde, non pas mesme le presage de la future vocation de vostre fille, qui, estant encor incertain, ne doit pas estre preferé a la certitude de vostre appel, lequel vous deves donq suivre soigneusement, fortement, diligemment, mais sans empressement et sans inquietude..

  A020003401 

 Dieu, qui a commencé en vous ce saint œuvre, le veuille bien accomplir *, affin qu'apres vous avoir tiree, conservee et entretenue dans le monastere de la Visitation en cette vie, il vous appelle dans le monastere eternel de la perpetuelle Visitation en la vie future.

  A020003413 

 Aymes bien Dieu, et pour l'amour de Dieu toutes creatures, notamment celles qui vous mespriseront, et ne vous mettes point en peine..

  A020003413 

 Il est vray, elles sont plus que vous: mays les Seraphins mesprisent ilz les petitz Anges? et au Ciel, ou est l'image sur laquelle nous nous devons former, les grans Saintz mesprisent ilz les moindres? Mais apres tout cela, en somme, qui plus aymera sera le plus aymé, et qui aura le plus aymé sera le plus glorifié.

  A020003414 

 Le malin esprit fait des effortz parce qu'il void que ce [359] petit Institut est utile au service et a la gloire de Dieu, et il le hait particulierement parce qu'il est petit et le moindre de tous; car cet esprit est arrogant et hait la petitesse parce qu'elle sert a l'humilité, luy qui a tous-jours aymé la hauteur, la fierté et l'arrogance, et qui, pour n'avoir pas voulu demeurer en sa petitesse, a perdu sa grandeur.

  A020003414 

 Si Dieu ne bastit la mayson, en vain travailleront ceux qui l'edifient; et si Dieu la bastit, en vain travailleront ceux qui la veulent destruire.

  A020003427 

 Que ces changemens donq procedent du jugement des Superieurs, et non du desir des filles, qui ne sçauroyent mieux declairer qu'elles ne doivent point estre gratifiees, que quand elles se laissent emporter a des desirs si peu justes.

  A020003427 

 car le changement est tout a fait contraire au bien des Monasteres qui ont la clausure perpetuelle pour un article essentiel.

  A020003429 

 Celle qui aura le tort aura grand tort, et non un petit tort; car il n'y a rien de petit en ces opiniastretés du mien et du tien..

  A020003429 

 Pour qui travaille on sinon pour Dieu? et si c'est pour Dieu, pourquoy dispute on? Je hay cette sorte de sagesse et de prudence.

  A020003436 

 Il faut combattre le mal par le bien, l'aigreur par la douceur, et demeurer en paix; et ne commettre jamais cette faute de mespriser la sainteté d'un Ordre ni d'une personne, pour la faute qui s'y commet sous l'erreur d'un zele immoderé..

  A020003446 

 Non seulement nous envoyerons deux de nos Seurs pour un moys ou pour deux, sil est besoin, mays il ne coustera rien a ces nouvelles filles, car on donnera aux Seurs ce qui sera requis, sans qu'elles facent aucune despense sur leurs hostesses.

  A020003464 

 Ainsy, partés au plus tost pour Rumilly, et salues bien de ma part, a vostre arrivee, mes cheres Filles qui y sont des-ja..

  A020003471 

 J'ay retiré le brevet de nomination, en faveur de vostre Congregation, pour l'eglise de Rumilly, des prieurés de Chindrieu, de l'Aumosne, de Vaux, et de Sainte Agathe qui est le prieuré de Rumilly, que Son Altesse a signé et fait expedier de tres bon cœur.

  A020003473 

 Je prie Dieu, mon Reverend Pere, quil vous face de plus en plus croistre en son saint amour, qui suis.

  A020003490 

 Monseigneur, A mon arrivee en ce pais, j'ay treuvé les sieurs Sousprieur et Sacristain de Contamine, prestz a remplir les quatre præbendes que Vostre Altesse avoit ordonné devoir demeurer vacantes pour estre appliquees aux colleges des Peres Barnabites; et d'effect, ilz les ont maintenant remplies de quatre jeunes parens, ausquelz ilz ont mis l'habit de leur Religion par l'authorité de Monsieur l'Abbé de Cluni qui en est le General.

  A020003491 

 Vostre Altesse avoit judicieusement estimé qu'il estoit expedient de transferer le revenu de ce monastere-la a l'entretenement des colleges et lecteurs Barnabites, attendu qu'il est un monastere tout a fait ruiné et qui ne peut bonnement estre reparé, et que la discipline monacale ny est nullement observee, non plus qu'es autres lieux de cet Ordre-la.

  A020003507 

 C'est la vraye assiete d'un esprit religieux, que de ne point s'attacher sinon a la volonté de Dieu, et ceux qui sont si heureux que d'avoir cette si bonne condition sont bien par tout et peuvent demeurer par tout en bonne conscience.

  A020003507 

 Je les verray avant mon retour, si je puys, et vous en feray sçavoir des nouvelles, desirant, soudain que je seray revenu, d'aller la haut visiter madame l'Abbesse ma cousine, et vous [370] voir toutes, grandement content si je puis en quelque sorte vous donner a toutes quelque saint contentement, qui suis de tout mon cœur, ma tres chere Fille,.

  A020003526 

 Rien autre donques, sinon que nous nous disposions tous a faire le trespas saintement et selon lhonneur que nous avons tous d'estre vivans par la mort de ce grand Dieu qui a voulu, par sa bonté, acheter nostre vie au pris de la sienne, et nous aquerir par sa mortalité la tressainte et seternelle immortalité..

  A020003541 

 Et puis dire en verité, que la consideration de vostre ennuy fut une des plus promptes apprehensions dont je fus touché, a l'abord de l'asseurance du mal qu'on nous avoit presagé par les bruitz incertains qui nous en arrivoyent..

  A020003543 

 Beni soit Dieu, qui a fait la grace a celuy duquel nous [373] ressentons l'absence, de luy donner le loysir et la commodité de se bien disposer pour faire le voyage heureusement! Mettes vostre cœur, je vous prie, ma tres chere Fille, au pied de la Croix, et acceptés la mort et la vie de tout ce que vous aymes, pour l'amour de Celuy qui donna sa vie et receut la mort pour vous..

  A020003558 

 J'ay rapporté de Turin la nomination de troys prieurés, dont les deux sont dans la ville mesme, le troysiesme a deux lieues, et qui est desja au P. de Saunaz.

  A020003560 

 En foy dequoy je vous dis d'abord, que je voudroys qu'en tout et partout vostre douceur et humilité tint fermement ses adventages sur vos adversaires, en consideration de ce quilz sont dans l'Eglise, et qu'ilz portent le manteau, ou du moins le nom du manteau d'Helie, comme vou (sic) dites; qui est le premier trait que j'ay treuvé un peu trop penetrant, et que je desirerois estre rayé, affin qu'autant quil sera possible on ne voye chose quelcomque dans vos Discours qui ne ressente parfaitement la cordiale dilection et le support tres suave du prochain..

  A020003561 

 Mays je reserve a vous dire plus au long mes pensees quand j'auray tout leu, et je voudrois bien encor avoir veu tous les escritz qui se sont divulgués, qui ont donné sujet ou occasion au vostre; car j'en ay seulement eu [376] quelque vent par la communication de nostre Monseigneur de Belley et du tres Reverend General des Feuillans.

  A020003561 

 Vous m'obliges certes trop et me tesmoignes un'estime tout a fait au dessus de tout ce que je suis, de me faire part de vos besoignes, que j'admire infiniment en ce commencement, et que j'admireray tous-jours plus avec amour au progres que je feray de leur veue; qui suis, Monsieur, tres invariablement,.

  A020003577 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse Serenissime d'avoir aggreable, que je recoure a Elle pour le soulagement de cette ville en la necessité delaquelle elle est pressee maintenant, pour l'entretenement des trouppes [378] qui sont icy, lesquelles sont a [la] veille d'entrer en des effortz impitoyables pour faire treuver en desordre, aux particuliers, ce que la communauté ne peut plus fournir par aucun ordre dont on se puisse adviser, puisque meshuy l'on a espuisé jusques aux bourses mesmes des Religieux et des Religieuses.

  A020003585 

 A luy, louange des graces qu'il fait a ce digne Prelat qui, les recevant avec reconnoissance et sans resistance, fera des merveilles pour le bien de la sainte Eglise.

  A020003586 

 A Dieu encor la louange de l'exercice que sa providence vous donne par cette affliction de maladie, qui vous rendra sainte, moyennant sa sainte grace; car, comme vous sçaves, vous ne seres jamais espouse de Jesus glorifié, que vous ne l'ayes premierement esté de Jesus crucifié, et ne jouires jamais du lit nuptial de son amour triomphant, que vous n'ayes senti l'amour affligeant du lit de sa sainte Croix.

  A020003596 

 Or sus, vous voyla donq en œuvre pour le bon gouvernement de ce nouveau Monastere qui, moyennant la grace de Dieu, vous reüscira heureusement, tandis qu'en nostre Chamberi on en disposera un autre.

  A020003618 

 Et par ce que Vostre Altesse m'a commandé que je l'advertisse des choses qui regardent l'avancement de la gloire de Dieu en ce diocæse, je joins cet advis a la supplication dudit P. Prevost des Barnabites..

  A020003618 

 Pour cela, Monseigneur, le P. Prevost du college de Thonon, qui y a le premier interest, recourt a Vostre Altesse affin qu'Elle donne ordre que son intention soit suivie en la suppression des moynes et præbendes de ce Monastere la.

  A020003618 

 Tous-jours les vieux Religieux de Contamine taschent, par divers moyens, de continuer la possession de leur Ordre de Cluni es præbendes de ce Monastere, quoy qu'ilz sachent bien que Vostre Altesse Serenissime a resolu de les faire employer a l'entretenement des colleges et du Novitiat qui sont establis en ce pais pour les Peres Barnabites.

  A020003619 

 Et de plus, Monseigneur, je supplie tres humblement Vostre Altesse d'escrire a Monseigneur le Serenissime Prince Tomas quil face convenir pardevant luy tous les principaux conseillers de la Sainte Mayson de Tonon, [383] affin que par son authorité il soit mis ordre aux affaires de cette Mayson la, qui sans cela s'en vont tout a fait en ruine; qui seroit un extreme dommage, qu'un'œuvre de si sainte et grande consequence, fondee avec tant de pieté par Son Altesse, perit faute de secours et d'ordre..

  A020003641 

 J'espere en la misericorde de Dieu que je sçauray au Ciel comme on les nommera, du nom que tous sçauront, et que personne ne sçaura, sinon celuy qui le recevra.

  A020003665 

 Certes, ma tres chere Cousine, ma Fille, qui ne veut aggreer qu'a ce celeste Amant, il est par tout tres bien, car il a ce qu'il veut.

  A020003679 

 Faites moy, je vous supplie, cette faveur, Monsieur mon Frere, tandis que je vay en Provence ou Monseigneur le Prince Cardinal doit aller faire la reverence, et ou, visitant les lieux de devotion qui y sont en grand nombre, je prieray Dieu qu'il vous conserve, avec madame ma seur, et benisse tout ce que vous affectionnes; qui suis en toute verité,.

  A020003685 

 Revu sur l'Autographe qui, en 1887, se conservait à la Visitation de Troyes.

  A020003705 

 Pensés si je suys pressé, puisque je ne m'ose pas dispenser d'un demi jour pour prendre le loysir de bayser les mains a Monsieur l'Archevesque, mon superieur, ni a monsieur le Gouverneur, a qui je suis tant obligé, ni a madame de Pezieu, ma chere seur..

  A020003706 

 Au retour d'Avignon, que j'espere faire dans quinze jours, je rendray tous ces devoirs, Dieu aydant, avec mille desirs de me conserver la bienveuillance de ceux a qui je les ay, comm'a vous principalement, Monsieur mon Frere, a qui je donne la nouvelle, si des-ja vous ne l'aves eue, que nostre cher cadet, en fin fut marié par mes mains il y a aujourduy huit jours, avec tous les tesmoignages de reciproque contentement que l'on pouvoit souhaiter es deux parties.

  A020003720 

 Comme vous sçaves, je ne suis nullement scrupuleux, et n'appelle pas amusement de vanité sinon la volontaire inclination que nous nourrissons aux choses qui veritablement nous divertissent des pensees et deliberations que nous devons avoir pour la tressainte eternité..

  A020003733 

 Mon Dieu, que bienheureux sont ceux qui, desengagés des cours et des complimens qui y regnent, vivent paysiblement dans la sainte solitude aux pieds du Crucifix! Certes, je n'eus jamais bonne opinion de la vanité, mais je la treuve encor bien plus vayne parmi les foibles grandeurs de la cour..

  A020003734 

 Vivons seulement pour cette vie, ma tres chere Fille, qui seule merite le nom de vie, en comparayson de laquelle la vie des grans de ce monde est une tres miserable mort..

  A020003744 

 Dieu qui voit les desirs de mon cœur, sçait qu'il y en a de tres grans pour vostre continuel avancement en son tressaint amour, ma tres chere Fille, sur tout maintenant que, selon la disposition de la sainte Providence eternelle, vous voyla mere et conductrice d'une trouppe d'espritz consacrés a la gloire de Celuy qui est l'unique bien auquel nous devons aspirer..

  A020003745 

 Nostre Mere a bien rayson de vous souhaiter une grande humilité, car c'est le seul fondement de la prosperité spirituelle d'une Mayson religieuse, qui n'exalte jamais ses branches ni ses fruitz qu'a mesure qu'elle enfonce ses racines en l'amour de l'abjection et bassesse..

  A020003759 

 La mesme solemnité de ces grans jours de Noel qui m'oste presque l'esperance de vous voir, me donne l'asseurance de vous faire cette importunité pour ce pauvr'homme que la charité m'oblige d'affectionner, et le bon exemple qu'il a donné de sa foy et de sa probité tandis qu'il a sejourné dans le balliage de Gex, ou il a neantmoins des persecutions dans son innocence.

  A020003760 

 Ces œuvres de pitié sont de sayson en ces jours dediés a l'honneur de la souveraine misericorde que le Filz de Dieu a exercee en sa nayssance pour nostre salut, que je supplie tres humblement de vous estre a jamais favorable, Monsieur, selon le souhait continuel de mon cœur; qui suis.

  A020003776 

 Cette chere damoyselle qui vous porte ce billet est digne d'estre singulierement cherie, parce qu'elle cherit tres affectionnement la divine Majesté de laquelle nous celebrons aujourd'huy la sainte nayssance; mais outre cela, ma tres chere Fille, elle vous ayme saintement, et a desiré que je vous escrivisse par son entremise..

  A020003777 

 Car, que vous diray je de plus, ma tres chere Fille, puisque cette bonne et vertueuse ame vous dira tres amoureusement tout ce qui se passe icy?.

  A020003777 

 Je le fay de tout mon cœur, ma tres chere Fille, sans vous dire autre sorte de nouvelles, sinon que nostre Seur Emmanuelle est toute pleyne de ferveur en la reforme du Monastere de Sainte Catherine qui se fait a Rumilly.

  A020003778 

 vous fera la faveur de vous voir ... dire par lettre et de vive voix ... prose latine qu'il vous donna ... C'est un personnage tout aymable, et qui a une affection toute sincere pour vous et pour vostre Monastere.

  A020003779 

 Vives toute en Dieu, ma tres chere Fille, et pour Dieu, que je supplie vous recevoir dans le sein de sa tressainte dilection, avec toute vostre chere compaignie; qui suis sans fin,.

  A020003815 

 Et encore l'autre jour, sortant du parloir où sa passion maternelle avait assez paru, elle me voulut toucher la main et dit: Je ne m'étonne pas que ma fille de Dalet aime cette fille de Monseigneur de Genève, mais je me passionne de ce qu'elle aime plus le cloître que moi, qui suis sa mère..

  A020003815 

 Et vous assure, Monseigneur, que Dieu, qui vient toujours au secours de votre grande fille qui n'est grande qu'en misère, conduit si bien les affaires, que madame de Montfan, sa mère, a blâmé tout le [401] monde et m'a jugée la plus blâmable, [et cependant,] nous sortons toujours l'une d'avec l'autre bonnes amies.

  A020003826 

 Vous vous ressouviendrez bien comme Monsieur le Prince mon frere, estant en Savoye, vous commit d'assigner le prieuré de Saint Clair aux Peres Bernabites du Colleige d'Annessi, et des oppositions qui y furent apportées par le Baron de Menton, pretendant avoir droict sur ledit prieuré.

  A020003841 

 Estant amplement informé, et à nostre particulier contentement, du bon progrez et avancement que prend de jour à autre la reforme restablie dez quelques annees en ça au prieuré de Talloires en l'estroite observance de la Regie de S t Benoist, et desirant, pour le service et plus grande gloire de Dieu, non seulement de maintenir et favoriser ce louable commencement qui y paroist aujourd'huy, mais encor de procurer autant qu'il Nous est possible l'entiere introduction de la ditte reforme dedans tous les Monasteres du mesme Ordre qui ne sont encor unis à aucun autre corps de Congregation reformee, riere nos Estats et pays dela les monts: pour a quoy parvenir, comm'il est tres requis et necessaire de leur pourvoir d'un chef resident dans nos Estats, qui, par capacité, dignité et vie exemplaire, puisse meriter et exercer dignement cette charge, et travailler soigneusement a l'introduction de la ditte reforme, attandu mesme [403] que le dit prieuré de Talloire depend de Superieurs d'Ordre non reformés et estrangers: Aussy, apres avoir jette l'œil sur les Prelats et Evesques de nos provinces de Savoye, Nous avons, entre les autres, choisi la personne de tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, pour les preuves signalees et remarquables qu'il a en tout tems donnees, tant de sa suffisance et vigilance au salut des ames, que par la connoissance que Nous avons d'ailleurs de ses saintes œuvres, vie devote, tres louable et tres exemplaire; esperant que non seulement il sera tres agreable aux Religieux de cette sainte reforme, mais tres utile au bien et avancement d'icelle..

  A020003842 

 Pour ces causes, en tant qu'il Nous concerne, Nous avons deputé, choisi et eleu, ainsy que par les presentes, de nostre certaine science, pleine puissance et authorité souveraine, avec l'advis et participation de nostre Conseil, deputons, choisissons et elisons le dit Evesque de Geneve pour chef de tous les Religieux reformés Benedictins riere nos dits Estats, avec pouvoir de visiter tous les Monasteres qui s'y trouveront fondés et dependans de cet Ordre; d'y introduire la dite reforme, particulierement en ceux de Bellevaux, Contamine, Sindrieux (Chindrieu) et Saint Paul, en taschant de disposer tous les Religieux d'iceux a la recevoir chacun selon son pouvoir, eu esgard a l'aage et force d'un chacun, et prenant en particuliere protection tous ceux qui se rangeront et disposeront à cette salutaire et tres sainte resolution; luy permettant en outre d'y restablir ponctuellement l'observance, ensemble l'Office divin et autres fonctions spirituelles et publiques, de predication, confessions, administration des saints Sacremens et autres qui s'y trouveront annexees, lors toutefois que le nombre des Religieux se trouvera estre suffisant pour ce faire..

  A020003844 

 Declarons qu'il sera loisible au dit Evesque de Geneve, avec participation des Peres principaux reformés du dit Ordre, de nommer et creer un d'eux pour Abbé et chef Provincial de la ditte reforme, qui se pourra changer de tems en tems, selon les louables coustumes des Congregations reformees..

  A020003859 

 Notre Mère me fit prêcher en cette assemblée, qui fut très grande et quasi de tous les principaux de Grenoble.

  A020003859 

 Vos saintes solitaires rendront cette montagne habitée de plusieurs bonnes âmes, et très visitée de quantité d'autres qui se voudront bonifier à leur exemple..

  A020003873 

 Vive le cœur de mon Père qui met tous les cœurs en paix par l'admirable brièveté de ses grands, incomparables et moelleux discours!.

  A020003873 

 Votre jugement, en deux mots, m'a soulagé; il me fallait la hache de ce même jugement, qui honore toutes les autres perfections qui vous honorent, pour retrancher, ainsi que Périclès, sa harangue.

  A020003874 

 Ce n'est point de tout cela que je voulais parler, ains vous souvenir que vous m'avez daigné écrire autrefois: Et voici mon petit peuple qui veut être votre peuple, pourvu qu'il vous plaise que de votre peuple je rende mon peuple.

  A020003874 

 Est-il besoin de vous dire que six filles de bonne volonté soupirent de désir de voir un monastère de la Visitation en cette ville? Alors elles seront entièrement vos filles, s'il vous plaît d'envoyer de celles qui le sont déjà dans votre cher Nicy en notre petit Belley; et alors je dirai à mon tour: Populus [ tuus, populus meus ]..

  A020003875 

 Ce sont des lunes obscures, jusqu'à ce qu'elles soient illuminées des rayons de mon Père, qui est aussi véritablement le soleil de ce siècle que cet astre unique est le flambeau du ciel et de la terre.

  A020003891 

 Lisez dans la grandeur de ma lettre la grandeur de mon désir; assouvissez-le, et ce sera un acte de miséricorde glorieux à vous, mais fructueux et joyeux à moi, qui suis,.

  A020003904 

 L'on a désiré que je vous écrivisse un mot sur ce [408] sujet; commission qui m'est autant chère comme j'honore le sujet qui me l'a fait donner, et révère celui à qui ma plume et mon cœur s'adressent..

  A020003906 

 Tout est en une très bonne disposition, chacun l'attend avec affection, et singulièrement ceux qui ont autrefois été témoins des heureuses ferveurs de son commencement.

  A020003939 

 Si aggionge anco che gran parte delle donne a pena mai vengono a perfettamente imparare l' Officio grande, onde gli viene precluso l'ingresso della Religione; alla cui devotione, spirituale consolatione et salute dell' anime si porgerebbe molta commodità se non havessero a imparare senon P Officio piccolo, perchè potendo ciò fare con maggior facilità, potrebbono conseguire il desiderato fine di esser Religiose: e da qui avverebbe che possent omnes pariter senes cum junioribus laudare nomen Domini..


21-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXI-Vol.11-Lettres.html
  A021000022 

 — Pourquoi le Saint compatit à ceux qui en sont affligés.

  A021000027 

 — Ce qui rend les tribulations précieuses. 20.

  A021000036 

 Aversion du Saint pour les procès, surtout pour ceux qui se font à la suite de « manquements de promesses.

  A021000036 

 » — Le meilleur remède contre les gens qui rompent la foi donnée.

  A021000038 

 — Ce qui donnera « les rangs » parmi les enfants de Dieu.

  A021000043 

 — Pour qui toute mort est-elle heureuse? — Vivre avec des pensées généreuses et magnifiques.

  A021000047 

 Heureux vent qui mène au port.

  A021000050 

 — « Un cœur de père qui tient un peu du cœur de mère.

  A021000064 

 L'amour pour leur Ordre ne doit pas empêcher les Religieux de reconnaître les défauts qui s'y trouvent.

  A021000064 

 — Une bonne méthode, mais qui n'est pas celle de François de Sales.

  A021000075 

 Un mal qui ne se guérit que par l'expérience.

  A021000075 

 — Une âme qui reverdit après un long hiver.

  A021000085 

 — Heureux ceux qui échappent à ce siècle! — Manière vraiment chrétienne de parler de la mort.

  A021000089 

 Raisons qui demandent le retour en Savoie du P. Baranzano. 74.

  A021000090 

 Ce qui a réjoui l'âme du saint Evêque.

  A021000094 

 Dieu fait de grandes choses en l'âme qui s'abaisse.

  A021000096 

 — Rien ne nuit à ceux qui veulent aimer Dieu « sur toutes choses et en toutes choses, » pas même leurs défauts. 77.

  A021000103 

 Le salaire et le bonheur de ceux qui enseignent aux autres les voies de la justice.

  A021000117 

 MMLXI. L'âme qui ne veut pas offenser Dieu ne doit pas pointiller autour de ses actions.

  A021000122 

 — Dieu répond à tous ceux qui lui demandent conseil; d'où vient que beaucoup n'entendent pas sa réponse? — Le serviteur fidèle.

  A021000123 

 — Quel est le seul désir qui remplit le cœur de François de Sales. 93.

  A021000124 

 MMLXVIII. Aimer indistinctement toutes les croix qui nous arrivent.

  A021000124 

 — Ce qui donne le prix à la croix. 94.

  A021000128 

 MMLXXII. L'examen du cœur et ce qui doit le tenir en repos.

  A021000134 

 — Chemins qui mènent au port et « bonnes estoffes pour l'avancement d'une ame ».

  A021000139 

 MMLXXXIII. La seule chose qui attire le cœur de François de Sales.

  A021000140 

 — Ce qui nous donnerait le bonheur.

  A021000143 

 — Dans les peines intérieures qui font perdre pied, regarder notre « cher Capitaine » et employer deux sortes d'armes.

  A021000146 

 — Ce qui est « tous-jours imperfection » et ce qui est « de grande perfection ».

  A021000149 

 — Conduite à tenir à l'égard d'une personne qui « moleste grandement ».

  A021000150 

 — Où tend son esprit et ce qui prédomine en son cœur.

  A021000170 

 Qui a moins de propre volonté a plus de Dieu.

  A021000170 

 — A qui Dieu est tout, le monde n'est rien.

  A021000170 

 — Qui mortifie plus ses inclinations naturelles attire plus les inspirations surnaturelles.

  A021000171 

 O ma tres chere Fille Marie Adrienne, qui nous fera la grace de participer a l'enfance sacree de nostre tres doux, tres humble et tres obeissant Sauveur? Oh! quel tresor de vertus!.

  A021000179 

 Or, la gloire de ce saint amour consiste a brusler et consumer tout ce qui n'est pas luy mesme, pour reduire et convertir tout en luy.

  A021000192 

 Mon Frere, qu'y a il qui vous empesche d'estre saint? et qu'est ce que vous voules que vous ne puissies pour ce [3] sujet? Un pauvre homme peut bien, a la verité, estre saint; mais un seigneur puissant, comme vous estes, peut non seulement l'estre, mais faire tout autant de saintz qu'il y a de tesmoins de ses actions ....

  A021000202 

 Libenter dicam charitati vestræ, quod si vel minimum suspicarer in corde meo dilectionis motum qui ad Deum non tenderet, aut alteri quam divino consecraretur amori, infidelem ac spurium hunc animi mei fœtum, omni conatu, cum ipsis visceribus evellere satagerem, nec in mente mea abhortivum illud vel uno momento patierer....

  A021000209 

 Je dirai en confiance à votre charité, que si je soupçonnais qu'il y eût dans mon cœur un seul mouvement d'amour qui ne tendît pas à Dieu, ou qui fût consacré à un autre amour qu'à l'amour divin, ce sentiment infidèle et illégitime de mon cœur, je ferais tout pour l'arracher avec mes entrailles, et je ne le tolèrerais pas un seul instant....

  A021000215 

 Vous le deves faire, car cette action est purement pour Dieu, et c'est pour une devote et tressainte Religion, qui fera beaucoup de fruit en vos quartiers... [5].

  A021000220 

 Au demeurant, pour rendre cette divine vocation fructueuse, et pour plus clairement apprendre l'estat que vous deves choisir, pour la plus grande satisfaction de cette Misericorde infinie qui vous semond a son parfait amour, je vous conseille de prattiquer ces exercices pour ces troys moys suivans:.

  A021000224 

 Et si vous estes fidele en la prattique du peu que je vous propose, on pourra juger quel vous series en beaucoup, qui s'exerce aux Religions..

  A021000224 

 Or, ces petites et foibles austerités vous serviront a double fin: l'une, pour impetrer plus aysement la lumiere requise a vostre esprit pour faire son choix; car la deperition du cors en ceux qui ont les forces et la santé entiere, esleve merveilleusement l'esprit.

  A021000227 

 Faites les passetems qui seront plus vigoureux, comme de monter a cheval, sauter et autres telz, et non pas les molletz, comme de jouer aux cartes et danser.

  A021000235 

 Et quant a moy, qui l'estimois et avois une particuliere dilection pour elle, je n'ay pas manqué ni ne manqueray de la recommander souvent a Nostre Seigneur, comme aussi tout ce qu'elle a laissé de plus cher en ce miserable monde..

  A021000259 

 Mais ce qui me donne plus d'apprehension maintenant, c'est ce qu'on crie, qu'outre le mal que vous aves par les accidens corporelz, vous estes surchargé d'une violente melancholie; car je m'imagine combien cela retardera le retour de vostre parfaitte santé et engendrera de dispositions contraires.

  A021000260 

 Et s'il vous plaist, Monsieur, dites moy, je vous supplie, quel sujet aves vous de nourrir cette triste humeur qui vous est si prejudiciable? Je me doute que vostre esprit ne soit encor embarrassé de quelque crainte de la mort soudaine et des jugemens de Dieu.

  A021000260 

 Helas! que c'est un estrange tourment que celuy la! Mon ame qui l'a enduré six semaines durant, est bien capable de compatir a ceux qui en sont affligés.

  A021000260 

 Mais, Monsieur, il faut que je vous parle un peu cœur a cœur, et que je vous die que quicomque a un vray desir de servir Nostre Seigneur et fuir le peché ne doit nullement se tourmenter de la pensee de la mort, ni des jugemens divins; car encor que l'un et l'autre soit a craindre, si est ce que la crainte ne doit pas estre de ce naturel terrible et effroyable qui abat et deprime la vigueur et force de l'esprit, ains doit estre une crainte tellement meslee avec la confiance en la bonté de Dieu, que par ce moyen elle en devienne douce..

  A021000261 

 C'est un sentiment meilleur de se desfier de pouvoir resister aux tentations, que non pas celuy de s'en tenir pour asseuré et asses fort, pourveu que ce qu'on n'attend pas de ses forces on l'attende de la grace de Dieu: en sorte que plusieurs qui, avec grande consolation, se sont promis de faire des merveilles pour Dieu, quand c'est venu au point ont manqué; et plusieurs qui [12] ont eu grande desfiance de leurs forces et une grande crainte qu'a l'occasion ilz ne manquassent, sur le champ ont fait merveilles, parce que ce grand sentiment de leur foiblesse les a poussés a rechercher l'ayde et le secours de Dieu, a veiller, prier et s'humilier pour ne point entrer en tentation..

  A021000262 

 Et Dieu, qui ne fait rien en vain, ne nous donne pas ni la force ni le courage quand il n'est besoin de l'employer, mais es occasions jamais il ne manque; et partant il faut tous-jours esperer qu'en toutes occurrences il nous aydera, pourveu que nous le reclamions.

  A021000262 

 Samson, qui estoit appellé le fort, ne sentoit jamais les forces surnaturelles dont Dieu l'assistoit sinon es occasions; et pour cela il est dit que quand il rencontroit les lions ou les ennemis, l'Esprit de Dieu le saysissoit pour les tuer.

  A021000263 

 Et bien donq, puisque vous desires d'estre tout a Dieu, pourquoy craindres vous vostre foiblesse, en laquelle, aussi bien, vous ne deves pas mettre aucune sorte d'appuy? N'esperes vous pas en Dieu? Et qui espere en luy sera il jamais confondu? Non, Monsieur, jamais il ne le sera..

  A021000264 

 Je vous conjure, Monsieur, d'appayser toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre esprit, ausquelles il n'est besoin de respondre autre chose sinon que [13] vous desires d'estre fidele en toutes occurrences, et que vous esperes que Dieu fera que vous le seres, sans qu'il soit besoin d'essayer vostre esprit s'il le seroit ou non, car ces essays sont trompeurs, et plusieurs sont vaillans quand ilz ne voyent point l'ennemi, qui ne le sont pas en sa presence; et au contraire, plusieurs craignent avant l'escarmouche, ausquelz le danger present donne le courage.

  A021000272 

 L'amour [14] seul est celuy qui diversifie le prix de nos exercices..

  A021000273 

 Essayons de mesme d'avoir une dilection exquise et noble, qui nous face rechercher l'unique aggreement de Nostre Seigneur; et il rendra nos actions belles et parfaites, pour petites et communes qu'elles puissent estre..

  A021000282 

 Tenes bien rangees vos affections sous celle de ce grand Sauveur, et vous gardés d'en nourrir aucune, sous quel pretexte que ce soit, qui ne soit battue au sceau du Roy celeste.

  A021000292 

 Tenes la tous-jours assise et en repos devant Dieu pendant les exercices exterieurs, et levee et mouvante pendant les interieurs: comme font les abeilles, qui ne volent point dans leur ruche et faysant leur mesnage, mais seulement a la sortie.

  A021000293 

 Quand je commence a vous escrire, je ne pense pas a ce que je vous escriray; mais ayant commencé, j'escris tout ce qui me vient, pourveu que ce soit quelque chose de Dieu, car je sçay que tout vous est aggreable, ayant de beaucoup fortifié l'entiere confiance que mon cœur avoit au vostre en ce dernier voyage, ou je vis bien, ce me semble, que vous avies toute asseurance en moy..

  A021000302 

 Exercés fort vostre cœur a la douceur interieure et [17] exterieure, et le tenés en tranquillité parmi la multiplicité des affaires qui se presentent a vous.

  A021000302 

 Gardes vous bien fort des empressemens, qui sont la peste de la sainte devotion, et continues a tenir vostre ame en haut, ne regardant ce monde que pour le mespriser, ni le tems que pour aspirer a l'eternité.

  A021000312 

 Ma chere Mere, les vertus qui croissent entre les prosperités sont ordinairement floüettes et imbecilles, et celles qui naissent entre les afflictions sont fortes et fermes, ainsy qu'on dit que les meilleurs vins croissent entre les pierres..

  A021000313 

 Je prie Dieu qu'il soit tous-jours au milieu de vostre cœur, affin qu'il ne soit point esbranlé parmi tant de [18] secousses, et que, vous faysant part de sa Croix, il vous communique sa sainte tolerance et ce divin amour qui rend si pretieuses les tribulations..

  A021000322 

 Vous devries tous les matins, avant toute chose, prier Dieu qu'il vous donnast la vraye douceur d'esprit qu'il requiert es ames qui le servent, et prendre resolution de vous bien exercer en cette vertu la, sur tout envers les deux personnes a qui vous aves le plus de devoir.

  A021000330 

 Je vous supplie, ma chere Fille, n'abandonnes jamais le train des saintes resolutions que vous aves faites, car Dieu qui les a donnees a vostre cœur luy en demandera le conte.

  A021000338 

 Certes, quelle qu'elle soit, elle me donne bien de la condoleance, mays aussi quant et quant de la consolation, puisqu'il dit que Dieu vous l'a envoyee; car, ma tres chere Fille, rien ne sort de cette main divine que pour l'utilité des ames qui le craignent, ou pour les purifier, ou pour les affiner en son saint amour.

  A021000339 

 Ma tres chere Fille, vous aves tous-jours part'a mes chetifves prieres, et tout maintenant je m'en vay offrir vostre cœur bienaymé au Pere celeste, en l'union de celuy de son Filz tres aymé, en la tressainte Messe; qui suis invariablement, ma tres chere Fille,.

  A021000348 

 La croix est la porte royale pour entrer au temple de la sainteté; qui en cherche ailleurs n'en treuvera jamais un seul brin..

  A021000348 

 Si Dieu vous a rendue plus forte et vaillante a supporter vos adversités, la gloire en soit a sa Bonté, laquelle est tous-jours prompte au secours des ames qui esperent en luy.

  A021000349 

 Et bien que d'un costé vous voyes l'Amour de vostre cœur mort et crucifié entre les cloux et les espines, vous treuverés de l'autre un assemblage de pierres pretieuses pour en composer la couronne de gloire qui vous attend, si, en attendant de l'avoir, vous portés amoureusement celle d'espines, avec vostre Roy qui a tant voulu souffrir pour entrer en sa felicité..

  A021000349 

 Madame, je ne vous diray pas que vous ne regardies point vos afflictions, car vostre esprit, qui est prompt a repliquer, me diroit qu'elles se font bien regarder par l'aspreté de la douleur qu'elles donnent; mais je vous diray bien que vous ne les regardies pas qu'au travers de la Croix, et vous les treuveres ou petites, ou du moins si aggreables, que vous en aymeres plus la souffrance que la jouyssance de toute consolation qui en est separee.

  A021000350 

 Vous connoistrés bien que mon cœur se dilate en vous parlant, et que c'est une saillie de l'amour qu'il a pour le vostre, que je conjure d'en faire aussi souvent devant Dieu pour impetrer sa misericorde sur moy, qui suis en verité,.

  A021000366 

 Il faut desirer d'aymer et aymer a desirer ce qui jamais ne peut estre asses ni desiré, ni aymé..

  A021000366 

 Les empressemens d'amour en l'orayson sont bons, s'ilz vous [23] laissent des bons effectz et qu'ilz ne vous amusent point a vous mesme, mais a Dieu et a sa sainte volonté; et en un mot, tous les mouvemens interieurs et exterieurs qui affermissent vostre fidelité envers cette volonté divine seront tous-jours bons.

  A021000367 

 Dieu vous face la grace, ma Fille, de bien absolument mespriser le monde qui vous est si inique: qu'il nous crucifie, pourveu que nous le crucifiions! Aussi les abnegations mentales des vanités et commodités mondaines se font asses aysement; les reelles sont bien plus difficiles.

  A021000368 

 Je ne suis pas satisfait de ce que je vous dis l'autre jour, sur vostre premiere lettre, de ces reparties mondaines et de cette vivacité de cœur qui vous pousse.

  A021000369 

 Continues a me dire bien franchement et souvent des nouvelles de ce cœur la, que le mien cherit d'un grand amour, pour Celuy qui est mort d'amour affin que nous vescussions par amour en sa sainte et vitale mort..

  A021000379 

 Ne vous troubles point pour vos secheresses et sterilités, ains consoles vous en vostre esprit supérieur, et vous souvenes de ce que Nostre Seigneur a dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; bienheureux sont ceux qui ont faim et soif de justice.

  A021000385 

 On vous a rompu la foy donnee; celuy qui l'a rompue en a le plus grand mal.

  A021000385 

 Que je suis marry, ma tres chere Fille, dequoy je n'ay point receu vos dernieres lettres! Mais nostre chere M me N. [25] m'ayant communiqué l'estat de vos affaires, je vous dis de tout mon cœur, c'est a dire de tout ce cœur qui cherit uniquement le vostre, que vous ne vous opiniastries point a plaider.

  A021000385 

 Vous y consommeres vostre tems inutilement, et vostre cœur encor, qui est le pis.

  A021000386 

 Exclames comme saint François (son pere le rejetta): Hé! dit il, « je diray donq avec tant plus de confiance: Nostre Pere, qui estes au ciel, puisque je n'en ay plus en terre.

  A021000386 

 » Et vous: Hé! je diray donq tant plus confidemment: Mon Espoux, mon Amour, qui est au Ciel..

  A021000387 

 Conservés vostre tranquillité, et sçachés bon gré a la Providence divine qui vous ramene au port duquel vous vous esloignies, comme vous pensies faire; en lieu de navigation, vous eussies peut estre fait un grand naufrage..

  A021000388 

 Receves cest advis d'une ame qui vous cherit tres purement et sincerement, et je prie Dieu qu'il vous comble de benedictions..

  A021000395 

 Sur tout, j'estime fascheux et inutiles, ains dommageables, les proces qui se font pour les paroles insolentes et manquemens de promesses, quand il n'y a point d'interest reel; parce que les proces, en lieu de suffoquer les mespris, ilz les publient, dilatent et font continuer, et en lieu de reduire a l'observation des promesses, ilz portent a l'autre extremité..

  A021000396 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, j'estime qu'en vraye verité le mespris du mespris et le tesmoignage de generosité que l'on rend par les desdains de la foiblesse et inconstance de ceux qui rompent la foy qu'ilz nous ont donnee, c'est le meilleur remede de tous.

  A021000397 

 Avec tout cela, neanmoins, ce sont mes sentimens generaux, lesquelz peut estre ne sont pas propres pour l'estat particulier auquel vos affaires se treuvent; et suivant un bon conseil pris sur la consideration des particulieres circonstances qui se presentent, vous ne pouves pas faillir.

  A021000397 

 [27] Je prieray donq Nostre Seigneur qu'il vous donne une bonne et sainte issue de cest affaire, affin que vous abordies au port d'une solide et constante tranquillité de cœur, qui ne se peut obtenir qu'en Dieu, au saint amour duquel je souhaitte que de plus en plus vous fassies progres..

  A021000407 

 Laisses le la, ce cœur chetif, s'il veut demeurer immobile, pourveu que la volonté qui est en luy tire et meuve en son Dieu..

  A021000414 

 Et par ce que le cœur fidele se connoist es rencontres, employes bien toutes les occasions qui se presenteront de vous associer doucement aux personnes moins relevees; traittes les amiablement, uses envers elles de paroles courtoyses et de cordialité.

  A021000423 

 L'homme n'est en ce monde que comme un arbre planté de la main du Createur, cultivé par sa sagesse, arrousé du sang de Jesus Christ, affin qu'il porte des fruitz propres au goust du Maistre, qui desire estre servi en ceci principalement, que, de plein gré, nous nous laissions gouverner a sa Providence qui mene les volontaires et traisne a force les refractaires..

  A021000425 

 Luy vous doit estre pour filz, pour pere, pour mere, pour frere, pour tout, en la presence duquel si vous vives tous-jours en innocence, au moyen de la grace vous obtiendres un jour le Paradis auquel regne cette ame bienheureuse de ce petit innocent, auquel je porte plus d'envie que de compassion, sachant qu'il void la face de [30] Dieu, comme fait son Ange qui avoit esté commis a sa tutelle.

  A021000433 

 Voyes cette si soudaine mort, qui n'a pas donné le loysir a la deffunte [31] de dire les adieux d'honneur a ceux qu'elle cherissoit; et, en esperant qu'elle est passee en la grace de Nostre Seigneur, disons nos adieux de bonne heure, renonçant affectionnement au monde et a toute sa vanité, et colloquons nos cœurs en la bienheureuse eternité qui nous attend..

  A021000434 

 Hé, ma pauvre Fille, mon cœur compatit au vostre, et le conjure d'estre tout a Celuy qui nous resuscitera de mort a vie et qui nous a preparé ses eternelles benedictions.

  A021000442 

 O Dieu, ma chere Fille, il se faut bien preparer a mieux faire pour la premiere occasion qui se presentera; car a mesure que nous voyons ce monde et les liens que nous y avons se rompre devant nos yeux, il faut recourir plus ardemment [32] a Nostre Seigneur et advoüer que nous avons tort de loger nos esperances et esperer nos contentemens ailleurs qu'en luy et en l'eternité qu'il nous a destinee..

  A021000443 

 Il faut que je die ce petit mot de confiance: il n'y a homme au monde qui ayt le cœur plus tendre et affectionné aux amitiés que moy, et qui ayt le ressentiment plus vif aux separations; neanmoins je tiens pour si peu de chose cette vanité de vie que nous menons, que jamais je ne me retourne a Dieu avec plus de sentiment d'amour que quand il m'a frappé, ou quand il a permis que je sois frappé.

  A021000445 

 Et moy je suis tout vostre en Celuy qui se rendit tout nostre, mourant sur l'arbre de la croix..

  A021000450 

 Je ne veux pas, ma chere Fille, que vous desiries nullement la mort, car vous n'estes plus vostre, ains a Celuy qui, pour vous avoir faite sienne, s'est rendu [33] tout vostre; et partant il ne vous appartient pas de desirer ni de sortir de ce monde, ni d'y demeurer, ains vous deves laisser ce soin au Seigneur..

  A021000452 

 A mesure que Dieu tire nos plus chers a soy, il veut attirer nostre cœur, et, comme disoit saint François: A qui n'a point de pere en terre, il est plus aysé de dire: Nostre Pere, qui estes aux cieux.

  A021000452 

 Et [a] qui n'a point de mere en terre, il est plus aysé [de dire] a la Bonté divine: Nostre dame, nostre mere qui estes au Ciel.

  A021000459 

 Pour moy, ma tres chere Fille, je ne veux point vous presenter d'autre consolation que Jesus Christ crucifié, a la veuë duquel vostre foy vous consolera; car apres cette mort du Sauveur, toute mort est heureuse a ceux qui, comme le deffunt duquel je parle, meurent au [34] giron et avec le secours de la sainte Eglise; et quicomque se glorifie en la mort de Nostre Seigneur, jamais il ne se desolera en la mort de ceux qu'il a rachetés et receus pour siens..

  A021000460 

 Ma Fille, qui aspire a l'eternité se soulage aysement des adversités de cette vie, qui ne dure que de legers, chetifs et courtz momens.

  A021000461 

 Ce cœur ainsy genereusement relevé est tous-jours humble, car il est establi en la verité et non en la vanité; il est doux et paysible, car il ne tient conte de ce qui le peut troubler.

  A021000461 

 J'ay accoustumé de dire a toutes les ames qui s'addressent a moy, mays je vous le dis tres particulierement a vous qui estes si particulierement ma fille, qu'il faut eslever le cœur en haut, ainsy que dit l'Eglise au saint Sacrifice.

  A021000461 

 Vives avec des pensees genereuses et magniques qui vous tiennent attachee a cette eternité et a cette sacree Providence, qui n'a disposé ces momens mortelz que pour cette vie eternelle.

  A021000470 

 Je connoissois cette bonne seur deffunte, non seulement de veuë exterieure, mais encor par quelque communication de son ame qu'elle me fit en ma visite; et n'y a qu'environ une annee que je luy envoyay l'habit du Tiers Ordre des Carmes, qu'elle m'avoit mandé requerir pour sa devotion, et, a la reception, elle fit une confession generale a un homme fort capable, qui me l'escrivit ou me le dit, je le sçai bien.

  A021000471 

 Ouy, tres chere Fille, pleurés un peu sur cette trespassee, car et Nostre Seigneur pleura bien un peu sur son cher Lazare; mais que ce ne soyent pas des larmes de regret, mais d'une sainte compassion chrestienne et d'un cœur qui, comme celuy de Joseph, pleure de tendreté, et non pas de fierté comme celuy d'Esaü.

  A021000472 

 Mais dites moy, ma Fille, et nous, quand irons nous en cette patrie qui nous attend? Helas! nous voyci a la surveille de nostre despart, et nous pleurons ceux qui y sont allés! Bon presage pour cette ame, qu'elle ayt souffert beaucoup d'afflictions, car ayant esté couronnee [36] d'espines, il faut croire qu'elle aura la couronne de roses.

  A021000481 

 Cette vie est courte, ma tres chere Fille, mais elle est pourtant de grande valeur, puisque par icelle nous [37] pouvons acquerir l'eternelle: bienheureux sont ceux qui la sçavent employer a cela..

  A021000482 

 Mais vous, ma tres chere Fille, vous aves un grand sujet de louer Dieu qui, avec une providence fort speciale, ne vous a pas seulement donné la volonté de rapporter vos jours mortelz a celuy de l'immortalité, mais vous a marqué le lieu, les moyens et la façon avec laquelle vous deves appliquer le reste de ces momens perissables a la conqueste de la tressainte eternité.

  A021000482 

 Rien n'est si aggreable que la perseverance, a la divine Majesté, et les plus petites vertus, comme l'hospitalité, rendent plus parfaitz ceux qui perseverent jusques a la fin, que les plus grandes qu'on exerce par change et varieté..

  A021000482 

 Tout ce qui vous voudra destourner de cette voye, tenes le pour tentation d'autant plus dangereuse que peut estre elle sera specieuse.

  A021000483 

 Aymes tout, loues tout; mais ne suives, mais n'aspires que selon la vocation de cette Providence celeste, et n'ayes qu'un cœur qui sera pour cela..

  A021000483 

 Demeures donq en repos et dites: O combien de voyes pour le Ciel! benis soyent ceux qui marchent par icelles; mais puisque celle ci est la mienne, je marcheray en icelle avec paix, sincerité, simplicité et humilité.

  A021000491 

 Mays puisque vostre esprit n'est nullement en l'indifference, ains totalement penché au choix du mariage, et que nonobstant que vous ayes recouru a Dieu vous vous y sentes encor attachee, il n'est pas expedient que vous facies violence a une si forte impression par aucune sorte de consideration; car toutes les circonstances, qui d'ailleurs seroyent plus que suffisantes pour me faire conclure avec la chere cousine, n'ont point de poids au prix de cette forte inclination et propension que vous aves; laquelle, a la verité, si elle estoit foible et debile, [39] seroit peu considerable, mais estant puissante et ferme, elle doit servir de fondement a la resolution..

  A021000492 

 Si donq le mary qui vous est proposé est d'ailleurs sortable, homme de bien et d'humeur compatissante, vous pouves utilement l'accepter.

  A021000493 

 L'estat de mariage est un estat qui requiert plus de vertu et constance que nul autre; c'est un perpetuel exercice de mortification, il le sera peut estre a vous plus que l'ordinaire: il faut donq vous y disposer avec un soin particulier, affin qu'en cette plante de thym vous puissies, malgré l'amertume naturelle de son suc, en tirer et faire le miel d'une sainte conversation..

  A021000494 

 Qu'a jamais le doux Jesus soit vostre sucre et vostre miel, qui rende suave vostre vocation; qu'a jamais il vive et regne en nos cœurs.

  A021000501 

 O qu'heureux sont ceux que Dieu manie a son gré et qu'il reduit sous son bon playsir, ou par tribulation ou par consolation! Mais pourtant, les vrays serviteurs de Dieu ont tous-jours plus estimé le chemin de l'adversité, comme plus conforme a celuy de nostre Chef, qui ne voulut reuscir de nostre salut et de la gloire de son nom que par la croix et les opprobres..

  A021000502 

 Mais, ma tres chere Fille, connoisses vous bien en vostre cœur ce que vous m'escrives, que Dieu, par des voyes espineuses, vous conduit a une condition qui vous avoit esté offerte par des moyens plus faciles? car si vous avies cette connoissance, vous caresseries infiniment cette condition que Dieu a choysie pour vous, et l'aymeries d'autant plus que non seulement il l'a choysie, mais il vous y conduit luy mesme, et par un chemin par lequel il a conduit tous ses plus chers et grans serviteurs.

  A021000503 

 Pour moy, je benis vostre chere ame que Nostre Seigneur veut pour soy, et ay pour vous tout le saint amour qui se peut dire.

  A021000504 

 Bienheureux sont ceux qui changent ainsy leurs eaux en vin! mais il faut que ce soit par l'entremise de la tressainte Mere..

  A021000522 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que j'ayme vostre cœur, puisqu'il ne veut plus rien aymer que son Jesus et pour [43] son Jesus! Helas! se pourroit il bien faire qu'une ame qui considere ce Jesus crucifié pour elle, peust aymer quelque chose hors d'iceluy, et qu'apres tant de veritables eslancemens de fidelité qui nous ont si souvent fait dire, escrire, chanter, aspirer et souspirer: VIVE JESUS! nous voulussions, comme des Juifz, crier: Qu'on le crucifie, qu'on le tue en nos coeurs? O Dieu, ma Fille, je dis ma vraye Fille, que nous serons fortz si nous continuons a nous entretenir liés l'un a l'autre par ce lien teint au sang vermeil du Sauveur! car nul n'attaquera vostre cœur qu'il ne treuve de la resistance et de vostre costé et du costé du mien, qui est tout dedié au vostre..

  A021000523 

 O Dieu, que cela est fade au prix de ce sacré divin amour qui vit en nos cœurs!.

  A021000527 

 L'Enfant qui nous va naistre n'est pas venu pour se reposer ni avoir ses commodités, ni spirituelles ni temporelles, ains pour combattre et pour se mortifier et mourir.

  A021000536 

 J'ayme vostre avancement en la solide pieté, et cet avancement requiert des difficultés, affin que vous soyes exercee en l'eschole de la Croix, en laquelle seule nos ames se peuvent perfectionner; mais je ne me puis empescher des tendretés maternelles qui font desirer les douceurs pour les enfans.

  A021000536 

 Or sus, mais parmi tout cela, je ne suis pas sans estre touché de sçavoir que vous n'estes pas sans varietés d'amertumes interieures, bien que je sache aussi, qu'estant ce que vous estes a Nostre Seigneur, vostre amertume ne peut estre qu' en paix et que l'amour soulage vostre douleur; car vrayement j'ay un certain cœur de pere, mays qui tient un peu du cœur de mere.

  A021000537 

 O qu'elle sera genereuse si elle s'unit a Celuy qui, pour s'unir a nous, descendit du Ciel en terre, et, pour nous tirer a sa gloire, embrassa nostre abjection!.

  A021000538 

 Ma tres chere Fille, le porteur qui m'a apporté vostre lettre ne me donne que des momens pour vous escrire; c'est pourquoy je finis, vous dediant en Nostre Seigneur tout mon cœur et mes affections..

  A021000545 

 Venes en la montaigne que Dieu vous monstrera, pour y consacrer ces petitz momens de vie qui vous restent, en faveur de la tressainte eternité qui vous est preparee..

  A021000546 

 Quittés ces empressemens et achevés vos affaires en tranquillité, comme voyant Nostre Seigneur a vostre costé qui vous ayde a les faire..

  A021000548 

 Dieu, de sa main toute puissante, vous veuille retirer a soy et vous amener au lieu auquel il vous a appellee; l'Ange qui vous a assistee en vos resolutions soit luy [47] mesme vostre guide en l'execution.

  A021000555 

 C'est a luy, ma tres chere Fille, que vous en deves le remerciement, qui vous y a puissamment attiree, et a tourné les cœurs de ces cheres Seurs devers le vostre et le vostre devers le leur, et tous ensemble devers la Croix et sa Mere tressainte..

  A021000569 

 Comme si je disois que vostre ame a pris la connoissance d'escrire, je ne dirois pas pour cela que c'est vostre volonté qui a pris cette connoissance, car ce n'est pas la volonté qui connoist, c'est l'entendement; et neanmoins, l'entendement et la volonté ne sont qu'une seule ame.

  A021000569 

 Mais il faut noter, qu'encor que ce soit le seul unique vray Dieu qui ayt pris nostre humanité, si est ce qu'il ne l'a prise en la Personne du Pere, ni en la Personne du Saint Esprit, ains seulement en la Personne du Filz.

  A021000569 

 Or Dieu, qui n'est qu'un en Divinité ou nature divine, apres avoir creé le monde, et long tems apres, c'est a dire environ cinq mille ans apres la creation, prit la nature humaine, joignant l'humanité a sa Divinité au ventre de la Vierge, et par ce moyen il se rendit homme; car, comme ayant la Divinité il est Dieu, aussi ayant l'humanité il est homme.

  A021000571 

 Quand vous vous representies Dieu le Pere au Ciel, vous le consideries selon la commune imagination qui le represente plustost au Ciel qu'en terre.

  A021000572 

 Et le Filz est Dieu, et un mesme Dieu avec le Pere et le Saint Esprit; mays, outre cela, il est vray homme, ayant deux natures: l'une divine, qui est celle-la mesme du Pere et du Saint Esprit, l'autre humaine, qu'il a prise au ventre de la Vierge; comme nous avons deux natures, l'une spirituelle qui est nostre ame, l'autre corporelle qui est la chair.

  A021000573 

 Il suffit que vostre meditation alloit bien, et que Nostre Seigneur a plus aggreable vostre simplicité que la science de ceux qui pensent beaucoup estre.

  A021000579 

 Mon Dieu, ma chere Fille, je ne treuve nullement estrange que vous desiries de mes lettres; car, outre ce [52] que Dieu le veut bien (qui est le grand mot de nostre commerce), je sens tant de consolation de vostre communication que je croy aysement que vous en aves un peu de la mienne.

  A021000580 

 Cela ne vient pas de nostre faute le plus souvent, mays de la providence de Dieu, qui nous veut faire faire nostre chemin par terre et par desert, et non par eaux, et veut que nous nous accoustumions au travail et a la dureté..

  A021000588 

 Dieu vous est donq bon, ma chere Fille, n'est il pas vray? mais a qui ne l'est il pas, ce souverain Amour des cœurs? Ceux qui le goustent ne s'en peuvent assouvir, et ceux qui s'approchent de son cœur ne peuvent contenir les leurs de le benir et loüer a jamais..

  A021000589 

 Et puis, nostre grand rendes vous est en cette eternité, au prix de laquelle que peut sur nous tout ce qui se finit par le tems?.

  A021000589 

 Mon Dieu, disoit saint Gregoire a un Evesque affligé, comme se peut il faire que nos cœurs, qui sont meshuy au Ciel, soyent agités des accidens de la terre? C'est bien dit: la seule veuë de nostre cher Jesus crucifié peut addoucir en un moment toutes nos douleurs, qui ne sont que des fleurs en comparayson de ses espines.

  A021000591 

 Benite soyes vous, ma chere Fille, de la benediction que la Bonté divine a preparee aux cœurs qui s'abandonnent en prove a son saint et sacré amour.

  A021000606 

 Faites aboutir vos oraysons es affections qui leur sont contraires, et soudain que vous sentires d'avoir fourvoyé, repares la faute par quelque action contraire de douceur, d'humilité et de charité envers les personnes ausquelles vous aves repugnance d'obeir, de vous sousmettre, de souhaitter du bien et d'aymer tendrement; car en fin, puisque vous connoisses de quel costé vos ennemis vous pressent le plus, il vous faut roidir et vous bien fortifier et tenir garde en cet endroit la.

  A021000615 

 C'est bien dit, ma Fille: laissons-le la, ce monde, pour rien qui vaille.

  A021000616 

 Celuy, respond il, qui parle la verité de tout son cœur.

  A021000616 

 Seigneur, qui habitera en vos tabernacles? dit David.

  A021000618 

 Ah! qui nous fera la grace que nos cœurs le soyent aussi un jour! Mais ce Simeon n'est il pas bien glorieux d'embrasser cet Enfant divin? Ouy, mais je ne luy peux sçavoir gré du mauvais tour qu'il nous vouloit faire, car estant hors de soy mesme, il le vouloit emporter avec soy en l'autre monde: Maintenant, dit il, laisses aller vostre serviteur en paix.

  A021000620 

 Je ne vay pas, ma tres chere Fille, la part ou l'on vous avoit dit, car je vis encor en obedience qui m'est imposee, non de la part de Dieu, mais du monde, permise neanmoins de sa divine Providence: c'est pourquoy j'y acquiesce..

  A021000621 

 Vives toute pour Celuy qui, pour estre tout nostre, s'est fait petit Enfant.

  A021000638 

 Revu sur une ancienne copie qui se conservait à Belley, chez les RR. PP. Maristes.

  A021000659 

 Faittes moy cest office, sil vous plait, en attendant d'en faire bien tost apres tout autant pour les quinze cens escus qui restent..

  A021000713 

 Est-il quelqu'un qui puisse justement se fâcher contre celui qui lui dit de se laver après avoir été quelque temps sans le faire? Pourquoi ne pourra-t-on pas dire: réformez-vous, à une Maison qui a passé bien des années depuis sa dernière réforme? On se garde bien de laisser longtemps une maison sans l'approprier extérieurement; pourquoi n'en fera-t-on pas de même à l'intérieur?.

  A021000713 

 L'amour mondain est aveugle, et s'il ne [66] l'était pas, il n'aimerait pas le monde qui n'a rien de beau ou de bon; mais l'amour céleste n'est pas aveugle, car il a des lampes et des flammes brillantes, comme dit le Cantique, parmi lesquelles il donne l'esprit de discernement pour séparer le bien du mal.

  A021000713 

 Les abeilles aiment leurs ruches, mais elles ne laissent pas pour cela de remarquer par le menu ce qui s'y trouve, et de les nettoyer et purger.

  A021000713 

 Rien n'est si constant sous le ciel qui ne fléchisse, ni rien de si pur à quoi la poussière ne s'attache.

  A021000714 

 Certes, l'on ne doit pas, sans quelque utilité, dire les manquements qui se voient dans les Maisons, ni [67] les publier; mais, de ne pas vouloir les reconnaître ni confesser à qui peut y appliquer les remèdes, c'est une passion et un amour désordonné.

  A021000714 

 car c'est le soleil qui m'a hâlée.

  A021000716 

 C'est l'amour-propre qui, sans raison, nous fait paraître intolérables nos incommodités.

  A021000716 

 Mais pourquoi les nourrit-il, sinon parce que, par la condition de leur nature, ils ne reçoivent pas leur pâture de leurs père et mère qui ne prennent aucun soin de leurs fruits? Ainsi pourvoira-t-il bien plus ses servantes qui, par la condition de leur profession, se sont vouées à la pauvreté et communauté, sans l'entremise de ces moyens contraires à la pauvreté et à la parfaite communauté.

  A021000716 

 Ou Jésus nous trompe, ou c'est vous qui vous trompez..

  A021000717 

 Certes, les chirurgiens sont quelquefois contraints d'agrandir la plaie pour amoindrir le mal, lorsque sous une petite plaie il y a beaucoup d'humeur purulente ou de sang corrompu; c'est peut-être ce qui les a obligés à toucher sur le vif.

  A021000717 

 Peut-être est-ce aussi un empêchement à votre réforme qu'elle ait été entreprise trop âprement par ceux qui, jusqu'à présent, vous l'ont proposée, et qui n'ont pas manié doucement la plaie.

  A021000718 

 Mes Sœurs, il faut remonter jusqu'à la source de votre Religion et boire en icelle l'eau de votre réformation; vous y trouverez une eau qui vous fera oublier l'affection que vous avez à ces petites particularités.

  A021000719 

 Bienheureux ceux qui jetteront et écraseront contre la pierre la tête des petits de Babylone, disent les enfants d'Israël en un Psaume.

  A021000719 

 Je sais bien que vous avez de très grands empêchements; c'est ce qui me fait pitié et m'oblige à vous écrire, car j'ai certaines considérations lesquelles, à mon avis, pourront vous aider à surmonter les obstacles qui retardent un si grand bien. Je pense que le plus grand empêchement à votre réforme, c'est de vous imaginer que le mal et le défaut soit petit et léger, ne pouvant [71] guère me [persuader que si vous le jugiez grand vous voulussiez y persévérer et le permettre.

  A021000720 

 Je tiens votre Maison pour une maison d'Abraham, de ce grand Père qui est dans les Cieux; il [72] y a une Sara et une Agar, la partie supérieure et l'inférieure.

  A021000720 

 La supérieure engendre le bon Isaac, qui est le vœu volontaire et libre que vous avez fait, comme un sacrifice de vous-mêmes, sur la montagne de la vie religieuse.

  A021000721 

 Considérez néanmoins soigneusement ce qui se passe en votre Maison, et vous ne trouverez pas le mal aussi petit que vous le pensez. Appelez-vous petit un mal qui gâte une partie noble de votre corps, savoir la sainte pauvreté? On peut être Religieux sans chanter au chœur, sans porter tel ou tel habit, sans s'abstenir de tel ou tel aliment; mais sans la pauvreté, nul ne peut être Religieux.

  A021000721 

 Le vermisseau qui endommagea le lierre de Jonas paraissait petit, et cependant, grande était sa malice.

  A021000721 

 Pour moi, je ne sais aucun ennemi, tant petit soit-il, qui doive être nourri, caressé, et qu'un homme de bon sens ne juge être encore bien grand..

  A021000722 

 Or, qui ne voit que, pour petit que soit le péché, il croît aisément quand on veut le maintenir? Pour moi je vous exhorte à le juger bien grand, puisqu'il vous prive d'un grand bien, et à le croire une très grande imperfection, puisqu'il vous empêche d'atteindre à une plus haute perfection.

  A021000761 

 Et parce quil a besoin de vostre faveur pour obtenir ce bien pour sa seur et quil a desiré ma recommandation aupres de vous, estimant qu'elle vous sera aggreable et utile a son dessein, je me suis treuvé redevable, et pour la qualité de la chose qui est bonn' en soy, et pour plusieurs autres devoirs, de vous en supplier comme je fay par ces quatre lignes, m'offrant [77] entierement a vostre service et vous demandant l'assistance de vos saintes oraisons..

  A021000810 

 Pour ce qui me regarde, je m'accommoderay a ce que vous treuveres raysonnable, et ne veux pas quil tienne a moy quil ne soit deschargé de la somme d'avoyne quil a perdue par le feu.

  A021000835 

 Le sieur chanoyne Gottri desirant de vous une ratification sur un contract quil a fait, m'a prié de m'employer aupres de vous pour la luy faire obtenir; et par ce quil m'a asseuré que son desir estoit juste, et quil est bien fort de mes amis, je vous supplie de l'en gratifier, en contemplation mesme de celuy qui, priant [82] Nostre Seigneur pour vostre bonheur, demeure toute sa vie,.

  A021000850 

 Et vous, ma chere Fille, n'estes vous pas toute pleyne d'esperance, mais d'un'esperance vive et qui dilate le cœur, le renforçant contre les difficultés du chemin? Si faut, ma Fille, il faut avoir un cœur grand, bien large et bien estendu, affin de recevoir la celeste rosee que le [83] petit Agnelet d'innocence secouera sur nos ames a cette Circoncision, et dont sa blanche layne, sa toyson et son humanité est toute detrempee; car bien que les goutes soyent encor toutes petites, si ne sont elles receües que par les cœurs fort ouvertz du costé du Ciel.

  A021000853 

 Et estant de retour, il m'arriva un vomissement si fort et qui me travailla si estrangement la poitrine, que je fus contraint de ne point lire ni escrire quelques jours durant, pendant lesquelz je perdis la commodité de ceux qui alloyent a Lion.

  A021000855 

 Je suis sans fin et sans reserve tres uniquement vostre en Celuy a qui je veux que nous soyons sans fin et sans mesure.

  A021000858 

 A Dieu, ma Fille, tout ce qui m'appartient est vostre, specialement ma mere.

  A021000858 

 J'ay receu le cantique, qui est bien beau, mais il est trop relevé pour le faire chanter au cathechisme.

  A021000889 

 Je vous prie de le garder de desirer cela de moy, car il y a je ne sçai quoy qui regarde mon repos [87] necessaire qui ne peut permettre que j'aille en personne..

  A021000904 

 Encor ne sçai je pas, ma tres chere Seur, ma Fille, si je vous escriray trop amplement, car monsieur vostre cher neveu m'avoit dit ce matin quil ne partiroit qu'apres demain, et voyla que son homme fait sa valise et dit que, despuis, il a resolu de partir demain mattin; qui m'a fait rompre le dessein d'aller visiter le bon M. Nouvelet, qui sort d'une grande maladie, pour venir vitement escrire le plus que je pourray..

  A021000905 

 Dieu donne a celuy ci beaucoup de grace d'avoir monsieur son grand pere qui veille sur luy; que longuement puisse-il jouir de ce bonheur!.

  A021000906 

 Or, attendre en attendant, c'est de ne s'inquieter point en attendant; car il y en a plusieurs qui en attendant n'attendent pas, mais se troublent et s'empressent..

  A021000907 

 Et tout plein de petites traverses et secrettes contradictions qui sont survenuës a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité que rien plus, et me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu, qui est, certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon cœur.

  A021000908 

 C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist et paroist sur un arbre et en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre.

  A021000908 

 Et puis que je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle: c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point; et vous remercie du zele que vous aves pour son bien, qui est indivis avec ce luy de la vostre, si vostre et mien se peut dire entre nous pour ce regard.

  A021000908 

 Je vous diray plus: c'est que je la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.

  A021000908 

 Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument dis-joint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux! et vous, ma Fille, que vous series contente! Mais je parle pour l'interieur et pour mon sentiment; car mon exterieur et, ce qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections contraires, et le bien que je veux je ne le fay pas; maisje sçai pourtant bien que, en verité et sans feintise, je le veux, et d'une volonté inviolable.

  A021000910 

 Si vous demeuries de dela, je serois bien ayse d'entreprendre le service que le P. Remond desire de moy pour Madame de Saint Jean; mais cela n'estant point, il me semble qu'un autre qu'ell'aura [92] moyen de voir plus souvent se rendra plus utile, mais sur tout Monsieur d'Aoustun; car, qui pourroit mieux mettre la main a ce bon œuvre? Et moy, cependant, je prieray Nostre Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles que vous m'en donnés, je commence a l'aymer tendrement, la pauvre femme.

  A021000911 

 Il seroit bien a souhaiter que nos bonnes filles de Sainte Catherine se servissent de cett' occasion pour venir en la ville et faire un' entiere reformation, car vrayement il y en a nombre qui seroyent extremement propres a suivre un'absolue perfection; mais il faut que ce soit de leur propre mouvement et de leur Abbesse.

  A021000911 

 Je vous escrivis la derniere fois asses longuement, et vous disois l'estat des affaires de nostre nouveau Monastere, qui estoit que l'esperance que nous avions de treuver des justes moyens pour l'eriger, nous estoit demeuree partagee par la moytié, et que neanmoins nous perseverions, sur la resolution que celles qui contribuent font de se retirer la, et au moins, si elles ne peuvent faire selon leur project premier, s'addonner entr'elles au service de Dieu et des pauvres malades; mais cela vient de leur esprit, et le tout, disent elles, attendant que Dieu dispose autrement: si que vous ne seres pas seule a ce conte lâ.

  A021000912 

 Il y a long tems que je n'ay pas parlé a la chere seur, mais je sçai bien pourtant qu'elle se fait tous-jours meilleure, car je connois les gens a les voir; j'entens ceux qui me sont si proches selon l'esprit.

  A021000919 

 Un [96] petit enfant qui est sur le sein de sa mere dormante, est vrayement en sa bonne et desirable place, bien qu'elle ne luy dit mot, ni luy a elle..

  A021000921 

 Or voyla vostre Baron qui me presse.

  A021000952 

 On ne saurait dire ce qui l'emporte dans cette Eglise de Genève, ou de la pauvreté ou du mérite de ses Chanoines.

  A021000953 

 Aussi, voyant qu'une occasion s'offre à eux d'être aidés quelque peu par l'union du prieuré de Saint-Paul et de l'église paroissiale d'Arthaz, ils recourent à la providence et clémence de notre Saint-Père, afin qu'il daigne leur accorder cette faveur complètement, d'autant que [99] la même pauvreté qui les presse ne leur permet pas de l'obtenir par de l'argent..

  A021000953 

 Quant à la pauvreté, elle est telle, qu'entre les distributions et les prébendes, ils n'ont pas de quoi vivre convenablement trois mois de l'année; car les Genevois les ont d'abord dépouillés de la plus grande partie de leurs biens, et ensuite, les guerres qui se sont succédé ont presque épuisé le reste.

  A021000963 

 Je me suis consolé a prescher de la crainte de Dieu a mon cher peuple, et je me consoleray a prescher de son amour a ma chaste troupe de colombelles, entre lesquelles je vous regarde comme la toute mienne en Celuy a qui nostre cœur est donné.

  A021000972 

 J'ay escrit tout a la haste deux lettres, dont l'une est addressee, selon vostre desir, au sieur advocat qui me conseille a Dijon, l'autre est de telle sorte que vous y pouves mettre l'inscription pour l'un de messieurs les presidens, selon que vos affaires le requerront; mais l'un' et l'autre escrittes de fort bonne encre, comme je suis obligé de faire pour vous, que je cheris et honnore de tout mon cœur en Nostre Seigneur.

  A021000974 

 Tout ce qui vous honnore de deça se porte bien, notamment la chere seur de Sainte Catherine, laquelle je n'ay pas veu il y a fort long tems, mais delaquelle j'ay souvent des nouvelles et que je verray dans trois jours.

  A021000975 

 Sur tout, n'oublies pas les affaires interieures pour les exterieures, mais donné tous-jours des parties plus prætieuses de vos jours et de vostre tems a Celuy qui vous veut donner son eternité..

  A021001002 

 Il faut bien vouloir servir ce cher cœur [105] dans ses maladies, ouy mesme il faut le caresser quelquefois, et lier nos passions et nos inclinations avec des chaisnes d'or, qui sont les chaisnes de l'amour, affin de les ranger en toutes choses selon le bon playsir de Dieu..

  A021001011 

 Je loue Dieu de l'un et de l'autre, puisque sans doute c'est sa mesme main paternelle qui nous abbat pour nous faire rentrer en nous mesme, et nous releve pour nous faire [entrer en luy] regarder a luy.

  A021001031 

 Je vous diray donq, Monsieur, si vous me le permettes, ce qui me sembleroit a propos maintenant: c'est qu'il vous pleust, par cette occasion, faire bien valoir l'innocence du cousin, laquelle on tasche, sans rayson ni propos, de rendre suspecte par tant d'inventions et d'exagerations; car ces petitz mensonges sont bons pour donner connoissance des plus grans.

  A021001044 

 Hélas! ma très chère Mère, que je suis plein de confusion lorsque je me ressouviens des ardeurs avec lesquelles en ce saint jour je sacrifiai en esprit toute ma vie à la gloire de Notre-Seigneur et au salut de ce peuple, il y a onze ans, et quand je considère combien peu j'ai correspondu à ces résolutions! J'y réfléchis cependant sans perdre courage; au contraire, j'en ai beaucoup, et d'autant plus que Notre-Seigneur m'a donné une aide qui non seulement m'est semblable, mais qui est une même chose avec moi, de telle sorte qu'elle et moi ne sommes qu'un en un seul esprit.

  A021001057 

 Je feray volontier ce que vous dites, ma tres chere Mere; j'[envoierai] advertir M. de Lovagni qui est [110] aux chams.

  A021001070 

 Et maintenant, Monsieur, je viens trop tard pour contribuer de la consolation a vostre cœur, lequel aura, je m'asseure, des-ja receu beaucoup de soulagement, pour ne plus demeurer au regret qu'une si sensible affliction luy avoit donné; car vous aures bien sceu considerer que ce cher enfant estoit a Dieu plus qu'a vous, qui ne l'avies qu'en prest de cette souveraine liberalité.

  A021001070 

 Nostre siecle n'est pas si aggreable, que ceux qui en eschappent doivent estre beaucoup lamentés; ce filz, pour luy, a, ce me semble, beaucoup gaigné d'en sortir avant presque d'y estre bonnement arrivé..

  A021001071 

 Nous nous en allons, et sommes plus asseurés de la presence de nos chers amis qui sont la haut, que de ceux qui sont icy bas: car ceux la nous attendent, et nous allons vers eux; ceux cy nous laissent aller et retarderont le plus qu'ilz pourront apres nous, et s'ilz vont comme nous, c'est contre leur gré.

  A021001087 

 Plusieurs voudroit (sic) bien deviner le sujet du voyage dudit sieur de la Bretonniere; mays moy, qui n'ay ni le benefice de la prophetie, ni le malefice de la curiosité, je le laisse aller et luy souhaite bon voyage et bonheur.

  A021001105 

 Dieu, par apres, la consideration duquel a donné naissance a cette si grande liayson, la benira de sa sainte grace, affin qu'elle soit fertile en toute consolation pour l'un et l'autre des cœurs qui, ensemblement, l'un par l'autre et l'un en l'autre, ne respirent emmi cette vie mortelle que d'aymer et benir l'eternité de l'immortelle en laquelle vit et regne la vie hors de laquelle tout est mort.

  A021001105 

 Il est vray, Monsieur, je veux des-ormais cherir Vostre Grandeur si fortement, fidelement et respectueusement, que le meslange de la force, de la fidelité et du respect fasse le plus absolu amour et honneur qui vous puisse jamais estre rendu par homme quelcomque que vous ayes provoqué; en sorte que le tiltre de Pere dont il vous plaist me gratifier, ne soit ni trop haut, ni trop puissant, ni trop doux pour signifier la passion avec laquelle j'y correspondray.

  A021001113 

 Demeures donq ainsy, et ne permettes jamais a vostre ame qu'elle s'attriste ni vive en amertume d'esprit ou en scrupule, puisque Celuy qui l'a aymee et qui est mort pour la faire vivre, est si bon, si doux, si amiable..

  A021001163 

 Je dois, par tous moyens, chercher à le faire pour ne pas offenser Dieu, car j'entends chaque jour des nouvelles qui m'affligent beaucoup; de sorte que, à cause du relâchement du Clergé, je vois que ma présence est nécessaire en l'évêché de Genève..

  A021001211 

 Dieu, a qui je suis, fasse de moy selon son bon playsir; peu m'importe ou j'acheveray ce chetif reste de mes jours mortelz, pourveu que ce soit dans sa grace.

  A021001211 

 Selon le sens, j'aymerois mieux le repos de deça, qui me seroit infiniment paysible apres l'issue de l'affaire qui se traitte de dela; mais je renonce aux sens, au sang et a la chair, et veux servir en esprit et en verité a Dieu et a son Eglise en toutes les occurrences.

  A021001221 

 Rien ne nuit a ceux qui sont tout a fait resoluz d'aymer Dieu sur toutes choses et en toutes choses.

  A021001235 

 Je voy que vostre cœur a tous-jours un grand desir de bien faire et une crainte de l'imprudence; mais ne le tourmentés point, je vous prie, ce cœur bien-aymé; redresses le doucement pour l'amour de Dieu a qui il est dedié, qui le benira et favorisera en tout ce qui sera pour sa gloire.

  A021001236 

 Gardes vous bien des attendrissemens et des larmes qui proviennent de l'amour et compassion que nous avons sur nous mesme..

  A021001248 

 Et puisque monsieur le Marquis de Lulin, qui l'a recueilly fort charitablement, le presentera a Vostre Altesse, je ne m'estendray pas davantage en cette supplication, sachant combien Vostre Altesse prend de playsir a bien faire..

  A021001248 

 Me resouvenant avec extreme consolation du grand zele que Vostre Altesse tesmoigna a la conversion des huguenotz a Thonon, il y a 25 ans, et sur tout du soin qu'elle prit pour le sieur Depréz, l'un des plus obstinés d'entre eux et qui, par son malheur, ne sceut pas faire son proffit de la debonaireté de son Prince souverain, [127] je prens une sainte confiance en la pieté de Vostre Altesse, Monseigneur, pour la supplier qu'en lieu du pere il luy playse recevoir le filz, qui, ayant tres bien estudié es loix et se treuvant fort estimé parmi les heretiques, apres avoir meurement examiné les raysons catholiques, avec un courage que Dieu seul peut donner, a la veüe de son pere et de tous ceux de ce malheureux parti, et, s'il se peut dire ainsy, les foulant saintement aux pieds, fit la profession publique de la foy catholique il y a justement un moys; et apres avoir soustenu une rude batterie de convices, injures, reproches et calomnies, qui sont les armes des hæretiques, en fin s'est retiré, comme au port, dans les Estatz de Vostre Altesse delaquelle il est nay sujet et vassal, dont il s'estime fort heureux.

  A021001262 

 Ah! quand serons nous entierement mirrhe par mortification, encens par orayson et or par charité? Quand traitterons nous des affaires de ce siecle avec les yeux fichés au Ciel? Quand affectionnerons nous un chacun au rang qui luy appartient, selon le desir de Nostre Seigneur? Quand ne chercherons-nous plus rien pour la consolation de nos cœurs? Quand ne chercherons nous plus que Celuy qui nous va par tout cherchant pour avoir nos coeurs et les remplir de benedictions? O qu'il est desirable que nous aymions Dieu solidement et constamment! ... [130].

  A021001270 

 J'ay fait des resolutions bien grandes de me reposer [130] entierement en Dieu, de suivre tranquillement sa providence et de ne tenir gueres de conte de cette prudence naturelle, specialement es choses qui dependent de la celeste grace, comme les vocations de nos Seurs, l'erection des Maysons et la conduite d'icelles..

  A021001271 

 Soyes toute courageuse, ma chere Fille; Dieu est nostre Tout, et il tient le cordeau de nostre conduite dans les labyrinthes et embarras que la sagesse humaine fait en cette vie mortelle; tout reuscit a bien a ceux qui l'ayment ....

  A021001285 

 Il en est comme des vendangeurs et des moissonneurs, qui ne sont jamais si contens et joyeux que quand ils plient souz leur faix: qui les a jamais oui plaindre de l'exces de la moisson ou de la vendange?.

  A021001285 

 Quel honneur pour vous, quel bonheur, que Dieu s'en daigne servir pour deslier tant de pauvres ames, ou les retirer de la mort du peché, qui est la region de l'ombre de mort, pour les ramener au jour et à la vie de la grace! Ce fardeau est semblable a celuy du cinnamome, qui fortifie et recree par son odeur celuy qui en est chargé.

  A021001286 

 Je vous avouë donc, que, comme l'on appelle martyrs ceux qui confessent Dieu devant les hommes, c'est a dire qui rendent tesmoignage par leurs souffrances à la verité de la foy, il n'y auroit pas grand danger quand on appelleroit ceux la encore martyrs, en quelque maniere, qui confessent les hommes devant [133] Dieu, voire quand on les nommeroit confesseurs et martyrs tout ensemble..

  A021001294 

 Tout homme qui veut enseigner aux autres les voyes de justice, se doit resoudre à souffrir leurs inegalitez et injustices, et à recevoir leurs ingratitudes pour son salaire.

  A021001303 

 Vrayement, vous avez bonne grace de me consulter sur ce que des soldats mangeront en Caresme, comme si la loy de la guerre et celle de la necessité n'estoient pas les deux plus violentes de toutes les loix et par delà toute exception! N'est-ce pas encore beaucoup que ces bonnes [135] gens se sousmettent à l'Eglise et luy deferent à respect, de demander son congé et sa benediction? Certes, ils font mentir celuy qui a chanté que.

  A021001304 

 « Nulla fides pietasque viris qui castra sequuntur.

  A021001310 

 Ma Fille, ne quittes point de veuë la sacree Vierge, vostre sainte Dame; ayes-la tous-jours presente, non par imagination qui tyrannise votre teste, mais par affection qui dilate vostre cœur, et par memoyre qui occupe saintement vostre ame....

  A021001352 

 si suis je bien de la chere petite Catine, qui est bien joyeuse, ce me semble, d'estre aupres de monsieur son grand ....

  A021001372 

 En son absence, a madame de Chantal, qui ouvrira le pacquet et la lettre du S r de Boysi, pour faire selon icelle au plus tost..

  A021001384 

 Soit remise a monsieur Jaquet, maistre des Postes, qui, pour la consolation de monsieur de Montelon, en aura soin, sil luy plait..

  A021001395 

 Ne vous estonnes de rien qui puisse arriver; recommandant tout [140] a la misericorde de Dieu, suives tous-jours ce chemin, car il n'y en a point d'autre..

  A021001407 

 Lises peu a la fois, mais avec attention et devotion, et si vous rencontres quelque chose qui vous console, esleves vostre esprit, benisses Dieu qui l'a inspiré a l'escrivain.

  A021001422 

 Mais cette mesme volonté de Dieu qui nous envoye les maladies spirituelles ou corporelles veut que nous nous servions des remedes qu'elle donne, et que nous tenions nostre volonté preste pour recevoir ou la [143] guerison ou la continuation du mal, comme bon luy semblera.

  A021001422 

 Tout ce qui nous arrive nous vient indubitablement de la volonté de Dieu, hormis le peché.

  A021001435 

 Ainsy saint Gregoire Nazianzene et saint Basile s'entr'aymoyent de cet amour qui, comme un fleuve abondant en eau claire, va doucement la prestant a la campaigne pour toutes sortes de commodités, sans bruit, sans ravages, sans flotz; car il coule et ne flotte point, il arrouse et ne ravage point, il gazouille et ne bruit point.

  A021001435 

 De mesme, l'amour parfait du prochain qui est selon Dieu, se communique en diverses manieres: il l'ayde par paroles, par œuvres et par exemple; le prouvoit de toutes ses necessités entant qu'il luy est possible; il se res-jouit de son bonheur et felicité temporelle, mais beaucoup plus de son avancement spirituel; luy procure les biens temporelz entant qu'ilz luy peuvent servir pour obtenir la beatitude eternelle; luy desire les principaux biens de la grace, les vertus qui le peuvent, selon Dieu, perfectionner; les luy procure par toutes les voyes licites avec grande affection, mais avec quietude d'esprit, sans aucune alteration; avec une pure charité, sans aucune passion de tristesse ou indignation pour les evenemens contraires..

  A021001447 

 Consideres tout ce qui vous est arrivé de fascheux jusques a present, et comme tout cela est esvanouy et dissipé, car il sera de mesme en ce qui vous arrivera des-ormais: si qu'il faut avoir une douce patience en tous evenemens..

  A021001447 

 Pour ne vous point troubler de ce qui arrive en cette vie temporelle, penses souvent a sa briefveté et a l'eternité de la future; penses aussi a la Providence de Dieu, laquelle, par des ressortz inconneus aux hommes, conduit toutes sortes d'evenemens au prouffit de ceux qui le craignent.

  A021001458 

 Ma chere Fille, non certes, je ne doute ni peu ni prou de vostre confiance; aussi vous dis-je que je veux vous employer comme chose qui m'est entierement remise, pour estre maniee selon mon gré au service de Dieu..

  A021001459 

 Le remede a toute tentation, secheresse, contradiction, bref a toutes choses generalement, sont les actes d'amour, lesquelz se feront vivement et promptement, retournant simplement son cœur a Nostre Seigneur avec des paroles pleines de confiance et d'amour, sans regarder ni disputer contre la tentation ou la chose qui fasche, mais comme feignant de ne la point voir, sans neanmoins tant multiplier les paroles d'amour.

  A021001466 

 Celuy, a la verité, est tres bon et fidele serviteur qui ne regarde d'avoir response conforme a sa volonté, mais veut seulement ce qu'il oyt et entend estre a Dieu aggreable par la response qu'il luy plaist de faire, conformant sa volonté a celle de la divine Majesté..

  A021001466 

 Saint Augustin dit qu'il rapportoit « a Dieu ce qu'il pouvoit voir et penser, bien que ce fust chose de petite [147] consequence et de neant; toutefois, il luy en demandoit conseil du mieux qu'il luy estoit possible, comme a la Verité qui preside.

  A021001468 

 Les considérations que je desire en vostre obeissance, elles sont toutes en une: car je ne desire que la simplicité, laquelle fait acquiescer doucement le cœur aux commandemens et fait qu'on s'estime bien heureux d'obeir, mesme aux choses qui repugnent, et plus en celles-la qu'en nulle autre..

  A021001469 

 Faites ce que celuy qui vous a en charge dit, pourveu que vous n'y reconnoissies point de peché; et par consequent, veuilles ce que veut vostre superieur, et vous voudres ce que Dieu veut: et vous voyla vrayement obeissante et contente..

  A021001482 

 Deux ou troys fois la semaine, mortifies vous au manger, laissant ce qui viendra le plus a vostre goust et mangeant ce qui y sera le moins.

  A021001498 

 Les meilleures croix sont les plus pesantes, et les plus pesantes sont celles qui nous sont plus a contrecœur selon la portion inferieure du cœur.

  A021001499 

 Humilies vous donq, et receves joyeusement celles qui vous sont imposees sans vostre gré.

  A021001499 

 La longueur de la croix luy donne son prix, car il n'y a peyne dure que celle qui dure.

  A021001507 

 Ne vous attribues point les louanges des bonnes œuvres et actions, mais portés tout aux pieds de Jesus Christ qui en est l'autheur; autrement vous luy desroberies sa gloire.

  A021001507 

 Tenes comme un prouffit pour vostre ame les outrages et injures qui vous seront faitz, et vous en res-jouisses.

  A021001508 

 « L'on parvient a l'humilité par l'humiliation et le contemnement de soy mesme, » dit saint Bernard; « et il m'est expedient que mon » impuissance et « insipience soit conneuë et, quant et quant, confondue et blasmee de ceux qui la connoistront, car souvent il m'est advenu d'estre injustement loué de ceux qui ne me connoissoyent.

  A021001508 

 » Celuy qui desire beaucoup de graces doit sentir humblement de soy et ne se pas eslever..

  A021001513 

 Nous ne sommes point esloignés de Dieu par cette indisposition, ains nous nous en approchons, d'autant que l'amour nous sanctifie dans ces estatz qui semblent si bas..

  A021001521 

 Il a bien esté tout nostre: son cors en croix, son cœur en angoisse, son ame en tristesse, et tout ce qui estoit en [152] luy; il se contenta de tout souffrir pour adherer a son espouse.

  A021001521 

 Jesus Christ est sur la croix: qui le veut bayser, il faut gravir sur la croix et se piquer aux espines de sa couronne..

  A021001538 

 Quittes, renonces aussi ce qui vous pourroit apporter quelque gloire, selon les occasions petites ou grandes..

  A021001546 

 Celuy qui veut estre entierement a Nostre Seigneur doit souvent examiner son cœur pour voir s'il est point attaché a quelque chose de la terre; et s'il treuve qu'il n'y a rien que ce soit qu'il ne voulust quitter pour faire la volonté de Dieu, c'est une grande fidelité, avec laquelle il doit demeurer en repos, et doit prendre tout ce qui luy arrive comme de la main de Dieu, simplement..

  A021001549 

 Il se faut attacher a la fin, qui est Dieu, et a sa volonté, et non pas aux moyens; il s'y faut bien affectionner, mais non pas en sorte que si Dieu les oste il s'en faille troubler.

  A021001559 

 Saint Bernard dit que c'est la parole de la fervente indifference, qui n'a rien a faire que ce que Dieu veut et se sousmet a tout ce qu'il luy plaist.

  A021001567 

 Mays quant aux vertus essentielles, qui en a une en perfection il les a toutes en quelque degré; et cela se fait parce que la vertu n'est autre chose qu'une certaine moderation faite en la rayson, et non en la chose.

  A021001588 

 Et tous les chrestiens le doivent, car personne n'entrera au Royaume celeste qui n'ayt cette resolution..

  A021001588 

 Les spirituelz sont ceux qui sont resolus de plustost mourir, voire de souffrir tous les travaux du monde, que d'offenser Dieu.

  A021001589 

 Portes doucement et tranquillement la croix que Nostre Seigneur luy mesme vous a imposee, ainsy qu'il est dit de ce divin Sauveur, comme un aigneau qui n'ouvre point sa bouche..

  A021001597 

 Aymes bien et entretenes bien le repos de l'esprit et du cors, comme une sainte statue dedans la niche ou son maistre l'a mise, comme un petit oyseau dans son nid, qui n'a ni forces ni jambes pour aller, ni plumes pour voler; car vostre lict est un nid auquel Nostre Seigneur regardera vostre confiance.

  A021001601 

 Que puissies-vous souffrir si amoureusement vos petites douleurs, que la douleur soit toute d'amour de la Croix de Celuy qui, par amour, eut tant de douleurs et par tant de douleurs tesmoigna tant d'amour.

  A021001611 

 Nous n'avons rien que nous voulions reserver ni excepter en nos affections qui ne soit tout a Dieu.

  A021001614 

 O Dieu, qui estes la seule affection de toutes nos affections, tenes, voyla nostre unique cœur que nous vous donnons.

  A021001623 

 Es affaires qui arrivent qui affligent le cœur, il faut discerner celles ou il y a du remede, et tascher de s'y comporter doucement, paysiblement; celles ou il n'y en a point, il les faut supporter comme une mortification que Nostre Seigneur vous envoye pour vous exercer et rendre toute sienne, et tous-jours tenir vostre cœur en paix et douceur..

  A021001648 

 Quand nous sommes travaillés de tentations ou de choses penibles, quelles qu'elles puissent estre, il faut premierement regarder la Providence divine par l'ordre de laquelle nous sommes en ces combatz; et, soit qu'ilz nous soyent envoyés pour nostre chastiment, soit qu'ilz nous soyent envoyés pour nostre exercice (ce qu'il ne faut jamais s'amuser a discerner), il faut aymer cette divine Providence, qui est tous-jours tres juste et tres sainte, nous complaysant en son bon playsir et nous conformant a tout ce que sa sagesse fait ou permet, pour penible qu'il soit..

  A021001655 

 Oh! demeurés pleine d'humilité, de simplicité, de courage et de joye cordiale devant Dieu, qui est le tres unique object de nostre amour et de nostre ame.

  A021001668 

 Certes, toutes choses flestrissent, ce me semble, devant nos yeux, et n'y a rien en terre qui nous puisse justement attirer que cet amour, unique et eternelle occupation de nostre cœur..

  A021001679 

 C'est une partie de la charge de la Superieure de voir avec repos les fautes de sa Mayson et de souffrir doucement les choses qui y arrivent..

  A021001681 

 Demeurés la et n'en sortes donq jamais, sinon pour voir et faire ce qu'il commande pour son service; puis, retirés vous incontinent en luy, en cette simplicité qui comprend tout.

  A021001698 

 Laysses-le faire ce qui luy plaira, usant d'un simple et doux acquiescement ou acceptation de sa sainte volonté; sur tout aux choses ou il n'est requis de mettre de l'ordre, ne les regardes jamais et ne permettes a vostre esprit d'en faire aucun discours.

  A021001706 

 Ah, vive Dieu! tout ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien; mon Dieu m'est tout en toutes choses..

  A021001707 

 Il se faut contenter de sçavoir que l'on fait bien, par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni les connoissances particulieres, mais marcher comme aveugle dans cette Providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres et toute autre sorte de croix, s'il plaist a Nostre Seigneur que nous le servions ainsy; demeurant parfaitement abandonnee a sa conduite, sans aucune exception ni reserve quelconque, toute, toute, et le laisser faire; jettant sur sa Bonté tout le soin du cors et de l'ame, demeurant ainsy toute resignee, remise et reposee en Dieu sous ma conduite, sans soin que d'obeir.

  A021001715 

 En fin, il se faut tenir en l'estat ou Dieu nous met: en la souffrance, souffrir; en la peyne, patienter; et voyla la vertu en laquelle il faut demeurer tranquille, sans reflexions d'esprit pour regarder ce que souffre l'ame, ce qui luy donne peyne, ce qu'elle fait, ce qu'elle a fait, ou qu'elle fera.

  A021001716 

 Laysses tout ce qui vous regarde generalement a la Providence de Dieu: qu'elle gouverne et dispose du cors, de l'esprit, de la vie, de l'ame et de tout selon sa tres [171] sainte volonté, sans penser, vouloir, discerner ou craindre chose quelconque.

  A021001721 

 Puis, prenes les armes de l'orayson; quand ce ne seroit que de bouche, dites avec David: Seigneur, je suis resolue d'observer vos commandemens, quelque contraste ou tentation qui se puisse opposer; neanmoins, Seigneur, ne m'abandonnes pas du tout.

  A021001737 

 Jesus vous tienne saintement esclave de sa sainte Croix et desnuee de tout ce qui n'est pas luy mesme.

  A021001743 

 Je n'ayme pas les tendretés, ains cet amour royal, pareil a celuy des Bienheureux qui ayment tant et ne pleurent jamais.

  A021001760 

 Celuy qui est doux n'offence personne, supporte et endure volontier ceux qui luy font du mal, en fin souffre patiemment les coups et ne rend mal pour mal.

  A021001760 

 Celuy qui previendra son prochain es benedictions de douceur sera le plus parfait imitateur de Nostre Seigneur.

  A021001761 

 Traittes avec une extreme douceur et charité avec le prochain et les Seurs, sur tout envers celles qui, par l'imperfection de leur esprit, defaut de graces naturelles ou mauvais offices, vous occasionneront quelqu'aversion ou degoust..

  A021001762 

 En fin, il faut avoir la douceur jusques a l'extremité envers le prochain, jusques mesme a la niaiserie, et n'user jamais de revanche vers ceux qui font des mauvais offices.

  A021001763 

 Ne receves jamais aucun sentiment ni courroux de quelque chose que ce soit, ni sous quel pretexte et apparence de rayson que ce soit, car c'est tous-jours imperfection; il est mieux de faire toutes choses qui se peuvent, et recevoir tout avec tranquillité et repos: cela est de grande perfection et edification..

  A021001763 

 Quand l'on est contraint, pour quelque bien, deremonstrer le tort du prochain, il ne faut justement dire que ce qui est requis pour l'affaire presente, et taire le reste tant qu'il sera possible.

  A021001771 

 Encor qu'estant de la race de David et Salomon selon la chair, il est neanmoins extremement rejetté en la ville de David et gist en une souveraine pauvreté en la cresche, et sa Mere ne treuve pas seulement qui daigne le loger.

  A021001771 

 Ne vous disois-je pas, ma chere Fille, que ce seroit une belle chose d'estre pauvre pour l'amour de Nostre Seigneur, pourveu qu'on n'en receust aucune incommodité et qu'on eust a souhait tout ce qui seroit requis pour toutes nos affaires, et encor pour nous faire estimer et estre plus honnorés du monde? Certes, ma chere Fille, ce seroit une brave pauvreté, mais le mal seroit qu'on ne vous la laisseroit pas si elle estoit ainsy.

  A021001780 

 Helas! la beauté de l'esprit en ruyne souvent la bonté, tandis que ces papillons se mirent en le brillant de leurs folles et vaynes aisles et les veulent voir au feu qui les brusle.

  A021001781 

 Or sus, Dieu tire sa gloire de l'ignominie de ceux qui l'abandonnent.

  A021001790 

 Celuy qui ne veut rien retenir pour soy est tout a Dieu..

  A021001790 

 Il faut recevoir de toutes mains les advis que Dieu nous donne; faut seulement les faire examiner par celuy qui gouverne, et prattiquer fidellement ceux qui simplifient l'esprit.

  A021001802 

 Quand l'on se sent saysi de douleur pour la charge de quelque personne qui moleste grandement, il faut soudain offrir a Dieu cette croix et l'accepter de tout son cœur, se sousmettant a la porter toute sa vie, si ainsy luy plaist; puis, demeurer doucement contente dans sa souffrance et regarder cette personne avec honneur et respect, comme estant donnee de Dieu pour nous exercer en toutes vertus, considerant la grace de Dieu envers nous, qui nous fait tirer prouffit des fautes des autres.

  A021001811 

 O ma Mere, que c'est un grand contentement a nostre ame vrayement dediee a Dieu, de cheminer les yeux fermés, selon que la souveraine Providence la conduit de tems en tems; car ses raysons et jugemens sont impenetrables, mais tous-jours doux, tous-jours suaves, tous-jours utiles a ceux qui se confient en luy.

  A021001811 

 Que voulons nous, sinon ce que Dieu veut? Laissons luy conduire nostre ame, qui est sa barque, il la fera surgir a bon port.

  A021001826 

 Nostre Seigneur est si proche qu'il ne se faut soucier de rien; car j'espere en sa misericorde qu'il m'acheminera a ce qui luy sera plus aggreable, et fera sa volonté de moy..

  A021001836 

 Luy qui le sçait faire, le face donq en moy et par moy; mays qu'il face tout pour luy, a qui je n'ay treuvé que je puisse contribuer autre chose que ce petit filet de bonne volonté que je sens au fin fond de mon miserable cœur.

  A021001861 

 Oh! que bienheureux sont ceux qui ne mettent point leur courage en une vie si trompeuse et incertaine comme est celle-ci, et n'en font conte que comme d'une planche [184] pour passer a la vie celeste! C'est en cela qu'il nous faut loger nos esperances et pretentions..

  A021001865 

 Mourons a nous mesmes et a tout ce qui depend de nous mesmes.

  A021001872 

 La vraye sainteté gist en la dilection de Dieu, et non pas a faire des niaiseries d'imaginations de ravissemens qui nourrissent l'amour propre, dissipent l'obeissance et l'humilité.

  A021001872 

 Mais venons a l'exercice de la veritable douceur et sous-mission, au renoncement de soy mesme, a la souplesse de cœur, a l'amour de l'abjection, a la condescendance aux intentions d'autruy: c'est cela qui est la vraye et plus aymable extase des serviteurs de Dieu..

  A021001881 

 La vraye et sainte science, c'est de laisser faire et desfaire a Dieu, en soy et en toute chose, ce qui luy plaira, sans avoir d'autre vouloir ni eslection, reverant d'un profond silence ce que l'entendement de la foiblesse humaine ne peut comprendre, car ses desseins peuvent estre cachés, mais tous-jours justes.

  A021001888 

 Et il nous faut ainsy traitter nous mesme, de sorte qu'ayant reparé l'offense de Dieu, de laquelle il nous faut estre bien marris, il faut aymer et embrasser de bon cœur le mespris et l'abjection qui nous en revient..

  A021001888 

 Il faut, avec Nostre Seigneur, detester et haïr [186] le peché et estre marri des imperfections et defautz du prochain, mais il faut avoir compassion du pecheur et de l'imparfait, et le supporter et endurer, a l'imitation du Sauveur qui le souffre bien.

  A021001893 

 Mays, o Seigneur, devons-nous dire, n'ayes point d'esgard aux inclinations et rebellions de cette partie inferieure, et ne laysses pas, de grace, d'exercer vostre volonté sur moy qui suis trop heureuse dequoy vous me visites et me despouilles de moy mesme pour me revestir de vous mesme.

  A021001898 

 Ce grand Saint, apres tant de ravissemens, ne laissoit souventesfois d'experimenter la misere de nostre nature, quand il s'escrioit: O moy miserable, qui me delivrera du cors de cette mort? En fin, il ne se faut point estonner ni rendre lasche pour nos infirmités et instabilités; mais, en s'humiliant doucement et tranquillement, il faut remonter son cœur en Dieu et poursuivre sa sainte entreprise, se confiant et appuyant en Nostre Seigneur, car il veut fournir tout ce qui est necessaire pour l'execution, ne nous demandant rien que nostre consentement et fidelité..

  A021001900 

 Nous devons aymer et affectionner le prochain, et chacun en son rang, selon le desir de Nostre Seigneur, faysant tout ce qui nous est possible pour les contenter et leur prouffiter, car c'est le desir de Dieu.

  A021001900 

 Que vous doit il importer si on vous ayme ou non? Que [188] si vous rencontres des occasions qui vous font sembler qu'on ne vous ayme pas, il faut passer outre en vostre chemin, sans vous amuser a les considerer.

  A021001945 

 Ce que je vous dis par expérience; car m'étant trouvé avec monsieur de Bérulle seul, il a proposé beaucoup de petites choses qui seront négligées par notre ami parce qu'ils (sic) regardent son honneur particulier; mais il y en a d'autres très importantes où il faut son jugement et qui ne se peuvent écrire: c'est pourquoi je conclus que, sans sa personne, rien ne se fera.

  A021001945 

 De sorte que la considération grande en laquelle il est tenu, pour sa qualité et pour son mérite particulier, retient chacun, ne pouvant personne se résoudre sans lui, tant aux choses qui sont de son particulier, qu'en l'honneur et révérence que chacun lui veut porter, qu'aux choses générales qui regardent l'établissement de la chose.

  A021001945 

 La révérence en laquelle notre cher et précieux ami est tenu par deça sera cause que l'on ne pourra rien résoudre de ce qui lui a été ci-devant écrit, parce qu'en toutes affaires, comme vous savez, il y a des circonstances et petites difficultés par dessus lesquelles il convient passer, et principalement en l'établissement que l'on desire faire, pour être nouveau.

  A021001966 

 Certes je me taste partout, pour voir, si la vieillesse me porte point à l'humeur avare; et je treuve au contraire, qu'elle m'affranchit de soucy, et me fait negliger de tout mon cœur et de toute mon ame toute chicheté, prevoyance mondaine, et desfiance d'avoir besoing; et plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable, et les prétentions des mondains vaines; et ce qui est encor pis, plus injustes.

  A021001966 

 Je suis sans fin vostre en celuy, qui sera par sa misericorde, s'il luy plaist, sans fin tout nostre..


22-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXII-Vol.1-Opuscules.html
  A022000037 

 — Dans la crainte de se tromper, le jeune homme s'en remet à l'Esprit-Saint qui gouverne l'Eglise.

  A022000038 

 — Autre argument qui la corrobore.

  A022000038 

 — Preuves qui la confirment: Dieu qui ordonne la fin, ordonne aussi les moyens; il ne réprouve que par justice et en prévision du péché; textes de l'Ecriture à l'appui de cette doctrine.

  A022000078 

 — Somme qui leur est due, et comment elle pourrait leur être payée. 75.

  A022000080 

 V. Avertissement aux hérétiques qui désirent rentrer dans le sein de l'eglise.

  A022000080 

 — Ce qui en arrête beaucoup d'autres dans leur désir de conversion.

  A022000082 

 Mesures à prendre à l'égard des habitants du Chablais et de Ternier qui ne professent pas la vraie foi.

  A022000082 

 — Confirmation de l'Edit qui exclut des charges publiques les «reformés».

  A022000098 

 — Usurpation par ceux-ci des revenus ecclésiastiques; quels sont ceux qui peuvent être restitués à leurs propriétaires légitimes. 113.

  A022000099 

 — On espère du Roi de plus grandes faveurs pour les prêtres qui seront installés dans le pays de Gex.

  A022000105 

 — Renvoyé au Roi pour ce qui regarde les biens de l'évêché et du Chapitre, injustement usurpés par Genève, saint François de Sales expose ses raisons et demande qu'ils soient rendus à leurs propriétaires légitimes. 120.

  A022000163 

 Verum, quamvis ita procedendum sit et Logicae naturam ac proprietates inquirere non ad Logicam sed ad metaphisicam spectet, tamen, quia imperfecta posset merito censeri illius artificis cognitio qui quid sit id quod tractat ignoraret, et manca ejus hominis doctrina qui postea quam totam aliquam disciplinam sit edoctus quid fiat adhuc nesciat, ideo prima disputatio de Logica est habenda in qua ipsa aliarum scientiarum viribus adjuta, quod ad sui perfectam cognitionem attinet manifestet.

  A022000179 

 Quod optime significavit S. Aug., I. Confess., c. I: FECISTIS NOS, inquit, DOMINE, AD TE, ET INQUIETUM EST COR NOSTRUM DONEC REVERTATUR AD TE. Videatur D. Th., tertio Contra Gentes, c. 17. et 25, qui idem docet quod tradidimus..

  A022000186 

 Nam jam ostendimus debere consistere praesentem beatitudinem in aliquo actu circa Deum, qui tantum poterit esse voluntatis vel intellectus.

  A022000186 

 Quibus positis, respondeo ad quaestionem: beatitudinem hominis in puris naturalibus existentis et in praesenti vita necessario requirere veram Dei cognitionem, amorem et delectationem naturalem; essentialiter tamen solum consistere in actu cognitionis qui habeat suo modo rationem comprehensionis et consecutionis, seu tentionis, ut theologi loquuntur.

  A022000186 

 Unde Canus, 9° de locis, c. 9, qui oppositum sentit fatetur se asserere contra Aristotelem; licet Scotus, d. 43.

  A022000195 

 Et considereray de pres mon imbecillité et neantise, laquelle j'ay experimenté tant de foys que je n'ay poinct besoin d'autres preuves; et partant je confirmeray souventesfoys mon cœur de ceste sainte viande, selon ce qui est escrit: Panis cor hominis confirmans; Psal. 103..

  A022000196 

 Que si je ne peux plus souvent, au moins tous les moys je ne failliray poinct, estimant que les douze signes du zodiaque ne m'advisent et signifient autre sinon de me preparer, a fin qu'une foys je puysse arriver la haut, sur cest arc du pont celeste sous lequel le fleuve des mutations de ce monde passe, qui s'appelle vanité.

  A022000197 

 Je n'estimeray pas legitime empeschement de ceste sainte devotion toute sorte d'incommodité, mays seulement celle qui sera telle qu'avec icelle on ne puysse communier; sçachant que ce n'est pas grand service celuy que l'on faict seulement quand on en a commodité, par maniere d'inadvertance et occurrence..

  A022000198 

 Que si je ne puys, par quelque legitime empeschement, aller a la table de Nostre Seigneur et me refectionner de ceste sainte viande quand sera le tems ordinaire, je feray quelque extraordinaire bonne œuvre en contreschange: comme sera quelque effort de prieres, de misericorde tant spirituelle que corporelle, d'austerité, d'humilité et abjection, et autres semblables; imitant en cecy ceux lesquelz en hyver n'ont pas du feu pour se garder du froid, qui s'advisent de fayre d'autant plus d'exercices et mouvemens: ainsy, ne pouvant m'approcher du Saint Sacrement, qui est le feu que Nostre [12] Seigneur vint mettre au monde, je feray d'autant plus d'exercice et mouvement en la vertu, a fin que le froid et vent de bize a quo omne malum panditur, qui est le peché, ne me gele interieurement; et particulierement je feray a la façon des François, qui passent la faim en chantant, car je passeray la faute de ce Pain celeste faysant d'autant plus de prieres..

  A022000206 

 Exurgat Deus, et dissipentur inimici ejus; et [14] fugiant qui oderunt eum a facie ejus.

  A022000211 

 Clamabo ad [15] Deum altissimum, Deum qui benefecit mihi.

  A022000212 

 Eripe me de luto ut non infigar; libera me ab iis qui oderunt me, et de profundis aquarum.

  A022000214 

 Confundantur et revereantur qui qucerunt animam meam.

  A022000224 

 Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dissipés; et que ceux qui le [14] haïssent fuient devant sa face.

  A022000225 

 Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont assailli très violemment.

  A022000229 

 Il enverra du ciel et il me délivrera; il donnera en opprobre ceux qui me foulaient aux pieds.

  A022000229 

 Je crierai au Dieu très-haut, au Dieu qui m'a fait [15] du bien.

  A022000230 

 Retirez-moi de la fange afin que je n'y demeure pas enfoncé; délivrez-moi de ceux qui me haïssent, et du fond des eaux.

  A022000232 

 C'est vous qui êtes mon aide et mon libérateur; Seigneur, ne tardez pas..

  A022000232 

 Qu'ils soient confondus et qu'ils soient couverts de honte, ceux qui cherchent mon âme.

  A022000233 

 Ne livrez pas aux bêtes féroces mon âme qui vous loue; et l'âme de votre pauvre serviteur, ne l'oubliez pas à jamais.

  A022000234 

 En Dieu nous ferons preuve de valeur, et lui-même réduira au néant ceux qui nous tourmentent..

  A022000241 

 Moy, miserable, helas! seray je donques privé de la grace de Celuy qui m'a faict gouster si souefvement ses douceurs, et qui s'est monstré à moy si aymable? O Amour! o Charité! o Beauté a laquelle j'ay voué toutes mes affections, hé, je ne jouyray donques plus de vos delices, et je ne seray plus enyvré de l'abondance de vostre mayson, et vous ne m'abbreuveres plus du torrent de vostre volupté? O les bienaymés tabernacles du Dieu des vertus, hé donques, je ne passeray jamais au lieu de ce tabernacle admirable, jusques en la mayson de Dieu?.

  A022000248 

 Quidquid sit, o Domine, in cujus manu cuncta sunt posita et cujus omnes viæ justitia et veritas; quidquid de illo æterno prædestinationis ac reprobationis arcana cujus judicia abyssus multa circa me statutum a te fuerit, qui semper es justus Judex et misericors Pater, diligam te, Domine, saltem in hac vita, si diligere non dabitur in aeterna; et saltem, te hic amabo, o Deus meus, et in [19] misericordia tua semper sperabo, et semper adjiciam super omnem laudem tuam, quidquid in oppositum angelus Satanæ suggerere non desinat.

  A022000248 

 Si meis exigentibus meritis maledictus de maledictorum numero sum futurus qui faciem tuam suavissimam non videbunt, da mihi saltem ut ex numero eorum non sim qui maledicent nomini sancto tuo..

  A022000254 

 Quoi qu'il arrive, Seigneur, vous qui tenez tout dans votre main, et dont toutes les voies sont justice et vérité; quoi que vous ayez arrêté à mon égard au sujet de cet éternel secret de prédestination et de réprobation; vous dont les jugements sont un profond abîme, vous qui êtes toujours juste Juge et Père miséricordieux, je vous aimerai, Seigneur, au moins en cette vie, s'il ne m'est pas [19] donné de vous aimer dans la vie éternelle; au moins je vous aimerai ici, ô mon Dieu, et j' espérerai toujours en votre miséricorde, et toujours je répéterai toute votre louange, malgré tout ce que l' ange de Satan ne cesse de m'inspirer là-contre.

  A022000254 

 Si, parce que je le mérite nécessairement, je dois être maudit parmi les maudits qui ne verront pas votre très doux visage, accordez-moi au moins de n'être pas de ceux qui maudiront votre saint nom.

  A022000261 

 En somme, je le prieray de me fayre digne de passer la journëe sans l'offencer; a quoy servira ce qui est escrit au Psalme cent quarante troysiesme: Notam fac mihi viam in qua ambulem, quia ad te levavi animam meam.

  A022000261 

 La premiere partie de cest Exercice est l' invocation; partant, reconnoissant que je suis exposé a une infinité de dangers, j'invoqueray l'assistance de mon Dieu et diray: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra [22] vigilat qui custodit eam; Seigneur, si vous n'aves soin de mon ame, c'est en vain qu'un autre en aura du soin.

  A022000262 

 Donques, je penseray serieusement aux incidens qui me pourront survenir, aux compaignies ou, possible, je seray contrainct de me trouver, aux affayres qui peut estre se presenteront, aux lieux ou je seray sollicité de me transporter; et ainsy, avec la grace de Nostre Seigneur, j'iray sagement et prudemment au devant des difficultés et des occasions dangereuses qui me pourroyent surprendre et prendre..

  A022000262 

 La seconde partie est l' imagination, qui n'est autre chose qu'une prevoyance ou conjecture de tout ce qui [23] peut arriver le long de la journée.

  A022000264 

 A quel propos contrevenir a ses equitables loix pour eviter les dommages du cors, des biens et de l'honneur? Que nous peuvent fayre les creatures? Or sus, consolons nous et fortifions nous tout ensemble, sur ce beau verset du Psalmiste: Dominus regnavit, irascantur populi; qui sedet super Cherubim, moveatur terra; Que les meschans facent du pis qu'ilz pourront contre moy, le Seigneur est puyssant pour les tous royalement subjuguer; que le monde gronde tant qu'il voudra contre moy seulement, il ne m'en chaut, puysque Celuy qui domine sur tous les Espritz angeliques est mon protecteur..

  A022000265 

 La cinquiesme partie est la recommandation; voyla pourquoy je me remettray, et tout ce qui depend de moy, entre les mains de l'eternelle Bonté et la supplieray de m'avoir tousjours pour recommandé.

  A022000274 

 La premiere est l'invocation de Dieu, laquelle se fera connoissant les dangers esquelz journellement nous sommes, qui nous fera dire: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra vigilat qui [22] custodit eam.

  A022000275 

 La seconde: apres avoir ainsy invoqué Dieu et l'ayant prié de nous fayre dignes de passer la journëe sans l'offencer (a quoy [23] pourra encores servir l'orayson «Actiones nostras,» et fort commodement les versetz du Psalme 142: Notam fac mihi viam in qua ambulem; Eripe me; Spiritus tuus bonus ), alhors l'on fera l'imagination, ou prevoyante conjecture, se representant et discourant sur ce qu'en toute la journee nous pourrons penser nous devoir advenir: c'est a dire, les lieux ou nous nous devons trouver, les compaignies, les affayres que nous devons traitter, allant recherchant ce qui nous pourra survenir..

  A022000277 

 La quattriesme sera la discretion et separation, par laquelle, de tout ce qui se pourra presenter a fayre, nous rejetterons ce qui [24] est contre l'honneur de Dieu et la charité du prochain, ce qui est scandaleux et vituperable..

  A022000278 

 Et a ce propos, faudra dire: Dominus regnavit, irascantur populi; qui sedet super Cherubim, moveatur terra..

  A022000280 

 Or, quant a la Preparation, estant icelle comme un fourrier a toutes actions, il la faudra fayre selon la diversité des occurrences, principalement selon les poinctz qui s'ensuyvent, esquelz est traitté de ce qui se doit observer.

  A022000285 

 En suitte dequoy je considereray que nostre amoureux Sauveur est la lumiere des Gentilz et la lumiere qui dissipe les tenebres du peché; sur quoy, faysant une sainte resolution pour toute la journee, je chanteray avec David: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam non Deus volens iniquitatem tu es; Je me leveray de bonne heure, et me mettant en vostre presence, je considereray que vous estes le Dieu auquel desplait l'iniquité; partant je la fuyray de tout mon possible, comme chose souverainement desaggreable a vostre infinie Majesté..

  A022000285 

 Par apres, je penseray a quelque sacré mistere, signamment a la devotion des pasteurs qui vindrent sur le lever de l'aurore adorer le divin Poupon; a l'apparition qu'il fit a Nostre Dame, sa douce Mere, le jour de sa triomphante resurrection, et a la diligence des Maries, lesquelles, esmeües de pieté, se leverent de bon matin pour honnorer le sepulchre du vray Dieu de la vie, trespassé.

  A022000287 

 Or, tout ainsy que par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent tellement dans le cors qu'elles ne s'estendent rien pour tout au dela [28] d'iceluy, aussy donneray je ordre que mon ame, en ce tems la, se retire tout a faict en soy mesme, et qu'elle ne face autre fonction que de ce qui luy touchera et appartiendra, obeyssant humblement au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris; O vous qui manges volontier le pain de douleur, ou en la doleance de vos fautes, ou en la condoleance de celles du prochain, ne vous leves pas, n'alles pas aux occupations exterieures de ce siecle laborieux, que vous ne vous soyes au prealable suffisamment reposés en la contemplation des choses eternelles..

  A022000289 

 Puys, par la consideration des tenebres exterieures entrant dans la consideration de celles de mon ame et de tous les pecheurs, je formeray ceste priere: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros in viam pacis; Hé, Seigneur, puysque les entrailles de vostre misericorde vous ont faict descendre du Ciel en terre pour nous venir visiter, de grace, illumines ceux qui gisent estenduz de leur long dans les tenebres d'ignorance et dans l'ombre de la mort eternelle, qui est le peché mortel; conduises les aussy, s'il vous plaist, au chemin de la paix interieure.

  A022000289 

 — Si Dieu me faict la grace de m'esveiller parmy la nuict, je resveilleray incontinent mon cœur avec ces parolles: Media nocte clamor factus est: Ecce Sponsus venit, exite obviant ei; Sur la minuict, on a crié: Voyla l'Espoux qui vient, alles au devant de luy.

  A022000290 

 En fin, apres avoir consideré les tenebres et les imperfections de mon ame, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? c'est a dire: O surveillant, surveillant, reste il encores beaucoup de la nuict de nos imperfections? Et j'entendray qu'il me respondra: Venit mane et nox, le matin des bonnes inspirations est venu; pourquoy est ce que tu aymes plus les tenebres que la lumiere?.

  A022000290 

 — Parfoys je me retourneray a [30] mon Dieu, mon Sauveur, et luy diray: Ecce non dormitabit neque dormiet, qui custodit Israel; Non, vous ne dormes ny ne sommeilles poinct, o vous qui gardes l'Israel de nos ames.

  A022000291 

 D'abondant, je me serviray de ces saintes parolles de David: Dominus illuminatio mea et salus mea, quem timebo? qui est autant que si on disoit: Le soleil ny ses rayons ne sont pas ma lumiere principale, ny la compaignie ne me sauve pas, [32] mays Dieu seul, lequel m'est aussy propice la nuict comme le jour..

  A022000296 

 Item: comme le cors a besoin de son sommeil pour delasser [27] et soulager les membres travaillés, aussy prendray je tous les jours quelque tems pour le repos et sommeil de mon ame, a fin que si, comme par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent dans le cors, ne s'estendant rien plus loin qu'iceluy, ainsy en ce tems la, l'ame estant retirëe en soy mesme, ne face autre operation que de ce qui luy touche et appartient, obeyssant au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis..

  A022000298 

 Et puys, par la consideration des tenebres exterieures venant a considerer les interieures de mon ame premierement, puys celles de tous les pecheurs, je crieray en l'amertume de mon cœur: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros; obeyssant en cela au Prophete qui dict: Et in cubilibus vestris [29] compungimini; In noctibus extollite manus vestras in sancta, et benedicite Dominum; lachrimis meis stratum meum rigabo..

  A022000300 

 Parfoys encores, me retournant a mon Dieu, mon Sauveur, lequel ne dort point ni ne sommeille gardant l'Israel de nos ames, apres avoir consideré les tenebres de l'imperfection de mon cœur, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? Et j'entendray quil me dira: Venit mane et nox; c'est a dire, le matin de mes inspirations et de ma grace est venu; pourquoy est ce que tu aymes mieux les tenebres que la lumiere?.

  A022000301 

 Et lhors, considerant que Nostre Seigneur est la lumiere pour revelation des Gentilz et la lumiere qui destruit les tenebres de peché, faysant resolution pour toute la journëe, m'imaginant d'assister a quelqu'un des saintz misteres, je diray avec devotion et crainte: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam [ non ] Deus volens iniquitatem tu es, a fin que, considerant que le peché desplaist a ce grand Dieu, je me garde la journëe d'en fayre..

  A022000301 

 Et puys, penser a quelque saint mistere, signamment a l'apparition [31] que fit Nostre Seigneur a Nostre Dame apres sa resurrection, et a la diligence des Maries qui se levoyent orto jam sole; puys aux pasteurs qui vindrent la mattinëe adorer l'Enfant.

  A022000302 

 D'autant que les frayeurs nocturnes ont accoustumé d'empescher les exercices, si par fortune je m'en sentois saysy, je m'en deslivreray avec la consideration de mon bon Ange protecteur, disant: Dominus a dextris meis, ne commovear, qu'aucuns docteurs ont entendu de l'Ange; et considereray encores que scuto circumdabit me veritas ejus, nec timere debeo a timore nocturno (90 Ps.), qui est l' escu de la foy et confiance.

  A022000302 

 Dominus illuminatio mea et salus mea, quem timebo? comme disant: Le soleil [32] ny ses rayons ne sont pas ma lumiere principale, ny la compaignie ne me sauve pas, mays Dieu seul, qui m'est aussy propice la nuict comme le jour..

  A022000309 

 Secondement: cela faict, je me reposeray tout bellement en la consideration de la vanité des grandeurs, des richesses, des honneurs, des commoditées et des voluptés de ce monde immonde; je m'arresteray a voir le peu de durëe qui est en ces choses la, leur incertitude, leur fin, et l'incompossibilité qu'elles ont avec les vrays et solides contentemens; en suitte dequoy mon cœur les desdaignera, les mesprisera, les aura en horreur et dira: Alles, alles, o diaboliques appas, retires vous loin de moy, cherches fortune ailleurs; je ne veux poinct de vous, puysque les plaisirs que vous promettes appartiennent aussy bien aux folz et abominables qu'aux hommes sages et vertueux..

  A022000310 

 Troysiesmement: je me reposeray tout doucement en la consideration de la laydeur, de l'abjection et de la deplorable misere qui se retrouve au vice et au peché, et aux miserables ames qui en sont obsedëes et possedëes; puys je diray, sans me troubler et inquieter aucunement: Le vice, le peché est chose indigne d'une personne bien nëe et qui faict profession de merite, jamais il n'apporte contentement qui soit veritablement solide, ains seulement en imagination; mais quelles espines, quelz scrupules, quelz regretz, quelles amertumes, quelles inquietudes et quelz supplices ne traisne il quant et soy! Voire, et quand tout cela ne seroit pas, ne nous doit il pas suffire qu'il est desaggreable a Dieu? Oh, cela doit estre plus que suffisant pour le nous faire detester a toute outrance..

  A022000311 

 C'est elle qui rend l'homme interieurement, et encor exterieurement, beau; elle le rend incomparablement aggreable a son Createur; elle luy sied extremement [34] bien, comme propre qu'elle luy est.

  A022000311 

 Mays quelles consolations, quelles delices, quelz honnestes playsirs ne luy donne elle pas en tout tems! Ah, c'est la chrestienne vertu qui le sanctifie, qui le change en ange, qui en faict un petit dieu, qui luy donne des icy bas le Paradis..

  A022000311 

 Quatriesmement: je sommeilleray souëfvement en la connoissance de l'excellence de la vertu; vertu qui est si belle, si gratieuse, si noble, si genereuse, si attrayante, si puyssante.

  A022000313 

 Je feray en sorte de m'exciter et de resveiller ma paresse, en repetant souvent ces parolles: En morior, quid mihi proderunt primogenita, sive omnia ista? Voyla que tous les jours je m'en vay mourant; dequoy est ce que me serviront les choses presentes et tout ce qui est d'esclattant et de spectable en ce monde? Il vaut beaucoup mieux que je les mesprise courageusement et que, vivant en crainte filiale sous l'observance des commandemens de mon [34] Dieu, j'attende avec accoysement d'esprit les biens de la vie future..

  A022000313 

 Sixiesmement: je peseray attentivement la rigueur de la divine Justice laquelle, sans doute, ne pardonnera pas a ceux qui se trouveront avoir abusé des dons de nature et de grace; telles gens doivent concevoir une tres grande apprehension des divins jugemens, de la mort, du Purgatoire et de l'enfer.

  A022000315 

 Huictiesmement: finalement, je m'endormiray en l'amour de la seule et unique bonté de mon Dieu; je gousteray, si je puys, ceste immense bonté, non en ses effectz, mays en elle mesme; je boiray ceste eau de vie, non dans les vases ou fioles des creatures, mays en sa propre fontayne; je savoureray combien ceste adorable Majesté est bonne en elle mesme, bonne a elle mesme, bonne pour elle mesme; voire, comme elle est la bonté mesme et comme elle est la toute bonté, et bonté qui est eternelle, intarissable et incomprehensible.

  A022000315 

 O Seigneur, diray je, il n'y a que vous de bon par essence et par [36] nature, vous seul estes necessairement bon; toutes les creatures qui sont bonnes, tant par la bonté naturelle que par la surnaturelle, ne le sont que par participation de vostre aymable bonté..

  A022000326 

 Et au contraire, combien le vice est indigne d'un homme bien né et qui faict profession de merite; comme le vice n'apporte jamais contentement solide, mays seulement en imagination..

  A022000327 

 Combien sont vaynes toutes les grandeurs, richesses, honneurs, commodités et voluptés de ce monde, pour le peu de leur durëe, l'incertitude d'icelles, le bout et terme, l'incompossibilité qu'elles ont avec les vrays et solides contentemens, la participation [35] d'icelles, qui appartient autant aux folz et abominables qu'aux honnestes et vertueux..

  A022000337 

 Je me garderay soigneusement, aux rencontres, de fayre le compaignon avec personne, ny mesme avec les familiers, s'il s'en rencontroit quelqu'un parmy le reste de la trouppe; car ceux qui considereront cela l'attribueront a legereté.

  A022000337 

 Je ne me donneray licence de dire ou fayre chose qui ne soit bien reglëe, parce qu'on pourroit dire que je suys un insolent, me layssant transporter trop tost a trop de familiarité.

  A022000337 

 Sur tout je seray soigneux de ne mordre, picquer ou me mocquer d'aucun, veu que c'est une lourdise de penser se mocquer sans hayne de ceux qui n'ont poinct de sujet de nous supporter.

  A022000338 

 Encores me faudra il par tout exercer le jugement et la prudence, puysqu'il n'y a regle si generale qui n'aye quelquefoys son exception, sinon celle ci, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Donques, en conversation, je seray modeste sans insolence, libre sans austerité, doux sans affectation, souple sans contradiction, si ce n'est que la rayson le requist; cordial sans dissimulation, parce que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent; toutesfoys il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies..

  A022000339 

 Aux superieurs, ou d'aage, ou de profession, ou d'authorité, il ne faut fayre paroystre que ce qui est exquis; aux semblables, que ce qui est bon; aux inferieurs, que ce qui est indifferent.

  A022000339 

 Il y a bien certains melancholiques qui se playsent qu'on leur descouvre les vices que l'on a: toutesfoys, c'est a ceux la qu'il les faut davantage cacher, car ayant l'impression plus forte, ilz rumineront et philosopheront dix ans sur la moindre imperfection.

  A022000339 

 Or, nonobstant ce que nous avons dict, on peut, conversant avec les superieurs, les esgaux et inferieurs, temperer parfoys l'entretien de ce qui est exquis, bon et indifferent, pourveu que le tout se fasse discrettement.

  A022000339 

 Quant a ce qui est mauvais, il ne le faut jamais descouvrir a qui que ce soit, d'autant qu'il ne peut qu'offencer les yeux qui le voyent et rendre laid celuy auquel il est.

  A022000339 

 — Puysque l'on est souvent quasi [39] contrainct de converser avec personnes de differentes qualités, il faut que je sçache qu'à certains il ne faut monstrer que l'exquis, aux autres que ce qui est bon, aux autres que l'indifferent, mais a personne ce qui est mauvais.

  A022000340 

 — S'il me convient converser avec personnes insolentes, libres ou melancholiques, j'useray de ceste precaution: aux insolentes, je me cacheray tout a faict; aux libres, pourveu qu'elles soyent craignantes Dieu, je me descouvriray tout a faict, je leur parleray a cœur ouvert; aux sombres et melancholiques, je me monstreray seulement, comme on dict en commun proverbe, de la fenestre: c'est a dire, qu'en partie je me descouvriray a elles, parce qu'elles sont curieuses de voir les cœurs des hommes, et si on faict trop le rencheri elles [41] entrent incontinent en soupçon; en partie aussy je me cacheray a elles, a cause qu'elles sont sujettes, ainsy que nous avons desja dict, a philosopher et remarquer de trop pres les conditions de ceux qui les frequentent..

  A022000350 

 La conversation donques doit estre de peu, de bons et honnorables, d'autant quil est malaysé de reuscir avec plusieurs, de n'apprendre a se corrompre avec les mauvais, et estre honnoré sinon de personnes honnorables; gardant en la conversation et rencontre ce qui doit estre gardé en la familiarité et amitié: Amy de tous, familier a peu..

  A022000354 

 Le rencontre est une partie de la conversation generale, lequel estant sans familiarité, il se faut garder d'y fayre le compaignon avec personne, ny mesme avec les familiers, s'il s'en rencontroit un parmy le reste du rencontre; car ceux qui le considerent pensent cela estre legereté.

  A022000355 

 Estant rare et de peu de durëe, il ne se faut donner licence de dire ny fayre chose qui ne soit bien reglëe; autrement on pourroit dire que celuy qui se laysse transporter en peu de tems en conversation doit estre insolent.

  A022000355 

 Garder sur tout d'y mordre et picquer, ny se mocquer de personne, car c'est vrayement une lourdise de penser se mocquer sans hayne de ceux qui n'ont poinct d'occasion de vous supporter..

  A022000359 

 Il faut par tout exercer le jugement et la prudence, ne se faysant regle si generale qui ne doive avoir son model d'exception, sinon ceste regle, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Si est ce que la conversation doit estre modeste, sans aucune insolence; libre, sans austerité; douce et souëfve, sans monstrer affectation ny effort, et souple, sans contredite sans rayson; ouverte et cordiale, d'autant que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent.

  A022000361 

 Il y a certains melancholiques [41] qui se playsent qu'on leur descouvre les vices qu'on a; mays c'est a ceux qu'il les faut plus cacher, car ilz ont l'impression plus forte, et rumineront dix ans la moindre imperfection.

  A022000361 

 Mays quant au mauvais, il ne le faut jamais monstrer, pour familier qu'on soit, d'autant quil ne peut qu'offencer les yeux qui le voyent et rendre laid celuy auquel il est.

  A022000370 

 — Si je m'esveille la nuict, je donneray de la joye a mon ame, disant, pour la consoler dans les frayeurs nocturnes qui me travaillent: Mon ame, pourquoy es tu triste? pourquoy me troubles tu? Voyci ton Espoux, ta joye et ton salutaire, qui vient; allons au devant par une sainte allegresse et amoureuse confiance..

  A022000372 

 — Ayant receu le tressaint Sacrement, je me donneray tout a Celuy qui s'est tout donné a moy; j'abandonneray d'affection toutes les choses du Ciel et de la terre, disant: Que veux je au Ciel? que me reste il a desirer sur la terre, puysque j'ay mon Dieu qui est mon tout? Je luy diray simplement, respectueusement et confidemment tout ce que son amour me suggerera, et me resoudray de vivre selon la sainte volonté du Maistre qui me nourrit de luy mesme..

  A022000401 

 Car dès cette époque, en m'y affermissant, j'ai médité tout ce qui paraît serrer de près la question; mais dans ces études spéculatives, il arrive souvent en un instant ce qui n'était pas arrivé en un an.

  A022000402 

 Ces choses, donc, je les ai écrites très humblement, étant tout prêt à abandonner non seulement les conclusions que j'ai prises ou prendrai, mais la tête même qui les a conçues, et cela, même si toute mon intelligence y répugne, pour embrasser l'opinion qui est ou qui sera à l'avenir adoptée par l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, ma Mère et la colonne de vérité.

  A022000402 

 Et jamais je ne dirai aucune chose, tant que Dieu me donnera l'intelligence, que ce qui sera le plus conforme à la foi catholique, car j'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, et non j'ai parlé parce que j'ai cru; ce qui revient à dire: la foi doit être la règle de la croyance; mais que l'humilité soit la conclusion de tout: et je suis grandement humilié.

  A022000409 

 Quia tamen possem ita decipi, ut quod videtur non esset, me per omnia Spiritui Paraclito qui per Ecclesiam nostram moderatur ingenia, committo.

  A022000418 

 C'est lui qui donne la sagesse aux petits, non aux orgueilleux; c'est lui qui est la «Lumière des cœurs,» le «Père des pauvres,» le «Distributeur des» lumières, dans la lumière de qui nous verrons la lumière.

  A022000418 

 Cependant, comme je peux me tromper, de telle sorte que ce qui paraît ne soit pas, je me remets en tout à l'Esprit Paraclet qui gouverne les intelligences par notre Eglise.

  A022000419 

 Or, Dieu lui-même est le Père de toute consolation, et nous ne devons pas nous glorifier comme si quoi que ce soit venait de nous comme de nous, puisque, comme je l'ai montré ailleurs, toute notre suffisance vient de Dieu; car si la doctrine de la prédestination dit que nos actions sont prévues, ce n'est pas au préjudice de la grâce du libre arbitre, mais il est toujours besoin de la prévision de la grâce du Seigneur, par la miséricorde de qui nous irons dans sa maison, si, en cette vie, nos pieds ont été dans tes parvis, Jérusalem, car, sans le Christ, nous ne pouvons rien faire..

  A022000421 

 Heureux l'homme que vous avez instruit, Seigneur, et à qui vous avez enseigné votre loi.

  A022000429 

 Tum vero ait Psaltes: Non mortui laudabunt te, Domine, nec omnes qui descendunt in infernum.

  A022000430 

 Denique, nonne Deus fecit hominem ut eum videret? cur ergo eum ad non videndum sine alia praevia causa determinavit? [55] Deinde, quotiescumque duae causae ita se habent, ut posita una sine alia causa effectum consequi non possit, qui unam non habet non dicitur effectum posse consequi, et qui unam tollit, effectum tollit.

  A022000430 

 Hae porro sunt vulgares locutiones Ecclesiae, quas qui in sensu adeo recondito et elusorio explicaverit, Ecclesiam simplicium deceptricem faciet cum passim eas Ecclesia in concionibus, Officiis et praecibus omnibus aequaliter proponat.

  A022000448 

 Du reste, en supposant comme très sûre l'opinion qui admet comme base de la réprobation la prévision des démérites, l'opinion ci-dessus est facilement confirmée.

  A022000449 

 Dieu ordonne la fin, à savoir la damnation; c'est donc lui qui ordonne les moyens à cette fin, à savoir les péchés.

  A022000449 

 En premier lieu: A celui à qui appartient le droit d'ordonner la fin, appartient aussi celui d'ordonner les moyens à cette fin.

  A022000450 

 De son côté, Je Psalmiste dit: Ce ne sont pas les morts, Seigneur, qui vous loueront, ni tous ceux qui descendent en enfer..

  A022000450 

 La majeure est évidente, d'abord parce que Dieu, étant de sa nature communicable, ne peut avoir pour agréable sa propre privation prise en elle-même; ensuite, parce qu'autrement l'on irait contre les expressions de l'Ecriture qui partout présentent Dieu comme ayant soif de notre glorification et compatissant à notre condamnation, tout prêt qu'il est à [54] détourner cette dernière si seulement nos péchés disparaissent.

  A022000451 

 En troisième lieu, [ces textes]: Ta perte vient de toi-même, ô Israël; J'ai planté une vigne, j'attendais qu'elle porterait des raisins, elle a donné des fruits sauvages; Il fit appeler tout le monde au festin; Il veut que tous soient sauvés; Venez à moi, vous tous, sont certes des expressions qui ne peuvent être proprement et convenablement comprises, si l'on suppose que Dieu avait tout d'abord déterminé de ne pas accorder la gloire à certains individus: ce serait, en effet, se moquer de quelqu'un que de l'inviter à un repas de noces, tout en ayant résolu de l'exclure à cause de l'absence de mérites de sa part.

  A022000451 

 Enfin, Dieu n'a-t-il pas créé l'homme [55] pour jouir de sa vue? pourquoi donc a-t-il pu déterminer qu'il ne le verrait pas, et cela en dehors de toute cause préalable? En outre, toutes les fois que deux causes sont en de telles relations entre elles que l'une étant posée elle ne peut obtenir son effet en l'absence de l'autre, celui qui n'a pas l'une des deux en son pouvoir ne peut être dit en mesure d'obtenir l'effet voulu, et celui qui écarte l'une d'elles écarte par le fait même l'effet voulu.

  A022000451 

 Et cependant les expressions ci-dessus sont couramment employées par l'Eglise; en sorte que si on les expliquait dans le sens si caché et si décevant des adversaires, ce serait accuser l'Eglise de tromper les gens simples, elle qui à tout bout de champ les présente à tous également dans les prédications, les Offices et les prières.

  A022000451 

 Mais sans la volonté de Dieu nous ne pouvons rien; par conséquent, une fois cette volonté de Dieu écartée, nous ne pouvons être sauvés, et une fois cette volonté de Dieu écartée et enlevée, ou refusée par Dieu, son effet paraît refusé, c'est-à-dire la gloire: ce qui est parfaitement absurde.

  A022000453 

 Au sujet de la même opinion, il faut noter: Premièrement, [57] cette opinion, étant que la prédestination a lieu sans la prévision des œuvres, mais non la réprobation, pourrait peut-être s'expliquer en ce sens que Dieu tout d'abord donne à tous les hommes un secours suffisant; qu'ensuite, voyant que beaucoup n'en usent pas, il réprouve ceux-ci, et que les autres, soit qu'ils usent, soit qu'ils n'usent pas de ce secours, il les sauve par des moyens efficaces: en sorte que parmi ceux qui n'usent pas du secours suffisant, Dieu en damne certains, et les autres, il les retire efficacement du chemin de damnation où ils se précipitent.

  A022000453 

 Telle que nous venons de la présenter, elle est suffisamment intelligible, et ainsi le Seigneur ne fera tort à personne; car ceux qu'il damnera, il les damnera à cause de leurs démérites, et ceux qu'il sauvera, il les sauvera par sa miséricorde, et à celui qui se plaindra il répondra: Mon ami, prends ce qui te revient; si je veux donner quelque chose à ceux-ci, que t'importe?.

  A022000457 

 Si Dieu sauve ceux qui autrement auraient du etre damnes, ou est la justice? Comment rendra-t-il à chacun selon ses oeuvres, puisqu'il faudrait dire plutot que chacun agira suivant ce qu'il recevra? Et puis, pourquoi Dieu a-t-il prevu les peches des futurs damnes, et non ceux des autres? pourquoi en a-t-il vu certains faire le bien, plutot que d'autres? et s'il a tout vu, pourquoi dirons-nous qu'il a preordonne le chatiment d'apres les peches, plutot que la recompense d'apres les merites? [59].

  A022000461 

 Ce qui la renforce considérablement, c'est ce que j'ai noté à la cinquième remarque, ci-dessus, que si l'une des propositions est vraie, l'autre l'est également, et aussi d'innombrables preuves qui pourraient être apportées.

  A022000461 

 On peut très bien faire davantage ressortir la force de tout ce qui a été dit jusqu'ici, en faveur de l'opinion admettant que les hommes, et aussi les anges, sont damnés et sauvés suivant la prévision de leurs démérites et de leurs mérites.

  A022000469 

 Ad pedes beatorum Augustini et Thomse provolutus, paratus omnia ignorare ut illum sciam qui est scientia Patris, Christum crucifixum, quanquam enim quae scripsi non dubito vera esse, quia nihil video quod de eorum veritate solidam possit facere dubitationem; quia tamen non omnia video et tam reconditum misterium est [64] clarius quam fixe ab oculis meis victicoracis inspici possit, si postea contrarium appareret (quod nunquam futurum existimo); imo, si me damnatum (quod absit, Domine Jesu!) scirem voluntate illa quam ponunt Thomistae in Deo ut ostenderet Deus justitiam suam, libenter, obstupescens et suspiciens altissimum Judicem, post Prophetam dicerem: Nonne Deo subjecta erit anima mea? Amen, Pater, quia sic placitum est ante te; fiat voluntas tua.

  A022000469 

 Euge, serve parve, indigne quidem, sed fidelis; quia sperasti in me, confidens de misericordia mea, et quia in pauca (scilicet in glorificando me patiendo et per damnationem, si ita mihi placeret) fuisti fidelis, supra multa te constituam; et quia voluisti magnificare nomen meum, etiam patiendo, si opus esset (quandoquidem in eo parva est magnificatio et glorificatio nominis mei, qui non est damnator, sed JESUS), supra multa te constituam, ut beatitudine perpetua laudes me, in qua multa est gloria nomini meo.

  A022000469 

 Non mortui laudabunt me, neque omnes qui descendunt in infernum.

  A022000469 

 Te feci, ut caetera omnia, propter meipsum, imo etiam impios qui ad diem malum sua culpa destinati sunt, feci propter meipsum.

  A022000476 

 Il y a un passage quelque part dans l'Ancien Testament, où le Prophète, prédisant la future rédemption du Christ, affirme qu'il [63] ne faudra plus dire alors que les pères ont mangé de mauvais raisins et que les dents des fils en ont été agacées; parce que, dit-il, le Christ arrivant, le fils ne portera pas l'iniquité du père, mais c'est l'âme pécheresse qui mourra d'elle-même..

  A022000479 

 Courage, petit serviteur, indigne certes, mais fidèle; puisque tu as espéré en moi, ayant confiance en ma miséricorde, et p arce que tu m'as été fidèle en peu de choses (à savoir, en me glorifiant par la souffrance et par la damnation, s'il me plaisait ainsi), je t'établirai sur beaucoup; et parce que tu as voulu glorifier mon nom, même en souffrant, s'il en était besoin (bien qu'en cela, cette glorification et l'exaltation de mon nom qui n'est pas «damnateur», mais «SAUVEUR», soient petites), je t'établirai sur beaucoup, afin que tu me loues dans la perpétuelle béatitude où la gloire rendue à mon nom est abondante.

  A022000479 

 En effet, quoique je ne doute pas que les choses que j'ai écrites ne soient vraies, parce que je n'y vois rien qui puisse former un doute solide au sujet de leur vérité; cependant, parce que je ne vois pas tout et qu'un mystère si profond est trop brillant [64] pour pouvoir être regardé en face par mes yeux de chouette, si, dans la suite, le contraire apparaissait (ce qui, je pense, n'arrivera jamais); bien plus, si je me savais damné (que cela n'arrive pas, Seigneur Jésus!) par cette volonté que les thomistes placent en Dieu afin que Dieu montre sa justice, frappé de stupeur et levant les yeux vers le Juge suprême, volontiers je dirais avec le Prophète: Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu? Amen, Père, parce qu' il vous paraît bon ainsi; que votre volonté soit faite.

  A022000479 

 Je t'ai fait, comme toutes les autres choses, pour moi-même; bien plus, même les impies qui, par leur faute, sont destinés au jour de malheur, je les ai faits pour moi-même.

  A022000479 

 Les morts ne me loueront pas, ni tous ceux qui descendent dans l'enfer.

  A022000479 

 Prosterné aux pieds des bienheureux Augustin et Thomas, je suis prêt à tout ignorer pour connaître Celui qui est la science du Père, le Christ crucifié.

  A022000496 

 moriens obliviscitur sui qui vivens oblitus est Dei..

  A022000499 

 Qui n'avoit de son Dieu souvenance en sa vie..

  A022000514 

 En ce qui concerne la cohabitation, il est très difficilement dissous, parce que ce qui était un pur contrat chez ces nations qui n'ont pas connu Dieu et n'ont pas invoqué le saint nom de Dieu, et ce qui n'était consenti que par un simple engagement, est aujourd'hui un très auguste Sacrement par le Christ notre Seigneur, à qui, ainsi qu'au Père et à l'Esprit-Saint, soit louange, honneur, puissance; et à notre Bienheureuse Dame la Vierge Marie, Mère de Dieu, aux saints Apôtres Pierre et Paul, dont aujourd'hui même la mémoire est célébrée dans toute l'Eglise, à raison de la chaire de [69] saint Pierre [à Antioche]; aux saints Fabien et Sébastien, martyrs; aux saints Joseph, François et Bonaventure, confesseurs.

  A022000514 

 Le mariage pouvait être annulé chez les Gentils à cause de la légèreté de mœurs du paganisme; mais aujourd'hui il est indissoluble, en ce qui concerne le lien, un très petit nombre de cas étant exceptés.

  A022000524 

 max., Christo Jesu ac Dominae nostrae Virgini Mariae, ejus Matri potentissimae, cujus annunciatae [70] salutataeque ab Angelo solemnitatem hac Vigilia incepimus; Sanctis Petro, Paulo, Fabiano, Sebastiano, Francisco, Bonaventurae, sed et ipsi Sanctissimo Joseph, et Archangelo Gabrieli qui annunciavit Mot abbreviatum in sacratissimo Virginis utero; ipsi gloria! Amen..

  A022000532 

 Gloire à Dieu très bon, très grand, au Christ Jésus et à Notre-Dame la Vierge Marie, sa très puissante Mère (nous avons [70] commencé à célébrer la solennité et la Vigile de son Annonciation et de sa salutation par l'Ange), aux saints Pierre, Paul, Fabien, Sébastien, François, Bonaventure, mais spécialement au grand saint Joseph et à l'archange Gabriel qui annonça que le Verbe s'était resserré dans le sein très sacré de la Vierge; gloire à lui! Amen..

  A022000554 

 Qui mecum non est, contra me est; an ( sic ) non Belial mecum est.

  A022000554 

 Quærite ergo primo regnum Dei, et omnia adjicientur vobis, ut constituatur rex a Deo super montem [74] sanctum Sion, qui prædicet praeceptum ejus et credat in nomine ejus et non ex sanguinibus, sed ex Deo natus sit..

  A022000564 

 Les Princes Italiens et Germains lèvent des troupes guerrières; déjà l'Anglais, l'Espagnol, le Français, ayant tiré le glaive, troublent l'air et la terre de gémissements et de sang; les royaumes d'Ecosse, d'Angleterre, de Danemarck sont tombés dans l'horrible gouffre des hérésies, ainsi que ceux de Pologne, de Hongrie, de Bohème; et, ce qui est au-dessus de toute douleur, nous voyons et contemplons avec larmes la couronne autrefois très chrétienne de France prête à se placer [73] sur la tête d'un hérétique, ou plutôt penchée vers un désastre lamentable!.

  A022000565 

 Cherchez donc d'abord le royaume de Dieu, et tout vous sera [74] donné par surcroît, afin qu'un roi soit établi par Dieu sur la sainte montagne de Sion, un roi qui proclame sa loi, qui croie en son nom et ne soit pas né de la chair, mais de Dieu..

  A022000565 

 Pourquoi aimez-vous la vanité, disant: Qui nous montre le bien? Je ne suis pas le renardeau qui saccagera les vignes.

  A022000565 

 Pourquoi aimez-vous le mensonge connu par l'expérience de la promesse non gardée? Pourquoi recherchez-vous et aimez-vous le mensonge qui vous causera tant de déceptions dans l'avenir? que reste-t-il donc? Et la terre a été remuée.

  A022000565 

 Qui n'est pas avec moi est contre moi; et Bélial n'est pas avec moi.

  A022000575 

 «Catholica» autem fides ea dicitur quae tam locorum quam hominum et temporum ratione universalis est et illimitata, hoc est quae omni tempore ex quo incepit ab universis hominibus Christianis (nam differentia Catholici et haeretici inter eos qui Christianam profitentur fidem tantum est) et in omni loco praecepta fuit atque confessa..

  A022000577 

 «Hanc legem sequentes,» soli Christiani Catholici dicendi sunt; reliqui, [77] insani et «dementes.» Item, «haeretici infames» appellentur qui a Principe ut res sese offeret punientur.

  A022000583 

 «Æquum est ut qui» statutis Summi Pontificis non parent, «ab Ecclesia habeantur extorres;» verumtamen «Ecclesia nunquam redeuntibus gremium suum claudit.» L. VI..

  A022000592 

 Etant donné que tout pouvoir appartient à Dieu et s'appuie avec raison sur le Dieu de sagesse comme sur un fondement, selon ce mot du Sage: C'est par moi que régnent les rois (L. IV), et celui-ci: «De Jupiter vient le principe du pouvoir,» et que d'autres preuves majeures puissent être mises en avant, c'est avec raison que l'Empereur commence par cette considération le texte qui [75] contient les constitutions destinées à maintenir et sanctionner intégralement la dignité de la vraie foi..

  A022000594 

 Or, la foi appelée «catholique» est celle qui, en raison tant des [76] lieux que des hommes et des temps, est universelle et sans limites, c'est-à-dire, qui à toutes les époques, depuis qu'elle a commencé, et en tous lieux, fut enseignée et confessée par tous les Chrétiens (car la différence du catholique de l'hérétique existe seulement parmi ceux qui professent la loi chrétienne)..

  A022000596 

 Seuls, les chrétiens «qui suivent cette loi» doivent être appelés Catholiques; les autres ne méritent que le nom d'insensés et de «fous.» De même, que les [77] hérétiques soient appelés «infâmes», et qu'ils soient punis par le Prince selon l'occurence.

  A022000599 

 Sont interdites aussi les discussions publiques devant les foules, ce qui pourrait donner occasion ou de scandale, ou de profaner les mystères en offrant les perles de la philosophie chrétienne à cette tourbe confuse de porcs, Juifs et infidèles.

  A022000600 

 Le pouvoir s'appuie sur la religion; l'Eglise Romaine est «la tête des Eglises.» Ce qui est dit dans les Lois I, II, III, et même tous les décrets compris sous ce Titre, tout cela a été confirmé par l'autorité du Souverain Pontife.

  A022000603 

 «Il est juste que» ceux qui n'obéissent pas aux décisions du Souverain Pontife «soient considérés par l'Eglise comme bannis;» cependant, «l'Eglise ne ferme jamais son sein à ceux qui reviennent.» (L. VI.).

  A022000620 

 — Adeste, iconoclastæ! — Qui secus faxit, capite plectatur..

  A022000630 

 Un hérétique peut être accusé par n'importe qui; L. IV. Les seigneurs temporels détruisant les hérétiques, les biens de ceux-ci peuvent être enlevés par n'importe quel catholique; si un seigneur d'un rang supérieur, comme un roi, veut s'y opposer, il sera lui-même privé du pouvoir..

  A022000638 

 — Venez, briseurs d'images! — Que celui qui contrevient à cette Loi soit condamné à la peine capitale..

  A022000645 

 Si etenim me negligentem, ingratum ac stupidum adeo, ut praesens ac tantum munus non cognoscerem, nobilissimus iste consessus judicaret, quales vos esse judices diceret, qui tam praeclarum jamjam de me tulistis judicium?.

  A022000646 

 Caetera enim vel fortunae vel corporis sunt ornamenta; hoc unum doctoratus ipsam exornat virtutem, quae per se ornatissima [83] est; atque eo majus splendidiusque munus hoc existimo, quod non solum laurea, sed laurus ipsa mihi per hoc Gymnasium collata est; hoc est, non me solum doctorem fecit, sed etiam dignum qui doctor forem et nuncuparer..

  A022000649 

 Postea doctissimum Otellium habuit, qui ita doctrinae soliditatem jucunditate condire sciat, ut «omne punctum» tulisse videatur, qui scilicet misceat «utile dulci.» Docebat praeterea excellentissimus Castellanus, qui mihi [87] eo tantum nomine extra ordinem docere videtur, quod extra praeterque ordinem, ac captum communem doctus sit et doceat.

  A022000657 

 Bien que je me rende assez compte en moi-même de quelle importance il est pour ma réputation de vous adresser autant que je le puis les très vifs remerclments qu'exige de moi le saint et sacré bienfait que vous m'accordez aujourd'hui, Révérendissime Vicaire général, vénérable Prieur, Pères conscrits: [82] cependant, ne me sentant pas capable de vous les présenter tels qu'il le faudrait et connaissant les graves occupations qui vous empêchent d'y prêter une longue attention, plus soucieux de vos intérêts que de ma propre renommée, je me serais volontiers abstenu de ce devoir de reconnaissance.

  A022000657 

 Mais j'estime que mon silence, en ce heu et dans cette circonstance qui le condamneraient, serait de tel effet qu'il nuirait autant à votre réputation qu'à la mienne.

  A022000657 

 Si, en effet, cette très noble assemblée me jugeait trop négligent, ingrat et faible d'esprit pour ne point reconnaître une faveur si actuelle et si grande, que penserait-elle des juges qui ont porté de moi, à l'instant, un si glorieux jugement?.

  A022000658 

 En effet, les autres avantages ne sont que les ornements de la fortune ou de la personne; mais seul celui du doctorat est l'ornement du mérite [83] lui-même, qui d'ailleurs est, de soi, fort glorieux; et j'estime cet honneur d'autant plus grand et éclatant que ce n'est pas seulement une couronne de laurier que ce Collège m'a conférée, mais le laurier lui-même: car il ne m'a pas fait docteur seulement, mais il m'a rendu digne de le devenir et d'en porter le titre..

  A022000658 

 Je reconnais, honorables Auditeurs, que ce bienfait qui m'a été conféré par ces Pères éminents est de telle sorte qu'on n'en peut attendre de plus grand en cette vie.

  A022000660 

 Jusqu'alors, je n'avais consacré aucun travail à la sainte et sacrée science du Droit: mais lorsque, ensuite, j'eus résolus de m'y employer, je n'eus aucunement besoin de chercher où je devais me tourner, où je devais me porter; ce Collège de Padoue m'attira aussitôt par sa célébrité, et sous les plus favorables augures, car, [85] en ce temps, il avait des docteurs et des lecteurs tels qu'il n'en eut et n'en aura jamais de plus grands: Guido Panciroli, prince de la jurisprudence, votre lumière et votre gloire, Pères, et qui ne périra jamais.

  A022000661 

 Ensuite, cette Université eut le très docte Otellio qui sait si bien assaisonner d'agrément la science la plus solide, qu'il semble, sachant «unir l'utilité à la douceur,» avoir «emporté tous les suffrages.» Un autre maître était le très excellent Castellano [87] dont l'enseignement, à mon avis, n'est si extraordinaire que parce que sa science est, comme son enseignement, en dehors et au-dessus de l'ordre et de l'intelligence ordinaires.

  A022000664 

 O Loi éternelle, Règle de toutes lois, donnez-moi pour loi le chemin de vos justifications au milieu de mon cœur; car, bienheureux est celui que vous avez instruit, Seigneur, et à qui vous avez enseigné votre loi.

  A022000665 

 Pour ce qui reste, faites-le, s'il vous plaît, très illustre Panciroli, mon très honoré maître, et, de vos mains si pures et bienfaisantes, décorez-moi de ces ornements dont cette Université a coutume d'honorer, avant de les congédier, les élèves auxquels elle a conféré la dignité qu'elle m'acccorde..

  A022000680 

 1591 Venetiis navem ingressi, prima noctis hora ventis vela dedissemus perincommoda navigatione, minime tamen periculosa (quod Dei est beneficium), 18 ejusdem mensis, qui dies S. Lucae sacer erat, primo diluculo Anconam appulimus.

  A022000680 

 Postridie, audito sacro Missœ, cum Romam versus procedere decrevissemus, sicariorum metu, qui ad mille numerum auxisse totamque Anconitanam plagam, maxime itinera Romana infensissime vastare dicebantur, unde veneramus retro [91] invitis sane passibus, iter intendimus atque paululum flexa via, Cirolitanam Christi Domini in cruce vivi pendentis, quam S. Lucas pinxisse dicitur, effigiem vidimus.

  A022000696 

 Comme le 8 octobre 1591, nous étant embarqués à Venise à la première heure de nuit, nous avions mis à la voile, le 18 du même mois, jour consacré à saint Luc, après une navigation très pénible, d'ailleurs nullement périlleuse (ce qui est un bienfait de Dieu), nous abordions dès l'aurore à Ancône.

  A022000696 

 Le lendemain, ayant entendu le saint Sacrifice de la Messe, comme nous avions résolu de nous diriger vers Rome, par crainte des brigands qui, disait-on, avaient élevé leur nombre jusqu'à mille et dévastaient [91] terriblement toute la plage d'Ancône, principalement les chemins menant à Rome, nous retournâmes, bien malgré nous, à l'endroit d'où nous étions venus; puis, grâce à un léger détour, nous vîmes à Sirolo l'image du Christ Notre-Seigneur suspendu vivant à la Croix, que l'on dit peinte par saint Luc. Bientôt [nous atteignions] Ancône, nous étant servis du même navire sur lequel nous avions été précédemment portés; et toujours sur la même heureuse embarcation de Chioggia, mais par une traversée beaucoup plus pénible, après avoir bien payé les frais du voyage, nous débarquâmes le 5 novembre, vers le soir, aux colonnes de la grande place de Saint-Marc.

  A022000697 

 Ce qui surtout rendit incommode et périlleux notre voyage à Rome par le territoire d'Ancône, c'est que le Souverain Pontife Grégoire XIV, longtemps victime d'une longue et dangereuse maladie, avait dit adieu à la vie; nouvelle que nous apprîmes d'abord par un rapport certain au moment même où nous entrions à Ancône.

  A022000698 

 Fasse le Dieu très bon et très grand que, sous ses auspices pour longtemps désirés, l'Eglise catholique universelle, et surtout celle de France, éprouve cette tranquilité qui lui permette de vivre si bien et si heureusement, que les peuples catholiques, délivrés du bras de leurs ennemis, puissent, da ns la sainteté et la justice, servir tous les jours de leur vie Celui «à qui servir c'est régner».

  A022000698 

 Le peuple et le royaume qui ne le serviront pas périront..

  A022000700 

 A ce moment, reprenant la course que j'avais commencée de faire précédemment à travers tous les Titres du Droit, je suis tombé [95] sur celui qui est mentionné plus haut: Des créances et du serment.

  A022000700 

 J'ai décidé alors de ne plus prendre en note ce qui se trouve sous des titres semblables (livre XII des Pandectes ); sinon ceci, que peut-être cette partie du titre: Des créances, a été ajoutée, de peur, sans doute, que le Code du seigneur Justinien, privé d'un titre si noble, ne semblât inférieur, du moins en apparence, aux livres des Pandectes de nos jurisconsultes.

  A022000700 

 L'ayant parcouru et n'ayant rien trouvé qui se rapportât aux créances, car tout y traite uniquement du serment, j'ai été étonné de voir que la porte était plus grande que tout l'édifice.

  A022000728 

 MAIS IL FAUT ECRIRE EN LETTRES MAJUSCULES CE QUI EST DIT DANS LA 1 re Loi: «DANS CES CHOSES MEMES OU NOUS INTRODUISONS UNE REFORME DES MŒURS, NOUS NE DEVONS PAS TENIR COMPTE DE LA QUESTION D'ARGENT.» L'observation de cette Loi n'est pas d'une nécessité urgente aujourd'hui, car les usuriers et les prêteurs à gages les plus sordides, lorsqu'ils ont réduit à l'indigence une province jusqu'alors intacte, s'ils se laissent saisir, tous leurs biens reviennent au fisc; pour quelle raison, je l'ignore, car ces biens ne sont pas ceux des usuriers, mais ceux des débiteurs pauvres.

  A022000769 

 DE L'APPLICATION DE L'EDIT DE L'EMPEREUR ADRIEN, ET COMMENT CELUI QUI.

  A022000789 

 Et, telz qu'un viel phoenix qui, sa vielle foiblesse,.

  A022000822 

 Qui me presse, o divin Sauveur?.

  A022000849 

 Qui, des son premier point, le rendit glorieux.

  A022000855 

 Hé, qui doutera donq qui ( sic ) ne rayonne encore.

  A022000856 

 Dessus son serviteur qui le sert humblement.

  A022000860 

 Sus donq! vous qui voyes quelle gloire environne.

  A022000879 

 Qui, presente,.

  A022000886 

 Qui te mange:.

  A022000916 

 Qui adore........................

  A022000927 

 Ou tu verras Celle qui est.

  A022000929 

 N'oseroit on dire qui c'est..

  A022000947 

 Et premierement, quant a l'exterieur, FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, ne portera point d'habitz de soye ni qui soyent plus pretieux que ceux qu'il a portés par cy devant; toutesfois ilz seront netz et bien proprement accommodés autour de son cors..

  A022000950 

 Il ne portera au doigt que le seul anneau qu'on appelle pastoral, et que les Evesques doivent porter pour marque de l'alliance qu'ilz ont contractee, et qui les tient liés et obligés a leur Eglise non moins estroittement que les maris a leurs espouses..

  A022000951 

 Il ne portera point de gans qui soyent parfumés ou de grand prix, ni de manchons de soye et fourrés; mays il prendra ce qui sera de la civilité, honnesteté et necessité.

  A022000952 

 Sa tonsure sera tousjours en estat d'estre fort bien reconneüe, sa barbe ronde, non pointue, et sans aucunes moustaches qui passent la levre superieure..

  A022000953 

 Un secretaire, deux valetz de [113] chambre, l'un pour soy et l'autre pour la famille; [114] un cuisinier avec son garçon, et un laquay qui sera vestu de tanné avec les bords violetz.

  A022000956 

 C'est une trop grande audace aux serviteurs d'un Prelat de mespriser les ecclesiastiques inferieurs: tous ceux qui serviront l'Evesque de Geneve seront advertis et accoustumés de traitter honnestement avec tous, mays principalement avec les prestres.

  A022000956 

 Il y aura tousjours quelqu'un qui aura soin de recevoir et introduire ceux qui viendront, et celuy la sera courtois et gratieux, taschant de ne fascher personne, quelle qu'elle soit.

  A022000959 

 Le jour de la feste, le Dimanche dans l'octave et le jour de l'octave il fera la Benediction dans l'eglise des Religieuses de Sainte Claire, tant affin de les consoler, que parce que ceste eglise est coustumierement toute pleyne de peuple, et que c'est la derniere Benediction qui se fait en la ville..

  A022000959 

 Quant aux divins Offices, toutes les festes de commandement l'Evesque assistera aux premieres Vespres, aux secondes, a la Grande Messe et a l'Office qui se fait devant ou apres; mays les jours solemnelz, outre cela, a Matines.

  A022000960 

 Il assistera, autant quil se pourra faire, le plus souvent aux Offices et exercices des Confreres de la Sainte Croix, du tressaint Sacrement, du saint Rosaire, du Cordon, mays principalement de la Sainte Croix, a cause de la Communion qui s'y fait et qu'il taschera de faire le plus souvent.

  A022000961 

 Maintenant, quant a l'interieur, et premierement quant a l'estude, il fera en sorte qu'il puisse apprendre [120] quelque chose tous les jours, utile neanmoins et qui soit convenable a sa profession.

  A022000961 

 Ordinairement, il pourra avoir pour estudier les deux heures qui sont entre sept et neuf de matin; apres souper, il fera lire quelque livre de devotion l'espace d'une heure, qui sera en partie pour l'estude, en partie pour l'orayson..

  A022000962 

 Quant aux oraysons jaculatoires, il les tirera ou de la meditation du matin, ou des divers objectz qui se presenteront; elles seront ou vocales ou mentales, selon qu'il sera incité du Saint Esprit, et il s'en fera un brief recueil pour aspirer a Dieu, a la Vierge, aux Anges, aux Saintz auxquelz il aura une particuliere devotion.

  A022000964 

 Quand il sera arrivé a la sacristie, il fera la preparation ni trop courte ni trop longue, pour n'attedier ni attiedir ceux qui attendront; l'action de graces sera de mesme.

  A022000968 

 Si toutesfois il y avoit esperance de retirer le peuple de ceste dissolution par quelque notable exercice (dont il sera parlé es articles de la republique), alhors il faudra choysir pour ceste recollection quelqu'une des semaynes qui sont entre Pasques et Pentecoste, affin que l'Esprit de Dieu que l'on y aura acquis, opere le bien de ces festes solemnelles et Octave du tressaint Sacrement; pour ce encor, qu'alhors on est moins pressé d'affaires, et que la sayson est fort propre pour la purgation de l'ame aussi bien que du cors, voyre que la [125] purgation du cors pourra servir de praetexte a la purgation de l'ame..

  A022000981 

 C'est en ceste retraitte ou on [126] regarde le Ciel de bien pres et ou on trouve la terre bien esloignee de ses yeux et de son goust; et lhors que les saintes ames qui sont engagees pour le publiq ne peuvent jouir de ceste felicité, elles font un cabinet dans leur cœur, ou elles vont estudier la loy de leur Maistre et la reçoivent de sa propre main.

  A022000981 

 De plus, en ceste montaigne, qui est si eslevee qu'on n'y entend point le bruict des creatures, on gouste, comme dit le Prophete, que Dieu est doux et suave.

  A022000990 

 Que si, en ce tems-la, ladite sainte religion ny est pas restablie, j'ordonne que mon cors soit enterré au milieu de la nef de l'eglise de la Visitation que j'ay consacree en cette ville; sinon que je mourusse hors de mon diocaese, auquel cas je laisse le choix de ma sepulture a ceux qui lors seront aupres de moy, a ma suite.

  A022000992 

 5 nt Je fais, cree et institue mes heritiers universelz en tous les biens immeubles, noms et actions qui m'appartiennent ou peuvent appartenir, procedés et parvenus a moy de la part de mes Pere et Mere, de messire Bernard de Sales, mon frere, de dame Marie Aymee de Rabutin, ma belleseur, a sçavoir: Messire Jean [129] François de Sales, mon frere, chantre et chanoyne de mon Eglise, et mon Vicaire general, pour la tierce part; les enfans masles de feu Galois de Sales, mon frere, en son vivant seigneur de Boysi et du Villars Roget, pour la tierce part; et messire Louys de Sales, Baron dudit lieu et de Thorens, seigneur de la Thuille, Chevalier au magnifique Conseil de Genevois, pour l'autre tierce part: les trois faysans le tout, a condition que mesdits heritiers ni les leurs ne viendront jamais a conte ni deconte, ni ne s'entredemanderont jamais aucune chose les uns aux autres pour les substitutions faites entre eux et moy par feu nos Pere et Mere..

  A022001003 

 La carte ci incluse et tout ce qui est en icelle escrit, est mon testament; et, ainsy quil est contenu, je legue, donne, institue et teste.

  A022001006 

 Nous soubsignés, certifions a tous quil appertiendra, que nous avons estés priés, appellés et requis de Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, de signer et sceller cette carte qui est son testament solemnel et par escrit..

  A022001023 

 Nous Philibert Roges, docteur en theologie, Chanœnne de Geneve, Vicayre et Officiai substitut de l'Eveché de Geneve, certifions a tous qu'il appartiendra, qu'en l'an et jour et lieu sus escript, a comparu par devant nous Monseigneur le Reverendissime FRANÇOYS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, lequel, en presence des tesmoins sus nommés et signés, nous a dict et declaré avoir faict son testement et ordonnance de derniere volonté, comm'ell'est dans la presente carte escripte de sa main et soubsigné, comm' il nous a declayré en presence desdits tesmoins, vouliant et entendant que sadite volonté escripte en cette ditte carte sorte son plain et entier effaict a l'advenir, par tous meilleurs moiens qui se peuvent faire, de droict et de coustume; priant lesdits tesmoins vouloir estre recors par cy appres, si besoingt est, de ladite declaration par luy faicte, nous requerant de mesme luy vouloir octroier acte de ses requisions ( sic ): ce que luy avons accordé..

  A022001035 

 Que si en ce tems laditte sainte religion n'y est pas restablie, Nous ordonnons que nos cors soyent enterrés au milieu de la nef de l'eglise de la Visitation (que Nous, Evesque de Geneve, avons consacree en cette ville); [134] sinon que nous mourussions hors du diocese, auquel cas Nous laissons le choix de nostre sepulture a ceux qui pour lhors seront aupres de Nous, a nostre suitte..

  A022001040 

 Lesquelz legatz Nous ordonnons estre payés une annee apres le deces du dernier mourant de Nous deux, et les deux cens florins de nostre frere le Chevalier tous les ans, par semblable jour que le dernier de Nous mourra; sauf que, quant au payement desditz deux mille escus legués a nos neveux, il sera loysible au sieur Baron de Thorens, nostre frere et heritier, d'en faire payement par la cession et transport de semblable somme qui luy est deuë et qui luy doit estre payee apres la mort du seigneur Baron de Cusy son beaupere; laquelle cession lesditz legataires seront tenus d'accepter pour payement, leur maintenant ledit sieur Baron de Thorens semblable somme luy estre bien deuë et exigeable, ou autrement il demeurera chargé dudit legat..

  A022001041 

 Voulans et entendans que nos biens soyent conservés, et parviennent entierement et sans detraction de trebellianique, que Nous prohibons, aux enfans masles qui descendront par loyal mariage de nostre dit [137] frere heritier jusques a l'infini, preferant tous-jours l'aisné d'iceux pour le tout; esperans que nostre dit frere fera semblable disposition pour ce qui est a son pouvoir, pour la conservation de nostre famille; et ainsy Nous substituons vulgairement et par fidecommis perpetuel, pour la faveur du masle aisné descendant de nostre dit frere heritier.

  A022001042 

 Que si l'evenement des affaires faisoit que l'un de Nous changeast de volonté et fist par ci apres un autre testament, le present neanmoins demeurera sur pied, valable, entant que concerne la disposition de l'autre qui ne la changera point..

  A022001054 

 Plusieurs eglises y furent reconciliees, et plusieurs personnes aussy, quand Son Altesse y fut au commencement des guerres; mays despuis, tous les lieux y ont estes pillés et violés par l'ennemy, et les personnes retombees en l'erreur par crainte: si qu'en tout le balliage il n'y a qu'un autel, tout nud et sans aucune commodité pour y celebrer, qui est en la paroisse des Alinges.

  A022001055 

 Et des lhors y furent envoyés deux predicateurs par Monseigneur le Reverendissime, qui ont praeché ordinairement en la ville de Thonon et en la parroisse des Alinges des le mois d'octobre en ça, n'y ayant point eu de moyen ny commodité ailleurs d'y faire le mesme.

  A022001056 

 Mays le fruict que jusqu'a praesent ilz y ont faict n'a esté que de consoler le peu de Catholiques qui y estoyent et donner a penser a la plus part des autres, qui ne croyoyent pas que personne parlast ou entendist la rayson de l'Escriture que les ministres huguenotz; n'ayant peu reduire que cinq personnes, entre lesquelles il y a un advocat nommé Pierre Poncet, le mieux entendu de tout le balliage..

  A022001057 

 Et ce qui a empesché le bon succes de l'entreprise a esté, en partie, la crainte que les habitans ont que Geneve et Berne ne les maltraitte en cas de romp[ement] de trefves, s'ilz prestoyent l'oreille aux Catholiques; qui a faict qu'ilz ne sont du tout point venuz aux [142] sermons, si ce n'est deux ou trois fois que quattre ou cinq y ont assisté.

  A022001057 

 Outre ce, que ne voyant rien d'estably pour ce peu de gens d'Eglise qui reside, on ne leur peut pas lever l'opinion que ce ne soit une boutade de l'Evesque pour aggrandir son authorité, sans aucun adveu ou volonté du Prince..

  A022001058 

 Et quant aux villageois, ilz protestent ordinairement n'avoir point d'autre regle pour leur religion que la volonté du Prince, qui est, ce disent ilz, plus entendu qu'eux..

  A022001060 

 Esperant qu'avec ceste commodité vous pourres reconnoistre le bon chemin de vostre salut, le mesme zele qui Nous a poussé a vous procurer ce bien Nous faict encor vous inviter et exhorter par ce mot a bien user d'iceluy, ouyant diligemment les raysons qui vous sont proposees, les pesant et considerant de pres, et proposant les difficultés que vous y trouveres aux predicateurs, ne Nous pouvant estre chose [143] plus aggreable que d'entendre vostre advancement et prouffit en nostre sainte religion catholique..

  A022001061 

 Que s'il playsoit, outre ceste vostre, en faire une autre a monsieur le Baron d'Hermance, gouverneur du duché de Chablaix, et une troysiesme a monsieur le Juge maje de Thonon, par lesquelles il leur fut commandé de remonstrer en une generale assemblee de Ville l'obligation que tout le pais a de seconder une si douce et charitable invitation de son Prince, il y a dequoy esperer en Dieu que bien tost tout le Chablaix, et peu a peu tout l'entour de Geneve, se reunira a l'Eglise catholique: qui ne sera pas peu de chose, ny de peu d'importance, ad laudem Christi Dei totiusque cœlestis Curiae.

  A022001071 

 Et affin qu'ilz peussent continuer, Leurs Altesses commandèrent a diverses fois qu'on delivrast quelque somme pour leur nourriture: ce que n'ayant esté faict, les habitans n'ont peu croire que ces prœdicateurs fussent la par la volonté de Leurs Altesses, et lesdits praedicateurs ont estés contraints de se reduire a un seul qui praechast en deux lieux, pour ne charger trop les particuliers qui avançoyent la despense.

  A022001072 

 Et des ores y ayant certaine esperance de bon succes, et mesme plusieurs parroisses demandant l'exercice catholique, il faudroit y acheminer environ huict predicateurs debrigués de tout'autre charge, pour precher de lieu en lieu selon la necessité; et leur entretenement pourroit venir a cent escus pour homme, dequoy il (sic) ne manieront rien, mais sera delivré selon le besoin par qui il sera advisé..

  A022001072 

 [1.] Playse donq a Son Altesse commander que la despense faite jusqu'a praesent en deux ans soit payee: qui peut revenir a trois cens escus.

  A022001073 

 Mays parce qu'il y a beaucoup d'eglises ruinees qui cousteroyent infiniment a redresser, il faudra, pour ce commencement, [148] joindre plusieurs parroisses en une: et ainsy suffirent quil y eut de seze a dixhuict grandes parroisses, lesquelles, pour estre bien servies, devront avoir des curés qui aye ( sic ) moyen d'entretenir avec eux un vicaire et qui, partant, devront avoir huict vins escus d'or annuelz, avec les maysons des cures..

  A022001073 

 Seroit requis encores de restablir des curés en toutes les parroisses, qui sont environ 45.

  A022001075 

 Or, pour trouver tant de revenu, il est expedient que messieurs les Chevaliers de Saint Lazare et autres qui y tiennent les revenuz d'Eglise, se contentent de payer ces sommes par forme de pension, attendant qu'autrement soit prouveu et que tous les benefices curés soyent laissés a cest effect.

  A022001076 

 Et outre ce, les pensions assignees jadis aux ministres huguenotz sur les benefices, pourront maintenant estr' appliquées a l'entretenement des precheurs, sans toucher aucunement a celles qui estoyent prises sur les deniers de Son Altesse..

  A022001080 

 L'annee 94, Son Altesse fit sçavoir a Monseigneur l'Evesque de Geneve, par une sienne lettre, que son intention estoit que [145] l'exercice catholique fut remis en Chablaix, et partant y fut envoyé le Prevost de Saint Pierre de Geneve, avec le chanoine de Sales, pour voir comme on pourroit donner commencement; et ce pendant, il pourroit consoler le peu de catholiques qui y restoyent, de quelques praedications.

  A022001081 

 Or, ne s'estant delivré de ladicte somme que 12 couppes ou environ, il s'en est ensuivy: premierement, que les habitans n'ont pas voulu croire que lesdits praedicateurs fussent la au sceu de Leurs Altesses, ne voyant point d'entretenement pour eux; secondement, que ces deux se sont reduitz a un, de peur de charger trop les particuliers qui avançoyent les frais.

  A022001082 

 Maintenant donq, y ayant ja quelque bonne esperance de bon succes, et mesme y ayant plusieurs parroisses qui demandent l'exercice catholique, seroit requis pour ce commencement:.

  A022001083 

 Premierement: l'entretenement pour huict praedicateurs qui soyent debrigués de toutes autres charges; pourroit venir a cent escus d'or pour homme, chacune annee..

  A022001084 

 Mays parce qu'il y a beaucoup d'eglises ruinees et renversees qui cousteroyent infiniment a redresser, il sera necessaire de joindre plusieurs parroisses en une; et ainsy suffiroit qu'il y eut [148] environ quinze parrochiales grandes, avec leurs curés, lesquelz, pour pouvoir entretenir un vicaire qui les soulage en l'administration des Sacremens, veu que les parrochiales seront fort loin les unes des autres, devront avoir une bonne pension et entretien comme pour deux, et encor pour avoir moyen de recevoir les praedicateurs qui les visiteront ordinairement et faire quelques aumosnes, tant pour le devoir que pour l'exemple: pourroit venir a huict vins escus d'or, avec les maysons et terrages des cures..

  A022001086 

 Quattriesmement: mais avant toutes choses, faut payer ce qui s'y [est] frayé jusqu'a present: 200 ˅.

  A022001090 

 Et pour pouvoir commencer promptement l'exercice catholique a Thonon, reparer l'eglise, avoir les paremens necessaires, peut estre pourroit il suffire qu'il pleut a Son Altesse accorder les aumosnes de Ripaille et de Filliez, retardees et non payëes, et semblablement les [151] pensions des ministres non payëes cy devant, qui ne se trouveront point avoir esté rapportees au prouffit de Messieurs de Saint Lazare ou au service du Prince: aussi bien, autrement, sont ce choses perdues.

  A022001091 

 Et encores de lever le maistre d'escole haeretique et en mettr' un catholique, attendant d'y pouvoir loger des Jesuites qui y seroyent tres a propos.

  A022001091 

 Seroit aussi requis esloigner le ministre de Thonon et le mettr' en lieu qui soit hors de commerce, tel quil sera avisé, si on ne peut le lever du tout.

  A022001093 

 Et pour attirer ceux de Thonon plus aysement a se rendre capables de la raison, il seroit expedient que l'un de ces seigneurs du Senat convocast le Conseil general de la ville de Thonon, et invitast les bourgeois a bien ouyr et sonder les raysons catholiques, et de la part de Son Altesse, avec paroles qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon Prince vers un peuple desvoyé; car ce leur seroit une douce violence, et un bon exemple aux voisins..

  A022001094 

 Et se pourroit faire ceste liberalité, leur assignant a chascun certaine portion des aumosnes qui se doivent chasqu'annëe a Filliez e ( sic ) Ripaille..

  A022001094 

 Plays' aussy a Son Altesse user de quelque liberalité a l'endroit de sept ou huict personnes, vielles et de bonne [153] reputation, qui ont vescu fort catholiques et fort longuement parmi les haeretiques, avec une constance admirable et en grande pauvreté.

  A022001095 

 Plays' encor a Son Altesse user de sa liberalité vers une petite parroisse nommee Mezinge, voysin' aux Alinges, laquelle se reduict maintenant tout' entier' a la foy catholique, et qui fut toute bruslëe par les gens de Son Altesse affin qu'elle ne servit aux embuscades des ennemis; comm' il appert par l'attestation que leur en a faicte le sieur Juge maje de Chablaix.

  A022001097 

 La seroit ( sic ) corrigés telz vices que ceux qui y estoyent corrigés parmi les huguenotz, et la peyne, tant pecuniaire que corporelle, pourra estre limitee par Son Altesse comm' elle l'estoit au Consistoire des huguenotz..

  A022001105 

 Et partant sembleroit qu'il sera bon de leur en laisser quelque forme, mays avec ce changement: parce que ces corrections se doivent faire par parolle et remonstrance a la forme de l'Evangile, le praesident sera l'un des praedicateurs, tel qu'il plaira a l'Evesque de deputer; aura pour conseillers les plus notables de la ville et lieux de la autour, moidé ecclesiastiques, moitié laiz, vieux, graves et de reputation, et entre les laiz assistera tousjours l'un des seigneurs et le premier officier de Son Altesse, qui y aura voix decisive.

  A022001105 

 Et quant a la peyne pecuniaire, Son Altesse la pourra limiter a quelque somme, et sera tousjours toute appliquee aux pauvres [du lieu] et a la reparation de l'eglise, par l'advis de l'assemblee; et la peyne corporelle, elle pourra aussy estre limitee par sadicte Altesse a quelques jours de jeusne qui se passeront es prisons de sadicte Altesse, sans note d'infamie..

  A022001105 

 La seront chastiés de parolle et reprehension et, s'il y eschoit, de quelque peyne legere, les mesmes vices qui le sont au Consistoire huguenot.

  A022001107 

 Ce sont là les choses qui pressent, Monseigneur, et a l'execution desquelles il ne faut point de delay.

  A022001108 

 Et Vostre Altesse, selon sa pieté, ne permettra point que tous ces desseins et tous ces efforts soyent en vain; mais plustost, puis qu'elle s'est des-ja acquise la grandeur par la pieté mesme, elle preferera ceste victoire qu'elle peut Remporter sur la cruauté de l'heresie à toutes les autres qui sont preparées à sa vertu.

  A022001108 

 Quant à moy, j'ai des-ja employé vingtsept [157] mois à mes propres despens en ce miserable pays, à fin d'y espancher la semence de la parolle de Dieu, selon vostre volonté qui fust signifiée à Monsieur l'Evesque de Geneve: mais diray-je que j'ay semé entre les espines ou bien sur les pierres? Certes, outre la recouverte de monsieur d'AvulIy et de l'advocat Poncet.

  A022001115 

 Ces années passées, Monseigneur, que Vostre Altesse [158] estoit venuë en Savoye pour faire la guerre aux huguenots, selon son zele à la religion catholique, elle avoit déclaré par lettres patentes que sa volonté estoit que tous les biens d'Eglise fussent restituez, specialement à l'Eglise cathedrale de Geneve, qui est des principales de vos Estats, et, entre les principales, la plus illustre et plus ancienne; et ceste volonté vostre a esté enterinée par vos cours souveraines du Senat et de [159] la Chambre des Comptes de Savoye.

  A022001115 

 Maintenant que la tres-saincte foy catholique a de l'entrée en Chablais, nous supplions tres-humblement Vostre Altesse qu'il luy plaise d'estendre le mesme commandement, à fin que ce pauvre Chapitre puisse r'entrer dans les biens qui luy appartiennent d'ancienneté, et principalement dans le benefice curé de l'eglise d'Armoy..

  A022001116 

 Privez de tout secours humain et chassez de leur cité comme des larrons, ils sont contraincts de celebrer leurs Offices dans une eglise mendiée, que toutesfois ils font si bien, par la grace de Dieu, qu'il n'y a point d'eglise en l'Europe (et que cecy soit dit sans envie) où les divins Offices soyent celebrez avec plus de solemnité, ayant esgard à leur pauvreté, qui est presque extreme..

  A022001122 

 Pour introduire entierement la tres sainte religion catholique en Chablaix, il est grandement necessaire de prier Son Altesse Serenissime qu'elle remette tous les benefices curés qui ont esté possedés jusques a present par les Chevaliers des Saintz Maurice et Lazare, aux pasteurs qui ont esté et qui seront establis par l'Evesque de Geneve, affin que les exercices et Offices sacrés y soyent deuement observés, les Sacremens administrés aux peuples..

  A022001123 

 Et ainsy ce seroit une bonne forteresse de laquelle on combattroit vaillamment, comme a l'opposite, contre les insolentes attaques de Geneve et de Lausanne: car la ville de Thonon est entre l'une et l'autre, de sorte que, s'il y avoit un soldat qui peust jouer de la droitte et de la gauche, il combattroit facilement l'une et l'autre; outre qu'elle n'est pas beaucoup esloignee de la forteresse des Alinges, suffisante pour soustenir le siege d'une armee royale, affin qu'en cas de necessité elle peust servir de refuge aux Peres.

  A022001123 

 Rien ne peut arriver de plus utile a ceste province de Chablaix que si l'on construit et erige un college de la [162] Compaignie de Jesus en la ville de Thonon; car d'iceluy, non seulement maintenant plusieurs Religieux pourroyent aller par tous les autres lieux du diocese, mais encores, comme d'un Seminaire, plusieurs prestres et jeunes hommes pourroyent sortir par cy apres, qui porteroyent l'Evangile par toutes les villes et villages du voysinage.

  A022001126 

 Quant a ce qui regarde l'eglise collegiale de Viry, au balliage de Ternier, affin qu'elle soit restituee en son premier estat, selon la teneur de la Bulle de son erection, il faut prier Son Altesse qu'en compensation du prieuré de Thonon, il luy playse de consentir a l'union des egiises de Saint Julien et de Thoiry, comme encores qu'elle puisse percevoir les dismes des lieux voysins de [164] Beaumont et de Bernex, appartenantes au prieuré de Saint Jean hors les murs de Geneve et maintenant possedees par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare, de la valeur annuelle de cinq cens florins, avec une pension de trente couppes de froment de la mesure de Chaumont, ou de vingt couppes de la mesure de Chamberi; a rayson de laquelle pension ceste eglise collegiale fournira d'un aumosnier aux soldatz du fort de Sainte Catherine..

  A022001155 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en droit, professeur de théologie et Prévôt de l'Eglise cathédrale du diocèse de Genève, pour la consolacion de tous ceux qui désirent savoir les choses écrites ci-après:.

  A022001157 

 Quelques personnes vertueuses, touchées de la miséricorde de Dieu, sont retournées à lui avec un humble repentir, et, quittant les ténèbres de l'hérésie calviniste, sont venues à la vraie lumière du Christ Jésus, notre vrai Soleil; puis, par notre entremise, en [168] vertu de l'autorité qui nous a été accordée par le Saint-Siège Apostolique, elles ont été admises au baiser de paix de la sainte Eglise Catholique, Apostolique, Romaine.

  A022001173 

 Et au lieu du maistre heretique en loger un catholique, et donner une expresse commission a messieurs les Gouverneur, Juge maje et Procureur fiscal, de restablir et faire representer un legat laissé par François Echerny et sa femme, destiné a l'entretenement de douze pauvres escoliers, pour estre employé, selon l'intention du legateur, pour la nourriture de ces douze escoliers, qui soyent catholiques..

  A022001175 

 Que les heretiques soyent privés de toutes charges [172] publiques, offices et estatz, non seulement qui dependent immediatement du service de Son Altesse, mais encores des charges et offices dependans des jurisdictions inferieures et subalternes, sur tout de la comté des Alinges, et autres biens des sieurs Chevaliers de Saint Lazare..

  A022001177 

 Que le ministre soit esloigné le plus qu'il se pourra faire de ceste ville, puysque, selon les conventions faites a Nyon, elle a esté nommement exceptee pour n'y avoir jamais aucun exercice heretique, et que l'approche que le ministre a fait n'a aucun congé de Son Altesse, mais seulement une simple connivence des officiers; ce qui fait encores pour une juste rayson de lever le maistre d'escole..

  A022001188 

 Qu'il playse a Son Altesse d'ordonner que les habitans riere Chablaix et Ternier vivront selon la religion Catholique, Apostolique et Romaine, donnant a ceux qui tiennent autre forme de religion delay competent, ou [174] pour se cathechizer, ou vuider les Estatz, avec permission de pouvoir vendre leurs biens aux Catholiques pendant ledit tems; lequel escheu, lesditz biens soyent tenuz pour confisqués, et pourra on proceder contre leurs personnes a forme du droict..

  A022001189 

 Il y a Edict dressé pour interdire, tant en general qu'en particulier, la pretenduë religion, la publication duquel se pourra faire dans sept ou huict jours, dont est donné charge au Juge mage; lequel aura lieu encores pour n'aller hors de nos Estats a l'exercice d'icelle, deffendant a toutes personnes, de quelque qualité qu'elles soyent, de n'absenter le pays, ny transporter ou faire transporter leurs biens directement ou indirectement, a peine de confiscation de corps et de biens; et a mesmes peines est enjoinct a ceux qui auront absenté, de retourner dans huict jours apres..

  A022001191 

 Quant a l'autre, qui est de ne divertir les personnes de la religion Catholique directement ni indirectement, Son Altesse en charge et enjoinct aux officiers de chastier exemplairement ceux qui feront le contraire..

  A022001192 

 Que tous ceux qui habitent riere lesditz Estatz [175] observeront les testes, jeusnes, vigiles, Caresme et autres commandemens de l'Eglise, et assisteront aux processions; aux peynes qu'il plaira a Son Altesse..

  A022001193 

 Et d'autant qu'il y a plusieurs choses esquelles la justice ne met la main, comme dissensions, inimitiez, concubinages, ivrogneries et semblables excez, S. A. veut qu'on establisse un magistrat des moeurs, qui sera d'aucuns ccclesiastiques, y assistans tousjours ou le sieur Gouverneur, ou le Juge mage, ou bien le Procureur fiscal, et quelqu'un du corps de la Ville, qui auront pouvoir de faire emprisonner et faire payer amende jusques a soixante sols, donner des penitences salutaires.

  A022001194 

 Qu'il soit defendu a toutes personnes de lire ou tenir livres heretiques, censurés et prohibés, et faict commandement a ceux qui en ont de les remettre dans le moys es mains du Reverendissime Evesque; lequel moys expiré, pourront lesditz deputés en faire recherche particuliere par les maysons, et y proceder par censures ecclesiastiques et autres peynes de droit, assistés des officiers locaux pour leur faire main forte et y proceder, non obstant opposition et appellation..

  A022001195 

 De nouveau sera faict Edict general touchant tous les livres prohibez qui sont portez par sus l'Estat de Savoye; defence a tous d'en transmarcher ça et la, a grosse peine.

  A022001197 

 Et quant à ceux qui ne sont catholisez, sadicte Altesse veut et commande, pour obvier a un atheisme, que tous les hommes et femmes assisteront aux presches catholiques, et ordonne a tous ses officiers d'y tenir main, et y contraindre les defaillans par toutes voyes possibles et necessaires; et que tous peres et meres et chefs de famille feront venir leurs enfans au catechisme, defendant de porter baptizer, instruire et faire mariages autre part qu'en l'Eglise Catholique, a peine de son indignation et amende arbitraire..

  A022001199 

 Son Altesse le treuve bon, en conformité de ses Edicts cy devant publiez, qu'Elle veut estre observez, voulant qu'on depute en la ville [177] et villages des personnes idoines pour censeurs, qui visiteront les places et maisons pour reveler les contrevenans et les faire chastier, ayant esté prouveu en l'article troisiesme.

  A022001200 

 Que les peres et meres de famille envoyeront leurs enfans, filles, serviteurs, chambrieres et autres domestiques a l'eglise es jours deputés, pour ouyr le cathechisme; et a ces fins, seront commis par les ruës des villes et villages des parroisses des dizainiers pour les enrooller, et accuser aux peres spirituelz l'absence de ceux qui ne s'y trouveront, pour y estre procedé contre les desobeyssans par telles peynes qu'il playra a Son Altesse..

  A022001201 

 S. A. l'accorde, entendant specialement que ceux qui ne sont encore catholisez y soyent comprins, et les defaillans punis..

  A022001202 

 Que l'Edit de la privation de tous offices publiez contre ceux qui demeurent obstinés en leur heresie sera observé selon sa forme, avec declaration qu'ilz ne pourront exercer lesditz offices ni fermes par interposites personnes, moins y participer; a peyne de l'Edit pour ceux qui les associeront..

  A022001204 

 Qu'il playse a Son Altesse de deputer des commissaires pour informer contre ceux qui ont demoli les eglises et maysons des curés, vendu, acheté et emporté les tuilles, bois, pierres d'autelz, des baptisteres et eau-benistiers, affin qu'outre les peynes de droict portees contre telz, ilz soyent contraintz a rebastir les eglises et maysons des curés a leurs despens, et les meubler d'ornemens necessaires.

  A022001206 

 Que ceux qui possedent les biens des eglises soyent contraintz de les relascher, sçavoir: des parrochiales, au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, et des autres, entre les mains de celuy qu'il playra a Son Altesse ordonner, pour estre remises auxdites eglises..

  A022001208 

 Que ceux qui ont des tiltres, papiers, livres de reconnoissance, extraitz et autres documens concernans les revenuz des eglises, les remettront dans le moys entre les mains de tel commissaire qu'il plaira a Son Altesse, pour estre puys apres delivrés a ceux ausquelz ilz appartiendront..

  A022001209 

 Et a ce, seront contraincts ceux qui les auront riere eux, nonobstant opposition ou appellation quelconque..

  A022001209 

 Les droicts et tiltres requis seront remis es mains du sieur d'Angeville, œconome deputé par sadicte Altesse, et du Procureur fiscal, qui s'en chargeront par inventaire.

  A022001210 

 Qu'il playse a Son Altesse de remedier a l'abus qui se commet aux graines des aumosnes destinees pour les pauvres villageois et reservees par les baillafermes, affin qu'elles soyent employees ainsy qu'il appartient; et par ce moyen en faire declaration expresse, deputant des commissaires pour ouyr les contes des precedens fermiers sur le faict des aumosnes, et commander au Senat de contraindre ceux qui les ont retirés, de les rendre et tenir conte, suyvant ce qui sera ordonné par le Reverendissime Evesque..

  A022001211 

 Se fera la reddition des comptes desdicts bleds des aumosnes de trois en trois mois, en presence du seigneur Reverendissime Evesque de Geneve, ou de son Official; present le Juge mage, ou Procureur fiscal, appeliez les deux syndiques de Tonon; auquel Juge mage est mandé de faire observer ce qui sera resolu, nonobstant opposition ou appellation, par ledict seigneur Evesque, tant pour le regard de la distribution desdictes aumosne, que pour reddition desdicts comptes de ce qui est escheu pour le passé et n'a esté distribué par les fermiers, que pour les aumosnes du temps a venir.

  A022001212 

 Que les cloches qui sont aux Alinges seront restituees aux eglises ausquelles elles appartiendront; et le metail de celles de Thonon, Filly et autres, qui est audit lieu, sera remis au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, pour estre employé a faire des cloches aux eglises de Thonon, ainsy qu'il verra estre plus expedient; le tout dans quinze jours..

  A022001213 

 S. A. l'accorde, et ordonne au sieur de Lambert de le faire: ce qui s'entend encore des cloches des villages, qui seront entieres ou en pieces.

  A022001216 

 Et que, tant lesditz seigneurs Gouverneur que magistratz, tiendront main a l'observation de ce que dessus, et, en ce qui concerne la jurisdiction spirituelle, assisteront aux officiers par toutes voyes de justice deuë et raysonnable, a la forme du droict, et suyvant les Editz de Son Altesse et son intention..

  A022001247 

 Ainsi le feu évangélique s'allumera plus intense autour des Genevois pour chasser le vent du Nord qui les glace..

  A022001247 

 qui les veuille accepter, on demande pour l'Evêque de Genève le pouvoir de supprimer, dans les monastères et prieurés conventuels de son diocèse, une prébende monacale, vacante ou à vaquer, et d'assigner à chaque théologal deux de ces prébendes supprimées, comme il sera jugé à propos; et que, à leur défaut, on puisse [182] supprimer quelques bénéfices simples des églises mêmes où l'on constituera la prébende théologale, afin de les lui appliquer.

  A022001248 

 Mais ce n'est pas seulement la provision pour les théologaux qui est nécessaire; il faut aussi donner aux curés moyen de vivre et de desservir convenablement leurs paroisses, puisque ce sont eux qui portent le poids du jour et de la chaleur.

  A022001250 

 Partant, on supplie Sa Sainteté de l'exempter de tout payement des décimes concédées au Duc de Savoie, reportant la part qui lui échet sur d'aures bénéficiers de Savoie qui n'ont pas tant de charges et sont plus à leur aise..

  A022001251 

 Bien des sujets ou taillables de l'évêché sont astreints à d'innombrables servitudes qui sentent plutôt le paganisme que le christianisme: s'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent tester, mais leurs biens reviennent à l'Evêque; ils doivent imposer silence aux grenouilles pendant que le Prélat dort, et telles autres choses ridicules qui n'apportent qu'un mince avantage à l'Evêque; car ces gens demeurent, pour l'ordinaire, abjects et misérables, se privant même d'acheter à cause de leur triste condition.

  A022001251 

 On demande donc que l'Evêque puisse affranchir et libérer ses sujets de ces [185] servitudes, moyennant une somme d'argent qui sera employée à l'évidente utilité de la mense épiscopale, pour donner d'autant plus de facilité à l'Evêque et aux autres de travailler à l'œuvre du Seigneur..

  A022001255 

 Par suite des guerres passées, nombreux sont les hérétiques, même relaps, qui, originaires ou habitants de ce diocèse, désirent rentrer dans le sein de l'Eglise; toutefois, ils ne peuvent s'y résoudre, surtout les femmes, les vieillards, les domestiques et tels autres, parce qu'ils ne veulent pas se rendre chez l'Evêque.

  A022001256 

 Il serait bon aussi que l'Evêque pût communiquer la faculté de bénir les ornements et les nappes d'autel, vu la grande quantité qui en sera nécessaire et la notable incommodité qu'il aurait à tout faire par lui-même..

  A022001257 

 Les Monastères de Savoie, d'hommes et de femmes, donnent à tous d'incroyables scandales par la mauvaise vie de ceux qui les habitent: c'est pourquoi, et parce que le mal est invétéré, on demande qu'un Prélat ultramontain, ou un autre des Etats de Savoie, comme mieux informé de ce qui est requis, reçoive commission de visiter tous les Monastères, assisté de deux Pères [187] Jésuites, Capucins ou autres, selon qu'il sera expédient; de les réformer et corriger de par l'autorité Apostolique, sans appel ni opposition quelconque; et cela d'autant plus que tel est le désir du Sérénissime Duc de Savoie qui, à cet effet, prêtera tout secours du bras séculier là où il sera nécessaire..

  A022001268 

 Cum autem diebus praeteritis, per continuas praedicationes, Terniacences et Caballiani omnes in sacrosanctae Ecclesiae gremium redierint, numero sexaginta quatuor paraeciarum, quibus idonei et docti constituendi sunt rectores; praeter quos necessarii sunt in ecclesia Tononensi, primaria ditionum illarum urbe, octo saltem sacerdotes qui confessiones audiant et Sacramenta administrent, necnon tres validi concionatores, qui ab apostolico praedicandi munere nunquam cessent.

  A022001269 

 Supplicat Sanctitati Tuae humiliter, uti unionem illam relaxare et penitus abrogare dignetur, quo beneficia illa omnia, qusecumque tandem sint, curionibus, rectoribus, concionatoribus, reparationibus aliisque ad conservadam religionem sanctam necessariis oneribus applicentur [191], quandoquidem Serenissimus Allobrogum Dux, qui ejus Militiae Magnus Magister est, suum in eam rem consensum praebet, licentiam eidem Episcopo concedendo instituendi paraeciales rectores beneficiaque distribuendi, prout viderit necessarium esse, necnon tres validos concionatores e quovis Ordine seu Religione eligendi..

  A022001273 

 Exponit humillime Tuae Beatitudini Claudius Granierius, Episcopus Gebennensis: Ob provinciae paupertatem fructuumque praebendarum theologalium tenuitatem, non inveniuntur theologi qui eas acceptare velint, cum nihilominus ad spargendum divini verbi semen in ea diaecesi maxime sint necessarii..

  A022001283 

 Exponit humillime idem Episcopus, quamplures sunt in sua diaecesi loci, quorum incolae consanguinitate vel affinitate junguntur, qui tamen, cum pauperrimi existant, tenuissimasque expectent dotes, difficillime extra possunt matrimonium contrahere, ne scilicet exiguam illam dotem visitationibus sponsae nuptiarumque oneribus insumant, nec habeant unde ad obtinendam ab Apostolica Sede dispensationem Romam mittant..

  A022001284 

 Quapropter supplicat Sanctitati Tuae, uti concedere dignetur licentiam in quarto consanguinitatis vel affinitatis gradu dispensandi, eosque qui hactenus, eo non obstante quarto gradu, matrimonium contraxerunt, absolvendi, cum potestate prolem tali modo susceptam legitimam declarandi, hocque saltem in conscientiae foro; quandoquidem et paupertate, ne Romam mittant, impediuntur, et angustia loci coguntur simul contrahere.

  A022001288 

 Exponit humillime, cum multi sint lutherani seu calviniani in ejus diaecesi, sive relapsi, qui ad verae fidei redire lumen cupientes, tam pium et salutare opus intermittunt quia ad Episcopum venire nolunt:.

  A022001298 

 Supplicat humillime Sanctitati Tuae Claudius Granierius, Episcopus Gebennensis, uti cum Canonicis Ecclesiae suæ cathedralis dispensare dignetur ad obtinendas retinendasque una cum canonicatibus ecclesias paraeciales, collocando in iis idoneos vicarios et quid ad animarum habendam curam sufficiant; quandoquidem omnes sunt vel nobiles, vel doctores, et nequeunt cum [196] canonicatus fructibus, qui sexaginta ducatorum summam non excedunt, decenter vivere, nec ad alia possunt adspirare beneficia, cum omnia fere de jure patronatus sint, nec possint idcirco absque praesentatione patroni obtineri.

  A022001302 

 Sunt et nonnulli quibus servitus est curandi per noctem, dum dominus dormit, ne ranse coaxent; quae quam indigna sint homine christiano nemo est qui non videat.

  A022001308 

 Quapropter supplicat Sanctitati Tuae, uti commissionem alicui ex ultramontanis Praelatis de rebus omnibus bene instructo dignetur dare, qui cum duobus ex Societate Jesu, vel Capucinorum Ordine Patribus, addito etiam [198] brachii saecularis auxilio, si opus fuerit, debeat possitque libere et absolute ejusmodi Monasteria visitare, et in veterem ordinem reducere, et inobedientes corrigere, et rebelles coercere, prout expedire viderit ad animarum ipsorum salutem populique consolationem, appellatione quavis neglecta et oppositione; quandoquidem illorum Monasteriorum Superiores hujusmodi dissolutiones ferunt et patiuntur, eo quod remedium nullum adhibeant..

  A022001319 

 Le [191] Sérénissime Duc de Savoie, qui est le Grand-Maître de cet Ordre militaire, y donne son consentement, accordant audit Evêque pouvoir d'établir des curés dans les paroisses et de distribuer les bénéfices, selon qu'il le verra nécessaire, aussi bien que de choisir trois robustes prédicateurs, de quelque Ordre ou Religion qu'ils soient..

  A022001323 

 Expose très humblement à Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève: A cause de la pauvreté de la province et de la modicité des fruits des prébendes théologales, on ne trouve pas de théologiens qui veuillent les accepter; néanmoins, pour répandre la semence de la parole divine dans ce diocèse, ils seraient très nécessaires..

  A022001334 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne lui accorder permission de dispenser du quatrième degré de consanguinité ou d'affinité, et d'absoudre ceux qui jusqu'à ce jour, nonobstant ce quatrième degré, ont contracté mariage, avec le pouvoir de déclarer légitimes les enfants issus de ces unions, et cela au moins au for de la conscience; attendu qu'ils sont empêchés par leur pauvreté de recourir à Rome, et qu'ils sont contraints par la petitesse du lieu de contracter ensemble..

  A022001338 

 Expose très humblement, comme il y a dans son diocèse [194] beaucoup de luthériens, de calvinistes, ou de relaps, qui, désirant revenir à la lumière de la vraie foi, diffèrent une œuvre si pieuse et si salutaire parce qu'ils ne veulent pas venir devant l'Evêque:.

  A022001344 

 Supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne l'exempter de tout payement quelconque de décimes concédées au Duc de Savoie, reportant la part qui lui incombe sur les autres Evêques et bénéficiers de Savoie, beaucoup plus riches et moins chargés que lui..

  A022001348 

 Supplie très humblement Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève, qu'Elle daigne en ce qui concerne les chanoines de son Eglise cathédrale, accorder dispense pour qu'ils puissent obtenir et retenir, avec leurs canonicats, des églises paroissiales, en y mettant des vicaires capables et suffisants pour exercer charge d'âmes; attendu que tous sont ou nobles ou docteurs, et ne [196] peuvent avec les revenus de leur canonicat, qui ne dépassent pas la somme de soixante ducats, vivre décemment, ni ne peuvent aspirer à d'autres bénéfices, puisque presque tous sont soumis au droit de patronage et ne sauraient, par conséquent, être obtenus sans la présentation du patron.

  A022001352 

 Expose très humblement à Votre Sainteté l'Evêque de Genève, qu'il a plusieurs sujets ou taillables, astreints à d'innombrables servitudes qui sentent plus le paganisme que le christianisme: ainsi, lorsqu'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent faire de testament en faveur de personne; ils ne peuvent se vêtir de drap noir, ni porter le moindre ourlet de drap de couleur.

  A022001352 

 Il y en a même quelques-uns dont la servitude consiste à prendre soin durant la nuit, alors que le seigneur dort, d'empêcher les grenouilles de coasser; n'y a personne qui ne voie combien de telles choses sont indignes d'un chrétien.

  A022001357 

 Expose très humblement, que presque tous les Monastères et Prieurés conventuels, tant d'hommes que de femmes, dans la Savoie, le Genevois, ou autres possessions et régions au-delà des monts appartenant au Sérénissime Duc de Savoie, sont tellement déchus de la discipline régulière et antique, qu'a peine peut-on discerner les Réguliers des séculiers; les uns, en effet, vagabondent sans cesse çà et là, et les autres qui demeurent dans leurs cloîtres causent parmi le peuple un très grand scandale..

  A022001358 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne donner commission à quelque Prélat, d'au-delà des monts, bien instruit de toutes choses, qui, avec deux Pères de la Société de Jésus, ou de l'Ordre des Capucins, s'adjoignant même, s'il en est besoin, l'aide [198] du bras séculier, ait le devoir et le pouvoir de visiter librement et absolument ces Monastères, de corriger les désobiéssants et de châtier les rebelles, selon qu'il le verra expédient au salut de leurs âmes et à la consolation du peuple, sans tenir compte d'aucun appel ou opposition quelconques; attendu que les Supérieurs de ces Monastères souffrent et endurent de tels désordres, puisqu'ils n'y apportent nul remède..

  A022001369 

 Devotissimi Tuae Sanctitatis oratores, Praepositus, Capitulum et Canonici Ecclesiae cathedralis Sancti Petri Gebennensis, exponunt humillime, cum abhinc annis sexaginta a Genevensi civitate expulsi fuerint, et una cum Episcopo in urbem Aniciensem ad residendum celebrandaque divina Officia recesserint, evenit ut praeteritis mensibus, per virtutem Spiritus Sancti et continuas verbi Dei praedicationes factas, omnes fere qui Caballium et Terniacum ditiones Sabaudicas incolunt, [200] sacrosanctam fidem catholicam amplexi sint, ii maxime qui Thononum inhabitant, primariam provinciae urbem, cum sexaginta quatuor paraeciis circum circa longe lateque diffusis.

  A022001371 

 Hac ratione poterunt Thononum se transferre, sacram aedem restaurare, fructumque facere qui ex divini verbi effectu expectari potest; cum decreto tamen, ut omnes beneficia quaevis in Ecclesia Gebennensi [202] fundata possidentes, duodecim praesertim sacelli Sanctorum Machabaeorum sacerdotes qui vi fundationis ad residentiam in eo sacello faciendam obligantur, debeant, absque ulla vel oppositione vel exceptione, Capitulum et Canonicos sequi et comitari, sub poena privationis ab eodem Capitulo; quo casu, alii in eorum locum sufficiantur.

  A022001371 

 Quod si nulli inveniantur qui ad eam [203] residentiam obligare se velint, tunc illius sacelli fructus et reditus mensae capitulari applicentur..

  A022001379 

 Or, il est arrivé que les mois derniers, par la vertu du Saint-Esprit et par les prédications continuelles de la parole de Dieu qui ont été faites, presque tous ceux qui habitent les contrées du Chablais et de Ternier en Savoie, ont embrassé la sacrosainte foi catholique, [200] et surtout ceux qui habitent Thonon, ville principale de la province, avec soixante-quatre paroisses qui s'étendent tout à l'entour.

  A022001381 

 Par ce moyen ils pourront se transporter à Thonon, restaurer l'église, et produire le fruit que l'on peut attendre de l'effet de la parole divine; en decrétant, toutefois, que tous ceux qui possèdent des bénéfices quelconques fondés dans l'Eglise de Genève, principalement [202] les douze prêtres de la chapelle des Saints Machabées, qui, d'après la fondation, sont obligés de faire résidence en cette chapelle, soient tenus, sans aucune opposition ni exception, de suivre et accompagner les Chapitre et Chanoines, sous peine d'être retranchés de ce même Chapitre; auquel cas, d'autres seront élus en leur place.

  A022001381 

 Que si personne ne se trouve qui veuille s'obliger à [203] cette residence, alors les truits et revenus de cette chapelle seront appliques a la mense capitulaire..

  A022001407 

 De plus, l'évêché de Genève a un grand nombre de sujets appelés taillables, qui sont astreints à beaucoup de servitudes barbares, telles que celles-ci: lorsqu'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent tester ni disposer de ce qui leur appartient, pas même en faveur des pauvres, des églises, de leurs femmes ou de leurs frères, ni en autre façon quelconque, mais tous leurs biens meubles et immeubles passent à l'Evêque; item, ils doivent imposer silence aux grenouilles pendant que l'Evêque dort, et choses semblables.

  A022001407 

 On procurerait ainsi un grand avantage spirituel et temporel aux sujets, et l'on augmenterait la mense épiscopale d'un revenu régulier et assuré, plus utile sans comparaison que ce qui se peut retirer de ces héritages éventuels qui tous se réduisent à très peu de chose ou sont accompagnés de chicane..

  A022001407 

 Que s'ils meurent dans leur patrie, ils font tout ce qu'ils peuvent à leur mort et pendant leur vie, pour priver leur seigneur, à force de précautions et de fraudes, de l'héritage qui lui est dû; de là s'ensuivent mille inconvénients non seulement pour le temporel, mais aussi pour le spirituel.

  A022001408 

 Pour ce qui concerne ces deux articles, Sa Sainteté a chargé le [207] cardinal Aldobrandini d'en écrire à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, afin qu'ayant une plus entière connaissance des raisons apportées, Elle prît les moyens convenables pour mettre à exécution ce qui a été demandé.

  A022001409 

 De plus, on a encore supplié Sa Sainteté de daigner appliquer et assigner sur chaque monastère ou prieuré du diocèse de Genève, une prébende monacale vacante ou à vaquer, pour l'entretien des chanoines théologaux qui sont très nécessaires en plusieurs lieux et ne peuvent autrement y être établis, vu l'exiguité des prébendes théologales.

  A022001410 

 Comme les moines ne vivent ni en communauté ni en clôture, ils n'exercent pas ces emplois; dès lors, on en distribue les prébendes à de simples laïques qui habitent en dehors et souvent loin des monastères.

  A022001410 

 Et pour lui ouvrir encore plus la voie, on expose ce qui suit: Il y a, dans bon nombre de monastères, abbayes et prieurés, plusieurs prébendes dites laïques que l'on donne à des personnes très inutiles, et à des serviteurs non des monastères, mais des Abbés et Prieurs commendataires, en rétribution de leurs services: telles, les prébendes des bûcherons, des portiers, des cuisiniers, des intendants de cuisine.

  A022001411 

 En outre, il faudrait un ordre définitif qui autorisât à prélever sur l'abbaye d'Abondance, comme on le faisait auparavant, [210] une prébende égale à celle des Religieux pour le prédicateur et théologal d'Evian; actuellement, fermiers et administrateurs font des difficultés, et encore la payent-ils mal.

  A022001411 

 On pourrait plus facilement réussir en rappelant que Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, à la requête du R. P. François Papard, Dominicain, prédicateur à Evian, ordonna que cette prébende lui fût payée; ce qui s'est fait jusqu'à présent, même après la mort du P. Papard, pour d'autres prédicateurs..

  A022001412 

 Ces pouvoirs seraient nécessaires non seulement au Prévôt, mais encore à ceux qui seront délégués sous peu par l'Evêque de Genève, à cause de l'abondance de la moisson et de la pénurie des moissonneurs.

  A022001412 

 De plus, le pouvoir d'absoudre les hérétiques a été accordé au Prévôt de Genève avec cette clause: «S'ils ont verbalement détesté leurs erreurs en confession sacramentelle;» et plus bas: «seulement au for de la conscience.» Ces clauses empêcheront une grande partie du fruit que sans cela on pourrait retirer, moyennant la grâce de Dieu et les travaux dudit Prévôt, qui ne pourra suffire à confesser tous ceux qui voudront se convertir.

  A022001420 

 Que le Brief rapporté par luy du Saint Siege a esté demandé, accordé et obtenu pour le service de Dieu, de l'Eglise et de Son Altesse, a laquelle il touche de le [213] soustenir, et non a celuy qui, comme simple serviteur, le porte et produit, et qui n'a en cest affaire autre interest que le general de l'advancement du royaume de Dieu..

  A022001422 

 Le Brief de nostre Saint Pere Clement huictiesme est en conformité de celuy de Gregoire treiziesme allegué par les supplians, auquel ledit Gregoire, prouvoyant au cas heureusement advenu en nos jours sous l'authorité de Son Altesse, baille les benefices des balliages a la Milice (comme inutiles alhors a leur naturel usage, qui estoit indubitablement le maintien des gens d'Eglise), avec ceste condition:.

  A022001429 

 Et quand audit Brief de Gregoire treiziesme telle condition ne seroit apposee, le Pape du jourd'huy, qui peut en cest endroict absolument disposer, dispose en faveur des peuples et de l'advancement de la religion chrestienne, comme il appert par son Brief..

  A022001435 

 Mays on ne le surpasse pas, et a malepeyne y aura il qui suffise.

  A022001457 

 Dont le Praevost de Sales, auquel Vostre Altesse a commandé d'attendre et demander sa bonne volonté sur cela, la supplie tres humblement de faire consideration sur la qualité de l'affaire, qui ne peut estre retardé sans estre ruyné.

  A022001457 

 Et partant, quil luy playse, ou de commander [219] absolument, purement et efficacement que le Brief de Sa Sainteté soit mis en execution sans dilation, sauf a la ditte Milice de recourir en cas d'abus et se prouvoir comme et vers qui elle verra a faire; ou de commander expressement a l'un des seigneurs de son Senat ou Chambre des Comtes de Savoye d'assister a laditte execution qui se fera par ledit Reverendissime Evesque de Geneve, a laquelle pourra aussi entrevenir un deputé par le Conseil de la susditte Milice, affin que toute accusation d'abus soit evitee.

  A022001462 

 Et bien que tout le revenu ecclesiastique de Chablaix qui est en estre et n'a esté aliené, malaysement peut suffire a ce quil seroit besoin faire en ce commencement, auquel on ne peut jamais faire que trop peu, si est ce que ledit Evesque, quand a ce qu'il luy touche, se contentera simplement de ce qui est necessairement [221] necessaire, layssant au surplus a la pieté de Vostre Altesse de prouvoir et au college des Jesuites, ja conclud et destiné par elle avec le Pere General de l'Ordre, et aux autres œuvres qui sont de telle importance qu'elle sçaura tres bien juger..

  A022001495 

 Cet excès, commis à cause d'une certaine débauchée, rend vacante la prébende de l'Ouvrier qui est la plus riche du monastère (il est vrai que le moine qui en est pourvu a en charge la fabrique de l'église).

  A022001495 

 Et bien que tous les Religieux vivent encore, néanmoins la veille de [223] la Toussaint il s'est produit parmi eux un fait qui, si je ne me trompe, nous ouvre la voie à cette union.

  A022001495 

 Les prébendes de l'Eglise cathédrale consistent en distributions quotidiennes qui n'excèdent pas, une année dans l'autre, soixante écus; c'est pourquoi il serait nécessaire de joindre à la prébende théologale une prébende monacale du prieuré de Talloires.

  A022001495 

 Partant, on pourrait, avec cette prébende, ménager à la Cathédrale une bonne théologale qui monterait à 200 écus par an, tout en restant chargée de la fabrique.

  A022001498 

 Ses prébendes [226] n'atteignant pas les vingt-cinq écus par an, on pourrait leur en ajouter une de l'abbaye d'Entremont, ou Intermontium, des Chanoines réguliers blancs, qui n'existent pas, que je sache, en Italie, et une autre du prieuré de Contamine, de l'Ordre de Cluny; ces deux prébendes montent à cent écus.

  A022001500 

 A Rumilly aussi, quoi qu'il n'y ait, dans une même église, qu'un Curé, un Prieur, et un Religieux de l'Ordre de Cluny, toutefois, vu l'importance de cette localité, qui est proche de Genève et où Son Altesse réside quelquefois, il serait très avantageux d'y entretenir un théologal avec une prébende d'Hautecombe, de l'Ordre de Cîteaux, et un prieuré rural de l'Ordre de Cluny, voisin de la ville, appelé prieuré de l'Aumône; celui-ci, avec la prébende d'Hautecombe, pourra monter à cent vingt écus annuels..

  A022001501 

 A Seyssel, un théologal est encore très nécessaire, car la ville étant sur le Rhône, il y a là un concours de marchands qui, de Genève et d'Allemagne, transportent leurs marchandises à Lyon; c'est donc un lieu de passage pour les hérétiques et pour les catholiques.

  A022001504 

 On a indiqué les monastères et prieurés qui ont des prébendes vacantes; mais, en accordant la provision, il me semblerait [230] beaucoup plus sûr de le faire en ces termes: les premières vacantes ou à vaquer; parce que, pendant que l'on propose et délibère, celles qui actuellement se trouvent vacantes pourraient être pourvues par les Abbés ou Prieurs..

  A022001505 

 Et lors même qu'ils s'en soucieraient, je pense qu'on ne devrait guère s'inquiéter de leurs prétentions; il suffit que leurs prébendes soient appliquées à la plus grande gloire de Dieu; car, pour ce qui est de la majorité, ils donnent de tels scandales qu'il faudrait mille prédicateurs pour restaurer ce qu'ils détruisent.

  A022001505 

 Leurs abbayes sont situées en des lieux inhabités, sauf Talloires qui est une bourgade peu éloignée d'Annecy; de sorte que, quand même ils auraient parmi eux des théologaux (et ils sont loin de les avoir), si une autre réforme n'intervient, ils seront toujours de peu d'utilité aux populations..

  A022001513 

 Les pretentions que lesdits sieurs Chevaliers pourroyent avoir sur Vullionnex, avec tout ce qui depend dudit Vullionnex ou en dependoyt..

  A022001523 

 Et par ce que Son Altesse, selon sa pieté, voulut que neantmoins l'exercice catholique fut continué es dittes deux parroisses, a ces fins ordonna que cent escus d'or seroyent [235] delivrés annuellement aux deux prestres qui feroyent ledit exercice, assignation donnee sur la gabelle a sel; delaquelle somme, neanmoins, on n'a jamais peu estre [236] payé que pour troys ans, de sorte que les ecclesiastiques deservans es ditz benefices ont esté contraintz de s'entretenir d'empruntz faitz tant par eux que par ledit Evesque..

  A022001535 

 Ce qu'il n'a onques esté possible d'obtenir, se passant maintenant la sixiesme annee sans que lesditz pauvres supplians ayt ( sic ) jamais peu avoir un seul liart des gabeliers, non obstant toutes les poursuites, sollicitations, supplications et remonstrances faites tant par les supplians que par le seigneur Evesque de Geneve, leur Praelat, et non obstant encor plusieurs ordres donnés par Vostre Altesse a diverses fois, et plusieurs Arrestz et sinceres diligences faitz par la Chambre des Comtes de Savoye qui n'a rien obmis en cela, jusques a ne vouloir clorre les comtes des gabeliers; en sorte que le sieur Velasque, dernierement a Chamberi, declara audit Evesque que lesditz curés [239] n'en auroit ( sic ) onques rien, les gabelles estant toutes espuysees et employees pour les maysons de Vos Altesses et autres assignations praecises, et que jamais nul ordre, quel qu'il fut, ne serait suffisant pour cela..

  A022001551 

 Et qui sarebbe maggior difficoltà, perchè [245] li Genevrini stimando et credendo che il Vescovo fosse Principe supremo di quelle terre, essi ancora si tengono per padroni et signori assoluti di dette terre, senza ricognitione di superiore veruno.

  A022001561 

 Quant à la première, il ne peut y avoir de difficulté du côté des habitants du pays; l'exercice de leur culte demeurant libre et assuré, ils n'auront pas à se plaindre si on établit le culte catholique pour ceux qui ne voudront pas du leur.

  A022001562 

 A plus forte raison ne se soulèveront-ils pas contre Sa Majesté, à qui ils ne sauraient songer à faire la loi sur le mode de gouverner les sujets du royaume.

  A022001562 

 Il est vrai qu'ils désirent voir leur religion s'étendre et se conserver; mais ce désir n'est pas digne de considération, puisque, au contraire, les Bernois eux-mêmes qui savent combien vivement Sa Majesté souhaite la propagation de la foi catholique, l'entravent néanmoins, et tâchent de faire surgir des obstacles non seulement parmi leurs sujets, mais encore parmi les sujets des autres.

  A022001563 

 Quelques-uns ont été vendus et aliénés par les Bernois: la restitution de ceux-ci serait bien difficile, parce qu'en les vendant, ils ont promis d'en maintenir la possession à ceux qui les ont achetés; aussi la seule requête qu'on fait au sujet de ces revenus, c'est qu'on puisse les recouvrer en faveur de l'Eglise quand les ecclésiastiques seront en mesure de payer en argent le prix exact donné aux Bernois..

  A022001566 

 D'autres enfin sont aussi sous la juridiction de Sa Majesté, mais détenus par la prétendue République de Genève; ceux-ci appartiennent principalment à l'Eglise cathédrale, au Chapitre et [246] à la chapelle dite des Machabées qui est unie à la même Cathédrale.

  A022001566 

 Touchant ces derniers, toute la difficulté consiste en ce que les Genevois seraient mécontents et auraient de la peine si on en faisait justice; mais jamais on ne fait justice sans causer du mécontentement à la partie qui a tort, et l'on ne doit pas avoir moins d'égard à l'injure qui se ferait à l'Eglise refusant de lui rendre justice, qu'au déplaisir qui reviendrait aux détenteurs en la lui rendant..

  A022001567 

 De plus, puisqu'Elle a déclaré vouloir que son Edit fût observé dans les pays récemment unis en ce qui est favorable à l'hérésie, il semble que, réciproquement, Elle doive le faire observer en ce qui est favorable à l'Eglise.

  A022001567 

 Sa Majesté, rétablissant l'exercice du culte catholique et restituant ces deux dernières parties des revenus, pratique la jutice, accroît la sainte religion, fait du bien à l'Eglise, multiplie ceux qui [247] prieront pour sa prospérité.

  A022001575 

 Ce [249] qui auroit meu le suppliant implorer l'ayde, secours et bras seculier de Vostre Majesté, affin que, selon sa bonté et pieté chrestienne, justice et equité royale, il luy pleut restablir l'exercice de la sainte religion audit balliage; reintegrer les prestres, pasteurs, comm' aussi le Chapitre de l'Eglise cathedrale Saint Pierre de Geneve, et tous doyens, prieurs, abbés, çhapellains et autres personnes ecclesiastiques, es eglises dediees de tout tems au saint service, et en leurs maysons, domeynes, terres, dixmes et revenuz affectés a leur entretenement..

  A022001576 

 A laquelle juste supplication Vostre Majesté s'estant inclinee, a renvoyé le suppliant par devers le sieur Baron de Lux, son lieutenant general es gouvernemens de Bourgoigne, Bresse, Bieugey, Valromey et Gex; lequel, donnant commencement a l'execution d'un si saint œuvre, a restably l'exercice catholique en trois cures et parroisses, remettant par mesme moyen les trois pasteurs constitués en icelles en l'actuelle jouyssance et possession des terres, maysons, fondz et autres revenuz dependantz des dittes cures, et des dismes qui proviennent es confins des territoires des dittes parroisses, selon les limites qui souloyent estre [250] au paravant l'expulsion du Clergé: et ce, tant seulement..

  A022001577 

 Ce qui fait a present recourir ledit suppliant a Vostre Majesté, a ce que, selon sa justice et equité, il luy playse ordonner:.

  A022001578 

 Que la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex ou l'usage d'icelle a esté intermis, pour y estre paysiblement et librement exercee, sans aucun trouble empechement; defendant tres expressément a toutes personnes, de quelqu'estat, qualité et condition qu'elles soyent, de ne troubler, molester ni inquieter les ecclesiastiques en la celebration du divin service, jouissance et perception des dixmes, fruitz et revenuz de leurs benefices, et autres droitz et devoirs qui leur appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans ausdits ecclesiastiques et qui les detiennent et occupent, leur en delaissent l'entiere possession et jouissance paysible, en telz droitz, libertés et seurtés qu'ilz avoyent auparavant qu'ilz en fussent [251] desaissis ( sic ).

  A022001578 

 fut publié, il estoit des-ja reduit sous son obeissance, tenu, administré et possedé au nom d'icelle; et qu'Elle mesme a declairé estre de son bon playsir «que l'Edit soit observé es pais eschangés,» selon sa forme et teneur, touchant l'establissement «de la religion praetendue reformee»: dont on peut conclure que son intention est que le mesme Edit soit aussi gardé selon sa forme et teneur, et reciproquement, en ce qui concerne le restablissement de la religion et Eglise Catholique..

  A022001593 

 Mays pour le regard du restablissement de la religion, requis et supplié pour tous les autres lieux qui sont en grand nombre, et de la restitution des autres biens, ledit sieur de Lux a renvoyé le suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre, par icelle, fait droit et son bon plaisir declairé.

  A022001594 

 Oue la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex ou l'usage d'icelle a esté interims, pour y estre paysiblement et librement exercee, et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans aux ecclesiastiques, et qui les detiennent et occupent, leur en delaissent l'entiere possession et paysible jouissance, en telz droitz, libertés et seurtés quilz avoyent auparavant quilz en fussent desaisis: qui sont les termes de l'Edit publié à Paris, le 25 febvrier 1599, lequel ledit suppliant requiert tres humblement estre observé en ce qui concerne l'advancement de la foy catholique.

  A022001594 

 Puisque, reciproquement, le mesme Edit sera observé, en ce qui concerne l'exercice de la religion praetendue [255] reformee, es pais eschangés comm' es autres du royaume, ainsy que Sa Majesté a declairé en la responce faitte aux Articles prsesentés par les deputés de Beugey et Valromey, qui supplioyent que l'exercice de laditte religion praetendue ne fut introduit es confins des dittes provinces; et que, au tems de la publication de l'Edit, le balliage de Gex estoit sous l'obeissance de Vostre Majesté, tenu, possedé et administré au nom d'icelle..

  A022001596 

 Si que il ne demeure aucune rayson aux detenteurs et occupateurs des eglises et benefices dudit balliage de Gex, pour laquelle ilz ne doivent subir l'equité et justice portee dans l'Edit sus mentionné, touchant le restablissement de la religion et restitution des biens ecclesiastiques: qui est ce que le suppliant et son Clergé requiert tres humblement, avec deputation de commissaires pour l'entiere et totale execution de l'Edit touchant ce chef..

  A022001599 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait en 1893 à M me Doroz, née d'Arcine,.

  A022001610 

 Ce qui auroit meu le suppliant implorer l'ayde, secours et bras seculier de Vostre Majesté, affin que, selon sa bonté et pieté chrestienne, justice et equité royale, il luy pleut restablir l'exercice de la religion Catholique audit balliage, reintegrer les personnes ecclesiastiques es eglises dediees de tout tems au saint service, et en leurs maysons, domeynes, terres, dixmes et revenuz affectés à leur entretenement..

  A022001612 

 Ce qui fait a present recourir ledit suppliant a Vostre Majesté, a ce que, selon sa justice et equité, il luy plaise ordonner:.

  A022001613 

 Que la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex, ou l'usage d'icelle a esté intermis, pour estre paysiblement et librement exercee, sans aucun trouble et empechement; defendant a toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soyent, de ne troubler, molester ni inquieter les ecclesiastiques en la celebration du divin service, jouissance et perception des dixmes, fruitz et revenuz de leurs benefices, et autres droitz et devoirs qui leur appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans ausditz ecclesiastiques, et qui les detiennent et occupent, leur en delaisseront l'entiere possession et jouissance paysible, en telz droitz, libertés et seurtés qu'ilz avoyent auparavant qu'ilz en fussent desaisis.

  A022001624 

 Mais ledit traitté fut encor rompu et demeura sans force; si que il n'y a rien pour ce regard qui empesche ledit balliage d'estre reduit sous la loy generale de l'Edit, comme ont esté tous les autres païs eschangés..

  A022001639 

 Le Duc de Savoye estant contraint par le traitté de paix quil fit il y a fort long tems avec les Bernois, de [264] leur permettre que le balliage de Gex demeureroit en l'exercice de la religion praetendue reformee qui s'y estoit nouvellement introduitte par leur moyen, il a pensé quil ne devoit contrevenir, pour le bien de son Estat, a ceste promesse, laquelle pourtant il gardoit fort envis et contre son inclination.

  A022001640 

 Est aussi a considerer que le Roy tient le baillage de Gex a pareilles conditions que le Duc de Savoye tient les autres baillages qui confinent les Bernois, ou le Duc de Savoye a restabli l'exercice de la religion Catholique sen ( sic ) que les Bernois s'en soyent offencéz, non plus que de l'ordre que le Duc de Savoye a mis aux biens ecclesiastiques desdits baillages qui est tel, que il a permis aux ecclesiastiques de rachepter ce qui en a esté aliené par les Bernois, selon la forme du droit.

  A022001640 

 Quant a ce qui estoit occupé par les ministres, il l'a entierement remis aux ecclesiastiques; et pour le regard de ce qui est occupé par ceux de Geneve, il en a renvoyé la connoissance a sa Justice ordinaire.

  A022001641 

 Mays la difference qui est entre le Roy et le Duc de Savoye fait aussi esperer beaucoup plus de grace aux ecclesiastiques qui seront installés au balliage de Gex, que le Duc de Savoye n'a osé ouctroyer a ceux qui sont maintenant aux balliages susdits; en quoy ilz se treuvent bien fondés, tant pour la grandeur de Sa Majesté tres chrestienne, que pour ce quilz esperent estre compris au nombre de tous les autres ecclesiastiques de France qui ont esté remis en l'entiere jouissance de tous et chascuns leurs biens, droitz et privileges..

  A022001652 

 Premierement: Que ledit sieur Bonfilz cedera et resignera le prieuré d'Asserens, avec toutes ses dependences, au prouffit du curé de Farges et Asserens, pour [268] estre, icelluy prieuré avec ses dependences, uni a la cure dudit Farges et Asserens pour l'entretenement du curé et autre prestre qui y fera le service..

  A022001654 

 Et le reste du revenu dudit prieuré d'Asserens, qui se treuvera hors lesdites parroisses et les fillioles, demeurera, pour le payement de ladite pension, au sieur Bonfilz; au moyen dequoy, il se contentera sans plus, avec la rente..

  A022001655 

 Et pour le regard des prises des deux annees escheües, le sieur Bonfilz remettra les actes et papiers [270] es mains de l'Evesque de Geneve, qui font pour repeter des ministres ce quilz en ont injustement perceuz ( sic ), et contre le reiglement de monsieur de Lux et confirmation du Roy; moyennant quoy, l'Evesque se contentera des deux prises passees..

  A022001665 

 Dequoy le seigneur exposant informé, desireroit par vostre authorité, ce que dessus consideré, vous playse, en ensuyvant la teneur de la commission qu'aves de saditte Majesté, de remettre ce qui a esté establi par le sieur Baron de Lux en deu estat; ordonner que tres expres commandement sera fait au ministre qui jouit a present de laditte mayson de [273] la cure et jardin, que dans brief delay (que pour ce faire prefigeres) il ayt a en vuider, avec injonction de restituer les fruitz qu'il en a perceu: le tout en suitte dudit establissement, et sur ce, luy prouvoir remede convenable, implorant humblement vostre benigne justice..

  A022001665 

 Or est il que le ministre, qui pour lhors habitoit en la mayson de la cure, auroit continué, tant luy que autres ses successeurs, la possession de laditte mayson et d'un jardin au derriere d'icelle situé.

  A022001679 

 Il auroit esté limité lieu joignant au cimetiere, pour la sepulture des cors mortz de ceux de la pretendue religion reformee dudit Gex; ce neanmoins, se seroyent de leur authorité absolue et sans aucun pouvoir, du moins qui luy ayt apparu, saysis et emparés du cimetiere de [274] laditte eglise, et illec sousterré lesditz cors mortz: chose qui est directement contrevenante audit establissement, et par consequent a la volonté de Sa Majesté.

  A022001694 

 Supplie humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, disant que son evesché, quy estoit aultrefois tout enclos dans les Estatz de l'Altesse de Monseigneur le Duc de Savoye, sauf ce qui est detenu et usurpé par les heretiques, se treuve maintenant, et despuis la paix de Lyon de l'an mil six centz et ung, en partie riere les terres de Sa Majesté: a [276] sçavoir, tout le pays de Verromey, une partie du Bieugey et toutte la terre et baronnie de Gex, que sont envyron soixante parroysses; dont quelques unes, qui sont en laditte terre de Gex, ont obtenu naguieres, par la grace et bonté de Dieu et du Roy, l'exercice de nostre saincte foy et religion Chatollique, demeurant neanlmoins le seul exercice de la religion pretendue en tout le reste dudit pays de Gex, ou, pour ceste cause, plusieurs ministres, faisantz leur ministere a l'acoustumee, jouissent des revenuz ecclesiastiques et font jornellement mille traverses aux pauvres Chatoliques et aux curés que le sieur suppliant y a establis..

  A022001695 

 De sorte que le sieur suppliant est contrainct bien souvent de [277] se porter pour appellant par devant la court de Dijon, et recourir en oultre, pour diverses occations, tant a monsieur le Grand, gouverneur de Bourgoingne, de Bresse, Beugey, Verromey et Gex, qu'a monsieur le Baron de Lux, lieutenant du Roy au dit gouvernement, comme encores, par foys, a Sa Majesté; non sans beaucoup de difficulté et de despens, tant pour ne pouvoir ledit sieur suppliant abandonner son evesché, qui n'est que trop pleyne d'affaires, pour fere les poursuittes qui seroyent necessaire ( sic ) a faire pres de sadite Majesté pour obtenir une finale resolution sur lesdites difficultés, qu'aussy pour les vives solicitations que font continuellement au contraire les scindicques et deputés de ladite pretendue religion demeurantz ordynairement en cour.

  A022001696 

 A quoy desirant le sieur suppliant pourveoir ainsy quil doibt et le mieulx quil luy sera possible, il luy a semblé que le mellieur et unique remede seroyt de recourir a Voz Reverences, pour obtenir de leur charité que, comme lesdits pays de Beugey, Verromey et Gex sont unis et incorporés a l'Estat et Coronne du royaume, aussy son evesché, pour la part qui est dans l'obeissance de Sa Majesté, fust unie ( sic ) et incorporé au corps du Clergé de la France et, par ce moyen, rendu participant des faveurs, graces, benefices dont jouissent touttes les aultres personnes, dignités et biens ecclesiasticques..

  A022001697 

 C'est pour quoy, estant informé de ceste solennelle assemblee quy se faict pour entendre l'estat et les necessités de tout le Clergé de France, afin d'y apporter les remedes et provisions convenables, il recourt a Voz Reverences, a ce qu'en consideration des choses susdites et en commiseration de tant de pauvres ames, les unes ja converties, les aultres encores captives dans les liens de l'eresie, comme encores au grand interest qu'a toutte la Chrestienté, et particullierement la France, de veoir toutte ladite terre de Gex, qui confine et aboutit aux portes de la ville de Geneve, entierement convertie et reunie a nostre saincte foy et religion Chatolique, il vous plaise, mes Seigneurs, declayrer et ordonner que ledit evesché de Geneve, pour toutte la part qui est [279] dans les terres de l'obeissance du Roy, sera par cy appres et des a present unie et incorporé au corps general dudit Clergé de la France, et que, en telle quallité, ledit evesché, pour ladite part, jouira des ores des privileges et immunités dont jouit le reste dudit Clergé.

  A022001697 

 En ce faisant, que les seigneurs scindicz et procureurs generaulx dudit Clergé, qui sont et seront cy appres deputés pour demeurer en court pour traitter avec Sa Majesté les affaires dudit Clergé sellon les occurrences, seront tenus de prendre en main les memoyres, requestes et aultres poursuittes quy leur seront addressés par le sieur suppliant, pour en obtenir les provisions necessaires, soit de Sa Majesté, ou du corps mesmes dudit Clergé..

  A022001698 

 Et le sieur suppliant, avec tout sont ( sic ) Clergé et tant d'ames qui implorent et attendent se ( sic ) secours de voz charités, seront tant plus obligés de prier Dieu, comme il faict continuellement, pour la santé et prosperité de voz, mes Seigneurs, en general et en particulier, et pour l'avancement de nostre saincte foy et religion Chatolique, Apostolique, Romaine..

  A022001705 

 MEMOIRE DE L'ESTAT DES AFFAIRES ECCLESIASTIQUES DE GEX, SUR LEQUEL ON PEUT JUSTEMENT SUPPLIER SA MAJESTÉ DE RENDRE L'EGLISE JOUISSANTE DU BENEFICE DES EDITZ DE PACIFICATION EN CE QUI REGARDE LE RESTABLISSEMENT DE L'EXERCICE CATHOLIQUE ET RESTITUTION DES BIENS ECCLESIASTIQUES..

  A022001707 

 Despuys, ilz rendirent ledit balliage au Serenissime seigneur Duc de Savoye Emmanuel Philibert, il y a environ 40 ans, par traitté fait avec luy, par lequel, entr'autres conditions, il fut arresté que l'exercice huguenot y seroit entretenu; lequel traitté fut rompu, il y a seize ans, par les mesmes Bernois qui, au prejudice d'iceluy et contre leurs promesses, se saysirent de laditte baronnie pour la seconde fois, les armes au poing.

  A022001708 

 De quelque tems apres, ceux de Geneve, appuyés des forces du Roy, se saysirent du mesme balliage et renverserait tout ce qui y estoit de catholique.

  A022001709 

 Et si bien les Bernois en avoyent osté l'exercice, cela n'est pas considerable en cest endroit, d'autant que les articles de paix ne regardent pas leur guerre (de laquelle ilz s'estoyent accommodés auparavant, sans rien excepter, au prejudice de la religion Catholique), mais ont lieu seulement pour la guerre faitte entre les deux Princes qui faisoyent la paix; si que Sa Majesté ayant uni et incorporé ledit balliage au royaume, il n'y a rien qui puisse empescher que les Editz de pacification n'y soyent executés pour ce qui concerne l'exercice catholique et les biens ecclesiastiques..

  A022001709 

 Que servant d'une partie de l'eschange du marquisat de Saluces, le Clergé y doit avoir les privileges et jouissances qu'il avoit au marquisat; que les Serenissimes seigneurs Ducs de Savoye y ayant remis par tout l'exercice catholique, lequel n'en a point esté osté que par la guerre, il y doit estre restabli par les articles de paix qui reduisent toutes choses a l'estat auquel elles estoyent avant les guerres.

  A022001711 

 On peut donques justement desirer, demander et solliciter que les biens ecclesiastiques soyent remis aux gens d'Eglise, et l'exercice catholique restabli par tout ou il se treuvera des personnes qui en supplieront..

  A022001725 

 Mays pour le regard du suppliant en son particulier, et du Chapitre de son Eglise cathedrale [et] de Saint Victor, sur la demande qu'il auroit faitte pour estre reintegré en la possession des domaines ecclesiastiques usurpés par la ville et cité de Geneve en ce qui est dans la souveraineté de Vostre Majesté, et a cest effect ayant presenté requeste ausditz sieurs Milletot et de Brosses, commissaires, au lieu de luy faire droit conformement a vos Editz et commission particuliere a cest effect a eux decernee, neanmoins ilz ont renvoyé ledit suppliant par devers Vostre Majesté pour luy estre pourveu.

  A022001726 

 A ces causes, Sire, [on remontre] que ledit suppliant ne doit estre de pire condition que tous les autres ecclesiastiques de vostre royaume, duquel il a l'honneur d'estre l'un des Prelatz et en cette qualité luy a fait le serment de fidelité; et attendu qu'il ne possede autre domaine en tout vostre royaume que ce qui luy est usurpé par lesditz de Geneve, joint que, injustement, ilz luy detiennent presque tout le surplus de ses revenuz qui sont dans l'Estat et territoire dudit Geneve, et que dudit renvoy il vous appert par les pieces cy attachees: il playse a Vostre Majesté ordonner qu'il sera reintegré et restabli, tant en [son] particulier que dudit Chapitre de son Eglise cathedrale, et du Chapitre de Saint Victor et des autres ecclesiastiques, en la reelle possession et jouissance des eglises, maysons presbiterales, biens et revenuz ecclesiastiques occupés par laditte ville et cité de Geneve, dans la souveraineté de Vostre Majesté; avec defenses a tous detenteurs et occupateurs de ne le troubler ni molester, a peyne d'estre declarés perturbateurs du repos publiq.

  A022001737 

 Qui fait recourir a luy et le supplier tres humblement quil luy playse faire deslivrer les ditz accensemens et mandatz au curé, affin quil puisse exiger lesdites ( sic ) restes [d'Jargent pour les employer a la reparation des bastimens ecclesiastiques; a quoy les revenuz presens dudit doyenné, entierement remis audit curé par la charité de mondit seigneur, avec quelques autres aumosnes donnees a cett'intention, ne peuvent nullement suffire..

  A022001768 

 Appreuvé, sauf pour le regard de la pension des deux assistans, qui continueront a deux centz livres pour un chacun, attendant que l'œconomie soit deschargee de la multitude des frais qu'il luy convient supporter maintenant..

  A022001815 

 Le venerable sacristain fournira le luminaire convenable, et tiendra conte des frais qu'il fera pour ce regard, luy estant neanmoins donné par avance ce qui sera jugé necessaire; et se prendra [sur] l'œconomie generale, a laquelle sera contribué de la pension de Bonmont ce qui sera jugé raysonnable.

  A022001819 

 Le maistre d'escole se pourra contenter de huit centz florins, et sera deschargé de la sonnerie qui ne luy pourroit estre que de grande distraction; et ladite sonnerie se fera par le sieur curé..

  A022001875 

 Appreuvé, pourveu qu'il soit catholique, s'il s'en treuve de capables qui veuillent accepter ladite charge..

  A022001885 

 Et ceux qui auront des vicaires deserviront les annexées a sept heures, les Dimanches et testes, par eux ou leurs vicaires, affin que tous deux assistent aux Grandes Messes au lieu de leur residence..

  A022001889 

 Le curé de Gex, qui tient le premier lieu de tout le balliage pour la decoration du service divin, observera ce qui s'ensuit: [291].

  A022001903 

 Et parce qu'il y a charges extraordinaires, tant a cause des PP. Capucins qui celebrent a ladite esglise, et autres passantz, et que ledit sieur curé est œconome, Monseigneur le declaire exempt du luminaire, vin, hosties, et depute monsieur Jaquin pour avoir charge de cela et de la sacristie; et a ces fins luy est decerné cent francs a trois florins piece, a prendre sur la pension de Bomont.

  A022001905 

 Le curé de Farges tiendra un vicaire capable qui fasse quelques exhortations, et de bonne vie, deservira les cures de Farges et de Peron, et percevra les revenus d'Asseran et de Peron, fors les cinq pour cent.

  A022001906 

 Le curé de Thoiry deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome sept centz florins, outre ce peu de terrage qui est annexé a l'esglise, a condition toutesfois qu'il restablira la maison de la cure..

  A022001912 

 Les chapelles rentées seront deservies par les institués (celles qui seront en estre); les ruinées qui seront de la nomination d'autruy, seront restablies du revenu dans dix ans, a faute dequoy seront les patrons descheuz de leurs droitz et lesditz revenus annexés a rœconomie, comm' aussy tout revenu dependant des chapelles qui ne seront d'aucune nomination..

  A022001949 

 Nous commettons par ces presentes venerable messire Claude de Nambruide, curé de Divone, a l'administration et œconomie des biens ecclesiastiques du balliage de Gex non appliqués ny assignés aux eglises de Farges, Gex, Thoyri, Grilly, Chalex, Versoix, Divone, mais destinés aux autres eglises qui, pour le present, ne sont encor pourveues de pasteurs, a fin que [ledit messire Claude de Nambruide] en donne les admodiations et fermes ainsy qu'il vera a faire; puis retire, exige et distribue les revenus procedenz desdites fermes, selon qu'il sera requis, ainsy qu'il est porté par l'ordre estably du jour d'hyer, et autrement selon les mandaz qui luy seront faitz de nostre part: le [tout nean]tmoins en l'assistance et avec l'advis de venerable messire [300] [Claude] Jacquin, curé de Grilly.

  A022001975 

 Questi sono i miei pensieri, già che essendo qui appresso tanti heretici et tante Republiche heretiche, non posso impedir l'animo mio di pensar spesso et compatir a tanta desolatione, non solo presente, ma futura, mentre col progresso del tempo si vanno smenticando questi nemici della Chiesa che siano stati anticamente figliuoli di essa, nascendo nelle Repubbliche [309] dove non si tratta della santa Chiesa se non con execratione..

  A022001982 

 Sur l'ordre des Révérendissimes Seigneurs qui firent l'Office, je donnai le sermon solennel, dans lequel je traitai de la succession Apostolique en la sainte Eglise, exhortant la population (en partie hérétique, mais [302] elle vint à cette assemblée par curiosité) à l'amour de sa sainteté, unité et succession.

  A022001983 

 A mon départ, ayant été député par la ville, il accompagna jusqu'aux frontières de l'Etat du Valais M gr l'Archevêque de Vienne, Prélat consécrateur, et moi, qui revenions dans ce pays.

  A022001983 

 Pendant le voyage il parla presque toujours avec moi et me dit entre autres choses: «Monsieur, vous avez fait ce qui ne s'était pas fait dans la ville de Sion depuis bien des années; car il n'a jamais été permis aux prédicateurs catholiques de traiter en chaire d'aucune matière de controverse.

  A022001983 

 Toutefois, la solennité et votre qualité ont fait prendre en bonne part votre sermon, et je crois qu'il sera profitable à beaucoup de catholiques qui en demeureront bien affermis.

  A022001984 

 Ces paroles pénétrèrent tellement mon cœur qu'il ne m'a jamais été possible de me les ôter de l'esprit, et en somme, voici la pensée qui m'est venue: Il est vrai que si on laisse ainsi les Suisses de Zurich, Bâle, Berne et autres cantons (on peut en dire tout autant de l'Angleterre et des autres pays hérétiques), jamais ils ne se convertiront; au contraire, leur religion parvenant à l'Etat, ils établiront l'une dans l'autre.

  A022001984 

 Et comme «on ne se passionne pas pour les choses devenues familières,» ainsi, en vieillissant, cette hérésie à la vérité, ne fera pas plus de progrès, mais, ce qui importe, elle ne diminuera pas non plus et demeurera comme une paralysie incurable dans ces très nobles parties de l'Europe.

  A022001985 

 Cette proposition devrait se faire simultanément par tous, avec des arguments solides et clairs prouvant l'avantage public qui en reviendrait à la Chrétienté, très affaiblie par la division, et qui, par l'union, serait grandement fortifiée contre les Turcs et autres.

  A022001989 

 Afin que cette ratification pût sûrement se promettre, il serait nécessaire que le Saint-Siège fût averti de temps en temps des diverses propositions et qu'il se tînt toujours en mesure de répondre promptement; ou bien, qu'on eût auparavant des mémoires des choses qui doivent être traitées..

  A022001990 

 Ensuite, on pourrait beaucoup faciliter la réunion à la sainte Eglise en abandonnant tous les biens ecclésiastiques, ou du moins une bonne partie, à ceux qui les détiennent, se bornant à leur demander le vivre et le vêtement pour les prêtres qu'on y introduira.

  A022001991 

 Et semblables propositions qui écarteraient les obstacles..

  A022001992 

 Cependant, il ne faudrait en aucune façon argumenter, mais seulement proposer les moyens à prendre, afin que tous pussent voir que, la foi catholique sauve, la sainte Eglise est prête à prodiguer pour cette réunion, les revenus et autres choses qui seront jugées nécessaires.

  A022002029 

 Or, esperant que ceste commodité vous ouvrira le chemin de vostre salut, avec le mesme zele que Nous vous avons procuré ce bien, Nous vous exhortons aussi d'en bien user; et vous en userez bien, si vous prenez garde aux raysons qui vous seront exposees, si vous les pesez esgalement, et si vous proposez les difficultez qui vous surviendront aux predicateurs; car Nous n'avons rien tant a souhait, ny qui Nous soit plus aggreable, que quand Nous entendons que vous proffitez en la saincte Religioa Catholique..

  A022002059 

 5 e commodité: ils font de grands exercices de predications, lectures, conferences, disputes, compositions de livres et autres choses semblables qui conservent l'heresie, et infinies autres commodités qu'il seroit trop long de dire.

  A022002060 

 Et n'y a rien qu'il leur est venu un personnage de Levant qui, a leur solicitation, a cherché des moyens d'empoisonner Sa Saincteté et tous les Cardinaux, ou engendrer certaines vapeurs pestiferes à Rome par certaine poussiere: tesmoin monsr le chanoine de la Biollée qui a sceu cecy par un espion secret quil y a dans Geneve..

  A022002069 

 Desja il y a des moyens, mais il faudrait encores une pension de 100 escus que Sa Saincteté pourroit bailler sur quelque abbaye, comme sur Talloeres; il y a une pension qui vacque, qui est pour une personne laicque appellé le chapte boys..

  A022002070 

 Donc, il seroit de besoin avoir une Maison de pitié Annessy pour ceux qui travaillent aux arts mechanicques, et un Seminaire pour ceux qui estudieroient.

  A022002083 

 Et icy il faut adviser que ceux qui viendront à Geneve soient encores amys de Son Altesse; autrement, l'un gastera l'autre, pour plusieurs raysons qu'on ne peut icy coucher.

  A022002083 

 Et par ladite lettre le Roy commanderoit audit de Saconay, qui se tient a Lyon, d'aller a Geneve avec quelques personnes honorables qu'il choysiroit.

  A022002084 

 Pource, il faut un estranger qui en ouvre le propos, pour donner confiance au peuple de parler..

  A022002087 

 Ce seroit par le moyen des cantons des Suysses Catholiques, leurs voisins, qui s'ayderoit ( sic ) a prier ceux de Geneve d'accepter l' Interim, et que ne le faisants, s'il survient une guerre ilz ne les ayderoit, voire donneroit secours, car Sa Saincteté les en prye.

  A022002087 

 Cecy se pourroit negocier par Mons r le Nonce ou Légat qui est en Suysse, auquel Sa Saincteté le recommanderoit..

  A022002088 

 Que l'Empereur escrivit à Geneve, qui est ville imperialle, qu'ilz doivent prendre l' Interim comme les autres villes d'Allemagne, et que, ne condescendantz, ils seroient privéz de tous honneurs, droits, privileges, mesmes du commerce en ses villes; et que sa lettre fut portée par homme qui fit bien sonner le faict.

  A022002089 

 Parler avec Sa Saincteté, s'il luy plait asseurer qu'on aydera au payement des debtes de leur ville, acceptants l'exercice de la religion Catholique; et qu'aux particuliers qui feront reussir on donnera, a l'un 4 mil, a l'autre 10 mil escus, ou choses semblables: cecy est une belle amorce pour eux.

  A022002117 

 Nous avons receu vostre lettre du XXIIII du present et joinct a ycelle le double de la requeste que Nous a esté presentee par ceulx de Tonon, et vous disons, en responce, que Nostre intention aiant tousjours esté de donner l'avancement possible au service de Dieu et l'exaltation de son Eglise generalement riere noz Estatz, et particulierement de remettre riere le Chablais la mesme foy et vraye Religion que Noz predecesseurs y avoint si sogneusement plantee avant que les usurpateurs du peys en heussent desbouché Noz bien amez subjectz: Nous avons, sur ceste consideration, volontiers presté l'oreillie a ceulx qui Nous ont proposé leur soing, jeur talent et leur industrie pour la perfection d'un si bon euvre; et telz ayant esté le Pere Cherubin et le President Favre, Nous apreuvasmes le zele qui les poulsoit d'y volloir fere quelque notable fruict..

  A022002118 

 Et cependant, pour remedier aux inconvenientz qui en pourroint resulter, Nous escrivons audict President de ne proceder plus avant a la declaration des peines par luy imposees, et au Pere Cherubin d'y fere valloir par cy apres sa doctrine, sans y adjouster les menaces, jusques a ce que Nous voions quelque aultre temps plus propre pour ce fere..

  A022002118 

 Il est bien vray que Nous estimions que ce deubst estre par le [324] moien de bonnes exortations et par la voye des presches, et non par commination ny menaces, pour ne donner aulcun subject d'ombrage aux circonvoisins, ny subject d'alteration ausdictz de Thonon, bien sacheantz que la conjuncture du temps present ne portoit pas que l'on procedast aultrement, et que la procedure rigoureuse estoit mal convenable a la disposition des aultres affaires que Nous avons sur les bras, encores que bien deue a l'obstination de quelques particuliers dudict Thonon qui se rendent les plus difficiles.

  A022002119 

 Et cependant, en vous laissant dextrement entendre a ces gens que Nostre intention n'est pas de les forcer ny contrevenir aux provisions quilz disent avoir de feu nostre S r et Pere et de Nous, vous ne lairrez de les induire et persuader, en tant que vostre pouvoir se pourra estendre, dé Nous donner ceste satisfaction que d'ouyr et frequenter les presches qui peuvent servir a les desabuser de leur faulce opinion,............................................................................

  A022002138 

 Desirans de faire prouvoir prompcernent à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, tant en ceste ville de Tonon qu'aux lieux circonvoisins: A ceste cause, et autres Nous mouvans, vous mandons, ordonnons et commandons par ces presentes qu'ayez à saisir et reduire sous Nostre main, et par bon et loyal inventaire, tous et un chacun les revenus, biens, fruicts, argens, appartenances et dependances des benefices riere le bailliage de ceste ville, et particulierement du prieuré de Sainct Hyppolite, qui n'auront charge d'ames, pour le temps de trois ans prochains advenir; et lesquels fruicts et autres choses sudittes, Nous voulons estre employez à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, ainsi que Nous avons dit.

  A022002138 

 Vous defendans tres-expressement de delivrer, mettre ou employer aucun desdicts fruicts et revenus à autre usage qu'à ce que dessus, et suivant les ordres qui vous en seront faicts par Reverendissime Claude de Granier, Evesque de Geneve, Reverend messire François de Sales, Prevost de l'eglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, et Reverend messire Claude d'Angeville, Primicier de l'eglise collegiale de Sainct Jean Baptiste de La Roche: ausquels, en tant qu'il Nous concerne et peut appartenir, leur en avons donné et attribué tout pouvoir et authorité; et à vous, de contraindre et faire contraindre tous ceux qui seront à contraindre, par toutes les voyes de justice deuë et raisonnable, d'y obeyr et obtemperer.

  A022002146 

 Desormais il ne sera plus permis aux personnes qui ont charge et cause des biens et revenus ecclesiastiques, tant des Chevalliers de la Religion des Saincts Maurice et Lazare que des autres quelconques, aux bailliages de Chablais et Ternier, de les bailler directement ou indirectement à louage, ferme, exaction ou recepte, à d'autres personnes qu'à celles qui font profession de la vraye Religion Catholique, Apostolique et Romaine; à peine de confiscation..

  A022002148 

 Que les personnes de la religion pretenduë ne puissent plus doresenavant exercer aucunes charges publiques, ny estre promeus, receus et admis à aucuns offices ou dignitez: de sorte qu'ils ne puissent point estre juges, ny advocats, ny chastellains, ny curiaux, ny procureurs, ny notaires, ny commissaires; et que l'exercice de ces dignitez, charges et offices soit entierement defendu à tous ceux qui ont eu quelque chose de semblable jusques à present, avec abrogation, abolition et revocation des Lettres patentes, ou constitutions qu'ils ont, comme contrats et autres actes; sous peine de faux..

  A022002161 

 Cum autem sicut nuper accepimus, dilectus Filius nobilis vir Carolus Emanuel, modernus Sabaudiae Dux, procuraverit, necnon Fraternitatis Tuae et multorum insignium virorum doctorum, verbi Dei praedicatorum ad praedictorum balliagiorum partes abs te missorum concionibus adhibitis, factum fuerit ut tandem mensibus retroactis homines pene omnes duorum ex dictis balliagiis, nempe de Ternier et Chablaix, quae in ista tua diaecesi consistunt, ab haereticorum faucibus sint erepti; qui quidem, licet eorum corda [329] hactenus valde indurata remansissent, tamen, praedictorum pradicatorum insignibus praedicationibus mellificata, ad orthodoxae fidei lumen et veritatem reversa, et eorum anteactae vitae abjuratione et detestatione per eos et eorum singulos in tuis manibus, et in dicti Caroli Emanueli Ducis, illiusque Status virorum nobilium presentia et assistentia prius facta, in Ecclesiae Catholicae et Apostolicae gremium recepti et aggregati, Deo auctore extiterunt..

  A022002162 

 Et cum non sufficiat tot animas Dei Ecclesiae acquisisse, si modus illas retinendi ac ita manutenendi non reperiatur, et factum vix dici queat quod non durat factum, etsi praedicta unio, annexio et incorporatio quoad parrochiales ecclesias, attento quod conditio in illa seu Litteris desuper expeditis apposita, praedictorum populorum ad Catholicarn fidem et Ecclesiae unitatem reversionem purificata extitit, dissolvatur, et rectores in parrochialibus ecclesiis praedictorum balliagiorum, quae numerum quadraginta quinque vel circa ascendunt, qui in Catholica fide in iliis locis et personis conservanda et confirmanda, aliisque adhuc naeretica pravitate labefactatis ad eandem Catholicam fidem revocandis insistant constituentur, ex hoc profecto Catholicae fidei propagationi et manutentioni vaide prospiceretur..

  A022002164 

 Nos igitur, qui Catholicae fidei propagationem, quantum cum Domino possumus, procurare non desistimus, Litterarum dicti Gregorii, praedecessoris, tenores praesentibus pro expressis habentes, hujusmodi supplicationibus inclinati, Fraternitati Tuae, unionem, annexionem et incorporationem, extentionem, ampliationem et decretum in praedicti Gregorii, praedecessoris, Litteris contenti, de praedicti Caroli Emanuelis, Ducis, consensu, Apostolicam auctoritatem perpetuo dissolvendi, dismembrandi, revocandi et annullandi, ac parrochiales ecclesias supradictas restituendi, seu de novo erigendi et instituendi, ipsorumque beneficiorum fructus, redditus et proventus praedictarum ecclesiarum rectoribus illarumque reparationibus; necnon octo presbyterorum secularium qui in ecclesia parrochiali oppidi de Tonon, quod insigne est, divinis officiis et servitiis Sacramentorumque administrationi insistant, et trium ad minus magis eruditorum, et tam secularium quam cujusvis Ordinum regularium, arbitrio tuo eligendorum, verbi Dei praedicatorum, in eisdem balliagiis manutenendorum sustentationi et alimentis etiam pcrpetuo applicandi et appropriandi; praedictosque Milites, seu eorum Magnum Magistrum pro tempore existentem ex praedictorum beneficiorum tunc, ut praefertur, unitorum fructibus, redditibus et proventibus generaliter aut particulariter ab ipsarum ecciesiarum rectoribus, aut monasteriorum Abbatibus, aut prioratuum Prioribus, seu aliis quibuscumque, nihil unquam petere aut praetendere, seu lite desuper et causam quomodolibet et quovis pratextu aut colore movere ullatenus posse decernendi, sed perpetuum illis desuper silentium imponendi, Tibique de illis, ad effectum praemissum, libere et omnino disponendi in omnibus et per omnia perinde ac si eadem unio, annexio et incorporatio eis seu eorum Militiae facta non fuisset, et plena eorumdem beneficiorum dispositio ad Te spectaret hac vice dumtaxat, auctoritate Apostolica, tenore praesentium licentia et facultatem concedimus et impartimur..

  A022002165 

 Et nihilominus, ut in ipsis parrochialibus ecclesiis aliisque beneficiis hujusmodi, ut necessarium est, idonei rectores et pastores vigiles deputentur qui ad gravem ipsarum animarum de novo conversarum curam exercendam strenue invigilent, Tibi quod de eisdem parrochialibus ecclesiis, necnon etiam perpetuis capellaniis seu ecclesiis aut capellis et aliis beneficiis bujusmodi, etiamsi de jurepatronatus quorumvis, tam laicorum, etiam nobilium, quam quorumvis aliorum cx fundatione vel dotatione existant, quomodocumque [331] per haeresim devolutionem aut aliter quomodolibet vacaverint, pro hac prima vice in favorem personae seu personarum Tibi benevisarum, et habilium et idonearum, disponendi et de illis providendi; necnon eos qui hactenus de dictis parrochialibus ecclesiis provisi fuerint quatenus ad curam animarum exercendam idonei non reperiantur, summarie de plano, sine strepitu et figura judicii, iisdem, ecclesiis privandi, ipsorumque parrochiales ecclesias aliis magis idoneis conferandi..

  A022002167 

 Praeterea Tibi, rectoribus earumdem aut aliarum parrochialium ecclesiarum tuae diaecesis congruam portionem super decimis et primitiis quse in eorum parrochiis percipiuntur ab Abbatibus et Prioribus, etiam extra visitationem, omni oppositione et appellatione remotis, assignandi, necnon aliis aliarum parrochialium ecclesiarum dictae diaecesis rectores magis habiles et idoneos ad id tamen voluntarios ad annum, seu aliud tempus Tibi benevisum, non tamen ultra biennium, qui curam ipsorum animarum gerant de eorum propriis ecclesiis relictis, seu his vicariis ad curam exercendam idoneis et approbatis: ita quod rectores ad aliam residentiam in dictis eorum ecclesiis ad annum, seu alio tempore durante, faciendam minime teneantur, amovendi, et ad dictas ecclesias praedictorum balliagiorum per praedictum tempus, attenta sacerdotum ad hoc habilium et sufficientium penuria, in illis partibus vigente transferendi licentiam pariter concedimus et indulgemus..

  A022002178 

 Dans leur Requête, les Chevaliers «narroyent qu'ils s'estoyent apperceuz que le Prevost de Sales, Esleu de Geneve, avoit apporté du Souverain Pontife des Lettres par lesquelles la Milice de leur Ordre estoit entierement spoliée non seulement des benefices curez, mais encore de tous autres des bailliages de Chablais et de Ternier, contre la teneur des Lettres obtenues du Pape Gregoire treiziesme, sous pretexte de l'entretenement necessaire des Prestres qui y estoyent des-ja establis, ou qu'on devoit y establir..

  A022002179 

 «Ils disoyent de ne vouloir en façon quelconque troubler ny empescher une affaire si saincte protestans plustost d'estre prests de faire tout ce qui seroit raisonnable; mais qu'il sembloit estre contre la raison si, apres avoir baillé aux Curez la portion congrue, et plus que congrue, ils estoyent spoliez des autres revenuz, et principalement des abbayes e t prieurez, où il n'y a point de charge d'ames..

  A022002189 

 Il signor Prevosto di Geneva, che di ritorno di Roma è capitato a Torino, mi ha mandato un Memoriale di diversi capi, presupponendo che V. S. Ill ma mi habbia date le commissioni necessarie, le quali fin qui io non ho ricevute.

  A022002190 

 Io non ho voluto risponderli cosa nissuna per non metter in qualche gravezza Nostro Signore, ma mi è sovvenuto di metter in consideratione a Sua Santità se fusse a proposito eli trasferire in Geneva la missione di questi sei Gesuiti di Piemonte, [334] alli quali si pagano sei scudi d'oro il mese per uno; perchè adesso qui, in materia di conversione, fanno poco frutto, perchè quelli che si poteva sperar di guadagnare nelle Valli già si sono guadagnati, et delli heretici del Marchesato non bisogna sperar molto se non si finiscono le differentie di quello Stato, le quali, mentre durano, non vedo che il Signor Duca sia per darci gran calore.

  A022002293 

 Ce n'est pas peu qu'en une si malheureuse conjoncture, une partie, et la principale, se face bien, et qu'une autre fois l'autre se face, et que, des a present, ceux la mesme qui [342] ne favorisent guere l'affaire en donnent presque asseurance.

  A022002293 

 Mais, outre l'incommodité que luy a causé l'absence du Roy et de tous ceux de son Conseil avec lesquelz il avoit negocié, qui ne sont de retour en ceste ville que des peu de jours en ça, il a treuvé sa negociation tant espineuse pour les traverses que luy font les uns et les autres (les uns, pour estre declairés tout oultre ennemys de nostre foy; les autres, pour n'en estre amys que fort froidement, et presque tous pour estre gens d'Estat), que si sa prudence et dexterité, assistee de la grace de Dieu et de vos merites, n'avoyent combattu la malice du temps, il auroit esté contraincts des le commencement, d'abandonner l'affaire et le remettre a un autre temps.

  A022002294 

 Cependant monsieur mon Frere, parmy tant d'embarrassemens, ne laisse de se faire admirer par les doctes et belles predications qu'il faict en divers lieux, et aux plus honnorables de la ville, a certains jours de la semaine; chose qui rend favorable a luy et a sa negociation non seulement tous les bons catholiques, mais encores les princes et princesses qui assistent presque ordinairement a ses predications..

  A022002295 

 Je me resjouys extremement et vous remercie tres humblement de la bonne nouvelle qu'avez eu de Rome, laquelle ne me pouvoit arriver meilleure en contrechange de celle qu'a eu Madame de la decision de Rote, de laquelle, toutefois, et elle et tous ces messieurs de son Conseil se donnent maintenant beaucoup moins de peine des que nous l'avons receue et veu qu'elle n'est fondee sur raison qui vaille, ny qui soit nouvelle.

  A022002295 

 Tout le Conseil de Madame se doit assembler en brief pour en prendre une finale resolution, laquelle attendant de vous escrire par monsieur mon Frere, qui partira devant moy pour la retardation de l'arrivee de Monsieur, je vous baise cependant tres humblement les mains, Monseigneur, comme celuy qui est,.

  A022002319 

 Et partant, s'il vous plaist envoyer par devers nous quelques ungs de vostre part, vous nous trouverez disposez a vous rendre toutte sorte de contantement qui despendra de nostre pouvoir..

  A022002332 

 Comme aussy, le dict Evesque n'a que veoir sur nos terres ny sur nos droicts, soit sur celles que Nous tenons du costé du dict balliage en souveraineté, soit sur celles de S t Victor et Chapitre, ayans des traittés avec la Couronne de France et Messieurs nos alliez de Suisse, ausquelz ceste Seigneurie est comprise avec tout son territoire, et a forme de nostre presente et ancienne possession qui est assez notoire a tout le pays.

  A022002332 

 Et sommes encores tellement asseurez de la bienveuillance de Leurs Majestez envers ceste Republique, declaree mesmes par effects et tesmoignages tous recents et bien signalez, qu'il ne peut entrer en nostre creance qu'Elles ayent donné quelque commission pour Nous molester en nos droicts et possessions; Nous dis je, qui dez si longues annees, [soit en temps de paix, soit en temps de guerre,] avons [tousjours] faict profession de nostre tres humble et devotieux service a leurs Couronnes.

  A022002350 

 Pour le soulagement de ceux qui manient les biens d'Eglise, plairra a Monseigneur fere entendre que sa volonté est de distribuer les biens d'Eglise aux curés, sans les laisser en œconomie..

  A022002359 

 Pour le service de ladite cure et entretien du curé l'on a assigné ce qui s'ensuit:.

  A022002359 

 a laquelle sont unies Saint Loup, qui estoit la cure, anciennement, dudict Versoy; plus, a esté uni Malagny et certains autres hameaux.

  A022002361 

 plus, le terrage du susdit Versoy, qui vaut annuellement............ florins 100 00.

  A022002362 

 plus, le revenu de la chappelle du Saint Esprit, qui vaut annuellement......... ff.

  A022002364 

 plus, l'albergement de la cure du susdit Versoy, qui vaut..................... ff.

  A022002378 

 La pension de Monseigneur le Reverendissime Evesque de Bourges, a cause du prieuré de Prevessin, qui est de................................. ff.

  A022002383 

 Le disme de Sacconex, qui est de douze couppes froment annuellement.froment, 12 couppes.

  A022002384 

 plus, les censes et terrages du dit Sacconex, qui valent annuellement......... ff.

  A022002390 

 Pour le service et entretien du curé l'on luy assigne les dismes de Meyrin et de Mattignin, qui vallent annuellement............... 45 paires.

  A022002394 

 Et pour l'entretien du curé l'on luy a assigné le disme dudit Chevry, qui vaut annuellement.................. 55 paires.

  A022002400 

 120 00 plus, le disme de Prevessin et d'Ornex, qui vallent annuellement....................................... 5 paires.

  A022002400 

 Le terrage dudit Prevessin, qui vaut annuellement ff.

  A022002416 

 Le terrage de Thoiry, qui vaut annuellement......... ff.

  A022002418 

 plus, le terrage avec les cinq pour centz, qui est de dix florins, audit Saint Jean; le tout monte a..................... ff.

  A022002427 

 La troisiesme partie de la pension de Challex, qui est quattre couppes avoine et six couppes froment; argent.............................. ff.

  A022002428 

 plus, la chappelle de Nostre Dame, fondee audit Challex, qui vaut annuellement... ff.

  A022002429 

 plus, le terrage dudit Challex, qui vaut annuellement........................... ff.

  A022002430 

 plus, le disme de Tougin, qui vaut..................... ff.

  A022002431 

 lequel disme de Tougin sera remis a Monseigneur le Reverendissime, pour en disposer apres que l'on aura les autres deux tierces parties de la susdite pension qui est en proces..

  A022002438 

 Pour le service de ladite eglise seront establis, oultre la personne du curé, trois prestres, l'un desquelz sera entretenu et payé du curé, et les autres deux auront pour chacun six centz florins par an, qui leur seront payés par ledit sieur curé sur les revenus et biens cy specifiés, et annexés a ladite cure..

  A022002439 

 Plus, sera payé au filz du sieur Paris, par ledit sieur curé, la somme de deux centz florins pour assister à l'Office qui se fera en ladite eglise de Gex; il enseignera le plain chant aux vicaires et enfans qui voudront apprendre..

  A022002439 

 Plus, seront payés par ledit sieur curé trois centz florins pour les luminaires accoustumés et necessaires en ladite eglise, selon l'ordre qui en a esté fait par cy devant par Monseigneur le Reverendissime.

  A022002440 

 Et ledit curé, prestres et vicaires feront l'Office en ladite eglise selon ce qui a esté ordonné par cy devant par mondit Seigneur.

  A022002440 

 Et pour la charge desditz prestres establis, l'un d'iceux aura la charge d'enseigner la jeunesse dudit balliage en grammaire, escriture, et servir en ladite eglise continuellement et assister a tous les Offices qui se feront; et pour ce faire luy seront payés les six centz florins sus establis.

  A022002442 

 Et premierement, les cinq pour centz non pourveuz, qui montent par an a la somme de neuf centz septante deux florins trois solz, selon le roolle qui en sera fait et remis audit curé. ff.

  A022002443 

 plus, luy sera remis le disme de Fleix, qui est annuellement........................... paires 20.

  A022002444 

 plus, les revenus des chappelles non pourveues de tout le balliage, qui peuvent valoir annuellement argent...... ff.

  A022002447 

 Et parce qu'il y a quelques proces des Gex intentés, ilz' seront poursuivis a la diligence dudit sieur [curé] de Gex ou de ceux quil commettra, tant pour la recepte des deniers susditz que pour la poursuitte des proces, et aux despens et frais de l'œconomie qui sera establie par Monseigneur le Reverendissime..

  A022002448 

 Et quant a la grange qui a esté annexee a ladite cure et qui a esté achetee des deniers de l'œconomie, elle sera remise auxdîts prestres pour leur service, a la charge qu'ilz l'entretiendront, et ladite maison et ladite grange.

  A022002449 

 Et pour le regard de la pension de l'abbaye de Bonmont qui se payoit autrefois aux ministres du balliage de Gex, qui estoit de deux centz florins annuelz, nous l'avons laissee au sieur Prevost du Chapitre de Saint Pierre de Geneve, auquel appartient le membre qui estoit [tenu] de payer ladite pension; lequel n'a aucune charge ni cure d'ames, pour estre un membre dependant de l'abbaye de Bonmont, laquelle est riere la Seigneurie de Berne.

  A022002450 

 [354] pour lesditz centz florins, qu'il prendra douze couppes from, ent et huit d'avoine qui sont restat de la pension de Saint Jean; et ce, sa vie durant, sans tirer en consequence, ayant esgard au lieu ou il est..

  A022002451 

 Et pour les jardins qui sont annexés a ladite maison de la cure, ilz seront partagés par esgales parties entre ledit sieur vicaire qui fera l'escole et le sieur Paris..

  A022002451 

 Et touchant la maison de la cure, qui reste designee pour le logement du vicaire qui fera l'office de maistre d'escole et pour le sieur Paris qui tiendra place d'un vicaire, Monseigneur le Reverendissime a ordonné que le sieur vicaire qui fera l'escole sera logé au logis le plus logeable de ladite maison, a son choix, a cause de la charge de ladite escole, et le sieur Paris aura le reste dudit logis.

  A022002454 

 100 00, oultre les laouds qui y arrivent souvent;.

  A022002454 

 plus, les censés, qui vallent annuellement: argent ff.

  A022002455 

 plus, son terrail et sa vigne, qui sont trois poses;.

  A022002459 

 Et veut affranchir les cinq pour centz, qui sont 26 florins, monnoye de Savoye.

  A022002468 

 La cure de Tougin, que le curé a la portion congrue de messieurs [356] les Religieux de Saint Claude, de qui la cure depend.

  A022002469 

 Le curé de Sacconex, oultre son establissement selon l'article 4 e, il a acquis tous les biens de la cure de Verny, se disant aussy curé; et ne veut payer les cinq pour centz au sieur Paris, qui sont eize florins annnuelz, monnoye de Savoye.

  A022002470 

 Il y a de grans restatz en ladite cure de Sacconex, que ledit sieur Paris laisse en dernier pour n'avoir les tiltres; et aussy en la cure de Fernex et en plusieurs chappelles qui tomberont en prescription, si l'on ne commet un procureur ou un œconome qui aye bon pouvoir et moyen de poursuivre..

  A022002471 

 Et le curé de Sessy, qui a aussy une bonne cure, en a destourné le terrail, au prejudice du curé futur, et ne veut payer les cinq pour centz au sieur Paris, qui sont dix florins..

  A022002471 

 L'on trouve fort estrange que le curé de Peron, qui a une tres bonne cure, soit curé de Tougin, qui est a trois grandes lieues loin; laquelle cure avoit esté annexee a l'eglise de Gex pour l'entretien des vicaires.


23-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIII-Vol.2-Opuscules.html
  A023000026 

 III. Qui a esté conceu du Saint Esprit, né de la Vierge Marie.

  A023000086 

 Chapitre V. Du soin que doit avoir le confesseur de ne point absoudre ceux qui ne sont point capables de la grace de Dieu.

  A023000088 

 Chapitre VII. Des cas reservés et de la confession de ceux qui sont en evident peril et article de mort 151.

  A023000139 

 Quarto, hoc primum dictum pugnat cum quarto, nam fere nulli sunt qui in tota serie, seu ordine gratiae, non habeant gratiam plus quam sufficientem qua justificantur, concipiunt bona desideria (inter Christianos maxime); at in quarto dicitur reprobis solam sufficientem dari, quod falsum erit, cum plurimi reprobi sint ex Christianis qui habent plus quam sufficientem..

  A023000143 

 Enimvero et nos quoque convenire cum eo dicemus; scimus namque id quod maxime optavit Augustinus, esse debellare Pelagium qui cum diceret nos solo [6] libero arbitrio mereri salutem, Augustinus ut eum fortius impeteret, negavit praedestinationis dari causam ex parte nostra.

  A023000151 

 C'est pourquoi [2] l'argument de saint Thomas prouve sûrement que Dieu veut d'abord accorder antécédemment à chacun la gloire, et ensuite les moyens nécessaires pour l'obtenir: ce qui est contre vous.

  A023000151 

 D'un autre côté, la raison de saint Thomas a toute sa force de conviction en entendant la volonté en général, abstraction faite de savoir si cette volonté est absolue ou conditionnelle, antécédente ou conséquente: ce qui est contre vous, non contre nous.

  A023000151 

 Mais il ne prouve pas que la volition efficace de la fin soit antérieure à la volition efficace des moyens, non pas efficaces, mais suffisants: ce qui serait contre nous.

  A023000151 

 Que dirai-je de saint Thomas, sur l'autorité duquel vous pouviez vous appuyer, en laissant de côté tous les Pères, pour présenter une justification de votre doctrine qui fût, sinon juste, du moins d'une témérité moindre? Ce Docteur, bien loin d'avoir admis la [1] prévision d'une grâce suffisante; distribuée dans la vision conditionnelle que vous supposez, apporte, dans son enseignement, un argument de toute première force contre vous.

  A023000152 

 En quatrième lieu, la première proposition des adversaires est en contradiction avec leur quatrième, car il n'y a presque personne (surtout parmi les chrétiens) qui, dans toute la série ou économie de la grâce, n'ait pas en partage une grâce plus que suffisante qui le justifie, lui fasse concevoir de bons désirs; et cependant, dans la quatrième proposition il est dit que les réprouvés reçoivent la seule grâce suffisante: ce qui est faux, attendu que de nombreux réprouvés se trouvent être des chrétiens, lesquels ont plus que la grâce suffisante..

  A023000153 

 Or, d'après vous, ils ne se servaient pas déjà de la grâce suffisante qui était prévue devoir leur être donnée.

  A023000156 

 Mais, disent-ils, nous sommes d'accord avec Augustin sur le point principal de toute la question, à savoir en niant que la prédestination ait une cause: ce qui suffit.

  A023000170 

 Par vérités naturelles nous entendons celles qui peuvent être tirées des objets sensibles..

  A023000207 

 De même encore, Dieu concourt à l'élément matériel du péché, en tant qu'il est cause naturelle et nécessaire par supposition; mais pour ce qui est du bien, il peut aussi y concourir en tant que cause libre.

  A023000207 

 Quant à l'élément matériel de l'acte bon et du mauvais, il y concourt physiquement de la même manière; pour ce qui est de l'élément formel de l'acte mauvais, il n'y concourt d'aucune façon, cet élément formel étant une pure privation; tandis qu'à l'élément formel de l'acte bon, il donne son concours.

  A023000221 

 L'opinion de Grégoire, [docteur] de Rimini, sur le concours de Dieu donné aux actes mauvais au moyen d'une influence s'unissant à la volonté qui se détermine, et aussi sur son concours aux actes bons au moyen d'une prédétermination de la volonté, cette opinion, dis-je, ne me satisfait pas, parce qu'elle supprime presque la liberté dans les actes bons, comme nous le dirons mieux plus loin.

  A023000232 

 BERNARD — Troys: premierement, je renonçay au diable et a toutes ses œuvres qui sont toutes les sources du peché.

  A023000238 

 BERNARD — Il y en a de troys sortes: les premiers sont ceux qui le sont de nom seulement; les secondz, ceux qui le sont de nom et de foy, et les troysiesmes, ceux qui le sont de nom et de foy et d'œuvres..

  A023000240 

 BERNARD — Ce sont les heretiques, qui n'ont rien que le nom, a cause du Baptesme qu'ilz ont receu..

  A023000244 

 BERNARD — Ce sont les mauvais Chrestiens, qui ont la foy et le nom, mays qui ne font pas ce qu'ilz croyent..

  A023000248 

 BERNARD — Ce sont ceux qui, a leur nom et a leur foy, joignent toutes sortes de bonnes œuvres..

  A023000253 

 FRANÇOIS — De qui descend ce nom de Chrestien?.

  A023000254 

 BERNARD — De Nostre Seigneur JESUS qui s'appelle Christ..

  A023000278 

 BERNARD — Troys, qui sont la source de toutes les autres: orayson, jeusne et aumosne..

  A023000282 

 BERNARD — C'est le sacré signe de la Croix, qui est le veritable signe du Chrestien.

  A023000288 

 Ego GABRIEL A SANCTO MICHAELE, contrito et humiliato corde, agnosco et confiteor coram Sanctissima Trinitate et tota caelesti Curia ac vobis testibus, me graviter peccasse adhaerendo haereticis et credendo varias eorum haereses, praesertim has: sacrosanctum Corpus Domini nostri Jesu Christi non esse vere, realiter et substantialiter in augustissimo Eucharistiae Sacramento; nec esse verum et propitiatorium [16] Sacrificium pro Vivis et defunctis, cum, incruente, a sacerdotibus in Missa offertur; nullum esse post hanc vitam ignem purgatorium; Sanctos et Beatos qui in Caslis sunt non esse invocandos; Ecclesiam Catholicam visibitem errare posse et deficere; et alias quam plurimas..

  A023000297 

 Moi GABRIEL DE SAINT-MICHEL, je reconnais et confesse, de coeur contrit et humilié, devant la Très Sainte Trinité et toute la Cour céleste, et vous autres témoins, que j'ai gravement péché en adhérant aux hérétiques et en croyant leurs diverses hérésies, surtout celles-ci: que le saint Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'est pas vraiment, réellement et substantiellement dans le très auguste Sacrement de l'Eucharistie; qu'il n'est pas un vrai et [16] propitiatoire Sacrifice pour les vivants et les morts, lorsque, d'une manière non sanglante, il est offert à la Messe par les prêtres; qu'il n'existe aucun feu purificatoire après cette vie; que les Saints et les Bienheureux qui sont dans les Cieux ne doivent pas être invoqués; que l'Eglise Catholique visible peut errer et se tromper; et autres très nombreuses..

  A023000305 

 Si je considere sur vos saintz autelz, o mon Sauveur, mon Dieu, vostre tres sacré Cors, que vous aves assaysonné par tant de miracles pour nous nourrir en ces desers, et que, tout ravy en admiration, autre ne me demeure en bouche que ceste protestation de mon insuffisance: Qu'est cecy? qu'est cecy? Manhu? manhu? o Seigneur, regardes a moy! mon jugement naturel, ma chair, mes sens, me livrent [18] mille assautz: Hé, ce me disent ilz, comme se peut il faire que le Sauveur aye donné sa chair a manger? O que ceste parolle est dure! et qui la peut ouyr ni croyre?.

  A023000306 

 Et quoy? disois je, ceste sacree parolle qui est sur le commencement de ce Symbole, ne suffiroit elle pas, quand il n'y auroit autre, pour rompre tous les effortz de ces seditieux? JE CROY: c'est le mot que j'ay ja prononcé des mon Baptesme par la bouche de ceux qui m'y presenterent; je suis donques croyant et fidelle, non pas entendeur ou compreneur, et partant, plus on me rend ce Sacrement malaysé a entendre et comprendre, plus on me le rend croyable et venerable.

  A023000306 

 Suyvant le conseil de ces deux grans serviteurs de vostre Majesté, Ambroyse et Augustin, je m'en suys armé comme de la marque de vostre sauvegarde, j'ay fermé et cacheté mon cœur de ce sceau, affin qu'il ne fust ouvert a leurs suggestions; ce m'a esté comme un [19] carquois qui m'a fourny mille et mille traitz pour les combattre.

  A023000309 

 Dieu est Dieu en toutes, ses œuvres, mais en celles qui sont plus grandes il faict mieux voir sa Divinité.

  A023000310 

 N'y a il pas troys Personnes, Pere, Filz et Saint Esprit, en une mesme, simple et seule essence? La foy qui a digeré ceste sauveraine difficulté, quelle peyne peut elle avoir a croyre qu'un seul cors soit en plusieurs lieux? Dieu ne veuille que je face comme ces rebelles qui mesdisoyent de sa divine Majesté, disant: Pourra il nous dresser une table au desert? Ce que je ne pourray mascher de cest Aigneau paschal, je le jetteray dans le feu du pouvoir infiny de ce Pere tout puyssant auquel je croy.

  A023000311 

 La parolle de Dieu a eu tant de vertu que, par elle, les choses qui n'estoyent ont esté: combien plus en aura elle, pour faire estre ou bon luy semble celles qui sont, et les changer en autres? Elle a bien mis en un lieu ce qui n'estoit point: pourquoy ne mettra elle en plusieurs ce qui estoit en un? [20].

  A023000317 

 Comme fustes vous conceu, o mon Dieu, au ventre d'une Vierge, sans aucune œuvre virile? Et pourquoy recherchera on l'ordre naturel en vostre cors qui a esté faict outre tout ordre naturel et est né d'une Vierge?.

  A023000321 

 Celuy qui [t'a] tant aymé, o mon ame, que te pouvant sauver par une seule goutte de son sang et la moindre de ses souffrances, a voulu neantmoins tout exposer son cors aux douleurs et passions d'une mort tres amere pour te donner la vie, hé! c'est Celuy la mesme qui, pour la te conserver, te nourrit de ce mesme cors.

  A023000324 

 C'est luy qui, pouvant visiter en mille autres façons les siens qui estoyent au sein d'Abraham, descendit toutesfois es enfers pour les visiter en la reelle presence de son ame; ce n'est merveille si, pouvant nous nourrir en plusieurs autres manieres, il a choysi la plus chere, admirable et aymable, qui est de nous donner en viande sa propre chair..

  A023000325 

 Que si, par la resurrection, il a delivré son cors des qualités grossieres de passibilité, pesanteur, espesseur et obscurité et autres semblables, si qu'il a traversé la pierre, est entré les portes fermëes (ce qui ne s'est peu faire sans mettre deux cors en un lieu, en sorte que l'un n'en occupast point); s'il s'est rendu, invisible, impalpable, imperceptible et sans occuper place, pourquoy ne sera il, en ce saint Sacrement, invisible et sans occuper lieu, puysqu'il a dict qu'il y estoit? A quel propos rechercherions nous plus en luy les conditions d'un cors mortel et corruptible?.

  A023000328 

 Trouverons nous estrange que ce cors vienne reellement et de fait, quoy que surnaturellement, dans les nostres, puysque, plus leger qu'un oyseau, outrepassant toutes les regles d'un cors humain, il est monté sur tous les cieux? «Il est assis a la dextre de Dieu le Pere,» sur tous les cieux, ou il n'occupe plus ni lieu ni place; car, quelle superficie peut environner le cors qui est au pardessus de tout autre cors? Pourquoy ne sera il bien icy bas sans tenir ni remplir aucun heu ni aucune place?.

  A023000332 

 De quelle viande fut il jamais dict que qui la mangeroit indignement estoit coulpable du Cors de Jesuschrist, sinon de celle cy, laquelle estant reellement le Cors de Jesuschrist, rend aussy reellement coulpables d'iceluy ceux qui en abusent et ne le discernent point? On n'avoit pas rendu un si severe arrest pour la manne et l'aigneau paschal, quoy qu'en iceux on mangeast, par foy et spirituellement, Jesuschrist mesme..

  A023000332 

 Et lhors il jugera coulpables de son Cors et de son Sang ceux qui auront mangé et beu indignement ce tant pretieux et adorable Sacrement, pour n'avoir discerné le Cors de Nostre Seigneur.

  A023000336 

 Le Saint Esprit a dicté les Saintes Escritures; eust il mis en icelles des parolles si expresses et vives comme sont celles cy: Cecy est mon cors, si ce n'estoit le vray Cors de Nostre Seigneur? N'y eust il pas faict mettre quelque declaration de son intention, s'il l'eust eu autre que ces parolles ne portent en leur sens propre et premier? Et luy, qui est Docteur en l'Eglise, l'eust il laissee aller, en un article si important, a l'erreur et mensonge? l'eust il abandonnee si longuement?.

  A023000339 

 Et pour vray, comment pourroit on appeller l'Eglise sainte (qui n'est qu'une seule universelle), si elle n'eust [23] maintenu la verité tant en ce faict comme es autres, en tous teins, en tous lieux et parmy toutes nations? Ce qu'elle n'auroit pas faict si le vray Cors de Nostre Seigneur n'estoit en ce Sacrement..

  A023000340 

 Et si nous ne mangions qu' une mesme viande spirituelle par foy, quelle plus grande communion auroit le Chrestien avec les autres Chrestiens qu'avec les anciens Juifz qui mangeoyent aussy Jesuschrist par foy, et par consequent une mesme viande spirituelle? N'avons nous rien plus qu'eux?.

  A023000340 

 Mays y a il plus parfaitte communion des Saintz que celle cy, en laquelle nous sommes tous un pain et un cors, d'autant que nous sommes participans d'un mesme pain qui est descendu du Ciel, vivant et vivifiant? Et comme mangerions nous tous d'un mesme pain, si ce pain n'estoit le Cors de Jesuschrist? autant de lieux, autant de pains divers y auroit il.

  A023000343 

 Et quoy? une simple figuré et commemoration auroit elle bien ce pouvoir? Le sang de la genisse respandu, quoy que figure du sang respandu sur la croix, ne sanctifioit que quant a la pureté de la chair; non, c'est le propre sang de vostre Majesté qui nettoye nos consciences des œuvres mortes, pour servir au Dieu vivant..

  A023000346 

 Hé, beny Jesus, quand sera ce qu' en un moment, en un clin d'oeil, a la derniere trompette, les mortz resusciteront, et la mesme chair d'un chacun, ja dissipee en cent mille façons, sera reproduitte l'autre foys en chair incorruptible et immortelle? Mon Dieu, quelle merveille Mays ce pendant, j'admireray chose presque pareille: [24] en un moment, en un clin d'œil, a la trompette de vostre parolle, vostre mesme Cors, qui est assis a la dextre du Pere au Ciel, est en certaine façon reproduit en ce saint Sacrement par tout ou le mistere en est celebré..

  A023000347 

 Mays, o Seigneur admirable, si un peu de levain faict bien lever toute une grande masse de paste, si une blüette de feu suffit pour embraser une mayson, si un grain mis en terre faict fertile la terre et en reproduit tant d'autres, combien dois je esperer que vostre beny Cors entrant au mien, la sayson estant venue il le relevera de sa corruption, l'enflammera de sa gloire et le produira immortel, impassible, subtil, agile, resplendissant et assorty de toutes les qualités glorieuses qui se peuvent esperer! Ceste vigueur ne se peut trouver es figures; il faut qu'elle parte de la verité de vostre tres pretieux Cors..

  A023000350 

 Et de faict, quelle autre viande, o Sauveur, si ce n'est vostre Cors, peut donner la vie eternelle? Il faut un pain vivant pour donner la vie; un pain descendu du Ciel pour donner une vie celeste, un pain qui soit vous mesme, mon Seigneur et mon Dieu, pour donner la vie immortelle, eternelle et perdurable.

  A023000350 

 Quelle autre y peut estre employee que vous, qui estes vivant es siecles des siecles? Amen..

  A023000357 

 Livre qui n'a pas encore esté mis en lumiere, composé lors qu'il estoit à Tonon pour la conversion des Heretiques, escrit en partie de sa main propre.

  A023000358 

 Ce qui fut cause que le Bien-heureux François, voyant que chacun se tenoit en silence, prit la liberté, non pas d'agir, mais de parler;... et escrivit un livre de la Demonomanie, ou bien des Energumenes, lequel toutesfois il n'a pas mis en lumiere, quoy qu'il soit parfaict; et ne sçait-on pas pourquoy.» Le biographe donne ensuite les titres des neuf chapitres de ce Traité et un sommaire de l'ensemble.

  A023000358 

 Et ce qui aydoit à la continuation de telles meschantes parolles, estoit le pernicieux livre d'un certain qui se disoit medecin de Paris, combattant la puissance des exorcismes, contre le commun sentiment de l'Eglise; lequel livre, tout remply de calomnies, quoy qu'il eust esté dédié au Roy, monstroit bien par son tiltre l'impieté et tromperie de son autheur.

  A023000363 

 — Charles-Auguste n'est pas un témoin infaillible; ce ne serait pas la première fois qu'il aurait attribué à son saint onclè un écrit qui n'est pas de lui.

  A023000365 

 — Habert ( La Vie du Cardinal de Berulle, Paris, Camusat et Le Petit, 1646), pariant des ouvrages du fondateur de l'Oratoire, dit: «Le premier a esté celuy de l' Abnegation interieure... En suite on le pressa d'escrire celuy... des Energumenes, pour deffendre, à propos d'une possedée qu'il exorcisoit, la verité des possessions en general... Il est vray que ce traité, qui peut passer pour une merveille d'esprit, de doctrine et d'éloquence, ayant esté imprimé sans nom, a esté attribué au Bien-heureux Evesque de Sales... Une copie que M. de Berulle avoit envoyée A ce Bien-heureux Prelat pour luy en demander son sentiment, s'estant trouvée apres sa mort parmy ses papiers, avec quelques remarques faites de sa main, donna sujet de croire que l'original estoit à luy... Mais le digne neveu et successeur de ce grand Prelat, M. de Geneve que nous avons aujourd'huy, ne s'est pas plutost apperceu de cette erreur, que par une lettre escrite au Reverend Pere Gibieuf, il a renoncé pour son Bien-heureux Oncle à ce bien qui s'estoit trouvé dans sa succession; il a voulu, pour user de ses propres tomes, faire restitution à nostre saint Cardinal pour cét autre Saint, quoy qu'il n'en fust pas besoin entre deux grands hommes à qui toutes choses avoient esté communes par l'amitié.» (Liv. III, chap. XII, pp. 818, 819.) — Ainsi, Charles-Auguste lui-même se serait dédit plusieurs années après la publication de son Histoire du Bien-Heureux François de Sales, parue en 1634..

  A023000366 

 — Aucun déposant aux Procès de Béatification du saint Evêque n'a fait mention du Traité qui nous occupe, plus considérable, cependant, que la Briefve Meditation sur le Symbole et les deux Lettres au ministre Viret dont plusieurs témoins ont [28] parlé.

  A023000368 

 De tout ce qui précède on doit conclure que l'hypothèse émise par D. Mackey dans la note indiquée plus haut ne peut plus être soutenue et qu'il faut penser tout le contraire; au lieu de céder à M. de Bérulle un écrit sorti de sa plume, saint François de Sales reçut de lui le Traité qu'il venait de composer.

  A023000368 

 Habert l'appelle «une copie », ce qui pourrait s'entendre aussi d'un imprimé, puisqu'au XVII e siècle ce mot était fréquemment employé pour exemplaire.

  A023000377 

 — Je dis que si, par le nom de femme, vous entendes une femme qui aÿe eu accointance d'homme, vous parles bien; mays vostre assumption, par laquelle vous dites Jesuschrist avoir esté faict ainsy, est un blaspheme.

  A023000378 

 Qui ne voit ceste absurdité? Il faut donques entendre la generale proposition de saint Pol avec ces deux declarations: l'une, que Nostre Seigneur a esté faict semblable a nous, mays non pas en semblable façon; car il a esté faict par l'operation surnaturelle du Saint Esprit, et nous par l'operation naturelle de l'homme.

  A023000380 

 La faute gist en ce que en la premiere proposition il est parlé du cors humain qui n'a rien outre le naturel; en la seconde il est parlé d'un cors humain qui a beaucoup de surnaturel..

  A023000381 

 Or, qu'il soit ainsy, Isaïe le monstre asses, cottant pour chose insigne, que celle qui concevroit vierge, enfanteroit vierge.

  A023000382 

 Sed in adjutorio ipsjus Salvatoris, sicut spreverunt Catholici velut acutissimum quod Jovinianus exseruerat argumentum, et nec sanctam Mariam pariendo fuisse corruptam, nec Dominum fuisse phantasma crediderunt, sed et illam virginem mansisse post partum, et ex illa tamen verum Christi corpus exortum, sic» spreverunt «vestra calumniosa vaniloquia.» Et quelle virginité pouvoit nier Jovinien estre en la Vierge en l'enfantement, sinon celle que vous nies? Et quelle autre corruption y pouvoit il mettre que celle que vous y mettes? car de méttre en l'enfant la corruption qui se faict par l'accointance de l'homme, c'est une chose inintelligible.

  A023000383 

 Saint Augustin donques, en ceste epistre, combat les Ubiquitaires qui disent le cors de Nostre Seigneur estre par tout, et non les Catholiques qui confessent qu'il est en certains lieux, quoy que sans occuper lieu, a la façon des espritz; ainsy qu'il penetra dedans la salle, les portes estans fermëes.

  A023000384 

 Adjoustes que ces loix, selon leur rigueur, ne touchent point a Nostre Seigneur qui n'y avoit aucune obligation; mays il s'y est sousmis, parce qu'en apparence et selon la commune estimation des hommes il y sembloit estre obligé.

  A023000384 

 Sic enim baptizari etiam ipse dignatus est baptismo Joannis, qui erat baptismus pœnitentiae in remissionem peccatorum, quam vis nullum haberet» ipse «peccatum.».

  A023000386 

 Ce pendant, prenes garde qu'admettant ouverture au ventre de la Vierge, vous vous rendes coulpable de l'haeresie de Jovinien et que, nous accusant de nier la verité du cors de Nostre Seigneur, vous ne faites rien que ce qui a esté faict contre les plus anciens Catholiques, ainsy que tesmoigne saint Augustin.

  A023000397 

 Ce que faisant, je ne destruis aucunement la verité de l'humanité de Nostre Seigneur, quoy que vous en puyssies imaginer, non plus que d'Adam, qui fut faict et produit outre tout ordre naturel.

  A023000397 

 Le sens de ceste parolle, selon la chair, c'est a dire, [d'après vous,] «selon l'ordre naturel,» est infiniment absurde, puysque la conception, qui est le fondement de tout le reste, est purement surnaturelle..

  A023000399 

 Naistre d'une Vierge, marcher sur les eaux, entrer les portes fermëes, ne destruit point la nature humaine de Jesuschrist, qui ne laisse pour cela d'avoir un tres vray cors humain et naturel, non plus que saint Pierre.

  A023000400 

 (I Cor., 15.) Ce n'est cependant qu'un mesme cors en substance, mais different en qualités; ainsy dis je que Nostre Seigneur n'a eu qu'un seul cors, vray, reel, humain, mais qui a eu des grandes diversités de qualités naturelles et surnaturelles.

  A023000400 

 Je ne sçay a qui autre qu'a vous, puysque Vous le voules ainsy, il pourrait sembler que j'aye jamais attribué a Nostre Seigneur un cors phantastique.

  A023000400 

 L'Apostre met si clairement difference entre un cors reel, vray et humain, mais mortel et animal ou charnel, et ce mesme cors reel, vray et humain, mais immortel et spirituel, que, a qui le considerera, il ny a plus moyen de resister.

  A023000401 

 Mon garand en avoit dict de mesme, ains bien plus, car le mot de partus ex Virgine se peut entendre non seulement de la conception, mays de toutes les autres actions ou entremises necessaires a la parfaitte disposition d'un filz: qui me faict tant plus croire que quelque chaleur, ou du desir de reprendre, ou du zele sans science, vous a empesché de considerer que vous enveloppies dans vostre censure mon garand avec [39] moy, pensant peut estre vous opposer a quelque absurdité..

  A023000402 

 Or, saint Pierre, assisté de la vertu divine, marchoit sur les eaux, et neanmoins occupoit place; aussi ne dis je pas qu'un cors eslevé par la vertu divine n'ayt jamais occupé place, mays seulement quil peut estre sans l'occuper, asçavoir estant assisté et eslevé a cest effect, qui n'est aucunement possible..

  A023000403 

 Mes instances ne m'ont point esté niëes cy devant, sinon celles de la sortie du ventre de la Mere, laquelle j'avois tellement prouvëe que je la pouvois bien reproduyre; et de faict, vous n'aves aussi rien respondu a mes preuves, sinon par simples negatives qui vous sont fort aysëes.

  A023000403 

 Or, vous le faites avec ces repetitions: «Le cors humain doit occuper place, le cors qui n'occupe place n'est pas naturel; si le cors de Nostre Seigneur n'occupe place, il est phantastique.».

  A023000406 

 Il n'est vrayement pas necessaire que copula et partus concurrat ad violationem virginitatis, car l'un des deux suffit; qui est ce que je dis, et que les Anciens ont soustenu contre Jovinien.

  A023000408 

 Je ne vous fais donques point de tort de vous attribuer l'erreur de ceux qui ont dict la Vierge avoir esté corrompue en l'enfantement, quoy que sans aucune connoissance d'homme; car, quelle autre corruption ont ilz peu mettre en l'enfantement que celle que vous y mettes? et dequoy est ce que les anciens Peres les ont repris que de ce dont je vous reprens? Si vous ne quittes l'erreur de Jovinien, je ne quitteray point les reprehensions de saint Ambroyse, saint Hierosme et saint Augustin.

  A023000409 

 Ceux qui attribuent un cors aeré a Nostre Seigneur pour nier quil occupe place, sont fondés en l'air; mays ceux qui, luy attribuans un cors reel, naturel et vrayement humain, client que nonobstant ce il n'occupe point place quand et ou il luy plaist, sont fondés en l'Escriture et toute puyssance de Dieu.

  A023000409 

 Ceux qui veulent le cors de Jesuschrist estre en plusieurs lieux sont autant esloignés de ceux qui le veulent estre par tout ou Dieu est: comme il y a difference entre te tout et une petite partie, entre le fini et l'infini.

  A023000411 

 Vous ne le sçauries prouver, et moins encor vous eschapper de la force des authorités des Peres que j'ay cité, qui font droitement contre vous, nonobstant ce que vous dites quilz font contre moy; ce qui vous est autant aysé a dire qu'impossible a prouver.

  A023000413 

 Qui a jamais dict que, quod repente Christus ab oculis discipulorum evanuit, fuerit umbrae aut phantasmatis? Imo sane virtus Dei est quae corpora, etiam solidissima et humana, oculis mortalium eripit, et les rend invisibles pro tempore, comm'il luy plaist: ainsy fit il quand, transiens per medium illorum, ibat..

  A023000415 

 Et me croyes aussy, Monsieur, que le seul honneur que je porte a la verité de l'Evangile, a l'ancienne Eglise de Nostre Seigneur, qui est la colomne et fermeté de verité, et le desir de voir ceux qui ont presté le serment a Jesuschrist au Baptesme rëunis en la mayson de leur Pere, delaquelle ilz se sont sequestrés et hors laquelle neanmoins ilz ne peuvent que se perdre, me faict courir apres toutes sortes de travaux et difficultés, esperant que incrementum dabit Deus.

  A023000426 

 Pourquoy donques est ce que ces pretenduz reformateurs ont laissé les anciens et accoustumés noms de ce Sacrement pour luy imposer celuy de Cene? Ne monstrent ilz pas en cela un'extreme affectation de nouveauté? Que s'ilz estiment que saint Pol aye employé le mot de cent pour signifier l'Eucharistie, quand il reproche aux Corinthiens la façon de faire leurs cenes, ne sont ilz pas ineptes? veu que l'Apostre declaire qu'il parle d'une cene en laquelle on s'enyvroit, ou s'avançoit on de manger son souper en particulier, [que] les riches en avoyent plus que les pauvres, et qu'on pouvoit faire chacun chez soy: ce qui ne peut arriver en la manducation de la sacree viande.

  A023000430 

 Les Apostres ayans connoissance des langages de tous les coins du monde ou ilz ont conversé, qui sont en grand nombre et fort divers, n'ont toutesfois laissé l'ordre et façon de celebrer l'Eucharistie qu'en troys langages au plus.

  A023000434 

 Nostre Seigneur proteste qu'il ayme les petitz enfans, veut qu'on les laisse venir a luy, ains dict que qui n'est semblable a eux n'est sortable au Royaume des cieux.

  A023000450 

 Et que dires vous a ce que le mesme saint Augustin escrit: Que cest adversaire de la Loy et des Prophetes demeure «en arriere avec ses semblables, qui dirent: Ceste parolle est dure, et qui la peut ouyr? Car nous autres, d'un cœur fidele et de la bouche, nous recevons Jesuschrist nous donnant sa chair a manger et son sang a boire, encores qu'il semble plus horrible de manger la chair humaine que de la massacrer, et de boire le sang humain que de le respandre.» Voyla comme saint Augustin ne çourt pas soudain aux figures, et dict aussi qu'on reçoit «d'un cœur fidele et de bouche» les choses qui, de prime face, semblent absurdes..

  A023000450 

 Mays si vous voules entendre toutes choses qui semblent absurdes, quoy qu'elles ne le soyent, devoir estre expliquees par figure, on vous soustient que vous estes lourdement trompés.

  A023000450 

 On accordera bien que si, pour choses mal sonnantes, saint Augustin entendoit ce qui est contre la loy de nature, blasmer, mentir, et, comme vouloyent les Capharnaïtes, deschirer Jesuschrist vivant, qui sont choses qui ne se peuvent jamais droittement commander, vous entendes saint Augustin comme il faut.

  A023000451 

 Aucun d'eux ne voulut recourir aux figures et interpreter spirituellement, par metaphore, ce qui estoit commandé; tout fut prins comme il sonnoit; ni l'apparence du crime, ni du deshonneste ne leur fit chercher aucune figure..

  A023000451 

 En l'Escriture Sainte, vous verres plusieurs choses qui, de premier abord, sembleront absurdes, lesquelles toutes-fois on ne lira point a sens figuré: comme, lhors qu'il fut commandé a Abraham de mettre les mains sur son propre filz; a Esaye, de cheminer tout nud; a Ezechiel, de manger du pain trempé en la fiente.

  A023000452 

 Et outre plus, si tout ce qui semble absurde ne se doit croire, que respondres vous aux haeretiques Ariens, Montanistes et Manicheens, qui sentoyent mal de l'Incarnation du Filz de Dieu? car il leur sembloit aussi absurde et indecent que la Divinité fust meslëe parmy les souilleures de nostre nature, que Dieu souffrist faim, playes et mort: qui n'est gueres different des absurdités que vous dites [47] estre en la reelle presence du Cors de Jesuschrist en la sainte Hostie; et toutesfois, vous tenes ces pestes d'haeretiques anciens pour hommes tres malheureux qui ont advancé ces choses la..

  A023000460 

 Or, ceux qui ont servi au tabernacle ont eu l'autel de leur cœur, sur lequel ilz pouvoyent offrir les sacrifices spirituelz, et ont mangé par foy et en esprit Jesuschrist crucifié; autrement ilz seroyent tous damnés.

  A023000460 

 Saint Pol proteste que nous avons un autel duquel n'avoyent puissance de manger ceux qui servoyent au tabernacle.

  A023000472 

 Nostre Seigneur establit ce saint mistere de son Cors et Sang le soir apres souper: qui vous a dispensés de le faire a autre heure? Ou si vous estimes que les circonstances observees par Nostre Seigneur sont peu considerables?.

  A023000476 

 Le texte de l'Evangile porte que le sang de Nostre Seigneur, qui estoit dans la couppe, fut respandu pour plusieurs en remission des pechés.

  A023000476 

 Pourquoy nies vous que ceste remission aye lieu pour les pechés des deffunctz, plustost que pour ceux des mortelz? Qui vous a baillé pouvoir de restraindre les graces de Dieu mesme, puysque Calvin, 1.

  A023000480 

 Pourquoy prives vous les malades de ce Sacrement, contre l'institution d'iceluy qui ne les rejette point? puysque telles gens en ont plus de necessité que les autres, et que «l'ancienne Eglise» le leur conferoit tres soigneusement, comme Calvin mesme confesse 1.

  A023000485 

 Ce qui soit dict, attendant que l'ample responce dressëe sur un petit traitté de la Croix, nagueres imprimé a Geneve, sorte de la main des imprimeurs..

  A023000493 

 Et partant, le mot d'adoration ne signifie pas seulement la reverence ou hommage que la creature doit a son Dieu immediatement, mais aussi l'honneur ou veneration qu'on porte aux creatures superieures ou qui ont rapport aux superieures; si que l'Escriture et tous les anciens Peres [50] employe ( sic ) le mot d'adorer ores pour la reverence faitte a Dieu, ores pour celle qu'on fait aux creatures..

  A023000494 

 Et neanmoins, qui considerera de plus pres l'Escriture et les Anciens, trouvera que le mot d'adorer panche un peu plus a l'honneur deu a Dieu seul que non pas a l'autre; de façon que l'hors que le mot d'adorer est seul en l'Escriture, il s'entend ordinairement de l'adoration de latrie.

  A023000494 

 Nos peres ont adoré en ce mont, disoit la Samaritaine, et vous dites qu'il faut adorer en Hierusalem; c'est a dire sacrifier, qui est la seule action exterieure qui est particulierement et perpetuellement destinee a l'adoration de latrie.

  A023000513 

 Frere Chérubin, respondant a la proposition faitte ce jourd'huy, 18 septembre 1598, par noble Jean Sarazin, [54] deputé des sieurs Scindiques et Conseil de Geneve, dit: qu'outre l'ample acceptation des offres faitz par ledit sieur Sarazin en une sienne prœcedente proposition (laquelle acceptation auroit esté redigee en escrit et signee, puys remise a iceluy sieur Sarazin), il n'a a respondre autre, sinon que, quant a sçavoir la volonté des Seigneurs de Berne, il ne s'en estoit aucunement chargé, moins s'en veut charger des-ores, pour ny estre obligé, ni tenu de faire aucune consideration sur l'alliance qui pourrait estre entre lesdits Seigneurs dé Berne et lesdits Seigneurs de Geneve; et que touchant la lettre envoyee a l'advocat des Prez, n'y ayant reconneu aucune marque publique, il attendoit de la voir authorisee, selon l'advis des seigneurs magistratz de ce pais de Chablaix.

  A023000514 

 Et quant a la nomination des termes usites en toute legitime dispute, que ledit sieur Sarazin dit estre venu ouïr, a sçavoir: du lieu et tems, du nombre des disputans, des pointz de doctrine desquelz sera traitté en la dispute, des secretaires et des moderateurs, estant chose* reciproque qui se doit passer de commun accord entre les parties, il prie tres affectionnement ledit sieur Sarazin de se treuver icy mercredy prochain, 23 de ce moys, avec amples memoires et pouvoir d'en traitter; et l'hors, il s'offre passer une pleyne et asseuree resolution touchant les pointz requis et autres tendans a mesme fin, sil y escheoit.

  A023000527 

 Pour conferer, il prend avec soy jusques au nombre de cinq theologiens, luy faisant le sixiesme; outre lesquels il appellera trois ou cinq tesmoins sortables, pour tant plus rendre auctentique ce qui se passera..

  A023000552 

 Cherubin nommast les pointz sur lesquelz on disputeroit, ayant fait ceste nomination, il semble tres raisonnable que lesditz pointz soyent vuydés les premiers; ce qu'estant fait, il offre d'opposer et d'entrer en la discution de ceux qui seront choysis audit livret de Confession comme contraversés [61] entre les parties, ou bien telz que les ministres voudront nommer..

  A023000553 

 Que le moyen choysi par les ministres de seulement s'escrire l'un a l'autre n'a aucune conformité a ce qui a esté cy devant traitté touchant la conference, ains en rompt la suitte et le fil; c'est sortir hors les termes d'icelle, et venir a nouveau traitté et renoncer au precedent..

  A023000554 

 Et de plus, que la conference de laquelle a esté traitté cy devant comprent asses touttes les commodités de ce nouveau moyen proposé maintenant, puisqu'on y devoit tout escrire, et fidellement; et, outre cela, apportoit plusieurs autres commodités, comme: le bien de la briefveté des resoulutions; de l'exibition des aucteurs qu'on auroit a proposer; de la plus particuliere et claire declaration de l'intention d'un chacun, laquelle est bien souvent mal aisee a tirer des escritr faitz entre absentz, et y va une grand piece de temps a envoyer et renvoyer, et les raisons se presseront plus et mieux en presence; avec autres telles occasions qui se perdent par la voye proposee par les ministres.

  A023000554 

 Ne voyant qu'on puisse amener autre difficulté sur ceste conference verballe, si non la crainte de l'aigreur des parolles: a quoy desja a esté remedié, tant par les protestes faites cy devant d'apporter toutte la douceur et tranquilité d'esprit possible et necessaire en chose si importante, qu'aussi par la nomination des moderateurs, qui sont personnes d'honneur et empecheront les desordres et accidentz sinistres (en tant que touchent les nostres), par l'auctorité de Son Altesse qu'on offre d'y faire entrevenir.

  A023000555 

 Ilz sont en lieu ou ilz peuvent empecher que noz escritz ne soyent ni veuz ni sondés, mais les leurs; qui seroit un brave moyen pour nous faire condamner entre les leurs: la ou nous n'avons telles commodités..

  A023000566 

 Sur les propos qui ont esté ci devant tenus, pour l'ouverture d'une conference dans la ville de Geneve, pour le sujet de la religion tant seulement, entre moy avec quelques predicateurs catholiques d'une part, et les ministres de la mesme ville de Geneve d'autre, j'ay fait cet escrit, et i'ay signé de ma main et seellé de mon sceau, pour declairer et attester que toutes fois et quantes que les ministres [65] voudront y entendre, et convenir de conditions raysonnables, sortables et legitimes pour une telle assembles ou conference, je m'y porteray avec toute promptitude et sincerité, esperant en la bonté de Dieu que son nom en sera glorifié, au salut et bien de plusieurs ames, ainsy que je l'en supplie..

  A023000578 

 Prodiit superiore saeculo ab inferis horrendum nescio, an miserandum potius, hominum genus, qui, a Christianae religionis et sacrosanctae fidei nostrae Catholicae unitate ac, [67] quod omnino consequens est, veritate desciscentes, nova passim dogmata novasque haereses, sed ex veteribus et jam pridem damnatis magna ex parte consutas conflatasque, invexerunt, in tot pene sectas divisi quot fuerunt eorum capita, qui sectatores habere quam esse maluerunt.

  A023000582 

 Reliqua theologis, qui tam multi tamque praeclari ex professo ista tractarunt, consulto relinquemus.] Adferemus autem ipsissima Lutheri et Calvini verba, ut qui non poterunt facile credere, quod sane incredibile est, tam absurdas et plane diabolicas impietates, tamque impias absurditates tot assertoribus superbientes cuiquam mortalium in mentem venire unquam potuisse, nihil tamen a nobis effictum aut immutatum conqueri jure possint.

  A023000582 

 [Adferemus tantum aliquas, et de singulis aliqua, ne cum sutoribus Lutheranis et Calvinianis theologos agere [70] videamur nos, qui solam Jurisprudentiam, nec aliud praeterea quicquam profitemur.

  A023000591 

 Semblables aux renards de Samson, dont les têtes séparée? se mouvaient chacune de son côté, mais qui tous avaient leurs queues réunies, ils eurent entre eux un lien commun: celui de porter l'incendie au sein de l'Eglise Romaine et de la détruire, s'il suffisait pour cela de le vouloir.

  A023000593 

 Du reste, les édits de nos Princes et les nombreux décrets de notre Sénat touchant la religion (édits et décrets que nous n'avons pas [69] jugé à propos de transcrire ici, parce qu'ils ont été imprimés) flétrissent et poursuivent non seulement les luthériens et les calvinistes, mais tous les autres hérétiques, comme sont évidemment tous ceux qui, sous un nom quelconque, ont abandonné la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, et dont les erreurs ont été frappées d'un très juste anathème par le saint Concile de Trente agissant sous l'impulsion du Saint-Esprit..

  A023000594 

 Ç'a été une belle chose et, au milieu d'un si grand malheur, un bonheur pour la République Chrétienne, que ces sectes, qui avaient conjuré contre elle avec tant d'ardeur, eussent des caractéristiques si infamantes que personne ne pût au premier aspect douter qu'elles ne portent au front ce que les saints Canons appellent les apparences distinctives de la perversité «hérétique»..

  A023000595 

 Nous laissons à dessein le reste aux théologiens qui ont traité en si grand nombre et si bien ces matières ex professo.] Nous citerons les paroles mêmes de Luther et de Calvin, afin que n'aient pas le droit de se plaindre d'une invention ou d'un changement de notre part, ceux qui croiront difficilement cette chose en vérité incroyable, qu'un esprit humain ait pu imaginer des impiétés si absurdes et si clairement diaboliques, et des absurdités si impies qui ont cependant réussi à gagner tant d'adeptes.

  A023000595 

 Nous pouvons, en effet, affirmer en toute vérité que rien n'a été fait par nous en cela qui ne soit permis à tout homme pieux et chrétien; nous avons, dans une affaire de si haute importance, apporté les précautions nécessaires pour n'encourir en aucune façon les très justes censures de l'Eglise, censures que nous craignons et respectons.] [71].

  A023000595 

 [Nous parlerons seulement de quelques-unes de ces caractéristiques et dirons peu de chose de chacune, pour ne pas avoir l'air de prétendre au rôle de théologien avec les savetiers luthériens [70] et calvinistes, nous qui faisons profession de juriste et de rien autre.

  A023000598 

 Nec enim apud Juris nostri sive auctores sive interpretes dubitationem res habet, quin actor, quisquis [72] est, probare debeat suam intentionem, etiam quae in negando consistat, praesertim vero si agat quis ad turbandum eum, qui sit in pacifica rei de qua controvertitur possessione.

  A023000598 

 Prima illa, nec meo judicio parva nota est, quod omnia propemodum negant, affirmant pene nihil, nisi quod et negando affirmant plerumque, et affirmando negant, ut facile appareat ex eorum numero illos esse qui, ut Tertullianus de haereticis omnibus scripsit: «Credendo non credunt,» dissimiles in eo a paganis qui, ut idem ille ait: «Non credendo credunt.» Nec video quibus magis quam istis convenire possit quod de Antichristo magni plerique viri existimarunt: άρυοΰμαι nomen illi esse; quando-quidem antichristianorum omnium, id est haereticorum, solemnis mos iste est, ut doctrinam suam fere omnem constituant in negando.

  A023000602 

 Potuit et Praxeam» (addamus, si lubet, Lutherum et Calvinum) «et omnes pariter haereticos extinxisse; non tamen quia potuit extinxit.» Haec autem omnia non potuit Deus de potentia ordinaria; alio enim ordine res et stabilitae sunt et peractae; ergo de potentia absoluta, id est, [74] quae soluta sit ab omni lege promulgata, et ab ordine rerum constituto; sed non absoluta eo sensu, quasi soluta sit ab aequitate et justitia, quomodo perperam interpretatur Calvinus; aequitas enim et justitia lex Dei intrinseca est, ipsa vero nihil aliud quam ipsemet Deus, qui, ut sibi ipsi lex est, ita recedere a lege et aequitate minime potest..

  A023000606 

 Vult ergo Deus permulta, non voluntate efficiente aut committente, sed permittente tantum; ea scilicet quae cum mala sint malitia, ut aiunt, morali, a Deo qui bonus et bonitas ipsa est proficisci nunquam possunt.

  A023000614 

 At vero Filius, qui hanc ipsam habet essentiam, habet non a nullo, nec a se, sed a Patre; denique essentia quae, si in se consideretur, a nullo est, ea in Filio a Patre est..

  A023000614 

 Quis enim, vel intellectu solo mentisque ulla cogitatione, assequi possit, eum qui Filius sit et dicatur, Filium ejus esse a quo essentiam naturamve non habeat? Quid vero [76] aliud Filius a Patre habere potuit, quam Divinitatem? Quid Patri et Filio commune est, prseter essentiam? Quid ergo Filio communicavit Pater, si non essentiam ipsam? Quare passim clamant Scripturae, Concilia, Patres, universus denique Christianorum orbis, Filium esse «Deum de Deo, Lumen de Lumine, Deum veyum de Deo vero»? Habet ergo Deus Pater veram essentiam divinam, quae nec a se, ut parum caute loquitur Calvinus, nec ab aliquo alio est; sed prorsus a nullo, cum essentia neque generet, neque generetur.

  A023000618 

 Denique vita nostra filia Christi mortis est; qui alibi quam in hac morte vitam quaerit, vitam perdidit.

  A023000626 

 At non ita D. Petrus, qui palam testatur Christum constitutum esse a Deo Judicem vivorum et mortuorum; nec aliter caeteri Apostoli, qui omnes uno ore praedicant Christum judicaturum vivos et mortuos..

  A023000630 

 Negant Traditionem ullam esse, quae solo sermone [79] tradita sit, contra expressam D. Pauli affirmationem, qui in Epistola ad Thessalon.: Tenete, inquit, traditiones quas accepistis, si ve per sermonem, sive per epistolam.

  A023000634 

 Ex quibus etiam cum nonnulli non nisi post Hebraeorum Canonem conscripti fuerint, quis eos in Canone illo descriptos non fuisse mirabitur, nisi qui per chronographiae imperitiam nesciat describi nullo modo potuisse? [81].

  A023000639 

 Viden'hominis audaciam et impudentiam, qui non contentus ademisse quantum potuit auctoritatem Epistolae apostolicae, insimulat etiam Apostolum arrogantiae, quod [82] instituendi Sacramenti facultatem sibi adrogaverit, si eam Epistolam conscripsit! Non videt furiosus apostata id Apostolum agere, non ut instituat Extremae Unctionis Sacramentum, sed ut ad ejus usum fideles hortetur; non facturus utique, nisi Christus ipse instituisset..

  A023000643 

 Qua negatione, mendacii arguunt D. Petrum, qui, quanquam et fidelis ipse et doctus (nisi forte et fide et doctrina inferior Luthero fuit), scripsit tamen multa esse in D. Pauli Epistolis difficilia, quae infideles et parum docti detorquent, ut Scripturas, inquit, c aeteras, ad suam perditionem.

  A023000647 

 Quod si ita esset, cur Christus Dominus noster comparasset eam civitati supra montem positae, convivio, ovili, aedificio super petram aedificato? Cur praeterea nos ad Ecclesiam remitteret illis Evangelii verbis: Dic Ecclesiæ? An non faciunt ridiculum et impostorem Christum, qui nos ad Ecclesiam alleget, si invisibilis illa et imperceptibilis est?.

  A023000651 

 Cui negationi contraria certe est affirmatio illa Christi: Portae inferi non prævalebunt [84] adversus eam; itemque Pauli, qui eam columnam vocat, et firmamentum veritatis.

  A023000651 

 Et vero, si tam infaeliciter et inhumane nobiscum ageretur, ut Ecclesia universalis in rebus fidei et in vero sensu Verbi Dei dijudicando errare posset, quis mortalium, obsecro, non errare se posse crederet? Qui autem errare se posse credit, quomodo certus esse possit se non errare? Consequens igitur necessario fiet, ut in fidei sensusque Sacrarum Scripturarum incertitudine omnes ambulare fatendum sit.

  A023000655 

 Christus enim» ait: « Attendite a falsis prophetis... Haec sola auctoritas satis» est, inquit, «adversus omnium Pontificum, omnium Patrum, omnium Conciliorum, omnium scholarum sententias, quae jus judicandi et decernendi solis Episcopis et ministris tribuerunt, et impie ac sacrilege populo, id est Ecclesiae reginae, rapuerunt.» Et paulo post insultat Regi Henrico: «Et ut hic mei Henrici et sophistarum recorder, qui a longitudine temporum et multitudine hominum pendent cum sua fide, primum negari non potest hujus rapti juris tyrannidem ultra mille annos durasse; nam in ipso.

  A023000655 

 Negant Conciliorum, etiam generalium, auctoritatem [85] eam esse, cui firmiter adhaerere debeamus, ut affirment privato cuilibet, nedum populo, incumbere, ut Conciliorum doctrinam ad amussim Scripturae exigat et examinet; sic enim Lutherus: «De doctrina,» inquit, «cognoscere et judicare, pertinet ad omnes et singulos Christianos, et ita pertinet, ut anathema sit qui hoc jus uno pilo laeserit.

  A023000656 

 Quid vero, te rogo, quisquis es qui haec legis, scribi potuit arrogantius et impudentius? Non Concilia, non Pontifices, non Patres, non Doctores, unus Lutherus, imo, quilibet de faece populi, dummodo Lutheranus (sic enim opinor Lutherus sensit, alioqui actum esset de ipso et de Lutheranis omnibus, si Calvino et Calvinianis de Scripturarum interpretatione credendum esse faterentur), jus habebit de doctrinis cognoscendi et judicandi.

  A023000661 

 «Nimis ergo philosophice,» inquit, «hac de re locuti sunt, qui se Christi jactabant esse discipulos; nam quasi adhuc integer staret homo, semper apud Latinos liberi arbitrii nomen extitit; Graecos vero non puduit multo arrogantius usurpare vocabulum, siquidem αύτεξούσιον dixerunt, ac si potestas sui ipsius apud hominem» esset, etc. Lutherus autem, non minore audacia, librum inscripsit De servo arbitrio.

  A023000666 

 Negant fideles posse peccare mortaliter, quia, inquit Calvinus, «Fidelium peccata venialia» sunt; «quia Dei misericordia condemnatio nulla est iis qui sunt in Christo Jesu, quia non imputontur, quia venia delentur.» Quasi vero Petri execrationes et Domini sui abnegationes, Davi-dis adulterium et homicidium, imo ipsius Adami et Evæ inobedientia non fuerint peccata mortalia! Quid ergo sibi voluit, qui Episcopo dixit in Apocalypsi: Nomen habes quod vivas, et mortuus es? Quid, quod David, tantis la-chrymis, tot singultibus petiit peccatum suum deleri, cor novum sibi creari, a sua iniquitate lavari, a peccato mundari[89], si, quia fidelis erat, nihil ei damnationis fuerat, neque ullum peccatum illi imputatum?.

  A023000678 

 Atqui, promissio nullibi facta est iis qui aut ex sanguinibus, aut ex voluntate viri, aut ex voluntate carnis nati sunt; sed iis tantum qui renati sunt ex aqua et Spiritu Sancto, hoc est, qui ex Deo nati [91] sunt.

  A023000678 

 Gravis hac de re apud divum Augustinum extat sententia: «Quisquis dixerit quod in Christo vivificantur etiam parvuli qui sine Sacramenti perceptione de vita exeunt, hic profecto et contra apostolicam praedicationem venit, et totam condemnat Ecclesiam, ubi propterea cum baptizandis parvulis festinatur et curritur, quia sine dubio creditur aliter eos in Christo vivificari omnino non posse.» Hieronymus quoque, post Tertullianum: «Christiani,» inquit, «non nascuntur, sed fiunt.».

  A023000678 

 Quasi vero Apostolus non exclamet: Non qui filii carnis, ii filii Dei, sed quia filii sunt promissionis, æstimantur in semine.

  A023000685 

 Neque hoc sine mirabili et providentissimo Dei Optimi Maximi judicio, ut qui tantum tantaeque unitatis Sacramentum immani illa contra Dei Mot negatione violare ac temerare ausi sunt, in abyssum divisionis hoc ipso prolabi necesse habuerint..

  A023000685 

 Sacramentarii vero, qui tanto subtiliores sibi videntur quanto sunt revera impudentiores, dum ad ea verba respondere conantur, in quantam, Deus bone, opinionum ac verborum divisionem atque vertiginem inciderunt! In eam sane quae major videri debeat, quam qua turris Babylonicae aedificatores confusos legimus.

  A023000687 

 Prior vero [sane dignior est, quae ad grammaticorum quam ad theologorum scholas relegetur, ut toties vapulent miseri, quoties negabunt verbo est veritatem substantiae, non significationem ipsius, significari.] Quid vero isti tropologici dicerent, si textum hebraicum D. Matthaei vidissent, qui, sicut Evangelium conscripsit ea ipsa lingua qua Christus Dominus utebatur cum Sacramentum institueret atque cum hominibus in terris conversaretur, ita institutionis formulam praecipuam magisque observandam tradidisse credendus est; quam porro sic concepit: Accipite et manducate hoc corpus meum, nullo addito verbo est, aut alio ullo ejusmodi, pro quo Sacramentarii suum illud significat substituere, nobisque obtrudere possint.

  A023000687 

 Quo admisso, illud certe etiam manifeste relinquitur, quod ab aliis Evangelistis omnibus, uno ore, et a divo Paulo (qui hoc ipsum accepit non a coapostolis, sed a Domino jam in Caelos assumpto) additum est graecum substantivum Mot έστί, non ea mente factum fuisse, ut commentitiae [96] isti interpretationi viam patefacerent, et Mot est pro significat unquam accipi vellent; sed ut eum ipsum sensum quem Matthaeus materna Christi lingua expressit apertius exprimerent, addito verbo substantivo ad pronomen hoc demonstrativum substantiae, et nomen substantivum corpus, subjectumque adjectivum meum, quo persona ipsa Christi enixissime significatur; itemque relativum quod, cujus eam esse vim et naturam sciunt grammatici omnes ut sit relativum substantiae, ne tot junctis verbis nihil penitus nisi substantiam et veritatem substantiae exprimentibus, dubitare quisquam posset, quin de vero ac reali corpore suo Christus Dominus in Sacramenti institutione sensisset, quod postea pro nobis datum et traditum est in cruce, non per figuram et significationem, sed vere ac realiter, ut figurae omnes Veteris Testamenti, consummato redemptionis opere, finirentur..

  A023000688 

 Addamus illa quoque tam enixa verba Pauli: Qui [97] enim manducat aut bibit indigne, judicium sibi manducat et bibit, non dijudicans corpus Domini.

  A023000688 

 Quid enim potuit scribi apertius, aut ad excludendam figuram istam et significationem commentitiam, aut ad eam quoque interpretationem explodendam, quae veritatem corporis Christi in fide accipientis, non in Sacramenti veritate constituit, plus tribuens fidei accipientis quam potentiae instituentis? Quis enim potest indignius manducare, quam qui omnino non credit esse corpus Christi? Atqui etiam is qui indigne manducat et bibit, ideo judicium sibi manducat et bibit, quia non dijudicat corpus Domini.

  A023000692 

 Ita et ab expresso Dei verbo, et ab omnium antiquorum Patrum et Christianorum fide, prorsus dissentiunt; quid enim clarius illis verbis: Hoc est corpus meum, quod pro vobis datur; Hic est sanguis meus, qui pro vobis et pro multis funditur in remissionem peccatorum? Nimirum datur sacrosanctum corpus illud, non solum nobis in Sacramentum, sed etiam pro nobis in Sacrificium.

  A023000694 

 At apud eruditos, et sive in theologia, sive in logica melius versatos, sunt ista omnino ridicula; sciunt enim sic potius e contrario argumentari nos debere: Quia fides justificat, ergo multo magis charitatem justificare, sine qua fides mortua est; quia Christi justitia nobis imputatur, ergo realem et veram justitiam in nobis effici et procreari; quia Christus nobis meruit, ergo in nobis esse merita, quae meritis Christi nobis sunt comparata; quia Christus est summus Pontifex, ergo inter eos qui ejus vices interim gerunt, unum debere esse summum Pontificem; quia Christus mediator redemptionis unicus est, ergo multos esse posse et debere mediatores intercessionis, qui nobiscum ab eo pro nobis petant, ut redemptionis supe pretium et efficaciam nobis applicet; quia Christus nobis jejunavit, ergo multo magis nos, ad ejus exemplum et imitationem, jejunare oportere; quia Christus resurrexit et ad caelos ascendit, ergo nos, si non tantum fideles, sed etiam electi erimus, et resurrecturos et ad caelum ascensuros, quo modo Paulus ad Thessalonicenses argumentatur; denique, quia in Sacramento signum est, ergo rem quoque ipsam significatam adesse debere.

  A023000695 

 Idem nimirum Christus est qui in utroque et offert et offertur; unicus Pater caelestis, cui offertur, et in unicam remissionem peccatorum et nominis Dei sanctificationem.

  A023000696 

 Ita fit, ut qui sacrificium Missae et sacrificium Crucis duo sacrificia esse dixerit, verum dicat, propter distinctionem formae et modorum quibus offertur utrumque; at longe aptius loquatur, nec minus vere, imo verius, qui unum dixerit esse, propter identitatem, ut ita dicam, ejus qui et offert et offertur, ejus cui offertur et finis propter quem offertur; sicuti qui solem unum dixerit, verius utique dixerit, propter individuam unitatem substantiae solis, quam qui, propter dierum distinctionem, plures soles existimaverit nominandos.

  A023000705 

 Quam vero longe aliter divus Paulus, qui ad Ephesios exclamat de Christo: Quod autem ascendit, quid est, nisi quia et descendit in inferiores partes terrae?.

  A023000717 

 Huic vero negationi obstat manifestissimum Scripturæ testimonium in Libris Machabaeorum: Sancta, inquit Spiritus Sanctus, et salubris cogitatio est pro defunctis exorare, ut a peccatis solvantur; sed et ipsius Christi, qui in Evangelio dicit, peccata quaedam esse quae nec in hoc sæculo remittantur, nec in futuro.

  A023000717 

 Non ita locuturus, nisi peccata quaedam essent, quae in alio quoque saeculo remittuntur; quod nec ethnicus Plato ignoravit, qui solo naturalis rationis lumine illustratus, Purgatorium admisit.

  A023000723 

 Aussi est-il clair qu'ils sont du nombre de ceux dont Tertullien a écrit, à propos de tous les hérétiques: «Tout en croyant, ils ne croient pas.» Ils ne sont pas en cela semblables aux païens qui, comme dit le même auteur, «tout en ne croyant pas, croient.» Et je ne vois pas à qui mieux qu'à eux puisse convenir le nom d'άρυοΰμαι ( je nie ), que plusieurs grands écrivains ont estimé être le nom de l'Antéchrist, car la coutume habituelle de tous les antéchrists, c'est-à-dire des hérétiques, est d'établir presque toute leur doctrine sur la négation.

  A023000723 

 Autrement, je le demande, qu'y aura-t-il de certain, qu'y aurat-il de sûr, s'il suffit à un demandeur, même calomniateur, de nier? Nos hérétiques méritent vraiment que nous leur appliquions ce que saint Jean écrit dans son Apocalypse au sujet de ces sauterelles sortant du puits de l'abîme, qui ont, dit-il, à leur tête comme roi, l'ange de l'abîme, qui se nomme en hébreu Abaddon, en grec Apollyon, en latin Exterminans.

  A023000723 

 En effet, c'est un principe, pour [72] les auteurs comme pour les interprètes de notre Droit, qu'une chose ne peut être douteuse qu'autant que celui qui l'attaque en justice prouve son accusation, même si celle-ci consiste en une négation, surtout s'il s'agit de troubler quelqu'un qui se trouve en possession tranquille de la chose controversée.

  A023000723 

 La première caractéristique de nos hérétiques, caractéristique qui, à mon jugement, ne manque pas d'importance, c'est qu'ils nient presque tout, n'affirment presque rien, si ce n'est qu'ils affirment la plupart du temps en niant, et nient en affirmant.

  A023000727 

 Il ne s'agit pas cependant d'une puissance absolue, dans le sens de puissance affranchie de l'équité et de la justice, comme l'interprète à tort Calvin; car l'équité et la justice sont la loi intrinsèque de Dieu: loi qui n'est pas autre chose que Dieu lui-même, lequel étant sa loi à lui-même, aussi ne peut-il en aucune façon s'écarter de la loi et de l'équité..

  A023000727 

 Nos hérétiques nient qu'en Dieu il y ait une puissance absolue: [73] «L'invention des scolastiques,» dit Calvin, «sur la puissance absolue de Dieu est un exécrable blasphème.» Et ailleurs, il appelle «impossible» ce qui n'a jamais été ou ne sera jamais.

  A023000731 

 Dieu veut donc bien des choses d'une volonté, non efficiente ou concourante, mais seulement permissive; c'est-à-dire que ce qui est mauvais, d'une malice qu'on appelle morale, ne peut provenir jamais de Dieu, qui est bon et la bonté même.

  A023000739 

 Enfin, l'essence qui, si on la considère en elle-même, ne vient de personne, dans le Fils vient du Père..

  A023000739 

 Mais le Fils, qui a la même essence, l'a, non de personne, non de lui-même, mais du Père.

  A023000739 

 Qui donc peut, en effet, comprendre par un effort de son esprit ou de sa pensée, que celui qui est et est appelé Fils, n'ait pas son essence ou sa nature [76] de celui dont il est le Fils? Qu'a donc pu avoir le Fils du Père, sinon la Divinité? Qu'y a-t-il de commun entre le Père et le Fils en dehors de l'essence? Qu'a donc communiqué le Père au Fils, si ce n'est l'essence même? C'est pourquoi les Ecritures, les Conciles, les Pères, enfin tout l'univers chrétien, proclament que le Fils est «Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu.» Par conséquent, Dieu le Père possède la véritable essence divine, qu'il n'a ni de lui-même, contrairement à l'expression peu prudente de Calvin, ni de quelque autre, mais tout à fait de personne, l'essence n'engendrant pas et n'étant pas engendrée.

  A023000743 

 Enfin, notre vie est fille de la mort du Christ; celui qui cherche la vie ailleurs que dans cette mort a perdu la vie.

  A023000743 

 Quelle n'est pas l'audace de ces hérétiques de dire que rien n'eût été fait par la mort du Christ, alors que, à cause de la dignité infinie de Celui qui l'a subie, la plus petite goutte de son sang royal et divin eût suffi à racheter des mondes innombrables!.

  A023000747 

 Et un [78] peu après: «Je travaille,» dit-il, «à désapprendre cette opinion invétérée du Christ Législateur et Juge, afin de la condamner et repousser.» Mais, tout au contraire, l'Epître de saint Jacques enseigne cette doctrine même, en appelant en propres termes le Christ Législateur, après Isaïe qui l'avait nommé du même nom en disant: Le Seigneur est notre Législateur..

  A023000751 

 Et les autres Apôtres n'ont pas une doctrine différente, eux qui d'une voix unanime prêchent que le Christ jugera les vivants et les morts..

  A023000751 

 Tout autre est l'enseignement de saint Pierre, qui affirme ouvertement que le Christ a été établi par Dieu, Juge des vivants et des morts.

  A023000755 

 Et en réalité, quelle sera la certitude et l'autorité des Saintes Ecritures, si l'on supprime la Tradition, puisque cette certitude et cette autorité peuvent se prouver non par le témoignage de l'Ecriture, mais seulement par la Tradition? Pourquoi appellerons-nous Livres canoniques les Evangiles de Matthieu et de Luc, plutôt que ceux de Thomas et de Nicodème? Et si quelqu'un se met à nier cela et à rejeter, avec nos hérétiques, la Tradition non écrite, comment arriverons-nous à trouver une preuve contre lui? En outre, où étaient donc l'Eglise et la foi de l'Eglise pendant tous les siècles où les matières de foi étaient traitées, non par l'écriture, mais seulement par la parole? Est-ce que l'Eglise n'a pas été antérieure aux Ecritures? Dans quel endroit de l'Ecriture trouveront-ils quelque chose qui nous oblige à croire qu'il faut ajouter foi seulement à ce qui est écrit? Que dire du Baptême des enfants; du Dimanche à sanctifier, de préférence à tout autre jour, en remplacement du Sabbat juif; de la création des Anges, et de tant d'autres choses du même genre dont la croyance est très certaine dans l'Eglise, et même parmi tous les [80] hérétiques, mais dont la preuve par l'Ecriture est tout à fait inexistante? C'est bien autrement, et magnifiquement comme toujours, que parle Augustin: «Je ne croirais pas à l'Evangile, si» l'Eglise ne me disait que c'est l'Evangile..

  A023000759 

 Quelques-uns, parmi ceux-ci, n'ont été écrits qu'après la fixation du Canon des Juifs: qui s'étonnera donc de ne pas les voir insérés dans ce Canon, si ce n'est celui qui, par ignorance de la chronographie, ne sait pas que c'est là une impossibilité? [81].

  A023000763 

 Ils nient que l'Epître de saint Jacques soit canonique, en ce sens que, lorsqu'on la leur oppose, ils mettent en doute la foi et l'autorité qu'elle mérite, foi et autorité qui ont cependant été toujours très certaines et assurées.

  A023000764 

 Voyez-vous l'audace et l'impudence de cet homme qui, non content d'avoir détruit autant qu'il l'a pu l'autorité de l'Epître apostolique, accuse encore l'Apôtre d'arrogance, si c'est lui qui a écrit [82] l'Epître, en s'attribuant le droit d'instituer un Sacrement! L'insensé apostat ne voit pas que l'Apôtre agit comme il le fait, non pour instituer le Sacrement de l'Extrême-Onction, mais pour exhorter les fidèles à en user; ce qu'il n'aurait certes pas fait, si le Christ n'avait lui-même institué ce Sacrement..

  A023000768 

 Ils nient que les Saintes Ecritures contiennent des difficultés qui empêchent les fidèles de les comprendre aisément, de sorte qu'elles sont plus claires et plus faciles que les commentaires de tous les Pères.

  A023000768 

 Par cette négation ils accusent de mensonge saint Pierre, lequel, quoique fidèle lui-même et instruit (à moins qu'il n'ait été peut-être inférieur à Luther en foi et en doctrine), a écrit cependant que les Epîtres de saint Paul contiennent beaucoup de passages difficiles, que les infidèles et ceux qui sont peu instruits dénaturent, dit-il, comme les autres Ecritures, pour leur perdition.

  A023000772 

 Si cela était, pourquoi le Christ notre Seigneur l'aurait-il comparée à une ville située sur une montagne, à un festin, à un bercail, à un édifice construit sur le roc? Pourquoi, en outre, nous renverrait-il à l'Eglise par ces paroles de l'Evangile: Dis-le à l'Eglise? Ne rendent-ils pas le Christ ridicule et imposteur, lui qui nous renvoie à l'Eglise, si celle-ci est invisible et si l'on ne peut l'apercevoir?.

  A023000776 

 A cette négation est certes contraire l'affirmation du Christ: Les portes de l'enfer ne prévaudront [84] point contre elle; de même celle de Paul, qui l'appelle colonne et soutien de la vérité.

  A023000776 

 Et effectivement, si l'on nous traitait d'une manière assez funeste et inhumaine pour que l'Eglise universelle pût errer en matière de foi et au sujet du vrai sens à attribuer à la Parole de Dieu, quel homme, je le demande, croirait qu'il ne peut errer? Mais celui qui croit qu'il peut errer, comment peut-il être certain de ne pas errer? Ce sera ainsi une conséquence nécessaire, que tous devront marcher dans l'incertitude au sujet de la foi et du sens à attribuer aux Saintes Ecritures.

  A023000776 

 Où se rencontrera donc ce qui doit être pour nous tellement certain et assuré, que si un Ange du ciel voulait nous enseigner le contraire nous ne devrions pas le croire? Et, en effet, qui ne devrait plutôt croire à un Ange du ciel qu'à soi-même, si d'un autre côté l'autorité et la certitude de foi de l'Eglise était supérieure à l'autorité contraire de n'importe quel ange, en admettant, par impossible, qu'il puisse jamais exister une telle autorité contraire?.

  A023000780 

 Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il appartient à tous les chrétiens et à chacun d'eux de connaître et de juger de la doctrine, et cela leur appartient tellement, qu'il faudrait dire anathème à quiconque léserait ce droit le moins du monde Car le Christ a dit: Gardez-vous des faux prophètes... Cette seule autorité suffit contre les sentences de tous les Pontifes, de tous les Pères, de tous les Conciles, de toutes les écoles, qui ont accordé le droit de juger et de décider aux seuls Evêques et ministres, et l'ont, d'une manière impie et sacrilège, arraché au peuple, c'est-à-dire à l'Eglise-reine.» Un peu plus loin il s'en prend au roi Henri: «Et pour faire ici mention de mon Henri et des sophistes qui font dépendre leur foi de la durée des temps et de la multitude des hommes, tout d'abord on ne peut nier que ce soit depuis plus de mille ans que le droit en question a été tyranniquement ravi; car dans le Concile de Nicée, le meilleur de tous cependant, on commençait déjà à faire des lois et à s'attribuer le droit susdit.» Et peu après il ajoute: «Il est hors de controverse que le droit de connaître de la doctrine, d'en juger ou de l'approuver réside en [86] nous-mêmes, non dans les Conciles, chez les Pontifes, les Pères, les Docteurs.».

  A023000781 

 Belle raison vraiment, qui en arrive à faire conduire, régir et juger le pasteur par sa brebis!.

  A023000781 

 Je vous le demande, qui que vous soyez qui lisez ces phrases, a-t-on jamais rien écrit de plus arrogant et de plus impudent? Ce ne sont pas les Conciles, les Pontifes, les Pères, les Docteurs qui ont le droit de connaître et de juger des doctrines, mais le seul Luther; bien mieux, le premier venu de la lie du peuple, pourvu qu'il soit luthérien (car j'imagine que c'est là le sens de Luther; autrement c'en serait fini de lui et de tous les luthériens, s'ils avouaient qu'il faut croire à Calvin et aux calvinistes au sujet de l'interprétation des Ecritures).

  A023000782 

 Qui le nie? Toutefois, est-ce parce qu'il veut que chacun juge de leur doctrine, comme le pense Luther? Pas le moins du monde; mais parce que chacun peut facilement se rendre compte de leur personne (comme nous le faisons, pour notre trop grand malheur, à l'égard des luthériens et des calvinistes) [87] au moyen de leurs fruits et de leurs œuvres; car ils viennent et ne sont pas envoyés, ils dispersent les brebis et divisent le troupeau, en sorte que, malgré leurs apparences de brebis, il est facile de reconnaître qu'ils sont au-dedans des loups ravisseurs..

  A023000786 

 «Ils ont,» dit-il, «parlé sur ce sujet trop en philosophes, eux qui se vantaient d'être les disciples du Christ.

  A023000787 

 Contre cette erreur, le bienheureux Augustin a déjà écrit autrefois abondamment, ex professo et en nombre d'endroits, mais toujours pour en revenir à la doctrine qu'il a une fois exposée en ces mots résumant bien sa constante et persévérante pensée: «Il y a donc un libre arbitre, et celui qui le nie n'est pas Catholique.».

  A023000791 

 Ils nient que les fidèles puissent pécher mortellement, parce que, dit Calvin, «les péchés des fidèles sont véniels; la raison en est que, grâce à la miséricorde divine, il n'y a pas de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, leurs péchés ne leur sont pas imputés, ils sont effacés par le pardon.» Comme si les imprécations et les reniements de Pierre à l'égard de son Maître, l'adultère et l'homicide de David, bien mieux, la désobéissance d'Adam et d'Eve n'avaient pas été des péchés mortels! Qu'a donc voulu dire celui qui, dans l'Apocalypse, a adressé ces paroles à l'Evêque: Tu as un nom de vivant, et tu es mort? Pourquoi donc David a-t-il, au prix de tant de larmes, de tant de sanglots, demandé que son péché fût effacé, qu'un cœur nouveau fût créé en lui, qu'il fût lavé de son iniquité, purifié de son péché, si, puisqu'il était [89] fidèle, il n'avait à craindre aucune condamnation, aucune imputation de péché?.

  A023000795 

 Mais rien n'est plus digne de ces grands théologiens que ce qu'affirme Calvin, lorsqu'il dit que certains de ces Sacrements ont existé au temps des Apôtres, qui cependant n'existent plus aujourd'hui; comme si les Sacrements n'avaient été institués que pour un temps, non pour tout le temps que devait durer l'Eglise elle-même, c'est-à-dire jusqu'à la consommation des siècles!.

  A023000803 

 Or, la promesse n'a nulle part été faite à ceux qui sont nés du sang, ou de la volonté de l'homme, ou de la volonté [91] de la chair; mais seulement à ceux qui renaissent de l'eau et de l'Esprit-Saint, c'est-à-dire qui sont nés de Dieu.

  A023000803 

 Sur ce sujet il existe une importante déclaration de saint Augustin: «Celui qui dit que dans le Christ sont vivifiés même les enfants qui quittent la vie sans avoir reçu le Sacrement, celui-là va certainement contre la prédication des Apôtres, et condamne toute l'Eglise, à laquelle on s'empresse de courir pour faire baptiser les enfants, précisément parce qu'on croit sans hésitation qu'ils ne peuvent en aucune antre façon être vivifié» dans le Christ.» De même saint Jérome écrit, après Tertullien: «On ne naît pas chrétien, on le devient.».

  A023000803 

 Voici, en effet, ce que dit Calvin: «L'enfant d'un fidèle, dès le sein, de sa mère est compris dans l'alliance par droit héréditaire, selon la formule de la promesse.» Comme si vraiment l'Apôtre ne s'écriait pas: Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité.

  A023000808 

 C'est, en effet, ici l'enseignement paradoxal sur lequel Calvin et les calvinistes reviennent sans cesse; ce qui les fait appeler par tout le monde les Sacramentaires, caractéristique qui leur est attribuée en propre et les distingue, parce qu'ils imaginent et inventent un Sacrement sans la chose de ce Sacrement.

  A023000810 

 Ceci ne s'est pas produit sans un jugement admirable et profondément sage du Dieu très bon et très grand: il fallait, en effet, que ceux qui ont osé, par cette épouvantable négation allant à l'encontre de la parole divine, violer et profaner un si grand Sacrement, un si parfait symbole d'unité, fussent précipités par là même dans un abîme de division..

  A023000810 

 Quant aux sacramentaires, qui se croient d'autant plus subtils qu'ils sont en fait plus impudents, bonté de Dieu! à quelle abondance follement variée d'opinions et d'expressions ne se sont-ils pas laissés aller lorsqu'ils se sont efforcés d'expliquer les paroles du Christ! Ici la confusion a été plus grande, semble-t-il, que celle que nous lisons avoir régné parmi les bâtisseurs de la tour de Babylone.

  A023000810 

 Si on y joint toutes celles qui ont été surajoutées depuis, on n'en trouve pas moins de deux cents, et [94] non seulement diverses, mais aussi, ce qui ne peut manquer d'arriver dans un mensonge de cette importance, presque toutes se contredisant mutuellement.

  A023000811 

 L'autre est celle qui, pour ne pas avoir l'air de s'écarter même matériellement des paroles du Christ, admet que son vrai corps se trouve dans le Sacrement de l'Eucharistie, mais par la foi, non par une présence réelle et corporelle qui précéderait la manducation; en somme, [95] qu'il s'y trouve sans s'y trouver, et que cette présence n'est vraie qu'en imagination.

  A023000811 

 L'une est celle qui introduit dans les paroles du Christ une façon de parler métaphorique, et prend le verbe être dans le sens de signifier.

  A023000812 

 En sorte qu'il est impossible à personne, devant tant de mots réunis qui n'expriment que la substance et la vérité de la substance, de douter de l'intention que Notre-Seigneur Jésus-Christ a eue, en instituant son Sacrement, de parler de son corps véritable et réel, celui-là même qui ensuite fut donné et livré pour nous sur la croix, non en figure et signification, mais vraiment et réellement, afin que toutes les figures de l'Ancien Testament prissent fin avec la consommation de l'oeuvre de la rédemption..

  A023000812 

 Ils ont pour cela ajouté le verbe substantif au pronom ce, démonstratif de la substance, au nom substantif corps, et à l'adjectif dépendant mien, qui indique très énergiquement la personne elle-même du Christ; de même ils ont ajouté le relatif qui, dont la portée naturelle, comme le savent tous les grammairiens, est d'exprimer une relation avec la substance.

  A023000812 

 Quant à la première, [ses misérables défenseurs méritent vraiment d'être plutôt renvoyés à l'école de grammaire qu'à celle de théologie, pour y recevoir les verges toutes les fois qu'ils nieront que le verbe être désigne la vérité de la substance, non sa simple signification.] Mais que diraient ces partisans de métaphores s'ils avaient vu le texte hébraïque de saint Matthieu? Ce dernier, qui a écrit son Evangile dans la langue même dont se servait Notre-Seigneur Jésus-Christ lorsqu'il instituait le Sacrement et lorsqu'il conversait avec les hommes sur terre, a dû nous transmettre la formule d'institution qui mérite d'être préférée aux autres et doit fixer davantage notre attention.

  A023000813 

 Ajoutons ces paroles si fortes de saint Paul: Car celui qui mange [97] ou boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, en ne discernant pas le corps du Seigneur.

  A023000813 

 Qu'a-t-on pu écrire de plus clair, soit pour exclure le sens mensonger de simple figure et signification, soit pour éliminer l'autre interprétation qui met la vérité du corps du Christ dans la foi du communiant, non dans la vérité du Sacrement, et attribue ainsi plus de valeur à la foi du communiant qu'à la puissance de Celui qui a institué le Sacrement? Comment, en effet, communier plus indignement qu'en ne croyant point à la présence du corps du Christ? Or, même celui qui mange et boit indignement, ne mange et boit sa propre condamnation que parce qu' il ne discerne pas le corps du Seigneur.

  A023000817 

 Je laisse de côté l'annonce faite par le Prophète Malachie, d' une oblation pure qui serait offerte dans le monde entier; j'omets bien d'autres très solides arguments scripturaires que les théologiens, eux, n'omettent pas.

  A023000817 

 Mais à qui serait-il donné pour nous, si ce n'était au Père tout-puissant? Et pour que personne ne puisse penser que c'est bien un sacrifice, mais [99] non une hostie de propitiation, le Christ a ajouté en propres termes: en rémission des péchés.

  A023000817 

 Notre foi est surabondamment établie par la parole ci-dessus, prononcée par la bouche du Seigneur, qui prouve avec la plus grande force et évidence que l'Eucharistie n'est pas uniquement un Sacrement devant nous être présenté, mais encore un Sacrifice devant être offert pour nous..

  A023000817 

 Quoi de plus clair, en eflet, que ces paroles: Ceci est mon corps qui est donné pour vous; Ceci est mon sang qui est répandu pour vous et pour plusieurs en rémission des péchés? Sans nul doute, ce corps très saint est donné, non pas seulement à nous en Sacrement, mais aussi pour nous en Sacrifice.

  A023000818 

 Et si vous ajoutez: le Christ est ressuscité et il est monté aux cieux pour tous les fidèles et les élus, donc personne ne ressuscitera et ne montera aux cieux, le vulgaire le croira aussi, pourvu toutefois que ce soit Luther ou Calvin qui l'affirme; c'est, en effet, par un argument de même sorte que le leur que s'obtient ce dernier mensonge.

  A023000818 

 Je me contenterai de mentionner cette affirmation retentissante des novateurs, que ceux-ci présentent comme quelque chose de nouveau et d'inouï pour nous: à savoir, qu'il y a une oblation unique, par laquelle le Christ a procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont sanctifiés.

  A023000818 

 Mais alors, dira quelqu'un, ces hérétiques renversent le sacrifice de l'autel en se basant sur le sacrifice de la Croix: qui peut vraiment croire cela? Tu es [100] dans le vrai en tirant une semblable conclusion; car la coutume ordinaire de ces hérétiques est de détruire une vérité par une vérité.

  A023000818 

 Qu'est-ce donc qui a pu pousser ces malheureux à obscurcir de leurs balivernes la splendeur des paroles du Christ? Je le dirai en peu de mots, laissant aux théologiens le soin de développer l'argument.

  A023000819 

 Mais auprès des savants et de ceux qui sont davantage versés dans la connaissance, soit de la théologie, soit de la logique, tous ces raisonnements sont parfaitement ridicules; car les gens instruits savent qu'il nous faut, au contraire, raisonner ainsi: La foi justifie, donc bien plus la charité justifie, elle sans laquelle la foi est morte; la justice du Christ nous est inciputée, donc une réelle et vraie justice est produite en nous; le Christ a mérité pour nous, donc nous avons des mérites que nous ont valus les mérites du Christ; le Christ est souverain Pontife, donc parmi ceux qui pour le moment le remplacent, il faut qu'il y en ait un qui soit souverain Pontife; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il peut et il doit y avoir de nombreux médiateurs d'intercession, qui, avec nous et pour nous, implorent de lui qu'il nous applique le prix et l'efficacité de sa rédemption; le Christ a jeûné pour nous, donc à plus forte raison devons-nous jeûner à son exemple et imitation; le Christ est ressuscité et monté aux cieux, donc nous aussi, si nous sommes non pas seulement fidèles, mais aussi élus, nous ressusciterons et monterons aux cieux, selon le raisonnement de Paul dans son Epître aux Thessaloniciens; enfin, il y a un signe dans le Sacrement, donc il faut que la chose signifiée y soit aussi.

  A023000820 

 C'est le même Christ qui s'offre lui-même, mais sur la croix c'est sans le ministère d'un autre prêtre inférieur; sur l'autel, c'est non seulement par lui-même, comme au jour de l'institution [du Sacrement], mais aussi par les co-ministres de son sacerdoce établi par lui selon l'ordre de Melchisedech, qu'il a voulu être offert en tout lieu comme une oblation pure.

  A023000820 

 C'est un même Dieu à qui l'offrande est faite, mais sur la croix, c'est à un Dieu irrité et courroucé contre tout le genre humain; dans l'Eucharistie, c'est à un Dieu apaisé et favorable, tout disposé à faire du bien à ceux auxquels est appliqué le fruit du premier sacrifice de la Croix..

  A023000820 

 Car c'est le même Christ qui, de part et d'autre, offre et est offert; c'est le seul Père céleste à qui est faite l'offrande, et cela pour la seule rémission des péchés et sanctification du nom de Dieu.

  A023000820 

 De même, pour arriver à ce qui noua occupe, de ce que le Christ s'est offert lui-même en sacrifice sur la croix, concluons plutôt qu'il s'est aussi offert en sacrifice dans l'Eucharistie, but évident de recommander et appliquer le premier sacrifice par le second.

  A023000820 

 Il est très vrai que par le sacrifice de la Croix tout a été consommé et qu'il n'est nul besoin d'une nouvelle oblation; toutefois il n'est pas moins vrai que l'Eucharistie est un sacrifice: il n'y a pas, en effet, deux sacrifices, celui de la Croix et celui de l'autel, mais un seul, parce que, d'un côté comme de l'autre, c'est une même chose qui est offerte, par un même sacrificateur, à une même fin et au même Père.

  A023000821 

 Ainsi donc, celui qui dirait que le sacrifice de la Messe et celui de la Croix sont deux sacrifices, dirait vrai à cause de la forme et des modes divers de la double offrande; mais il est bien mieux et non moins vrai, tout au contraire plus vrai, de parler d'un seul sacrifice, à cause de l'identité, pour ainsi dire, de Celui qui à la fois offre et est offert, de Celui à qui il est offert et de la fin pour laquelle il est offert.

  A023000821 

 C'est comme pour le soleil: celui qui parlera d'un seul, à cause de l'unité indivise de la substance du soleil, s'exprimera avec plus de vérité que celui qui, à cause de la distinction des jours, estimera devoir parler de plusieurs soleils.

  A023000822 

 Mais qui ne voit la duperie de Satan? Les disciples de celui-ci (car en cette matière Luther se donne pour tel) font disparaître et détruisent le sacrifice de la Messe, comme pour reporter toute la vertu du salut du côté du sacrifice de la Croix.

  A023000830 

 Ils nient que le Christ soit descendu aux enfers vraiment et dans un sens historique, et disent qu'il y est se vilement descendu mystiquement et dans un sens métaphorique, bien qu'il soit écrit en termes très exprès dans le Symbole des Apôtres: «Il est descen du aux enfers.» Comme si le Symbole des Apôtres avait été conçu et avait dû être conçu en des termes de sens si difficile et si caché que jusqu'ici personne, hormis Calvin, n'ait pu le saisir ou le deviner, et non plutôt en ces termes faciles qui ont pour tout chrétien un sens obvie.

  A023000838 

 Ils nient que les Saints s'occupent de nous et connaissent ce qui nous intéresse.

  A023000838 

 «Qui donc,» écrit Calvin, «a-t-il révélé qu'ils aient des oreilles assez longues pour écouter nos voix?» Qu'il me soit plus justement permis de m'écrier: Qui donc pourrait croire que Calvin ait une âme assez méchante et assez stupide, pour mesurer l'ouïe des esprits bienheureux à la longueur de leurs oreilles? Le Christ n'a-t-il pas lui-même révélé que même les Anges dans le ciel se réjouissent du repentir des pécheurs? Mais comment peuvent-ils s'en réjouir s'ils ne le connaissent pas? Et s'ils le connaissent, avec quelles oreilles l'ont-ils appris? C'est, en effet, avec [108] les mêmes oreilles que les âmes des Saints perçoivent nos voix, étant égaux aux Anges quant aux oreilles, aux yeux, aux mains et aux pieds, selon cette parole du Christ notre Seigneur: Ils seront semblables aux Anges de Dieu..

  A023000842 

 Et saint Augustin, dans tout son livre intitulé: De la sollicitude que nous devons exercer envers les [109] morts, a-t-il lait autre chose que nous apprendre, par le titre même du livre, que les prières des vivants aident ceux qui sont morts dans le Christ?.

  A023000842 

 Il n'aurait pas parlé ainsi, s'il n'y avait eu certains péchés qui sont aussi remis dans le siècle futur, chose que même le païen Platon n'a pas ignorée, lui qui, à la seule lumière de la raison naturelle, a admis le Purgatoire.

  A023000852 

 «Fateor,» inquit, «in hanc miseriam» (loquitur autem de peccato) «decidisse universos filios Adam, atque id est, quod principio dicebam, redeundum tandem semper esse ad solum divinae voluntatis arbitrium.» Mox arguit eos qui «negant decretum fuisse a Deo, ut sua defectione periret Adam.» Subinde, loquens de perditis: «Ex Dei,» inquit, «praedestinatione pendet eorum perditio.» Rursum: «Cadit igitur homo, Dei [111] providentia sic ordinante.» Sed et incestum quem Absalon commisit, «opus Dei esse» dicit, ut et Chaldaeorum saevitiam in Judaeos.

  A023000861 

 De quo non plura fere in Sacris Scripturis verba sunt, quam testimonia: Charitas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spiritum Sanctum qui datus est nobis; Eratis aliquando tenebræ, nunc autem lux in Domino.

  A023000871 

 Et qui dabit unicuique secundum opera sua, idem reddet omnibus, piis et impiis, praemium: nam, ut piis quoque propter bonum opus paenam infligat necesse est, quia bonum opus faciendo peccaverunt; item, ut impiis reddat gloriam, quia eorum opera non magis quam piorum et proborum peccata sunt..

  A023000877 

 Quicumque ista profitetur et urget, est minister legis, peccati, irae et mortis; nam impossibile est humanam naturam implere legem, imo in justificatis qui habent Spiritum Sanctum.» Et paulo post: «Qui igitur docet fidem in Christum non justificare, nisi lex simul servetur, ille facit Christum peccati ministrum et crudelem tyrannum, qui exigit impossibilia, ut Moses, quffi nemo facere potest.» Idem vero docuit Calvinus, melior, in hoc articulo, ut etiam aliis plerisque, Lutheranus quam theologus..

  A023000877 

 Sic ille scribit: «Christianus proprie definitus liber est ab omnibus legibus, et nulli prorsus, nec intus nec foris, est subjectus.» Item: «Est autem,» inquit, « minister peccati nihil aliud quam legislator seu exactor legis, qui docet bona opera et charitatem, [119] qui docet crucem et passiones ferendas, exemplum Christi et Sanctorum imitandum.

  A023000881 

 «Christus,» inquit Lutherus, «ordinavit ut nullum esset peccatum nisi incredulitas, nulla justitia nisi fides.» Et alibi tuetur mordicus hanc propositionem: «Baptizatum, etiam volentem, non posse perdere salutem suam quantiscumque peccatis, nisi nolit credere, quia,» inquit, «fides tollit omnia [120] peccata et facit volentem non peccare.» Hac autem affirmatione negant evidentissime scortationes, homicidia, perjuria, blasphemias esse peccata; quod tamen quam absurdum sit qui non videt, quid unquam absurdum esse fatebitur? At quam praeclare rursum cohaerent hae propositiones Lutheri: «Omne opus bonum, etiam fidelis, etiam justi, est peccatum;» et: «Nullum opus justi, nisi incredulitas, est peccatum;» nam si omne opus bonum est peccatum, quomodo nullum opus malum peccatum est?.

  A023000885 

 Via arcta est; singulum te fieri necesse est, si transire velis ac penetrare rupem; qui operibus, ceu Jacobitae peregrinatores cocleis circum undique muniti sunt, penetrare non possunt; si saxis operum refertus adveneris, nisi deposito prius onere, non pertransibis.» Et alibi: «Justitia,» inquit, «legis, etiam Decalogi, [121] est immunda et abolita per Christum.» Quis vero tibi, Luthere, has Christi voces revelavit? Nec enim reperisti in Evangelio, in quo nihil tantopere Christus commendat quam ut, si velimus ad vitam ingredi, servemus mandata, et operariis, non fiduciariis, mercedem se daturum pollicetur..

  A023000890 

 Hoc vero quis ferat, ut eadem sit malitia peccati ejus qui thorum proximi, et ejus qui thorum patris sui violaverit? Ergo non gravius peccat qui patrem, quam qui servum occiderit? qui columbas in templo plus aequo, quam qui in trivio vendiderit? Quid igitur illud est, quod tantopere Paulus exaggerat Corinthii illius fornicationem, quae tam gravis erat, ut nec inter Gentes inveniretur, nimirum quod quis patris sui uxorem habere auderet?.

  A023000895 

 Verum, quid exquirit Lutherus ab humana natura continentiam, cum ab ea nisi per Christum et in Christo obtineri non possit? At Christus tamen pulsanti aperit et petenti concedit, ut omnes, cum Apostolo, possint dicere: Omnia possum in eo qui me confortat, Christus, cujus virtus in infirmitate perficitur..

  A023000912 

 Affirmant electos de sua electione esse certissimos «Pessime ergo,» inquit Calvinus, «et perniciose Gregorius, homilia 38, dum vocationis tantum nostrae conscios nos esse tradit, electionis incertos; unde ad formidinem et trepidationem omnes hortatur.» Qua affirmatione negant et spem et timorem in praedestinatis esse posse; nam quis timeat de amissione illius boni quod amittere se non posse certo sciat? Et quod magnus ille nec unquam satis laudatus Gregorius hortatur nos ad timorem et formidinem, quid aliud est, quam illud ipsum quod consulunt apices omnes [128] Sacrarum Scripturarum? Cur enim putemus laudatum in Evangelio Simeonem, quod non tantum justus esset, verum etiam timoratus, nisi ut intelligamus justitiae comitem perpetuum esse hunc timorem sanctum, non qui servilis sit, sed qui filialis? Itaque mentiantur isti quantum volent; cum se justos dicunt, satis est, ut mentiri eos appareat, quod se timoratos nolunt dicere, ne quidem per mendacium; non quia non audeant (est enim longe audacior qui se justum esse contendit quam qui se fatetur timoratum), sed quia eos pudeat non quidem mentiri, sed ita loqui, ut hac parte mentiendo veritatem dicere videantur..

  A023000913 

 At si aliquis eorum qui tanta tamque infallibili certitudine credebant se fideles esse et praedestinatos, ad caulas Christi et fidem catholicam [129] convertatur, statim exclamant caeteri mentitum illum fuisse, cum diceret se certum de sua salute.

  A023000913 

 Atqui tam audacter ille de salutis suae certitudine, deque interiore illo commentitio Spiritus Sancti responso gloriabatur, quam qui in calvinismo remanserunt.

  A023000913 

 Qui fieri ergo potest, ut alii sint certiores isto, qui fuit aliquando certissimus? Si sua illum echo decepit, quae Calvini garritum pro Spiritus Sancti voce reddiderit, quidni aliorum echo illos quoque decipiet?.

  A023000917 

 Ex quo indubitate sequitur, Christum incertum fuisse de salute animae suae; nam ut quis timeat timore formidinis, de quo Calvinus loquitur, necesse est ut malum quod timet, praevideat et suspicetur tanquam saltem probabiliter [130] futurum: malum enim a quo se tutum aliquis esse certo cognoscat, quomodo formidare quis potest aut timere? Digna profecto Calvini ingenio et subtilitate affirmatio; ut qui, per summam impudentiam, quemlibet ex suis discipulis de salute sua certissimum esse jubet, Christum de animse suae salute incertum esse, per inauditam hucusque blasphemiam, asseveret.

  A023000921 

 Quod tamen tam falsum [131] esse quam quod maxime, praeterquam quod per seipsum clarissimum est, apparet etiam ex eo quod Beatus Joannes Evangelista, in historia de resurrectione Lazari, asseverat Christum semetipsum turbasse: quia nimirum ut eum decebat, qui non minus vere Deus esset quam vere homo, sponte excitabat in seipso timores, angores et hujusmodi affectus animi, antequam ab eis excitaretur.

  A023000937 

 L'art de nier leur plaît tellement, que même en affirmant ils nient et, suivant la parole de Tertullien rapportée plus haut, «tout en croyant, ils ne croient pas.» Je vais exposer séparément quelques-uns des points qui s'offrent à nous..

  A023000941 

 J'avoue,» dit-il, «que tous les fils d'Adam sont tombés dans ce malheur,» (il parle du péché) «et cela doit être en définitive, comme je le disais en commençant, attribué au seul libre arbitre de la volonté divine.» Tout aussitôt il attaque ceux qui «ne veulent pas attribuer à un décret divin la perte d'Adam par suite de sa défection.» Parlant ensuite des damnés: «C'est de la prédestination de Dieu,» dit-il, «que dépend leur perdition.» De nouveau: «L'homme tombe, la providence de Dieu en ordonnant ainsi.» Bien plus, il appelle «œuvre de Dieu» l'inceste commis par [111] Absalon et les mauvais traitements infligés aux Juifs par les Chaldéens.

  A023000946 

 Il faut donc qu'il le couvre en l'effaçant et en le lavant, car rien ne peut être caché à Dieu ou passer inaperçu à ses yeux, si ce n'est ce qui n'existe pas du tout.

  A023000946 

 Ils affirment que la rémission des péchés se fait par simple non-imputation, ce qui n'est pas autre chose que nier la vraie rémission des péchés.

  A023000950 

 De cela on trouve presque autant de témoignages que de paroles dans les Saintes Ecritures: La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné: Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.

  A023000950 

 Et l'invité qui a été chassé, l'a été, non parce que l'époux ou le fils du roi était dépourvu de la robe nuptiale, mais parce que lui-même ne l'avait pas; quant à l'enfant prodigue, le père ne s'est pas contenté de le couvrir de sa propre robe, mais il lui en a donné une neuve; et les Saints se promènent [114] [au Ciel] en vêtements blancs, non pas simplement parce que l'Agneau est blanc, mais parce qu' ils ont blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau..

  A023000950 

 Ils affirment que l'impie est justifié par la seule imputation de la justice du Christ, en sorte qu'il n'y a en nous aucune justice provenant du Christ, mais que nous est seulement imputée celle qui est dans le Christ, non en nous.

  A023000950 

 Par cette affirmation ils nient la force et l'efficacité de la justice du Christ, qui se montre surtout en ce qu'elle nous est utile non seulement par son imputation, mais par une dérivation et une infusion d'une justice formelle dans nos cœurs, en sorte que, non seulement n ous soyons appelés enfants de Dieu, mais aussi que nous le soyons; que, par conséquent, nous ne soyons pas seulement justes de nom et de réputation, mais en réalité et en effet.

  A023000954 

 De nouveau Luther, au même endroit, se plaît dans ce délicieux argument, qui montre quel bon logicien il était: « La loi ne vient pas de la foi; or, la loi n'ordonne pas autre chose que la charité; donc la charité ne vient pas de la foi, mais est en combat avec elle.» Que répondez-vous à cela, grand Paul? Quand j'aurais une foi assez grande pour transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien.

  A023000955 

 Aussi est-ce avec raison que Luther s'étonne de lui-même et s'exclame ainsi: «Cette théologie, qui est la nôtre, contraire à la raison, est étonnante et absurde, à savoir que je ne sois pas seulement sourd à la loi et délivré d'elle, mais que j'y sois entièrement mort.» Et un peu après: «Nous répondrons avec Paul que nous méritons le nom de justes par la seule foi dans le Christ, non par les œuvres de la loi ou la charité.» Où donc Paul a-t-il ajouté les mots: «ou la charité», que tu ajoutes de toi-même, ô Luther? [116].

  A023000955 

 Le même Luther dit au même endroit: «Les effets, les obligations et les vertus de la charité sont contraires à la foi.» Et un peu plus loin: «La charité, en effet, ou les œuvres qui la suivent ni n'informent la foi, ni ne l'ornent, mais ma foi informe et orne ma charité.» Paul, au contraire, déclare inutile la foi sans la charité, Jacques la déclare morte; de plus, l'un et l'autre affiiment que s'il fallait comparer entre elles les deux vertus, la charité l'emporterait sur la foi.

  A023000959 

 Et pour empêcher quelqu'un qui aurait meilleure opinion de la bonté morale d'appliquer cette proposition aux simples actions moralement bonnes, Luther l'a expliquée par ces paroles plus claires: «Toute œuvre bonne est un péché dans les saints tant qu'ils sont viateurs.» Calvin, de son côté, soutient dans le même sens «que pas un seul acte n'est produit par les saints qui, s'il est examiné en soi, ne mérite une juste punition.» Ailleurs il ajoute: «Toute action d'un homme pieux, si elle était examinée au sévère jugement de Dieu, serait condamnable.».

  A023000960 

 A quoi donc aboutit cette affirmation, sinon à nier l'existence de toute œuvre bonne? car, si elle est un péché, comment est-elle bonne? Si elle est bonne, comment est-elle un péché? Si ce qui est bon est un péché, donc le péché est chose bonne.

  A023000960 

 Et lui qui donnera à chacun selon ses œuvres, donnera un même traitement à tous, aux bons comme aux méchants: car il faut qu'il inflige aussi une peine aux bons pour avoir péché en faisant le bien, ou qu'il donne la gloire aux méchants, leurs actes étant des péchés, tout autant que ceux des bons et des justes..

  A023000961 

 Si, en effet, il vaut mieux «travailler à son aise que de ne rien faire du tout,» comme disait Pline, n'est-il pas beaucoup plus sûr de ne rien faire que de mal agir et de pécher? Ici, qui n'aperçoit dans cette espèce d'hommes une envie extraordinaire et continuelle de contredire? Le bien, disent-ils, est le mal; la lumière se confond avec les ténèbres, le chaud avec le froid.

  A023000966 

 Quiconque professe cela et y oblige est un ministre de loi, de péché, de colère et de mort, la nature humaine étant dans l'impossibilité de suivre la loi, même s'il s'agit des justes qui possèdent le Saint-Esprit.» Et un peu plus loin: «Celui donc qui enseigne que la foi dans le Christ ne justifie qu'avec l'observation de la loi, celui-là fait du Christ un ministre de péché et un tyran cruel qui, comme Moïse, exige des choses impossibles que personne ne peut faire.» Même enseignement chez Calvin, meilleur luthérien que théologien en cet article, aussi bien qu'en beaucoup d'autres..

  A023000966 

 Voici ce qu'il écrit: «Le chrétien, selon sa définition, est libéré de toute loi et n'est soumis à personne aucunement, ni au for interne ni au for externe.» De même: «Le ministre du péché, c'est tout simplement celui qui fait la loi ou en exige l'exécution, celui qui [119] enseigne les bonnes œuvres et la charité, celui qui dit qu'il faut supporter la croix et les souffrances, imiter l'exemple du Christ et des Saints.

  A023000970 

 «Le Christ,» dit Luther, «a ainsi ordonné les choses, qu'il n'existe aucun péché en dehors de l'incrédulité, et aucune justice si ce n'est la foi.» Ailleurs, il soutient âprement cette proposition: «Le baptisé, même en le voulant et au prix des plus grands péchés, ne peut perdre son salut, à moins qu'il renonce à la foi, parce que,» dit-il, «la foi enlève tous les péchés et empêche de pécher celui qui le voudrait.» Par [120] cette affirmation ils nient de toute évidence que les impudicités les homicides, les parjures, les blasphèmes soient des péchés; et cependant, c'est là une telle absurdité, que si quelqu'un ne la voit pas, jamais il ne trouvera quoi que ce soit d'absurde.

  A023000974 

 La voie est étroite, il faut y entrer seul si tu veux y passer et pénétrer dans le rocher; ceux qui sont tout garnis de leurs œuvres, comme les pèlerins de saint Jacques de leurs coquilles, n'y peuvent pénétrer; si tu es chargé des lourdes pierres de tes œuvres, tu ne passeras pas avant de t'être déchargé de ton fardeau.» [121] Et ailleurs: «La justice de la loi, même du Décalogue, est impure et abolie par le Christ.» Qui t'a donc révélé, ô Luther, ces paroles du Christ? Car tu ne les as pas trouvées dans l'Evangile, où rien n'est si fort recommandé par le Christ que l'observation des commandements, si nous voulons entrer dans la vraie vie, et où il promet de donner une récompense, non aux croyants, mais aux ouvriers..

  A023000978 

 Luther, en effet, défend cette proposition parmi celles qu'il considère comme très certaines: «Les circonstances des péchés, qu'il s'agisse des personnes (mères, filles, sœurs, parentes), du jour, du lieu, ou de tout ce qui est extérieur, sont égales et ne méritent pas qu'on s'en occupe.» Par quelle belle raison? «Parce que le Christ n'a rien ordonné là-dessus dans ses lois.» Et ailleurs: «Pour les chrétiens, une seule circonstance compte, celle d'avoir péché contre son frère.» Par cette affirmation ils nient l'inégalité des péchés, au moins dans le même genre de fautes.

  A023000978 

 Qui donc, [122] cependant, admettra une identité de malice pour la violation du lit nuptial du prochain, ou pour celle du lit nuptial paternel? Faudra-t-il conclure que tuer son père ne soit pas plus grave que tuer son domestique, que vendre des colombes à un prix excessif dans le temple ne soit pas plus grave que de le faire sur la place publique? Pourquoi donc saint Paul fait-il tant de cas de la fornication de ce Corinthien, fornication si grave qu' il ne s'en rencontrerait pas de semblable même chez les gentils, puisqu'il s'agissait de quelqu'un qui osait violer la femme de son père?.

  A023000995 

 Voici les paroles françaises: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos pechés, nous ne pouvons estre damnés non plus que luy.» C'est avec horreur que je cite! et qui lira ou entendra ces paroles sans horreur?.

  A023000999 

 «Grégoire,» dit Calvin, «a fait chose très mauvaise et pernicieuse en assurant, dans son homélie XXXVIII e, que nous sommes seulement sûrs de notre vocation, non de notre élection, et en exhortant, par conséquent, tout le monde à la crainte et au tremblement.» Par cette affirmation ils nient que l'espérance et la crainte puissent se trouver chez les prédestinés; car, qui peut craindre la perte d'un bien qu'il est sûr de ne pouvoir perdre? En nous exhortant à la crainte et au-tremblement, que fait le grand et jamais assez loué saint Grégoire, si ce n'est de nous donner le même [128] conseil que nous donnent à chaque page les Saintes Ecritures? Car, pourquoi pensons-nous que l'Evangile loue Siméon, non seulement de ce qu'il était juste, mais aussi de ce qu'il était timoré, sinon pour nous faire comprendre que la justice doit avoir pour compagne continuelle cette crainte sainte, non celle qui est servile, mais celle qui est filiale? Aussi, que nos hérétiques mentent tant qu'ils voudront en s'appelant justes; il suffit pour faire apparaître leur mensonge, qu'ils ne veuillent pas se dire timorés, même au prix d'un mensonge.

  A023001000 

 Or, le converti s'était auparavant glorifié de la certitude de son salut et du prétendu avertissement de l'Esprit-Saint, avec tout autant d'audace que ceux qui sont restés dans le calvinisme.

  A023001000 

 Qu'est-ce donc qui peut rendre plus certains ces derniers que le premier, qui autrefois fut très certain? Si la voix céleste du premier l'a trompé, parce qu'elle exprimait le bavardage de Calvin au lieu de la voix de l'Esprit-Saint, pourquoi la voix céleste des autres ne les trompera-t-elle pas aussi?.

  A023001000 

 Toutefois, si quelqu'un de ceux qui se croyaient fidèles et prédestinés [129], d'une certitude si grande et si infaillible, vient à retourner au bercail du Christ et à la foi catholique, aussitôt les autres s'écrient que c'était mensonge de sa part lorsqu'il se disait certain de son salut.

  A023001004 

 D'où il s'ensuit évidemment que le Christ a été incertain du salut de son âme; car, pour craindre d'une crainte d'appréhension, telle que celle dont parle Calvin, il faut prévoir et soupçonner, comme au moins [130] probable, le mal qu'on craint: qui peut redouter ou craindre un mal dont il se sait certainement garanti? Affirmation, certes, digne de l'esprit et de la subtilité de Calvin: d'un côté, avec une souveraine impudence, il ordonne à chacun de ses disciples d'être très certain de son salut; de l'autre, par un blasphème inouï jusque là, il assure que le Christ était incertain du salut de son âme.

  A023001008 

 Que cet enseignement soit faux au delà de tout ce qu'on peut dire, cela apparaît d'abord très clairement du simple énoncé ci-dessus, mais aussi de ce fait que le bienheureux Jean l'Evangéliste, dans le récit de la résurrection de Lazare, assure que le Christ s'est troublé lui-même: il convenait, en effet, que Celui qui n'était pas moins vrai Dieu que vrai homme, excitât volontairement en lui-même les craintes, les angoisses et les sentiments de cette sorte avant d'être excité par eux.

  A023001012 

 Ils affirment que le Christ a subi pour un temps l'ignorance, «Il a fallu,» dit Calvin, «que le Christ fût pour un temps semblable aux simples enfants, en sorte qu'il fût privé d'intelligence pour ce qui regarde les choses humaines.» Mais par cette affirmation ils nient que fussent cachés dans le Christ tous les trésors de la science et de la sagesse; ce qu'affirme cependant en termes exprès l'Ecriture.

  A023001012 

 Nous avouons, en vérité, que le Christ enfant, pour ce qui regarde l'exercice et les œuvres externes, a grandi en sagesse [132] et en grâce; toutefois nous affirmons, en outre, qu'en lui étaient les trésors de la sagesse, même lorsqu'il ne les montrait pas encore, et qu'il les conservait pour lui-même, avec l'intention de les dévoiler, en son temps, devant le peuple de Dieu.

  A023001016 

 Cependant, qui ignore que la foi vient de l'audition, et que l'audition a lieu par la prédication de la parole de Dieu? Et [133] comment la parole de Dieu est-elle parvenue à l'âme de l'enfant sans prédicateur? Qui donc a prêché aux enfants? De plus, les actes de foi ne peuvent exister sans l'usage de la raison, comme tout le monde l'avoue et comme l'enseigne le bon sens naturel; or, qui peut croire que les enfants jouissent de l'usage de la raison?.

  A023001017 

 Maintenant, examinons brièvement les autres caractéristiques qui impriment au front des sectes de notre temps ce nom affreux: HÉRÉSIE..

  A023001017 

 Nous en avons assez dit au sujet de la première caractéristique de l'antichristianisme, qui montre bien ce que sont nos hérétiques, et qui consiste à tout nier, à ne rien affirmer, ou à n'affirmer que d'une manière négative et purement vide de sens, comme disent les jurisconsultes.

  A023001024 

 Et Paulus: Quomodo, inquit, prædicabunt, nisi mittantur? Et alibi: Nemo, inquit, assumit sibi honorem, sed qui vocatur a Deo tanquam Aaron..

  A023001025 

 Calvinus enim Lutherum aliosque novatores qui sectas istas excitaverunt, non ordinaria vocatione, sed extraordinaria, ministerium suum sumpsisse asseverat, indeque Apostolos illos et Evangelistas censendos esse dicit.

  A023001025 

 Talibus enim, qui Ecclesiam ab Antichristi defectione reducerent, opus fuit.

  A023001026 

 Lutherus autem palam fatetur se non extraordinaria, sed ordinaria et mediata vocatione vocatum esse: «Sumus [135] igitur,» inquit, «et nos divina auctoritate vocati, non quidem immediate a Christo, ut Apostoli, sed per hominem.» Cum autem explicat quanam ratione vocatus sit per hominem: «Cum autem,» inquit, «princeps seu alius magistratus me vocat, hinc certo et cum fiducia gloriari possum quod mandante Deo per vocem hominis vocatus sim; Est enim ibi mandatum Dei per os principis, quod me certum facit, vocationem meam esse veram et divinam.» Et alibi dicit «vocationem antiquitus quidem per Apostolos, qui suos successores vocaverunt, factam esse, sicut,» inquit, «adhuc vocantur etiam a potestatibus carnalibus et magistratibus seu communitatibus.» Vides igitur ut Lutherus suam vocationem non quemadmodum Apostolorum et Evangelistarum extraordinariam, sed ordinariam et mediatam esse asserat, eamque non ab Episcopis aut ecclesiasticis personis, sed «a magistratibus carnalibus» (hoc enim ipsum ejus Mot est) profectam esse ac derivatam..

  A023001028 

 Quis ergo non rideat horum hominum insaniam, qui ne quidem qua ratione vocati sint inter se conveniunt? Quis vero non miretur Plessaei ingenium, qui qua ratione vocatus sit Calvinus, Calvino melius se scire existimat? qua item ratione Lutherus, et a quo suam vocationem et auctoritatem acceperit, melius se nosse quam ipse sciverit Lutherus? Separate illos, inquit Daniel de falsis testibus, ab invicem procul, et dijudicabo eos; dixitque ad unum: [137] Sub qua arbore videris? Qui ait: Sub schino. Interrogavit et alium, qui ait: Sub prino; et ita testimoniorum falsitas apparuit.

  A023001034 

 Ea vocatio duravit usque ad nostra tempora, et durabit usque ad finem mundi; estque mediata, quia per hominem fit, et tamen divina est.» Calvinus autem: «Supersunt,» inquit, «Episcopi et parochiarum rectores, qui utinam de retinendo officio contenderent; libenter enim illis concederemus eos habere pium et eximium munus, siquidem eo defungerentur.» Et alibi: «Videmus,» inquit, «hodie papistas, quomodo sibi nomen Ecclesiae arroganter attribuant, sub praetextu successionis perpetuae, quam obtendunt.

  A023001034 

 Qui deinde Episcopos, Episcopi suos [138] successores vocaverunt.

  A023001035 

 Ut merito verbis Tertulliani urgere liceat apostaticos istos reformatores: «Qui estis» vos, aut «unde venistis?» Quis vos misit evangelizare? «Edant,» inquit ille, «origines ecclesiarum suarum, evolvant ordinem episcoporum suorum.» Quin etiam verbis Lutheri, qui de vocatione ab Apostolis instituta tractans: «Est igitur,» inquit, «non contemnenda vocatio, neque enim satis est habere Mot et puram doctrinam; opportet etiam ut vocatio certa sit, sine qua qui ingreditur ad mactandum et perdendum venit; nunquam enim fortunat Deus laborem illorum qui non vocati sunt; sic hodie fanatici spiritus nostri habent verba de fide in ore, tamen nullum fructum faciunt.» Et ibidem: «Diabolus [140] incitare solet suos ministros, ut non vocati currant et praetextant zelum.».

  A023001043 

 Donc, la seconde caractéristique sera celle qui provient du manque d'appel divin, car c'est tout à fait le propre de tous les hérétiques de manquer de vocation pour exercer leur ministère.

  A023001044 

 Or, il est évident par plusieurs raisons que Luther, Zwingle, Calvin et les autres hérésiarques du siècle passé manquaient totalement d'appel de Dieu: mais la première et la principale est que, devant la question qui leur est posée sur l'origine de leur vocation, ils ne savent trouver une réponse concordante.

  A023001045 

 Luther, au contraire, avoue ouvertement avoir été appelé par une vocation, non extraordinaire, mais ordinaire et médiate: [135] «Nous sommes donc,» dit-il, «appelés, nous aussi, non pas, à la vérité, immédiatement par le Christ comme les Apôtres, mais par un homme.» Et lorsqu'il explique de quelle manière il a été appelé par un homme, il dit ceci: «Quand un prince ou un autre magistrat m'appelle, je puis me glorifier avec certitude et confiance d'être, par la voix d'un homme, appelé sur l'ordre de Dieu; c'est là, en effet, le commandement de Dieu par la bouche du prince, qui m'assure de la vérité et de la divinité de ma vocation.» Ailleurs il enseigne que «l'appel autrefois était fait par les Apôtres, qui ont choisi leurs successeurs, comme,» dit-il, «ces successeurs sont encore appelés, même par les puissances charnelles et les magistrats, ou par les communautés.» Vous voyez ainsi Luther affirmer de sa vocation qu'elle n'est pas, comme celle des Apôtres et des Evangélistes, extraordinaire, mais ordinaire et médiate, et qu'elle dérive, non des Evêques ou des personnes ecclésiastiques, mais «des magistrats charnels;» c'est là sa propre expression..

  A023001046 

 Quant à Philippe du Plessis-Mornay, dans son traité français De l'Eglise, qui plaît tant aux calvinistes, il soutient que la [136] vocation de Luther, de Zwingle et des autres fameux hérétiques de notre temps, ne provient pas de Dieu immédiatement et extraordinairement, comme le pense Calvin, ni médiatement «des magistrats charnels,» comme l'enseigne Luther, mais médiatement des Evêques catholiques.

  A023001047 

 De même, si tu demandes à Calvin: Qui t'a appelé? Dieu, répond-il, par un appel extraordinaire.

  A023001047 

 Il interrogea aussi l'autre, qui dit: Sous un chêne; et ainsi apparut la fausseté des témoignages.

  A023001047 

 Quant à du Plessis, comme un arbitre tombé du ciel pour mettre d'accord ceux qui se disputent, et comme s'il avait assisté à leur vocation, il affirme audacieusement: Luther a mal parlé, plus mal encore Calvin; c'est de nos Evêques qu'ils ont reçu leur vocation.

  A023001047 

 Qui donc hésitera, et cela en se basant sur leurs propres aveux, à traiter leurs dires à tous de faussetés, lorsqu'ils se vantent de leur vocation?.

  A023001047 

 Qui ne rira de la folie de ces hommes qui ne conviennent même pas entre eux du fondement de leur vocation? Qui n'admirera l'esprit ingénieux de du Plessis, qui estime connaître mieux que Calvin le fondement de la vocation de Calvin? mieux que Luther le fondement de la vocation et de l'autorité de Luther? Séparez-les l'un de l'autre, et je les jugerai, dit Daniel des faux témoins; et il dit à l'un: Sous quel arbre les as-tu vus? Il répondit: Sous [137] un lentisque.

  A023001053 

 Effectivement, non seulement ils ne s'entendent pas sur l'origine de leur vocation, mais aussi, qui plus est, ils sont d'un avis unanime sur la vocation légitime de nos Evêques.

  A023001054 

 C'est le cas d'interpeller nos réformateurs apostats avec les paroles de Tertullien: «Qui êtes-vous,» vous autres, et «d'où venez-vous?» Qui vous a envoyés évangéliser? «Qu'ils montrent les origines de leurs églises,» ajoute-t-il, «qu'ils déroulent la filière de leurs évêques.» Bien mieux, servons-nous des expressions mêmes de Luther parlant du mode d'appel institué par les Apôtres: «Il ne faut donc pas mépriser la vocation, car il ne suffit pas d'avoir la parole et la pure doctrine, il faut aussi que la vocation soit certaine; celui qui s'ingère sans elle, vient pour égorger et perdre, Dieu ne bénissant jamais le travail de ceux qui ne sont pas appelés.

  A023001059 

 Et vero, si Christus [141] Ecclesiam, sponsam suam dilectissimam, matrem omnium Christianorum esse voluit, quomodo fieri potest ut eam quis contemptui habeat, quin hoc ipso Christum contemnat? «Perhibet,» inquit Augustinus, «testimonimn Christus Ecclesiae... Quod si non vis, non mihi aut cuiquam homini, sed ipsi Servatori, contra salutem tuam, perniciosissime reluctaris, qui te sic suscipiendum esse non vis credere, quemadmodum suscipit illa Ecclesia, quam testimonio suo commendat ille, cui fateris nefarimn esse non credere.».

  A023001066 

 Et de nouveau, en un autre endroit, à propos du Baptême qui ne doit pas être réitéré aux hérétiques, il écrit ces paroles: «Quoique les Ecritures canoniques ne nous offrent pas d'exemple à ce sujet, c'est cependant encore la vérité de ces Ecritures que nous suivons, lorsque nous agissons selon la volonté de l'Eglise universelle, Eglise qui s'appuie sur l'autorité des Ecritures.» L'Apôtre Paul n'a pu louer plus ouvertement l'autorité de l'Eglise, qu'en l'appelant colonne et base de la vérité.

  A023001073 

 Lutherus vero, libere simul et impudenter, ut solet: «Papa,» inquit, «mentitur una cum Conciliis.» Et paulo post: «Insanum est,» inquit, «Concilia concludere et statuere velle quid credendum sit, [143] cum tamen saepenumero nemo adsit, qui Spiritum divinum, vel tantillum, gustaverit; quemadmodum in Concilio Nicaeno usuvenit, ubi, dum leges super statum spiritualem ferre conarentur, quibus eidem statui matrimonium interdiceretur, omnes profecto in Concilio a veritate aberraverunt.».

  A023001080 

 Ainsi il est arrivé, au Concile de Nicée, qu'en s'efforçant de tracer les lois de l'état spirituel, lois qui interdisaient le mariage à cet état, tous les Pères du Concile se sont certainement trompés.».

  A023001080 

 Pour ce qui est de Luther, il s'exprime ainsi, avec son intempérance et son impudence de langage habituelles: «Le Pape ment en même temps que les Conciles.» Et peu après: «C'est folie que les Conciles veuillent établir les articles de [143] foi, alors que souvent, il n'y a personne dans leur sein qui ait eu la moindre perception de l'Esprit divin.

  A023001085 

 Quintum characterem habent haeretici, Apostolicae Sedis contemptum, in quo sane excellit Lutherus prae caeteris; nam is, quodam loco, postquam omnia quae fiunt contra Ecclesiam Romanam, ad Dei gloriam pertinere dixit: «Cum autem,» inquit, «et ego unus sim de antipapis, revelatione divina ad hoc vocatus, ut dissipem et perdam et destruam regnum illud [maledictionis] cupide et habenter illo fungor officio, sicut hactenus feci.» Sed et alibi, cum defendit bellum contra Turcas esse illicitum: «Quanto rectius...,» inquit, «faceremus, si idolo Romano Caesar et Principes modum ponerent... perditionis animarum! nam, [144] ut ego prophetem semel, licet non audiar, quod scio, nisi Romanus Pontifex redigatur in ordinem, actum est de omni re Christiana;... nihil, nisi peccatum et perditionem, Papatus operari potest... Qui habet aures audiendi, audiat, et a bello Turcico abstineat, donec Papae nomen sub caelo valeat.

  A023001086 

 Cumque idem Christus eidem Petro suas oves pascendas dederit, utique Christi ovis esse non potest, qui a Petro pasci non vult.

  A023001086 

 Inde namque fit consequens, ad Ecclesiam Dei non pertinere illum qui petrae huic non innititur, quae Christi ore tanto-pere commendatur.

  A023001086 

 Jam vero, si quis dubitet an certa sit nota haeresis contemptus Sedis Romanae, audiat Christum, qui, cum Petrum Apostolum Ecclesiae caput constitueret: Et super hanc petram, inquit, ædificabo Ecclesiam meam.

  A023001087 

 Neque est quod garriant haeretici, Romanum Pontificem Petri successorem non esse, vel auctoritatem quae Petro concessa fuerat, Pontifici Romano datam non esse; nam, cum auctoritas illa propter commune bonum Ecclesiae Petro sit collata, non debuit finiri cum Petro, qui deficere ac mori post paucos annos debuerat, sed cum Ecclesia militante, quae ad finem usque saeculi duratura est: ergo et successorem in ea Petri auctoritate aliquem debet habere Ecclesia.

  A023001087 

 Quicumque extra hanc domum agnum comederit, prophanus est; si quis in arca Noe non fuerit, peribit regnante diluvio;... quicumque tecum non colligit, spargit: hoc est, qui Christi non est, anti-christi est.».

  A023001093 

 Juvat vero adversus omnes istos Cathedrae Apostolicae Romanae contemptores iisdem verbis uti, quibus aliquando usus est Augustinus contra Petihanum; sicque Lutherum et Calvinum compellare, si quis erit qui eorum nomine velit respondere: «Cathedra» vobis «quid fecit Ecclesiae Romanae, in qua Petrus sedit, et in qua hodie Anastasius sedet? quare» appellatis «cathedram pestilentiae Cathedram Apostolicam? Si propter homines, quos» putatis «legem loqui et non facere, niunquid Christus propter Pharisaeos, de quibus ait: Dicunt et non faciunt, cathedrae in qua sedebant ullam fecit injuriam? Nonne Ulam cathedram Moisi commendavit, et illos servato cathedrae honore redarguit? Haec si cogitaretis, non propter homines, quos infamatis, blasphemaretis Cathedram Apostolicam, cui non communicatis; sed quid hoc est [150] aliud, quam nescire [quid] dicere, et tamen non posse nisi maledicere?».

  A023001099 

 La cinquième caractéristique des hérétiques est le mépris du Siège Apostolique, point où excelle Luther qui, dans un certain endroit, après avoir dit que tout ce qui se fait contre l'Eglise Romaine tend à la gloire de Dieu, ajoute: «Etant moi-même un des antipapes, appelé par révélation divine à dissiper, perdre et détruire ce royaume [de malédiction], je remplis cette mission avec passion et plaisir, comme je l'ai fait jusqu'ici.» Ailleurs tout en soutenant que la guerre contre les furcs est illégitime, il dit ceci: «Combien mieux n'agirait-on pas si l'Empereur et les Princes empêchaient l'idole Romaine de perdre les âmes! car, s'il m'est [144] permis de prophétiser une fois ce que je sais, au risque de n'être pas écouté, je dirai que c'en est fait du Christianisme, si le Pontife Romain n'est pas mis à la raison... La Papauté ne peut rien produire, si ce n'est péché et perdition... Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende, et s'abstienne de faire la guerre aux Turcs tant que le nom du Pape se fait entendre sur terre.

  A023001100 

 Et puisque le même Christ a confié ses brebis à la garde de Pierre, elle n'est pas brebis du Christ celle qui ne veut pas avoir Pierre pour pasteur.

  A023001100 

 Par suite, celui-là n'appartient pas à l'Eglise qui ne s'appuie pas sur la pierre que la bouche du Christ a si grandement magnifiée.

  A023001101 

 Aussi est-ce avec pleine vérité que saint Cyprien écrit: «Il n'y a pas d'autre cause aux hérésies et aux schismes que le manque d'obéissance au Prêtre de Dieu, parce qu'on ne considère pas comme tenant la place du Christ celui qui seul est pour un temps Prêtre et Juge dans l'Eglise.

  A023001101 

 Que les hérétiques ne viennent pas, après cela, prétendre que le Pontife Romain n'est pas le successeur de Pierre, ou que l'autorité accordée à Pierre n'a pas été transmise au Pontife Romain; car cette autorité ayant été conférée à Pierre pour le bien commun de l'Eglise, elle n'a pas dû cesser avec Pierre, lequel devait disparaître par la mort au bout de peu d'années, mais durer autant que l'Eglise militante, qui demeurera jusqu'à la fin du monde: par conséquent, l'Eglise doit avoir un successeur revêtu de l'autorité même dont jouissait Pierre.

  A023001101 

 Quiconque mange l'agneau hors de cette demeure, est un profane; quiconque ne se trouvera pas dans l'arche de Noé, périra quand le déluge se déchaînera; qui n'amasse pas avec toi, disperse: en un mot, celui qui n'est pas avec le Christ est avec l'antéchrist.».

  A023001101 

 Reconnaissons donc, ce qui est vrai, que le Siège du Pontife Romain est cette pierre sur laquelle a été bâtie l'Eglise, véritable bercail du troupeau du Seigneur.

  A023001102 

 Prosper: «La tête de l'honneur pastoral [147], le Siège de Pierre.» Augustin: «Le principat de la Chaire Apostolique.» Victor d'Utique et notre Justinien: «Chef de toutes les Eglises.» Léon et Prosper: «Chef de l'univers, du monde et de la religion.» Ignace: «Eglise qui préside.» Jérôme: «port très sûr de la communion catholique»..

  A023001113 

 Si quis ab eorum sententiae communione desciverit, audiat illud Apostoli: Non est Deus dissensionis, sed pacis.» Et paulo post: «Necesse est profecto omnibus deinceps Catholicis, qui sese Ecclesiae matris legitimos filios probare student, ut sanctae sanctorum Patrum fidei inhaereant, agglutinentur, immoriantur.».

  A023001120 

 Aussi était-ce un excellent conseil celui de Sisinnius à Théodose l'Ancien, qui le suivit, à savoir, qu'il fallait examiner la doctrine des hérétiques à la lumière de l'enseignement des anciens Pères, et que si on la trouvait contraire à cet enseignement, il fallait aussitôt la chasser de toute la surface de la terre..

  A023001121 

 Si quelqu'un s'écarte de leur sentiment commun, qu'il écoute cette parole de l'Apôtre: Dieu n'est pas un Dieu de dissension, mais de paix.» Et un peu après: «Il est de première nécessité désormais à tous les catholiques qui s'efforcent de se montrer les fils légitimes de notre mère l'Eglise, qu'ils s'attachent à la sainte foi des saints Pères, y restent étroitement unis et y meurent.».

  A023001121 

 Vincent de Lérins s'exprime mieux que personne lorsqu'il traite [151] de l'autorité des anciens Pères: «Celui,» dit-il, «qui méprise ces Pères, que Dieu a répartis à travers les temps et les lieux, lorsque, au sujet du sens à attribuer à un dogme catholique, ils sont d'accord dans le Christ sur un point, celui-là ne méprise pas l'homme, mais Dieu.

  A023001122 

 Pour ce qui est des nouveautés profanes des profanes, saint Augustin les pourchasse en se basant sur l'autorité des anciens Pères: «J'écrirai,» dit-il, «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques, mais des choses telles que nos contradicteurs soient forcés de rougir et de s'avouer vaincus, si toutefois il leur reste quelque crainte de Dieu ou des hommes.» Son expression «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques» s'explique par ce fait, que le «petit nombre» en question était uni de communion ouverte avec les autres hérétiques.

  A023001127 

 Divina Majestas mecum facit ut nihil curem, si mihe Augustini, mille Cypriani...contra me starent...Augustinus et Cyprianus, sicut omnes electi, errare potuerunt et erraverunt.» Et in fine: «Neque enim,» inquit, «ego quaero quid Ambrosius, Augustinus, Concilia et usus saeculorum dicant; nec fuit opus mihi Henrico Rege magistro qui me haec doceret, qui adeo [154] pulchre ea noveram, ut etiam impugnarim, ut miranda sit stultitia Sathanae, quae iis me impugnat, quae ipso impugno, et perpetuo principium petit.».

  A023001127 

 Nam Lutherus quidem sic scribit quodam loco: [153] «Primum scire contestatosque eos esse volo, me nullius prorsus quantumlibet sancti Patris auctoritate cogi velle.» Deinde, mox quasi cum Patribus omnibus luctaturus, eos sursum deorsumque movet ut dejiciat: «Jam,» inquit, «quanti errores in omnium Patrum scriptis inventi sunt! Quoties sibi ipsis pugnant! quoties invicem dissentiunt! Quis est, qui non ssepius Scripturas torserit? Quoties Augustinus solum disputat, nihil definit; Hieronymus, in Commentariis, nihil fere asserit.» Deinde tandem concludit: «Nemo ergo,» inquit, «mihi opponat Papae aut Sancti cujusvis auctoritatem, nisi Scripturis munitam.» Et in libro quem edidit Contra Regem Angliae, quam superbe: «Dei Mot,»inquit, «est super omnia.

  A023001128 

 Hunc delectum qui non tenet, nihil in religione constitutum habebit, quando multa ignorarunt sancti viri illi, saepe inter se conflictantur, interdum etiam secum ipsi pugnant.».

  A023001132 

 Et in quaestione de ceremoniis Baptismi fatetur quidem esse illas origine vetustissimas, sed addit statim: «Respuere tamen mihi et piis omnibus fas est, quicquid ad Christi institutionem addere ausi sunt homines.» Et in quaestione de Sacramento Altaris pro viatico infirmorum reservando, quae quidem quaestio praecipui est momenti pro confirmanda fide praesentiae realis corporis Domini, objiciit ille sibi ipsi: «Sed enim qui sic faciunt, habent veteris Ecclesiae exemplum.» Tum respondet: «Fateor verum, in tanta re et in qua non sine magno periculo erratur, nihil tutius est quam ipsam veritatem sequi.» Quasi vero Ecclesia vetus secuta sit falsitatem.

  A023001139 

 Elle [154] est vraiment admirable la sottise de Satan qui, par une pétition de principe continuelle, m'attaque au moyen d'arguments que j'attaque moi-même.».

  A023001139 

 Luther s'exprime ainsi quelque part: «Je veux d'abord qu'ils [153] sachent bien, et je les prends à témoins, que je ne veux céder en aucune façon à l'autorité d'un Père, pour saint qu'il soit.» Ensuite, comme entrant en lutte avec tous les Pères, il tâche de les secouer en tous sens pour les jeter bas: «Que d'erreurs n'a-t-on pas rencontrées dans les écrits de tous les Pères! Que de fois ne diffèrent-ils pas d'opinion entre eux! que de fois ne sont-ils pas d'avis différent les uns d'avec les autres! Quel est celui d'entre eux qui n'ait plusieurs fois détourné les Ecritures de leur sens? Chaque fois qu'Augustin se contente de disputer, il ne définit rien; Jérôme, dans ses Commentaires, ne formule presque aucune affirmation positive.» Il conclut enfin: «Que personne ne m'oppose l'autorité d'un Pape ou d'un Saint quelconque, si elle n'est appuyée sur les Ecritures.» Et quelle superbe dans son livre Contre le Roi d'Angleterre! «La Parole de Dieu,» écrit-il, «est au-dessus de tout.

  A023001140 

 Celui qui ne fera pas cette distinction, ne pourra rien avoir de précis en matière de religion, ces saints hommes ayant ignoré beaucoup de choses, ayant été en lutte les uns avec les autres, parfois même s'étant contredits eux-mêmes.».

  A023001140 

 Mais le fourbe au cœur double, craignant de se trouver pris au piège de ses propres paroles, ajoute tout aussitôt: «En nous occupant des écrits des Pères nous nous trouvons dans une situation telle, qu'il faut toujours nous souvenir que nous avons le droit de prendre pour nous tout ce qui peut nous être utile, sans abdiquer notre liberté d'action.

  A023001141 

 Au sujet de la question de l'adoration, il reconnaît que les Anciens ont usé de la distinction entre une double adoration, celle de Doulie et celle de Latrie, tout en méprisant cette distinction au point de s'écrier: «Qu'importe! puisque tous ceux qui» l'examinent «la trouvent non seulement impropre, mais, tout à fait sans consistance.».

  A023001144 

 A propos des cérémonies du Baptême, il convient qu'elles sont d'une origine très antique, mais il ajoute aussitôt: «Il m'est cependant permis, et à toutes les personnes pieuses, de repousser tout ce que les hommes ont osé ajouter à l'institution du Christ.» Dans la question du Sacrement de l'Autel conservé comme viatique des malades, question de grande importance pour confirmer la foi en la présence réelle du corps du Seigneur, il se fait cette objection: «Mais ceux qui agissent ainsi suivent l'exemple de l'ancienne Eglise.» Il y répond en ces termes: «J'avoue qu'en une matière si grave, et où l'erreur n'est pas sans grand danger, rien n'est plus sûr que de suivre la vérité.» Comme si l'Eglise ancienne avait suivi la fausseté! Et ailleurs, à propos des cérémonies de la Messe: «Si quelqu'un veut défendre des inventions de cette sorte en se basant [158] sur leur antiquité, je n'ignore pas qu'assez près de l'âge apostolique la Cène du Seigneur a été couverte de rouille; mais c'est là un effet de l'audace qu'a l'homme se fiant à lui-même.» Dans un autre endroit il avoue que les anciens Docteurs ont d'ordinaire employé le mot de Messe «au pluriel».

  A023001144 

 Et ailleurs: «Je vois aussi que ces Anciens ont détourné ce mémorial [de la Passion du Seigneur] vers un autre sens que celui qui convenait à l'institution du Seigneur.» Et un peu plus loin: «Je ne pense pas qu'on puisse les excuser d'avoir, dans une certaine mesure, péché quant à leur manière d'agir.» De nouveau: «C'est avec raison qu'on leur reproche d'avoir trop incliné vers les ombres de la Loi.» Enfin, pour ne pas énumérer en particulier tous les écrits de cette sorte, ce qui serait un travail presque sans fin, disons que le même Calvin avoue que l'usage de la Confession est très antique, et cependant il le méprise..

  A023001154 

 «Solus,» inquit Lutherus, «primo eram, et certe ad tantas res tractandas ineptissimus et indoctissimus.» Et paulo post: «Germani omnes, suspensis animis, expectabant eventum tantae rei, quam nullus antea neque episcopus neque theologus ausus est attingere.» Idem tamen Lutherus, paulo post initium Defensionis verborum Cænæ, cum de Sacramentariis loquitur: «Nec quicquam,» inquit, «magis hanc haeresim promovet, quam novitas; nam nos Germani tales homines sumus, ea quae nobis nova sunt, affectamus et avide arripimus.» Et in Responsione ad maledicum scriptum Regis Anglice, de iisdem Sacramentariis loquens: «Nullos,» inquit, «hostes capitaliores [161] sum expertus hactenus, quam suaves illos fratres, collegas, amicos, quos, tanquam filios, in sinu nostro fovimus novarum sectarum magistros, Sacramentarios dico, et alios phanaticos, qui qualem nobis referant gratiam, vide.» Et paulo post: «Nos, principio, libertatem et Christi honorem asserere et vindicare ccepimus, et tyrannidem pontificiam invadere.

  A023001155 

 Hactenus Lutherus, qui et in Defensione verborum Caenae eadem propemodum dicit.

  A023001155 

 Rursum, in Defensione verborum Caenae, de Sacramentariis loquens: «Quot capita,» inquit, «et tot sensus haec unica secta habet, qui in re principali omnes congruunt, et Spiritum Sanctum singuli jactitant.

  A023001156 

 Ce qu'il a fait si bien et dextrement, que qui voudra bien considerer ses escrits, confessera que c'est à luy, après Dieu, qu'appartient l'honneur de la résolution depuis suivie par toutes gens de bon jugement.» Ergone, Beza, solus Calvinus recte de Eucharistia sentiendi regulam novit? Omnes usque ad Calvinum tanti Sacramenti vim et efficaciam ignoraverunt?.

  A023001156 

 Theodorus Beza, in Praefatione quadam sua Gallica, ita extollit Calvini sui doctrinam de re sacramentaria, ut ipsum etiam Apostolis praetulisse videatur; scribit namque in haec ipsa verba: «Une chose est a noter, comment ledit Calvin se porta prudemment a traitter ceste matiere, tant en son Institution qu'au dit [164] petit livret; car, voyant que la miserable contention esmeue pour le faict de la Cène, avoit allumé un feu qui etoit pour mettre division entre les eglises, tout son desir fut de l'esteindre par une claire exposition de la matière, sans s'attacher à personne.

  A023001159 

 Deinde, aliquot verbis interpositis: «Quod si odit anima mea vocem homoousion et nolim ea uti, non ero haereticus; quis enim me coget uti, modo rem teneam quae in Concilio per Scripturas definita est? Etsi Ariani male senserunt in fide, hoc tamen optime, sive bono, sive malo animo exegerunt, ne vocem prophanam et novam in regulis fidei statui liceret.» Quid, obsecro, impudentius isto nebulone possis fingere? Pugnavit antiquitas catholicorum Patrum trecentis pene annis pro verbo hoc homoousion sacratissimo retinendo, in cujus pronunciatione haeretici a Catholicis discernerentur, et ecce novator et nugator iste novam ac prophanam vocem esse pronunciat! Proinde nec mirum [168] est, ex ejus discipulis et sectatoribus inventos fuisse, qui pro homoousion substituerint όμοούσιον, per summam perfidiam; digni sane discipuli apostatae istius et desertoris, qui, post mille trecentos annos, Concilium Nicaenum, omnium quae unquam celebrata fuerunt, augustissimum, prophanationis accusat, Arianos autem pietatis studio adornat.

  A023001159 

 Tandem Lutherus de verbo illo όμοούσιον: «Non est,» inquit, «quod mihi homoousion illud objectes, adversus Arianos receptum; non fuit receptum a multis, iisque praeclarissimis.» Et paulo post, indulgendum ait esse Patribus qui semel extra Scripturam posuerunt vocem prophanam, illam scilicet de qua tractamus: homoousion.

  A023001165 

 Quidni enim hoc facere debeant, qui vos et fideles et sanctos fuisse confitentur? Atque, ut nullus tergiversationi locus relinquatur, non proferam nisi quod ab Ecclesia primis quingentis annis factitatum esse constabit; quandoquidem Calvinus, post Lutherum, ita nos admonet: «Meminerimus quingentis circiter annis, quibus magis adhuc florebat religio et sincerior doctrina vigebat.» Et alibi, de Augustini aetate loquens: «Extra controversiam,» inquit, erat, «nihil a principio usque ad illam aetatem mutatum fuisse in doctrina.».

  A023001166 

 In cujus capitis initio statim videbis, Augustino ipso teste, Mediolani, magnum Ambrosium in somnis admonitum de corporibus sanctorum Martyrum Gervasii et Prothasii eruendis ac propalandis, populum concurrentem ad haec sacra Martyrum pignora, et, inter alios, caecum, qui ad eorum contactum videre caeperit..

  A023001167 

 [171] «Jus habet dandi Baptismum summus sacerdos, qui est Episcopus, deinde presbyteri et diaconi, sed non sine Episcopi facultate.» Parole sunt Tertulliani..

  A023001168 

 Videbis et unum «ex presbyteris» illis, qui «obtulit ibi Sacrificium Corporis Christi» (verba sunt ipsissima Augustini), «orans quantum potuit, ut cessaret illa vexatio,» et Deo «protinus miserante cessavit.» Tunc ergo, cum Ecclesia purissima esset, Sacrificium Corporis Christi presbyteris, si Augustino credimus, offerebatur..

  A023001171 

 Videbis et suavem historiam de sene Florentio, Hipponensi sartore, qui Viginti Martyrum precibus obtinuit a Deo, ut haberet quo se sustentaret ac vestiret, dum, discedens ab oratione, grandem piscem palpitantem videt, quem coco Carchiso, Christiano, trecentis follibus vendidit.

  A023001174 

 Mirum igitur est vel hoc unico capite non esse victos convictosque omnes Lutheranos et Calvinianos, si neque Lutherum Calvinumque pro mendacibus habent, qui Ecclesiam Dei purissimam Augustini temporibus fuisse fatentur, neque Augustinum pro mentiente, qui supra dicta omnia refert tanquam verissima et certissima..

  A023001174 

 Viden' clericos, diaconos, sacerdotes seu presbyteros, episcopos? Num animadvertis Sacrificium Corporis Christi, altare ecclesiae dedicationem, Sanctimoniales, benedictionem olei, benedictionem item episcopalem, corpora Sanctorum in pretio habita totque miraculis clara, eorumque memorias in templis? Audistine mulierem signo Crucis curatam, pauperem invocatione Sanctorum vestitum, terram sanctam in veneratione habitam, reliquias cum honore circumgestatas idque ab episcopis, et Sanctimoniales decantantes hymnos et orationes? Quid, quaeso, in Calvini Lutherive synagogis simile, qui omnia ista rident, [176] quasi per abusum et superstitionem in Dei Ecclesiam posterioribus saeculis irrepserint? Atqui tunc pura erat, sancta erat, vel fatentibus nugatoribus istis, nullaque adhuc doctrinae perversitate deformis Ecclesia.

  A023001175 

 Fuistis, Luthere et Calvine, nimis liberales, qui hoc nobis concessistis, Ecclesiam Dei primis illis quingentis annis nullis erroribus aut abusibus deformatam fuisse; quid enim nobis facilius, quam probare saeculoram illorum Patres ea ipsa omnia credidisse quae hodie credimus et de quibus vobiscum disputamus? Probarunt hoc Illustrissimi Cardinales, magna aetatis nostrae lumina et ornamenta, Baronius in Annalibus Ecclesiasticis, et Bellarminus in Controversiis, ne dubitare amplius possitis.

  A023001175 

 Poteratis [177] tamen negare, quamvis falso et impudenter, ut caetera; nam eos qui non semel, at tam saepe verecundiae fines transierant, bene ac gnaviter opportebat esse impudentes.

  A023001175 

 Sane, qui ista omnia purae et sanctae Ecclesiae exercitia, ornamenta et opera, tanquam prophana contempserunt et abjecerunt, quales, Deus bone, sunt reformatores! An non verius deformatores dicendi sunt, et ab omnibus tanquam inepti et impudentes novatores habendi, exsibilandi, explodendi? Bene jam olim Tertullianus: «Solemus haereticis, compendii gratia, de posterioritate praescribere.» Quidni ergo etiam nostris praescribamus?.

  A023001183 

 Contre eux s'applique bien ce passage de Vincent de Lérins: «Evite les nouveautés profanes de langage,» dit saint Paul, «nouveautés que les catholiques n'ont jamais reçues ni suivies, tout au rebours de ce qu'ont toujours fait les hérétiques...C'est en quelque sorte la grande loi de presque toutes les hérésies, d'avoir du goût pour les nouveautés profanes, du dégoût pour l'antiquité, et de faire naufrage dans la foi à cause des oppositions qu'ils lui font, sous prétexte d'une science qui n'en mérite pas le nom.

  A023001184 

 En matière de foi, ils ne disent rien contre les catholiques qui ne soit nouveau, ou au moins renouvelé des hérésies anciennes et passées de mode, comme cela résulte très clairement de tout ce que nous avons dit jusqu'ici, et encore [160] plus de ce qu'a écrit sur ce sujet l'Illustrissime Cardinal Bellarmin dont on ne louera jamais assez les mérites.

  A023001184 

 Et en réalité, que signifie l'accusation qu'ils lancent contre l'Eglise, d'avoir erré durant de si longs siècles, sinon qu'ils apportent une doctrine nouvelle et tout à fait contraire à l'ancienne Eglise? C'est ce qui explique qu'à leur apparition toute l'Eglise ait frissonné, comme font les brebis et les agneaux à la première vue du loup enragé qui vient vers eux..

  A023001185 

 Pendant ce temps, Luther, abandonné de tous, combattant avec tout le monde, aidé de personne, était exposé seul au danger.» Et un peu après: «Je suis tantôt livré aux sacramentaires comme papiste, tantôt [162] aux papistes comme sacramentaire; alors que, cependant, les papistes s'efforcent d'arracher le Christ aux Eglises, et les sacramentaires, le Sacrement de la Cène du Seigneur; et ils se vantent d'être les seuls à prêcher le Christ, eux qui font de ses Sacrements dans l'Eglise, de simples signes ou des tessères militaires.» Et après quelques phrases: «La reconnaissance des porcs et des chiens, lorsque quelqu'un leur jette des choses saintes ou des perles précieuses, consiste à se retourner aussitôt contre leur bienfaiteur et à le déchirer.».

  A023001185 

 «Tout d'abord,» dit Luther, «j'étais seul, et certes tout à fait dépourvu d'aptitude et de science pour traiter de si grandes choses.» Et peu après: «Tous les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien, n'avait osé entreprendre.» Cependant le même Luther, peu après le début de la Défense des paroles de la Cène, parlant des sacramentaires, s'exprime ainsi: «Rien n'aide autant cette hérésie que sa nouveauté; car nous autres allemands sommes ainsi faits, que nous nous attachons avec avidité à ce qui est nouveau pour nous.» Et dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, toujours à propos des sacramentaires: «Je n'ai pas jusqu'ici rencontré d'ennemis plus acharnés que ces bons frères, collègues, amis, que nous avons élevés comme [161] des fils dans notre sein, docteurs de sectes nouvelles, j'entends les sacramentaires et autres fanatiques; vois de quelle façon ils nous récompensent.» Et un peu plus loin: «Nous autres au commencement nous nous sommes mis à affirmer et à revendiquer la liberté et l'honneur du Christ, et à foncer sur la tyrannie pontificale.

  A023001189 

 Vous voyez donc, ami Lecteur, qui que vous soyez, combien ces novateurs se complaisent dans leurs nouveautés: Luther, en osant ce qu'aucun théologien ou évêque n'avait tenté avant lui; Bèze, en assurant que Calvin a compris et enseigné ce que personne autre n'a jamais su.

  A023001190 

 En outre, alors que toujours les anciens Pères et toute l'Eglise prêchent la subsistance de l'Essence divine dans les Personnes, Calvin, au contraire, soit par une honteuse ignorance, à lui assez familière, soit par une in [167] croyable envie d'innover, qui l'a très fortement agité, a dit que les Personnes subsistent dans l'essence..

  A023001190 

 Il faut, en effet, ajouter ceci: dans la dernière édition latine, qui est de l'année 1602, on trouve non pas «résidence,» mais «subsistance», pour signifier la personne; par conséquent, comme je le suppose, les disciples de Calvin, avertis par ceux de notre religion, ont eu honte de cette nouvelle théologie, et ont jugé à propos de corriger ainsi leur docteur.

  A023001190 

 Mais qui ne reconnaîtra plus manifestement et plus expressément la fureur du changement dans Calvin, lorsque, à propos de la Trinité et de ces mots: personne, substance, consubstantiel, il écrit: «Plût à Dieu que ces mots fussent ensevelis dans l'oubli! Au moins on entendrait partout cette profession de foi commune, que le Père, le Fils et l'Esprit» Saint «sont un seul Dieu.» Ailleurs il change le mot de personne en celui de résidence, si nous voulons nous en tenir aux plus anciennes éditions de ses Institutions, surtout aux françaises, celle en particulier que fit Thomas Courteau en 1564.

  A023001191 

 Enfin Luther s'exprime ainsi à propos de ce mot, consubstantiel: «Rien ne sert de m'objecter l'όμοούσιον employé contre les Ariens; ce mot n'a pas été employé par beaucoup, ni par de très illustres personnages.» Et peu après il dit qu'il faut pardonner aux Pères qui, à un moment donné, se sont servis du mot consubstantiel, dont nous nous occupons, mot profane, étranger à l'Ecri ture.

  A023001191 

 «Si je hais cette expression,» ajoute-t-il ensuite, «et que je me refuse à m'en servir, je ne suis pas pour cela hérétique; car, qui peut me forcer à l'employer, pourvu que je tienne la chose elle-même que le Concile a définie d'après les Ecritures? Quoique les Ariens aient erré dans la foi, cependant (que ce soit avec une bonne ou une mauvaise intention) ils ont très bien fait d'empêcher qu'il fût loisible d'introduire dans les règles de la foi un terme profane et nouveau.» Que peut-on imaginer, je le demande, de plus impudent que ce charlatan? Les Pères antiques et catholiques ont combattu près de trois cents ans pour maintenir ce mot très vénérable de consubstantiel, dont la prononciation diverse faisait reconnaître les hérétiques des catholiques, et voici que ce [168] novateur et mauvais plaisant l'appelle un mot nouveau et profane! Aussi, rien d'étonnant que parmi ses disciples et sectateurs, il s'en soit trouvé qui ont substitué, par une souveraine perfidie, «semblable en substance» à consubstantiel; dignes disciples, à la vérité, de Cet apostat et déserteur de la foi qui, après treize cents ans, accuse de profanation le Concile de Nicée, le plus auguste de tous ceux qui eurent jamais lieu, tout en attribuant aux Ariens un zèle pieux.

  A023001197 

 Comment, en effet, pourraient-ils s'en dispenser, eux qui avouent que vous avez été fidèles et saints? En outre, pour éviter toute tergiversation possible, je ne parlerai que de ce qui est bien constaté avoir été habituellement pratiqué par l'Eglise pendant les premières cinq cents années de son existence; car Calvin, après Luther, nous fait cette remarque: «Souvenons-nous des cinq cents ans environ pendant lesquels la religion florissait encore dans tout son éclat, et la doctrine plus pure était en vigueur.» Et ailleurs, à propos de l'époque d'Augustin: «C'est une chose hors de discussion que rien n'a été changé dans la doctrine depuis le commencement jusqu'à cette époque-là.».

  A023001197 

 J'en appelle ici à vous, ô Pères, non en tant que Docteurs et illustres interprètes de la Sainte Ecriture, mais en tant que témoins tout à fait dignes de foi de ce qui se passait dans l'Eglise au temps où vous en étiez les chefs; en sorte que si les adversaires n'ont pas honte de vous traiter de docteurs ignorants et faibles d'esprit, ils admettent au moins vos paroles et vos écrits comme ceux de témoins fidèles et probes.

  A023001198 

 Donc, de peur de ne pas en finir si nous énumérons les textes des anciens Pères qui se présentent de côté et d'autre sur notre sujet, bornons-nous au seul Augustin, que Luther reconnaît pour le [170] meilleur Docteur après les Apôtres, et Calvin, pour un fidèle interprète de la vérité.

  A023001198 

 Dès le début du chapitre, vous verrez, au témoignage d'Augustin lui-même, le grand Ambroise pressé en songe, à Milan, d'exhumer et d'exposer les corps des saints Martyrs Gervais et Protais, le peuple accouru pour vénérer ces restes sacrés des Martyrs, et en particulier un aveugle, qui reçoit la vue au contact de ces reliques..

  A023001199 

 Vous y verrez aussi le bienheureux Saturnin, évêque d'Uzales, Gelosus, prêtre, et les diacres de Carthage; or, c'est l'évêque, comme exerçant la fonction principale, qui bénit les autres: preuve qu'alors les évêques étaient distincts des prêtres, et les prêtres des diacres, l'évêque étant considéré comme fort au-dessus du prêtre.

  A023001201 

 Vous le verrez demander aux évêques de la faire enfouir quelque part et d'élever une église [172] en cet endroit: ce qui fut fait.

  A023001202 

 Vous verrez une jeune fille, très connue de notre Augustin, qui, après s'être ointe d'une huile mêlée des larmes du prêtre qui priait pour elle (ce sont les expressions d'Augustin), fut délivrée du démon.

  A023001203 

 Vous verrez la jolie histoire du vieillard Florentius, tailleur d'Hippone, qui par les prières des Vingt Martyrs obtint de Dieu de quoi se nourrir et se vêtir, grâce au gros poisson qu'il vit tout palpitant au sortir de sa prière, et qu'il vendit trois cents bourses au cuisinier Carchisus, chrétien.

  A023001205 

 Il termine son chapitre remarquable par ces mots: «Qu'est-ce qui remplissait le cœur de ceux qui se réjouissaient ainsi, sinon la foi du Christ, pour laquelle le sang d'Etienne a été répandu?».

  A023001206 

 Il est par suite étonnant que de ce seul chef tous les luthériens et calvinistes ne se sentent vaincus et convaincus, et ne considèrent Luther et Calvin comme des imposteurs, eux qui confessent l'état très pur de l'Eglise à l'époque d'Augustin, et qui d'autre part, ne tiennent pas pour un menteur ce dernier qui rapporte comme très vraies et très certaines toutes les choses racontées plus haut..

  A023001206 

 Qui peut donc avoir le moindre doute sur la question de l'identité de l'Eglise de cette époque avec l'Eglise Catholique Romaine de notre temps? Avons-nous aujourd'hui d'autres paroles, d'autres sentiments? Remarquez l'aspect extérieur, étudiez les traits qu'Augustin, dans ce seul chapitre, a décrits avec tant de soin.

  A023001207 

 En vérité, quels réformateurs, bon Dieu! sont ces gens qui ont méprisé et repoussé comme profanes toutes les pratiques, toutes les œuvres de l'Eglise, tout ce dont celle-ci se parait à son époque de pureté et de sainteté! N'est-ce pas plutôt le nom de déformateurs qui leur convient, et ne doivent-ils pas être considérés, hués et chassés par tout le monde comme d'ineptes et impudents novateurs? Déjà autrefois Tertullien avait écrit ces belles paroles: «Nous avons coutume de récuser les hérétiques comme de date récente.» Pourquoi donc ne récuserions-nous pas aussi les nôtres?.

  A023001207 

 Vous nous avez trop libéralement concédé, ô Luther et Calvin, que l'Eglise de Dieu n'a été déformée par aucune erreur et aucun abus pendant ses cinq cents premières années: quoi, en effet, de plus facile pour nous que de prouver que les Pères de cette époque ont cru exactement tout ce que nous croyons aujourd'hui et qui fait le sujet de nos controverses? Pour que vous ne pussiez plus en douter, deux Illustrissimes Cardinaux, remarquables lumières et ornements de notre siècle, Baronius dans ses Annales Ecclésiastiques, et Bellarmin dans ses Controverses, en avaient fourni la preuve.

  A023001207 

 Vous pouviez cependant nier cela comme tout le reste, bien que non sans fausseté et impudence; car il convient à des [177] gens qui ont dépassé, non une fois, mais si souvent les limites de la honte, d'être impudents pour de bon et hardiment.

  A023001214 

 Ideoque Apostolus Judas, haereticos describens: Hi sunt, inquit, qui segregant semetipsos..

  A023001215 

 Sed unus pro omnibus in testem sufficiat Lutherus, qui, suo illo libro contra Sacramentarios, non perfunctorie, sed ex professo demonstrat septem diversissimas et haereticas interpretationes verborum illorum: Accipite et comedite: hoc est corpus meum, a duobus antea annis emersisse; postquam enim sex enumeravit, addit: «Praeter hos alii accedunt, ut septenarius numerus compleatur, qui dicunt non esse articulum fidei, ideoque liberum cuique esse, ut hic sentiat quicquid velit.

  A023001216 

 Interim socii milites, fratres illi nostri, domi patriam opprimunt, omniaque ferro ac igni vastant, crudelem horrendamque exercentes lanienam in propriis civibus.» Et paulo post, loquens de Carolostadio aut Zuinglio: «Meus Absalom,» inquit, «qui suum patrem, regno suo et gloria exutum, expulit; meus Judas, qui et dominum prodidit, et dissipavit caetum piorum discipulorum, nondum etiam in me idem designaverant.».

  A023001223 

 Quomodo ergo consentire possunt, qui omnes consentiendi vias praecluserunt?.

  A023001224 

 Dum inquit Augustinus: «Scripturae bonae intelliguntur non bene;» et Hilarius: «Intelligentia haeresis est; et sensus, non sermo, fit crimen;» et Hieronymus: «Scripturae non in legendo consistunt, sed in inteUigendo;» et alibi: «Diabolus loquitur de Scripturis; et omnes haereses, secundum Ezechielem, inde sibi consuunt cervicalia, quae ponunt sub cubito universæ ætatis.» Sed omnium apertissime et aptissime Vincentius iUe Lirinensis, quem diceres haereticorum nostri temporis mores et ingenia exprimere voluisse: «Lege,» inquit, «Pauli Samosateni opuscula, Priscilliani, Eunomii, Joviniani reliquarumque pestium» (omnes vero illos haereticos fuisse nec Lutherani et Calviniani ipsi diffitentur): «cernas infinitam exemplorum congeriem, prope nullam omitti paginam, quae non Novi aut Veteris Testamenti sententiis fucata et colorata sit.» Et [183] paulo post: «Quid est vestitus ovium, nisi Prophetarum et Apostolorum proloquia? Qui sunt lupi rapaces, nisi sensus haereticorum feri et rabidi?» etc..

  A023001225 

 Et quidem hic perpetuo cum ipso conflictari oportet.» Et paulo post, de Sathana loquens: «Turbas,» inquit, «et sectas in Scriptura tot tantasque dabit, ut nescias ubi Scriptura, fides, Christus, tu ipse maneas.» Et mox, in eandem sententiam eodemque loco: «Quamvis,» inquit, «diabolus nos cogatur dimittere, tamen non est oblitus suae artis; nam clanculum sua zizania seminavit in nostros caetus, puta falsos fratres, qui nostram doctrinam et verba apprehenderent non in eum finem, ut nobis adjumento essent in Scripturae propaganda, sed ut a tergo, cum nos in prima acie pugnaremus, in nostrum exercitum impetum facerent, turbas excitarent et contra nos furiose dimicarent.» Et paulo post: «Sed haud cessabit; tanto cardine rerum progredietur longius, et plures articulos fidei attentabit.

  A023001225 

 Hoc ipsum autem faciunt et fecerunt semper omnes haeretici; nunquam tamen illustriore exemplo, quam factum sit ab haereticis nostri temporis, qui quatuor haec Evangelii verba: Hoc est corpus meum, tanta sensuum dissensione et repugnantia intellexerunt, ut jam suo tempore Lutherus septem diversissimas interpretationes observaverit, quemadmodum paulo ante dicebamus.

  A023001225 

 Non ergo Scriptura sola est idonea ad consensionem et unionem fidelium, sed indiget interprete, qui eodem spiritu earum sententiam aperiat, quo ipsae scriptae sunt et revelatae.

  A023001234 

 C'est pourquoi l'Apôtre Jude décrit ainsi les hérétiques: Ce sont ceux qui se divisent eux-mêmes..

  A023001235 

 Mais qu'il nous suffise de citer le témoignage de Luther qui, dans son livre contre les sacramentaires, non en passant, mais ex professo, démontre qu'en deux ans se sont fait jour sept interprétations très diverses et hérétiques de ces paroles: Prenez et mangez: Ceci est mon corps.

  A023001235 

 Or, qui ne voit la dissension qui existe entre les hérétiques de notre temps? Luther appelle ouvertement hérétiques les sacramentaires; les sacramentaires en font autant pour les luthériens et les anabaptistes; les anabaptistes pour les trinitaires; les trinitaires pour les anglocalvinistes; les anglocalvinistes pour les puritains; et réciproquement.

  A023001236 

 Pendant ce temps, les soldats mes compagnons, mes frères, à l'intérieur oppriment la patrie, portent le fer et le feu partout, exercent une boucherie cruelle et horrible parmi leurs propres concitoyens.» Et peu après, à propos de Carlostadt ou de Zwingle: «Mon Absalon, qui a chassé son père, après l'avoir dépouillé de son royaume et de sa gloire; mon Judas, qui a trahi son maître et a dispersé le groupe des pieux disciples, n'avaient pas encore formé le même projet contre moi aussi.».

  A023001243 

 Comment donc peuvent arriver à l'unité de sentiment ceux qui se sont fermé tous les chemins pour y parvenir?.

  A023001243 

 Et les hérétiques de notre temps, non seulement sont divisés de [181] sentiment, mais aussi, comme nous l'avons déjà dit, sont poussés par l'esprit de dissension, car ils ont supprimé tout ce qui pourrait amener la diversité des croyants à l'union ou à l'unité d'esprit et de foi.

  A023001244 

 Il arrive alors ce que dit Augustin: «Les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises;» et Hilaire: «La façon de comprendre constitue l'hérésie; c'est le sens qu'on lui donne, non le texte lui-même, qui amène le crime d'hérésie;» et Jérôme: «La valeur des Ecritures ne consiste pas dans leur simple lecture, mais dans la manière de les comprendre;» et ailleurs: «Le démon emploie les Ecritures, et toutes les hérésies s'en font des oreillers qu'elles mettent sous le coude des gens de tout âge, selon l'expression d'Ezéchiel.» Mais entre tous, Vincent de Lérins s'exprime avec le plus de clarté et de justesse, si bien qu'il semble avoir voulu dépeindre les mœurs et la tournure d'esprit des hérétiques de notre temps: «Lisez,» dit-il, «les opuscules de Paul de Samosate, de Priscillien, d'Eunomius, de Jovinien et des autres auteurs pestilentiels» (les luthériens et les calvinistes eux-mêmes considèrent tous ces personnages comme des hérétiques): «examinez l'interminable liste des exemples apportés, et vous verrez qu'il n'y a presque aucune page qui ne soit fardée et colorée au moyen de phrases du Nouveau ou de l'Ancien Testament.» Et peu après: «Qu'est-ce que les vêtements de brebis, sinon les oracles [183] des Prophètes et des Apôtres? Que signifient les loups dévorants, sinon les interprétations cruelles et délirantes des hérétiques? etc..

  A023001244 

 L'Ecriture ayant un sens multiple, celui qui en choisit un et le défend comme le sien propre, crée une hérésie et une secte propre.

  A023001244 

 Qui ne voit cependant ici les replis tortueux du serpent antique? Presque toutes les controverses, en effet, roulent sur l'Ecriture Sainte elle-même.

  A023001244 

 Y a-t-il un hérétique, à l'exception d'un ou de deux, qui ait jamais autrement entamé sa lutte et troublé les foules dans l'Eglise de Dieu, qu'en en prenant prétexte dans l'Ecriture? Tous les hérétiques ont l'habitude de crier: La Parole de Dieu, la Parole de Dieu! tout en bouleversant [182] l'Ecriture par les Ecritures, c'est-à-dire en étouffant l'esprit vivifiant sous la lettre qui tue.

  A023001245 

 Et cependant il nous faut continuellement lutter avec lui.» Et un peu après, à propos de Satan: «Il trouvera le moyen de faire naître par l'Ecriture tant et de si grandes sectes turbulentes, que tu ne sauras plus retrouver l'Ecriture, la foi, le Christ et toi-même.» Et aussitôt, revenant à la même pensée: «Quoique le démon soit forcé de nous laisser tranquilles, cependant il n'a pas oublié ses artifices; car à la dérobée il a semé dans nos assemblées la zizanie, je veux dire les faux frères qui ont embrassé notre doctrine et nos paroles, non pour nous aider à propager l'Ecriture, mais pour attaquer par derrière notre armée, au moment où nous combattons en première ligne, afin d'exciter les foules et nous faire une guerre furieuse.» Et peu après: «Mais il ne cessera pas; il ira plus loin dans une occasion si favorable, et attaquera plusieurs articles de foi.

  A023001245 

 Et déjà ses yeux scintillent [185] annonçant des erreurs au sujet du Baptême, du péché originel et de l'humanité du Christ; d'où se produira tant de confusion dans l'interprétation des Saintes Lettres, tant de dissensions et de sectes, que nous pourrons affirmer avec Paul que le mystère d'iniquité agit maintenant.» Luther voyait bien qu'après lui surgiraient de nombreuses sectes: «Si la machine du monde se maintient encore quelques années, l'on sera obligé, à l'exemple des Pères, de recourir aux moyens humains de défense pour supprimer les dissensions, et l'on fera des lois et des décrets pour obtenir et conserver la concorde dans la religion; ce qui amènera un résultat pareil à l'ancien.

  A023001245 

 Par conséquent, l'Ecriture toute seule ne peut amener l'union des esprits et des fidèles, mais elle a besoin d'un interprète qui en manifeste le sens dans le même esprit où elle a été écrite et révélée.

  A023001245 

 Un peu plus haut, en parlant des sacramentaires et de leur hérésie, il avait dit: «En cette partie, il [le démon] a fait par l'Ecriture une dizaine de brèches environ et s'est préparé des échappatoires, si bien que je ne sache pas qu'il ait jamais existé une hérésie plus difforme, ni qui dès son origine ait eu tant de chefs, tant de sectes différentes, tant d'opinions discordantes, tendant toutefois finalement au même but, qui est de poursuivre le Christ.» Jusqu'ici Luther..

  A023001246 

 Toutefois, pour ne pas manquer de se montrer hérétique même ici, Luther fait un beau mensonge en appelant «moyens humains de défense» les Conciles; car elle est divine, non humaine, l'assemblée qui commence ses décrets par ces mots: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous. S'il s'agit ici d'un moyen de défense purement humain, où en trouvera-t-on un, je le demande, qui sera divin? Et s'il existe quelque part un autre moyen divin de défense, pourquoi donc Luther fait-il de si grands efforts pour éviter les moyens humains, pouvant s'en procurer de divins et, par le fait même, évidemment meilleurs et plus sûrs que les humains? En vérité, quelqu'un peut-il croire que le Dieu très bon et très grand n'ait pas songé à fournir pour le besoin en question le moyen de défense voulu, moyen, par suite, totalement divin, destiné à conserver l'union et la paix de toute son Eglise? [187].

  A023001253 

 Nonus haereticorum character est spiritus contentionis, superbiae, arrogantiae et pertinaciae; sic enim illorum mores describit beatus Judas, in Epistola canonica: Vae illis qui in via Cain abierunt, et errore Balaam mercede effusi sunt, et in contradictione Core perierunt.

  A023001253 

 Quare merito divus Augustinus haereticum definit, qui, «Scripturas non recte intelligens, suas falsas opiniones contra earum veritatem pervicaciter asserit.» Et alibi: «Neque enim,» inquit, «natae sunt haereses, nisi dum Scripturae bonae intelliguntur non bene, et quod in eis non bene [188] intelligitur, etiam temere et audacter asseritur.» Et rursum, alio loco: «Qui ergo,» inquit, «in Ecclesia morbidum aliquid pravumque sapiunt, si, correpti ut sanum rectumque sapiant, resistunt contumaciter suaque pestifera dogmata emendare nolunt, sed defensare persistunt, haeretici fiunt.».

  A023001254 

 Qui primus alterum compescuerit, sit ipse victor; sicut vultis, sic fiat vobis.» Et eodem libro: «Non sumus Papae, sed Papa noster est; nostrum est non judicari ab ipso, sed ipsum judicare: spiritualis enim a nemine judicatur, et ipse judicat omnes.» [190].

  A023001259 

 De Zwinglio autem, Carolostadio, Œcolampadio, Calvino, Sacramentariorum parentibus et Lutheri filiis, non possumus testimonium dignius aut certius minusque suspectum adferre, quam ipsius Lutheri, qui testatur eos, velut Absalones quosdam, regni et gloriae patris cupidos, suas haereses erexisse.

  A023001259 

 Etsi enim de Calvino diserte non loquitur, qui vivente Luthero non adeo infamis erat nec magni nominis, quod tamen de aliis Sacramentariorum capitibus dixit, quidni etiam in Calvinum optime quadret, qui tanto superbior fuit et arrogantior caeteris, quanto posterior tempore? Si enim arrogans Carolostadius fuit et Zwinglius, qui Luthero parenti contradixerunt, arrogantior sane fuit, qui et Luthero et Zwinglio et omnibus omnium aetatum Christianis contradixit.

  A023001259 

 Sed quid arrogantius possis fingere, quam quod Calvinus pronunciare ausus est, omnes Patres in errorem abreptos fuisse aut arroganter locutos? Quid [193] item arrogantius Beza, qui Calvino soli adrogat honorem rectae opinionis et detectae veritatis circa mysterium Eucharistiae, quasi nullus omnino mortalium ante Calvini tempora recte de Sacramento sensisset? Sed et qui sibi vult, rogo, quod ad calcem Vitae Calvini, quam idem Beza scripsit, addidit verba illa Elisaei videntis Heliam raptum in caelum et elevatum: Pater mi, pater mi, currus Israel et auriga ejus! nisi quod Calvinum pro Helia, se autem pro Elisaeo vult haberi?.

  A023001266 

 At-qui de Scriptura nobis controversia est, quam a nobis stare manifestissimum est; justificationem enim scripsit Apostolus, non justificationis manifestationem.

  A023001268 

 Quid agas cum impiis istis qui semper in circuitu ambulant, et eo semper redeunt, unde tu tam saepe illos dejeceris? Quae impudentior pertinacia, quam nolle stare judicio Ecclesiae, Patrum, Conciliorum? Quis finis tantae contentionis, si nemo erit qui litem dirimere possit, quique ejus tandem definiendae habeat auctoritatem? Nec enim dubitandum est quin litigandi futura sit immortalis libido.

  A023001277 

 Assiste parata votis poscentium et repende omnibus optatum effectum; sint tibi studia assidue [200] orare pro populo Dei, quae meruisti, Benedicta, Redemptorem ferre mundi, qui vivit et regnat in saecula saeculorum.».

  A023001278 

 Ergone, quia manna rebellibus et protervis panem caeli non sapit, propterea manna esse desinet et panis de cælo? Quia sol noctuae non lucet, nobis non lucebit? Si sic agatur, actum sane est de universa Scriptura, ut docte Augustinus noster jam olim disputavit contra Faustum, qui, solemni haereticorum insolentia, Sacrae Scripturae loca quibus urgebatur, non germana, sed falsata esse dicebat..

  A023001278 

 Est tamen quod parcamus, nec illibenter, istis qui Patrum scriptis tam inepte illudunt, cum in ipsis quoque Sacris Scripturis idem faciant easque non nisi ad gustum suum et admittant et abjiciant.

  A023001279 

 Vidi ego primarium quemdam Genevae ministrum, qui, multa insolenter debacchatus in Sanctorum intercessionem, cum non tantum Scripturae, sed etiam Patrum auctoritate convinceretur, dixit tandem paratum se dare manus, si Augustinus ullo loco Beatissimam Virginem invocasse probaretur.

  A023001280 

 Placent vero sibi novatores nostri tum maxime in sua pertinacia, cum aliquam sententiam in libris Patrum deprehendunt, quae primo intuitu ac in speciem favere iis videatur; est enim hoc fuitque semper hæreticis omnibus commune, ut jam olim Vincentius noster Lirinensis observavit: «Cum sub alieno,» inquit, «nomine haeresim concinnare machinantur, captant plerumque veteris cujuspiam viri scripta paulo involutius edita, quae pro ipsa sui obscuritate dogmati suo quasi congruant, ut illud, nescio quid, quodcumque proferunt, neque primi neque soli sentire videantur.» Hunc scilicet morem tenens minister iste noster egregius, de quo nunc dicebamus, tot illis Augustini locis clarissimis, quae jam citavimus, opponebat locum unum, in quo Augustinus, de Christo loquens: «Ipse Sacerdos est,» inquit, «qui nunc ingressus in interiora veli, solus ibi ex his qui carnem gestaverunt, interpellat pro nobis.» Itaque Augustinum cum Augustino pugnantem inducere volebat subtilis doctor, nec videbat Augustinum eo loco non de alia interpellatione loqui, quam quae fit per [204] redemptionem, quod et praecedentia et sequentia illius loci manifestissime ostendunt.

  A023001287 

 Nos vero respondemus clarissime, nos neque Deo, quem oramus, coadjutores dare, quem satis scimus ad misericordiam faciendam coadjutoribus non indigere; neque Christo, per quem oramus, quia ejus intercessionem omnipotentem apud Patrem agnoscimus; sed nobis ipsis, qui oramus, ac quorum orationes et preces precibus fratrum nostrorum, maxime vero piorum et sanctorum virorum, adjuvantur, ut a Deo per solum Christum exaudiantur.

  A023001287 

 Qua responsione si quis est qui sibi non putet satisfactum, quonam, obsecro, nisi protervo prorsus et contentioso videri potest esse ingenio?.

  A023001287 

 Quare nec Sanctos proprie mediatores agnoscimus eo sensu, quasi sint in medio inter Deum [206] et nos, ut Christus, qui revera medius est, utpote qui utramque naturam Dei et hominum habeat, cum sit et Filius Dei et filius hominis; sed invocamus Sanctos, ut sint nobis comprecatores et cooratores per unum Dominum nostrum Jesum Christum.

  A023001287 

 Quia tamen Christo esse illos nobis gratiores intelligimus, et aliquo modo viciniores, quippe qui jam sint in gloria, plerique Antiquorum mediatores eos appellarunt, non ratione illa qua Christus Mediator dicitur, qui vere est in medio, ut ita dicam, mathematico, sed ut is qui alicui vicinior est, haet permodica distantia, medius dicitur inter hunc et illum a quo longius abest.

  A023001288 

 Nisi quod non possum prætermittere insigne [207] dictum Lutheri, qui, ut Ecclesiae Catholicae contradiceret, quae docet semperque docuit excommunicationem cuicumque viro pio et christiano cavendam esse, tum quoque cum est injusta, tanquam quae, si non aeternae salutis praesens damnum inferat, praesentissimum tamen adfert secum amittendae illius periculum, scripsit ille, ex contrario, docendos esse Christianos, ut excommunicationem diligant potius quam ut metuant.

  A023001296 

 Aussi saint Augustin définit-il avec raison l'hérétique: celui qui, «ayant une intelligence erronée des Ecritures, affirme avec entêtement ses fausses opinions, opposées à leur vérité.» Et ailleurs: «Les hérésies ne sont nées que parce que les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises, et que ce qui en est mal compris est affirmé avec témérité et audace.» Et de nouveau [188] en un autre endroit: «Ceux qui, dans l'Eglise, ont des manières de voir mauvaises et malsaines, et qui, si on les reprend pour les amener à des manières de voir bonnes et saines, résistent avec obstination, ne veulent pas corriger leurs dogmes pervers, mais persistent à les défendre, ceux-là deviennent hérétiques.».

  A023001296 

 Ce sont des murmurateurs, des gens qui se plaignent sans cesse, qui vivent au gré de leurs convoitises, et leur bouche profère des paroles d'orgueil. Et saint Paul: Si quelqu'un veut contester, pour nous, nous n'avons pas cette habitude, non plus que l'Eglise de Dieu.

  A023001296 

 Voici, en effet, la description que fait de leurs mœurs le bienheureux Jude dans son Epître canonique: Malheur à ceux qui se sont égarés dans la voie de Caïn, et se sont jetés pour un salaire dans l'egarement de Balaam, et se sont perdus dans la rébellion de Coré.

  A023001297 

 Avec les seules cendres qui resteront de moi après ma mort, même si on les jette dans mille mers, je poursuivrai et» repousserai «cette abominable tourbe.

  A023001297 

 Celui-ci, dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, écrit: «Je dirai franchement, et sans arrogance aucune, que j'ai purifié et éclairé l'Ecriture de telle sorte, que d'ici mille ans elle ne sera jamais ni plus claire, ni connue d'un plus grand nombre.» Et un peu auparavant: «C'est pour moi chose indifférente, maintenant que le monde entier adhère à mon parti, si ce monde vient de nouveau à me mépriser; j'approuverai l'une et l'autre détermination, car, qui me soutenait au commencement, quand j'étais seul?» Et ailleurs il se vante étonnamment lui-même, et aussi son esprit d'entêtement: «L'arme,» dit-il, «avec laquelle les hérétiques obtiennent aujourd'hui la victoire, c'est la fureur incendiaire des imbéciles, des ânes et des porcs qui suivent la doctrine thomiste.

  A023001297 

 Que celui qui aura le premier dompté l'autre, soit le vainqueur; qu'il vous soit fait selon votre désir.» Et dans le même livre: «Nous n'appartenons pas au Pape, mais le Pape nous appartient; à nous de ne pas être jugés par lui, mais de le juger lui-même: car l'homme spirituel n'est jugé par personne, et juge tout le monde.» [190].

  A023001299 

 Mais je me vois pris; nulle voie pour m'échapper.» Et peu après: «Si encore aujourd'hui quelqu'un pouvait me prouver, par un témoignage solide des Ecritures, que dans le Sacrement de l'Eucharistie il n'y a que du pain et du vin, il ne serait pas nécessaire de m'entreprendre à ce sujet sur un ton si mordant; car je suis, hélas! porté plus qu'il ne faut de ce côté, autant que je puis connaître la nature de l'Adam qui est en moi.» Peut-on imaginer, je le demande, un esprit plus contentieux que celui de cet homme, qui ne cherche pas, selon ses propres expressions ce qui est vrai ou faux, mais ce qui peut ennuyer le Pape ou l'Eglise, et étudie, non par amour et désir de la vérité, mais par haine de la Papauté?.

  A023001301 

 Bien qu'il ne parle pas expressément de Calvin, qui du vivant de Luther n'était encore ni tellement décrié, ni tellement fameux, cependant ce qu'il dit des autres chefs des sacramentaires ne s'applique-t-il pas parfaitement à Calvin, d'autant plus orgueilleux et arrogant que les autres qu'il est venu après eux? Si, en effet, Carlostadt et Zwingle ont été arrogants en contredisant leur père Luther, plus arrogant certes a été Calvin en contredisant Luther, Zwingle et tous les chrétiens de tous les âges.

  A023001301 

 Quoi de plus arrogant que l'accusation lancée par Calvin contre tous les Pères, qui, d'après lui, seraient tombés dans l'erreur ou auraient parlé avec [193] arrogance? De même, quoi de plus arrogant que Bèze, qui attribue au seul Calvin l'honneur d'avoir vu juste, d'avoir découvert la vérité au sujet du mystère de l'Eucharistie, comme si personne, absolument personne d'entre les mortels, n'avait possédé la vraie doctrine sur l'Eucharistie avant l'époque de Calvin? Et que donne-t-il à entendre, je vous prie, lorsqu'à la fin de la Vie de Calvin écrite par lui, Bèze ajoute ces paroles d'Elisée voyant Elie enlevé au ciel: Mon père, mon père, char d'Israël et son conducteur! sinon qu'il veut qu'on prenne Calvin pour Elie et lui-même pour Elisée?.

  A023001309 

 Bonté de Dieu! c'est précisément de ce a qu'il s'agit, à savoir, qui interprète mieux les Ecritures..

  A023001309 

 Nous [195] lui opposons la vraie, l'authentique, celle qui ressort proprement de la force et de la signification des mots; il ne l'admet pas.

  A023001309 

 On demande qui de nous interprète plus justement, car il n'est pas admissible que quelqu'un soit témoin et juge dans sa propre cause; lui, pour ne pas sembler vaincu, pour en imposer aux vieilles femmes et au vulgaire, il en appelle à l'Ecriture.

  A023001309 

 Pourquoi avez-vous le droit d'examiner leur sentence et leur interprétation, plutôt qu'eux ou nous celui d'examiner la vôtre, et qui sera juge en face d'un droit égal pour tous? S'ils se trompent dans leur interprétation, parce qu'ils ont été hommes, comme vous objectez, pourquoi ne pouvez-vous vous tromper vous-même? N'êtes-vous pas aussi un homme, [ou tout au moins une bête]? Je n'imagine pas, en effet, que vous soyez un ange ou un dieu, ou quelque chose d'inanimé.

  A023001309 

 Qui ne voit ici les détours de l'audace et de l'entêtement? En somme, il veut qu'on l'entende lui seul, qu'on lui prête foi à lui seul.

  A023001309 

 Qui vous a donc établi leur juge? c'est justement de cela que nous nous enquérons.

  A023001310 

 De là, la nécessité des juges, même dans les affaires profanes; à plus forte raison celle des Conciles dans l'Eglise de Dieu, de peur que, s'il n'y a aucun juge qui prononce sans appel, le mauvais vouloir des parties et leur envie de disputer n'empêchent qu'il y ait jamais une fin aux litiges et aux appels..

  A023001310 

 Que faire avec ces impies qui toujours marchent en louvoyant, et reviennent sans cesse à l'endroit d'où on les a souvent chassés? Quelle obstination plus impudente que celle de ne pas s'en tenir au jugement de l'Eglise, des Pères, des Conciles? Comment finir une discussion d'une telle importance, si personne ne peut trancher le litige et n'a l'autorité de définir en dernier ressort la question? Sans aucun doute le désir de disputer sera sans fin.

  A023001311 

 Cependant, insisté-je, qui jugera si le Concile porte une sentence conforme aux Ecritures? Moi, répond Luther, car « l'homme spirituel juge de tout.» Ainsi, du Concile et du jugement du monde entier tu en appelleras à toi et à toi seul? Ainsi, le suprême arbitre du droit divin et humain, ce sera la tête de Luther, tête folle, qu'elle vous plaise ou non?.

  A023001319 

 Sainte Marie, secours les malheureux, aide les pusillanimes, console les affligés; prie pour le peuple, interviens en faveur du clergé, intercède pour les femmes consacrées à Dieu; qu'ils sentent ton aide tous ceux qui célèbrent ta sainte mémoire.

  A023001319 

 Sois toujours intéressée aux désirs de tes clients et [200] obtiens à tous ce qu'ils souhaitent; occupe-toi à prier sans cesse pour le peuple de Dieu, toi qui as mérité, ô Bénie, de porter le Rédempteur du monde, qui vit et règne dans les siècles des siècles.».

  A023001320 

 Ainsi donc, de ce que la manne n'a pas la saveur d'un pain céleste pour les rebelles et les méchants, faudra-t-il dire que la manne cessera d'être un pain descendu du ciel? Parce que le soleil ne luit pas au profit du hibou, ne luira-t-il pas à notre profit? A ce compte-là, c'en est fait de toute l'Ecriture, comme notre Augustin l'a savamment montré autrefois contre Faustus lequel, avec l'insolence habituelle des hérétiques, prétendait non authentiques, mais falsifiés, les passages de la Sainte Ecriture qui lui étaient opposés..

  A023001320 

 Il faut cependant pardonner de bonne grâce à des gens qui se moquent si sottement des écrits des Pères, lorsque nous les voyons en agir ainsi à l'égard des Saintes Ecritures elles-mêmes, qu'ils n'admettent ou ne rejettent que suivant leur propre goût.

  A023001320 

 Qui en juge ainsi, vous ou moi? Que restera-t-il qui ne puisse être sûrement nié, si cette façon de rejeter l'autorité des Pères est une fois admise? Car si les passages les plus clairs doivent être examinés suivant le goût de ceux qui discutent, ils ne seront jamais du goût des contradicteurs.

  A023001321 

 J'ai vu un des premiers ministres de Genève qui, après s'être insolemment emporté contre l'intercession des Saints, ne pouvant être convaincu par l'autorité non seulement de l'Ecriture, mais aussi des Pères, finit par dire qu'il s'avouerait vaincu s'il était prouvé qu'Augustin eût jamais invoqué la Bienheureuse Vierge.

  A023001322 

 C'est là un trait commun à tous les hérétiques présents et passés, ainsi que l'a autrefois observé notre Vincent de Lérins: «Lorsque,» dit-il, «ils complotent d'échafauder une hérésie sous un faux nom, le plus souvent ils s'emparent de paroles écrites un peu trop obscurément par quelque ancien, pour que, par leur obscurité même, elles s'accordent en quelque façon à leur enseignement, et afin que le je ne sais quoi qu'ils émettent, ils ne paraissent ni les premiers ni les seuls à l'émettre.» Notre distingué ministre, dont nous venons de parler, appliquant cette façon de faire à tous les passages si clairs d'Augustin que nous avons cités, opposait ce seul endroit où, à propos du Christ, il s'exprime ainsi: «Il est le Prêtre qui, maintenant entré dans l'intérieur du voile, est seul, de tous ceux qui ont porté la chair, à intercéder pour nous.» Ainsi ce docteur subtil voulait montrer une contradiction entre Augustin et [204] Augustin, sans voir que dans le dernier texte il s'agit de l'intercession qui s'opère par la rédemption, ce que le contexte indique très clairement.

  A023001322 

 Cela s'est bien vu lors de la dispute publique qui eut lieu entre l'Illustrissime Cardinal et.

  A023001322 

 Nos novateurs se complaisent surtout dans leur opiniâtreté, lorsqu'ils rencontrent dans les livres des Pères quelque expression qui semble leur être favorable au premier aspect et seulement en apparence.

  A023001330 

 Aussi ne reconnaissons-nous pas les Saints comme médiateurs, c'est-à-dire comme se tenant entre Dieu et nous, à la manière du [207] Christ, qui est en effet entre Dieu et nous, parce qu'il participe à la fois à la nature divine et à la nature humaine, étant Fils de Dieu et fils de l'homme; mais nous invoquons les Saints, pour que ceux-ci coopèrent aux prières que nous adressons par l'intermédiaire du seul Jésus-Christ notre Seigneur.

  A023001330 

 Comme cependant nous comprenons qu'ils sont, eux, plus agréables au Christ et, en quelque manière, plus rapprochés de lui, étant déjà dans la gloire, la plupart des Anciens les ont appelés médiateurs: non point pour la raison qui fait donner au Christ le nom de Médiateur, parce qu'il occupe vraiment ce que je nommerai le milieu mathématique, mais parce qu'on dit de quelqu'un qui est rapproché d'un autre, même d'une distance minime, qu'il tient le milieu entre cet autre et celui dont il est éloigné davantage.

  A023001330 

 Nous répondons en termes on ne peut plus clairs et précis que nous ne donnons de coadjuteurs, ni à Dieu que nous prions, car nous savons fort bien qu'il n'a pas besoin de coadjuteurs pour faire miséricorde, ni au Christ par qui nous prions, attendu que nous savons que son intercession auprès du Père est toute-puissante; mais c'est à nous qui prions, que nous donnons des coadjuteurs, en ce sens que nos prières sont aidées par celles de nos frères, les pieux et les saints surtout, pour que Dieu les exauce par le seul Christ.

  A023001331 

 A quoi rime une opinion aussi impie, sinon à satisfaire le besoin de contredire qui tenait notre malheureux?.

  A023001337 

 Sed quid Bezae testimonio indigemus? Habemus reum confitentem se immodeste et scribere et agere, ac eo plane modo qui deceat hominem qui, ut ipse loquitur, non sit compos sui.

  A023001338 

 Hoc cum notissimum sit omnibus qui Romam noverunt, non cessant [210] tamen Romanenses theologi,» etc. Quem, obsecro, non pudeat tam virulenti mendacis hujus et impostoris? Et tamen, quod impudentiam facit intolerabilem, testatur ille eodem loco, non de hominibus se loqui, sed de Cathedra Romana; ut merito possimus ei objicere verba illa Augustini, quae supra retulimus: «Cathedra» tibi «quid fecit Petri?».

  A023001338 

 Mirabitur sane inscitiam et miseriam illorum, qui tales homines habuerunt pro Ecclesiae reformatoribus et pietatis ac religionis instauratoribus habentque.

  A023001338 

 «Ad homines,» inquit, «si veniamus, satis scitur quales reperturi simus Christi vicarios: Julius scilicet et Leo et Clemens et Paulus christianae fidei columnae erunt primique religionis interpretes, qui nihil aliud de Christo tenuerunt, nisi quod didicerant in schola Luciani.

  A023001339 

 Audi Calvinum: «Colligimus,» inquit, «nihil Papistas Christo reliquum facere, qui pro nihilo ducunt ejus intercessionem, nisi accedant Georgius et Hippolytus, aut similes larvae.» Et alibi mentitur impudentissime, et imponit Catholicis, quod «in suis omnibus Litaniis, Hymnis et Prosis, ubi Sanctis mortuis nihil non honoris defertur, nullam Christi mentionem» faciant.

  A023001339 

 In summa, nihil isti aut in Cælo aut in terra intactum reliquerunt [211]; neque sane fuit aequum ut Angelico Doctori parcerent isti, qui nec Angelis nec ipsi Deo pepercerunt..

  A023001346 

 En ce qui regarde Luther, il a mené sa campagne avec tant de pétulance et d'injures, que Bèze ne craint pas de le lui reprocher.

  A023001346 

 Mais qu'avons-nous besoin du témoignage de Bèze? Le coupable lui-même avoue qu'il a agi et écrit d'une manière inconvenante, de la manière, dit- il, qui convient à quelqu'un qui ne se possède pas.

  A023001347 

 Il s'étonnera sans doute de la sottise et de la misère de ceux qui ont pris et prennent de tels hommes pour des réformateurs de l'Eglise et des rénovateurs de la piété et de la religion.

  A023001347 

 Mais pourquoi énumérer trois ou quatre Pontifes, comme si ce qu'ont professé il y a déjà longtemps et professent encore de nos jours, en matière de religion, les Pontifes avec tout le Collège des Cardinaux, était chose douteuse? Car le premier point de la théologie cachée qui a cours parmi eux, c'est qu'il n'y a pas de Dieu; le second, c'est que tout ce qui a été écrit et qui est enseigné du Christ n'est que mensonge et fable.

  A023001347 

 Quoique ceci soit très notoire pour tous ceux qui connaissent Rome, les théologiens de Rome ne cessent [210] pas,» etc. Qui, je vous prie, n'aura honte d'un menteur et d'un imposteur de cette virulence? Et cependant, ce qui rend cette impudence intolérable, c'est que, au même endroit, Calvin affirme qu'il ne parle pas des personnes, mais de la Chaire de Rome; de sorte qu'on peut lui objecter la parole d'Augustin rapportée ci-dessus: «Que» t'a «donc fait la Chaire de Pierre?».

  A023001347 

 «Si,» dit-il, «nous en venons aux personnes, l'on sait assez quels vicaires du Christ nous trouverons: Jules, Léon, Clément, Paul seront les colonnes de la foi chrétienne et les premiers interprètes de la religion, eux qui n'ont admis au sujet du Christ que ce qu'ils avaient appris à l'école de Lucien.

  A023001348 

 Ecoutez Calvin: «Nous concluons que les papistes ne laissent rien au Christ, eux qui ne comptent pour rien son intercession, si elle n'est pas accompagnée de celle de Georges, d'Hippolyte ou de semblables fantômes.» Ailleurs il ment avec la plus grande effronterie, en accusant les catholiques de ne faire «aucune mention du Christ dans toutes leurs Litanies, Hymnes et Proses où ils ne refusent aucun honneur aux Saints défunts.» Quant à Luther, il fait si bien, dans un certain passage, le procès du bienheureux Thomas d'Aquin, qu'il n'a pais honte de dire de lui qu'il est probablement damné! En somme, ces hérétiques n'ont rien respecté, ni au Ciel ni sur terre; et vraiment il était juste qu'ils [211] n'épargnassent pas le Docteur Angélique, eux qui n'ont épargné ni les Anges ni Dieu lui-même..

  A023001356 

 Ducunt eam omnes a Luthero, qui primus omnium omnino earum auctor fuit.

  A023001356 

 Et Luthero quidem id pro gloria est, quod primus et solus fuerit, qui turbas excitavit; nam congratulatur sibi ipsi, quod «Germani, suspensis animis, expectabant» quem eventum habitura esset contentio quam ipse excitaverat et «quam,» inquit, «nullus antea, neque episcopus, neque theologus ausus esset attingere.» Tantique fecit hanc haereticam laudem, ut injuriae loco duxerit, si quando suas opiniones ab aliis didicisse diceretur; cumque plerique Hussitam eum esse existimarent, reclamat ipse et exclamat: «Non recte vocant, qui me Hussitam appellant, non enim mecum ille sentit; sed si ille fuit haereticus, ego plus decies haereticus sum, cum ille longe minora et pauciora dixerit.» At videamus quibus viis et quo genio Lutherus in hanc doctrinae novitatem venerit.

  A023001356 

 Quare falso,» inquit, «eum» criminantur, «qui a plausibili causa exorsum dicunt, ut postea mutaret rempublicam et vel sibi vel aliis potentiam quaereret.».

  A023001358 

 Primum, quod Lutheri novitas incepit ab odio Dei, omnium peccatorum gravissimo: fons sane dignus fuit, qui tot haeresum rivulos profuderit..

  A023001359 

 At vero non sic ille, non sic, qui laetus cantat: Justus Dominus et justitiam dilexit; æquitatem vidit vultus ejus.

  A023001360 

 Tertium est, quod ignorantiam suam crassissimam prodit Lutherus, cum dicit omnes Doctores, excepto Augustino, locum Pauli ad Romanos de justitia Dei puniente interpretatos fuisse; nam, ut omittam Chrysostomum et Theodoretum, divus sane Thomas et Lyranus, qui [216] omnibus obvius est, de justitia qua Deus nos justificat, palam interpretantur; tametsi contraria quoque expositio non sit omnino improbabilis..

  A023001361 

 Quartum est, quod impudentiam suam Lutherus ostendit, cum Psalmi locum supra citatum dicit a nemine Catholicorum et Patrum fuisse intellectum de justitia qua Deus nos justificat; nam et Augustinus ipse et Lyranus et Glossa ordinaria sic plane interpretantur: In justitia tua libera me, id est, quia mea justitia, quae nulla est, liberari non possum, tua, Deus bone, liberari exopto; quamquam, quod ad locum illum attinet, docte Glossa ordinaria animadvertit interpretationem illam esse potius moralem, cum, secundum litteram, de justitia Dei judicantis Psalmista loquatur, quasi dicat: Cum justus sis, Domine, eripe me et libera me de manibus persequentium me, qui injuste me opprimunt et persequuntur.

  A023001362 

 Nam et ipsi Romano [217] Pontifici diu blanditus est et, cum adversus Regem Angliae injuriose scripsisset, misit ad eum postea epistolam, in qua blanditiis et lenociniis conatur animum Regis demulcere, scribens in himc modum: «Conscius mihi sum gravissime offensam esset Tuam Majestatem libello meo, quem stultus et praeceps edidi.» Et paulo post: «Vehementer,» inquit, «nunc pudefactus, metuo oculos coram Majestate Tua levare, qui passus sum levitate ista me moveri in talem tantumque Regem, praesertim cum sim fex et vermis, quem solo contemptu oportuit victum aut neglectum esse.» Deinde veniam petit, ad Regis pedes prostratus, et promittit se palinodiam cantaturum, si Rex velit.

  A023001362 

 Pius vir sane, qui pium existimat etiam per mendacia veritati inservire!.

  A023001371 

 Denique omnibus qui Lutherum sequuntur, verissimam hanc et turpissimam semper inuremus notam, vel ex ipsius Lutheri confessione, quam cavillari jam nemo possit: Vos ex patre diabolo estis..

  A023001371 

 Glorietur ergo Lutherus quantum volet, cum suis sectatoribus, doctrinam se suam adversus Missam a Sathana accepisse; nos Apostolum audiemus semper, qui de eodem tractans mysterio, sed longe aliter quam Lutherus, ait: Ego autem accepi a Domino quod et tradidi vobis.

  A023001371 

 Quis unquam, Deus bone, audivit talia? quis vero nunc audiat sine horrore? quis denique, talia fando, temperet a lachrymis? [222] Et tamen inveniuntur, heu nimis! quam multi homines, qui tam diris, foedis et foetidis ex inferno allatis opinionibus glorientur, auctoremque diabolum sequantur.

  A023001381 

 Il est évident que ce n'est pas sous l'impulsion divine qu'il a commencé toute l'affaire (bien qu'il se vante ailleurs, comme le font tous les hérétiques, d'avoir été appelé par Dieu), mais que ç'a été par un entraînement [213] humain et tout à fait charnel: «C'est,» dit-il lui-même, «par hasard, non volontairement et à dessein, que je me suis jeté dans ces agitations; j'en atteste Dieu lui-même.» Qu'y a-t-il de plus opposé à une impulsion divine que ce qui arrive par hasard? Quoi de plus clair, d'après les paroles ci-dessus, que notre apostat s'est jeté, non dans la prédication pacifique de l'Evangile, mais dans les agitations? Et il n'est pas le seul à affirmer cela; Philippe Mélanchton, fameux luthérien, s'exprime ainsi: «Tels ont été les commencements de cette controverse dans laquelle Luther, ne soupçonnant ou ne rêvant rien au sujet du changement futur des rites, ne répudiait pas même absolument les Indulgences, mais y réclamait seulement de la modération.

  A023001381 

 Ils font donc erreur ceux qui l'accusent d'avoir débuté sous l'impulsion d'une cause plausible, pour changer ensuite l'état public des choses et se procurer la puissance, à lui ou à d'autres.».

  A023001382 

 Les premiers mobiles qui ont porté Luther à abandonner la doctrine catholique, ont été en fait de purs et très grossiers blasphèmes.

  A023001382 

 Puis il ajoute: «Chaque fois que je lisais ce texte, je souhaitais que Dieu n'eût jamais révélé l'Evangile; car, qui peut aimer un Dieu qui s'irrite, qui juge, qui condamne?» De nouveau ailleurs: «Autrefois, lorsqu'il me fallait lire, en priant, ce texte du Psaume: Délivre-moi dans ta justice, j'étais tout pénétré d'horreur, et de tout mon cœur je haïssais cette parole.» Et peu après: «Ici, vraiment, tous les Pères, Augustin, Ambroise, etc., se sont trompés, et se sont heurtés à ce passage comme à une pierre de scandale.» C'est de cette haine d'un Dieu irrité et juste, qu'il passa à la méditation où il dit avoir trouvé sa foi justifiante: «Alors je me sentis renaître et entrer, toutes portes ouvertes, en plein Paradis.

  A023001382 

 Voici, en effet, ce qu'il écrit de lui-même: «Je haïssais ce mot: Justice de Dieu, que, par suite de l'usage de tous les docteurs, j'avais appris à comprendre philosophiquement de la justice formelle et active de Dieu, par laquelle Dieu est juste et punit les [214] pécheurs et les coupables.» Et peu après: «Je n'aimais pas, bien plus, je haïssais un Dieu juste et punissant les pécheurs, et je m'indignais contre lui en silence; ce qui, si ce n'était un blasphème, était certes un grand murmure.» Et ailleurs, expliquant ce texte de saint Paul: La justice de Dieu est révélée dans l'Evangile, il dit que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, l'ont interprété dans le sens de justice punissante de Dieu.

  A023001384 

 En second lieu, que Luther ne s'amenda pas après avoir lancé son hérésie, mais persista dans cette haine exécrable: «Car,» dit-il, «qui peut aimer un Dieu qui s'irrite, qui juge, qui condamne?» Par ces paroles, non seulement il affirme sa haine de Dieu, mais aussi son impossibilité passée et présente d'aimer Dieu.

  A023001384 

 Telle n'est pas, certes, la disposition d'esprit de celui qui chante avec joie: Le Seigneur est juste et aime la justice; son visage considère l'équité.

  A023001386 

 Seigneur, délivrez-moi des mains de mes persécuteurs, qui m'oppriment et me persécutent injustement.

  A023001387 

 Car longtemps il flatta le Pontife Romain lui-même, et, quoiqu'il eût écrit injurieusement contre le Roi d'Angleterre [217], il lui envoya ensuite une lettre où, par des flatteries et des caresses, il s'efforce d'amadouer l'esprit du Roi en écrivant sur ce toi: «J'ai conscience que Votre Majesté a été très gravement oflfensée par mon petit livre que j'ai fait paraître sottement et précipitamment.» Et peu après: «Maintenant, grandement honteux, je n'ose lever les yeux devant Votre Majesté, moi qui me suis laissé aller à agir par légèreté contre un tel et si grand Roi, étant donné surtout que je ne suis que du rebut et un ver de terre, qui méritait seulement d'être vaincu ou laissé de côté par mépris.» Ensuite, à genoux aux pieds du Roi, il demande pardon et promet, si le Roi le désire, de chanter la palinodie.

  A023001387 

 Homme pieux, certes, qui estime faire acte de piété en servant la vérité même au prix de mensonges!.

  A023001387 

 Luther, après avoir ainsi commencé son enseignement, usa de nombreux mensonges et hypocrisies, chose qui devait arriver, pour établir son hérésie.

  A023001388 

 Qui croira jamais que ces lèvres trompeuses d'un Luther parlant d'un cœur double, ont été choisies par Dieu pour allumer de nouveau dans le monde la lumière de l'Evangile! Où a-t-on jamais vu ou lu qu'une hérésie ait eu des origines si basses et plus exécrables que celle où tout a commencé, non sous l'impulsion d'un motif sérieux et volontairement, mais par l'effet du hasard; par haine de Dieu, non par amour; au moyen de mensonges et d'hypocrisie, non pour la vérité? Quant à son auteur, c'était un homme fauteur de troubles et tellement violent, que, au témoignage de Philippe Mélanchton, non seulement Erasme, mais aussi le duc Frédéric, soud la protection et les auspices duquel Luther lança [219] son aventure tragique, lui souhaitaient une douceur et une modération que lui-même reconnaissait lui faire défaut, en avouant qu'il agissait sans être en pleine possession de soi-même..

  A023001394 

 Mais quelle a bien pu être, je le demande, la cause d'une si grande haine? Est-ce à une persuasion céleste d'un Ange ou de Dieu qu'il faut attribuer une pareille horreur de Luther pour la Messe? Bien plus, certes: le maître qui a enseigné et occasionné ces colères de Luther contre la Messe, le beau maître bien digne que Luther jurât sur sa parole, ce fut le diable.

  A023001394 

 Qui le croira? Personne évidemment, si Luther [220] lui-même ne le dit pas.

  A023001396 

 Bon Dieu! qui entendit jamais pareille chose? qui main» tenant peut l'entendre sans horreur? enfin, qui peut retenir ses larmes en rapportant tout cela? Et cependant, hélas! on ne rencontre [222] que trop d'hommes à se glorifier d'opinions aussi effrayantes, aussi honteuses et répugnantes, apportées de l'enfer, et à se mettre à la suite de leur auteur, le diable.

  A023001396 

 Pour finir, à tous ceux qui suivent Luther, nous lancerons toujours cette apostrophe infamante on ne peut plus méritée, tirée de la confession même de Luther et sur laquelle personne ne peut chicaner: Vous autres, vous avez pour père le diable..

  A023001396 

 Que Luther se fasse gloire, tant qu'il voudra, avec ses sectateurs, d'avoir reçu de Satan sa doctrine contre la Messe; pour nous, nous écouterons toujours l'Apôtre qui, traitant du même mystère, mais bien autrement que Luther, nous dit: Pour moi, j'ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis.

  A023001407 

 Cujus periculi metuendi non eadem ratio est, cum de monarchia etiam apud democraticos aut aristocraticos magistratus honorifice loquimur; quia nullius inde tumultus nascitur occasio, cupiditate dominandi aut gubernandi multorum ex iis qui dominantur animos impediente ne monarchiam exoptent.

  A023001407 

 Neque enim ignoravit homo, qui se videri voluit tam magnum politicum, nihil esse periculosius quam populum primoresque populi titillare spe melioris gubernationis ad dominationem ambiendam vel optandam, ne, postquam ambierint vel optaverint, etiam captare nitantur.

  A023001407 

 Quan-quam autem admonet eos qui monarchis subsunt, nihil [224] praeterea movere debere, ipse tamen, qui sub tanto Monarcha natus et educatus fuerat, ostendit satis quo animo in suum Principem animatus esset, dum monarchiam spernit, eamque ait potius tolerandam majoris mali vitandi gratia, quam amandam ob suam excellentiam.

  A023001408 

 Quam vero falsissimum sit quod iste asserit, multorum dominationem unius dominationi praeferendam esse, constat ex iis omnibus qui de Republica scripserunt, quique peritiores esse creduntur rerum cum ecclesiasticarum, tum politicarum.

  A023001414 

 Secunda est propositio Lutheri jam a nobis in praecedentibus relata: «Circumstantiarum omnium quae peccata [226] aggravare communi omnium hominum sensu et opinione creduntur, nullam penitus esse distinctionem;» nec magis peccare illum qui incestum cum filia vel sorore, quam qui cum vidua extranea vel cum meretrice commiserit; nec eum qui patrem aut matrem aut principem, quam qui inimicum occiderit.

  A023001414 

 [Quod quam perniciosum sit Reipublicæ si quis est qui non videat, dignus sane est, qui cum filia vel matre incestum contraxisse, aut vitam principis attentasse accusetur, et probetur ut experiatur an idem persuasurus sit principibus aut magistratibus, quod sibi passus fuerit tam stulte persuaderi a Luthero.].

  A023001420 

 Ergone pugnandum non erit medicinis cum peste, nec providentia rei frumentariae et annonae cum fame, ideo tantum quod per hujusmodi afflictiones Deus non tantum visitet nos et castiget, sed etiam probet, approbet, perficiat? Cur ergo gladium gestat Princeps, cur arma milites, nisi ut hostes, si qui ingruent, reprimantur, et Reipublicae invasores propellantur? Inde nimirum est, quod milites laudantur etiam in Evangelio, quia et justi esse possunt, qualis ille Cornelius, nobilis centurio, de quo in Actis Apostolorum; inde, quod etiam a Joanne Baptista approbantur, non si militiam deserant, sed si neminem concutiant neque calumniam faciant et contenti sint suis stipendiis.

  A023001420 

 Tertia ejusdem Lutheri propositio est: «Adversus Turcas praeliari, esse repugnare Deo visitanti nostras iniquitates per ilios.» Qua propositione quid, obsecro, dici potest stultius, iniquius et ad totam Rempublicam Christianam perdendam accommodatius? Ergone grassatores viarum, [227] depopulatores agrorum, incendiarios, hostes denique domi forisque infestantes nulius Principum reprimere debebit? Certum enim est perditos homines qui vexant bonos, ita facere, Deo permittente, ut eorum vexatione boni visitentur a Deo et corrigantur.

  A023001428 

 Qui potestati resistit, Dei ordinationi resistit; qui autem resistunt, ipsi sibi damnationem acquirunt.

  A023001428 

 Quid tu ad hoc, Calvine? Non vides etiam conscientiis nostris negotium esse cum hominibus, iis scilicet, qui Dei vices gerunt in administranda republica, sive ecclesiastica, sive politica? Hoc autem Calvini placito quam imminuatur auctoritas Principum et legum videre quilibet potest, sentire autem et experiri etiam Principes [230]ipsi, si impias istas et seditiosas voces in Republica sua invalescere patientur..

  A023001434 

 Deinde, sigillatim de Gallis et Hispanis loquens, ne forte putes de Turcis illum aut Indis scribere: Hinc videmus, inquit, quanta sit hominum stultitia, qui potentem Regem et multis ditionibus imperantem appetunt, et quam merito ambitionis suae dent poenas.

  A023001435 

 [O Reges, o Principes, permittite ut pro vestra proque populorum vestrorum securitate liceat mihi exclamare: [231] Quid agitis? Quid expectatis, qui tam perniciosae pestilentisque doctrinae auctores et sectatores in ditionibus vestris fovetis, amatis et quasi magnos Dei prophetas recipitis? Vos enim solos appelio et miror, non ilios qui, ne bellis et factionibus turbent omnia, toierant propemodmn inviti etiam quos oderunt.] Quando autem foelicius beatiusque regnis et populis res cedunt, quam cum Principes eorum, dummodo juste et ex sequo, amplissimis provinciis dominantur? Quando beatius actum est cum Gallis, quam regnante Carolo Magno, Rege ac Imperatore potentissimo? Quando foelicius cum Israelitis, quam regnante magno Salomone?.

  A023001441 

 Ergo, qui reges per Deum regnant, iidem per Deum quoque leges condunt, ut justa decernant.

  A023001447 

 Contra quem diserte Rex David admonet reges omnes ut serviant Domino in timore et tremore: Et nunc, inquit, reges, intelligite; erudimini qui judicatis terram.

  A023001454 

 Hoc vero, si quisquam ullibi gentium Princeps est adeo Lutheranus, qui tecum, Luthere, ita esse fateri velit, bene consulis, et dignum agis tam indigno Principe consiliarium, cum Nembrothicos Principes non Christianismo, sed atheismo, vis operam suam navare.

  A023001454 

 Sed non habebis fatentes aut ferentes tot Reges, Duces et Principes christianos et catholicos, qui, sicut caetera tua dogmata impietatis damnant, ita et hoc tam stultum et contumeliosum maledictum tuae adscribunt temeritati et impudentiae, parumque curant quid tu de iis senseris, dummodo gratam Ei servitutem exhibeant «cui servire regnare est.».

  A023001455 

 Nec enim hodie quisquam fere uliibi gentium fit haereticus, si eos excipias, qui vel nascuntur inter haereticos [237] et ex haereticis neque ullas de religione nostra Catholica nisi calumniantium voces unquam audiverunt; vel a monachatu et sacerdotio magis quam a religione deficiendi votum gerunt, ut scelerum quibus apud nos sunt infames, impunitatem sibi apud haereticos quaerant; vel luxuriae et scortationis licentiam, quam conscientiae libertatem vocant, laxiorem et liberiorem nanciscantur; vel denique utilitatis alicujus aut etiam erubescentiae, magis quam scientiae aut conscientiae, rationibus ullis, ne ad nos redeant, prohibentur.

  A023001456 

 Doleo sane, et ex corde doleo, ac propemodum flens haec scribo, tam multos adhuc superesse, qui, tot nugis istis ab infantia imbuti, adeo pertinaciter in iis perstant; viros alioquin maximos et doctrina ingenioque clarissimos; quin etiam ex iis non paucos, quod magis me cruciat, et jurisconsultos et mihi amicissimos, quos, extra causam religionis [238], colo colamque semper singulari observantia.

  A023001457 

 Quam multa jam habetis exempla eorum qui ex vestris aliquando, et inter vestros clarissimi, fuerant; quos, in Ecclesiam Dei reversos, puduit duntaxat fecisse tardius, quod citius fieri oportuerat! Non negatis nostram esse et Romanam Ecclesiam iliam, cujus vos dicitis reformatores; ergo veram esse fatemini; alioqui Mahumetismum et Alcoranum, non Ecclesiam Romanam reformandam suscipere oportebat, si nihil nisi abusuum multitudinem et reformationem falsae Ecclesiae quaerebatis.

  A023001457 

 Quod si vera nostra Ecclesia est, cur aliam quaeritis? cur novam facitis? Abusus quos in ea tam multos esse vobis falso persuasum erat, emendandi fuerant, si qui erant, at non a vobis, sed a Pastore et Rectore Ecclesiae; ipsa vero Ecclesia eadem semper retinenda, quae nova fieri non poterat quin hoc ipso fieret falsa.

  A023001457 

 Satis jam superque Luthero, Calvino et genio dedistis, qui nugatorum istorum novitates antiquis Patribus, Concilio Tridentino totique Dei Ecclesiae hactenus practulistis.

  A023001457 

 Vos ergo, viri magni, quotquot et ubicumque estis, praesertim qui me amatis, supplex oro per viscera misericordiae Christi Domini, ut tanti momenti rem serio tandem et tranquillo, ut decet, animo, ac in humilitatis, non in superbiae, spiritu, quod hactenus factum est, examinetis.

  A023001464 

 [Même à ne tenir compte que de l'ennui qu'il y a à s'occuper de pareille matière, il serait temps que je misse fin à cette discussion [223] qui m'a retenu plus longtemps que je n'avais pensé, si je ne me voyais obligé, par le zèle du bien public, de dévoiler le plus brièvement possible la ruine toujours plus grande dont les inventions de nos novateurs menacent les intérêts civils des chrétiens.

  A023001470 

 Lorsque nous parlons de monarchie avec louange, et cela même en présence de magistrats représentant la démocratie ou l'aristocratie, le même danger n'est pas à craindre, parce qu'il n'en saurait résulter aucune occasion de trouble, le désir de dominer ou de gouverner empêchant le grand nombre de ceux qui sont au pouvoir de souhaiter la monarchie..

  A023001470 

 Notre homme, en effet, qui a voulu passer pour un grand politique, n'a pas ignoré que rien n'est plus dangereux que d'exciter le peuple et la partie dirigeante du peuple, par l'espérance d'un gouvernement meilleur, à ambitionner ou désirer le pouvoir; car, après l'avoir ambitionné ou désiré, ils peuvent chercher à le capter.

  A023001470 

 Tout en avertissant ceux qui sont soumis à des monarques de n'avoir rien à changer [224] à l'état de choses, lui-même cependant, né et élevé sous un si grand Monarque, montre assez de quel esprit il était animé envers son Prince, puisqu'il méprise la monarchie et enseigne qu'il faut plutôt la tolérer, pour éviter un plus grand mal, que l'aimer à cause de son excellence.

  A023001471 

 Bien plus, parmi les animaux qui vivent en troupeaux, l'un d'eux est toujours le chef des autres: ainsi pour les éléphants, les cerfs, les brebis, les grues, les abeilles et les huîtres perlières, etc. En effet, ce mode de gouvernement, qui se rapproche davantage de celui du Dieu très bon et très grand, de même qu'il est le meilleur de tous, est aussi le plus souhaitable et le plus aimable, en sorte que Dieu semble en avoir répandu le désir dans la nature elle-même en la créant..

  A023001471 

 Quant à la fausseté de l'assertion de Calvin: à savoir, que la domination de plusieurs est préférable à la domination d'un seul, elle ressort du témoignage de tous ceux qui ont écrit sur le gouvernement de l'Etat, et qui sont réputés particulièrement renseignés sur les matières tant ecclésiastiques que civiles.

  A023001483 

 Avec quelle gloire ils retournent victorieux du combat! Et ceux qui meurent au combat, quels bienheureux martyrs! La vie est pleine de fruits, la victoire pleine de gloire, mais à l'une et à l'autre est préférée une mort sainte.» Et plus loin: «Les soldats du Christ combattent avec assurance les combats de leur Seigneur, sans craindre le péché en tuant les ennemis, ou le péril en étant eux-mêmes tués.

  A023001483 

 La troisième proposition est encore de Luther: «Combattre contre les Turcs, c'est s'opposer à Dieu, qui visite nos iniquités par leur moyen.» Que peut-on dire, je le demande, de plus insensé, de plus inique et de mieux fait pour perdre toute la République chrétienne que cette proposition? Faudra-t-il donc qu'aucun prince [227] ne réprime les brigands des grands chemins, les ravageurs des champs, les incendiaires, enfin les ennemis qui portent la ruine au dehors ou au dedans? Il est en effet certain que les hommes pervers qui tourmentent les bons, le font pour que, avec la permission de Dieu, ceux-ci soient visités par Dieu et corrigés.

  A023001492 

 Celui qui résiste à l'autorité résiste à l'ordre de Dieu; mais ceux qui résistent attirent sur eux-mêmes la condamnation.

  A023001492 

 Et cependant il s'écrie: Que toute âme soit soumise aux autorités supérieures, car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu.

  A023001492 

 Que réponds-tu à cela, Calvin? Ne vois-tu pas que nos consciences ont aussi affaire avec les hommes, à savoir avec ceux qui tiennent la place de Dieu dans l'administration du pouvoir ecclésiastique ou politique? Combien la proposition de Calvin diminue l'autorité des princes et des lois, chacun peut le voir, et les princes eux-mêmes peuvent le sentir et l'expérimenter [230], s'ils permettent à ces enseignements impies et séditieux de prendre racine dans leurs Etats..

  A023001498 

 Aujourd'hui la France et l'Espagne se glorifient d'obéir à de grands Princes; mais elles sentent à leurs dépens combien futile est ce qui les fascine sous le fallacieux prétexte de la gloire.

  A023001498 

 Puis, parlant en particulier des Français et des Espagnols (on aurait pu croire qu'il parlât plutôt des Turcs ou des Indiens), il ajoute: Nous voyons dès lors quelle est la sottise de ceux qui désirent un roi puissant et commandant à de nombreuses provinces, et combien justement ils sont punis de leur ambition.

  A023001499 

 [O Rois, ô Princes, permettez-moi de crier, pour votre sécurité et celle de vos peuples: Que faites-vous? Qu'attendez-vous, [231] vous qui dans vos Etats favorisez, chérissez et recevez comme de grands prophètes de Dieu les auteurs et les sectateurs d'une doctrine aussi pernicieuse et pestilentielle? C'est vous seuls, en effet, que j'interpelle, en m'étonnant de votre conduite; non ceux qui, pour empêcher les guerres et les factions de tout troubler, font comme malgré eux acte de seule tolérance, même à l'égard de gens qu'ils haïssent.] Quand donc les royaumes et les peuples vivent-ils plus heureux que lorsque les princes gouvernent de très vastes provinces, pourvu qu'ils le fassent avec justice et équité? Quand donc la France a-t-elle été plus florissante que sous Charlemagne, roi et empereur très puissant? Quand donc les Israelites ont-ils été plus heureux que sous le règne du grand Salomon?.

  A023001505 

 Aussi la Sagesse éternelle dit-elle ceci: C'est par moi que les rois règnent, et que les législateurs décrètent ce qui est juste.

  A023001505 

 Donc, ceux qui, comme rois, règnent par Dieu, ceux-là aussi par Dieu font des lois afin de décréter ce qui est juste.

  A023001505 

 Il est inutile de discuter cette proposition d'après ce qu'en disent Aristote et les auteurs profanes; [je voudrais plutôt, si nous avions le loisir de le faire avec toute l'ampleur et l'abondance requises par la matière, traiter celle-ci comme elle le mériterait, d'après les raisons qui conviennent à un jurisconsulte, et que nous [233] fournirait facilement notre Jurisprudence.] Qu'il suffise de dire que jamais chez les chrétiens un état n'a été administré sans lois..

  A023001505 

 La sixième proposition est de Luther (nous parlons indifféremment de Luther et de Calvin, parce que nous ne croyons pas que leur enseignement soit fort dissemblable): «Aucun état n'est heureusement administré par des lois.» Et lorsque nos docteurs [232] catholiques eurent tiré cette proposition des assertions de Luther et la lui eurent opposée comme une très absurde erreur, lui, non seulement ne la nia pas, mais l'affirma expressément et en donna la raison par ces paroles: «C'est là un fait d'expérience.» Quelle expérience, ô Luther? As-tu connu, peut-être, de tes yeux, par ouï dire, ou par tes lectures, un état monarchique, aristocratique ou démocratique, qui ne soit régi et dirigé par des lois? Es-tu par hasard meilleur politique et plus prudent que le Dieu très bon et très grand, ou mieux exercé dans l'art d'administrer heureusement un état? Or, à son peuple d'Israël, Dieu a proposé et ordonné des lois à observer, non seulement morales et cérémonielles, mais aussi politiques et judiciaires.

  A023001511 

 A l'opposé, le roi David avertit expressément tous les rois de servir le Seigneur avec crainte et tremblement: Et maintenant, dit-il, comprenez, ô rois; apprenez, ô vous qui jugez la terre.

  A023001511 

 La septième proposition de Luther, par laquelle nous voulons terminer, est tirée du passage qui traite de la différence entre la loi et l'Evangile: «La conscience n'a rien à voir avec la loi, les œuvres et la justice terrestre.

  A023001512 

 Est-ce que jamais la République chrétienne a été plus heureusement administrée que sous Constantin, Théodose l'ancien, Honorius, Théodose le jeune, Justinien, Charlemagne, Louis, nos Amédée [de Savoie.] tous empereurs, rois et princes très pieux? C'est pourquoi, comme il convenait à un si grand Prophète de Dieu, Isaïe a dit, en parlant du Christ et de l'Eglise: La nation et le royaume qui ne te servira pas, périra.

  A023001512 

 Et si le Christ po rte écrit sur sa cuisse: Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ce n'est pas pour autre chose que pour apprendre aux rois qu'ils ne peuvent régner d'une manière plus heureuse et meilleure qu'en étant fidèles au Christ, à l'Evangile et à la piété, car le Christ est la Sagesse qui dit dans les Proverbes: C'est par moi que règnent les rois.

  A023001517 

 Il n'a pas honte, en effet, de qualifier tous les rois et les princes de «puissants chasseurs,» comme parle l'Ecriture au sujet de Nemrod: C'est faire trop d'honneur et donner trop de gloire, dit-il, «à la Papauté, que de dire qu'elle est la grande chasse de l'Evêque Romain»; «et cet exemple de Nemrod convient aussi à toutes les puissances séculières, auxquelles cependant Dieu veut que nous soyons soumis, en les honorant, les bénissant et priant pour elles.» Or saint Jérôme explique ainsi quel a été Nemrod et ce qui lui a valu le nom de «puissant chasseur»: c'est parce que, le premier, il s'empara d'un pouvoir tyrannique sur le peuple.

  A023001518 

 Cependant, parmi ceux qui consentirent à avouer ou à supporter cela, tu ne pourras compter tous ces rois, ducs et princes chrétiens et catholiques, qui, de même qu'ils condamnent comme impies tes autres enseignements, aussi ne craignent-ils pas de taxer de témérité et d'impudence ta sotte et injurieuse dernière proposition.

  A023001519 

 Aujourd'hui, en effet, presque personne dans le monde ne se fait hérétique; seuls à le devenir sont ceux qui naissent parmi les hérétiques [237] et d'hérétiques, et qui n'ont jamais entendu parler de notre religion catholique, sinon par des calomniateurs; ou encore, ceux qui désirent plutôt abandonner l'état monastique ou sacerdotal que la religion elle-même, pour chercher parmi les hérétiques l'impunité des crimes qui les ont rendus infâmes parmi nous; ou bien pour obtenir une plus large commodité de se livrer à la luxure et à la débauche, commodité qu'ils «appellent liberté de conscience; ou enfin, ceux qui sont empêchés de revenir à nous pour des motifs d'utilité ou même de fausse honte, plutôt que pour des raisons tirées de la science ou de la conscience.

  A023001520 

 J'ai de la peine vraiment, et une peine si profonde que je pleure presque en écrivant, de ce que tant d'hommes, nourris dès l'enfance de toutes ces sornettes, y persistent avec tant d'obstination; hommes, du reste, de grande valeur et remarquables par leur doctrine et leur esprit; bien mieux, plusieurs parmi eux (ce qui me chagrine davantage) sont à la fois des jurisconsultes et de grands amis à moi, que, en dehors de la question de religion, je vénère et [238] vénérerai toujours profondément.

  A023001521 

 Combien n'avez-vous pas d'exemples de ceux qui avaient été des vôtres, et parmi les plus illustres, et qui, après être retournés à l'Eglise de Dieu, se sentaient seulement couverts de confusion d'avoir fait trop tard ce qu'ils auraient dû faire plus tôt! Vous ne niez pas que cette Eglise, dont vous vous dites les réformateurs, est à la fois la nôtre et l'Eglise Romaine; vous avouez donc que c'est la vraie.

  A023001521 

 Je vous prie instamment, par les entrailles de la miséricorde du Christ, hommes illustres, vous tous en quelque lieu que vous soyez, vous surtout qui m'aimez, d'examiner enfin une affaire de si grande importance avec sérieux et tranquillité, comme il convient, et dans un esprit d'humilité, non de superbe, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici.

  A023001521 

 Qui croira jamais que vous avez été d'assez grands jurisconsultes pour pénétrer tous les textes les plus obscurs et les plus cachés de Papinien, et que cependant vous, même avertis et éclairés par tant de livres de nos théologiens, vous n'avez pas su percer à jour leurs inepties si sottes et puériles, si éloignées du sens commun? Revenez, je vous en prie, à l'Eglise de Dieu qui vous a reçus avec bonté à votre naissance dans le bain de la régénération, et qui, pour vous recevoir de nouveau, toute vénérable par ses soupirs et ses larmes, va au-devant de votre conversion.

  A023001521 

 Vous avez bien trop accordé à Luther, à Calvin et à leur inspiration, vous qui avez jusqu'ici préféré les nouveautés de ces imposteurs aux anciens Pères, au Concile de Trente et à toute l'Eglise.

  A023001583 

 Et affin de tellement declairer la presence de ce cors sacré au tressaint Sacrement que nul ne puisse plus douter comme les Catholiques la croyent, je dis et asseure: que le vray cors reel, substantiel, naturel de Jesus Christ, c'est a dire le mesme cors qui fut formé au ventre de la Vierge et de son tres pur sang, le mesme cors qui fut attaché en la croix et mis dans le sepulchre, le mesme cors qui fut resuscité, qui fut touché par saint Thomas, qui fut eslevé au Ciel et qui y est maintenant, lequel saint Estienne vid, ce mesme cors, dis-je, est vrayement, reellement et substantiellement present en ce divin Sacrement de l'Eucharistie..

  A023001594 

 Puysque, quant au fons de la question, qui estoit a sçavoir mon, si Nostre Seigneur avoit ordonné aux Apostres de sacrifier en l'Eucharistie, il advoüa en fin qu'ouy, et que l'Eucharistie estoit un sacrifice representant celuy de la Croix: qui estoit tout ce qu'on pouvoit pretendre sur ce point.

  A023001605 

 Or, cecy n'est pas un affaire d'Estat ou il y aille aulcun hasard de perdre aulcune place; mais il est question de maintenir par dispute, publiquement, la doctrine de laquelle on faict profession, afin de desabuser ceux qui nous tiennent pour heretiques et de raffermir les infirmes en la foy et qui s'esbranlent par la veue d'une doctrine contraire; car les escripts de nos docteurs ne peuvent estre leus ni entendus du peuple, qui veut estre esclaircy par une conference faicte par vive voix, joint que tels escripts n'ont point de replicque.

  A023001606 

 Cependant, je loue Dieu qui a encores enflammé le cueur de ces [251] bons Seigneurs pour la tüition de ceste querelle, laquelle je vois qu'ils embrassent a bon escient, n'ayants aultre veue que la gloyre de Dieu et le salut de leurs prochains: que sont tesmoignages d'une vraye charité, sans laquelle nous ne pouvons estre Chrestiens.

  A023001606 

 Mais d'aultre costé, je m'esbahis de messieurs vos Ministres qui semblent ne vouloir incliner a ce party, soubs pretexte de certaines considerations humaines: comme s'il estoyt question de fere un gros d'armee pour assaillir ou defendre quelque place! Que pleut a Dieu l'on n'eusse pas esté si prompts a eschauffer les cueurs des Princes pour s'entreliguer a la guerre! nous ne serions pas a ceste heure en peyne de ceste dispute, jouïssantz auparavant de libre exercice de nostre religion aultant paisiblement que point de nos voysins.

  A023001606 

 Mais puis que Dieu veut ainsi exercer nostre foy, et mesmes nous chastier du mespris de sa parolle, c'est a nous d'aller au devant de son ire, comme de Celuy duquel depend nostre victoyre et la delivrance de ces tentations si vives, que sans luy et sans son assistance nous n'en pouvons eschapper, nostre naturel resistant tous-jours au Sainct Esprit, a la façon dé nos peres qui ont mangé les aigretz et nous en avons les dentz agacez.

  A023001614 

 Si S. Paul n'eut retenu les batteliers, ils feussent peris en la tourmente; mais les nautonniers Qui debvoyent secourir nostre barque nous ont regardé de loing.

  A023001614 

 Toutesfois, pour l'esperance du residu qui demeure encor sus pieds [252] par la grace, je vous supplies au nom de Nostre Seigneur, que l'on ne recule plus ceste conference; aultrement tout est perdu..

  A023001629 

 Jay communiqué la vostre a ceux que jay peu de nostre Eglise, lesquels, au lieu d'en estre consolés, en ont comme receu un desespoir, puis qu'ils croyent vostre derniere resolution estre de ne vouloir entrer en dispute par vive voix: ce qui estoyt tres necessaire pour raffermir les infirmes, lesquels entrent en doute de la doctrine laquelle vous presches publiquement, et cependant ne la voules soustenir que par escript; forme de disputer qui ne prendra jamais fin, et n'en pourra on jamais tirer aulcune resolution, car il ny a là que pour les gens sçavants et de loysir qui peuvent lire et comprendre vos escripts..

  A023001630 

 Dieu vueulle pardonner a ceux qui n'auront pas rendu leur debvoir a secourir ceux qui, perissants, ont imploré l'aide des spectateurs de telles tragedies..

  A023001631 

 Ceux qui sont en possession, sont mieux fondés que ceux de dehors; si vous ne monstres aultre zele a la defense de vostre cause, vous la perdres tout quicte.

  A023001631 

 [253] Vous ne pourres point accuser ceux qui se departiront de vostre doctrine, puis qu'au besoing vous ne les voules secourir lors quils vous declairent qu'ils n'ont plus que tenir..

  A023001635 

 Nous n'avons nuls qui enseigne nous baillent:.

  A023001637 

 Et ce qui est dit ailleurs..

  A023001647 

 Ce subit changement semblera bien estrange; mais que voules vous qu'un pauvre peuple fasse, qui est delaissé a l'abandon, destitué de pasteurs et de pasture?.

  A023001651 

 Quant a moy, je pense que tous fidelles qui sont membres d'un mesme corps se doibvent unir par charité; car, comme dit S. Augustin: Non est particeps divines charitatis qui hostis est unitatis.

  A023001652 

 Je croy fermement qu'il ny a difficulté de religion qui ne se puisse resouldre entre gens charitables et vuydes de toutes preoccupations, ains seulement desireux de recercher la verité pour la gloyre de Dieu et le salut de son Eglise; car la promesse est infallible, que Jesus Christ a faicte aux siens, quil seroyt avec eux jusqu'à la consommation du monde.

  A023001652 

 [254] Le principal lien, c'est la charité: que donc elle nous eschauffe, afin que non point par vaines disputes et ergoteries, mais par le fil de la verité nous puissions amortir le feu de la dissention qui embrase tout le monde, afin que la charité de Nostre Seigneur nous unisse tous par une vraye et vive foy ensemble pour le glorifier eternellement..

  A023001653 

 Mais, comme j'escrivois dernierement a Mons r Goulard, il est necessaire, pour sauver le navire et ceux qui sont dedans, que les nautonniers demeurent aussi dedans, a peyne de naufrage.

  A023001653 

 Messieurs, si je parle si franchement a ceux a qui je doibs tout honneur et respect; mais le zele de lhonneur de Dieu et la ruïne de nos eglises me contrainct a vous dire ce que vous entendes mieux que moy, mais vous n'en sentes pas peut estre les aigullions qui alterent nos ames.

  A023001669 

 Etsi autem non de suo tantum episcopatu, sed de tota etiam Republica Christiana vir tantus ob alia permulta bene ac praeclare meritus videri debet, nulla tamen de causa melius et praeclarius, quam quod vivus defuncto sibi successorem talem elegit, diu quidem multumque reluctantem, sed hoc ipso digniorem; qualem certe decebat esse Pontificem et Episcopum Gebennensem, qui faucibus ipsis haereticorum expositus obturaret ore suo leonum ora, et pro Ecclesia Dei constitueretur caput ejus civitatis, in qua haeresis arcanorum suorum omnium caput sedemque collocasset..

  A023001670 

 Adeo urget ipse acerrimus quidem et efficacissimis argumentis, sed ea lenitate et charitate quasi melle temperatis, cui non magis haereticorum superbia et insolentia fella plena possit respondere, quam ipsorum insania resistere Spiritui qui loquitur in illo.

  A023001670 

 In summa, putes te videre vel audire antiquos illos Chrysostomos, Hieronymos, Augustinos, Gregorios et alios, si qui sunt ex veteribus Episcopis celebriores, quos antiquitas religiosissime ac sanctissime venerata pro magnis et sanctis viris habuit, posteritas vero, quae tales hucusque vix ullos vidit, pro miraculis..

  A023001670 

 Ne alio qui postquam omnia quaenam et qualis fuerit, vix aliud respondere possim, quam continuam fuisse et perpetuam quandam praedicationem, non modo ad erudiendos Catholicos, quibus haud dubie tanti Praelati exemplum pro eximio doctore potuit esse et debuit, sed etiam ad sanandos et revocandos haereticos, qui ante hac Episcopis fere omnibus, impudenter licet plerumque et falso, ut solent, nihil nisi vitam ipsam pro crimine exprobrabant.

  A023001670 

 Successor is fuit FRANCISCUS DE SALES, (quid enim laudibus ejus efficere debet quod vivat, meque fraterno et amore et nomine prosequatur, quominus a me nominetur, qui ab omnibus laudatur?) non modo splendore generis inter nobiliores totius patrise familias clarissimus, sed etiam doctrinae ac, quod primum est, pietatis et conspicuae innocentiae gloria perillustris; jurisconsultus (nam et hoc ad rem nostram pertinet) ipso etiam Senatus nostri judicio eximius, theologus vero inter doctissimos quosque subtilissimus, et inter subtilissimos scientissimus; praedicator etiam non solum disertissimus, quod ei cum multis commune est, sed etiam, quod cum perpaucis, eloquentissimus; scriptor vero, sive Latina sive Gallica lingua scribendum habeat, elegantissimus, et venustatis aeque ac succi plenus; is denique, quem non aliter aut melius pro dignitate laudare possim, quam si impetrem, ut sufficiat nominasse.

  A023001672 

 Max., qui cum mandatam eo tempore haberet a Sede Apostolica curam omnium quae ad haereticorum nostrorum conversionem adjuvandam pertinebant, postquam ex frequentioribus cum Salesionostro colloquiis, praestantiam ipsius et dignitatem certius introspexit, nullum exinde sibi finem fecit prosequenti eum, quibus potuit, officiis ut modis omnibus testaretur quam dignum esse crederet, in quo praecipue amando et ornando sibi tantopere placeret..

  A023001672 

 Subscribet ipsa etiam Roma, et amplissimus atque augustissimus Illustrissimorum Cardinalium consessus, qui tentatam, exploratam testatamque cum lachrymis gaudii et exultationis ab ipso Summo Pontifice Clemente VIII Salesii nostri prudentiam et eruditionem in publico examine admirati, dignissimum omnes ore uno pronunclaverunt [257], quem Claudio de Granier, tum Episcopo Gebennensi, anxie id ambienti, etiam invitum, Coadjutorem cum futura successione Summus Pontifex daret, ut beneficium quod alioqui magnum videbatur, non tam personae quam meritis, ipsique Ecclesiae universae datum esse constaret, curante id prae caeteris enixissime, ac favente Cardinale tum Borghesio, nunc Paulo V, Pontifice Opt.

  A023001673 

 Sed cum ad collapsas res quasque maximas reparandas non aliud aptius remedium esse credatur, quam si omnia quantum fieri potest ad initia sua revocentur, non despero fore, ut quemadmodum sola fere posteriorum Episcoporum incuria viam haeresibus patefecit ad audaciam, ita novo tanti Episcopi exempio plane efformato ad prototypum illum veterum Episcoporum, victi sine bello haeretici tandem resipiscant, nec diutius reluctentur, quominus liceat nobis impetrare a divina misericordia quod Ecclesia Dei, tot lachrymis perfusa non desinit a Sponso suo flagitare, ut tam graviter misereque agitatam per tot annos Petri naviculam, sedatis fluctibus, brevi conquiescere omniumque Christianorum Pastorem unum, sub uno Christo, qui divisus non est, et ovile unum factum esse videamus.

  A023001687 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique, Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A023001689 

 Par lesquelles Nous intimons encor le Sinode pour le mercredy du second Dimanche apres Pasques, selon la louable coustume; commandant a tous curés et autres a qui il appartiendra, de s'y trouver personnellement pour y entendre les Constitutions et ordonnances necessaires a leur charge et bien de leur troupeau.

  A023001690 

 Nous intimons aussi la residence a tous ceux qui ont des benefices qui, de droit ou par coustume, la requierent; a ce que, dans deux moys precisement des la publication des presentes, ilz ayent a se rendre en leur devoir pour exercer personnellement leurs charges et offices, ou dire cause pour laquelle ilz pourroyent pretendre n'y estre obligés; a faute dequoy il sera procedé contre eux, selon la rigueur des loix et canons..

  A023001695 

 Desirant que les ordonnances faittes au dernier Sinode (qui a esté le premier celebré sous Nostre charge) soyent soigneusement observees, Nous les avons fait imprimer, affin que la communication en estant plus aysee, vous ne pretendies cause d'ignorance, mays que, les ayans devant vos yeux, vous les prattiquies selon leur teneur qui s'ensuit..

  A023001696 

 I. Nous avons intimé et de rechef publié les Canons des anciens Conciles qui defendent aux personnes ecclesiastiques de tenir en leurs maysons et logis aucunes femmes desquelles la demeure et sejour avec eux puisse justement estre suspect; et, en tant que de besoin, avons fait de nouveau ladite prohibition, sur peyne de rigoureuse punition..

  A023001697 

 II. Nous avons donné et donnons pouvoir aux Reverens Surveillans de ce diocese de dispenser de l'observation des festes commandees es parroisses qui leur sont commises, [263] selon la necessité, inhibant a tous curés et autres quelconques, notamment aux officiers laicz, de ne point donner telles licences..

  A023001698 

 III. Sur le differend qui pourroit naistre entre les curés pour les aumosnes, aux sepultures des fidelles qui meurent en une parroisse et sont enterrés en l'autre, il a esté ordonné que les luminaires seront partagés esgalement entre les-ditz curés, qui aussi, de part et d'autre, feront prieres et Sacrifices pour le deffunct.

  A023001698 

 Neanmoins, le service annuel se fera par le curé qui aura ensevely le cors, au moyen dequoy le linceul et autres aumosnes des funerailles luy demeureront; tous autres differens estant remis au jugement des Surveillans..

  A023001699 

 IV. Tous curés enseigneront le Cathechisme de l'Illustrissime Cardinal Bellarmin les Dimanches et festes commandees, a l'heure qui sera jugee plus propre selon [264] la condition des lieux; et, pour cet effect, s'essayeront les jours ouvriers d'apprendre ledit Cathechisme aux petitz enfans, affin qu'ilz en puissent respondre..

  A023001700 

 V. Les curés feront vuider leurs eglises, et notamment les chœurs d'icelles, des meubles profanes qui, pendant la guerre, y ont esté mis en asseurance, et ne permettront [265] cy apres telles choses y estre mises sans evidente necessité..

  A023001701 

 VI. Tous ecclesiastiques suyvront en tout et par tout les decretz du tressaint Concile de Trente, et specialement en ce [266] qui est de l'Office divin et celebration de la Messe; et nul ne sera receu dores-en-avant a l'examen pour estre ordonné prestre, qu'il n'apporte attestation du Surveillant de son lieu de sçavoir exactement les saintes ceremonies de la divine Messe, selon l'usage de Trente..

  A023001702 

 VII. Tous les curés fourniront ou procureront pour leurs eglises des tabernacles, avec des ciboires propres pour reposer le tressaint Sacrement sur l'autel; changeront tous les premiers Dimanches du moys les Communions qui sont reservees pour les malades, et ne garderont le Saint Sacrement qui aura esté exposé en la Feste Dieu que jusques au jour suyvant immediatement l'octave, auquel ilz le consumeront..

  A023001706 

 Comme aussi la chasse qui se fait a course de chiens et avec l'arquebuse, de laquelle le port leur est totalement inhibé; et de plus, toutes autres chasses qui se trouveront defendues aux laicez mesmes, selon la diversité des lieux..

  A023001707 

 XII. Tous curés prendront lés saintes Huyles chaque annee des mains de ceux qui sont establis pour les leur distribuer, et les tiendront en des vases honnestes et non fragiles; et ceux qui les distribueront tiendront roolle de ceux qui les auront pris.

  A023001709 

 XIV. Nul ne fera au prosne aucune publication des choses et negotiations seculieres et profanes, ains seulement de celles qui concernent le service [de Dieu] et des ames..

  A023001710 

 XV. Les curés ne permettront cy apres aux dames et autres femmes de dresser leurs bancs dans les chœurs des eglises, et procureront de faire oster ceux qui par abus y auroyent esté mis; comme aussi que les chassis ou vitres de leurs eglises soyent entiers et fermés, notamment ceux qui respondent aux autelz, pendant qu'on y celebre la sainte Messe..

  A023001712 

 XVII. Les foires et marchés sont defendus aux ecclesiastiques, sinon en cas de necessité, qui arrive peu souvent; et en ce cas, se comporteront selon leur qualité, non en marchans et negotiateurs.

  A023001714 

 XIX. Les curés feront publier au Prosne par troys divers Dimanches que les recteurs ou fondateurs des chappelles qui sont en leurs parroisses, ayent dans un moys apres la derniere publication, a comparoistre par devant nostre Vicaire general pour l'instruire du service et moyen d'entretenir lesdites chappelles; a faute dequoy elles seront rasees, et le revenu qui se trouvera, appliqué au maistre autel de la parroisse ou a quelqu'autre, selon qu'il sera plus convenable..

  A023001717 

 XXII. Est prohibé l'usage des parolles inconneues, caracteres [270] et signes superstitieux, aux prieres et adjurations qui se font contre la tempeste..

  A023001718 

 XXIII. Toute autre façon de Prosne que celle qui a esté publiee par feu Monseigneur nostre predecesseur (que Dieu absolve) est entierement prohibee..

  A023001719 

 XXIV. Comme aussi toute autre sorte de forme d'absolution que celle qui s'ensuit:.

  A023001724 

 Dominus noster Jesus Christus, qui est sumtnus Pontifex, te absolvat; et ego authoritate ipsius, mihi licet indignissimo concessa, absolvo te in primis ab omni vinculo excommunicationis, in quantum possum et indiges; deinde, ego te absolvo ab omnibus peccatis tuis, in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.

  A023001750 

 Le signe de la cloche estant donné, le Portier ouvrira l'eschole ou l'eglise, disposera les bancs et attendra a la porte ceux qui viendront; introduira les enfans et leur enseignera la façon de saluer, affin qu'ilz sçachent dire: Dieu nous donne sa paix, et former le signe de la Croix avec l'eau benite, comme aussi de reciter l'Orayson Dominicale et la Salutation Angelique; ou s'ilz ne sont pas capables, il taschera pour le moins qu'ilz fassent la genuflexion au tressaint Sacrement devant le grand autel.

  A023001751 

 Le Prieur deputera quelques autres freres au secours du Portier, qui feront le mesme; et ce Prieur et les autres [276] officiers tascheront de se trouver de bonne heure a l'eschole, et auront soin que les enfans soyent enseignés et observent le silence..

  A023001752 

 On enseignera autant de tems que le Prieur trouvera estre a propos, lequel prendra garde qu'un chacun fasse bien sa charge; et s'il n'est empesché de son office, assignera ceux qui devront disputer et respondre, choysissant tous-jours les mieux instruitz et plus capables..

  A023001754 

 Apres que quelque tems aura ainsy esté employé, de sorte que les maistres ayent eu une entiere liberté d'enseigner (qui, pour l'ordinayre, auront quatre ou six enfans), le Prieur baillera le signe avec la clochette et, s'agenouillant, en fera faire autant aux autres; apres quoy il recitera l'orayson accoustumee d'estre faitte devant la dispute, et, ayant pris avec ses enfans la benediction du prestre (s'il y en a quelqu'un), il les fera monter en lieu eminent d'où ilz puissent estre veuz, les uns d'un costé et les autres de l'autre.

  A023001754 

 Ces enfans ayant formé le signe de la Croix et prononcé les parolles hautement, reciteront la partie du Cathechisme qui leur aura esté assignée, ceux cy en interrogeant, ceux la en respondant.

  A023001754 

 Et prenant occasion de ce qui aura esté recité, il fera un brief discours et abbregé, affin que tous puissent mieux imprimer ceste doctrine en leurs espritz; et s'il ne peut pas le faire, il en priera quelqu'un des maistres ou officiers..

  A023001754 

 Toutefois, qu'il prenne garde que la dispute se fasse des choses qui auront esté dittes; et pour ce, tous les enfans d'un mesme ordre et classe seront assis en un mesme lieu, affin que, sans perdre tems, il puisse demander a un chacun selon ce qui escherra.

  A023001756 

 En fin (sinon qu'il fallust marquer les absens, ou corriger quelqu'un) il renvoyera ses enfans, les advertissant d'estre modestes, de se resouvenir des choses qui auront esté dittes et de revenir de bonne heure au premier jour de feste suyvant..

  A023001757 

 Apres cela on entendra le sermon ou l'exhortation qui se fera par le prestre..

  A023001757 

 Il baillera des recompenses a ceux qui auront esté diligens et modestes: comme de devotes images, chapeletz, medailles et autres choses semblables; car il fera, par ce moyen, qu'ilz se comporteront tousjours mieux.

  A023001758 

 Tous les moys une fois pour le moins, le Prieur envoyera quelqu'un des officiers ou maistres a la Congregation generale ou diocesaine, qui rapportera tout l'estat et les necessités de son eschole; comme pareillement toutes les escholes se visiteront les unes les autres par quelqu'un des leurs, affin qu'il se fasse une sincere et sainte communication de tous les fruitz et utilités spirituelles a la plus grande gloire de Dieu.

  A023001764 

 Vos bouches sont les [279] canaux par lesquelz la paix coule du Ciel en terre sur les hommes de bonne volonté; vos voix sont les trompettes du grand JESUS, qui renversent les murailles de l'iniquité, qui est la mistique Hiericho..

  A023001765 

 C'est un honneur extreme aux hommes d'estre eslevés a ceste dignité a laquelle les Anges mesme ne sont point appellés; car, auquel des ordres angeliques fut il onques dit: Receves le Saint Esprit; de ceux desquelz vous remettres les pechés, ilz seront remis? Cela neanmoins fut dit aux Apostres et, en leurs personnes, a tous ceux qui par succession legitime recevroyent la mesme authorité.

  A023001772 

 Ayes un ardent desir du salut des ames, et particulierement de celles qui se presentent a la Penitence, priant Dieu qu'il luy playse de cooperer a leur conversion et avancement spirituel..

  A023001776 

 Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect..

  A023001781 

 Dieu benisse vostre cœur qui est si bien disposé a se bien accuser.

  A023001782 

 Quand vous rencontreres des personnes qui, pour des enormes pechés, comme sont les sorcelleries, accointances diaboliques, bestialités, massacres et autres telles abominations, sont excessivement espouvantees et travailles en leurs consciences, vous deves par tous moyens les relever et consoler, les asseurant de la grande misericorde de Dieu, qui est infiniment plus grande pour leur pardonner que tous les pechés du monde pour les damner, et leur promettes de leur assister en tout ce qu'ilz auront besoin de vous pour le salut de leurs ames..

  A023001787 

 Vous y seres donq en robbe et surplis, et l'estole au col et le bonnet en teste, assis en lieu apparent de l'eglise, avec une face amiable et grave, laquelle vous ne deves jamais changer par aucuns gestes ou signes exterieurs qui puissent tesmoigner de l'ennuy ni du chagrin, de peur de donner quelque occasion a ceux qui vous verront de soupçonner que le penitent vous die quelque chose de fascheux et execrable..

  A023001794 

 Il faut, apres cela, sçavoir s'il n'a pas intention de bien s'accuser de toutes ses fautes, sans rien celer a son escient; comme aussi de quitter et detester entierement le peché, et de faire ce qui luy sera enjoint pour son salut.

  A023001801 

 Non seulement on doit s'enquerir de l'espece du peché, mais aussi du nombre d'iceux, affin que le penitent s'en [285] accuse, disant combien de fois il a commis tel peché, ou environ plus ou moins, au plus pres qu'il pourra selon sa souvenance, ou au moins disant combien de tems il a perseveré en son peché et s'il y est fort addonné; car il y a bien de la difference entre celuy qui n'aura blasphemé qu'une fois, et celuy qui aura blasphemé cent fois, ou qui en fait mestier..

  A023001802 

 Il est vray que celuy qui a confessé une action mauvaise n'a besoin de confesser les autres qui sont necessairement requises pour faire celle la: ainsy, celuy qui s'est accusé d'avoir violé une fille une seule fois, il n'est pas obligé de dire les baysers et attouchemens qu'il a faitz parmi cela et a ceste occasion; car cela s'entend asses sans qu'on le die, et l'accusation de telles choses est comprinse en la confession de l'action finale du peché..

  A023001802 

 Item, il y a bien a dire entre le regard charnel, l'attouchement deshonneste et la conjonction charnelle; qui sont divers degrés d'un mesme peché.

  A023001802 

 Par exemple, il y a bien de la difference entre se courroucer, injurier, frapper du poing, ou avec un baston, ou avec l'espee; qui sont divers degrés du peché de cholere.

  A023001803 

 J'en dis de mesme des pechés desquelz la malice se peut redoubler et multiplier en une seule action: par exemple, celuy qui desrobbe un escu fait un peché; celuy qui en desrobbe deux ne fait aussi qu'un peché, et tout de mesme espece, mais toutesfois la malice de ce second peché est double au pris du premier.

  A023001805 

 C'est tout de mesme de celuy qui, volontairement, pour prendre playsir, s'amuse et prend contentement aux pensees et imaginations des voluptés charnelles; car il peche interieurement contre la chasteté, dont il se doit confesser, d'autant qu'encores qu'il n'a pas voulu appliquer son cors au peché, il a neanmoins appliqué son cœur et son ame.

  A023001805 

 J'ay dit, a son escient, d'autant que les mauvaises pensees qui nous arrivent contre nostre gré ou sans que nous y prenions entierement garde ne sont nullement peché, ou ne sont pas peché mortel..

  A023001805 

 Par exemple: celuy qui prend playsir a penser en soy mesme a la mort, ruine et desastre de son ennemy, encor qu'il ne desire point telz effectz, neanmoins, s'il a volontairement et a son escient pris delectation et res-jouissance en telles imaginations et pensees, il a peché contre la charité et doit s'en accuser rigoureusement.

  A023001811 

 Le confesseur, apres cela, doit connoistre si le penitent est capable de recevoir l'absolution, laquelle ne doit estre conferee a certaines sortes de personnes desquelles je vous proposeray [287] quelques exemples qui vous serviront de lumiere pour tout le reste..

  A023001812 

 Ceux qui sont en excommunication majeure, le confesseur ne les en peut absoudre sans l'authorité du Superieur, sinon qu'elle ne fust point reservee par iceluy..

  A023001813 

 2. Item, ceux qui ont quelque peché reservé au Pape ou a l'Evesque ne peuvent estre absous sans leur authorité; il les faut donq renvoyer a ceux qui ont le pouvoir, ou bien les faire attendre jusques a ce qu'on l'ayt obtenu, si cela se peut aysement..

  A023001814 

 Item, les faussaires, faux tesmoins, larrons, usuriers, usurpateurs et detenteurs des biens, tiltres, droitz et honneurs d'autruy, et de mesme les detenteurs des legatz pieux, aumosnes, primices, decimes, plaideurs iniques, calomniateurs, detracteurs, et generalement tous ceux qui tiennent tort au prochain ne peuvent estre absous s'ilz ne font reparation du tort et dommage en la meilleure façon que faire se pourra, ou au moins qu'ilz ne promettent de satisfaire par effect..

  A023001815 

 Item, les mariés qui vivent en dissension l'un sans l'autre, ou qui ne veulent se rendre les devoirs de mariage, ne doivent estre absous pendant qu'ilz perseverent en ceste mauvaise volonté..

  A023001816 

 Les ecclesiastiques mal pourveuz de leurs benefices, ou qui en ont des incompatibles sans legitime dispense, ou qui ne resident pas sans suffisante excuse, ou qui font mestier de ne point dire l'Office et ne se vestir ecclesiastiquement; tous ceux la ne doivent estre absous qu'ilz ne promettent d'y mettre ordre et corriger tous ces defautz..

  A023001817 

 Item, les concubinaires, adulteres, ivroignes ne doivent estre absous s'ilz ne tesmoignent un ferme propos non seulement de laisser leurs pechés, mays aussi de quitter les occasions d'iceux: comme sont, aux concubinaires et adulteres, leurs garces, lesquelles ilz doivent esloigner d'eux; aux ivroignes, les tavernes; aux blasphemateurs, les jeux: ce qui s'entend de ceux qui font coustume de telz pechés..

  A023001818 

 En fin, les querelleux qui ont des rancunes et inimitiés, ne peuvent recevoir l'absolution s'ilz ne veulent de leur costé pardonner et se reconcilier avec leurs ennemis.

  A023001823 

 Apres donq que le confesseur a bien reconneu l'estat de la conscience du penitent, il doit disposer et ordonner ce qu'il voit estre necessaire pour le rendre capable de la grace de Dieu, tant en ce qui concerne la restitution des biens d'autruy et la reparation des tortz et injures qu'il a faittes, comme aussi en ce qui regarde l'amendement de sa vie et fuite ou esloignement des occasions de mal faire..

  A023001824 

 Et par ainsy, si c'est un larcin, il le faut faire rendre, ou chose equivalente, par quelque personne discrette qui ne nomme ni decele en aucune façon le restituant; si c'est une fause accusation ou imposture, il faut procurer dextrement que le penitent donne, sans en faire semblant, contraire impression a ceux devant lesquelz il avoit commis la faute, disant le contraire de ce qu'il avoit dit, sans faire semblant d'autre chose.

  A023001829 

 Or, les cas reservés a Sa Sainteté sont en asses grand nombre, mais neanmoins la pluspart sont telz qu'ilz n'adviennent presque point deça les monts; et quant a ceux qui peuvent arriver, ilz ne sont pas de grand nombre.

  A023001832 

 Le peché du duel en ceux qui appellent provoquement et font le combat..

  A023001835 

 Les cas de la Bulle Cœna Domini qui peuvent arriver, sont aussi peu en nombre:.

  A023001837 

 La violation des libertés et privileges de l'Eglise, biens et personnes ecclesiastiques, qui se fait volontairement; l'usurpation des biens des ecclesiastiques entant qu'ecclesiastiques.

  A023001839 

 Quant au premier commandement, Nous avons reservé la sorcellerie et les charmes ou nouëment d'esguillettes qui se font contre l'effect du mariage..

  A023001840 

 Quant au quatriesme, Nous avons reservé le parricide, qui se fait tuant ou battant pere, mere, beaupere, bellemere..

  A023001842 

 Quant au sixiesme, Nous avons reservé la bestialité et sodomie, l'inceste au premier et second degré, et le sacrilege qui se commet avec les Nonains et Religieuses, violence et forcement de filles et de femmes..

  A023001845 

 C'est de consoler les penitens qui les auront commis et ne point les desesperer, ains les renvoyer doucement a ceux ausquelz Nous avons donné le pouvoir, que Nous avons mis en grand nombre en tous les endroitz du diocese; car encores qu'ilz ne puissent pas absoudre des cas reservés au Pape, si est ce neanmoins qu'ilz leur donneront tousjours addresse pour obtenir l'absolution..

  A023001846 

 Mesme celuy qui estant malade a demandé le confesseur, si apres cela il perd la parole et ne peut donner aucun signe, il doit estre absous sur le simple desir qu'il a eu de se confesser.

  A023001852 

 Il est donques mieux d'enjoindre des prieres tout d'une mesme sorte, comme tout des Pater, ou tout des Psaumes qui soyent de suitte et qu'il ne faille pas aller chercher ça et la les uns apres les autres.

  A023001860 

 Telles ou semblables parolles de consolation estans dittes, vous osteres le bonnet pour dire les prieres qui precedent l'absolution.

  A023001861 

 Il est vray, comme le dit le docteur Emmanuel Sa, «es confessions de ceux qui se confessent souvent» on peut retrancher toutes lés prieres qu'on fait devant et apres l'absolution, «disant simplement: Ego te absolvo ab omnibus peccatis tuis.

  A023001862 

 Comme aussi quand il y a presse de penitens qui se confessent souvent, on peut les advertir qu'ilz dient le Confiteor a part eux, avant que de se presenter au confesseur, affin qu'immediatement estans arrivés devant luy et fait le signe de la Croix, ilz commencent a s'accuser; car ainsy il ne se fait nulle obmission et l'on gaigne beaucoup de tems..

  A023001863 

 Le Pere Valere Reginald, de la Compaignie de Jesus, lecteur en Theologie a Dole, a nouvellement mis en lumiere [295] un livre de la Prudence des Confesseurs, qui sera grandement utile a ceux qui le liront..

  A023001868 

 Je n'entens pas cette compassion qui pose un oreiller au vice et un carreau pour mettre le peché a son ayse; non, j'entens seulement que nous nous accommodions a la portee de chascun, donnant quelque chose, non pas a la malice, mais a l'infirmité.

  A023001868 

 La cholere de Nostre Seigneur est semblable aux pluyes de l'esté qui ne font que toucher la terre.

  A023001876 

 On y trouve la pensée de saint François de Sales et les mesures prises par lui pour le bon gouvernement de son diocèse, mais exprimées dans un style qui, souvent, n'est pas de lui; pour cette raison, nous croyons devoir renvoyer ces documents à l'Appendice I.) [298].

  A023001882 

 Premieremént, si elles se portent plus au sens le moins receu de l'Escriture qu'a celuy qui, pour estre le plus commun, est le moins dangereux, parée que l'Escriture Sainte est la regle des conduittes de Dieu sur les ames..

  A023001884 

 Celuy qui avance traisne [299] d'abord un peu sa croix; toutesfois, quand il regarde son Sauveur et son Maistre portant la sienne au Calvaire, il la releve, il prend courage, il se resout a la patience et a benir Dieu.

  A023001884 

 Le parfait, qui est un oyseau plus rare en ce siecle que le phœnix en l'Arabie, non seulement attend les affrontz, les persecutions et les calomnies, mais mesme va au devant sans temerité, et y court comme au festin des noces, jugeant encor qu'il est indigne d'avoir des livrees qui le font prendre pour un serviteur de la mayson de Dieu..

  A023001884 

 Mays la pierre de touche pour esprouver le bon d'avec le mauvais esprit et faire la difference de celuy qui commence d'avec l'autre qui est bien avancé, c'est d'estre prompt a souffrir: car le mauvais devient pire par les afflictions, et murmure contre la providence de Dieu; celuy qui commence se fasche d'endurer, et puys il a regret de s'estre laissé saisir a l'impatience.

  A023001886 

 Le diable, au contraire, leur fait voir une vengeance effroyable en Dieu, pour punir leurs moindres defautz; il leur represente une cholere et une rigueur extreme en Celuy qui ne peut entendre crier la moindre de ses creatures sans luy donner du secours, et qui se rend a la premiere larme qui sort d'un cœur veritablement contrit.

  A023001886 

 Ne pas quitter l'exercice des vertus pour les difficultés qui s'y rencontrent, est encor le signe d'une ame dont le sacrifice est aggreable a Dieu; parce que cette Bonté infinie ne presente point d'espees flamboyantes pour empescher l'entree de son Paradis a ceux qui le cherchent purement, et bien qu'il permette que ses esleuz soyent dans les rigueurs, dans les souffrances et dans les croix, il les remplit de tant de grace, de force et de douceur, qu'ils s'estiment tres heureux et advantagés de patir pour l'amour de luy.

  A023001888 

 Et pour ce qui regarde les personnes trompees, Dieu mesme, si vous les en croyes, leur sert de garant et de couverture.

  A023001888 

 Par exemple, quand elles disent: Je suis asseuree de ce que Dieu veut de moy; il vous advertit par ma bouche de ce qui est necessaire a vostre salut et a vostre conduitte, faites cela par mon advis, j'en respons devant Dieu; et semblables paroles qui marquent un grand esclarcissement des choses interieures et une conversation dans les Cieux: juges avec discretion si leurs actions sont conformes a ces hautes lumieres..

  A023001890 

 De plus, examines si, lhors qu'on parle de Dieu, ces personnes s'esgarent en des termes affectés, voulant faire voir que leur feu ne peut demeurer sous la cendre et que, par ceste estincelle, on pourra descouvrir les brasiers qui sont en leur interieur..

  A023001891 

 Au contraire, l'esprit de superbe donne de l'asseurance, et rend ceux qu'il veut tromper fiers, opiniastres et fort resoluz, et leur fait tellement aymer leur mal, qu'ilz ne craignent rien a l'esgal de leur guerison, leur persuadant que ceux qui leur parlent portent plus d'envie a leur bonheur que d'affection a leur salut.

  A023001892 

 En fin, pour conclure tout ce discours, voyes si ces personnes sont simples et veritables en leurs parolles et en leurs actions; si elles ne recherchent point de produire leurs graces sans qu'il soit necessaire; si elles desirent ce qui esclate a l'exterieur..

  A023001893 

 Saint Jean Chrisostome dit qu'a la verité Dieu fit entendre aux Hebreux ses commandemens avec de grans effroys et plusieurs bruitz de tonnerres, mays il le failloit pour espouvanter des gens qui ne se fussent pas rendus a composition que par crainte; et que, d'autre part, nostre Seigneur vint doucement a ses Apostres, qui estoyent plus dociles et moins ignorans des misteres divins.

  A023001899 

 Ceux d'entre vous qui s'employent a des occupations qui leur empeschent l'estude font comme ceux qui veulent manger des viandes legeres, contre le naturel de leur estomach grossier, et de la vient qu'il defaille peu a peu.

  A023001900 

 C'est par la que nostre miserable Geneve nous a surpris, lhors que, s'appercevant de nostre oysiveté, que nous n'estions pas sur nos gardes et que nous nous contentions de dire simplement nostre Breviaire, sans penser de nous rendre plus sçavans, ilz tromperent la simplicité de nos peres et de ceux qui nous ont precedés, leur faisant croire que jusqu'alhors on n'avoit rien entendu a l'Escriture Sainte: ainsy, tandis que nous dormions, l'homme ennemy sema l'ivraye dans le champ de l'Eglise, et fit glisser l'erreur qui nous a divisés et mis le feu par toute ceste contree; feu duquel vous et moy eussions esté consumés avec beaucoup d'autres, si la bonté de nostre Dieu n'eust misericordieusement suscité ces puissans espritz, je veux dire les Reverens Peres Jesuites, qui s'opposerent aux heretiques et nous font en nostre siecle glorieusement chanter: Misericordiae Domini quia non sumus consumpti.

  A023001900 

 Ce sont des austruches qui digerent le fer des calomnies en la mesme façon qu'ilz devorent les livres par leurs continuelles estudes; qui ont, en supportant une infinité d'injures et d'outrages, estably et affermy nostre creance et tous les sacrés misteres de nostre foy; et encor aujourd'huy, par leurs grandissimes travaux, remplissent le monde d'hommes doctes qui destruisent l'heresie de toutes partz..

  A023001900 

 Pour cela, pressés des heretiques, mays plus sensiblement oppressés de ceux qui ne sont nos freres qu'en apparence, ilz souffrirent et souffrent encor des persecutions qui sont toutes venues de Geneve; mays leur courage infatigable, leur zele sans apprehension, leur charité, leur profonde doctrine et l'exemple de leur sainte et religieuse vie, les a, par revelation de leur saint Fondateur, asseurés que ces violences dureroyent un siecle, apres lequel ilz seroyent triomphans de l'erreur et des heretiques.

  A023001901 

 Et puysque la divine Providence, sans avoir esgard a mon incapacité, m'a ordonné vostre Evesque, je vous exhorte a estudier tout de bon, affin qu'estans doctes et de bonne vie, vous soyes irreprochables, et prestz a respondre a tous ceux qui vous interrogeront des choses de la foy..

  A023001908 

 La negligence que la pluspart des ecclesiastiques sousmis a Nostre charge a monstré a l'observation de nos premieres Ordonnances, et la necessité que Nous avons conneu estre au commencement de Nostre Visite generale, affin [305] d'obvier aux contentions et disputes qui pourroyent arriver entre les curés et les parroissiens, Nous ont poussé a faire ces Constitutions..

  A023001909 

 Premierement, Nous avons ordonné que les Constitutions par Nous faittes au Sinode du second octobre l'an mil six cens et trois seront derechef publiees, mesme en ce qui est des tavernes et cabaretz, sous quelque pretexte que ce soit, pour estre observees avec les presentes..

  A023001911 

 Il est inhibé a tous ecclesiastiques de n'exorcizer par cy apres, sinon qu'ilz soyent de nouveau admis par Nous ou par nostre Vicayre, et l'admission sera donnee par escrit a ceux qui seront treuvés capables d'exercer telle charge; ausquelz Nous defendons, a peyne d'excommunication, [306] d'exorcizer sinon dans les eglises, et de tenir les possedés dans leurs maysons, sur tout les femmes et filles, et de faire des voyages et pelerinages avec elles; a peyne de vingt cinq livres, et autre arbitraire..

  A023001913 

 Que s'il s'en treuvoit quelques uns qui ne voulussent pas se communier de la main de leurs curés, ilz seront tenus de les en advertir et de leur demander licence d'aller ailleurs, laquelle leur sera donnee par le curé sans s'informer autrement de l'occasion; et les mesmes parroissiens rapporteront attestation, dans huit jours apres Pasques, du prestre qui les aura communiés, a peyne d'estre tenus pour heretiques..

  A023001913 

 Tous les parroissiens seront tenus de se confesser a Pasques vers leurs curés, ou autres qui auront pouvoir d'ouyr les confessions; et pour la sainte Communion, seront tenus de la prendre en leur parroisse, de la main de leurs curés ou autres par eux deputés.

  A023001914 

 Pour ce qui est de ceux qui frequentent parmi les terres des heretiques, voysins de Nostre diocese, ou bien qui sont contraintz d'y demeurer pour gaigner leur vie, Nous avons donné pouvoir a tous curés et autres qui ont permission de confesser, de les ouyr en confession, et absoudre de n'avoir pas celebré les festes commandees par nostre Mere la sainte Eglise, de n'avoir pas jeusné les jours de Veille, de [307] Quatre Tems et de Caresme; comme aussi d'avoir mangé de chair ces mesmes jours, excepté les vendredis et samedis; et pareillement, d'avoir esté aux presches des ministres, pourveu qu'ilz n'ayent pas pris la Cene..

  A023001915 

 Pour eviter plusieurs differens et disputes qui arrivent entre les curés et les parroissiens de Nostre diocese a l'occasion du linceul qui se met sur les deffunctz les portans en terre, Nous avons ordonné qu'il sera au choix des heritiers du deffunct, ou autres qui auront charge des funerailles, de laisser ce linceul au sieur curé, ou de le reprendre en luy payant six florins; et pour le couvrechef ou toilette qui se met sur les petitz enfans, deux florins..

  A023001916 

 Sur les plaintes qui Nous ont esté faittes que plusieurs curés retiennent le luminaire que l'on porte aux funerailles et obseques le jour de l'enterrement, sans en vouloir fournir pour les Messes qui se disent le lendemain, mays en demandent d'autre, Nous avons ordonné que les curés seront tenus de representer le luminaire le lendemain et pendant les troys jours que l'on a accoustumé de faire prier pour les deffunctz, si tant est que ce luminaire puisse suffire; passé lesquelz troys jours, ce qui restera appartiendra aux curés.

  A023001917 

 Parce qu'en plusieurs eglises de Nostre diocese les curés sont priés de fournir le luminaire des sepultures et, quand il vient au payement, sont contrainctz bien souvent d'en tomber en proces avec leurs parroissiens: desirant d'y obvier, Nous avons ordonné que les curés fournissans le luminaire le peseront en presence de ceux qui le leur feront fournir, avant que de le donner, comme aussi quand ilz le reprendront; et leur sera payé de la cire qui se treuvera usee a rayson de cinq florins pour livre du poids d'Annessi; et a mesme prix leur sera payé le luminaire qu'on leur fera fournir tout le long de l'annee.

  A023001918 

 Ayant reconneu qu'il y a plusieurs chappelles de peu de revenu et chargees par la fondation de grand service, auquel les recteurs ne peuvent pas satisfaire, Nous avons ordonné que le recteur d'une chappelle qui n'aura, pour exemple, que dix florins de revenu, ne sera obligé de dire que vingt Messes par an, a rayson de six solz pour Messe, et ainsy des autres; n'entendant pas, toutesfois, d'obliger ceux qui possedent des chappelles de bon revenu a plus de service qu'elles ne se treuvent chargees par leur fondation..

  A023001919 

 Nous commandons a tous ecclesiastiques demeurans riere Nostre diocese de faire par cy apres celebrer la feste de saint Pierre aux Liens avec son octave, comme estant le Patron de Nostre Eglise cathedrale; comme aussi le jour de la Dedicace d'icelle, qui est le huitiesme d'octobre..

  A023001921 

 Sur la remonstrance qui Nous a esté faitte par nostre [309] Procureur fiscal que, bien que toutes alienations des biens d'Eglise soyent defendues de droict, sinon qu'elles soyent evidemment au prouffit et utilité d'icelle (auquel cas faut il avoir encor la permission des Superieurs), plusieurs beneficiers, tant curés, recteurs des chappelles qu'autres, sans Nostre sceu et consentement ou de nostre Vicayre general, vendent, eschangent et alienent les fons de leurs benefices, ce qui donne occasion a beaucoup de procez, ausquelz desirant obvier: Nous avons declairé nulz tous les contractz d'alienation et eschange des ecclesiastiques, faitz et qui se feront par cy apres sans Nostre sceu ou de nostre Vicayre, enjoignant aux possesseurs des benefices de remettre dans six moys ce qui se treuvera aliené de la façon, a peyne de cinquante livres; avec inhibition a tous beneficiers de n'aliener les biens dependans de leurs benefices sans Nostre permission, a peyne de cent livres; commandant aux Surveillans d'y tenir la main, chacun riere sa surveillance, et d'advertir nostre Procureur fiscal de ceux qui contreviendront, pour y estre par apres pourveu ainsy que de rayson..

  A023001937 

 Census episcopalis mensae admodum tenues, qui, scilicet, vix ac ne vix quidem, ad summam mille scutorum auri ascendunt; [ut detractis stipendiis officiariorum Episcopatus, minime supersit quo decenter se suamque familiam sustentet.

  A023001937 

 Verum, qui non didicit abundare, noscat penuriam pati ]..

  A023001938 

 Qui nunc vivit Episcopus Gebennensis, FRANCISCUS DE SALES, sextus est eorum qui extra civitatem Gebennensem praefuerunt; ex ipsa dioecesi oriundus, et e gremio ecclesiae Cathedralis (cujus per decem annos fuit Praepositus) assumptus.

  A023001939 

 Praedecessorem habuit Claudium de Granier, Praesulem aeterna dignum memoria, qui ex Decretis ecclesiasticis Synodum quotannis cogebat; ad ecclesiarum parrochiahum curam, ex praescripto sacratissimi Concilii Tridentini, per examen digniores promovebat; singuhs fere Quatuor Temporibus Ordinationem sacram faciebat, ac Officium ubique ad usum Romanum persolvi curabat.

  A023001943 

 In Ecclesia Gebennensi, quae Beati Petri a vinculis liberati miraculo ac nomine dedicata est, sunt triginta Canonici, Praeposito qui dignitatem habet majorem, ac Cantore et Sacrista, quae officia perpetuo existunt, inclusis; quorum singuh unam praebendam aequalem omnino percipiunt, ita ut Praepositus nihilo plus caeteris excipiat.

  A023001943 

 Sunt in ea sex pueri chori cum magistro, octo mansionarii, qui cantui et musicae incumbunt, ac alii quatuor, qui tum cruci portandae, campanis pulsandis, caeremoniis dirigendis ac sacris vestibus conservandis dant operam..

  A023001969 

 Mais celui qui n'a pas appris à être dans l'abondance, doit apprendre à supporter la pauvreté.].

  A023001970 

 L'Evêque actuel de Genève, FRANÇOIS DE SALES, est le sixième des évêques qui ont eu leur résidence hors de la ville de Genève.

  A023001971 

 Il a eu pour prédécesseur Claude de Granier, Prélat digne d'une mémoire éternelle, qui chaque année, selon les décrets ecclésiastiques, réunissait le Synode; qui, d'après la prescription du Concile de Trente, élevait aux charges curiales ceux qu'un examen avait désignés comme les plus dignes; qui presque à chaque Quatre-Temps faisait les Ordinations, et qui avait soin de faire réciter l'Office selon l'usage romain.

  A023001975 

 Chacun des chanoines reçoit une prébende qui est absolument égale pour tous, en sorte que le Prévôt ne touche rien de plus que les autres.

  A023001975 

 Dans l'Eglise de Genève, qui a pour Patron Saint-Pierre-aux-Liens, il y a trente chanoines, y compris le Prévôt, dignité majeure, le Chantre et le Sacristain; trois charges qui ont toujours existé.

  A023001975 

 Il y a aussi six enfants de chœur avec leur maître, huit mansionnaires qui s'occupent du chant et de la musique, et quatre autres qui ont pour fonction de porter la croix, de sonner les cloches, de diriger les cérémonies et de veiller aux ornements sacrés..

  A023001976 

 Or, déduction faite des charges et dépenses nécessaires, la part qui revient à chaque chanoine n'arrive pas à quarante écus d'or par an; c'est là une prébende tout à fait insuffisante à entretenir le moindre individu.

  A023001976 

 Tous les chanoines sont ou nobles de père et de mère, ou docteurs, d'après leur Statut confirmé par le Saint-Siège; parmi eux il s'en trouve actuellement dix qui sont de bons prédicateurs de la parole de Dieu..

  A023002001 

 Ex Abbatiis autem vel Prioratibus, quantumvis pinguibus, nihil omnino extorqueri potest; quod qui ea tenent, teneant, et plerumque variis impositis pensionibus satis reddantur exangues.

  A023002016 

 Item, nunquam puellas sistunt aut Episcopo aut ejus [327] Vicario, qui earum voluntatem ad Religionis amplectenda vota explorare possit..

  A023002020 

 Verum cum initio rarae admodum incolarum in tam asperis locis essent famihae, iha extemporaria visitatio pastorum satis superque esse debebat, quandoquidem praesertim ob agrorum et agricolarum paucitatem, non possent ex illorum decimis ah ac sustentari [328] clerici qui inter eos residerent.

  A023002023 

 Utinam vero, atque utinam, aliquis authoritate Apostolica Visitator veniret, fidelis et prudens, qui singulis ecclesiis, veluti familiis, daret tritici necessariam cuique mensuram!.

  A023002028 

 Quod autem spectat ad alias quae a Rege Christianissimo possidentur, [recte quidem ipse Rex semper sperare jubet, et ejus jussu hactenus toto quadriennio speravi; sed nunc deficiunt propemodum oculi mei in ejus eloqium [332], dicentes: Quando consolabitur me? Hac de re tota scientissimus est Illustrissimus Cardinalis del Bufalo qui dum Sanctae Sedis Nuntius esset in Gallia, maxima contentione, pro suo erga Dei gloriam zelo, conatus est Regem adducere, ut nobis in illis parrochiis idem jus faceret ecclesiastica bona recipiendi ac, quod caput est, catholicae [333] religionis munera obeundi, quod alibi toto regno caeteris Episcopis ac clericis constitutum est.].

  A023002029 

 Omnibus qui romanam, id est orthodoxam fidem colunt, ac maxime Summi Pontificis et Principum curae, ut scilicet aut evertatur Babilon illa, aut convertatur, sed magis ut convertatur et vivat, laudetque viventem in secula seculorum..

  A023002041 

 Il n'y a point de diocèse dans le monde chrétien qui ait plus besoin d'un Séminaire de clercs que celui de Genève.

  A023002041 

 Quant aux abbayes ou prieurés, bien que riches, on ne peut rien en toucher du tout, parce que ceux qui les tiennent les tiennent bien, et que le plus souvent ces bénéfices sont rendus exsangues par suite des diverses pensions qui leur sont imposées.

  A023002045 

 Mais ces deux chanoines, ne pouvant être sustentés sur leurs prébendes, qui ne montent pas à quarante écus par an, ne peuvent remplir convenablement leurs fonctions.

  A023002049 

 Aussi font-ils blasphémer les ennemis de Dieu, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens? [325].

  A023002050 

 Le premier remède est très facile; le troisième est très utile et, vu les besoins de cette province, serait excellent pour procurer la plus grande gloire de Dieu; le second est très difficile et très incertain, car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas..

  A023002060 

 Àu début, le nombre des familles étant très restreint en ces lieux de difficile accès, cette visite extraordinaire des curés devait tout à fait suffire; d'autre part, il eût été impossible de maintenir là à demeure des clercs, qui, surtout à cause du petit nombre des champs et des paysans, n'auraient pu être nourris et entretenus sur la dime fournie [328] par les habitants.

  A023002061 

 Ce qui empêche que cela se fasse, le voici: à peu près toujours, les dîmes des lieux en question appartiennent à des Abbés et à des Monastères.

  A023002062 

 Dès que j'arrivai, tout le [330] monde, hommes et femmes, du premier au dernier du pays, de s'écrier: Comment se fait-il que nous respections tous les droits ecclésiastiques, que nous payions les dîmes et les prémices, et qu'aucun curé ne nous soit accordé, mais que nous soyons au contraire comme des béliers qui ne trouvent pas de pâturages? Tout, en effet, était touché par l'Abbé le plus voisin..

  A023002063 

 D'abord, des procès s'entament devant des laïques pour le possessoire; ou bien, dans [331] le cas contraire, ils font tomber sur celui qui a osé prendre une décision toutes sortes d'appels, dont ils abusent plutôt qu'ils n'usent: n'étant pas chargés d'un grand poids, ils en font peser un sur autrui, comme dit saint Bernard.

  A023002063 

 Plût à Dieu qu'un Visiteur Apostolique, fidèle et prudent, pût venir donner à toutes les églises, comme à autant de familles, la mesure de froment qui est nécessaire à chacune!.

  A023002067 

 Outre les quatre cent cinquante paroisses qui, nous l'avons dit, sont habitées par de vrais catholiques, il y en a cent trente autres qui sont, partie sous la domination tyrannique de Berne, partie sous le gouvernement du Roi Très Chrétien.

  A023002067 

 Pour ce qui regarde celles qui sont occupées par les Bernois, il n'y a rien à en espérer jusqu'à ce que la ville de Berne elle-même soit ramenée à l'ordre..

  A023002068 

 Pour ce qui regarde les autres qui sont en la possession du Roi Très Chrétien, [avec raison le Roi lui-même ordonne de toujours espérer, et sur son ordre j'ai espéré pendant quatre longues années; mais mes yeux commencent à se lasser d'attendre sa parole, et [332] disent; Quand me consolera-t-il? Au sujet de toute cette affaire, le très docte et Illustrissime cardinal del Bufalo, étant Nonce du Saint-Siège en France, poussé par son zèle pour la gloire de Dieu, a fait les plus grands efforts pour amener le Roi à établir pour nous, dans les églises en question, le même droit d'entrer en possession des biens ecclésiastiques et, ce qui est le principal, de [333] remplir les fonctions de la religion catholique, qui a été établi dans tout le reste du royaume en faveur des Evêques et des clercs (*).].

  A023002069 

 Que tous ceux qui professent la foi romaine, c'est-à-dire la foi orthodoxe, que surtout le Souverain Pontife et les princes aient à cœur que cette Babylone ou soit détruite, ou se convertisse, mais plutôt qu'elle se convertisse et vive, et qu'elle loue Celui qui vit aux siècles des siècles..

  A023002113 

 Repas dus, aux fêtes plus solennelles, à tous les chanoines qui servent à l'autel l'Evêque officiant, florins...............................100.

  A023002120 

 Tout cela est exactement vrai: je n'affirme que ce qui est connu et appuyé sur les meilleures preuves..

  A023002122 

 Si dorénavant on enlève à celui qui est dépourvu même ce qu'il a, non seulement l'administration publique ecclésiastique sera conservée plus difficilement dans ce diocèse, mais elle se verra forcée à tomber tout à fait, à moins que Dieu ne daigne de nouveau accorder sa manne céleste à ceux qui manqueront de la farine d'Egypte..

  A023002131 

 Ayans receu la Bulle du Jubilé, delaquelle le present Sommaire est extrait, Nous vous commandons et ordonnons de le publier, en toutes vos eglises, aux peuples qui vous sont commis, vous res-jouissans mesme de Nostre part avec eux de cette grande commodité quilz auront de proffiter spirituellement, recueillans avec devotion et charité les graces qui si liberalement leur sont departies en leur propre diocaese.

  A023002144 

 Item, disant la couronne ou le chapelet, ou l'Office de Nostre Dame ou l'Office des Trespassés, ou les Pseaumes penitentielz, ou aucune des Laetanies generales, ou les particulieres de Nostre Seigneur ou de Nostre Dame, on gaigne toutes les Indulgences et graces concedees a ceux qui visitent ce jour-la toutes les eglises qui sont dedans et dehors les murailles de Romme..

  A023002147 

 Item, chasque fois qu'on s'exercera en quelqu'œuvre de misericorde, ou qu'on accompaignera ou visitera le Saint Sacrement, ou escoutera la Messe ou le sermon, ou par devotes leçons ou meditations on acquerra ferveur d'esprit ou bons propos, ou qu'on recommandera a Dieu les ames de Purgatoire, ou priera pour celles qui sont en peché mortel, on gaigne cent et cinquante ans d'Indulgence..

  A023002150 

 Item, disant un Pater noster et Ave Maria, ou le Psalme Laudate Dominum omnes gentes, ou faysant un ( sic ) commemoration de Nostre Dame avec l'antienne et orayson, ou Magnificat, quant a ceux qui sçauront, ou ceux qui ne sçauront avec un Salve, on supplee au ( sic ) defautz commis recitant l'Office divin ou escoutant la Messe..

  A023002152 

 Disant trois Pater et Ave pour les ames des fideles decedés ou qui decederont ce jour-la, en memoire et honneur des trois fois que Nostre Seigneur pria au Jardin des Olives, on gaigne tous ( sic ) les Indulgences que Sa Sainteté a concedees a quelquonques autres medailles, images, croix, couronnes, rosaires, a la requeste de quelle personne que ce soit.

  A023002154 

 Que si quelqu'une se perdoit ou rompoit, on en peut mettr'un'autre en sa place qui aura les mesmes Indulgences..

  A023002166 

 Affin que les peuples qui Nous sont commis ne perdent point la favorable occasion de prendre les graces du saint Jubilé qui se celebre maintenant en cette ville de Thonon, ainsy que ci devant il a esté publié, Nous ordonnons par ces presentes que vous ayes a repeter la publication d'iceluy, exhortans de rechef un chacun d'employer cette benediction [342] au proffit et salut de son ame, asseurans de Nostre part qu'en laditte ville de Thonon ni es lieux circonvoysins il ni a aucune sorte, pas mesme de soupçon, de maladie contagieuse, ni incommodité qui puisse empescher le libre et desirable acces a cette sainte devotion..

  A023002167 

 Si supplions tous les Seigneurs R mes Ordinaires des autres lieux, de vouloir prendre la mesme asseurance sur ce tesmoignage que Nous en faysons, et la faire donner aux peuples de leurs diocaeses, affin que ceux qui auroyent l'intention [et devote] volonté de venir puiser en cette pleyne source les saintes Indulgences, n'en soyent point [343] divertis par les faux bruitz que l'ennemi des ames fidelles a respandu a cett'intention..

  A023002189 

 Encor qu'entre tant de perfections desquelles Dieu a comblé les ancestres de Vostre Altesse, il soit malayse de discerner celle qui tient le premier rang, si est ce que la pieté envers Dieu presente un esclat si particulier et si signalé entre toutes, qu'il donne toute asseurance aux tres humbles et tres obeissans orateurs de Vostre Altesse, Philibert, Evesque de Maurienne, François, Evesque de Geneve, supplians, tant a leur nom que de leur clergé, et aux autres ecclesiastiques soubsignés, de luy remonstrer:.

  A023002190 

 Que le malheur de cest aage a tellement perverti la conscience de plusieurs que, destournant l'usage du secours de la justice a une inique et maligne production de proces, se ruinant eux mesmes ilz font miserablement consumer, par toutes sortes de procedeures, contentions et chicaneries, les personnes, moyens et loysir des gens d'Eglise qui estoyent destinés au service de Dieu et des ames, au grand prejudice du bien publiq et de l'intention de ceux qui, anciennement, ont fait les fondations pieuses; entre lesquelles, [345] comme les devanciers de Vostre Altesse tiennent en toute sorte le premier rang, aussi semble il qu'Elle ayt plus d'interest a la maintenance et conservation d'icelles..

  A023002210 

 Comme aussi les servis et prestations annuelles deuës aux ecclesiastiques seront payés sur une reconnoissance et deux confins deuement verifiés par devant les commissaires, qui, a ces fins, seront deputés par les juges, au moins par provisions et a caution telle que dessus..

  A023002227 

 Verum, quoniam Ecclesia, non extra muros, sed in medio sui Sanctum habet Spiritum, fortem illum videhcet aquarum viventium fontem, qui inde per Sacramenta in animos fidelium defluit, propterea de hac nostra Christianorum Bethulia, siti premenda vel ad deditionem cogenda, frustra et puerihter ab hsereticis cogitatum, dehberatum et tentatum est.

  A023002232 

 [355] Propterea Nos, qui nobiscum foelicissime actum iri credimus si tanti Patris, non solum in munere quod gessit subeundo, sed etiam in eodem obeundo successores et imitatores fuerimus, Ritualem hunc librum nunc tandem aliquando, quod ipse multum optaverat, vobis expectantibus exhibemus..

  A023002235 

 Quod, ne quis per socordiam aut negligentiam praetermittat, Nos, in nomine Domini, cuilibet vestrum sigillatim et vobis omnibus simul mandamus et praecipimus, ne quis deinceps alios ritus, praeter eos qui hoc Rituali continentur, in Sacramentorum administratione sacrarumve benedictionum et actionum solemnitate usurpare, quovis praetextu, vel adhibere praesumat.

  A023002243 

 Ce qu'Holopherne imagina, Frères très chers, lorsqu'il assiégeait Béthulie et qu'il fit couper et occuper de toutes parts son aqueduc et toutes ses fontaines, afin qu'il ne restât pas la moindre goutte d'eau pouvant étancher la soif des assiégés: c'est ce que reproduisent tous les hérétiques qui combattent l'Eglise, surtout ceux de notre temps.

  A023002243 

 Ils empêchent ainsi que la très suave impétuosité du fleuve qui jaillit jusqu'à la vie éternelle ne puisse continuer à réjouir la cité de Dieu.

  A023002243 

 Tout d'abord, ils s'efforcent, par une simple négation, d'abolir entièrement la Pénitence, l'Ordre, la Confirmation, le Mariage et l'Extrême-Onction; puis, par une souveraine impiété ou impudence, ils enlèvent au Baptême la rémission efficace des péchés, et à l'Eucharistie la présence du Corps du Seigneur qui donne la vie..

  A023002244 

 En effet, couper des ruisseaux qui tirent leur origine de la ville elle-même, c'est manifestement priver d'eau, non les citoyens enfermés, mais bien plutôt les ennemis qui se tiennent au dehors, non les assiégés, mais les assiégeants..

  A023002244 

 Mais l'Eglise possédant, non hors de ses murs, mais au milieu d'elle-même le Saint-Esprit, cette source abondante d'eaux vivifiantes qui, par les Sacrements, se répand dans les âmes des fidèles, c'est chose vaine et puérile de la part des hérétiques d'avoir imaginé, délibéré et tenté de prendre par la soif et de réduire à discrétion la Béthulie des chrétiens.

  A023002245 

 Bien plus: par le fait même que les ennemis de l'Eglise, avec des efforts plus violents et une excessive audace, ont tourné leurs attaques contre le nombre, la dignité et les cérémonies des Sacrements, tous les Evêques d'abord, réunis au très auguste Concile de Trente, puis la plupart d'entre eux séparément dans leurs provinces, avec une ardeur toujours croissante, ont lutté avec d'autant plus d'énergie et de fermeté en faveur de leur nombre sacré de sept, de [351] la religieuse solennité de leurs rites et de la sainteté qui appartient à tout ce qui les touche..

  A023002246 

 Parmi eux, et au nombre de Nos prédécesseurs, Nous rappelons l'illustre Ange Giustiniani, homme d'une doctrine et d'un talent incomparables, qui, au retour du Concile, où il intervint, dépensa les plus grands efforts dans ce sens.

  A023002247 

 C'est lui qui introduisit dans toutes les églises du diocèse, avec autant de douceur que d'efficacité, les prières et Offices ecclésiastiques corrigés selon les prescriptions du Concile de Trente.

  A023002247 

 C'est lui qui, le premier dans nos provinces françaises, adopta la coutume, on ne peut plus utile et sainte, et prescrite par le même Concile, de conférer les églises paroissiales au concours: il donna ainsi l'exemple aux autres Evêques, afin que, comme il avait fait, ils fissent aussi eux-mêmes.

  A023002247 

 En effet, tout ce que nous voyons dans ce diocèse qui ne soit pas à regretter, tout [353] cela à peu près, il est juste que nous le reportions avec simplicité à ce remarquable Prélat.

  A023002248 

 Aussi, notre excellent Prélat estimait, et avec juste raison, qu'il ferait chose avantageuse en éditant un Rituel, de tout point conforme au Romain, que tous dans ce diocèse adopteraient unanimement à l'exclusion de tout autre, et qu'ils suivraient comme règle unique dans la célébration des rites, au milieu des divergences si grandes qui existaient..

  A023002248 

 S'il existe, en effet, de nombreux exemplaires de Rituels dont le titre annonce au lecteur l'ordre et la série des rites de l'Eglise Romaine, on n'en rencontre presque pas qui répondent au titre et tiennent ce que celui-ci promettait.

  A023002249 

 C'est pourquoi Nous, qui Nous estimerons très heureux, non seulement d'avoir remplacé un tel Père dans sa charge, mais de Nous montrer son successeur et imitateur dans la façon dont Nous la remplirons, Nous vous présentons enfin cette édition du Rituel qu'il avait lui-même grandement souhaitée..

  A023002249 

 Mais, pendant environ les dix dernières années de sa vie, il se trouva tracassé, occupé et empêché en partie par des guerres désastreuses, en partie par le devoir de restituer plusieurs églises au culte et d'amener à la pénitence, par lui-même ou par ses collaborateurs, des milliers d'hérétiques qu'il rendit, tels des fils ressuscités, à notre Mère l'Eglise qui les pleurait.

  A023002250 

 Ensuite, de tous les exemplaires qu'il Nous fut possible de consulter, Nous avons de ci et de là tiré différentes règles et de nombreux enseignements qui fourniront une ample lumière aux curés et à leurs vicaires sur l'exercice bien réglé de leurs fonctions; c'est ainsi que, à l'exemple des abeilles, Nous avons, de diverses fleurs, amassé le miel dans notre ruche.

  A023002250 

 Tout d'abord, Nous étant adjoint quelques membres doctes et pieux de Notre clergé cathédral et ayant réuni un certain nombre de Rituels de diverses provinces, Nous avons extrait avec soin du seul Rituel Romain tout ce qui touche aux cérémonies de l'administration des Sacrements; des autres, surtout de l'ancien Rituel de Genève, plusieurs formules de bénédictions qu'il Nous a paru à propos de maintenu dans nos populations à cause de la louable coutume qui en a été introduite.

  A023002250 

 Vous aviez déjà à part ce formulaire édité par ordre de Notre Révérendissime Prédécesseur; maintenant, vous le trouverez ici revu et corrigé des erreurs qui s'y étaient glissées, afin que le présent volume réunissant tout ce qui touche à votre ministère, vous l'ayez ainsi plus facilement sous les yeux..

  A023002251 

 Il ne paraissait pas, en effet, qu'on pût désirer autre chose touchant le sujet qui Nous occupe, sinon ces exhortations catéchistiques et familières sur les Sacrements et autres principaux points de la religion, que la plupart d'entre vous m'ont souvent demandées.

  A023002251 

 Je vous promets, s'il plaît à Dieu, de vous les donner aussitôt que les nombreuses sollicitudes et occupations qui m'envahissent de toute part m'auront accordé un peu de loisir et de tranquillité d'esprit.

  A023002252 

 Et afin que personne n'omette de le faire par paresse ou négligence, Nous vous ordonnons et prescrivons au nom du Seigneur, à chacun de vous en particulier et à tous ensemble, que dans l'administration des Sacrements et l'accomplissement solennel des bénédictions et cérémonies saintes, nul dorénavant n'ait la présomption, sous aucun prétexte, d'employer d'autres rites que ceux qui sont contenus dans ce Rituel.

  A023002266 

 Die 11 Februarii, festum SS. Martyrum Victoris et Ursi, qui passi sunt cum reliqua legione Thebaea in agro Agaunensi finitimo, duce Beato Mauritio; semiduplex.

  A023002270 

 Die 22 Aprilis, festum S. Anselmi, Confessoris Pontificis, qui ex finitima Augustana diaecesi oriundus, ad archiepiscopatum Cantuariensem in Anglia evectus, exemplis, scriptis, miraculis, universam Ecclesiam illustravit.

  A023002275 

 Die 8 Maii, festum S. Petri, Episcopi et Confessoris, qui finitimam Ecclesiam archiepiscopalem Tarentasiensem mira vitae sanctitate diu administravit.

  A023002279 

 Die 6 Junii, festum S. Claudii, Episcopi et Confessoris, [360] qui Archiepiscopus Vesuntinus extitit, cujusque reliquiae, ob innumera miracula, in monasterio Sancti Eugendi, hujus diaecesis finitimo, maximo fidelium concursu passim celebrantur.

  A023002280 

 Die 15 Junii, festum S. Bernardi de Menthone, Confessoris non Pontificis, qui illustri loco in hac diaecesi natus, Archidiaconus Augustensis effectus, vitae sanctimonia ac plurimis miraculis has omnes praecipue regiones illustravit.

  A023002282 

 Die 26 Junii, festum S. Anthelmi, Episcopi et Confessoris, qui ex Ecclesia cathedrali Gebennensi, cujus Praepositus diu fuerat, Carthusianus effectus, ad episcopatum finitimum Bellicensem promotus, magna sanctitate et miraculorum varietate claruit.

  A023002294 

 Die 16 Augusti, festum S. Theoduli, Episcopi et Confessoris, qui Ecclesiae Sedunensi, nobis finitimae, miram spirans vitae sanctimoniam, foelicissime praefuit, cujusque memoria, propter miraculorum frequentiam, ubique in his regionibus celeberrima est..

  A023002298 

 Die 7 Septembris, festum S. Grati, Episcopi et Confessoris, qui finitimam Ecclesiam Augustanam rexit..

  A023002333 

 Le 11 février, fête des saints martyrs Victor et Ursus, qui souffrirent avec le reste de la légion Thébaine dans la plaine d'Agaune, toute voisine, ayant pour chef le bienheureux Maurice; semi-double.

  A023002337 

 Semi-double, mais qui, à cause de la fête des saints martyrs Sotère et Caïus, est transféré au premier jour non empêché par un double ou un semi-double..

  A023002342 

 Le 8 mai, fête de saint Pierre, évêque et confesseur, qui administra longtemps, avec une admirable sainteté de vie, l'Eglise archiépiscopale voisine de Tarentaise.

  A023002346 

 Le 6 juin, fête de saint Claude, évêque et confesseur, qui fut [360] archevêque de Besançon, et dont les reliques, à cause d'innombrables miracles, sont honorées d'un concours extraordinaire de fidèles au monastère de Saint-Oyend, voisin de ce diocèse.

  A023002347 

 Le 15 juin, fête de saint Bernard de Menthon, confesseur non pontife, qui, né dans ce diocèse d'une illustre famille, devenu archidiacre d'Aoste, illustra spécialement toutes nos régions par la sainteté de sa vie et de nombreux miracles.

  A023002361 

 Le 16 août, fête de saint Théodule, évêque et confesseur, qui gouverna très heureusement l'Eglise voisine de Sion en répandant une merveilleuse odeur de sainteté, et dont la mémoire, à cause de la multitude de ses miracles, est très célèbre partout dans nos contrées..

  A023002365 

 Le 7 septembre, fête de saint Grat, évêque et confesseur, qui gouverna l'Eglise voisine d'Aoste..

  A023002367 

 Le 22 septembre, fête des saints Maurice et ses Compagnons, dont le sang a baigné presque tous ces pays, qui sont les protecteurs devant Dieu de nos provinces et ont été déjà autrefois très honorés par nos aïeux.

  A023002392 

 Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu exauce [365] toutes les prieres qui luy sont devotement presentees au nom de Jesus Christ son Filz, toutesfois il s'est reservé des lieux et des jours esquelz il veut estre plus particulierement servi et invoqué; comme aussi en iceux il reçoit plus favorablement nos requestes.

  A023002393 

 Pour donq faire aujourd'huy cette sainte celebration au mieux que nous pourrons, sçachans que Dieu regarde volontier a la priere des humbles et ne mesprise point le coeur contrit et humilié, nous mettrons les genoux a terre et, nous humiliant de tout nostre cœur devant sa divine face, nous le remercierons de tous les biens que nous avons eus et qui nous sont preparés, et principalement de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, par laquelle nous avons esté delivrés de la damnation eternelle; nous tenans et reconnoissans pour ses pauvres et miserables creatures, indignes et inutiles serviteurs, dependans en tout et par tout de sa sainte misericorde et mercy, a laquelle nous recourons pour avoir pardon et remission de nos offenses et iniquités..

  A023002400 

 Nous prierons par apres pour tous nos superieurs, tant spirituelz que temporelz; pour nostre Saint Pere le Pape et pour tous les Prelatz, pasteurs et personnes ecclesiastiques qui sont legitimement deputés au gouvernement des ames, et specialement pour Monseigneur le Reverendissime nostre Evesque et Pasteur, affin qu'il playse a Dieu leur faire la grace de si bien repaistre et guider les brebis qui leur sont commises, que, estans garantis de toutes fauses opinions et seductions, elles vivent et perseverent ça bas en l'union de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, attendans d'estre receus en l'Eglise triomphante, la haut en Paradis..

  A023002402 

 Davantage, s'il est ainsy que nostre Sauveur prevoyant la ruine de Hierusalem pleura sur icelle, nous devons deplorer et regretter de tout nostre cœur la perdition des pauvres ames des infideles, schismatiques, desvoyés et faux chrestiens, qui se font un thresor de l'ire de Dieu pour le jour de son courroux, a ce qu'il luy playse les esclairer de sa sainte grace et verité..

  A023002403 

 De plus, Nostre Seigneur reputant estre fait a soy ce qui est fait au moindre des siens, nous prierons pour tous les pauvres affligés et necessiteux, pour les vefves, orphelins, malades, prisonniers, pelerins, et generalement pour tous ceux qui sont en tribulation et adversité, affin qu'il playse au Pere des misericordes et de toutes consolations de les assister de son Saint Esprit, affin que, recevans leur affliction en humilité, ilz puissent posseder leurs ames en patience..

  A023002414 

 Donnes nous aujourd'huy nostre pain quotidien, et nous pardonnes nos offences comme nous pardonnons a ceux qui nous ont offencé, et ne nous induises point en tentation, mais delivres nous du mal.

  A023002414 

 Nostre Pere qui estes es cieux, vostre nom soit sanctifié, vostre Royaume nous advienne, vostre volonté soit faitte en la terre comme au Ciel.

  A023002415 

 Nous reciterons aussi la Salutation angelique, tant en memoire de nostre Redemption qui fut annoncee par l'Ange en cette Salutation, que pour nous joindre a la communion de tous les Saintz en la personne de la glorieuse Vierge Marie, laquelle nous prions de prier pour [369] nous Dieu le Pere, au nom de son Filz, nostre unique Sauveur.

  A023002422 

 Benisses le Seigneur, ains plustost, que le Seigneur nous benisse, et que, tant nous que tout ce qui est pour nostre usage, soit beni par la dextre de Jesus Christ.

  A023002424 

 Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ay tiré de la terre d'Egipte, de la mayson de servitude.

  A023002424 

 Tu ne te feras tailler aucune idole ou semblante des choses qui sont en haut au ciel, ou de celles qui sont ça bas en terre, ou de celles qui sont es eaux sous la terre.

  A023002429 

 Or, non seulement Dieu veut estre ouy et obey, mays aussi il veut que l'Eglise soit escoutee et obeye, a peyne, pour ceux qui font au contraire, d'estre reputés devant luy pour infidelles, payens et publicains, ne pouvant «avoir Dieu pour Pere, qui n'aura l'Eglise pour Mere.» Vous apprendres donq ses Commandemens et les garderes de bon cœur; c'est a sçavoir:.

  A023002433 

 S'il y a quelque feste de devotion, il dira: Vous aves (tel jour) la feste de N., laquelle n'est pas de commandement, mays seulement de devotion, pour ceux qui la voudront garder..

  A023002436 

 S'il faut adviser de quelque larcin ou de quelque chose perdue: J'advise ceux ou celles qui auront desrobbé ou treuvé N. N., qu'ilz le rendent, autrement ilz encourront [371] la malediction donnee contre ceux qui violent la loy de Dieu..

  A023002447 

 «Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu,» etc., et le reste qui s'ensuit jusques a l'absolution: Indulgentiam, etc., inclusivement.

  A023002454 

 Le Sacrement de Mariage estant de si grande importance a l'Eglise et republique chrestienne, affin que desormais il soit celebré plus convenablement et saintement, nostre Mere la sainte Eglise Catholique, Apostolique, Romaine a declairé nulz et de nul effect tous mariages qui se font sans la presence de l'Evesque ou du Curé, ou de quelqu'un deputé de la part de l'Evesque ou de la part du Curé, et sans l'assistence de deux tesmoins.

  A023002460 

 Parce que l'Eglise nous propose aujourd'huy en l'Escriture de l'Evangilement de Baptesme, et que d'ailleurs chaque fidelle peut et doit l'administrer en cas d'extreme necessité, partant vous deves sçavoir qu'en ce cas la d'extreme necessité, c'est a dire quand il y a danger que la creature qui doit estre baptizee ne meure promptement, il suffit de prendre de l'eau naturelle et commune, et la respandre sur l'enfant en telle sorte qu'elle le touche, en disant ces paroles: Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit..

  A023002558 

 Et quant aux autres festes de devotion, combien que personne ne soit astreint sous aucune peyne de les garder ou celebrer, toutes-fois celuy fera bien qui, selon la louable coustume du diocese, rendra en icelles son devoir envers Dieu, les Saintz et l'Eglise..

  A023002559 

 Au reste, est defendu a tous curés et vicayres de ne publier au Prosne et solemnité de la sainte Messe aucune chose profane, comme venditions, accensemens de biens, payement de tailles, ou servis, et autres choses semblables; ains seulement ce qui concernera le service de Dieu et de son Eglise, comme festes, jeusnes, processions et autres commandemens qui viennent de la part de Monseigneur le Reverendissime..

  A023002566 

 Parricidium, non tantum eorum qui parentes suos occidunt, sed etiam qui eos graviter mutilant aut vulnerant.

  A023002571 

 Veneficium et maleficium, eonun praesertim qui per ligaturas aut similes incantationes matrimonii consummationem impediunt..

  A023002580 

 Qui fecit caelum et terram..

  A023002585 

 Domine Jesu Christe, Dei et beatae Mariae Virginis Filius, qui in paradiso terrestri matrimonium instituisti in officium [377] et conservationem et multiplicationem humanae naturae, et ipsum matrimonium mirabiliter honorasti in adventu tuo ex primordiis miraculorum tuorum: Tu, per merita et preces beatissimae Virginis Mariae, Matris tuae, et omnium Sanctorum et Sanctarum tuarum, digneris hos, quos matrimonialiter conjunxisti, bene † dicere, ac plene liberare ab omni ligamento, fascinamento et maleficio Satanae, et dare foecunditatem et gratiam, ut libere possint uti matrimonio suo ad generandum, concipiendum, portandum, pariendum et nutriendum proles gratas Deo et hominibus..

  A023002590 

 Beati omnes qui timent Dominum: qui ambulant in viis ejus, [etc.].

  A023002596 

 Domine Jesu Christe, Fili Dei vivi, qui uterum beatae Virginis Mariae mirabiliter foecundasti, ut de Spiritu Sancto conciperet, portaret, pareret ac nutriret, Te, Deum ac Dominum Salvatorem nostrum, suppliciter invocamus per clementiam tuam, ut his famulis tuis N. et N. foecunditatem donare digneris, ut generare, concipere, portare, parere, ac nutrire tibi valeant prolem in vitam aeternam.

  A023002600 

 Beatus vir qui non abiit in concilio impiorum et in via peccatorum non stetit, [etc.].

  A023002602 

 JESUS, Mariae Filius, mundi salus et Dominus, qui beatissimae Virgini Mariae, Matri suae, foelicem partum tribuit: Ipse tibi concedat, ut possis in utero portare, fovere, parere et bene nutrire prolem Deo gratam et hominibus..

  A023002605 

 Et in fine curabit parochus, aut alius sacerdos qui eos exorcizavit, ut sponsus et sponsa proferant magna cum devotione hunc versum sequentem Psalmi 96; aut, a sacerdote dicatur super ipsos:.

  A023002606 

 Confundantur omnes qui aiorant sculptilia et qui gloriantur in simulachris suis..

  A023002612 

 Declarer qu'es oppositions qui se feront aux proclamations des mariages, l'opposant sera tenu de specifier la cause de son opposition, laquelle sera mentionnee au renvoy qu'en fera le proclamant; et, en tous cas, seront tous-jours renvoyees les parties par devant 1'Official.

  A023002613 

 Item, que les fiancemens seront tenus pour nulz, si les promesses ne se font par paroles expresses entre ceux qui peuvent parler, et sous le tesmoignage de deux tesmoins (masles ou femelles)..

  A023002621 

 De superiore mensis maii Des chastelains qui molestent ceux qui ont licence de travailler..

  A023002626 

 Pax dabitur a D. Assistente Cantoribus, qui dant dominis Canonicis ecclesiarum collegiatorum; deinde, D. Assistens major dabit antiquioribus Canonicis cathedralibus..

  A023002627 

 Qui discedunt ad haereticos moneantur ut accipiant a [381] curatis licentiam, qui eos docebunt ne comedant carnes diebus prohibitis, et, Nostro nomine, cum eis dispensent super observatione festorum non solemnium, et revertantur, in Paschate, ad curatos propinquiores..

  A023002628 

 Les deputes de dehors viendront aux fraiz des provinces qui les desirent..

  A023002635 

 Les provisions de ceux qui n'ont pas [été] enregistrés..

  A023002646 

 Cur ergo isti non mutentur in seculares, Reipublicae Christianae longe utiliores? Eo etiam maxime quod magna copia est in hac Sabaudia nobilium hominum qui censibus idoneis carent, quorum filiis qui ecclesiasticam professionem sequuntur, hoc modo commode provideri posset.

  A023002652 

 Nulla autem ratione reformari posse arbitror, nisi in urbes deducantur, et aliis subdantur Superioribus, qui earum animis tractandis majorem adhibeant operam..

  A023002659 

 C'est pourquoi le nom du Seigneur est blasphémé à cause d'eux chez les [383] hérétiques, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens-là?.

  A023002661 

 C'est ce qui a déjà commencé à se faire au monastère d'Abondance, où les Feuillants ont été substitués aux Chanoines réguliers..

  A023002662 

 Pourquoi donc ne sont-ils pas transformés en chanoines séculiers, bien plus utiles à la république chrétienne? D'autant plus qu'il y a ici en Savoie une multitude de gens nobles, sans revenus suffisants, dont les fils, parmi ceux qui suivent la profession ecclésiastique, pourraient de cette manière être commodément pourvus.

  A023002664 

 Pour ce qui est des monastères de Chanoines réguliers de ces régions, ils n'appartiennent à aucune Congrégation, ne célèbrent aucun Chapitre, ne sont soumis à aucune visite ni à aucune Règle.

  A023002664 

 Quoique les Monastères de Sixt et de Pellionnex soient visités par l'Ordinaire, auquel ils sont assujettis par un droit antique (bien que jusqu'ici ils aient à peine voulu obéir), cependant Nous n'avons rien obtenu d'eux, parce qu'ils manquent de Règle et de Constitutions, et que par ailleurs, en ce qui regarde la profession ecclésiastique, ils se conduisent avec assez de bienséance.

  A023002665 

 J'avoue que le premier et le second remèdes semblent devoir être très utiles, tandis que le troisième est très difficile et très [386] incertain; car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas..

  A023002667 

 Il faut en dire de même des Chartreusines de Mélan, qui jusqu'ici ont mené une vie assez digne de louange, sans garder exactement la clôture, mais cependant avec une clôture suffisante.

  A023002668 

 Je ne vois aucun antre moyen de les réformer, sinon de les établir dans les villes et de les soumettre à d'autres Supérieure, qui s'occupent plus sérieusement du soin de leurs âmes..

  A023002685 

 Tous ceux qui, de droict, sont obligés d'estre presents au Synode, y comparoistront désormais en surplis et bonnetz quarrés, et les Surveillans prendront garde de venir de si bon'heure qu'ils puissent assister a l'assemblee qui se faict sur le jour avant la celebration dudict Synode, pour preparer ce que l'on doit proposer et declarer selon les difficultés et necessités du diocaese..

  A023002697 

 Les Surveillants estants es heux de leurs surveillances appelleront a eux tous les confesseurs extraordinaires, a sçavoir ceux qui ne sont pas curés, pour voir leurs admissions et r'envoier ceux qui n'en ont poinct.

  A023002701 

 Les prebstres qui vouldront estre admis a l'administration des Sacrements se presenteront aux Examinateurs deputés au Synode, le premier jeudy de chasque moys, si l'ors ne se rencontre feste solemnelle; et en ce cas, ils se presenteront le jeudy prochainement suivant pour estre examinés, et puis appreuvés par le Reverend sieur nostre Vicaire general ou ses substituts.

  A023002705 

 Ceux qui doresnavant vouldront estre promeus aux Ordres sacrés se presenteront, en suitte de l'ordonnance du sainct et sacré Concile de Trente, avec bon et suffisant tiltre; lequel ne sera estimé tel s'il n'est au moins de six vingt florins, et sil n'est faict et stipulé en la presence du Surveillant.

  A023002709 

 Nous exceptons touttesfois les docteurs et gradués en theologie, qui pourront estre admis sans examen, et ceux ausquels par le passé Nous avons donné telle licence; et n'entendons comprendre en cette defence les sieurs curés qui, par leurs establissemens, non seulement peuvent, mais doivent enseigner les peuples a eux commis, selon leur portee..

  A023002717 

 Ce qui se fera precisement dans le temps qui est entre Pasques et Pentecoste, et dans la quinzaine suivante lesditz distributeurs envoyeront a nostre Vicaire general le rooïïe de ceux qui ne les auront prises.

  A023002717 

 La distribution des sainctes Huiles se fera premièrement [392] par le petit Ouvrier ou sous Sacristain de l'Eglise cathedrale, aux deputés des villes et bourgades, qui luy avanceront, pour chasque cure qui sera marquee en leurs reolles, deux sols.

  A023002725 

 Tous ecclesiastiques qui tiennent des femmes, de quel aage qu'elles soient, pour leurs services ou aultrement, les congedieront et feront retirer dans le mois; a peine d'excommunication termino elapso incurrendae, reservee a Nous, et aultre chastiment arbitraire.

  A023002725 

 [393] Que si, le mois passé, il se treuve quelqu'un qui n'ayt satisfait a la presente constitution, les Surveillants en donneront certificats a nostre Vicaire general..

  A023002729 

 Pour remedier, aultant que Nous pouvons, aux grands scandales que plusieurs ecclesiastiques donnent au peuple chrestien par la frequentation des tavernes, mesprisants les deffences auparavant faictes, Nous les renouvelions soubz plus grande peine, asçavoir, d'excommunication ipso facto incurrendae et reservee a Nous; laquelle encourront tous ecclesiastiques qui, dans l'enclos de leurs parroisses et lieux de leur sejour, boiront et mangeront en taverne, saufz es cas de nopces, baptesme, funerailles et Confrairies seulement; dont Nous n'exceptons aucunement les fiançailles, ni anniversaires, ni mises de dismes, ni appointements, ni aultre pretexte quel quil soit..

  A023002733 

 Et de ce, les Surveillants advertiront les curés et aultres beneficiés de leurs quartiers, affin quils dressent des registres de leurs dicts tiltres, qui leurs ( sic ) suffiront pour l'exaction de leurs revenus.

  A023002757 

 Nous renouvellons le commandement de la residence es benefices aiants charge d'ames, en suitte du sainct Concile, avec ordonnance de citer ceux qui ne resident n'en estants dispensés par la faveur des induits apostolicqs..

  A023002765 

 Les ecclesiastiques n'intenteront aulcun proces, tant criminel que civil, quils n'ayent communiqué avec les moderateurs deputés qui resideront en ceste ville, pour voir si le proces petit estre evité ou appoincté, et, quand besoing seroit de plaider, pour ne le faire sans bon fondement..

  A023002773 

 Tous ecclesiastiques seculiers sachent quils sont obligés a l'obeissance des Constitutions synodales, et que les Reguliers les observent en ce qui les regarde: comme de n'ouir les confessions ni prescher sans approbation, de n'absouldre des cas reservés les personnes de ce diocese, et generalement, quils gardent les aultres ordonnances qui les concernent traictants avec les seculiers..

  A023002777 

 Et estants arrivés, se presenteront au greffier de l'Evesché pour donner leurs noms et payer le droict que les saincts Canons appellent cathedraticum, estimé a deux sols; et ceux qui n'assisteront au Synode feront le mesme debvoir par procureurs..

  A023002789 

 Les curés adviseront de n'adjouster aux prieres que l'on faict pour les trespassés, tant es funerailles qu'es anniversaires, nouveaux responsoires ni proses non approuvees qui ne sont contenues au Rituel de ce diocese..

  A023002810 

 Il est raysonnable de remettre le soin d'une [charge] a celuy qui en peut le moins abuser; et si j'avois de la [398] creance pres les grans, je prefererois la conscience a la science et a la qualité de la mayson; aucun n'auroit charge dans l'Eglise, qui ne fust deschargé des vices qui l'ont esbranlee.

  A023002810 

 Je distribuerois les dignités a ceux qui les fuyent, et non pas a ceux qui les suivent; mais je n'advancerois pas, comme fit un Roy de France, un prestre qui dormiroit en l'eglise.

  A023002810 

 Tous ces poursuivans qui recherchent leur fortune au domaine de Jesus Christ tesmoignent manifestement qu'ilz en sont incapables, et coulpables d'ambition; ilz n'y recherchent pas, dit saint [399] Paul aux Romains, la justice de Dieu, mais leurs interestz propres..

  A023002811 

 Ceux qui dient qu'il faut remplir les sieges vacans et donner leurs places aux doctes, n'en disent pas asses s'ilz n'y adjoustent: et humbles; car la science enfle et ne doit estre estimee qu'autant qu'elle est fructueuse a salut..

  A023002812 

 Il y a bien des degrés auparavant que d'entrer au cabinet de la vraye doctrine: il faut passer par devant ceux qui veulent sçavoir pour sçavoir, et qu'on appelle curieux; de la, venir a ceux qui veulent sçavoir pour paroistre sçavans, et qu'on nomme vains; par apres, a ceux qui veulent sçavoir pour tirer la science a leur usage et a leur commodité, et qu'on peut estimer avaricieux; et puis, monter a ceux qui veulent sçavoir pour edifier, et c'est la qu'est la charité.

  A023002814 

 C'est que les bons curés ne sont pas moins necessaires que les bons Evesques, et les Evesques travaillent en vain s'ilz ne sont soigneux de pourvoir leurs eglises parroissiales de curés devotz, de vie exemplaire et de suffisante doctrine, parce que ce sont les pasteurs immediatz qui doivent marcher devant les brebis, leur enseigner le chemin du Ciel et leur donner l'exemple qu'elles doivent suivre.

  A023002814 

 L'experience m'a fait connoistre que le peuple se [400] portoit facilement aux exercices de devotion lhors qu'il avoit des personnes ecclesiastiques qui, par la parole de Dieu et le bon exemple, l'excitoyent a fuir le vice et embrasser la vertu; et qu'au contraire la populace se detraquoit fort facilement de l'exercice des vertus chrestiennes lhors que leurs prestres estoyent ignorans, peu soigneux du salut des ames et de mauvaise vie.

  A023002821 

 Ceux qui sont tenus pour concubinaires notoirement, et neantmoins ne le confessent, le curé sera tenu Nous en advertir..

  A023002822 

 Les ventemens qui se font en plusieurs endroictz de ce diocese, par les vicaires, curés et autres prebstres tant seculiers que reguliers, avec les corporaux, sur ceux qui ont mal aux yeux, sont des a present prohibés; comme aussi d'y mettre de l'eau qui a esté versee dans le calice apres la Postcommunion.

  A023002824 

 Seront tenus tous curés Nous rapporter rolle de ceulx qui n'ont poinct communié a Pasques..

  A023002835 

 Tous seront tenus se confesser [à Pâques] vers leurs curés, ou vers autres qui seront de Nous licentiés, ayant touttesfois attestation des confesseurs, ou vers ceulx qui auront privilege de Sa Saincteté, en rapportant attestation d'eux a Pasques seulement; et se communier en leur parroche audict temps de Pasques, a peyne d'excommunication..

  A023002836 

 Et lesquelz confesseurs pourront recepvoir au sainct Sacrement de Communion ceulx qui auront habité vers les heretiques pour cause de leur pauvreté et pour gagner leur vie, et qui n'auront celebré les festes de l'Eglise; mais ceulx qui font actes heretiques ne seront receuz..

  A023002838 

 Et pour l'aulmone qui se donne pour la celebration des Messes, qu'elle sera, pour la Grande Messe de quattre solz, et pour la petite de deux solz; et neantmoins sera permis de prendre ce que sera donné de libre volonté..

  A023002840 

 Et comme Nous avons heu des plaintes et veu des proces sur l'excessive exaction qu'aucuns curés font de luminaire qui se faict en la sepulture des decedés et durant l'annee du dueil: a quoy desirant obvier, a esté dict quil ne sera loisible a qui que ce soit d'user es eglises que de cire pure, et que pour chasque livre de ladicte cire pure fournye par les curés, ne sera permis de demander et se fere paier plus haut que de cinq florins, poidz de ceste ville d'Annessy, lequel sera pesé au commencement et a la fin du dueil..

  A023002841 

 Plus a esté ordonné que le luminaire qui sera mis en faisant les funerailles et Office, ledict Office achevé et cessé, appertiendra au curé.

  A023002843 

 Et finalement, attendu quil y a des curés, chappelliers et autres qui se rendent odieulx a leurs parrochains a cause des proces quilz intentent contre leurs parrochains et autres, a esté ordonné que aucun proces ne sera meu que prealablement ilz n'ayent communiqué avec les Surveilliantz pour en avoir leur advis..

  A023002852 

 Que pour eviter a tous pechés que pourroient estre commis par les parrochains de chasque parroche occasion des testes qui ne sont observees, que par cy apres les Survelliantz en ballieront dispense..

  A023002854 

 Tous curés et vicaires seront tenus de fere les quattre livres des baptizés, communiés, [mariés] et decedés, chacun en leur parroche, mesme de ceulx qui ne feront leur debvoir a Pasques; les appourter et remettre par devers nostre greffe, et lesdictz vicaires s'en allantz, les laisser [à la cure].

  A023002856 

 Nul ne sera receu au sainct Sacrement de Mariage sans recepvoir la benediction, qui n'aura esté oncques marié; et sera neantmoins celebree la Messe de sponso et sponsa ou, si fere ne se peut, sera faicte commemoration de sponso et sponsa..

  A023002862 

 Tous beneficiés paieront [les] decimes, suivant ce quilz sont cottizés au cottet respectivement, entre cy et la feste de sainct Jehan Baptiste; laquelle passee, sera mis un exacteur a leurs des-pens, auquel sera remis le cottet, qui retirera deux solz pour florin..

  A023002863 

 Et affin que tous confesseurs puissent sçavoir comme ilz se pourront compourter pour les cas de conscience, l'on fait sçavoir que tous les quatriesme jours du mois l'on s'assemblera en ceste ville, si ce n'est jour de feste, pour decider des questions occurrentes; ceulx qui ne pourront y assister, ilz pourront mander par missive..

  A023002872 

 Comme aussi pour les Messes et aulmones qui se font par les parroches pour la boyte de touttes ames et trespassés, que les curés exigent plus exactement quilz ne doibvent: a esté dict, que les Survelliantz se transpourteront par les parroches dependant de leur surveillance, pour avoir instruction des coustumes observees en icelles, pour, icelles instructions veues et rapportees par devers Nous, estre donné tel ordre et reiglement que verrons estre expedient et de raison..

  A023002876 

 Comme aussy, de ne conferer le sainct Sacrement de Baptesme [408] par les maisons et chappelles avec application du sainct cresme et autres cerimonies de l'Eglise, a peyne de vingt cinq livres, sinon que ce soit de Nostre particuliere et expresse licence; ce qui se faisant, sera le tout redigé par escript, [et] lesdictes cerimonies avoir estés observees..

  A023002881 

 Est ordonné ne recepvoir a confesse et a la saincte Communion ceulx qui vont a Geneve et mangent le vendredy et sammedy de la chair, prennent la Cene et font autres actes par lesquelz ilz renoncent purement a nostre religion [catholique]; et ne seront neantmoins refusés ceulx qui, par necessité, se transportent a Geneve et travaillient les jours de feste, et ne sont obligés icelles observer, en cas de necessité..

  A023002884 

 Sil y a persone qui sçache quelque empechement, soit de leur parentage, vie et deportementz, quilz ayent a le declarer et reveler, et de ce en rapporter attestation; autrement, a faute de ce, ne seront poinct receuz..

  A023002893 

 Mondict Seigneur le Reverendissime, en l'assemblee de sondict Clergé, sur les plaintes et contestes qui seroient survenues sur les permutations de benefices pourtant cure d'ames qu'autres simples benefices, aurait dict, statué et ordonné, comme il [appert] par les presentes Constitutions synodales:.

  A023002894 

 Et en cas que telles permutations soient treuvees justes et raisonnables, seront les dictes permutations registrees par devers le greffe deuement, a charge tout-tesfois que les provisions qui pourraient estre faiçtes en suite d'icelles ne pourront et ne sera loysible d'estre expediees que passés et escoulés vingt jours entiers, y comprenant le jour de ladicte resignation.

  A023002896 

 Tous tenant cures ou qui en obtiendront par cy apres, qui les auront resigné ou resigneront par cause de permutation avec des chappelles ou autres benefices en faveur de quelques uns, soit moiennant provision ou permutation simplement, des a present ne leur [sera] permys de se pouvoir inscrire au concours pour en obtenir d'autres..

  A023002897 

 Sera touttesfois loisible a ceulx qui auront obtenu benefices ou qui en obtiendront par cy apres, et desquelz ilz seront possesseurs, de se pouvoir inscrire a un autre concours, a charge neantmoins qu'en obtenant un'autre cure ou benefice, ilz seront tenus au mesme instant de resigner purement et simplement entre [Nos] mains, ou de nostre Vicaire general, celle qu'ilz possedoient au paravant, pour estre mise en concours..

  A023002906 

 Et par ce que il se treuve plusieurs riere Nostre diocese qui font profession d'enseigner la jeunesse, qui ne sont d'Eglise, avons dict et ordonné quilz seront tenus au paravant fere profession de foy entre les mains de leur Surveilliant; a peyne d'estre declaré incapable et rigoureusement chastié..

  A023002907 

 Ausquelz Surveilliantz est permis donner a leurs parrochains, en cas de necessité seulement, permission par escrit de pouvoir travallier, et defendu de ny commettre aucun abus; qui n'en pourront estre recherchés aucunement.

  A023002912 

 Ausquelz curés est inhibé de ne recepvoir aucunes patentes de passagiers, qui soient trassees, rompues et deschirees..

  A023002924 

 Pour la celebration des festes, le Manuel se dresse, en fin duquel se mettront les lestes qui se debvront celebrer.

  A023002929 

 Pour eviter aux contestes des fruictz des benefices a qui doibvent appertenir, est declaré que la prise de tout benefice commence a la feste de sainct [Jean] Baptiste et finissent ( sic ) a l'autre sainct Jehan suivant; et s'adjugeront ad ratam temporis..

  A023002934 

 Ceulx qui ne fourniront aucun luminaire, en sorte que [l'on] soit contrainct de le fournir, l'on ne fournira que deux chandoilles; que si ilz en vëullent davantage, ce sera a leurs despens..

  A023002950 

 Et sera ballié roolle des prebstres qui ministreront les Sacrementz sans permission..

  A023002951 

 Et n'est loisible a aucun curé ou prebstre pour ouyr confession [414] prendre aucune sorte d'argent, sinon [ce] qui leur sera ballié par voye d'aulmone..

  A023002952 

 Au registre des baptizés, d'autant que il advient que plusieurs sont baptizés long temps apres leur naissance, sera apposé le jour de ladicte collation du Baptesme, et neantmoins dict: «naiz tel jour.» Et tous prebstres qui auront baptizé [enfants] qui ne sont de leur parroche, seront tenus le rappourter en la parroche dudict baptizé..

  A023002955 

 Et par ce quil y a plusieurs proces pour le Clergé, que aussy quil y a restatz, a esté dict et ordonné que les deputés du Clergé s'assembleront demain a une heure apres midy, pour les afferes dudict Clergé, au pallais de Monseigneur le Reverendissime, pour deliberer ce qui sera de fere pour le bien et utilité dudict Clergé..

  A023002982 

 Attendu la grande estendue de Nostre diocese, environné en divers endroitz d'heretiques avec lesquelz une partie de nos diocesains sont contraintz non seulement de frequenter, mays encor de demeurer la pluspart du temps; desirans sçavoir si un chacun fait devoir de vray catholique, Nous enjoignons a tous curés, vicayres et autres ayans charge d'ames riere ce diocese, de rapporter toutes les annees au Sinode, par devant Nous ou nostre Vicayre general et Official, les noms et surnoms dé ceux qui ne se seront confessés et communiés aux Pasques precedentes, ainsy que dessus a esté dit..

  A023002997 

 Comme aussy, tous ceulx qui se vouldront marier seront tenus fere fere trois proclamations; et, se voulliantz espouser, venir de matin.

  A023002999 

 Touttes provisions Apostoliques fulminees par devant Nous, ou nostre Officiai et Vicaire general, seront mises a execution et mises en possession par nostre greffier qui en fera registre dans le mois..

  A023003022 

 Plus, que les flambeaux que seront donnés pour les funerallies des decedés, les heretiers d'iceulx s'en pourront servir pendant l'annee du dueil aux services; laquelle passee, appertiendront a l'eglise en laquelle le corps est enterré, sauf ceux qui sont donnés aux eglises qui accompagnent le corps..

  A023003023 

 Plus, que tous curés viendront querir les sainctz Huilles touttes les annees et les viendront prendre vers les distributeurs accoustumés (ausquelz seront tenus paier quattre solz pour leurs despenses), qui registreront les noms de ceulx qui en seront [pourvus] et les remettront] par devers Nostre greffe dans l'octave de Pentecoste..

  A023003024 

 Plus, que tous distributeurs qui pretendent d'avoir droict de distribuer les dictes Huilles feront apparoir de leurs droictz dans quinzaine; autrement sera sur ce proveu.

  A023003025 

 Tous Survelliantz seront tenus de Nous donner advertissement et noms des curés qui tiendront femmes suspectes, et de la vie et meurs d'iceulx..

  A023003030 

 Plus, que tous venants aux Ordres, et mesmes ceulx qui seront desja subdiacres, [y viendront] en habits decents et convenables a leur qualité; lesquels seront tenus d'apprendre leur chant, autrement ne seront receuz..

  A023003050 

 Veu par le Senat ladicte Requeste presentee par lesdicts seigneurs demandeurs et supplians y nommés, du premier de ce mois, ensemble les dictes lettres par eux obtenues de Son Altesse, du dernier janvier, ensemble les Articles y attachés, et autre Requeste presentee a sa dicte Altesse dudict jour de janvier, avec les conclusions du Procureur general, signé FAVIER, et tout ce qui faisoit a voir et [420] considerer, et qu'a esté produict et remis par devant le Senat, veu et consideré: Le Sénat, en enterinant quant a ce lesdictes lettres et Articles y annexés, a dict et ordonné que les supplians seront maintenus en la possession, jouissance et perception des dismes, premices et novelles y mentionnees, chacun en droict soy et riere leurs dismeries respectivement: le tout selon la coustume locale et ancienne observation des lieux ou lesdictes dismes, premices et novelles y sont deues, tant par la quote que qualité des fruicts decimables.


24-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIV-Vol.3-Opuscules.html
  A024000080 

 D - Documents qui concernent des membres du clergé.

  A024000099 

 E - Documents qui concernent des religieux.

  A024000120 

 F - Documents qui concernent des laïques.

  A024000122 

 II. Mandement sur l'immunité de l'église de Faverges, à propos d'un soldat espagnol qui s'y était réfugié, 19 décembre 1602, (Inédit).

  A024000274 

 Neque vero unicuique in eo ordine statuendo credendum, sed Spiritui illi qui per totum Ecclesiæ corpus diffunditur, et placita sua per Concilia, maxime generalia, ac per Sedis Apostolicæ Summos Pontifices, Christi vicarios, manifestat..

  A024000275 

 Quare Nos, ita per presens edictum ordinamus et statuimus: Ut scilicet, inter ecclesiasticas personas, primi procedant Fratres Ordinis Sancti Francisci Capucinorum, quos sequantur Reverendi Fratres Ordinis Sancti Francisci Observantium, tum Reverendi Fratres Ordinis Sancti Dominici; postea, Fratres Sancti Sepulchri, quibus succedat [5] ecclesia Collegiata Beatæ Mariæ Lætæ, in qua, qui officio Parochi fungitur, stolam ad reliquum vestium sacrarum ornatum addat, isque solus.

  A024000276 

 Qui autem secus fecerit, excommunicationis latæ sententiæ pœnam, ipso facto, incurrit, amissa omni appellatione et non obstantibus [7] quibuscumque.

  A024000285 

 Cependant, quoique tout ce qui vient de Dieu soit bien ordonné et doive être fait avec bienséance et avec ordre, il importe que cela soit surtout observé dans la sainte Eglise de Dieu, qui doit toujours paraître comme une armée rangée en bataille.

  A024000285 

 Pour établir cet ordre il ne faut pas néanmoins s'en rapporter à chacun, mais à cet Esprit qui est répandu dans tout le corps de l'Eglise et qui manifeste ses volontés par les Conciles, surtout par les Conciles généraux, et par les Souverains Pontifes du Siège Apostolique, vicaires de Jésus-Christ..

  A024000286 

 C'est pourquoi Nous, par le présent édit, Nous ordonnons et décrétons ce qui suit: Parmi les ecclésiastiques, viendront en premier lieu les Frères de Saint-François, de l'Ordre des Capucins, puis les Révérends Frères de Saint-François de l'Observance et les Révérends Frères de l'Ordre de Saint-Dominique.

  A024000286 

 Ensuite, les Frères du Saint-Sépulcre, suivis de l'église collégiale de Notre-Dame de [5] Liesse; celui qui y remplit l'office de curé, mais lui seulement, ajoutera l'étole aux autres ornements sacrés.

  A024000287 

 Celui qui s'en écarterait encourrait ipso facto, la peine d'excommunication latæ sententies, en dépit de tout et tout pourvoi [7] écarté; sans préjudice, néanmoins, des droits, s'il en existe, et des prétentions de l'église collégiale de Notre-Dame de Liesse.

  A024000304 

 Voyant que la feste du (sic) auguste Sacrement de l'hostel est proche, et ayant esté adverty de ce qui est arrivé l'annee passee, que les sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur en une chappelle, estant leur cueur occupé par vous, Monsieur, et les sieurs Prevost et Chanoennes de vostre Eglise de Sainct Pierre, chose qui pouvoit appourter quelque occasion de plainte et de scandale: cela m'a occasionné de vous fere la presente (puis que l'affaire est sur le poinct d'estre jugé) pour vous prier de leur donner au cueur de leur eglise le cousté gauche, et que, a la Grande Messe, ilz offrent conjoinctement avec les sieurs de vostre Eglise; que marchant processionnellement ledict jour ils ayent pour ce coupt, et sans le tirer en consequence, ilz soient mis a vostre main gauche.

  A024000315 

 Lequel sieur Doien avec ses Chanoennes revenu, a faict response n'avoir donné aucun advertissement particulier; ains, interrogé par ledict Sieur Archevesque de Vienne comme le tout se passa, luy respondit que certain billiet avoit esté apposé aux portes de leur eglise, contenant l'ordre a debvoir tenir et observer en la procession de l'annee derniere, signé: DECOMBA, qui estoit que tous ecclesiasticques se deussent treuver a Sainct Mauris pour, en fin de la Messe, marcher en procession suivant le contenu dudict billiet; et quils se retirarent en une chappelle.

  A024000316 

 A quoy replicquant, ledict sieur Prevost a dict [à] mondict Seignieur: « Il ne conste de la volonté pretendue de mondict Seigneur de Vienne que par une lettre, laquelle ne faict aucune mention des jugemens rendus sur ce faict par sa justice, mesme de la sentence provisionelle rendue l'annee passee en jugement contradictoire a l'encontre desdictz sieurs de Nostre Dame; par vertu de laquelle, vous, Monseigneur, commandates l'ordre qui fust tenu l'annee passee, laquelle sentence, comme dict est, n'a esté infirmee ny revocquee par jugement definitif.

  A024000316 

 Et de vostre Eglise faisant aller leur plainte jusques au Pape Gregoire treiziesme, il commanda au sieur Cardinal de de fere une lettre au Sieur Justinian, tesmogniant le degoust qu'avoit heu Sa Saincteté de telle procedure, avec inhibition de plus y revenir et commandement de maintenir son Eglise en son autorité et preeminence: chose qui ne peut estre ignoré par lesdictz seignieurs Doien et Chanoennes, veu que le tout leur a esté communiqué au proces.

  A024000322 

 En quoy se void l'impudence a correction de celuy qui a informé mondict Seigneur de Vienne..

  A024000322 

 « De plus, ilz sçavent tropt mieulz que vostre Eglise n'occupoit poinct le cueur, s'estant reduictz les Chanoennes d'icelle en une chappelle a cousté dudict cueur, ny ayant occupé que le sancta sanctorum par vous, Monseigneur, et ceulx qui vous servoient a l'autel.

  A024000324 

 « Et quant a l'exemple de vostre predecesseur susmentionné, si celuy qui a informé n'eut pas teuct le vray et parlé contre verité a dessaing (parlant civilement), ains eut dict que Monseigneur vostre predecesseur eut esté condamné de telle procedure et le degout que le Pape [en] avoit receu, nous tenons pour bien asseuré que Monseigneur l'Archevesque ne vous eut faict telle priere, comme se void par ces motz de la lettre: « Ayant esté adverty » et: « m'a occasionné, » etc. Par ou l'on void que l'advertissement estant faulx, il n'a heu volonté de fere telle pretendue priere..

  A024000354 

 Que les Dames demanderesses, en ladicte qualité doibvent estre maintenues en la possession et jouissance (seu quasi) en laquelle ont esté leurs predecesseurs, de prendre et percevoir tous les nouveletz qui ont esté faictz riere la dismerie mentionnee ausdicts contractz respectivement produitz; et ce, en payant annuellement au sieur Curé de Samoen les douze octanes d'avoine, lesquelles ledict venerable Procureur a confessé et soustenu avoir esté payees annuellement audict sieur Curé et a ses predecesseurs..

  A024000355 

 Et neanmoins, ayant aucunement esgard que les nouveletz pour lesquelz le present proces a esté intenté sont de fort peu de revenu, et [que] pour regard d'iceux ne pourroit estre deub que quatre ou cinq quartz au plus d'avoine: nous trouverions bon et raisonnable que lesdictes Dames [19] demanderesses s'emploiassent envers le R. P. General des Chartreux pour obtenir de luy declaration en bonne forme que lesdictz nouveletz contentieux demeurassent acquis audict sieur Curé et a ses successeurs, affin de donner tesmoignage du desir quil a de contribuer quelque chose a l'erection et amplification de l'eglise collegiale de Samoen; a la charge neanmoins que la dicte liberalité ne puisse par cy apres estre tiree a aucune consequence au prejudice de ladicte Maison de Melan, et sans que ledict sieur Curé ny ses successeurs puissent pretendre aucun droict ny disme aux nouveletz qui se feront cy apres riere toute ladicte dismerie (quand elle viendroit a tomber en friche en tout ou en partie, et a estre par apres defrichee et renouvelee), sinon dans les confins dudict quartier auquel lesdictes Dames ne sont costumieres que de prendre les deux tiers du disme.....

  A024000361 

 La susdite sentence arbitrale a esté leue, prononcee et signifiee par moy, scribe soubzsigné dudict President, au V. P. Dom Anthoine Curtet, Chartreux, Procureur en ladicte Maison de Melan, qui y a acquiescé et s'est soubsigné, a Necy, ce dernier jour d'apvril 1610; et le mesme jour a R d messire François Cornu, Doyen de l'eglise collegiale de Samoen, qui a dict quil en vouloit communiquer a son Conseil pour y respondre, et n'a voulu signer..

  A024000375 

 Et qui super levitus excessibus vel offensis puniti vel correpti fuerint, non possint aut valeant per loci Ordinarium, aut quemvis alium, quomodolibet molestari..

  A024000388 

 [22] Ceux qui, pour des fautes ou excès légers, auront été punis ou corrigés, ne pourront plus être molestés, en quelle manière que ce soit, par l'Ordinaire du lieu ou tout autre..

  A024000397 

 Premierement, que Nous avons esleu et institué le susnommé M re Philippe de Quoex du canonicat et præbende vacans, en vertu de l'alternative [accordée] par nos Saintz Peres aux Evesques et autres Ordinaires residens actuellement en leurs eglises; comme d'ores en avant Nous voulons, en acceptant laditte alternative, jouïr du benefice d'icelle, sauf neanmoins es mois de juin et de decembre, esquelz Nostre alternative auroit lieu si le droit d'eslire et instituer esditz mois n'appartenoit a Nostre dit Chapitre: esquelz mois de juin et de decembre Nous ne pretendons de prouvoir, non plus qu'es autres deux mois de mars et de septembre: advouant, reconnoissant et declairant par ces presentes que ledit droit d'eslire, nommer et instituer es canonicatz et præbendes de Nostre ditte Eglise, qui sont venus, viennent ou viendront a vacquer esditz quatre mois de mars, juin, septembre et decembre, appartient purement et solidairement au Chapitre d'icelle Nostre Eglise.

  A024000413 

 Laquelle devotion estant benignement receuë... lesdictz suppliantz auroient poursuivy, puis accomply, par la grace de Dieu, [27] leur debvoir si bien qui leur a esté possible desja des le mois de julliet escheu, sans quilz ayent perceu aucune chose pour leur-dict sallaire, des clercz de choeur et maniglier.

  A024000413 

 Or, creignant fere naistre quelque estonnement ou scandale lhors quilz viendroient a demander, selon leur advis, ce que leur pourroit competer pour raison dudict service, ou quand ilz refuseroient la recompense desmesurement petite qui leur seroit offerte par ledict sieur Chastelain et aultre peuple:.

  A024000442 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut..

  A024000443 

 Cette chapelle sera du côté droit, ou de l'Evangile, du chœur de l'église, et sous le toit de la maison du prieuré autrefois appelé de Saint-Hippolyte, en sorte que ce toit serve pleinement à l'usage de la chapelle pour la partie nécessaire à celle-ci qui aura une longueur et une largeur de vingt pieds, formant un carré de côtés égaux.

  A024000443 

 Comme la meilleure chose qui puisse arriver à l'homme est de chercher, pendant cette vie et pour les nombreux siècles à venir, les moyens les plus propres à s'assurer la vie éternelle: pour cette raison, et aussi poussé par le souvenir affectueux et reconnaissant de ses parents qui lui donnèrent la vie temporelle, [29] la noblesse de la race et une éducation distinguée, il a résolu (l'aide de Dieu venant appuyer ses saints efforts) de construire, moyennant Notre bon plaisir, en l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, surtout en mémoire du très saint Nom de JESUS, une chapelle contigue à l'église de Notre-Dame de Compassion dans la ville de Thonon.

  A024000443 

 Nous faisons savoir que le très illustre et très magnifique seigneur Gaspard de Genève, marquis de Lullin, chevalier portant le collier de l'ordre suprême du Sérénissime Duc de Savoie, Nous a exposé ce qui suit.

  A024000445 

 Nous donc, FRANÇOIS DE SALES, Evêque et Prince de Genève, approuvant avec bienveillance de si pieux désirs qui tendent à l'augmentation du culte divin, à l'édification de tout le peuple et à l'honneur même de l'église de la Compassion de la Bienheureuse Marie, Nous concédons par les présentes, de Notre autorité ordinaire, au très illustre et très magnifique marquis de construire la chapelle en question, sous le vocable du très saint Nom de JESUS, au lieu indiqué et en la forme marquée, avec ornements et dotation de cent cinquante [32] florins payables annuellement.

  A024000445 

 Pour faciliter l'exécution de tout ce qui précède, le très illustre et très magnifique marquis Nous a demandé avec l'insistance requise de lui accorder, au sujet dé tout ce qui est contenu dans cet acte, Notre consentement, approbation et libre faculté.

  A024000469 

 Que noble et puissant Jean-Louis de Bonivard, chef de la garnison du Sérénissime Duc de Savoie au lieu appelé des Allinges, et [34] sa très chère épouse Anne de Mareschal, dite de Duyn, Nous ont exposé que dans l'église paroissiale des Allinges il y avait jadis une chapelle érigée sous le vocable de la Bienheureuse Vierge Marie et de Saint-Claude, laquelle fut entièrement détruite et rasée par les Bernois et les Genevois, méchants hérétiques, qui envahirent le pays il y a soixante ans ou environ; tellement que l'on ne rencontre plus trace ni de la chapelle, ni de quelques revenus en dépendant, ni du possesseur du droit de patronage, bien que le recteur de l'église paroissiale ait fait les recherches suffisantes en lançant une monition trois dimanches de suite..

  A024000522 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A024000524 

 Aussi Nous, qui approuvons ce pieux dessein et qui devons avoir à coeur le profit spirituel des voyageurs, avons accordé quarante jours d'Indulgence, en la forme habituelle de l'Eglise, à gagner toties quoties, à tous ceux qui visiteront dévotement ledit oratoire et y réciteront une fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique pour la conversion de ceux qui errent dans la foi, s'ils sont confessés ou tout au moins contrits.

  A024000537 

 Supplient tres humblement les scindicqz et parrochiens de Veyrier pres Annessy, disantz que pour l'entretien de leur esglise et service divin deubt fere en icelle, ilz desireroient que Visitation feust faicte par Vostre Reverendissime Seigneurie, a tel jour qu'il vous plaira; appeller a ces fins le Doyen et Chappitre de Nostre Dame de ceste ville, qui ont interestz, et aultres chappelliers et altariens de leurdicte esglise.

  A024000560 

 Notum facimus quod viso antescripto instrumento, sub die decima sexta Augusti, anni millesimi quingentesimi nonagesimi sexti, per ægregium du Gerdil, notarium, recepto et signato; omnibus in dicto instrumento contentis diligentissime consideratis, illud idem instrumentum omniaque in eodem contenta confirmavimus, approbavimus et ratificavimus, prout tenore presentium confirmamus et approbamus, ac illi omnis inviolabilitatis et firmitatis robur adjicimus, necnon omnes et singulos [juris] et facti defectus, si qui in eo intervenerint, supplemus, dictosque festos dies celebrandos temporibus assignatis; imo festum Exaltationis Sanctæ Crucis Septembris ad festum [Nativitatis] Beatæ Mariæ, quæ octava cujuslibet mensis Septembris [46] totius anni, transtulimus et transmisimus, eoque die celebrandum declaramus per parrochianos loci Sancti Andreæ de [Domancy], mandamenti Sallanchiæ, pœna in suprascripto instrumento contenta..

  A024000568 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut dans le Seigneur..

  A024000569 

 Nous conferons à cet acte toute inviolabilité et force nécessaires, Nous suppléons à tous défauts de droit et de fait qui s'y seraient glissés, et déclarons qu'il faudra célébrer les fêtes indiquées aux jours assignés.

  A024000569 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte écrit ci-dessus, reçu et signé le 16 août 1596 par l'honorable notaire du Gerdil, et après avoir examiné avec grand soin tout ce qui y est contenu, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et tout ce qu'il renferme, comme Nous le confirmons et approuvons par la teneur des présentes.

  A024000576 

 Les confreres prestres, portans le cordon sur eux, celebrans la Messe de l'Immaculee Conception qui se commence [47] Egredimini, et les autres confreres en l'oyant, gaignent Indulgence pleniere..

  A024000577 

 Item, disans l'Office de la Conception qui se commence: Sicut lilium, ou bien y assistans, Indulgence pleniere..

  A024000579 

 Recitans 15 Pater et 15 Ave pour ceux qui sont en peché, Indulgence de la troisiesme partie de leurs pechés, et la peuvent gaigner pour les defunctz..

  A024000593 

 Attendu que l'institution de la Confrairie du saint Rosaire tourne a la plus grande gloire de Dieu et porte de [48] grans fruitz de pieté au milieu du peuple qui Nous est confié, appreuvons de Nostre authorité celle qui a esté establie dans l'eglise de Sainte Marie du Petit Bornand par le R. P. François Sebastien de Maurienne, de l'Ordre de Saint François, des Capucins..

  A024000604 

 Qui a causé ledict suppliant comparoir par devant vous, en ce lieu de La Biolle, ce jourdhuy, 2 du present mois de julliet, vous remonstrant le deffaut dudict service et vous requerant que ladicte [49] chappelle soit perpetuellement servie par le sieur curé dudict S t Felix ou son vicaire, sans que jamais autre recteur y puisse ny doibje estre que ledict curé ou sondict vicaire.....

  A024000624 

 Expose en toute humilité R. M re Nicolas Clerc, prestre, Protonotaire apostolique et Curé de S t Felix: comme le 21 du passé, a vostre visite faite de la paroisse de S t Felix, il vous auroit remonstré comme plusieurs, sans droict ni authorité, se sont fait enterrer, sepulturer dans l'eglise dudit S t Felix sans vouloir contribuer pour la reparation de l'eglise; ce qui cause souvent des querelles.

  A024000625 

 Expose encores le Rev. Curé: comme par cy devant les paroissiens et luy ont esté en conteste de faire des cordes aux cloches, disant lesdits paroissiens n'y estre tenus, et au contraire le Curé remonstroit que les cloches ne sont faites pour luy, mais pour appeller les paroissiens a leur devoir; et que mesme ils ont fait et sont tenus maintenir non seulement les cloches, mais le clocher: qui fait paroistre y avoir lieu a la fourniture et maintenance des [51] cordes, comme dependances du clocher.

  A024000627 

 Les parroissiens assemblés en leur Conseil conviendront et exhiberont un roolle au sieur Curé de ceux qui ont leur place d'ensevelissement dans l'eglise, lesquelz seront tenus et obligés maintenir l'endroit de leur ensevelissement [et] plancher; et diront les susditz parroissiens, si bon leur semble, la somme d'argent a quoy devront estre cotisés ceux qui voudront avoir l'ensevelissement dans l'eglise et qu'ilz seront tenus payer pour l'entretien d'icelle..

  A024000628 

 Autre chose n'apparoist, sauf a eux de faire appeller les particuliers qui pourroyent estre redevables de ce faire, si aucun y en a..

  A024000646 

 Par le présent décret, Nous la confirmons et l'homologuons, sur la demande des nobles frères fondateurs et augmentateurs, [53] à cause d'un don aussi remarquable, qui est un témoignage de leur piété et de leur dévoûment envers la religion catholique et le culte divin, souhaitant et demandant pour eux, selon les promesses du Christ, le centuple en ce monde et la vie éternelle dans l'autre..

  A024000662 

 A tous les chrétiens qui l'ont visité, j'ai accordé aujourd'hui un an de vraie Indulgence, et quarante jours à ceux qui le visiteront le jour anniversaire de sa consécration.

  A024000684 

 Mais parce qu'ell' est despendante du prieuré de Bellevaux, qui appertient aux Religieux d'Esnay, de Lyon, et son revenu comprins a celluy du prieuré qu'est desja cottizé es dictes decimes, n'ayant le suppliant aultre sinon une simple pension de vicayre perpetuel, qui n'arrive encor a sa congrue portion deüe de droict, laquelle, ores que debeat esse illæsa, sine onere, encor le suppliant la dispute et est en proces, tant avec le sieur R me Abbé d'Aulx, que lesdicts Religieulx d'Esnay.

  A024000695 

 A tous qu'appartiendra, sçavoir faisons, qu'en suite de la visite par Nous faitte de la parrochiale de Versonnex du vingt sixiesme novembre mil six cens et cinq, sur la remonstrance que Nous auroit esté faitte pour lhors par M re Jean Delavenay, moderne Curé dudit Versonnex, du peu de revenu qu'il y a en laditte cure, requerant avec toute humilité luy vouloir assigner portion congrue aux fins d'avoir moyen de s'entretenir honnestement et de faire ce qui est de sa charge:.

  A024000696 

 Apres Nous estre informé diligemment de tout ce qui en pourroit estre, tant des parroissiens dudit lieu qu'autres qui en pouvoyent sçavoir quelque chose, ayant treuvé le revenu de laditte cure ne pouvoir valoir par communes annees, pour consister en terrage, plus de dix huit couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et d'une sommee de vin, tous les dismes de laditte parrochialle tant du blé que du vin estans possedés et perceus par le sieur [58] Prieur de Bonneguette: Le tout meurement consideré, avons ordonné et ordonnons, qu'outre ce qui est du terrage de laditte cure, le sieur Curé present et ses successeurs en laditte cure prendront et percevront annuellement, sur les dismes de laditte parroisse appartenant audit seigneur Prieur de Bonneguette, la quantité de vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et quattre sommees de vin, mesme mesure; et c'est pour complement de la portion congrue demandee par ledit sieur Curé, et pour laquelle avoir il auroit tiré en instance ledit seigneur Prieur de Bonneguette..

  A024000697 

 Et attendu que par le saint Concile de Trente il est ordonné et establi que telles portions congrues s'assigneront en fons, avons ordonné et ordonnons que tant lesditz seigneur Prieur que Curé modernes conviendront de prudhommes et d'expertz dans six moys, pour prendre desditz dismes, tant en blé qu'en vin, qui puisse rendre par communes annees vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin; qui seront desunis dudit prieuré et unis a la parrochiale de Versonnex pour le supplement de la portion congrue par Nous sus adjugé; condamnant en outre ledit seigneur Prieur de delivrer pour l'entretien du sieur Curé, pour la presente annee, a commencer des le jour et feste de saint Jean Baptiste mil six cens et sept, laditte quantité de [59] vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin..

  A024000709 

 Nous avons ordonné que le revenu d'icelle eglise, qui despend de la communauté ecclesiastique surnommee des Altariens, sera employé dores-en avant en distributions quotidiennes, et selon le roolle ci joint signé de Nostre main; en sorte neanmoins que les florins seront reduitz a certaine quantité de solz, telle quil sera requis pour sauver sur ledit revenu les charges ordinaires quil faut supporter..

  A024000710 

 Et a cet effect, sera deputé un normator qui prestera serment entre les mains du sieur Curé, et en la presence neanmoins des autres de ladite communauté, de bien et justement marquer les presens..

  A024000713 

 Si enjoignons, tant au sieur Prieur que sieur Curé et ausdits Altariens, de faire promptement reparer le couvert et autres bastimens d'iceluy, qui sont sur le cœur (sic) et sancta sanctorum, y conferans un chacun d'iceux..

  A024000719 

 Tant que touche l'annee mil six centz et sept, que tout ce qui est accoustumé percepvoir par ledict seigneur chamarier rierre lesdites parroches de Surjouz et Cra a rayson de son office, appertiendra et demeurera ausdictz Curés de Craz et Surjouz pour ladicte annee seulement.

  A024000731 

 Premierement, que tout le revenu d'icell'eglise qui depend de la communauté ecclesiastique surnommee des Altariens sera partagee (sic) doresenavant en deux partz egales: desquelles, l'une sera appliquee en prebendes egales qui seront distribuees a un chacun des ecclesiastiques desquelz ladite communauté est composee, et l'autre part sera appliquee en distributions quotidiennes..

  A024000736 

 Pour ceux qui assisteront et respondront les deux Messes anniversaires ................

  A024000739 

 Feront un procureur et normator qui prestera serment es mains des sieurs Prieur et Curé..

  A024000740 

 Faire trois clefz: une pour le Prieur, la 2 e pour le Curé et la 3 e pour celuy qui sera nommé par les Altariens..

  A024000748 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolicque Evesque et Prince [de Genève], a tous ceulx qui ces presentes verront, salut..

  A024000750 

 Et en tout evenement, [66] quand il y faudroit portion congrue, il la doibt demandé aux RR dz Peres Chastreux de Pomier qui retirent plusieurs dixmes et aultres revenus riere la parroisse de Feigieres..

  A024000775 

 Nous exhortons en fin, au nom de Dieu, Nostre cher peuple de ladite parroisse de se rendre devot a ceste Confrairie, tant pour participer aux graces, Indulgences et benedictions Apostoliques concedees pour icelle, que pour tesmogner le zele quil a et doit havoir a ce tres divin, tres adorable et tres auguste Sacrement qui contient le Sauveur et Redempteur de noz ames, au quel soit honneur et gloire es siecles des siecles.

  A024000790 

 A tous les chrétiens qui ont visité dévotement l'église le jour même de la consécration, Nous avons accordé un an entier d'Indulgence, et à ceux qui la visiteront le jour anniversaire de la dédicace, 40 jours, en la forme habituelle de l'Eglise..

  A024000814 

 Quoy attandant, ne lairront lesictz Guilliame Perroulaz et Nycolas son fils, et les leurs a l'advenir, obliger souffizamment au prebstre que prandra la peyne d'aller cellebrer la Messe des le lieu de Sallanche quattres fois l'annee, sçavoir: le troisiesme jour de Pentecostes et le troysiesme jour de Pasques, et de sainct Jean appres Noel, et le jour sainct Nicolas au mesme an, en fournissent audict prebstre que dira lesdictes Messes lesdictz jours, pour ses despens et peyne, pour checune foys ung florin; et faisant dire de Messes davantage, pourveu qui ne porte aulcung prejudice au debvoir du divin service de la parroisse ou festes solempnes, sera peyé ung florin..

  A024000874 

 Supplient humblement les habitantz du village de Macherine, parroesse de Dousard, disant qu'y ayant au pres de leur village, lieu dict au Crestet, une place ou, par tradition, ceux du lieu ont [79] tousjours entendu des plus vieulx qui le rapportoient aussy de leurs plus anciens, quil y avoit heu une esglise, mesmes quil y apparoissoit une grosse pierre qui estoit reputee avoir esté celle du grand autel; qu'en temps des Rogations la procession de Douzard y vient tousjours fayre une station, et en temps de contagion l'on y a ensevely ceulx que en sont mort (sic): sur ces considerations, ilz se sont mis en devoir d'y bastir une chappelle, en quoy faysant ilz ont treuvé les fondementz de la vieillie esglise, la separation du cœur et de la neufz (sic), ou il y avoit quattre fort grosses pierres mises deux a deux en esquarre et de distance comme pour l'entree au cœur, trouëes au dessus, ou estoient les fertz des treillies; et loin de la, a cousté, pres des fondementz, ont treuvé des charbons, apportés, comme est a croyre, pour allumer le feu ou s'en servir a l'encensoir.

  A024000885 

 Nous commettons le seigneur Prevost de Nostre Eglise pour faire la benediction du lieu sur ladite chapelle; et cela fait, permettons que la Messe y soit celebree au jour porté par le consentement du [sieur] Curé, reservans a [80] Nous de prouvoir sur les services et celebrations qui se doivent exercer en ladite chapelle par ordinaire.

  A024000903 

 Les habitants du village de Macherine, paroisse de Doussard, ayant pieusement restauré une chapelle autrefois détruite, sous le vocable de Saint-Roch, pour que le culte divin y soit désormais fréquemment célébré, Nous, dans Notre désir de favoriser leur dévotion, accordons, au nom du Seigneur, à tous ceux qui visiteront pieusement cette chapelle et y prieront pour la propagation de [81] l'honneur divin, une Indulgence de quarante jours dans la forme habituelle de l'Eglise.

  A024000909 

 Et attendu la [82] necessité quil y a de pourvoir presentement d'un curé audit Maxillier, a cause de la longue privation dont les habitans ont esté affligés, eu esgard a la bonté de vie, suffisance de science et autres louables qualités de messire Leonard Monnod, prestre natif d'Evian, Nous luy confions ladite cure, ordonnant que lettres luy en soyent expediees en bonne et deue forme, affin quil jouysse paysiblement dudit benefice et des fruitz en dependans, et notamment de ceux qui sont portés par le consentement sus mentionné, en faysant par luy le service et incombances requis.

  A024000933 

 Et quant aux deux villages d'Aviernoz et Le Vuaz, ledict sieur Curé perçoit de tous y habitantz et faisantz feu, sçavoer: un quart de froment, messure d'Annessy, de ceulx qui ont charrue entiere; et pour ceulx qui n'ont que demy charrue, demy quart; et de ceulx qui n'en ont point, une quarte: le tout, messure susdicte.

  A024000933 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, appres avoer entendu les parties respectivement et consideré leurs demandes et defences, et que lesdictz deffendeurs sont demeurés d'accord et ont spontaneement confessé la coustume estre et avoer esté inviolablement observé riere les villages du Jourdil, les Costes et Pussye, dependantz dudict Aviernoz, que la premice se paye par les habitantz desditz trois villages en temps de moisson, sçavoer: une bonne gerbe froment, pour ceulx qui ont charrue, et des aultres qui n'en n'ont point une gerbe froment mediocre, a [85] forme que paient tous les parrochiens desdictes Ollieres.

  A024000935 

 Et entant que concerne ledict Biais de Lachinal, qu'est parrochien desdictes Ollieres, avons ordonné et ordonnons quil continuera le paiement de ladicte premice, comme font les aultres parochiens dudict lieu, sçavoer: aiant charrue, une bonne gerbe froment; et ceulx qui n'en ont point, une gerbe froment mediocre, ainsy qu'est pourté par les Visites faictes en la parroesse desdictes Ollieres..

  A024000950 

 Comment entendre, par appres, nonobstant la d'annexation et limitation desdictes parroisses? car ceux qui estoint procedé a longo tempore de Flumet, ou bien de La Giete, estant venu habiter riere la parroisse dudict Sainct Nycolas, auquel lieu fontz residance continuelle et sont tous leurs moyens terriens, nonobstant ce, n'ontz laisé et laisent de continuer d'estre toujour parroissiens de La Giete et Flumet, desquelz lieux leurs antecesseurs sont sortis et provenu.

  A024000951 

 De plus, grande confusion entre ces parroissiens et grand scandalle pour les miens; car, y lia envyron trois ans, que certains desdictz parroissiens furent reprins par la justice temporelle a cause qui labouroint le jour du Patron dudict lieu.

  A024000952 

 Par appres, grande confusion a Pasque, car l'on ne sçait qui faict le debvoir de bon catholique, et, in conscientia, je ne sçait qui est mon parroissien, pour cause que checung faict a sa faintasie et volonté..

  A024000973 

 Es differens qui estoyent entre les habitans du vilage Saint Robert, parroisse de Moncel, d'une part, et les autres parroissiens dudit Moncel d'autre part, pour le regard de l'entretenement, refections et reparations a faire dores en avant tant en l'eglise parrochiale dudit Moncel qu'en la nef de la chapelle Saint Robert: veu les actes de Nostre Visite, et les parties ouÿes en tout ce qu'elles ont voulu dire, en la personne ...................................................................

  A024000982 

 Mais partant quil y a quelques ungz des confreres qui sont aussi confreres de la Confrerie du S t Rosaire, qui font procession generale le troisiesme Dimanche de chasque mois, et vouldrois (sic) assister a l'une et a l'aultre procession: chose que ne se peult, pour estre d'ung mesme jour en diverses parroesses.

  A024000999 

 En suitte de quoy ilz recourent a vous, Monseigneur, affin qu'attendu la negligence desditz recteurs et fondateurs a rendre leur devoir respectivement, dont ilz ont esté sommés par trois diverses proclamations faites au Prosne, suyvant les Decretz sinodaux de ce diocese, il vous plaise priver tant les patrons de leurs nominations que les recteurs de leur possession, pour icelles chappelles unir au maistre autel; ou du moins faire saisir par vostre authorité les revenus desdites chapelles, pour d'iceux estre pris ce qui sera convenable pour faire faire le service deuz et les reparations requises..

  A024001000 

 Et quant aux autres chapelles qui ne sont de leur dite nomination, soyent appelés les recteurs d'icelles par devant Nostre Vicaire general; et soit le present decret et la requeste signifiee aux prsetendus patrons..

  A024001012 

 Et mesme que ledict suppliant desire faire celebrer la saincte Messe en icelle chappelle es jours celebres et qui seront plus propres selon sa droitte devotion; a la charge neantmoins qu'il s'offre [doter] ladicte chappelle d'une piece de terre pour l'entretien et maintenance d'icelle, et pour le revenu et salaire du service qu'il desire y estre faict par le sieur Curé dudit lieu, a forme de l'acte de fondation qu'il s'offre faire et passer.

  A024001013 

 A ces fins, ce consideré, il vous plaise, mondict Seigneur... vouloir permettre audict sieur Curé dudict Vacheresse, et a ses successeurs, de pouvoir celebrer Messe en ladicte chappelle, et autres prebstres qu'il plaira audict suppliant, toutefois par la permission et licence dudit sieur Curé qui sera pour lhors.

  A024001013 

 Suppliant en outre Vostre Ill me et R me Seigneurie, il vous plaise imputer, en faveur de laditte chappelle de sainte Anne, les pardons et Indulgences qu'il vous plaira pour ceux qui entendront Messe en icelle [96] et que, par devotion, se confesseront et communieront sacramentellement et iront visiter icelle, tant les jours de Dimanche, feste, que autres jours..

  A024001026 

 Qui le contrainct recourir par ceste, a ce quil soit de vostre volonté appeller summairement par devant vous en vostre estude ledit sieur Abraham de Chastillion, prebstre, pour declarer formellement si en l'une et l'autre qualité il veut accepter ledit legat, soub la charge et condition pourté par ledit testament de la celebration de ladite Messe le jour de Dimenche, puisque il est en ville; pour, suyvant sa declaration faicte, estre par ledit suppliant satisfaict a forme dudit testament, et autrement sur iceluy provoir..

  A024001028 

 Et soit inseré Nostre present Decret es actes de Nostre Visite, par appendice a la fin du livre, pour y avoir recours par qui et comm'il appartiendra..

  A024001040 

 Que l'annee derniere mil six centz quatorzes, Reverend messire du Martherey, Religieux du prieuré de Pellionex, auroit preché le Caresme en ladite ville et plusieurs des Dimenches et festes; qui auroit apporté grandes ediffications et instruxions en la foy ausditz suplians et aux circonvoysins qui [ont] ouy les predications dudit sieur du Martherey.

  A024001040 

 Qui auroit occasioné les supliantz de le prier de precher la (sic) Caresme dernier en ladite ville, ce quil leur auroit acordé et executé, non sans grand fruit..

  A024001041 

 Et de plus, estant prié par les supliantz, [vu] sa bonne doctrine, d'instruyre la junesse (sic) aux lettres et pieté, il le leur auroit liberalement acordé par tollerance, et y seroit entré en exercice des Pasques en ça, par forme d'essay, attendant la permission de vous, Monseigneur; laquelle les suplians, humiliés aux piedz de Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie, vous supplieent octroyer, avec la dispence requise audit sieur du Martherey de la residance audit Pelliones, attendu le grand fruit et utilité qui en peult reussyr par la bonne instruction quii a encommencé de donner a la junesse de ladite ville et circonvoysins qui envoyent leurs enfans audit lieu.

  A024001070 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut dans le Seigneur..

  A024001071 

 Nous faisons savoir que Nous tâchons volontiers de prêter Notre attention et Notre aide efficace à tout ce qui, suivant les circonstances de lieux et de personnes, est nécessaire au bon gouvernement des églises paroissiales et autres, et à l'augmentation du [101] culte divin.

  A024001072 

 En lui faisant baiser Notre vêtement, Nous lui donnons l'investiture, et l'instituons par les présentes, en lui assignant pour son entretien tous les fruits qui appartiennent à la susdite église paroissiale, pourvu qu'ils n'excèdent pas la portion congrue..

  A024001072 

 Nous approuvons une requête qui est juste et raisonnable, d'abord parce qu'il y a contentement de la part des paroissiens et du R d monsieur le Doyen et recteur de ladite église paroissiale; ensuite, parce que, d'après les constitutions du saint Concile de Trente, l'érection de cette vicairerie perpétuelle devait absolument se faire.

  A024001075 

 Fait à Annecy, au palais de Notre résidence habituelle, en présence des Révérends MM. Michel Favre et Jacques Chappaz, prêtres, témoins appelés et demandés pour tout ce qui précède, le 29 avril 1616..

  A024001091 

 Ayant examiné les articles ci-dessus, Nous confirmons par ce Décret la Confrérie du saint Martyr Sébastien, accordant, en la forme habituelle de l'Eglise, une Indulgence de quarante jours à tous ceux qui en font ou en feront partie, chaque fois que, selon les articles ci-dessus, ils assisteront dévotement aux processions, aux [104] Messes solennelles et aux Offices, et chaque fois aussi qu'ils recevront les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie..

  A024001092 

 A condition toutefois que sera bien mis à exécution ce qui a trait, dans les mêmes articles, au repas à prendre en commun, et que ce repas se prenne, non en une auberge publique ou une taverne, mais dans une maison privée: Nous le bénissons alors au nom du Seigneur..

  A024001106 

 Le 27 a juillet 1617, je, FRANÇOIS DE SALES, Evêque et Prince de Genève, ai consacré cet autel en l'honneur de l'Assomption de la [105] très heureuse et très glorieuse Vierge Marie, et j'y ai enfermé des reliques des Bienheureux dix mille (sic) Martyrs, accordant à tous les chrétiens qui le visiteront aujourd'hui, un an, et, le jour anniversaire de la consécration, quarante jours de vraie Indulgence, en la forme habituelle de l'Eglise..

  A024001121 

 Veu par Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, le testement sus escript et derniere volonté du sieur [108] testateur y nommé, avons icelluy aucthorisé, confirmé, approuvé et esmologué, ainsy que par ces presentes authorisons, confirmons, approuvons et esmologuons en ce qui regarde la fondation d'icelle et erection d'escolle y mentionnee; dict et ordonné qu'il sera enregistré es Registres de Nostre Evesché pour y avoir recour en tempz et lieu..

  A024001149 

 Quod cum dicti loci parrochialis ecclesia, quæ ab ea de Cranves dependet ac illi perpetuo unita esse dignoscitur, rectorque modernus dictarum parrochiarum pridie mortuus fuerit et sic per ejus obitum ambæ prædictæ parrochiales ecclesiæ vacent, ob cujus defectum animarum cura [112] in dicta ecclesia de Sales minus exacte et decenter ab unione hucusque exercita fuerit, et cum nimio parrochialium dictæ ecclesiæ de Sales incommodo sancta Ecclesiæ Sacramenta ipsis administrata fuerint; necnon quod ejusdem parrochialis ecclesiæ fructus et obventiones ad satis commodam unius rectoris sustentationem sufficiant, et quod si hujusmodi parrochialium unio dissolveretur fructusque earumdem qui separati et sejuncti sunt, cuilibet earum futuris rectoribus in posterum applicarentur et appropriarentur; inde parrochianis parrochialium prædictarum ecclesiarum respectivæ spirituali consolationi divinique cultus augmento, necnon ipsius parrochialis ecclesiæ de Sales decori et venustati plurimum consulerentur, et ambarum annui redditus tutius conservarentur, imo et augerentur:.

  A024001150 

 Illarumque respective fructus ab invicem pariter dismembramus, segregamus, eidemque parrochiali ecclesiæ de Sales fructus ipsius qui a parrochialis ecclesiæ de Cranves fructibus separati et sejuncti dignoscuntur, applicamus et annectimus, atque perpetuo incorporamus; ita quod posthac liceat futuris rectoribus dictæ parrochialis ecclesiæ de Sales, qui a Nobis aut successoribus Nostris, seu Sede Apostolica in posterum legitime provisi fuerint uti, potiri et libere gaudere, ac in suos usus et utilitatem convertere absque licentia futuri rectoris ecclesiæ de Cranves et successorum in ea; ac alias in omnibus et per omnia quæ sunt proprii rectoris munia, officia et onera (ad quæ etiam eum teneri volumus) subire possit, valeat et debeat, concedimus et investimus; utque piis, quanto citius, patroni [et] communitatis loci de Sales votis consulamus, et hujusmodi dissolutio suum sortiatur effectum..

  A024001150 

 Nos igitur, qui inter cæteras pastoralis officii Nostri curas, hanc (divini, scilicet cultus augmentum et spiritualem parrochianorum consolationem) non levem duximus unoque Deo optimo maximo gratam fore: præfatorum igitur patroni et communitatis dicti loci de Sales supplicationi inclinati, et inquisitione circa ventatem eorum quæ in dicta supplicatione continentur prius habita, consensuque fisci [113] Nostri, ut Nobis etiam notuit exhibito, et accedente ordinaria authoritate Nostra, parrochialium ecclesiarum de Cranves et de Sales unionem alias per Nos factam, ex nunc perpetuo dissolvimus et revocamus.

  A024001163 

 Nous appliquons volontiers Notre attention à ce qui augmente le culte divin et procure plus heureusement la consolation spirituelle des paroissiens, pour les églises soumises à Notre autorité, surtout pour celles qui ont le privilège de la charge des âmes.

  A024001163 

 Or, la teneur de la demande adressée de la part de Notre cher fils, noble Gaspard de Lucinge, patron de l'église de Sales, sous le vocable des Saints Ferréol et Ferruce, et de nos chers fils les membres de la communauté du même lieu (demande signée par l'honorable Pierre-Louis Garbillon, procureur demandeur près le tribunal de Notre diocèse), contenait ce qui suit:.

  A024001165 

 Nous donc, qui, parmi les autres obligations de Notre charge, n'estimons pas de mince importance celle-ci (c'est-à-dire l'accroissement du culte divin et la consolation spirituelle des paroissiens), et croyons qu'elle sera agréable au Dieu très bon et très grand: Nous montrant favorable à la requête du patron et des habitants de Sales, après avoir fait une enquête sur la vérité des choses y contenues et pris connaissance du consentement de Notre administration [113] fiscale, de par Notre autorité ordinaire, Nous dissolvons et révoquons, dès maintenant et pour toujours, l'union, jadis faite par Nous, des églises paroissiales de Cranves et de Sales.

  A024001165 

 Nous démembrons et séparons pareillement les fruits respectifs de ces églises, et appliquons, unissons et incorporons à perpétuité à celle de Sales les revenus qui lui appartiennent, comme séparés et désunis des revenus de l'église paroissiale de Cranves.

  A024001174 

 Notum facimus quod viso antescripto instrumento, per egregium Bessonis, notarium ducalem, recepto et signato, omnibusque in dicto instrumento contentis diligentissime consideratis, illud idem instrumentum et contenta in eodem confirmavimus, approbavimus et ratificavimus, prout tenore præsentium confirmamus, approbamus et ratificamus, ac illis inviolabiliter firmitatis robur adjicimus necnon omnes et singulos juris et facti defectus, si qui in eisdem intervenerint, supplemus..

  A024001182 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut dans le Seigneur.

  A024001183 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte ci-dessus écrit, reçu et signé par le notaire ducal Besson, et avoir très attentivement examiné toutes les choses y contenues, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et ce qu'il contient, comme par la teneur des présentes, Nous le confirmons, approuvons et ratifions, et lui accordons force et solidité inviolable, suppléant par ailleurs à tous les défauts de droit et de fait qui s'y seraient glissés, et à chacun d'eux en particulier..

  A024001192 

 Qu'en reservant au sieur Curé ou vicaire perpetuel des Alinges, sur les biens ecclesiastiques qu'il possede en la parroisse desditz Alinges, la portion congrue de mesme valeur qu'on l'a determinée pour les autres sieurs Curés du balliage de Thonon, tout le reste desditz biens fut affecté a la mense de la præpositure dudit Montjoug; sauf que s'il se treuve que ledit sieur Curé ayt fait des reparations utiles pour ladite cure et eglise des Alinges qui surpassent les revenuz qu'il a perceuz en ce benefice, ses autres legitimes charges supportées, on y aura esgard pour l'en recompencer a ditte d'expertz..

  A024001223 

 Comme ainsi soit que anciennement les scindiques et communisses de la paroisse du Grand Sainct Felix eussent voué la feste de monseigneur sainct Gras, Evesque d'Aouste, comme deuement en rapportent tous les dicts communisses anciens, et qui l'ont veu observer et l'ont observé comme le Dimanche jusques quelques annees: maintenant, quelqu'uns la solemnisent comme le Dimanche, selon le vœu, et les autres a leur devotion; tellement que ledict vœu n'est observé.

  A024001228 

 Faict ledict vœu devant la grande porte de l'eglise dudict Sainct Felix, avant la Messe parroissiale qui a esté chantee solemnellement..

  A024001243 

 Supplie humblement messire Jean Mocand, Cure en la parroesse de l'abbeie de N. Dame d'Abondance, il vous plaise permettre [122] que la Confrerie du tressainct Nom de JESUS soyt erigee en son eglise, pour la correction et extirpation des vices et pechés des blasphemes, juremens, mauvaises imprecations, maledictions et mensonges, et que ceux qui s'y feront inscrire, observant les regles et Statutz d'icelle, joyssent de ses graces et privileges, a la plus grande gloyre de Dieu, salut de leurs ames et ædification de leurs prochains..

  A024001262 

 Pour a quoy remedier, il sembleroit estre expedient que le revenu de la cure, qui est asses ample, fust uny a celuy de la communauté desdictz Altariens, apres toutefois la mort dudict sieur Curé, sauf vingt coppes de bled, froment et seigle, mesure de ceste ville, que des a present lesdictz Altariens percevront par les mains dudict sieur Curé pour faire le service divin d'heu a sa charge; et que le nombre d'iceux fust limité, en sorte que tous puissent faire residence, avec obligation d'assister aux Offices et cooperer a la charge pastorale, ainsy que par les reiglements qu'il plairoit a Vostre Seigneurie Reverendissime en faire il seroit ordonné..

  A024001268 

 Nous avons ordonné qu'elles seront l'une et l'autre enregistrées au greffe de l'Evesché, avec Nostre present Decret, par lequel Nous ordonnons de plus, qu'il sera par Nous, ou Nostre Official et Vicaire general, procedé aux formalitées præparatoires a l'union suppliée; et qu'en suitte de ce, tant les deux requestes que le present Decret seront affigés, par copie dheuement expediée, aux grands portes de l'eglise de Rumilly, et y sera ladicte copie trois sepmaines durant, pour servir de signification a tous quil appertiendra et qui porroient pretendre interestz en l'union requise, affin que nul n'en puisse pretendre cause d'ignorance..

  A024001280 

 Qu'estantz les Altariens de leur eglise [contraints], par la petitesse [125] de leur revenu, d'aller servir aux autres parrochiales pour en tirer quelque plus grand secour a leurs necessités, ladicte eglise [demeure] presque a l'ordinaire, mais principalement aux festes solemnelles, destituee [des] Offices qui luy sont convenables, tant pour l'edification du grand peuple [qui y] concourt, consequence des anciennes et si sainctement establies coustumes et qualité du lieu; le tout au scandale des voisins et notable prejudice du [service de] Dieu, ne pouvantz le Curé et Vicaire du lieu tout seulz satisfaire a l'administration des Sacrementz a si grande multitude de peuple..

  A024001281 

 Outre que par la [négligence desdictz Altariens, qui n'ont aucune correspondance avec les dicts [sieurs] Curé et Vicaire, il sur vient tous les jours des divisions dans ladicte eglise [pour] empescher tout ordre et bonne reigle en icelle..

  A024001306 

 J'ai aussi accordé à tous les fidèles du Christ qui le visiteront aujourd'hui, un an, et à ceux qui le visiteront au jour anniversaire de sa consécration, quarante jours de vraie Indulgence, en la forme habituelle de l'Eglise..

  A024001339 

 Cependant, au lieu d'accroistre la devotion auxdicts suppliants et leur laisser ladicte esglise parrochiale en l'estat qu'elle estoit, avec sa cloche de mestail, portes, ferrures et vitriades, nescio quibus actibus, feu messire Jehan Petitjehan, surnommé Pierasset, des Prestres de la Sainte Maison de Compassion, auroit, avec beaucoup de compassion des paouvres suppliantz, faict descouvrir ladicte esglise, qui estoit couverte de tuilles a couppes, et icelles faict transmarcher avec les poultres, sommiers et lattes au lieu de la patenerie; reclamantibus, lacrimantibus et contradicentibus lesdictz paouvres suppliantz, de veoir descouvrir leur esglise et emporter les portes et ferrures pour couvrir et approprier a une patenerie.

  A024001339 

 Exemplo perniciosissimo, heu mesme esgard que telle esglise avoit esté consacrée, et qu'a present elle est le repaire des animaulx, et en tel estat (a correction) que les cheveux dressent a ceulx qui l'ont veu auparavant en si bon estat, se taisantz des vitriades, pour ne sembler voulloir advancer le prouverbe: Quod non capit Christus, rapit fiscus.

  A024001340 

 Qu'est la cause quilz recourent pour la 3 e foys a V. R me Seigneurie, aux fins quil luy plaise, ce consideré, enjoindre sub gravi pœna excommunicationis, aux R ds Prebtres de ladicte Saincte Maison, qui possedent le revenu de ladicte cure et patinerie, de fere recouvrir ladicte esglise de Tuilier, et la remettre avec ses portes et ferrures au mesme estat et deu qu'elle estoit au paravant le susdict acte scandaleux.

  A024001353 

 Sur la remonstrance qui nous a esté faite par les parroissiens de Lully, tendante aux fins que le sieur Curé de Fessi envoye chasque jour de Dimanche et feste de commandement son vicaire en leur eglise pour y celebrer la sainte Messe au matin, en faveur de plusieurs personnes qui, pour quelques incommodités, ne peuvent se transporter a l'eglise dudit Fessi; s'offrans iceux parroissiens de tenir [133] ladite eglise de Luly couverte, bien entretenue et meublee a cet effect:.

  A024001364 

 Sur la remonstrance a Nous faite a Thonon, tendante aux fins que les ecclesiastiques de la Congregation de Nostre Dame de Thonon ayant a faire celebrer la sainte Messe, et faire la station accoustumee dans le diocese pour les fideles trespassés dont les cors reposent au cimitiere de Saint Bon: Nous commettons les sieurs de Blonnay, [134] Prefect, et de Chatillon, Plebain, pour voir ce qui sera plus a la gloire de Dieu, et ordonner de Nostre part ce qui devra estre observé pour ce regard; et s'il y a de la difficulté, Nous renvoyer leur advis, sur lequel Nous puissions prouvoir..

  A024001376 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait à M me la baronne Despine, à Chavanod, près Annecy.

  A024001380 

 Nous chargeons le vénérable M. le Curé de Corbonod de visiter la chapelle ou oratoire bâti dans la maison de Grex, de M. de Croyson; et, s'il le trouve commodément installé pour y célébrer [135] le très saint sacrifice de la Messe, qu'il le bénisse sur notre ordre avec la Bénédiction d'un lieu, qui se trouve dans le Missel ou dans le Rituel du diocèse.

  A024001418 

 Que Dieu, en l'honneur de qui vous travaillez, soit lui-même pour votre œuvre votre très grande récompense..

  A024001419 

 Or, afin que vous sachiez et que tous ceux à qui il appartient sachent aussi que Nous vous avons concédé cette faculté, Nous avons écrit ceci de Notre main, et l'avons signé, en faisant ajouter à cet écrit l'apposition de Notre sceau..

  A024001479 

 Nous commettons par ces presentes, signees de Nostre main et seellees de Nostre seel, venerable sieur Scipion Machet, curé de Saint Julien, pour informer, appeller, [instruire] toutes procedures, jusques a sentence definitive exclusivement, es contraventions des festes et autres commandemens de Dieu et de la sainte Eglise dont la connoissance appartient a Nostre authorité episcopale, ou purement ou mixtement; et ce, en ce qui regarde les laicz tant seulement..

  A024001498 

 Nous accordons le pouvoir d'administrer à son gré les Sacrements dans Notre diocèse, toutes les fois qu'il en sera prié par une église paroissiale, pouvoir qui durera aussi longtemps qu'il paraîtra bon à Nous ou à nos successeurs..

  A024001555 

 Nous prions en [148] outre, le R me Evêque auquel vous vous serez adressé, de vous conférer les Ordres susdits, pourvu que, surtout lorsque vous voudrez être promu au sous-diaconat, il vous reconnaisse les mœurs, la vie, l'honorabilité, la science et le titre ecclésiastique ou temporel qui sont requis: ce que Nous remettons à la conscience du dit R me Evêque..

  A024001576 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, l'Archevêque ou l'Evêque en communion avec [149] le Siège Apostolique, à qui les présentes seront remises, salut abondant dans le Seigneur..

  A024001577 

 Mais comme il ne peut arriver commodément jusqu'à Nous, soit à cause des troubles apportés par la guerre, soit à cause de la distance qui sépare sa résidence de la Nôtre, sans grand dommage pour sa bourse et surtout pour ses études: c'est pourquoi, Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, avec tout le respect qui convient, Nous vous déléguons à Notre place, vous accordant le pouvoir de conférer tous les Ordres au dit Pierre Godet, et à lui de les recevoir, en observant cependant tout ce qui est requis par le droit, excepté les interstices, au sujet desquels, si cela voas agrée, vous pourrez dispenser.

  A024001577 

 Nous déchargeons en attendant Notre conscience pour tout ce qui précède..

  A024001597 

 Vous pouvez légitimement recevoir la tonsure et les Ordres mineurs de n'importe quel Illustrissime et Révérendissime Archevêque ou Evêque catholique que vous préférerez choisir, et qui exerce effectivement son office et soit en communion avec le Siège Apostolique, sans tenir compte des interstices, et malgré le defectus natalium qui vous atteint, au sujet duquel Nous vous dispensons, pourvu que vous soyez reconnu idoine, ce que Nous laissons au jugement de l'Illustrissime et Révérendissime Ordinant.

  A024001608 

 Quapropter, e numero fratrum et consacerdotum meorum seligendi sunt nonnulli, quos, ut Moysi dictum est, novi quod, sensu et ingenio, senes sunt cleri, ut sustentent onus populi mecum et non solus graver ego, qui maxime sum imbecillis..

  A024001611 

 Invigiles, denique, diligenter bono publico illarum tibi commissarum ecclesiarum, ut sis unus ex illis pastoribus qui sunt in regione sua vigilantes, et custodientes vigilias noctis super gregem.

  A024001617 

 Revu sur une copie qui appartenait à M. le chanoine Jean-Marie Chevalier, ancien aumônier de la Visitation d'Annecy..

  A024001626 

 Vous veillerez enfin avec soin au bien général de ces églises qui vous sont confiées, afin que vous soyez un de ces pasteurs qui passent la nuit dans leurs champs, veillant à la garde de leur troupeau.

  A024001634 

 Quapropter, e numero fratrum et consacerdotum meorum, nonnulli sunt mihi seligendi quos, ut Moisi quoque dictum est, novi quod, sensus ac ingenii maturitate, senes sunt cleri, ut scilicet sustentent mecum onus populi et non solus graver ego, qui maxime sum imbecillis et infirmus..

  A024001638 

 Accidetque ut dum ope mutua conjungemur, quasi ambulantes per lubricum, vicissim manus teneamus, eoque robustius singulorum perfigatur, quo in alterum alter confidentius innitetur, donec, Deo propitio, Principe pastorum omnium, qui sui sumus socii laborum, simus consolationum..

  A024001638 

 Invigiles, denique, diligenter bono publico illarum tibi commissarum parochiarum, sisque unus ex illis pastoribus qui erant in regione vigilantes, et custodientes vigilias noctis super gregem.

  A024001652 

 Nous donnant un mutuel appui, et comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et chacun aura d'autant plus d'assurance qu'il s'appuiera avec plus de confiance sur l'autre, jusqu'à ce que, avec l'aide de Dieu, Prince de tous les pasteurs, nous qui participons à ses labeurs, ayons part à ses consolations..

  A024001652 

 Vous veillerez enfin avec soin au bien général de ces paroisses qui vous sont confiées, et vous serez un de ces pasteurs qui passaient la nuit aux champs, veillant à la garde de leur troupeau.

  A024001682 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique [160] Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001697 

 Quare, eum dignum existimamus qui ad dictam abbatiam promoveatur, ob eam maxime causam quod dictus Reverendus D. Ludovicus de Perrucard Monasterium illud ac Monasterii jurisdictionem temporalem, quæ magna ex parte hæreticorum hominum jurisdictioni, non solum finitima sed immixta est, fratris sui et suorum fretus potentia adeo fœliciter et fortiter administravit, ut fœlicius in hac temporum calamitate nihil contingere posse videatur, quam si ejus nepos ex fratre illi coadjutor adhibeatur [164] qui, sicut ejusdem zeli et virtutis, ita ejusdem opis successor existet..

  A024001706 

 A tous ceux qui verront les présentes Nous attestons que le Révérend M. Louis de Perrucard, Abbé commendataire du Monastère de Chézery, de l'Ordre, de Cîteaux, dans Notre diocèse de Genève, Nous a demandé, avec toute l'humilité convenable, d'accorder [162] un témoignage authentique et basé sur la vérité, au sujet de la naissance, de la foi, de la vie, des mœurs et de la doctrine de Notre bien aimé dans le Christ M. Gaspard de Perrucard, qu'il désire voir notre Très Saint Père le Pape lui donner et assigner comme coadjuteur dans le gouvernement du dit Monastère, avec future succession..

  A024001708 

 Quant au reste, Nous savons et témoignons en toute vérité que M. Gaspard est né dans ce diocèse, d'illustres et, ce qui vaut bien [163] mieux, de catholiques et très pieux parents; que dès son enfance il s'est adonné à la piété et aux lettres avec un tel profit, que, proclamé docteur à l'Université d'Avignon, il a atteint une connaissance plus qu'ordinaire de la théologie.

  A024001723 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait à M. le chanoine Collonges, ancien aumônier de la Visitation de Chambéry.

  A024001728 

 Il Nous a été très agréable que la Congrégation des prêtres du district d'Evian, établie avec Notre approbation, vous ait choisi pour visiter, selon ses Règles approuvées aussi par Nous, les [166] églises et les personnes ecclésiastiques de tout le district qui sont soumises à la juridiction épiscopale.

  A024001728 

 Nous vous accordons par les présentes le pouvoir de faire chacune de ces visites et d'ordonner ce qui vous semblera opportun.

  A024001753 

 Donné comme dessus, sous Notre sceau particulier, en témoignage de ce qui précède..

  A024001766 

 Nos vero, qui a Sancta Sede Apostolica, per litteras ab Ill mo et R mo Domino Petro Francisco, Episcopo Savonensi, Sanctissimi Domini nostri Papæ ad Serenissimum Sabaudiæ Ducem Nuntio, Nobis directas, eumdem, seorsim et nominatim, Claudium Boccardum recipiendi, absolvendi [172] ac reconciliandi auctoritatem cumulatissimam habebamus, ipsum hæresim omnem, ac præcipue Calvinianam abjurantem, damnantem et anathematizantem audivimus, ejusque de fide Catholica, ac erga Sedem Apostolicam obedientia, juramentum solemne excepimus..

  A024001776 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001778 

 C'est pourquoi aujourd'hui, 15 juin, troisième dimanche après la Pentecôte, jour où se rencontre la lecture de l'Evangile qui parle du recouvrement joyeux de la brebis et de la drachme perdues, dans l'église de Notre-Dame de Compassion ou des Sept-Douleurs, de Thonon, le susdit Claude Boucard a comparu en personne devant Nous, de son propre et libre mouvement, et, pour réjouir par son retour l'Eglise qu'il avait contristée par son départ, il a confessé publiquement, devant tout le peuple assemblé, son péché et son injustice, en demandant et suppliant d'être réconcilié avec Dieu et notre sainte mère l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024001779 

 Et Nous, qui avions reçu du Saint-Siège Apostolique, par lettres à Nous adressées par l'IIl me et R me M gr Pierre-François, Evêque de Savone, Nonce de notre Très Saint Père le Pape auprès du Sérénissime Duc de Savoie, la plus ample faculté particulière et nominale de recevoir, absoudre et réconcilier ledit Claude Boucard, [172] Nous l'avons entendu abjurer, condamner et anathématiser toute hérésie, surtout celle de Calvin, et avons reçu sa profession solennelle de foi catholique et d'obéissance au Siège Apostolique..

  A024001781 

 Bien au contraire, Nous exhortons vivement tous les chrétiens du monde à exercer tous les offices possibles de charité envers celui qui est maintenant le Révérend M. Claude Boucard, prêtre et docteur en théologie, de même que Nous le bénissons du fond du cœur par les prières que nous adressons pour lui au Dieu tout-puissant..

  A024001782 

 Et pour que tout ce qui précède soit certifié d'une manière indubitable, Nous avons signé les présentes et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir du sceau dont Nous Nous servons dans les cas semblables..

  A024001789 

 Neque vero cogitationes ejus cogitationes hominum fuerunt, sed Patris illius qui cogitat cogitationes pacis et non afflictionis; quare idem quod [175] cogitatione concepit opere peperit et complevit, et Deo optimo duce, sponte et libere coram Nobis comparuit.

  A024001799 

 A tous ceux à qui parviendront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001800 

 Or, ses pensées ne furent pas des pensées humaines, mais celles mêmes de ce Père qui pense des pensées [175] de paix et non d'affliction.

  A024001826 

 Et outre ce, consentent que tout ce qu'elle leur a donné et fourni pour leur usage, tant en meubles qu'immeubles, luy soit rendu et restitué; et qu'a ces fins laditte damoyselle face un estat de tout ce qu'elle pensera avoir donné ou delivré a leur prouffit, lequel soit remis es mains de personnes notables, telles que ledit seigneur Evesque de Geneve nommera, par l'advis desquelz la restitution puisse estre regiee; declarant de plus, lesdittes venerables Prieure et Religieuses, de ne se vouloir servir ni ayder de la donation qui leur avoit ci devant esté faitte par laditte damoyselle Chevrier, ains consentent qu'elle soit comme non advenue et s'en despartent a son prouffit: ce qu'elles promettent [180] faire appreuver et ratifier par leurs Superieurs dans un moys.

  A024001851 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; Frère Jean Migniot, maître en sacrée théologie et humble Gardien de la maison des Frères de Saint-François, appelés de Saint-François de l'Observance, de [181] la ville de Cluses, diocèse de Genève; Jean Favre, docteur en l'un et l'autre droit, Prieur commendataire du prieuré de Notre-Dame d'Alondaz, chanoine de l'église de Genève, Vicaire et Official général, Commissaires apostoliques députés respectivement dans cette affaire par le Saint-Siège Apostolique: à tous et chacun qui examineront, verront, liront et entendront lire les présentes lettres, salut dans le Seigneur..

  A024001852 

 Ayant, par Nous-mêmes, vu, lu et examiné avec soin les Lettres Apostoliques à Nous respectivement adressées et à Nous transmises par le Siège Apostolique, les unes en forme de Bulles sub plumbo, datées de Tivoli, l'an de l'Incarnation du Seigneur mil six cent neuf, le sept des calendes d'octobre, la cinquième année du Pontificat de notre Très Saint Père le Pape, par la divine Providence Paul V; les autres en forme de Bref, sous l'anneau du Pêcheur, et datées de Rome, près de Saint-Pierre, le douze mars 1610, l'année cinquième du Pontificat du même Paul V, expédiées dans les règles, non viciées ni portant de ratures ou uspectes en quelque point, par le Révérend François Bochatton, prêtre de ce diocèse de Genève, obtenues du Saint-Siège Apostolique et à Nous présentées; [182] ayant aussi vu les dépositions de témoins et informations prises et reçues à l'instance du même Révérend François, desquelles il conste clairement, soit de ce qui est contenu et raconté dans les susdites Lettres Apostoliques, soit de la réclamation de ce même François faite secrètement et extrajudiciairement, ante quinquennii lapsum; ayant en outre observé la forme prescrite dans les susdites Lettres, appelé ceux qui devaient être appelés, vu ce qui devait être vu et considéré ce qui, d'après le droit, devait être considéré, ayant devant Nous le Révérend François en habit et tonsure de son Ordre:.

  A024001854 

 En foi et témoignage de toutes les choses qui précédent et de chacune en particulier, Nous avons fait rédiger ces présentes, signées par Nous, et les avons fait munir du sceau dont se sert le Révérendissime Evêque et Prince de Genève dans les cas semblables.

  A024001859 

 Moi, Claude de Quoex, premier collatéral en la Chambre du Conseil du duché de Genevois, j'ai assisté à tout ce qui a été dit plus haut.

  A024001860 

 Moi aussi, Michel Favre, prêtre du diocèse de Genève, j'ai assisté à tout ce qui a été dit plus haut.

  A024001861 

 Moi aussi, Pierre Thibaud, secrétaire ordinaire du R me Seigneur Evêque, j'ai assisté à tout ce qui a été dit plus haut.

  A024001867 

 Vobis omnibus qui a Superioribus vestris electi estis ad munus sive verbi Dei prædicandi, sive Sacramenta in hac diocæsi administrandi, Nos quoque libenter eamdem facimus facultatem, eorum electionem approbantes in nomine Domini.

  A024001879 

 A vous tous qui avez été élus par vos Supérieurs pour prêcher la parole de Dieu ou administrer les Sacrements dans ce diocèse, Nous aussi vous accordons la même faculté, approuvant leur élection au nom du Seigneur.

  A024001914 

 Ayans sceu que le venerable Clergé du balliage de Gex de ce Nostre diocæse avoit fait choix de vostre personne pour, en son nom, vous acheminer et presenter aux Estatz, tant de Bourgoigne que generaux de France, qui, par le commandement du Roy, se doivent bien tost celebrer: Nous avons icelle election et nomination de vostre personne advoüee, appreuvee et ratifiee, comme par les presentes Nous confirmons, vous nommant aussi, entant [190] quil Nous compete, pour estre auxditz Estatz, dire, remonstrer, requerir et faire a Nostre nom et dudit Clergé de Gex dependant de Nostre charge, tout ce quil conviendra pour le juste soustenement et accroissement de tout ce qui regarde le saint service de Dieu et de l'Eglise audit balliage de Gex.

  A024001933 

 Comme, à ce qui Nous a été rapporté par un témoignage digne de foi, depuis déjà une année entière vous avez très religieusement vécu à Cusy, en administrant, avec Notre permission, les Sacrements et la parole de Dieu partout où vous étiez appelé: pour ce motif Nous vous accordons la faculté de séjourner à Cusy, d'y conférer les Sacrements et prêcher la parole de Dieu, ainsi que d'absoudre des cas à Nous réservés; faculté dont vous pourrez librement user dans tout Notre diocèse, pourvu que les recteurs des églises paroissiales y consentent.

  A024001934 

 Nous avertissons en même temps Votre Révérence, ce que vous faites du reste, de tempérer la science, qui autrement enfle, par la charité qui édifie, en sorte que votre charité illuminée par la science et votre science enflammée par la charité, tournent au [192] salut du peuple et à l'honneur et à la gloire du Christ Notre Seigneur.

  A024001943 

 Cui quidem petitioni annuentes, fulti authoritate Apostolica Nobis hac in parte specialiter commissa [ibidem] ne temere quicquam faceremus, eumdem Claudium prius in hunc qui sequitur modum examinavimus.

  A024001950 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; à tous ceux qui verront les présentes Nous faisons savoir et, témoignons que, le jour, le mois et l'année ci-dessous, Notre bien aimé dans le Christ Claude Boucard a comparu devant Nous ici, à Grenoble, et Nous a demandé de [193] daigner l'absoudre, dans le for intérieur et extérieur, de l'excommunication et des autres censures et peines ecclésiastiques dont il s'avouait chargé pour crime d'hérésie et de profession d'hérésie..

  A024001985 

 Cum religiosa Domus, quæ in medio Montis Jovis, a Sancto Bernardo de Menthone, Augustæ archidiacono, fundata est, plurimos Canonicos regulares aliosque viros, sub eorum cura, ad excipiendos peregrinos et quoscumque viatores, qui ex cisalpinis in transalpinas regiones, et vicissim, inter montium illa cacumina, ob nivium procellarum ac frigorum vim et impetum incredibilem passim [197] periclitari soient, Dei Salvatoris nostri intuitu, alere ac exhibere solita sit, idque tacere omnino nequeat, nisi eleemosinis fidelium adjuvetur..

  A024001986 

 Hinc factum est ut jam pridem, per totum pene orbem Christianum, a R. D. Proposito totius illius magnæ familiæ, aliqui Canonici regulares illi subditi emittantur, qui colligendis donis, oblationibus et eleemosinis incumbant, easque postea ipsi, pro Fratrum ac sociorum sustentatione, referant.

  A024001986 

 « Dignum » enim justumque « est, » ut qui totius orbis advenientes viatores cibis, potu, hospitalitate ac ope juvant, a totius orbis hominibus piis juventur..

  A024001987 

 Quare, cum hac de causa lator presentium iter Belgicum, de sui dicti Superioris mandato aggrediatur, collectant apud gentem inclitam facturus; Nos quoque, quorum diocæsis [dicto præ]claro Monasterio finitima est, quique charitatis opera quæ passim in illo fiunt vere novimus [198] eum, in visceribus Christi, omnibus R mis Pontificibus, cæterisque R dis et venerabilibus viris ecclesiasticis, necnon cæteris fidelibus, inter quos eum versati contigerit, impensissime commendamus, eos pariter qui, ab ipsis commendati, ad Nos accesserint, libenter et ex animo suscepimus..

  A024001994 

 La pieuse Maison qui, au cœur du Mont-Joux, fut fondée par saint Bernard de Menthon, archidiacre d'Aoste, entretient et fournit, en vue de Dieu notre Sauveur, plusieurs Chanoines réguliers, et d'autres personnes sous leur direction, pour accueillir les pèlerins et tous autres voyageurs qui rencontrent d'ordinaire du danger çà et là, en passant des régions de deçà, en celles d'au delà des Alpes et réciproquement, à cause des furieuses tempêtes de neige [197] et de la violence incroyable du froid qui règnent sur ces sommets.

  A024001995 

 « Il est digne et convenable », en effet, que ceux qui procurent de quoi manger, boire et se loger aux voyageurs du monde entier qui se présentent, et qui les secourent de toute manière, soient à leur tour aidés par les personnes pieuses du monde entier..

  A024001996 

 C'est pourquoi le porteur des présentes se disposant, sur l'ordre de son Supérieur, à entreprendre le voyage de Belgique dans le but de quêter au milieu de ce peuple illustre, Nous aussi, dont le diocèse est limitrophe du célèbre Monastère susnommé, et qui connaissons vraiment les actes de charité qui s'y multiplient, Nous [198] recommandons chaudement ce porteur, dans les entrailles du Christ, à tous les Révérendissimes Evêques et autres révérends et vénérables ecclésiastiques, ainsi qu'aux autres fidèles.

  A024001996 

 De même, c'est volontiers et cordialement que jusqu'ici Nous avons reçu ceux qui, recommandés par eux, se sont présentés à Nous..

  A024002026 

 Pour ce qui Nous regarde, Nous approuvons cet ouvrage érudit d'un homme érudit, et permettons de l'imprimer..

  A024002047 

 Ne pouvant aucunement, à cause des malheurs innombrables [201] qui ont, à la suite des guerres, agité et comme accablé notre province, visiter personnellement les basiliques des saints Apôtres Pierre et Paul, et manifester extérieurement la vénération et l'obéissance que Nous avons jusqu'ici professées et qu'à l'avenir, avec l'aide de Dieu, Nous professerons toujours à l'égard du Saint-Siège Apostolique Romain; Nous prions Votre Révérence de vouloir bien se charger, puisque elle se trouve à Rome pour d'autres affaires de Notre diocèse, de remplir en Notre nom ces devoirs de visite ad limina et de prestation d'obédience.

  A024002055 

 Cum venerabilis conventus Sancti Dominici hujus civitatis Annessiacensis, Nostræ diœcesis, Ordinis Prædicatorum, semper aliquem ex Religiosis ejusdem Ordinis ad fidelium eleemosinas colligendas ex instituto et more sui Ordinis mittere soleat, eaque sit adhuc hujusce diœcesis totiusve patriæ conditio, ut vix ac ne vix quidem necessitati mendicorum Christi qui eam incolunt subvenire possit: propterea Nos, dilectum Nobis in Christo Fratrem Jacobum Chappaz, prædicti Ordinis Religiosum laïcum, quem R. Frater Prior ac idem venerabilis Conventus [203] Sancti Dominici hujusce Nostræ diœcesis, etiam extra hanc diœcesim, scilicet Friburgum versus, sive ad alias Helvetiorum partes, piorum hominum auxilium imploraturum, quo tandem et familiam sustentare et ædificiorum jam passam ruinam reparare possint mittere proposuerunt, iis Nostris literis, manu Nostra subscriptis ac sigillo Nostro munitis, prosequimur, quibus eumdem omnibus superioribus pariter ac inferioribus Ecclesiæ Christi filiis et alumnis apud quos eum di vertere contigerit, sicuti christianum et Religiosum mendicum enixe in visceribus misericordiæ Dei nostri commendatum cupimus et facimus..

  A024002064 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ..

  A024002065 

 Le vénérable couvent de Saint-Dominique de cette ville d'Annecy, dans Notre diocèse, couvent de l'Ordre des Frères Prêcheurs, ayant la coutume d'envoyer toujours quelqu'un de ses Religieux pour recueillir, suivant la Règle et l'usage de l'Ordre, les aumônes des fidèles, et l'état de ce diocèse et de tout le pays étant tel qu'on n'arrive pas à subvenir aux besoins des mendiants du Christ qui l'habitent: Nous signons de Notre main et munissons de Notre sceau ces lettres en faveur de Notre bien aimé dans le Christ, le Frère Jacques Chappaz, convers dudit Ordre, que le Révérend Frère Prieuret le vénérable Couvent de Saint-Dominique de [203] Notre diocèse ont décidé d'envoyer même hors de celui-ci, c'est-à-dire dans le pays de Fribourg et autres parties de la Suisse, pour implorer le secours des gens pieux, afin de pourvoir à l'entretien de la communauté et de réparer les ruines déjà subies dans leurs édifices.

  A024002125 

 Nous FRANÇOIS DE SALLES, par la grace de Dieu et du Siege Apostolique Evésque et Prince de Genéve, aux bien ayméz en Jesus Christ, a celuy qui regie les affaires de la guerre pour la milice du Roy Catolique, et autres, [208] tant soldats qu'autres personnes a qu'il appartiendera, qui sont pour quelque temps ou qui demeurent dans ce dioceze: salut dans le Seigneur..

  A024002127 

 C'est pourquoy, Nous, a quil appartient de veiller, autant pour conserver les immunitéz de l'Eglise que pour avoir un soin tres particulier de vostre salut, selon la charge qui Nous a eté imposée, vous mandons expressement et precisement par ces presentes, soub peyne d'excommunication, de ne point entrer pour ce subjét dans des lieux saints, soit dans une eglise consacrée a Dieu, et de ne point uzer de violence pour arracher cet homme de l'autel affin de le forcer de sortir de l'eglise, estant fondé sur une telle exemption, mesme sous pretexte de rendre ou de faire la justice..

  A024002140 

 Intelleximus non sine gravi molestia, militem quendam qui ad ecclesiam Fabricarum se contulerat, ut immunitate ecclesiis dudum et jure irrevocabili concessa frueretur, a quibusdam vi, et in contemptu mandati Nostri, abstractum et avulsum fuisse a sacro loco..

  A024002141 

 Quare, per presentes Nostras litteras, omnibus qui hujusmodi actui adjutorium favoremve dederint, ac precipue iis qui ita se contra ecclesiæ immunitatem et mandatum gesserunt, districte præcipimus in Domino, ut eundem [211] militem prædictæ ecclesiæ restituant et illius immunitate uti frui et gaudere sinant, idque prestent intra viginti quatuor horas.

  A024002151 

 Nous avons appris, non sans un grand ennui, qu'un soldat qui s'était réfugié dans l'église de Faverges pour y jouir de l'immunité, depuis longtemps et par un droit irrévocable accordée aux églises, avait été arraché du saint lieu par certains, violemment et au mépris de Notre commandement..

  A024002152 

 Aussi, par Nos présentes lettres, Nous ordonnons sévèrement dans le Seigneur à tous ceux qui ont donné aide et faveur à un tel acte, et surtout à ceux qui ont agi ainsi contre l'immunité de l'église et Notre commandement, de rendre le soldat en question [211] à cette église et de le laisser jouir de l'immunité, et cela dans les vingt-quatre heures.

  A024002163 

 Secundo: per eandem sententiam, in virtute sanctæ obedientiæ et nomine Domini, mandavimus et mandamus iis omnibus qui dictum Antonium Garciam extraxerunt, vel extractum retinent, uti confestim eum ecclesiæ ipsi unde eum extraxerunt, vel alteri eadem immunitate gaudenti præcise restituant.

  A024002172 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui il appartiendra..

  A024002173 

 Nous en tenant à Nos précédents commandements, par lesquels Nous avions averti qu'Antoine Garcia, espagnol, arraché à l'église par la violence, devait être rendu à l'église, ou que ceux à qui il appartenait devaient dire pourquoi ils n'étaient pas tenus à cette restitution: Maintenant, après avoir attentivement examiné toutes les circonstances de l'homicide commis, et les raisons sur lesquelles [213] s'appuyait Son Excellence don Alphonse Carrillo, docteur et auditeur de la milice du Roi Catholique, demeurant actuellement dans ces régions, pour refuser de rendre à l'église le susnommé Garcia; par Notre sentence définitive Nous avons prononcé et prononçons ce qui suit:.

  A024002174 

 En premier lieu, ledit Antoine Garcia, pour ce qui regarde l'homicide dont il s'agit, peut et doit jouir du bénéfice de l'immunité des églises.

  A024002174 

 En second lieu, par cette même sentence, en vertu de la sainte obéissance et au nom du Seigneur, Nous avons ordonné et ordonnons à tous ceux qui ont extrait ledit Antoine Garcia, ou le retiennent hors de l'église, de le rendre immédiatement et exactement à l'église d'où ils l'ont arraché, ou à une autre jouissant de la même immunité.

  A024002174 

 Nous avons enjoint à tous les juges séculiers et autres personnes à qui il appartiendra, de ne pas faire entourer l'église où sera réintégré ledit [214] Antoine Garcia, et de ne pas y mettre des gardes sous quelque prétexte que ce soit, par où l'immunité de l'église serait directement ou indirectement violée et le même Garcia s'en verrait privé..

  A024002191 

 FRANÇOIS DE SALES, etc., à tous ceux qui verront les présentes, salut et charité du Christ..

  A024002194 

 En outre, ce qui constitue un amour souverain de Dieu, elle a [216] finalement mis un magnifique couronnement à une telle grandeur d'âme, en faisant sortir, comme d'un incendie, après la mort de son mari, citoyen de Genève, ses six fils et filles de cette ville, de peur que la malice de l'hérésie ne changeât leur âme.

  A024002211 

 Pour des raisons à Nous connues et par Nous approuvées, Nous les dispensons des bans qui, par ailleurs, devaient être faits..

  A024002252 

 Supplie tres humblement M re Anthoenne Grandat, que puisque l'opposition qu'avoit estee formee par damoiselle Claudine Debyu a la proclamation du mariage contracté entre ledict suppliant et damoiselle Louyse de Bellegarde a estee vuydee par le sieur Vicaire general de Vostre R me [Seigneurie], ainsy que par sa sentence du dixiesme du courant cy joincte, il vous plaise luy permettre fere les esposiallies et benediction nuptiale dudict mariage dans le chasteau du pere de ladicte damoiselle de Bellegarde, ayant esgard a la distance de l'esglise et pour obvier des [221] bruictz et grandes indiscretions qui pourroit (sic) arriver et arrivent souvent en semblable cas..

  A024002255 

 Ayant veu la sentence mentionnee en la requeste, et consideré les raysons d'icelle et autres verbalement proposees, Nous avons permis et permettons la celebration dudit mariage estre faitte dans une mayson particuliere; a la charge neanmoins que la benediction se fera dans l'eglise parrochiale, entre les solemnités de la Messe, ainsy quil est porté en l'ordinayre Messel Romain, et toutes autres choses qui sont a observer estant observees..

  A024002259 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait à M. le chanoine Gonthier, aumônier de l'hôpital d'Annecy..

  A024002296 

 S'il conste de la dispense Apostolique au sujet de l'empêchement de consanguinité qui existe entre M. Claude de Chabod, seigneur de la Dragonnière, et M lle Claudine-Adrienne de Mouxy de Travernay, on pourra alors, et non autrement, célébrer le mariage, même sans les bans, dont Nous dispensons, en tenant compte cependant des autres formalités requises par le droit..

  A024002304 

 Et pour esclarcir plus entierement ce qui est de ses affaires, fera voir encor le contract de mariage de madame de Chantal sa mere, laquelle, en cas que par son testament elle n'eut pas disposé en faveur de son filz de ses biens, en disposera par le contract du mariage de son dit filz, pour avoir plus de force, sil est ainsy advisé..

  A024002304 

 Le seigneur Baron de Chantal asseure qu'il a... mille escus de revenu, et fera voir par les testemens de messieurs ses grand pere et pere et par celuy de madame sa mere, que les terres qui luy font ce revenu-la ne sont point engagees en substitutions, et qu'il ny a pas d'autres debtes en sa mayson que ceux que madame de Chantal sa mere a declarés par sa lettre escritte a madame la Presidente Liotart.

  A024002328 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024002348 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut..

  A024002349 

 Nous faisons savoir et témoignons que notre bien aimé dans le Christ M. Alexandre Gauttier, seigneur de Beauregard, de Paris, aujourd'hui même a comparu devant Nous, et, après avoir abjuré [227] comme il convenait, toutes les hérésies, mais surtout celle de Calvin, a légitimement reçu de Nous, qui en avions obtenu le pouvoir de l'Illustrissime Cardinal de Retz, Evêque de Paris, l'absolution des censures qu'il avait encourues à cause de ladite hérésie; en sorte que rien ne s'oppose plus à ce qu'il soit tenu, reçu, aimé et honoré comme un vrai catholique, par tous les vrais catholiques..

  A024002356 

 Notum facimus et testamur, dilectum Nobis in Christo [228] nobilem virum D. Guillelmum de Bernard toto biennio in civitate Annessiacensi, in qua residentia Ecclesiæ Nostræ est, vixisse omniaque munera catholicæ pietatis quam accuratissime obiisse, quemadmodum par erat ab eo exspectare, qui a parentibus (quos olim de facie et moribus cognovimus) piissimis originem traxit, et ab incunabulis in domo catholicissimi Principis Ducis Namurcii educatus fuit, ut et nunc eidem a cubiculo inservit inter primarios ejus domesticos..

  A024002376 

 C'est un point de justice et qui en conscience ne peut estre refusé; car le sieur de Vallon, ayant fait une notable despense pour la reparation de l'eglise, avoit droit de laisser ou mettre des marques de sa pieté pour la posterité au lieu ou il avoit contribué, pourveu qu'elles fussent en une place en laquelle il ny eut point d'apparence que les dites armoiries fussent mises a pair de celle de Sa Grandeur.

  A024002376 

 Sa Grandeur est encor tres humblement suppliee de commander a ses gens du Conseil de deça, de voir si les armoiries du sieur de Vallon qui estoyent en l'eglise de Samoen et en furent rasees par authorité absolue de Sa Grandeur, estoyent en lieu prejudiciable aux authorités d'icelle; et en cas que ledit Conseil juge que non, les faire restablir, ou du moins permettre audit sieur de Vallon de les faire restablir.

  A024002377 

 C'est un point de pieté et de justice tout ensemble, car ces pauvres filles sont pupilles, et on ne sçauroit preuver solidement la mort de leurs oncles ausquelz la curialité d'Ugine appartenoyt: de sorte qu'en cette (sic) doute du trespas on pourroit leur præfiger un terme dans lequel on les laisseroit joüir de laditte curialité et passé lequel elle seroit reunie au revenu de Sa Grandeur; car aussi bien, le droit qui presuppose que chasqu'homme puisse vivre cent ans, et qu'en effect il les vive, portera que ces filles jouissent encor plus de soixante ans, puisque leurs oncles dont on ne peut preuver la mort, l'un estant allé en Levant et l'autre en Hongrie, ne sçauroyent avoir, s'ilz sont en vie, plus de trentecinq ou quarante ans..

  A024002387 

 Pour le sieur de Vallon: une lettre a messieurs du Conseil de Genevois, affin que s'ilz treuvent que les armoiries quil avoit fait graver en l'eglise de Samoens, ne fussent pas en lieu qui peut praejudicier a l'authorité de Sa Grandeur, ilz ordonnent qu'elles y soyent remises..

  A024002401 

 Le Procureur fiscal de l'Evesché dit que le suppliant doit remettre en propre personne et entre les mains de Vostre Reverendissime Seigneurie, le contenu [234] en la susdite requeste, par laquelle il confesse d'avoir commis l'execrable et abominable crime..., qui semble, a correction, devoir estre puni par adjudication de quarante livres d'amende applicables a la mense episcopale, et vingt livres a œuvres pies, ayant esgard a la confession et volontaire recognoissance de sa faute; et a jeusner trois jours de la sepmaine pendant le temps et espace d'un mois prochain, a compter des hores; avec inhibition et defense de ne rechoir par cy apres a telles semblables fautes, a peine de cinq cent livres, et autres plus grandes s'il y eschoit.

  A024002404 

 Toutes choses bien considerees, Nous avons condamné et condemnons le suppliant a quinze livres d'amende pour les reparations de l'eglise de sa parroisse, quil remettra dans ce moys es mains du sieur Curé ou vicaire, et en la presence des scindiqs, qui auront soin de les employer et dont ilz feront apparoir a Nous ou au sieur chanoyne Jay dans le moys apres, et quinze envers la mense episcopale; et de jeusner chaque vendredi des quatre semaines suivantes, et de dire dans l'eglise d'icelle parroisse chasque Dimanche des dittes trois (sic) semaines quinze Pater noster et Ave Maria a genoux, apres le service de la sainte Messe..

  A024002417 

 Mais voyant lesdicts sieurs suppliants l'affection, amitié et debvoir de parentage qui est entre ledit sieur Roges, vostre Vicaire general et Official deputé, et ledit de Thyolla, ils sont contraints de recourir a Vostre Reverendissime Seigneurie..

  A024002444 

 Revu sur l'Autographe qui appartenait à M. le chanoine Collonges, aumônier de la Visitation de Chambéry..

  A024002448 

 Nous dispensons des bans pour le mariage à célébrer entre l'honorable Claude Chaffarod, Notre bien aimé dans le Christ, et Jeanne Berger, aussi Notre bien aimée dans le Christ, tous deux habitants de Faverges; confiant l'affaire au premier prêtre qui, là-bas, est au service de Dieu et de l'Eglise, à condition que les autres prescriptions du droit soient maintenues..

  A024002508 

 On escrira au cathalogue le nom, surnom, la patrie et les qualitez de celuy qui sera receu, lequel sera tenu de faire preuve de sa doctrine et capacité, ou par escrit, ou par parolle, ou en prose ou en vers, devant les Academiciens..

  A024002509 

 Tous les Academiciens prendront des noms et des devises à leur fantasie, qui toutesfois soyent convenables; et le Censeur [243] prendra garde qu'elles soyent bien prises et qu'on ne les change point.

  A024002510 

 Les consultations de ceux qui auront à parler publiquement se feront avec un jugement meur et exactement..

  A024002512 

 Chaque leçon comprendra (autant qu'il se pourra faire) un traicté entier de quelque matiere; si moins, on taschera de faire une bonne conclusion de tout ce qui aura esté dict en la premiere leçon..

  A024002522 

 On taschera d'esloigner de l'Academie tout ce qui pourroit en [245] quelque façon nourrir la discorde.

  A024002523 

 Tous iront à qui mieux fera..

  A024002524 

 Ceux qui arriveront l'Academie estant commencée, s'assieront sans ceremonie et sans aucune dispute de presseance.

  A024002529 

 Les Censeurs seront tres-versez en toutes choses, autant qu'il se pourra faire, et approcheront de l'encyclopedie; toutesfois, ils communiqueront au Prince et Collateraux les piec.es qui devront estre examinées..

  A024002531 

 Les Academiciens ne devront point estre grevez de contribuer pour les choses qui seront necessaires, selon la raison..

  A024002554 

 2° Que celuy d'entre eux qui sera convaincu de mal vivre, avec femme, fille, ou mesme soupçonné avec fondement, apres deux ou trois monitions qu'il en soit exclus, s'il ne donne sufïisans tesmoignages de son prompt et sincere amendement..

  A024002577 

 Notum facimus quod, pastorali qua decet vigilantia, illis potissimum subventionis Nostræ auxilium impartimur qui partem Nostræ sollicitudinis subeunt, omniaque eorum (sic) studia et labores ad instruendam pietate, bonis moribus liberalibusque disciplinis juventutem conferunt, [253] manusque Nostras adjutrices exhibemus.

  A024002578 

 Nos igitur, huic petitioni, ut justæ et rationi consonæ, annuentes, et quia ad hoc Scindicorum et Consiliariorum oppidi Clusarum qui dictarum capellarum sunt patroni intervenit assensus, prædictas capellas Leprosoriæ et Beatæ Mariæ Pietatis dicti oppidi Clusarum, cum illorum juribus, proventibus et [255] pertinentiis, Collegio et clero erecto prædictis dicti oppidi Clusarum uniendas, annexandas (sic) et incorporandas duximus, prout præsentibus unimus, annexamus (sic) et incorporamus cum prædictis juribus, iructibus, redditibus et pertinentiis; ita quod clero, rectori et Collegio prædictis liceat dictarum capellarum, Collegio et clero erecto prædictis dicti oppidi Clusarum, ut præmittitur, unitarum, cum dictas capellas quovismodo vacare contigerit, realem, actualem et corporalem possessionem libere et licite apprehendere nullius alterius licentia super hoc minime requisita, necnon fructus in suos usus et utilitatem convertere conditionibus, astrictionibus et conventionibus in dicta fundatione insertis observatis et observandis, officio debito et consueto, per præsbiteros dicti cleri et in dicto clero successores, juxta prædictas fundationes celebrando..

  A024002588 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous et chacun qui verront les présentes, à ceux surtout à qui appartient, appartiendra ou pourra appartenir plus tard, salut dans le Seigneur..

  A024002589 

 Nous faisons savoir que, comme il convient à un Pasteur vigilant, Nous accordons Notre aide et secours surtout à ceux qui partagent Notre sollicitude, et emploient tous leurs soins et travaux à former la jeunesse dans la piété, les bonnes mœurs et les études libérales, [253] et que Nous leur prêtons main forte.

  A024002614 

 Nous avons vu les lettres patentes par lesquelles Madame la Sérénissime Infante Catherine, fille du Sérénissime Duc, a ordonné que soit écrit ce qui suit:.

  A024002616 

 Conformément aux patentes signées par Son Altesse Sérénissime, mon Père et Seigneur, pour le privilège que, à ma requête, il accorde à perpétuité à la ville d'Annecy de pouvoir prélever trois deniers sur chaque livre de chair qui se vend à la boucherie de la même ville, sous la condition, toutefois, de la fondation d'une Messe perpétuelle: Je nomme le R. P. D. Juste pour la célébrer, voulant et déclarant que les cinquante ducatons [257] d'aumône soient, comme le portent les susdites patentes, appliqués au Collège et à la Maison qui seront assignés pour résidence au Père par ses Supérieurs, et cela sa vie durant.

  A024002621 

 C'est pourquoi Nous aussi, autant que cela faire se peut, Nous louons les clauses susdites de la patente et, si cela est nécessaire, les confirmons, celle surtout qui a trait à la fondation [258] d'une Messe perpétuelle et à la nomination faite par la Sérénissime Infante pour sa célébration.

  A024002629 

 Supplient humblement les Reverendz Peres reguliers de la Congregation de S t Paul, appelés Barnabites, recteurs perpetuelz du College de la presente ville, disantz: qu'en consideration du peu de reveneu quilz ont, il pleut a Son Altesse, il y a desja quelques annees, de tesmoigner quil desiroit l'augmentation d'icelluy, affin quilz heussent plus de commodité d'entretenir plus grand nombre de Peres en ceste ville pour l'instruction de la jeunesse, et de maintenir les bastimentz dudit College, qui sont grandz.

  A024002630 

 Aussy ne se treuve il que ladite chappelle soit esté visitee par aultre que par Messeigneurs les Rmes Evesques, qui ont en icelle exercé toutte sorte d'authorité et de jurisdiction..

  A024002673 

 Apres avoir veu et consideré les depositions des tesmoins ouÿs en la sommaire apprinse faite par M e du Mont, greffier de l'Evesché a ce commis, comm'encor le consentement presté par Nostre Chapitre cathedral, et ayant egard a la bonne volonté, intention et desir de S. A., dont [262] il Nous appert par lettres a Nous envoyees par icelle: avons ordonné et ordonnons que la chapelle de Saint Clair, communement appellee prieuré, biens, fruitz et revenuz qui en dependent, seront mis, annexés et incorporés a perpetuité au College de la presente ville et cité, avec les charges en dependantes; et qu'a ces fins en soyent expediees auxditz suppliantz lettres de provision de ladite union et annexe, telle que de droit et de coustume.

  A024002680 

 Ecclesiastica beneficia, iis præsertim jure concedi ratio dictat, qui illa omnia simul præstent pro quibus etiam singulis ipsorum beneficiorum redditus canonice conferuntur.

  A024002680 

 Quare, cum sacri Canones, nunc divina Officia persolventibus, [263] nunc animarum saluti verbo, doctrina, sacrorum administratione incumbentibus, beneficia impertienda suadeant, novissime vero sancta Tridentina Synodus speciali favore collegia quibus prima ætas pietatis ac litterarum rudimentis instituatur prosequuta, non solum ea erigenda arctissime præcipiat, verum etiam peculiares modos inducat, quibus ipsorum oneribus sublevandis, per fructuum ecclesiasticorum assignationes provideatur; Nobis quoque ita Nostrum quo fungimur in iis redditibus distribuendis munus justius obire visum est, si iis qui non in singula modo, sed in omnia simul ea quæ prædiximus, diligenter intendant, pastoralem curam in hac parte impertiamur..

  A024002681 

 Legitimis quippe documentis ac testimoniis ad id receptis ac coram Nobis exhibitis, constitit quod cum R di Clerici regulares Sancti Pauli, vulgo Barnabiti, qui in Chapuisiano hujus Anneciensis urbis Collegio, sub titulo SS torum Pauli et Caroli, juxta eorum Congregationis pia instituta, divina Officia, Sacramentorum administrationem, concionum, cathechismi, scholarum aliarumque religiosarum functionum operas obeunt, adeo tamen tenui redditu potiuntur [264] ut cum iis oneribus jam susceptis sustinendis vix sufficiat, cogantur idcirco et minori Religiosorum numero esse, et solemniores ordinarias functiones aut omittere, aut minus solemniter persolvere quam per eorum Constitutiones liceat:.

  A024002690 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous et chacun à qui parviendront les présentes, salut éternel dans le Seigneur..

  A024002691 

 Aussi, puisque les saints Canons engagent à [263] attribuer les bénéfices soit à ceux qui célèbrent les Offices divins, soit à ceux qui s'occupent du salut des âmes par la parole, l'enseignement et l'administration des Sacrements, et que tout dernièrement, le saint Concile de Trente a témoigné un intérêt spécial à l'égard des collèges où la jeunesse apprend les rudiments de la piété et des belles-lettres, non seulement en ordonnant de les ériger, mais encore en indiquant les moyens particuliers de subvenir à leurs charges, en leur assignant des revenus ecclésiastiques: Nous, à Notre tour, avons jugé que Nous remplirions plus équitablement le devoir de Notre ministère touchant la distribution de ces revenus, si Notre soin de Pasteur, sur ce point, gratifiait ceux qui s'adonnent avec zèle, non seulement à une des œuvres susmentionnées, mais à toutes simultanément..

  A024002691 

 La raison veut que les bénéfices ecclésiastiques soient à bon droit accordés surtout à ceux qui réunissent toutes les conditions requises, en bloc et en particulier, pour la collation canonique des revenus des bénéfices.

  A024002692 

 Or, par de légitimes documents et témoignages reçus dans ce but et à Nous montrés, il est évident que les Révérends Clercs réguliers, de Saint-Paul, appelés vulgairement Barnabites, qui au Collège Chappuisien d'Annecy, sous le vocable des Saints Paul et Charles, tout en s'acquittant, selon les pieux statuts de leur Congrégation, de la célébration des Offices divins, de l'administration des Sacrements, des prédications, du catéchisme, des écoles et autres fonctions [264] religieuses, jouissent cependant d'un si petit revenu, que, ne pouvant suffire à tant de charges assumées, ils se voient forcés à diminuer le nombre de leurs Religieux, et à omettre les fonctions ordinaires plus solennelles, ou à les célébrer moins solennellement que ne le leur permettent leurs Constitutions:.

  A024002693 

 Les Religieux du Collège, ou leurs procureurs, qui existeront à ce moment-là, pourront prendre et retenir pour toujours, par eux-mêmes ou par d'autres, la corporelle, réelle et actuelle possession de la susdite chapelle, et en toucher les revenus pour les employer à l'utilité et usage du Collège, sans qu'il soit besoin d'en demander ultérieurement à personne la permission.

  A024002693 

 Nous donc, en obéissant, selon Notre devoir, aux décrets des saints Canons et du saint Concile de Trente, en conformité aussi à la volonté du Sérénissime Prince de Savoie et de Piémont, voyant que, pour aider et promouvoir les services si utiles et nécessaires à la vie ecclésiastique que rend le susdit Collège, on peut, sans aucune diminution du service divin, assigner commodément la chapelle séculière ou église de Notre diocèse appelée vulgairement prieuré de Saint-Clair; de Notre autorité ordinaire, aussi bien que de celle qui, en tant que l'affaire le requiert, Nous est déléguée par le Siège Apostolique, suivant les décrets du Concile œcuménique de Trente, et après avoir pris le consentement capitulaire de Nos frères les Chanoines, Nous unissons, annexons et incorporons pour toujours, par la teneur des présentes, au Collège Chappuisien des Saints Paul et Charles d'Annecy, des Clercs réguliers de Saint-Paul, [265] ladite chapelle, église ou prieuré de Saint-Clair, de Notre diocèse, avec tous ses biens, revenus, droits et émoluments, ainsi que tous accessoires, appartenances, annexes et dépendances, eu égard à l'état actuel comme à l'état futur, et vice-versa, aussitôt qu'elle sera vacante par voie de cession pour cause de résignation, de permutation ou toute autre, ou bien, par le décès, ou autre démission ou amission du Révérend Jean Sonnerat, recteur actuel.

  A024002725 

 Et fut ladite sentence rendue en forme de pragmatique sanction, qui ne pourroit estre plus grave.

  A024002729 

 L'an 1404, Blanche, comtesse de Geneve, et Amé, comte de Savoye, estans en different a qui appartenoit le comté de Genevois, offrant l'une et l'autre des parties l'hommage a l'Evesque, il différa de le recevoir jusques apres la decision du different..

  A024002735 

 Quand aux prætentions des citoyens de Geneve, elles sont plus recentes et infiniment plus frivoles; car ilz alleguent seulement que l'Evesque Ademarus leur donna pouvoir de connoistre et juger des crimes et occurrences qui surviendroyent des le soleil couchant jusques au soleil levant.

  A024002737 

 Encor que les citoyens eussent condamné pour telz crimes nocturnes, la sauveraineté toutefois estoit a l'Evesque, qui en pouvoit faire grace, comme fit Thomas, Evesque, a un criminel condamné par les citoyens l'an 1453..

  A024002759 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A024002781 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui liront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024002782 

 Georges Seyffert, d'Augsbourg, notaire du Saint Empire, a désiré de Nous, qui le chérissons dans le Christ, l'attestation qu'il Nous a remis un décret de son auguste Majesté pour Nous inviter à la prochaine diete: ce qui est vrai, Nous le déclarons par ces présentes signées de Notre main et munies de Notre sceau..

  A024002783 

 De plus, Nous affirmons que le même Georges Seyffert, porteur des présentes, a toujours vécu, pendant le peu de jours qu'il a passés avec Nous, selon les usages catholiques et qu'il n'a rien fait qui ne respire le vrai christianisme.

  A024002793 

 Sur la vacance de la pension ou portion qui estoit demeuree a l'Abbé de Filly pour le tiltre de l'abbaye, tout le reste du revenu ayant esté appliqué a l'Ordre Saint Maurice et Lazare, il est requis que Son Altesse nomme a Sa Sainteté un successeur pour ladite portion.

  A024002812 

 [... Ad Sanctissimam Sedem Apostolicam pro Cathedralis [287] ecclesiæ Camberii erectione optimis rationibus scripsit, quibus ostendebat ] Camberium semper Sabaudiæ fuisse metropolim in qua Senatus residet et Consilium Status, ampio ornata Gymnasio multisque ecclesiis [288] sive sæcularibus, sive regularibus, in qua multus sit concursus ratione transitus Francorum, Anglorum et Belgarum in Italiam, non esse modo congruum, sed necessarium, ut in ea sit Episcopus residens, qui statum ecclesiasticum in urbe tam celebri coerceat..

  A024002823 

 Il s'y fait un grand concours de monde à cause du passage des Français, des Anglais et des Flamands qui vont en Italie; il convient donc, et même il est nécessaire qu'il y réside un Evêque pour tenir en ordre l'état ecclésiastique dans une ville si fréquentée..

  A024002824 

 Un vicaire forain, établi seulement pour les choses qui regardent le for contentieux, n'a pas l'autorité suffisante pour maintenir le peuple dans le respect et les ecclésiastiques dans leur devoir; sans compter qu'il doit très souvent recourir à Grenoble pour apprendre l'intention de l'Evêque, recours qui présente dans les cas urgents de grandes incommodités.

  A024002825 

 Un très grave inconvénient résulte encore de la diversité des [289] dominations temporelles qui s'y exercent.

  A024002826 

 Une autre difficulté, c'est la trop grande distance qui sépare Chambéry de Grenoble.

  A024002829 

 Enfin, on peut croire que le Révérendissime Evêque de Grenoble songe à désirer d'être déchargé de cette partie de son diocèse, afin qu'il puisse, avec plus de facilité et d'exactitude, s'occuper du reste de sa charge qui sera encore bien grande, pour ne pas dire très grande.

  A024002835 

 Et quidem cum Romæ quatuor illis vel quinque mensibus, quibus piissimi ac ornatissimi prædecessoris mei Claudii de Granier jussu, hujus diocesis aliquot rebus tractandis operam dedi, plurimos sane vidi eximia sanctitate et doctrina viros, qui Urbem et in Urbe orbem suis laboribus exornarent; sed inter eos omnes istius seorsim virtus mentis meæ oculos vehementer occupavit..

  A024002836 

 Mirabar etenim in tanta viri eruditione ac variarum rerum [293] scientia, tantam sui ipsius despicientiam; in tanta oris verborum ac morum gravitate, tantum leporem tantamque modestiam; in tanta pietatis sollicitudine, tantam urbanitatem ac suavitatem; cum nec fastum, quod plerisque contingit, alio fastu, sed vera humilitate calcaret, nec inflante scientia charitatem ostentaret, sed charitate ædificante scientiam instrueret: dilectus piane Deo et hominibus, qui Deum pariter et homines purissima dilectionem prosequeretur.

  A024002838 

 Quamobrem eos qui tacti amore cœlesti intrinsecus, purioris vitæ rationem sequi cupiebant, consiliumque ejus expetebant, sola Dei majore gloria inspecta, in Societatem quam illis magis congruam putabat, manu ac opera amantissime deducebat: homo videlicet, qui nec Pauli, nec Cephæ, nec Apollo, sed Jesu Christi erat, quique meum et tuum, frigida illa verba, nec in temporalibus, nec in spiritualibus audiebat; sed omnia in Christo, ac propter Christum, sincere expendebat.

  A024002839 

 At ille subito gaudio perfusus: [295] « Quam grata, » inquit, « hujus viri, quam chara mihi esse debet recordatio! Quippe qui me iterum in Christo quodammodo genuit.

  A024002842 

 Quibus attente auditis et expensis: « Et propterea, » inquit Servus ille Dei, « divina Providentia factum est, ut in Ecclesia [297] varii sint Ordines Religiosorum; ut scilicet, qui austeris et pœnitentiæ exteriori addictis, non possit vitam addicere, mitiores ingrediatur.

  A024002844 

 Jam autem postquam a præclaro Congregationis Oratorii vivendi modo ad sacrosanctum episcopale munus translatus est, tum vero maxime ejus virtus splendidius micare, ac clarius, ut par erat, splendescere cœpit, ut lucerna nimirum ardens et lucens, quæ super candelabrum posita, omnibus lucet qui in domo sunt..

  A024002845 

 Nam ubi me appulisse cognoverunt, dici satis non potest quo ardore mentis, amica quadam vi ex hospitio publico in domum cujusdam nobilis civis invexerunt, quandoquidem, inquiebant, hominem qui honoris gratia, ad suum dilectissimum Pastorem diverteret, vellent, si modo possent, in medio pectorum suorum recondere.

  A024002846 

 Uno tandem dicam verbo, cui absit invidia: non memini me vidisse hominem qui dotibus quas Apostolus apostolicis viris tantopere cupiebat, cumulatius ac splendidius ornatus esset..

  A024002853 

 Les évêques, en effet, étant, au dire [292] du grand Pontife Grégoire de Nazianze, les peintres de la vertu, qui est la chose la plus belle, et devant, par leurs paroles et leurs actes, retracer avec art et, autant que possible, exactement une chose si excellente, je ne doute pas que nous ne devions contempler en notre très illustre et distingué Juvénal l'image parfaite de la justice chrétienne, c'est-à-dire de toutes les vertus..

  A024002855 

 J'admirais qu'à une telle érudition et à une science si variée il joignît [293] un si grand mépris de soi-même; à une si grande gravité de paroles et de mœurs, une si grande grâce et modestie; à un tel souci de la piété, une telle urbanité et suavité; car il ne cherchait pas, comme il arrive à beaucoup, à vaincre le faste par un autre faste, mais par une vraie humilité; il ne donnait pas pour base superbe à sa charité la science qui enfle, mais il fortifiait sa science par la charité qui édifie: aimé à la fois de Dieu et des hommes, lui qui avait pour Dieu et les hommes une très pure dilection.

  A024002855 

 Or, j'appelle très pure dilection celle où ne se trouvait presque rien de l'amour-propre ou égoïsme: rare et exquise dilection celle-là, rare même parmi ceux qui font profession de piété, et partant plus précieuse que ce qui s'apporte de l'extrémité du monde..

  A024002857 

 C'est pourquoi lorsque ceux qui, touchés intérieurement par l'amour céleste, désiraient suivre une manière de vie plus pure et lui demandaient son avis, il ne regardait que la plus grande gloire de Dieu, et les conduisait avec grande affection, par conseils et par actes, vers la Société qu'il pensait pour eux la mieux désignée: homme, par conséquent, qui n'était ni à Paul, ni à Pierre, ni à Apollon, mais à Jésus-Christ; qui ne se souciait, ni dans les affaires temporelles ni dans les spirituelles, de ces mots si froids de mien et de tien, mais pesait sincèrement toutes choses dans le Christ et pour le Christ.

  A024002858 

 Mais l'autre, subitement tout joyeux: « Combien agréable, » [295] dit-il, « combien cher doit être pour moi le souvenir de cet homme! C'est lui, en effet, qui en quelque sorte m'engendra une seconde fois dans le Christ.

  A024002860 

 Vous, en attendant, ce qui est le principal, demandez par vos prières la lumière céleste.

  A024002861 

 Ce qu'ayant écouté et examiné attentivement: « Et c'est pour cela, » me dit ce Serviteur de Dieu, « que la Providence [297] a ménagé dans l'Eglise la variété des Ordres religieux; afin que celui qui ne peut s'engager dans ceux qui sont austères et voués à la pénitence extérieure entre dans les plus doux.

  A024002861 

 Je vins donc le lendemain et lui communiquai sincèrement les pensées contradictoires qui m'assaillaient au sujet de ma vocation, lui exposant en particulier mon appréhension à l'endroit de la vie religieuse à cause surtout de la faiblesse et de la complexion délicate de mon corps.

  A024002862 

 Et pour ce qui me regarde, j'avoue ingénuement avoir été grandement incité à l'amour de la vertu chrétienne par [298] plusieurs lettres que, grâce à sa bienveillance pour moi, j'ai reçues de lui..

  A024002863 

 Quand ensuite il passa de l'excellent genre de vie de la Congrégation de l'Oratoire à la charge sainte de l'épiscopat, alors sa vertu commença à briller plus vivement et, ainsi qu'il fallait s'y attendre, à resplendir avec plus d'éclat, comme une lampe ardente et luisante qui, placée sur le chandelier, éclaire tous ceux qui sont dans la maison..

  A024002864 

 Ils auraient voulu, disaient-ils, s'ils l'avaient pu, cacher au milieu de leurs cœurs un homme qui, pour faire honneur à leur bien aimé Pasteur, s'était détourné pour le visiter.

  A024002872 

 Hodie, vigessima secunda presentis mensis, recepi mandatum Illustrissimæ ac Reverendissimæ Dominationis Vestræ, in quo mandabat michi (sic) ut restituerem militem Ispanum qui confugerat ad ecclesiam ut ejus immunitatem gauderet, propter homicidium in hoc loco Favergæ perpetratum.

  A024002888 

 Auquel fut respondu que feu Monseigneur le R me Bachodi, qui estoit Nonce de Sa Saincteté, d'allieurs Evesque de Geneve, et apres, le feu Monseigneur le R me Angelo Justinian, Evesque aussi de Geneve, ont laissé l'Office a ceulx de l'eglise de Nostre Dame, sans vouloir rien innover, puisque mesme non seulement leur eglise est la principale de la ville, comme se veoid par l'assemblee qui se faict dans icelle, voyre aussi [qu'ils sont] Curé de la parrochiale de la ville, a laquelle la ville a notable interest..

  A024002889 

 Puisque le temps est fort proche, il est necessaire [savoir] si la Ville vouldra permettre que l'assemblee des croix se fera dans l'eglise empromptee pour Cathedrale, lorsque se feront les processions; oultre que, encores que Curés, on veult que aultres, qui n'ont aulcune part en la cure, fassent l'Office, et priver [ainsi] les propres Curés de leur authorité et prerogative..

  A024002895 

 Et pour autant qu'ils se treuvent tellement joincts, unis et collés a la chaire episcopale, ils desireroient qu'ils s'approchassent de plus pres de leur chief, puisque l'Evesque et le dict Chapitre ne font qu'un corps, et que Mess rs les Rever ds sieurs Doyen et chanoines du venerable Chapitre de Nostre Dame marchent devant et a part: estant les dicts sieurs de S t Pierre, avec Monseigneur le Reverendissime, fondés sur des raisons peremptoires et qui ne reconnoissent exception, tant sur les saincts Canons que determinations du S t Consile de Trente.

  A024002895 

 Messieurs les Scindics ont proposé comme Monseig r le Reverme, Monseigneur François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, les feit appeler hyer, ausquels il remonstra le desir et sincere affection qui le portoient tout parfaire pour l'honneur qui est deub a nostre Dieu.

  A024002895 

 Pour cest effect, il avoit prins resolution de faire marcher tout le Clergé, jusques mesme au tres venerable Chapitre cathedral de S t Pierre de Geneve, qui, porté tres humblement au mesme dessein, ne desire que de prester la mesme obeissance que les autres communautés.

  A024002896 

 Se plaignant encores (Monseigneur) qu'a esté obmis estrangement de ce que a icelle resolution et deliberation il n'a esté daigné l'appeler pour ouvrir ce qui estoit en son entendement et communiquer les raisons qui le poulsoient tout oultre sur chose si saincte (puis mesme que c'est ung Sacrement qui est une union telle que l'Eglise et Docteurs d'icelle la preschent) et faire que chascung iroit avec une union a adorer nostre Dieu.

  A024002902 

 Laquelle declaration a esté faicte par l'ambassade [envoyée] par les dicts S rs de S t Pierre en presence (pour en la personne ) de Reverend sieurs Jean Favre, docteur es droicts, Vicaire general de M gr le R me et chanoine de S t Pierre, et Claude Nouvellet, aussy chanoine, qui tous deux, d'une ame sincere, ont asseuré M rs les Scindics de telle volonté.

  A024002908 

 [Faut] savoir si elle (la Ville) les suivra, apres leur Office, a leur eglise, ayant egard qu'ils ne officient aucunement a Sainct Mauris avec M gr le R me, qui celebrera la S te Messe et M rs de Sainct Pierre feront le service; partant, puisque la Ville a quelque interest pour la parrochiale, plaira adviser quel moyen l'on pourra tenir et l'interest que Monseigneur peut avoir..

  A024002909 

 La Ville, puis qu'il y a sentence du Metropolitain de Vienne, qui a adjugé la precellence a M rs de Geneve par provision contre M rs de Nostre Dame, la Ville n'a aulcun interest a telle precellance ou a l'office qui se doibt faire, ni aux autres choses concernant la spiritualité; partant, les dicts S rs de Nostre Dame, a cette occasion, se pourront retirer par devers Monseigneur le R me pour observer ce que, de sa part, leur sera ordonné.

  A024002913 

 Ce que n'a volu estre accordé ni discordé a mon dict Seigneur le R me par les dicts sieurs Sindics, sans en communiquer ceans, et de la resolution qu'en sera prinse, la faire entendre au long a mondict S gr de Geneve; qui est ce qui est demandé de l'assistance..

  A024002913 

 Et partant, puisque cela ne touchoit que le spirituel, il ne l'auroit volu ordonner que premierement il n'en heust faict sa declaration a la Ville, affin de obvier a toutes noises ou rumeurs qui, a ceste occasion, pourroient reucir.

  A024002918 

 L'ordre estably par M gr le R me de Geneve, affigé par les portes des eglises, que l'on doibt tenir demain a la procession du tres auguste et tres sainct Sacrement de l'autel, estant au pardessus la lettre de M gr l'Archevesque de Vienne, qui veut que le Chapitre de Sainct Pierre et celuy de Nostre Dame marchent ensemblement, nonobstant l'ordonnance provisionnelle de l'annee derniere: si que les S rs de Nostre Dame sont resolus de ne marcher aulcunement.

  A024002918 

 Partant, plaira adviser si la Ville marchera et montera a Sainct Mauris sans croix ou non, affin que, suivant la resolution qui sera prinse, [on puisse se régler] au faict de la dicte procession; joinct que monseigneur d'Albigni a volu prier la Ville de se conformer a ce qu'en plaira a mon dict Seig r le R me..

  A024002919 

 Et apres que le dict S r Doyen n'a esté trouvé, la Ville est d'advis que le Chapitre sera prié, ou tout le corps ne vouldra marcher, que, comme Curé, il marchera, ou pour le moins ceux qui sont obligés pour le service de la parrochiale ceste sepmaine; a defaut de quoy, sera prins acte de reffus.

  A024002930 

 Ou, apres avoir esté bien et soigneusement disputé et examiné tout ce qui depend dudict differend en la presence et assistence de Monseigneur l'Illustre et Reverendissime Seigneur Evesque et Prince de Geneve, finalement seroient demeurés d'accord, pour bien de paix et tesmoignage de charité et edification du prochain, d'en traicter ainsy que sera cy bas contenu et declairé, et d'en passer le present contract de transaction..

  A024002934 

 Et neanmoins, voyant qu'elle est rendue en termes generaux,... le tout a esté arresté comme sera cy bas specifié... Lorsqu'il plaira a mondict Seigneur le Reverendissime, ou a son Grand Vicaire, de convoquer les esglises en son Esglise cathedrale pour les processions, ils ne feront aucune difficulté d'y venir, le signe de la cloche leur estant donné a propos; et au cas quils arriveront pendant que l'on chantera au cœur (sic) cathedral soit Heure ou Grande Messe, ils se logeront ou bon leur semblera hors du cœur, en attendant la fin de l'Office; lequel fini ils entreront au cœur, si bon leur semble, et se logeront aux hautes formes du costé gauche qui sera vuide a ces fins, sauf la place accoustumee pour les gens de Monseigneur tenant ses Conseils et Chambre des Comptes; et la se reposeront, en attendant que la procession se commence, sans toutesfois quils puissent faire aulcune sorte d'Office en ladicte Esglise cathedrale.

  A024002935 

 Au retour des dictes processions, le chanoine de la precedente Esglise cathedrale qui fera l'Office, ayant dict l'Oraison pour finir et cesser les dictes processions, ledict corps de l'Esglise de Nostre Dame se retirera avec et comme lesdictes autres esglises..

  A024002935 

 L'ordre d'icelle procession sera comme a esté pratiqué es processions dernieres, sans [310] aucun meslange des corps, lesquels marcheront a part et chaq'un son rang: sçavoir, le corps de ladicte Esglise collegiale de Nostre Dame apres les Religieux du Saint Sepulcre et devant le corps de ladicte Esglise cathedrale qui marchera apres, tout le dernier.

  A024002936 

 Au retour de ladicte procession, le chanoine de ladicte Esglise cathedrale qui fera l'Office, ayant, devant l'autel accoustumé, dicte l'Oraison pour finir ladicte procession, la croix cathedrale sortira, suivie du corps de ladicte Esglise cathedrale, et lairra la place aux chanoines de Nostre Dame pour faire les Offices qu'ils verront.

  A024002941 

 Et moy, George Mingon, dudict Annessy, notaire public, qui l'instrument sus escrit, de ce requis, ay rendu,... puis l'ay expedié en faveur du susdict venerable Chappitre de l'Esglise collegiale de Nostre Dame..

  A024002961 

 Ceux qui sont desja enroollez ausdictes Confrairies ou quy le seront d'oresnavant, estant vrayement repentantz, confessés et communiés, et visitans les chapelles ou oratoires desdictes Confrairies des les premieres Vespres jusques au soleil couchant de la feste principale d'icelle (laquelle vous leur assigneres), et la prieront pour l'union des princes chrestiens, extirpation de l'heresie et exaltation de l'Eglise, gaigneront Indulgence pleniere..

  A024002969 

 Semblablement, ceux qui vrayementz repentantz, confessés et communiés visiteront les chapelles ou oratoires desdictes Confrairies, et prieront comme dessus es quattres aultres festes que vous leurs assigneres, ilz gaigneront chasque jour qu'il (sic) feront cela, dix annees et aultant de quarantainnes..

  A024002977 

 Ceux qui se trouveront aux Messes et aultres divins offices qui se celebrent es eglises, autels ou oratoires desdictes Confrairies, ou bien qui assisteront aux assemblees d'icelles Confrairies, soit qu'elles se facent publiques ou particulieres, en quelque lieu que ce soit, et ceux qui accompagneront le tressainct Sacrement quand il est porté ou es processions ou aux mallades, ou aultrement, comme que ce soit; ou qui, estant empechés de ce faire, oyant le son de la cloche qui sert de signe pour cela, diront un Pater noster et un Ave Maria pour le malade; ou quy se treuveront es aultres processions extraordinaires desdictes Confrairies et des aultres quy se feront par vostre licence, ou aux ensevellissementz des deffuncts; ou quy visiteront et secourront les mallades, ou quy feront hospitalité aux pauvres, ou quy leurs feront ausmonnes et secours, ou qui pacifieront les discordes qu'eux mesmes ou les autres auront, ou bien procureront qu'elles soyent pacifiees; ou bien quy reciteront cinq fois le Pater noster et l' Ave Maria pour les deffuncts, ou quy ramenneront quelqu'ung au chemin de salut, ou quy enseigneront les choses utiles au salut, ou quy feront quelque autre sorte d'œuvres de pieté et de charité: toutes fois et quantes qu'ilz feront quelqu'une des susdictes bonnes œuvres, gaigneront cent jours d'Indulgence..

  A024002985 

 Et en fin Nous donnons pouvoir ausdictz confreres et seurs de choisir tel confesseur que bon leur semblera (approuvé neanmoins [314] de l'Ordinaire), quy une fois l'annee les puisse absoudre de tous pechés, crimes, exces et delicts, mesme de ceulx quy Nous sont reservés, et au Siege Apostolique (excepté neanmoingz les cas reservés en la Bulle Cæna Domini et en la Constitution de Clement VIII, d'heureuse memoire, Nostre predecesseur, qui se commence: Quæcumque a Sede Apostolica, dattee du septiesme septembre mil six cent et quattre, et encour les reservés aux Ordinaires des lieux), et le tout nonobstant toutes Constitutions et autres choses quy porroint estre a ce contraires..

  A024003011 

 Et lhors, que cherchant des pierres pour bastir une grange, ilz en trouverent une d'environ trois piedz de longueur, un pied de large et demi pied d'espesseur, laquelle estant rompue par ledit respondant, il apparut a la roupture d'icelle l'image de la glorieuse Vierge; chose qui l'estonnat grandement, et luy fit alhors declarer son dict veu a son pere, qui l'approuvat et luy promit toutte assistance pour s'acquitter de sondit veu et faire bastir la dicte chappelle, ce que despuis ilz ont faict..

  A024003023 

 Dict et respond qu'il y a environ demy lieue de distance et qu'il y a trois nantz a passer en chemin; l'un desquelz est plus proche dudict village des Vorziers, appellé nant de Dyere, qui vient fort grand et impeteux en temps de pluye, tenant mesme de gravyne [318] en largeur, en temps sec, environ trente pas, et que deça dudict nant, proche dudict village des Vorziers, sont buissons, bourses et pierres environ deux centz pas de chemin..

  A024003039 

 Apres l'audition des susnommés, je me suis mis en chemin pour retourner a Salanche avec ledict M e Ramus, ayant au preallable remarqué audit village des Vorsiers, de costé et d'aultre, plusieurs possessions, champ et verdiers, au but desquelles, du costé de Salanche et environ cent pas loing dudict village, j'ay remarqué les isles playnes d'haliers, pierres et espines, tenant de chemin jusques au nant de Dyere environ trois centz pas; puis j'ay trouvé ledict nant, appellé Diere, descendant d'une haulte montagne, demonstrant d'estre impetueux et dangereux a passer en temps de pluye et neige, et qui couvre de gravine et pierre environ quarante pas de largeur de terre; et environ demi quart de lieue de la d'icelluy j'ay trouvé le second nant, puis, un peu dela, le troisiesme, desquelz les tesmoins ont fait mention en leurs depositions; ayant recognu lesdictz nantz et isles estre fort correspondantes a ce que lesdictz tesmoings m'en avoient dict..

  A024003045 

 Que pour avoir desmeuré en ladicte ville de Salanche des unze annees en ça et avoir servy de vicaire [a] messieurs du Chapitre durant ledict temps, il cognoit tres bien lesdictz Guilliame et Nicolas Perroullaz, et lesquelz il a tousjours recognus bons catholicques, pieux et devotz, et que, pour avoir esté plusieurs fois audict village des Vorziers, tant pour porter le tressainct Sacrement aux malades que pour faire les benedictions accoustumees, il a remarqué le chemin estre long et de plus de demy lieue des ladicte ville, et qu'es ditz voyages il se seroit trouvé diverses fois en peyne et danger de passer le nant de Diere pour son impetuosité et grandeur; et qu'il se souvient qu'il y a environ dix ou unze ans, que les loupz tuerent une fille aagé d'environ douze annees, ez isles des-dictz Vorsiers, dela ledict Nant de Dyere, qui estoit a l'un des freres Challamel, laquelle fut apportee ensepvellir a Salanche; et la mesme annee, lesditz loupz manquerent encor de tuer une femme qui menoit abbreuver du bestail audit nant.

  A024003052 

 A respondu et dict qu'il cognoit de long temps le dict Guilliame Perroullaz et ses enfantz, qui font traffic de marchandise en Provence et sont tenus pour bons chrestiens, de bonne fame et reputation; et qu'il a esté souventesfois audict village des Vorziers, tant pour y avoir une possession que pour sa charge de chastellain, et qu'au chemin d'icelluy se treuve le nant de Dyere, qui vient fort grand et dangereux a passer en temps de pluye, et dela ledict nant sont les isles des Vorziers, plaines de buissons et d'espines, dans lesquelles se treuvent quelque fois des loupz; mesmes, qu'il y a environ neufz ans, qu'es dictes isles ilz tuerent une fillie et l'eussent devoré, n'eust esté que les voysins y accoururent, qui les empescherent.

  A024003059 

 A respondu quil a cognu des sa jeunesse ledict Guilliame Perroulaz et a heu grande familiarité avec luy, et l'a tousjours recognu pour homme de bien; et que pour estre allé souventesfois audict village des Vorziers ou ledict Guilliame desmeure, il a trouvé le chemin fort long, luy semblant exceder demi lieue des la ville de Salanche pour estre au coing de la parroesse; et qu'audict chemin tirant contre les Vorziers, il y a trois nantz, desquelz le dernier et le plus proche dudict village est fort dangereux et se desborde touttes les annees, de sorte que par foys un (sic) ny peult passer qu'au preallable il ne soit descru, comme est arrivé audict deposant; et qu'appres ledict nant, sont les isles des Vorziers, dans lesquelles se treuvent quelques fois des loupz qui font dommaige ez passantz, estant advenu il y a environ quelques annees qu'ilz y gasterent une fillie qui en mourut.

  A024003065 

 Surquoy lesdictz sieurs m'ont respondu quilz consentent et condescendent a la fondation et erection sus mentionnee, avec condition et proteste que ladicte chappelle n'aura aulcune marque d'eglise parrochialle ny filliolle, et qu'en icelle ne se celebrera Messe le dimenche, ne si administreront aulcuns Sacrementz, ne si donnera pain benist et ne si feront sepultures ny aulcungs aultres semblables exercices et offices parrochiaux, et que les offertoires et oblations qui se feront en icelle appertiendront ausditz sieurs de Chappitre en ladicte qualité de Curez.

  A024003083 

 De tristesse, pour la perte de mes lettres qui ne sont en petit nombre, car je vous assure en avoir envoyees environ une trentaine en diverses foi (sic) et en divers pacquets, adressees les uns a vous, les autres a Monseigneur de Geneve et les autres a monsieur le Curé de Gex.

  A024003083 

 Enfin vous en avez receu un, par la grace de Dieu, et m'avez faict telle response que je desirois, me donnant les advis qui m'estoient necessaire, dont je vous remercie affectionnement et m'en resjouïs extremement pour le bien que j'en espere..

  A024003085 

 De plus, un article ayant esté proposé en la Chambre du Tiers Estat par l'invention du diable et de ses supposts les heretiques et par l'entremise des gros, ou pour mieux dire des faux catholiques, qui derogeoit a l'authorité de nostre S. Pere le Pape soubs faulx pretexte de conserver la personne de nos Rois, a esté si courageusement impugné par nostre Chambre assistee de celle de la Noblesse et de la plus grande part mesmes de ceux du Tiers Estat (au grand regret desquels il avoit esté proposé), que par commendement de Sa Majesté il a esté osté de leur cayer, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté, par l'advis et conseil de Messieurs du Clergé ausquelz il remettoit entierement cet affaire.

  A024003085 

 En un mot je vous diray que toute la France est tant esloignee de tout chisme et desunion, qu'a contrepoir elle se paine et travaille incessamment, et maintenant plus que jamais, a reunir tant par predication que par escript ceux qui se sont separez et desunis de l'Eglise Saincte, Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024003086 

 A ce j'adjousteray les moyens et expediens que nous traictons journellement es Estats, pour heureusement et paisiblement parvenir a ceste fin; lesquelz toute fois je n'exprimeray pour n'estre encore divulgués, ayant tous pretez serment de ne rien declaré de tout ce qui se passe es Estats.

  A024003086 

 Tous les articles de nos cayers et plusieurs autres que j'ay adjousté touchant vos advis et ce que j'ay jugé utile pour le bien du baillage, et particulierement des catholiques, ont esté bien receu du Clergé; qui est un prejugé qu'ilz seront favorablement repondus de Sa Majesté..

  A024003103 

 Il y a environ 12 jours que Sa Saincteté nous escrivit, comme aussy a Messieurs de la Noblesse, remerciant bien humblement eux et nous du zelle et affection que nous avions tesmoignez au S t Siege, nous opposant si courageusement a un article du Tiers Estat, fort pernicieux et prejudiciable a l'authorité d'iceluy, lequel, comme desja je vous en ay escript, fut osté de leur cayer par commandement de Sa Majesté, a la requeste tant du Clergé que de la Noblesse, avec deffance a ceux du Tiers Estat de ne plus s'ingerer de traicter des choses qui touchent la religion, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté par l'advis et conseil du Clergé auquel seul appartenoit cet affaire.

  A024003103 

 Je vous ay desja envoyé l'imprimé des motifs qui nous pousserent a impugner cet article, comme aussy a Monseigneur l'Evesque de Geneve dont je suis fort en peine; car depuis mon depart je n'ay receu aucune des siennes, bien que je lui aye escript par plusieurs fois, et particulierement deux fois par la voye de la poste, adressant mes lettres au R. Pere Gardien de Chambery.

  A024003104 

 Je vous ay desja escript par la mienne derniere, il y a environ 3 semaines, que tous nos articles avoyent estez fort bien receu et inserez tout au long dans le cayer de l'Eglise, hormis la seigneurie [325] de Peney qui est pour estre riere la souveraineté de Geneve; mais aussy j'en ay adjoustés plusieurs autres que j'ay jugé utiles et necessaires pour le bien des catholiques de Gex.

  A024003104 

 Reste a vous dire que je ne manqueray a soliciter diligemment vers les commissaires [et] ceux qui respondront les cayers pour avoir une bonne et favorable response a nos articles; et si en l'ordonnance generale que le Roy fera de tous les cayers elle n'est telle, je ne manqueray en particulier par apres de la poursuivre vers Sa Majesté et vers son Conseil.

  A024003105 

 Il seroit bien a propos que lui en fissiez un mot de remerciement, comme aussy aux RR. PP. Provincial et Gardien qui m'ont faict et font journellement toutes les charitez et courtoisies qui se pourroient desirer.

  A024003117 

 Depuis la reception des vostres du 14 e janvier, voici le 5 e pacquet que j'ay envoyé de par dela sans recevoir aucune response de vous ny d'aucun autre, ce qui m'estonne fort.

  A024003119 

 J'ay receu beaucoup d'honneur et de contentement en ceste assemblee, avec offre de toute sorte d'assistance pour nostre mission, tant de Messeigneurs les Cardinaulx que de Messeigrs les Archevesques et Evesques; et a cet efïaict m'ont dit que je n'eusse point a partir devant l'assemblee du Clergé qui se doit faire le 15 e du prochain et que je m'y trouvasse, et qu'ilz ordonneroyent quelque chose pour nostre mission.

  A024003157 

 Nimirum cœpi mirari sterilitatem sectæ illius Calvinisticæ, exiguumque amoris Dei universæque pietatis sensum qui in illa conspicitur; contra vero in memoriam revocare devotionem eximiam quam in Ecclesia Romana cum in aliis videram, tum in meipso senseram.

  A024003158 

 Et de facto Anastasium, presbyterum, et Leontium, diaconum, qui Macarium Monothelitam sectati fuerant, in sexta Synodo Constantinopoli erroris convictos, a sancto Leone Papa Romæ iterum in Ecclesiæ Catholicæ gremium cooptatos fuisse..

  A024003158 

 Et licet culpæ meæ gravitatem animo reputarem, consolabar tamen ipse me et in spem obtinendæ veniæ erigebam consideratione benignitatis sanctæ Ecclesiæ, quam ex veterum monimentis adnotaram redeuntibus ab hæresi et pœnitentibus impertitam fuisse, Sciebam Calixtum Papam, in Epistola secunda Decretali, in eos sententiam ferre qui putant Domini sacerdotes post lapsum, si condignam egerint pœnitentiam, Domino ministrare non posse et suis honoribus frui, si deinceps bonam vitam duxerint.

  A024003158 

 In Concilio Nicæno et Constantinopolitano primo sancitum fuisse, ut qui Episcopi aliique ab hæreticis recederent benigne exciperentur.

  A024003158 

 Memineram Maximum, Episcopum, item Urbanum, Sidonium et Celerinum qui a partibus novati aliquandiu steterant, abjurata hæresi, a Cornelio Papa in communionem catholicam receptos fuisse.

  A024003160 

 Qui affectus adeò me vexarunt, ut iterum ad hæreticas redire me compulerint, neque ulla alia fuit causa reversionis meæ.

  A024003161 

 Verum, nec adhuc me hac vice dereliquit Dominus qui non vult mortem peccatoris, sed magis ut convertatur et vivat, eodemque fere quo priùs modo me ad saniorem mentem revocavit.

  A024003161 

 [ Et licet difficilis valde mihi res hæc videretur propter relapsum, tamen ne me desperatio vincere et oculos conjeci in Berengarium, qui et hæresiarcha, et semel atque iterum relapsus, et nec ultro veniens, sed invitatus, vix tandem comparuit; nihilominus in...].

  A024003162 

 Qui postquàm mihi significavit, singulari Sanctissimi Domini nostri Pauli Pontificis maximi clementia, mihi Ecclesiæ sinum aperiri, nihil cunctandum ratus sum quominus ex pestilenti illa lacuna emergerem, et tantum mihi oblatum beneficium avidè complecterer..

  A024003172 

 Lesquelz cinquante ducatons seront aplicqués pour l'aulmosne, entretien et maintenement du prebtre et Religieux qui la celebrera a l'eglise que nommera ladicte Infante, laquelle Messe sera fondee avec l'auctorité [332] de l'Evesque de Geneve... Le premier paiement se commencera trois mois apres l'intherination des presentes, et le reste aplicable, la moitié pour aider a l'entretien desdictz Peres Barnabites pour leur College, et l'aultre moitié au proufict et commodité de ladicte ville ............

  A024003172 

 Pour ces causes et aultres, et pour complaire et gratiffier a Nostre tres chere et tres aimee fille l'Infante Cateline, qui Nous en auroit tres instamment supplié en faveur desdictz Peres Barnabites, Nous avons, pour Nous et Nos successeurs,... concedé, permis et octroyé,... en force de privilege perpetuel et irrevocable, auxdictz Scindics, bourgeois et habitantz dudict Annessy et leurs successeurs a perpetuité, de continuer a exiger, prendre et percevoir lesdictz trois deniers sur chascune livre de chair qui se vendra en ladicte ville et ses franchises;... a condition que, devant tout aultre paiement, l'on prendra cinquante ducatons annuelz et perpetuelz sur toute la somme qui se retirera de ladicte boucherie, pour la fondation d'une Messe perpetuelle selon l'intention de ladicte Infante, Nostre tres aimee fille, et pour toute la Maison de Savoye.

  A024003185 

 Nous erigeons, fondons et instituons en la parroisse de Nostre Dame d'Abondance la Tres-S te Confrairie du Tres-S t Nom de JESUS jouxte ses Status, regles et ordonances, conformement au pouvoir a Nous concede tant par nos S tz Peres les Papes que par nos Superieurs et Majeurs, exhortants et priants M re Jehan Mocand, pasteur et curé de la paroisse de Nostre Dame d'Abondance, de voulloir publier a ses parroissiens cette nostre institution et erection, et les convier a embrasser cette sacree devotion de tout leur cœur et affection, puisqu'il n'y a au Ciel ny en la terre autre nom duquel depende nostre salut que celuy de JESUS. Et ilz gousteront icy bas les douceurs et graces qui accompagnent ce sacré Nom, et decedants de ce monde en la confession d'iceluy, ilz seront comblez de gloire au Ciel..

  A024003197 

 Et d'auttant qu'aux benefices reguliers, ceux qui les possedent sonts obligés dy vivre regulierement, il vous plaise aussy de conserver et maintenir ledict R d seigneur Prieur et les Prebstres et auttres Ecclesiastiques que vous aves treuvé audict Prieuré en vostre presente Visite en l'observance reguliere conforme [334] a l'estat clerical, vivantz en commung selon la vraye et ancienne discipline ecclesiastique, dependantz en tout et par tout de vous, conformement aux sacrés sanctions du Concile de Trente et jouxte les Constitutions de S t Charles Borromée aux Oblatz de S t Ambroyse, desquelz ilz fontz proffession..

  A024003205 

 Revu sur l'autographe inédit, qui appartenait à M gr Rebord, Protonotaire apostolique et Prévôt du Chapitre de la cathédrale d'Annecy.

  A024003244 

 Nobis infrascriptis spem certissimam ministrant, si iisdem vivificæ Crucis signo et sacratissimæ Virginis Mariæ ope et opera, ac Beatissimorum Petri et Pauli Apostolorum suffragiis imploratis, ad Deum ipsum, omnis pietatis auctorem, qui etiam cum ulciscitur est misericors et sicut impœnitentibus est destrictus ita conversis pius et pacificus, soletque emendatos in præsenti vita a tribulationibus liberare et in futura ad æterna gaudia perducere; cum cordis compunctione, gemitu et humilitate, orationibus, jejuniis, frequenti peccatorum confessione, Eucharistiæ sumptione, aliisque piis et charitativis vereque Christianis officiis convertamur, ipse, qui etsi clementissimus, tamen vult rogari, vult cogi, vult quadam importunitate et assidua deprecatione vinci, nos ab omni hæreticorum vexatione, militum [342] incursionibus et depredationibus, fame qua premimur, morbis quibus vexamur, bellis quibus urgemur, et aliis periculis qui jam præ foribus sunt, eripiet et liberabit; ac extinctis ab ipsa civitate, publicis sui ipsiusmet Dei, naturæ humanæ et hominum hostibus, inibi sacram religionem Catholicam reviviscere faciet, nosque infrascriptos, in pristinis sedibus propriaque ecclesia (e quibus, ut præmittitur, expulsi in hoc oppido Annessiaci, amplius quam per quinquaginta annos, quasi advenæ et peregrini, in mendicata ecclesia resedimus) restituet et reintegrabit..

  A024003253 

 Et quoniam tam pro divinis Officiis præfatæ Confraternitatis [348] celebrandis et decantandis, aliisque piis operibus exercendis, quam pro ipsius negotiis tractandis, aliquis locus peculiaris omnino liber, extra ecclesiam, in qua altare [quod] ereximus situm est (ut in aliis Confraternitatibus ubique fieri consuerunt) necessarius sit, ecclesiaque Sancti Joannis Baptistæ præceptoriæ Gebennesii, Hospitalis Hierosolimitani, in loco publico prædicti oppidi sita, propter defectum ministrorum ejusdem ac injuriam præsentis temporis non multum frequentetur, sperandum tamen sit incolas oppidi hujusmodi, qui aliunde religiosissimi fidem catholicam verbo et opere devote profitentur, ipsam ecclesiam sancti Joannis posthac ferventius visitaturos, si in eadem Missa aliaque divina Officia frequentius decantentur et peragantur, ac preces publicæ et piæ exhortationes seu conciones sæpius exerceantur et fiant: idcirco, [349] de consensu nobilis et magnifici domini Dionisii de Sacconay, Baronis Cletarum, domini in temporalibus de Sacconay, Truaz et Lorcier, procuratoris generalis Ill mi et R di D. Petri de Sacconay, sui fratris, militiæ Hospitalis Hierosolimitani, et prioratus Arverniæ prioris ac præceptoris Gebennesii, oratorium ejusdem Confraternitatis, dum Capitulum Gebennensis ecclesiæ in oppido prædicto moram traxerit, in ipsa ecclesia Sancti Joannis Baptistas constituimus et deputamus.

  A024003277 

 In quibus, omnes et singuli utriusque sexus confratres, in habitu inferius eligendo interesse, et bene, devote, graviter et pedetentim, cum silentio, incedere, precesque tunc ordinatas distincte decantare, qui scient; alii vero Rosarium Beatæ Mariæ Virginis secrete recitare debeant.

  A024003277 

 Utque Deus ipse qui delectatur in diversitate orationum et piorum operum, inter quæ continentur peregrinationes, quæ etiam annumerantur inter pœnitentias salutares, Confraternitatem ipsam in genere ac illius confratres in specie exaudiat, statuimus igitur et ordinamus, iisdem diebus festivitatum Exaltationis et Inventionis Sanctæ Crucis [354] ac Conceptionis Beatæ Mariæ Virginis et Sanctorum Apostolorum Petri et Pauli, ac feria quinta in Cœna Domini, processiones publicas, modo et forma, secundum commoditatem loci et opportunitatem temporis, Priori et ejus Assessoribus infrascriptis benevisis, fieri per civitatem, oppida seu loca in quibus cathedralis Ecclesia et Confraternitas hujusmodi tunc extabit.

  A024003285 

 Attamen, ne videamur jugum impossibile nobis ipsis et eisdem confratribus imponere, statuimus et declaramus, cuilibet legitime impedito sumere hujusmodi sacram Eucharistiam aliqua præfatarum festivitatum et Dominicarum, licere alia die opportuniori cujuslibet mensis statuto præcedenti satisfacere, dummodo prius impedimentum Priori infrascripto intimaverit, qui eidem providebit prout sibi melius videbitur expedire..

  A024003310 

 Illud etiam prætermittendum non est, et ad quod non modo qui christiano nomine censentur, sed etiam qui le tantum naturæ coguntur, scilicet, incarceratorum et infirmorum visitatio cum verbis consolatoriis, quæ etsi ipsos propterea non sanent nec liberent, tamen pœnas et dolores liniunt et mitigant: igitur statuimus et ordinamus, confratres qui ad tam opus pium et charitativum fert quod inter opera misericordiæ annumeratur, a Priore et Assessoribus infrascriptis deputati fuerunt, ipsos infirmos et incarceratos quanto citius visitare et consolare teneantur, et id frequentius si ex confratribus fuerint, quorum necessitates ipsi Priori illico patefacere debeant, ut juxta ejusdem Confraternitatis facultates ipsis subveniri possit..

  A024003314 

 Lites et controversiæ quas nefarius ille pacis et concordiæ [361] inimicus, alias opertas, alias occultiores, in gregem dispergere magis in dies conatur quot mala, quantas seditiones excitaverint, quotidiana experientia satis declarat; contra vero pax et concordia quas ipse salutis nostræ Auctor, tamque charitati innixus, præcipue coluit, et ascensurus ad Patrem discipulis suis reliquit, quot bonos fructus pariant nullus est qui ignoret.

  A024003318 

 Tamen, in honorem ejus [362] qui hominem ad imaginem et similitudinem suam creavit, omnes populi et nationes, demptis quibusdam barbaris, corporis sepulturam, licet sub diversa forma et modis, maximo in pretio habuerunt.

  A024003334 

 Parum esset Confraternitatem ipsam ex solis canonicis Ecclesiæ cathedralis præfatæ qui aliunde unum corpus facientes invicem sibi, præcipue quoad Dei cultum cohærent, constituere; nam ejus erectionis causa quæ publicum commodum concernit, optatum fructum minime consequeretur.

  A024003334 

 Qui tamen pro illorum ingressu ac receptione, ad solutionem alicujus quantitatis pecuniæ aut aliarum rerum, nisi quantum sua sponte elargiri voluerint aut cujusque devotio dictaverit, minime teneantur..

  A024003338 

 Absentes vero cupientes in confratres adscribi, qui impediti ad ipsum Confraternitatem illiusque oratorium personaliter accedere non poterunt, ne a tam pio eorum proposito semoveantur, statuimus et ordinamus, ipsos per procuratorem legitimum, ad id speciale mandatum habentem, [368] de quo fidem faciet, sub professione fidei et promissione superius expressis et inferius insertis, in confratres recipi posse et debere ac si præsentes personaliter existerent in eadem..

  A024003346 

 Nos quoque, eorum qui Confraternitatem nostram hujusmodi professi fuerint perpetuam memoriam habere volentes, statuimus et ordinamus, primo: nostrum suprascriptorum nomina et cognomina, ut superius descripta sunt; deinde, aliarum omniumque [369] personarum, utriusque sexus, ipsam ingredientium, ac eorum qualitatem, cum designatione diei receptionis et pecuniæ per eas sponte oblatæ, per Secretarium inferius deputatum in libro ad hoc solum destinato describi debere..

  A024003354 

 Hic Prior, solus ex confratribus, in oratorio, processionibus, congregationibus aliisque actibus publicis superpelliceum deferet, et ibidem præeminentiam habebit, Officia divina inchoabit, preces et orationes publicas recitabit; is unus in processionibus sic indutus, medius inter duos Assessores habitum Confraternitatis deferentes, incedere in oratorio, populo cum Sacramento (diebus quibus super altari collocabitur) benedicet; eos qui Missas ordinarias Confraternitatis aliasque extraordinarias celebrabunt annotabit, directores processionum et cantores eliget; ipse etiam, una cum Assessoribus, visitatores infirmorum et incarceratorum, ac compositores [371] discordiarum deputabit, ac cum eisdem Assessoribus Confraternitatem ingredi volentes recipiet, et ab eis professionis fidei emissionem et promissionem inferius insertas exiget.

  A024003354 

 Prior igitur vocabitur primus et præcipuus præfatæ Congregationis [370] officialis et quodammodo caput ejusdem, qui, ut memoria fundatorum ejusdem numquam pereat, semper assumetur ex canonicis Ecclesiæ cathedralis supradictæ; hujus officium erit tantum annuale, nec ultra prorogali poterit nisi ex maxima et urgentissima causa, tam in generali congregatione quam in Capitulo prædicto mature discutienda.

  A024003354 

 Prior poterit nihilominus alium canonicum cathedralis, causa existente legitima, loco sui deputare, qui Subprior vocabitur..

  A024003354 

 Quod si accidat, tunc gravato, licitum erit conqueri eisdem Assessoribus qui de hoc tantum soli definient.

  A024003358 

 Duo ex confratribus similiter eligentur in eadem congregatione generali, qui Assessores Prioris vocabuntur; quorum [372] primus, sacris saltem initiatur, alter laicus, erunt.

  A024003362 

 Unus præterea Thesaurarius in eadem generali congregatione quotannis deputabitur, qui semper erit ex confratribus.

  A024003366 

 Demum, unus ex confratribus in eadem congregatione generali quotannis celebranda constituetur in Secretarium, qui nomina et cognomina ac qualitates eorum qui Confraternitatem ingredientur in libro Confraternitatis, atque in congregationibus tam generalibus quam mensalibus concludente, describet ac subscribet, aliaque omnia quæ ad officium secretarii spectant exequetur; de ipsoque officio rationem reddet in generali congregatione, neque librum ejus non obsignatum remittet..

  A024003370 

 Tandem, duodecim Consiliarii, partim clerici, saltem sacris initiati, partim laici, in eadem congregatione generali quotannis deputabuntur, inter quos assumentur Prior, Assessores, Thesaurarius et Secretarius prioris anni, qui una cum duobus Assessoribus, Thesaurario et Secretano [374] noviter creatis, præsidente inibi Priore ejusdem anni, qualibet die secunda cujuslibet mensis non impedita, congretionem parvam aliasque extraordinarias constituent et negotia Confraternitatis tractabunt..

  A024003378 

 In quibus congregationibus, qui aderunt, excepto Priore, deferent habitum Confraternitatis, et quilibet modeste et ordinate votum suum dabit; nec licebit de negotiis extraneis tractari, aut aliquid turpe vel scandalosum dicere seu facere, aut recedere ante conclusionem sine expressa licentia Superioris..

  A024003386 

 Et ut omnis ambiguitatis materia et dissensionis causa in creationibus officialium penitus tollatur, statuimus et ordinamus, Priorem et singulos Assessores, ac Thesaurarium [376] et Secretarium, prout cujuslibet officium concernit pro nova successoris respectiva creatione, duos ex præfatis confratribus, conditionis tamen superius expressæ, pro singulo officio posse congregationi nominare; ex quibus ii respective creabuntur qui plurium votorum suffragiis electi fuerint..

  A024003416 

 Et ego, Ludovicus de Pallude, publicus apostolica auctoritate notarius, qui præmissis omnibus dum ut præmittitur fierent interfui et præsens fui, et ea rogatus recepi; ideo, hic me subscripsi.

  A024003427 

 Il est admirable le signe de la Croix, source de vie, sur le bois de laquelle Notre Seigneur Jésus-Christ, pour le salut du genre humain, [339] n'a pas refusé de subir la mort pour nous rappeler de la mort à la vie; signe qui « apparaîtra dans le ciel lorsqu'il viendra nous juger; » étendard qui protège la religion catholique, et que le semeur de zizanie, l'antique ennemi du genre humain a en horreur; qui, dès les premiers siècles, a valu de nombreuses victoires et de grands triomphes, non seulement aux saints Pères, pour repousser les tentations, mais aussi aux empereurs, rois et princes, pour combattre les infidèles et vaincre les hérétiques..

  A024003428 

 De même la très pure et très sainte Vierge Marie, Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, laquelle, conçue sans la souillure du péché originel, est restée vierge avant, pendant et après l'enfantement, qui prie sans cesse « pour le peuple, » intervient « en faveur du clergé, » intercède « pour les femmes consacrées à Dieu, » secourt les opprimés, réprime les efforts des hérétiques et des infidèles, et aide, en les délivrant de tous maux, ceux qui ont recours à elle..

  A024003429 

 Alors furent expulsés le Révérendissime Evêque, les Révérendissimes Chanoines et tout le clergé, ainsi que les autres adeptes de la vraie foi; les églises détruites et dépouillées de leurs très vénérables images et de leurs ornements; les vases sacrés dérobés, les reliques des Saints dispersées et foulées aux pieds, toutes choses saintes profanées; en sorte que, depuis lors, cette ville est réputée, hélas! par tous, et elle est en réalité, la source de toutes [341] les hérésies, la nourricière des guerres intestines qui dévastèrent depuis la France, l'inventrice des trahisons, la propagatrice des homicides, la sentine des incendies et des rapines, l'asile des plus grands malfaiteurs de toute l'Europe, et l'origine de tous les maux qui ont accablé et accablent cette patrie savoyarde et les provinces limitrophes..

  A024003430 

 Tout cela nous donne, à nous soussignés, le très ferme espoir que, après avoir imploré le secours et l'aide du signe de la Croix, source de vie, et de la très sainte Vierge Marie, ainsi que les suffrages des bienheureux Apôtres Pierre et Paul: si nous nous retournons vers Dieu lui-même, Auteur de toute piété, avec componction de cœur, gémissement et humilité, prières, jeûnes, fréquente confession des péchés, participation à l'Eucharistie, et autres œuvres de dévotion et de charité vraiment dignes de chrétiens; lui qui, même dans sa vengeance, est miséricordieux; lui qui, sévère pour les impénitents, est bon et pacifique envers ceux qui se convertissent; lui qui a coutume de délivrer de leurs tribulations en cette vie et de conduire aux joies éternelles ceux qui se sont amendés; lui qui, par ailleurs, tout clément qu'il est, veut cependant être prié, être forcé, être vaincu par une sorte d'importunité et une prière assidue, il nous [342] arrachera à toutes les vexations des hérétiques, aux incursions et déprédations de la soldatesque, à la famine qui nous oppresse, aux maladies qui nous accablent, aux guerres qui nous enserrent et aux autres périls qui sont à nos portes.

  A024003431 

 Et comme la prière assidue de plusieurs est très agréable au Dieu très bon et très grand, et que la principale raison d'espérer le secours demandé est l'assemblée pieuse et unanime, sous l'action de l'Esprit-Saint, de nombreux fidèles, au nom du Fils unique de Dieu Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a promis de se trouver au [343] milieu d'eux; c'est pourquoi, à l'exemple de ce qui se pratique en d'autres provinces, villes et localités, lesquelles, sous l'empire de nécessités et périls semblables, reçoivent un puissant secours et réconfort par l'érection de Confréries et sociétés sous diverses appellations saintes et pieux vocables, et par les œuvres de piété qui en résultent: pour ce motif, nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en l'un et l'autre droit, Prévôt; Jean Tissot, protonotaire apostolique, sacriste; Jean Coppier, maître de chœur et ouvrier; R mi Louis Reydet, Louis de Sales; François [de] Chissé, vicaire général au spirituel et au temporel du R me Père dans le Christ M gr Claude de Granier, Evêque et Prince de Genève, et Officiai; François de Ronis, Jacques Bally (?), docteur en sacrée théologie; Jean Portier et Etienne de la Combe, maître ès-arts, vicaire substitut du R me Seigneur Evêque; Janus Regard, commendataire perpétuel du prieuré de Lovagny; Jacques Brunet, doyen de Rumilly; Jean d'Eloise, Charles-Louis Pernet, procureur fiscal de l'évêché de Genève; Charles Grosset, Antoine Bochut, Claude d'Angeville, doyen de Vullionnex; Eustache Mugnier, commendataire perpétuel [344] du prieuré de Saint-Bardolphe, du diocèse de Grenoble, et Jean Déage, docteur en sacrée théologie, chanoines théologaux de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, capitulairement réunis, selon l'usage, au son de la cloche, au lieu ci-dessous indiqué, [345] constituant plus des deux tiers des résidents et représentant le Chapitre; tant en notre nom qu'en celui des autres chanoines absents, et de nos successeurs dans la même Eglise à l'avenir, à l'honneur de Dieu et à la gloire de toute la Cour céleste, érigeons et instituons à perpétuité une sainte et très salutaire Confrérie ou Société de fidèles des deux sexes, sous le nom ou invocation de la très sainte Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la très pure Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des très saints Apôtres Pierre et [346] Paul, dans ladite Eglise cathédrale de Genève, et à l'autel de la Sainte-Croix y situé, avec cependant le consentement et sous l'autorité de notre Révérendissime Seigneur Evêque, et avec l'agrément de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique, avec les Statuts et ordonnances ci-dessous: Confrérie à laquelle dès aujourd'hui nous déclarons expressément appartenir comme confrères et vrais fondateurs..

  A024003435 

 Tout d'abord, étant donné que, par suite de notre expulsion, [347] comme il a été dit, de notre Eglise et ville de Genève, nous résidons dans cette ville d'Annecy et faisons les divins Offices du Chapitre et de la cathédrale dans l'église de Saint-François des Frères de l'Observance, de la même façon qu'ils se faisaient dans notre cathédrale, et que, parmi les autels érigés dans cette église de Saint-François, il y en a un, outre le maître-autel où sont chantées les Messes capitulaires, sous l'invocation de Saint-Germain, qui sert à la célébration de nos Messes matinales: nous constituons, à cause de cela, la Confrérie érigée par nous, comme il a été dit plus haut, à l'autel même de Saint-Germain.

  A024003455 

 Nous statuons et ordonnons que la même chose se fasse le second dimanche de chaque mois, excepté septembre, décembre, mai et juin, à cause des fêtes susdites qui y tombent..

  A024003463 

 A ces processions, que tous et chacun des confrères des deux sexes soient tenus d'assister avec le costume à choisir plus bas, marchant convenablement, dévotement, gravement, lentement et en silence, et chantant distinctement, ceux qui savent le faire, les prières qui seront alors ordonnées; les autres, qu'ils récitent à voix basse le Rosaire de la Bienheureuse Vierge Marie.

  A024003463 

 Pour que Dieu, à qui agrée la diversité des prières et des œuvres de piété, parmi lesquelles se trouvent les pèlerinages (énumérés aussi parmi les pénitences salutaires), exauce la Confrérie en général et chacun de ses confrères en particulier, nous statuons et ordonnons que, aux mêmes jours des fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge [354] Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, et aussi le Jeudi-Saint, se fassent des processions publiques à travers la ville, les bourgs ou les localités où se trouveront alors l'Eglise cathédrale et notre Confrérie, en la manière et forme appropriées aux circonstances de lieu et de temps agréées par le Prieur et ses Assesseurs soussignés.

  A024003467 

 Parmi les autres Sacrements qui obtiennent la grâce divine, remettent [355] les fautes et méritent le comble des éternelles récompenses, le très auguste et très saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur est vraiment admirable; car par lui nous rappelons le souvenir de notre Rédemption, nous sommes détournés du mal et fortifiés dans le bien, recevant par lui des augmentations de vertu et de grâce.

  A024003471 

 Cependant, pour ne pas sembler imposer un joug impossible à supporter à nous-mêmes et aux confrères, nous statuons et déclarons qu'il sera permis, à quiconque sera légitimement empêché de recevoir la sainte Eucharistie une des fêtes et des dimanches susmentionnés, de satisfaire au statut précédent un autre jour de n'importe quel mois, pourvu qu'il avertisse de son empêchement le Prieur soussigné, qui y pourvoira pour le mieux..

  A024003487 

 En dehors de l'obtention des Indulgences concédées par les Souverains Pontifes à ceux qui la récitent ainsi, ils auront l'intention, en rendant cet humble hommage à la Vierge Marie (dont le Seigneur a regardé l'humilité ), d'obtenir, pour les provinces de toute la Savoie, que, par ses mérites et son intercession, elles soient délivrées des maladies, de la peste, des tempêtes, des grêles et autres perturbations atmosphériques..

  A024003491 

 Par suite, afin que notre Confrérie ci-dessus remplisse, elle aussi, quelque peu son devoir, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères qui rencontreront le saint Viatique qu'on porte aux malades, [360] soient tenus, à moins que par hasard ils ne soient empêchés par des affaires très urgentes, de l'accompagner avec dévotion et recueillement de l'esprit en Dieu pour la guérison de l'infirme..

  A024003495 

 Aussi statuons-nous et ordonnons que les confrères qui auront été choisis par le Prieur et les Assesseurs soussignés, pour une œuvre aussi pieuse et charitable (comptée pour cela parmi les œuvres de miséricorde), soient tenus de visiter et de consoler le plus tôt possible ces malades et prisonniers.

  A024003495 

 Il ne faut pas non plus omettre une chose à laquelle sont poussés non seulement ceux qui portent le nom de chrétiens, mais même ceux qui Suivent la seule loi de nature, à savoir la visite des prisonniers et des malades, accompagnée de paroles de consolation, qui, bien qu'elles ne guérissent ni ne délivrent, cependant apaisent et adoucissent les peines et les douleurs.

  A024003503 

 Aussi, pour ne paraître manquer à un devoir si pieux et nécessaire, le dernier qui est dû à nos confrères défunts, nous statuons et ordonnons que, dès l'annonce faite au Prieur du décès d'un de nos confrères de l'un ou l'autre sexe, la bannière attachée à la Croix de la Confrérie soit mise, revêtue de noir, à la porte de l'oratoire, avec l'indication écrite de l'heure et de l'église où se feront les funérailles, pour que les autres confrères, s'ils ne sont pas absolument empêchés, se sachent tenus d'accompagner le corps du confrère défunt à l'enterrement, priant tous dévotement Dieu pour le salut de l'âme du défunt; nous les obligeons expressément à une œuvre si pieuse.

  A024003503 

 Cependant, par [362] honneur pour Celui qui créa l'homme à son image et ressemblance, tous les peuples, toutes les nations, à l'exception de quelques barbares, ont attaché un très grand prix à la sépulture du corps, bien qu'avec des divergences dans la forme et la modalité.

  A024003512 

 En outre, pour que chaque année une mémoire se fasse en commun [364] des confrères défunts, nous statuons et ordonnons que chaque année, le jour libre le plus rapproché de l'Exaltation de la Sainte Croix, se fasse un anniversaire général dans l'oratoire, où tous les confrères assisteront avec l'habit ci-dessous décrit, et entendront la Messe que le Prieur célèbrera et les autres prières qui se chanteront..

  A024003516 

 Plus le vêtement est humble, plus aussi il est agréable à Dieu; et il avertit ceux qui le portent et ceux qui le voient de ne pas s'enorgueillir, mais de servir Dieu en toute humilité, dans les larmes, la cendre, le cilice, les jeûnes, les veilles, les prières et autres pénitences.

  A024003516 

 Quant aux femmes qui entrent dans la Confrérie, nous décidons et déclarons qu'elles sont astreintes à porter seulement le cordon et le rosaire sus mentionnés..

  A024003518 

 A qui il est permis d'entrer dans la Confrérie.

  A024003520 

 Ce serait peu de chose si la Confrérie ne comprenait que les seuls chanoines de l'Eglise cathédrale sus nommée, lesquels, par ailleurs, faisant un corps à part, sont unis entre eux, surtout pour ce qui regarde le culte de Dieu; car la cause de l'érection de la Confrérie qui vise au bien public, ne produirait pas du tout le fruit désiré.

  A024003524 

 Quant aux absents qui désirent entrer dans la Confrérie, et qui sont dans l'impossibilité de se présenter immédiatement et en personne à l'oratoire, pour qu'ils ne soient pas empêchés dans leur dessein si pieux: nous statuons et ordonnons qu'ils puissent être reçus et qu'ils le soient par un procureur légitime, ayant pour acela [368] un mandat spécial dont il rendra compte, et qui fasse la profession 4 e foi et la promesse sus mentionnées et sous insérées; cela aura le même effet que si les récipiendaires se présentaient personnellement..

  A024003532 

 A cause du péché de l'homme qui a abrégé le cours de sa vie, le souvenir des choses passées ne se conserve que dans les tablettes, les livres et les écrits.

  A024003532 

 Nous aussi, voulant avoir un souvenir perpétuel de ceux qui auront donné leur nom à notre Confrérie, nous statuons et ordonnons que le Secrétaire ci-dessous député, consigne, dans un livre à cela seul destiné, d'abord les noms de baptême et de [369] famille de nous sussignés, comme ils ont été ci-dessus marqués; ensuite ceux de toutes les personnes, de l'un et l'autre sexe, qui y entreront, ainsi que leur qualité, avec la désignation du jour de leur réception et de la somme volontairement offerte par elles..

  A024003536 

 Une république ou une famille est dite par tout le monde bien ordonnée, lorsqu'elle se compose d'une tête et de membres: autrement, comment pourrait-elle se maintenir? Pour que notre Confrérie, instituée avec piété et érigée en esprit de dévotion, dure à perpétuité, et soit régie avec justice et sainteté, et pour que tout souffle de confusion soit aboli, nous, soussignés, constituons et députons comme officiers perpétuels qui seront nommés par nous-mêmes, pour cette première fois, le 13 de ce mois, dans la première assemblée à convoquer alors; et ensuite, chaque année, le jour non empêché le plus proche du 1 er septembre, ces officiers seront changés en l'assemblée générale..

  A024003540 

 A lui tous les confrères, de quel état ou condition qu'ils soient, devront, en tout ce qui regarde la Confrérie et ses exercices, honneur, respect et obéissance.

  A024003540 

 Ce Prieur sera le seul des confrères à porter le surplis dans l'oratoire, aux processions, assemblées et autres actes publics, où il aura la prééminence; commencera les Offices divins, récitera les prières publiques; seul vêtu aussi du surplis, il s'avancera au milieu de l'oratoire, dans les processions, entre les deux Assesseurs portant le costume de la Confrérie, bénira le peuple avec le Saint-Sacrement (les jours où celui-ci sera exposé sur l'autel); notera ceux qui doivent célébrer les Messes ordinaires de la Confrérie et les autres extraordinaires, choisira les directeurs et chantres des processions; enverra aussi, avec les Assesseurs, ceux qui doivent visiter les malades et les prisonniers, [371] et apaiser les discordes, et recevra, avec les mêmes Assesseurs, ceux qui veulent entrer dans la Confrérie, après en avoir exigé l'émission de la profession de foi et la promesse ci-dessous insérées.

  A024003540 

 Le Prieur pourra cependant, pour cause légitime, députer en sa place un autre chanoine de la cathédrale, qui s'appellera Sous-Prieur..

  A024003540 

 Si cela arrivait, il serait loisible à ce confrère lésé de se plaindre aux Assesseurs qui trancheront seuls cette seule affaire.

  A024003544 

 Deux confrères seront élus dans la même assemblée générale, qui s'appelleront Assesseurs du Prieur.

  A024003544 

 Ils aideront tous deux le Prieur dans tout ce qui a été dit ci-dessus et autres choses nécessaires, mais en habit de confrère.

  A024003548 

 En outre on choisira chaque année, à l'assemblée générale, un Trésorier, qui sera toujours un confrère.

  A024003548 

 Il recevra les sommes qui seront données lors de la réception des confrères, et aussi les autres qui seront offertes.

  A024003548 

 Il rendra compte en fin d'année de tout ce qu'il aura perçu, touché ou dépensé, entre les mains du Prieur et des [373] Assesseurs nouvellement élus, ainsi que des autres Auditeurs des comptes qui seront désignés à cette même assemblée..

  A024003552 

 Enfin, un des confrères sera choisi comme Secrétaire, à l'assemblée générale annuelle, lequel écrira dans le livre de la Confrérie les noms de baptême et de famille, et les qualités de ceux qui entreront dans la Confrérie, et tout ce qui sera décidé aux assemblées générales et mensuelles, en apposant sa signature.

  A024003552 

 Il fera tout ce qui touche à l'office de secrétaire, et rendra compte de cet office à l'assemblée générale.

  A024003560 

 En plus de cela, chaque mois une autre, le deuxième jour du mois, toujours à trois heures après midi, où assisteront seulement le Prieur, les Assesseurs, le Trésorier, le Secrétaire et les Conseillers, qui traiteront les affaires courantes concernant la Confrérie.

  A024003570 

 Comment et par qui doivent être nommés les nouveaux officiers.

  A024003572 

 De ces confrères désignés, ceux-là seront respectivement créés qui auront été élus par la majorité des suffrages..

  A024003572 

 Et pour que toute matière de doute et toute cause de dissension, soit entièrement éliminée dans les nominations des officiers, nous statuons et ordonnons que le Prieur et chacun des Assesseurs, ainsi [376] que le Trésorier et le Secrétaire, pour ce qui regarde chaque charge en la nouvelle création du propre successeur, puissent désigner à l'assemblée, pour chaque office, deux confrères, de la condition cependant ci-dessus exprimée.

  A024003589 

 En foi et témoignage de toutes les choses qui précèdent et de chacune d'elles, nous avons signé les présentes de notre propre main et les avons fait insérer au Livré de nos Délibérations capitulaires par notre Secrétaire ci-dessous soussigné, qui les a rédigées en forme publique, les a signées et munies du grand sceau du Chapitre..

  A024003602 

 Et moi, Louis de la Pallud, notaire public et apostolique, qui ai assisté et fus présent à tout ce qui a été exposé ci-dessus, comme cela est relaté, en étant prié, j'en ai reçu le texte; pour cette raison, j'ai ici apposé ma signature..

  A024003621 

 Nous, CLAUDE DE GRANIER, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, portons à la connaissance de tous et attestons avoir lu attentivement toutes et chacune des ordonnances ci-dessus mentionnées, relatives à l'érection de la Confrérie en l'honneur de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, projetée par Nos bien aimés dans le Christ les Chanoines de Notre [382] Eglise, et n'y avoir rien trouvé qui puisse offenser des oreilles chrétiennes.

  A024003622 

 En outre, en témoignage de Notre bienveillante faveur et désirant étendre toujours plus les grâces que Dieu Nous a départies: à chaque confrère ou autre qui visitera l'oratoire de la susdite Confrérie et suivra la procession les jours où le très saint Sacrement de l'Eucharistie est exposé sur l'autel à l'adoration des fidèles, pourvu qu'auparavant il ait adressé à Dieu des prières pour la paix et la prospérité de l'Eglise universelle, selon le texte des Statuts de la Confrérie, Nous accordons la remise certaine de quarante jours d'Indulgence..

  A024003632 

 Playse a qui a faict la remonstrance aux Chanoynes de Saint Pierre de Geneve, touchant la prorogative quilz pretendent en leur devote Confraternité de Sainte Croix, considerer:.

  A024003635 

 Qu'on ne trouvera point ces Confraternités ne pouvoir recevoir fondation ecclesiastique, sinon celle qui obligeroit les confreres mesmes a fayre quelque ministere ecclesiastique, dautant qu'estant laicque elle n'est capable de telles obligations.

  A024003646 

 Elle a aussi esté conservee, non obstant tant d'incommodités survenues en la ville et le changement des lieux ausquelz a esté forcee de faire les exercices d'icelle, jusques a present, qu'ayant une chapelle asseuree et perpetuellement assignee en l'eglise de Saint Dominique et estant, comme sus a esté dit, non seulement appreuvee mais benie et enrichie de plusieurs graces par le Saint Siege Apostolique, il ne reste sinon que les confreres et seurs estendent leur courage a bien et saintement prattiquer les Constitutions d'icelle, sans s'amuser des-ormais a ce que le malin esprit voudra dire par les langues d'aspics au prejudice d'icelles, puisque le Saint Esprit a confirmé lesdittes Constitutions par la langue Apostolique, a la gloire et louange de Jesus Christ crucifié qui vit et regne es siecles des siecles.

  A024003666 

 S'il arrive quelque differend ou proces entre quelques uns des confreres, les autres qui le sçavent advertissent les Superieurs de la Confrerie, qui, par les meilleurs moyens qu'ilz peuvent, procurent paix et concorde..

  A024003669 

 Ilz accompaignent le tressaint Sacrement lhors qu'il est porté aux malades, et ne pouvant ce faire, ilz disent un Pater noster et Ave Maria pour le malade auquel il est porté, entendans le son de cloche qui sert de signe a cet effect..

  A024003672 

 Ilz assistent les veilles des jours de leurs Communions aux Vespres qui se disent le soir en l'oratoire et aux advertissemens qui s'y font; et les jours desdites Communions ilz assistent aux Offices, tant du matin que du soir, au mesme lieu; et tous les vendredis de Caresme, environ les cinq heures du soir, a la salutation du Stabat Mater et a l'exhortation qui s'y fait..

  A024003673 

 Outre cela, ilz obeissent aux advertissemens qui se font aux assemblees de la Confrerie, et a ceux que les [390] Superieurs d'icelle, ou ceux qui sont deputés de leur part, font aux confreres et seurs pour la correction des mœurs..

  A024003674 

 Tous les confreres et seurs de laditte Confrerie doivent soigneusement prattiquer lesditz exercices, tant parce que par le moyen d'iceux ilz se maintiendront en l'amour et crainte de Dieu et se prepareront des grans tresors au Ciel, qu'aussi d'autant qu'ilz gaigneront les Indulgences suyvantes; n'y ayant neanmoins pour tout cela aucune obligation qui porte peyne de peché ni mortel ni veniel pour les contrevenans, ains seulement de privation des fruitz, Indulgences et benedictions qu'y recevront les bons et fidelles observateurs des ditz exercices..

  A024003678 

 Si cette date peut être exacte pour le Sommaire des Statuts, elle est fautive pour les Indulgences, qui ne furent obtenues qu'en 1607.

  A024003683 

 Porteront aux assemblees et, selon ce qu'il sera advisé, aux autres occurrences, l'habit de penitence qui, a ces fins, sera beni a leur entree..

  A024003684 

 Se confesseront et communieront non seulement a leurs entrees, mays tous les moys aux jours qui sont deputés: a sçavoir, [388] les troysiesmes Dimanches de chaque moys, hormis es moys esquelz se rencontrent les festes de Sainte Croix, de la Conception de Nostre Dame et des saintz Pierre et Paul, Apostres.

  A024003686 

 Les confreres et seurs visiteront les malades, tant de la Confrerie qu'autres, selon l'ordre qui sera mis chaque moys par le Prieur ou, en son absence, par le Sousprieur; et assisteront neanmoins avec un soin special ceux de la Confrerie..

  A024003687 

 S'il arrive quelques differens entre quelques uns des confreres, les autres qui s'en appercevront seront tenus d'en advertir le Prieur qui, par les moyens plus convenables, procurera qu'au plus tost appointement en soit fait..

  A024003690 

 Ilz accompaigneront le tressaint Sacrement lhors qu'il est porté aux malades, ou, ne pouvant ce faire, au signe du son de la cloche diront un Pater et un Ave Maria pour le malade a qui il est porté..

  A024003698 

 Le Tressaint Pere Paul, cinquiesme de ce nom, qui sied et regne a present, appreuvant, authorisant et recommandant la Confrerie de la Sainte Croix d'Annessy, ainsy qu'il appert par son Bref Apostolique du 10 avril 1607, a octroyé et concedé a perpetuité, pour les confreres et seurs d'icelle, les Indulgences suyvantes, a sçavoir:.

  A024003716 

 Assistant aux Messes et Offices en l'oratoire ou chappelle de laditte Confrerie, ou bien assemblees tant publiques que particulieres d'icelle, ou qu'elles se facent; hebergeans les pauvres, accommodant les dissentions ou procurant qu'elles soyent accommodees, accompaignant les cors des trespassés, tant de la Confrerie qu'autres; [392] allant aux processions faittes par le congé de l'Ordinaire, suyvant le tressaint Sacrement tant aux processions que quand on le porte aux malades ou ailleurs, ou ne pouvant, et oyans le son de la cloche qui se fait pour cela, diront un Pater noster et Ave Maria; ou diront pour les deffunctz de laditte Confrerie cinq Pater et Ave, ou reduiront les desvoyés au bon chemin, ou enseigneront aux ignorans les Commandemens et choses requises a salut, ou feront quelques autres actions de pieté, de devotion et charité: pour chacune fois qu'ilz exerceront l'une desdittes actions, soixante jours d'Indulgence.

  A024003732 

 FRANÇOIS, Evesque et Prince de Geneve, par la grace de [394] Dieu et du Saint Siege Apostolique, a tous ceux qui ces presentes verront, paix et dilection en Jesus Christ..

  A024003734 

 C'est pourquoy Nous avons ordonné que de nouveau la publication en sera faitte par tout Nostre diocese, affin que chacun soit asseuré de pouvoir par cy apres participer a des biens si grans et excellens; suppliant tous les tres Reverens Ordinaires des lieux qui en seront requis, de vouloir permettre et favoriser semblable publication et la cueillette des aumosnes pour l'effect mentionné en la concession dudit Pardon.

  A024003760 

 Pour provoisre (sic) au desordre qui peut y naistre, fauldroit ung chefz (sic) d'auctorité dont la pieté et la prudence calma tous les vens de contrarieté..

  A024003776 

 Concede la mesme Indulgence et remission de tous les pechés a tous les confreres, tant a ceux qui sont desja inscritz en ladite Confrerie comme a ceux qui se feront inscrire en icelle de tems en tems, lesquelz vrayement repentans et confessés, ayant receu le saint Sacrement de l'autel devotement, visiteront l'eglise, chapelle ou oratoire de ladite Confrerie, des les premieres Vespres jusques au soleil couchant, le jour de la feste de la Nativité de la benite Vierge pour chacun an, et la feront devotes prieres a Dieu pour la concorde des Princes chrestiens, extirpation des heresies et exaltation de la sainte Mere Eglise..

  A024003783 

 Item, a ceux lesquelz assisteront aux Messes et autres Offices divins en ladite eglise, chapelle ou oratoire au tems de la celebration de la Messe ou recitation des Offices, ou bien aux congregations publiques ou privees de ladite Confraternité qui se feront en quel lieu que ce soit, ou bien logeront des pauvres, ou qui donneront faveur et ayde aux convertis a la foy catholique: toutes fois et quantes qu'ilz feront quelle que ce soit desdites œuvres, cent jours d'Indulgence..

  A024003787 

 Nous exhortons donq tous fidelles Chrestiens, mays specialement ceux de Nostre diocese, de se prevaloir de l'occasion qui leur est presentee par la concession de ces [402] saintes Indulgences, s'enroollant a ladite Confrerie et prattiquant soigneusement les exercices d'icelle.

  A024003800 

 Et quant a l'eglise qui fut sous le tiltre Saint Hippolite et qui est a present sous celuy de Nostre Dame de Compassion, on luy donnera par addition le tiltre des Saints Maurice et Hippolite, et sera dependente de l'autre..

  A024003804 

 Le premier membre de la Sainte Mayson sera la Congregation des Prestres d'icelle, qui sera du nombre de huit, le Plebain faysant l'un d'iceux.

  A024003809 

 Nul ne peut estre esleu Præfect qui ne soit docteur ou en theologie ou en droit, et aagé de trent'ans; ni ne pourra avoir aucun autre benefice curé ou qui requiere residence personnelle (excepté les chanoines de l'Eglise cathedrale), delaquelle il ne pourra demander ni faire demander aucune dispense pour, avec icelle, garder la prefecture..

  A024003813 

 Le Plebain sera esleu par le concours comme les autres curés du diocæse a la forme du sacré Concile de Trente; auquel neanmoins seront preferés, cæteris paribus, les prestres de la Congregation, a laquelle sera tenu, celuy qui sera esleu, se ranger, sil n'en estoit pas auparavant..

  A024003818 

 Ne pourront avoir office, ni benence, ni charge ailleurs hors la Congregation et Sainte Mayson qui les puisse distraire du service d'icelle..

  A024003834 

 La mayson de la Congregation se fera en la Place des Augustins, joignant l'eglise; et en attendant, la Congregation demeurera es maysons qui appartiennent maintenant a la Sainte Mayson..

  A024003901 

 Sera deputé un receveur general de tous les revenuz de la Sainte Mayson, qui donnera bonne caution; et la constitution d'iceluy se fera par ledit Conseil, devant lequel, ou les deputés d'iceluy, il rendra ses comptes de six mois en six moys, sauf sil semble au Conseil de les luy faire rendre en autres occurrences plus souvent; et le tout avec presentation de reliquaz..

  A024003910 

 Les mandatz qui n'excederont la somme de dix escuz d'or se feront par le seigneur Conservateur et par le sieur Praefect conjointement; et en cas quilz ne soyent pas d'accord a le faire, le Conseil sommayrement appellé determinera.

  A024003928 

 Mangeront avec les autres au College, et pour le reste seront separés, avec un maistre qui soigne a leurs estudes, meurs et pieté.

  A024003933 

 Ne pourra neanmoins faire mandatz, ains seront faitz par le Conseil, en presence d'iceluy assistant, qui aura une voix [consultive, mais non pas] deliberative en ladite absence du Conservateur.

  A024003933 

 Que si ledit assistant estoit desagreable au Conseil, le sieur Conservateur en devra [presenter et nommer] eslire un autre, lequel ledit sieur Conservateur fera payer sur les cinquant'escus qui reste (sic) des 300 que Son Altesse et la sainte Religion Saint Maurice ont assigné sur les decimes annates et passage d'un chevalier pour chasqu'annee, et pour le payement d'un præstre.

  A024003942 

 La mayson de la Congregation sera autour de la Place de ladite eglise; mais en attendant que les bastimens soyent dressés, on habitera es maysons qui sont a present a ladite Sainte Mayson..

  A024003944 

 4. Sera deputé un receveur general de tous les revenuz de la Sainte Mayson, qui donnera suffisante caution: et la constitution sera faite par tout le Conseil..

  A024003948 

 Dans le contract de constitution du receveur, sera mis en premiere charge et par maniere de praeciput, que la Congregation, College et Seminaire seront payés des denrees et sommes qui leur seront assignees, avant toutes choses..

  A024003949 

 Les mandatz qui se feront pour toutes les occurrences ordinaires et qui n'excederont point la somme de dix escus d'or seront faitz par le sieur Conservateur et signés par le sieur Præfect conjointement.

  A024003968 

 En vertu de laquelle association ladite sainte Milice, comme plus puissante es choses exterieures et temporelles, defendra et maintiendra ladite Sainte Mayson, et ce principalement par le soin, diligence et sollicitude d'un des seigneurs Chevaliers d'icelle Milice et Ordre, qui sera establi Conservateur de ladite Sainte Mayson; comme reciproquement, les ecclesiastiques et autres personnes de ladite Sainte Mayson ayderont les bons et chrestiens desseins de ladite sacree Milice par leurs Sacrifices, prieres et bonnes œuvres..

  A024003969 

 Item, Nous avons declairé que jamais les biens et revenuz de ladite Sainte Mayson ne pourront estre entenduz appartenir a ladite sacree Milice de Saint Maurice et Lazare ni a la disposition d'icelle, mays demeureront a jamais affectés aux œuvres et exercices auxquelz Sa Sainteté et Son Altesse les ont destinés, selon les articles dressés par sadite Altesse et l'Illustrissime Seigneur Nonce, et ceux qui, pour l'esclarcissement d'iceux, Nous avons fait et qui y [sont] jointz..

  A024003970 

 Comme aussi Nous avons receu le serment du sieur Maniglier, Vicepræfect de ladite Congregation, de bien et fidellement observer et exercer sa charge, et faire observer tout ce qui appartient tant a la discipline ecclesiastique et bon ordre de la Sainte Mayson, qu'aussi de bien conserver, entant qu'il luy concerne, ce qui appartient aux biens et revenuz d'icelle.

  A024003970 

 Item, en fin, apres toutes ces declarations par Nous faittes, en vertu de ladite commission, Nous avons receu le serment du susdit seigneur don Thomas Bergere, Conservateur esleu et nommé par ladite Sainte Mayson, et accordé par sadite Altesse et par le tres sacré Conseil de ladite sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare, par lequel il s'est obligé de bien et deuement conserver, en ce qui dependra de son pouvoir, les droitz, noms, actions, biens et [419] tiltres de ladite Sainte Mayson, et de procurer par toutes voyes convenables que les articles dressés pour l'establissement d'icelle soyent observés.

  A024003979 

 Que ce sera fruster (sic) l'intention de ceux qui ont contribué au bien de cette Mayson, qui, je pense, presque tous, n'eussent jamais eu cette volonté silz eussent pensé qu'elle deut tumber es mains d'une telle Religion.

  A024003979 

 Que malaysement se treuvera-il des clers de si bas courage qui veuillent subir le joug de cette obeissance lâ.

  A024003981 

 En fin, ledit sieur de Blonnay fera tout ce qui se pourra faire pour empescher l'evenement de cette si reprochable prætention; et pour cela en parlera a Monseigneur l'Archevesque, voyre, sil estoit requis, a Monseigneur le Nonce..

  A024004001 

 Attendu que l'intention de nostre Saint Pere le Pape Clement huitiesme, declairee en la Bulle de l'institution de [423] la Sainte Mayson, fut que les prestres de l'Oratoire d'icelle se conformassent au plus pres que faire se pourroit a l'institut de la Congregation de l'Oratoire de Rome, et que neanmoins la diversité qui est entre cette ville et celle la et la consideration de plusieurs circonstances ne permettent pas qu'il y ayt une parfaitte similitude, pour accommoder la necessité avec la bonne volonté, ont esté dressees les presentes Constitutions..

  A024004005 

 Eu esgard a la multiplicité des exercices pastoraux qui se doivent prattiquer en la Congregation de l'Oratoire, et jusques a ce qu'autrement soit advisé, les prestres d'icelle ne seront obligés de reciter l'Office entier dedans l'eglise, mais seulement Tierce, la Messe, Vespres et Complies, le tout in cantu modulato, journellement; mais quant aux jours de festes solemnelles, 1 æ classis, et en toutes les festes de la glorieuse Vierge, ilz diront Matines, Laudes et Prime, commençant a l'aube du jour, despuis la Toussains [424] jusques a Pasques, et a quatre heures, despuis Pasques jusques a la Toussains..

  A024004010 

 Des autres offices qui se doivent celebrer en l'eglise.

  A024004014 

 Item, celebreront une seconde Messe a sept heures, et [425] la troisiesme, qui est la Grande Messe, estant achevee, ilz celebreront la derniere Messe entre neuf et dix heures..

  A024004018 

 Nul des prestres de la Congregation ne comparoistra au chœur pendant l'Office sinon in habitu et tonsura, c'est a dire avec la soutane jusques aux talons et le bonnet carré, la couronne bien faitte et connoissable, et le surplis de toile blanche, qu'un chacun sera tenu d'avoir a ses despens; et qui comparoistra au chœur pendant l'Office d'une autre sorte sera tenu pour defaillant..

  A024004026 

 Et partant, esliront en leurs assemblees, de six mois en six mois, un ponctuateur, a commencer le 1 er d'octobre prochainement venant, qui aura charge de noter les defaillans, et lequel a cest effect prestera serment de bien et fidellement exercer sa charge, sans acception de personne, es mains de celuy qui presidera en l'assemblee, a laquelle il sera loysible d'en continuer un tant qu'il luy plaira et recevoir son serment de six mois en six mois..

  A024004028 

 Ceux la seront tenus pour absens qui ne se treuveront a l'Office a la fin du premier Psalme d'iceluy et devant l'entonation du second, ou qui ne perseverera pas en iceluy [427] jusques a la fin.

  A024004028 

 Mais a la Messe, celuy sera tenu pour defaillant qui ne se treuvera au commencement de l'Epistre et ne demeurera jusques apres la benediction.

  A024004028 

 Seront toutes-fois tenus pour presens ceux qui pour l'administration des Sacremens et pour des autres fonctions necessaires, ou quelques autres necessités, ne se treuveront pas en l'Office, ou y estant en sortiront, moyennant qu'ilz ayent adverti celuy qui pour lhors preside, ou, ne le pouvant faire, qu'ilz facent paroistre de la necessité qu'ilz ont a s'absenter..

  A024004030 

 Des principales ceremonies et observances qui doivent estre gardees au chœur.

  A024004035 

 A chaque Office on assignera les intonations, tant des antiennes que des Pseaumes, a ceux qui les devront faire, affin qu'elles se facent a propos; et pour le reste, il se pourra voir au Directoire des ceremonies de la Cathedrale, duquel ilz pourront avoir un double..

  A024004037 

 De ceux qui feront les Offices et celebreront les Messes.

  A024004039 

 Le Prefect et, en l'absence d'iceluy, le Plebain, et, tous deux absens, celuy qui sera le premier en reception, feront l'Office es festes solemnelles 1 æ classis, et en celles de Nostre Dame; mais en toutes les autres festes, l'hebdomadaire [429] les celebrera, excepté toutesfois les Messes et benedictions des fons, les veilles de Pasques et Pentecoste, qui appartiennent a l'office du Plebain..

  A024004041 

 Le semainier de la Grande Messe s'employera a l'administration des Sacremens, estant prealablement admis par l'Ordinayre; excepté neanmoins le Prefect, lequel, pour la multitude des affaires, ne peut estre assujetti a l'administration; et pour ce, pendant sa semaine, les six prestres qui sont apres le Plebain, suppleeront l'un apres l'autre, chacun a son tour, l'administration susdite des Sacremens en la place dudit Prefect..

  A024004045 

 Pour donner exemple de la reverence que l'on doit porter a la parole de Dieu, tous les prestres de l'Oratoire assisteront, assis sur un banc a ce destiné, modestement, ainsy qu'il a esté dit de l'assistance au chœur, sans qu'aucun s'en puisse absenter, sinon pour cause appreuvee par celuy qui preside..

  A024004049 

 Et en icelle l'on traittera de l'observation des Regles et des choses appartenantes au service de Dieu qu'ilz ont en charge, tant ecclesiastiques que spirituelles, qu'œconomiques et temporelles; et sera deputé un Secretaire ordinaire qui escrira les resolutions et advis qui se prendront en ladite assemblee, en laquelle seront aussi marqués les defaillans, qui, pour chaque fois, perdront troys solz..

  A024004056 

 Tout au long du repas sera gardé le silence par tous ceux qui seront a table, en laquelle un chacun demeurera jusques a ce que le repas soit fini, lequel durera environ une heure..

  A024004057 

 On, y dira le Benedicite et les Graces des clercs, ainsy qu'il est ordonné a la fin des Breviaires; et cest office se fera par celuy qui aura dit la Grande Messe ce jour la..

  A024004065 

 Il appartiendra pareillement audit Prefect et, a son absence, a celuy qui presidera, d'ordonner, la surveille des festes solemnelles et de Nostre Dame, de ceux qui feront les Offices les jours suivans, assemblant pour cela la Congregation; et en l'absence dudit Prefect, il appartiendra au Plebain, et en l'absence d'iceluy, au plus ancien.

  A024004069 

 Le Plebain aura la surintendance en tout ce qui regarde l'administration des Sacremens, le recit du Prosne et du Cathechisme, si ce n'est par quelque tres legitime cause.

  A024004076 

 Aura soin de faire ballier l'eglise par ceux qui en auront la charge, avec les arrousemens et autres propretés, comme aussi la sacristie tous les lundis, mercredis et samedis..

  A024004077 

 Residera les matinees, et mettra bon ordre promptement pour ceux qui celebreront.

  A024004082 

 L'assemblee deputera un Portier qui sera revestu d'une soutanelle bleuë, et son office sera d'ouvrir et fermer la porte soudain qu'il entendra sonner la cloche, et advertir le Superieur avant que d'ouvrir a personne du dehors, sinon que ce soyent des gens ordinaires de la mayson; et en l'absence du Prefect advertira le Plebain, et en l'absence du Plebain, le plus ancien..

  A024004087 

 Ilz se retireront dans la mayson le soir a bonne heure, incontinent apres l' Ave Maria, et ne sortiront point la nuit sinon pour des causes urgentes, advertissant celuy qui pour lhors sera le premier entre eux; et le jour, quand ilz [435] sortiront, ilz diront tous-jours au Portier ou ilz vont, affin que, s'il est requis, on sçache ou les treuver..

  A024004089 

 Ne sera loysible a aucun de la Mayson de l'Oratoire de retenir avec soy la nuit aucune personne sans le consentement [expres] de celuy qui presidera en ce tems-la, ni d'entretenir ordinairement personne sans le consentement de la Congregation; mays quant aux femmes, elles n'entreront point dans la mayson..

  A024004109 

 Outre la mayson et table commune de la Congregation, qui se fait, selon la coustume, par la Sainte Mayson, chacun des prestres perçoit les gages suivans: le Prefect cent escuz d'or, le Plebain cent ducatons, tous les autres deux cens cinquante florins, et le Sacristain trois cens florins; et pour les serviteurs de la Congregation, a distribuer selon qu'il arrivera, quarante ducatons..

  A024004113 

 Le Sacristain se servira de ce que la Sainte Mayson fournira tant pour l'entretenement de la sacristie que pour celuy du luminaire, affin que l'on sçache ce qui aura esté employé annee par annee..

  A024004118 

 La Mayson estant toute dediee a l'honneur de la tres sainte Vierge, la Congregation ne permettra point qu'on mange de la chair les veilles des festes d'icelle glorieuse Vierge parmi ceux de ladite Congregation; et quant a la veille de la principale feste de la Sainte Mayson, qui est la Nativité de Nostre Dame, le jeusne sera observé generalement en la Congregation..

  A024004128 

 Mays quant aux prestres qui viennent pour cooperer aux confessions et autres offices, ilz seront receus sur le commun, comme aussi les prestres et clercs que l'on reçoit par aumosne..

  A024004128 

 Qui desirera faire manger quelque amy ou parent en la table commune, le pourra, donnant six solz et advertissant celuy qui presidera, et celuy qui presidera advertissant celuy qui le suit; le tout sans en abuser.

  A024004129 

 Mais quant a la correction des Superieurs en ce qui regarde les monitions, si ce n'est la correction fraternelle et evangelique, elle sera [439] remise au Superieur majeur, auquel la Congregation pourra recourir par advertissement des fautes, ainsy qu'elle verra a faire..

  A024004153 

 Chaque jour de lundi premier du moys ilz chanteront une Messe pour les deffunctz, qui tiendra lieu de la grande du jour, selon les rubriques du Messel..

  A024004163 

 Quicomque ne se trouvera pas pour le moins a [la] fin du premier Psalme et devant que l'on commence le second, ou qui ne perseverera pas jusques a la fin de l'Office, sera tenu pour absent.

  A024004163 

 Quicomque, [427] a la Messe, n'aura pas ouy le commencement de l'Epistre ou qui n'attendra pas la benediction sera pareillement tenu pour absent.

  A024004163 

 Toutesfois, ceux qui seront empeschés dans les exercices de la charge pastorale ou qui feront d'autres choses necessaires, desquelles tous auront une certaine science, seront tenus pour presens..

  A024004166 

 Toutes fois et quantes que l'on commencera un Psalme, tous se descouvriront tant seulement; mais celuy qui commencera ou les antiennes ou le Psalme, non seulement se descouvrira, mais encores se tiendra debout..

  A024004168 

 En faysant l'Office, on assignera les premiers tons, tant des antiennes que des Psaumes, a ceux qui devront les commencer, affin que toutes choses se facent bien..

  A024004170 

 Les autres jours, le prestre qui sera assigné semaine par semaine, [429] excepté toutesfois les Messes et benedictions des fors baptismaux, es veilles de Pasques et de Pentecoste, parce que cela regarde l'office du Plebain..

  A024004174 

 Celuy qui sera absent de ces assemblees perdra pour chaque fois troys solz..

  A024004174 

 Il y aura un Secretaire establi, qui redigera par escrit tous les decretz, ordonnances, resolutions et desseins du Chapitre.

  A024004177 

 Elles seront faittes par celuy qui aura celebre la Grande Messe..

  A024004179 

 Apres le repas, les enfans s'en iront a la recreation, affin de laisser les prestres seulz, qui feront une sainte et chrestienne conversation..

  A024004180 

 Il corrigera et admonestera les defaillans; lesquelz estans rebelles, il les appellera en Chapitre et les chastiera, s'il est de besoin, apres avoir pris les voix, par quelque penitence salutaire, voire mesme pecuniaire, applicable aux œuvres pies, qui toutesfois n'excedera pas la somme de cinq florins.

  A024004182 

 Le mesme Praefect disposera de ceux qui devront estre destinés pour les choses du service de Dieu les jours solemnelz.

  A024004183 

 Le Plebain aura charge de tout ce qui appartient a l'administration des Sacremens; recitera le Prosne ou l'institution chrestienne a l'Offertoire de la Grande Messe, selon le Rituel de l'evesché; sera obligé (sinon qu'il soit malade ou legitimement empesché) d'enseigner le Cathechisme tous les jours de Dimanche, autrement le Præfect y prouvoyra en Chapitre.

  A024004184 

 Le Sacristain enseignera et corrigera les enfans qui serviront aux Messes, affin qu'ilz soyent bien revestuz, modestes, assiduz, et qu'ilz observent les ceremonies..

  A024004186 

 Il residera toute la matinee en sa sacristie, affin d'estre tous-jours prompt et prest pour ceux qui voudront celebrer.

  A024004188 

 La Congregation deputera un Portier, qui sera vestu d'une robbe de couleur bleuë, lequel n'ouvrira a point d'estranger sans que le Præfect en soit adverti..

  A024004191 

 Il n'y aura qu'une porte en la mayson, et en icelle qu'une clef qui sera gardee le jour par le Portier, et la nuict par le Præfect..

  A024004194 

 Les prestres estrangers qui auront travaillé a ouyr les confessions ou faire d'autres offices, seront receuz comme s'ilz estoyent domestiques..

  A024004196 

 On deputera deux prestres de la Congregation qui auront soin que l'on fasse bien les aumosnes, sans aucune tromperie..

  A024004198 

 Il ne sera permis a personne de posseder quelqu'autre benefice qui requiere residence plus outre que troys moys, sinon que peut estre [437] le Souverain Pontife ayt dispensé pour quelque cause; autrement il sera privé de la Congregation..

  A024004203 

 On deputera un Thresorier general, qui aura charge de tout ce qui regarde l'œconomie; il posera conte en Chapitre de six en six moys..

  A024004204 

 Que s'ilz ne viennent pas, il faudra avoir quatre regens, sans celuy qui apprendra a lire aux enfans.

  A024004222 

 Qui respondit se ignorare, quod jam pridem Bullas suæ provisionis Camberii in quadam lite productas non viderit; sibi tamen a supremo Sabaudiæ Senatu correctionem Religiosorum interdictam quasi titularis non esset, unde nec habitum Religiosorum deferret.

  A024004283 

 Dès le lendemain, après la Messe, il convoqua le R d seigneur Jacques de Mouxy avec [441] tous les Religieux en résidence et les prébendés; il déclara à l'assistance qu'il était venu vers eux et dans leur abbaye pour visiter tout ce qui regardait leurs mœurs, vie et habitudes, comme aussi les édifices, biens et droits, et cela en tant que Supérieur de l'abbaye; car, d'après les droits et coutumes anciennes de l'évêché de Genève, il pouvait et devait le faire.

  A024004283 

 Ils répondirent tous avec le respect qui convenait, que le Révérendissime Evêque de Genève avait le droit de visiter leur abbaye et leurs personnes, et qu'ils ne prétendaient en aucune façon protester contre cela où l'empêcher..

  A024004302 

 L'Abbé répondit que les revenus étaient si diminués, soit par l'incurie de ses prédécesseurs, soit par la violence des eaux qui ont [445] détruit des métairies et villages entiers, qu'il ne pouvait nourrir et entretenir plus de Religieux.

  A024004306 

 En outre, les Religieux ont en commun les deux tiers des prémices de Samoëns, Vallon et Morillon, et toutes les prémices dans la paroisse de Sixt, excepté celles qui proviennent des fromages..

  A024004322 

 A l'autel qui se trouve près des stalles des Religieux, furent trouvées des images enlaidies par la vétusté et la corrosion.

  A024004344 

 Quare, hunc actum devotorum Canonicorum regularium Sancti Augustini, Monasterii de Six, non solum probamus et emologamus, sed laudamus ac amamus quam possumus enixe in Christi visceribus, atque etiam ut deinceps in dicto Monasterio servetur adamussim, pro Nostra in dictum Monasterium ac Canonicos regulares ejusdem Monasterii ordinaria potestate et authoritate, in Domino præcipimus ac mandamus, necnon omnibus paupertatem illam particularem quæ ab iis qui in communi vivunt observatur, colentibus paterne benedicimus..

  A024004352 

 Enfin, Nous bénissons paternellement tous ceux qui pratiquent cette pauvreté particulière à ceux qui vivent en communauté..

  A024004352 

 Longtemps nous avons désiré le retour de tous les Religieux de Notre diocèse à la Règle et manière de vivre primitives de leur [452] Institut, mais surtout Nous avons souhaité cela et l'avons procuré par Nos exhortations dans les Monastères qui sont confiés à Nos soins et sollicitude, et à Notre juridiction ordinaire.

  A024004372 

 Quia nullus inter venerabiles Canonicos nunc superstites invenitur qui expressam emiserit Professionem, imprimis et ante omnia, sacri Concilii Tridentini menti ac verbis inhærendo, declaramus ac decernimus omnes dictos venerabiles DD. Canonicos ad dictam Professionem explicitam teneri, eisque omnibus ac singulis qui nunc habitum Monasterii gestant annum præfigimus, qui quasi probationis [456] annus habeatur; quo elapso, statim, vel Professionem prædictam emittant, vel causas, si quas habeant, cur nolint dictam Professionem facere, Nobis exponant..

  A024004378 

 Cum abbatia hæc commendata sit, propterea decernimus [457] in ea deinceps sicut antea factum est observari debere, ut scilicet omnibus domnis Canonicis unus ejusdem Ordinis expresse professus, qui Prior nominetur, et qui gregi præire et præesse possit, juxta Concilium Tridentinum, cap. 21°, Sess e 25, præficiatur ac constituatur.

  A024004378 

 Is vero, ut eodem loco, cap. 6°, cautum est, per secreta vota eligatur a Capitulo, ita ut singulorum eligentium nomina nunquam publicentur, et in quem major pars Capituli per dicta secreta vota inclinaverit, electus omnino censeatur qui etiam usque ad obitum in dicto officio prioratus, dummodo recte se gesserit, perseveret.

  A024004383 

 In omnibus vero gravioribus difficuitatibus quæ per Priorem ac Capitulum solvi nequeunt, ad Episcopum hujus diæcesis, sive, eo absente, ad Vicarium episcopatus generalem accedant, qui pro potestate ordinaria constituet quid agendum sit, quemadmodum hactenus observatum est..

  A024004387 

 Venerabilis domnus Prior vel Subprior tabellam omnibus diebus sabbati in ecclesia ponet, in qua notata erunt nomina eorum qui Officia altaris et chori per totam hebdomadam obire debebunt; quæ omnia secundum ritum et ceremonias Ecclesiæ cathedralis, quoad fieri poterit, persolventur..

  A024004391 

 Nullus liber habebitur in Monasterio nisi de licentia venerabilis domni Prioris, aut, eo absente, Subprioris, qui provideat ne libri prohibiti ab Ecclesia, aut curiosarum et inutilium scientiarum afferantur, et ut sit in Monasterio copia et supellex librorum devotorum, casuum conscientiæ [459] et theologorum, quæ possit omnibus Canonicis sufficere, ut singulis diebus, secundum Regulam, certa hora lectioni incumbere possint.

  A024004392 

 Singulis porro diebus aliquis Canonicorum qui magis idoneus judicatus fuerit, una hora de cantu et cantandi ratione Novitiis aliisque, si opus fuerit, lectionem habebit..

  A024004408 

 Ultimæ Nostræ Visitationi inhærendo, sub pœna majoris excommunicationis mandamus, ut intra mensem, a die hac decima quinta Septembris anni millesimi sexcentesimi decimi octavi computandum, omnes et singuli qui instrumenta sive titulos hujus Monasterii habent, ea in archiviis reponant, juxta decretum super hac re a Nobis in dicta Visitatione factum..

  A024004433 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui liront cet écrit salut abondant dans le Christ..

  A024004434 

 C'est pourquoi ayant appris que, sous l'inspiration divine, les vénérables Chanoines voulaient rétablir entièrement l'ancienne observance régulière qui, par suite de l'injure des temps, était à peu près anéantie et détruite parmi eux, et que les très Illustres et Révérends seigneurs Jacques de Mouxy, Abbé, bien que commendataire, et Humbert de Mouxy, son coadjuteur et élu par le Monastère, avaient décidé, non seulement d'approuver, mais d'aider de si saintes résolutions:.

  A024004434 

 Le Monastère de l'Ordre vénérable des Chanoines réguliers de [454] Saint-Augustin, du pays de Sixt, ayant été confié, par les saintes règles de l'antique droit ecclésiastique, au soin et à la juridiction de Nos prédécesseurs et de Nous-même, Nous devons et voulons Nous occuper et Nous préoccuper d'être le plus utile possible à ce Monastère et aux vénérables Chanoines qui y servent Dieu.

  A024004435 

 Nous aussi, dans le but d'apporter plus facilement à cette entreprise si louable et si souhaitable Notre autorité ordinaire et Notre aide, venant sur les lieux et toutes choses examinées et considérées, [455] et aussi toutes personnes ouïes au sujet de ce qui précède.

  A024004435 

 Nous avons enfin résolu de décréter et de constituer ce qui suit, comme aussi Nous le décrétons et le constituons..

  A024004436 

 Et d'abord Nous ordonnons plus strictement encore de faire tout ce qui a été établi dans Notre dernière Visite, comme conforme au droit et à la raison..

  A024004440 

 Comme aucun des vénérables Chanoines actuellement vivants n'a émis de Profession expresse, avant toutes choses, pour obéir à l'esprit et aux termes du saint Concile de Trente, Nous déclarons et décrétons que tous les vénérables Chanoines sont tenus d'émettre cette Profession expresse, et Nous fixons à tous et à chacun de ceux qui portent maintenant l'habit du Monastère une année qui soit considérée comme année de probation; après laquelle ils [456] devront aussitôt ou émettre la Profession susdite, ou Nous exposer les raisons, s'ils en ont, pour ne pas vouloir la faire..

  A024004441 

 Pour ce qui regarde l'avenir, aussitôt après l'année de probation, comme le prescrit le même Concile, que le Novice, ou soit admis à la Profession, s'il en est jugé digne, ou soit renvoyé du Monastère.

  A024004446 

 L'Abbaye étant en commende, Nous décrétons qu'on y observera [457] dans l'avenir ce qui y était déjà observé, à savoir que, pour présider et commander le troupeau, on établira et constituera à la tête de tous les Chanoines, selon le Concile de Trente, chap. XXI, Sess.

  A024004446 

 Qu'il soit, d'après le même texte, chap. 6, élu par le Chapitre aux votes secrets, en sorte que les noms de chacun des votants ne soient jamais publiés, et que celui-là soit tout à fait considéré comme élu, en faveur de qui se sera prononcée la majorité du Chapitre par les votes secrets susdits.

  A024004446 

 XXV, quelqu'un du même Ordre ayant émis expressément sa Profession, et qui s'appellera Prieur.

  A024004451 

 [458] Dans toutes les difficultés plus graves qui ne pourront être tranchées par le Prieur et le Chapitre, que l'on ait recours à l'Evêque de ce diocèse, ou, en son absence, au Vicaire général de l'évêché, lequel, en vertu de son pouvoir ordinaire, règlera ce qu'il faudra faire, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici..

  A024004455 

 Le vénérable Prieur ou Sous-Prieur placera tous les samedis un tableau dans l'église, où seront marqués les noms de ceux qui devront remplir les Offices de l'autel et du chœur pendant toute la semaine; Offices qui s'accompliront, autant que possible, selon le rite et les cérémonies de l'Eglise cathédrale..

  A024004459 

 Il n'y aura aucun livre dans le Monastère sans la permission du vénérable Prieur, ou, en son absence, du Sous-Prieur, qui veilleront à ce que les livres condamnés par l'Eglise ou traitant de sciences curieuses et inutiles soient écartés, et qu'il y ait abondance dans le Monastère de livres de dévotion, de cas de conscience et [459] de théologiens, en sorte que tous les Chanoines aient la possibilité, chaque jour, de vaquer à la lecture à une heure déterminée, selon la Règle.

  A024004461 

 Chaque jour en outre, un Chanoine, celui qui aura été jugé le plus capable, donnera une heure de leçon de chant théorique et pratique aux Novices, et aux autres s'il en est besoin..

  A024004469 

 Chaque samedi le Prieur ou, en son absence, le Sous-Prieur doit convoquer le Chapitre, où il corrigera, même en imposant des pénitences, selon qu'il le jugera expédient, tout ce qui se serait glissé de contraire à la Règle dans les Offices, ou dans les actes et les mœurs des Chanoines.

  A024004477 

 Nous ordonnons, sous peine d'excommunication majeure, que dans le délai d'un mois, à compter de ce jour, quinze septembre de l'an mil six cent dix-huit, tous et chacun de ceux qui ont des instruments ou titres de ce Monastère, les replacent dans les archives, selon le décret porté par Nous à ce sujet dans la susdite Visite..

  A024004481 

 Le seigneur Abbé sera tenu de fournir chaque année douze prébendes à la communauté des Chanoines, en la manière qui a été notée dans la susdite Visite.

  A024004485 

 Et pour ce qui regarde la réparation du chœur, du réfectoire et de l'horloge, le Révérend seigneur Coadjuteur et Abbé élu a promis qu'il la ferait faire le plus tôt possible, en sorte qu'elle soit terminée pour la Noël prochaine.

  A024004486 

 Au sujet des autres pétitions des Chanoines ayant trait au versement des prébendes de l'année écoulée, aux dépenses qui seront nécessitées par le futur entretien d'un cheval, et autres semblables, [463] comme il a été passé une convention amicale entre eux et le susdit seigneur Coadjuteur et élu.

  A024004494 

 En fin, Nous asseurons de la benediction et protection de Dieu tous ceux qui embrasseront et prattiqueront avec [464] amour ces Ordonnances que le seul desir du regne de Dieu en vous et l'amplification de sa gloire me fait vous donner; esperant que, par l'accomplissement d'icelles, cette Famille religieuse reprendra sa premiere splendeur et respandra par tout la souëfve odeur dont elle a parfumé autrefois tout le païs..

  A024004495 

 C'est la grace, o mon Dieu, que j'attens de vostre misericordieuse bonté et que je vous demande de toute l'estendue de mes affections, pour ces ames et celles qui leur doivent succeder.

  A024004501 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous qui ces presentes verront, sçavoir faisons: que Nous, ayant receu un Bref de nostre Saint Pere le Pape Paul cinquiesme, daté a Rome, pres Saint Marc, du vingthuitiesme septembre en l'annee derniere mil six cens et six, deuëment seellé, et signé COBELLUTIUS, par lequel il Nous est mandé de supprimer les Religieux de l'Ordre de Saint Augustin estant en l'abbaye de Nostre Dame d'Abondance, riere Nostre diocese, et au lieu et place d'iceux y mettre et establir douze moines de l'Ordre de Saint Bernard, de la Congregation de Nostre Dame des Feuillans, pour l'execution duquel sommes esté par ladite Sainteté commis.

  A024004519 

 Qui quidem Abbas hujusmodi locationes, obligationes et arrendationes justo pretio factas ad Nos deferre teneatur, ut a Nobis approbentur et confirmentur; singulosque juris facti et solemnitatum defectus, si quis in eisdem intervenerint, suppleantur; dictum membrum de Presingy sic, ut præmittitur, obligatum et arrendatum, et dicti exponentis successores sexdecim annis durantibus (licet dictum R. D. Abbatem decedere contigerit, seu dictam commendam quovismodo desierit) remanere obligatum et ad dictæ locationis et arrendationis observationem teneri declaramus; irritum et inane si secus super hæc a quoquam scienter vel ignoranter quavis auctoritate fuerit attentatum decernentes.

  A024004530 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, juge commissaire spécialement délégué par le Saint-Siège Apostolique pour exécuter ce qui suit, à tous ceux à qui les présentes parviendront, salut dans le Seigneur.

  A024004532 

 Après que ces Lettres Apostoliques en forme de Bref eurent été présentées à Nous et acceptées par Nous, Nous fûmes requis, avec l'instance qui convenait, par le même Révérend seigneur Vespasien Aiazza, de daigner procéder à leur exécution.

  A024004532 

 C'est pourquoi Nous, Evêque de Genève, commissaire apostolique susnommé, spécialement délégué pour exécuter ce qui va suivre, considérant que ladite pétition est juste et raisonnable; voulant, comme Nous y sommes tenu, exécuter librement les commandements Apostoliques à Nous adressés: attendu qu'il est de Notre connaissance que la partie des bâtiments du monastère d'Abondance qui était réservée [468] et assignée à l'habitation de son Abbé, et à l'exercice de la juridiction touchant ce monastère a été cédée par l'Abbé dans le but d'empêcher que lui-même et sa famille gênassent aucunement l'observance de la discipline de la part des moines qui y vivent actuellement, et cela en vertu du contrat intervenu entre le même Abbé et les moines susdits, envers lesquels il s'est engagé d'agrandir et de diviser l'église dans le délai de trois ans, afin que les Offices des moines et du curé puissent se célébrer sans empêchement réciproque.

  A024004532 

 Tout cela ne pouvant s'effectuer qu'après un long espace de temps, si l'on se contente des revenus du monastère, qui ne dépassent pas la valeur de douze cents écus d'or, qui sont grevés de nombreuses charges ordinaires et extraordinaires, ainsi que d'une pension accordée et à fournir à l'Illustrissime et Sérénissime Charles-Emmanuel, duc de Savoie: Nous accordons, en vertu de la susdite autorité Apostolique, au Révérend seigneur Abbé, ou commendataire perpétuel de la Bienheureuse Marie d'Abondance actuellement en charge, ou à son légitime procureur, de louer et donner à cens, pour seize ans, à n'importe quelles personnes, même laïques, le membre de Présinges, d'une valeur annuelle de cent [469] écus, à compter du jour de l'accensement, au prix de mille écus à payer en argent comptant et par anticipation; ou bien d'hypothéquer et de céder à un juste prix à ces dites personnes le même membre, toujours pour l'espace de seize ans; en outre, d'hypothéquer d'autres biens du monastère avec tous et chacun des contrats, conventions, commissions, obligations, soumissions, clauses de renonciation et précautions nécessaires et ayant coutume de figurer dans les actes; ainsi que d'exiger de ces mêmes personnes les sommes dues et de leur donner quittance pour celles reçues; enfin, de placer ces sommes sur un édifice sacré ou chez une personne digne de confiance et pouvant répondre, dans le but de faire le plus tôt possible la construction en question, nonobstant la Constitution de Paul II, d'heureuse mémoire, et autres ordonnances.

  A024004533 

 Nous déclarons que ledit membre de Présinges, hypothéqué et donné à cens comme ci-dessus, restera hypothéqué pendant seize ans (même s'il arrive que le Révérend seigneur Abbé meure, ou que la commende cesse d'exister), et que, pendant cette période de temps, les successeurs dudit exposant seront tenus de maintenir l'hypothèque et accensement; décrétant sans valeur ni force tout ce qui serait attenté de contraire à ces diverses dispositions par quelle autorité que ce soit.

  A024004553 

 Et Frere Jean Anthoine Rigault, hermite provençal, natif de la ville de Barjoulx, diocese de Frejus en la basse Provence du royaume de France; lequel, vestu et recommandé par le Reverend P. Inquisiteur General et Apostolique en Allemagne (ou ledict [474] Rigault enseignoit les langues vulgaires françoise, italienne, espagnole par la latine), et aussy recommandé par l'Illustrissime Legat de nostre Sainct Pere le Pape, resident audict pais en ville de Coullogne, fut receu en cest hermitage le onziesme julliet de l'annee dernier (sic), mil six centz dix neuf, a la priere et caution des RR. PP. Capuchins de ceste province ou du duché de Savoye, avec congé du sieur et Reverend Vicaire general, monsieur Rogez, soubz le futur bon plaisir de mondict seigneur Reverendissime se trouvant lors a Paris, qui, en consideration des susdictes recommandations, satisfaction du peuple, des bonnes mœurs et devotion dudict Rigault, consentement et desir desdictz Hermites, le tout par eux certifié, le leur donna et approuva pour leur confrere, et, en l'admettant audict hermitage, le sousmet, a sa propre requisition et comme les autres, a l'obeissance dudict Frere Jehan du Verney, prebstre, par ses lettres expresses du seiziesme jour de novembre, annee susdicte, mille six centz et dix neuf..

  A024004562 

 Or, estant aussy une tres ancienne, louable et saincte coustume des dictes personnes aggregées, de prendre et venerer pour protecteur ou patron singulier quelque favory de Dieu en sa Court celestielle, et n'en pouvant ny devant lesdicts hermites choisir de plus grands que les comprins au sacrésainct mistere de la Visitation, soubz le nom duquel cest hermitage fut dedié a Nostre Dame: assavoir, le benit et doulx fruict de son ventre virginal, nostre Dieu et Redempteur Jesus Christ, elle mesme et son bienheureux Espoux et vierge sainct Joseph qui l'accompaigna en si misterieux voyage, sainct Jean Baptiste, et ses pere et mere sainct Zacharie et saincte Elizabeth......

  A024004572 

 Et parce que, comme il n'y a poinct de genre de vie en l'Eglise de Dieu militante qui s'aproche plus de l'angelique, aussy nulle n'a tant de besoing de l'assistance des bons Anges que celle des hermites, ilz l'implorent des maintenant pour toujours.

  A024004580 

 Pour n'estre moins pieux a l'endroict des sainctz Peres de leur profession que les moindres et plus viles (sic) artisans a celuy des Sainctz, qui, vivant, exercerent quelque fois leur mestier, ilz implorent aussy leurs merites et intercession, et eslisent d'entreux pour Patrons sainctz Paul, Anthoine et Hilarion..

  A024004600 

 Ilz s'abstiendront tousjours en tout lieu de la chair, ainsy que les RR. PP. Chartreux, excepté du potage d'icelle, soit pours'accommoder aucunes fois aux personnes qui les visitent, n'estre contraincts eux mesmes et ne contraindre les aultres ailleurs a faire aultre potage, et tout ensemble supporter le travail du chemin.

  A024004608 

 A fin de mortiffier l'esprit par le corps, tous les vendredis, en l'hermitage, l'oraison matutine achevee, durant le recit du Psaulme Miserere mei, en penitence de leurs pechés et diminution des peynes des ames du Purgatoire, a l'honneur et commemoration de la discipline de nostre paix avec la justice de Dieu, volontairement soufferte par Nostre Seigneur et Redempteur Jesus Christ, les Peres hermites se la donneront aussi volontaire et par leur arbitre et mesure a leurs forces; si mieux n'aime qui ne la pourra tolerer, porter la haire ou cilice de crin trois jours de la sepmaine, ou jeusner au pain et a l'eau le vendredy, et comme les veilles le samedy, veu que a tous toutte penitence et austerité n'est pas convenable, aucune bien souvent plus contraire qu'utile au progres de la perfection.

  A024004608 

 Les Peres touttesfois n'y oublieront poinct le dire de sainct Paul, que, qui peu semera peu recuellira, nous exhortans ainsy a estre liberaux et diligens, et non avares et negligens en bonnes œuvres..

  A024004636 

 Ce pourquoy, les Freres l'observeront, hors de necessité, des l'oraison mentale du soir jusques a celle du matin, fuyans en tout temps et lieu tellement les parolles vaines, inutiles, oisifves et mondaines, que leur conscience n'ait d'en rendre compte aucun a Dieu qui l'exigera tres rigoureux..

  A024004640 

 Les Freres continueront de cultiver la charité entreux mesmes en touttes leurs necessités, compatissans les uns aux imperfections et foiblesses des autres, et a tout ce qui se rapporte a si divine vertu, et non moins a l'endroict des personnes ecclesiastiques et seculieres; persevereront au culte de l'hospitalité en lieu si desert, selon la Reigle d'œconomie de ce subject..

  A024004661 

 Le discours de l'œconomie y sera bien seant, et en tout la modestie religieuse qui conserve les fruicts de pieté comme les feuilles ceux de touttes plantes..

  A024004662 

 La recreation particuliere se reiglera par la commune, y fuyant, comme peste de la pieté et tranquillité des esprits, la medisance, censures et jugement des actions de qui que ce soit..

  A024004687 

 Auquel cas l'on luy renvoyera, avec le sceu de tous les Peres et relation veritable du delict, celuy qui en sera accusé, afin qu'il s'en puisse librement purger, sans forme ny figure de proces, et moins tergiverser en cas qu'il soit convaincu; craignans, et les uns et les autres, d'interpeller indiscretement Monseigneur..

  A024004692 

 L'on tiendra Livre de raison des affaires dudict hermitage, et specialement de tout ce qu'on questera, recevra, despendra et contractera de quelque importance, de et avec qui que ce soit, et sur tout pour l'edification du peuple..

  A024004713 

 Et puisque contrariorum eadem est disciplina, nul des Freres ja nommés et receus, ny autre qui le soit de semblable chemin, ne pourra estre congedié ou privé que par la mesme voye de ladicte reception, et pour fautes sans espoir d'amendement, ou scandale irreparable et grave, appres touttefois que la clemence de Monseigneur Reverendissime les aura ouy, et autant de fois qu'elle les aura jugé dignes, absous.

  A024004725 

 Parce que la quallité du lieu requiert que lesdictz Hermites [483] reçoivent en leur maison et donnent a manger, au moins quant au disner, a toutte sorte de personne de l'un et l'autre sexe, l'un d'eux leur portera ce qui sera jugé convenable, et aussy tost appres se retirera vers les autres Freres pour prendre a part avec eux leur repas, sauf si le R. Jehan du Verney estime a propos de leur faire luy mesme compagnie; fuyans, et les uns et les autres au possible, la conversation dangereuse et le trop de familiarité des femmes..

  A024004730 

 Le pain s'y fera d'une seule sorte et mediocrement bon pour tous les Freres, sauf celuy du mesnaige, meslant avec le froment le reste des bleds qu'on trouvera, afin d'en pouvoir donner, selon leur costume, aux honnestes gens qui la hault en sont bien souvent despourveus, se chargeant un chascun le moins qu'il peult pour monter la montagne..

  A024004735 

 Le Frere hermite despencier balliera, sans se le faire demander, a celuy des Freres qui montera ou descendra la dicte montagne, pour supporter le grand travail qu'il y a, demy pot de vin, mesure de Geneve approchant de la chopigne des lieux voysins; et au repas ordinaire, la moytié, ou deux verres honnestes, jusques a l'edifice parfaict, et lors le luy delivrera complet.

  A024004778 

 Nous, PIERRE FRANÇOIS JAY, Chanoine et Theologal de l'Esglise cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, avons leu diligemment les dictes Reigles par le commandement de Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, esquelles n'avons rien trouvé qui ne soit conforme a la doctrine de l'Esglise Catholique, Apostolique et Romaine, et aux bonnes mœurs, voire grandement faisant, autant que nous le pouvons entendre, a la perfection de la vie heremitique..

  A024004806 

 Si declarons en cœur (sic), soubz nostre serment en tel cas requis, estre nostre desir et contentement qu'il continue de vivre avec nous, nostre confrere bien aymé, le reste de sa vie; suppliant tres humblement mondict Seigneur Reverendissime et le sieur Reverend Surveillant de condescendre de leur costé a ce nostre souhait et requeste, qui l'est aussy de toutes les gens de bien qui l'ont cogneu......

  A024004819 

 D'autant que le saint, celebre et ancien hermitage du Mont de Voiron est fondé sous le vocable de la Visitation [489] de la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame, les Hermites qui y vivront des-ormais invoqueront particulierement et auront pour Patrons: en premier lieu (apres nostre Sauveur et Redempteur Jesus Christ, Ange du grand conseil et Mediateur de Dieu et des hommes ), les Saintz qui sont au mistere de la Visitation, c'est a sçavoir: la Vierge Marie, Mere de Dieu, saint Joseph, saint Jean Baptiste, patriarche des hermites, saint Zacharie et sainte Elizabeth; en second lieu, tous les bons Anges, specialement le chœur des Principautés; et en troysiesme lieu, saint Paul premier hermite, saint Anthoine et saint Hilarion..

  A024004823 

 Mais ceux qui auront fait la montee le jour auparavant, ou qui reviendront de la [490] queste, des moissons, vendanges, et en tems d'hiver, sont exceptés et leur sera permis de prendre un peu de repos..

  A024004824 

 Les Hermites prestres, ou qui sçauront lire ou entendre le latin, reciteront le grand Office du Breviaire Romain; et les laïcz qui ne sçauront lire reciteront le Rosaire, a l'imitation des Urselines, adjoustant neuf fois l'Orayson Dominicale et tout autant la Salutation Angelique, a l'honneur des neuf chœurs des Anges..

  A024004829 

 Les jours feriaux et ouvriers, apres l'action de graces du disner, les Hermites iront a l'eglise pour reciter les Litanies de saint Michel et des saintz Anges, avec commemoration de saint Paul, de saint Anthoine, de saint Hilarion, de l'Eglise triomphante, et adjousteront pour la militante l'orayson de saint Augustin qui se trouve au quarantiesme chapitre de ses Meditations..

  A024004834 

 Les Hermites estans a la queste ou a quelques negociations eviteront tout ce qui pourroit donner le moindre sujet de scandale, taschant de se comporter le plus conformement a l'ordre de l'hermitage qu'ilz verront judicieusement estre possible, sans incommoder personne; et estant de retour, jureront de tout ce qu'ilz auront receu ou negocié..

  A024004836 

 Celuy qui, desireux d'observer l'entiere solitude, apportera et joindra a la Communauté suffisamment pour son entretien, sera exempt de faire la queste.

  A024004837 

 Les Hermites obeiront a un Superieur qui soit pareillement hermite, ou autre tel qu'il plaira au Reverendissime Evesque de commettre, lequel aura tout le mesme pouvoir que les Ordres reformés donnent aux Superieurs.

  A024004843 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A024004844 

 Et specialement si Nous considerons, non seulement les miracles publiques qui arriverent en sa destination, mais encores, entre autres choses notables de sa reparation, que cette pieuse entreprise reuscit, graces a Dieu, si heureusement, que ladite devotion est frequentee de plusieurs milliers de peuples catholiques et de bon nombre d'heretiques circonvoisins, qui en demeurent pieusement edifiés et contribuent aussi promptement et charitablement de leurs aumosnes que les mesmes catholiques plus proches d'icelle, exhortant ouvertement les venerables Hermites, ses restaurateurs, a y continuer leur bon zele et probité..

  A024004844 

 Le culte et honneur de l'Immaculee Vierge Marie estans, apres ceux de Dieu son Filz, les plus recommandés et utiles en tous besoins, principalement en la conversion des heretiques a l'Eglise Catholique, qui, pour ce, luy chante meritoirement: Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti in universo mundo, il semble que Nous ne sçaurions asses cherement recommander la restauration, voire l'amplification et ornement du tres antique bastiment de Nostre Dame de la Visitation du Mont de Voyron, a la veuë orientale de ladite ville de Geneve et a la meridionale de Lausanne, affin qu'on y venere autant et plus la mesme tres glorieuse Mere de Dieu que le diable ne la voulut mespriser, prophanant et ruinant ledit saint lieu par l'introduction de l'heresie aux susdites villes [et] en la [494] duché du Chablaix.

  A024004858 

 Elles pourront aussi sortir du monastere aux chams et promenades qui sont autour d'iceluy, pour leur recreation, pourveu qu'elles soyent au moins la moytié ensemblement, sans se separer les unes des autres..

  A024004860 

 Et pour les visites des parens, amis et autres qui voudront voir les Religieuses, il faudra deputer quelque chambre hors le cloistre en laquelle telles visites puissent estre faittes, ou neanmoins les Religieuses n'aillent point qu'accompaignees de deux autres, pour la bienseance.

  A024004860 

 Le jardin proche du logis de madame l'Abbesse peut encor servir a cela, et l'eglise du costé de l'autel, selon la diversité des occurrences, en observant tous-jours la bienseance de n'estre pas seules en un lieu, bien que seules elles parlent a ceux qui les viennent voir, pendant que celles qui viendront avec elles s'entretiendront a part avec toute modestie..

  A024004861 

 Quant a la sortie des Religieuses es maysons de leurs proches et autres lieux, il seroit requis qu'elle fust du tout retranchee; mays cela semblant trop dur a quelques unes, il faut, pour le moins, que ce soit le plus rarement qu'il sera possible, puysque telles sorties ne se font gueres sans notable distraction d'esprit et murmuration de ceux qui les voyent dehors, et que les parens mesmes desireroyent que leurs Religieuses demeurassent en paix dans leurs monasteres, ainsy mesme que quelques uns m'ont librement dit..

  A024004862 

 Il seroit requis quil y eust un confessional en quelque lieu qui fust visible des le chœur, ou qui fust mesme dans le chœur, et que ce confessional fust fait en sorte que le confesseur ne vist point les Dames qui se confessent, ni elles luy, pour plusieurs raysons..

  A024004863 

 Comm'aussi il me sembleroit plus propre et plus seant que le confessional fust mis en sorte que les Dames fussent en iceluy dedans le chœur, et le confesseur dehors, comme il se peut faire et qui se fait en tous les monasteres bien reglés.

  A024004863 

 Il faut oster l'autel qui est dedans le chœur, et tirer tout au long une separation entre le chœur et le maistre autel, qui soit faitte a colonnes de bois ou de fer, et en laquelle [498] il y aye une porte par laquelle ou les Religieuses puissent sortir pour se presenter a la Communion, ou le prestre puisse entrer pour la leur porter dedans le chœur; sinon que la separation fust faitte en sorte que les Religieuses se disposans en rang le long d'icelle, le prestre puisse les communier commodement entre les colomnes: ce qui me sembleroit plus seant et plus propre, et fort aysé pour la gravité de l'action.

  A024004865 

 On y lira quelque chapitre ou article des Regles, ou mesme de quelque livre qui traitte de la discipline religieuse; puis on conferera par ensemble des defautz et manquemens qui se seront commis es Offices et observances regulieres, si on en a remarqué, et des moyens d'y remedier, avec toute la charité quil sera possible..

  A024004866 

 Et quant a celles qui ne les voudront remettre presentement, il faudra attendre que Dieu les en inspire..

  A024004866 

 Quant aux pensions, toutes sont exhortees de les remettre a la disposition de la Superieure qui, moyennant [499] cela, aura soin de faire fournir a toutes les necessités des Religieuses [qui] remettront les dites pensions.

  A024004886 

 Bien que le sacré Concile de Trente ait ordonné d'accorder à toutes les Religieuses un confesseur extraordinaire au moins trois fois par an, on ne le donne cependant jamais, surtout aux Religieuses [500] de Sainte-Claire qui, à cause de cela, souffrent beaucoup.

  A024004887 

 Ce serait donc une très grande charité si le Saint-Siège daignait pourvoir à ce que les Supérieurs, sans excuse ni tergiversation quelconque, fussent obligés de donner des confesseurs extraordinaires et les Religieuses de les recevoir; en sorte que toutes se confessant à eux, on ne pût savoir quelles sont celles qui en ont besoin.

  A024004911 

 A tous et chacun de ceux qui verront et entendront les présentes, Nous faisons savoir et attestons que Nous avons reçu avec toute l'humilité et révérence convenable les Lettres Apostoliques en [502] double expédition, en forme de Bref, sous l'Anneau du Pêcheur, de notre Très Saint Père le Pape Paul V, datées de Rome, près de Sainte-Marie-Majeure, le dix-neuf octobre, l'an 1613, du Pontificat du même Très Saint Pape Paul le neuvième, Lettres à Nous adressées pour l'affaire des Révérendes Doyenne et Chanoinesses de l'église Collégiale de Saint-Pierre, en la ville de Remiremont, diocèse de Toul, en cette teneur; sur le dos d'abord: [503].

  A024004913 

 Ils devaient s'enquérir avec diligence de la vie, des mœurs, pratiques et règlements de l'Abbesse et des Chanoinesses, ainsi que des Chanoines, prêtres et clercs qui sont attachés à la susdite église, en tenant compte de la doctrine Evangélique et Apostolique, des traditions des saints Canons, des Conciles généraux et des saints Pères.

  A024004914 

 Enjoignant pour cela à l'Abbesse, aux Chanoinesses, aux Chanoines, aux prêtres et aux clercs présents de vous obéir sans délai en tout ce qui a été dit'et en chaque chose, de recevoir humblement vos salutaires avertissements et commandements, enfin de s'efforcer de les suivre efficacement; sans quoi, toute sentence ou peine que vous prononceriez régulièrement contre des rebelles, Nous l'aurons pour ratifiée, et, avec l'aide du Seigneur, Nous la ferons observer à la lettre, nonobstant tout ce [507] que dans les présentes Lettres Nous avons eu l'intention d'écarter comme empêchement, et nonobstant aussi toutes choses contraires..

  A024004914 

 Nous vous commandons, en effet, et ordonnons de faire tout ce qui a été dit plus haut et tout ce qui se trouve dans les mêmes Lettres, et vous accordons, par la teneur des présentes, la faculté de l'exécuter.

  A024004914 

 « Mais aujourd'hui, pour certaines causes qui agissent sur Notre esprit, déchargeant l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul sus désignés de l'obligation, à eux imposée par Nous, de visiter l'église, son Abbesse, ses Chanoinesses, et les Chanoines en question, et révoquant la faculté à eux concédée plus haut, Nous les remplaçons par vous, vénérables Frères, Evêques de Genève et de Chrysopolis; par une action, une science et une plénitude de puissance semblables, Nous confions le soin et donnons l'ordre à vous trois par les présentes, que, procédant à vous trois, ou au moins à deux de vous ensemble, vous mettiez à exécution les susdites Lettres, en en suivant la forme en tout et pour tout.

  A024004919 

 En foi et témoignage de tout cela, Nous avons ordonné d'établir les présentes, signées de Notre propre main, et munies de l'impression du sceau qui Nous sert en semblables occasions..

  A024004927 

 Il seroit donq peut estre a propos de separer le lot et la portion des biens requis a l'entretenement des Religieux, monastere et eglise d'avec le lot et la portion qui pourroit rester a l'Abbé ou Prieur commendataire; en sorte que les Religieux n'eussent rien a faire avec l'Abbé ni l'Abbé avec eux, puisque chacun d'eux auroit son fait a part: comme l'on a fait tres utilement a Paris, des abbayes de Saint Victor et de Saint Germain.

  A024004929 

 Il y a, de plus, des Monasteres de Chanoines reguliers de Saint Augustin qui n'ont pas moins besoin d'estre reformés; ce que malaysement se pourra faire, sinon par changement d'Ordre.

  A024004931 

 Or, ce que j'ay dit de retirer quelques Monasteres dans les villes pour accroistre le nombre des chanoynes, regarde le bien de la noblesse de ce païs, laquelle est nombreuse en quantité, mais la plus part pauvre, et laquelle n'a aucun moyen de loger honnorablement ses enfans qui veulent estre d'Eglise, sinon es benefices qui se distribuent dans le [512] païs, comme sont les cures et les canonicaux, lesquelz on pourroit introduire saintement, ne devant estre distribués que par le concours aux gentilzhommes ou docteurs..

  A024004933 

 Et les procureurs general et patrimonial, chargés de tenir main, en toutes occurrences, a l'execution, avec expresse recommandation au Senat d'assister en toutes les occasions qui le requerroyent..

  A024004941 

 Mais affin qu'a mesme tems qu'on les reduyroit toutes es villes la reformation se fist, il serait requis que Sa Sainteté commist quelque Prselat qui establist es Monasteres tous les reglemens ordonnés par le Concile de Trente, et leur donnast des Superieurs auxquelz l'on peust avoir recours facilement..

  A024004942 

 Son Altesse donq, pour ce sujet, pourrait faire dresser une instruction a son Ambassadeur, affin quil obtinst deux commandemens de Sa Sainteté: l'un a l'Abbé de Cisteaux, General de l'Ordre dudit Cisteaux, a ce que promptement il fist retirer les Religieuses des monasteres de Savoye [514] dans les villes voysines, en lieu propre a leur demeure, en attendant qu'elles eussent fait un nouveau monastere; l'autre, a l'Evesque de Maurienne et a l'Evesque de Geneve, a ce qu'ilz tinssent main affin que tous les reglemens ordonnés par le Concile fussent establis non seulement es Monasteres de Cisteaux, mais en tous autres Monasteres de femmes qui sont en Savoye..

  A024004957 

 Pour ce sont exhortés tous fidelles Chrestiens, principalement ceux qui n'auroyent eu commodité de venir au saint Jubilé dernierement celebré audit lieu, qu'ilz ne perdent a present un si riche [517] tresor et grace singuliere qu'ilz trouveront en ladite esglise, comme aussi de s'efforcer par bonnes œuvres honorer et protester la sainte foy Catholique audit lieu, pour la conversion des heretiques, a l'honneur de la divine Majesté..

  A024004966 

 Ceux qui desireront estre agregés seront tenus de la frequenter, en assistant aux Offices qui s'y chantent et aux Messes qu'on y celebre, l'espace de trois mois au paravant que d'estre receus, afin que pendant ce temps ils puissent donner des asseurances de l'integrité de leur vie, bonnes mœurs, zele et assiduité..

  A024004967 

 Les dits confreres s'assembleront en la chapelle de la dite Confrerie à sept heure (sic) du matin, pour y chanter l'Office de Nostre Dame et ouïr la Messe ensemblement en habit: à sçavoir, les premiers Dimanches de chasque mois, les cinq festes de Nostre Dame qui sont la Purification, l'Annonciation, l'Assomption, la Nativité et l'Immaculee Conception; les festes des SS. Fabien et Sebastien, de sainct Roch et la premiere de Pentecoste.

  A024004970 

 De plus assisteront aux Grandes Messes de Requiem qui se disent dans la dite chapelle le lendemain des cinq festes susdites de Nostre Dame, pour le repos des ames des confreres et consœurs trepassés.

  A024004973 

 Les sœurs de la dite Confrerie feront à l'alternative les stations devant le tres Sainct Sacrement de l'autel aux heures qui leur seront assignees par billet, jusques à celles de six du soir du Jeudi Sainct, passé les quelles les dicts confreres les feront à la mesme forme jusques au lendemain, que le Sainct Sacrement sera remis au maistre autel; les quatre confreres qui se rencontreront alors porteront le dais..

  A024004977 

 Ceux qui ne se pourront trouver en la chapelle se manderont excuser au Prieur; et neantmoins diront ce jour-là leur Office, ou Chappellet, pour participer aux prieres qui se font en l'assemblée..

  A024004979 

 A l'entrée, celuy qui sera receu, sera tenu de se confesser et communier..

  A024004983 

 Ils porteront le defunct eux mesmes en habit; que s'il ne se trouvoit des confreres en nombre, feront donner des habits à ceux qui les porteront..

  A024004986 

 Les confreres s'en allant dehors seront tenus de prendre billet [519] de leur reception des mains du Secretaire, pour leur servir d'excuse et pour pouvoir, au besoin, assister aux Offices qui se font en d'autres Confreries..

  A024004995 

 Et qui finisco, pregandole dal Cielo, di questo felice anno nuovo, chiaro et sereno, buon principio, miglior mezo et ottimo fine.


25-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXV-Vol.4-Opuscules.html
  A025000049 

 Constitution XXXI. Des seurs choisies pour conseiller la Superieure et qui pour cela sont appellees ses coadjutrices 52.

  A025000065 

 Constitution XLIII. De la premiere reception de celles qui desireront estre de la Congregation.

  A025000126 

 De l'eslection de celles qui visiteront les malades.

  A025000143 

 Article 27.Des scrupules qui peuvent arriver touchant l'obeissance.

  A025000156 

 De celles qui servent a la cuysine.

  A025000174 

 Des personnes qui peuvent estre receues en cette Congregation et de leurs qualités.

  A025000183 

 Du parler, des recreations et des conversations qui se font entre les Seurs.

  A025000196 

 Des jeunes filles qui seront receues dans la mayson pour y estre instruites.

  A025000212 

 De la premiere reception de celles qui desireront estre de la Congregation.

  A025000230 

 Directoire de celle qui aura charge des papiers.

  A025000246 

 Directoire de la Seur qui a charge des ouvrages.

  A025000304 

 Saint Ignace, disciple des Apostres, [3] escrivan aux Philippiens: «Je salue,» dit-il, «l'assemblee des vierges et la congregation des vefves;» et ailleurs il recommande a ceux de Tharses d'honnorer les vierges «comme consacrees a Dieu,» et les vefves comme l'autel ou «sacraire de Dieu;» et en l'epitre aux Anthiochiens: «Que les vierges,» dit-il, «reconnoissent a qui elles sont consacrees;» et finalement, a Heron: «Conserve les vierges comme joyaux de Jesus Christ.».

  A025000306 

 Or, presque toutes, tant les unes que les autres, mais [4] notamment celles de la premiere bande, qui vivoyent en congregation, estoyent consacrees par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que saint Ambroise ne dit pas a la vierge descheüe sur ce sujet? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur sainte Marceline fut consacree par le Pape Libere en l'eglise de Saint Pierre de Rome, et le propre jour de Nouel? Certes, c'estoyent ordinairement les Evesques qui celebroyent ces consecrations, comme il est ordonné au Concile de Cartage, auquel le grand saint Augustin assista, et par saint Leon le premier, escrivant aux Evesques d'Allemaigne et de France; et est commandé dans le Pontifical que l'on ne les face qu'es jours de feste ou de Dimanche..

  A025000307 

 Et bien que plusieurs anciens et graves scholastiques penseront jadis que cette solemnité estoit une proprieté naturelle [5] et essentielle des vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface VIII ayant du despuis determiné le contraire, il ny a plus lieu quelcomque d'en disputer, ains faut avouer ingenuement que cette proprieté n'est nullement inseparable des vœux de Religion, puisque anciennement les plus celebres et saintz Religieux faysoyent leur Profession sans icelle, et que, en nostre aage, le Pape Gregoire XIII l'a attachee aux vœux simples en faveur de la tres illustre Compaignie du Nom de Jesus; declarant asses en cela que cette solemnité depend tellement de l'authorité de l'Eglise, qu'elle la peut oster aux vœux solemnelz sans pour cela les rendre simples, et l'adjouster aux vœux simples sans pour cela les rendre solemnelz, selon qu'il est expedient au bien des ames et a la gloire du Createur: ainsy qu'ont doctement expliqué le chancelier Jean Gerson, les Cardinaux Cajetan et Bellarmin, les docteurs Lessius et Azor, et briefvement, mais pertinemment a son accoustumee, Hierosme Platus en ses beaux livres Du bien de l'estat religieux, et en fin le tres docte Thomas Sanches qui en cite une legion d'autres..

  A025000307 

 Mays quand je dis qu'elles estoyent consacrees par des vœux celebres et publiqs, je ne veux pas pourtant dire qu'ilz fussent solemnelz de la solemnité dont les scholastiques et canonistes parlent, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses sont totalement invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Peres, et selon la parole du grand Apostre, les vierges et vefves qui par vœu et profession publique estoyent sacrees a Dieu, ayent tous-jours esté tenues en execration l'ors qu'elles rompoyent et violoyent leur vœu, si est ce que, comme dit clairement saint Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité de telles noces ayant seulement esté introduite, premierement par l'authorité ordinaire de quelques Evesques en leurs diocœses, puis par le Concile general tenu a Rome environ l'an 1136 ou 1139 sous Innocent second.

  A025000308 

 Apres quil a dit que cet admirable Praelat induisit plusieurs hommes a la chasteté: «Mais le nombre des femmes,» [6] adjouste-il, « fut beaucoup plus grand, se remplissans de vierges non seulement les cloistres sacrés, ains aussi divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocaese, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis; et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, si nombreuse en femmes et vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté sous l'observance de leurs propres Regles.».

  A025000309 

 Ainsy sainte Françoise Romaine, divinement inspiree, institua la Mayson de la Tour des Mirouers en tiltre de simple Congregation, qui est encor en grande splendeur de pieté a Rome; comm'aussi a Cremone, la Congregation des vierges de Nostre Dame; et de mesme y en a il en divers autres endroitz.

  A025000311 

 Et de la vient, ainsy que les mesmes Docteurs remarquent, que les Regles, comme fondemens principaux de la vie religieuse, doivent estre appreuvees par l'authorité de l'Eglise catholique ou par Decret apostolique; mais les Constitutions, qui ne contiennent que les moyens et la methode de bien observer la Regle, n'ont nul besoin d'estre confirmees que par l'authorité des Superieurs ordinaires, ou par les Chapitres des Religions..

  A025000311 

 Pour cela, donq, je vous presente cette sacree Regle, que vous suivres meshuy comme le vray chemin auquel vous [8] deves marcher pour parvenir a la perfection de la vie religieuse, y ayant joint vos Constitutions, qui sont comme des marques mises en ce chemin affin que vous le sachies mieux tenir; car, comme disent les Docteurs, les Regles des Religions proposent les moyens de se perfectionner au service de Dieu, et les Constitutions monstrent la façon avec laquelle il les faut employer.

  A025000312 

 Et depuis, plusieurs Instituteurs de divers Ordres de Religieux ont laissé des autres tres saintes Regles, ou du moins des Constitutions qui tiennent lieu de Regle, pour leurs Congregations: comme le grand patriarche saint Benoist, duquel la Regle est si hautement louee par saint Gregoire le Grand, le seraphique saint François d'Assise, saint Bruno, saint François de Paule, le bienheureux Ignace de Loyole..

  A025000312 

 Je sçay bien qu'au commencement de l'Eglise les Congregations religieuses durerent quelque tems et firent des merveilles au service de Dieu sans avoir presque aucunes Regles escrittes, ains par la seule observance des coustumes que la commune pratique et devotion des ames qui s'estoyent assemblees avoyt introduites, et par la bonne conduite des Superieurs suivie de la parfaite obeissance des inferieurs, desquelz la simplicité et bonne foy tenoyent heureusement lieu de loy.

  A025000313 

 Qui fait que non seulement plusieurs Congregations de Religieux cloistriers, comme celles des Chanoines et Clercz reguliers, des Eremitains, de Saint Dominique, de Saint Hierosme, de Saint Anthoine, de Presmonstré, des Servites, des Cruciferes, mais aussi les Ordres de plusieurs Religieux chevaliers, comme ceux de Saint Jean de Hierusalem, ceux des Saintz Maurice et Lazare, les Theutoniques, ceux de Saint Jaques et plusieurs autres, se sont rangés sous l'estendart de cet admirable conducteur..

  A025000314 

 Et partant, affin que nul ne vous puisse troubler sur cette occasion, je veux prevenir leurs questions et demandes frivoles, et par mesme moyen esclaircir quelques difficultés qui pourroyent arrester vostre esprit en la lecture d'icelle..

  A025000314 

 Or, bien que cette Regle soit visiblement tressainte et que, comme appreuvee de l'Eglise, elle doive estre hors de toute censure, ains que le seul nom de celuy qui l'escrivit la deust rendre venerable a tous ceux qui portent [10] le tiltre de chrestien, si est-ce que la folle temerité des enfans du monde ne laisse pas de vouloir y treuver je ne sçay quoy a dire, par maniere d'affectee curiosité.

  A025000315 

 Ce que le glorieux Pere commande: «Avant toutes choses, que l'on ayme Dieu et le prochain,» n'est pas mis en sa Regle comme pour vouloir faire penser qu'il soit l'autheur de ces commandemens; car, qui ne sçait que non seulement ilz sont de Dieu, ains qu'ilz sont le suc, la moelle et l'abregé de toute la loy de Dieu? Mays ce que Dieu a commandé, ce sien serviteur le recommande comme la fin et prœtention unique pour laquelle il a dressé sa Regle et sa Congregation, et a laquelle tout se rapporte..

  A025000316 

 Ainsy disons nous que la logique contient les praeceptes de bien argumenter; la rhetorique, les praeceptes de bien parler ou haranguer; et appelions praecepteurs non tant ceux qui nous commandent, comme ceux qui nous instruisent.

  A025000316 

 Et de fait, la parole latine de praecepte, dont saint Augustin use, ne porte pas tous-jours force de commandement absolu, ains fort souvent signifie la methode, le moyen, la maniere, l'instruction et l'art pour bien faire quelque chose; voyre mesme elle est prise quelquefois pour un simple advis de ce qui est expedient.

  A025000317 

 Et certes, puisqu'aussi bien faut: il ordinairement que les Superieurs moderent ou aggravent les loix punitives par la consideration des diverses circonstances qui accroissent ou diminuent les fautes, n'est-il pas bon de laisser les impositions des pœnitences a leur jugement et prudence?.

  A025000318 

 Et neanmoins, ces articles de la Regle servent de lumiere pour faire voir comm'elles en doivent observer quelques autres qui sont encor maintenant en usage..

  A025000318 

 Il y a voirement en cette Regle quelques articles qui semblent n'avoir plus aucun usage: comme par exemple, de n'aller aux bains que tous les moys et que les Seurs ne sortent pas qu'accompagnees; car on ne doit plus sortir maintenant que pour des causes si grandes, si necessaires et rares qu'on peut dire en verité que les Seurs observantes ne sortent jamais.

  A025000319 

 En l'article qui dit: «Domtés vostre chair par jeusnes et abstinences selon que vostre santé le permet,» le bienheureux Pere ne donne pas liberté pour cela a chasque Religieuse de faire des austerités de sa teste, ni de discerner ce que sa santé luy permet; car au contraire, comm'il est porté en un autre article, c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est expedient.

  A025000319 

 Et au Livre premier des Mœurs de l'Eglise, (Inscrivant la façon de vivre des Religieux et Religieuses de son tems, il dit que plusieurs de forte complexion s'accommodoyent de vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et que, [12] quand les foibles refusoyent de boire et de manger ce qui leur estoit convenable, on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus debiles que saintz, plustost malades que mortifiés. Ce qu'a la verité arrive a plusieurs, notamment parmi les femmes, qui, trompees de leur imagination, constituent la sainteté en l'austerité, et entreprennent plus aysement de priver leurs estomacs de viande que leurs cœurs de leur propre volonté..

  A025000320 

 Celle qui a la charge des autres est appellee Praeposee, comme qui diroit: mise et posee au devant ou au dessus de la Congregation, et qui est praesidente a icelle, qu'on pourroit aussi appeller Praeferee.

  A025000321 

 Et presque en mesme sujet, au troisiesme Concile de Cartage, auquel le saint Pere fut present: «Lhors que les vierges sacrees seront destituees de leurs peres et meres qui les protegeoyent, qu'elles soyent retirees en quelque monastere de vierges par la providence de l'Evesque, ou bien par celle du Prestre, si l'Evesque est absent.» Ce sont les parolles du Concile.

  A025000321 

 Il est dit au bout de la Regle: «Que l'on obeisse a la Superieure, et beaucoup plus au Prestre qui a soin de toutes.» Mays, qui est donq ce «Prestre qui a soin de toutes»? Certes, dautant qu'en la Regle des Freres aussi bien qu'en celle des Seurs cett'obeissance au Prestre est souvent inculquee, ceux que j'ay veu des interpretes de cette Regle ont creu que c'estoyt l'Evesque; «dautant [13],» dit un d'entre eux, qui a fait de bonnes et belles remarques sur icelle, «que les Chanoynes reguliers en dependoyent; mays despuis que les Evesques et leur clergé se sont, par dispense apostolique, secularisés, cest ordre n'est plus gardé.» Or, a la verité dire, quant a ce point je ne puis consentir a cette interpretation; car encor qu'au commencement de l'Eglise les noms de praestre et d'Evesque fussent souvent confondus et passassent l'un pour l'autre, ainsy qu'il est aysé a voir es Actes et es Epitres des saintz Apostres, si est ce que du tems de saint Augustin ces motz n'estoyent plus en cet usage et n'appelloyt on pas les prestres Evesques, ni les Evesques simplement prestres, comme luy mesme le tesmoigne en l'epistre [14] quil a escrite a saint Hierosme; et ne me souviens pas que jamais saint Augustin en ayt usé autrement.

  A025000321 

 Mais il y a plus; car au commencement de l'epitre ou la Regle est inseree, il est parlé manifestement de ce mesme Prestre qui avoit soin du Monastere, sous le nom de Praevost ou Praefect..

  A025000321 

 Mays ce qui m'oste du tout de doute en ce point, c'est que saint Augustin, en cette mesme Regle des Seurs, distingue clairement le prestre d'avec l'Evesque, disant que si quelque Seur «est convaincue d'avoir receu des lettres ou presens en secret, elle» doit estre «griefvement corrigee et chastiee selon qu'il sera advisé par la Superieure, ou par le Prestre, ou mesme par l'Evesque.» Ainsy est distingué le Prestre d'avec l'Evesque.

  A025000322 

 Nous avons mesme encor, en ce diocaese de Geneve, quelques Monasteres de Chanoynes reguliers qui sont de la jurisdiction episcopale; et y en a plusieurs ailleurs, notamment de filles, qui, selon l'ancienne discipline, sont en mesme condition.

  A025000323 

 Ce «Prestre», donq, dont il est parlé en la Regle, estoyt ou le Curé qui, comme a remarqué le docte Filesac, theologien de Paris, estoit jadis nommé simplement «le Prestre» par excellence; ou bien c'estoit le Prestre particulier, auquel l'Evesque avoit commis le soin du Monastere pour les choses spirituelles et administration des Sacremens.

  A025000323 

 Saint Hierosme, en l'Epitaphe de sainte Paule, parlant des Religieuses qui estoyent es trois monasteres de Bethleem: «Elles sortoyent,» dit-il, «seulement le jour du Dimanche pour aller a l'eglise qui estoit a costé de leur sejour, chasque trouppe suivant sa Mere; et de la s'en retournant, elles s'appliquoyent aux exercices qui leur estoyent assignés.» Saint Pacome et ses Religieux appelloyent un des prestres du voysinage pour recevoir la divine Eucharistie (est il dit en sa Vie) et les immortelz Sacremens; «estimant,» disoit il, «que c'est chose profitable aux Monasteres de communiquer aux [17] eglises.» La rayson de ceci fut que les prestres estoyent rares, l'Ordre de prestrise estant en si grande consideration parmi ces Anciens, que peu de gens osoyent se faire promouvoir.

  A025000323 

 Tant y a, donq, que le Prestre dont il est parlé en la Regle estoit ou le Curé, ou celuy que l'Evesque commettoit a part pour le Monastere, comme qui diroit le Pere spirituel; et tout ainsy que la Superieure avoit la direction ordinaire des Religieuses, aussi es choses d'importance et extraordinaires on appelloit le Pere spirituel, et si celane suffisoit, onrecouroit finalement a l'Evesque..

  A025000324 

 Ce qui est defendu que l'on ne porte pas les voyles si desliés qu'on puisse voir, a travers, la coeffeure, c'est parce qu'en Afrique, païs extremement chaud, les filles et femmes ne plioyent leurs cheveux qu'avec des petites coeffes de filet qu'on appelle en latin retiola, comme petitz retz et filetz, et en françois «du lacis», comme petitz laqs ou lacetz.

  A025000327 

 Ce qu'il donne permission aux Seurs d'aller «une fois le moys» aux estuves, provient de la bonne opinion que les Anciens avoyent des bains; lesquelz, comme plusieurs prenoyent pour le seul playsir, aussi les autres, notamment es regions chaleureuses, les prenoyent pour tenir leurs cors netz des crasses que le hasle et les sueurs salees et adustes produisoyent, et les autres pour la santé, qui certes est grandement aydee de la netteté.

  A025000327 

 Saint Augustin mesme, racontant l'ennuy extreme qu'il eut du trespas de sa mere, dit que pour s'en alleger il alla aux bains; ayant appris qu'ilz estoyent appellés par les Grecz d'un nom qui tesmoignoit leur efficace a chasser l'ennuy et la melancolie.

  A025000328 

 Certes, saint Policarpe, disciple des Apostres, au recit de saint Irenee a tesmoigné que le glorieux saint Jean Evangeliste entrant en un bain a Ephese pour se laver, et y treuvant Cerinthus, haeresiarque, dit a ceux qui estoyent avec luy: «Retirons nous hastivement d'icy, de peur que nous ne soyons accablés de la cheute de cette estuve en laquelle est l'ennemi de la verité.» Ce grand Disciple bien-aymé de Nostre Seigneur ne faysant donq point de difficulté [19] d'aller aux bains, qui pourra, je vous prie, censurer la douceur de saint Augustin s'il en permet l'usage aux Seurs de son Ordre? Je voy que quelques uns ont attribué cette action de saint Jean a une speciale inspiration, comme s'il fut allé aux bains pour avoir sujet de dire la celebre parole qu'il y dit contre Cerinthus; et je voys quant et quant que ce sentiment merite voyrement de n'estre pas mesprisé, a cause du credit que les autheurs d'iceluy ont justement merité parmi les amateurs des Lettres sacrees.

  A025000328 

 Et me semble que cela estoit fort convenable a son humeur naturelle qui le portoit, non tant comme un aigle que comme une blanche colombe, a desirer la netteté et du cœur et du cors, et le faysoit marcher, comme un enfant de suavité en son innocence, avec plus de simplicité et de confiance d'amour que de timidité et d'affection a l'aspreté et rigueur: tesmoin sa petite perdrix, avec laquelle il recreoit quelquefois son ame angelique.

  A025000328 

 Mays c'est une entorse neanmoins que l'on donne a l'histoire, en faveur de la rigoureuse et imployable austerité qu'on estime avoir deu regner en l'esprit de ce grand Saint; car au reste, saint Irenee, qui est le premier escrivain de cette histoire, sur la tres asseuree foy de saint Policarpe, dit au contraire expressement que ce glorieux Evangeliste alloit aux bains pour se laver.

  A025000329 

 En effet, cela eut esté executé, si le bon moyne Petronius n'eut intercedé pour luy et ne se fut rendu caution de son futur amendement: charité qui succeda extremement bien, car Sylvain se corrigea et mourut saint..

  A025000329 

 Et ce qui est plus a mon propos, le nompareil saint Augustin l'ordonne en cette sainte Regle, de peur, dit il, qu'une ame empestee n'empeste et infecte toute une Congregation.

  A025000329 

 L'article de l'expulsion des incorrigibles est fascheux aux gens du monde qui ne voudroyent jamais revoir parmi eux les filles dont ilz se sont une fois deschargés, et ceux qui l'ont veu ci devant en vos Constitutions l'ont apertement blasmé; mays, comme disent les doctes Azor [20] et Lessius, apres plusieurs graves autheurs, c'est un article du Droit canon et de droit de nature, et par consequent de droit divin.

  A025000330 

 Car, quant a moy, je l'avois des-ja bien veue en la belle epistre 109 de saint Augustin; mais, ni je n'en avois [21] pas la memoire presente, ni je ne dressay pas ces Constitutions selon mon seul entendement, ains beaucoup plus selon la devote inclination des ames qui furent si heureuses d'estre appellees par l'Esprit de Dieu pour commencer cette si pieuse maniere de vie.

  A025000332 

 Il donnera de l'amertume a vostre interieur, car il vous conduit a la parfaite mortification de vostre propre amour; mays il sera plus doux que le miel a vostre bouche, par ce que c'est une consolation nompareille de mortifier l'amour de nous mesmes pour faire vivre et regner en nous l'amour de Celuy qui est mort pour l'amour de nous.

  A025000332 

 Somme toute, mes tres cheres Filles, a Dieu soit honneur et gloire, qui de toute eternité prepara ces saintes Regles pour vostre Congregation et vostre Congregation pour l'observance de ces Regles, ayant mesme ordonné, par une conduite admirable de sa Providence, que vos Constitutions fussent tout ainsy que des ruysseaux qui coulent et tirent leur origine des propres paroles et de l'esprit d'icelles, comme de leur vraye source et tres pure fontayne; qui me fait hardiment vous prononcer cette exhortation: Venes, o Filles de la benediction eternelle, et comme il fut dit a Ezechiel et au cher bienaymé du Bienaymé de vos ames: Venes, tenes, prenes et manges ce livre, avales le, remplisses en vos poitrines et en nourrisses vos cœurs; que les paroles d'iceluy demeurent jour et nuit devant vos yeux pour les mediter et sur vos bras pour les prattiquer, et que toutes vos entrailles en louent Dieu.

  A025000333 

 Soyes donq fortes, fermes, constantes, invariables; et demeures ainsy, affin que rien ne vous separe de l'Espoux celeste qui vous a unies ensemblement, ni de cette union qui vous peut tenir unies a luy, en sorte que, n'ayant toutes qu' un mesme cœur et qu' une mesme ame, il soit luy mesme vostre seule ame et vostre cœur..

  A025000334 

 Bienheureuse l'ame qui observera cette Regle, car elle est fidele et veritable.

  A025000334 

 Et a toutes les ames qui la suivront soit a jamais donnee abondamment la grace, paix, consolation du Saint Esprit.

  A025000340 

 S t Gregoire Nazianzene, rendant un illustre tesmoignage a cette verité, les divise en deux bandes: «Il y a plusieurs femmes,» dit-il, «en toutes les regions que la salutaire doctrine de J. C. a parcourues, desquelles une partie vit en societé, nourrissant un mesme desir de la vie caeleste, et suivent un mesme institut de vie; mais les autres assistent soigneusement a leurs peres et meres infirmes, et a leurs freres, qui sont tous tesmoins de leur chasteté.».

  A025000341 

 Or, celles de la premiere sorte, qui estoyent en congregation, vescurent, ce semble, toutes sans avoir des Regles escrites, sous la seule observance des coustumes introduites entre elles par leur commune devotion, jusques environ le tems de Constantin, que S t Pacome ayant receu sa Regle pour les hommes d'un Ange, il la donna par apres a la congregation des Seurs erigee a Tabenne, qui ne dura que quelque tems; et tost apres, S t Basile en l'Eglise grecque, et S t Augustin en l'Eglise latine; et sainte Melanie la Jeune, en Hierusalem, donna des loix a sa Congregation, ainsy qu'il est dit en sa Vie..

  A025000342 

 Qui fait que non seulement plusieurs Congregations de Religieux cloistriers, comme celle des Chanoynes reguliers, des Haeremitains, de S t Ruf, de S t Dominique, de S t Anthoyne, de Praemonstré, des Servites, des Crucifers, mais aussi plusieurs Religieux chevaliers, comme sont les Chevaliers de S t Jean de Hierusalem, des S ts Maurice et Lazare, de S t Jaques, les Theutoniques....

  A025000343 

 Et il ny a point de doute pour ceux qui ont tant soit peu hanté les escritz des anciens Peres, que toutes ces Congregations de femmes ne fussent establies par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que S t Ambroyse ne dit pas sur ce sujet a la vierge decheue? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur S te Marcelline fut consacree le jour de Noel, en l'eglise de S t Pierre, par le Pape Liberius?.

  A025000344 

 Et bien que les plus anciens et graves scholastiques eurent jadis opinion que cette solemnité estoyt de la propre nature de ( sic ) vœux de Religion, si est ce que le Pape Boniface huitiesme ayant du despuis determiné le contraire, il ne faut plus en disputer, ains avouer ingenuement que cette solemnité n'est nullement de l'essence des vœux de Religion, puisque anciennement tous les vœux des Religions estoyent sans cette solemnité, et que de nostre aage le Pape Gregoire tresiesme a declaré invalides les mariages de ceux qui en la tres illustre Compaignie de Jesus auroyent faitz les vœux, quoy que seulement simples.

  A025000344 

 Mays, pour parler avec les scholastiques et canonistes, ilz n'estoyent pas pourtant marqués de la marque de solemnité que despuis on y a adjousté, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses professes sont invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Pere ( sic ) et selon l'expresse parole du saint Apostre, les vierges ou vefves qui par vœu et profession publique estoyent consacrees, ayt ( sic ) tous-jours esté tenues en execration lors qu'elles rompoyent et violoyent leurs vœux, ou par mariage ou autrement, [26] si est ce que, comme dit clairement S t Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité d'iceux ayant seulement esté introduite par droit ecclesiastique, et premierement par authorité de quelques Evesques en leurs dioceses, puis par le Concile general tenu a Rome l'an 1139, sous Innocent second.

  A025000344 

 XII, c. 6, quaesito [2,] 3 et 8 et passim, le docte Thomas Sanchez qui en cite une légion d'autres..

  A025000345 

 Ainsy le tres glorieux S t Charles, mirouer des Praelatz de nostre aage, erigea plusieurs Congregations de diverses sortes pour les filles et femmes, et a son exemple, les Reverendissimes Evesques de sa province; car voyci ce qui est escrit en sa Vie.

  A025000345 

 Apres quil a esté dit quil induisit plusieurs hommes a la chasteté: «Mays le nombre des femmes,» poursuit l'autheur, «fut beaucoup plus grand, se remplissans de vierges non seulement les cloistres sacrés, ains divers nouveaux colleges fondés a cett' intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de S te Ursule qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise..

  A025000345 

 De sorte qu'en fin il s'ensuit qu'il peut y avoir en la S te Eglise trois sortes de Congregations de femmes (car je ne parle point des autres): les unes, qui sont establies en tiltre de Religion par les vœux solemnelz; les autres, qui sont establies en tiltre de simple Congregation par les vœux simples; et les autres, qui sont en tiltre de Congregation [27] simple, par une simple oblation, sans aucun vœu.

  A025000347 

 ains il y a quelques articles en la Regle qui ne sont plus en usage: comme par exemple, de sortir de la Mayson pour les bains et pour quelques autres causes ordinaires; car on ne sort plus maintenant sinon pour des causes du tout necessaires et, par consequent, infiniment plus rares..

  A025000349 

 En l'article qui dit aux Seurs: «Domtes vostre chair par jeusnes et abstinence de manger et boire autant que vostre santé le permet,» S t Augustin ne donne pas pour cela liberté a chasque Religieuse de faire des austerités a son gré, ni de discerner quand sa santé luy permet de jeusner ou ne jeusner pas; car il est porté en un autre article, que c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est requis.

  A025000349 

 Et non seulement cela, mais en cet excellent chapitre trente troysiesme du premier Livre des Mœurs de l'Eglise Catholique, ou il descrit la maniere de vivre des Religieux et Religieuses de son aage, il dit que plusieurs de bonne complexion s'accommodoyent a vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et de plus, il dit encores que quant les foibles refusoyent de boire et manger ce qui leur estoit convenable on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus tost debiles que saintz.

  A025000350 

 En somme, ce grand S t Augustin, selon la celeste sagesse et l'incomparable charité que Dieu luy avoit departi, [29] composa sa Regle en sorte que, comme S t Hierosme confesse de soymesme, on reconnoissoit Nostre Seigneur et Sauveur estre habitant en luy; et eut bien peu dire, a l'imitation du glorieux S t Paul: Requeres vous quelque experience de Celuy qui parle en moy, a sçavoir Jesus Christ? et de rechef: J'ay esté fait toutes choses a tous, affin de les sauver tous.

  A025000352 

 [Mais, bien qu'elle] merite du respect a cause de l'authorité quilz ont merité en l'Eglise, c'est une entorse que l'on donne a l'histoire, en faveur de la rigoureuse et impliable austerité qu'on estime devoir regner en tous les serviteurs [de Dieu]; car S t Irenee, qui est le premier qui rapporte cette histoire de S t Jean, sur la tres asseuree foy de S t Policarpe, dit expressement que cet admirable Apostre alloit aux bains pour se laver.

  A025000354 

 Il faut neantmoins confesser qu'en ces contrees de deça il n'est pas si necessaire de parler clairement de ce malheur qui ny est aussi pas maintenant si frequent..

  A025000354 

 Mays par ce qu'en ce tems le nom de telz pechés n'est jamais tant censuré qu'estant prononcé par ceux qui ne les nomment que pour les reprendre, corriger et detester, je n'ay pas estendu au long tout ce qu'en escrit le s t Pere; quoy que devant toute sorte de juste juge on deut pouvoir parler en asseurance apres un maistre de telle authorité.

  A025000361 

 Ce sont icy les choses que nous ordonnons estre observees par vous qui estes au Monastere:.

  A025000369 

 Que vous observies ce pourquoy vous estes assemblees et congregees, qui est que vous habities unanimement en la Mayson, et que vous n'ayes qu' un'ame et un cœur en Dieu..

  A025000377 

 Et que ce qui est requis pour la nourriture et les vestemens soit distribué a une chacune d'entre vous par vostre Superieure, non pas egalement a toutes, parce que vous n'estes pas toutes de mesme complexion, mais a une chacune [32] selon qu'il sera besoin; car ainsy lises vous es Actes des Apostres (chapitres 2 et 4), que toutes choses leur estoyent communes et qu'on distribuoit a un chacun en particulier selon sa necessité..

  A025000378 

 Et toutefois, qu'on baille ce qui est necessaire pour leur infirmité, quoy que leur pauvreté n'eust pas peu mesme treuver les choses qui leur estoyent necessaires tandis qu'elles estoyent au siecle; et que, pour cela, elles ne pensent pas d'estre heureuses si elles ont treuvé la nourriture et les vestemens telz qu'elles ne les eussent peu treuver dehors..

  A025000378 

 Que celles qui avoyent quelque chose au siecle lhors de leur entree au monastere, veuillent librement que cela soit commun; mais celles qui n'avoyent rien, qu'elles ne recherchent pas au monastere ce que mesme elles n'ont pas peu avoir hors d'iceluy.

  A025000382 

 Mais de rechef, que celles mesmes qui sembloyent estre quelque chose au monde ne desdaignent point leurs Seurs qui sont venues de la pauvreté a cette sainte societé; mays que plustost elles s'estudient de se glorifier, non de la dignité de leurs riches parens, ains de la societé de leurs pauvres Seurs.

  A025000386 

 Que personne ne face chose quelcomque en l'oratoire sinon ce pour quoy il est fait et d'ou il prend son nom; affin que, si outre les heures determinees, quelques unes, si elles en ont le loysir, vouloyent prier, celles qui veulent y faire quelque autre chose ne leur donnent empeschement..

  A025000387 

 Quand vous pries Dieu par Psalmes et cantiques, que ce que vous prononces de voix soit pareillement en vostre cœur; et ne chantes sinon ce que vous lises devoir estre chanté; mays ce qui n'est pas escrit pour estre chanté ne le chantes pas..

  A025000396 

 Si on traitte differemment en viandes celles qui sont [34] delicates par l'accoustumance passee, cela ne doit pas fascher les autres qui par une autre accoustumance sont rendues plus fortes, ni ne leur doit pas sembler injuste.

  A025000397 

 Et celles ci qui sont plus vigoureuses ne se doivent pas troubler si elles voyent que, plus tost par support et compassion que par honneur, celles-la reçoivent des meilleures portions, affin que cette detestable perversité n'advienne, qu'au monastere ou, tant qu'il se peut, les riches sont rendues laborieuses, les pauvres soyent faites delicates..

  A025000397 

 Et si on donne quelque chose en viandes, en habitz, en lit, en couvertes, a celles qui viennent d'entre les delicatesses du monde au monastere, de plus qu'on ne donne aux plus robustes, et par consequent plus heureuses, celles ci auxquelles on ne donne pas ces particularités doivent penser combien celles la se sont demises de leur vie mondaine pour venir a la monastique, quoy que elles ne puissent pas arriver jusques a la sobrieté et frugalité des autres qui sont de plus forte complexion.

  A025000401 

 Celles-la se doivent estimer plus riches qui sont plus robustes pour supporter l'abstinence; car il est mieux de n'avoir pas besoin de beaucoup que d'avoir beaucoup..

  A025000401 

 Mays ayant repris les forces pristines, qu'elles retournent a leur plus heureuse coustume, qui est dautant plus convenable aux servantes de Dieu qu'elles ont moins de besoin d'autre chose; et que la volupté des viandes ne les retienne plus, estant gueries, au train auquel la necessité les avoit portees durant la maladie.

  A025000406 

 En vostre marcher, en vostre sejour ou demeure, en vostre seance, en tous vos mouvemens, rien ne se face qui attire aucun a convoytise, mais qui soit convenable a vostre sainteté, c'est a dire a la sainteté de vostre vocation..

  A025000410 

 Et celle qui arreste son œil sur un homme et ayme qu'iceluy arreste aussi son œil en elle, ne doit nullement penser de n'estre pas veue en cett'action: certes, ell' est regardee, et par ceux qu'elle ne pense pas.

  A025000410 

 Qu'elle se resouvienne que Celuy-la void tout, affin qu'elle ne veuille estre mauvaysement regardee par l'homme; car d'iceluy est recommandee la crainte, et pour cette mesme cause ou il est escrit: Celuy est abomination au Seigneur, qui fiche et arreste l'œil..

  A025000414 

 Quand donq vous estes ensemble en l'eglise et ailleurs, partout ou les hommes se treuvent, prenes soin mutuellement de garder vostre chasteté l'une de l'autre; car [37] en cette sorte, Dieu qui habite en vous, vous gardera de vous mesme.

  A025000414 

 Que si, apres l'avertissement, de rechef, ou bien un autre jour vous luy voyes faire les mesmes traitz, alors celle qui l'aura apperceue, quelle qu'elle soit, la doit manifester comme une personne des-ja blessee, affin qu'on la guerisse.

  A025000427 

 Or, quelle que ce soit qui soit parvenue a ce signe d'iniquité que de recevoir ou lettres ou presens en secret, si elle le confesse librement qu'on luy pardonne et qu'on prie pour elle.

  A025000431 

 Et s'il se peut faire, ne prenes point garde a ce que l'on vous donnera a vestir, [39] selon les saysons, pour voir si l'on vous donnera les habitz que vous avies posés et remis, ou bien si l'on vous donne ceux qu'un'autre avoit portés, pourveu que ce qui est necessaire a une chacune ne luy soit pas refusé.

  A025000431 

 Que si pour ce sujet naissent entre vous des contentions et murmurations, quelqu'une par aventure se plaignant d'avoir des vestemens pires qu'elle n'avoit pas remis et d'estre tenue indigne de porter des habitz aussi bons qu'un'autre Seur, apprenes de cela combien vous estes mal en point es saintes habitudes interieures du cœur, qui estrives et debattes pour les habitz externes du cors..

  A025000432 

 Mays que tous vos ouvrages se facent en commun, avec plus de soin et d'allegresse ordinaire que si vous les faysies pour vous mesme en particulier; car la charité delaquelle il est escrit qu'elle ne cherche point les choses qui sont a elle (c'est a dire ses commodités, ses proffitz, ses avantages), doit estre entendue ainsy: a sçavoir, qu'elle ne prsefere point ses commodités propres aux commodités commîmes, ains les communes aux propres, C'est pourquoy, dautant plus que vous prœfereres la Communauté a vostre particularité, dautant plus deves vous sçavoir que vous aves profité, a ce que parmi toutes les choses desquelles se sert la transitoire necessité on voye surexceller la permanente charité.

  A025000433 

 Et de la il s'ensuit que ce que quelqu'un donnera a ses filles ou a ses parentes et alliees qui seront dans le monastere, soit robbe, soit autre chose necessaire, ne doit point estre receu en secret; ains que tout cela soit remis au pouvoir de la Superieure, affin qu'estant mis en commun, quand besoin sera il soit distribué.

  A025000433 

 Que si quelqu'une cele ce qui luy aura esté donné, qu'elle soit condamnee comme larronesse..

  A025000438 

 Que si elle veut le bain et qu'il ne soit pas expedient pour sa santé, que l'on ne seconde pas en cela son affection; car quelquefois ce qui delecte semble estre profitable, encor qu'il nuyse..

  A025000439 

 En fin, s'il y a quelque douleur cachee au cors de la servante de Dieu, qu'on la croye simplement, sans doute; mays toutefois a sçavoir si ce qui luy plait est propre a guerir sa douleur.

  A025000440 

 Et que les Seurs n'aillent point aux bains ni ailleurs, ou qu'il soit requis qu'elles aillent, moins de trois ensemble; et que celle qui a besoin d'aller en quelque part ny aille [41] pas avec celles qu'elle voudra, mais devra aller avec celles que la Superieure ordonnera..

  A025000441 

 Et soient celles qui ont charge de la despense, soient celles qui ont charge des vestemens, soient celles qui ont charge des livres, qu'elles servent de bon cœur, sans murmuration, a leurs Seurs..

  A025000441 

 Le soin de celles qui sont malades ou de celles qui, apres la maladie, ont besoin d'estre revigorees, ou de celles qui sont travaillees de quelque infirmité ou des fievres, doit estre enjoint a quelqu'une, affin qu'elle demande a la despense ce qu'elle estimera estre necessaire a une chacune.

  A025000445 

 Mays quant aux habitz et soliers, que celles qui les ont en garde ne different pas de les donner a celles qui en ont a faire..

  A025000445 

 Qu'on demande les livres tous les jours a l'heure assignee, hors delaquelle celles qui les demandent soyent esconduites.

  A025000449 

 Que vous n'ayes aucun proces, ou qu'au plus tost vous le terminies, affin que l'ire croissant ne se convertisse en hayne et face un poutre d'un festu, et ne face l'ame homicide; car ce n'est pas les hommes seulz que regarde ce qui est escrit: Celuy qui hait son frere est homicide; ains, au sexe des masles que Dieu crea le premier, le sexe des femmes a aussi receu ce commandement.

  A025000452 

 Celle qui ne veut pardonner a sa Seur ne doit point esperer de recevoir le fruit de l'orayson; mais celle laquelle ne veut jamais demander pardon ou qui ne le demande pas de bon cœur, est en vain dans le monastere, quoy qu'on ne la rejette pas d'iceluy.

  A025000452 

 Celle qui par injure, malediction, ou reproche de crime offencera une autre, qu'elle se resouvienne de reparer au plus tost par satisfaction la faute qu'elle a commise; et celle qui a esté offencee, de pardonner sans contention.

  A025000452 

 Et partant, gardes vous des paroles dures, lesquelles si elles sont proferees par vostre bouche, qu'il ne vous fasche point de produire les remedes par la mesme bouche qui a fait la blesseure..

  A025000452 

 Or, celle-la est meilleure laquelle, bien qu'elle soit souvent tentee de courroux, se haste toutefois d'impetrer le pardon de celle a laquelle elle connoist d'avoir fait l'injure, que n'est pas celle qui est plus tardifve a se courroucer et plus malaysement aussi se laisse persuader de demander pardon.

  A025000456 

 Mais toutefois il faut demander pardon au Seigneur de toutes choses, qui connoist de quelle affection vous aymes celle-la mesme laquelle, peut estre, vous corriges un peu plus asprement qu'il ne faut.

  A025000456 

 Mays quand la necessité de la correction vous pousse de dire des paroles aspres pour reprimer les inferieures, si en cela vous aves outrepassé la rayson on ne requiert pas de vous que vous leur demandies pardon, affin que, prattiquant une trop grande humilité envers celles qui doivent estre sujettes, on n'esnerve pas l'authorité de gouverner.

  A025000464 

 Que l'on obeysse a la Superieure [comme à une mère], en gardant l'honneur qui luy est deu, de peur qu'en icelle Dieu ne soit offencé; beaucoup plus encor au Prestre qui a soin de toutes vous autres..

  A025000468 

 Or, affin que toutes ces choses soyent gardees et que si quelque chose n'est pas observee elle ne soit pas pourtant negligee, ains qu'on ayt soin de reparer et corriger le defaut, cela est principalement de la charge de la Superieure; en sorte qu'en ce qui est extraordinaire et qui excede sa capacité, elle s'en rapporte au Prestre qui a soin de vous..

  A025000473 

 Et que, bien que l'un et l'autre soit necessaire, que toutefois elle affectionne plus d'estre aymee que d'estre redoutee de vous, pensant tous-jours qu'elle doit rendre conte de vous a Dieu; et partant, obeyssant de plus en plus, n'ayes pas seulement pitié et compassion de vous mesmes, mays aussi d'elle, qui est en un peril dautant plus grand parmi vous qu'elle est en une charge plus relevee..

  A025000481 

 Et quand vous treuveres que vous faites ce qui est escrit en iceluy, rendes en graces au Seigneur, distributeur de tous biens; mais quand quelqu'une d'entre vous connoist d'avoir failli, qu'elle se repente du passé et soit sur ses gardes pour l'advenir, priant Dieu que son offence luy soit remise, et qu'elle ne soit point induite en tentation.

  A025000485 

 La Visitation d'Annecy possède deux Manuscrits de la seconde: une très jolie copie de 44 pages grand in-8°, qui paraît être de la Sœur Françoise-Marguerite Favrot, Assistante-commise au premier Monastère pendant que sainte Jeanne-Françoise de Chantal était à Paris.

  A025000487 

 Le second Manuscrit est aussi un in-8°, de 57 pages, dont 32 de M. Michel Favre et les 25 autres d'une main qui nous est inconnue; plus, trois pages blanches à la fin.

  A025000488 

 «Voyla les Constitutions,» écrit le Fondateur à la Mère de Chantal le 21 septembre 1621 (tome XX, p. 152); et vers la fin de la lettre il ajoute: «Il sembleroit bon que l'on mist es Constitutions que la Superieure puisse changer les officieres a son gré parmi l'annee, mais je n'ay pas eu le loysir de l'inserer: faites le, s'il vous plait, a l'endroit le plus convenable.» (Page 155; cf. ibid., p. 142.) L'addition indiquée se trouve à la fin de la Constitution XLVII e, De l'election de la Superieure et autres Officieres; la Sainte l'a écrite sur une bande de papier, épinglée ensuite au commencement de la page où se termine cette Constitution dans le Manuscrit qui nous occupe..

  A025000489 

 Mais, ma Fille, faites-les toutes regarder, pour voir s'il n'y a point deux feuilles semblables, et, en ce cas, renvoyez les feuilles superflues et nous vous enverrons celles qui manquent.» (Ibid., vol. II, p. 3.) — Le petit volume parut sous ce titre:.

  A025000491 

 Les approbations de Robert Berthelot, évêque de Damas, de Nicolas Ménard, chanoine de Saint-Nizier à Lyon, et la permission du Vicaire général, Thomas de Meschatin La Faye, qui autorisèrent l'impression de 1619, n'y sont pas reproduites; la seule Approbation de saint François de Sales, 9 octobre 1618, y est insérée..

  A025000492 

 Parfois, cependant, on y rencontre des fautes qui ont échappé à sa révision; de plus, comme nous l'avons dit à la page précédente, il y a une lacune de plusieurs feuillets: alors on s'est reporté à la copie de M. Michel Favre, ou encore au Manuscrit de 1618 dont nous allons parler..

  A025000495 

 Ce cahier est sans doute celui qui fut rédigé pour l'édition de 1619; les variantes entre celle-ci et l'édition de 1622 se retrouvent également dans le Manuscrit, avec quelques autres, cependant, et avec l'addition d'une Constitution, celle Des retraites; plusieurs passages y sont aussi omis..

  A025000495 

 Il convient de parler maintenant du Manuscrit complet que nous venons de mentionner et qui se conserve au Monastère d'Annecy.

  A025000496 

 Au sujet de ce titre qui manque au Manuscrit, sainte Jeanne-Françoise de Chantal écrivait à la Mère Favre le 17 octobre 1618 ( Lettres, vol. I, p. 282): «Demandez à notre très cher Père, Monseigneur, s'il ne faut pas mettre un titre au fin premier chapitre de nos Constitutions: De la fin pour laquelle elles ont été dressées; et comme il le vous dira vous l'y ferez mettre lorsque nous vous envoierons les Règles.» La Mère Favre était alors à Lyon, où saint François de Sales devait s'arrêter avec l'ambassade du prince cardinal Maurice de Savoie; mais cet arrêt fut si court qu'il eut à peine le temps de voir ses Filles.

  A025000496 

 L'ordre suivi n'est pas celui qui fut adopté pour l'imprimé; les Constitutions ne sont pas numérotées, sauf les trois premières, auxquelles le Saint a ajouté en marge des chiffres arabes.

  A025000497 

 Il a 300 pages chiffrées, sauf la dernière qui est blanche, et celle du titre..

  A025000499 

 Dans la reproduction du texte de 1622 et des variantes qui s'y rattachent, l'édition de 1619 et les divers Manuscrits sont indiqués ainsi qu'il suit:.

  A025000507 

 En quoy, certes, elles sont dignes de grande compassion: car, qui ne plaindroit, je vous prie, une ame genereuse, laquelle desirant extremement de se retirer de la presse de ce siecle pour vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire, faute d'avoir un cors asses fort, une complexion asses saine ou un aage asses vigoureux, la poursuitte qu'elle voudroit faire pour acquerir une plus grande sainteté, demeurant ou empeschee ou retardee par le manquement de la santé?.

  A025000507 

 Plusieurs filles et femmes, divinement inspirees, aspirent bien souvent a la vie religieuse, qui toutefois, ou par imbecillité de leur complexion naturelle, ou pour estre des-ja affoiblies par l'aage, ou en fin pour n'estre pas attirees a la prattique des austerités et rigueurs exterieures, ne peuvent pas entrer es Religions esquelles on est obligé a des grandes penitences corporelles, comme sont la pluspart des Congregations reformees qu'on void par deça; et par ce moyen sont contraintes de s'arrester emmi le tracas ordinaire du monde, exposees aux continuelles occasions de pecher, ou du moins de perdre la ferveur de la devotion.

  A025000509 

 Neanmoins, on excepte celles qui seroyent atteintes de quelque mal contagieux, comme de lepre, escrouelles et autres semblables; ou qui auroyent des infirmités si pressantes qu'elles fussent tout a fait incapables de suivre la Regle et les exercices ordinaires de la Congregation..

  A025000509 

 On pourra, secondement, recevoir celles qui pour leur aage ou pour quelque imbecillité corporelle ne peuvent avoir acces aux Monasteres plus austeres, pourveu qu'elles ayent l'esprit sain et bien disposé a vivre en une profonde humilité, obeissance, simplicité, douceur et resignation.

  A025000510 

 Et affin que tant les unes que les autres puissent tous-jours avoir acces a cette Congregation, la Superieure prendra soigneusement garde a ce qu'on n'y introduise ni directement ni indirectement aucunes austerités corporelles, outre celles qui y sont maintenant, qui puyssent estre d'obligation ou de coustume generale.

  A025000510 

 Tiercement, celles qui seront de bonne et forte complexion y seront receues comme appellees de Dieu au secours et soulagement des infirmes; et tout ainsy que les foibles jouiront du fruit de la santé des robustes, les robustes jouiront reciproquement du merite de la patience [52] des imbecilles.

  A025000516 

 Que si quelqu'une d'entre [53] elles estoit esleue pour Superieure, elle fera tout ce qui appartient a cette charge la, sinon en ce qui regarde l'Office du chœur qu'elle laissera faire a l'Assistente, laquelle, comme ayant charge du chœur et des Offices sacrés, ne pourra jamais estre que des Seurs Choristes..

  A025000517 

 Nulle Seur des autres rangs ne pourra non plus jamais proposer ladite admission, ains sera cette proposition reservee a la Superieure, apres avoir ouy l'advis des Seurs Coadjutrices ou Conseilleres; et laquelle prendra garde a ne point proposer telle admission que pour des Seurs qui, volontier et de bon cœur, auront esté douces, paysibles et humbles, et qui auront des talens convenables pour pouvoir servir es autres rangs, auxquelz, nonobstant tout cela, elles ne devront entrer que par les deux tiers des voix de la Congregation.

  A025000517 

 Quant a celles qui pour leur long travail, ou pour avoir quelque infirmité d'aage ou de maladie devront estre soulagees, et neanmoins ne seront pas propres pour les autres rangs, on leur prouvoira de repos et de consolation en leur condition.

  A025000524 

 Et quant a ce qui est d'entrer dans l'enclos du monastere, que cela ne soit permis a personne quelcomque [55], de quel genre, condition, sexe ou aage qu'elle soit, sans licence expresse obtenue en escrit de l'Evesque, sous peyne d'excommunication encorue soudain la faute faite.

  A025000524 

 La clausure s'observera selon les propres termes du sacré Concile de Trente qui sont telz: «Qu'il ne soit loysible a aucune Religieuse, apres la Profession, de sortir du monastere, non pas mesme pour quelque tems, pour court et brief quil puisse estre, ni pour aucun praetexte que ce soit, si ce n'est pour quelque cause legitime qui doit estre appreuvee par l'Evesque.

  A025000525 

 Quand le confesseur, medecin, apoticaire, cirurgien, masson, charpentier, ou tel autre qui par necessité et avec licence entrera dans le monastere, sera arrivé a la porte, deux Seurs le viendront prendre pour le conduire au lieu ou il doit faire sa charge, ayant auparavant fait sonner une clochette, affin que les Seurs se retirent en leurs chambres ou es lieux de leurs offices pour eviter d'estre rencontrees; ce qui se fera de mesme a la sortie, sans que les Seurs deputees a la conduite devisent avec ces personnes-la, sinon pour respondre..

  A025000526 

 Le confesseur oyant la confession, conferant l'Extreme Unction, ou assistant les mourantes, demeurera en sorte qu'il soit veu des Seurs qui l'auront amené, et la porte de la chambre ouverte..

  A025000531 

 On excepte neanmoins les lettres du Pere spirituel, lesquelles estant receues par la Superieure seront remises a celles a qui elles seront addressees, sans estre ouvertes; comme de mesme celles que les Seurs escriront au Pere spirituel ne seront point veues par la Superieure, ains elles les remettront a celle qui en a le soin, pour estre cachetees et les faire rendre audit Pere spirituel.

  A025000531 

 Tous les messages et toutes les lettres qui seront apportés dedans la Mayson ou qui devront estre envoyés dehors seront premierement representés a la Superieure, qui en ordonnera selon qu'elle jugera pour le mieux.

  A025000532 

 Es occasions particulieres ou il sera requis de dispenser de l'ordinaire façon de vivre selon la Regle et de moderer les exercices pour quelques Seurs, ou mesme quelquefois pour toutes (ce qui ne se doit faire que pour des occurrences rares et signalees), la Superieure en aura le pouvoir: comme, par exemple, de dispenser une Seur de venir au chœur pour l'Office, de jeusner es jeusnes des Constitutions, de venir a la table commune, de parler a quelques uns le voyle levé, ou de faire la sainte Communion, et de dispenser mesme toute la Communauté du silence pour quelque juste occasion, de manger trois ou quatre fois l'annee hors des repas ordinaires; laquelle neanmoins devra estre fort attentive a bien observer la discretion, pour n'estre ni trop pliable, ni trop impliable.

  A025000532 

 Mays es choses d'importance et qui tirent consequence, comme, par exemple, de descharger tout a fait du jeusne et de la residence du chœur une Seur, et en pareilles occasions, elle prendra tous-jours l'advis du Pere spirituel et, sil est besoin, de l'Evesque, ainsy que la Regle dit..

  A025000533 

 Aucune des Seurs n'entreprendra de faire des jeusnes, disciplines ou telles austerités corporelles qu'avec le congé de la Superieure; et s'il s'en treuve qui soyent fortes pour cela, la Superieure le leur permettra selon qu'elle le jugera convenable.

  A025000534 

 Que si par quelque soudain et impreveu accident, ou faute d'attention, la Superieure ne commet pas la charge, celle des Seurs Surveillantes qui sera la plus ancienne en Religion l'exercera..

  A025000544 

 C'est chose digne de remarque combien saint Augustin presse ardemment l'observance de la communauté en toutes choses: en suite dequoy, tout ce qui est et sera apporté et donné a la Mayson doit estre parfaitement reduit en communauté, sans que jamais aucune Seur puisse avoir chose quelcomque, pour petite qu'elle soit et sous quel praetexte que l'on puisse alleguer, en proprieté particuliere; ains chasque Seur, faysant Profession, resignera et renoncera [59] purement et simplement en faveur de la Congregation, es mains de la Superieure, non seulement la proprieté et l'usufruit, mais aussi l'usage et la disposition de tout ce qu'a sa consideration sera remis et assigné a ladite Congregation..

  A025000545 

 Et affin que cet article si important soit a jamais exactement observé, et que toutes affections a la jouissance et usage des choses temporelles soyent retranchees, et que les Seurs vivent en une parfaite abnegation des choses dont elles useront, ainsy que la Regle l'ordonne en termes admirables, on distribuera tout ce qui est requis a la vie, soit en viandes, soit en vestemens, soit en meubles, linges et, en somme, en quoy que ce soit, sans choix ni distinction que de la necessité d'une chacune..

  A025000547 

 On excepte neanmoins que la Superieure puisse prouvoir, non obstant le sort du billet, aux Seurs qui ont beaucoup a escrire, comme l'Œconome, et a celle que le medecin jugeroit que pour le soulagement de la santé il falut donner quelque chambre plus aeree.

  A025000548 

 Et pour plus parfaitement observer la sainte vertu de pauvreté, les bastimens des monasteres estans achevés, on limitera les revenus que l'on devra avoir selon le lieu ou le monastere se treuvera; affin qu'en cela mesme la mediocrité soit suivie et qu'il n'y ayt nulle superfluité de biens en la Congregation, ains seulement l'honneste suffisance, a laquelle quand on sera parvenu, on ne prendra plus rien pour la reception des filles qui seront receues que ce qui sera requis pour conserver et maintenir bonnement la juste suffisance du monastere..

  A025000549 

 Et pour cela mesme on ne permettra qu'il y ayt es monasteres aucun meuble qui ne ressente la veritable simplicité religieuse; et sur tout il n'y aura aucune sorte d'argenterie, sinon des cuillers qui pourront estre d'argent a cause de l'honnesteté, et pour en cela suivre l'exemple du bienheureux Pere saint Augustin qui n'eut jamais autre sorte de vaisselle ou meuble d'argent.

  A025000549 

 On excepte toutefois l'autel et l'eglise, ou les meubles pourront estre riches et prastieux, selon qu'ilz se pourront saintement avoir, pour l'honneur et gloire de Dieu qui y reside en une façon tres speciale et admirable.

  A025000549 

 Que si quelque Seur apportoit avec soy quelque meuble prœtieux qui ne fust propre pour l'eglise, on le vendra apres sa Profession, pour, du prix d'iceluy, en conserver la suffisance ou faire quelque meuble ecclesiastique.

  A025000552 

 laquelle estant finie, elles se retireront pour ce qui leur aura esté ordonné..

  A025000553 

 a la fin delaquelle on fait l'examen durant un Miserere; 6. et s'il reste du tems, les Seurs se retirent a faire ce qui leur convient..

  A025000553 

 qui est suivie de la Messe; 4. et la Messe de None; 5.

  A025000554 

 qui est suivie de la recreation jusques a mydi; 3.

  A025000556 

 qui se disent a cinq heures; 4.

  A025000556 

 qui sont suivies des Lætanies; 5. et les Lætanies, de demi heure d'orayson mentale; 6.

  A025000557 

 qui sont suivies de l'examen de conscience; 7. et l'examen, de la lecture des pointz a mediter; 8.

  A025000559 

 En tous tems, on sonnera l' Ave Maria du soir entre jour et nuit, et des lhors ne sera plus loysible de demeurer au parloir ni d'ouvrir la porte, sinon pour quelque cause pressante qui ne puisse estre bonnement differee..

  A025000572 

 Tout se fait comme dessus, hormis qu'on dit Vespres a dix heures et demi, qui sont suivies de l'examen, et que la lecture ne se fait qu'a trois heures et l'assemblee a quatre, [64] et qu'apres Complies, qui se disent a l'heure ordinaire, on chante le Stabat suivi des Lætanies..

  A025000575 

 Apres la recreation du disné, toutes se presenteront devant la Superieure qui leur ordonnera ce qui se devra faire jusques au soir, et de mesme, apres la recreation du soir, elle leur departira les choses a faire jusques au disné du jour suivant.

  A025000576 

 Apres cela, les Seurs qui ont les charges de la Mayson pourront demeurer avec la Superieure pour l'advertir des choses requises, dont on ne doit point parler devant les autres, affin de laisser leur esprit en tranquillité..

  A025000587 

 Complies se dit a droite voix en tous tems, hormis l'antienne de Nostre Dame qu'on dit a la fin, qui se chante, et le Nunc dimittis aux grandes festes.

  A025000587 

 Vespres, ordinairement a droite voix, hormis le Magnificat qui se dit en tous tems en chant, excepté en Caresme; mays es Dimanches et festes commandees, toutes les.

  A025000596 

 Les Seurs demeureront ensemble es recreations et, faysant leurs ouvrages, s'entretiendront de quelques propos aggreables et saintement joyeux, avec paix, douceur et simplicité; et pourront mesme parler les unes avec les autres en particulier, en telle sorte neanmoins qu'elles ne soyent pas moins de quatre ou cinq qui se puissent entendre les unes les autres, sans toutefois dire des choses messeantes et inciviles, ni raillier ou dire paroles de mespris sur le sujet des nations, provinces ou naissances..

  A025000606 

 On ne dira point quelles sont celles d'entre les Seurs qui font les ouvrages, ni aux Seurs a qui sont les ouvrages qu'elles font, ains seront rendus par quelque Seur deputee a cela..

  A025000607 

 Et bien que toutes les Seurs soyent obligees de faire les ouvrages qui leur sont donnés avec grande fidelité et diligence, si est-ce que, pour eviter toutes sortes d'empressemens et laisser aux Seurs la liberté de s'appliquer a l'orayson interieure, et ne point suffoquer l'esprit de devotion par une trop grande contrainte de s'employer aux ouvrages, la Superieure ne prefigera point aucun terme aux Seurs dans lequel leurs ouvrages soyent achevés, ains laissera cela a leur diligence et souplesse spirituelle, de-laquelle pourtant, en cas qu'elle les vist negligentes et paresseuses, elle les advertira ou fera advertir.

  A025000612 

 Quand il est requis que les Seurs parlent a ceux de dehors la Mayson, on observera que celle qui doit parler soit assistee d'une autre qui puisse ouïr ce qui se dira, sinon que, pour quelque respect, la Superieure treuve bon que la Seur qui parle soit veue et non ouye par celle qui l'assistera; laquelle, en ce cas, se retirera a part, faysant quelque ouvrage ou, si c'est jour de feste, lisant quelque livre ou faysant quelque orayson; et ce pendant prendre garde aux parolles (si elle doit ouÿr) et aux contenances de la Seur, affin d'en rendre conte a la Superieure..

  A025000613 

 Au reste, les Seurs prendront garde de n'ouyr ni dire des paroles inutiles, coupant court en toute sorte de devis, si ce n'est en ceux qui regardent le bien spirituel..

  A025000621 

 On pourra demeurer une heure entiere a table, s'il est expedient, afin que celles qui mangent lentement prennent [70] leur refection a loysir; et ce pendant, celles qui auront plus tost achevé leur repas demeureront attentives a la lecture, sans sortir de leurs places avant Graces, sinon que quelque grande et urgente necessité le requit..

  A025000623 

 Or, la lecture se fera clairement, distinctement et avec des justes pauses de periode en periode; et pour le mieux faire, celle qui aura cette charge fera fort bien de prevoir ce qu'ell'aura a lire..

  A025000633 

 Le voyle sera d'estamine noire, sans aucune doubleure, du moins d'autre couleur, et pendra par dernier jusques a demi pied plus bas que la ceinture; le bandeau du front, noir; la barbette, de toyle blanche mediocre, sans plis, et ne porteront ni attifez, ni empoy, ni chose quelcomque qui ne ressente entierement la simplicité religieuse et le mespris du monde..

  A025000639 

 Mays celle qui aura fait quelque [73] faute notable demandera par apres pardon a la Superieure en esprit d'humilité et de sousmission..

  A025000639 

 Si quelqu'une fait quelque faute qui se puisse reparer, celles qui s'en appercevront la repareront doucement et, s'il se peut, insensiblement: comme, par exemple, si celles qui commencent les Psalmes avoyent pris l'un pour l'autre, les autres qui s'en apperçoivent, sans faire semblant de cela, reprendront le Psalme laissé, le poursuivant sans empressement.

  A025000640 

 Or, parce que les espritz humains prennent bien souvent des secrettes complaysances en leurs propres inventions, mesme quand c'est sous pretexte de devotion ou accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive quelquefois que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel pretexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres ordinaires que de celles qui sont marquees en ces Constitutions et Directoire; car ainsy elle aura tant plus de moyen et de sujet de dire et chanter l'Office avec la gravité et le respect qu'elle y observe maintenant..

  A025000646 

 Or faut il qu'il soit homme de doctrine, de prudence et de vie irreprehensible, discret, honneste, stable et devot, et tel que l'Evesque, le Pere spirituel et la Superieure se puissent reposer en son soin et en son zele en ce qui est requis pour le bon estat de la conscience des Seurs; car encor que l'on employe a cela mesme plusieurs autres bons moyens, comme sont les confessions extraordinaires et les communications avec des personnes spirituelles, et specialement [74] avec la Superieure, ainsy qu'il est dit en divers endroitz des Constitutions et notamment au chapitre suivant, si est ce que le Confesseur ordinaire a plus de pouvoir pour maintenir les consciences des Seurs en pureté et sincerité que nul autre, estant comme l'ange visible deputé a la conservation des ames du Monastere et pour leur avancement au salut eternel..

  A025000647 

 Et tant pour l'election comme pour la deposition, on rapportera a l'Evesque ou a son Vicayre general ce qui aura esté fait, affin qu'il l'appreuve, et qu'en cas que le Pere spirituel et la Superieure ne fussent pas de mesme advis, il determinast l'election ou la deposition par son authorité..

  A025000650 

 Il prendra un soin particulier a ce que, ni par l'imposition des penitences extraordinaires, ni par les conseilz et advis qu'il donnera en confession, rien ne se face qui puisse troubler l'ordre et le train du Monastere, autant que faire se pourra, et mesme affin qu'on ne s'apperçoive de l'estat des consciences des Seurs qui se sont confessees.

  A025000653 

 Or, ledit Confesseur prendra garde, tout de mesme que l'ordinaire, de ne point imposer de penitences ni donner aucun advis qui puisse contrarier a l'ordre ou a l'esprit de cet Institut: comme seroit s'il leur imposoit ou qu'il leur conseillast de demeurer en priere pendant les assemblees, de se lever avant l'heure, ou de veiller et de demeurer en quelque exercice apres l'heure ordinaire de [76] la retraitte, ou de ne point se recreer au tems des recreations, ou de jeusner plus souvent que les autres, ou de caresmer es tems esquelz la Congregation ne caresme pas..

  A025000662 

 Et quant aux malades qui ne pourront bonnement venir au chœur, on leur portera la tressainte Communion tous les huit jours, si la qualité de leur mal le leur permet..

  A025000669 

 Et quant au reste des Seurs, quelz offices qu'elles ayent, elles ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs charges; ains elles les changeront au bout de l'annee selon le nombre qui leur escherra es billetz des Saintz, horsmis celle qui sera deposee de la superiorité, laquelle pour un'annee.

  A025000676 

 Elles eviteront tant qu'il leur sera possible toute sorte de [79] gestes qui sentent la legereté, sur tout estant au parloir, gardant une humble et douce gravité, sans familiariser avec ceux qui leur parleront..

  A025000678 

 Qu'elles n'usent d'aucunes caresses les unes envers les autres qui puissent tant soit peu causer aucune imagination badine et folastre, ou produire aucun amusement sensuel, si expressement defendu en la Regle.

  A025000681 

 Estant adverties en Chapitre ou au refectoir de leurs defautz, elles recevront avec humilité l'advertissement, sans replique ni excuse, ni n'en parleront point hors de la, ni d'aucune autre chose qui s'y face ou dise; ains garderont [80] la reverence deue a toutes telles actions, mortifications et humiliations, non seulement faites de leur propre mouvement, mais beaucoup plus lhors qu'elles sont enjointes ou qu'elles leur sont faites par la Superieure, regardant avec estime tous ces moyens comme inspirés de Dieu pour leur avancement..

  A025000683 

 Nulle ne presumera d'aller au parloir, ou tournoir, ni ailleurs pour parler aux estrangers, ni escouter ceux qui parlent, ni demander a la Portiere ou quelqu'autre qui y aura esté, ni que c'est que l'on y a dit..

  A025000684 

 Elles ne parleront aucunement a ceux de dehors de ce qui se fait en la Mayson, sinon que ce fust quelque chose qui peust servir d'edification..

  A025000685 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans congé et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres..

  A025000686 

 Elles n'entreront point dans les chambres des offices les unes des autres sans congé et n'y prendront rien qu'elles n'en advertissent la Seur qui en a la charge, et par apres auront soin de le rapporter en tems convenable..

  A025000691 

 Bienheureuses seront celles qui prattiqueront naïfvement et devotement cet article, qui enseigne une partie de la sacree enfance spirituelle que Nostre Seigneur a tant recommandee, delaquelle provient et par laquelle est conservee la vraye tranquillité de l'esprit..

  A025000692 

 Comme aussi une chascune lira les Constitutions et Directoires particuliers qui regardent son office ou condition, tous les moys, avec pareille devotion que si alhors ilz leur estoyent donnés nouvellement; et Dieu leur donnera tous-jours des nouvelles lumieres par la lecture d'icelles.

  A025000695 

 Et en cas que la faute qui est descouverte, pour le scandale, consequence et nuysance qu'elle tire apres soy semblast devoir estre promptement manifestee a la Superieure, celle qui l'aura veue ou sceue prendra l'advis de la Superieure mesme ou du Pere spirituel, sans nommer ni faire connoistre celle qui sera coulpable, sinon apres qu'elle aura esté conseillee de la nommer..

  A025000695 

 Que si la faute estoit d'importance et secrette, celle qui l'aura apperceue fera doucement et amiablement la correction fraternelle, selon l'Evangile, jusques a trois foys; apres quoy, si la defaillante persevere en ses fautes, elle sera deferee a la seule Superieure, affin que par tous les moyens possibles elle y remedie; mays si la faute n'est pas secrette, elle en advertira la Superieure d'abord.

  A025000697 

 Et parce que la coustume est que non seulement les Surveillantes, mays aussi les autres Seurs facent les advertissemens au refectoir, apres Graces, des fautes qu'elles auront remarquees, qui est de tres grand prouffit, elle sera gardee et observee inviolablement, comme aussi celle de dire les coulpes et faire les mortifications devant le Benedicite..

  A025000703 

 Apres cela, celles qui voudront diront leurs coulpes pour plus grande humilité, et on les corrigera doucement et amiablement, sans toutefois extenuer leurs fautes..

  A025000704 

 Et attendu qu'en toute assemblee faite au nom de Dieu il se treuve au milieu, les Seurs doivent assister en celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence, devotion et attention, s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites plusieurs choses pour leur perfection..

  A025000709 

 Les denrees seront receues par l'Œconome, qui rendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la [85] Portiere et d'une des Surveillantes.

  A025000709 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a troys clefz, dont une sera gardee par la Superieure, l'autre par la Portiere et la troysiesme par l'Œconome; et sera tenu roolle des sommes qu'on recevra, avec les particularités du jour et des personnes qui les delivreront, et les causes pour quoy..

  A025000710 

 Lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, l'on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees, escrit de la main de l'une de celles qui garderont les clefz, et les causes pour quoy elles ont esté tirees; et sera signé de la main de la Superieure et de l'autre qui garde les clefz, affin que, au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble avec la Superieure facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson, lequel estat sera representé au Superieur en la Visite..

  A025000716 

 La Congregation demeurera sous l'authorité ordinaire de l'Evesque, ainsy que la Regle le porte, auquel elle demandera un Pere spirituel qui, de la part d'iceluy, prendra garde a ce que les Regles soyent bien observees et qu'aucun abus ni changement ne s'introduise; visitera la Mayson une foys l'annee, assisté d'un compaignon meur d'aage, discret et vertueux; se treuvera aux elections de la Superieure et du Confesseur ordinaire; signera les causes des sorties extraordinaires des Seurs, s'il en arrive quelque [86] legitime sujet, et celles des entrees des hommes et femmes qui y entrent pour quelque service necessaire, sinon qu'il juge a propos, quant a cet article de l'entree, d'en laisser la charge au Confesseur ordinaire, ainsy qu'il a esté dit ci dessus.

  A025000723 

 Comme l'ame et le cœur respandent leur assistance, mouvement et action en toutes les parties du cors, aussi la Superieure doit animer de sa charité, de son soin et de son exemple toute la Congregation, vivifiant par son zele toutes les Seurs qui sont en sa charge, procurant que les Regles soyent observees le plus exactement qu'il se pourra, et que la mutuelle charité et sainte amitié fleurisse en la Mayson.

  A025000725 

 Elle commandera a une chascune des Seurs et a toutes en general avec des paroles et contenances graves, mays suaves; avec un visage et maintien asseuré, mays doux et humble, et avec un cœur plein d'amour et de desir du prouffit de celle a qui elle commande..

  A025000728 

 Elle eslevera avec un amour paternel les Seurs qui, comme petitz enfans, seront encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent les ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mais «des infirmes; car si quelqu'un te secourt plus qu'il n'est secouru de toy, reconnois que tu es non son pere, mais son pair.» Les justes et parfaitz n'ont point besoin de superieur et conducteur; ilz sont eux mesmes leur loy et leur direction, par la grace de Dieu, et font asses sans qu'on leur commande.

  A025000730 

 Elle ne reprendra point les fautes qui se commettront, sur le champ devant les autres, ains en particulier avec charité; sinon que la faute fust telle que, pour l'edification de celles qui l'auront veu faire, elle requiere un prompt ressentiment; lequel, en ce cas la, elle fera en telle sorte que, blasmant le defaut, elle soulage la defaillante, taschant d'estre vrayement redoutee, mays pourtant beaucoup plus aymee, comme dit la sainte Regle..

  A025000731 

 Qu'elle ne concede point aysement a pas une l'usage des Sacremens plus frequent que celuy qui est porté par les Constitutions, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025000735 

 Qu'elle ait un grand soin d'empescher que rien ne soit en la Mayson et ne s'y face qui ne soit conforme a la sainte pudicité et pureté, a la parfaite pauvreté et a l'exacte obeissance; et partant, si quelque Seur avoit un peu trop d'inclination a converser avec les seculiers, quoy qu'ilz fussent de profession ecclesiastique ou religieuse, ou proches parens, qu'elle luy en retranche toutes les commodités.

  A025000737 

 Qu'au demeurant elle reçoive si humblement et doucement les advis [90] et remonstrances qui luy seront donnés, que les Seurs puissent avoir une juste confiance et liberté de l'advertir ou faire advertir es occurrences, selon qu'il sera dit ci apres..

  A025000743 

 Et neanmoins, bien qu'elle ne soit pas obligee de suivre le conseil, si est ce qu'elle doit l'escouter avec [91] tranquillité et suavité, sans tesmoigner aucun mespris ni desdain, affin de laisser la liberté et confiance aux Seurs de dire ce qui leur semblera bon..

  A025000745 

 Or, en toutes occurrences esquelles le Pere spirituel et la Superieure ne se treuveront pas de mesme advis, on recourra a l'Evesque ou a son Vicayre general, qui marquera ce qui devra estre suivi et determiné..

  A025000748 

 Les quatre Seurs choisies pour conseiller la Superieure demanderont souvent l'assistance du Saint Esprit pour bien exercer leur charge, tascheront de ne jamais se laisser preoccuper de leurs humeurs, inclinations ou aversions, en [92] ce qui regarde les deliberations qu'on doit prendre; ains, avec une intention pure et simple, donneront saintement leur advis, sans estriver ni disputer ensemble, et sans mespriser et avilir l'advis les unes des autres, quel qu'il soit.

  A025000749 

 Apres la consultation, qu'elles se sousmettent au jugement de la Superieure, luy laissant prendre telle resolution qu'elle treuvera plus a propos, sans murmurer, ni reveler aux autres Seurs ce qui aura esté dit.

  A025000755 

 En toutes les occasions esquelles la Superieure ne pourra pas estre presente, l'Assistente tiendra le pouvoir et le lieu d'icelle (horsmis au chœur, ou elle se tiendra en sa place, qui sera tous-jours la premiere et la plus honnorable apres celle de la Superieure), et par consequent elle sera soigneuse de se treuver par tout ou les Seurs seront assemblees, pour les tenir en respect et faire observer la Regle..

  A025000758 

 Elle deputera toutes les semaines les lectures, tant pour la premiere que seconde table, et corrigera les defautz de celles qui liront, si elles lisent trop precipitamment, ou qu'elles ne prononcent pas bien, ou qu'elles facent quelque autre manquement; mays elle fera elle mesme la lecture qui se fait le soir pour la meditation du lendemain, ou bien la fera faire par quelque Seur qui lise bien et clairement..

  A025000759 

 Elle aura un particulier soin du zele de la Regle et advertira la Superieure du manquement qui y surviendra; et aura memoyre que, comme lieutenante de la Superieure, elle doit en tout et par tout conspirer avec elle pour le [94] bon estat de la Mayson et avancement des Seurs en la perfection, suyvant au plus pres qu'il luy sera possible non seulement les ordonnances, mais encor les intentions de la Superieure..

  A025000762 

 Elle visitera au soir les portes qui ont leurs issues hors de la Mayson, pour voir si elles sont bien fermees; et visitera aussi les Seurs un quart d'heure apres qu'elles seront retirees, pour voir si elles sont couchees et si elles ont esteint leurs lampes; et s'en treuvant qui y ayent manqué, elle en advertira la Superieure..

  A025000767 

 De la bonne nourriture et direction des Novices depend la conservation et le bonheur de la Congregation: et partant, la Directrice qui en doit avoir le soin ne doit pas seulement estre discrette, douce et devote, mays elle doit estre la douceur, sagesse et devotion mesme, pour, avec un amour plus que maternel, eslever ses Novices de degré en degré a la perfection religieuse, comme des futures espouses du Filz de Dieu..

  A025000768 

 Or, ce qu'elle taschera le plus de leur faire concevoir et bien entendre, c'est principalement l'intention qu'elles doivent avoir eue en l'eslection qu'elles ont faite d'abandonner [95] le monde pour se retirer au monastere: qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu, mortifiant leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, pour rappeller toutes leurs forces au service de l'Espoux celeste, par une chasteté toute pure, une pauvreté despouillee de toutes choses et par une obeissance establie en une parfaite abnegation de sa propre volonté; et que, en somme, cette Congregation est fondee spirituellement sur le mont de Calvaire, pour le service de Jesus Christ crucifié, a l'imitation duquel toutes les Seurs doivent crucifier leurs sens, leurs imaginations, passions, inclinations, aversions et humeurs pour l'amour du Pere celeste..

  A025000769 

 Elle exercera les Novices en humilité, obeissance, douceur et modestie, leur aggrandissant le courage et arrachant, tant que faire se pourra, les niayseries, tendretés et fades humeurs qui ont accoustumé d'alangourir et affoiblir les espritz, principalement du sexe feminin, affin que, comme des filles fortes, elles facent des œuvres d'une perfection solide et puyssante.

  A025000769 

 Et ne fera pas moins, en tout ce qui a esté dit, pour les Seurs Domestiques et Associees que pour les autres, en ce que leur capacité pourra porter..

  A025000771 

 Elle leur annoncera souvent la sincere dilection envers tous les Ordres des Religions qui sont en l'Eglise de Dieu, affin que non seulement elles prient pour iceux, ains aussi qu'elles apprennent a les estimer et respecter cordialement.

  A025000771 

 Sur tout elle taschera d'imprimer dans le cœur de ses Novices que toutes les Seurs de la Congregation ne doivent avoir qu' un seul cœur et qu' une seule ame, avec memoyre continuelle que Nostre Seigneur, par son inspiration et vocation, et Nostre Dame, par une secrette Visitation de laquelle elle a visité leur cœur, les a jointes et unies ensemble, affin que jamais elles ne fussent separees d'amour et de dilection, ains qu'elles demeurassent en unité d'esprit par le lien de charité, qui est le lien de perfection..

  A025000772 

 Que s'il s'en treuve, comme il pourroit arriver, qui ayent le cœur un peu plus rude, grossier et agreste, mais qui ayent pourtant la volonté bien determinee a vouloir obeir et bien faire, donnant esperance de pouvoir estre addoucies et civilisees, elle usera d'un amour tout particulier et genereux pour, avec patience et perseverance, bien [97] cultiver et dresser ces plantes ainsy tortues, parce que bien souvent, moyennant la main et le soin du laboureur, elles portent a la fin des fruitz fort delicieux..

  A025000774 

 Elle prendra garde a ne point s'amuser aux apparences exterieures des Novices, qui souvent dependent de la bonne mine et de la composition et du maintien du cors, ou de l'habileté de l'esprit et de la proprieté du langage; mais penetrera tant qu'il luy sera possible le fond du cœur et de l'ame des filles, affin qu'elle sache discerner leurs defautz et de quelle main il les faut conduire..

  A025000775 

 On la deschargera tant qu'il sera possible de toutes les autres affaires de la Mayson, affin qu'elle puisse tant mieux vacquer a celle ci qui est si importante..

  A025000783 

 La Superieure choysira deux de ses Coadjutrices, ou telles autres des Seurs que bon luy semblera, qui, avec elle, prendront garde aux fautes et manquemens particuliers qui se commettent, pour les luy faire sçavoir et conferer avec elle des remedes convenables; voyre mesme, quand la Superieure l'ordonnera, elles pourront proposer les fautes et manquemens en plein Chapitre, avec modestie et simplicité.

  A025000783 

 Mays la Superieure ne fera jamais cela qu'avec meure et grave deliberation, et se gardera bien de leur faire proposer publiquement chose qui puisse infamer, sinon qu'elle fust publique..

  A025000785 

 Ayant conferé avec la Superieure des fautes qu'elles ont reconneuës et proposé leur advis, elles s'arresteront simplement a celuy de la Superieure, sinon qu'elles vissent en icelle une manifeste connivence qui peust beaucoup nuire a la Congregation; car alhors elles en pourront conferer avec le Pere spirituel, en toute sousmission et reverence..

  A025000786 

 Jamais elles ne diront rien de ce qui a esté traitté et resoulu entre elles et la Superieure, ou bien mesme au Chapitre, layssant a la Superieure la poursuite de la correction ainsy qu'elle verra a faire.

  A025000793 

 La Superieure choysira a son gré une des Seurs qui aura charge de l'admonester des fautes qu'elle commettra, et a laquelle toutes les Seurs s'addresseront pour faire faire la correction par icelle a la Superieure, affin que la Superieure, qui doit ayder et corriger toutes les autres, ne demeure pas elle seule privee du bien d'estre aydee et corrigee.

  A025000795 

 Elle prendra garde de ne point importuner l'esprit de la Superieure par des trop frequentes et inutiles reprehensions: comme elle feroit si, pour des fautes legeres et passageres et qui ne tirent point de consequence, elle venoit a tous propos faire des advertissemens..

  A025000796 

 Jamais elle ne donnera connoissance a la Superieure des Seurs qui auront prié de l'advertir, ni ne dira non plus aux Seurs ni a personne ce qu'elle aura dit a la Superieure, ni ce que la Superieure luy aura respondu; ains si elle void [100] la Superieure se rendre incorrigible en chose de consequence, elle pourra seulement en conferer avec le Confesseur ordinaire, ou mesme, s'il semble mieux, avec le Pere spirituel, qui aussi sera obligé de couvrir si discrettement ce secret en remediant au mal que l'Ayde n'en puisse estre contristee..

  A025000802 

 Une des Seurs aura le soin de toute la Mayson comme Œconome generale d'icelle, laquelle, avec une fidelité et allegresse toute particuliere, entreprendra cette charge a l'imitation des saintes dames qui suivoyent Nostre Seigneur et les Apostres, pour leur administrer les choses requises a leur vie corporelle, embrassant la diligence et ferveur de sainte Marthe, mays fuyant son trouble et son empressement..

  A025000805 

 Elle pourvoyra que les Officieres ayent tout ce qui leur est necessaire pour leur charge.

  A025000807 

 Elle tiendra un roolle bien daté de l'argent qui luy sera donné pour la despense et de celuy qui proviendra des ventes ou des presens charitables..

  A025000810 

 Elle tiendra les inventaires de tous les meubles de chasque office, et procurera que chasque officiere en ayt un particulier de ce qui est de sa charge, qu'elle reverra chasque annee en l'une des visites generales qu'elle fera de toute la Mayson..

  A025000814 

 Elle se rendra prompte et charitable a toutes les necessités des Seurs, selon l'ordonnance de la Superieure, et prendra garde que les Seurs de l'office de la cuysine et les Seurs Tourieres facent bien et a propos ce qui est de leur charge, et avec la douceur et support requis.

  A025000815 

 Elle tirera tous les jours conte de la Seur Touriere qui fait les provisions..

  A025000819 

 La Portiere doit estre grandement discrette pour faire sagement les responces et messages qui viennent en la Mayson et en sortent, pour faire doucement attendre les personnes auxquelles on ne peut pas donner satisfaction sur le champ..

  A025000821 

 Elle verra ce qui sort de la Mayson et l'escrira, si c'est chose d'importance..

  A025000822 

 Elle rendra toutes les lettres qui arriveront a la Superieure, et n'en fera point sortir sans son ordre..

  A025000822 

 Les Seurs estant aux Offices, en l'orayson et a table, elle s'excusera de les appeller, si ce n'est pour chose qui presse et de grande importance.

  A025000824 

 Qu'elle soit courte en paroles avec ceux qui viendront a la porte, ne s'enquerant d'aucune chose non necessaire..

  A025000826 

 Elle ne fera aucun message de dehors aux Seurs, ni des Seurs a ceux de dehors sinon par l'ordre de la Superieure, ou bien de la Directrice en ce qui regarde les Novices..

  A025000832 

 La Sacristaine aura charge et tiendra un roolle de tout ce qui appartient a l'eglise et chappelle de la Congregation, et tiendra tous les ornemens, paremens et meubles qui appartiennent au service de l'autel et de l'eglise proprement, nettement et en bon ordre; parera la chappelle, et preparera les habitz sacerdotaux avec grande diligence, selon la varieté des testes et des tems, se souvenant que Nostre Seigneur a tous-jours aymé la netteté et mondicité, et que Joseph et Nicodeme sont loués d'avoir proprement et nettement enseveli son cors, avec parfums et unguens pretieux..

  A025000840 

 Et parce que les particularités du soin que doit avoir la Sacristaine pour la proprieté et bienseance de toutes les [105] choses sacrees qu'elle a en sa charge sont en trop grand nombre, on luy en doit faire un Directoire a part; et qu'elle l'ayt tous-jours devant les yeux, en le lisant tous les moys, affin de ne point manquer a tout ce qui sera par escrit, la Congregation ayant interest nompareil que cette charge soit passionnement bien exercee..

  A025000846 

 Elle se chargera de tout ce qui appartient a l'infirmerie et au service des malades, dont elle tiendra un memoyre; et aura un extreme soin que les chambres soyent nettes, propres et bien ornees d'images, feuillages et bouquetz, selon que la sayson le permettra, et que rien ne demeure autour des malades qui puisse rendre des puanteurs, ains au contraire, si le medecin le permet, elle y tiendra tous-jours des bonnes senteurs et odeurs..

  A025000847 

 Elle s'essayera de donner aux malades toute confiance [106], sans acquiescer toutefois a leurs volontés en ce qui leur pourroit nuyre..

  A025000860 

 Elle en fera un roolle et en tiendra conte au bout de chasque annee; et les serrera en bon ordre, mettant a part ceux qui sont propres pour les Seurs de grande taille d'avec ceux qui sont pour les petites, affin de les treuver plus aysement et les distribuer sans choix..

  A025000861 

 Quand les Seurs auront des necessités extraordinaires, elle leur en donnera charitablement; et au reste, luy sera fait un petit Directoire pour toutes les particularités qui regardent sa charge..

  A025000864 

 Celle ci doit tenir proprement tout ce qui regarde les meubles du refectoir et prseparer toutes les choses a propos..

  A025000879 

 La Congregation recevra le moins qu'elle pourra des Seurs Tourieres; et semble bien que deux ou troys seront esgalement et necessaires et suffisantes pour tout ce qui est requis au service de la Mayson..

  A025000884 

 Elles observeront les jeusnes comme les autres et communieront tous les Dimanches et bonnes festes; diront tous les jours le Chapelet, feront l'examen qui se fait apres Matines; les Dimanches et festes, ne se treuvans pas occupees, elles assisteront a Vespres.

  A025000891 

 On ne recevra aucune fille pour entrer en la Congregation qui n'ayt quinze ans accomplis et ne sache lire, si elle est presentee pour estre du chœur, et qui ne tesmoigne un grand desir de la perfection chrestienne; et quant aux moyens requis pour l'entretenement, on y advisera de tems en tems, selon les commodités de la Mayson..

  A025000892 

 Et quand la Superieure jugera qu'il en soit tems, elle fera faire la demande de l'entree par la pretendante en plein Chapitre, puis elle prendra les voix de toutes les Seurs; et si la Superieure avec la pluspart des Seurs s'accordent a la reception, on l'admettra au premier essay, le tout neanmoins ayant prealablement pris l'advis du Pere spirituel qui, de son costé, s'enquerra des conditions de la fille affin de mieux conseiller les Seurs en cette occurrence..

  A025000893 

 Car encor que telles vefves semblent a l'abord bien disposees, tandis que la ferveur des premieres impressions de la devotion les anime, elles sont toutefois grandement sujettes peu apres aux tentations de l'inquietude a la moindre difficulté qui se presente, s'imaginant que si elles estoyent au monde elles feroyent [112] des miracles pour leurs enfans, et ne cessent jamais de parler d'eux et de les lamenter; et quoy que leur entree fust grandement utile a leurs enfans mesmes, pour peu qu'elles fussent faschees d'ailleurs, elles prendroyent occasion de blasmer et censurer leur retraitte, avec scandale de plusieurs..

  A025000893 

 Les vefves seront de mesme condition quant a ce point, horsmis qu'il faudra prendra garde de n'en point recevoir qui ayent des enfans pour la conduite desquelz il soit vrayement necessaire qu'elles demeurent au monde, ni de celles qu'on reconnoist estre fort tendres de leurs enfans et sujettes a se troubler.

  A025000894 

 Et en general, on evitera de prendre des filles ou femmes qui soyent mutines ou opiniastres, ou trop esgarees et folastres, les unes s'arrestant trop a leur propre cervelle, et les autres ne s'arrestant a rien; comme encor on se gardera, tant qu'il sera possible, de prendre celles qui sont trop adonnees a la tendreté et compassion sur elles mesmes..

  A025000900 

 Et elle, par apres, dira de gros en gros ses inclinations, humeurs et passions qui ont jusques a l'heure principalement [113] regné en elle, faysant un abbregé de l'histoire de sa vie, tant du mal que du bien, avec confiance et fidelité, affin que la Superieure entende mieux comme il la faut conduire et faire exercer, gardant comme un secret de conscience tout ce qui luy aura esté dit pour ce sujet..

  A025000911 

 Outre laquelle, les Seurs feront trois jours de retraitte avant Noel, avant la Pentecoste et avant la Presentation de Nostre Dame, et de plus toute la Semaine Sainte, jusques apres la Messe du samedi; et ne se fera aucune assemblee pendant lesditz tems de retraitte, que celle de la recreation du soir, qui sera employee a parler des choses saintes et de devotion.

  A025000916 

 La Superieure ne demeurera en charge que troys ans, a la fin desquelz, le samedi apres l'Ascension de Nostre Seigneur, le Chapitre assemblé dans le chœur, en presence du Pere spirituel qui sera assis a la treille, se mettant a genoux au milieu des Seurs, elle renoncera et deposera sa superiorité entre les mains du Pere spirituel qui, ayant accepté sa resignation, l'absoudra de sa charge disant: «La Congregation vous descharge, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit;» et la remettra a l'Assistente.

  A025000919 

 Puys, toutes les voix estant escrittes, on ira au chœur comme le samedi precedent, et apres avoir dit le Veni, creator Spiritus, toutes les Seurs viendront, les unes apres les autres, apporter leurs billetz au Pere spirituel qui, les ayant tous receus dans la boëte, les retirera et les lira l'un apres l'autre; et deux des Seurs, qui auront une liste du nom de toutes les Seurs qui peuvent estre esleuës, avec des lignes tirees a l'endroit de chasque Seur, marqueront d'une traverse la ligne du nom qui se lira.

  A025000919 

 S'il y a des Seurs qui ne sçachent pas escrire, il les fera venir au parloir et luy mesme escrira leurs billetz.

  A025000921 

 S'il se treuvoit que deux Seurs eussent esgalement des voix, il faudra alhors que le Pere spirituel escrive leurs noms en une feuille, tirant une ligne a l'endroit de chascun d'iceux; puys les Seurs sortiront et viendront l'une apres l'autre a luy, et diront laquelle des Seurs elles desirent, et il la marquera par la traverse, en sorte que nul ne puisse voir le papier ou se font les marques, ni ouyr les voix, sinon le Pere spirituel et celuy qui l'accompaigne.

  A025000922 

 Au reste, on ne pourra eslire aucune Seur pour Superieure qui n'excede l'aage de quarante ans et qui ne soit Professe de huit ans.

  A025000922 

 Et s'il n'y en a pas au Monastere, on en pourra eslire une des autres Monasteres du mesme Institut de la Visitation; ou du moins faudra-il que celle qui sera esleuë ayt cinq ans de Profession et trente ans d'aage, selon que le sacré Concile l'ordonne..

  A025000927 

 Mays si les fautes sont griefves et qu'il y ayt de la malice, opiniastreté et obstination, alhors elle conferera avec ses Coadjutrices pour prendre leur advis sur la correction convenable; et s'il est besoin, fera paroistre la coulpable devant elles pour la convaincre, et mesme, s'il est jugé a propos, devant le Confesseur, affin qu'il l'ayde, ou devant le Pere spirituel; et la, luy faire sa sentence, pour luy donner la sainte confusion qui reduit a penitence..

  A025000934 

 Quand la chose defendue est en soy peché, ou que ce qui est commandé est necessaire a salut..

  A025000937 

 Quand le Pere spirituel ou l'Evesque commandent ou defendent quelque chose sous peyne d'excommunication majeure qui soit encourue par la transgression mesme..

  A025000940 

 Mays, comme il appert, ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui en ces cas causent le peché, ains les circonstances qui de leur nature le causeroyent en toutes autres occasions; car ce seroit tous-jours peché aux seculiers mesme de faire ce qui est peché en soy, de laisser ce qui est requis au salut, d'enfreindre quelque loy par mespris, de violer les vœux, de scandaliser le prochain, de se relascher a quelque passion desordonnee..

  A025000941 

 La Regle donq et, comme il a esté dit, beaucoup moins les Constitutions n'obligent nullement a peché d'elles mesmes; mays les Seurs craindront pourtant tous-jours de les violer si elles se resouviennent que leur vocation est une grace tres particuliere delaquelle il faudra rendre conte au jour du trespas; et qu'elles portent gravee en leur memoyre la sentence du Sage: Qui neglige sa voye sera tué.

  A025000947 

 Et les Seurs ne s'employeront nullement pour les choses requises a telles sepultures, ains en lairront la conduite avec tous les prouffitz et esmolumens a qui il appartiendra..

  A025000947 

 On ne recevra aucune sepulture de dehors que de ceux qui, par quelque signalé bienfait, auront obligé le Monastere, ou desquelz la devotion singuliere meritera exception, avec permission neanmoins et dispense particuliere de l'Evesque.

  A025000960 

 Ces Regles dressees par ceste grande lumiere de l'Eglise sainct Augustin, et les Constitutions y adjointes par une autre grande lumiere de ce siecle, sont autant de rayons qui, faisants jour aux ames assizes en tenebres et a l'ombre du monde, addressent leurs pas au chemin de la paix et du repos interieur, les conduisant efficacement à la perfection religieuse apres les avoir souefvement introduictes à la vie devote et faict savourer le sacré miel de l'amour de Dieu.

  A025000960 

 Elles se font encores jour à elles mesmes, et meritent de le voir et estre imprimees, à fin d'estre veuës, lues, et bien prattiquees des Religieuses qui aspirent à la perfection.

  A025000967 

 Veu l'Approbation des Docteurs Theologiens, Nous permettons l'impression des susdictes Regles et Constitutions, et louons grandement la generosité Chrestienne des ames qui se resolvent a si sainctes et heureuses observations..

  A025000975 

 P. B. — A la page 110: Je pense qu'il serait bon de dire que avant la réception des veuves, ses ( sic ) parents principaux fissent quelque acte avec elles, ou en quelque autre forme qui puisse servir, si l'on voulait inquieter pour dettes ou brouilleries..

  A025000982 

 P. B. — P. 119: Ces Associées qui n'assistent point au chœur est chose bien digne de considération.

  A025000984 

 Je pense qu'il faudrait donc dire: «En cas qu'elles eussent des offices qui les occupassent beaucoup.».

  A025000985 

 Elles diront toujours qu'il n'y a rien qui presse, afin d'être au chœur à ne rien faire..

  A025000993 

 Au point suivant, en la même page: Ne serait-il point bon de marquer en quoi la Supérieure peut dispenser: comme de l'Office, du jeûne pour quelque Sœur qui en aurait besoin pour peu de jours, et semblables; comme aussi de dispenser du silence toute la Communauté à certains jours, afin que les Sœurs s'entretiennent et récréent? Et marquer aussi que les choses d'importance dont il faut dispenser avec le conseil du Supérieur seraient de décharger tout à fait une fille du jeûne ou de l'Office, afin d'ôter toute liberté et prétexte de changement aux Constitutions, et que, qui que ce soit, n'a ce pouvoir..

  A025000995 

 Ne serait-il point à propos d'ajouter que les rentes et revenus seront réglés selon les lieux, après que les bâtiments seront faits, afin que l'on se tienne en la médiocrité et que les trop grandes richesses ne gâtent tout; et que l'on n'ait aucun meuble qui ne ressente la pauvreté et simplicité religieuse, excepté pour l'église, et des cuillers d'argent pour les malades? Que les meubles mondains que les filles apportent soient serrés, et vendus après la Profession; l'on a peine de faire quitter les miroirs..

  A025001020 

 P. B. — Page 162: Ne se charger d'autre Office, ni de soi-même, ni de Père spirituel, de qui que ce soit..

  A025001030 

 En la page 176: Il serait utile d'ajouter: ni n'entreront dans les offices sans congé et n'y prendront aucune chose sans avertir la Sœur qui en aura la charge; et prenant quelque chose, auront soin de la rapporter..

  A025001058 

 P. B. — Page 213: Touchant les livres, faut dire: «par la permission du Père spirituel, ou du Confesseur,» qui suffira pour telle petite chose..

  A025001065 

 P. B. — Page 258: S'il se pouvait, trois seraient bien mieux; mille occasions surviennent qui montrent cette nécessité..

  A025001075 

 Page 276: Si Monseigneur le trouve bon, on retranchera toute assemblée es temps qui sont donnés en retraite; et ajouter que les Sœurs ne parleront facilement au Carême et en l'Avent, sinon qu'il soit nécessaire..

  A025001078 

 Il dit encore qu'il seroit à propos pour les sermons d'établir [131] à peu près les jours qu'il en faudroit, et qu'il ne fusse aisément permis que ceux qui s'invitent d'eux-mêmes fussent reçus indifferemment..

  A025001080 

 Si l'on en pourrait garder toujours avec l'habit de Religion, sans faire Profession, ou quelque autre fille ou femme qui se voulussent retirer avec les Religieuses, en leur habit seculier..

  A025001083 

 Je supplie très humblement Monseigneur et mon très cher Père de finir et clore ses CONSTITUTIONS par une ardente et vive conjuration, qui presse saintement et force doucement les filles Religieuses de ne se départir jamais de leurs très saintes Constitutions, sous quelque prétexte que ce soit.

  A025001083 

 Mais, mon Père, gravez ceci avec les paroles les plus prégnantes qui vous seront possibles, et surtout obtenez-nous cette grâce de la miséricorde de Dieu qui soit à jamais béni..

  A025001090 

 «Nos Sœurs sont toutes fort en œuvre du petit Directoire,» lui écrit sainte Jeanne de Chantal le 10 novembre 1630; «mais elles désireraient bien, s'il se pouvait, que l'on y ajoutât l' Exercice de l'union et les trois Souhaits de notre Bienheureux Père qui sont au commencement du Coutumier.» ( Sainte Jeanne-Françoise Frémyot de Chantal, sa Vie et ses Œuvres; Lettres, vol. III, Paris, Plon, 1878, p. 535.) Ce qui fut fait.

  A025001092 

 Ce Manuscrit est reproduit dans notre texte; nous donnons en variantes les divergences et additions du Directoire de 1637, qui est la leçon actuelle.

  A025001092 

 Pour «ageancer» ce qui n'était pas coordonné, sainte Jeanne de Chantal [133] y mit-elle parfois du sien? Il est permis de le croire, quand on voit l'addition de fragments considérables qui n'existent pas dans le Directoire manuscrit; mais il est certain qu'elle a toujours interprété la pensée de son Bienheureux Père, si elle n'en a pas reproduit textuellement les paroles..

  A025001111 

 Comme donques pourroit on avoir des liens plus fortz que le lien de la dilection, qui est le lien de la perfection?.

  A025001111 

 Nous n'avons aucun lien que le lien de la dilection, qui est le lien de la perfection; car la dilection est forte comme la mort et le zele d'amour ferme comme l'enfer.

  A025001115 

 O vray Dieu, mais qui me fera tant de grace que le Tout Puissant escoute mon desir, et que luy mesme escrive ce livre, affin que je le porte sur mes espaules, et que je m'en environne comme d'une couronne, et que je le prononce a chasque pas, et que je le luy offre comm' a un Prince? [135].

  A025001116 

 Ainsy je nommeray en toutes les aspirations que mon esprit fera vers vous, les noms qui y seront marqués, comm'un cantique de joye et de louange, et en offriray le roole, comm'un bouquet de suavité, a vostre divine Providence..

  A025001117 

 Et que les cœurs que vous aves congregés sous vostre nom et celuy de vostre chere Mere ne se disperse ( sic ) point, que ce que vous aves assemblé ne se dissipe point, et ce que vous aves conjoint ne se separe point; mays que les noms marqués en ces feuilles perissables soyent a jamais escritz au Livre des Vivans, avec les justes qui regnent aupres de vous en la vie de l'immortelle fœlicité..

  A025001132 

 Le sommeil est l'image de la mort et le resveil est l'image de la resurrection; ou bien celle de la voix qui retentira au dernier jour: O mortz, leves vous et venes au jugement.

  A025001138 

 Et qu'elles ne negligent point ceci es choses petites et qui leur semblent [138] de peu d'importance; voire mesme si on les employe a des choses qui leur soyent du tout aggreables et du tout conformes a leur volonté et necessité, comme de boire, manger, se reposer et recreer, et choses semblables, affin que, suyvant le conseil de l'Apostre, tout ce qu'elles feront soit fait au nom de Dieu et pour son seul bon playsir..

  A025001138 

 Les Seurs qui voudront prosperer et faire progres en la voye de Nostre Seigneur doivent, au commencement de toutes leurs actions, tant exterieures qu'interieures, demander sa grace et offrir a sa divine Bonté tout ce qu'elles feront de bien, se preparant ainsy a supporter toute la peyne et mortification qui s'y rencontrera avec paix et douceur d'esprit, comme provenante de la main paternelle de nostre bon Dieu et Sauveur, duquel la tres sainte intention est de les faire meriter par telz moyens pour, par apres, les recompenser de l'abondance de son amour.

  A025001142 

 Comme aussi elles pourront tenir cette methode en tous leurs autres exercices, affin qu'elles portent a chacun d'iceux l'esprit qui leur convient; car il ne faut pas une mesme action et contenance au chœur qu'a la recreation.

  A025001142 

 Il faut es exercices qui regardent immediatement l'honneur et service de Dieu un esprit humblement rabbaissé, grave, devot et serieusement amoureux.

  A025001142 

 Les Seurs auront en singuliere recommandation la simplicité et promptitude a l'obeissance; et partant, quand les Offices sonneront, elles doivent courir a la voix de l'Espoux qui les appelle, c'est a dire partir allegrement au premier coup, se mettre en la presence de Dieu et, a l'imitation de saint Bernard, demander a leurs ames ce qu'elles vont faire au chœur.

  A025001146 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles dient a l'Office, qu'elles employent fidellement ce talent selon le bon playsir de Dieu qui le leur a donné pour les ayder a se tenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui n'y entendent rien se tiennent simplement attentives a Dieu, faysant des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses..

  A025001147 

 Mays la principale attention et le plus grand soin que doivent avoir les Seurs qui ne sont pas encor habituees a l'Office, c'est de bien prononcer, faire les accens, pauses, mediations, de prevoir ce qu'elles ont a dire selon les charges qui leur sont donnees, se tenir prestes pour commencer, et faire les ceremonies avec gravité et bienseance, sans exceder en la crainte de faillir non plus qu'en la presomption de bien faire.

  A025001161 

 Apres le Pater, Ave Maria et le Credo qui se dit a la fin des Offices, les Seurs rendront graces a Nostre Seigneur de tous ses benefices, particulierement de sa sainte Passion, de ses divins Sacremens, du benefice de leur vocation de ce qu'il luy a pleu les conserver cette journee, leur administrant en icelle, par sa douce bonté, toutes leurs necessités.

  A025001164 

 Apres cela elles recommanderont a la divine misericorde leurs ames, leurs cors et tout leur estre; prieront pour la sainte Eglise, pour leurs parens et pour tous ceux a qui elles ont un particulier devoir, n'oublieront les pauvres ames du Purgatoire; salueront Nostre Dame, leur bon Ange et les saintz Protecteurs.

  A025001168 

 Outre cet examen general, les Seurs pourront prattiquer le particulier, lequel se fait d'une vertu particuliere qui soit la plus convenable et qui s'oppose directement es imperfections esquelles l'on se sent plus incliné..

  A025001172 

 Que les Seurs n'aillent pas au refectoir seulement pour manger, ains pour obeir a Dieu et a la Regle, ouyr la sainte lecture, dire les coulpes, recevoir les advertissemens et faire les mortifications qui y sont pour l'ordinaire prattiquees; et que, partant, elles y entrent avec gravité et modestie, les robbes abattues et les yeux en terre.

  A025001175 

 Pour prendre sa refection on gardera cet ordre: Les Seurs estans dans le refectoir, feront l'inclination au Crucifix qui sera eslevé entre la place de la Superieure et celle de l'Assistente, et se rangeront de chœur en chœur, tournees les unes contre les autres, selon leur rang, tenant les mains jointes pendant la Benediction et les Graces qui se disent selon les tems, ainsy qu'il est marqué au Breviaire..

  A025001176 

 Celles qui voudront dire leurs coulpes se mettront a genoux devant la place de la Superieure, troys a la fois, et n'en pourront dire qu'une, et les ayant dites elles s'iront ranger en leurs places..

  A025001179 

 La lectrice, apres le Benedicite, prendra la benediction les mains jointes, toute debout, et la Seur qui servira a la table sera aupres d'elle.

  A025001180 

 Les Seurs ne laisseront point de places vuides entre elles; si quelqu'une manque, elles luy laisseront place au bout d'en haut, ou bien en bas; et celles qui par negligence seront tardifves, ne venant qu'apres que les autres seront assises, bayseront la terre au milieu du refectoir..

  A025001181 

 Que la douillette considere le fiel qui fut presenté a Nostre Seigneur au fort de ses plus ameres douleurs; celle qui est trop avide pense a l'abstinence et jeusnes rigoureux des Peres du desert et de tant d'autres Saintz qui ont si puissamment mortifié leur sensualité..

  A025001181 

 S'il y en a quelques unes qui soyent naturellement douillettes, ou trop avides a manger, qu'elles facent en entrant une bonne resolution, en invoquant la grace et faveur de Nostre Seigneur, affin de se surmonter courageusement.

  A025001182 

 Qu'elles ne sortent point de table sans s'estre mortifiees en quelque chose; et que neanmoins elles usent sans scrupule ni ceremonie des viandes qui leur seront donnees pour le soulagement de leur infirmité, prenant indifferemment de la main de Nostre Seigneur, tant pour les viandes que pour toutes autres choses, ce qu'elles aymeront comme ce qu'elles n'aymeront pas; voire mesme en l'infirmerie, ou elles se rendront douces, patientes et obeissantes a l'Infirmiere [146], et recevront ce qui leur sera donné avec action de graces, reconnoissant qu'elles ne meritent pas un si bon et charitable traittement..

  A025001183 

 La Seur qui sert, ayant pris la benediction, troussera sa robe et les grandes manches jusques au coude, ceindra son devantier et prendra sur la fenestre du service l'ais chargé de portions.

  A025001184 

 Celle qui servira prendra garde que rien ne manque aux Seurs et de lever les choses qui ne serviront plus, se servant de l'ais pour cela quand il sera besoin, et des corbeilles pour les tassines et pour le pain qu'elle levera avec le Cousteau; et mettra les potages de la seconde table sur la fin de la premiere..

  A025001185 

 Puis elle viendra avec celle qui aura servi, [147] laquelle abbattra ses manches et sa robbe, bayseront terre au milieu du refectoir et, ayant fait une inclination a la Superieure, se retireront et s'iront mettre a table..

  A025001187 

 Les Graces estant dites, celles qui auront a faire des advertissemens se mettront a genoux et les feront devant la Superieure.

  A025001187 

 Les Seurs Domestiques et Despensiere qui auront des coulpes a dire les diront au mesme tems, puis se retireront; et la semainiere commencera le De profundis, que toutes poursuivront alternativement, et apres, les Seurs, deux a deux, une de chasque chœur, s'advanceront l'une aupres de l'autre, au droit de leur place, pour faire l'enclin a la Superieure, et s'en iront en silence jusques au lieu de la recreation, excepté la lectrice de la seconde table qui rentrera et commencera sa lecture, et la finira de mesme qu'a la premiere table, ne relisant pas ce qui a esté leu..

  A025001189 

 Celles qui mangeront a terre ayant achevé, se mettront a genoux, si elles le peuvent sans incommodité, ou demeureront assises en la mesme place, jusques a ce que le signe soit donné, qu'elles se retireront en leur rang, apres avoir baysé terre..

  A025001189 

 Celles qui s'exerceront en telz actes d'humilité ne se traisneront point par terre, ains de troys en troys se releveront et feront un enclin pour se remettre derechef a genoux, et ainsy consecutivement jusques a la fin; apres quoy, retournant au milieu du refectoir, elles bayseront terre et se retireront.

  A025001189 

 Les Seurs qui feront des mortifications au refectoir les commenceront quand on aura dit: Au nom de Dieu, devant la refection, et ne seront que troys ou quatre a chaque fois.

  A025001192 

 On les tiendra dans la chambre des Assemblees, avec les livres de nostre Bienheureux Pere, pour donner commodité aux Seurs de les lire; comme aussi le Coustumier, lequel Coustumier les Seurs qui sont encores au novitiat ne liront point..

  A025001193 

 Les Seurs allant au lieu de la recreation demanderont a [149] Nostre Seigneur la grace de ne rien dire ni faire qui ne soit a sa gloire.

  A025001203 

 Et recevront en cette qualité tout ce qui leur sera enjoint par la Superieure, sans replique ni excuse, encores qu'elles eussent quelque autre chose a faire.

  A025001203 

 Mays si c'estoit chose pressee et necessaire, elles le diront par apres a la Superieure; que si elles sont Novices, elles s'addresseront a leur Maistresse qui en advertira la Superieure.

  A025001204 

 Qu'en entrant elles se mettent plus particulierement en la presence de Dieu, demandant la grace d'employer le silence selon la fin pour laquelle il a esté saintement institué, qui est non seulement pour empescher le vain babil, mais aussi pour retrancher les pensees vagabondes et inutiles, s'entretenant avec l'Espoux, et pour prendre nouvelles forces affin de travailler sans cesse a son divin service..

  A025001204 

 Si tost que l'Obedience sera donnee, les Seurs qui n'ont rien a demander se retireront en leurs cellules, ou autre lieu qui leur sera convenable, pour faire leurs ouvrages et ce qui leur sera ordonné.

  A025001205 

 Par exemple, si elles ont consideré le mistere de la flagellation, et que le regard doux et amoureux que le beni Sauveur jettoit de fois a autre sur ceux qui le flagelloyent ayt touché leur cœur, elles doivent se le representer souventesfois, faysant ensuite cet eslancement: O doux Jesus, regardes moy des yeux de vostre misericorde.

  A025001205 

 Une autre fois: Seigneur, ostes de moy tout ce qui peut desplaire a vos yeux..

  A025001238 

 Ange glorieux qui m'aves en garde, priés pour moy..

  A025001249 

 Que les Seurs facent donq en suitte de telles pensees quelque devote aspiration, affin que Dieu leur soit propice a cette derniere heure: ce qui arrivera infalliblement a celles qui se rendront tres soigneuses de cet exercice, lequel elles doivent prattiquer en tout tems et en toutes occasions, par le moyen duquel elles croistront et prouffiteront tous les jours d e vertu en vertu, jusques a la perfection de l'amour divin..

  A025001250 

 Celles qui seront travaillees de quelque forte tentation ou passion pourront s'encourager et fortifier par la consideration des travaux de Nostre Seigneur, se le representant aux siens.

  A025001259 

 Qu'elles s'essayent de s'endormir tous-jours sur quelque bonne pensee, parce qu'il y a un démon qui espie leur sommeil pour l'infecter de quelques mauvaises imaginations, [155] et un qui espie semblablement leur resveil affin de remplir leur esprit de mille vaynes et inutiles cogitations..

  A025001264 

 Apres quoy elles demanderont tres humblement pardon a Nostre Seigneur et la grace de se corriger; dequoy elles feront une bonne resolution, specialement des choses plus importantes qu'elles remarqueront, les detestant et taschant de donner a leur ame une vraye douleur de leurs fautes, pour petites qu'elles soyent; car c'est tous-jours trop de mal d'avoir despieu a la souveraine bonté de Nostre Seigneur qui nous fait journellement tant de misericorde..

  A025001265 

 Apres avoir remarqué leurs fautes presentes, elles y adjousteront quelque chose de ce qu'elles ont fait au monde, qui soit manifestement peché: comme une mesdisance par hayne, ou un mensonge par vanité; et feront de tout ensemble l'acte de contrition..

  A025001267 

 Qu'elles dient purement et simplement ce qui les touche et se gardent bien d'accuser la faute d'autruy avec la leur.

  A025001270 

 Si les Confesseurs les enquierent de quelque chose qui ne soit pas de la confession, comme par exemple, de quelque tentation, exercice ou difficulté, elles pourront, si elles veulent, respondre en ce qui les touche seulement; mais si elles ne desirent pas d'en parler avec eux, elles diront: Mon Pere, excuses moy, s'il vous plaist; je crains de m'embrouiller l'esprit en parlant de cela; je n'en ay, graces a Dieu, aucun scrupule ni remords de conscience..

  A025001271 

 Au partir de la, elles ne doivent aucunement parler de ce qui leur a esté dit en confession, sinon que ce fust quelque chose si utile et devote qu'il semblast a propos de le dire pour l'instruction et edification des autres.

  A025001272 

 Les Seurs se confesseront deux fois la semaine en tous tems, a sçavoir, tant qu'il se pourra, le jour precedant la sainte Communion qui se fait le Dimanche et le jeudy, sans qu'il soit loysible a aucune de remettre la confession au lendemain, sinon qu'il y ayt cause legitime et licence de la Superieure; et en ce cas elle ira tirer son cordon en la carte.

  A025001273 

 Celle qui sortira du confessionnal ira promptement appeller celles qui doivent suyvre les deux qu'elle a laissees..

  A025001273 

 Elles seront tous-jours deux ou troys qui attendront pour se confesser.

  A025001273 

 Et tandis que la premiere se confessera, celles qui suyvent se prepareront, pour entrer promptement quand celle qui precede sortira de devant le Confesseur, auquel elles feront l'enclin.

  A025001276 

 Celles qui communient le mercredi et samedi se pourront confesser le matin, et en ce cas tireront leur cordon en la carte.

  A025001281 

 Sur le point de la Communion elles pourront user de quelqu'eslancement de paroles mentales ou vocales, comme celle de saint François: «Qui suis je, Seigneur, et qui estes vous?» ou bien de sainte Elisabeth: D'ou me vient ce bonheur que mon Seigneur vienne a moy? ou celle de saint Jean l'Evangeliste: Ouy, venes, Seigneur Jesus; ou celle de l'Espouse sacree: Que mon Espoux me bayse d'un bayser de sa bouche; et semblables..

  A025001288 

 On peut penser aussi a l'ardeur interieure de Nostre Dame lhors que l'Ange luy dit que le Saint Esprit viendroit en elle, sa devotion, son humilité, sa confiance, son courage; et qu'a mesme tems qu'elle entendit que Dieu luy donnoit son cœur, qui est son Filz, elle se donna reciproquement a Dieu, et que lhors cette supersainte ame se fondit en charité, si qu'elle pouvoit dire: Mon ame s'est liquefiee ou fondue quand mon Bienaymé m'a parlé..

  A025001291 

 Elles feront l'enclin a la Superieure quand elles iront, chacune a mesme tems que celle qui la precedera fera la genuflexion, laquelle elles feront a l'instant que celle qui est proche de communier se mettra a genoux pour recevoir la sainte Communion.

  A025001292 

 La Superieure, ou celle qui communiera la premiere, a mesme tems que l'on dit le Confiteor s'ira mettre a genoux a la fenestre en attendant que le prestre y apporte la sainte Communion, et toutes iront, le voyle baissé jusques sur le nez, prenant fort garde toutefois qu'il n'empesche celuy qui donne la Communion.

  A025001295 

 Elles appliqueront la premiere Communion de chasque [163] moys pour le renouvellement de leurs vœux; et s'il n'y a occasion qui empesche, elles appliqueront la seconde pour l'exaltation de la sainte Eglise et pour le Pape, Prelatz et officiers d'icelle.

  A025001296 

 Quand leurs peres, meres, freres et enfans decederont, on leur appliquera une Messe sans autres prieres ni ceremonies, excepté que celle qui est parente peut, avec congé, faire plusieurs Communions a l'intention du deffunct, durant l'annee du trespas..

  A025001299 

 On ne dit rien de l'orayson, parce que l' Introduction a [164] la Vie devote suffit pour y dresser les ames qui n'en ont pas encor l'usage, et le Traitté de l'Amour de Dieu et plusieurs autres livres qui traittent de cette matiere, avec les Entretiens, fourniront suffisamment de lumiere et d'addresse aux plus advancees; et qu'en fin, le Saint Esprit est le vray Directeur en ce chemin, quoy qu'il faille tous-jours marcher appuyees sur le conseil de la Superieure, laquelle, autant qu'il luy sera possible, doit ayder et advancer les ames en cet exercice, comme tres important et utile en la vie spirituelle..

  A025001302 

 Et de plus, s'il se treuve [165] quelques ames, voire mesme au Novitiat, qui craignent trop d'assujettir leur esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuidance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que, pour l'ordinaire, celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A025001308 

 Et si c'est la Directrice qui les envoye, elles feront l'enclin a la Superieure des la place ou elles seront..

  A025001309 

 Si tost que l'Obeyssance sera donnee, que les Novices se retirent promptement au novitiat, se mettant plus particulierement [166] en la presence de Dieu, luy demandant sa grace affin de bien prouffiter des enseignemens qui leur seront donnés.

  A025001313 

 Toutes rendront une obeyssance tres simple a la Directrice en tout ce qu'elle leur commandera, sans replique ni excuse, et ne parleront point de ce qui se fait au novitiat, tant des coulpes qu'autres choses..

  A025001314 

 Pour apprendre a se bien confesser, elles iront le matin, tant qu'il se pourra, parler a la Directrice pour estre instruites a se confesser clairement, courtement et avec contrition, et [à] aller comme il faut a ce saint Sacrement, sans y conter des histoires qui ne servent a rien..

  A025001319 

 Que la Superieure de chasque Monastere prenne soigneusement garde qu'on n'introduise aucune nouveauté, retranchant toute pretention de faire plus ou moins que ce qui est compris en l'Institut.

  A025001327 

 Et quand le monde les tiendra pour telles et les mesprisera, qu'elles reçoivent le mespris comme chose tres convenable a leur petitesse et un gage pretieux de l'amour de Dieu envers elles; car Dieu voit volontier ce qui est mesprisé, et la bassesse aggreee luy est tous-jours fort aggreable.

  A025001328 

 Cela nourrira en elles la sainte paix et tranquillité de cœur qui leur a esté si souvent recommandee; a quoy servira encores qu'elles ne se plaignent point, les unes parmi les autres, de leurs tentations, desgoustz, aversions et difficultés, ni mesme des incommodités corporelles, sinon a la Superieure..

  A025001328 

 Qu'elles se monstrent tres affectionnees, autant que la Constitution seiziesme le permet, a la prattique de ce document qui est d'un prix inestimable: «Ne demandes rien, ne refuses rien;» mays qu'elles se tiennent disposees pour faire et souffrir tout ce qui leur arrivera de la part de Dieu et de la sainte obeyssance.

  A025001331 

 Mais quand il sera requis de faire quelque present, la Superieure le doit donner ou faire donner au nom de toute la Communauté, et se tenir, mesme en cela, dans les bornes de la modestie, de l'humilité et pauvreté religieuse, qui sont les vertus propres et particulierement recommandees aux Filles de la Visitation..

  A025001331 

 Quand donq les Seurs parleront de leurs defautz et de ce qui touche a leur personne, elles useront du terme singulier, comme par exemple: J'ay rompu le silence; je suis imparfaite; j'ay mal a la teste, et semblables.

  A025001337 

 Les Monasteres qui sont plus commodes pourront [172] et feront tres bien de secourir charitablement ceux qui se treuveront en necessité, prenant neanmoins l'advis et permissions des Superieurs lhors qu'il s'agira de chose notable; et que cela se face sans aucune alienation des fonds et revenus des monasteres.

  A025001337 

 S'il arrive quelques inconveniens remarquables ou chose qui peust grandement ayder les autres Monasteres et leur donner lumiere, elles s'en advertiront..

  A025001338 

 Elles ne doivent jamais parler des autres Monasteres qu'avec beaucoup d'honneur et de respect, louant et approuvant les vertus qui s'y prattiquent.

  A025001338 

 Et que les Superieures ne permettent point qu'on parle dans leurs Communautés des defautz qui s'y pourront commettre, ni mesme en ceux des autres Ordres, lesquelz elles doivent beaucoup honnorer, mais en parler peu, a cause de l'inconstance de l'esprit humain.

  A025001346 

 En liberté de faire quelque priere vocale allant et venant par la Mayson, et pour qui elles voudront..

  A025001349 

 De se pourmener ou retirer en solitude entre les Offices du matin et autres heures qui ne sont de communauté, en [174] faysant leurs ouvrages, en sorte toutefois que cette liberté ne nuyse point a la retraitte et recueillement..

  A025001361 

 Le Pere spirituel, ou celuy qui de sa part celebrera cette action, sera a l'autel, revestu tout ainsy comme pour dire la sainte Messe, horsmis qu'au lieu de la chasuble, il portera une chappe blanche..

  A025001363 

 Le sermon qui se doit faire pour cett'action pourra estre fait ou par le celebrant, ou bien par quelqu'autre praedicateur; et pourra estre fait ou bien au commencement, ou bien a la fin de l'action, selon qu'il sera jugé plus a propos..

  A025001364 

 Et quand celuy qui fera l'action ne fera pas le sermon, on mettra deux chaires: l'une pour le celebrant, l'autre pour le praedicateur; et le predicateur, s'il n'est Evesque, prendra la benediction du celebrant..

  A025001367 

 Que si le sermon se differe jusques a la fin, [le Veni, creator se dira le celebrant estant a genoux devant l'autel; et achevé qu'il sera, il ira a la grille ou, estant de mesme] assis et couvert, commencera ladite reception comm' il s'ensuit, parlant a la future Novice, qui sera un peu esloignee de la grille, a genoux sur un petit rehaussement, en sorte que, s'il se peut, on la puisse voir; [et] dira ainsy:.

  A025001367 

 Si donq le sermon se fait avant l'action, apres que le celebrant, revestu comme il a esté dit, aura un peu prié a genoux au pied de l'autel, il s'ira asseoir; et luy, ou bien celuy qui devra exhorter, commencera le sermon, apres lequel immediatement [se dira le Veni, creator; et le celebrant, s'estant] assis et couvert, commencera l'action de la reception.

  A025001376 

 Et je sçay bien que vous aves esté souvent advertie que celles qui entreprennent de vivre ceans ne doivent avoir aucune autre intention que de plaire a Dieu par ces moyens-la, affin d'estre conformes a l'image du Filz de Dieu crucifié, leur unique et souverain Espoux.

  A025001376 

 Il est vray que cette Mayson est une mayson du Seigneur, en laquelle est convenable toute sainteté; et celles qui y habitent doivent de tout leur cœur et tous les jours de leur vie prattiquer la parole de Nostre Seigneur: Si quelqu'un veut venir apres moy, qu'il renonce a soy [178] mesme, prenne sa croix et me suive.

  A025001376 

 Il me reste seulement a vous dire que, comme vostre dessein de faire une vie de si excellente perfection ne peut estre prattiqué que parmi plusieurs contradictions, difficultés et travaux tant exterieurs qu'interieurs, aussi Dieu tout puissant et tout bon, qui par sa misericorde vous y a appellee, vous assistera de sa sainte protection, pourveu que, avec fidelité et humilité, vous suivies et secondies les attraitz et operations de sa grace..

  A025001377 

 Le Celebrant apres cela, ayant fait une petite pause, adjoustera parlant a celle ou celles qui se presentent:.

  A025001380 

 Ceux qui se confient au Seigneur pour habiter en sa mayson, ne vacilleront jamais, non plus que la montaigne de Sion.

  A025001382 

 Ceux qui se confient au Seigneur pour habiter en sa mayson, ne vacilleront non plus que la montaigne de Sion.

  A025001384 

 Nostre Seigneur Jesus Christ qui vous a donné cette bonne volonté veuille, par sa misericorde et l'intercession de la tressainte Vierge sa Mere, vous donner la perseverance pour la bien executer..

  A025001386 

 Qui vivis et regnas in saecula saeculorum.

  A025001389 

 Qui fecit caelum et terram..

  A025001395 

 Deus aeternorum bonorum fidelissime promissor et certissime persolutor, qui vestimentum salutis et indumentum aeternae jucunditatis tuis fidelibus promisisti; clementiam tuam suppliciter exoramus, ut haec indumenta humilitatem cordis et contemptum mundi significantia, quibus famulae tuae sancto visibiliter sunt informandae proposito, propitius bene † dicas, ut beatae castitatis habitum quem te inspirante suscipient, te protegente custodiant, et quas venerandis vestibus induis temporaliter [180], beata facias immortalitate vestiri.

  A025001402 

 Qui vivis et regnas cum Deo Patre, in unitate Spiritus Sancti Deus, etc..

  A025001404 

 Cela fait, le Celebrant portera ou, s'il ayme mieux, fera porter par l'un des assistans un cierge allumé a celle qui est receue, ou a chacune d'icelles, si elles sont plusieurs, disant:.

  A025001405 

 Receves, ma tres chere fille (ou mes tres cheres filles), la lumiere corporelle en signe de la lumiere spirituelle de laquelle nous supplions Dieu vous illustrer, affin qu'avec la ferveur du Saint Esprit vous puissies parvenir a l'eternelle societé de l'Espoux sacré de la tressainte Eglise, Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le mesme Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles.

  A025001410 

 Qui vivis et regnas in sœcula sœculorum.

  A025001416 

 Induat te Dominus novum hominem, qui secundum Deum creatus est in justitia [ et ] sanctitate veritatis..

  A025001422 

 15. Et finalement il jette de l'eau benite sur elle sans [182] autre chose dire, et les Seurs commencent a chanter les Psaumes qui seront ci apres marqués, tandis que l'on va vestir la nouvelle Seur dans la sacristie des Seurs ou ailleurs, hors du chœur.

  A025001422 

 Ce qui se fera le plus vistement qu'on pourra, affin de ne pas faire beaucoup attendre le Celebrant, lequel aussi, de son costé, s'estant retiré dans la sacristie des Prestres, se preparera pour venir dire la sainte Messe a mesme tems que les Seurs avec la nouvelle Novice seront retournees au chœur, et auront achevé de chanter, ou tous, ou partie des Psaumes marqués pour cet effect..

  A025001433 

 Et si elles sont deux ou plusieurs, l'une commencera a la Superieure et l'autre a l'Assistente, et poursuivront chacune son chœur jusques a la fin, qu'elles feront la genuflexion contre l'autel et reviendront ensemblement faire l'enclin a la Superieure, poursuivant de donner le bayser de paix chacune du costé ou elle ne l'avoit pas donné: [183] en sorte que celle qui avoit commencé a la Superieure reviendra a l'Assistente, poursuivant son chœur de cet endroit la; et celle qui avoit commencé par l'Assistente recommence a la Superieure, en poursuivant aussi jusques a la fin de ce chœur la, ou se rencontrans, elles feront derechef la genuflexion ensemblement contre l'autel, et se donneront le bayser de paix l'une a l'autre..

  A025001440 

 qui appartenait en 1897 au D r Moriez, à Nice.

  A025001446 

 Tout ce qui a esté dit devoir estre observé en la reception des Seurs au Novitiat se doit pareillement faire en la Profession, despuis le premier article jusques au septiesme.

  A025001473 

 Telle est la generation de ceux qui le craignent et cherchent la face du Dieu de Jacob..

  A025001474 

 La Novice joignant les mains et comme acceptant la benediction qui luy est predite, elle dira: [187].

  A025001503 

 Sur cela la Novice et les Seurs qui l'assistent, se levant, font la genuflexion, et la Novice venant s'agenouiller sur le marchepied proche de la grille, demeurera un peu en silence, les mains jointes, les yeux baissés, et les assistentes se mettront a genoux a costé de la Novice.

  A025001513 

 Qui vivis et regnas in saecula saeculorum.

  A025001517 

 C'est a vous, o Jesus mon Sauveur, a qui mon cœur parle, encores que je ne sois que poudre et cendre.

  A025001522 

 « O Cieux, oyes ce que je dis,» et ce qui s'ensuit, jusques aux paroles suyvantes, que l'une d'icelles dira pour toutes, en cette sorte:.

  A025001525 

 Des icy, les Seurs disent l'une apres l'autre ce qui s'ensuit, si elles sont plusieurs:.

  A025001543 

 Receves, ma fille tres chere, la croix de Nostre Seigneur Jesus Christ, comme une chaisne tres aymable et un rempart tres asseuré sur vostre poitrine contre toutes les embusches de l'ennemy, affin qu'estant crucifiee au monde, vous puissies, sous le joug de vraye obeissance, en la compaignie de tous les Saintz, triompher a jamais avec iceluy Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles..

  A025001557 

 Qui vivis et regnas, Deus, in saecula saeculorum..

  A025001564 

 Beati mortui qui in Domino moriuntur..

  A025001565 

 Puis la Seur s'estend sous le drap qui sera preparé au long de la grille; les deux assistentes la couvrent, et une des Seurs dit au milieu du choeur la Leçon suivante:.

  A025001574 

 Inclina, Domine, aurem tuam ad preces nostras, quibus misericordiam tuam supplices deprecamur, ut qui hanc famulam tuam de saeculo migrare jussisti, in pacis ac lucis regione constituas, et Sanctorum tuorum jubeas esse consortem.

  A025001576 

 Leves vous, vous qui dormes; releves vous d'entre les mortz, et Jesus Christ vous illuminera..

  A025001588 

 Absorbeat, quœsumus Domine, mentem nostram ignita et melliflua vis amoris tui, ut amore amoris tui ardeamus, qui amore amoris nostri dignatus es mori.

  A025001588 

 Qui vivis et regnas, cum Patre et Spiritu Sancto, in sœcula sœculorum.

  A025001590 

 Vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; mais Ihors que Jesus Christ qui est vostre vie paroistra, lhors vous paroistres avec luy en gloire.

  A025001600 

 Deus, qui pro nobis Filium tuum crucis patibulum subire voluisti, ut inimici a nobis expelleres potestatem; concede [194] nobis famulis tuis, ut resurrectionis gratiam consequamur.

  A025001606 

 Il est a noter que tandis qu'on fait le sermon, les Seurs devront estre assises de chœur en chœur en leurs sieges, excepté la Novice et les assistentes, qui sont sur des sieges a trois ou quatre pas de la grille, eslevés..

  A025001608 

 Item, quand il y a plus d'une fille qui fait la Profession, il faut que l'une parle pour toutes, ainsy qu'il a esté marqué en son lieu; et tout de mesme le Celebrant parlera au nombre plurier, quand elles sont plusieurs.

  A025001616 

 Celle qui entrera sera receue par deux Dames a ce deputees par la Superieure, qui la conduyront, selon le commandement d'icelle, ou et comm'il leur aura esté ordonné.

  A025001616 

 En suite de quoy, il ne sera permis a aucune d'icelles Dames de se presenter pour rencontrer ou voir celle qui entrera, sinon que la Superieure la face appeller pour cela.

  A025001616 

 Nulle des Dames ne parlera aux femmes qui viendront de dehors qu'avec le congé de la Superieure et en presence d'un'autre des Dames, hors la veiie de laquelle elle ne s'escartera point, ni mesme ne parlera point en sorte qu'elle ne soit entendue d'icelle, si toutefois la Superieure ne juge quil soit expedient de permettre quelque conference secrette de quelqu'une des Dames avec celle qui entrera, en quoy elle pourra dispenser; c'est a dire, que telle conference se face hors l'ouye de l'assistente, mais non jamais hors la veüe..

  A025001617 

 Elles prendront garde a ne point dire ni ouyr des paroles curieuses, mondaines, vaines et superflues, ains de se tenir courtes en tout autre devis qu'en ceux qui regarderont le prouffit spirituel ou de celle qui parle ou de celle a qui l'on parle..

  A025001617 

 Item, elles demeureront autant esloignees de la treille qu'il faut pour n'estre point touchees, ni en leurs habits ni autrement, par ceux qui leur parleront; et tous-jours s'observera que les Dames ne parlent a personne en secret, c'est a dire sans qu'elles puissent estr'ouyes de leur assistente, sinon avec la licence de la Superieure, et jamais sans qu'elles puissent estre veues d'icelle.

  A025001617 

 Mays quant aux autres personnes auxquelles il est requis de parler sans qu'elles entrent, soyent hommes, soyent femmes, elles viendront aux treilles ou deraize du chœur de l'eglise, ou a l'autre qui est a la porte; et la, les dittes treilles estant fermees, les Dames qui seront appellees pour leur parler viendront voylees, et ne parleront point autrement, sinon que la Superieure juge quil faille [198] faire d'autre sorte.

  A025001620 

 A six heures elles souperont; et l'orayson des cinq heures, qui se commencera par les Letanies, en sorte que le tout soit achevé un quart d'heure avant le soupper.

  A025001620 

 Despuis Pasques jusques a la feste saint Michel, elles se leveront a cinq heures; de six a sept elles feront l'orayson mentale, apres laquelle elles diront Prime et Tierce; a huit heures et demi elles diront Sexte et Nonne qui seront suivies de la sainte Messe.

  A025001621 

 L'heure qui se treuve de reste entre Tierce et Sexte sera employee a quelqu'oeuvre corporelle selon que la Superieure ordonnera.

  A025001621 

 L'heure qui se treuve de reste entre le souper et Matines sera employee en recreation, comm'aussi l'heure qui suit le disner: laquelle recreation [199] se fera en commun, une chacune faysant quelque legere besoigne, sans soin; et pourront, pendant lesdittes recreations, parler ensemble: deux et deux, ou trois et trois, ou ainsy qu'elles treuveront mieux..

  A025001622 

 Et de deux a trois elles pourront s'assembler pour, toutes ensemble, reprendre haleyne a chanter des cantiques et ouyr la leçon spirituelle qui se fera de demi heure; en sorte que le tout cesse un peu devant Vespres, c'est a dire quand le premier son de Vespres se fera, car alhors une chacune pour[ra] aller prendre les commodités requises pour retourner en l'oratoire..

  A025001623 

 Et seront employees toutes les heures proportionnement a ce qui a esté dit cy dessus, en retardant le tout d'un'heure, hormis la sainte Messe qui se dira tous-jours a 9, ou environ..

  A025001625 

 Toutes choses seront en commun entr'elles, sans qu'aucune puisse avoir aucune chose en particulier dont l'entiere et libre disposition n'appartienne a la Superieure, une chacune resignant a l'entree l'usage de tout ce qui luy peut ou pourra appartenir, es mains de la Superieure..

  A025001626 

 Les ouvrages qui seront donnés de dehors seront receuz ou par la Superieure ou par celle qu'elle deputera, sans que celles qui les font en traittent en aucune façon.

  A025001627 

 Elles ne feront aucune besoigne qui serve a la coeffeure et affiquerie et vanité des femmes..

  A025001628 

 On ne recevra aucune besoigne a faire, sinon que les matieres [200] soyent donnees par ceux qui la donneront; et la Superieure traittera du prix des besoignes charitablement, et non exactement..

  A025001636 

 Toutes les lettres qui arriveront de dehors aux Dames, seront premierement remises a la Superieure, qui les verra avant celle a qui ell'est addressee, pour la luy donner si bon luy semble; comm'aussi nulle Dame n'escrira sans congé et sans avoir monstré sa lettre a la Superieure, qui.

  A025001637 

 Tous les messages qui s'addresseront aux Dames seront premierement faitz a la Superieure, qui les fera faire ou retenir ainsy qu'ell'advisera estre expedient..

  A025001644 

 Trois Manuscrits des premières rédactions sont groupés ici; nous y joignons quelques fragments qui datent de la même époque et se conservent en divers lieux..

  A025001647 

 Des quatre feuilles qui le composent, les deux premières sont plus petites (19 cm. 1/2 X 14); les deux autres ont 29 cm.

  A025001653 

 H, dont il est parlé ci-après, il change: c'est la Supérieure qui fera cette réception; elle ôtera les «habitz et coeffeures» à la prétendante, qui «prendra les habits et coeffeures de la Mayson dedans le refectoir ou ailleurs.» Probablement, le Saint avait songé à donner plus de solennité à cette vêture lorsqu'il pensait faire prendre le voile dès le Noviciat; ce fut sa première idée (voir ci-dessus, p. 201, et ci-après, note 1315, p. 241)..

  A025001658 

 La 13 e page et la moitié de la 14 e sont de la main du Saint; toutes les autres sont écrites par Pierre Thibaut, le jeune secrétaire et serviteur que lui envoya en mars 1608 la baronne de Chantal (voir tome XIII, note (980), p. 365) et qui fut le copiste de la première rédaction de l' Introduction a la Vie devote.

  A025001659 

 Il présente une double leçon des articles 23, 24, 25, qui concernent l'admission des sujets, leur reception au Noviciat et leur établissement dans la Congrégation par «l'Oblation et dedicace».

  A025001659 

 Les deux textes sont différents et corrigés par le Saint, mais le premier, qui se trouve aux pp.

  A025001659 

 Quant au texte qui occupe les pp.

  A025001660 

 C'est à cette même ébauche du Formulaire qu'il faut rattacher un fragment appartenant à la Visitation de Caen, deux pages détachées qui se conservent en celle d'Annecy avec un autre petit fragment.

  A025001660 

 Malheureusement, celui-ci est coupé; il devait contenir au recto, avec la fin de l'article 29 e, le commencement du 30 e ( Formulaire de l'Oblation ), qui se poursuit au verso, écrit par saint François de Sales.

  A025001666 

 Il faut remarquer cependant que le Saint y ajoute en surcharge: «despuis la S t Michel jusques a Pasques»; ce qui permet de supposer que cette correction, et peut-être la plupart, sont postérieures à la lettre du 20 juillet..

  A025001668 

 Or, comme nous l'avons remarqué ci-dessus, le premier article des Constitutions désigne sous le titre de «Bienheureux» l'Archevêque de Milan, et n'a pas été corrigé par le Fondateur qui, cependant, a fait sur la même page deux modifications..

  A025001669 

 H, c'est la Supérieure qui le donne, avec les «coeffeures de la Mayson»; donc, ce Manuscrit est antérieur..

  A025001673 

 Ce Manuscrit, relié en parchemin, appartient aux Filles de la Croix de Guingamp qui le communiquèrent avec beaucoup de [206] bienveillance aux éditeurs en 1899.

  A025001675 

 Toutefois, il semble plus probable que ce don lui ait été fait par la Mère de Chantal, qui prodigua ses encouragements à la nouvelle Société..

  A025001677 

 — De tous les Manuscrits, celui de Guingamp (Ms. K) est le seul où figurent les articles: Du retranchement des sorties et De l'eslection de celles qui visiteront les malades; preuve qu'il est antérieur à la fondation du Monastère de Lyon (1615) où cette visite ne se fit jamais..

  A025001678 

 K qui sont conformes à ceux du Ms.

  A025001679 

 — Le nom de Dames qui se trouve toujours sous la plume du Fondateur dans les Mss.

  A025001680 

 — Les Jésuites de Saint-Acheul possédaient en 1894 deux pages qui représentent la minute de l'article 42 (Ms. N), et la Visitation de Bordeaux a celle de l'article 49 (Ms. O)..

  A025001680 

 — Pour quelques articles, nous avons des fragments autographes qui sont des minutes du Ms.

  A025001681 

 C'est quelques jours avant l'«Oblation» des trois premières Mères que fut réglée la manière d'arranger le voile; elle est indiquée, avec le reste du costume religieux, dans le Manuscrit qui nous occupe, tandis qu'il n'en est pas question dans le Ms.

  A025001685 

 b) Une autre addition, article 3, pour l'entrée des «peres, filz, freres,... oncles», en cas de très grave maladie, n'aurait-elle pas été motivée par les grandes maladies de la Mère de Chantal et par celle de Sœur Claude-Françoise Roget qui mourut en juin 1613? (Voir tomes XV, note (307), p. 106, et XVI, Lettre DCCCXCII).

  A025001686 

 c) Les prescriptions plus détaillées au sujet des femmes qui entrent pour plusieurs jours dans la Maison, surtout ces mots: «et s'en iront en leur païs», font songer au séjour que des dames de Lyon firent à Annecy avec M me des Gouffiers, du 28 mai jusque vers le 10 juin 1613.

  A025001688 

 En tout cas, il dut subir quelques retouches dans la suite, du moins pour ce qui a trait à la visite des «malades riches».

  A025001688 

 Ne serait-ce pas à la suite de ces faits que le Saint aurait écrit dans ses Constitutions: «Et bien que l'on pourra visiter et servir les malades riches, et principalement les dames et bourgeoises qui seront devotes et affectionnees a la Congregation...»?.

  A025001688 

 e) Au mois de janvier 1612 commença la visite des malades, mais l'article qui concerne l'élection des visiteuses n'était, peut-être, pas encore rédigé.

  A025001706 

 En quoy il y a beaucoup de perte et de sujetz de compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame bien vertueuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire qu'avec mille difficultés et mille peynes, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuite qu'elle desire faire de la sainteté, estant retardee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas dommage de voir une vefve, laquelle n'aura peut estre bonnement d'affaires domestiques qu'elle ne puisse despecher en huit ou quinze jours chasqu'annee, pour ces huit ou quinze jours croupir et tremper toute l'annee dans les embarrassemens et inquietudes du mesnage, avec beaucoup de danger de perdre l'affection qu'ell'aura a sa viduité et a la continence viduale? [212].

  A025001708 

 Mays il faut considerer aussi qu'en Italie les filles et femmes sont presque autant asseurees et separees de la conversation des hommes dans leurs maysons paternelles comme si elles estoyent dans un Monastere; ou au contraire, es païs de deça elles ne sçauroyent demeurer chez elles ni chez leurs parens qu'elles ne soyent perpetuellement inquietees et attaquees des conversations et rencontres d'hommes, a [213] cause de la grande liberté qui regne pour ce regard.

  A025001709 

 Or, cette Congregation ayant deux principaux exercices: l'un, la contemplation et orayson, qui se prattique principalement en la mayson; l'autre, du service des pauvres et malades, principalement du mesme sexe, elle a convenablement choysi pour Patronne Nostre Dame de la Visitation, puisque en ce mistere la tres glorieuse Vierge fit cet acte solemnel de sa charité envers le prochain que d'aller visiter et servir sainte Elizabeth au travail de sa grossesse, et composa neanmoins le cantique du Magnificat, le plus doux, le plus relevé, plus spirituel et plus contemplatif qui soit escrit..

  A025001720 

 Affin donq que telles ames pleynes de bonnes affections peussent parmi tout cela [avoir... faire une retraitte du...] se retirer du monde, fuir [toutes] les occasions du peché et s'employer et [dedier] donner pleynement au saint amour de Dieu, cette benite Congregation a esté dressee: laquelle ayant deux principaux exercices [213], l'un de contemplation et orayson, qui se prattique principalement dedans la mayson, l'autre du service des pauvres, qui se prattique hors de la mayson, ell'a convenablement choysi pour Patronne N. D. de la Visitation, puisqu'en ce mistere la glorieuse [Vierge], faysant cet acte solemnel de sa charité envers le prochain que d'aller servir sa cousine es travaux de sa grossesse, [rendit neanmoins ce...] chanta neanmoins ce cantique si spirituel, si relevé et si contemplatif du saint Magnificat..

  A025001723 

 On pourra donq recevoir en cette Congregation les vefves desquelles les enfans sont dehors de leurs maysons [214], comme aux estudes, aux cours et ailleurs, bien qu'elles fussent obligees d'avoir le soin general d'iceux et de leurs affaires; pourveu que tel soin ne les oblige pas a resider en leur mesnage, ains puisse estre executé en peu de jours, comme seroit de faire rendre conte a ceux qui manient leurs affaires une foys l'annee, et telles autres occurrences; car pour cet effect telles vefves pourront aller ou il sera requis, sous les conditions qui seront dittes ci apres..

  A025001724 

 De mesme pourront estre recettes les vefves et filles qui pour l'infirmité de leur santé ne se peuvent ranger es Religions, pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat, pour vivre sous l'obeissance et en la prattique de la devotion.

  A025001724 

 Mais celles qui auront esté en mauvaise reputation, pourveu qu'elles soyent a l'heure notoirement de bonne vie et que leur vertu presente puisse contrepeser la tare passee, elles pourront estre recettes; combien qu'il faille pour cela employer une tres speciale consideration, ainsy qu'il sera dit ci apres..

  A025001724 

 On excepte neanmoins celles qui auroyent quelque mal contagieux et dangereux, comme les escrouelles, la lepre et autres semblables.

  A025001725 

 Or, sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution [215] de mespriser le monde, vivre humblement, doucement et avec une parfaitte obeissance; car cette Congregation n'ayant pas beaucoup d'austerités ni des liens si indissolubles comme les Religions formelles et Congregations regulieres, il faut que la ferveur de la charité et la force d'une tres intime resolution suppleent a tout cela et tiennent heu de loix, de vœux et de jurisdiction, affin qu'en cette Congregation soit verifié le dire de l'Apostre qui asseure que le lien de la charité est le lien de la perfection..

  A025001731 

 On recevra donq en cette Congregation: les vefves desquelles les enfans seront hors de leurs mains, es estudes, es cours et ailleurs, [214] bien que pour la conservation des biens d'iceux elles soyent obligees de prendre quelque soin general des affaires de leurs ( sic ) mayson, comme seroyt de faire rendre conte a ceux qui les manient une foys l'annee, ou de les admodier; pourveu que tel soin puiss'estre executé en peu de jours, car pour cet effect telles vefves pourront sortir et aller ou il sera requis, ainsy quil sera dit ci apres..

  A025001732 

 De mesme pourront estre receues en cette Congregation les femmes et filles qui, pour l'imbecillité de leur santé et complexion corporelle, ne peuvent entrer es Religions, pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat et propre aux saintz exercices de cet Institut; exceptant neanmoins celles qui auroyent quelque mal contagieux ou dangereux, comme les escrouelles, lepre, le haut mal et autres semblables..

  A025001733 

 Sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher l'humilité et soupplesse de cœur; car cette Congregation [215] n'ayant pas beaucoup d'austerités, ni des regles si fortes comme celles des Religions, il faut que la douceur et bonté du cœur supplee a tout cela, et qu'elles [y soyent comme ces petitz enfans qui se layssent conduire par la main en toute simplicité...] servent de [murailles], loix, de vœux et de jurisdiction..

  A025001734 

 Au demeurant, celles qui auront esté en mauvayse reputation, pourveu qu'elles soyent notoirement de bonne vie [pour le tems present...] et que leur vertu presente puisse contrepeser leur tare passee, elles pourront estre aussi receües..

  A025001737 

 Le principal point de la clausure des femmes est qu'on n'entre point en leurs Maysons, et notamment les hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la mayson de la Congregation, sinon quand la chose pour laquelle ilz entrent ne peut estre executee autrement qu'en entrant, et lhors il faut que ce soit avec la licence [216] par escrit de l'Evesque, ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025001738 

 Or, le medecin, cyrurgien, Confesseur, ou manœuvre devant entrer par necessité en la Mayson, il sera conduit au lieu ou il doit faire sa charge par deux des Dames qui feront auparavant sonner une clochette qui s'entendra parmi la Mayson, affin que l'on sache quil y a des hommes dedans, et que toutes se retirent en leurs chambres et au heu de leurs offices, sans qu'il soit permis a aucune de se tenir en lieu ou elle puisse rencontrer ceux qui entrent, sinon que la Superieure les fit appeller pour cela..

  A025001739 

 Celles qui les [217] accompaigneront ne deviseront point avec eux, sinon pour respondre simplement de la disposition des malades..

  A025001739 

 Le medecin et cyrurgien feront tous-jours leurs charges en presence de deux Dames qui les accompaigneront; et quant au Confesseur, tandis quil confessera les malades qui ne peuvent venir a la treille, ou quil donnera l'Extreme Unction, ou qu'il aydera les mourantes, il fera le tout en sorte quil soit veu des deux Dames qui l'accompaigneront.

  A025001740 

 Or, outre ceux lâ qui pour telles necessités urgentes entreront dans la Mayson, pour la consolation des plus proches parens des Dames, les peres, filz, freres et les oncles, freres des peres ou des meres, pourront entrer pour visiter leurs filles, meres, seurs et nieces quand elles seront tellement malades qu'elles ne pourront descendre au parloir, et qu'on jugera leur maladie devoir estre perilleuse.

  A025001740 

 Que sil ne se peut aysement, on observera a leur entree et visite ce qui a esté dit des entrees des Confesseurs et medecins..

  A025001745 

 Confesseurs, et que la chose pour laquelle ilz sont necessaires ne [216] peut estre executee de dehors; et Ihors, encor faut il que ce soit avec la licence [particuliere] par escrit de l'Evesque ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025001745 

 Quant au premier, [nul homme du monde ne peut aucunement entrer...] les hommes n'entreront point dans la mayson de la Congregation, sinon es cas esquelz il est permis de les recevoir es Religions les plus reformees du monde; comme sont les cas de vraye necessité, qui ne doivent estre jugés telz sinon quand [le Monastere] la Mayson a besoin de l'assistence et presence des hommes: comme des massons, charpentiers, medecins, cyrurgiens.

  A025001746 

 La clef de la porte [et de la grille] demeurera es mains de la Superieure, et [quant il faudra fair'entrer le medecin, ou le Confesseur, ou quelqu'autre homme, on sonnera une clochette au paravant...] le medecin, ou Confesseur, ou quelqu'autre homme entrant en la Mayson, il sera conduit droit au lieu ou il doit faire sa charge (sans qu'il luy soit loysible de divertir ailleurs) par deux des Dames qui feront au paravant sonner une clochette parmi la Mayson, affin que toutes les autres se retirent en leurs chambres, ou au lieu de leurs offices; et ne sera permis a aucune de [venir rencontrer...] se tenir en lieu ou elle puisse estre veue ou rencontree de ceux qui entreront, sinon que la Superieure la fit appeller pour cela..

  A025001747 

 Le medecin et cyrurgien feront leur ( sic ) charges tous-jours en presence des deux Dames qui les accompaigneront, [et ne diront... parleront...] Et quant au Confesseur, tandis quil confessera les malades qui ne peuvent venir a la [grillej treille, ou quil donnera [217] [le S t Huile] l'Extrem'Unction, ou qu'il aydera les mourantes, il le fera [tous-jours a la veue...] en sorte quil puisse estre veu des Dames assistentes.

  A025001753 

 Tiercement, qu'a leur entree on observera ce qui s'observe a l'entree des medecins et cyrurgiens, horsmis que la Superieure pourra user de toute liberté a faire entretenir les femmes qui entrent par celles des Dames que bon luy semblera, ou en chambre ou dehors par les jardins; et pourra les admettre aux exercices de la Mayson, voire mesme a celuy de la recreation, s'il y a apparence que cela se puisse faire avec edification..

  A025001754 

 Quatriesmement, en tous cas, nulle des Dames ne pourra parler a celle qui vient de dehors qu'avec licence de la Superieure, et non jamais qu'a la veue d'une autre Dame, bien que la Superieure pourra permettre, quand elle le treuvera raysonnable, que l'entretien se face sans que la Dame qui y assistera puisse ouïr ce qui se dira..

  A025001755 

 Cinquiesmement, on prendra garde que les femmes qui entreront ne troublent point le train ordinaire des exercices de la Mayson.

  A025001756 

 On excepte neanmoins les femmes estrangeres qui en autre tems n'auroyent pas commodité, lesquelles pourront estre consolees; comme aussi celles de la ville en cas que quelque urgente necessité spirituelle le requist..

  A025001756 

 Sixiesmement, les jours de feste les femmes n'entreront point en la Mayson, affin que les Dames, qui toutes auront esté communiees, ayent plus de repos pour traitter des choses spirituelles et caresser le celeste Espoux qu'elles auront receu.

  A025001757 

 Septiesmement, la Congregation devant avoir le service des pauvres en recommandation et n'y ayant point de pauvreté si grande que celle de l'ame, il sera permis de recevoir en la Mayson, mesme pour plusieurs jours, les femmes lesquelles, ou pour se consoler, ou pour se preparer a faire des confessions generales, ou pour s'establir en l'amendement de leur vie auront besoin d'un peu de retraitte: a la charge qu'estant entrees elles obeissent a la Superieure, [220] sans sortir a la ville tandis qu'elles feront leurs exercices, ni permettre qu'elles soyent visitees; au moins, que celles qui les viendront visiter ne puissent entrer dans la Mayson, car autrement leur retraitte serviroit de distraction et a elles et aux Seurs, et se rendroit inutile.

  A025001758 

 En somme, il faut faire en sorte que quand les personnes entreront en la Mayson, le monde pourtant n'y entre point: ce qui arrivera si les Filles de la Congregation attirent par leurs devis, contenances et belles façons les femmes de dehors a parler modestement, chrestiennement, [221] spirituellement, ne voulant ouïr d'elles les nouvelles superflues, murmurations et autres devis importuns, mays monstrant un vray et naïf mespris de tout cela..

  A025001763 

 Que ce ne soit pour (manger, boirej prendre aucun repas, ni pour coucher, ni pour y arrester apres le soleil couché, sil n'est expressement porté par la licence. 3. Qu'a leur entree on sonnera une clochette, differemment neanmoins que quand on sonne pour les hommes; et tout le reste s'observera comme a l'entree des hommes, sinon que la Superieure pourra user de toute liberté a faire entretenir les femmes qui entreront par celles que bon luy semblera, ou en chambre ou dehors, et les admettre a ffaire tous les exercices...] voir et se treuver aux exercices de l'orayson, de la leçon, voire mesme a celuy de la recreation, sil y a apparence que cela se puisse faire avec edification. 4. Mais en tous cas, nulle des Dames ne pourra [entretenir] parler a celle qui viendra de dehors qu'avec licence de la Superieure, et non jamais qu'a la veue d'une Dame assistente; bien que [quelquefois] la Superieure puisse permettre, quand [bon luy semblera...] elle le treuvera a propos, que l'entretien se face sans que l'assistente puisse ouïr ce qui se dira. [5. On ne recevra a la fois que deux femmes...] [219].

  A025001764 

 Or, en tout et partout, on prendra garde que les femmes qui entreront ne troublent point le train ordinaire des exercices de la Mayson [tant quil sera possible...] que le moins quil sera possible; et pour cela, on n'en recevra que deux a la fois, ou trois au plus, car autrement il y auroit danger de grande distraction..

  A025001770 

 Secondement, que tous-jours celle qui y ira parler soit assistee d'une autre Seur qui puisse ouïr ce qui se dira, si la Superieure ne le permet autrement; auquel cas tous-jours faudra-il que celle qui parle soit a la veue de celle qui assistera.

  A025001770 

 Troisiesmement, elles prendront garde de n'ouïr ni dire beaucoup de paroles vaynes, couppant court en toutes sortes de devis, si ce n'est en ceux qui regardent le prouffit spirituel.

  A025001775 

 Et tous-jours elles observeront [a ne point s'amuser a...] de n'ouïr, et beaucoup moins dire des paroles curieuses et vaynes, couppant court en toutes sortes de devis, si ce n'est [es spirituelz] en ceux qui regardent le prouffit spirituel de celle qui parle ou de ceux a qui on parle.

  A025001775 

 Que tous-jours celle de dedans ayt une Dame assistente qui escoute ce qui se dira, sinon que l'on parlast en matiere de conscience, ou que, par licence de la Superieure, il fut permis de parler en secret; et lhors l'assistente s'esloignera en sorte que, sans ouïr ce qui se dit, elle puisse neanmoins voir [ce qui se fait] celle qui parle et ce qui se fait de dedans.

  A025001775 

 [Et ce] en telle sorte quil y ayt quelque distance entre celle [qui parlera] de dedans et ceux de dehors, autant que la civilité et modestie requiert.

  A025001778 

 Si les Dames de cette Congregation observent tant de discretion et de bon ordre a l'entree des personnes de dehors en leur Mayson, elles en doivent encor plus avoir es sorties qu'elles feront, afïin que, comme le monde n'entre point en leur Mayson encor que les personnes du monde y entrent, on puisse aussi dire qu'elles ne vont pas au monde encor qu'elles aillent parmi les lieux et personnes du monde, et qu'elles soyent comme l'huyle qui, passant entre les autres liqueurs, n'est pourtant jamais confuse, meslee ou alteree entre icelles..

  A025001779 

 Et en ce dernier cas, il sera requis que la sortie soit appreuvee par leur Pere spirituel et par la Superieure, avec licence par escrit qui contienne les causes de la sortie, les conditions d'icelle et la limitation du tems qu'elles pourront employer dehors.

  A025001780 

 Celles qui sortiront pour visiter les pauvres et malades seront tous-jours deux de compaignie qui ne s'abandonneront aucunement: l'une desquelles, selon que la Superieure l'aura designé, aura la charge de l'autre, laquelle [224] ne parlera ni ne fera chose quelcomque sinon a mesure que celle ci le luy signifiera; en sorte que l'une prattique la charité, et l'autre l'humilité, qui sont les deux grandes vertus de la Congregation et Visitation de Nostre Dame..

  A025001785 

 Estant de retour, elles iront humblement devant la Superieure luy rendre conte de leur petit voyage; et celle qui sert de compaigne dira en particulier, naifvement et fidellement, a la Superieure comme l'autre se sera comportee, quelles compaignies elles auront veuës et a qui elles auront parlé..

  A025001786 

 Mays quant aux jeunes qui sont encor tendres et nouvelles a la devotion, elles demeureront a l'abry dans la Mayson, laquelle par ainsy sera comme une ruche spirituelle, de laquelle une partie des abeilles mystiques mesnagera le miel et la cire des exercices interieurs sous le couvert, et l'autre sortira pour recueillir le suc des œuvres de misericorde entre les prochains qui sont emmi l'affliction comme des fleurs entre les espines..

  A025001786 

 Or en fin, on observera d'employer a ces sorties de [225] pieté celles qui sont des-ja meures d'aage, ou qui, pour des justes considerations, seront estimees capables de faire cet exercice sans detriment de leur devotion.

  A025001795 

 [Cette Congregation estant erig...] Les Dames de la Congregation observant tant de discretion et de bon ordre en ce qui regarde l'entree des personnes de dehors vers elles, n'en doivent pas moins observer es sorties qu'elles feront, affin que, comme par les regles sus escrittes on empesche que le monde n'entre en leur Mayson avec les personnes [mondaines] du monde, aussi, par autres regles, on puisse les empescher d'entrer au monde lhors qu'elles sortiront et seront parmi les personnes du monde; [ains que, comm'un huile sacré, elles se meslent tellement...] car, comme l'huyle [se meslant avec...] passant entre les autres liqueurs n'est jamais pourtant confus ni meslé avec icelles, ainsy [doivent] les ames de cette Congregation [avoir un cœur si bien fait et des si bonnes...] doivent sortir emmi le monde sans s'affectionner au monde, ni s'infecter du monde..

  A025001796 

 Et en ce dernier cas, il sera requis que la sortie soyt appreuvee par l'Evesque ou son deputé, et par la Superieure, avec licence par escrit qui contienne les causes de la sortie et les conditions d'icelle, avec limitation du tems auquel [celles qui sortiront] elles pourront demeurer dehors..

  A025001797 

 Celles qui sortiront pour visiter et servir les pauvres et malades seront tous-jours [accompaignees d'un'autre aussi, laquelle...] deux de compaignie, qui en toute leur visite ne s'abbandonneront aucunement; et l'une des deux, ainsi que la Superieure l'aura designé [224], aura la charge de l'autre, laquelle ne parlera ni fera chose quelcomque sinon a mesure que celle qui aura la charge le luy signifiera.

  A025001797 

 Et en cette sorte, l'une prattiquera la charité, et l'autre l'humilité, qui sont les deux principales vertus de la Congregation..

  A025001803 

 Et par ainsy, toute la Mayson sera [comm'] une ruche spirituelle, en laquelle une partie des abeilles mystiques mesnagera le miel et la cire des oraysons et autres exercices interieurs, et l'autre sortira pour recueillir le [miel] suc des œuvres de misericorde entre les pauvres et affligés, qui [comme les roses entre...] sont aux yeux de Dieu des belles fleurs entre les espines..

  A025001803 

 Or [en ces sorties de pieté...] on observera d'employer a ces [225] sorties de pieté celles qui seront des-ja meures d'aage, ou qui, pour des justes considerations, seront estimees capables de faire cet exercice sans detriment de leur devotion; et quand a celles qui sont jeunes, ou celles qui sont encor tendres et nouvelles a la devotion, elles demeureront a l'abry, sous le couvert de leur sacree retraitte.

  A025001809 

 Elles pourront encor sortir pour quelque grande et extraordinaire occasion: comme pour gaigner les Jubilés, quand il est porté par iceux que toutes personnes qui ne sont en rigoureuse clausure soyent tenues, pour gaigner l'Indulgence, de visiter les eglises designees.

  A025001809 

 Et ce qui est dit pour le Jubilé pourra mesme estre prattiqué en quelque [227] autre occurrence signalee, par l'advis du Pere spirituel de la Congregation..

  A025001809 

 Et lhors la Superieure donnera ordre qu'elles aillent trouppe a trouppe, et qu'en chasque trouppe il y en ayt une qui tienne sa place, sous l'obeissance de laquelle les autres marcheront.

  A025001810 

 Or, telles occurrences pourront estre diverses, comme par exemple: quand on celebreroit les Quarante Heures en la ville, quand on consacreroit un Evesque, lhors qu'en tems de calamité on feroit des prieres publiques avec quelque sorte d'ardeur et d'appareil particulier, et en telles autres qui pourroyent arriver et qu'on ne peut specifier.

  A025001814 

 Elles pourront aussi sortir pour quelques grandes et extraordinaires œuvres de pieté, comme pour gaigner les Jubilés, esquelz il est porté que toutes personnes qui n'observent pas la rigoureuse clausure soyent tenues, pour gaigner l'Indulgence, de visiter les eglises.

  A025001814 

 Et ce qui est dit pour le Jubilé pourra aussi estre prattiqué en [227] quelqu'autr'occurrence signalee, [avec] par l'advis de l'Evesque et de la Congregation..

  A025001814 

 Et lhors elles iront la moytié ensemble une fois, et l'autre moytié l'autre fois, sinon que la Superieure jugeast plus a propos de partager en trois ou quatre trouppes, selon le nombre; mais, comme que ce soit, en chasque trouppe il y aura tous-jours une qui aura la charge, et les autres seront en obeissance.

  A025001816 

 Quant aux sorties qui se feront pour plusieurs jours en affaires d'importance, et quand il sera jugé necessaire, ainsy quil a esté dit ci dessus [pour le regard des vefves qui ont quelque charge des maysons], il faudra observer qu'aucune ne sorte qu'avec une compaigne de la Congregation, et qu'au tems qu'elles seront dehors elles observent, tant que faire se pourra, les regles de la Mayson, [228] et principalement quant a l'orayson mentale, la confession et Communion.

  A025001819 

 Le second jour de l'an on eslira celles qui feront la Visitation des malades; or l'eslection se fera de cette façon:.

  A025001821 

 Et la Superieure dira: Treuves vous pas [qu'il est juste] que je sois du nombre de celles qui exerceront cette charité, avec la Seur Assistente et la Seur Directrice?.

  A025001824 

 Et retenant avec soy l'Assistente et la Directrice, elles feront le choix des Seurs qui auront la charge de visiter, en observant de choisir celles qui auront l'esprit meur, doux, sage, discret, et lesquelles elles reconnoistront avoir du zele pour les ames et pour le bien du prochain.

  A025001824 

 Jamais aucune de celles qui auront esté choisies ne demandera plus aucune obedience du long de cette annee la, ains attendra seulement que la Superieure dispose d'elle pour cest effect..

  A025001825 

 La Superieure ordonnera donq, avec l'advis de l'Assistente [et] de la Directrice, tous les premiers jours du moys celles qui feront la visite des malades, ou les changeant, ou les continuant en leur obedience, [laquelle] se publiera au disner, immediatement devant Graces, en cette sorte: Telles et telles, de la part de cette Mayson, visiteront les malades de Nostre Seigneur, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A025001826 

 Mais il faut pourtant tous-jours prendre de celles qui auront esté choysies au commencement de l'annee..

  A025001827 

 Celles qui sortiront le doivent faire de bon coeur, pour exercer la charité selon la volonté de Dieu, et penser que Nostre Seigneur, tandis qu'il vesquit en ce bas monde, quoy qu'il peust guerir les malades sans aller vers eux, voulut neanmoins plusieurs fois les visiter, les toucher, affin de nous donner exemple d'une cordiale affection et d'une sainte douceur envers les infirmes..

  A025001831 

 Si en quelque logis de malade il se treuvoit des personnes indiscretes qui, par parolles ou gestes, violassent le respect deu a la qualité des Seurs qui visiteront, l'on en advertira soudain la Superieure, laquelle fera ou cesser les visites, ou, par des humbles et charitables advertissemens, fera sçavoir en la mayson qu'on visite que l'on desire continuer, a la charge que le respect deu a leur vocation soit gardé; ou on y pourvoira autrement selon les occurrences..

  A025001832 

 Si quelqu'un apres estre gueri veut remercier celles qui l'auront assisté, on ne le permettra pas, si quelque speciale consideration n'invite a cela; ains la Superieure, ou telle autre des Seurs qu'elle treuvera mieux, ira recevoir les remerciemens au nom de la Superieure, le plus court oysement que se pourra, sans affectation.

  A025001834 

 Et bien que l'on pourra visiter et servir les malades riches, et principalement les dames et bourgeoises qui seront devotes et affectionnees a la Congregation, si est ce qu'il faut sur tout exercer cette charité envers les pauvres et destitués.

  A025001834 

 Et quant aux affligés, comme femmes desolees pour la perte de leurs proches, on pourra aussi les voir pour exercer la consideration en leur endroit, mays non par maniere de compliment, ains seulement lhors que vrayement on estimera de pouvoir alleger des desplaysirs ceux qui en auront..

  A025001838 

 Apres quoy, elles [233] feront quelque exercice corporel, selon que la Superieure ordonnera; pendant lequel tems elles demeureront toutes ensemble, sinon que les officieres ayent quelques affaires qui les appellent ailleurs.

  A025001838 

 Et celles qui voudront parler le feront, mays avec modestie et devotion, esvitant tous propos vains et inutiles, pour la reverence de la Communion reelle ou spirituelle qu'elles ont a faire..

  A025001841 

 Et des lhors elles se relascheront un peu jusques a souper ou collation, qui se feront tous-jours a six heures.

  A025001841 

 Vespres se diront a trois heures a basse voix, excepté le Magnificat et l'antienne de Nostre Dame; et icelles dites, elles demeureront en conversation, et mesme deviseront de leur lecture ou chose utile jusques a Complies, qui se diront a cinq heures a basse voix, et qui seront suivies des Letanies et d'une demi heure d'orayson mentale.

  A025001842 

 Apres souper elles entreront en recreation jusques au premier coup de Matines, qui sonnera en tout tems a huit heures et demi; despuis lequel coup on demeurera en silence jusques apres Prime du lendemain.

  A025001843 

 Es jours de jeusne, que l'on disne a onze heures, l'on fera le matin le silence qui defaudra l'apres disner, de Tierce jusques apres Graces; et alhors le silence de l'apres disner ne commencera qu'a une heure apres mydi..

  A025001845 

 Complies se diront a l'heure ordinaire, a basse voix, et ausquelles on adjoustera le Stabat en chant, qui sera suivi des Letanies a basse voix et de l'orayson a l'accoustumee..

  A025001852 

 A cinq heures elles feront l'orayson mentale qui se commencera par les Letanies, en sorte que le tout soit achevé a cinq heures trois quartz, qu'elles se relascheront un peu, en silence neanmoins, pour revenir souper a six heures..

  A025001852 

 A deux [234] heures et demi elles se retireront en silence pour se praeparer a dire Vespres qui se chanteront avec Complies de trois a quatre.

  A025001853 

 Des le souper elles seront en recreation les unes avec les autres, jusques au premier son de Matines qu'elles se retireront en silence pour se treuver au chœur et commencer Matines a huit heures; apres lesquelles elles feront l'examen de conscience, qui estant [235] achevé, elles feront un peu de [leçon] lecture pour la meditation du jour suivant; et de la se retireront en silence, en sorte que toutes soyent couchees a dix heures..

  A025001854 

 Es jours de jeusne, qu'elles disneront apres onz'heures, elles rempliront les heures qui abonderont devant disner a faire desouvrages, [comm'aussi celles qui surabonderont apres... Mais apres disner elles employeront...] Et quant a l'apres disner, il ny aura rien de moins qu'es autres jours, par ce que l'heure qu'on employeroit a souper suppleera presque a l'heure que le retardement du disner aura retranchee..

  A025001858 

 Elles diront le petit Office de Nostre Dame au choeur, et le chanteront distinctement et posement; horsmis les festes suyvantes, sçavoir est: le jour de Noel, des Rois, de la Purification, Annonciation, Visitation, Assomption, Nativité et Conception de Nostre Dame, Pasques, Ascension de Nostre Seigneur, la Pentecoste, le Dimanche de la tressainte Trinité, en commemoration de leur premiere entree en la Congregation qui fut faitte a tel jour, la Feste Dieu et de Toussaintz (toutes lesquelles festes seront suyvies chacune de son octave, excepté la feste de la tres [237] sainte Trinité, qui n'en a point); et en toutes ces festes on chantera l'Invitatoire a Matines, qui sera de propre, et a Laudes le Cantique Benedictus, avec son antienne devant et apres, ce qui ne s'observera point pendant les octaves.

  A025001859 

 Mais celle [238] qui l'aura faite, apres l'Office ira demander pardon, non tristement mais humblement, a la Superieure.

  A025001859 

 Que si quelqu'une fait faute au chœur, personne ne la reprendra; mais si la faute se peut reparer, celles qui s'en appercevront la repareront froidement et sans empressement; comme par exemple: celle qui commence les Psaumes auroit prins l'un pour l'autre; les autres reprendront le Psaume laissé, sans donner signe de la faute.

  A025001862 

 La sainte Communion se fera generale tous les Dimanches et festes de commandement; et celles qui voudront communier plus souvent ne le feront point qu'avec l'advis du Confesseur et le commandement de la Superieure..

  A025001866 

 Elles porteront pour coëffeure un voyle d'estamine, long jusques au dessous de la ceinture et qui leur couvrira tout le visage, sans artifice ni aucune façon; un bandeau noir qui couvre le front; leur collet, de toyle mediocre, avec les barbettes sans plis et les manchettes de mesme, le tout sans empois.

  A025001871 

 Et cependant, celles qui auront plus [241] tost fait ne perdront point le tems, demeurant attentives a la lecture qui se fera, pour laquelle on deputera de semaine en semaine quelqu'une des Dames, qui lira clairement, distinctement et lentement, faysant des justes pauses de periodes a periodes, affin que toutes, gardant le silence, entendent sans peyne ce qui se lira.

  A025001871 

 On pourra demeurer une heure entiere a table, pour donner loysir a celles qui mangent lentement de prendre aysement leur refection.

  A025001871 

 Que si celle qui aura charge de lire prend le soin de prevoir la lecture qu'elle devra faire, pour la rendre plus fructueuse, ce sera chose fort aggreable a Dieu, et imitera le grand saint Thomas d'Acquin lequel, quoy quil fust le plus docte homme qui aye jamais esté despuis saint Augustin, ne laissoit pas de prevoir tous-jours la Messe avant que la dire..

  A025001880 

 Elles pourront es recreations s'entretenir toutes ensemble (sinon que la Superieure les dispensast de se separer de ce que bon leur semblera, faysant neanmoins quelque besoigne legere qui ne requiere pas beaucoup d'attention, et laquelle puisse estre faitte negligemment et avec interruption..

  A025001882 

 L'une n'entrera point en la chambre de l'autre sans congé de la Superieure, et tandis que pour la petitesse du logis deux ou trois n'auront qu'une mesme chambre, celles qui se treuveront logees ensemble ne s'advanceront point a remuer les besoignes des unes des autres sans s'advertir..

  A025001887 

 Apres la recreation du soir, avant que d'aller a Matines, toutes se presenteront devant la Superieure, qui leur commandera ce qui sera requis pour ce soir la et pour la matinee suivante; comme de mesme, apres la recreation du disner, elle leur ordonnera ce qui se devra faire jusques a l'apres souper; et ny ayant rien a commander, elle leur recommandera la mutuelle dilection des unes aux autres.

  A025001887 

 Toutes les Seurs qui n'auront rien a proposer se retireront [244] promptement, mays celles qui ont quelque charge des araires du mesnage demeureront avec la Superieure pour l'advertir des choses qui seront necessaires a ordonner; et prendra-on garde de n'en parler point devant les autres, a celle fin de retirer, tant qu'il se pourra, leur esprit des choses de la terre..

  A025001892 

 Et sera tenu un roolle de celles qui auront voué, pour plusieurs bonnes occasions..

  A025001892 

 Par ce que la sainte chasteté est la vertu fondamentale de la retraitte qui se fait en cette Congregation, toutes celles qui seront receuës au voyle en feront le vœu simplement, immediatement devant que de se presenter a la sainte Oblation.

  A025001892 

 [245] Et quant a icelles qui auront fait l'Oblation, elles pourront, si elles en ont la devotion, les faire quand bon leur semblera; a quoy neanmoins elles ne seront aucunement provoquees, ains on laissera cela a leur pleine disposition et bonne volonté.

  A025001893 

 Or, pour ce vœu de pauvreté entant qu'il regarde l'usage des biens qu'elles auront hors de la Congregation, il faudra bien examiner la qualité de l'esprit des Seurs avant que de le leur permettre, et encor les necessités et particulieres conditions des familles qu'elles ont laissees; ce qui demeurera a la connoissance du Pere spirituel et de la Superieure..

  A025001896 

 Mays en cas que quelqu'une, par quelque accident, fust separee de la Congregation (ce qu'il faut esperer ne devoir jamais arriver), la Congregation luy rendra la moytié du don qui seroit esté donné a sa contemplation..

  A025001896 

 Tout ce qui sera apporté ou donné a la Mayson pour l'usage des Seurs sera parfaittement reduit a la Communauté [246], sans qu'aucune ayt chose du monde, pour petite qu'elle soit, en particulier; ains une chacune, entrant, resignera et renoncera es mains de la Superieure l'usage, usufruit et libre disposition de tout ce qu'a sa contemplation sera donné tet remis a la Congregation.

  A025001897 

 Ce qui s'observera si exactement, que ni les chapeletz, medailles, reliques, images ne demeureront point tous-jours a une mesme, ains seront changés entre les Seurs chasque annee, en cette sorte:.

  A025001897 

 Et affin que toute affection qui pourroit naistre dans le cœur des Seurs soit retranchee et qu'on voue en la Congregation une parfaitte abnegation des choses exterieures et de toute proprieté, on ne servira pas une des Seurs de ce qu'elle aura apporté en la Mayson ou de ce qu'on aura donné a sa contemplation, ains indifferemment.

  A025001898 

 Et néanmoins, une chacune prendra reveremment le chapelet qui luy adviendra, comme si le Saint qu'elle a tiré le luy avoit donné cette annee la..

  A025001899 

 Et quant aux reliques, les Seurs par ce moyen les auront toutes en leur protection, puisqu'elles leur seront communes, et que la communion fait que chacun jouit de ce que le commun jouit; car, comme ayant des reliques pendues sur ma poitrine j'estime qu'elles servent de protection a ma teste et [a] mes bras parce que mes bras sont conjointz a ma poitrine, ainsy les reliques qui sont sur l'une des Seurs serviront de protection pour toutes les autres, communiees par le lien indissoluble de la charité..

  A025001903 

 Mais quant aux autres qui seront en office, elles ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs offices, comme par exemple: l'Assistente ne precedera les autres qu'au chœur; la Directrice sera la derniere des Dames dediees, pour estre la premiere aupres des Novices..

  A025001904 

 Au demeurant, la veille du premier jour de l'an, que l'on donnera les Saintz, au bout de chasque billet on mettra un nombre selon la quantité des Dames dediees qui se treuveront en la Mayson; et selon le nombre qu'une chacune treuvera en son billet, elle prendra le mesm'ordre toute l'annee.

  A025001904 

 Comme, par exemple: celle qui se treuvera le nombre I sera la premiere apres celles qui auront charge en quelque office, sinon celle qui sera deposee de Superieure, laquelle pour un'annee ira par tout la derniere, bien que la Superieure s'en ayde pour se conseiller es occurrences, et que les autres luy doivent porter du respect es autres occasions.

  A025001906 

 Et quant aux dames de dehors qui entrent en la Mayson, on les fera marcher devant toutes celles de la Mayson, apres la Superieure.

  A025001912 

 Celles qui seront en office, hormis la Superieure qui partout sera la premiere, ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs offices; comme par exemple: celle qui est [la Directrice] l'Assistente [248] ne [sera la premiere] precedera les autres qu'es Offices [tandis que la Superieure sera presente...]; la Directrice ira la derniere des dediees, pour estre la premiere aupres des Novices; et ainsy, l'Enfermiere ne sera la premiere qu'en l'enfermerie; et de mesme les autres..

  A025001913 

 Au demeurant, la veille du jour de l'an, que l'on donnera les Saintz, au bout de chasque billet on mettra un nombre selon la quantité des Dames dediees qui se treuveront en la Mayson, et selon le nombre qu'une chacune treuvera en son billet, elle prendra ce mesm'ordre toute l'annee, a suivre ou preceder les autres; de sorte que si la plus jeune ou derniere treuve en son billet le nombre I, elle sera cett'annee la, la premiere au chœur, au refectoir et, es autres occurrences, apres celles qui auront charge en chasque office: et ainsy les premieres seront faites comme les dernieres, et les dernieres comme les premieres.

  A025001913 

 Aux portes, neanmoins, et es autres occasions qui ne regardent pas les seances, les jeunes s'humilieront beaucoup devant les vielles, encor que les vielles fussent [249] arrivees en la Mayson les [dernières]; et les vielles ne mespriseront point la jeunesse des jeunes, ains toutes, avec une genereuse et noble humilité, se previendront les unes les autres en honneur et respect, ainsy que l'Apostre l'ordonne..

  A025001914 

 Mais si la faute est [scandaleuse] d'importance, celle qui l'aura [veue] apperceue fera doucement et secrettement la correction chrestienne jusques a trois fois; et [250] apres cela, si la defaillante persiste en ses fautes, elle sera deferee a la Superieure, affin que par tous les moyens possible ( sic ) elle la face amender..

  A025001914 

 Quand il y en aura quelqu'une qui fera quelque faute, si ell'est legere, les autres ne la reprendront point, sinon qu'elle y continuast et multipliast la faute; et lhors, celle qui la reprendra le fera en toute charité et douceur.

  A025001918 

 Et si la faute estoit d'importance et secrette, celle qui l'aura apperceue fera doucement et charitablement la correction chrestienne jusques a troys fois; apres quoy, si la defaillante persevere en sa faute, elle sera deferee a la seule Superieure, affin que par tous les moyens possibles elle la face amender [250].

  A025001922 

 Ce qu'estant fait, celles qui voudront dire leurs coulpes pour plus grande humilité le pourront faire; et on les corrigera doucement et aimablement, sans extenuer les fautes..

  A025001928 

 Au demeurant, elles ne feront aucune besoigne qui serve aux affiquetz et vanité des femmes: comme seroit laver les gans, faire des frisons, faire des fards et choses semblables..

  A025001931 

 Et lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees et les causes pourquoy on les a tirees, escrit de la main de la Portiere et signé par la Superieure et la plus ancienne des Seurs, affin qu'au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble, avec la Superieure, facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson..

  A025001931 

 Les denrees seront receuës par l'Œconome qui en tiendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la Portiere.

  A025001931 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a troys clefz, dont l'une sera gardee par la Superieure, l'autre par la plus ancienne des Seurs et la troysiesme par la seconde des Seurs; et sera tenu roolle des receptions [253] des sommes, avec les particularités du jour et des personnes qui les delivreront, et des causes pourquoy.

  A025001932 

 Et quant a la despense journaliere, elle se fera par les mains de l'Œconome, qui aura le soin de faire faire les employtes requises par les chambrieres..

  A025001935 

 On ne pourra recevoir des jeunes filles en la mayson qu'elles n'ayent aujnoins dix ou douze ans, et n'en pourra-on recevoir que troys a la foys, et de celles qui ont quelqu'inclination, ou au moins auxquelles les parens desirent qu'on donne inclination d'estre Religieuses.

  A025001938 

 Quand il plaira a Nostre Seigneur que les Seurs ayent un lieu propre, elles s'essayeront d'attirer, les festes et Dimanches, les filles et femmes de la ville au lieu praeparé a cela, et qui ne sera pas dedans [le cours des] chambres et offices des Seurs, affin de les enseigner des exercices de pieté: comme de l'examen de conscience, de la preparation du matin, de la façon de dire le chapelet et la couronne, de se confesser et communier, et de bien faire l'orayson vocale..

  A025001941 

 Cette Mayson demeurant sous l'authorité de l'Evesque, comme toutes les autres de pareille forme, il commettra un [255] ecclesiastique discret, docte et irreprehensible, de sa part, qui prendra garde a la Mayson et Congregation, a ce que les regles soyent bien observees et qu'aucun abus ne s'y introduise; visitera la Mayson une foys l'annee, assistera aux elections de la Superieure et du Confesseur ordinaire, appreuvera les Confesseurs extraordinaires, donnera les licences aux femmes d'entrer en la Mayson, signera les causes des sorties extraordinaires des Seurs et celles des entrees des hommes, selon quil a esté dit ci dessus.

  A025001946 

 Au demeurant, cette Mayson demeurera sujette a l'Evesque qui, pour la conduite d'icelle, commettra un ecclesiastique meur, discret, docte et irreprochable, qui, comme deputé de luy, sera le [255] Pere spirituel de cette [devote] Congregation, ayant charge de procurer l'advancement d'icelle tant es choses spirituelles que temporelles, et surveillant a ce que les regles y soyent bien observees, et qu'aucun abus ne s'introduise contraire a la bonn'odeur qui doit sortir de cette devote Mayson [pieuse]; et a ce Pere spirituel auront recours tant la Superieure que les autres Dames, en toutes les occurrences ou il sera requis et necessaire.

  A025001956 

 La Superieure fera deux Seurs veillantes qui prendront garde aux fautes et manquemens qui se commettent, pour en advertir la Superieure; et si là Superieure l'ordonne ainsy, elles reprendront les fautes publiquement au Chapitre, mais avec extreme modestie et simplicité.

  A025001956 

 [257] Or, la Superieure n'ordonnera pas cela qu'avec prudence et discretion, et se gardera bien de faire reprendre publiquement de chose qui peut infamer et qui d'ailleurs ne soit pas conneue..

  A025001960 

 Elles esviteront tant qu'il leur sera possible toutes sortes de gestes qui sentent la legereté, sur tout estans au parloir; elles n'avanceront point les mains sur le treillis, gardant une humble et douce gravité, sans se familiariser trop avec ceux ausquelz elles parleront..

  A025001968 

 Elles observeront les silences et jeusnes, tant qu'il se pourra, comme les autres; se communieront les Dimanches, diront leurs Pater et Ave marqués ci dessus, assisteront a la lecture de la meditation et a l'examen qui se fait apres Matines, prenant l'obeissance avec les autres.

  A025001968 

 Les [259] festes et Dimanches, si elles ne sont pas occupees, elles assisteront a Vespres et a la lecture qui se fait devant Vespres.

  A025001969 

 Personne ne leur commandera que la Superieure et l'Œconome et celle a qui la Superieure l'ordonnera, et la Directrice tandis qu'elles seront Novices; et tant la Superieure que les autres leur commanderont avec respect amiable, se resouvenant que, quoy qu'elles servent a l'exterieur, elles sont neanmoins filles de Dieu, coheritieres de Jesus Christ, nos Seurs selon l'esprit et nos esgales en nature; et qu'en fin, comme dit saint Paul, elles et nous n'avons qu' un seul Seigneur Jesus Christ, esgalement Seigneur des uns et des autres.

  A025001970 

 Les deux ans expirés, on observera a leur reception ce qui s'observe pour la reception des Seurs, soit pour l'examen ou deliberation de les recevoir ou de differer leur reception, soit pour l'Oblation; laquelle neanmoins elles ne feront point, tant qu'il sera possible, que quand quelque Seur la fera, affin qu'apres les articles esquelz il est marqué, la Superieure, parlant pour elles, n'ayt a faire que de dire simplement: «Ces deux Seurs...», et ce qui s'ensuit.

  A025001980 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera [261] seront de l'exercice des vertus, particulierement de l'obeissance, douceur et mortification des passions, et l'orayson; de bien lire et bien prononcer tant l'Office que tout le reste; de bien faire au matin la preparation, et au soir l'examen, avec les autres pointz qui regardent leur avancement et observation des Regles; jusques mesme aux contenances, et principalement celle quil faut tenir en l'Office, en la Communion, en la table et quand l'on paroist devant les mondains..

  A025001982 

 Et dautant que les Seurs Servantes qui, pour l'ordinaire, sont rustiques, dures et de naturel moins poli, sont aussi plus malaysees a manier, la Directrice usera d'un amour tout particulier en leur endroit, affin d'avoir de la patience, tolerance et perseverance a bien cultiver leur esprit..

  A025001987 

 Elle doit estre grandement prudente pour respondre charitablement et discretement a ceux qui viennent a la porte; pour conduire les femmes qui entrent, affin qu'elles ne troublent point les exercices qui se font pour l'heure; [262] pour faire les responces et messages qui viennent de dehors, et pour faire doucement patienter les personnes qui voudroyent entrer ou celles qui voudroyent parler, quand il ne se peut..

  A025001988 

 Quand la Superieure sortira, la Portiere sera tenue de luy rendre conte a son retour de tout ce qui se sera fait, tant a la porte qu'au parloir..

  A025001992 

 Elle n'ouvrira jamais la porte seule, si ce n'est aux Seurs Servantes, et a celles qui iront et viendront des visites..

  A025001995 

 Elle n'usera de nulle authorité sur celle qui luy sera donnee pour compaigne, pour luy defendre et ordonner quelque chose, ains s'en servira simplement pour estre presente a ce qu'elle fera et luy ayder a ouvrir et fermer ses portes; a quoy elle ne doit jamais manquer, comme aussi a fermer de bonne heure avant la nuit, et n'ouvrira point le soir, pour quelque affaire que ce soit, sans le congé de la Superieure.

  A025001998 

 L'une des Seurs aura le soin de toute la Mayson comme Œconome generale d'icelle, laquelle avec une fidelité et allegresse toute particuliere doit entreprendre cette charge, representant en icelle les saintes Dames qui servoyent Nostre Seigneur et les Apostres pour leur administrer les choses requises a la vie humaine, et entre autres la glorieuse vierge sainte Marthe, la diligence et ferveur delaquelle elle suivra, et fuira neanmoins son trouble et son empressement..

  A025002000 

 Elle sera soigneuse de faire rendre conte tous les jours a celle qui a la charge de faire les provisions dehors, et de [264] l'escrire affin qu'elle n'oublie rien; comme aussi de prevoir les choses qui sont a faire en sa charge, pour en advertir la Superieure apres la recreation du soir et du matin; et ordonnera le soir aux Seurs Servantes et a celles qui servent a la cuysine ce qui sera a faire pour le lendemain matin, et quand le silence d'apres disner sera sonné, ce qui se devra faire le reste de la journee, affin que toutes choses se fassent par ordre et sans empressement..

  A025002004 

 Elle aura la charge de tout ce qui appartient a l'Infirmerie et au service des malades, et en fera un memoyre; comme aussi elle devra tenir les chambres bien nettes, solliciter celle qui appreste, pour donner les repas aux malades selon l'ordonnance du medecin duquel elle la recevra.

  A025002004 

 Qu'elle essaye de donner aux malades toute la confiance qu'il luy sera possible, sans acquiescer trop aux choses qui leur pourroyent nuire..

  A025002005 

 Mays les malades aussi, reciproquement, se resouvenant de l'infinie douceur et patience de Nostre Seigneur crucifié, qui receut le fiel et toute sorte d'aspreté sans aucun meslange de consolation pour leur salut, s'essayeront de l'imiter, prenant les medecines, viandes et autres traittemens de l'Infirmiere avec action de graces et benediction du [265] nom de Dieu, de la part duquel tous les soulagemens et services que l'on leur fait leur arrivent, dont tant d'autres, qui sont peut estre plus fidelles qu'elles au service de Dieu, se treuvent privees tout a fait..

  A025002009 

 Elle aura un roolle de tout ce qui appartient a la sacristie.

  A025002010 

 Quand il viendra des prestres estrangers dire la Messe, elle en advertira la Superieure; et s'il faut donner quelque ornement, elle tiendra le voyle bas, et ne parlera point que pour ce qui ne se pourra esviter..

  A025002011 

 Sil vient quelqu'un a la sacristie qui ayt quelque affaire, elle l'envoyera a la porte, si ce n'est des personnes de respect, auquel cas elle ira advertir promptement la Superieure..

  A025002015 

 Elle doit garder soigneusement les habitz comme appartenans aux servantes de Dieu, et les avoir tous par escrit, y adjouster ce qui se fera de nouveau, avec la date du jour et de l'an..

  A025002018 

 Elle fera un roolle de tout ce qui appartient aux Novices jusques apres la probation..

  A025002021 

 Celle qui a la charge des linges doit avoir le mesme soin que la Robiere, pour les bien conserver et entretenir, pour les distribuer a propos selon la necessité des Seurs, et les retirer lhors qu'elles les auront laissés..

  A025002028 

 Elle doit avoir beaucoup de soin et d'amour de tenir net et propre le refectoir, et tout ce qui en depend, specialement le pain, le vin et l'eau..

  A025002029 

 Qu'elle prenne garde si la vaisselle, tant de terre que d'estain, sera bien nette, pour en advertir la Superieure, affin qu'elle ordonne aux Seurs qui la lavent a tour d'y faire mieux leur devoir.

  A025002030 

 Elle tiendra tous-jours du pain, du vin et de l'eau dans son refectoir pour les necessités qui peuvent survenir, et des linges pour essuyer les Seurs quand elles se voudront laver..

  A025002031 

 Elle aura la charge de tout ce qui appartient au refectoir, tant linge qu'autre chose, et en fera un roolle, regardant de tems en tems s'il n'y aura rien de perdu ou esgaré..

  A025002035 

 Les Seurs qui seront employees en cet office de la cuysine doivent estre contentes et consolees de rendre aux espouses de Nostre Seigneur le mesme service que sainte Marthe, qui estoit une grande dame, luy rendoit, apprestant les viandes pour luy et pour ses Apostres; se souvenant aussi des petites meditations que faysoit sainte Catherine de Sienne, laquelle en semblable exercice ne laissoit pas d'estre ravie en extase.

  A025002037 

 L'une, qui aura le gouvernement principal, aura la charge de tous les meubles de cuysine, tant linge qu'autres, et en gardera le roolle.

  A025002043 

 Elle eslevera avec un amour maternel les filles qui, comme petitz enfans, sont encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent aux ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mays «des ames infirmes; car si quelqu'un te donne plus de secours quil n'en reçoit de toy, reconnois que tu es non pere, mais pair en son endroit.» Les justes et les parfaitz n'ont point besoin de superieur et de conducteur; ilz se servent de loy a eux mesmes et font asses sans qu'on leur commande.

  A025002046 

 Et lhors on procedera a nouvelle election, qui pourra neanmoins estre faite de la mesme personne en la continuant encor pour trois ans, passé lesquelz il ne sera plus loysible d'user de continuation, ains faudra qu'elle demeure deposee au moins un an entier avant que de rechef on la puisse eslire en la mesme charge.

  A025002047 

 Et en cas que les deux tiers des Seurs reprouvassent l'election, la Superieure en fera un'autre, ou au moins ne laissera guere en office celle qui aura esté esleue, sinon qu'elle se comportast tellement, qu'on vit clairement les Seurs satisfaites d'elle en sa charge..

  A025002047 

 Mays quant aux autres officieres, la Superieure les mettra a son gré, apres les avoir proposees aux Seurs qui auront fait l'Oblation pour en faire [selon] leur advis.

  A025002048 

 Cela fait, la Superieure qui est pour lhors s'agenouillera au milieu des Seurs.

  A025002049 

 Et tous les billetz ayantz estés receuz, le Pere spirituel les lira l'un apres l'autre; et celle des Seurs quil aura choysie, ayant le roolle de toutes les autres dans une feuille, avec une ligne tiree au bout de chaque nom d'icelles, marquera celle que le Pere spirituel lira, faysant une traverse sur la ligne qui est a l'endroit de son nom.

  A025002049 

 Puis on verra celle qui aura le plus de voix, et elle demeurera Superieure.

  A025002049 

 mises a genoux a l'endroit de leurs places, et le Pere spirituel dira l'orayson; apres laquelle, chasque Seur venant [271] vers la table ou escabelle qui sera mise en un endroit du chœur auquel on ne puisse point voir la main ni le papier de celle qui escrit, ell'escrira simplement le nom de celle qu'elle voudra choysir, en l'un des billetz preparés a cet effect; et l'ayant replié, elle le portera au Pere spirituel qui le recevra dans une boite mise sur un'escabelle aupres de luy.

  A025002055 

 On ne recevra aucune fille pour estre Novice, qui n'ayt seize ans completz, qui ne sache lire, et qui ne tesmoigne un extreme desir de vivre en devotion et resignation de sa volonté propre.

  A025002056 

 Puis la Superieure prendra les voix de toutes les Dames, et si la Superieure consent avec la plus part d'icelles, la reception se fera; mais neanmoins avec l'advis du Pere spirituel, qui s'enquerra des conditions de la fille, affin d'en advertir les Dames, et que par ce moyen elles facent meilleure deliberation..

  A025002057 

 La reception des vefves se fera de mesme, horsmis quil faudra prendre garde de n'en point recevoir qui ayent des enfans pour la conduite desquelz elles soyent vrayement necessaires.

  A025002064 

 La reception des Novices se fera par [les Dames, en sorte que [273] les...] la Superieure, si, ayant pris les voix des Dames dediees, la plus part d'icelles y consent; [mais tous-jours pourtant avec l'advis du P. spirituel qui sera... lequel ne...] mais si la plus part consent a la reception et la Superieure ne consent pas, la Novice ne doit pas estre receiie, sinon que les deux partz des trois faysantes le tout ne consent.

  A025002065 

 Tout ce qui se dit de la reception des filles s'observera aussi en la reception des vefves, ormis quil faudra encor prendre garde a n'en point recevoir qui ayt des enfans a la direction desquelz elle soit necessaire ( sic ).

  A025002068 

 Celle qui pretend entrer ayant asseurance de sa reception, entrera avec ses habitz ordinaires en la Mayson, et se praeparera par meditations et oraysons a une bonne confession generale, sinon qu'elle l'eust des-ja faite auparavant, en sorte que le Pere spirituel jugeast quil ne fust pas expedient de la refaire une autre foys..

  A025002075 

 La fille ou femme qui voudra estre receue au Noviciat, apres avoir eu asseurance de sa reception, entrera dans la Mayson et se praeparera, avant toutes choses [a faire une vraye...], par les Meditations qui sont mises au livre; et au choix de la vie devote elle specifiera le choix de celle de la Congregation.

  A025002079 

 Apres l'annee d'essay ou de probation, la Superieure fera l'examen de celle qui doit faire l'Oblation.

  A025002084 

 Or, apres l'annee de probation ou essay, au jour que la Superieure le treuvera bon, elle fera l'examen de la fille ou vefve qui voudra estre receue a faire l'offrande.

  A025002095 

 Que si, au contraire, passé l'annee de l'essay, la Superieure et les Dames treuvent la fille ou femme qui demande de faire l'offrande, propre et disposee a cela, elles luy donneront un loysir suffisant pour se praeparer par une confession annuelle et les exercices qui seront marqués ci apres, affin que cette offrande se face avec toute la solemnité interieure qu'il sera possible, comm'aussi elle se fera avec grande solemnité exterieure.

  A025002099 

 Et luy monstrant ses anciens habitz qui seront sur une escabelle du costé gauche de l'autel, et puis le voyle de la Congregation qui sera sur une autre escabelle du costé droit de l'autel, il continuera son propos disant:.

  A025002104 

 Telle est la generation de ceux qui cherchent le Seigneur, qui cherchent la face du Dieu de Jacob..

  A025002115 

 Cependant, la Superieure fait venir toutes les Seurs voylees, qui se mettent en cercle derriere la praetendante, toutes avec une chandelle en leurs mains; et la praetendante commence a lire clairement, distinctement et posement son offrande ainsy quil s'ensuit:.

  A025002116 

 C'est a vous, mon Jesus et Sauveur, a qui mon cœur le dit.

  A025002136 

 Tout le reste de la feuille ou cela sera escrit demeurera [285] en blanc pour y estre escrittes les confirmations qui, d'annee en annee, se feront de la mesme Oblation..

  A025002146 

 La Superieure, a laquelle il appartient de ne point permettre que la Congregation ayt des personnes scandaleuses et obstinees, ayant remarqué ce malheur en quelqu'une des Seurs, si jamais il arrivoit quil y en eut de telle, en conferera premierement avec les officieres de la Mayson (qui aussi sont les plus obligees d'estre jalouses du bien, de l'honneur et de la conservation de la Congregation), et entendra leur advis; lequel se treuvant conforme au sien, ell'assemblera toutes les Seurs, et leur proposera sincerement et clairement le crime scandaleux ou la contumace de celle qu'il luy semble devoir estre expulsee et rejettee.

  A025002148 

 Et neanmoins on procurera qu'au plus tost, et avec le moins de bruit que faire se pourra, elle sorte et s'en aille, avec ce qu'ell'aura apporté en la Mayson, selon ce qui est contenu en l'article De la pauvreté, ci-dessus; a quoy il faudra prouvoir de bon'heure, et qui neanmoins ne sera pas pour l'ordinaire si malaysé, puisque si on ne peut luy rendre l'argent, on luy rendra le bien qu'on en aura acheté, ou, en attendant, la cense convenable, jusques a ce qu'on ayt commodité de rendre le fond et principal..

  A025002149 

 Je dis qu'elle pourra estre expulsee, par ce que si, par quelque [288] tentation, il estoit arrivé a quelqu'une quelque action de soy mesme scandaleuse que les seules Seurs ou une d'icelles sceussent, et que la Superieure et lesdittes Seurs qui le sçaurovent jugeassent que la repentance de celle qui seroit tombee meritast qu'on dissimulast pour cette foys la faute, cela se devroit faire.

  A025002149 

 Mays si c'estoit un peché scandaleux qui fust conneu a plusieurs gens hors de la Mayson, il faudroit alhors l'expulser sans remission..

  A025002149 

 On peut neanmoins dire, par exemple, et pour donner lumiere au jugement qui se devra faire des autres cas, que la lubricité, l'entreprise d'empoysonner, charmer, enchanter, le larcin de chose importante, l'accusation faulse des Seurs en chose qui regarde Ihonneur et renommee, les essays de pervertir les Seurs ou autres personnes en matiere de chasteté et d'honneur, battre les Seurs, si cela se fait plusieurs fois, et semblables, sont des cas vrayement scandaleux.

  A025002149 

 Or, ces cas n'adviendront jamais, Dieu aydant; mays silz advenoyent et qu'on en eût telle connoissance qu'on peut le reveler loysiblement, apres la correction fraternelle faitte, ainsy quil a esté dit ci devant, la Seur qui les aura commis pourra estre expulsee et rejettee comme scandaleuse, avec la methode ci dessus escritte.

  A025002151 

 Et affin que lesdites voix se donnent plus sincerement, le jour de cette assemblee la, toutes les Seurs qui devront deliberer communieront et, avant toute deliberation, jureront a genoux, toutes ensemble, de dire ce qu'elles croiront estre le plus a la gloire de Dieu, selon [la] justice et selon la charité deuë tant a la Congregation qu'a celle qui est accusee..

  A025002154 

 On doit faire mesme jugement d'une Seur qui seroit en tentation de sortir de la Congregation et la quitter; car tandis quil y auroit une vraye apparence de l'ayder a vaincre ladite tentation, la Superieure, les Seurs et le Pere spirituel ne devront rien oublier a cette intention.

  A025002160 

 Or, puisque cette [292] divine image est honnoree en l'un et en l'autre sexe, que pareille aussi soit en tous deux la vertu qui face paroistre sa force par bonnes œuvres.».

  A025002164 

 La presumption et importune arrogance de plusieurs enfans de ce siecle, qui font profession de blasmer tout ce qui n'est pas selon leur esprit, blasphemans, comme dit un Apostre, tout ce qu'ilz ignorent, me donne occasion, ains me force de faire [291] cette Praeface, mes tres cheres Seurs, pour armer et mettre en defence vostre sainte vocation contre la pointe de leurs langues empestees; affin que les bonnes et pieuses ames, qui sans doute affectionneront vostre tant aymable et honnorable Institut, treuvant icy dequoy repouser ces traitz et fleches de la temerité de ces bigearres et insolens censeurs..

  A025002167 

 Ce sont les paroles du grand saint Basile, qui ne nie pas que la femme ne doive reconnoistre en l'homme l'advantage de la superiorité et praeeminence, trait de la ressemblance divine que l'homme a de plus que la femme, laquelle estant extraite de l'homme, est aussi faite pour luy; mais il veut bien pourtant qu'en tout le reste la femme est egale a l'homme, et sur tout en la prœtention de la grace et de la gloire, qui est le fruit de l'honneur que la nature humaine possede d'avoir esté faite a l'image et semblance de son Createur.

  A025002169 

 Sur cette consideration, les tressaintz Pasteurs de l'Eglise ancienne ont eu un soin tres particulier de l'avancement de ce sexe en la profession et perfection de la vie chrestienne, a l'exemple du Maistre et Seigneur, qui, par des graces extraordinaires, le favorisa en l'election de l'incomparable Vierge qu'il voulut estre sa Mere; en la personne de Magdeleine et Marthe, de la Samaritaine et Chananee, et en cette trouppe qui le suivoit et le servoit es tres adorables necessités de sa vie mortelle..

  A025002170 

 Et par apres, les Evesques des premiers siecles du Christianisme, gens de vie et de succession apostolique, n'oublierent rien de ce qui estoit requis pour saintement continuer ce bon office; mays sur tout envers les femmes et filles qui, par une speciale inspiration, estoyent appellees a l'estat de la sacree continence, qui pour lhors estoyent de deux sortes, comme le docte Cardinal Baronius tesmoigne, et qu'il est evident a tous ceux qui ont quelque part es escritz de l'antiquité..

  A025002171 

 Telles encor furent, du despuis, les deux saintes Catherine de Sienne et de Gennes, la bienheureuse Angele de Foligni, sainte Elizabeth de Hongrie et, selon quelques uns, sainte Claire de Montfalcon; comme aussi cette multitude innombrable enroolee es confrairies ou compaignies de divers tiltres, qu'en Italie on appelle Tertiaires, Pizzocare ou Casalingues, et en Espaigne las Beatas, pour la direction desquelles le docteur Diegue Perez, regent es saintes Lettres a Barcellone, a fait un juste volume d'excellens advertissemens qui ont despuis esté traduitz en Italien avec beaucoup de louange.

  A025002171 

 «Il y a plusieurs femmes,» dit saint Gregoire Nazianzene, «en toutes les regions que la salutaire doctrine de Jesus Christ a parcourues, desquelles une partie vit en societé, nourrissant un mesme desir de la vie cæleste et suivant un mesme institut de vie; mais les autres assistent soigneusement a leurs peres et meres infirmes, et a leurs freres qui sont tesmoins de leur chasteté.» Or, quant aux femmes et filles consacrees a Dieu par le vœu de continence, demeurantes en leurs maysons particulieres, la quantité et la sainteté en a tous-jours esté grande; telles [294] furent les anciennes devotes de saint Hierosme et de saint Augustin: Blesile, Aselle, Laeta, Demetrie, Marcelle, Principie et mille milliers d'autres, entre lesquelles estoit celle du lieu Caspalian, qui, en vertu des reliques de saint Estienne, resuscita de mort a vie, au recit de saint Augustin; et la pluspart de celles que le grand saint Ambroyse dit estre venues a luy pour recevoir le voyle sacré, non seulement des quartiers de Bologne et de Playsance, mays aussi de Mauritanie.

  A025002172 

 Mais de la seconde sorte, a sçavoir des femmes et des filles consacrees a Dieu qui vivoyent en Congregation, laissant a part ce que plusieurs sçavans hommes ont observé de celles qui jadis furent assemblees aupres du Temple de Hierusalem, et ce qu'aucuns rapportent que la tressainte Vierge nostre Dame erigea une Congregation de filles et femmes dediees a son Filz en la ville d'Ephese, et que sainte Marthe en institua un'autre aupres de Marseille, certes, nul ne peut bonnement ignorer que le grand saint Basile n'ayt dressé plusieurs Congregations de filles, leur prescrivant une methode de vivre saintement, puisque saint Gregoire Nazianzene, son cher ami, le tesmoigne.

  A025002173 

 Et des-ja auparavant, lhors que sainte Helene fut en Hierusalem, «elle y treuva des vierges consacrees a Dieu, lesquelles elle invita a disner et les traitta si devotement que, s'estant retroussee, elle mesme, comme servante, couvrit la table de ses propres mains, leur donnant a laver et versant a boire, en sorte qu'elle, qui estoit Reyne du monde et mere de l'Empire, se rendit servante des servantes de Nostre Seigneur.».

  A025002173 

 Et en Afrique, la seur de saint Augustin fut jusques a sa mort Superieure des servantes de Dieu, ainsy que Possidonius recite; comme sainte Paule le fut en Bethleem, au rapport de saint Hierosme, lequel escrivant a Demetrie, vierge romaine, dit ainsy: «Les femmes et filles dediees a Dieu qui vivent dans le monastere et desquelles aussi il y a grand nombre, ne doivent jamais sortir seules, [296] sans mere.» Et en l'epistre a Principie, il tesmoigne qu'il y avoit de son tems, a Rome, force monasteres de vierges.

  A025002173 

 Saint Ambroyse, au commencement du Livre troysiesme des Vierges, semble vouloir dire que sa seur sainte Marcelline, ayant esté consacree a Dieu le jour de Noël et en l'eglise de Saint Pierre de Romme par le Pape Liberius, entra quant et quant en quelque Congregation, quand il dit qu'il y avoit quantité de servantes de Dieu qui disputoyent de sa societé; c'est a dire, comme je pense, qui desiroyent de l'avoir a l'envi en leurs Congregations, car saint Augustin tesmoigne quil avoit veu a Milan et a Romme plusieurs assemblees de vefves et filles qui vivoyent ensemble et avoyent chacune une Superieure.

  A025002174 

 Saint Ignace, disciple des Apostres, escrivant aux Philippiens: «Je salue,» dit il, «l'assemblee des vierges et la congregation des vefves;» et ailleurs il recommande a ceux de Tharses d'honnorer les vierges «comme consacrees a Dieu,» et les vefves comme l'autel ou «sacraire de Dieu;» et finalement, en l'epistre aux Antiochiens: «Que les vierges,» dit il, «reconnoissent a qui elles sont consacrees;» et en l'epistre a Heron: «Conserve,» dit il, «les vierges comme joyaux de Jesus Christ.» De sorte que les Colleges ou Congregations des femmes et filles devotes estoyent des-ja introduites et louees en l'Eglise du tems des Apostres; qui rend d'autant plus probable ce qui a esté dit de celles que la glorieuse Vierge et sainte Marthe instituerent..

  A025002175 

 Toutes neanmoins sont en estat de perfection, comme encor les femmes et filles qui, par vœu ou oblation manifeste, se sont dediees a Dieu, bien qu'elles ne se soyent point rangees sous aucune Congregation; puisque pour estre en estat de perfection il suffit que par une solemnité publique on se soit dedié et obligé de servir Dieu en quelque façon convenable pour acquerir la perfection.

  A025002176 

 Le troysiesme rang est de ceux qui par les vœux parfaitz, mais simples, sont rendus vrays Religieux: comme sont les estudians de la tres honnorable Compaignie de Jesus, [lesquelz, encor qu'en conscience ilz ne se puissent desfaire eux mesmes des sacrés liens de leurs vœux simples, si est-ce neanmoins qu'ilz en peuvent estre absous non seulement par le Saint Siege Apostolique, mais aussi par les Superieurs de l'Ordre;] [et si par leur malheur ilz quittent sans congé leur sainte vocation pour revenir au monde et se marier, leur mariage est valide, quoy que devant Dieu ilz offencent tres griefvement et meritent le nom d'apostatz, jusques a ce qu'ilz soyent legitimement absous de leurs vœux.].

  A025002176 

 Les Evesques tiennent le premier rang, comme dediés, par une consecration sacramentelle, a la charge pastorale qui consiste en la prattique d'une perfection acquise et consommee.

  A025002177 

 Telz sont les Chevaliers surnommés de Christ, en Portugal, et plusieurs autres qui sont tant en France qu'en Italie: tous lesquelz, quoy que plusieurs [298] excellens docteurs nient pouvoir estre nommés Religieux, doivent neanmoins estre ditz et tenus pour telz, comme a sagement observé le docteur Navarrus, puisque le Saint Siege les accepte pour telz et les honnore de ce nom..

  A025002178 

 En quoy il ny a rien de reprehensible, puisque le simple peuple n'est pas obligé de sçavoir les distinctions dont on use parmi ceux qui manient les affaires..

  A025002178 

 Et bien que anciennement, du tems de saint Augustin et de saint Hierosme, et en tous ces premiers siecles despuis les Apostres on appellast indistinctement Moynesses, Religieuses et Sanctimoniales toutes les femmes et filles qui se dedioyent a Dieu, ou en Congregation ou hors de Congregation, si est ce que maintenant [299] on ne parle pas comme cela selon le stile present de la Cour Romaine (qui en cecy doit estre suivi), ne plus ne moins qu'on n'appelle plus les Evesques Papes, tressaintz Peres, tres heureux Peres, Vostre Sainteté, Vostre Beatitude; qui sont neanmoins les tiltres ordinaires desquelz l'antiquité les honnoroit; l'usage, qui a toute authorité sur les paroles, ayant reservé ces eloges et appellations d'honneur au seul Evesque Romain qui tient la primauté de saint Pierre.

  A025002178 

 Le cinquiesme rang appartient a toutes les autres Congregations, tant d'hommes que de femmes, esquelles on s'oblige, soit par vœu simple, soit par oblation, soit par simple protestation et declaration publique, a la prattique des conseilz evangeliques; lesquelles, bien qu'elles soyent de beaucoup plus grande perfection que celles des Chevaliers mentionnés, quant a la prattique, ne sont pas neanmoins si avant dans l'estat de la perfection selon la police exterieure de l'Eglise, ni ne portent pas le tiltre de Religion entre ceux qui manient les affaires ecclesiastiques, puisque le Saint Siege ne leur donne pas ce nom, ains les laisse sous le simple nom de Congregations pieuses et devotes, comme tesmoigne le docteur Navarre en deux conseilz donnés pour les Dames oblates de la Tour des Mirouërs de Rome.

  A025002178 

 Mais quant au vulgaire, il donne le nom de Religieux et de Religieuse a tous ceux qui, par changement d'habit, font quelque speciale profession de servir Dieu et mesme, en quelques quartiers d'Italie, on appelle Religieux tous les clercz.

  A025002179 

 Le sixiesme rang est de ceux qui, hors de Congregation, font profession speciale de vivre devotement par quelque vœu, oblation ou protestation manifeste..

  A025002181 

 Certes, presque toutes les Religions, despuis plusieurs centaines, d'annes, praetendent tous-jours de se pouvoir estendre en [300] toute l'Eglise, sous l'obeissance d'un General qui gouverne par tout leurs Congregations, sans dependance de la jurisdiction ordinaire des Evesques: ce qui ne se peut faire que par la puissance generale du Saint Siege Apostolique, estant raysonnable qu'un Ordre qui se respand sur tout le cors de l'Eglise en ayt le congé du directeur universel d'icelle; car une Congregation dilatee parmi le Christianisme sous un chef extraordinaire, ne devroit elle pas estre appellee faction, monopole ou sedition, plustost que Religion, sinon qu'elle fut appreuvee de l'Eglise?.

  A025002181 

 De tout ce que nous avons dit jusques a present provient la difference que l'on observe entre l'erection et l'institution des Congregations qui portent tiltre de Religion, et les Congregations qui sont marquees du seul nom de simple Congregation; car nulle Religion ne peut estre instituee sans l'expresse approbation du Siege Apostolique, ayant esté ainsy determiné au Concile de Latran.

  A025002182 

 C'est pourquoy, cette approbation appartient ou au seul Evesque qui, a rayson de sa primauté, tient la surintendence generale en l'Eglise universelle, ou a la generale congregation des Evesques, que nous appelions Concile, qui n'est qu'une mesme chose quant a ce point; puisque l'authorité du Pape est tous-jours es Conciles generaux et celle des Conciles au Pape, l'Eglise estant en son Evesque, comme dit saint Cyprien, et l'Evesque en son Eglise..

  A025002183 

 Elles n'ont point de jurisdiction ni aucune puissance qui s'estende hors d'une seule mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelles elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenues pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees et appreuvees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles se treuvent instituees, ne plus ne moins que les societés et autres confrairies pieuses; les Ordinaires demeurans, quant a cela, en leur ancienne authorité, puisqu'elle ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile de ce tems, portent le tiltre de Religion, et qu'il ne faut pas estimer que le Saint [302] Siege ayt jamais voulu lier les mains aux inferieurs Prelatz, en ce qui ne regarde que leurs troupeaux particuliers et qui est convenable a l'avancement des ames en la perfection chrestienne..

  A025002184 

 Mais, pour ne point trop s'amuser a preuver une chose qui est si evidente, la coustume, qui donne la loy aux loix, ou qui du moins leur sert d'authentique interprete, nous oste de toute difficulté en cet endroit; car, comme du tems de saint Gregoire Nazianzene, de saint Hierosme et de saint Basile les Evesques avoyent erigé force Congregations presque en tous les endroitz du Christianisme, aussi du despuis, et jusques au tems ou nous sommes, les Evesques en ont dressé en plusieurs lieux, et mesme en Italie, ou il semble que la prattique de la discipline ecclesiastique doive estre plus exactement observee..

  A025002185 

 Et d'effect, le docteur Giussan, gentilhomme milanois, parlant du zele que ce saint Archevesque avoit pour la sacree vertu de chasteté, recite qu'il induisit plusieurs hommes a la garder, et adjouste en son italien ce qui s'ensuit, rapporté de mot a mot en nostre françois: «Mais le nombre des femmes fut beaucoup plus grand, se remplissant de vierges non seulement les cloistres sacrés, mais divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis, et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, tant nombreuse en femmes vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté de vie, sous l'observance de leurs propres Regles.» Aussi les Reverendissimes Evesques de [304] cette province lâ ont par apres erigé une multitude de Congregations de filles et femmes vivantes ensemble, sous les noms de la glorieuse Vierge, de sainte Ursule et autres, comme il appert par les livretz des Regles qu'ilz ont donné, imprimés en divers endroitz d'Italie.

  A025002186 

 Or, entre ces simples Congregations, il y en a esquelles on ne s'oblige ni par vœu, ni par serment, ni par oblation, ains seulement par une simple volontaire entree par laquelle on se range en icelles, ainsy que l'on fait en la Congregation [305] de l'Oratoire de Romme, en laquelle non seulement on ne fait point de vœu, ni de serment, ni d'oblation manifeste, mays il est mesme expressement ordonné que jamais nul de ceux qui y sont n'ayt a pretendre d'introduire aucune telle obligation, puisque l'intention du bienheureux Philippe, leur Instituteur, n'avoit jamais esté d'advis que cela fust.

  A025002186 

 Telle semble estre a Milan la Congregation ou College des Dames appellees Guastales qui ne font qu'une simple promesse au College d'y demeurer en servant Dieu..

  A025002187 

 Il y en a des autres ou l'on fait des vœux simples: comme l'on void en la pluspart de celles de la province de Milan, esquelles les Seurs font vœu publiq de chasteté et de perseverer en l'obeissance des Regles, ainsy qu'il appert par les formulaires de leurs receptions, qui est presque [306] semblable, quant a ce point, a celuy que les Oblatz de Saint Ambroyse observent quand ilz font le vœu..

  A025002189 

 Or, l'oblation ou offrande n'oblige pas si fort que le vœu, quoy qu'elle oblige grandement; car le vœu estant une legitime et sainte promesse faite a Dieu, ceux qui le font [307] sont liés en trois façons: premierement, en vertu de la verité qui est tous-jours violee quand on rend volontairement fause la parole qu'on a donnee; secondement, en vertu de la bonne foy et loyauté qui est violee quand on trompe celuy a qui l'on a promis, ou que l'on fait ce que l'on peut pour le tromper; tiercement, en vertu de l'honneur et du respect que l'on doit a la souveraine majesté de Dieu, a laquelle on fait un mespris extreme de fauser la foy et loyauté que l'on luy doit, rendant la parole qu'on luy a donnee fause et mensongere.

  A025002190 

 De sorte que, qui contrevient a l'oblation qu'il a fait de soy mesme a Dieu pour le servir en quelque Congregation, il peche contre la fermeté que l'on doit avoir en ses bonnes resolutions et contre le respect ou reverence que l'on doit a l'infinie bonté de Dieu a laquelle il s'estoit offert.

  A025002190 

 Mais en l'offrande ou oblation, on ne promet rien expressement, ains seulement on declare et asseure l'affection que l'on a de servir Dieu; et partant, quand on manque, on ne peche pas contre la verité ni contre la loyauté, ains seulement contre la fermeté que l'on doit avoir en ses justes affections et contre la reverence que l'on doit a celuy a qui on s'est offert, quand il est personnage de respect.

  A025002190 

 Que si l'oblation est faite en publiq, il viole encor la charité par le scandale qui s'en ensuit; si que le lien de l'oblation est [309] de grande importance et suffit pour mettre la personne en quelque degré de l'estat de perfection..

  A025002191 

 Qu'elles ne sortent jamais, voire mesme pour un peu de tems, si ce n'est pour quelque cause legitime qui soit appreuvee par l'Evesque; 2. et que nul, quel qu'il soit, non pas mesme les femmes, ne puissent entrer en leurs monasteres sans la licence de l'Evesque ou du Superieur, obtenue par escrit, laquelle ne doit estre donnee que pour des cas necessaires..

  A025002192 

 Ce sont donq les deux articles necessaires de la closture des monasteres, qui, comme a sagement remarqué le docteur Navarrus, n'obligent que les Congregations qui sont erigees en tiltre de Religion; entre lesquelles ce decret neanmoins est diversement observé par l'introduction de diversité de clausures, toutes utiles, toutes selon Dieu, toutes tressaintes, d'autant que selon la varieté des lieux, des nations, des vocations on a jugé les causes des sorties et des entrees estre necessaires et legitimes en certains Monasteres et non pas es autres.

  A025002194 

 Certes, la clausure absolue, perpetuelle, rigoureuse et si estroitte, que plusieurs estiment estre la seule vraye clausure, ne fut jamais guere en usage parmy les anciens, desquelz la bienheureuse simplicité ne requeroit pas une si exacte rigueur; ains ilz se contentoyent d'une clausure moderee, qui avoit pour bornes la bienseance de la vocation [311] religieuse: en sorte que les hommes n'entrassent jamais es lieux des Religieuses sans cause tres urgente, et avec une circonspection qui ostast le juste sujet de tout sinistre soupçon, et que d'ailleurs les Religieuses ne sortissent non plus jamais que pour des bonnes et saintes occasions, avec tant de bienseance que nul ne peust avec rayson les blasmer.

  A025002194 

 Mais quant au reste, les femmes et filles seculieres avoyent acces aux monasteres, y estant mesme receues par hospitalité; et les Religieuses sortoyent sans difficulté, pour plusieurs causes ordinaires qui, pour lhors, estoyent estimees convenables.

  A025002195 

 Saint Hierosme parlant des Religieuses qui estoyent es trois monasteres de sainte Paule, en Bethleem: «Elles sortoyent,» dit il, «seulement le jour du Dimanche pour aller a l'eglise qui estoit a costé de leur sejour; chasque trouppe [312] suivoit sa mere particuliere, et de la s'en retournant pareillement, elles s'appliquoyent aux exercices qui leur estoyent assignés.».

  A025002196 

 En vostre demarche, en vostre maintien, en vos habitz, en toutes vos contenances, que rien ne se face qui puisse attirer la convoitise d'aucun, ains que tout soit conforme a vostre sainteté.

  A025002197 

 Au cinquiesme Concile d'Orleans, celebré il y a plus de mille ans sous le Pape Virgile, il est ordonné que les filles qui entrent es Religions esquelles elles ne demeurent pas perpetuellement recluses, demeurent troys ans a faire leur probation en leur habit seculier..

  A025002197 

 Les Religieuses de Tabenne, au tems de Constantin le Grand, qui furent si heureuses de vivre sous la conduite du grand saint Pacome, et sous la Regle qu'il avoit receu d'un Ange, ne firent nulle difficulté de recevoir en hospitalité [313] la mere du jeune Religieux Theodore.

  A025002197 

 Sainte Scholastique, seur de saint Benoist, ayant institué une Congregation de Religieuses, alloit toutes les annees visiter son frere; et la derniere fois qu'elle y fut, advint le miracle de la pluye et tempeste que Dieu fit venir expres pour arrester le glorieux patriarche saint Benoist qui ne vouloit pas demeurer davantage avec sa chere et sainte seur, ainsy que saint Gregoire et les autres autheurs ecclesiastiques racontent.

  A025002198 

 Car il faut considerer qu'a mesure que les Religions et Congregations des femmes sont dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure; de maniere qu'estant receues par l'Eglise a cette intention, et ayant d'ailleurs solemnisé le vœu de leur sousmission et obeissance pour tout ce qui est requis a l'exacte pratique de leur vocation speciale, c'est avec juste rayson qu'on leur impose une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse a toutes, selon ce qui a esté dit ci dessus..

  A025002198 

 Que si la clausure moderee et terminee par la sainte bienseance de la vocation religieuse a esté suffisante et suffit encor pour maintenir en discipline reguliere plusieurs Congregations, et que le Concile de Trente estant [314] sainement entendu n'oblige pas a la plus rigoureuse, certes, a plus forte rayson les pieuses et devotes Congregations, qui ne sont point erigees en tiltre de Religion, seront tres suffisamment acheminees a la perfection de la vie chrestienne si elles observent fidelement une moyenne clausure, une chacune selon sa vocation.

  A025002200 

 Mais pour le demeurant, elles peuvent donner entree aux filles et femmes seculieres pour plusieurs saintes et bonnes occasions, appreuvees neanmoins, ou en general, ou en particulier, par leurs Superieurs; comme aussi elles peuvent sortir pour plus d'occasions que celles qui servent a Dieu en tiltre de Religion, pourveu tous-jours que ce soyent occasions pieuses, graves et jugees convenables, par les mesmes Superieurs..

  A025002202 

 Il y a beaucoup de gens qui, feignans de ne se pouvoir pas bien retirer du monde s'ilz sont quelque chose moins que Chartreux ou anachoretes, demeurent sous ce pretexte et se perdent emmi le monde.

  A025002202 

 Les petites simples Congregations ne doivent jamais entrer en comparaison d'egalité avec les Religions, ni aussi les Religions en preference de mespris sur ces petites assemblees qui, selon leur condition, s'essayent de servir Dieu devotement..

  A025002203 

 Quelques Religions se treuvent bien d'avoir des Generaux qui les visitent par tout le monde; les autres estiment d'estre mieux gouvernees de les avoir tous-jours en un lieu destiné.

  A025002204 

 Il arrive quelquefois que pour eviter un danger present, nous employons des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; l'esprit humain se contente maintesfois plus a se desfaire promptement des affaires que de demeurer longuement a les bien faire, et semble que le mal n'est pas mal quand il ne paroist pas..

  A025002206 

 Mais en fin, combien ces Congregations sont desirables, le grand saint Gregoire, Pape, le tesmoigne suffisamment, qui, ayant dit que de son tems il y avoit a Romme bien troys mille femmes et filles dediees a Dieu, il adjouste: «Or, leur vie est telle, que nous croyons que si elles n'estoyent point, nul de tous nous, il y a long tems, n'eust peu durer en ce lieu parmy les espees des Lombars.» Et l'autre grand saint Gregoire, Evesque de Nazianze, estimoit tant les servantes de Dieu, soit qu'elles fussent en Congregation, soit qu'elles fussent es maysons de leurs parens, qu'il ne fait point de difficulté de les appeller son grand honneur et la tres illustre lumiere de son parc; car encor que le sçavant et devot de Billy estime ces tiltres estre donnés [320] a une seule de ces Religieuses, qui surpassoit les autres en vertus, si est ce qu'il y a, a mon advis, plus d'apparence que cela soit attribué a la trouppe entiere; d'autant que ce mesme Saint ayant descrit par apres la vie de ces Dames, il poursuit en cette sorte: «Quoy que certes, quant a moy, j'aye peu de telles femmes, toutesfois je tressaillis tellement d'ayse de voir ces celestes et tres belles estoiles, que pour ce peu que j'en ay je ne fay point de difficulté d'entrer en desfy d'excellence de vertu avec un beaucoup plus grand nombre.» Et sur cela il proteste qu'il se glorifie plus d'avoir quantité de gens dediés a Dieu, qu'il ne feroit de toutes les grandeurs du monde, et dit que sa petite Nazianze estoit appellee Bethleem pour les amys de Dieu qui y estoyent.

  A025002213 

 C'est pourquoy cela appartient au seul Evesque qui, a rayson de sa primauté, a la surintendence generale sur l'Eglise universelle, ou a la generale congregation des Evesques, que nous appelions Concile, qui n'est qu'une mesme chose; puisque l'authorité du Pape est tous-jours es Conciles generaux, et celle des Conciles en celle du Pape, l'Eglise estant en son Evesque, comme dit S t Cyprien, et l'Evesque en son Eglise..

  A025002215 

 Elles n'ont point d'authorité qui se respande hors d'un diocaese, ni mesme, le plus souvent, hors d'une mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelz elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenu ( sic ) pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles sont: ne plus ne moins que les confrairies et autres societés pieuses, que le Pape a accoustumé de gratifier et favoriser par la concessions ( sic ) d'Indulgences et autres advantages spirituelz, pourveu qu'elles auront esté canoniquement erigees par les Ordinaires, lesquelz, quant a cela, demeurent en leur ancienne authorité qui ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile present du S t Siege, portent le tiltre de Religions; puisque la limitation et restriction de la puissance ordinaire [302] ne doit operer que selon la rigoureuse signification des motz esquelz elle est conceue, et que le S t Siege ne doit estre estimé vouloir lier les mains aux Evesques inferieurs en ce qui est utile pour l'avancement de leurs brebis en la perfection chrestienne, aflïn qu'un chacun d'eux puisse dire quil est venu en son diocaese affin que les ames eussent la vie, et qu'ilz ( sic ) l'eussent plus abondamment..

  A025002216 

 Et la coustume, qui semble donner la loy aux loix mesme et laquelle au moins leur sert de tres bon interprete, nous oste de toute sorte de difficulté en cet endroit, et monstre bien que l'Eglise et le S t Siege tient pourlegitimement et canoniquement instituees et appreuvees les simples Congregations erigees par les Ordinaires qui, en cela, possedent sans contradiction quelcomque leur ancienne authorité.

  A025002221 

 Il y a des Congregations esquelles on n'est obligé ni par vœu, ni par serment, ni par oblation, ains seulement par une simple et volontaire entree, par laquelle en effect on se joint a icelles: comme l'on fait en la Congregation de l'Oratoire de Romme, en laquelle non seulement on ne fait point de voeu, ni de serment [305], ni d'oblation manifeste, mays il est expressement ordonné que jamais nul de ceux qui y sont ne puisse pretendre d'introduire aucun lien de semblable nature; telle ayant esté l'intention du grand Bienheureux Philippe Nerie, l'Instituteur.

  A025002223 

 es formulaires de leurs receptions, qui est presque semblable [306] a celuy que le glorieux S t Charles prescrivit a ceux qui font le vœu en la Congregation des Oblatz de S t Ambroyse..

  A025002225 

 Or, l'oblation ou offrande n'oblige pas si fort que le vœu; car au vœu il [y] a trois nœuds qui nous obligent: la verité, foy et loyauté que nous devons avoir en nos paroles, nous obligent d'observer nos legitimes promesses a un chascun, mais sur tout a [307] Dieu tout puissant auquel devans, outre cela, porter un souverain respect, c'est un acte d'irreverence extreme de ne point tenir les promesses et vœux que nous luy faysons.

  A025002226 

 Car le vœu estant une legitime et sainte promesse faite a Dieu, il lie ceux qui le font en trois façons.

  A025002226 

 Premierement, par la vertu de la vérité, qui est tous-jours violee quand volontairement on rend faulse sa parole; et partant, qui ne garde pas sa promesse, il viole la vertu de verité rendant sa parole fause.

  A025002226 

 Secondement, par la vertu de la bonne foy et loyauté, qui est violee quand on trompe celuy qui s'attend sur nos promesses.

  A025002227 

 Que si le prince l'accepte, certes, il sera desormais obligé de continuer au service; autrement il violera la fermeté et constance qu'il doit avoir en ses resolutions, et de plus fera contre le respect et la reverence deu ( sic ) au prince auquel il a donné, par cette declaration, sujet de se tenir asseuré de ce qui luy a esté offert.

  A025002227 

 Qui offre son service a un prince ne luy promet rien, ains seulement luy propose l'affection et le desir present quil a de le servir.

  A025002231 

 Il y a une clausure ou reclusion des femmes que l'on appelle perpetuelle, rigoureuse et absolue, qui comprend deux parties..

  A025002233 

 L'autre partie de cette si estroitte clausure est que non seulement nul homme, mais non pas mesme aucune femme, pour quelqu'occasion que ce soit, ne puisse entrer dans le monastere, si ce n'est pour quelque necessité violente qui ne puisse estre evitee: comme pour reparer les edifices, medicamenter les malades, les confesser, communier, oindre de l'Extreme Unction et ensevelir.

  A025002234 

 Et par ainsy, cett'absolue et si rigoureuse clausure qui a, despuis peu, esté tres utilement introduite en plusieurs monasteres, n'estoit pas estimee essentiellement necessaire es Congregations anciennes, comme mesme elle n'est pas observee maintenant en plusieurs saintes Religions et Congregations ou la discipline religieuse ne laisse pas de fleurir grandement..

  A025002234 

 Et quant au reste, les femmes et filles seculieres avoyent acces aux monasteres, et on leur y faysoit mesme l'hospitalité; les Religieuses sortoyent sans difficulté pour les occasions qui alhors estoyent jugees convenables.

  A025002235 

 St Hierosme, parlant des Religieuses qui estoyent es trois monasteres de S te Paule, en Bethleem: «Elles sortoyent,» dit il, «seulement le jour du Dimanche pour aller a l'eglise; chasque [312] trouppe suivoit sa mere particuliere, et de la s'en retournant pareillement, elles s'appliquoyent aux exercices qui leur estoyent assignees ( sic ).».

  A025002236 

 En vostre demarche, en vostre maintien, en vos habitz, en toutes vos contenances, que rien ne se face qui puisse attirer la convoitise d'aucun, ains que tout soit conforme a vostre sainteté.

  A025002237 

 Les Religieuses de Tabenne, au tems de Constantin le Grand, qui furent si heureuses de vivre sous la conduite du grand S t Pacome et sous la Regle quil avoit receue d'un Ange, ne firent nulle [313] difficulté de recevoir en hospitalité la mere du jeune Religieux Theodore..

  A025002239 

 par la consideration des causes, qui doivent estre saintes, graves, appreuvees par l'Evesque, de sorte qu'elles ne sortent jamais pour aller passer le tems, ni pour aller simplement visiter les parens et amis, ni pour aller faire des complimens, ni pour aller acheter, vendre, playder et semblables mondanités messeantes a des ames qui font profession d'avoir renoncé au siecle, a la mayson paternelle, aux parens et en somme a toutes affections, hormis a celles que la charité commande.

  A025002243 

 A mesure que les Religions et Congregations des filles et femmes sont plus dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure, pour n'estre du tout point diverties; et d'autant qu'elles sont appreuvees par l'Eglise a cette seule intention, et que d'ailleurs elles ont solemnisé le vœu de leur sousmission pour tout ce qui est requis a l'exacte observance de leur vocation, c'est avec juste rayson que l'on leur impose a toutes une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse, ainsy qu'il a esté dit ci dessus..

  A025002245 

 Et certes, c'est une tentation extreme de ne vouloir que l'extreme [316] et rigoureuse clausure pour les femmes et filles; car si bien par icelle il semble que l'on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, neanmoins, on la diminue extremement ostant la commodité de se retirer a toutes celles qui ne sont appellees qu'a la retraite suffisante et moderee, que l'antiquité et l'experience nous tesmoigne estre neanmoins fort aggreable a Dieu et utile au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002246 

 Et comme les petites simples Congregations ne doivent pas entrer en comparaison d'egalité avec les Religieuses, aussi les Religieuses ne doivent pas entrer en preference de mespris sur ces petites assemblees qui, selon leur condition, s'essayent de servir Dieu devotement..

  A025002248 

 Quelques Religions treuvent bon d'avoir leurs Generaux qui les visitent par tout le monde; les Chartreux et la Compaignie de Jesus se treuvent bien de les avoir tous-jours en un lieu destiné.

  A025002248 

 Souvent pour eviter un danger present, on employe des remedes qui en engendrent de plus grans a l'advenir; mais l'esprit humain se contente, pourveu qu'il se desface des affaires, et luy est advis que le mal n'est pas mal, pourveu quil ne paroisse pas..

  A025002252 

 Il a remarqué en l'institut de la Congregation de la Visitation ce qui s'ensuit, que Monseigneur de Geneve est supplié tres humblement de considerer et y faire, avec son prudent, docte et pieux jugement, une charitable reflexion, apres laquelle le tout est sousmis avec grande ingenuité a sa censure..

  A025002253 

 L'on met premierement et principalement an consideration que cete Congregation n'est point approuvee du Sainct Siege et, qu'an quelque maniere et sous quelque loy qu'on la mette, les vœux qui se feront en icelle seront tousjours vœux simples, et les filles veufves qui entreront an la Congregation ne seront jamais proprement ny vrayement Religieuses.

  A025002254 

 L'une est qu'il y a pour les filles du regret et du desplaysir qu'elles ayent les obligations essentielles de la Religion et qu'elles n'en ayent ny le nom, ny le merite, ny la perfection, ny les Indulgences; et que les liens qui les tiendront en cete Congregation ne soyent pas si fermes et indissolubles qu'elles ne puissent craindre de veoir, sinon an ces premices de l'esprit de devotion, au moins dans quelques annees et par succession des temps, des tentations et des desordres parmy elles..

  A025002255 

 Ce qui est d'autant plus grief en France, a cause de la liberté de conscience; car si une fille tentee vient a se faire protestante, elle demandera son partage au bout de vingt ans, et fauldra le luy bailler, et le prendre sur tel qui l'aura dissipé il y aura dix ans; et sur cela, combien d'actions hypothecaires, combien de reductions de familles! Les Edicts ont reglé et empeché cela quant a celles qui ont faict les vœux solemnels et profession en des Religions approuvees; mais ces Filles de la Visitation, lesquelles n'auront faict ny vœux solemnels, ny profession an Religion, ne sont point comprises dans les reglemens et exceptions des Edicts; et partant, elles reviendroient an partage comme les aultres protestans.

  A025002256 

 Et si quelques unes y entrent, voyla des proces, et la Congregation a la censure du Parlement, qui sans doute n'approuvera pas cela, et renversera tout l'Institut comme des choses nouvelles et contrayres aulx coustumes du royaume..

  A025002256 

 Il fault adjouster que par la coustume generale de ce royaume les hommes ou femmes proffés en des Religions ne succedent plus aulx biens temporels qui leur pourraient escheoyr; mais tels biens appartiennent a leurs parens plus proches.

  A025002257 

 Les vœux des Jesuites, bien que simples an certaine façon, par l'approbation et privileges particuliers du Pape, sont pourtant tousjours vœux de Religion: et partant, celuy qui sort avec congé de son Superieur, peult contracter mariage; mais celuy qui sort sans congé est apostat, et non seulement il peche griefvement an contractant mariage, mais encor de plus, tel mariage est invalide..

  A025002258 

 Donc, pour se recueillir, les parens dient qu'ils ne veoyent pas vollontiers entrer leurs parentes an cete Congregation, d'aultant qu'ils ne sçavent si elles sont Religieuses ou seculieres, si elles persevereront ou non, si elles partageront avec leurs freres et sœurs ou si elles demeureront contentes de la dot qui leur aura esté attribuee; et cete incertitude est aussi longue que la vie de la fille..

  A025002259 

 Or, ce n'est point une speculation des plus sçavans, mais une plainte fort ordinaire et qui s'entend tous les jours en cete ville, an laquelle les parens ne sont pas fort portés a consacrer leurs filles au service de Dieu, hors du monde; et quand ils s'y laissent aller, il y a bien souvent beaucoup de considerations temporelles.

  A025002260 

 Cela se peult faire an leur donnant la Regle de sainct Augustin, qui est fort douce, peu chargeante et approuvee depuis tant de siecles du Sainct Siege.

  A025002260 

 On propose, pour remede a cela, de convertir ces Congregations an vrayes et formelles Religions qui demeurent soubs la jurisdiction de l'Evesque diocesain, et que les Religieuses ayent a vivre an la mesme façon qu'il est porté dans les Regles de la Congregation, qui sont a la verité excellentes et respirent de toutes parts la pieté et l'esprit de Dieu.

  A025002262 

 Et au reste, de deux fins aulxquelles l'institut de la Visitation jette son dessein, cet expedient an embrasse une, qui est d'ouvrir une porte par laquelle puissent passer au service de Nostre Seigneur les personnes desja aagees ou foibles, ou qui ne se sentent pas appellees aulx rigueurs des Religions plus estroittes..

  A025002263 

 Quant a l'aultre fin, qui est de donner une retraitte a des personnes lesquelles sont encor dans le monde pour quelques restes d'affaires et sont pourtant obligees d'an sortir quelquefois pour y pourveoyr, la verité est que la Religion ne peult admettre telles personnes, pour ce qu'elle enjoinct de vivre an perpetuelle closture, laquelle exclut toutes sorties.

  A025002264 

 Et quand il n'y a point de moien de rompre ses liens, possible est il plus asseuré de demeurer au monde que d'entrer an Congregation; car, exceptant quelques vertus extraordinaires, et parlant comme il fault des choses qui se font ordinayrement, il est fort malaysé qu'une mere renfermee an une Maison de devotion, appliquee a l'oraison et a la mortification, puysse an huict ou dix jours, an un ou deux ans, donner l'ordre necessaire aulx affaires de ses enfans; et neantmoings, si vous la presupposes attachee a ce soing par une absolue necessité, elle est comptable a Dieu des [325] omissions qu'elle faict a ce debvoir.

  A025002264 

 Et qui dira qu'une mere, bonne mesnagere et sage, ne fasse, estant dans le monde, mille mesnages et pratiques pour ses enfans, qu'elle ne sçauroit faire estant renfermee dans une Congregation?.

  A025002265 

 Les principaulx docteurs de la Sorbonne n'ont ils pas resolu que la marquise de Magneley seroit mieulx au monde qu'an Religion? Et le Pape, an suite de cete resolution, ne luy a il pas commandé par son Nonce qu'elle demeurast au monde? Sera il dict que pour une veufve qui paroistra au monde comme un phœnix an un siecle, il faille tenir un bon nombre de filles an des Congregations, plus tost que dans le nom et la profession d'une Religion?.

  A025002266 

 Il se collige encor des dicts livres que ces Congregations sont fort differentes de celle de la Visitation; et pourtant, si l'on veult inferer de celles la a celle ci, il an fault trouver quelques unes qui luy soyent du tout semblables, et signamment an donner une an laquelle il y aye communaulté, eglise, chœur, Sainct Sacrement, habitz de Religieuses, profession des trois vœux, et de laquelle on veoye sortir de temps a aultre une mere, pour aller, comme tutrice et curatrice de ses enfans, faire des contractz et baulx a ferme..

  A025002266 

 Je ne sçaurois que dire de celles qui sont hors de Romme, sinon que, par les petitz livres que nous an avons, il se peult colliger que les dictes Congregations sont instituees principalement pour recueillir les pauvres filles qui n'ont pas les moiens qu'il fault pour entrer an Religion.

  A025002268 

 Ce qui ne se dict point par exageration, ny pour trouver a redire an celles qui, assistees de l'Esprit de Dieu et de la direction d'un angelique Prelat, ont frayé heureusement ce chemin, et se font admirer et non reprendre; mais il fault jetter les yeux dans les annees a venir, et penser au temps que, cete direction manquant et les ardeurs de cete devotion ralenties, les choses pourront succeder moins heureusement..

  A025002269 

 De plus, il fault penser au jugement du monde, et s'imaginer que ceulx qui verront cete Sœur de la Congregation par les chams et dans les villes, n'auront pas tous veu le conseil de Navarre, et ne sçauront pas les distinctions subtiles entre Religion et Congregation.

  A025002269 

 Si donc les occasions des veufves devotes et necessairement attachees au monde sont fort rares, et si leurs sorties sont fort dangereuses, il semble plus expedient de les exhorter qu'elles demeurent a servir Dieu dans le monde, combattant vertueusement par sa grace, qui suffit a toutes nos necessités et tribulations et infirmités de leur vie, que non pas, an les retirant dans des Congregations, donner occasion a toutes les incommodités susdictes..

  A025002269 

 Tant il y a, que voyant une Religieuse par le monde et dans les affayres, il s'an scandalisera; tant y a, que les Monasteres lesquels an execution du Concile on veult remettre an closture, auront fort que dire et dequoy se plaindre; tant y a, que les protestans et les libertins auront dequoy censurer les clostures de nos Monasteres, puisque par le moien des Congregations nous sçavons bien nous an passer, et prouver qu'elles n'estoyent point an la primitive Eglise; tant y a, que ces sorties seront occasion de grandes distractions aux Sœurs qui sortent, et de tentations a celles qui demeurent a la maison, et, par succession de temps, l'on ne peult que l'on n'an apprehande des desordres.

  A025002271 

 Il y a plus de la part des Religieux ou casuistes qui, entendant parler de cete Congregation, an louent grandement les exercices, et admirent la pieté de l'Instituteur et sa charitable prevoyance, deferant infiniment a sa suffisance et a la lumiere que le Ciel luy donne; neantmoings, quand il est question d'accorder ces vœux et ces sorties, et ces aultres inconveniens sus allegués, chacun subsiste; et si l'on les proposoit sans alleguer l'autheur, beaucoup diroyent qu'an cete saison et an ce pais cela est fort dangereux; et ne croit on pas qu'il se puysse trouver aultre exemple d'aulcune Congregation religieuse an laquelle il entre des femmes encor chargees d'affaires, qui, an habit de Religieuse, an sortent de fois, a aultre pour pourveoir aulx dictes affaires..

  A025002273 

 Et il ne fault pas dire qu'an cela le Sainct Siege fasse prejudice aulx Ordinaires; car nous sommes tous d'accord qu'il leur laisse ce qui leur appartient, et qu'ils peuvent eriger des Congregations et Confreries seculieres tant qu'ils vouldront.

  A025002273 

 Et ne semble pas asses asseuré de recourir a la distinction des vœux solemnels et simples, et des Congregations et Religions; car, oultre que ce seroyt eluder l'intention desdicts Conciles, qui a esté d'empescher les nouveautés et diversités an l'Eglise (et ces Congregations sont les vrays moiens de les introduire, estant certain que jamais deux Evesques ne seront du mesme advis), il est apparent que cete prohibition s'estend aulx Congregations que vouldroyent introduire les Evesques, puisqu'elle requiert l'approbation Apostolique.

  A025002273 

 L'on doubte si tels vœux publiqs et avec solemnité ecclesiastique se peuvent faire avec l'authorité des Ordinaires, sans authorité et approbation Apostolique; et croit on qu'il n'y a point d'exemple de cela an l'Eglise, ains cela semble directement contraire a la disposition des Conciles de Latran et de Trente, qui portent defense d'introduire aulcune sorte de Religion nouvelle sans l'approbation du Sainct Siege.

  A025002273 

 Mais nous disons qu'ils ne peuvent pas, soubs le nom de Congregation ou College, eriger des assemblees qui ayent toutes les, marques et l'essence encor des Religions, an sorte qu'il n'y aye a dire que le nom: les trois vœux, la communauté, l'eglise, Sacrement, le chœur, chanter tous les jours les divins Offices; et que? peult on avoir plus que cela an la Religion?.

  A025002275 

 Je respons qu'a la verité voyla deux marques principales de la Religion qui ne conviendront jamais aulx Congregations; mais je dis que quand les Conciles ont deffendu d'eriger des Religions nouvelles, ils sçavoient fort bien qu'il n'y a que le Pape qui les puysse eriger avec ces conditions la, puisqu'elles ne peuvent estre [329] sinon an suite de l'approbation du Pape.

  A025002276 

 Bien est vray qu'il seroyt a propos de laisser cete oblation avec ces trois vœux, si l'on le peult faire canoniquement; car cela consoleroit fort et les Sœurs qui entreront an la Congregation, et leurs parens, attendu que chacun n'entend pas ces distinctions des vœux simples et solemnels, et pourtant sembleroit aulx uns et aulx aultres que ce soyt vrayement Religion: qui ne seroyt qu'un bon et pieux equivoque.

  A025002277 

 An ce poinct on pourra se servir du privilege des Congregations et se dispenser an quelque chose du droict commun, faisant durer le noviciat 2, 3, 4, plusieurs annees, selon qu'il sera besoing pour liquider les affaires de celles qui auront esté receues..

  A025002277 

 On remarque encor ce qui est des entrees des hommes an la Congregation, et pour les sorties des femmes.

  A025002278 

 Avec cet expedient et cete moderation, l'on pourrait pourveoir an partie aulx inconveniens qui procedent des sorties, et satisfaire par mesme moien aulx desseins et a l'intention de la Congregation, qui est de donner retraitte a des veufves, bien que chargees encor de quelques affaires pour lesquelles il leur fust besoin de sortir quelquefois au monde; intention que l'on trouve bien louable et charitable, s'il estoit aussy aysé de rencontrer les moiens de l'executer sans inconveniens et incommodités..

  A025002279 

 Et il sera bon d'expliquer que c'est principalement pour telle raison que l'on se tient dans les termes de Congregation, afin de pouvoir, an ces sorties et cete prorogation de noviciat, an l'entree des peres et enfans, an l'entree des femmes seculieres et choses semblables (si chose aultre y a), mitiger an quelque chose la rigoureuse observance des Religions et s'accommoder aux infirmités des personnes, pour la plus grande gloire de Dieu; mais qu'au reste, les Sœurs de la Congregation, apres avoir fait ce sacrifice a Dieu pour le bien de leur prochain, doibvent estre, an ce qui les regarde an particulier, aussy fideles a Nostre Seigneur et aussy observantes de leurs Regles comme si elles estoient an la Religion du monde la plus estroitte..

  A025002279 

 Tousjours faudra-il mettre quelques gloses qui expriment que telles veufves ne seront pas receues indifferemment, mais quand il y aura de grandes raisons qui convient la Congregation a leur user de cete charité.

  A025002280 

 Il n'y a que le Pape et les Conciles qui puyssent parler ainsy, oultre que les autres Evesques s'an scandaliseroyent, et il semblerait qu'on leur voulust apprendre leur leçon..

  A025002282 

 Finalement, il sera bien a propos de penser quelles appellations l'on donnera a ces Congregations et aux Sœurs qui entreront an icelles, et si on les appellera Congregations religieuses et les Sœurs, Religieuses, comme il semble qu'il se pourra faire et qu'il sera bienseant.

  A025002285 

 Sur les remarques qu'il a pleu a Monseigneur l'Archevesque de Lyon communiquer a l'Evesque de Geneve, on le supplie tres humblement d'aggreer ces petites remonstrances lesquelles, veuës et considerees, il luy plaira employer son authorité pour le choix qui luy est deferé; auquel ledit Evesque acquiescera non seulement humblement et reveremment comm'il doit, mais cordialement, gayement et en toute suavité..

  A025002287 

 Premierement, on considera qu'en la province et ville de Milan il y en avoit quantité, toutes presque differentes les unes des autres; qui faisoit foy que ces erections estoyent pleinement au pouvoir des Evesques, d'autant plus que cette province la est advouee la mieux disciplinee qui soit en Italie..

  A025002288 

 Aussi, en l'affaire de M me de Gouffiers, on exprima qu'elle estoit en la May son de la Congregation des Oblates d'Annessi, et ni le nom, ni la chose ne fut point treuvee estrange: signe manifeste qu'elle est de l'espece des Institutz qui sont suffisamment appreuvés quand ilz sont erigés par les Evesques, desquelz les actions n'ont pas besoin d'approbation speciale, sinon es cas que le Saint Siege s'est expressement reservé..

  A025002288 

 Secondement, on en fit parler a Sa Sainteté, laquelle tesmoigna de la treuver bonne, accorda des Indulgences et benedictions sur un sommaire escrit qui luy fut fait par [333] le R. P. François de Beugey, Commissaire de la Province de la Mission des Peres Capuçins; bien que le seigneur Cobellutio ne voulut pas se departir du formulaire ordinaire lhors qu'il fit dresser le Brief desdites Indulgences.

  A025002289 

 Et l'exemple sus allegué de la province de Milan semble estre garend irreprochable de cette verité; comm'encor qu'il ne soit point necessaire que cette Congregation soit en tout semblable a quelqu'autre d'Italie, puisque mesme en cette province-la on void que chasque Evesque donne des Constitutions a celles qui sont en son diocœse, dissemblables a celles des autres, et mesme de leur Metropolitain, et Metropolitain tel qu'estoit saint Charles.

  A025002289 

 Exemple en soit les Guastales a Milan, ou nos bons Peres Barnabites disent tres souvent la Messe; ou l'Institutrice, Confesse Guastale, a establi un confesseur et un clerc ordinaire pour dire la Messe et administrer les Sacremens, ainsy qu'il appert par son testament imprimé, que l'Evesque de Geneve a. Et l'on peut bien comprendre que les Urselines qui sont en Congregation, ont eglise interieure, c'est a dire chœur pour elles, et exterieure pour les Messes, au diocese de Novare, puisque au Formulaire de la reception, qui est imprimé parmi les autres escritz pastoraux de Monseigneur de Novare, il est dit tout a la fin que les filles receuës seront ramenees en leurs maysons, «ou bien en l'eglise interieure, si elles sont receuës en Congregation.» [335].

  A025002290 

 Cela, comme l'on pense, avec ce qui a esté escrit au papier ci devant presenté a Monseigneur l'Archevesque, peut suffire pour monstrer que l'erection de telles Congregations est tres loysible, d'autant plus que celle de la Tour des Mirouers de Romme est non seulement toleree, mais appreuvee expressement par le Saint Siege, et grandement louëe comm'une maniere de vivre sainte; tesmoin Navarre..

  A025002290 

 Et quant a dire l'Office ensemble, a la verité l'Evesque de Geneve n'a pas encor certitude si cela se fait es eglises de Milan, mais ouy bien que la permission de le dire n'est point du genre des choses prohibees aux Evesques, qui le permettent en Italie aux Confrairies des Pœnitens ou Disciplinanti, sans reprehension de personne; et ces Confrairies, composees de gens mariés, imitent en cela les Religieux [336] et le Clergé d'une bonne imitation.

  A025002291 

 Et en ces Congregations-la vivoyent et fleurissoyent les grans Saintz et grandes Saintes qui faysoyent leurs vœux en grande celebrité, mais sans solemnité; ainsy que font encor a present les estudians des Jesuites, lesquelz, s'ilz sortent sans congé apres leurs vœux simples, sont voyrement apostatz, puisqu'ilz sont tenus pour Religieux, mais les mariages qu'ilz contractent ne sont pourtant pas invalides, puisque en cela seulement consiste la solemnité du vœu de chasteté, laquelle n'a jamais esté en leur vœu..

  A025002291 

 Mays, que non seulement elles soyent loysibles, ains aussi utiles au salut des ames et gloire de Dieu, il est advis qu'on n'en puisse pas douter sans blasmer ces bons Evesques d'Italie, qui, avec beaucoup de soin, les erigent, dressent et instruisent; laissant a part que la chose parle d'elle mesme.

  A025002293 

 Car, quant a la visite des malades, elle fut plustost adjoustee comme exercice conforme a la devotion de celles qui commencerent cette Congregation et a la qualité du lieu ou elles estoyent, que pour fin principale.

  A025002293 

 Et comme telles Congregations peuvent estre exercees diversement, on treuva bonne et a propos cette charité, qui excitoit un'odeur de grande suavité parmi ce peuple..

  A025002293 

 Il est vray que cet exercice fut aymé non seulement parce que de soymesme il est pieux et grandement aggreable a Dieu, mays parce que celles qui le prattiquoyent n'alloyent jamais pour le faire sans revenir meilleures et plus consolees.

  A025002293 

 La fin particuliere de l'erection de la Congregation de la Visitation en la ville d'Annessi, fut la retraitte des filles infirmes de cors ou pour l'imbecillité de la complexion, ou pour l'aage, et des vefves encor aucunement attachees aux affaires de leurs enfans, ainsy quil est dit es Regles; comm'encor le refuge et retraitte des femmes qui demeurent au monde, quand elles desireroyent prendre des resolutions et instructions pour mieux et plus saintement vivre en leurs maysons et mesnages.

  A025002294 

 Or maintenant, venans a ce qu'il faut resoudre, et considerant que le genre de vie prattiqué en cette Congregation pourra estre receu avec beaucoup d'utilité et de gloire de Dieu en divers endroitz du royaume de France, sil [338] estoit reduit au point auquel Monseigneur l'Archevesque le desire, l'Evesque de Geneve, de tout son cœur, sans un seul brin de repugnance, acquiesce a l'establissement de cette Congregation en tiltre de simple Congregation, sous la condition d'une clausure perpetuelle, toute telle qu'elle est marquee au Concile de Trente pour les Religieuses formelles, et sous cette douce et benigne interpretation que, comme a Romme et en Italie presque par tout on estime une suffisante cause pour faire entrer les filles du monde es monasteres quand elles ont besoin et volonté d'y estre instruites, on puisse aussi y faire entrer les femmes et filles qui auront besoin et volonté de s'y retirer pour un peu, affin de mettre ordre et restaurer leurs consciences; puisque cette necessité est grande, et les fruitz de ces entrees plus grans qu'il ne se peut dire, ainsy que l'experience l'a fait voir de deça.

  A025002295 

 Pour la retraitte des vefves qui seront encor obligees de sortir parfois, il suffira aussi qu'elles la facent en habit seculier et modeste, jusques a ce qu'elles soyent du tout delivrees des necessités de sortir..

  A025002296 

 Et pour satisfaire encor plus pleinement aux conceptions des hommes du monde, on pourroit, ce semble, obtenir aysement de la Cour de Parlement, ou du Conseil du Roy, que les renoncemens faitz par les filles, a leur entree, des pretentions temporelles, tiendroyent; aux reserves de ce qui leur seroit accordé en leurs entrees, qui demeurera acquis a la Congregation, sinon en cas d'expulsion, qu'il leur sera rendu, ou a leurs parens, pour leur entretien, sans qu'elles puissent prœtendre autre chose; car une telle declaration seroit utile, pour le temporel, aux familles, et pour la descharge des Maysons, et par consequent il y a lieu de croire qu'il seroit facile d'obtenir.

  A025002298 

 Pour la forme des vœux, il importera aussi fort peu, et Monseigneur l'Archevesque pourra la dresser a son gré; quoy que celle qui avoit esté dressee est pareillement conforme a celle des Congregations de la province de Milan, que Monseigneur l'Archevesque pourra voir es livretz quil a, si toutefois la memoyre de l'Evesque de Geneve ne le trompe..

  A025002299 

 Mais, en fin finale, parce que l'on void clairement que l'esprit de Monseigneur l'Archevesque auroit une plus entiere et aggreable satisfaction que cette Congregation fust convertie en une Religion formelle, sous la Regle de saint Augustin, avec les mesmes Constitutions qu'ell'a maintenant, l'Evesque de Geneve y acquiesce aussi fort librement et de grand cœur, non seulement pour le respect, honneur et veneration qu'il doit a l'esprit majeur, mais aussi parce que, selon quil peut discerner des articles proposés, tout ainsy que Monseigneur de Paris a converti la simple Congregation des Urselines en Religion formelle sans changer la fin principale de la Congregation, de mesme, en la transmutation de la Congregation de la Visitation en Religion formelle on pourra exactement garder la fin d'icelle Congregation: ce qu'estant, il n'y a rien a dire que la Religion formelle ne soit plus desirable pour la reputation envers le monde, et pour la descharge particuliere [340] de l'Evesque de Geneve qui n'aura plus occasion de faire des apologies et esclarcissemens pour la Visitation..

  A025002300 

 Or, la fin de la Congregation sera aysee a conserver dans la Religion, pourveu que cette fin soit aymee, aggreée et favorisee autant qu'elle le merite et qu'en ces quartiers des Gaules la necessité du bien des ames le requiert; car, quand mesme il faudroit avoir approbation expresse du Saint Siege, estant bien remonstré que les vefves en ces païs de deça, pour resolues qu'elles soyent, ne peuvent demeurer en leurs maysons sans des continuelles sollicitations au mariage, sans estre attaquees, courtisees et exposees a mille incommodités a cause de la grande liberté qui regne entre les deux sexes, il n'est pas croyable qu'il ne soit treuvé bon qu'on les retire dans cette Congregation en leurs habitz, et a la charge qu'y estant, elles se conforment aux Regles et usages d'icelles, observant la clausure au plus pres quil se pourra..

  A025002301 

 Item, que pour les mesmes considerations on retire pour quelques jours les femmes qui voudront se recueillir en Dieu, pour establir leur vie en son service, au monde.

  A025002303 

 Pour ce qui regarde de corriger l'incivilité du langage, en [341] l'endroit ou il est parlé en sorte qu'il semble qu'on veuille faire la leçon aux Evesques et traitter en Pape, il ne faut sinon corriger cet endroit-la et tous les autres esquelz on verra qu'il sera a propos..

  A025002304 

 Et aussi n'y a-il plus lieu de retarder, attendu que l'Evesque de Geneve est en une parfaite indifference pour aggreer avec suavité le choix qu'il plaira a Monseigneur l'Archevesque de faire; et mesme a pris plus d'inclination pour celuy de la Religion, y voyant plus reluire le contentement de celuy auquel il doit et veut rendre toute obeissance, et l'applaudissement des gens du monde et mesme de plusieurs Religieux, avec la conservation des fruitz praetendus par la Congregation, afïin que les fruitz et tout l'arbre soit cheri et appreuvé esgalement en l'esprit de celuy auquel ledit Evesque se sousmet, a la gloire et louange de Dieu, a qui soit honneur et gloire..

  A025002313 

 Il compte 76 pages, dont la 76 e est blanche; il est complet, sauf le I er article qui a seulement 6 lignes en tête de la première page, lesquelles d'ailleurs sont biffées.

  A025002313 

 Les marges de certaines pages sont remplies par la sainte Fondatrice qui a écrit dans tous les sens; la plupart de ses modifications sont adoptées dans le Ms.

  A025002314 

 K furent sans doute celles que suivait la Communauté d'Annecy; c'est encore ce texte qui fut emporté à Lyon par les fondatrices du deuxième Monastère, en janvier 1615.

  A025002316 

 Il y est dit, en effet, que «les Congregations establies en tiltre de simple congregation pieuse ne sont point sujettes a la rigoureuse clausure... Celle ci sera neanmoins obligee a garder estroittement celle qui est requise pour la conservation et bienseance de sa vocation.

  A025002317 

 c) La suppression des articles 7 et 8: Du retranchement des sorties, et Des sorties extraordinaires, qui figurent dans le Ms.

  A025002320 

 La formule des vœux est ainsi conçue: «Je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en obeissance et pauvreté en la Congregation de ceans, selon les regles et Constitutions d'icelle.» Cette phrase fut ensuite modifiée par le saint Fondateur, d'après l'avis de l'Archevêque de Lyon qui l'avait discutée dans son Mémoire..

  A025002321 

 g) L'article 45: Du renouvellement et confirmation des vœux, marque les exercices préparatoires, les cérémonies à observer et même la manière d'écrire ce renouvellement dans le Livre du Couvent: autant de choses qui n'ont dû être réglées que peu avant la «Saint Martin», 11 novembre, et peut-être écrites seulement après que le premier essai en avait été fait.

  A025002323 

 Après le retour de la Mère de Chantal à Annecy (vers le 26 ou le 27 octobre 1615) et la visite de M gr de Marquemont, le Saint dut se mettre de suite à l'œuvre pour revoir et corriger ses Constitutions qui avaient été le principal sujet des entretiens des deux Evêques.

  A025002323 

 Il écrit en effet le 16 ou le 17 août à sainte Jeanne de Chantal: «Il faut attendre que nos Regles soyent bien appreuvees et la Mayson de Lion bien establie par [l'autorité de M gr ] l'Archevesque.» (Tome XVII, p. 37.) — Les Constitutions, revues, corrigées, augmentées et copiées furent envoyées promptement à M gr de Marquemont, qui différa assez longtemps avant d'en écrire son sentiment au Fondateur, comme il le lui dit lui-même dans sa lettre du 20 janvier 1616.

  A025002324 

 P par la Mère de Chantal? — Elles sont postérieures à la réception du Mémoire de M gr de Marquemont; il dut parvenir vers le 25 janvier 1616 à saint François de Sales, qui y répondit le 2 février.

  A025002332 

 C'est un très beau Manuscrit, grand in-4 o, de 110 pages; les trois dernières sont blanches et les trois qui les précèdent sont occupées par la Table des matières; le premier feuillet, qui devait porter le titre, manque.

  A025002332 

 Il est tout écrit de la même main, sauf de très rares corrections qui rectifient quelques erreurs du copiste.

  A025002336 

 c) A l'article 2, on remarquera la longue addition concernant la réception des veuves: recevoir seulement celles qui n'auront «pas des affaires qui tirent» à la longue et qui ne demandent pas «des frequentes sorties»; — essai de six semaines avant de «tirer les voix»; — si elles ont le consentement de la Supérieure et des Sœurs, on leur fera écrire leur admission, elles prononceront «le vœu de chasteté et de demeurer en la Congregation,» puis on les remettra pour une année à la Directrice, sans pourtant qu'elles «soyent tenues pour estre du cors de la Congregation, bien qu'elles soyent obligees d'en observer toutes les regles et coustumes»; — à la fin de l'année, si leurs affaires ne sont pas encore réglées, elles sortiront du Noviciat jusqu'à ce qu'elles soient «prestes a prendre [346] l'habit,» qu'on ne leur donnera point pendant qu'elles «ne pourront pas s'exempter de sortir,» et, par conséquent, elles ne seront pas «receues a l'establissement solemnel.» C'est encore ce que M gr de Marquemont avait demandé dans son Mémoire (voir ci-dessus, pp. 330, 331)..

  A025002338 

 e) A l'article 40: De la premiere reception de celles qui desireront estre de la Congregation, il faut signaler le modèle de l'acte que devront écrire les «femmes ou filles» qui, «ayant les voix pour la reception,» auront «besoin de retourner chez elles» pour affaires: «Je N., ayant instamment requis... d'estre receue en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation de Moulins, ay receu cette grace de Nostre Seigneur que d'y estre admise...» etc..

  A025002344 

 En quoy, outre la perte qu'elles souffrent, elles sont dignes de grande compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame genereuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et de vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins presque bonnement le faire, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuitte qu'elle voudroit faire de la sainteté estant empeschee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas grand dommage de voir une vefve qui n'aura peut estre d'affaires domestiques que pour ou huit ou quinze jours chasqu'annee, croupir toutefois et tremper tout le reste de sa vie dans les inquietudes d'un mesnage, emmi les perilz de perdre a chasque moment l'affection qu'elle aura a sa viduité? Et n'est ce pas un secours fort a propos pour celles qui sont avancees en aage, de leur presenter une retraitte en laquelle elles se puissent mieux preparer pour estre retirees eternellement au Ciel? [348].

  A025002350 

 Faudra soigneusement prendre garde que telles vefves soyent bien appellees de Dieu et fort propres pour son service; qu'elles n'ayent pas des affaires qui tirent beaucoup en longueur ni qui requierent des frequentes sorties; que l'on leur face faire l'essay de six semaines avant que tirer les voix, au bout desquelles, si elles sont treuvees capables et qu'elles ayent le consentement de la Superieure et des Seurs, on leur fera escrire comme elles ont esté admises, ainsy qu'il sera marqué ci apres.

  A025002351 

 De mesme pourront estre receuës les vefves et filles qui pour l'infirmité de leur santé ne se peuvent ranger es Monasteres plus severes, pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat et bien disposé pour vivre en obeissance et en la prattique de la devotion.

  A025002351 

 On excepte neanmoins celles qui auroyent quelque mal contagieux et dangereux, comme les escrouelles, la lepre et autres semblables.

  A025002352 

 Or, sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution de mespriser le monde et de vivre humblement et doucement, avec une parfaite obeissance; car cette Congregation n'ayant pas beaucoup d'austerités, ni des lienssi indissolubles comme beaucoup d'autres, il faut que la ferveur de la charité et la force d'une tres intime resolution [351] supplee a tout cela, affin qu'en cette Congregation soit verifié le dire de l'Apostre qui asseure que le lien de la charité est le lien de la perfection..

  A025002354 

 Le principal point de la clausure des Congregations des femmes et filles est que leurs maysons soyent fermees aux hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la Mayson de cette Congregation, sinon pour chose necessaire et qui ne puisse estre executee que par l'entree d'iceux, pour laquelle il faudra encor avoir licence par escrit de l'Evesque ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025002355 

 Le confesseur, donq, medecin, apothicaire, cyrurgien, maçon, charpentier ou tel autre venant par necessité en la Mayson, il sera conduit au heu ou il doit faire sa charge par deux des Seurs, lesquelles feront auparavant sonner une clochette, affin que l'on sache qu'il y a des hommes dedans, et que toutes les Seurs se retirent en leurs chambres et es lieux de leurs offices pour esviter d'estre veuës et rencontrees par ceux qui sont entrés..

  A025002356 

 Et quant au confesseur, tandis qu'il ouyra la confession des malades qui ne peuvent venir a la treille, ou qu'il donnera l'Extreme Unction, ou qu'il aydera les mourantes, il demeurera tous-jours en sorte qu'il soit veu des deux Seurs qui l'auront amené; et, tant les uns que les autres, ayant fait le devoir de leurs offices, seront reconduitz droit a la porte pour se retirer, et les Seurs qui auront la charge de cette conduitte, ni les amenant ni les [352] ramenant, ne deviseront point avec eux, sinon pour respondre simplement de la disposition des malades..

  A025002356 

 Le medecin, apothicaire et cyrurgien feront tous-jours leur charge en presence de deux Seurs qui les accompaigneront.

  A025002357 

 Mais sil ne se peut pas faire aysement, on observera a leur entree et visite ce qui a esté dit des entrees des confesseurs et medecins; et que ce ne soit qu'une seule fois a chaque maladie que lesditz parens puissent entrer seulz, combien qu'avec le medecin et confesseur ilz puissent entrer plusieurs fois, ainsy qu'on le jugera expedient.

  A025002357 

 Or, outre ceux-la qui pour telles urgentes necessités pourront entrer dans la Mayson, pour la consolation des plus proches parens des Seurs et attendu qu'il n'y peut avoir aucune apparence de mal, les peres et les filz pourront entrer pour visiter leurs filles et meres, quand toutefois elles seront tellement malades qu'elles ne pourront descendre au parloir et qu'on jugera leurs maladies devoir estre perilleuses; et s'il se peut bonnement faire, telz parens n'entreront qu'avec le confesseur ou medecin, affin qu'on ne multiplie pas les entrees.

  A025002364 

 Qu'a leurs entrees on observe ce qui a esté dit pour l'entree des cyrurgiens et medecins, horsmis que la Superieure pourra avec liberté faire entretenir celles qui entreront par les Seurs que bon luy semblera et es lieux qu'elle treuvera plus a propos, voire mesme pourra les admettre aux exercices de la Mayson, s'il y a apparence d'edification..

  A025002365 

 En tous cas, nulle des Seurs ne pourra parler a celles qui viennent de dehors qu'avec la licence de la Superieure, et non jamais qu'a la veuë d'une autre Seur; bien que la Superieure pourra permettre, quand il luy semblera bon, que l'entretien se face sans que la Seur presente oye ce qui se dira..

  A025002366 

 On prendra garde que les femmes qui entrent ne troublent [354] point le train ordinaire des exercices de la Mayson, et pour ce on n'en recevra que deux ou trois a la fois, sinon que pour quelque grande et extraordinaire occasion il y eust licence par escrit d'en recevoir davantage; car autrement il y auroit danger de grande distraction et importunité..

  A025002367 

 On excepte neanmoins les femmes estrangeres qui en autre tems n'auroyent pas commodité de venir, comme aussi toutes les autres en cas de necessité spirituelle requise..

  A025002368 

 Il sera permis de recevoir en la Mayson, mesme pour y demeurer plusieurs jours, les femmes qui, pour se preparer a faire des confessions generales, ou pour s'establir en l'amendement de leur vie, ou pour se fortifier et confirmer en la vertu auront besoin d'un peu de retraitte; a la charge qu'estant entrees elles obeiront a la Superieure, sans sortir de la Mayson ni permettre, autant qu'elles pourront, d'estre visitees.

  A025002370 

 En fin, il faut que les personnes du monde entrent en la Mayson en sorte que le monde n'y vienne point avec elles; ce qui arrivera si les filles de la Congregation attirent par leurs devis, modestie et sainte contenance les femmes qui viennent, a parler chrestiennement et spirituellement, sans meslange de murmuration, curiosité ou autres entretiens superflus..

  A025002374 

 Et toutes prendront garde de n'ouyr ni dire beaucoup de paroles inutiles, coupant court en toutes sortes de devis, si ce n'est ceux qui regardent le prouffit spirituel..

  A025002374 

 Que tous-jours celle qui parlera soit assistee d'une autre Seur qui puisse ouyr ce qui se dira, sinon que pour quelque respect la Superieure se contente que la Seur qui parle soit veue et non ouye par celle qui l'assistera, laquelle, en ce cas, se retirera a part faysant quelque [356] ouvrage, ou lisant quelque livre, ou priant Dieu, Les Novices auront toute liberté de parler a leurs parens proches en la façon susdite, comme au contraire on les tiendra exemptes de parler a tous autres, tant que faire se pourra.

  A025002378 

 Bien que les Congregations establies en tiltre de simple Congregation pieuse, tant a Romme mesme qu'es autres lieux d'Italie, ne soyent point sujettes a la rigoureuse et exacte clausure, en celle ci toutefois s'observera exactement [357] la clausure prescritte aux Monasteres par le sacré Concile de Trente, selon la forme et teneur des paroles d'iceluy qui sont telles: «Or, a aucune des Religieuses soit loysible, apres la Profession, sortir du monastere, pour peu que ce soit, sous quel praetexte que ce soit, sinon pour cause legitime qui soit appreuvee par l'Evesque.

  A025002379 

 Ce que neanmoins, quant a cette Congregation, sera entendu des Seurs qui seront voylees, les Seurs Servantes pouvant sortir, comm'il se prattique mesme en Italie en plusieurs Monasteres; et sauf encor quant aux entrees des femmes, qui pourront estre permises non seulement pour l'absolue necessité, mays, de plus, pour l'utilité, selon quil a esté dit en l'article 4; comm'aussi pour le regard de l'entree des proches parens en cas de perilleuse maladie des Seurs, comm'il a esté dit en l'article 3..

  A025002380 

 La clausure n'exclud pas les Seurs de sortir dans le chœur des prestres pour parer l'autel, a condition quil ny ayt personne estrangere, et que la porte de la nef soit [358] bien fermee; laquelle nef, comme aussi la grande treille et le parloir se fermeront en dehors par les Seurs Servantes qui en apporteront tous les soirs les clefz a la Superieure..

  A025002386 

 Et [360] des lhors elles seront en liberté pour relascher un peu leur esprit jusques a souper ou collation, qui se feront tous-jours a six heures..

  A025002386 

 Vespres dites, les Seurs font leurs ouvrages de conversation, devisant de leur lecture et choses utiles jusques a Complies, qui se disent a cinq heures a droitte voix, excepté les grandes festes que l'on chante le Nunc dimittis; et sont suivies des Letanies et d'une demi heure d'orayson mentale.

  A025002386 

 Vespres se diront a trois heures a droitte voix, excepté le Magnificat et l'antienne de Nostre Dame qui se dit apres Vespres, qui se doivent chanter.

  A025002387 

 Apres le souper elles entrent en recreation jusques au premier coup de Matines qui, en tous tems, se sonnera a huit heures et demi; despuis lequel coup s'observe le silence jusques apres Prime du lendemain.

  A025002387 

 Les Matines, qui se commenceront a huit heures trois quartz, seront suivies de l'examen de conscience, lequel estant achevé on lira la matiere de la meditation du jour suivant; apres quoy, toutes se retireront pour estre chacune couchee a dix heures precisement..

  A025002391 

 Et pour le regard de la lecture, si quelque Seur, en la faysant, se sent attiree a l'orayson, elle pourra suivre cet attrait, observant neanmoins de lire et retenir suffisamment pour fournir a l'entretien de l'assemblee qui se fait apres Vespres..

  A025002395 

 Elles seront promptes au premier son de la cloche pour aller au chœur avec gravité et reverence; et y estant, apres avoir fait la genuflexion devant le Saint Sacrement, elles se mettront a leur place avec un maintien le plus devot qui leur sera possible; et ne parleront jamais entre elles, sinon pour chose extremement urgente, ni ne sortiront que pour des necessités fort pressantes..

  A025002396 

 Mais celle qui l'aura faite, apres l'Office ira demander pardon, non tristement mays humblement, a la Superieure.

  A025002396 

 Si quelqu'une fait faute au chœur, personne ne la reprendra sur le champ; mais si elle se peut reparer, celles qui s'en appercevront la repareront doucement et sans s'en empresser; comme par exemple: si celles qui commencent les Pseaumes avoyent pris l'un pour l'autre, les autres reprendront le Psalme laissé sans faire semblant de la faute.

  A025002399 

 L'on portera le tressaint Sacrement de quinze en quinze jours aux malades qui ne pourront en point de façon aller au chœur.

  A025002403 

 Elles s'habilleront le plus simplement que faire se pourra, tant en la matiere qu'en la forme, ainsy qu'elles sont maintenant, de robbes et cottes noires; et seront coëffees d'un voyle d'estamine noire, long jusques au dessous de la ceinture et qui leur couvre tout le visage, sans attiffetz, sans aucune façon, avec un bandeau noir qui couvre le front; leurs colletz, avec leurs barbettes, de toyle mediocre, sans plis ni empois.

  A025002403 

 Les manches de leurs robbes, longues jusques au fin bout des doigtz et larges en sorte qu'elles puissent aysement tenir leurs mains et bras pliés l'un sur l'autre dans leurs manches; et en somme, elles ne porteront rien qui ne ressente extremement la simplicité religieuse..

  A025002404 

 Leurs litz seront de mattelatz, et les tours d'iceux de simple estoffe brune, qui se feront en sorte que les Seurs couchant plusieurs en une chambre ne se puissent point voir l'une l'autre en se levant ou se couchant; et pour cela les ouvertures des tours de lit ne seront point tournees l'une contre l'autre.

  A025002408 

 On pourra demeurer une heure entiere a table, affin que celles qui mangent lentement prennent leur refection a l'ayse; et ce pendant, celles qui auront plus tost fait demeureront attentives a la lecture, en attendant la fin de la table.

  A025002410 

 Or, cette lecture doit estre tous-jours commencee par un article de la Regle, faite distinctement et clairement, avec des justes pauses de periode en periode, affin que toutes les autres estant en silence entendent sans peyne ce qui se dira.

  A025002410 

 Que si celle qui aura cette charge prend le soin de prevoir la lecture qu'elle devra faire pour s'en bien acquitter, elle fera chose aggreable a Dieu.

  A025002411 

 L'une des Seurs qui auront mangé a la premiere table demeurera pour faire la lecture a la seconde, selon que la Superieure ordonnera..

  A025002412 

 dans le refectoir a droitte voix, quant a la premiere table; mais quant a la seconde, on ne dira que le petit Benedicite et les petites Graces, et l'office s'en fera par celle qui sera la premiere de la table selon l'ordre de cette annee la, et la leçon ne se continuera que jusques a moytié table..

  A025002425 

 Tous les messages, donques, et lettres qui entreront et sortiront luv seront premierement rapportés, affin qu'elle les permette ou retienne, ainsy que bon luy semblera; horsmis les lettres que les Seurs escriront au Superieur et Superieure absens, car celle qui demeurera en la place de la Superieure par maniere de lieutenante ne verra point telles lettres addressantes aux Superieurs, bien que tous-jours on luy doive demander licence pour leur escrire et faire cachetter les lettres par celle qui a le sceau de la Mayson.

  A025002426 

 Apres la recreation du soir, avant que d'aller a Matines, toutes se presenteront devant la Superieure qui leur commandera les choses requises pour ce soir la et pour la matinee suivante; comme de mesme, apres la recreation du disner, elle leur ordonnera ce qui se devra faire jusques au soir.

  A025002427 

 Cela fait, les Seurs qui n'auront rien a proposer se retireront.

  A025002427 

 Mays celles qui ont quelque charge des affaires de la Mayson pourront demeurer avec la Superieure pour l'advertir des choses qui seront necessaires; dequoy on ne [368] parlera point devant les autres Seurs, affin de laisser leur esprit en plus grande tranquillité et liberté..

  A025002429 

 Aucune n'entreprendra de faire des jeusnes, disciplines ou autres telles austerités qu'avec le congé de la Superieure; laquelle treuvant des filles de bonne et forte complexion leur en permettra quelques unes avec discretion, comme la discipline, et celles qui auront congé, la feront toutes ensemble le vendredi..

  A025002430 

 Que si elle ne la commet, il s'entendra qu'elle laisse la plus ancienne Surveillante; et celle la sera estimee la plus ancienne qui sera venue la premiere en la Congregation..

  A025002436 

 Tout ce qui sera apporté et donné a la Mayson sera parfaitement reduit en communauté, sans qu'aucune aye ni puisse avoir chose quelcomque, pour petite qu'elle soit, en proprieté particuliere; ains une chacune Seur entrant en la Congregation et faysant son vœu et Oblation, resignera et renoncera en faveur de la Congregation, mettant es mains de la Superieure l'usage, usufruit et libre disposition de tout ce qu'a sa contemplation sera apporté, donné et remis, assigné a ladite Congregation..

  A025002437 

 Chasque Seur ayant traitté des affaires necessaires a sa reception et entretenement en la Congregation, selon quil sera advisé par le Pere spirituel et la Superieure (ce qui se fera tous-jours avant la reception de l'habit, sil se peut), elles renonceront, le jour avant leur vœu et establissement, a toutes les pretentions qu'elles peuvent avoir au monde, en la meilleure façon que le Pere spirituel et la [370] Superieure adviseront par conseil.

  A025002438 

 Ce qui ne s'entend pas pour l'eglise, laquelle pourra estre ornee et embellie autant que les moyens et facultés des Maysons le porteront; lesquelles Maysons on ne devra beaucoup enrichir, ains tesmoigner l'amour de la sainte pauvreté, mesme es rentes, revenus et bastimens..

  A025002439 

 Ce qui s'observera si exactement, que ni les chapeletz [371] mesmes, medailles reliques, et images, ni les litz, ni les chambres ne demeureront point tous-jours aux mesmes Seurs, ains seront changees toutes ces choses entre les Seurs au commencement de chasque annee, en cette sorte..

  A025002439 

 Et affin que toutes affections qui pourroyent naistre dans le cœur des Seurs soyent retranchees, et qu'on vive en la Congregation avec une parfaite abnegation des choses exterieures et de toute proprieté, on ne servira pas une Seur de ce qu'elle aura apporté en la Mayson ou de ce qu'on auroit donné a sa contemplation; ains indifferemment, sans distinction quelcomque, on distribuera les robbes, voyles, linges et toutes autres choses selon le rencontre et sans faire aucun choix, ni entrer en consideration quelcomque sinon de la necessité de chacune des Seurs.

  A025002440 

 Puis, chacune tirera son billet et prendra sa chambre et ce qui est dedans, et les chapeletz, reliques, croix, images et Agnus Dei selon le nombre qui sera marqué en leur billet; comme, par exemple: celle a laquelle sera escheu le nombre de 4, prendra la chambre quatriesme, avec tout l'emmeublement, et le chapelet, croix, reliques et images qui sera le quatriesme en ordre sur la table.

  A025002441 

 Toutefois, si les Seurs qui ont beaucoup a escrire, comme l'Œconome, tiroyent quelque chambre trop obscure, on pourroit, par l'ordre de la Superieure, pourvoir a cette necessité, comme aussi a celle de quelque Seur melancholique [372] qui auroit besoin de beaucoup sejourner dedans sa chambre et a laquelle le medecin jugeroit en devoir estre donné une qui fut bien aeree..

  A025002443 

 Et pour oster le scrupule des reliques, les Seurs doivent croire qu'elles serviront de protection pour toutes estans communes entre toutes; et celles d'un Saint qu'une Seur portera, n'auront pas moins de vertu pour toutes les Seurs que si une chacune les portoit, puisque celle qui les porte les a de la part de toutes et pour le bonheur de toutes.

  A025002446 

 Et quant au reste des Seurs, quelz offices qu'elles ayent, elles ne tiendront aucun rang, sinon en ce qui regarde leurs charges; comme, par exemple, l'Assistente ne precedera les autres qu'au chœur, sinon en l'absence de la Superieure.

  A025002447 

 Au demeurant, la veille du premier jour de l'an, chacune prendra son ordre selon le nombre qui se treuvera au billet de son Saint, horsmis la Superieure.

  A025002447 

 Comme, par exemple: celle qui aura le nombre 3 ira la troysiesme [373] par tout, horsmis, comme il a esté dit, si elle estoit officiere; car alhors, es choses de sa charge elle precedera.

  A025002447 

 Item, celle qui se treuvera deposee de Superieure, laquelle pour une annee ira la derniere, bien que la Superieure l'employe pour se conseiller es occurrences et que toutes luy doivent porter le respect en toutes autres occasions..

  A025002448 

 Or il faut noter qu'entre tous les billetz des Saintz il y en doit avoir un ou il n'y ayt point de nombre, qui sera tous-jours pour la Superieure; en sorte que si quelqu'autre Seur tire ce billet sans nombre, elle le changera avec celuy que la Superieure aura tiré, c'est a dire elle mettra sur son billet le nombre qui est escheu a la Superieure, et prendra le rang, la chambre et le chapelet selon ce mesme ordre..

  A025002450 

 Quant aux dames de dehors qui entrent dedans la Mayson, on les fera marcher devant toutes les Seurs, apres la Superieure.

  A025002459 

 Escrivant aux Prœlatz elles mettront: Vostre tres humble et tres obeissante fille et servante en N. S.; et a tous les prestres: Vostre humble fille et servante en N. S.; et aux autres Religieux ou ecclesiastiques qui ne sont pas prestres: Vostre humble seur et servante en N. S..

  A025002464 

 ( Pour le premier alinéa de cet article, voir ci-dessus, p. 83, celui du texte définitif de la Constitution XXV e qui reproduit la leçon des Mss.

  A025002471 

 Le samedi, toutes les Seurs, sans qu'aucune s'en puisse excuser, si ce n'est pour cause extremement grande, tant celles qui sont establies que les Novices, s'assembleront au Chapitre; et apres avoir dit le Veni, Sancte Spiritus, la Superieure lira quelques advis tirés de quelque livre devot, ou un article de la Regle, et dira tout ce qui luy semblera devoir estre dit pour le bien spirituel de la Congregation.

  A025002472 

 Apres que cela aura esté fait, celles qui voudront dire leurs coulpes pour plus grande humilité, le pourront faire, et on les corrigera doucement et amiablement, sans toutefois extenuer leurs fautes..

  A025002473 

 Et attendu que c'est la parole de Dieu qu'en toutes assemblees qui se feront en son nom il sera au milieu, les Seurs doivent assister a celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence et devotion [377], s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites et enseignees plusieurs choses necessaires a leur perfection; c'est pourquoy elles les doivent conserver soigneusement en leur esprit, pour les reduire par apres en prattique..

  A025002476 

 Tous les derniers jours du moys les Seurs rendront compte sommairement et briefvement a la Superieure de leur avancement ou defaillance en l'orayson, douceur, humilité et simplicité; non point pour se consoler, mais pour reprendre force, et s'abbaisser devant Dieu et devant celle qui tient la place d'iceluy parmi elles..

  A025002486 

 Le dernier alinéa, qui n'est pas donné dans le Ms.

  A025002490 

 Les denrees seront receues par l'Œconome, qui en tiendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la Portiere.

  A025002500 

 Mays celle qui sera ainsy advertie le doit prendre en bonne part et tesmoigner d'en sçavoir gré..

  A025002500 

 Si quelqu'une manque par oubli ou negligence a ce qui est de sa charge, celle qui s'en appercevra l'en pourra advertir, non par forme de remonstrance, ains comme la faysant resouvenir et la remettant en memoire.

  A025002501 

 Estant adverties en Chapitre ou refectoir de leurs defautz, elles recevront avec humilité l'advertissement, sans replique ni excuse, et n'en parleront point hors de la, ni d'aucune autre chose qui s'y face ou dise; ains garderont la reverence deue a toutes telles actions, mortifications et humiliations, non seulement faites de leur propre mouvement, mais aussi lhors qu'elles sont enjointes ou qu'elles leur sont faites par la Superieure, les regardant avec estime, comme des moyens inspirés de Dieu pour leur avancement..

  A025002505 

 Parlant aux seculiers, elles ne parleront aucunement de [380] ce qui se fait en la Mayson, sinon que ce fust chose qui peust servir d'edification..

  A025002506 

 Elles n'entreront point es chambres les unes des autres sans licence et sans advertir celle qui est dedans, heurtant premierement a la porte et attendant qu'elle die: «Entres, au nom de Dieu.» Et tandis qu'elles seront plusieurs en une chambre, faute de logis, elles ne remueront point les besoignes les unes des autres sans s'advertir..

  A025002509 

 Et pour cet office, la Superieure nommera au commencement de l'annee quelqu'une des Seurs qu'elle jugera propre pour cela; lesquelles exerceront cette charge avec humilité, simplicité et modestie, [381] enseignant d'abord a celles qui leur viendront parler, de n'apporter point les nouvelles de la ville et autres telz entretiens inutiles..

  A025002516 

 On ne pourra recevoir qu'une fille a la fois, et qui ayt pour le moins passé douze ans, qui ayt quelque inclination [382] a l'estat religieux, ou qu'au moins leurs parens veuillent bien qu'on la luy donne..

  A025002519 

 Comme l'ame et le cœur respandent leur assistance, mouvement et action par toutes les parties du cors, aussi, la Superieure doit animer de sa charité, de son soin et de son exemple tous les membres de la Congregation, vivifiant par son zele toutes les filles qui sont en sa charge, procurant que les Regles soyent observees le plus exactement quil se pourra, et que la mutuelle charité et sainte amitié fleurisse en toute la Mayson.

  A025002520 

 Elle commandera a une chacune des Seurs et a toutes en general par des paroles et des contenances graves, mais douces et humbles, et avec un cœur plein d'amour et de desir du prouffit de celles a qui elle commande..

  A025002529 

 Qu'elle ne concede pas aysement a pas une un usage plus frequent des Sacremens que celuy qui est porté par la Regle, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025002530 

 Qu'elle ayt un grand soin de faire continuer toute la Congregation a dire l'Office tres devotement et a faire les exercices spirituelz de l'orayson, meditation, examen de conscience, preparation du matin, oraysons jaculatoires, lecture et continuelle presence de Dieu, affin que la reformation de l'homme exterieur ne soit pas sans celle de l'homme interieur, et que la Congregation connoisse tous-jours que l'union des ames avec Dieu est sa principale fin, les filles d'icelle ne se retirans pas du monde seulement pour fuyr les peynes et travaux, perilz et dangers de damnation qui y sont, mais aussi, et principalement, pour estre tirees, jointes et unies de plus pres et plus fortement a leur Sauveur et Createur.

  A025002533 

 Qu'elle ayt un grand soin d'empescher que rien ne soit en la Mayson et rien ne s'y face qui ne soit conforme a la [sainte] pudicité et pureté, a la parfaite pauvreté et a l'exacte obeissance; et partant, si quelque Seur avoit un peu trop d'inclination a converser avec les seculiers, principalement si c'estoit jeunes gens vains et mondains, quoy qu'ilz fussent de profession ecclesiastique ou religieuse, qu'elle luy en retranche toutes les commodités.

  A025002534 

 Elle procurera que les Seurs ayent chacune sa chambre, ou du moins son lit separé, avec les tours ouvertz a la façon qui a esté ci dessus dit..

  A025002536 

 Et que, au demeurant, elle reçoive si humblement et doucement les advis et remonstrances qui luy seront donnés, que les Seurs puissent avoir une juste confiance et liberte de l'advertir ou faire advertir es occurrences, selon qu'il sera dit ci apres..

  A025002545 

 Elle donnera ordre aux lectures, et pour cela elle aura les livres en charge, qu'elle tiendra en bon ordre, et les distribuera selon que la Superieure luy dira, quant aux Seurs establies; mais quant aux Novices, selon que la Directrice ordonnera, escrivant en un petit roolle a qui elle les a donnés, et particulierement si la Superieure en faysoit prester hors de la Mayson.

  A025002545 

 Que s'il y a des livres qui ne soyent pas propres a la Congregation, elle en advertira la Superieure affin que l'on s'en desface.

  A025002546 

 Elle deputera toutes les semaines les lectrices et celles qui serviront, tant a la premiere que seconde table, et corrigera les defautz de celles qui liront, si elles lisent trop precipitamment, ou qu'elles ne prononcent pas bien, ou qu'elles facent quelqu'autre manquement; mays elle fera la lecture de la meditation du lendemain, qui se fait le soir, elle mesme..

  A025002548 

 Elle aura un particulier soin du zele de la Regle et advertira la Superieure des manquemens qui surviendront;.

  A025002554 

 Elle visitera le soir les portes qui ont leur issue dehors de la Mayson pour voir si elles sont bien fermees; et visitera aussi les Seurs apres qu'elles seront retirees, pour sçavoir sil leur faut point quelque chose..

  A025002561 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera seront principalement de la fin pour laquelle elles se doivent estre retirees du monde, qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu; que non seulement elles sont entrees en la Congregation pour se retirer du monde, mais pour se retirer et separer d'avec elles mesmes, mortifians leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, rappellant toutes leurs forces au service de Nostre Seigneur, par une chasteté tres parfaite, une pauvreté et despouillement de toutes choses tres entiere, et par une obeissance et abnegation de toute propre volonté; et que, en somme, toute la Congregation est fondee spirituellement sur le mont Calvaire, pour considerer Jesus Christ crucifié pour l'amour de nous, affin que toutes les Seurs apprennent a crucifier leurs sens, passions, inclinations et humeurs pour l'amour de luy..

  A025002566 

 Et ne fera pas moins en tout ce qui a esté dit pour les Seurs Servantes que pour les autres, autant que leur capacité le permettra.

  A025002568 

 Elle leur annoncera souvent la sincere dilection envers tous les Ordres de Religion qui sont en l'Eglise de Dieu, affin que non seulement elles prient pour iceux, mais qu'elles apprennent a les estimer et respecter cordialement.

  A025002572 

 Que si elle en treuve, comme il pourroit arriver, specialement entre les Seurs Servantes, qui ayent le cœur un peu plus rude et agreste, mais pourtant la volonté bonne, en sorte qu'il y ayt bonne esperance de les pouvoir apprivoyser et polir, elle usera d'un amour tout particulier a leur endroit, affin d'avoir de la patience, tolerance et perseverance a bien cultiver leurs espritz..

  A025002575 

 On la deschargera tant qu'il sera possible de toutes les autres affaires de la Mayson, affin qu'elle puisse tant mieux vaquer a celle cy qui est si importante.

  A025002581 

 La Portiere doit estre grandement discrette pour respondre sagement a ceux qui viennent a la porte, pour faire les responses et messages qui viennent en la Mayson et en sortent, pour faire doucement attendre les personnes auxquelles on ne peut pas donner satisfaction sur le champ et pour conduire les femmes qui entreront, en sorte que les Seurs en soyent le moins incommodees que faire se pourra..

  A025002584 

 Elle verra ce qui sort de la Mayson et ce qui y entre, escrira que c'est, si c'est chose d'importance.

  A025002587 

 Elle rendra toutes les lettres qui arriveront a la Superieure, et n'en fera point sortir, ni autre chose, sans son ordre..

  A025002589 

 Si quelque estrangere arrive en la Mayson, elle en advertira l'Œconome, affin qu'elle pourvoye a leur traittement, et remettra entre ses mains tout ce qui sera donné..

  A025002592 

 Qu'elle soit courte en paroles avec ceux qui viendront a la porte, ne s'enquerant d'aucunes nouvelles non necessaires..

  A025002596 

 Elle ne fera aucun message de dehors aux Seurs, ni des Seurs a ceux de dehors sinon par l'ordre de la Superieure, ou bien de la Directrice en ce qui regarde les Novices..

  A025002600 

 Une des Seurs aura le soin de toute la Mayson comme Œconome generale d'icelle, laquelle, avec une fidelité et allegresse toute particuliere, entreprendra cette charge a l'imitation des saintes dames qui suivirent Nostre Seigneur et les Apostres pour leur administrer les choses requises a la vie temporelle, embrassant la diligence et ferveur de sainte Marthe, mais fuyant son trouble et son empressement..

  A025002608 

 Elle tiendra un inventaire de tous les meubles de chasque office et procurera que chasque officiere en ait un particulier de ce qui est de sa charge, qu'elle fera revestir chasque annee en l'une des visites generales qu'elle fera de toute la Mayson..

  A025002619 

 propres et bien ornees d'images, feuillages et bouquetz, [394] selon que la sayson le permettra, et que rien ne sejourne autour des malades qui puisse rendre de la puanteur; ains au contraire, si les medecins le permettent, quil y ayt tous-jours des bonnes odeurs..

  A025002620 

 Elle sollicitera celles qui apprestent pour les malades de bien suivre les heures ordonnees par le medecin, duquel elle recevra et taschera de bien entendre toutes les ordonnances, et mesme les marquera dessus ses tablettes pour les faire suivre de point en point, sans rien changer..

  A025002621 

 Elle s'essayera de donner aux malades toute confiance, sans acquiescer toutefois a leurs volontés en ce qui leur pourroit nuyre..

  A025002631 

 Et parce que les particularités du soin que doit avoir la Sacristaine pour la proprieté et bienseance de toutes les choses sacrees qui sont en sa charge sont en trop grand nombre, on luy en doit faire un Directoire a part qu'elle ayt tous-jours devant les yeux, en le lisant fort souvent, affin de ne point manquer a tout ce qui sera prescrit, toute la Congregation ayant interest que cette charge soit passionnement bien exercee..

  A025002632 

 Elle ne s'arrestera a parler avec le chapelain ordinaire, ni moins avec les autres prestres qui viendront a la sacristie, que justement des choses requises pour l'exercice de sa charge..

  A025002643 

 Celle ci doit tenir proprement tout ce qui regarde les meubles du refectoir et preparer toutes choses a propos; dequoy luy doit estre fait un Directoire comme aux autres.

  A025002661 

 La Congregation recevra le moins qu'il sera possible des Seurs Servantes, et semble bien que deux seront esgalement [397] necessaires et suffisantes pour tout ce qui est requis au service de la Mayson..

  A025002668 

 Elles observeront les silences et jeusnes comme les autres, communieront toutes les Dimanches et bonnes festes, diront leurs Pater et Ave marqués ci dessus, assisteront a la lecture de la meditation et a l'examen qui se fait apres Matines, prenant l'obeissance avec les autres.

  A025002669 

 Personne ne leur commandera que la Superieure et l'Œconome, et celle a qui la Superieure l'ordonnera, hormis [398] la Directrice, tandis qu'elles seront Novices, en ce qui regarde le Novitiat.

  A025002680 

 La Superieure choisira deux Seurs qui, avec elle, prendront garde aux fautes et manquemens qui se commettront [399], pour les luy faire sçavoir et conferer avec elle des remedes convenables; voyre mesme, quand la Superieure l'ordonnera, elles pourront proposer les fautes et manquemens en plein Chapitre, avec modestie et simplicité.

  A025002682 

 Légères variantes des deux Manuscrits: ligne 21: « qu'elles auront reconnuees...» — ligne 26: «avec toute sousmission.» — ligne 27: « de ce qui aura esté traitté...»).

  A025002688 

 On ne recevra aucune fille pour entrer en la Congregation qui n'ayt seize ans accomplis, qui ne sache lire et qui ne tesmoigne un grand desir de la perfection de la vie chrestienne.

  A025002693 

 et si la Superieure avec la pluspart des Seurs s'accordent [400] a la reception, on en donnera promesse a la praetendante, du tout neanmoins ayant prealablement pris l'advis du Pere spirituel, qui, de son costé, s'enquerra des conditions de la fille, affin de mieux conseiller les Seurs en cette occurrence..

  A025002697 

 Comme encor on se gardera, tant qu'il sera possible, de prendre celles qui sont trop adonnees a la tendreté et compassion sur elles mesmes; car, pour dire un mot de ce malheur qui est souvent secret, telles femmes remplissent ordinairement une mayson de pleurs, de plaintes, de doleances, et font a tous propos des mines melancholiques et despiteuses et se treuvent fort souvent descouragees au bien, leur estant advis que les difficultés soyent des impossibilités et que tout ce qui n'est pas a leur goust est insupportable; et pour maintenir leur cause, forment quantité de tristes et scandaleuses raysons contre la Regle ou contre la conduitte de ceux qui gouvernent.

  A025002697 

 Que si elles sont malades et qu'on ne s'embesoigne a prescher la grandeur de leur mal et a courir ça et la pour amasser tous les remedes qui leur viennent en fantasie, c'est alhors [401] qu'elles s'estiment miserables et negligees et qu'a leur advis tout le monde est sans pitié.

  A025002698 

 Quand quelque femme ou fille ayant les voix pour sa reception aura besoin de retourner chez elle ou chez ses parens pour quelque affaire, on luy fera escrire et signer de sa main, au Livre de la reception des Novices, ce qui s'ensuit:.

  A025002707 

 Ce qu'estant fait, celuy qui fait l'office interrogera la pretendante, disant ou en latin ou en françois, selon quil luy semblera plus a propos: Filia, quid petis? Ma Fille, que demandes vous?.

  A025002710 

 Apres cela on benit les habitz, l'Evesque, ou celuy qui fait l'office se retournant du costé de l'autel, a teste nue, et disant:.

  A025002715 

 Apres cela, on asperge de l'eau benite et on encense tant les habitz que les voyles, puis on donne les habitz et les voyles aux Seurs qui sont dedans leur chœur; et celuy qui fait l'office estant assis et couvert, met en main a la postulante un cierge allumé, disant:.

  A025002725 

 Qui vivit et regnat Deus in saecula saeculorum.

  A025002729 

 Induat te Dominus novum hominem, qui secundum Deum creatus est in justitia et sanctitate veritatis..

  A025002734 

 Cela fait, les Seurs luy ostent sa robbe et ses vestemens mondains, avec la plus grande bienseance qui se peut, et ce pendant chantent le Psalme:.

  A025002745 

 Or donq, apres l'annee d'essay et de probation, qui se prend despuis le jour de la reception au Novitiat et changement d'habit, la Superieure fera l'examen de celle que l'on pretend establir.

  A025002746 

 On pourra donq ainsy retarder encor pour une annee, apres laquelle, s'il se treuve qu'il n'y ayt point d'amendement ni apparence qu'a l'advenir il y en puisse avoir, on luy donnera congé, la priant de se retirer en paix; luy rendant, ou a ses parens, tout ce qu'a sa consideration aura esté donné a la Mayson, horsmis la pension qui aura esté employee a son entretenement..

  A025002748 

 Que si, passee l'annee du novitiat, la Novice est treuvee propre a l'establissement, les voix estans recueillies, on l'advertira de se bien preparer a cela par la confession annuelle et les exercices qui a cet effect seront dressés, affin que le vœu et l'offrande se facent avec toute la solemnité interieure quil sera possible, ainsy qu'elle se fera avec une grande solemnité exterieure.

  A025002753 

 La veille donq de la feste en laquelle l'establissement se doit faire, Vespres estans achevees, la Superieure conduira toutes les Seurs en Chapitre (sinon qu'on treuvast a propos que la ceremonie se fist dans le chœur mesme des Seurs, pour la consolation des seculiers qui la pourroyent voir), ou estans toutes assises, la Novice delaquelle il s'agit se prosternera a genoux, et la Superieure luy dira:.

  A025002758 

 Et alhors la Novice se prosternera en terre, sur le costé droit, et on la couvrira d'un drap noir; puis une des Seurs dira la leçon de l'Office des Mortz, qui commence: Homo natus de muliere, brevi vivens tempore, etc., a la fin de laquelle les Seurs diront le Psalme De profundis, apres lequel la Superieure dira l'orayson suivante:.

  A025002761 

 Leves vous, vous qui dormes; releves vous d'entre les mortz, et Jesus Christ vous illuminera..

  A025002763 

 Le Seigneur soit vostre lumiere; qui craindres vous? Le Seigneur soit vostre protection; devant qui trembleres vous?.

  A025002765 

 Vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; mais lhors que Jesus Christ qui est vostre vie paroistra, lhors vous paroistres avec luy en la gloire.

  A025002767 

 Le matin estant arrivé, la Sacristaine preparera une escabelle du costé de l'Evangile, au bas de l'autel, sur laquelle on mettra le voyle noir dans un bassin parsemé de fleurs, et du costé de l'Epistre quelques uns des habitz mondains de celle qui doit estre establie, sur une escabelle couverte de quelque drap brun, honneste; et sur le milieu des voyles y mettra les croix d'argent que l'on porte pendues au col..

  A025002768 

 Et lhors le Prelat, ou celuy qui fera l'office pour luy, fera une exhortation sur l'action que l'on va celebrer, selon qu'il verra a propos..

  A025002769 

 Le sermon achevé, les troys Seurs se leveront et se mettront a genoux aupres de leurs sieges, et la Novice dira en voix intelligible, comme parlant a celuy qui fait l'office..

  A025002773 

 Et luy monstrant ses habitz anciens du monde, qui sont a sa gauche, puis le voyle de la Congregation, qui sera du costé droit, il continuera son propos, disant:.

  A025002780 

 Légères variantes: ligne 22: « Le Prelat replique » — ligne 7: « la benediction qui luy a esté preditte...» — ligne 20: « le Praelat interroge...» — ligne 22: «ma Seur, la demande...»).

  A025002785 

 C'est a vous, o Jesus mon Sauveur, a qui mon cœur parle, encores que je ne sois que poudre et cendre.

  A025002792 

 Receves, ma Fille tres chere, la croix de Nostre Seigneur Jesus Christ, comme une chaisne tres aymable et un rempart tres asseuré sur vostre poitrine contre toutes les embusches de l'ennemy, affin qu'estant crucifiee au monde, vous puissies, sous le joug de vraye obeissance, en la compaignie de toutes les Saintes, triompher a jamais avec iceluy Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles.

  A025002816 

 Quant au reste des ceremonies, on les fait toutes pour elles comme pour les autres, car on leur donne la croix et le cierge; seulement on laisse tout ce qui appartient au voyle, lequel on ne leur donne point.

  A025002818 

 «Voyci une telle, N., laquelle demande, pour l'amour de nostre Sauveur...» et ce qui s'ensuit; layssant tous-jours ce qui regarde le voyle.

  A025002823 

 Le jour de saint Martin, en novembre, la Superieure advertira toutes les Seurs establies de se preparer a faire le renouvellement de leurs vœux et oblations pour le jour de la Presentation de Nostre Dame, et qu'a ces fins elles facent leur retraitte et prattiquent les oraysons et exercices qui pour cela seront marqués dans leur Directoire, et facent une reveue et confession de toute l'annee passee..

  A025002824 

 Le jour, donq, de la Presentation estant venu, l'Evesque, ou Pere spirituel de la Mayson, ou quelqu'homme de qualité [413] a ce deputé, fera a heure convenable une exhortation sur le sujet du renouvellement des vœux et oblations, puis dira la Messe; et estant parvenu a la Communion, apres que les Seurs auront dit: Domine, non sum digna, la Superieure, ou premiere qui doit communier, dira ou lira en un billet les paroles suivantes:.

  A025002827 

 Et quant aux Seurs Servantes qui ne sçauront pas lire, elles ne diront que ces motz:.

  A025002834 

 Tous les anciens Peres ont tous-jours estimé que c'estoit un extreme malheur aux filles et femmes qui s'estoyent dediees a Dieu en quelque Congregation d'estre separees d'icelle; de sorte que saint Augustin tient que la moytié de la ruine d'une servante de Dieu gist a se separer et abandonner la Societé et Congregation, et l'autre moytié a perdre la chasteté.

  A025002836 

 La Superieure, donq, ayant remarqué l'un des deux cas en quelqu'une des Seurs (ce que Dieu ne veuille jamais [415] permettre), elle en conferera premierement avec les officieres de la Mayson et entendra leur advis; lequel se treuvant conforme au sien, qu'on doive traitter l'expulsion, elle assemblera toutes les Seurs, et leur proposera sincerement et clairement le crime ou la contumace de celle qui semble devoir estre rejettee.

  A025002837 

 Mais d'autant que l'expulsion d'une Seur est si importante, on observera les pointz qui s'ensuyvent: 1.

  A025002837 

 Qu'en la troysiesme deliberation, qui est definitive et finale, les deux tiers des voix et celle du Pere spirituel concourent a l'expulsion.

  A025002839 

 Et avant toutes choses, on ne parlera point d'expulsion, pour ce qui regarde la contumace, qu'on n'ayt essayé toutes [416] sortes de moyens pour reduire la Seur a son devoir; car autrement, on ne pourroit pas estre esclarci qu'il y eust de la contumace, laquelle presuppose une desobeissance incorrigible.

  A025002839 

 Et parce que tout le bonheur de la Congregation consiste en l'obeissance des Regles, si on y souffrait des Seurs qui obstinement, par rebellion et contumace, voulussent violer les Regles, toute la Congregation se dissoudroit et depraveroit, degenerant en dissolution et desordre..

  A025002839 

 Or cette contumace peut estre grande, bien que le peché sur lequel elle arrive soit petit, comme par exemple: une Seur qui ne voudroit pas s'assujettir au silence, ains le romprait obstinement a la table, au choeur et ailleurs, elle pourroit et devrait estre rejettee comme scandaleuse; car encor que le peché ne seroit pas grand de sa nature, l'obstination neanmoins et volontaire continuation seroit grandement scandaleuse.

  A025002840 

 Autant en doit on dire d'une Seur qui seroit en tentation de sortir et quitter la Congregation; car tandis qu'il y aurait une vraye apparence de l'ayder a vaincre ladite tentation, la Superieure, les Seurs et le Pere spirituel ne devroyent rien oublier a cette intention la.

  A025002841 

 On dit qu'elle pourra estre expulsee, parce que si, par quelque tentation, il estoit arrivé a une Seur quelque action qui fust de soy mesme scandaleuse delaquelle on ne se fust point apperceu hors de la Mayson, et que la Congregation jugeast que la repentance de celle qui seroit tombee meritast pour cette foys qu'on luy fist pardon, le pardon se devroit faire.

  A025002841 

 Or, ces cas n'adviendront jamais, [417] Dieu aydant; mays s'ilz advenoyent et qu'on en eust telle eonnoissance qu'on peust les reveler loysiblement, apres la correction fraternelle, la Seur qui les aura commis pourra estre expulsee comme scandaleuse.

  A025002842 

 Ce qu'estant fait, on la degradera, le Prelat ou Pere spirituel luy ostant le voyle et la croix qu'elle aura en son col; et par apres on prendra un loysir convenable pour luy faire faire d'autres habitz et pour luy donner moyen de prouvoir a sa retraitte de la Congregation, et preparer ce qu'il luy faudra rendre: c'est a dire, tout ce qu'elle a apporté a la Mayson ou qui a esté remis a sa consideration pour son dot, excepté ce qui aura esté consumé par l'usage.

  A025002842 

 L'expulsion estant meurement et charitablement resolue et arrestee selon qu'il a esté dit ci dessus, on fera venir la Seur qui l'aura meritee en presence du Prelat et de toute l'assemblee, et luy fera-on entendre la juste cause de son expulsion et le regret qu'on a de son malheur; adjoustant une exhortation tendante a luy persuader de tascher de faire son salut ailleurs, au mieux qu'il luy sera possible.

  A025002845 

 Oue si la Congregation faysoit jamais si mauvaise eslection de Superieure qu'elle meritast d'estre expulsee elle [418] mesme, les Seurs qui en conscience croiroyent que cela deust estre fait en advertiroyent le Pere spirituel, qui en confereroit avec les officieres, puis avec toutes les Seurs; et en fin prieroyent le Prelat du lieu qu'il vinst en l'assemblee, ou depustast quelque personne signalee pour s'y treuver.

  A025002846 

 Et tant en ce cas, comme la Superieure venant a mourir ou tomber en maladie qui la rende du tout inhabile aux exercices de sa charge, on pourra proceder a l'eslection d'une nouvelle Superieure.

  A025002850 

 Et chasque Seur venant l'une apres l'autre vers la petite table qui sera mise aupres de l'Evesque ou du Pere spirituel, en sorte qu'on ne puisse point voir ce qui s'escrira sur icelle, elle prendra le billet et escrira simplement le nom de celle qu'elle voudra choysir; puis, l'ayant replié, elle le donnera au Pere spirituel qui le recevra dans une boite mise sur [419] un'escabelle aupres de luy.

  A025002850 

 Et tous les billetz ayant esté receus, le Pere spirituel les lira tous l'un apres l'autre, et l'une des Seurs qui aura esté choysie a cet effect, ayant le roolle de toutes les Seurs dans une feuille, avec une ligne tiree au bout de chasque nom d'icelle, marquera celle que le Pere spirituel lira, faysant une traverse sur la ligne qui est a l'endroit du nom d'icelle; puis, tout estant fait, on verra s'il y en a quelqu'une qui ayt plus de la moytié des voix, et celle la demeurera Superieure..

  A025002851 

 Chasque Seur viendra de rechef escrire sur un autre billet le nom de celle des trois qu'elle voudra choysir pour sa Superieure; et toutes en ayant fait de mesme, le Pere spirituel lira les billetz, et la Seur deputee ayant tiré des lignes comm'il a esté dit ci dessus, marquera celle qui aura le plus de voix, laquelle demeurera Superieure..

  A025002851 

 Mais s'il ny en a point qui ayt la pluspart des voix, on regardera les troys qui en auront le plus, et puis de ces trois la on en choysira une en cette sorte.

  A025002853 

 Mais tous-jours, l'eslection estant faite, les billetz seront bruslés sur le lieu, en sorte que personne ne puisse sçavoir qui a donné sa voix..

  A025002857 

 Mays quant aux autres officieres, la Superieure seule les proposera aux Seurs establies; et en cas que les deux tiers des Seurs rejettassent celles qui sont proposees, la Superieure [420] en proposera des autres.

  A025002860 

 Mais pourtant, si quelque Seur les violoit volontairement, destinement, avec scandale ou par mespris, elle commettroit sans doute une grande offence; car on ne sçauroit exempter de coulpe celle qui avilit et deshonnore l'escole de Dieu, desment sa profession, renverse la Congregation et dissipe les fruitz de bon exemple et de bonn' odeur qu'elle doit donner au prochain.

  A025002860 

 Si que un tel mespris volontaire seroit en fin suyvi de quelque grand chastiment de la part de Dieu, et specialement de la privation des graces et dons du Saint Esprit, qui sont ordinairement ostés a ceux qui abandonnent leurs bons desseins et quittent le chemin auquel Dieu les a mis..

  A025002871 

 Et comme en l'ancienne Loy la victime et hostie, c'est a dire l'animal qui devoit estre immolé, estoit premierement escorchee, ainsy les Seurs qui desirent offrir et vouer leurs personnes a Dieu en cette Congregation, [422] doivent escorcher leurs cœurs, se resouvenant que Nostre Seigneur mesme voulut s'offrir a Dieu son Pere pour nous, tout nud et despouillé sur l'arbre de la croix..

  A025002872 

 Et en ce renoncement consiste la vraye abnegation de soy mesme et le vray escorchement de la victime, qui se doit faire affin de la rendre plus aggreable a Nostre Seigneur..

  A025002873 

 Quelques jours, donq, avant les vœux, celles qui les devront faire s'occuperont fort a cet exercice du renoncement, lequel affin qu'elles sçachent faire plus aysement, je marqueray quelques particulieres choses auxquelles on renonce en cette Congregation:.

  A025002875 

 Cette bienseance est une des choses plus difficile a renoncer [424]; c'est pourquoy il en faut faire un grand renoncement entre les femmes, qui y sont grandement attachees.

  A025002875 

 Et ainsy, qui regarderoit les choses esquelles on s'est pleu au monde, on treuveroit mille renoncemens a faire, et dequoy dire mille et mille adieux au monde et a ses lanterneries et frivoles complaysances..

  A025002875 

 ce fut celle a laquelle renonça Nostre Seigneur, demeurant nud sur la croix; Job, sur le fumier, luy qui estoit prince; David, sautant comme hors de soymesme devant l'Arche; saint Louys, mangeant entre les pauvres; sainte Elizabeth, vestue en pauvre femme, et le bienheureux Louys Luzague, vestu en chevalier, portant sous son manteau des bouteilles de vin et un pot plein de potage aux pauvres, sans se mettre en peyne d'estre descouvert avec cela.

  A025002877 

 Ce que je dis pour celles qui, en l'orayson, ne peuvent travailler de l'entendement, ni mesme de la volonté, que par des actes d'abandonnement et renoncement d'elles mesmes en Dieu, et par maniere de simple acquiescement..

  A025002881 

 Et pour nourrir en nous cette affection, nous pourrons employer l'exemple d'Isaac, lequel se laissa lier et se disposa d'estre immolé, sans repliques ni difficultés, parce qu'Abraham qui l'immoloit estoit son pere, remettant ainsy son estre a celuy qui, selon nature, le luy avoit donné..

  A025002881 

 Mays en lieu de toutes autres affections, il n'en faut tirer que celle de l'offrande: considerant combien il est raysonnable que nous nous offrions et donnions a Dieu qui nous a donné l'estre, et le nous a donné affin que nous [426] fussions tres uniquement siens.

  A025002883 

 Oyes qu'il crie: Venes a moy, vous tous qui pretendes au Ciel, venes a la source de benedictions, affin que vous soyes consolés; venes apres moy, prenes vostre croix et me suives..

  A025002883 

 Vous considereres Nostre Seigneur crucifié qui appelle un chacun a sa suite par des raysons admirables et des promesses desirables sur toutes choses.

  A025002884 

 Car les uns le suivent, mais de fort loin; ilz se retournent devers luy, mais ilz ne s'en approchent gueres; et ce sont les chrestiens qui, sans avoir aucun soin de se perfectionner en l'amour de Dieu, [427] se contentent d'eviter la damnation par l'observance de ses commandemens.

  A025002884 

 Ilz sont semblables a saint Pierre qui, au jour de la Passion, suivoyt Nostre Seigneur [ de loin ] et, sans s'approcher, demeura parmi le reste du monde; aussi il cuyda se perdre..

  A025002884 

 Secondement, vous considereres que ceux qui suivent Nostre Seigneur et qui prestent l'oreille a sa sainte vocation sont de troys sortes.

  A025002886 

 Ilz ont deux grans avantages sur les autres: l'un est que, deschargés d'autres occupations, ilz s'employent plus facilement a celle de l'amour divin; l'autre est qu'ilz font un acte nompareil, renonçant tout a coup et si genereusement a toutes choses pour Dieu, qui est une [429] œuvre d'une perfection vive, masle, genereuse et hardie..

  A025002886 

 Mais les autres, affin de suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a sa suite, quittent les richesses et commodités mondaines (qui pour l'ordinaire nous incommodent tant au chemin du Ciel), quittant tout comme les Apostres, s'attachant seulement au seul soin de plaire a Dieu et de le suivre, ne voulant que leur cœur soit partagé ni distrait de la variété des choses, mais cherchant simplement, d'un cœur tout uni, l'unité d'un seul et unique amour de Dieu.

  A025002889 

 Nostre Seigneur nous offre la tressainte aeternité, affin qu'en icelle nous jouissions d'une jouissance parfaite de sa fœlicité; n'est il pas donq bien raysonnable que nous luy offrions les momens du tems que nous avons a vivre, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, jouissant de nostre estre, qui n'est qu'une vraye misere, sans que nous nous en reservions un seul moment, ni aucune partie de nostre vie, ni une seule de nos actions? Helas! qu'est ce que nous offrons a Dieu en eschange des choses qu'il nous offre? [430].

  A025002890 

 Benissons de tout nostre cœur sa Bonté qui ne dedaigne point, ains a tres aggreables nos vœux et nos sacrifices..

  A025002890 

 Mays, puisque nous n'avons et ne sommes rien qui merite luy estre offert, faisons qu'au moins nous luy offrions de grand courage et avec grande affection cette misere mesme que nous sommes.

  A025002892 

 Heureuse oblation, et laquelle rendit plus excellens ceux qui la firent plus parfaitement..

  A025002893 

 Quelle celle des Martirs qui, comme brebis d'immolation, ont offert leur vie et leur mort douloureuse avec tant de courage et de constance! Quelle celle des anacoretes et de tant de confesseurs, de vierges et autres, qui, comme petitz oyseletz, se sont volontairement enfermés dans des cavernes, en des monasteres, dans des hospitaux et en d'autres sortes de vies, pour plus a commodité chanter, comme dans des cages, les louanges aeternelles de leur Dieu, et se sont rendus heureusement ses esclaves affin de ne pouvoir jamais se dedire, ni dementir le vœu de leur fidelité.

  A025002898 

 Il reste que ceux qui vivent ne vivent plus en eux mesmes, mais en Celuy et pour Celuy qui est mort pour eux..

  A025002899 

 Je la vous dois et je la vous donne; et pour la vous mieux donner, je l'offre et sacrifie a la façon de vivre qui vous est la plus agreable, selon ma condition et portee.

  A025002900 

 C'est bien la rayson de nous donner a Celuy qui s'est si liberalement et absolument donné pour nous.

  A025002903 

 Bienheureuse est l'ame qui peut de bon cœur dire avec saint Paul: Ma vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A025002908 

 Ainsy, la personne qui se veut immoler et sacrifier a Dieu en la Religion doit, avant toutes choses, s'escorcher tout a fait; comme N. S. Jesuschrist se voulant immoler sur la [422] croix, non seulement fut despouillé et denué de ses habitz, mays escorché par les fouets et escorgees.

  A025002908 

 En l'ancienne Loy, l'animal qui devoit estre immolé estoit premierement escorché.

  A025002909 

 On renonce donq a la liberté d'aller ça et la, par la clausure; a la liberté de parler et converser, par le silence et la solitude; a la liberté de se vestir, mirer et ageancer pour se rendre aggreable et faire paroistre les advantages naturelz; a la liberté du choix des exercices spirituelz pour suivre ceux qui sont prescrips au Monastere; a l'inclination que l'on a de voir les parens; a l'inclination que l'on a de bien parler et d'estre estimee judicieuse, sage, discrette et bien seante, car apres la Profession on ne doit plus vivre selon son jugement ni selon sa discretion, mais selon la discretion d'autruy; ni selon sa propre bienseance, mays selon la bienseance commune du Monastere..

  A025002910 

 Et ainsy, qui regardera les bienseances du monde, et la civilité qu'il estime tant, et la discretion delaquelle il fait tant de profession, il treuvera mille et mille renoncemens a faire presque a toutes heures..

  A025002910 

 Et ce fut celle la a laquelle renonça Nostre Seigneur, permettant d'estre mis nud sur la croix, au milieu de tant de nations; [Job, sur le fumier, lui qui était prince; David, sautant] comme hors de soymesme devant l'Arche de l'alliance; S t Louys, ce grand Roy, servant les pauvres a genoux, mangeant avec eux un mesme potage; S te Elizabeth de Hongrie, s'habillant en pauvre femme et servant es hospitaux.

  A025002910 

 [424] femmes qui y sont ordinairement grandement attachees.

  A025002916 

 O que ne sommes nous aussi bons, doux et reconnoissans que le juste Isaac qui, sans replique ni difficulté quelcomque, s'exposa librement a la mort, et se disposa pour estre sacrifié par les mains de son pere Abraham, remettant et abandonnant sa vie et son estre a celuy qui, selon nature, le luy avoit donné!.

  A025002918 

 1 nt, consideres Nostre Seigneur crucifié qui appelle un chacun a sa suite par des raysons admirables et des promesses tout a fait desirables: Venes a moy, o vous tous qui estes travaillés et chargés de peine, et je vous soulageray; venes a moy, prenes vostre croix et suives moy, et je vous conduiray a la vie aeternelle..

  A025002919 

 Car les uns le suivent voirement, mais de fort loin; [427] et ce sont les chrestiens qui se contentent d'eviter la damnation eternelle par l'observance des commandemens de Dieu, mais n'ont aucun soin de se perfectionner par l'exercice de l'amour celeste.

  A025002919 

 Consideres que ceux qui suivent Nostre Seigneur sont de troys sortes.

  A025002919 

 Et ceux ci sont comme S t Pierre qui, au jour de la Passion, suivoyt Nostre Seigneur de loin et demeura en danger de se perdre; et en efïect renia son Maistre, parce qu'il estoit demeuré parmi le monde et dedans le vulgaire..

  A025002920 

 Les autres, qui sont de la seconde sorte, suivent Nostre Seigneur de plus pres et s'addonnent a la sainte devotion le mieux qu'ilz peuvent, mais neantmoins demeurent engagés dedans le commerce et la vie ordinaire des mondains; en suite dequoy ilz ne peuvent eviter plusieurs empeschemens, destourbiers et tracas grandement contraires a leur bonne intention, de maniere que c'est avec grande difficulté, et non sans des perpetuelz dangers, qu'ilz se maintiennent et conservent en leur bonne resolution.

  A025002921 

 En quoy ilz ont deux avantages: l'un est que, deschargés de toutes autres occupations, ilz s'employent plus facilement a celle de l'amour celeste; l'autre est qu'ilz font un acte incomparable de devotion, renonceant ( sic ) [429] tout a coup si generalement et si absolument a toutes choses pour Dieu, qui est une œuvre d'une perfection vive, genereuse et tout a fait surnaturelle..

  A025002921 

 Finalement, il y en a des autres lesquelz, pour suivre plus aysement, plus librement et plus avantageusement Nostre Seigneur, oyans la voix de Celuy qui les appelle a son amour aeternel, quittans les honneurs et les richesses mondaines avec toutes les commodités et libertés qui les accompaignent (lesquelles pour l'ordinaire incommodent grandement nostre acheminement a la perfection), abandonnans entierement toutes choses, comme firent les Apostres, et s'attachans fermement au seul soin de plaire a Dieu et le suivre, ne voulans que leur cœur soit partagé ni distrait a la varieté des choses du monde, recherchent purement et simplement, d'un cœur tout uni et joint en soy mesme, l'unité du seul et unique amour de Dieu.

  A025002923 

 meditation sera de l'offre que Nostre Seigneur nous fait de son Paradis et de son aeternité bienheureuse, affin qu'a jamais nous jouissions parfaitement de son infinie fœlicité; car n'est il pas donq reciproquement convenable que nous luy consacrions et donnions les petitz et chetifz momens de cette vie mortelle, et que nous le rendions, le plus parfaitement qu'il nous sera possible, [430] jouissant de nous mesme et de nostre estre qui n'est en effect qu'une veritable misere? Helas! qu'offrirons nous a Dieu en contrechange de la sainte œternité de son Paradis qu'il nous offre?.

  A025002924 

 Mays, puisque nous ne sommes rien et n'avons rien qui merite luy estre offert, donnons luy, au moins, et luy dedions ce mesme rien et cette mesme misere que nous sommes, benissans son infinie Bonté qui ne dedaigne point, ains accepte cordialement nostre neant et nostre misere en sacrifice..

  A025002926 

 Heureuse profession, qui rendit ces espritz saintz en un moment, et qui rendit plus excellens ceux qui la firent plus amoureusement..

  A025002927 

 Quelle profession des Martirs qui, comme des innocentes brebis, ont esté immolés, vouans leur vie et leurs peines a la gloire de Jesuschrist! Quelle oblations ( sic ) des anacoretes, des moynes, des religieuses, qui, comme petitz oyseletz du ciel, se sont volontairement enfermés dans les desertz, dans les forestz et dans les monasteres pour, avec plus de sainteté, chanter comme dedans des saintes cages les louanges aeternelles de Dieu, et se sont heureusement rendus prisonniers et esclaves dedans les cloistres pour ne pouvoir jamais se dedire de leur profession, ni dementir le vœu de leur fidelité! O combien de sujet y a il d'imitation en ces saintes trouppes! [432].

  A025002928 

 Mays par ces paroles: Voyci la servante du Seigneur, elle fait profession de renoncement a toutes choses, s'abandonnant entierement a l'obeissance et disposition de la volonté divine, les serviteurs et servantes ne reservant aucune volonté ni aucune chose qui ne soit a la disposition de leur ( sic ) seigneurs..

  A025002930 

 Il reste que ceux qui vivent ne vivent plus a eux mesme (sic), ains qu'ilz vivent a Celuy et pour Celuy qui est mort pour eux..

  A025002931 

 Je vous la dois, o mon Sauveur, et je la vous immole; et pour la vouer et dedier plus entierement a vostre gloire, je m'oblige, par la Profession et par les vœux de Religion, de vivre en la façon qui vous est la plus agreable, selon ma portee et condition.

  A025002934 

 Bienheureuse est l'ame qui peut dire de bon cœur avec S t Paul: Ma vie est cachee avec Jesuschrist en Dieu.

  A025002950 

 Beati mortui qui in Domino moriuntur..

  A025002979 

 Qu'on mene celles qui entrent de nouveau, saluer le Saint Sacrement..

  A025002980 

 Liberté de faire prieres vocales parmi la journee, allant et venant, et pour qui on voudra..

  A025002991 

 Et que travaillans plusieurs en un ouvrage, il leur soit permis, a celles qui voudront, de se retirer en silence selon qu'elles estimeront en avoir besoin..

  A025003003 

 Pour la santé: Faire voir au mois de may au medecin celles qui auront besoin d'estre purgees; canelle, safran, herbes potageres, quelles? marjolaine, hyzope..

  A025003019 

 Et vouloit que les Seurs eussent en singuliere recommandation de porter un honneur tout sacré a Messeigneurs leurs Prelatz, qui sont les vrays et legitimes Superieurs des Monasteres establis en leurs dioceses, et qu'elles leur rendissent une tres humble et sainte obeissance, conformement a leurs Regles, Constitutions et Coustumes.

  A025003020 

 Que si un jour il arrivoit (ce que Dieu ne permette) que quelque Monastere descheust de sa perfection, les autres qui s'en appercevront se devront employer avec une extreme charité et humilité pour les ayder a se relever et remettre [443] en devoir, les admonestant par supplications pleynes de douceur et de zele de retourner a leur premiere ferveur, les assistant en tout ce qui leur sera possible, et leur procurant du secours et des exhortations et remonstrances, tant des Superieurs que d'autres personnes d'authorité et pieté qu'elles connoistront estre affectionnees a leur Institut..

  A025003021 

 De mesme, s'il arrivoit quelque trouble ou difficulté entre divers Monasteres de l'Ordre ou en quelqu'un d'iceux, soit pour l'observance ou autres affaires quelles qu'elles puissent estre, elles ne s'addresseront point a la justice seculiere, ains toutes les Seurs auront leur refuge a leur Chef, Nostre Seigneur Jesus Christ, par penitences et continuelles oraysons, non seulement dans les Monasteres affligés, mais encor en tous ceux de l'Ordre qui en seront advertis.

  A025003021 

 Que si pour quelques occasions elles n'en pouvoyent avoir le secours et assistance necessaires, apres l'avoir recherché le plus humblement et efficacement qu'il leur sera possible, mesme par l'entremise de quelque personne de qualité et consideration, elles s'addresseront a nostre Saint Pere ou a celuy qui tiendra sa place en chasque royaume ou Estat, qui est le Nonce Apostolique, affin que par ce moyen toutes choses soyent pacifiees et reduites a l'uniforme observance..

  A025003022 

 Mais pour esviter que par la longueur du tems ou autres accidens cet esprit d'uniformité vienne a se dissiper, en certains tems, comme environ de six ans en six ans, elles demanderont un Visiteur a nostre Saint Pere ou a Monseigneur le Nonce, qui visitera une fois en six ans tous les Monasteres de l'Ordre, ou au moins tous ceux d'une langue, pour remettre ce qui pourroit estre descheu de l'observance premiere.

  A025003023 

 C'estoit encor la volonté de ce bon et digne Prelat, nostre Instituteur d'heureuse memoire, qu'es doutes et difficultés qui pourrovent survenir es Monasteres touchant la prattique des Regles, Constitutions et Coustumes, on demandast advis aux Monasteres plus anciens, et notamment a celuy d'Annessy; car ayant receu les premices de l'esprit, et estant le cœur et fontaine de la vie spirituelle de tout l'Ordre, d'ou sont issus tous les autres Monasteres, on peut justement et raysonnablement croire que l'eau sera tous-jours plus claire en sa source et qu'on y aura plus de lumiere et d'intelligence de toutes les choses qui appartiennent a l'Institut; joint l'honneur et bonheur qu'a ce Monastere d'avoir en preciput les reliques du Fondateur, qui est une grace tres pretieuse..

  A025003024 

 Et on deliberera de mesme pour ce qui devra estre fait au deces des Confesseurs..

  A025003036 

 Pour soulager la memoire de la Superieure, qu'elle la face resouvenir des choses qui se font de tems en tems: [447] comme de l'intention des Communions, de faire prescher, des renouvellemens des vœux, de faire entretenir les Seurs, de demander les licences pour les entrees et de les faire renouveller quand elles se donnent pour trois moys, de faire venir le Confesseur extraordinaire de trois en trois moys, de faire donner le congé aux Seurs de faire des penitences, de faire tenir l'assemblee pour les affaires et semblables..

  A025003038 

 Elle lira, ou fera lire a la recreation de l'apres disnee, la veille des grandes festes ou il y a ceremonie extraordinaire, ce qu'il faut observer pour l'Office et ceremonie; elle departira le samedi, a la recreation du matin, les charges du chœur, et le soir les autres petites: comme de resouvenir de la presence de Nostre Seigneur et dire quelque chose de bon a la fin de la recreation; nommera les lectrices et celle qui servira a la table..

  A025003039 

 Elle aura soin de bien conserver les livres, et advertira la Superieure s'il s'en treuve quelqu'un qui ne soit pas de devotion, pour les faire vendre ou changer.

  A025003040 

 Elle aura un roolle de tous les livres qui sont en la Mayson, et en fera un autre ou elle escrira ceux qu'on donnera, tant aux Seurs qu'a ceux de dehors.

  A025003040 

 Elle biffera les noms particuliers qui seront escritz aux livres, et y mettra: Ce Livre est du Monastere de la Visitation Sainte Marie de N.

  A025003041 

 Comme aussi quand quelque chose manquera, et principalement aux Professions et receptions des Seurs, observant des la veille si tout ce qui est requis pour la ceremonie du lendemain est prest, prenant garde que rien ne demeure a faire qui serve d'empressement.

  A025003044 

 Et fera mettre au derriere des sieges, des caisses ou platz de bois, pleins de chaux, ou de poudre tombee sous la scie, ou autre chose qui soit propre a cela, prenant garde que les Seurs qui sont nommees pour les tenir netz le fassent soigneusement et les mettent souvent au soleil..

  A025003045 

 Elle aura soin que les Seurs, au partir de Prime ou l'apres disnee, preparent tout ce qu'elles auront a dire au chœur d'extraordinaire, comme les commemorations, ce qui se devra chanter a la sainte Communion, aux processions et semblables.

  A025003048 

 Ceci importe beaucoup, c'est pourquoy la Directrice y doit estre fort attentive; comme aussi a ne tesmoigner aucun desgoust ni ennuy des fades et importunes humeurs qui se pourront rencontrer parmi les Novices, et moins aucune sorte d'affection particuliere, si bien il y en a quelqu'unes qui semblent le meriter; ains qu'elle monstre un amour universel et un soin esgal au service de toutes, affin d'oster d'entre elles tout sujet de murmure et d'envie.

  A025003050 

 Qu'elle ne s'estonne point si elle treuve des filles qui ayent beaucoup a combattre, soit par les anciennes habitudes, mauvaises inclinations et autres tentations, ains qu'elle les conforte et assiste charitablement, leur donnant courage et esperance qu'elles emporteront en fin la victoire; comme en verité, si telles ames sont bien aydees, [450] tant de la grace de Dieu que du soin de la Directrice, elles deviendront plus parfaittes que celles qui sont entrees plus innocentes en la Religion, d'autant que, pour l'ordinaire, elles haïssent mortellement le mal qu'elles ont reconneu, et produisent des actes de vertu tres excellens..

  A025003055 

 En fin elle doit avec grande confiance et sousmission aller a la Superieure, pour se resoudre et conseiller es doutes [451] et difficultés qui luy pourroyent arriver en l'exercice de sa charge; car c'est de la que Nostre Seigneur luy fera puyser les forces, la lumiere et la patience dont elle aura pour l'ordinaire grand besoin: de maniere que le plus souvent qu'elle pourra le faire sera le meilleur..

  A025003056 

 La Directrice se rendra fort soigneuse d'apprendre aux Novices a bien dire, prononcer et chanter l'Office divin, et pour cela, le matin apres Prime, elle se retirera le plus promptement qu'elle pourra au novitiat pour les faire estudier, commettant pour luy ayder celles qui sçauront le mieux lire et chanter, affin qu'elle ayt asses de tems pour vacquer aux autres obligations de sa charge..

  A025003060 

 Quand elle aura parcouru toutes les Regles, Constitutions et Coustumes, elle leur lira le Cathechisme, sans leur permettre pourtant de subtiliser et faire des questions curieuses; car ce seroit un tems inutilement perdu, qui se doit plustost employer au saint recueillement et a la prattique des vertus..

  A025003061 

 Elle leur pourra et devra aussi fort souvent lire les Sermons et Entretiens spirituelz qui leur ont esté faitz, comme le vray pain et la nourriture plus convenable a leurs [452] espritz, leur apprenant a tenir leurs affections arrestees et encloses dans les enseignemens qui y sont contenus, d'autant que ce sont les seulz moyens par lesquelz elles peuvent parvenir a la perfection de leur vocation..

  A025003064 

 Elle devra aussi estre fort advisee a distribuer aux Novices les livres pour la lecture ordinaire qui soyent de prattique et qui enseignent les bonnes et solides vertus, comme l' Imitation de Nostre Seigneur et de Nostre Dame; Gerson de la Perfection Religieuse; le Chemin de Perfection; l' Introduction a la Vie devote, en leur marquant neanmoins les chapitres qui ne leur conviennent pas, et semblables.

  A025003064 

 Mais sur tout, qu'elle les [453] rende soigneuses et affectionnees de lire les Regles, les Sermons et Entretiens spirituelz, affin qu'elles en conçoivent le sens et prennent l'esprit; voire mesme des Coustumes et des ceremonies qui s'observent, tant en general qu'en particulier, leur inculquant qu'elles ne doivent sçavoir que cela..

  A025003065 

 Pour y parvenir, la Maistresse les ira petit a petit despouillant de toutes autres choses, affin que plus parfaittement elles s'arrestent a celle ci qui est de si grande importance; et ne leur permettra point de lire des livres qui traittent des oraysons extraordinaires et surnaturelles, sinon par l'advis de la Superieure et de quelque personne bien versee en la spiritualité..

  A025003066 

 Et puis, quand les Novices auront dit, elle dira un mot sur chacune des vertus qui auront esté proposees, et conclura en faveur de celle qui aura parlé plus conformement a la Regle, enseignant a chacune la prattique de la vertu qu'elle aura choisie..

  A025003068 

 La Directrice s'estant mise a genoux devant l'autel (qui sera d'environ troys pieds ou troys pieds et demy), elle commencera a dire: «O mon Dieu, je deteste la desobeyssance,» et toutes les Novices respondront: «Nous la detestons aussi.» La Maistresse: «Je deteste l'envie;» les Novices: «Nous la detestons.» Et ainsy des autres vices qu'elle verra plus familiers entre elles.

  A025003069 

 Elle leur fera faire des entreprises ou desfis pour la prattique des vertus au commencement de chasque moys, dont elles luy rendront conte une fois la semayne, en l'assemblee qui se fait l'apres disnee, au lieu de lire la Regle.

  A025003071 

 Elle doit avoir un soin particulier des filles qui sont a l'essay et des Novices nouvellement receues, les entretenant souvent et les faysant entretenir par quelques unes des plus advancees en la vertu, affin de les recreer et tenir leur esprit en haleyne, de peur qu'elles ne s'ennuyent et estonnent au commencement..

  A025003076 

 La Directrice commettra une Surveillante au Novitiat pour prendre garde aux defautz qui s'y feront, dont elle fera les advertissemens les mercredis apres les coulpes.

  A025003080 

 Elles assisteront aux visites qui se feront, liront les Directoires de chasque office, observant si les officieres auront bien fait leur devoir; et ce qui manquera, tant pour le regard de l'observance que pour les meubles et ustensiles necessaires, elles en advertiront la Superieure, sans en parler ailleurs, ni faire la correction aux officieres..

  A025003086 

 Qu'elle prevoye que proche des bonnes festes il n'y ayt rien qui puisse empresser ni distraire les Seurs de l'attention qu'elles doivent avoir a ces grans misteres..

  A025003087 

 A l'Obeyssance du soir et du matin elle saura de la Superieure [457] ce qu'elle aura a faire a la ville, comme aussi ce que les Seurs desireront, affin qu'elle ordonne aux Seurs Tourieres ce qui sera requis, en sorte que tant qu'il se pourra elles n'aillent qu'une fois le matin et une l'apres disnee pour les messages ordinaires a la ville.

  A025003088 

 Qu'elle voye quelquefois les portions, affin que l'esgalité soit conservee, et la necessité en ce qui regarde les infirmes, desquelles elle prendra soin particulier.

  A025003089 

 Elle donnera de tems en tems a la Seur que la Superieure aura nommee, le chanvre, filet, esguilles et telles autres choses necessaires aux ouvrages des Seurs, pour en faire la distribution par le menu; laquelle prendra garde, selon qu'il est ordonné en la Constitution, a celles qui se rendroyent negligentes a bien faire et diligemment leurs ouvrages, pour en advertir la Superieure..

  A025003092 

 Elle aura soin de faire payer et recevoir ce qui est deu a la Mayson, prenant a cet effect un memoire, au commencement de l'annee, de la Seur qui a la charge des papiers, de tout ce qui est deu au Monastere, advertissant la Superieure des moyens qu'elle tiendra pour cela.

  A025003092 

 Elle fera les quittances qu'elle luy fera signer, et escrira le jour et les personnes de qui elle a receu l'argent, lequel elle portera dans [458] le cabinet vouté, attendant la fin du moys, qu'elle remettra le tout a la Superieure pour le faire escrire sur le livre..

  A025003094 

 Elle aura un livre dans lequel elle escrira toutes les choses qui luy peuvent donner lumiere et adresse en sa charge, tant a elle qu'a celle qui luy succedera en sa charg: comme seroit la quantité de blé, vin, huyle, beurre, chandelles, sel, poys et choses semblables qu'il faut pour la nourriture et entretien des Seurs; comme aussi la quantité d'estoffes qu'il faut pour les habiller, tant pour l'esté que pour l'hyver, et combien elles coustent et ou s'en doit faire l'employte..

  A025003096 

 On achetera les provisions au lieu ou elles seront establies, si elles s'y peuvent treuver, encor qu'elles deussent couster un peu plus cher, affin de ne pas surcharger les Maysons qui sont aux grandes villes; l'Œconome doit estre fort attentive sur ce point..

  A025003099 

 La Superieure commettra le soin des papiers et tiltres de la Mayson a une Seur, laquelle les serrera et tiendra en bon ordre, prendra garde qu'ilz ne se gastent ou esgarent; elle les tiendra au lieu qui sera destiné a cela dans le cabinet vouté..

  A025003100 

 Elle mettra tous les papiers qui concernent un affaire ensemble, pour les treuver plus facilement; comme aussi les contratz seront a part, les quittances aussi et ainsy des autres, le tout bien rangé et avec des escriteaux, pour les prendre plus a propos selon le besoin.

  A025003101 

 Elle doit faire un petit roolle de tous les contratz qui se passeront, qui contiennent seulement le jour et les personnes avec qui l'on a contracté, sur lequel elle verifiera les contratz que le notaire luy expediera, pour voir s'il n'en a point oublié..

  A025003101 

 Et aux contratz de simple obligation on laissera une feuille pour escrire les sommes que l'on recevra sur icelle, affin de tenir meilleur compte a ceux qui doivent, et aussi pour les faire payer au tems marqué, affin que par sa faute rien ne demeure a payer; et retirera du notaire tous les extraictz des contratz et autres papiers necessaires.

  A025003101 

 Et pour cela il seroit bon qu'elle fust presente quand l'on passera les contratz, si la Superieure le juge a propos; ou du moins l'on luy fera sçavoir ceux qui se feront es lieux ou les notaires n'expedient les contratz sinon a la fin de l'annee.

  A025003101 

 Quand il faudra donner quelque papier dehors le Monastere, elle l'escrira, marquant la date du jour et a qui elle l'a donné et pour quel sujet, et procurera qu'il luy soit rendu au plus tost; et fera que le notaire ou quelque autre escrive au parloir, en dehors, les contratz permanens tout au long dans le livre fait expres, qu'elle fera collationner et signer par ledit notaire, lequel livre ne doit point sortir du Monastere.

  A025003101 

 Que s'il en faut produire quelque contrat, elle en fera faire une copie collationnee; comme aussi, a mesme tems que l'on passera les contratz qui ne sont permanens, elle en escrira ou fera escrire la substance par le mesme notaire dans le livre fait expres, laissant entre chasque contrat portant rente deux ou trois feuilletz en blanc pour escrire la reception des pensions ou interestz, lesquelz elle n'escrit sur ledit livre qu'a la fin de l'annee que la Seur Œconome luy remet le roolle de ce qu'elle a receu.

  A025003102 

 Au commencement de chasque annee elle fera un extraict ou roolle de tout l'argent et rentes qui sont deuës au Monastere, tant en blé, vin, qu'autres choses, supputant ce que doivent ceux qui n'ont payé annuellement, le mettant bien au clair, et remettra ledit bordereau et extraict a la Seur Œconome, pour solliciter et faire payer ceux qui doivent, ainsy qu'il est marqué en son Directoire, et luy en baillera toute l'intelligence necessaire, affin que tous-jours l'on se [460] paye des fruitz escheus avant que de recevoir les sommes principales; et avant que de parler a ceux qui doivent, elle soit instruite de ce qu'ilz sont redevables, affin de ne se pas embrouiller et que rien ne se perde par sa faute..

  A025003104 

 Elle escrira aussi dans le livre de la substance des contratz tout l'argent que l'on prestera dehors, dont l'on ne fait point de contrat, comme quand l'on preste aux pauvres Monasteres de nostre Ordre, et en telles autres petites occasions; et aura soin de retirer les promesses particulieres qui se feront a cet effect.

  A025003104 

 Et sera soigneuse d'escrire sur ledit livre ce que l'on paye tous les ans, et pour cela elle verra, a la fin de l'annee, les memoires et extraictz qu'elle a donné a l'Œconome, pour en charger ses livres et faire des nouveaux extraictz de ce qui sera deu..

  A025003105 

 Aussi tost qu'elle sera mise en cette charge elle lira l'inventaire des papiers, pour s'instruire des affaires du Monastere, avec l'ayde de la Seur qui sort de cette charge, laquelle luy en doit donner toute l'intelligence possible..

  A025003112 

 Elle donnera aux Seurs Tourieres ce qui sera pour les pauvres apres la seconde table, pour en faire la distribution tous-jours a une mesme heure, tant qu'il se pourra.

  A025003112 

 Mays quand il sera requis de donner de l'argent a quelque pauvre passant elle le fera elle mesme selon la necessité des pauvres, advertissant la Superieure de ceux qui pour leur necessité auroyent besoin d'aumosne extraordinaire, comme seroyent des hommes d'Eglise et pauvres honteux..

  A025003114 

 Elle instruira les Seurs Tourieres de ne laisser entrer personne aux parloirs sans en advertir, tandis qu'il y en aura d'autres qui parleront aux Seurs, sinon pour quelque legitime occasion.

  A025003116 

 Qu'elle ne parle jamais des choses qu'elle a appris a la porte et au parloir, ni ne fera entendre aux Seurs ceux qui y auront esté, sans le congé de la Superieure..

  A025003117 

 Qu'elle n'envoye point les Seurs au parloir sans assistente et qu'elle leur die a qui elles vont parler..

  A025003119 

 S'il y avoit quelque Seur qui s'amusast autour des portes, des parloirs ou qui s'enquist des nouvelles qui s'y disent, elle en advertira la Superieure..

  A025003123 

 La Seur Sacristaine aura soin de mettre au tour ce qui est necessaire pour la sainte Messe, en sorte qu'elle entende celle de la Communauté avec tranquillité et qu'elle sorte le moins qu'il se pourra de l'Office.

  A025003125 

 Apres l'Office elle ira retirer ce qui sera de la sacristie, vuidant et rinçant les burettes, ausquelles elle ne lairra jamais du vin ni de l'eau; et tous les quinze jours elle les rincera avec des coques d'œufs, ou bien avec de l'avoyne, ayant un grand soin de bien essuyer celle ou elle mettra le vin et de les tenir couvertes..

  A025003126 

 Elle aura soin que l'huyle de la lampe qui esclaire de jour et de nuit devant le Saint Sacrement soit bien pure et nette et la mesche fort petite; elle la fera nettoyer par le clerc, ou par les Seurs Tourieres, quand elle en aura besoin..

  A025003128 

 Et en [463] ces rencontres ou il sera requis qu'elle soit a la grille, elle ne le fera jamais que l'eglise ne soit vuide de toute sorte de personnes, excepté de ceux qui pareront, et fermee a la clef qui sera rendue a la Portiere, et assistee de son ayde, ou autre Seur qu'il plairoit a la Superieure luy donner..

  A025003128 

 Quand il sera requis qu'elle pare l'autel (s'entend quand il sera besoin qu'elle le fasse parer pour les occasions extraordinaires), elle se tiendra en grande reverence devant la grille, faysant couvrir l'autel de quelque linge ou tapis aux Seurs Tourieres ou au clerc, par qui elle le fera parer, leur enjoignant aussi de deschausser leurs souliers.

  A025003129 

 Elle suivra l'ordre qui luy sera marqué sur la carte, pour parer l'autel selon les couleurs propres.

  A025003131 

 Sur tout, s'il est besoin d'emprunter quelque chose, elle le dira a la Superieure et puis l'envoyera querir par la Seur Touriere qui luy sera nommee, ayant soin de le faire rendre par elle mesme, s'il se peut, apres avoir bien nettoyé et mis le tout en bon ordre, prenant garde de ne rien gaster..

  A025003132 

 Aux jours de Pasques, Pentecoste, Noël, Feste Dieu, Epiphanie et Visitation Nostre Dame elle fera servir a la Messe de la Communauté la plus belle chasuble et les plus beaux ornemens, selon les couleurs de l'Eglise; pour les autres Messes de ces jours-la, l'une des plus belles chasubles d'apres celle qui a servi a la Messe de la Communauté.

  A025003132 

 Mays en l'octave du Saint Sacrement, et tous-jours quand il sera exposé sur l'autel, elle fera servir tous les jours les chasubles et aubes destinees pour les Dimanches et festes de commandement, et aura soin de changer de parement [464] d'autel trois ou quatre fois pendant l'octave; se pourvoyant a l'advantage d'une chappe, si c'est la coustume du lieu, et d'un encensoir pour la Benediction, et fera servir la plus belle aube, si c'est une personne de grande consideration qui la fait..

  A025003133 

 Elle fera changer, s'il se peut, le dais aux grandes festes seulement, es lieux ou l'on s'en sert; mais quant au petit qui se met sur la fenestre de la sainte Communion, elle le changera, tant qu'il se pourra, selon les couleurs de l'autel, faysant en cela selon que les lieux et les commodités le permettront et selon que la Superieure ordonnera et jugera estre mieux..

  A025003135 

 Celles de Communion (qui seront fort proprement pliees et un peu empesees si on veut) pourront servir un moys ou deux.

  A025003135 

 Les corporaux de trois en trois moys, les purificatoires tous les huit jours et les serviettes de mesme, tant pour servir a la sacristie que pour celles qui serviront a l'autel.

  A025003136 

 Elle aura soin de desempeser ceux qui seront sales des qu'ilz ne serviront plus, comme aussi tous les autres linges.

  A025003136 

 Elle fera blanchir ceux qui appartiennent au service de l'autel a part.

  A025003136 

 Qu'elle ayt soin de bien empeser les corporaux sur des mestiers, tant qu'il se pourra, et a sayson propre, qui est des le moys de may jusques en octobre; mais elle ne les doit pas empeser tous a la fois.

  A025003137 

 Elle les fera anter fort proprement, affin qu'il ne paroisse que le moins qu'il se pourra, observant d'anter ceux qui sont d'une esgale grosseur ensemble, mettant tous-jours le plus gros bout dessous; elle les raclera et tiendra le plus nettement qu'il luy sera possible.

  A025003137 

 Et qu'elle prenne garde a ne laisser perdre la cire qui en tombe, ains qu'elle la resserre, comme aussi tous les boutz qui ne pourront plus servir, n'en prenant pour son usage, pour petitz qu'ilz soyent; ains qu'elle face fondre le tout quand il y en aura quantité, en faysant un pain qui pourra servir pour faire d'autres cierges avec de la cire neuve.

  A025003137 

 Pour les cierges communs elle ne les antera point, ains les fera user entierement aux Messes qui se diront tous les jours..

  A025003137 

 Qu'elle ayt un grand soin de monstrer son luminaire a la Superieure (ou a l'Assistente en son absence) et a l'Œconome un peu avant les grandes festes, affin qu'elles voyent s'il en faudra acheter; et qu'elle en soit grandement soigneuse, les serrant en lieu qui ne soit pas trop sec, advertissant pour en faire la provision en tems convenable.

  A025003143 

 Une fois la semayne elle nettoyera les chandeliers du chœur, les mouchettes et tout ce qui est requis, les preparant pour les Offices a bonne heure..

  A025003148 

 Qu'elle die les samedys au soir les festes et vigiles qui escherront la semayne suivante..

  A025003152 

 Elle preparera autant de cierges qu'il y a de Seurs et de Tourieres dans le Monastere, comme aussi pour le Confesseur et pour le clerc; et sera soigneuse d'en donner un qui soit benit a la Seur Infirmiere pour signer les mourantes, et retirera ceux qu'elle aura donnés dehors..

  A025003162 

 Durant les trois jours de Tenebres le luminaire de l'autel doit estre de cire jaune, sinon que l'on fust contraint de faire le paradis ou sepulchre (ce qui ne se doit faire que par necessité), et en ce cas le luminaire du paradis seroit de cire blanche..

  A025003181 

 Elle aura des livres devotz pour les malades, qui les recreent saintement: comme le Sermon fait par nostre Bienheureux Pere sur l'Evangile de la guerison de la belle mere de saint Pierre, Le Pelerin de Lorette, la Consolation des malades, par le R. P. Binet, et semblables..

  A025003183 

 Elle fera souvenir la Superieure de les faire visiter et recreer saintement par les Seurs; ce qu'elle devra s'essayer de faire elle mesme, et pour cela elle parlera ou pourra [470] parler avec celles qui les iront visiter, en la façon et avec les conditions portees par les Regles et selon les heures et exercices, tant qu'il se pourra..

  A025003185 

 Et quand on leur portera le Tres Saint Sacrement, elle preparera proprement l'autel (sur lequel il y aura de l'eau benite, une Croix, deux cierges allumés, un corporal) et tout ce qui est requis, avec un grand soin et reverence; elle ageancera la malade le plus nettement qu'il luy sera possible et mettra sur son lict un linceul pendant..

  A025003185 

 Qu'elle tienne fort nettement tout ce qui est de l'infirmerie, et les malades blanchement et nettement accommodees, les servant des linges de l'infirmerie, si leur necessité ou delicatesse le requiert.

  A025003187 

 Et qu'elle ne mette point devant elles toutes leurs portions, si elle juge qu'elles ne les desirent, ains les servira a mesure qu'elles mangent, n'estant pas aussi necessaire, quand il y a plusieurs malades, de faire a chacune leurs portions, ains on doit mettre pour toutes ensemble; et elle les servira [471] chacune selon leurs besoins, si ce n'est qu'il faille quelque viande plus particuliere a quelques unes: dequoy elle en advertira des le soir la Despensiere et de ce qu'il faut pour leur dejeusner et disner; et des la recreation d'apres le disner ce qu'il faut pour leur gouster et souper, quand elle jugera que quelque chose de particulier leur sera necessaire, sans pourtant exceder aux diversités des choses qui peuvent trop surcharger celles qui apprestent, sinon lhors que le medecin aura reglé leur manger..

  A025003187 

 Qu'elle ayt des petites tables a mettre sur le lict pour faire manger les malades qui n'en seront incommodees.

  A025003189 

 Qu'elle tienne tous les linges marqués d'un I, outre la marque ordinaire, et un roolle de tout ce qui est de sa charge; procurant d'avoir tous les meubles qui seront necessaires en icelle, pour faire les eaux et les petites choses dont les malades pourroyent avoir besoin, desquelz elle aura soin, ne les laissant mesler ou traisner par la mayson, sur tout le linge si tost qu'il est blanchi et la vaisselle des qu'elle est lavee..

  A025003196 

 Qu'elle tienne des voyles de reserve pour en donner a celles qui auront besoin de les changer aux grandes festes, ou quand on reçoit des Religieuses; comme aussi des bandeaux, desquelz elle changera aux Seurs tous les moys en hyver et l'esté tous les quinze jours, prenant garde que l'estamine dequoy elle les fera soit espaisse, en sorte que l'on ne voye pas la doubleure, et les fasse estroitz..

  A025003197 

 Au printemps elle mettra a l'air tous les habitz de reserve et tout ce qui est en sa charge pour les nettoyer, priant les Seurs d'y porter tous leurs matelas et couvertes, affin de les bien nettoyer, changer leurs paillasses au moys de mars et de faire blanchir leurs tours de litz au printems et en automne, ou il sera besoin..

  A025003200 

 Elle escrira les habitz qui se font chasque annee, mettant a part ceux qui ne pourront plus servir; elle escrira aussi ceux que l'on ostera et rompra, pour faire voir l'estat de son office tous les ans, lhors que les Surveillantes font la visite..

  A025003201 

 Environ le moys de janvier elle demandera ce qui est necessaire pour raccommoder les vestemens de l'esté, pour en faire de neufs quand il sera requis; elle fera de mesme environ le moys de may pour ceux de l'hyver.

  A025003202 

 Qu'elle prenne garde soigneusement que rien ne se gaste [473] en sa charge par les ratz et artisons, mettant de l'absinthe dans les habitz qu'elle tiendra enfermés, et que ceux qui seront sur des perches soyent bien couvertz affin que la poussiere ne les gaste.

  A025003202 

 Qu'elle tienne fort net tout ce qui est en sa charge, et ne fasse rien de nouveau aux habitz des Seurs, ains qu'elle suive par tout son Directoire et la coustume..

  A025003204 

 Celles d'esté et les tuniques, de grossiere sarge noire et legere; les tuniques d'hyver, de quelque estoffe de couleur brune, qui soit bonne et chaude, selon la necessité de chacune, les couvrant de quelque legere estoffe, au moins le cors et les manches seulement, pour celles qui portent des cottes.

  A025003210 

 Quand on devra donner l'habit a quelque pretendante, la Seur Robiere portera des le matin a la sacristie, dans une corbeille, tout ce qui sera requis pour la vesture de la pretendante, delaquelle elle retirera les habitz et chausseures seculieres, dont elle rendra conte a la Seur OEconome apres sa Profession..

  A025003214 

 La Seur Lingere donnera des linceulz blancs de cinq ou six semaynes en hyver, et en esté tous les moys ou cinq semaynes; mais quant aux chemises, mouchoirs, voyles blancs barbettes, petites coëffes, bandeaux des Novices et bas de toile l'esté, elle en portera tous les samedis sur les litz des Seurs, et des devantiers a celles qui en portent; et des coëffes, barbettes et bandeaux de nuit de quinze en quinze jours, ou tous les huit jours quand la Superieure le jugera necessaire..

  A025003215 

 Qu'elle ne donne pas des linges qui seront de la derniere lessive tandis qu'elle en aura de la precedente, prenant garde de ne les enfermer qu'ilz ne soyent bien secs.

  A025003217 

 Les vieux linges qui ne pourront plus servir seront mis a part..

  A025003218 

 Qu'elle ne laisse ni dentelles ni ouvrages autour des linges, [475] ni rien qui ne ressente la vraye simplicité et pauvreté; que si on apporte des chemises carrees, qu'elle les raccommode promptement et y mette des petitz colletz.

  A025003219 

 Le lundy apres Prime elle se treuvera au lieu ou elle doit enliasser le linge pour recevoir celuy que les Seurs luy porteront, prenant garde si elles luy rapportent tout ce qu'elle leur a donné, affin qu'elle advertisse en charité celle qui manquera; puis elle l'enliassera et estendra sur des perches le plus tost qu'elle pourra..

  A025003226 

 La Seur Refectoriere aura un tres grand soin de tenir tout ce qui est de sa charge fort proprement et nettement, donnera des torchemains deux fois la semayne, voire plus s'il est besoin.

  A025003227 

 Qu'elle tienne un roolle de tout ce qui est du refectoir, [476] tant des serviettes, torchemains qu'autres meubles, pour en rendre conte au bout de chasque annee a l'Œconome..

  A025003233 

 Tous les jeudis au matin elle les tournera, mettant le bout qui aura servi devant les Seurs, sur la table, replié contre icelle, affin que le sale ne soit point veu, et de l'autre couvrira le pain, les laissant chacune en leur place, prenant garde de ne les point changer.

  A025003242 

 L'office de la Seur Despensiere depend de celuy de l'Œconome; elle aura un grand soin de tout ce qui luy sera commis..

  A025003243 

 Qu'elle tienne le vin, en sorte qu'il ne s'en perde point, tenant tous-jours un plat dessous les tonneaux, qui soit fort net, affin qu'elle puisse mettre le vin qui tombe avec l'autre..

  A025003248 

 Quand on entonnera le vin ou que l'on en achetera, elle sera soigneuse de mettre des billetz sur les tonneaux, pour marquer ceux qui sont bons pour garder, ou pour boire promptement, et combien ilz tiennent et de quel creu ilz sont, avec l'annee.

  A025003251 

 Apres la recreation du matin elle ira ordonner aux Seurs qui ont la charge de la cuysine ce qu'elles doivent faire et apprester pour le souper, et apres que la seconde table du soir aura soupé ce qu'il faudra faire pour le disner du lendemain, estant fort soigneuse de leur donner a point nommé ce qu'elles luy demanderont, pour esviter l'empressement..

  A025003253 

 Elle donnera ou fera donner les portions et tout ce qui sera necessaire a celles qui mangent a la seconde table..

  A025003253 

 Elle ira a la cuysine un peu devant que l'on sonne le premier [479] coup du repas, pour couper la viande et faire les portions, affin qu'elle ne laisse attendre les Seurs a table; prenant garde de les faire tenir chaudes, les faisant le plus nettement et esgalement qu'il se pourra, observant de faire pour les infirmes ce qui est ordonné.

  A025003254 

 Si elle juge quelquefois de changer les choses qui sont en la carte, elle en advertira l'Œconome, pour suivre son ordonnance..

  A025003256 

 Qu'elle ne laisse point defaillir les provisions qui sont en sa charge, sans en advertir l'Œconome..

  A025003257 

 Qu'elle surveille les Seurs qui ont charge de la cuysine, pour voir si elles font bien leur devoir, et les aydera, s'il se peut, quand il y aura des affaires extraordinaires..

  A025003258 

 Qu'elle se montre fort charitable et affectionnee au service des Seurs, specialement envers les infirmes qui ont besoin de quelque soulagement en ce qui regarde sa charge, et qu'elle le face promptement et de bon cœur pour l'amour de Dieu..

  A025003259 

 Elle se treuvera au refectoir immediatement au tems qui luy sera marqué le matin et apres le premier coup de Vespres, pour donner aux infirmes, s'il y en a, ce qui sera necessaire selon l'ordonnance de la Superieure; mettant a la place de chasque Seur le pain, le vin et autres choses, si la Superieure l'ordonne, prenant garde si toutes viennent a l'heure marquee, mesme les Seurs Domestiques, qu'elles ne donneront rien hors ce tems la sans congé de la Superieure..

  A025003260 

 Qu'elle tienne fort net ce qui est de sa charge et ballie la despense, oste les araignees et poussiere une fois la semayne, et la cave tous les moys, delaquelle elle portera les clefs; et gardera les balais et autres petites choses, et les distribuera selon la necessité.

  A025003265 

 S'il s'en treuve qui tesmoignent beaucoup de repugnance ou qui fassent trop de repliques, elle les en advertira au refectoir, et fera le mesme a celles qui seront negligentes, trop longues ou malpropres a leurs besoignes..

  A025003266 

 Elle aura soin de tenir les ouvrages prestz, pour ne laisser chomer les Seurs a qui elle en devra donner..

  A025003267 

 Elle sera soigneuse de se treuver au lieu de son office a l'heure qu'elle aura nommee aux Seurs, pour recevoir les ouvrages et leur dire ce qu'elles ont a faire pour cela; et les Seurs ne manqueront de les aller prendre au tems marqué, luy rendant les choses qui ne leur serviront plus lhors qu'elles changeront d'ouvrages..

  A025003268 

 Elle demandera a la Seur Œconome ce qui luy sera necessaire pour les ouvrages, laquelle luy doit donner franchement et suffisamment de tems en tems..

  A025003271 

 Qu'elle tienne en memoyre les ouvrages d'importance qu'elle recevra de la ville, avec le prix pour lequel elle les fait, et l'argent qui sera deu pour ceux qu'elle aura rendus..

  A025003275 

 Elles employeront le matin demie heure a l'orayson, en suite diront les Pater qui sont marqués aux Constitutions pour Prime, Tierce, Sexte, None, et pour cela elles iront au chœur soudain qu'elles seront habillees, excepté une des Seurs, laquelle ayant charge du manger, ira, s'il se peut, faire l'orayson et dire les Pater immediatement apres que les autres auront achevé leurs exercices.

  A025003276 

 Elles employerent la demie heure de Vespres, ou autre selon la direction de la Superieure ou de l'Œconome, tant a faire l'orayson qu'a dire leurs Pater de Vespres et Complies toutes ensemble, excepté celle qui est en semayne, qui prendra pour son orayson l'heure de la lecture, s'il est plus commode, et fera la lecture a la demie heure d'apres.

  A025003276 

 Elles feront demie heure de lecture a mesme tems que la Communauté, si leurs affaires le permettent aysement; et si quelqu'une ne sçait pas lire, elle entendra l'une de ses [482] compaignes qui luy fera cet office de charité.

  A025003281 

 Elles auront soin d'aller aux exercices spirituelz aux heures ordinaires, l'une apres l'autre, selon que celle qui aura la charge le treuvera a propos; et quand il y aura quelque malade, ou affaire extraordinaire, l'on commettra encor une Seur pour en avoir le soin..

  A025003281 

 Une des Seurs Domestiques (selon que l'Œconome ordonnera et pour le tems qu'elle jugera a propos, avec l'advis de la Superieure) aura la charge d'apprester le manger et de tout ce qui appartient a la cuysine, tant linges que vaisselle et autres meubles; a laquelle l'Œconome donnera une ayde de mesme rang, la plus convenable en cette charge, sur laquelle neanmoins ladite Seur cuysiniere ne prendra nulle sorte d'authorité, ains s'en servira simplement selon la necessité de la charge.

  A025003282 

 Une des Seurs Domestiques pourra avoir le soin du jardin et des meubles appartenans a son office; de cueillir et esplucher les herbes necessaires, affin que celles qui sont en la cuysine ayent le tems d'aller quelquefois travailler au jardin a ce que la jardiniere leur dira..

  A025003284 

 Que celles qui ont charge d'apprester ayent un grand soin de bien assaysonner les viandes, sans exces neanmoins, observant la pauvreté; prenant garde de n'espicer ni trop saler les viandes, et de tenir les repas prestz a l'heure ordonnee; preparant les platz a l'advantage sur latable, et sur les ais les portions.

  A025003285 

 Qu'elle resserre soigneusement et promptement les viandes qui resteront [484] de la premiere table, a mesme tems que l'on les rapporte, et les tienne chaudes; qu'elle dresse a propos les potages de la seconde table, affin qu'[ilz] se treuvent au refectoir immediatement apres que les Graces seront dites de la premiere table..

  A025003287 

 Qu'elles tiennent leur cuysine bien nette, la balliant tous les matins et lhors qu'elle en aura besoin; qu'elles nettoyent bien soigneusement la cheminee et tout ce qui est en leur charge une fois la semayne, et seront soigneuses de bien accommoder et couvrir le feu, retirant tout le bois et autres choses pour esviter le danger..

  A025003288 

 Qu'elles retroussent leurs grandes manches fort haut et qu'elles portent des fausses manches de toile ou autre estoffe, et des devantiers qui ayent des pieces, pour conserver leurs habitz, lesquelz neanmoins elles esteront quand elles iront au chœur ou aux assemblees de la Communauté..

  A025003289 

 L'une des Seurs qui ne sont de l'office de la cuysine ira dans le refectoir au quart d'heure, pour mettre les potages sur table; l'une des Seurs qui sera hors de l'office de la cuysine avec l'une de celles qui y seront mangeront a la premiere table, tant qu'il se pourra; voire troys y pourront manger, car une peut suffire a la cuysine pour faire ce qu'il faut et qui est requis: comme de faire des potages pour la seconde table, retirer les viandes et faire chauffer l'eau pour laver la vaisselle, en sorte que celles qui auront mangé a la premiere table les aillent laver immediatement apres qu'elles en sortiront, qui sera tous-jours des qu'elles auront disné ou [485] soupe, appellant apres Graces la Seur qui leur doit ayder, affin qu'elles puissent aller toutes, tant que faire se pourra, a la recreation..

  A025003290 

 Les testes, celles qui n'ont pas l'office de la cuysine y seront employees tour a tour, affin que celles qui y sont d'ordinaire soyent aussi soulagees l'une apres l'autre, si la Superieure le juge a propos..

  A025003291 

 Qu'elles ayent un grand soin que rien ne se gaste de ce qui est de leur charge, par leur faute, raccommodant leurs linges soigneusement, lesquelz elles conteront a toutes les lessives, tant en les y mettant qu'en les retirant; et la vaisselle d'estain toutes les semaynes une fois, chacune en ce qui sera de sa charge; tiennent leur office et tout ce qui en depend fort net..

  A025003292 

 S'il arrive qu'elles prestent, soit vaisselle ou autres ustensiles, tant pour servir en la Mayson que pour porter dehors, qu'elles ayent un grand soin de les faire rapporter; que si on ne le fait, ou que l'on prenne quelque chose de ce qui est de leurs charges sans les advertir, qu'elles en advertissent les Seurs en charité au refectoir, a l'issue de la premiere table, apres Graces, auquel tems elles diront leurs coulpes quand elles en voudront dire..

  A025003298 

 Qu'elles soyent douces, humbles et affables envers ceux qui viendront, faysant sagement les responses pour faire doucement attendre les personnes ausquelles on ne peut pas donner satisfaction sur le champ..

  A025003300 

 Qu'elles torchent souvent le balustre, degrés de l'autel, chandeliers et sieges qui sont dans le chœur, et une fois la semayne avec un torchon de cire; mais sur tout, que le marchepied de l'autel soit net et luisant..

  A025003302 

 Bref, elles auront en singuliere recommandation la proprieté et netteté en tout ce qui regarde l'autel et l'eglise, si elles en ont la charge..

  A025003302 

 Elles donneront au clerc quelque chose pour torcher les souliers des prestres qui viendront celebrer la sainte Messe au tems des fanges, affin qu'ilz ne gastent les ornemens comme aussi elles essuyeront de deux en deux jours la lampe du chœur avec quelque vile estoffe, la nettoyeront et laveront entierement au moins tous les quinze jours, ayant un soin special qu'elle soit nette et l'huyle pur.

  A025003305 

 Qu'elles tiennent netz les parloirs et la chambre du predicateur et tout ce qui sera de leur costé.

  A025003310 

 Nous vous donnons le congé requis, affin qu'au nom de Nostre Seigneur vous allies au duché de Bourgoigne pour l'accommodement de quelques affaires qui regardent vostre soin, lesquelles estans [malaisées], ne peuvent estre faites en peu de jours.

  A025003328 

 Nostre ennemy est tous-jours aux aguetz pour [491] nous surprendre, et il dresse ordinairement sa batterie contre la citadelle de nostre cœur a l'endroit le plus foible et ou il connoist, par nos frequentes cheutes, le penchant de nostre inclination perverse ou passion mignonne qui nous fait le plus de mal, et que nous pensons le moins de destruire parce qu'elle nous est aggreable et que nous nous [492] flattons dans la croyance que nos pertes y sont petites; et c'est par la neanmoins que nostre ennemy fait ses advances et tasche de nous surprendre et prendre s'il peut.

  A025003340 

 Le recueillement interieur et l'entretien d'esprit avec nos Saintz particuliers et l'Ange gardien, au tems du silence, en la solitude, en la cellule et autres lieux desoccupés des exercices qui requierent une autre attention; et c'est contre l'ennuy naturel et les distractions importunes.

  A025003346 

 A l'amende pour chasque manquement, le verset Virgo singularis, inter omnes mitis, etc., pour tous ceux qui aspirent a la perfection chrestienne..

  A025003348 

 L'indifference en la qualité et quantité de viandes, comme a toute autre chose qui repugne a nostre sensualité; contre la douilletterie et le soin de nous mesme.

  A025003350 

 A l'amende, Dominus pars haereditatis meœ, etc., pour tous ceux qui sont voués a Dieu..

  A025003352 

 Le renoncement de la propre volonté en tout et pour tous ceux que nous pouvons, indifferemment, avec la promptitude de l'obeissance envers ceux qui ont pouvoir sur nous; contre la propre volonté et liberté imparfaite.

  A025003370 

 Ne se point plaindre d'aucune chose qui nous arrive, comme: infirmité, incommodité ou disette de quelque [499] chose temporelle, ni mesme de nos imperfections ou retardement a la perfection; ne se point accuser a tous propos par humilité, ou plustost par legereté, et ne faire point la correction a nostre prochain.

  A025003379 

 Le recueillement interieur et entretien devot avec nos Saintz particuliers et Ange gardien, au tems du silence et solitude et desoccupé des exercices qui requierent un'autre attention; a l'amende de l'antienne Sancti Dei omnes, etc., a chasque manquement,, pour tous les Praelatz et Pasteurs de l'Eglise..

  A025003386 

 La douceur envers un chacun et condescendance legitime es œuvres de charité; a l'amende du verset Virgo singularis, inter omnes mitis, etc., pour tous ceux qui aspirent a la perfection chrestienne..

  A025003388 

 L'indifference en la qualité et quantité des viandes, et de l'heure du manger, comm'en toutes autres choses qui repugnent a [495] nostre sensualité; a l'amende de Sub tuum prœsidium confugimus, etc., pour tous les pauvres necessiteux..

  A025003390 

 La frequente rememoration de la praesence de Dieu, de nostre profession et du devoir envers nous mesmes; a l'amende de l'antienne, Dominus pars hœreditatis meæ, etc., pour tous ceux qui se sont voués a Dieu..

  A025003392 

 Le renoncement a la propre volonté en tout et pour tous ceux que nous pouvons, indifferemment, avec la promptitude de l'obeissance [496] envers ceux qui ont pouvoir sur nous; a l'amende de l'orayson Respice quaesumus, Domine, etc., pour tous les captifs et prisonniers..

  A025003394 

 L'acceptation et congratulation amoureuse de toutes sortes d'incommodités qui [sont maladies, hontes, contraires a la nature...] repugnent a nostre sensualité, tant corporelles que spirituelles; a l'amende d'un Pater et Ave pour tous pelerins et estrangers..

  A025003410 

 Ne se point plaindre d'aucune chose qui nous arrive: comme infirmité, incommodité, manquemens, ni mesme de nos imperfections ou retardement a la perfection; comme encor de ne point [499] se troubler, s'accuser a tous propos par humilité, ou plustost legereté; a l'amende d'un De profundis pour les trespassés du Purgatoire..

  A025003412 

 Le recit des b... vertus de ses proches, par... Ne point faire la correction a personne es choses legeres et qui ne sont point peché..

  A025003431 

 SIMON DENYS DE MARQUEMONT, etc., et FRANÇOIS DE SALES, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A025003432 

 N'y ayant absolument rien remarqué qui n'exhalât le parfum et n'eût la saveur de très saintes mœurs, des pratiques approuvées et la mise à exécution des saintes instructions de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, notre Mère; autant que Nous l'avons pu, avec l'aide du Seigneur, Nous avons très volontiers employé Notre soin et Notre autorité pastorale à favoriser, encourager et promouvoir les très saints efforts de ces Sœurs, assurés dans le Saint-Esprit que ces Congregations fourniront un port de salut à de nombreuses vierges et veuves que le même Esprit daignera arracher aux flots tempetueux du siècle..

  A025003432 

 Nous avons vu et, en raison de Notre charge pastorale, attentivement examiné tout ce qui avait trait aux débuts, aux progrès et aux fruits des Congrégations des Sœurs de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu, établies dans Nos diocèses.

  A025003433 

 Et comme il est arrivé que ces Communautés, sous l'inspiration et avec l'aide de Dieu, augmentent tous les jours d'une manière sensible en mérite et en nombre, pour qu'un Institut si pieux et digne de louange se conserve fixe et stable, Nous lui avons unanimement [501] destiné et assigné ces Règles et Constitutions qui, à l'instar de murailles très solides, serviront de rempart et de fondement à son genre de vie, voulant mettre avec un amour puisé dans les entrailles du Christ, sous Notre garde pastorale et sollicitude et celle de Nos successeurs, les Congrégations susdites établies dans Nos diocèses..

  A025003439 

 MARIE AYMEE DE RABUTIN, fille de nostre Mere, et vefve [502] de Bernard de Sales, baron dudit lieu et de Thorens, apres mille et mille souhaitz d'estre receue en la Congregation de ceans, estant tumbee malade et saysie d'un soudain accident en cette Mayson: pleine d'une nompareille resignation, d'une rare douceur de cœur et d'une profonde humilité; avec un esprit extremement tranquille, d'une parole extremement distincte, suave et claire, apres avoir fait sa confession et receu l'absolution sacramentelle, demanda l'habit de la Visitation, qui luy fut accordé pour la grande devotion qu'ell'y avoit tesmoignee; et ayant receu la sainte Extreme Unction, requit de pouvoir faire les vœux, ce que luy ayant aussi esté concedé, elle les fit d'un courage nompareil; et trois heures apres expira, ayant continuellement, jusques au dernier souspir, prononcé tres sciament et devotement le mot: VIVE JESUS..

  A025003440 

 Elle fut admise a l'habit et a la Profession par son Evesque, frere de son feu mari; par sa mere, Superieure de la Congregation, et par toutes les Seurs, qui furent presentes a son devot et amiable trespas, le 6 septembre 1617; car ce jour la, elle tumba en cet accident mortel a huit heures de nuit, a 9 heures elle fut receue a l'habit, a 10 elle fit Profession, et entre une et deux heures apres minuit du septiesme jour dudit moys, qui estoit la veille de la Nativité de Nostre Dame, elle passa a meilleure vie, laissant un rare exemple de devotion et une consolation spirituelle incomparable a ceux qui, d'ailleurs, marris de son deces, en virent et admirerent les pieuses circonstances..

  A025003442 

 qui confessa, communia, donna l'Extreme Unction et admit les vœux de cette aymable Seur trespassee, agee de dix et neuf ans, deux moys et 6 jours..

  A025003451 

 Alles donq ainsy, ma tres chere Seur, avec vos autres Seurs, alles au nom de Dieu, qui vous benisse et tienne en sa dilection.

  A025003477 

 Nous imposons et ordonnons aux mêmes Sœurs de se soumettre à la clôture perpétuelle, selon les décrets du Concile de Trente, avec toutes les lois qui concernent la solennité des vœux..

  A025003477 

 Vu et considéré ce qui devait l'être, Nous avons érigé et érigeons la présente Maison appelée «de la Congrégation de la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu de la Visitation», en Monastère, sous la Règle de saint Augustin, décrétant, en vertu de la même autorité Apostolique, que toutes les Sœurs ou Religieuses de cette Maison et tout le monastère lui-même devront à l'avenir jouir et profiter de toutes et chacune des immunités, privilèges, induits et concessions dont les autres monastères de Religieuses vivant sous la même Règle ont coutume de faire usage, de jouir et profiter; en outre.

  A025003486 

 Nos tres cheres Seurs Paule Jeronyme de Monthou et Françoise Jacqueline de Musy, Religieuses professes du monastere de Nostre Dame de la Visitation de cette contree d'Annessi, ayant esté desirees par les Seurs du monastere de Moulins qui est du mesme Ordre, l'une pour y estre Superieure et l'autre pour l'y accompaigner, sous le bon playsir de Monseigneur de lion, et ayant eu, sur [508] ce, ledit consentement dudit Monastere de cette presente cité: Nous leur donnons aussi le congé a ce requis, et ce pour le tems que, par les occurrences, il sera treuvé a propos; suppliant Dieu qu'elles soyent benites en son nom, allant, demeurant et revenant, affin qu'elles facent son service en l'œuvre pour laquelle elles vont, en toutes leurs actions et en toutes les peynes qu'elles endureront pour ce sujet..

  A025003496 

 Je promets...de paier ladicte dot promise par... mon pere aux Rev. Dames de la Visitation d'Annessy......... Je donne a posseder a noble Jacques de Blonnay, mon frere, les fruicts d'un diesme appellé le diesme de Sevree, qui depend de... Sainct Paul,... pour ces ans 1621, 2, 3, me reservant 1624;... mon frere aura 1625, 6, 7... En outre, les fruicts du diesme de Grange Blanche pour 1628,... aux conditions quil paiera la dot de ladicte seur, de l'argent... de la dot de damoyselle Marie d'Avise, sa femme...; laquelle dot, promise a madicte Rev. Seur par contrat receu par Me Mingon, notaire d'Annessy, je constitue de nouveau,... tant par office de frere que d'oeuvre pie....

  A025003499 

 Ayans veu et consideré l'escrit fait en l'autre part de cette feuille, et sachans fort bien la verité des choses [510] qui y sont contenues, Nous l'avons treuvé bon, le louons et, entant qu'en Nous est, Nous l'appreuvons..

  A025003505 

 Revu sur l'original qui se conservait dans les archives de Blonay, au château.

  A025003510 

 Cum autem Congregatio dictarum mulierum humillima supplicatione a Sancta Sede Apostolica postularet, ut etiam in Monasterium conversa et erecta, nihilo magis propterea teneretur ad recitandas Horas canonicas Officii quod magnum appellatur, quam antea tenebatur; sed placeret dicts Sanctae Sedi Apostolicae illi indulgere, ut Sorores erecti Monasterii Officium parvum Beatissimae Virginis Mariae in choro, serio, graviter, lente, devote ac rehgiose quotidie, ut antea solebant, recitando, [512] ab alia Officii recitandi obligatione liberae et exemptae remanerent; idem Summus Pontifex illis hoc privilegium ad septennium benigne indulsit, vivae vocis oraculo asseverans se postea, si in humanis maneret, in perpetuum illud ipsum privilegium facile daturum (teste R. P. Don Justo Guerino, Praeposito Clericorum regularium Sancti Pauli Taurini, qui tunc rem istam urgebat); sin vero ab humanis excederet, successorem suum id etiam libenter facturum; quia vero res minus antea usitata fuerat, nolle se initio et primo obtutu in perpetuum concedere..

  A025003514 

 Hoc autem maxime locum habet in Gallicis istis regionibus, in quibus muheres non solum ineptissimam, sed ridiculam plane habent latini sermonis pronunciationem, ita ut plerumque qui in aliis Monasteriis Officia audiunt, vix ac ne vix quidem risum tenere possint, nisi potius rubore perfundantur..

  A025003525 

 Le Pape Paul V, d'heureuse mémoire, le 23 avril de l'an 1618, à l'instance du duc de Savoie, donna le pouvoir et enjoignit à [511] l'Evêque de Genève d'ériger en Monastère de Religieuses vivant sous la Règle de saint Augustin la Maison et Congrégation pieuse de femmes qui, sous le nom de la Bienheureuse Vierge Marie de la Visitation, avait été instituée depuis quelques années à Annecy, diocèse de Genève: ce qui fut fait..

  A025003527 

 Les raisons qui portèrent le Souverain Pontife à accorder pour un temps ce privilège et à dire qu'il voulait ensuite l'octroyer pour toujours furent les suivantes:.

  A025003529 

 Mais pour qu'elles récitent convenablement et dévotement l'Office, il importe beaucoup qu'elles récitent toujours le même: elles prononcent, en effet, plus clairement, plus distinctement et avec plus de sûreté ce qu'elles ont coutume de prononcer si souvent, et elles ne mettent pas toute leur attention à la lecture et bonne prononciation: ce qui leur est nécessaire si chaque jour il leur faut dire du nouveau et de l'inattendu..

  A025003530 

 Ceci a lieu surtout dans nos régions françaises, où les femmes ont une prononciation du latin, non seulement tout à fait inepte, mais ridicule, en sorte que ceux qui entendent les Offices en d'autres Monastères, ne peuvent presque retenir leur rire, à moins que plutôt ils rougissent de honte..

  A025003533 

 Et de même que l'Eglise a destiné presque chaque semaine un jour au culte de la Bienheureuse Vierge, de même elle ne fera rien qui ne soit convenable et de nature à lui plaire, en destinant un Ordre, surtout de femmes, au chant public des louanges quotidiennes de la Mère du Christ Notre-Seigneur et de toute la chrétienté; ce sera là, au contraire, faire chose très agréable, et au Christ, et à sa Mère, et à leurs dévots..

  A025003535 

 Du reste, la récitation du grand Office n'est pas inséparable de l'état religieux; car, sans parler de l'illustre et très célèbre Compagnie [515] de Jésus, ni des Ordres militaires, il y a en France des Monastères de femmes, par exemple le Monastère de l'Ordre de Saint-Augustin de Pontoise, où les Moniales ne sont tenues qu'à la récitation au chœur du petit Office de la Bienheureuse Vierge; de sorte qu'accorder ce privilège aux Monastères de femmes, est une chose qui, tout en n'étant pas très usitée, n'est pas totalement nouvelle, et d'ailleurs à désirer pour de nombreuses et très graves raisons.

  A025003547 

 En 1610 fut fondée une Congrégation de pieuses vierges et veuves oblates, dans la ville d'Annecy, du diocèse de Genève, qui, s'étant ensuite multipliée, donna naissance à des fondations semblables dans plusieurs villes: Lyon, Moulins, Grenoble, Bourges, Paris, Montferrand, Nevers, Orléans.

  A025003548 

 Or, la première Communauté d'Annecy, par Décret de Paul V, fut transformée en Monastère de Religieuses sous la Règle de saint Augustin en 1618, chose qui a servi à la gloire de Dieu et à l'édification du peuple.

  A025003565 

 Ces statues (sic) et regles des quelles Religieuses et de ce qui concerne leursdits Monasteres sont icy transcrips sommairement et par abregé, tirés et extraits de chacun des chapitres..

  A025003565 

 L'institution des Sœurs religieuses de S te Marie a esté concedee par Sa S té, a la charge qu'elles auront pour Superieurs les Evesques diocesains qui auront toute Visitation sur leurs Monasteres ou elles feront veu (sic) de Religieuse et ne seront en simple Congregation.

  A025003570 

 Affin donc que telles personnes ayent moien de se retirer du monde, fuir ses appasts et amorces de peché et s'appliquer plus doulcement et parfaictement au service et amour de Dieu et exercices des vertus et choses spirituelles, ceste devote et religieuse Congregation a esté dressee et procuree envers nostre S t Pere le Pape sur l'exemple de celles qui, a mesme intention, furent instituees par S t Charles Borrhomee, en son diocese de Milan, et de celle de S te Françoise a Rome..

  A025003573 

 On y pourra donc recevoir les veufves qui ont encore quelques obligations d'avoir soin de leurs enfants et des affaires de leur maison, a condition toutes fois qu'elles ne prendront point l'habit de la Religion qu'elles ne soient entierement libres des occupations de leur mesnage, et qu'estans une fois admises en la compagnie, elles vivront avec mesmes devoirs et observances que les Sœurs professes, sinon qu'il sera permis a telles veufves d'aller quelquefois l'annee donner ordre aux affaires de leur maison en la sorte qu'il a esté dict; et cependant elles porteront un habit simple et modeste, en un mot, de vrayes veufves..

  A025003574 

 En second lieu on y pourra recevoir les veufves, et filles aagees de seize ans, qui, pour l'infirmité de leur santé et complexion naturelle, ou pour quelqu'une des causes cy dessus en l'article premier mentionnés, ne peuvent supporter l'austerité et rigueur d'aultres Religions; pourveu qu'elles ayent l'esprit et le cœur en bon estat, pour vivre soubs l'obeissance et en la praticque de la devotion et exercices de la vie spirituelle.

  A025003574 

 On excepte neantmoins celles qui auroient quelque mal contagieux et dangereux, comme les escruelles, la lepre et autres semblables..

  A025003575 

 Mais sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, l'on doibt rechercher qu'elles ayent une tres profonde resolution de mespriser le monde, vivre humblement, doulcement et avec une parfaicte obeissance, charité et grand desir de se perfectioner en [522] toutes sortes de vertus et perfections propre d'une vraye servante de Dieu et espouze de Jesu Christ..

  A025003578 

 Les hommes n'entreront en façon quelqu'onque en ceste s te Maison, sinon quand la chose pour laquelle ils devroient entrer ne peust estre executee autrement qu'en y entrant; et lors il fault que ce soit avec la licence de l'Evesque, par escript, ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025003579 

 Quand au medecin, chirurgien, confesseur, manœuvres qui doibvent entrer par necessité, ilz seront conduicts aux lieux ou ils doibvent ferre leur charge par deux Sœurs qui feront auparavant sonner une clochette parmi la Maison,.

  A025003583 

 Que s'il ne se peut aisement, on observera a leurs entree et visite ce qui a esté dict icy dessus de l'entree du Confesseur et medecin..

  A025003594 

 En somme, il fault fere en sorte que quand ces dites personnes du monde entreront en la Mayson, le monde pourtant ny entre point: ce qui arrivera si les filles de la Congregation attirent par leur devis, contenance et modestie et religieuse façon les femmes de [523] dehors a parler modestement, chrestiennement et spirituellement, ne desirant ny voulant ouir d'elles les nouvelles superflues, murmurations, detractions et semblables devis importuns et seculiers; mais monstrant un vray et naif mespris de tout cela, comme du tout aliené de leur Institut et contraire a la loy chrestienne, a la perfection de laquelle elles aspirent..

  A025003597 

 Quand aux estrangers, soient hommes ou femmes, ausquelles il est requis de parler sans qu'elles entrent dans la Maison, on observera ce qui s'ensuit:.

  A025003599 

 K, p. 222, sauf ce qui suit.).

  A025003601 

 coupant cour en toutes sorte de devis et discours, si ce n'est en ceux qui regardent le profit spirituel de l'ame et consolation d'icelle..

  A025003608 

 A deux heures elles feront demi heure de leçon spirituelle en particulier, apres laquelles elles iront a Vespres, lesquelles se chanteront a trois heures; et icelles dictes, elles pourront demeurer en [524] conversation et deviser de choses qu'elles auront leu, jusques a Complie qui se diront a basse voix a cinq heures, et seront suivies des Litanies et d'une demie heure d'oraison mentale, en sorte que le tout soit achevé a cinq heures 3 quartz; et des lors elles relascheront un peu [leur esprit] jusques au souper, le tout neantmoins en silence, qui durera jusques apres le souper ou collation qui se feront tousjours a six heures..

  A025003612 

 Es jours de jeusne, que l'on disne a unze heures, l'on fera le matin l'heure de silence qui defaudra l'apresdinee, et rempliront les heures qui abonderont avant disné a fere des ouvrages; et en l'apresdinee il n'y aura rien de moins qu'es austres jours, parce que l'heure qu'on emploie a souper supplera a l'heure que le retardement du disné a retranché..

  A025003614 

 Complie se diront a l'heure ordinaire et a basse voix, ausquelles on adjoustera le Stabat en chant, qui sera suivi des Litanies a basse voix et de l'orayson, en sorte que pour le tout soit employé l'heure..

  A025003615 

 Ce qui a esté dict que toutes se treuvent couchés a dix heures n'empesche pas qu'elles ne se puissent coucher incontinant apres la retraicte, ains sera expedient que celles qui sont subjectes au someil le fassent de bon cœur, pour estre plus prompte et agile au lever..

  A025003626 

 K, excepté le deuxième alinéa de celui - ci [525], qui est omis dans le Ms.

  A025003629 

 372, 373, sauf le dernier alinéa de celui-ci, qui est omis dans le Ms.

  A025003635 

 Elles porteront pour coiffures un voile d'estamine, long jusques au dessous de la ceinture et qui leur couvrira tout le visage, sans attiffet ny aucune façon.

  A025003635 

 Un bandeau noir qui couvre le front; leurs colletz de toile mediocre, avec les barbettes sans plis, et sans manchettes: le tout sans empoys.

  A025003641 

 K, excepté les lignes 33, p. 244, et 1-6, p. 245, qui sont omises dans le Ms.

  A025003653 

 Le samedi toutes les Sœurs, et mesme les Novices, s'assembleront au Chapitre, et apres avoir dit le Veni, creator, la Superieure lira queloues advis tirés de quelque livre devot ou un article de la Regle, et dira tout ce qui luy semblera debvoir estre dict pour le bien spirituel de toutes.

  A025003670 

 Apres donc plusieurs belles ceremonies qui se practiquent en ceste solennité, qui sont au long descrittes dans les Constitutions de ceste Congregation, la Novice se prosterne devant l'hostel, accompagnee de toutes les Sœurs, et lict clairement, distinctement et posement la formule qui s'ensuit:.

  A025003679 

 Outre les Sœurs voilees et qui gardent la closture, comme il a esté dict cy dessus, on en reçoit quelques autres que l'on appelle Sœurs Servantes, qui sont destinees pour le service exterieur de la Maison, qui, pour ce, doibvent estre de bon corps et de bonne complexion et bon naturel, mais sur tout grandement resolues de servir Nostre Seigneur en travaillant pour la Congregation, avec obeissance, douceur et humilité..

  A025003694 

 Outre ce que dessus, la Superieure, la Directrice, Œconome et autres Officieres de la Maison ont leurs particulieres regles, qui n'on esté icy mises, pource que suffit, pour avoir la connoissance de cet Institut, de considerer ce qui a esté cy dessus expliqué..


26-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXVI-Vol.5-Opuscules.html
  A026000034 

 — Ceux qui jugent témérairement et qui médisent sont des aveugles et des esprits pleins de malice.

  A026000034 

 — Qui ne regardera son prochain avec pitié gâtera toutes les parties de son âme.

  A026000035 

 — Leur attitude envers ceux qui les visitent.

  A026000035 

 — Quel doit être l'abord de ceux qui commandent.

  A026000036 

 — Les enfants qui pleurent.

  A026000047 

 — Fuir le péché et tout ce qui peut être une entrave pour l'âme.

  A026000048 

 Pourquoi sommes-nous en ce monde? — Tout ce qui est contraire à notre fin dernière doit être rejeté.

  A026000048 

 — Malheur de ceux qui n'y pensent point.

  A026000051 

 — Ce qui doit être soumis au guide de notre âme.

  A026000051 

 — Erreur de ceux qui se préparent aux grandes épreuves et qui ne savent pas supporter les petites.

  A026000051 

 — Pour les actions de peu d'importance et auxquelles on n'est pas obligé, considérer avec liberté d'esprit ce qui tend davantage à la gloire de Dieu et se résoudre.

  A026000052 

 — Les degrés de l'obéissance par rapport à ceux à qui on la rend.

  A026000052 

 — Qu'est-ce qui la produit.

  A026000056 

 — A qui on peut parler pendant la méditation.

  A026000062 

 — La Sainte Vierge, et l'âme qui communie.

  A026000067 

 — D'où vient la différence qui existe entre elles: le Saint-Esprit est « l'unique Consolateur »; le malin esprit, « un vray desolateur ».

  A026000076 

 Ne pas faire de réflexions sur les choses qui arrivent.

  A026000079 

 Faire sa confession devant Jésus crucifié qui, » avec une douceur de misericorde incomparable », nous prépare son pardon.

  A026000079 

 — Entre ces degrés, celui qui multiplie la malice du péché en une seule action doit être déclaré.

  A026000098 

 Des pechés qui se commettent contre les commandemens de l'esglise.

  A026000104 

 — Quitter tout ce qui déplaît à Dieu et ne pas « s'embesoigner » de notre avancement spirituel. 135.

  A026000106 

 — Rien ne peut ébranler celui qui se remet au bon plaisir de Dieu.

  A026000144 

 XXXII. Autres avis a une Religieuse de la Visitation, sur l'obeissance et l'examen qui doit suivre l'oraison, [1612-1618] (Inédit) 164.

  A026000146 

 Examen sur l'orayson, qui se doit faire apres icelle, se pourmenant ou faysant son ouvrage 165.

  A026000154 

 — Attirer doucement les Sœurs qui sont dans la peine.

  A026000154 

 — Raisons qui peuvent dispenser du jeûne.

  A026000156 

 — Pourquoi le démon donne quelqu'apparence de vertu à ceux qui le servent.

  A026000156 

 — Un effet de la dévotion qui est selon Dieu.

  A026000156 

 — « Celuy qui nous a donné la fleur du desir nous donnera aussi le fruit de l'accomplissement.

  A026000157 

 — Ce n'est pas « nostre mal qui nous fait mal », c'est l'amour-propre.

  A026000157 

 — Qui ne cherche que Dieu le trouve toujours.

  A026000158 

 — Ne pas cacher le bien qui se fait à la Visitation.

  A026000159 

 — Aspirer à l'éternité qui approche. 183.

  A026000160 

 — Ce qui nous empêche de nous jeter à corps perdu entre les bras de la Providence.

  A026000160 

 — Dans les choses qui ne sont pas clairement manifestées, interroger nos Supérieurs et suivre leurs avis.

  A026000160 

 — Suavité des inspirations divines; trouble et inquiétude en celles qui viennent du démon.

  A026000160 

 — Tout est indifférent au cœur qui ne veut que Dieu.

  A026000161 

 — Celui qui n'a aucune confiance en soi-même est vraiment fidèle. 186.

  A026000164 

 Bonté de Dieu qui se contente de nous obliger à garder ses Commandements.

  A026000240 

 Dominus interrogavit: Quem quæritis? etc. Et Judam, signo dato, rediisse cum cæteris, unde dicitur: Stabat autem Judas, qui tradebat eum, cum ipsis, [etc.].

  A026000243 

 Pilatus autem adduxit foras Jesum, et sedit pro tribunali, in loco qui dicitur Lithostrotos, hebraice autem Gabbatha.

  A026000248 

 Exivit in eum, qui dicitur Calvariæ locum, hebraice Golgotha.

  A026000253 

 Ceux qui viennent voir et qui passent, blasphement: Vah, qui destruis, etc.; salva temetipsum; si Filius Dei es, etc. Semblablement les pontifes et scribes: Si Christus est electus Dei, rex Israel, descendait de cruce.

  A026000258 

 l'ecclipse dura des que Nostre Seigneur fut crucifié jusqu'a none, qui n'a accoustumé de durer que bien peu; le 3.

  A026000269 

 Après la prière qui est dans saint Jean, chap. XVII, le Seigneur dit les paroles qui sont en saint Matthieu, chap. XXVI, du verset 31 me au 36 me.

  A026000274 

 Le Seigneur interrogea: Qui cherchez-vous? etc. Et Judas, ayant donné un signe, revint avec d'autres, d'où il est dit: Or Judas, qui le trahissait, se tenait debout avec les autres, [etc.].

  A026000282 

 d) Arriva hors de la ville, au lieu nommé Calvaire, en hébreu Golgotha. Saint Basile dit que c'est une commune tradition qui fait du Calvaire le lieu de sépulture d'Adam..

  A026000286 

 h) Toi qui détruis le temple, etc.; sauve-toi toi-même; si tu es le Fils de Dieu, etc... Si le Christ est l'élu de Dieu, roi [7] d'Israël, qu'il descende de la croix... Ne crains-tu donc pas Dieu, etc... Souvenez-vous de moi.

  A026000296 

 Et je ne pense pas contrevenir à ses intentions en le publiant; car, quoy qu'il l'aye tenu long-temps secret, estant un des premiers exercices de sa plume, il est neantmoins bien croyable que si la mort n'eust prevenu le dessein qu'il avoit de donner d'autres piec.es au public, non moins utiles que celles qui paroissent maintenant par tout avec tant de fruict et d'approbation, sa charité incomparable l'auroit porté à vous le presenter luy-mesme, mais sans cloute avec plus d'ornement et de perfection..

  A026000306 

 Salomon, pretendant avoir suffisamment enseigne la premiere sorte d'union dans ses autres Livres, n'enseigne que la seconde es Cantiques, ou il presuppose que l'Espouse, qui est l'ame devote, soit des-ja mariee avec le divin Espoux; et represente les saintz et chastes amours de leur mariage qui se font par l'orayson mentale, qui n'est autre chose que la consideration de Dieu et des choses divines..

  A026000309 

 Neanmoins, le sujet de ce Livre ne comprend pas la demande ni les deux seules considerations affectives, ni mesme la devotion, laquelle n'est ni meditation ni contemplation, mais en est l'effect, n'estant autre chose qu'une vertu generale, contraire a la paresse spirituelle, qui nous rend prompts au service de Dieu.

  A026000311 

 Le courtisan qui a receu de son prince diverses faveurs, acquiert une habitude avec laquelle il le sert non seulement promptement, mais gayement: ainsy, nous devons tous-jours servir Dieu promptement; nous le servons seulement gayement quand nous recevons plusieurs goustz spirituelz qui reviennent de l'orayson mentale.

  A026000311 

 Que si l'orayson mentale est distinguee du goust spirituel comme la cause de l'effect, elle l'est encor plus de l'allegresse spirituelle qui est engendree de la multitude des goustz.

  A026000313 

 Au dessus de toutes ces actions sont l'extase et le ravissement; car lhors qu'en l'orayson, meditant et contemplant, l'homme s'attache tellement a l'object qu'il sort de soy mesme, perd l'usage des sens et demeure absorbé et attiré, cette alienation d'entendement de la part de l'object qui ravit l'ame, s'appelle ravissement, et de la part de la puissance qui demeure absorbee et engloutie s'appelle extase, dernier effect de l'orayson mentale icy bas..

  A026000314 

 Mesme la nature ni les proprietés de Dieu ou de l'ame n'y sont point nommees; mays, au lieu de tout cela, yeux, cheveux, dens, levres, colz, vestemens, jardins, unguens, et mille choses pareilles qui ont mis confusion [13] es expositions par la liberté que les expositeurs ont eu de les faire joindre un chacun a son sens, et, qui pis est, par la licence insupportable qu'un mesme expositeur a pris, d'entendre en une mesme page une mesme parole en diverses manieres et pour diverses choses..

  A026000327 

 Qui delibere de ne plus offencer Dieu, rencontre plusieurs occasions suggerees par le diable pour pecher; qui se resoult ne plus vouloir de consolation qu'en Dieu, rencontre le monde qui luy presente nouveaux playsirs temporelz.

  A026000328 

 Donques l'Espouse, c'est a dire l'arae des-ja en grace, voulant entendre a la vie spirituelle par les baysers de son divin Espoux, qui sont les consolations spirituelles, a une grande peyne a se desprendre du chœur des dames (conversations anciennes) qui luy offrent des vins et parfums, qui sont les playsirs temporelz.

  A026000333 

 Et tout incontinent, portee par une grande confiance d'obtenir ce qu'elle demande, comme si des-ja c'estoit fait elle adjouste: Mon Roy m'a menee en ses cabinetz; nous sauterons de joye et nous res-jouirons en luy et avec luy de la souvenance de tes amours qui sont meilleurs que le vin; les bons t'ayment et te prisent..

  A026000339 

 Elles ne se sont pas faittes elles mesmes; elles ne sont pas sans quelque principe qui les a faittes et qui est leur fin derniere, qui les conserve, qui les garde.

  A026000339 

 Mais qui est ce principe et ceste fin? C'est Dieu; les meres de toutes choses sont les idees qui en sont en moy, en ma puyssance et bonté.

  A026000341 

 Sur tout, la nature humaine, en tes premieres meditations, t'y sera prouffitable; tu verras les biens surnaturelz qui sont en elle: comme, qu'elle est l'habitation de Dieu, son throsne et quasi son chariot; dont il luy peut dire: O ma bienaymee, je t'ay fait semblable a ma genisse attelee aux chariotz de Pharaon.

  A026000341 

 Tu verras ces biens accidentelz, comme quoy tout le monde a esté fait pour ton usage, ornement et service: Nous te ferons des bagues d'or qui seront esmaillees d'argent; qui sont des bienfaitz si grans, que l'ame les meditant s'enflamme d'amour et est contrainte de s'escrier: [18] Puisque je ne puis autre chose, au moins t'aymeray je, o mon Espoux, et seray moy mesme ta salle royale, laquelle je parfumeray de nard; c'est a dire, je m'empliray d'amour: Tandis que mon Roy sera en sa salle, mon parfum, qui est composé de nard, embaumera tout ce lieu de la suavité de son odeur; et de plus, je m'uniray tellement avec luy, que je le porteray comme un bouquet dedans mon sein: Mon Bienaymé est le bouquet de mirrhe que je porteray tous-jours entre mes deux mammelles.

  A026000342 

 L'ame de son costé, reconnoissant que toute sa lumiere depend de son Soleil, qui est Dieu, confesse que luy seul est beau par essence: O mon Bienaymé, tu es beau et de bonne grace, et tu embellis tellement nostre essence, quand il te plaist, que mesme nostre lict, qui est nostre cors, en est beau: voyla nostre lict fleurissant.

  A026000344 

 Lhors l'ame commence a esprouver et connoistre qu'il n'y a douceur qui esgale celle qui se trouve en l'orayson mentale..

  A026000348 

 Quand je medite Dieu en l'Ange, qui [20] est une chose invisible et qui ne m'est nullement familiere, il n'engendre en moy que peu de fantosmes et distractions; mais si je considere Dieu en l'homme, mon imagination descend de l'universel au particulier, et, sous le nom d'homme, me represente Pierre, Paul, ou chacun d'eux, lhors que nous faisons telle ou telle chose.

  A026000348 

 Si bien que tandis qu'en ce chemin qui nous est si familier nous nous arrestons a toutes les boutiques de nostre connoissance, ou nous arrivons tard a nostre but, ou jamais..

  A026000349 

 De mesme que la multitude des songes ne laisse dormir paysiblement, mays fait presque veiller en dormant, ainsy l'orayson arrivee au sommeil de l'extase, qui est comme son giste, elle peut estre appellee elle mesme sommeil; mays quand elle est interrompue de distractions phantastiques, c'est un sommeil plein de songes.

  A026000349 

 Et lhors, nostre Espoux nous parle et vient a nous, mais non pas pour y demeurer et reposer, ains il vient par sautz et eslancemens: C'est la voix de mon Bienaymé, le voyla qui vient aux montaignes, saillant et traversant les collines.

  A026000349 

 Il semble que tantost il vienne et que tantost il fuye: Mon Bienaymé est semblable a un chevreuil et a un faon de cerf; maintenant il se monstre, maintenant il se cache: Le voyla qui se tient debout derriere nos murs; et bien qu'il semble qu'il se face voir, regardant par les fenestres, neanmoins la vision n'estant ni bien claire ni bien arrestee, l'on peut dire que les fenestres ont des barreaux et qu' il regarde par les treillis..

  A026000353 

 Neanmoins, il faut user de remede, qui est de se recueillir souvent et prester l'oreille pour escouter les inspirations: Voyla mon Bienaymé qui m'appelle et me dit: Leve toi, ma bienaymee, ma colombe, ma belle, et t'en viens; la faysant, outre cela, resouvenir de l'innocence en laquelle elle peut pieusement croire estre arrivee, ne se sentant chargee d'aucun peché mortel.

  A026000354 

 Et parce qu'es commencemens il semble a l'ame qu'elle soit entre plusieurs difficultés, comme entre des pierres ou des espines ( Ma colombe, qui est dans les trous de la pierre et an creux de la muraille), pour cette cause il asseure qu'elle ne laisse pourtant de luy estre bien aggreable: Hé, monstre moy ta face, que le son de ta voix vienne a mes oreilles, car ta voix est douce et ta face tres belle..

  A026000355 

 Ce discours est si doux qu'il devroit chasser toutes autres pensees; toutesfois, si ces pensees reviennent, elle dira comme en songeant: Prenes ces petitz renardeaux qui fouillent et gastent les vignes, car nostre vigne est en fleur; et se reunissant avec son objet, elle dira: Mon Bienaymé est a moy et moy a luy; et le priera qu'il revienne a elle tant que le jour dure et jusques a ce que les ombres s'abbaissent: Reviens, mon Bienaymé, et sois semblable a un chevreuil ou a un faon de cerf sur les montaignes de Bether.

  A026000360 

 Au precedent degré il semble qu'on ne trouve pas Dieu, encor qu'on l'ayt trouvé; [22] mais en celuy ci on reconnoist incontinent qu'on l'a trouvé: La nuict, en mon lict (c'est a dire es cors humains, qui sont les lictz des ames), j'ay cherché Celuy que mon ame ayme, et je ne l'ay point trouvé.

  A026000361 

 Lhors, a cette vision enigmatique succedera une vision claire: Quand je l'introduiray, mais plustost, quand il m'introduira en la mayson de ma mere, et en la chambre de celle qui m'a engendree..

  A026000361 

 Mon bonheur a voulu que je me suis souvenu des Anges qui sont comme les sentinelles du monde: Les sentinelles qui gardent la cité m'ont trouvee, et me suis resolue de voir si en eux je trouverois la consideration de Dieu plus fermee: N'aves vous point veu le Bienaymé de mon ame? Au dessus de la nature angelique j'ay trouvé immediatement la divine: Un peu apres les avoir passees j'ay trouvé Celuy que mon ame ayme, et ce, sans distractions sensibles, si bien qu'il semble que je ne le dois jamais perdre: Je le tiens et je ne le lairray point, jusques a ce que j'entre en la gloire celeste, vraye mayson de la nature humaine; ma mere est en sa chambre, c'est a dire au siege des Anges qui m'est preparé.

  A026000366 

 L'ame s'acheminant de degré en degré en la sainte orayson, se rend si resplendissante qu'il est impossible qu'elle ne soit admiree, et que le monde mesme la voyant, au milieu du desert empetré de tant de pechés, cheminer droit, ainsy qu'une colomne de parfum odoriferant qui s'esleve vers le ciel, ne s'escrie: Qui est ceste ci qui marche par le desert ainsy qu'un rayon de parfum, de compositions aromatiques de mirrhe et d'encens et de toutes sortes de poudres a embellir? Or, cest applaudissement est un venin caché et doucereux qui fait bien souvent que les plus saintz et devotz perdent leur justice et leur devotion..

  A026000370 

 Que s'il ne peut si tost arrester ses yeux sur la Divinité, qu'au moins il loüe Jesus Christ homme, nostre vray Salomon, et ce principalement en troys choses: la chair, la Croix, la gloire, disant: Voyes combien est digne sa chair, lict de sa Divinité et de son ame, entouree de plus de soixante vaillans soldatz qui la defendent contre quicomque, de nuit, pourroit luy faire peur; ceste chair, qui n'est inclinee au peché comme la nostre, mais, par l'union hypostatique et par l'empire qu'elle tient sur les Anges, est du tout asseuree et impeccable: Voicy que soixante hommes des plus fortz d'Israël entourent le lict de Salomon, tous tenans des glaives et bien duitz a la guerre, chacun desquelz tient son espee droitte sur sa cuisse pour les craintes de la nuit..

  A026000370 

 Quicomque entend ses propres louanges, qu'il se tourne vers celles de Dieu; qu'il persuade a celuy qui le loüe de ne vouloir loüer une chose de si petit merite, mays qu'il esleve les louanges de Dieu de nostre bassesse et petitesse.

  A026000371 

 La justice [24] et la misericorde sont les deux colomnes qui soustiennent ceste Croix: Il a fait les colomnes d'argent, l'appuy ou reposoir en est d'or, d'autant que tout s'est fait pour conduire les ames a la gloire, l'appuy d'or; la montee en est de pourpre, car il ne nous conduit a la gloire que par son sang.

  A026000376 

 Or ses parties mistiques sont: les yeux, c'est a dire les intentions qui la meuvent; les cheveux, c'est a dire les affections, amour, hayne, desir et autres, qui, comme les cheveux, ne sont ni bonnes ni mauvaises, sinon entant qu'elles sont employees au bien ou au mal; les dens, c'est a dire les sens qui maschent toutes les viandes qui doivent entrer en l'estomach de l'entendement; les levres et le parler, c'est a dire les pensees qui, en façon de paroles interieures, produisent des discours insensibles; les joües sont les deux puissances raysonnables, qui sont l'entendement et la volonté; le col, la force irascible qui rechasse et repousse les empeschemens; les mammelles sont les deux actions de la concupiscible: suivre le bien, fuyr le mal.

  A026000377 

 Les intentions doivent estre simples, pures et interieures, sans qu'on puisse dire que l'une soit au dehors et l'autre au dedans, et qu'elles soyent louches et diverses: Tes [25] yeux sont de colombe, sans ce qui est caché au dedans..

  A026000378 

 Les affections ne doivent estre esparses, mais serrees et unies comme un troupeau sous la houlette du souverain Pasteur: Tes cheveux sont comme des troupeaux de chevres qui viennent du mont Galaad..

  A026000379 

 Les sens doivent estre gardés comme en prison, ainsy que les dens sous les levres, ou comme brebis nouvellement lavees; et leurs jumeaux, c'est a dire l'apprehensive et l'appetitive, se doivent tenir rangees et reglees: Tes dens sont comme troupeaux de brebis fraischement tondues qui retournent du lavoir, chacune avec deux jumeaux, et pas une d'elles n'est sterile..

  A026000381 

 L'entendement et volonté monstreront d'entendre le bien et le vouloir faire; et, comme en une grenade ouverte, tout y sera descouvert, rien n'y paroistra laid et desaggreable; et ces deux puissances seront tous-jours humbles et assujetties: Tes joües sont comme une grenade entamee, sans ce qui est caché au dedans..

  A026000383 

 En fin l'Espoux qui, des son Ascension, est allé a la montaigne de la mirrhe et a la colline de l'encens, au Ciel, a la dextre du Pere, comme il l'avoit predit (Devant que le jour decline et que les ombres s'abbaissent, j'iray a la montaigne de la mirrhe et a la colline de l'encens), il loüera l'ame, disant: Tu es toute belle, o ma bienaymee, et il n'y a pas une petite tache en toy; et l'invitera de passer de la Hierusalem militante a la triomphante, disant: [26] Viens du Liban, mon espouse, viens du Liban, viens, et promettra les couronnes et sieges dont furent chassés les demons: Tu seras couronnee du haut du mont Amana, du coupeau de Sanir et d'Hermon, des sieges des lions, des montaignes des leopars..

  A026000384 

 Tous ces ornemens sont aggreables a Dieu, mays sur tout la netteté et pureté d'intention, qui doit estre si grande que toutes nos fins se reduisent a une fin, toutes nos intentions a une intention, tous nos desirs a un desir, d'aymer et servir Dieu, en sorte qu'il n'y ayt plus qu'un œil: Vous aves navré mon cœur, ma seur, mon espouse, vous aves navré mon cœur avec un de vos yeux; et qu'il n'y ayt plus qu'un cheveu, dont il s'ensuit: et de l'un des cheveux de vostre col..

  A026000385 

 Les exemples en seront de bonne odeur: L'odeur de tes parfums est par dessus toute composition aromatique; les pensees et paroles seront tres devotes et douces: Tes levres sont un rayon de miel qui distille, ce qui est dessous ta langue est lait et miel; les actions seront tres exemplaires: L'odeur de tes vestemens est comme l'odeur de l'encens..

  A026000386 

 En somme, l'ame est une fontayne de bonnes œuvres qui saillent jusques au ciel avec impetuosité, pareille [27] a celle des eaux qui viennent du Liban: La fontayne des jardins, le puitz des eaux vives, qui fluent impetueusement du Liban..

  A026000388 

 Ainsy, apres la mirrhe de penitence, Dieu tirera l'ame, par le moyen des saintz exercices, aux odeurs aromatiques de l'orayson, avec du miel, du lait et du vin de meditation, d'amour et de contemplation, mays contemplation telle, qu'elle produira des goustz, allegresses et extases qui non seulement estancheront la soif, mais enyvreront.

  A026000392 

 Elle voudroit bien advancer, mais la peyne l'espouvante; et si l'Espoux l'appelle derechef, elle se leve pour aller a l'orayson, neanmoins avec resistance de la partie sensitive qui la prive du goust et fait qu'a peyne peut elle penser que Dieu soit avec elle, et, comme il advient a ceux qui sont extremement las, elle dort en veillant: Je dors, mays mon cœur veille. [28] Puys, se tournant vers son Espoux qui heurte a son cœur: C'est la voix de mon Bienaymé qui heurte, et l'excite affin de luy ouvrir et commencer de nouveau son orayson: Ouvre moy, ma seur, ma bienaymee, ma colombe, ma toute belle, et, avec un quatriesme degré d'orayson, medite un peu ma Passion: Tu trouveras que j'ay le Chef plein de la celeste rosee de mon sang, et les cheveux sanglans des nocturnes pointures des espines: Car mon chef est plein de rosee et mes cheveux entortillés sont tout trempés des gouttes des nuictz..

  A026000392 

 L'ame qui arrive jusques a ces degrés passés se trouve bien souvent avec le cors las et travaillee; dont il advient que, si Dieu l'invite a nouvelles considerations et plus hautz degrés, elle est en perplexité.

  A026000393 

 L'ame voudroit bien obeyr, mays la lassitude luy fait desirer un peu de repos; ce qui luy fait dire: J'ay despouillé ma robbe, comme la revestiray je? J'ay lavé mes pieds, comment les saliray je? Tres doux Jesus, nonobstant ceste resistance vous ne laisses pourtant de faire instance pour entrer; et, comme avec la main d'une plus forte inspiration, il semble qu'il veuille luy mesme, sans cooperation, oster le verrou de la sensualité qui luy fait empeschement, et entrer par le pertuis du cœur: Mon Bienaymé a mis la main par le pertuis.

  A026000394 

 Elle passe au second degré, des choses spirituelles et angeliques: Les gardes qui entourent la cité m'ont trouvee; mais quand elle compare leur promptitude avec sa paresse, elle demeure transpercee de douleur: Ilz m'ont battue et navree. Et, qui est le pis, si elle entre au troysiesme degré, a considerer soy mesme en son ordre vers Dieu, elle opere la mesme resistance; dont elle se desplaist a soy mesme, et luy est advis que sa face est trop laide en comparaison de celle des Anges, et que, par maniere de dire, ilz luy ostent tout son lustre: Les gardes des murs m'ont osté mon manteau.

  A026000398 

 L'orayson vocale, ou plustost les devis spirituelz servent de remedes a l'ennuy du travail; ainsy void on celuy qui par maladie a perdu le goust et appetit, changeant de viande le recouvre, et qu'es Congregations contemplatives on entrejette des colloques spirituelz aux oraysons.

  A026000399 

 Il est comme une blanche colombe qui a en soy tous les dons du Saint Esprit, representé par les yeux: Ses yeux sont comme des colombes sur les rivages des eaux, que l'on a lavees de laict; le Saint Esprit, appellé en autre façon riviere, non par mesure, mais avec toute plenitude luy est donné: et resident es pleins cours des eaux. Partant, si tu contemples ses exemples, comme les joues pleines, ouvertes et mises a la veüe de tous, aussi odoriferantes que vases pleins de parfums aromatiques, ilz se font sentir de tous costés: Ses joües sont comme parterres de fleurs aromatiques que les parfumeurs mesmes ont plantés.

  A026000399 

 Parce que la charité, chef des vertus, se peut dire estre d'or en luy, c'est a dire tres pretieuse: son chef est un or tres pur et tres bon; et les graces et benefices qui, comme cheveux innombrables, en procedent, sont les premiers fruictz des palmes et noires comme corbeaux; ce sont les effectz de la victoire qu'il eut en l'arbre de la Croix, si dignes d'estre admirés, comme le noir en un cheveu: Sa cheveleure est comme branches de palmes hautes et touffues, noire comme un corbeau.

  A026000399 

 Sa doctrine semble estre mirrhe pretieuse qui sort comme des lys de ses saintes levres: Ses levres sont des lys qui distillent la mirrhe la plus singuliere.

  A026000405 

 Elle n'a plus besoin d'autre chose que de s'entretenir avec luy, disant: O Seigneur, quand vous pourray je plaire par ma beauté, douceur, bonne grace, force, innocence, devotion et discretion? Quand sera ce donq que vous me dires: O ma bienaymee, tu es belle, douce et de bonne grace comme Hierusalem, forte comme une armee bien rangee? Des-ja, Seigneur, vous m'aves monstré par mille signes que mes œillades vous ont blessé, c'est a dire que mes intentions ne vous sont pas desplaysantes: Destournes vos yeux de moy, car ilz m'ont fait sortir de moy mesme; que mes cheveux, c'est a dire mes desirs, sont purs et netz: Tes cheveux sont comme un troupeau de chevreaux qui paissent sur le mont de Galaad; que mes sens, ainsy que troupeaux, ont esté fidellement gardés: Tes dens sont comme troupeaux de brebis qui sortent du lavoir, chacune ayant deux petitz, et nulle d'icelles n'est sterile; [32] et que mes forces de la partie concupiscible, desirant le bien et fuyant le mal sans dissimulation, comme deux joües bien colorees, vous sont cheres et aggreables: Tes joües sont comme une grenade entamee, sans ce qui est caché au dedans.

  A026000405 

 Et pour ce, puisqu'elle connoist qu'il a tous-jours esté avec elle et y est encor a present, elle dit: Je suis a mon Bienaymé, et mon Bienaymé est a moy, qui se repaist entre les lys.

  A026000405 

 Et si les personnes avec qui elle est veulent poursuivre et luy disent: Ou est allé vostre Espoux, o la plus belle entre toutes les femmes? ou s'est il destourné? et nous le chercherons avec vous, elle ne veut plus les entretenir; mays, reconnoissant qu'encores que les travaux luy fissent sembler que son Espoux se fust retiré bien loin, neanmoins il ne s'en estoit pas allé, au contraire, il estoit tous-jours demeuré avec elle comme en son jardin ou comme en un cabinet de parfums; et, tirant de la plus grande occasion de inerite, elle peut dire qu'il en a cueilli des lys tres odoriferans: Mon Bienaymé est venu en son jardin, au parterre des fleurs aromatiques, pour repaistre aux jardins et y cueillir des lys.

  A026000406 

 Je voudrois, en ma nature qui est ma mere, avoir quelque rareté et que l'on en dist: Elle est unique a sa mere, elle est choysie a celle qui l'a engendree. Je voudrois que l'on peust encores dire: Voyla celle que les filles ont veuë et ont dit estre tres heureuse; les reynes et les concubines l'ont loüee de son innocence, estant sortie de la nuict du péché.

  A026000406 

 Mais, o Dieu, dit l'ame, des-ja ci devant vous m'aves loüee de presque toutes ces parties; je desirerois maintenant m'advancer et surpasser en devotion beaucoup d'autres ames devotes, ou qui pensent l'estre, et que vous peussies me dire: Il y a soixante reynes et quatre vingt concubines, et des jeunes filles sans nombre, mays ma colombe est toute seule.

  A026000406 

 Qui est celle ci qui marche en devotion, comme fait l'aurore quand elle se leve; belle comme la lune; de prudence et bonne eslection, choysie comme le soleil; et finalement d'invincible force, terrible comme les escadrons d'une armee bien rangee?.

  A026000407 

 Mais, outre cela, l'ame adjouste: Ou aves vous esté, mon Seigneur, qu'il m'a semblé que vous m'avies laissee, quand le travail et la fatigue ne me permettoit pas que j'eusse du goust? — J'ay esté, respond il, en toy mesme qui es mon jardin, et y ay esté avec plus de prouffit pour toy que je n'y eusse esté si, du premier coup, je t'eusse donné des goustz, te donnant occasion de meriter, dont j'ay tiré de mon jardin un plus grand fruict de merite: Je suis descendu au jardin des noyers pour voir les pommiers des vallees, et regarder si la vigne estoit fleurie et si les grenades avoyent germé..

  A026000413 

 Et ce n'est pas asses que la personne spirituelle extenue ce qui est en soy: Que voyes vous en ceste Sulamite, sinon compaignies d'armees? car, ce nonobstant, ceux qui la voyent, la louent de ses pieds et façons de marcher, c'est a dire de l'obeyssance avec laquelle ilz voyent que ceste ame garde les commandemens de Dieu: Que tes pas sont beaux en leur chausseure, o fille de prince! de sa chasteté spirituelle, qui fait reconnoistre que Dieu y coopere: Les jointures de tes cuisses sont comme joyaux mis en œuvre de la main d'un bon ouvrier; d'une riche pauvreté, qui n'a jamais besoin d'aucune chose: Ton nombril est comme un hanap rond, qui n'a jamais besoin de breuvages; des jeusnes qui, remplissans le ventre de pain seulement, couronnent l'ame de beaux et riches lys: Ton ventre est comme un monceau de froment environné de lys; de l'estude des deux Testamens: Tes deux mammelles sont comme deux faons jumeaux d'une chevre; de la force: Ton col est comme une tour d'ivoyre; de la prudence: Tes yeux sont comme les piscines d'Hesebon qui sont a la porte de la fille de la multitude; d'une justice exacte: Ton nez est comme la tour du Liban qui regarde vers Damas; de la maistrise des affections et conformité a la volonté de Dieu, conneüe par les canaux de la revelation: Ton chef est comme le mont Carmel, et tes tresses [34] comme pourpre royale qui n'est pas encor tiree de la teinture..

  A026000414 

 Bref, ceste ame est la butte des langues qui luy disent, la loüant: Que tu es belle, que tu es de bonne grace, tres chere, en delices.

  A026000424 

 Mays entre les fruictz de la solitude, cestuy ci est eminent, qu'on y peut considerer plus aysement Dieu comme Dieu: ce qui fait user a l'Espouse de ces deux paroles, seul et hors; c'est a dire, hors de toute creature: Qui te donnera a moy, mon frere, sucçant les mammelles de ma mere, et que je te trouve dehors, tout seul? Consideration qui fait saintement affoler les hommes, les fait danser devant l'Arche; d'ou vient que jusques a ce que l'ame soit arrivee a l'affection du mespris de soy mesme, elle a tous-jours quelque honte: c'est pourquoy elle desire la solitude, affin, dit elle, que je le bayse sans que personne nous voye..

  A026000425 

 Consideration qui est un arrhe de la jouissance du Ciel, dont il est advis a l'ame qu'elle y soit des-ja, disant: Je te prendray, je te verray face a face.

  A026000425 

 O Dieu, quand nous serons en la vraye mayson et en la vraye chambre de la nature humaine, qui est au Ciel, quand je te meneray en la mayson de ma mere et en la chambre de celle qui m'a engendré, la je verray tout ce qui appartient a mon bonheur comme en un miroüer; la tu m'enseigneras, et quand tu auras tiré de moy, pour ma felicité, le vin de la vigne et le moust des grenades, la gloire essentielle et accidentelle (et je te donneray d'un breuvage de vin composé, et du moust de mes grenades), et voyla les goustz qui arriveront, voyla les extases, voyla les sommeilz des puyssances; de façon que l'Espouse sacree demande des oreillers pour dormir: qu'il mette sa main gauche dessous ma teste, et qu'il m'embrasse de sa main droitte. L'Espoux aussi, de son costé, tasche de faire qu'elle ne soit point esveillee: Je vous adjure, filles de Hierusalem, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000428 

 Au contraire, elle parle tous-jours avec son Espoux du grand signe d'amour qu'il donna la ou il avoit esté le plus offencé, et qu'il resoulut de mourir pour nous apres qu'Adam et Eve luy eurent desobey: Je t'ay esveillee dessous un pommier; la, ta mere a esté corrompue, la, celle qui t'a engendré a esté violee..

  A026000428 

 En fin, l'ame est parvenue a une si grande perfection de devotion que nul playsir du monde ne l'esmeut, nul fantosme ne la destourne, nulle louange ne l'affoiblit, nul travail ne la fait craindre, nul respect humain ne la retient; mais, a la veüe de tout le monde, elle caresse librement son Espoux et danse devant l'Arche, ne se souciant pas que la sagesse du monde, apres luy avoir dit: Qui est celle ci qui monte du desert, affluente en delices? la suive encor pour la reprendre de ce qu'elle se tient appuyee sur son Bienaymé.

  A026000430 

 Quant aux louanges qui luy sont donnees, l'ame ne s'en soucie point, pour ce qu'elle dit dedans soy: Quelles sont ces ames impàrfaittes qui, n'ayans aucun bien propre, [37] veulent s'embellir de parures externes? Mes petites seurs, c'est a dire les ames imparfaittes, sont celles qui doivent penser a cela, car elles n'ont point de mammelles d'elles mesmes, de propres vertus et merites: Nostre petite seur n'a point de mammelles; que ferons nous a nostre petite seur au jour qu'il faudra parler a elle? En elles, on peut suppleer le defaut avec louanges estrangeres, tout ainsy que si on couvroit d'argent un mur crevé et corrompu, et de cedre un huys qui seroit pourry: Si c'est un mur, bastissons dessus des boulevars d'argent; si c'est un huys, renforçons le d'ais de cedre; mays, moy bien heureuse, dit l'ame, je me soucie fort peu de plaire aux hommes, mon Espoux m'ayant faitte comme un mur tel et comme une tour telle, que je suis fort playsante et aggreable: Je suis un mur, et mes mammelles comme une tour, dont je suis faitte, trouvant repos et paix devant luy..

  A026000431 

 Au reste, nul soin d'elle mesme ne la peut destourner: peu de chose, dit l'ame, est necessaire a qui veut vivre en la paix de Nostre Seigneur et avec modestie; mille pieces d'argent ou quelque autre grand prix est chose de trop petite valeur: L'homme qui a la paix en soy a une vigne en laquelle sont des peupliers; il l'a baillee a des gardes, et on luy rend pour les fruictz d'icelle mille pieces d'argent.

  A026000431 

 Et moy, dit l'ame, je n'ay point affaire de tant de choses: Ma vigne est devant moy autant que mille pacifiques; au contraire, je veux encor donner deux cens pour aumosne a ces pauvres, qui, avec leurs oraysons, nous gardent nos biens: et deux cens a ceux qui gardent les fruictz d'icelle; au reste, estant abstraitte de toutes les choses sensibles, je ne veux que pas une d'elles puisse me distraire ou me troubler..

  A026000432 

 En laquelle derniere protestation et resignation parfaitte de l'ame en Dieu consiste la fin de l'orayson mentale et le plus haut degré de la spiritualité, qui est cette grande union de l'ame avec Dieu par devotion..

  A026000432 

 Et finalement, si nous voulons passer aux playsirs mondains: Je sçay, dit l'ame, que mon Espoux ne veut endurer des compaignons, et qu'avec les consolations qu'il me donne [38] il ne veut pas que je mesle les consolations qu'autres que luy me pourroyent donner; ains il me commande que, me resveillant, et me resignant du tout a luy avec une claire et ouverte protestation, je renonce a tous autres espoux: Toy qui habites es jardins, tes amys t'escoutent; fais moy ouÿr ta voix.

  A026000438 

 Nous soubs-signez, Docteurs en Theologie de la Faculté de Paris, Maison et Societé de Sorbonne, certifions avoir leu et examiné un petit Livre intitulé: Declaration Mystique sur le Cantique des Cantiques, composé par le, Bien-heureux François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, dans lequel n'avons rien trouvé qui soit contraire à la Foy Catholique: ains l'avons jugé digne d'estre donné au public, pour la consolation et profit des ames spirituelles et esclairées dans la vie intérieure..

  A026000450 

 262, 263 de notre tome V. Pour cette raison, les éditeurs donnèrent à l'Appendice du Traitté le passage en question, et un autre qui se voit au même volume, pp.

  A026000450 

 Dans la première pensée du saint Auteur, ce travail devait faire partie du Traitté de l'Amour de Dieu; il suffit, pour s'en convaincre, de comparer le fragment qui figure aux pp.

  A026000450 

 Et plus loin (p. 58) il dit: « Elle » — la dévotion — « nous fait particulierement faire la sainte offrande, donation et dedicace de nous mesme a la divine Majesté, que nous avons ci dessus marquee; » évidemment, il entend renvoyer au morceau qui se lit au tome V de notre Edition, p. 486, et qui est de nouveau donné ici, p. 44..

  A026000450 

 Mais aujourd'hui, après nouvel examen, nous croyons devoir publier en entier ce qui nous est parvenu du Manuscrit sur les Vertus, et répéter pour cela les deux fragments que nous venons de signaler, d'autant plus que le Saint y fait plusieurs allusions.

  A026000453 

 De retour à Paris, le voyageur, impatient de posséder le trésor qu'on lui avoit fait espérer, prit la liberté d'écrire à M. de Thiolaz pour rappeler à sa mémoire une promesse qui avoit rendu son ancien hôte si heureux.

  A026000453 

 Par suite de cette lettre, et le 6 février 1825, arriva à Paris, avec la lettre la plus aimable du prélat, un fragment notable et autographe de saint François de Sales; il étoit composé de quatorze feuillets in-folio, écrits de chaque côté, avec ces ratures fréquentes qui indiquent la première minute ou le brouillon d'un ouvrage sérieux et profondément médité..

  A026000454 

 Toutefois, M. l'évêque n'affirmoit rien de positif à cet égard, et se bornoit à de simples conjectures; il finissoit par prier son correspondant de faire servir, s'il le pouvoit, ce cahier incomplet, à la gloire du Saint, en le distribuant par morceaux à des personnes qui, jalouses de la possession de si précieux écrits, reconnoîtroient sans doute ce présent par quelques dons destinés à l'achèvement de la nouvelle église d'Annecy..

  A026000457 

 A plus d'un siècle de distance, la plupart des propriétaires des fragments autographes ont changé; nous les signalerons à mesure que nous les rencontrerons dans les pages qui vont suivre.

  A026000458 

 291-321; ce qui persuade que cet écrit sur les Vertus est de la même époque..

  A026000458 

 60-62 ci-après, un passage touchant les vœux de Religion et la simple Oblation qui rappelle la Præface pour l'instruction des ames devotes donnée au tome précédent, pp.

  A026000458 

 D'autre part, la première rédaction du Traitté de l'Amour de Dieu fut achevée vers la fin de 1614 (voir notre tome IV, Introduction, pp. XI, XII); il convient, par conséquent, de ne pas reculer au delà de cette année celle des pages qui nous occupent.

  A026000459 

 Les références marginales en italiques distinguent celles qui ont été mises par le Saint.

  A026000466 

 Cela soit pour les actions frequentes, ordinaires et qui ne peuvent estre preveües, car celles qui peuvent estre preveiies il les faut dedier specialement et purifier l'intention, et si elles durent, renouveller souvent, de peur du change.

  A026000466 

 O que bienheureux sont ceux qui sçavent faire le despouillement de soy mesme duquel nous avons parlé ci dessus! car par ce moyen ilz n'ont qu'a faire un petit souspir ou un petit regard en Dieu, pour tesmoignage [43] qu'ilz confirment leurs despouillemens et qu'ilz ne veulent rien qu'en Dieu et pour Dieu, et qu'ilz ne s'ayment eux mesmes, ni chose du monde, que pour cela..

  A026000470 

 En ce second paradis mystique, Dieu a fait sourdre et jaillir le fleuve de la rayson et lumiere naturelle, de laquelle il est dit: La lumiere de vostre visage est marquee sur nous; et ce fleuve que Dieu fait sourdre pour arrouser tout l'homme en toutes ses facultés et exercices se divise en quatre chefs, selon les quatre parties ou regions de nostre ame, qui produisent les actions humaines et libres.

  A026000470 

 Un fleuve sortoit du lieu de delices pour arrouser le Paradis terrestre, qui de lâ se divisoit ou separoit en quatre chefs; Gen.

  A026000470 

 celuy de force, qui gouverne l'appetit irascible..

  A026000470 

 de] la justice, qui regne principalement en la volonté, puis qu'elle n'est autre chose qu'une perpetuelle et constante volonté de rendre a chacun ce qui luy est deü; le 3.

  A026000470 

 fleuve est celuy de la temperance, qui gouverne l'appetit de convoitise; le 4.

  A026000470 

 fleuve, de la prudence, qui incline nostre entendement a veritablement discerner le mal qui doit estre evité, d'avec le bien qui doit estre fait; [le 2.

  A026000471 

 Et non seulement cela, mais en vertu de la charité qui la rend active, elle respand sur les puissances de nostr'ame certaines vertus qui sont de mesme espece, ou au moins toutes semblables aux quatre vertus cardinales, et pour cela elles portent leurs noms: sur l'entendement elle pousse une prudence sainte, sur la volonté une justice sacree, sur l'appetit de la convoitise une temperance religieuse, et sur l'appetit irascible une force devote; si que par ces quatre fleuves toutes les actions humaines sont addressees par la charité a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A026000471 

 Or, outre cela, Nostre Seigneur voulant favoriser [44] l'homme pieux, affin de rendre le paradis du cœur humain plus aggreable et delicieux, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de nostre ame une fontaine surnaturelle que nous appelions grace, composee de la foy, esperance et charité, qui espanche ses eaux sur toute nostre ame et l'arrouse tout entierement, la rendant gracieuse a merveilles et grandement aymable a sa divine Majesté.

  A026000472 

 Et d'autant que ces vertus qui fluent de la charité comme de leur source sont superieures aux quatre vertus cardinales, si elles les rencontrent en quelqu'ame elles les reduysent a l'obeissance de la charité, se meslent avec elles et les perfectionnent, comme le vin perfectionne l'eau avec laquelle il se mesle. Que si elles ne treuvent point de vertus naturelles en l'ame ou la charité les produit, elles suppleent a leur defaut; y ayant cette difference entre le meslange du vin et de l'eau et celuy des vertus infuses et acquises, que le vin seul est meilleur que l'eau, ou les vertus infuses estans seules, ne sont pas si bonnes comme quand elles sont meslees avec les acquises, la grace ne destruisant point la nature, ains la perfectionnant sans qu'elle perde rien de sa force.

  A026000479 

 Les advis [d'un] ........., [d'un] avare, d'un voluptueux ont accoustumé [d'être fort] panchans a la faveur de la passion qui domine; et l'amour, comme estant le poids et contrepoids de l'horologe de nostre ame, il nous fait juger en faveur du bien quil affectionne.

  A026000481 

 Et en fin, la prudence requiert en nous la vivacité et habileté d'esprit, la promptitude a bien remarquer et apprendre, la memoire des choses passees, l'intelligence des presentes, la prouvoyance des futures, le discours pour bien tirer consequence d'une chose a une autre, la curieuse [perception] des circonstances et des choses qui sont autour de nous qui peuvent ou nuire ou favoriser nostre dessein, et la prouvoyance pour se garder des inconveniens et se prevaloir des occasions..

  A026000482 

 Et parce que la plupart des hommes estime ces biens la des vrays biens, et que par iceux on est rendu honnorable aux yeux des enfans [47] du monde, on donne aussi le nom de prudens et de vertueux a ceux qui sont prudens selon la chair.

  A026000482 

 Or, les degrés de la prudence de la chair sont: l'astuce, qui n'est autre chose qu'une habileté pour faire, imperceptiblement et par des moyens inconneus ou conneus, reuscir les mauvais desseins (Ne cheminans pas en astuce, dit le saint Apostre, II Cor., IV, apres qu'il avoit dit: Ayant rejette les cachettes de honte, c'est a dire honteuses, parce que l'astuce use de certaines cachettes et secrettes menees, lesquelles estans descouvertes sont honteuses a ceux qui les employent, leur ostent tout credit et authorité); le dol ou tromperie, qui est l'effect et execution de l'astuce, [et] s'appelle fraude quand il est commis par voye d'oeuvre; l'empressement apres les biens mondains et la sollicitude des moyens de vivre a l'advenir..

  A026000483 

 Ces prudences sont maintefois emmi les cœurs religieux, comme Pline dit que vers les Indes, au royaume de Suzerat, il y a une herbe d'odeur pretieuse, qui neanmoins est toute couverte de petitz serpentaux et extremement veneneux; car vous verres, Philothee, maintes personnes religieuses et devotes qui ont une prudence extremement active et soigneuse pour les proces, pour les honneurs, pour les rangs, pour amasser et, en somme, sous pretexte de certains devoirs imaginaires, de certain zele sophistiqué et de certaine charité artificieuse..

  A026000484 

 Or vous connoistres si la prudence est prudence de la chair, en ce qu'elle eschauffe et donne des ardeurs cuysantes [48] et pressantes: ainsy, les serpenteaux qui piquoyent les Israelites es desertz, estoyent des serpens enflammés, c'est a dire desquelz les piqueures donnoyent des inflammations mortelles a ceux qui en estoyent blessés. Mays la prudence de l'amour sacré est douce, tranquille, et tellement meslee de simplicité qu'il n'y a rien en elle d'empressé ni d'affecté; et en somme, qui veut guerir de toutes les ardeurs du soin, de la sollicitude immoderee et de la precipitation, il faut regarder l'image du serpent eslevé au desert, c'est a dire Nostre Seigneur, qui n'est pas pecheur, mays qui porte l'image du pecheur, sur la croix, et estre prudent de sa divine prudence..

  A026000485 

 Ainsy Eliezer, qui avoit un bon maistre, ne va point cherchant de ruse ni d'astuces pour estre salarié, se contentant de bien servir; mais Jacob, qui sert un maistre rusé, il use aussi de finesse et dexterité pour estre recompensé de ses peynes.

  A026000485 

 Ceux qui servent le monde, qui a tout propos cherchent des recompenses, ilz ont besoin d'user de finesses; mais ceux qui servent Dieu n'ont point de plus grande finesse que la simplicité qui les fait marcher en confiance..

  A026000485 

 L'amour ne tendant qu'en Dieu a une prudence simple, innocente et toute pure, car en toutes ses affaires il met sa confiance en son Sauveur qui le deslivrera; il ne mesprise pas les moyens humains, mays il ne se confie nullement en iceux.

  A026000487 

 Le grand saint Augustin, au livre De Moribus Eccles., c. 15, monstre que les 4 vertus cardinales et toutes vertus ne sont autre chose que l'amour de Dieu qui fait tout en nous.

  A026000487 

 Que si la vertu, dit il, nous conduit a la vie bienheureuse, j'asseureray que la vertu n'est nullement autre chose sinon le souverain amour de Dieu; car « ce qu'on dit que la vertu est divisee en quatre, on le dit, ce me semble, a rayson des diverses affections qui proviennent de l'amour: dont je ne feray nul doute de definir en cette sorte ces quatre vertus (desquelles comme les noms sont en la bouche d'un chacun, ainsy pleut a Dieu que l'efficace fut es espritz!), de maniere que la temperance soit l'amour qui se donne tout entier a Dieu; la force, un amour qui supporte volontier toutes choses pour Dieu; la justice, un amour servant a Dieu seul, et pour cela commandant droitement a tout ce qui est sujet a l'homme; la prudence, un amour qui choysit ce qui luy est profitable pour s'unir avec Dieu, et rejette ce qui est nuysible.

  A026000488 

 Certes, Isaie voulant exalter l'admirable prudence de Nostre Seigneur, il ne la colloque pas tant en la connoissance des yeux comm'en celle du goust: Il mangera, dit il, le beurre et le miel, en sorte quil sache repreuver le mal et choysir le bien. En quoy, Philothee, vous voyes quil y a deux prudences, selon deux connoissances: une prudence qui consiste en une science, ou [connaissance] par science, discours et sçavoir; l'autre, qui est une connoissance par goust, experience et savourement.

  A026000488 

 Et certes, Philothee, bien que la prudence soit une vertu qui guide et qui, par consequent, tient entre les actions des vertus le lieu que la lumiere corporelle [tient] entre les oeuvres artificielles, en sorte que comme ceux qui travaillent sans lumiere sont sujetz a mille fautes, comme ceux qui veulent exercer les vertus sans la sainte discretion font des pechés et des grandes nullités (comme le grand saint Anthoyne declara en la conference quil eut avec ses autres Peres du desert, ainsy que raconte Cassian, qui dit que la prudence selon l'Evangile estoit l'œil et la lampe de tout le cors ); si est ce neanmoins, Philothee, que nul n'est estimé prudent pour sçavoir ce qu'il faut eviter et choysir, sil n'est diligent a le bien executer.

  A026000488 

 Et l'on void une quantité de gens extremement sçavans es choses morales et grans discoureurs de la prattique des vertus, qui en verité n'ont nulle sorte de sagesse et prudence, parce quilz parlent et entendent bien en quoy consiste la vertu, mays ilz ne la pratiquent nullement.

  A026000488 

 Si que, encor que l'arbre de la prudence ayt ses racines en l'entendement, il a neanmoins ses fleurs et ses fruitz de la volonté, mesme [51] selon les philosophes, qui pour cela tesmoignent que nul ne peut estre prudent sil n'est bon.

  A026000489 

 Ceux qui ont divers amours ont aussi diverses prudences, car il faut une sorte de prudence pour acquerir les honneurs, un'autre pour acquerir les richesses, un'autre pour acquerir les playsirs; mais l'ame qui ne veut que Dieu n'a besoin que d'une simple et pure prudence, qui, non point par discours, mais par l'experience de la bonté de Dieu, sçait discerner le bien et le mal.

  A026000490 

 Il ne faut pas grand artifice a ceux qui ont une grande force, ni beaucoup de finesse a ceux qui ont un grand credit.

  A026000490 

 Les enfans de Dieu sont comme cela: leur sagesse est toute simple, ronde, franche, car l'amour qui les gouverne ayant reduit toutes choses a son obeissance les fait marcher selon luy; et, comme dit saint Hierosme, Nostre Seigneur veut que nous soyons prudens non pas pour l'offensive, mais pour la defense: prudens comme le serpent, pour n'estre point deceuz; simples comme la colombe, pour ne point tromper personne..

  A026000491 

 La prudence amoureuse est humble, obeissante et qui se laisse conduire.

  A026000491 

 Ne t'appuye point sur ta propre prudence, dit le Sage; et les Anciens ont dit que le plus heureux estoit celuy qui de soy est sage; lautre apres, celuy qui escoute et croid le sage..

  A026000492 

 La prudence amoureuse se confie tout en Dieu, elle le prie; elle fait fidelement ce qui est requis, par fidelité, mais elle attend l'issue bonne de son Amant; elle cherche le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste luy est adjousté. Aussi saint Paul desire que les Philippiens soyent simples, c'est a dire ronds, francz et sinceres, comme sont les vrays enfans de Dieu, et loüe les Macedoniens dequoy leur profonde et tres haute pauvreté avoit abondé es richesses de leur simplicité, c'est a dire de leur confiance en Dieu, qui leur ostoit toute apprehension [53] de s'appauvrir trop en donnant leurs moyens, eux estans des-ja asses pauvres.

  A026000495 

 En somme, ou la prudence est amour, ou elle depend de l'amour et est servente de l'amour qui la fait marcher devant la trouppe de toutes les vertus; comme nostre Seigneur, qui estoit assis sur le propitiatoire, c'est a dire sa majestueuse presence, faysoit marcher la colomne de nuee et de feu devant le peuple d'Israel comm'une guide, ainsy que nous voyons les grans faire porter les flambeaux devant a (sic) eux a leurs pages, pour servir de guide a leurs pas et de ceux qui les suivent, et le phanal aux navires..

  A026000498 

 De sorte que la charité n'est autre chose qu'une justice surabondante, car apres que l'amour a fait rendre a chacun ce quil luy doit, il passe plus outre et donne plus quil ne doit selon la rigueur de la justice; et fait comme son Maistre, qui ne se contente pas de donner la bonne mesure des recompenses, mais la donne bien comble, bien pressee et sureffluente..

  A026000498 

 Et certes, saint Augustin, au livre De Moribus Ecclesiæ, ne separe point la justice de l'amour de Dieu, monstrant au chap. 26, que qui ayme Dieu luy rend toute sorte de devoir, et qui ayme le prochain n'offence personne, rend a chacun ce qui luy appartient.

  A026000498 

 Le second fleuve qui procede de la charité, c'est la justice, laquelle, comme dit saint Augustin, n'est autre chose qu' « un amour servant a Dieu seul, et pour cela dominant droittement a tout ce qui est sujet a l'homme.

  A026000498 

 Mays au l. 19 de la Cité, chap. 21, il declare plus amplement que c'est que la justice, disant que c'est une « vertu qui rend a chacun son droit, » c'est a dire ce qui luy appartient et luy est deu: si que, parlant chrestiennement et joignant les deux passages de saint Augustin en une seule intention, nous pouvons dire que la justice n'est autre chose que l'amour de Dieu entant que par iceluy nous avons une constante et perpetuelle volonté de rendre a chascun ce qui luy appartient.

  A026000498 

 » Ou il faut noter quil parle de la justice legale ou dominante, qui est es Princes et Roys, lesquelz doivent servir a Dieu seul, et pour le service de Dieu, « dominant droittement » sur les peuples par des loix equitables, par la distribution raysonnable et bien proportionnee des estatz et offices, par l'administration de la correction et vangeance des [54] fautes et crimes qui se commettent en la republique.

  A026000499 

 Et de la dependent toutes les parties et especes de la religion qui sont celles ci:.

  A026000499 

 Et pour acela [55] nous employons premierement deux actes, l'un de l'entendement et lautre de la volonté; car en l'entendement nous faysons ceste connoissance que le grand saint Augustin demandoit si ardemment: Noverim te, noverim me; et le grand saint François: Quis es tu, et quid sum ego? et sur cette connoissance nous establissons l'acte de la volonté, qui s'appelle reconnoissance, c'est a dire la protestation de l'excellente superiorité infinie de Dieu sur nous et de l'infinie dependence que nous avons de Dieu.

  A026000499 

 Et pour tout ce que nous devons a Dieu, nous avons un'espece de vertu qui s'appelle religion, par laquelle nous rendons a Dieu la reverence, hommage et sousmission que nous luy devons comme a nostre souverain Seigneur et premier principe.

  A026000499 

 Or cette protestation se fait interieurement, par les actes propres de nostre volonté qui se sousmet et fait reconnoissance a la divine Majesté, et par tous les autres actes qui rendent tesmoignage de nostre sousmission; et exterieurement, par des actes par lesquelz nous declarons cette sousmission.

  A026000499 

 Or, comme remarque le grand saint Bernard, nous sommes debiteurs superiori, inferiori, æquali; mays a Dieu premierement, a qui nous devons honneur, gloire, louange, action de graces et toute sorte de sousmission et sujettion.

  A026000500 

 C'est cette crainte chaste et sainte qui persevere es siecles des siecles; car si bien les saintz ne craignent pas d'offencer Dieu, car ilz sont asseurés de vivre a jamais en sa bienveuillance, si est ce que l'inestimable estime quilz font de l'excellence divine fait qu'ilz reverent sa divine Majesté, et ont un'aggreable et amoureuse apprehension de sa grandeur, qui les tient en une continuell'attention soigneuse et leur donne un soin perpetuellement attentif a bien exalter la divine Bonté: qui est la crainte dont il est dit que « les puissances tremblent » devant sa Majesté, c'est a dire, elles ont un soin de l'honnorer et l'estiment avec tant d'admiration et de vive attention comme si elles craignoyent de mesprendre; car, autant que sa bonté les asseure que jamais ilz ne manqueront, sa majesté les provoque a l'attention et au soin et reverence.

  A026000500 

 Car c'est elle qui fit prendre le soin a saint Abel de prendre le meilleur de ses trouppeaux pour offrir a Dieu, comme la nonchallance contraire fit que Cain choysit le moindre; [56] c'est elle qui fit tumber en terre Daniel et les autres Prophetes a moytié mors devant la majesté de Dieu; c'est elle qui fait qu'emmi les tressaillement et plus grandes consolations nous tremblons et craignons d'estre devant une si grande majesté; c'est elle qui fait que les Seraphins mesme voylent leurs yeux et leurs pieds, comm'indignes de regarder Dieu et de s'arrester pres de luy; c'est elle qui fait dire a David: Te decet hymnus silentium in Syon, car la grand'estime de la perfection divine fait qu'on n'ose pas en parler, crainte d'en parler peu convenablement.

  A026000500 

 La reverence, qui est un des actes procedans de la religion, et n'est autre chose qu'une certaine vive apprehension et juste crainte de ne se pas bien comporter, et manquer d'honneur et de respect envers Dieu et les choses divines; et de cett'apprehension procede un soin particulier de rendre le plus exactement quil se peut toute sorte de tesmoignage de l'estime que nous faysons de la majesté et eminence de Dieu et de nostre vileté et bassesse, et de la disproportion quil y a entre nous et Dieu.

  A026000502 

 Et par ce que ceux qui sont animés de cette tant desirable vertu se dedient et consacrent, donnent et addonnent totalement au service de Dieu et a tout ce qui le regarde, elle nous fait particulierement faire la sainte offrande, donation et dedicace de nous mesme a la divine Majesté, que nous avons ci dessus marquee, par laquelle nous sommes rendus voués, dediés, consacrés a Dieu, et comme specialement Religieux, que, au commencement de l'Eglise, on appelloit moynes, c'est a dire uns ou unis, a cause de la speciale union avec Dieu a laquelle ilz se dedioyent, ou de l'unité de leur intention et profession qui n'estoit que du seul service de Dieu; et, comme parle le grand saint Denys, a rayson de leur vie une et simple, non distraitte ni divisee, ains toute ramassee et recueillie, pour estre toute destinee [58] a la perfection de l'unique amour de Dieu.

  A026000502 

 La devotion en matiere de religion n'est autre chose qu'une ardeur et ferveur d'esprit qui nous rend promps a faire tout ce qui regarde le service et lhonneur de Dieu; vertu toute pareille a la devotion en matiere de charité, dont nous avons parlé au commencement de l' Introduction, car comme l'une est un'excellente charité, l'autre [est] un'excellente affection de religion.

  A026000503 

 Et passant plus avant, par ce qu'entre ceux qui se dedient a l'unique service de Dieu, les uns le font par des simples oblations qui se font par maniere de protestation et declaration d'une volonté absolue et resolue, comme font la pluspart des Oblatz de saint Ambroyse, les Dames de la Tour des Miroüers de la Congregation de sainte Françoise a Romme, les vierges de Sainte Ursule, et comme faysoient les hommes et femmes du Tiers Ordre de Saint François, les Peres de la Congregation de l'Oratoire, et plusieurs tressaintes societés que Dieu a grandement benies et illustrees de plusieurs Saintz et Saintes, comme de sainte Catherine de Sienne et de Gennes, de sainte Angele de Foligni, de sainte Elizabeth d'Ongrie, saint Elzear, saint Ives, sainte Françoise (et en nostr'aage, du B. P. Philippe Nerius), sainte Geneviefve.

  A026000503 

 Les autres le font par des vœux qui sont voirement appreuvés de l'Eglise, mais non pas pourtant acceptés [ni] appliqués pour mettre la personne qui les fait en l'estat que l'on appelle regulier: telz sont tous les vœux qui se font par les personnes seculieres, voire mesme ecclesiastiques, encor bien que ce seroyent les vœux de pauvreté, chasteté et obeissance, quand ilz sont faitz sans estre acceptés par quelqu'Ordre qui ayt le pouvoir ou l'establissement de rendre ses membres reguliers.

  A026000504 

 Or est il vray que tous les vœux, autant les simples que les solemnelz, ceux qui se font en la profession reguliere et ceux qui se font hors d'icelle, obligent egalement devant Dieu, sans qu'il y ait nulle difference; en sorte que qui viole les vœux simples il est autant perfide et sacrilege, a rayson du vœu, comme celuy qui viole les vœux solemnelz. Mais pourtant, ceux qui violent les vœux solemnelz, ou simples, mais de Religion, pechent plus griefvement que les autres, a rayson du scandale qui s'en ensuit, [qui] est plus grand: outre que, par l'establissement du droit, ilz peuvent estre apprehendés et chastiés, ne pouvans ni contracter legitimement ni rien acquerir entre les hommes, tandis quilz sont dans les liens du vœu; la ou ceux qui ont fait les vœux purement simples ne sont pas rendus inhabiles a contracter et acquerir entre les hommes, quoy que devant Dieu et en conscience ilz soyent autant perfides en ce faysant que les autres..

  A026000505 

 Or, d'autant que ceux qui par vœu se sont obligés aux Religions appreuvees se sont non seulement liés de l'obligation consciencieuse et devant Dieu, mays aussi d'un'obligation civile, ecclesiastique et devant les hommes, non seulement sous des peynes eternelles, mais aussi temporelles; non seulement pour estre redevables et obligés en conscience, mays pour estre contraintz en effect a l'observation des vœux: partant on leur a donné specialement le nom de Religieux, et a leurs Congregations le nom de Religions, a cause de ce lien par lequel, outre le commun lien des Chrestiens, ilz se sont reliés au devoir de la poursuite de la perfection par les trois vœux propres a [60] l'obtenir, et de rechef encor, reliés pour la sousmission aux peynes et astrictions ecclesiastiques en cas de contravention et infraction des vœux..

  A026000506 

 Comm'aussi celles qui par des vœux particuliers et purement simples se sont liees devant Dieu a l'obeissance, pauvreté et chasteté; car si bien elles ne sont pas moins liees devant Dieu que les Religieux, neanmoins, en la police exterieure de l'Eglise et en ce qui en depend, les Religieux le sont beaucoup davantage.

  A026000506 

 Et quant aux autres personnes qui ne sont liees que par les simples oblations (qui est un lien de reverence, respect et verité; car c'est un'irreverence de ne point observer ce que l'on a protesté, quoy que non voué de faire, devant un si grand Roy et pour son service, bien que ce ne soit pas contre la fidelité, n'y ayant eu aucune promesse), elles ne sont pas appellees Religieuses si absolument, ains seulement devotes et dediees a Dieu.

  A026000508 

 Mays je demande a un homme qui ne me doit rien, ni service ni chose quelconque, quil me donne de l'argent, quil me preste son [61] cheval, ou quil me donn'a manger ou a boire, a cett'heure-la je ne puis user d'autre sorte de demande que de celle de la priere; et si c'est une personne qui soit relevee au dessus de moy en quelque eminente qualité, je ne prie pas seulement, mais adjoustant avec l'humilité la reverence, je supplie..

  A026000510 

 Ce n'est pas, Philothee, que Nostre Seigneur ne se soit constitué debteur envers nous des recompenses immortelles, si nous observons ses commandemens, et quil ne die souvent que non seulement il nous les donnera, mais quil les nous rendra: Mon Pere, dit il a celuy qui priera en son nom, te le rendra; et l'Apostre, parlant de la coronne de gloire: laquelle, dit il, en ce jour la advenir le juste Juge me rendra.

  A026000511 

 C'est pourquoy, demandons au Pere eternel quelque chose au nom de Nostre Seigneur, nous la demandons par justice et par grace tout ensemble: en justice, entant que c'est au nom de Nostre Seigneur; en grace, entant que c'est pour nous, qui de nous mesme en sommes grandement indignes.

  A026000511 

 Et bien que nous ayons [63] promesse expresse d'obtenir tout ce que nous demanderons au nom de Nostre Seigneur, cela neanmoins s'entend sous cette condition, que nous soyons enfans de Dieu et que nous ayons l'esprit d'adoption qui nous donne la hardiesse de crier: Abba Pater, ou convenablement disposés pour le devenir; dequoy n'estant pas asseurés, nous ne pouvons jamais demander qu'en grace pour nostre regard..

  A026000511 

 Il nous a merité la grace et tout ce qui est necessaire pour nous acheminer a la grace, pour cheminer en la grace et pour obtenir, par sa grace, la grace consommee et parfaite, qui est la gloire et vie eternelle.

  A026000511 

 Imagines vous, Philothee, le petit Thobie qui demande le payement a Raguel pour son pere, et voyes comme il est payé favorablement par ce quil ressembloit son pere; car il en est de mesme: nous demandons au Pere ce quil doit a son Filz, auquel si nous sommes rendus semblables par une sainte charité, mon Dieu que de graces! Or il doit a son Filz selon mesme toute la rigueur de justice, ainsi que nos sçavans theologiens enseignent, tout ce quil a merité pour nous: or il a merité pour nous que nous puissions meriter, si que le pouvoir que nous avons de meriter est un rejetton du merite de Nostre Seigneur.

  A026000511 

 Mays outre cela, il ne nous considere pas en nous mesme, ains en Nostre Seigneur son Filz, sur lequel nous sommes entés comme des greffes sur un noble tige; et partant, en qualité de membres d'un tel chef, au nom duquel nous demandons toutes choses, il nous rend ce qui luy est deu.

  A026000512 

 C'est pourquoy il est appellé advocat, car les advocatz, a proprement parler, ne font des requisitions qu'en vertu du droit des parties, et implore la justice et l'equité, non la misericorde ni la grace; et en cette qualité d'advocat il montre les tiltres et les droitz pour lesquelz les graces luy sont deües, qui ne sont autres choses que ses playes, tiltre pour lequel le Pere eternel est obligé de favoriser tous ceux qui obeissent a son Filz.

  A026000513 

 Or, l'orayson consiste donq principalement a demander a Dieu quil nous donne par faveur, grace, liberalité et misericorde ce qui est requis pour nostre salut, et depend principalement de l'esperance, comme la meditation de la foy et la contemplation de l'amour: car la meditation considere ce que nous croyons, pour l'aymer; la priere demande ce que nous esperons, pour l'obtenir; et la contemplation regarde ce que nous aymons, pour nous y plaire..

  A026000514 

 Mays, outre ces trois parties de l'orayson, il y a la louange de Dieu, en laquelle nous employons une partie des Heures canoniales; il y a aussi l'action de grace pour les benefices receus, et l'offrande et sousmission de nous mesmes a Dieu: lesquelles parties sont principalement fondees sur la vertu de religion, par laquelle nous sommes portés a rendre a Dieu l'honneur et gloire qui luy est deüe, entant qu'elle luy est deüe; comme aussi l'adoration accompaigne tous-jours l'orayson, car personne ne prie Dieu qu'il ne l'adore..

  A026000515 

 Or, l'adoration est la plus eminente espece d'honneur que l'on puisse rendre a qui que ce soit; dont saint Augustin a dit que « les hommes sont appellés dignes de service et venerables, mays que si on veut beaucoup adjouster a cela, on les appelle encor adorables.

  A026000516 

 Et puysque vous estes homme, faites luy l'hommage pour tous les hommes, qui n'ont ni asses de cœur ni asses de force pour s'abbaysser si profondement qu'il seroit requis devant une si infinie Essence.

  A026000516 

 Helas! Seigneur, que ne puis je asses connoistre, reconnoistre et reverer vostre grandeur! O Sauveur de mon ame, qui, en qualité d'homme, a rayson de la dignité infinie de vostre personne, pouves adorer d'une adoration d'infinie estime la tres souveraine Divinité, hé, secoures mon desir, et adores pour moy vostre Pere eternel de cette souveraine adoration que vous seul sçaves, voules et pouves faire.

  A026000516 

 O Seigneur, vous estes Celuy qui est; vous estes mon Dieu redoutable, infini, et la grandeur de vostre majesté est trop plus eslevee sur moy, et mon ame le reconnoist.

  A026000516 

 Or, entre toutes les adorations il y en a une qui est hors de toute comparayson; car l'honneur se donne en contemplation de l'excellente vertu de quelqu'un, et l'adoration se donne non pour la vertu entant qu'elle est excellente, mays pour l'excellence entant qu'elle nous est [incompréhensible] a cause de son infinie grandeur et profondité, et laquelle, comme dit Anastase, Evesque de Theopolis, est l'emphase et sureminence de tout honneur: qui est l'adoration deue a Dieu, et que non seulement les hommes, mays aussi les Anges ont commandement de luy rendre; et ce n'est autre chose que la plus grande, juste et profonde sousmission [65] et reconnoissance spirituelle que nous puissions faire a la supresme et, pour dire ainsy, incomprehensible sursouveraine Majesté et superiorité de Dieu.

  A026000519 

 En fin, dans le Sanctuaire il y avoit quatre Cherubins: deux estoyent tout d'or, qui estoyent sur le propitiatoire, qui s'entreregardoyent et couvroyent, de leurs aysles estendues l'un vers l'autre, tout le propitiatoire; et ceux cy representoyent l' [ordre] des Anges assistans, qui n'ont [qu'une ] contemplation, et leur reciproque amour ne sert qu'a la louange de Dieu.

  A026000522 

 Or, le devoir de pieté s'estend a tous les offices qui se peuvent legitimement rendre, soit en honneur, soit en service, mais sur tout a sustenter et servir nos pere et mere en leurs necessités: obligation qui passe si avant, que nous ne pouvons pas mesme faire aucun vœu qui nous puisse empescher de rendre ce devoir; et si nous l'avons fait, il ne nous tient pas liés de ce costé la, ains, nonobstant iceluy, nous pouvons et devons rendre ce devoir originaire de pieté auquel la nature nous oblige.

  A026000523 

 L' observance est une vertu par laquelle nous rendons l'honneur et le service qui est deu a ceux qui sont ordonnés a nostre gouvernement ou qui sont propres a cela: car, comme nous honnorons et servons avec une speciale affection nos pere, mere et patrie par ce qu'ilz nous representent Dieu en qualité d'autheur, principe et origine de nostre estre, et comme instrumens de sa puissance productrice, aussi honnorons nous ceux qui nous gouvernent par ce quilz representent Dieu en qualité de gouverneur et recteur des hommes et comm'instrumentz de sa providence.

  A026000524 

 En suite de la pieté et de l'observance vient la sainte obeissance: vertu par laquelle nous faysons volontairement ce que nos superieurs et [ceux] qui ont authorité legitime nous ordonnent ou commande (sic) par ce quilz le nous commandent, c'est a dire par ce que nous devons le faire.

  A026000525 

 Obeissance, vertu admirable, qui nous rend toutes les actions des vertus aggreables, qui establit la justice en paix et donne la victoire en la guerre.

  A026000525 

 Vertu generale, laquelle ne perd point son unité par la diversité de ceux qui obeissent, [69] ni de ceux auxquelz on obeit, ni des commandemens, car tousjours ell'obeit par ce qu'elle le doit et quil luy est commande par ceux qui ont authorité..

  A026000526 

 C'est pourquoy il faut rendre, sil se peut, plus que l'on n'a pas receu, comme font les chams fertiles qui produisent plus de graines incomparablement qu'on n'en a jetté dedans leur sein: car si vous ne rendes que le mesme, c'est plustost une restitution de rigueur qu'une gratitude d'affection et d'amour; et en cela vous ne rendes pas bienfait pour bienfait, car si vous ne rendes que ce que vous aves receu, il [70] n'y a point de bienfait de vostre part.

  A026000526 

 J'ay dit selon son pouvoir; car, qui ne peut rendre aucun bienfait, quil face tant [plus] de tesmoignages et de reconnoissance en paroles, quil face force souhaitz pour le bonheur du bienfacteur..

  A026000526 

 Je dis selon les occurrences, car l'empressement et precipitation a contrechanger un bienfait tesmoigne un esprit qui se deplait d'estre debiteur a son bienfacteur.

  A026000526 

 La gratitude est une vertu par laquelle nous rendons a ceux qui nous ont fait du bien quelque sorte de contrechange, ou par honneurs, ou par services, ou par des autres reciproques bien faitz.

  A026000527 

 Il y a une vertu que l'on appelle juste vangeance, a laquelle il appartient de punir les meschans et malfaiteurs, par ce qu'il est raysonnable qu'ilz reçoivent de la peyne pour leurs coulpes et que, par ce moyen, il se face quelque reparation de la faute commise et du tort qui a esté fait au prochain, soit par maniere de dommage qu'on luy a porté, soit par maniere de scandale ou de mauvais exemple.

  A026000527 

 Or, affin que ceste vangeance soit vertu, il faut qu'elle soit juste; et partant elle n'appartient qu'aux superieurs qui seulz ont le juste pouvoir de chastier, bien que tous ayent le pouvoir de repouser et empescher l'injure.

  A026000530 

 Et parce que cette vertu m'oblige de conformer mes paroles et mes gestes exterieurs a mes sentimens interieurs et a la verité de ce que j'exprime, elle m'oblige aussi a rechercher la verité, mais d'une recherche raysonnable et qui prend sa mesure de l'importance de la chose que je veux exprimer.

  A026000530 

 Or, puisque les signes sont ordonnés pour exprimer les choses, nous nous devons cela les uns aux autres, de ne nous point decevoir par iceux, les employant a signifier le mensonge et ce qui n'est point..

  A026000531 

 S'ensuit la douce affabilité, qui donne une aggreable [72] bienseance a nos conversations serieuses, affin que d'un costé nous ne soyons ni trop blandissans, amadoüans et flateurs, ni de l'autre trop aspres, austeres, rebarbatifs, durs, desdaigneux et fascheux; mais qu'avec une condescendance bien assaisonnee, nous traittions, en paroles, actions et contenances, suavement et amiablement avec le prochain..

  A026000533 

 Apres, vient la liberalité, qui nous donne la juste estime et.

  A026000533 

 C'est un vray vilain vice que celuy-la, et qui monstre une grande bassesse de courage: c'est pourquoy la prodigalité et profusion des richesses seroit plus aymable, si elle n'engendroit.

  A026000533 

 ordinairement l'avarice; car il arrive souvent que ceux qui se playsent trop a donner aux uns, affin d'assovir leur inclination en cela, ilz [73] ..................................................................................................

  A026000534 

 Il faut rendre a chacun ce qui luy appartient: rendes donc a ce furieux son espee, et il en tuera quelqu'un sur le champ! Non, Philothee, cela ne se doit pas faire; car bien quil faille rendre a chacun ce qui est a luy, cela s'entend quand il n'en abuse pas au plus grand dommage du prochain, et l'equité nous enseigne cela.

  A026000534 

 La loy dit: Ne tues point; mais si le voleur attaque vostre personne et vous le tues pour vostre juste defence, qui vous en peut blasmer? car la loy de la conservation de nostre propre vie præcede celle de la conservation de la vie du prochain.

  A026000534 

 Mays sur tout ce qui regarde la justice, il y a une vertu que nous appelions œquité, qui empesche que la justice ne soit pas injuste et que le droit ne se change pas en injure; c'est cette prudence qui modere les loix inferieures par les superieures, en sorte que une loy cede a l'autre selon que la rayson requiert et que le legislateur mesme le diroit sil voyoit l'estat present des affaires.

  A026000538 

 A la force appartient la magnanimité, qui n'est autre chose qu'une vertu qui nous porte et incline aux [actions [74] grandes ] et relevees en chasque matiere et espece de vertu, non pour le regard du bien quil y a en l'action grande de la vertu, mais pour le respect de la seule grandeur de l'action.

  A026000538 

 Car, par exemple, consideres d'un costé un homme qui ayme grandement la chasteté, et d'autre costé un homme magnanime et de grand courage: l'un et lautre, au choix de la chasteté, entreprendront la chasteté virginale comme le plus haut et relevé degré qui puisse estre en la vertu de chasteté; mais l'un fait cett'entreprise pour le grand amour quil porte a la chasteté, laquelle plus ell'est grande plus il l'ayme, l'autre fait la mesme entreprise, non pour l'amour de la chasteté qui est en cette grandeur et hauteur de vertu, mays pour l'amour de la grandeur qui est en cette chasteté: si que l'un cherche la perfection de la chasteté en la grandeur de cett'action, et l'autre cherche la grandeur de l'action en la perfection de la chasteté.

  A026000538 

 Or, comme cette vertu recherche la vraye grandeur qui est es actions heroiques des vertus, aussi n'estime elle rien de grand que cela; c'est pourquoy ell'a ces proprietés, selon Aristote (qui neanmoins, au sujet de cette vertu, tesmoigne asses la foiblesse de la philosophie naturelle en comparayson de l'evangelique): 1.

  A026000540 

 De la magnanimité depend la magnificence, qui nous porte non aux actions grandes des vertus, mays aux grans et somptueux ouvrages qui requierent force despence; car cette vertu nous les fait entreprendre genereusement, destournant d'un costé une certaine sotte affection de despence par laquelle on fait des frais inutiles et outre la bienseance, et d'autre costé une certaine vileté d'esprit par laquelle on n'esgale pas la despence a la dignité et bienseance de l'ouvrage qu'on entreprend..

  A026000541 

 Apres, vient la tressainte patience, par laquelle nous moderons les tristesses et fascheries qui nous arrivent des maux ordinaires en cette miserable vie mortelle: la mort des parens et amis, les bannissemens, les pertes, les maladies, les injures et opprobres, et autres sortes d'afflictions de la vie mortelle ...........

  A026000542 

 Et tant la patience que la longanimité sont requises, affin que d'un costé nous evitions l'insensibilité, qui n'est autre chose qu'une certaine stupidité et brutale lourdise par laquelle, comme si nous avions nos sens assoupis, nous ne sentons aucune douleur ni tristesse de maux, et par consequent sommes hors de tout sujet de patience; et d'autre costé, que nous evitions l'impatience, par laquelle nous ressentons immoderement les afflictions et contradictions..

  A026000542 

 Or, quand, outre le mal que nous endurons avec moderation, nous devons l'avoir longuement: c'est a dire, [76] qu'outre le mal nous devons supporter une longue duree du mal, qui est une grandeur en duree et estendile de continuation, nous n'avons pas seulement besoin de patience, mays de longanimité, qui est la vertu par laquelle nous supportons ou une longue attente du bien, ou une longue duree du mal.

  A026000543 

 Ainsy, au chemin de la vertu, deux choses nous lassent: la duree et continuation de mesm'exercice, et contre cet ennuy nous avons la vertu de perseverance; et les autres difficultés et resistances, comme sont les oppositions des hommes, nostre foiblesse, les murmurations, les remonstrances de ceux qui sont de contraire opinion, [77] et toutes autres telles [choses] contre lesquelles la constance nous arme: en sorte que nous ne sommes ni opiniastres et aheurtés pour continuer et vouloir poursuivre chose quelconque contre rayson; ni inconstans et legers pour nous laisser vaincre a la duree et longueur du tems requis a nostre entreprise; ni molz, tendres ou delicatz de courage pour nous laisser surmonter aux autres difficultés..

  A026000543 

 Je ne dis pas le don de perseverance, car c'est une grace toute divine dont nous avons parlé, en passant, ailleurs; mays la perseverance qui est une vertu par laquelle nous continuons et poursuivons un bien jusques a la fin, contre la difficulté et l'ennuy que la longueur et duree d'un affaire ou entreprise peut apporter.

  A026000543 

 Mays quand, outre l'ennuy de la duree et longueur du tems, nous avons encor des autres obstacles et resistances exterieures qui s'opposent a la poursuite et continuation de nos exercices en la vertu et du dessein que nous avons fait pour le bien, lhors nous avons besoin de la constance.

  A026000544 

 Car, comm'ont remarqué nos anciens Peres, celuy qui souffre courageusement, il combat le mal present; celuy qui attaque ou resiste, combat le mal a venir ou evitable.

  A026000544 

 Et aussi, le martir est parfaitement conforme a Nostre Seigneur, qui tesmoigna sa charité non attaquant ses ennemis et les mesprisant, mays souffrant la mort, joint que celuy qui meurt en se defendant, comme font nos Chevaliers de Saint Jean de Hierusalem contre le Turc .........................................................................................................

  A026000544 

 Or, entre toutes les actions de force, il n'y en a point de comparable a celle de nos Martyrs chrestiens: gens invincibles et invariables entre les plus divers et espouvantables tourmens qu'il est possible d'imaginer, qui ont combattu contre les tyrans pour confirmer les plus excellentes vertus de toutes, entant que Nostre Seigneur les a enseignees, et combattu par la seule volontaire souffrance, qui les rend tant plus vaillans en toute façon.

  A026000547 

 C'est pourquoy saint Augustin a dit que la temperance n'est autre chose que « l'amour qui se donne tout a Dieu, » c'est a dire l'amour qui ramasse toute sa vigueur pour aymer Dieu et, pour la ramasser toute, il la divertit des objetz sensuelz esquelz elle se pourroit espancher et dissiper..

  A026000547 

 Or, comme [78] dit saint Augustin, « c'est l'amour qui se donne tout a Dieu, » et c'est le 4.

  A026000547 

 fleuve qui se respand sur nostre appetit concupiscible.

  A026000548 

 Mays parce qu'entre tous les sens il y en a deux qui sont plus grossiers, brutaux et impetueux en leurs actes, et qui par consequent dissipent et divertissent plus furieusement et desbordent la force affective de nostre ame, c'est a sçavoir l'attouchement et le goust (qui, comme dit Aristote, n'est presque qu'un certain attouchement par lequel nous nous appliquons immediatement aux objectz les plus grossiers), partant la temperance modere les playsirs et voluptés de ces deux sens principalement, bien qu'elle regie aussi les autres playsirs, soit interieurs ou exterieurs, entant que par iceux la force affective pourroit estre mise en desordre et dissipee contre la juste rayson.

  A026000550 

 Mays l'autre, qui s'appelle intemperance, est le grand vice du monde, par lequel on desire les playsirs sensuelz outre mesure et sans discretion; et c'est le vice qui attira le deluge, qui fit perdre les quatre cités et les fit fondre et en somme c'est le vice le plus infame et vilain, comme dit Aristote, qui nous rend pareilz aux bestes brutes, assoupit l'usage de la rayson et, comme dit Hippocrate, le plus vehement de tous ces playsirs sensuelz n'est autre chose qu'une epilepsie passagere.

  A026000550 

 Vice brutal, qui rend comme furieux et phrenetique l'homme avant qu'il le commette, epileptique en le commettant, triste et melancholique apres l'avoir commis.

  A026000551 

 C'est a dire, qu'il faut premierement prendre ce qui est requis pour maintenir la vie: Ayant la nourriture, dit l'Apostre, et dequoy nous couvrir, nous en sommes contens.

  A026000551 

 Mays non seulement il faut prendre ce qui est pour la necessité, ains aussi ce qui est pour la bienseance, selon la varieté des offices et occurrences de cette vie: c'est pourquoy on jeusne quelquefois, et quelquefois on fait des [80] festins; on s'habille mieux une fois qu'autre; et Dieu mesme donne quelquefois du pain seul a Helie, quelque-fois il luy envoye de la chair; quelquefois il donne du pain et du poisson, d'autres fois il donne du miel et de la manne.

  A026000552 

 La femme qui n'est point mariee et la vierge a soin des choses qui sont du Seigneur, affin qu'elle soit sainte de cors et d'esprit; mais celle qui est mariee a soin des choses du monde, comm'elle plaira au mary.

  A026000552 

 Or je vous dis ceci pour vostre utilité, non point pour vous enlacer, mais tendant a ce qui est bienseant et propre a vous joindre au Seigneur sans aucune distraction..

  A026000552 

 vers. 32 et 33, [34, 35]: Celuy qui n'est point marié a souci des choses du Seigneur, comm'il plaira au Seigneur; mais qui est marié a souci des choses de ce monde, comm'il plaira a sa femme, et est divisé.

  A026000553 

 Notes, Philothee, que le grand saint Augustin a tiré de ce lieu la deffinition de la temperance, quand il a dit que c'estoit « un amour qui se donne tout entier a Dieu; » car l'Apostre monstre clairement que le principal but du cœlibat et la virginité est de se joindre et unir plus entierement [81] a Dieu; qu'en comparayson de la personne qui s'abstient parfaitement, la personne mariee est divisee en ses affections, partageant son soin en deux partz, bien qu'inegales; car tous-jours en faut il quelque partie pour aggreer au mari, et c'est autant de moins en ce qui se pouvoit donner a Dieu, c'est tous-jours une distraction et un retranchement de l'entiere et absolue attention que l'on eut donnee a Dieu.

  A026000554 

 C'est ce que veut dire l'Apostre, selon que saint Augustin mesme l'a remarqué au livre Du bien de la viduité, quand il dit quil exhorte a ce qui est honeste et bienseant; car il ne veut pas dire que le saint mariage ne soit honneste et bienseant, mais il advertit que l'estat de continence et vierginité est plus seant et plus honneste, au moins de l'honnesteté exterieure..

  A026000555 

 Ah! non, c'est une vertu hardie, genereuse, active, ains qui fait une continuelle guerre contre le plus fascheux ennemi qu'on ayt, duquel elle reprime voirement les actions, mais non pas .......................................................................................

  A026000555 

 La chasteté n'est pas une vertu oysivete (sic) et qui consiste en la cessation des actions.

  A026000555 

 Mays par ce que nostr'aage a produit mille et mille cerveaux frivoles, badins et voluptueux, qui ont mesprisé cett'angelique vertu, Philothee, je diray encor seulement ce mot.

  A026000555 

 Mon Dieu, Philothee, que la chasteté est belle, qui range [82] l'appetit brutal de nostre concupiscence a la pureté des Anges et Espritz caslestes, desquelz comme la pureté est plus pure, aussi la nostre est plus vaillante, car ilz l'ont sans vertu, par nature, et nous la conquerons entre mille hazars, par une continuelle guerre que nous faysons a nos ennemis et, ce qui est plus considerable, a nos amis: aux sens, a l'imagination et a toute cette trouppe de sentimens rebelles et mutins que nostre chair fournit a nostr'ennemi.

  A026000556 

 Qui ne præferera la chasteté de Magdeleyne convertie a celle de plusieurs vierges qui ne furent jamais diverties?.

  A026000556 

 ains, comme la santé d'un homme gueri est plus forte bien souvent que celle d'un autre qui ne fut onques malade, ainsy la chasteté d'un homme penitent est quelquefois plus estimable que celle d'un vierge.

  A026000557 

 Mais la sainte pudicité est comm'une sentinelle qui, descouvrant quelques actions, contenances ou paroles contraires a la chasteté et a [la] pureté, donne l'alarme au cœur, qui, comme pour armer les frontieres, envoye de la chaleur et du sang au visage.

  A026000557 

 Vertu marque de naturel honneste, qui ne peut pas mesmement souffrir les signes de la deshonnesteté ni en soy ni es autres.

  A026000558 

 La continence est comme la fleur qui nous donne promesse du fruit, et comm'un'aube qui nous annonce le jour.

  A026000558 

 Or, la premiere resolution de resister aux passions sensuelles, s'appelle continence simple, selon les scholastiques et Aristote; et lhors que cette resolution, se fortifiant par l'exercice, devient parfaite, elle s'appelle temperance et chasteté: car la continence est semblable a celuy qui a pris charge de domter un cheval; la temperance et chasteté, a celuy qui l'a des-ja façonné et domté.

  A026000559 

 A la temperance est attachee la mansuetude, qui manie et modere l'ire et la cholere pour la retenir dans les bornes de la rayson; car l'ire estant bien conduite est bonne, et la mansuetude a cette charge, qui neanmoins n'en use que fort rarement et seulement autant quil faut pour faire roydir le courage es occasions ou il faut vaincre, surmonter et chastier.

  A026000559 

 Nostre Seigneur, en S t Marc, 3, regarda les Scribes et Pharisiens avec indignation et cholere, mais l'effect ne fut autre chose que de guerir ce pauvre perclus, malgré leur obstination: ainsy nostre cholere ne se doit estendre qu'a vaincre les difficultés qui s'opposent aux bonnes œuvres, affin que nous les facions nonobstant les contradictions..

  A026000560 

 Et tous-jours faut il prendre garde au bien publiq, selon lequel c'est quelquefois une grande clemence d'user de rigueur et severité, quand le chastiment des meschans est requis pour tenir les autres en bride et les gens de bien en asseurance: dont saint Thomas dit que la severité n'est pas contraire a la clemence, ains est une vertu qui sert a la rayson quand il n'est pas convenable d'user de clemence..

  A026000562 

 Et parce que l'exercice des voluptés charnelles est le plus laid, desreglé, messeant, vil, vilain et deshonneste, l'honnesteté nous retient plus fort pour ce regard; et puis encor, comme en suite, ell'a soin de repouser tout ce qui est difforme et desordonné [85] au commerce des playsirs sensuelz, affin que rien ne s'y passe contre la bienseance..

  A026000562 

 L' honnesteté est une certaine vertueuse affection que nous avons de rejetter tout ce qui est contraire a la beauté, proportion, bienseance et ornement de nostre conversation et de toutes les actions qui en dependent, tant interieures qu'exterieures.

  A026000563 

 C'est pourquoy le grand Apostre, qui ne s'estime pas digne d'estre appelle apostre en considerant ses defautz, veut estre estimé de tout homme comme serviteur, officier de Dieu et dispensateur de ses misteres.

  A026000563 

 Et je dis que nous reconnoissons et faisons cette profession de nostre neant en ce qui est de nous mesme, parce qu'en ce qui est en nous de Dieu nous ne laissons pas, pour l'humilité, d'avoir un extreme courage et une sainte hauteur d'esprit, l'humilité n'estant nullement contraire a la magnanimité; car l'humilité fait une juste estime de ce qui est de nous en nous, comme la magnanimité de ce qui est de Dieu en nous.

  A026000563 

 Je ne dis pas une connoissance, mais une reconnoissance et profession cordiale et volontaire; parce que plusieurs connoissent quilz ne sont rien, qui ne le veulent pas reconnoistre, advouer, ny professer.

  A026000563 

 La sainte humilité, qui est la plus petite et neanmoins la plus necessaire de toutes les vertus, n'est autre chose qu'une volontaire profession et reconnoissance de nostre vileté et abjection en ce qui, en nous, [est] de nous mesme.

  A026000565 

 Et comme l'humilité nous ravale en nous mesme devant Dieu, elle nous fait aussi humilier devant le prochain, car elle nous fait regarder qui nous sommes selon nous, et quel est le prochain selon Dieu.

  A026000565 

 La charité donne la juste estime a Dieu, et l'humilité a nous mesme: et comme ceux qui ont esté longuement parmi la splendeur ne voyent [86] goutte en l'ombre ou en quelque lumiere un peu obscure, ainsy ceux qui se sont addonnés grandement a l'estime de Dieu ne s'estiment rien eux mesme; comm'au contraire, ceux qui ont demeuré longuement, en tenebres, venans a la clarté du soleil n'en peuvent presque soustenir la grandeur, laquelle leur est dautant plus esclattante, ainsy ceux qui ont demeuré en la connoissance de leur neant admirent bien davantage la majesté de Dieu.

  A026000566 

 En somme, a mesure que nous descendons par l'abjection et mespris de nous mesme et vraye estime de nostre neant, nous remontons par l'estime de Dieu et de ses dons; et c'est cette sainte vertu qui supprime la fause estime de nous mesme produite par l'amour propre, affin que nous [87] estimions plus les graces de Dieu, tant en luy, qu'au prochain, qu'en nous mesme..

  A026000566 

 La vileté de cœur non seulement nous ravale jusques a nostre neant, mais nous y laisse, sans nous vouloir permettre [de voir] ce qui est de Dieu en nous; l'humilité nous ravale en ce qui est de nous, mais c'est pour nous faire plus estimer ce qui est de Dieu en nous.

  A026000567 

 Mais par ce que la sainte humilité est une vertu qui nous regarde principalement, nous pratiquons l'humilité seulement en nous mesme et sur nous mesme; car, quant aux autres, nous la prattiquons envers eux et non en eux ni sur eux: c'est pourquoy nous ne regardons pas en eux ce quilz sont d'eux mesme, mais ce quilz sont en Dieu, et partant nous les estimons grandement, et non pas nous.

  A026000568 

 Il y a encor une vertu qui range nostre esprit en l'estude et appetit de connoistre les choses, affin que nous ne desirions sçavoir que ce qui est convenable, comm'il est convenable et autant quil est convenable, et pour la fin convenable, en sorte que nous evitions d'un costé, la curiosité qui nous porte au desir [de] sçavoir ce qui ne nous appartient pas, ou d'autre façon quil n'appartient, ou plus qui' n'appartient, ou pour autre intention quil n'appartient, et d'autre part, la negligence qui, par une contraire extremité, nous destourne d'apprendre ce qui nous est necesre et convenable.

  A026000569 

 (De ceci il y a un chapitre en l' Introduction: De la conversation.) Et par ce que cette bienseance a une beauté particuliere, qui de soymesme est aymable, la vertu qui nous affectionne a procurer cette beauté est aussi particuliere; bien qu'outre cela plusieurs dignes respectz nous obligent a cette modestie, et sur tout l'amitié, affabilité et edification du prochain.

  A026000569 

 Celle ci est suivie de la modestie, qui modere nostre maintien, nos mouvemens, gestes et actions exterieures, et les reduit a la vraye bienseance, selon la varieté des personnes, des lieux, des tems et des affaires; a la charge, dit le grand saint Ambroyse, l. I. Off., c. 18, qu'il ny ait rien d'affecté, car tout ce qui est fardé desplait; et sil y a quelque defaut en la nature, il le faut corriger par le soin, en sorte que l'on voye l'amendement, mais pur et sans artifice.

  A026000570 

 Aucuns l'appellent mal a propos parcimonie, d'autres l'appellent mieux frugalité, d'autres honneste suffisance; mays en somme, c'est une certaine moderation qui reduit tout nostr'exterieur a la rayson, suffisance et bienseance.

  A026000570 

 Et outre cela, le grand saint Thomas adjouste la simplicité, qui non seulement modere ces choses, mais contient nostre soin, affili quil ne s'espanche pas trop en ces choses exterieures.

  A026000570 

 Il y a aussi un'autre modestie, qui modere et ordonne la bienseance es habitz, pareures, logis, meubles, table, serviteurs et autres telles choses exterieures.

  A026000574 

 C'est une verité, que qui ne se sauvera pas par Marie perira, comme tout ce qui estoit hors de l'arche de Noë fut a perdition; non que Marie soit cause absolue de la redemption, car c'est Jesus, son adorable Filz, mais elle est le moyen duquel ce Redempteur s'est voulu servir en prenant d'elle son humanité.

  A026000580 

 Si la femme de l'Evangile crioit dans les places publiques ou Jesus passoit: Beni soit le ventre qui vous a porté et les mammelles qui vous ont allaité, devons nous pas donner des benedictions perpetuelles au sacré cœur de Marie qui a tant aymé Jesus? O Vierge glorieuse, vous aves receu le Verbe en vostre cœur avant que de le recevoir [90] en vostre sein, et vous estes plus heureuse de l'avoir aymé souverainement et sans intermission que de l'avoir porté corporellement en vostre sein et entre vos bras; et c'est ce que Nostre Seigneur nous vouloit signifier quand il a dit: Mays plustost bienheureux sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est aux Cieux, c'est a dire qui n'ont qu'un mesme esprit et qu'un mesme cœur avec Dieu.

  A026000582 

 Dans cet esprit elle receut saint Paul et saint Denys Areopagite qui proteste qu'ayant veu Marie, s'il n'eust esté bien affermi dans la foy, il auroit pris Marie pour une divinité..

  A026000584 

 O Mere de vie, que faysies vous en ce triste Calvaire qui estoit un lieu d'agonie et de mort? L'amour severe du Pere eternel s'appliquoit a vostre ame, affin que par la douleur mortelle que vostre cœur endura, vous fussies la premiere martyre de l'Eglise naissante et la Reyne souveraine de tous les Martyrs..

  A026000588 

 Vostre cœur douloureux et amoureux offroit les unes et les autres au Pere eternel, sçachant bien que [91] c'estoyent les larmes d'un Dieu qui devoyent produire des joyes eternelles aux enfans de salut..

  A026000604 

 Et de la tires ce propos, de ne rendre jamais la forteresse qu'a Celuy a qui est ledit estendart, ni n'ouvrir jamais le cachet qu'a Celuy a qui est la clef..

  A026000604 

 Imagines vous quelquefois que vostre cœur est un jardin et que, vous signant, vous y mettes l'arbre pretieux de la Croix; ou bien qu'il est comme une forteresse, en laquelle vous plantes cest estendart; ou qu'il est comme un cabinet, lequel vous fermes avec cette clef; ou qu'il est comme une lettre, laquelle vous scelles de ce sceau, affin qu'elle ne soit exposee a la veüe des ennemis, suyvant le desir de l'Espouse qui dit: Mettes moy comme un cachet, ou comme un estendard sur vostre cœur.

  A026000610 

 Toute verité qui n'est point charitable.

  A026000611 

 Vient d'une charité qui n'est pas veritable..

  A026000613 

 Si les hommes vouloyent, ilz gousteroyent en ce monde les felicités des Espritz celestes et n'auroyent point besoin, dit un ancien, de chercher d'autre paradis que celuy qui se rencontre en la societé civile, laquelle, par la vertu de charitable union, ne feroit qu'une seule mayson de celles qui sont separees en ce monde.

  A026000614 

 Espritz malicieux qui attaquent tout le monde, cœurs remplis de ces mauvaises qualités qui se mettent entre la veuë spirituelle et l'object, et qui pensent avoir rayson de croire que tout le monde est aussi corrompu que leurs pensees sont noires.

  A026000614 

 Gens aveugles, qui crient contre la cruauté d'Abraham et qui, voyant l'espee nue, n'apperçoivent point l'Ange de Dieu qui le benit et luy dit que son sacrifice est aggreable au Seigneur des armees.

  A026000614 

 Mais vous, mes amis, repartit il, ou est le vostre? Qu'ay je affaire de produire un defaut en ma peinture, si je le puis couvrir sans offenser personne? Voyes vous, ceux qui jugent mal et qui mesdisent de leur prochain, ce sont des sangsues qui ne savent que tirer le mauvais sang et laisser le plus pur dans le cors.

  A026000614 

 Quelle injustice de [94] demander d'estre absous de toutes les fautes que l'on fait, et vouloir condamner les plus petites des autres! Je n'ay encores veu personne qui se soit mal treuvé de dire du bien de son prochain.

  A026000614 

 Qui ne regardera pas son prochain saintement, charitablement et avec pitié, ou avec le respect qu'il luy doit comme chrestien, par ce commencement il gastera toutes les parties de son ame: de la il deviendra superbe, insolent, envieux, barbare, et ne retiendra plus aucun trait de l'image de Dieu..

  A026000614 

 Si tost qu'on vist le pourtrait d'Antigone, qu'Apelles avoit tiré obliquement et de sorte que l'incommodité de son œil perdu estoit couvert par un trait de pinceau, il fut importuné de tout le monde qui luy demandoit pourquoy il ne l'avoit pas peint comme il estoit: Ou est l'autre œil? luy disoit on.

  A026000615 

 Combien de voleurs y a-il dans les forestz qui serviroyent mieux Dieu que moy, s'ilz en avoyent receu autant de graces? Combien de miserables seroyent plus spirituelz que je ne suis, si Nostre Seigneur leur avoit donné le loysir d'estudier et le moyen de le connoistre? Regardons les differences qui se sont treuvees entre saint Pierre et Salomon: l'un fut meschant, l'autre le plus sage de son tems; le mauvais se fit sage, et le sage devint insensé.

  A026000615 

 Judas eut des commencemens de sainteté plus accomplis que ceux qu'on se pourroit figurer en la personne qu'aujourd'huy nous estimons la plus parfaitte; saint Paul en eut de pires et fut plus cruel persecuteur de l'Eglise de Jesus Christ que le plus eschauffé tyran de ce siede ne l'est a nos pauvres freres qui sont parmy les infideles: celuy qui estoit Apostre et l'un des plus cheris de Dieu, se rendit le plus malheureux du monde; et celuy qui ne valoit rien devint le meilleur et le plus ardent defenseur de l'Evangile..

  A026000616 

 Heureux celuy qui vit tous-jours en crainte et qui, estant occupé en la consideration de ses propres defautz, n'ouvre point les yeux pour regarder les vices des autres.

  A026000621 

 [Il devroit] ressembler aux pasteurs, qui paissent les aigneaux, encores qu'ilz ne leur donnent ni laict ni laine.

  A026000621 

 [Il] ne devroit jamais negliger le moindre exemple pour edifier le prochain, parce que tout ainsy qu'il n'y a si petit ruysseau qui ne meine a la mer, il n'y a trait qui ne [96] conduise l'aine en ce grand Ocean des merveilles de la bonté de Dieu..

  A026000622 

 Ilz doivent s'accommoder avec ceux qui les viennent visiter, comme saint Jean, lequel n'ordonnoit aux soldatz qui le venoyent treuver au desert sinon de garder les commandemens de Dieu.

  A026000622 

 L'abord des personnes qui commandent doit estre comme l'entree de la boutique d'un chirurgien, ou l'on ne fait que relever la moustache, anneler les cheveux et faire la barbe.

  A026000623 

 On ne se doit point tant embrouiller la teste d'advis ni en multiplicité de conseilz; les livres sont plus croyables et moins interessés que ceux en qui nous avons confiance, et il faut prendre garde que les autres se trompans ne nous abusent aussi, et ne sortent d'avec nous comme la guespe, apres avoir laissé son aiguillon.

  A026000628 

 Aux mutineries des peuples, on leur permet quelque chose semblable a ce qu'on tire des cabinetz pour appaiser les enfans qui pleurent; aussi tost qu'ilz ont cessé de pleurer, on le leur oste, et s'ilz recommencent a crier pour le ravoir, au lieu de confitures on prend une petite verge..

  A026000629 

 Rien ne perd tant les Ordres que le peu de soin qu'on [98] apporte a examiner les espritz de ceux qui se jettent au cloistre.

  A026000630 

 Ceux qui prennent ce parti par un despit d'avoir un courage haut avec une basse fortune, apportent plus de desordre parmi les cloistres que de bon ordre en eux.

  A026000630 

 Et lhors que d'autres s'y rendent par un mouvement de promptitude que leur met en l'esprit quelque tendre et peu judicieuse imagination, ilz font ni plus ni moins que la pierre au partir de la fronde, qui demeure arrestee quand l'effect de la machine commence a manquer; car, a nommer cela par son nom, ce sont des pensees lourdes et grossieres, qui s'efforcent en vain de monter vers le Ciel; ou bien des espritz semblables aux cabanes qui sont sur le rivage d'un fleuve, que la premiere pluye emporte..

  A026000631 

 Il vaudroit mieux n'avoir que deux Maysons en tout l'Ordre, que de les estendre avec des voyes de prudence humaine; car tost ou tard les fondemens qui sont sur le sable et ne seront pas en la pierre de Jesus Christ, feront tomber tout l'edifice..

  A026000643 

 Ictericz, id est qui ont la jaunisse, portans sous leurs piedz nudz la grande chelidoine, guerissent.

  A026000647 

 Le suc de minais cuit en eau guerit soudainement la morsure des serpens si on les en fomente; et ceux qui [101] touchent ce mesme suc espandu par l'herbe, ou qui en sont arrousés, meurent sans aucun remede.

  A026000651 

 En Elephantine, region d'Etiopie, croist l'herbe ophiusa, livide, horrible a voir; beüe, fait quil semble avoir devant les yeux menaces des serpens et choses espouvantables, dont ceux qui en ont beu se tuent eux mesmes; dont anciennement on contraignoit les sacrileges d'en boire.

  A026000653 

 Theangelis, au Liban de Sirie: qui en boit, prædit les choses futures.

  A026000655 

 Appian Alexandrin escrit que les Parthes, mis en fuitte par Marc Anthoine, pressés de la faim, ont trouvé une certaine herbe que, qui en mange, oublie tout et [102] n'entend qu'a tirer tous-jours des pierres de terre; et meurent ainsi en la peine.

  A026000656 

 Le scorpion ne pique qui porte la racine de polemonia, ou la piqueure ne fait aucun mal.

  A026000657 

 Qui la touche, meurt; dont on attache a icelle un chien qui, l'arrachant, en meurt, apres quoi elle ne nuit point.

  A026000660 

 Telle est sa nature, quil tue la personne qui n'a dedans soi chose qui la puisse tuer.

  A026000664 

 Desmoulins, l. II, c. LVII,] qu'aussi tost quilz oyent les instrumentz ilz perdent leur mal, et sautent et dansent comme silz estoyent sains; si les sonneurs d'instrumentz cessent, ilz tumbent en terre et reprennent leur mal, sinon quilz ayent des-ja tant sauté que le venin soit sorti par sueurs; si que on loüe des menestriers qui, les uns apres les autres, sonnent jusques a ce quilz soyent gueris.

  A026000664 

 Venin de la tarantole, ainsy nommee pour Tarante, ville de la Poüille, fait que les piqués chantent, rient, pleurent, veillent, dorment; divers et innombrables effectz procedent de la diversité du venin de ces animaux, ou de la diversité de la temperature de ceux qui en sont piqués.

  A026000665 

 La Sardaigne est sans serpens, mais en lieu d'icelles (sic) ell'a un'espece d'aragne nommé solifuga, parce [104] qu'elle fuit le jour, qui fait mourir ceux qui s'assisent dessus.

  A026000667 

 Dæmocrite dit que sa langue arrachee, luy vivant, fait gaigner les proces a qui la porte sur soy; cela s'entend de la langue des advocatz, qui sont des vrais chamæleons.

  A026000679 

 Celuy ne sera offencé de l'ophtalmie qui portera avec soy la racine de la parelle sauvage.

  A026000680 

 Les Schites ont treuvé un' herbe naissant a l'entour de Bætia, nommee schitica, fort douce au gouster, qui est grandement estimee parce qu'en la tenant a la bouche on ne sent ni faim ni soif.

  A026000683 

 Les bestes deviennent estourdies et endormies si elles [105] sont touchees de l'herbe therionarca qui croit en Capadoce et Misie.

  A026000685 

 Es Bactres, a l'entour de Boristenes, croit gelotophilis qui, beue avec vin et mirre, fait sembler que l'on voye plusieurs choses, et ne cesse l'on de rire si on ne boit des pignons avec du vin de palme, poivre et miel.

  A026000687 

 J'ay une racine trouvee par Francesco Calceolario, Veronnois; ayant trempé en vin une nuit, qui en boit ne peut manger, pour faim quil aÿe, sil n'hume une cueilleree de vinaigre.

  A026000690 

 L'aymant tire de sa propre vertu le fer a soy, hormis celuy qui est rouillé; pourveu aussi que la pierre ne soit point frottee d'aux, ou quil ny ayt point de diamant aupres.

  A026000691 

 La pierre theamedes, qui croit es montaignes d'Etiopie non pas loin de la montagne de l'Aymant, a la vertu du tout contraire, car si on luy approche du fer, incontinent elle le rejette et chasse.

  A026000691 

 Partant, ceux qui avec semelles de fer cheminent par la montaigne d'Aymant, ilz ne peuvent [106] mouvoir les piedz, et par le mont Theamedes ilz ne se peuvent soutenir et ne font que trepigner.

  A026000704 

 Acabo, animal arabicum, fugit ab eo qui defert radicem colochintidis.

  A026000725 

 Il a la nature du duvet que l'on appelle plume de salamandre, avec une légère humidité onctueuse et grasse, et c'est cela qui nourrit le feu..

  A026000726 

 L' abidès, bête marine, qui vit et se nourrit dans les eaux; ensuite il change de forme et de nature, reçoit un autre nom et est appelé astoim.

  A026000728 

 L' acabo, animal d'Arabie, s'enfuit devant celui qui porte une racine de coloquinte..

  A026000730 

 L' achantis, oiseau qui ressemble au passereau, fait son nid dans les épines, et si un cheval ou un âne s'en approche, il se pose sur leur dos, et, imitant le hennissement des chevaux, se moque d'eux..

  A026000738 

 Le caprimulge (engoulevent), gros oiseau qui suce le lait des chèvres, d'où suit pour elles le dessèchement du lait, ou bien leur cécité..

  A026000740 

 L' alce (élan) est un animal qui a la forme, la couleur et la grandeur d'un mulet; il a la lèvre supérieure si avancée qu'il ne peut paître l'herbe qu'en marchant à reculons..

  A026000741 

 L' alforas est un poisson qui s'engendre de la pourriture de la vase.

  A026000782 

 Sa génération, qui la racontera?.

  A026000804 

 Et ayant monstre les chevaux de ses parties aux chevaux naturelz, ilz n'en tindrent compte; mais leur ayant monstré le sien, ilz commencerent a hennir contre: qui servit par apres de regie aux espreuves de peintures.

  A026000804 

 Il fit un cheval a l'envy d'autres peintres qui vouloit (sic) emporter le prix sur luy, et se doutant que la faveur de ses parties ne luy fit perdre le prix, il ayma mieux suivre le jugement des bestes.

  A026000805 

 Ayant donq souvent osté les couleurs quil avoit assisses avec un'esponge, voyant quil ne luy succedoit pas, il jetta l'esponge contre le lieu du tableau qui luy desplaisoit; et icelle estant pleyne des couleurs qu'ell'avoyt prinses et ostees du tableau, elle les rendit en ce lieu la, et se treuverent [114] assisses si a propos que l'escume fut faitte comm'il desiroit. Heu! quam sæpe Deus nostros conatus ad bonum dirigit, nobis aliud cogitantibus! Sic... velut sp... et recte illis cecidi ..........................................................

  A026000805 

 Le chien fut presque miraculeusement fait, car ayant peint ce chien exquisement et du tout a sa fantasie (ce qui luy arrivoit peu souvent), il ne pouvoit rencontrer a bien exprimer l'escume qu'un chien jette apres quil a couru.

  A026000807 

 Nealces en usa de mesme pour l'escume d'un cheval quil avoit peint, avec un garçon qui le retenoit a le flatter..

  A026000809 

 Neanmoins, il ne se pouvoit faire quil n'eut presque tous-jours l'espee a la gorge pendant quil travailloit; et luy, pour monstrer qu'il ne s'en soucioit gueres, fit lhors un satyre admirable qui jouoit du flageolet et l'apella anapauomenos, c'est a dire s'esgayant. Ibant gaudentes a conspectu concilii.

  A026000810 

 Il fit un tableau ou il y avoit des religieuses de Bacchus et des petitz satyres qui leur rampoyent et gravissoyent contre.

  A026000813 

 Arellius, peintre fort renommé un peu avant le regne d'Auguste a Romme, est oit sujet aux femmes, et toutes les deesses quil faysoit estoyent faittes a patron des femmes a qui il faysoit la court. Hæretici Virginem Divosque pingunt ut mulieres suas et ministres, et zelotipiam Dei ut suam, justitiam Dei ut suam, misericordiam Dei ut suam, potentiam Dei ut suam: unde ex Joanne Baptista, mollem faciunt ministrum et mollibus vestitum; ex Virgine, puellam de trivio..

  A026000815 

 Nealces voulant representer le rencontre de l'armee des Ægiptiens et de celle des Perses, tous (sic) deux navales, sur [le fleuve] du Nil, et ne pouvant contrefaire l'eau du [Nil pour ce qu'elle est semblable à] la marine, il peignit [un asne beuvant à bort de riviere et un crocodile qui le guettoit.] [L. XXXV, c. XI, al.

  A026000817 

 Ceux qui ont le cors ainsy medicinal et privilegié, par leur seule presence allegent ceux qui sont mordus des animaux qui leur sont contraires. Si tetigero fimbriam.

  A026000817 

 Il y a en l'isle de Cypre, les Marses, les Psylliens et les Ophyogenes qui font fuir les serpens et guerissent ceux qui en sont mordus a leur toucher seulement la playe; item, ceux de l'isle Tentyris, qui est au Nil, ont si grande proprieté contre les crocodyles, qu'a oüir seulement leur voix, les crocodiles s'enfuyent.

  A026000818 

 VI]: Ceux qui ont autrefois esté morduz des chiens enragés ou des serpens, encor quilz soyent gueris rengregent les playes de ceux qui en sont malades a s'approcher seulement d'eux. Quam facilis est casus eorum qui cum peccatoribus versantur! Nemo habitare debet cum iis cum quibus semel peccavit, nisi cauté, nam plagæ etiam obductæ reviviscere et recrudescere faciunt vulnera..

  A026000828 

 Le grand duc, en latin bubo, et le hibou cournu sont seulz entre les oyseaux qui ont les oreilles cornues.

  A026000830 

 Le cœur est la premiere partie qui se forme et qui vit, les yeux la derniere; et ceux ci meurent les premiers, le cœur le dernier.

  A026000831 

 Tous animaux qui ont le cœur dur sont estimés brutaux.

  A026000847 

 Le crocodile est furieux contre ceux qui le craignent et qui le fuyent, et jamais ne fait teste quand on le poursuit.

  A026000848 

 Le serpent ceraste a quatre petites cornes qui se remuent, avec lesquelles il amuse les oyseaux pour les attrapper, cachant tout le reste de son cors; c. 23 [ al.

  A026000857 

 Le dragon est si grand quil entortille l'elephant, et fait tumber l'elephant qui en tumbant le tue.

  A026000859 

 Le lion ne fait rien a ceux qui se couchent et humilient, et ne s'addresse jamais aux petitz enfans, sil n'est bien pressé de faim.

  A026000859 

 Pline dit quil a veu une esclave Getulienne qui luy racontoit qu'ell'avoit eschappé la fureur de plusieurs lions par douces paroles, leur remonstrant qu'ell'estoit pauvre fille, esclave, bannie, malade, indigne de servir de proye a leur generosité; elle estoit en la Guinee.

  A026000859 

 XVIII.] Ilz ayment naturellement les gens vieux, qui ne peuvent chasser ni leur faire la guerre, comme dit Polybius qui fit le voyage d'Afrique avec Scipion; et dit qu'en ce voyage les lions y estoyent si espés qu'on n'osoit sortir des villes, et qu'on pendoit et crucifioit des lions pour faire peur aux autres.

  A026000860 

 Estant blessé, il regarde tous-jours celuy qui l'a blessé et en veut tous-jours a luy, non a autre, quel grand nombre de gens quil y aie; si on luy lance un coup sans blesser, il ne blesse point, ains foulent (sic) des pieds..

  A026000864 

 Addition: ce fut le premier Roy de Bactriane qui mena la guerre a Ninus, dit Nembrod en la Sainte Escriture.

  A026000864 

 XV]: Zoroastes a esté seul entre les hommes qui aïe ris (sic) le jour mesme quil nasquit.

  A026000866 

 Entre les oyseaux de proye, les uns ne se jetteront jamais sur un oyseau sil n'est en terre, les autres les espient seulement quand ilz volent le long des arbres, d'autres quand ilz sont branchez, et d'autres qui les prennent en l'air, a force d'aisles.

  A026000866 

 Les pigeons, connoissans le naturel de l'oyseau qui les poursuit, quelquefois se jettent en terre, quelquefois volent par dessous, et font tous-jours le contraire du naturel de l'oyseau de proye.

  A026000867 

 Soldi, ville au cap d'Anthioche, appellee Seleucie, au dessus de laquelle le mont Casius (il y en a un autre de mesme nom qui confronte l'Arabie), si haut qu'a deux heures apres minuit, d'un costé on voit le soleil levant, de l'autre la plaine nuit; c. [XVIII, al.] 22.

  A026000868 

 Et pour recompense, quand le petit coucu se sent asses fort pour s'en voler, il se jette sur les parons qui l'ont eslevé et les mange.

  A026000868 

 Il change de voix par fois; il pond au nid d'autruy et principalement en celuy des ramiers, pour eviter la fureur de ceux qui voudroyent abolir sa race, car tous les oyseaux luy font la guerre, estant asses poltron et timide.

  A026000868 

 Les parons qui le couvent et au nid desquelz il esclost ne tiennent conte de leurs petitz en comparayson du petit coucu qui, estant [126] plus goulu que les autres, mange leur viande et se rend gras et poly; dont le paron se mire en luy, se baignans de voir un si bel oyseau quil pensent (sic) avoir produit, jusques a luy permettre de manger et se paistre de leurs petitz propres devant leurs yeux.

  A026000869 

 XLIII]. Egregia descriptio concionatoris, qui supereminet fluctibus maris et, lux, in tenebris lucet..

  A026000870 

 Les poissons qui portent les perles sont quasi faitz a mode d'huistres.

  A026000870 

 Leur sayson de concevoir estant venue, elles s'ouvrent pour recevoir la rosee qui leur sert de semence genitale, et le fruit qu'elles rendent sont perles grosses ou petites, selon la quantité de la rosee.

  A026000874 

 Dormierunt somnum suum, etc. Divites nunquam quiescunt nisi habeant magna spatia terrarum, qui per somnia et ludicras cogitationes et desideria, modo huc, modo illuc, volvuntur..

  A026000875 

 LXIX]. Hæretici, muli, nunquam cum iis concordant qui facti sunt ut jumentum apud Deum, id est Catholicis; et hæretici sunt steriles, ultra non proficiunt..

  A026000878 

 LXXXI]. Qui inter virgines degit pariter albus fit castitate; exeat ad mundum, amittit priorem albedinem..

  A026000882 

 [Preface de Mattinoli, traduction de Du Pinet, p. 12.] Sic dæmon cura tetigit Christum, qui vere Scilla in terra posita est et miræ virtutis..

  A026000883 

 Les chiens, tant quilz sont couvertz de l'ombre d'une hiene, ne peuvent abbayer ni mordre, ou abbayer contre celuy qui porte la langue d'une hiene.

  A026000884 

 L'herbe polipode mise sur les cancres leur fait en peu d'heure despouïller l'escorce qui les couvre.

  A026000888 

 Qui vult animam habere castam, incubet super agnum castum, id est super meditatione vitæ et mortis Christi..

  A026000891 

 La torpille amortit le bras qui la touche, mesme avec une longue perche.

  A026000892 

 Le serpent catablepa fait mourir tous ceux qui le regardent, [131] voire a la distance de mille pas.

  A026000897 

 ch. 60: Il fait devenir pasles ceux qui en boivent ou qui s'en frottent.

  A026000900 

 Cors tués par le foudre deviennent secz et ne pourrissent jamais; dont le poete qui dit Phaeton frappé de foudre pourrit en certaine vallee, a esté reprins.

  A026000906 

 Roseau et feugere tellement ennemies, que si on tient au soc de la charrue un roseau attaché, toute la feugere qui sera en la terre labouree meurt; au contraire, les roseaux et asperges s'entr'ayment fort.

  A026000907 

 Les martes, fouines, belettes ne touchent aux poules frottees du jus de rue, ni le renard a celles qui ont mangé du poulmon de renard.

  A026000911 

 Il ni a toreau si furieux qui ne s'appaise estant attaché a un figuier. Christo confixus sum cruci; et quis ibi non securetur?.

  A026000915 

 La chair des moutonz morduz du loup est meilleure, [134] mais la laine engendre des poux au drap qui en est fait, [Ibid.].

  A026000916 

 Il recite que au sac de Hierusalem, les Juifz se voulans perdre, voulurent aussi ruiner les jardins de baume qui n'estoyent que deux, mais bien grans; au contraire, les Romains les defendirent et se donna une bataille..

  A026000916 

 Il retire a la vigne: on le plante par chappons et prouvins; on l'accoustre comme la vigne qui se soustient d'elle mesme sans eschalas; on le taille comme la vigne; ses feuilles ressemblent a celles de la rüe et sont tous-jours vertes.

  A026000920 

 L], nommé cinamologue, qui fait son nid de branches de cinamome; en Arabie, les chasseurs l'abbattent avec des fleches pour s'en prævaloir..

  A026000923 

 Ilz chantent en parfaitte melodie [136] quinze jours seulement et au feuiller des arbres; l'un ne chante comme l'autre, et a l'envi a qui fera mieux, et quelquefois, sur la contention, ilz meurent en chantant, la vie leur manquant avec la voix.

  A026000923 

 Ilz muent et changent de pennages; ilz se retirent en hiver, Pro virginibus cantantibus canticum novum, quod nemo scit nisi qui accipit, car chasque rossignol a son chant particulier.

  A026000926 

 Elle fuit ceux qui l'approchent; qui la touche, il faut quil meure, si il ne la porte pendante en la main.

  A026000926 

 On fouit donq la terre a l'entour et y attachent un chien, lequel voulant suivre son maistre, il l'arrache et meurt incontinent, comme au lieu de celuy qui la devoit arracher; apres cela, on la prend sans peril.

  A026000927 

 J'ay une racine, dit Mathioli, treuvee par Francesco Calceolario, Veronnois, laquelle ayant trempé une nuit dans du vin, qui boit du vin ne peut nullement manger, pour fain (sic) quil aÿe, jusques a ce quil aye beu une cueïlleree de vinaigre..

  A026000930 

 Desmoulins, Epitre, p. 5.] Resurrectio Christi media nocte, qui post cænam in mare demersus fuit..

  A026000931 

 La cigue qui tue estant avalee, mise sur les yeux en guerit les inflammations; Mathioli, [l.

  A026000938 

 Dioscor., l. VI, proœmium.] Cocombres s'alongent pour descendre dans l'eau qui leur sera voysine et remontent pour s'esloigner de l'huile..

  A026000942 

 La cresserelle est bonne aupres des pigeons, car elle espouvente, par un certain naturel qu'ell'a, tous animaux de proye, qui craignent son regard et son cri. Humilitas [139] debet adesse cuilibet virtuti, nam eam timent dæmones.

  A026000943 

 Ibidem: Au tems du siege de Modena, Decimus Brutus, qui estoit dedans, faysoit sçavoir de toutes ses nouvelles au camp des consulz par le moyen des pigeons, leur attachant des billetz aux piedz: de quoy donq servoit a Antonius de tenir Brutus soigneusement enfermé, puisqu'il avoit ses postes en l'air? Pro oratione, quam in hoc ergastulo ad Deum et Sanctos fundimus, nam Spiritus Sanctus eam innotescere facit Sanctis, interpellat pro nobis gemitibus innenarrabilibus, vel Angeli.

  A026000945 

 Il les pria de luy donner loysir de jouer encor un coup de sa cytre, ce qu'ilz firent; et tout incontinent, des daulfins vindrent, et fut receu par l'un d'iceux qui le porta au cap de Tenaro, » qui est en la contree de Misistrat en Lacedemone.

  A026000946 

 Les pescheurs tendent leurs filetz en ladite morte, et par ce que les muges s'eschapperoyent par l'emboucheure, ilz crient aux daulfins: Simon, simon! Les daufins accourent et gardent l'emboucheure; si que les muges qui ne sont prins au (sic) filetz et qui les veulent eschapper sont tués par les daulfins, qui par apres les mangent; et le jour suivant les pescheurs, pour les recompenser, leur donne (sic) du pain trempé en vin. Heu me! quid faciet anima quæ se in aquas mortuas voluptatum injicit? Vel a mundo, vel a dæmone capiet.

  A026000947 

 En Chipre, es forneaux et forges de bronze qui y sont communes, on y voit au milieu d'iceux un'espece de grosses mouches a 4 piedz qui volent parmi le feu et sont appellees pirates ou piraustes; si elles sortent du feu un peu loin, elles meurent.

  A026000948 

 V-VI]: Mouches a miel enduisent leurs ruches du commosis et y meslent du jus des herbes les plus ameres qu'elles puissent rencontrer, affin de desgouster les menues bestioles qui s'y voudroyent affriander, et bastissent de mesme les entrees.

  A026000950 

 En Levant, il y en a de rons et fort grans, environnés de cercles faitz de leur escorce, de la grosseur du poulce, mis a mode de degrés asses pres l'un de l'autre; et cela sert de robbe a l'arbre et de degré a ceux qui veulent y monter.

  A026000950 

 Il y a des dattes que les Grecz appellent caryotes (Kάρυον veut dire pesanteur de teste, hinc carous), excellentes a manger, et font un vin singulier qui donne: fort a la teste.

  A026000950 

 L'armee d'Alexandre le Grand fut extremement endommagee de ce que ses soldatz ne se pouvoyent souler de ce bon fruit qui les estouffoyt par apres..

  A026000950 

 L'un et l'autre produit premierement la chair de la datte, puis le noyau dedans, qui sert comme de graine a la datte; on le void par ce que les jeunes dattes n'ont encor nul noyau.

  A026000950 

 Les palmiers femelles, ce dit on, croissent a leur juste grandeur, mais demeurent steriles si elles n'ont le masle au pres, par le regard duquel, ou par son exalation, ou par la poudre qui en sort, elles conçoivent et sont rendues fertiles; aussi on void les femelles s'incliner doucement et replier leurs branches du costé des masles, comme leur faisant la court, la ou le masle demeure ferme, accresté et roide; si on le coupe, les femelles deviennent steriles.

  A026000953 

 — Qui nimis accepit de fructu palmæ et Victoriæ spiritalis et vinum, id est lætitiam immoderatam, caput ejus gravate inani gloria et inebriatur superbia.

  A026000957 

 Mathioli, [ibid.]: L'huile [de scorpion] guerit toute (sic) poyson qui n'est corrosive..

  A026000958 

 Torpille endort la main qui la touche et les piedz, soit mediatement ou immediatement; elle se fourre dans le limon et arreste les poissons, les engourdissans, et les mange.

  A026000960 

 XXIII.] Christus occisus in cruce; apes, id est contemplativos, generavit, qui mellificium exercent, ut leo Samsonis, etc. Alii mortui non generant nisi frelones, id est luctuosos, tristes..

  A026000963 

 Aucuns pensent qu'elles meurent au [145] premier coup d'eguillon qu'elles donnent; autres, que non, sinon qu'elles les fichent si profond qu'elles ne les puissent retirer sans y laisser le boyau, mais que, par apres, elles sont du tout inutiles, comme les bourdons. Nota pro iracundis et iis qui vindictam exercent; c. 18 [ al.

  A026000965 

 Les araignes phalanges font leurs petitz en leurs tesnieres et les couvent en grande quantité, mais quand ilz commencent a germer ilz mangent leur mere et leur pere qui aussi s'ayde a les couver; et les scorpions terrestres de mesmes.

  A026000966 

 Ce seul animal, entre tous ceux qui ont vie, n'a point de bouche ni de cul; en lieu de bouche elles ont une pointe en l'estomac, faitte a mode d'une langue avec la [quelle elles lèchent] la rosee.

  A026000968 

 Figuiers sauvages produit (sic) des mouchons qui, ni treuvant a manger, se jettent sur les figues privees et ouvrent les souspiraux d'icelles, et par ce moyen, le soleil et vent chaud qui fait meurir le blé entre dedans; joint aussi que ces mouchons succent le lait qui tenoyt lesdittes figues en enfance, et les font meurir par ce moyen.

  A026000969 

 Elephans beuvans huile, font tumber les traitz et fléchés qui tiennent a leur peau; l. 8. c. X..

  A026000969 

 Si l'elephant rencontre un homme qui va simplement son chemin par la forest, il se monstre doux et benin a luy; sil sent la piste et frais d'un homme avant que de le voir, il tremblera, de peur d'estre surprins; s'arreste, regarde ça et la, et ne marche point sur icelle, mais la jette a l'autre suivant, et l'autre a l'autre, et tous font ainsy et se mettent en combat.

  A026000970 

 XXXV]: Polignotus, Thasien, fit un tableau qui fut despuis mis en la galerie de Pompee, ou il y avoit un homme si proprement peint sur un'eschelle, qu'on n'eut sceu dire sil monte ou sil descend. Non progredi, retrogredi est..

  A026000975 

 Zeuxis voulant faire un tableau pour ceux de Girgenti, [147] qui en avoyent voüé un au temple de Juno en [Calabre], il voulut voir toutes les filles de Girgenti nües et en choisit cinq pour amasser toutes les marques de beauté qu'elles avoyent.

  A026000981 

 Nous, Jean d'Aranthon D'Alex, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A026000993 

 Or, du tems de Caton, ceux qui pouvoyent avoir le credit de consigner la somme promise en ses mains, avoyent en cela un prejugé et tesmoignage d'innocence. Qui in Cælo regnare vult, debet propositum servandi legem habere, et fidem, spem et charitatem promittere; qui autem propositum hoc fidemque spem ac caritatem suam speciali in Virginem devotione eidem committit, ac se in ejus tutelam deponit, habet quoddam præsagium et testimonium salutis.

  A026000993 

 de Du Pinet, p. 2]: Ceux qui prætendoyent aux estatz de Rome promettoyent quelque somme des deniers au peuple, et les remettoyent es mains de quelque homme responsable.

  A026000997 

 Les loups garoux en ont aux mortz et fouillent les sepulcres: [150] sic et maledici, qui maledicunt defunctis, ut hæretici nostri temporis..

  A026000998 

 Mays quand on void deux feux, ilz apportent tout bonheur et presagent bon voyage, et a leur arrivee le feu malheureux qui est seul et s'appelle helene, s'enfuit et s'esvanouit.

  A026000998 

 nat., l. II,] chap. 37: Les lumieres et feux qui viennent sur les navires sont de mauvais præsage quand il ny en a qu'une seule, que les mariniers appellent helene; et mesme, ce feu solitaire tumbant au fond, il brusle le vaisseau.

  A026000999 

 Il y a une sorte de chevreul qui n'a qu'une corne, en Egipte, qui regarde droit cest'estoile apres qu'ell'est levee, et esternue en signe de reverence, et les chiens sont sujetz a devenir [151] enragés. Heresis, stella canicularis, dum paret in cælo Ecclesiæ, mare, id est populi, tumultuant, vinum doctrinæ subvertitur pessimis interpretationibus; capreæ Ægiptiacæ (et a cornibus unicornium humilitatem meam), homines addicti carni et lasciviæ, eam libenter adorant; denique, plerique canes, maxime ex monachis, in rabiem vertuntur..

  A026001005 

 Tentatio luxuriæ similis est aux cirons qui intus et ubique urgent, maxime desiccatis; nam sudantes et cerosum humorem emittentes vix urgentur.

  A026001011 

 Ceux qui transpirent ou suintent une humeur visqueuse sont à peine attaqués.

  A026001011 

 La tentation de luxure est semblable aux cirons qui s'attaquent au dedans et au dehors, surtout des objets secs.

  A026001023 

 Les dams de la Cilicie ne sortent jamais de la province et ne passent jamais les montz qui la divisent de la Syrie.

  A026001025 

 Xagua, plante de l'isle Espagnolette, produit un suc blanc a merveilles, qui tache neanmoins les draps d'une noirceur qui ne peut estr'ostee.

  A026001028 

 Une poule qui meyne les poussins, en voyant un'autre qui meyne les paonneaux, elle laisse les siens, de jalousie [154] et desdain. Sic plerique relinquunt iter virtutum cum vident alios perfectiores; relinquunt opera vacationis cum vident alios opera pulchriora facere, ut prædicare, etc. At vero, deberent considerare melius esse opera propria ac pullos proprios ducere, quam opera gratiarum gratis datarum et quæ in utilitatem solum aliorum sunt, et pullos alienos habere..

  A026001044 

 Les enfans qui parlent fort tost, marchent tard; Plin., l. XI. c. 51 [ al.

  A026001049 

 » O qui incumbitis altis, non aptis scientiis, audite..

  A026001070 

 In Tract, de imperio et regno amoris: cum constitutum sit amorem residere in suprema parte animæ, veluti in supremo totius regni solio, facienda erunt capita quibus ostendamus hunc amorem supremum, uti amoribus inferioribus: scilicet, quomodo charitas utatur amore concupiscentiæ, qui est spes, illique imperet; quomodo utatur amore desiderii, amore benevolentiæ; deinde, quomodo utatur timore, gaudio, dolore cæterisque omnibus animæ passionibus; tum vero, quomodo utatur virtutibus, et sic ubique regnet.

  A026001071 

 Amor qui expletur summo bono, alacrior est ad amorem et non vult cessare, unde et satietas sine fastidio; desiderium habet et quietem; desiderat non rem absentem, sed presentem et quam habet, non enim tam expletur quam repletur.

  A026001072 

 Ad cap. de amore congenito et intimo, nobis addenda similitudo de eo qui aquas in terra latentes ad puteum faciendum querit: nam tempore calidissimo æstatis, cum terra valde sicca est, paululum ante solis ortum, prostratus humi circumspicit ad orientem planiciem terræ, et ubi videt nebulum et vaporem tenuem, ibi judicat latere fontem quem alioqui non videt.

  A026001072 

 Sic, quamvis in nobis non appareat amor Dei super omnia, videmus enim, si recte inspiciamus, quemdam vaporem, qui etiam tempore siccissimo apparet: quosdam, scilicet, mentis affectus, quasdam inclinationes quæ fontem hujus amoris latentem indicant..

  A026001083 

 XXVIII]; ut videmus morbos communicari per amorem: Quis infirmatur et ego non infirmor? Oculorum inflammationem contrahimus, maxime inter amantes; ut ista stigmata, presupposto ferventissimo amore compiacentiæ, partim fuerint naturaliter [163] attracta, partim miraculose inflicta ab amato qui, ut amanti complaceret, vulnera quæ sibi tantopere placebant, inussit..

  A026001100 

 Et y a difference entr'un homme de bien et homme devot, car cestuy-la est homme de bien qui garde les commandemens de Dieu, encor que ce ne soit pas avec grande promptitude ni ferveur; mais celuy-la est devot qui non seulement les observe, ains les observe volontier, promptement et de grand courage..

  A026001101 

 Pour ce faire, il faut premierement prendre garde de n'avoir point la conscience chargee d'aucun peché, car le peché est un si pesant fardeau que, qui le porte ne peut cheminer contre mont; c'est pourquoy il se faut confesser souvent et ne jamais laisser dormir le peché dans nostre sein.

  A026001101 

 Secondement, il faut oster tout ce qui peut embarasser « les piedz » de nostre ame, qui « sont les affections, » lesquelles il faut retirer et desprendre de tout object non seulement mauvais, mais de celuy qui n'est pas bien bon, car un cheval entravé ou piqué ne peut courir..

  A026001103 

 Et touchant la priere, je vous advertis que, premierement, vous ne devés jamais laisser de dire l'Office ordinaire, qui est commandé de l'Eglise, et plus tost faut laisser toutes autres prieres.

  A026001103 

 Troysiesmement, ayes l'usage des oraysons jaculatoires, qui sont des souspirs d'amour que l'on jette devant Dieu pour requerir son ayde et son secours.

  A026001106 

 Le jour de vostre Communion, tenés vous la plus devote que vous pourres, souspirant a Cel[uy] qui sera en vous, et le regardes perpetuellement de l'œil interieur, gisant ou assis dans vostre propre cœur comme dans son trosne, et luy faites venir l'un'apres l'autre vos puissances et sens pour ouïr ses commandemens et luy promettre fidelité.

  A026001107 

 Gardes vous de vous rendre melancolique et importune a ceux qui sont aupres de vous, de peur qu'ilz n'attribuent cela a la devotion et qu'ilz ne la mesprisent.

  A026001108 

 Procurés en vous l'esprit de douceur, joye et humilité, qui sont [vertus] les plus propres a la devotion; comm'aussi la tranquillité, sans vous empresser ni pour ceci ni pour cela, mais alles vostre chemin de devotion avec un'entiere confiance en la misericorde [de] Dieu q[ui] vous conduira par la main jusques au pais celeste; et partant, gardes [vous] des chagrins [et disputes]..

  A026001111 

 Faittes une speciale amitié avec celles qui se rangeront a la [168] devotion, et ne laisses pourtant de bien caresser les autres pour les gaigner et attirer au mesme chemin..

  A026001111 

 Le moyen de ce faire en ce commencement doit estre doux, gracieux et jo[yeux], sans commencer par reprehensions des choses qui ont esté supportees jusques a present; ains vous deves vous mesme, sans leur dire mot, monstrer tout le contraire en vostre vie et conversations, vous occupant devant elles en saintz exercices: comme seroit, faysant quelquefois des prieres en l'eglise, ou bien mesme la meditation, disant le Chapelet, faisant lire quelque livre spirituel pendant que vous travailles de l'eguille, et les caressant plus doucement et modestement que jamais.

  A026001112 

 Tenes-vous courte avec les conversations mondaines et ne permettes pas, que le moins que vous pourres, qu'elles soyent en vostre chambre particuliere, pour, petit a petit, procurer que le dortoir des Dames en soit entierement exempt; ce qui seroit bien requis, et vostre exemple en est un grand moyen..

  A026001117 

 Petit a petit, et lhors que vous les y verres embarquees, il faudra traitter plus entierement du restablissement de la perfection et de la Regie, qui sera le plus grand service que vous puissies faire a nostre Sauveur: mais tout cela doit proceder non tant de vostre authorité, comme de vostre exemple et douce conduitte..

  A026001118 

 Que vous seres heureuse si, a la fin de vos jours, vous pouves dire comme Nostre Seigneur: J'ay consommé et parfait l'œuvre que vous m'aves mis en main! Desires le, procures le, penses a cela, pries pour cela; et Dieu, qui vous a donné la volonté pour desirer, vous donnera les forces pour le bien faire..

  A026001125 

 Considerés qu'estant creée a cette intention, toutes actions contraires a cela doivent estre extremement evitees, et celles qui ne servent de rien a cela doivent estre mesprisees..

  A026001127 

 Faites une representation de vostre misere, qui a esté si grande quelque tems, que vous aves esté de ce nombre-la.

  A026001128 

 Resolves vous, et faites un ferme propos de cy apres vaquer fidellement a ce que Dieu desire de vous, luy disant: Vous seres cy apres mon unique lumiere pour mon entendement; vous seres l'object de ma souvenance, qui ne s'occupera plus qu'a se representer la grandeur de vostre bonté si doucement exercee en mon endroit; vous seres les seules delices de mon cœur et l'unique Bienaymé de mon ame..

  A026001132 

 Ah, Seigneur, j'ay de telles et telles pensees, je m'en abstiendray cy apres; j'ay trop de memoire des picques et injures, je la perdray doresnavant; j'ay mon cœur encor attaché a telle et telle chose, qui est inutile ou prejudiciable a vostre service et a la perfection de l'amour que je vous dois: je le retireray et desengageray entierement, moyennant vostre grace, affin que je le puisse tout donner au vostre..

  A026001133 

 Pries Dieu fervemment qu'il vous en face la grace, et prattiqués ce jour mesme, en quelque chose, ce qui se pourra touchant ce poinct..

  A026001137 

 C'est celuy qui desire vostre perfection en Dieu, es entrailles duquel il est.

  A026001149 

 Apres tout cela il faut faire la demande, suppliant Dieu quil luy playse nous donner la grace de bien le servir et executer fidellement nos bonnes resolutions, l'adjurant par le merite de son Filz, et particulierement par celuy qui reluira au mistere que nous aurons medité, par l'intercession de la Vierge et des benitz Saintz.

  A026001157 

 Et comme ceux qui sortent d'un jardin cueillent quattr'ou cinq fleurs pour les porter en leur main, les sentir et regarder le long de la journee, ainsy nous faut il choisir deux ou trois point (sic), ou au moins un de ceux que nous aurons le plus gousté, pour, le long de la journee, le sentir et ressentir coup sur coup selon la diversité des occasions, et s'en aller en paix et tranquillement vacquer aux affaires ausquelles Dieu nous appelle, quelles qu'elles soyent..

  A026001162 

 J'ay choysi un mistere qui est des plus beaux et fertiles, et sur lequel neanmoins je ne diray que fort peu au prix de ce qui s'en pourrait dire.

  A026001172 

 Et donques, diray-je, cette mer de perfections, cet abisme de bonté, non seulement m'environne de tous costés, mais se communique par une vraye presence et tres entierement a ce cœur desloyal, a cett'ame felonne! Helas, mon Dieu, mon Seigneur, il me semble que mon cœur, ainsy profondement meslé et uni de toutes pars a vostre divine presence, n'est autre chose qu'un vil et venimeux crapaut qui nage, se supporte et maintient dans une mer de bausme tres prætieux.

  A026001177 

 Il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars de la ville de Hierusalem pour voir crucifier mon Sauveur, je me treuve au mont de Calvaire, en un lieu un petit plus esloigné que les autres, mais aussi plus advantageux et relevé, d'ou je voy plus aysement le triste et cruel spectacle de la crucifixion.

  A026001178 

 Je descouvre l'un' et l'autre main attaché (sic) et les deux pieds aussi, qui, comme quatre ruisseaux d'une mesme source, versent continuellement un sang le plus beau, clair et vermeil qui fut onques au monde..

  A026001178 

 Je voy quant et quant son divin estomach, et [176] sous son tetin gauche un perpetuel mouvement de son cœur qui pantele et tremousse d'amour et fait un'inflammation en cet endroit si grande, quil me semble tout vermeil de ce costé-la.

  A026001178 

 Soudain apres cela, je descouvre la teste couronnee d'espines, delaquelle les yeux regardent ores au Ciel avec une grande reverence, ores sur l'assistence avec une amoureuse compassion; et semble qu'avec ses regars, il aille puisser (sic) la misericorde cæleste dans le sein de son Pere, pour en arrouser ceux-la mesme qui le crucifioyent.

  A026001179 

 Et enfin, voyla la croix qui tumbe dans le creux auquel elle doit estre fichee et donne une secousse au cors qui y est pendu, au moyen de laquelle les playes s'agrandissent et plusieurs goustes de sang s'espluyent esparsement ça et la sur les plus proches, dont la plus part les ostent avec indignation et ne leur semble jamais asses tost quilz s'en puissent laver..

  A026001184 

 Est ce donques, ce dis-je, ce grand Jesus qui a tant fait de miracles, de sermons et d'actes vertueux tout le tems de sa vie? Est ce pas la le Filz de Dieu æternel, qui est Maistre du Ciel et de la terre? et comment donques est-il pendu en croix? Ne pouvoit-il pas mourir de mille sortes de mortz plus honnestes, plus doulces et supportables, puis qu'il vouloit mourir? O quil faut bien dire que cette mort a quelque secrette beauté, puisqu'elle a esté choysie par le Filz de Dieu mesme! O quelle admiration sera ou peut estre digne de cette merveille?.

  A026001184 

 Je considere premierement celuy qui est ainsy pendu et eslevé, et voy par l'escriteau, que c'est Jesus de Nazareth, Roy des Juifz.

  A026001186 

 Ce n'est pas faute d'haleyne, car il en a bien pour souspirer; ce n'est pas faute de sujet, car il a bien dequoy se plaindre; ce n'est pas faute d'auditeurs, car il en est environné; ce n'est pas faute d'estre interrogés (sic), car un chacun crie apres luy, qui ceci, qui cela.

  A026001186 

 Pourquoy donques se taist il, sinon pour tesmoigner sa mansuetude et douceur? Helas que je suis miserable! pour peu qu'on me touche, je crie, je me plains, je ne finis jamais mes lamentations, je ne rencontre personne a qui je ne communique mes regretz..

  A026001187 

 Je considere ce cœur si plein d'amour a l'endroit de ceux mesme qui le crucifient.

  A026001187 

 O feu admirable et sacré qui enflammés cette poitrine, mon Dieu, que vous estes ardent! Le vent des tribulations accroist vos flammes, la glace de vos persecuteurs vous eschauffe, et le torrent des persecutions donne force a vos ardeurs.

  A026001190 

 O saint enfant d'obeissance, o obeissance vrayement filiale! Helas, comme suis-je si presumptueux et temeraire d'apeller Pere celuy auquel je n'ay jamais bien obei, et comm'obeirois-je jusques a la mort, moy qui n'obeis pas seulement jusques a la souffrance d'une petite parole fascheuse ou d'un regard traversé?.

  A026001191 

 Et pour le regard des mauvaises habitudes et inclinations qui tormentent mon ame, helas, Seigneur, permettes-moy que je vous die: Lavés, lavés de rechef ce cœur qui, comme vase immonde, retient encor l'odeur de l'infecte liqueur de peché; lavés encor, Seigneur, et nettoyes tous-jours, jusques a ce quil soit affranchi de ceste senteur si fascheuse..

  A026001191 

 O que je suis miserable de m'y tant et si souvent abismé et veautré (sic). O que je suis chetif d'en avoir tant avalé, car je suis bien de ceux-la qui, comme dit [178] la sainte Parole, boivent l'iniquité comme l'eau! Mais puisqu'il vous a pleu, o ma douce Esperance, souffrir ces peynes et travaux pour me nettoyer de mes iniquités, je veux respirer en vostre bonté.

  A026001202 

 Il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars de la ville de Hierusalem pour voir crucifier Nostre Seigneur, je me treuve au mont de Calvaire, en un lieu un petit plus esloigné que les autres, separé et relevé, qui me le rend advantageux pour voir et considerer a part moy ce triste et cruel spectacle.

  A026001203 

 Voyla le mistere proposé en gros par l'imagination, laquelle a logé en mon cœur un lieu propre pour voir et bien considerer tout ce qui se passe.

  A026001207 

 Quand la croix tumbe dans le trou preparé auquel elle est fichee, le Sauveur reçoit une secousse effroyable, qui augmente de nouveau les playes et donne comme un coup d'estrapade a tous ses nerfs et tendons; de tous costés le sang pleut et distille; l'air et le vent froid saysissent tout ce cors eslevé, penetrant dans les playes, et le font presque transir et pasmer.

  A026001207 

 Ses oreilles n'entendent que blasphesmes, ses yeux ne voyent que la furie de ceux qui le tuent, et en tous ses sens il endure des douleurs insupportables..

  A026001208 

 Mays ce n'est rien de cela au prix des douleurs de son cœur, qui, languissant de l'amour des ames, voit une si grande perte de personnes, et sur tout de ceux qui le crucifient..

  A026001212 

 Ah! qui sera ce tigre qui ne pleurera voyant cet innocent, ce jeune Roy, le Filz de Dieu, endurer tant de peynes? Elles sont des-ja bien grandes et capables de tenir a couvert tous les hommes du monde contre l'indignation du Pere eternel.

  A026001212 

 Hé donques, mon ame, n'auras tu pas compassion de ton Sauveur qui souffre tant? Si jamais tu fus touchee de commiseration sur la nudité d'aucun pauvre emmi la rigueur de l'hyver, ne dois tu pas [181] compatir a ce pauvre Roy, qui est exposé tout fin nud sur cet arbre? Si jamais quelque pauvre ulceré te fit pitié, regarde, je te prie, celuy-la, auquel tu ne verras, de la plante des pieds jusques a la teste, aucun lieu qui ne soit tout gasté de coups.

  A026001215 

 O qui me donnera la grace que je puisse en quelque façon donner allegement a mon Sauveur affligé! Hé, que ne m'est-il loysible de prendre mes habitz plus prætieux pour couvrir vostre nudité! que n'ay je du bausme excellent pour en oindre vos play es! que ne suis je pres de vous sulla croix pour soustenir vostre cors en mes bras, affin que la pesanteur ne dechirast pas si fort les playes de vos pieds et de vos mains! Mais sur tout, que ne puis je empescher les pecheurs de tant offenser vostre cœur, qui ne feroit que se jouer de toutes les peynes de vostre cors, si pour icelles les pecheurs pouvoyent estre amendés! Que ne suis je quelque excellent et fervent predicateur pour leur annoncer la penitence! O comme ne dirois je aux iniques: Ne veuilles plus vivre iniquement; et aux delinquans: Ne relevés plus les cornes de vostre fierté et felonie!.

  A026001216 

 Comme vous respandrois-je du bausme sur vos playes, puisque je ne respandis jamais un verre d'eau pour vos pauvres? Comme voudrais je vous supporter en croix, puisque je ne fuis jamais rien tant que les croix? Et quel predicateur de penitence, moy [182] qui n'en fais point, et qui contribue tous les jours, plus que nul autre, au desplaysir que les pechés vous donnent?.

  A026001216 

 Mais, o Seigneur, pourquoy m'amuse-je a ces desirs, desquelz je n'ay la force d'en prattiquer un seul? Comme vous donnerois je mes habitz prætieux, moy qui n'en donnay jamais un vil et usé a vos pauvres? Sur la croix vous ne me les demandes pas, et je vous les offre; en vos pauvres vous me les demandes, et je les refuse! O vaynes et miserables offres qui ne se font qu'en apparence, et en effect ne sont que mocqueries.

  A026001220 

 Voules vous bien estre si acharnés a l'encontre du beni Colombeau qui niche sur la croix, que de deschirer son cœur avec les dens de vos impietés? Seigneur, ah, doresnavant je consoleray par effect le pauvre et empescheray le peché..

  A026001224 

 Exterieurement: avec un grand silence, les yeux doux et benins, qui regardent par fois au Ciel, dans le sein de la misericorde du Pere, quelquefois sur le peuple, auquel il procure la grace de cette misericorde, sa bouche n'estant ouverte en ce mistere que pour jetter des souspirs de douceur et de patience.

  A026001224 

 Il me semble que je voy en sa poitrine l'endroit du cœur qui pantele et tremousse d'amour, et fait une inflammation si grande que tout cet endroit me semble rougissant..

  A026001225 

 Mais, helas, miserable que je suis, qui ne sçaurois souffrir un mot sans crier, sans me plaindre, sans faire du bruit au logis; jamais je ne finis mes lamentations, je les estens et respans par tout..

  A026001235 

 Mon iniquité est donques bien grande: o que je suis miserable de m'y estre si souvent abismé! O Seigneur, qui me delivrera de ce labyrinthe, si ce n'est vous? O ja ne vous playse de permettre que j'y retombe plus si lourdement.

  A026001245 

 La perfection de la vie chrestienne consiste en la conformité de nostre volonté avec celle de nostre bon Dieu, qui est la souveraine regie et loy de toutes actions.

  A026001245 

 Pour donques acquerir la perfection, nous devons tous-jours considerer et reconnoistre quell'est la volonté de Dieu en tout ce qui nous regarde, affin que nous fuyons ce quil veut que nous evitions, et que nous observions ce quil veut que nous facions..

  A026001246 

 C'est pourquoy nous devons tous-jours regarder a bien observer ce que Dieu commande a tous les chrestiens, et aussi ce que nostre vocation requiert de nous particulierement; et qui ne fait soigneusement ceci ne peut jamais avoir qu'une devotion trompeuse..

  A026001246 

 Il y a des sujetz esquelz on ne peut douter quelle est la volonté de nostre bon Dieu, comm'en ce qui despend des [185] commandemens de Dieu et du devoir de nostre vocation.

  A026001247 

 C'est pourquoy il les faut recevoir de bon cœur, et conformer sa volonté a celle de Dieu qui les veut; et qui peut passer jusques au point de non seulement les supporter patiemment, mais aussi de les vouloir, il peut bien dire quil a acquis une tres grande conformité.

  A026001248 

 En quoy une grande quantité de personnes se trompent, qui ne se preparent que contre les grandes afflictions, et demeurent sans armes, sans force et sans aucune resistence es petites; la ou il seroit plus supportable d'estre moins præparé aux grandes, qui ne surviennent que fort peu souvent, et l'estre aux petites, qui sont quotidiennes et se presentent a chasque moment.

  A026001248 

 Je donne un exemple de ce que je dis: Je me prœpareray a supporter patiemment la mort, qui ne me peuvent (sic) arriver qu'une fois, et je ne me præpareray point a supporter les incommodités que je reçoy des humeurs de ceux avec lesquelz je converse, ou les importunités d'esprit que ma charge m'apporte, qui se presentent cent fois le jour: c'est cela qui me rend imparfait..

  A026001249 

 Il y [a] des autres actions ausquelles je ne suis point obligé ni par les commandemens generaux de Dieu, ni par le particulier devoir de ma vocation; et en celles ci il faut [186] estre soigneux de considerer en liberté d'esprit ce qui tend a la plus grande gloire de Dieu, car c'est cela que Dieu veut.

  A026001259 

 Neanmoins, selon la commune façon d'entendre, on n'appelle pas parfaitz tous ceux qui ont la charité, ains seulement ceux qui l'ont en un degré sublime et eminent; c'est a dire ceux qui ont un amour de Dieu et du prochain fort excellent..

  A026001259 

 Nostre Dieu nous commande d'estre parfaitz; mais en quoy consiste la perfection? C'est chose asseuree qu'elle n'est autre chose que la charité, qui comprend l'amour de Dieu et du prochain.

  A026001260 

 Puis donq que nous sommes obligés d'aspirer a la perfection, il est requis de connoistre les moyens propres pour l'acquerir, et tout ensemble les actions qu'elle produit en nous, qui n'est qu'une mesme chose; car tout ainsy que le grain du froment produit la plante et la plante produit le grain, ainsy les saintz exercices produisent la perfection et la perfection fait naistre les saintz exercices.

  A026001265 

 L'obeyssance a trois degrés en ce qui concerne les personnes a qui nous rendons obeissance.

  A026001265 

 Le premier degré, c'est d'obeyr aux Superieurs et [à ceux] qui ont du pouvoir sur nous, comme peres, meres, maris, Prelatz: donq le filz doit obeyr a son pere avec la mesme souplesse qu'un Novice d'une Religion fort reglee feroit a son Superieur; et est une niayserie de s'imaginer qu'on obeyroit bien a un Superieur de la Religion qu'on aurait choisie, si on ne peut obeyr aux Superieurs que Dieu mesme et la nature nous a donnés..

  A026001266 

 degré, c'est d'obeyr a nos compaignons et a ceux qui nous sont esgaux; et ce degré se prattique en se rendant doux et facile a la volonté de nos compaignons.

  A026001267 

 Et cela est ordonné par l'Apostre, qui veut que nous soyons sujetz a un chacun pour l'amour de Dieu..

  A026001267 

 L'exemple de cette obeyssance [189] est en Jesus Christ, qui obeit non seulement a son Pere eternel et a sa sainte Mere, mais aussi a saint Joseph et aux statutz et coustumes de l'Eglise.

  A026001269 

 est d'obeyr aux commandemens de Dieu et des superieurs; et ce degré d'obeyssance est necessaire a un chacun, car qui ne l'observe peche mortellement, quand il s'agit de quelque chose d'importance.

  A026001270 

 degré, c'est d'obeyr aux conseilz, chacun selon sa vocation: comme de demeurer vefve quand on l'est; de rechercher celuy qui nous a offencés, par caresses et courtoysies; d'ayder ceux qui en ont quelque besoin, encores qu'ilz ne soyent pas en grande necessité.

  A026001271 

 L'exemple en est en Nostre Seigneur qui fit toute sa vie tout ce qui visoit plus a la gloire de son Pere eternel, de la glorieuse Vierge Marie, sa Mere, et de tous les Saintz..

  A026001274 

 c'est quand on nous commande des choses indifferentes, c'est a dire choses qui de soy mesme ne sont ni aggreables ni desaggreables, comme seroit de se promener, de porter tel ou tel habit; et lhors la vertu de l'obeyssance est grande, et le vice aussi de la des-obeyssance bien grand..

  A026001275 

 est quand on nous ordonne de faire des choses aspres et difficiles, comme de pardonner aux ennemis, souffrir patiemment les afflictions, ou faire quelque autre chose qui soit fort contraire a nostre inclination; et lhors le merite est extremement grand en obeyssant, et le peché moins grand en des-obeyssant..

  A026001276 

 L'exemple en est en Nostre Seigneur, qui en tout a voulu que le vouloir de son Pere se fist, mesme en la Passion..

  A026001284 

 Pendant les affayres, regardés souvent la divine Bonté; ayés provision de quelques parolles enflammees qui, de tems en tems, servent de refrain a vostre ame.

  A026001294 

 Je vous voy, o mon Dieu, des yeux de mon esprit, comme une mer de perfections et un abisme de bonté qui non seulement m'environne de tous costés, mais qui habite et qui reside tres entierement et par une vraye presence dans le fons de mon miserable cœur; et il n'y a partie en moy qui ne soit totalement soustenue et animee de vostre sainte Divinité..

  A026001298 

 Helas, comment peut vivre cette miserable et si chetifye creature en une si profonde presence de vostre Bonté? Il me semble, o mon Dieu, que mon cœur ainsy meslé, uni [194] et nageant en vostre infinie Essence, n'est autre chose qu'un vil et venimeux crapaud qui flotte, se supporte, maintient et vit dans une mer de bausme praetieux..

  A026001303 

 Je m'imagine et il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars pour voir crucifier le Sauveur, je me treuve sur le mont de Calvaire, en un lieu un peu plus esloigné que les autres, separé et relevé, et par consequent plus advantageux pour voir et considerer a part moy ce triste et cruel spectacle.

  A026001303 

 Maintenant, donques, m'estant logé par imagination en ce lieu que j'ay dit, je m'imagine [195] outre cela que je voy relever ce saint Crucifié tout vivant en l'air, et que la croix est fichee et plantee en terre dans le creux qui a esté fait a cette fin..

  A026001304 

 Il reste que je poursuyve a considerer les particularités qui peuvent esmouvoir ma volonté aux saintes affections et resolutions: et cela est la meditation..

  A026001308 

 Quand la croix tumbe dans le trou preparé, le Sauveur en reçoit une secousse et comme un coup d'estrapade qui augmente de nouveau ses playes et ses douleurs; ce qui fait pleuvoir et distiller le sang de tous costés.

  A026001309 

 Pour l'interieur, ce cœur tout languissant d'amour se fend de detresse a la veüe d'une si grande perte de gens, et sur tout de ceux qui le crucifient; et il me semble qu'il die: Helas, tant d'aines pour la vie desquelles je veux mourir dessus ce bois, se perdront elles æternellement?.

  A026001313 

 Hé, qui sera ce tigre qui ne fondra en larmes sur ce jeune Roy, le plus doux de tous les hommes, vray Filz de Dieu, et qui est si mal traitté? Helas, nul n'est si denaturé qui voyant un criminel sur la roue, pour criminel qu'il soit, n'en ayt compassion: hé donques, mon ame, mourras tu point de compassion de voir ton Sauveur qui souffre tant? Voy ce cœur tant affligé pour les pechés du monde; et si ton cœur ne s'afflige avec luy, faut il pas qu'il soit plus dur qu'un diamant?.

  A026001314 

 O qui me fera la grace que je puisse en quelque façon soulager mon Sauveur en cette affliction? Hé, que ne m'est [196] il permis de le couvrir de quelque habit praetieux, de respandre sur ses playes quelque bausme excellent et supporter entre mes bras la pesanteur de ce cors! Et vous qui releves cette croix, alles y tout bellement, je vous supplie, et ne la rejettes pas si rudement dans le creux, affin que la secousse ne soit pas si grande pour ce pauvre Patient.

  A026001315 

 Je n'en donnay jamais un seul, pour vil et usé qu'il fust; et comment vous donnerois-je les prætieux? Comment respandrois-je du bausme sur vos playes, puisque j'ay bien de la peyne a respandre un verre d'eau pour vos pauvres? Hé, quel prædicateur de penitence, moy qui n'en ay point encor fait, et qui contribue tous les jours plus qu'aucun autre aux desplaysirs que vous donnent les pechés! O vains et miserables desirs, o offres inutiles, puisqu'elles ne sont qu'en apparence, et qu'en effect ce ne sont que mocqueries..

  A026001315 

 Mais, o mon Dieu, pourquoy m'amusé-je a ces desirs, moy qui n'ay presque pas la force d'en prattiquer un seul? Vous ne me demandes pas sur la croix mes vestemens, et je vous les offre; vous me les demandes en vos pauvres qui sont vos membres, et je vous les refuse.

  A026001319 

 Serons-nous si acharnés contre le saint Colombeau qui niche sur [197] l'arbre de la croix, que de massacrer et deschirer son cœur avec les malheureuses dens de nos impietés? Ah, Seigneur, ah! je seray doresnavant impitoyable en la resolution que je fay d'aymer et de secourir les pauvres, qui sont vos membres, et de procurer mon amendement et celuy des autres..

  A026001323 

 Pour l'exterieur: voyes le grand silence de cette divine bouche, qui n'est ouverte que pour jetter de doux et paysibles souspirs; ses yeux gratieux et benins regardoyent quelquefois le Ciel avec grande reverence, quelquefois ilz se tournoyent du costé du peuple qu'ilz regardoyent avec beaucoup de compassion; et il me semble que je voy en sa poitrine, du costé gauche, son cœur qui pantele et tremousse d'amour, avec tant d'inflammation, que tout cet endroit me semble rougir..

  A026001329 

 O miserable que je suis, qui ne sçaurois souffrir un mot sans replique, qui pour la moindre affliction fais sans cesse des plaintes et les respans aux oreilles de tout le monde.

  A026001339 

 Je considere encor la forme particuliere de ce mistere, qui est l'eslevation.

  A026001343 

 Mon Dieu, mon Sauveur, je vous remercie de la grace que vous m'aves faite, m'ayant permis de jetter mes yeux sur vostre divine Majesté en cette mienne meditation, et je vous rens mille actions de graces de toutes les peynes et souffrances que vous aves endurees en tout ce sacré [199] mistere; et sur tout je vous remercie de l'amour qui vous les a fait souffrir, et de cette tres misericordieuse intention que vous eustes d'appliquer a mon ame en particulier les merites que vous y aves acquis.

  A026001344 

 O Pere æternel, je vous offre toutes ces peynes et afflictions de vostre Filz mon Sauveur, ses vertus, ses merites et son sang; et en vertu de tout cela, et de l'intercession de sa Mere, de toute vostre Cour cœleste, de l'Eglise son Espouse et de tous vos fideles qui combattent icy bas en terre, je vous demande vostre sainte et paternelle benediction pour mon cœur, et vostre speciale assistance pour vostre Eglise, pour les chefz d'icelle, pour les princes chrestiens, pour mes parens, amis et bienfacteurs, pour les desvoyés, pour le soulagement des ames du Purgatoire.

  A026001349 

 C'a esté aussi l'opinion du bienheureux Pierre d'Alcantara et l'experience l'enseigne; ce que je dis, parce que desirant que vous vous servies fort souvent des Prattiques de Bellintani, vous pourries a son imitation vouloir faire autrement, ce qui vous seroit beaucoup plus difficile et moins utile.

  A026001350 

 Encor qu'il soit bon de reserver l'action de graces, la priere et l'offrande pour la fin de la Meditation, si est ce que ce sont trois affections qui se peuvent aussi faire avec les autres parmi les considerations, et se presentant, il leur faut aussi librement faire place sans les retenir..

  A026001353 

 Ainsy, reconnoissant par la tristesse et engourdissement de vostre esprit que vous estes fort miserable, serves vous de cette occasion et, pleine de confiance, escries vous devant Dieu: Ouy, Seigneur, je suis miserable; mais pour qui la misericorde est-elle, sinon pour les miserables? Et par ce moyen, vous passeres de la meditation que vous avies preparee a la meditation de vostre propre misere, de laquelle vous tireres des affections d'humilité, de confiance, et telles semblables qui vous seront tres utiles..

  A026001353 

 Quelquefois il sera bon de vous resouvenir de la Chananee, laquelle estant rejettee par Nostre Seigneur qui l'appella chienne, le prit au mot luy disant: Ouy vrayement, je le veux bien; mais les chiens mangent au moins quelques miettes de la table de leurs maistres.

  A026001355 

 Ainsy devons-nous venir a l'orayson comme a la chambre de nostre Roy, pour luy parler et l'ouyr en ses inspirations et mouvemens interieurs; ce qui arrivant, ce nous est un playsir tres delicieux.

  A026001355 

 Que si, venant a l'orayson, nous ne pouvons pas faire le premier, il se faut contenter du second, qui est tous-jours beaucoup, encor que nous ne puissions parler a Dieu et qu'il semble qu'il ne nous parle point. Combien y a-il de courtisans qui vont cent fois l'annee en la chambre du Roy et en sa presence, non pour luy parler ni pour l'ouyr, mais simplement pour estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses serviteurs.

  A026001359 

 Il sera bon mesmement de vous imaginer que vous estes en la compaignie de plusieurs personnes devotes avec qui vous voules faire orayson; et mesme, si vous en connoisses, vous pourres vous les imaginer en l'acte de ferveur et de priere.

  A026001365 

 Resouvenes vous donques de la voix qui retentira tout par tout au dernier jour: O mortz, levés-vous et venés au jugement; parolles desquelles saint Hierosme faisoit si grand prouffit.

  A026001369 

 Il est bon de faire, s'il se peut, la meditation le matin, avant que l'esprit soit embarrassé d'autres affaires; mais a qui ne le pourroit, au moins faut-il faire ce petit exercice qui suit, et lequel, servant pour toute la journee, s'appelle Preparation..

  A026001370 

 On remercie Dieu de ce qu'il nous a conservé cette nuit la, et on considere que si Dieu nous donne le jour present, c'est pour l'employer a sa gloire et a nostre salut, et que sa Majesté hait et deteste souverainement le peché, suyvant le dire de David: Au grand matin je m'approcheray de vous, o mon Dieu, et reconnoistray que vous estes un Dieu qui n'ayme point l'iniquité..

  A026001373 

 En fin on prie Dieu de nous estre propice et de nous fortifier en nos bons desseins; et a mesme intention on invoque la Vierge et les Saintz pour qui nous avons le plus de devotion, avec tous les autres, et particulierement nostre bon Ange.

  A026001378 

 Il ne reste que la consideration des dispositions et affaires de la journee, qui ne se doit pas faire parmi la meditation, parce qu'elle regarde trop par le menu nos occupations, nostre mesnage, nos rencontres des personnes avec qui nous avons a traitter, avec leurs conditions: comme si elles sont choleres, despiteuses et semblables, et tout cela nous distrairoit trop.

  A026001391 

 Pendant les affaires de la journee, il faut le plus que l'on peut regarder souvent a Nostre Seigneur Jesus Christ, [207] et se resouvenir du poinct de la meditation que l'on a le plus gousté et ressenti; comme si la douceur de ses yeux nous a esté aggreable, nous nous les representerons en disant: Ja ne vous playse, mon Sauveur, que je fasse chose qui puisse offencer vos yeux; et ainsy des autres. Il est bon aussi d'avoir certaines parolles enflammees qui servent de refrain a nostre ame, comme: Vive mon Dieu! VIVE JESUS! Dieu de mon cœur!.

  A026001392 

 Quand l'horloge sonne, il est bon de se resouvenir qu'il est autant passé de cette vie mortelle, et se resouvenir de la derniere heure qui sonnera pour nous.

  A026001411 

 En figure dequoy la celeste manne tomboit jadis au desert, non de jour, mays de nuit, si que nul ne sçavoit comme elle se faisoit, ni comme elle descendoit; mais le matin estant venu, on la voyoit toute faite et descendue: ainsy cette surceleste et divine manne de l'Eucharistie se fait en une façon et maniere qui nous est secrette et cachee; nul ne peut dire comme elle se fait et vient a nous, mais par la lumiere de la foy nous la voyons toute faitte.

  A026001413 

 Il est aussi bon quelquefois de mespriser ces pointilles et tentations, et n'en tenir conte quelcomque, laisser japper et clabauder ce matin et passer outre en son chemin; car encor qu'il est enragé, si est ce qu'il ne mord que ceux qui le veulent; et partant, tenant la volonté constante en la foy, qu'il aboye tant qu'il voudra, nous ne craignons rien..

  A026001416 

 En fin ce Sacrement, c'est Jesus Christ luy mesme qui, d'une façon nompareille, vient a nous et nous tire a soy..

  A026001419 

 Il faut donques pour un tems oublier les choses materielles et temporelles, quoy que bonnes et utiles, pour se preparer a la sainte Communion, et faire comme le bon Abraham, qui, voulant aller sacrifier son filz, laissa l'asne et les serviteurs au pied de la montagne jusques a ce qu'il eust fait; car tout de mesme faut il retirer sa memoyre du souvenir des affaires domestiques et temporelles, jusques apres la Communion, toutes choses ayant leur tems..

  A026001419 

 Il la faut purger de la souvenance des choses caduques et affaires mondaines; en figure dequoy, la manne ne tomboit qu'au desert et solitude, hors du commerce du monde, et non point es villes et bourgades, et ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal retroussoyent leurs robbes, affin que rien ne traisnast et flottast sur la terre.

  A026001420 

 Il faut, apres cest oubli volontaire, parer la memoire d'une sainte souvenance de tous les bienfaitz dont Dieu nous a gratifiés: la creation, conservation, redemption et plusieurs autres, mais sur tout de sa sainte Passion, en memoyre de laquelle il a voulu nous laisser le propre cors qui souffrit pour nous, en ce divin Sacrement, n'ayant peu nous en laisser une plus vive et expresse representation.

  A026001423 

 Il la faut purger des affections desreglees et desordonnees, mesme des choses bonnes; c'est pourquoy ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal devoyent avoir des souliers en leurs piedz, affin qu'ilz ne touchassent point la terre des piedz; car « les piedz de l'ame sont ses affections », qui la portent par tout ou elle va, dit saint Augustin, et ses affections ne doivent pas toucher la terre ni estre a l'abandon, mais doivent estre resserrees et couvertes en mangeant le vray Aigneau paschal, qui est le tressaint Sacrement.

  A026001424 

 Mais il faut parer la volonté d'une affection et desir extreme de cette viande celeste, de cette manne secret te; c'est pourquoy il estoit commandé a ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal, de le manger avidement et vistement, et a ceux qui cueilloyent la manne, de se lever fort matin; et Nostre Seigneur mesme, avant que d'instituer ce saint Sacrement, l'avoit extremement souhaité: J'ay desiré, disoit il, d'un grand desir de manger cette pasque avec vous.

  A026001428 

 Si vous n'estes point agitee des tentations de curiosité, vous n'aves que faire de penser a ce que j'en ay dit; car, en y pensant, vous luy pourries ouvrir la porte pour la faire entrer chez vous; mais vous devés seulement remercier Dieu de ce qu'il vous donne la simplicité de la foy, qui est un don tres pretieux et desirable, et prier sa divine Majesté de vous le continuer..

  A026001429 

 Que si vous estes agitee de cet esprit de curiosité, faittes ce que j'ay dit, mais faittes le briefvement, par forme de simple rejet et detestation, sans vous amuser a disputer et contester avec l'ennemy, lequel doit estre combattu par abomination, non par rayson, selon l'exemple de Nostre Seigneur, qui ne le fit fuir qu'en luy disant: Arriere, Satan, tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu..

  A026001430 

 Qui la quitte la perd..

  A026001431 

 Pour vaincre la curiosité en ce poinct, vainques la en toutes choses, pour petites qu'elles soyent, ne cherchant autre science que celle des Saintz, qui est Jesus Christ crucifié et ce qui vous conduit a luy.

  A026001432 

 Touchant la consideration, il sera bon que le jour avant la Communion, aux heures de vostre orayson mentale ou recueillement, vous dressies quelque peu vostre esprit a Nostre Seigneur en ce saint Sacrement, et mesme en l'examen de conscience a la fin, et ce par quelque briefve pensee de l'amour du Sauveur en l'endroit de vous; et mesme vous pourrés user de quelques eslancemens de priere vocale, lesquelz vous repeteres souvent, sur tout despuis Vespres, comme seroit celuy de saint François: « Qui suis je, Seigneur, et qui estes-vous? » ou celuy de sainte Elizabeth: D'ou me vient ce bonheur que mon Seigneur vient a moy? ou celuy de saint Jean l'Evangeliste: Ouy, venés Seigneur Jesus! ou celuy de l'Espouse sacree: Que mon Espoux me bayse d'un bayser de sa bouche..

  A026001433 

 Que si vous voulies par fois faire vostre meditation sur la Communion le jour precedent, vous pourres aysement y accommoder les misteres de la vie de Nostre Seigneur qui se rencontreroyent en la suitte de vostre orayson mentale, les appliquant comme a exercer en vostre endroit a l'heure de vostre Communion: car, qui vous empeschera de vous representer que Nostre Seigneur vous y presente les benefices qu'il a faitz, ou vous donne interieurement les enseignemens qu'il a donnés? Et ainsy des autres; et il y a peu de misteres qui ne soyent propres a cela..

  A026001436 

 Quant a la purgation de la volonté, il la faut tenir nette en tout tems de toutes affections desreglees, mais sur tout allant a la Communion, et regarder a quoy et a qui nos affections tiennent en ce monde, et si c'est point trop tendrement, trop ardemment; et si nous y voyons du trop, il faut peu a peu le retrancher pour pouvoir dire a Nostre Seigneur avec David: Qu'est ce qu'il y a au Ciel pour moy, ou que veux je en la terre sinon vous? Vous estes le Dieu de mon cœur et mon partage eternel.

  A026001438 

 Si la nuict on s'esveille, il faut remplir sa bouche de quelque bonn'aspiration, comme du nom de Jesus et Marie, qui sont propres a parfumer la bouche en laquelle Nostre Seigneur veut entrer; ou bien les parolles de l'Espouse: Je dors, et mon cœur bienaymé veille, et semblables..

  A026001440 

 Je n'appreuve pas aussi que l'on estende la langue hors des levres, ni que l'on ouvre si peu la bouche quil soit malaisé d'y mettre la sainte hostie, ni que l'on s'avance en quelle façon que ce soit pour la prendre, puisque celuy qui la presente ne se rencontrant pas avec la bouche de celuy qui s'avance, il se pourroit faire de l'irreverence.

  A026001440 

 Je n'appreuve pas nomplus le souspir en cet instant, car il peut faire du scandale remuant les hosties qui sont dans la petene ou vase de Communion.

  A026001443 

 Avant que d'y aller on peut exciter le desir par la comparaison du cerf lancé et malmené, comme fait David au Psalme 41, qui est bon a lire puisque vous les aves en françois, et par l'exemple de Magdeleyne qui par tout le cherche avec ardeur: chez Simon le Lepreux, au sepulchre, au jardin, qui pleure en le cherchant, et qui dit a [219] luy mesme qu'il luy enseigne le lieu ou il s'est mis: Si tu l'as enlevé, dit elle, dis le moy et je l'iray reprendre.

  A026001444 

 Et il est vray aussy que les Anges font feste autour de ce saint Sacrement et de ceux qui l'ont receu, comme dit saint Chrisostome.

  A026001444 

 [Apres la Communion, nous devons semondre nostre ame a plusieurs affections,] comme par exemple: a la crainte de contrister et perdre ce saint Hoste, comme faysoit David, disant: Seigneur, ne vous departes point de moy; ou comme les deux pelerins d'Emaüs qui luy disoyent: Demeures avec nous, car il se fait tard.

  A026001445 

 A l'action de graces, par les paroles que Dieu mesme dit a Abraham quand il luy eut voüé le sacrifice de son filz; car nous pouvons les addresser a Dieu le Pere qui nous donne son propre Filz en viande: O Seigneur, par ce que vous m' aves faitte cette grande grace, je vous beniray de benedictions immortelles et multiplieray vos louanges comme les estoiles du ciel..

  A026001448 

 Et quand a Nostre Dame, imaginons quelle fut son ardeur interieure, sa devotion, son humilité, sa confiance, son courage quand l'Ange luy dit: Le Saint Esprit surviendra en toy et la vertu du Tres Haut t'enombrera, et partant, ce qui naistra de toy sera nommé Filz de Dieu; car il ni a rien qui soit impossible envers Dieu.

  A026001448 

 Et quelle parole? Selon la parole quil a dite de sa sacree bouche, que qui le mange, il demeure en luy, et luy demeure en celuy qui le mange; qui le mange vivra pour luy, par luy et en luy, et ne mourra point eternellement.

  A026001448 

 Il ne faut point douter que son beni cœur ne s'espanoüit tout entierement aux rayons de ses paroles, quil ne s'aprofondit dessous tant de benedictions, et qu'a mesme quil entendoit [221] que Dieu luy donnoit son cœur propre, qui est son Filz, il ne se donnast reciproquement a Dieu; et qu'alhors cette supersainte ame ne fondit en charité, et pouvoit dire: Mon ame s'est liquefiee ou fondue quand mon Bienaymé m'a parlé.

  A026001449 

 Je n'ay rien dit du nettoyement de la conscience qui se fait par la confession, parce que chacun sçait qu'il le faut faire ou le soir devant, ou le matin, et ce avec un grand soin et humilité..

  A026001451 

 Vous treuveres peut estre aussi bien longue cette instruction, mais il faut que vous sçachies deux choses: l'une, que vous ne deves pas faire tout ceci tout a coup, mays seulement vous en servir a mesure que vous connoistres en avoir besoin, et en prendre ce qui vous aydera; l'autre, c'est que je vous ay couché cette preparation si au long, affin que vous en puissies ayder les autres qui en auront necessité..

  A026001459 

 Et affin que vous entendies comme la tristesse et l'inquietude s'engendrent l'une l'autre, sçaches que la tristesse [224] n'est autre chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré, soit que le mal soit interieur ou qu'il soit exterieur, comme pauvreté, maladie, infamie, mespris; interieur, comme ignorance, secheresse, mauvaise inclination, peché, imperfection, repugnance au bien..

  A026001460 

 Voyla donques l'inquietude arrivee, et peu apres arrive, quatriesmement, une extreme tristesse, parce que l'inquietude n'ostant pas le mal, ains au contraire l'empirant, l'on tumbe en une angoisse desmesuree, avec une defaillance de force et troublement d'esprit si grand, [225] qu'il luy semble ne pouvoir jamais en estre quitte; et de la elle passe a un abisme de tristesse qui luy fait abandonner l'esperance et le soin de mieux faire..

  A026001461 

 Vous voyes donques que la tristesse, qui de soy n'est pas mauvaise en son commencement, engendre l'inquietude, et que, reciproquement, l'inquietude engendre une autre tristesse, qui de soy est tres dangereuse..

  A026001465 

 L'inquietude, mere de la mauvaise tristesse, est le plus grand mal qui puisse arriver a l'ame, excepté le peché; car il n'y a aucun defaut qui empesche plus le progres en la vertu et l'expulsion du vice que l'inquietude.

  A026001466 

 Ceux qui sont parmi les halliers et buissons, s'ilz veulent courir et s'empresser a cheminer, ilz se piquent et deschirent; mais s'ilz vont tout bellement, destournant les espines de part et d'autre, ilz passent plus vistement et sans piqueure..

  A026001466 

 Qu'est ce qui fait que les oyseaux ou autres animaux demeurent pris dans les filetz, sinon qu'y estans entrés, ilz se desbattent et remuent dereglément pour en vistement sortir, et ce faysant ilz s'embarrassent et empeschent tant plus.

  A026001467 

 Cette sentinelle qui doit estre entree en l'ame, peut estre signifiee en ce que le mont de Sion estoit enclos en Hierusalem, qui veut dire Vision de paix; et Sion, selon plusieurs, veut dire sentinelle et eschauguette.

  A026001467 

 Il faut sur tout tenir la sentinelle de laquelle parle le Combat spirituel, laquelle nous advertira de tout ce qui voudra esmouvoir aucun trouble ou empressement en nostre cœur, sous quelque pretexte que ce soit.

  A026001471 

 La tristesse peut estre bonne ou mauvaise, selon le dire de saint Paul: La tristesse qui est selon Dieu opere la penitence pour le salut; la tristesse du monde, la mort..

  A026001473 

 Ce qui a fait dire au Sage, en l'Ecclesiast., que la tristesse en tue beaucoup, et qu'il n'y a point de prouffit en elle; parce que pour deux bons ruisseaux qui en proviennent, il y en a six tres mauvais..

  A026001473 

 La tristesse est presque ordinairement mauvaise et rarement bonne; car, selon les Docteurs, l'arbre de tristesse produit huit branches, sçavoir: misericorde, penitence, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie et impatience; entre lesquelles, comme vous voyes, il n'y a que les deux premieres qui soyent purement bonnes.

  A026001477 

 Mays la bonne tristesse vient doucement en l'ame, comme une pluye douce qui attrempe les chaleurs des consolations, et avec quelque rayson precedente.

  A026001478 

 La mauvaise tristesse perd cœur, s'endort, s'assoupit et rend inutile, faysant abandonner le soin et l'œuvre, comme dit le Psalmiste, et comme Agar, qui laissa son filz sous l'arbre pour pleurer.

  A026001479 

 La mauvaise tristesse obscurcit l'entendement, prive l'ame de conseil, de resolution et de jugement, comme elle fit ceux desquelz parlant le Psalmiste, il dit qu' ilz furent troublés et esbranslés comme un homme qui est ivre, et toute leur sagesse fut devoree; on cherche les remedes ça et la confusement, sans dessein et comme a tastons.

  A026001481 

 Bref, ceux qui sont occupés de la mauvaise tristesse ont une infinité d'horreurs, d'erreurs et de craintes inutiles, de peynes et de peurs d'estre abandonnés de Dieu, d'estre en sa disgrace, de ne devoir plus se presenter a luy pour luy demander pardon, que tout leur est contraire et a leur salut, et sont comme Caïn, qui pensoit que tous ceux qui le rencontreroyent le voudroyent tuer.

  A026001481 

 Ilz pensent que Dieu soit inequitable en leur endroit, et severe jusqu'a l'eternité, et le tout pour leur particulier seulement, estimant tous les autres asses heureux au pris d'eux: ce qui provient d'une secrette superbe qui leur persuade qu'ilz devroyent estre plus fervens et meilleurs que les autres, plus parfaitz que nul autre.

  A026001483 

 Au contraire, le malin esprit, autheur de la mauvaise tristesse (car je ne parle point de la tristesse naturelle, qui a plus besoin de medecins que de theologiens), c'est un vray desolateur, tenebreux et embarrasseur; et ses fruitz ne peuvent estre que hayne, tristesse, inquietude, chagrin, malice, defaillance.

  A026001483 

 Or, le fondement de ces differences qui sont entre la bonne et la mauvaise tristesse, c'est que le Saint Esprit est Autheur de la bonne tristesse; et parce qu'il est l'unique Consolateur, ses operations ne peuvent estre separees de consolation; parce qu'il est la vraye Lumiere, elles ne peuvent estre separees de clairté; bref, parce qu'il est le vray Bien, ses operations ne peuvent estre separees du vray bien: si que les fruitz d'iceluy, dit saint Paul, sont charité, joye, paix, patience, benignité, longanimité.

  A026001487 

 Il faut contrevenir vivement aux inclinations de la tristesse et forcer ses suggestions; et bien qu'il semble que tout ce qui se fait en ce tems-la se face tristement, il ne faut pas laisser de le faire, car l'ennemy, qui pretend de nous allentir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant [230] qu'il ne gaigne rien et qu'au contraire nos œuvres sont meilleures estans faites avec resistance, il cesse de nous plus affliger..

  A026001488 

 Il n'est pas mauvais, quand il se peut, de chanter des cantiques spirituelz; car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen, pour quelque cause que ce soit: tesmoin l'esprit qui agitoit Saul, duquel la violence estoit attrempee par la psalmodie..

  A026001490 

 Mes yeux se fondent sur vous, o mon Dieu, disant: Quand me consoleres-vous? Si Dieu est pour moy, qui sera contre moy? Jesus, soyes moy Jesus.

  A026001490 

 Qui me separera de la Croix de mon Dieu? et semblables.

  A026001492 

 Et les faut employer bon gré mal gré la tristesse, a laquelle il ne faut point donner d'audience ni de credit, pour vous empescher de proferer et eslancer ces parolles de confiance et d'amour; et bien qu'il semble que ce soit sans fruit, il ne faut pas laisser de continuer, et attendre le fruit qui ne laissera pas de paroistre apres un peu de contention..

  A026001494 

 L'un des plus asseurés remedes est de desployer et ouvrir son cœur, sans y rien cacher, a quelque personne spirituelle et prudente, et luy declairer tous les ressentimens, affections et suggestions qui arrivent de nostre tristesse, et les raysons avec lesquelles nous les nourrissons; et cela il le faut faire humblement et fidellement.

  A026001497 

 Ceux qui ont plus de discernement aux choses spirituelles se pourront guider par d'autres voyes que Nostre Seigneur leur suggerera; ce pendant, si celles cy peuvent servir, employes-les soigneusement, et pries pour celuy qui vous les a marquees..

  A026001505 

 Au gros grain qui est au bout de la derniere dizaine, vous remercieres Dieu de la grace qu'il vous a faitte de vous permettre de le dire.

  A026001505 

 Et passant aux trois petitz grains qui suivent, vous salueres la sacree Vierge Marie, la suppliant, au premier, d'offrir vostre entendement au Pere eternel, affin que vous puissies a jamais considerer ses misericordes; au second, vous la supplieres d'offrir vostre memoyre au Filz, pour avoir continuellement en vostre pensee sa Mort et Passion; au troysiesme, vous la supplieres d'offrir vostre [234] volonté au Saint Esprit, affin que vous puissies a jamais estre enflammé de son amour sacré..

  A026001506 

 Au gros grain qui est au bout, vous supplieres la divine Majesté d'aggreer le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, au giron de laquelle vous la supplieres de vous conserver et d'y ramener tous ceux qui en sont desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de la foy, disant le Credo et faisant le signe de la Croix..

  A026001514 

 Le samedy, medités sa fuite en Egipte; demandes luy la grace de bien fuir et eviter tout ce qui luy peut desplaire..

  A026001529 

 A la fin, vous reprendres le gros grain qui est au bout du chapelet et remercieres Dieu de la grace qu'il vous a fait de vous permettre de le dire.

  A026001530 

 Finissant au gros grain qui est au bout, vous dires le Pater, suppliant la divine Majesté qu'elle addresse le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir ramener tous les desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de foy, disant le Credo, puys faisant le signe de la Croix.

  A026001535 

 Pour toutes les choses qui vous arriveront, n'alles point [en] rechercher la cause (il suffit que Dieu la sçait), mais simplement humilies vous devant Dieu, supportant la contradiction avec douceur, sans reflexions..

  A026001538 

 N'ayes point soin de vous mesme, non plus qu'un voyageur qui s'est embarqué de bonne foy sur un navire, qui ne prend garde qu'a se tenir et vivre dans iceluy, laissant le soin de prendre le vent, tendre les voiles et faire voguer, au pilote sous la conduitte duquel il s'est mis..

  A026001546 

 N'aymes point vostre vie, et mesprises tout ce qui sera sensible a vos inclinations naturelles..

  A026001550 

 Ceux qui courent la bague ne pensent pas a la compaignie qui les regarde, mais a bien courre pour l'emporter.

  A026001550 

 Considerés pour qui vous travailles, et ceux qui vous voudront donner de la peyne ne vous travailleront gueres.

  A026001550 

 Ne vous inquietes point de ce que le monde dira de vous; attendes le jugement de Dieu, et vostre patience jugera alhors ceux qui vous auront jugé.

  A026001570 

 Or, la necessité de dire au plus pres que l'on peut la quantité des pechés mortelz est essentiellement requise pour faire une bonne confession, d'autant que pour absoudre le pecheur de ses pechés, il faut avoir cognoissance de l'estat de sa conscience; mais on ne peut cognoistre l'estat d'une ame si on ne sçait a peu pres la quantité des pechés qu'elle a commis: car, quelle apparence y auroit il d'avoir en esgale consideration une femme, par exemple, qui n'auroit offencé de son corps qu'une seule foys, comme la sainte penitente Aglaë, et celle qui auroit offencé peut estre dix mille fois, comme on peut croire de sainte Pelagienne, de sainte Marie Ægytiaque et de sainte Magdelaine?.

  A026001573 

 Il est vray que celuy qui a confessé une action mauvaise n'a pas besoing de dire les autres actions qui sont ordinairement requises pour faire celle la: ainsy, celuy qui s'est accusé d'avoir commis adultere une fois n'est point obligé de dire les baisers et attouchemens quil a faict parmy cela, car cela s'entend asses sans qu'on le die, et l'accusation de telle chose est comprise en la confession de l'acte principal duquel les autres ne sont que les accessoires..

  A026001573 

 Il se faut encor accuser de la diversité des degrés qui se retreuve en chasque espece de peché; car tout ainsy quil y a divers degrés en chasque vertu par lesquels passant de l'un a l'autre on arrive a la vertu heroique ou angelique, aussy [y] a il divers degrés au peché par lesquelz on descend jusques au peché diabolique.

  A026001573 

 Par exemple, il y a bien de la difference entre le corroux et injurier, frapper du poing, ou avec un baston, ou avec l'espee et tuer, qui sont des divers degrés du peché de collere; de mesme, il y a bien a dire entre le regard charnel, l'attouchement deshonneste et la conjunction luxurieuse, qui sont divers degrés d'un mesme peché.

  A026001576 

 C'est pourquoy il faut particulariser, tant qu'il se peut bonnement faire, la qualité de l'objet ou de la matiere par le moyen delaquelle la malice du peché peut croistre ou descroistre; car il ne suffiroit pas a celuy qui auroit empoisonné un flaccon de vin, de dire qu'il a empoisonné du vin pour faire mourir des personnes, mais faudrait dire combien de personnes; car encor que l'empoisonnement se fist par une seule action, neammoins il se termineroit a la mort de plusieurs personnes, et bien que l'action fust unique, la nuysance neammoins seroit de grande quantité..

  A026001576 

 De mesme il se peut faire qu'avec un mauvais exemple on scandalisera une seule personne, et qu'avec un autre mauvais exemple de mesme espece on scandalisera trente ou quarante personnes: et qui ne void que la malice de ce second peché est beaucoup plus grande que celle du premier? Ainsy, sy l'un tue une fille et l'autre tue une femme enceinte, ilz n'ont chacun fait qu'un seul coup; mays l'un neammoins, en un seul peché, a fait deux homicides, et par consequent son peché, quoy qu'il ne soit qu'un quant a l'acte, a neammoins double malice.

  A026001576 

 Or, entre les degrés du peché, il faut prendre garde a [246] celle (sic) qui multiplie ou redouble la malice du peché en une seule action: comme, par exemple, celuy qui derobe un escu fait un peché; celuy qui en derobe deux tout a la fois ne fait aussy qu'un peché, mais toutesfois la malice de ce second peché est deux fois aussy grande comme celle du premier.

  A026001579 

 Le desir est un degré du peché, et la resolution d'exequuter en est un autre dont il se faut confesser, bien que par appres on ne vienne point a l'exequution; car qui desire et beaucoup plus qui se resoult de pecher, il a formé le peché dans son cœur, suyvant le dire de Nostre Seigneur: Qui regardera la femme pour la convoiter, il a desja adulteré en son cœur, et s'il n'a pas peché par effet, il a peché par affection.

  A026001579 

 Mais cela s'entend des desirs qui sont formés, et non pas de certaine sorte de mouvemens interieurs qui, de sursaut, a l'improuveüe et sans nostre consentement, [247] passent par nostre cœur, pendant lesquelz mesmement, qui nous interrogeroit sy nous voudrions les choses ausquelles ces mouvemens semblent nous porter, nous dirions indubitablement que non; car par la on void bien que ces desirs sont des actions de nostre nature et non pas de nostre franc arbitre..

  A026001582 

 Par exemple, celuy qui prend plaisir a penser en soy mesme a tuer, ruiner et maltraitter son ennemy, encor qu'il ne desire point d'en venir aux effetz, neammoins, sil a volontairement et a son escient pris delectation et res-jouissance en telles imaginations et pensées, il s'en doit accuser rigoureusement; comm'aussy celuy qui, pour prendre plaisir, s'amuse a penser, imaginer et se representer les voluptés charnelles, car il peche interieurement contre la chasteté, d'autant qu'encor qu'il n'ait pas voulu appliquer son cors au peché, il y a neammoins appliqué son cœur et son ame.

  A026001585 

 Ainsy, celuy là ne se confesseroit pas bien, qui ayant derobé une bourse en laquelle il n'y avoit que demy douzaine de jettons lesquels il pensoit estre des escus, ne s'accuseroit que d'avoir derobé des jettons; car encor qu'en effet il n'ayt derobé que des jettons, en affection neammoins il a derobé des escus..

  A026001585 

 Encor faut il prendre garde, pour se bien confesser, a certaines actions qui comprennent en elles plusieurs especes de pechés enveloppés l'un dans l'autre: comme, par exemple, celuy qui feroit tuer le mary pour jouïr de la femme, comme David, feroit trois sortes de peché tout ensemble, car il commettroit scandale, homicide et adultaire; ainsy, celuy qui battroit un valet, et en le battant se representeroit par imagination le plaisir quil prendroit a [248] battre le maistre, feroit ensemblement deux pechés, l'un de cœur et l'autre de cors; et celuy qui ayant accointance a une fille s'imagineroit, pour prendre plaisir, une femme mariee quil auroit desiré, feroit du cors un stupre, et du cœur un adultaire.

  A026001585 

 Il y a mesme certaines actions lesquelles semblent estre meslées de peché mortel et de veniel, esquelles quelquefois on est grandement trompé: comme, par exemple, une personne grandement en cholere aura voulu donner un grand coup a quelqu'un qui, gauchissant, se sera eschappé; et par ce que l'effect de sa mauvaise volonté ne sera pas ensuivy, il tiendra l'offence pour petite, bien que reellement son intention de frapper rudement la fasse fort grande.

  A026001589 

 En ce premier commandement il nous est ordonné de servir, honnorer et aymer Dieu selon les reigles de la vraye relligion; les especes de peché qui se commettent contre ce commandement sont:.

  A026001590 

 Premierement: le blaspheme, qui n'est autre chose qu'une mesdisance de la divine Majesté faite par mauvaise affection; comme quand on dit que Dieu n'est pas bon, qu'il n'est pas juste, qu'on le renie, qu'on le maugrée, qu'on le despite et, enfin finale, toutes fois et quantes que volontairement et a nostre escient nous parlons de Dieu [249] incivilement, ainsy que l'on fait quand on dit: Aussy vray comme Dieu est; un tel est vilain comme Dieu est noble; Dieu ne se soucie pas de ce que nous faisons; laissons Dieu en Paradis et demeurons icy; et semblables impertinences..

  A026001592 

 La seconde espece des pechés contre ce commandement, c'est l'impieté, qui consiste és actions par lesquelles nous voulons deshonnorer Dieu ou les choses sacrées: comme font ceux qui employent les Sacremens, le saint Cresme, les paroles sacrées pour des charmes, ou qui les foulent par desdain, rompent les images, ruinent les autelz, les reliques et semblables choses..

  A026001593 

 La troysiesme espece, c'est la superstition, comm'est idolatrer, c'est a dire adorer comme Dieu ce qui n'est point Dieu; user de magie, c'est a dire emploier le diable pour quelqu'operation, soit qu'on l'employe ouvertement, comme font ceux qui ont fait convention avec luy et les sorciers, soit qu'on l'employe tacitement par paroles et caracteres inconneus, ou paroles et caracteres connus, mais appliqués faussement et vainement; item, aller aux devins, et, en somme, faire ou dire quelque chose pour obtenir quoy que ce soit du malin esprit ou de ceux qui dependent de luy..

  A026001595 

 Tenter Dieu, c'est a dire vouloir espreuver et essaier si Dieu est bon, juste ou puissant, soit expressément, comme faisoient les Juifz demandant des miracles a Nostre Seigneur sans necessité ny raison quelconque, soit tacitement, [250] comme font ceux qui, sans necessité ny occasion, mesprisent les moyens ordinaires que Dieu nous a donné pour faire les choses, pretendantz que Dieu en fournira d'extraordinaires, et ceux qui, sans necessité, se mettent en des dangers eminentz, presumans que Dieu les en doive delivrer..

  A026001599 

 Se plaindre de Dieu, blasphemer, invoquer le diable ou pour soy, ou contre soy, ou contre les autres, comme font ceux qui dient: Je voudrois que le diable me guerise d'une telle maladie, ou me rompist le col, ou me fist avoir telle chose; le diable t'emporte; le diable m'emporte; et semblables choses..

  A026001604 

 [1.] Jurer sans discretion par le nom de Dieu, ou des Saintz et des autres creatures quelconques entant qu'elles dependent de Dieu et se rapportent a iceluy: comme font ceux qui jurent a tous propos, autant pour chose de peu d'importance comme pour chose de grande importance; car ceux cy exposent le sacré nom de Dieu et prennent a tesmoin sa divine Majesté vaniement (sic), frivolement et contemptiblement, sans jugement ny discernement quelconque..

  A026001605 

 Jurer contre la justice, c'est a dire contre la raison: comme font ceux qui jurent de faire le mal ou de ne faire pas le bien; car c'est mespriser grandement Dieu que de l'appeller a tesmoin d'une action mauvaise, comme fit Herodes, jurant de faire trancher la teste a saint Jean Baptiste, auquel sont semblables ceux qui jurent de battre, de couper le nez, de ruiner, de tuer et autres..

  A026001606 

 Jurer pour le mensonge; qui est parjurer..

  A026001615 

 Desirer la mort ou quelque mal au pere et a la mere naturelle, aux superieurs civilz et politiques qui tiennent lieu de pere en la republique, et aux superieurs ecclesiastiques qui tiennent lieu de peres en l'Eglise.

  A026001617 

 Enfin, les enfans, heritiers et legataires qui n'accomplissent pas les volontés de leurs bienfacteurs, dont ilz sont chargés..

  A026001621 

 Ne vouloir pardonner l'injure ny remettre l'offence a celuy qui est prest de faire satisfaction; persequuter le prochain par menées, proces ou autre moyen.

  A026001625 

 Avoir des pensées deshonnestes et les entretenir volontairement pour se complaire en la delectation sensuelle qui en peut naistre.

  A026001625 

 Envoyer des dons, faire des promesses, escrire des pouïetz, envoier des messages, prendre ou donner des assignations, et toutes autres sortes de poursuittes qui se font en intention d'impudicité.

  A026001625 

 Et enfin, employant ou les bestes ou le diable, qui sont les deux plus malheureux exces de tous..

  A026001625 

 Faire l'adultaire, qui se commet lorsque l'une des parties ou toutes deux sont mariées.

  A026001632 

 Disant mal du prochain, ou faisant mal parler d'autruy; ce qui se fait en plusieurs façons:.

  A026001633 

 Par imposture, qui n'est autre chose que de jetter sur une personne un crime ou un vice qui n'est pas en luy; par aggrandissement du vice ou du peché qui se treuve en quelcun; par revelement d'un crime secret de quelqu'un; par mauvaise interpretation de l'intention de quelcun, detournant en mauvais sens les bonnes actions d'autruy; niant le bien estre en une personne, lequel y est, ou ravallant la juste estime que l'on doit avoir d'une personne; se taisant lorsque l'on peut justement deffendre de blasme une personne..

  A026001634 

 Faire lire, avoir, reciter des pasquins qui ne sont pas publiquement connus.

  A026001637 

 Desirer la femme du prochain, ou sa fille, ou les autres personnes qui luy appertiennent, pour les avoir et en user charnellement; car, comme le sixiesme defend le peché de luxure quant a l'effet, le neuviesme le deffend quant a l'affection..

  A026001645 

 L'orgueil n'est autre chose qu'une volonté desordonnée d'une grandeur disproportionnee a celuy qui la veut, et partant c'est peché d'orgueil de s'attribuer le bien que l'on a d'autruy comme sy on l'avoit de soy mesme; penser meriter les biens et les graces que l'on a, encor qu'il n'en soit rien; s'attribuer des biens et des graces que l'on n'a pas; se preferer aux autres es choses esquelles on ne se doit pas preferer. Or, l'orgueil est peché mortel quand on ne veut pas reconnoistre de Dieu ce que l'on a; quand, pour maintenir sa vaine estime, on est prest a violer les commandemens de Dieu et quand, pour s'exalter, on deprime et mesprise on le prochain en chose notable..

  A026001646 

 A l'orgueil est attachée la vaine gloire, qui est se glorifier de ce que l'on n'a pas, ou de choses qui ne le meritent pas, ou de choses qui ne nous appertient (sic) pas, ou de choses mauvaises; ou vouloir avoir la gloire du bien que l'on a, sans reconnoissance de Dieu duquel il vient..

  A026001647 

 A la vaine gloire est attachée la jactance, qui consiste a se venter de chose mauvaise, ou de chose bonne, mais plus qu'on ne doit, ou avec mespris du prochain, comme quand on se vente d'estre plus que les autres; ou avec le dommage du prochain, comme quand on se vente de sçavoir guerir de telle et telle maladie, et que les personnes s'y amusent et sont trompées..

  A026001648 

 La contention s'ensuit, qui n'est autre chose qu'un debat de paroles fait contre la verité.

  A026001648 

 La discorde vient apres, qui n'est autre chose [258] qu'une contrarieté desreglee a la volonté du prochain, laquelle est en sa perfection quand l'opiniastreté survient, par laquelle on s'arreste fermement en son opinion, quoy que sans bon fondement..

  A026001649 

 La curiosité appertient aussy a l'orgueil, qui n'est autre chose qu'un desir immoderé de sçavoir et connoistre les choses qui ne sont pas de nostre profession, ou qui sont dangereuses, ou qui sont deffendues..

  A026001651 

 Et ce dernier porte proprement a l'ambition, qui n'est autre chose qu'un desir desordonné des honneurs et dignités..

  A026001655 

 L'avarice n'est autre chose qu'une volonté immoderée d'avoir des biens temporelz contre raison, et d'icelle naissent tous les pechés contraires au septiesme commandement; comm'aussy la durté (sic) de cœur, qui n'est autre chose qu'un trop grand soin de garder le bien que l'on a, jusques mesmes a n'avoir point de pitié des souffreteux.

  A026001659 

 Or, de la luxure dependent tous les pechés contraires au sixiesme commandement, qui rendent l'esprit distrait, obscur, inconsideré, inconstant, terrestre et brutal..

  A026001659 

 Or, l'appetit est desordonné, ou parce qu'il veut prendre le plaisir sur un sujet qui n'est pas a [259] nous, comm'il advient en la fornication et en l'adultaire; ou parce qu'il le veut prendre contre l'ordre estably par la nature; ou parce quil le veut prendre contre la fin et l'intention pour laquelle ce plaisir est destiné.

  A026001663 

 L'ire n'est autre chose qu'un appetit de vengeance, et produit tous les pechés que nous avons marqué au cinquiesme commandement, qui engendrent les pechés suivans:.

  A026001664 

 L'indignation, qui consiste a rejetter comm'indigne le prochain;.

  A026001665 

 L'enfleure du cœur, qui n'est autre chose qu'un assemblage de pensées et de mouvemens qui portent le cœur a la vengeance;.

  A026001671 

 La gloutonnie a deux branches: la gormandise, qui regarde les viandes, et l'yvrongnerie qui regarde le breuvage.

  A026001681 

 Elle produit le decouragement, par lequel on n'ose pas entreprendre le bien qui nous est conseillé; l'engourdissement d'esprit, par lequel on est empesché de se mouvoir a bien faire; l' aigreur malicieuse, par laquelle on hait la perfection chrestienne; la rancune et desgoust contre les personnes spirituelles, parce qu'ilz nous provoquent au bien; l' inadvertance aux choses bonnes; le desespoir, comme sy c'estoit chose impossible de garder les commandemens de Dieu et de se sauver..

  A026001684 

 On peche contre le premier commandement de l'Esglise, [261] violant le Caresme, les vendredis, samedis, vigiles et Quattre Tems quant a l'usage des viandes prohibées, ou bien ne jeusnant pas; ce qui s'entend, sinon que quelque legitime occasion nous empesche..

  A026001685 

 Or, celuy est estimé ouïr la Messe entiere qui oyt presque toute la Messe, encor qu'il ne l'oye pas exactement toute: ainsy, celuy qui arriveroit quand on dit l'Epistre, oyant tout le reste de la Messe, satisferoit au commandement, l'Esglise n'ayant pas intention d'obliger plus rigoureusement que cela..

  A026001686 

 On peche contre le troisiesme commandement, lors qu'on obmet de se confesser a Pasques, ou qu'on se confesse a quelqu'un qui n'a point d'authorité..

  A026001687 

 Or, celuy là est estimé communier a Pasques, qui communie dans les huict jours precedens ou dans les huict jours suivans la feste de Pasques..

  A026001691 

 C'est pourquoy, tout ce qui est contraire a l'amour de Dieu et a l'amour du prochain, sy la contrarieté est parfaite, doit estre estimé peché mortel; mais sy la contrarieté n'est pas parfaite ni accomplie, ains imparfaite et non accomplie, il n'y a que peché veniel..

  A026001692 

 Or, la contrarieté qui se fait a l'amour de Dieu et du prochain est reputée imparfaite en trois façons:.

  A026001694 

 Ainsy, celuy qui derobe une pomme, une poire, un liard ne peche que veniellement, parce qu'il offence fort peu le prochain et par consequent ne contrarie pas parfaitement a l'amour qui luy est deu; de mesme les coleres legeres, petitz chagrins, ou quelque legere et imparfaite caresse a l'endroit de la femme d'autruy ne seront pas estimés peché mortel..

  A026001694 

 Secondement: la contrarieté a l'amour de Dieu et du prochain est quelquefois imparfaite a raison de la petitesse de la matiere en laquelle ell'est commise: comme, par exemple, derober c'est un peché mortel, parce que le larcin contrarie a la charité du prochain; mais pourtant, ce que l'on derobe peut estre sy peu de chose, que la nuysance qui s'en ensuit contre le prochain est si extremement legere qu'elle n'est point considerable, et par consequent la contrarieté de cette action là a l'amour du prochain n'est pas une parfaite contrarieté, mais plustost comm'un commencement de contrarieté.

  A026001695 

 Comme par exemple, un mensonge dit par joyeuseté ou pour excuser quelqu'un: c'est un'action laquelle [263] n'est point contraire a l'amour de Dieu et du prochain, ou sy ell'est contraire, c'est par une contrarieté fort imparfaite et qui regarde plustost la perfection de l'amour que l'amour mesme; car bien que le prochain reçoive les petitz mensonges pour la verité, sy est ce que cela ne luy apporte nulle sorte de nuysance.

  A026001695 

 De mesme, joüer plus longuement qu'il ne faut par recreation c'est une chose qui n'est point louable, mais elle n'est pas de soy contraire a l'amour de Dieu et a l'amour du prochain; car, comme il appert, en cela il ny a point de meschanceté, mais seulement de l'inutilité..

  A026001695 

 Or je dis neammoins que la perfection de la charité est violée, parce que la perfection de la charité ne requiert pas seulement que nous ne nuysions pas au prochain, mais aussy que nous ne le frustrions pas de ses justes desirs et que nous ne nous contrarions pas nous mesmes: or, chacun desire naturellement de sçavoir la verité des choses qui luy sont representées, et nous nous contrarions nous mesmes quand nous parlons contre nostre pensée.

  A026001700 

 C'estoit un des saintz artifices du glorieux saint Louys, qui avoit tous-jours pres de soy quelqu'homme de grande devotion duquel l'entretien le confortoit et consoloit au bien.

  A026001700 

 Chose grandement utile d'avoir tous-jours avec eux certaine sorte de gens, soit gentilzhommes ou autres, qui ayent beaucoup de la crainte de Dieu; car, comme la presence [264] des meschans facilite le consentement au mal, aussy la presence des bons facilite la resistence.

  A026001701 

 Quand on s'est resoulu a bon escient de se retirer de ce vice, il est bon de s'en declairer parmy ceux qui sont le plus pres autour de nous, affin de nous brider par nostre propre parolle et declaration..

  A026001702 

 Et qui, a l'oraison, adjousteroit quelqu'aumosne pour mesme fin, feroit mieux..

  A026001703 

 Or, bien quil y aye de la difficulté en ces remedes, si est ce que celuy la se resoulura (sic) aysement de les pratiquer qui se ressouviendra quil faut ou quitter ce peché par quel moyen que ce soit, ou quil faut quitter la grace de Dieu et perir eternellement.

  A026001706 

 O souveraine Bonté, octroyes le pardon a ce chetif coulpable qui confesse et accuse son peché en ceste vie mortelle, en esperance de confesser et celebrer vostre misericorde en l'eternelle, par le merite de la Mort et Passion de vostre Filz qui, avec vous et le Saint Esprit, est un seul Dieu vivant et regnant es siecles des siecles..

  A026001723 

 O Dieu eternel, Pere d'infinie bonté, qui aves ordonné le mariage pour en multiplier les hommes ici bas, repeupler la celeste cité la haut, et aves principalement destiné nostre sexe a cet office, voulant mesme que nostre fecondité fust une des marques de vostre benediction sur nous: hé, me voyci prosternee devant la face de vostre Majesté que j'adore, vous rendant graces de la conception de l'enfant auquel il vous a pleu donner estre dedans mon cors.

  A026001724 

 O Sauveur de mon ame, qui, vivant ici bas, aves tant aymé, si souvent pris entre vos bras les petitz enfans, hé, receves encor celuy ci et l'adoptes en vostre sacree filiation, affin que, vous ayant et invoquant pour Pere, vostre nom soit sanctifié en luy, et que vostre royaume luy advienne.

  A026001726 

 Et vous, Vierge Mere tres sainte, ma chere Dame et unique Maistresse, qui estes l'unique honneur des femmes, receves en protection et dans le giron maternel de vostre incomparable suavité, mes desirs et supplications, affin qu'il plaise a la misericorde de vostre Filz de les exaucer.

  A026001726 

 Je le vous requiers, o la plus aymable de toutes les creatures, vous en conjurant par l'amour virginal que vous portastes a vostre cher espoux saint Joseph, par l'infini merite de la naissance de vostre Filz, par les tressaintes [268] entrailles qui l'ont porté et par les sacrees mammelles qui l'ont allaité..

  A026001727 

 O saintz Anges de Dieu, deputés a ma garde et a celle de l'enfant que je porte, defendes nous, gouvernes nous, affin que par vostre assistence nous puissions en fin parvenir a la gloire delaquelle vous jouisses, pour, avec vous, louer et benir nostre commun Seigneur et Maistre, qui regne es siecles des siecles.

  A026001732 

 Je repete ce que si souvent je vous ay dit: que, non seulement en l'orayson, mays en la conduitte de vostre vie, vous deves marcher en l'esprit d'une tres parfaitte et tres simple confiance en Dieu, entierement remise et abandonnee a son bon playsir, comme un enfant innocent qui se laisse aller a la conduitte et direction de sa mere..

  A026001733 

 Bienheureux sont ceux qui ne veulent pas tous-jours faire, voir, considerer, discourir!.

  A026001733 

 Or, ces petitz enfans innocens ayment leurs meres qui les portent, avec une extreme simplicité: ilz ne regardent nullement ce qu'elles font, ni ne font point de retours sur eux mesmes ni sur leurs satisfactions, ilz les prennent sans les regarder; ilz tetent avec avidité et ne regardent point si ce lait est meilleur une fois que l'autre, car tandis qu'il y en a ilz le prennent tout de bon, sans autre curiosité.

  A026001734 

 De cette activité d'esprit et du soin que nostre amour nous suggere d'avoir de nostre cœur et de ce qu'il fait, provient l'inquietude de nostre cœur lhors que nous appercevons soit de loin, soit de pres, quelques tentations ou de la foy ou de quelques autres vertus que nous cherissons fort, ou mesme quand nous craignons de perdre la douceur et consolation: c'est pourquoy il faut simplifier nostre esprit, et ayant abandonné et quitté tout ce qui desplaist a Dieu, demeurer en paix dans nostre barque, c'est a dire faire en paix les exercices de nostre vocation.

  A026001734 

 Et ne nous empressons point de nostre advancement; car, comme ceux qui sont en une barque ou il y a bon vent, sans remuer tirent au port, aussi ceux qui sont en une vocation bonne, sans s'embesoigner de leur prouffit, prouffitent et s'advancent perpetuellement.

  A026001737 

 Je desire que vous soyes extremement humble et petite a vos yeux, douce, condescendante et simple comme une colombe; que vous aymies vostre abjection et la prattiquies fidellement, employant de bon cœur toutes les occasions qui vous arriveront pour cela..

  A026001750 

 Qui est bien attentif a plaire amoureusement a l'Amant celeste n'a ni le cœur ni le loysir de se retourner sur soy mesme, son esprit tendant continuellement du costé ou l'amour le porte..

  A026001752 

 Les amantes spirituelles, espouses du Roy celeste, se mirent voyrement de tems en tems comme des colombes qui sont aupres des eaux tres pures, pour voir si elles sont bien ageancees au gré de leur Amant; et cela se fait es examens de conscience, par lesquelz elles se lavent, se purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent, non pour se satisfaire, non pour desir de leur progres au bien, non pour estre parfaittes, mais pour obeir a l'Espoux, pour la reverence qu'elles luy portent, pour l'extreme desir qu'elles ont de luy donner contentement, elles se lavent, se nettoyent purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent.

  A026001754 

 Oyons et imitons le divin Sauveur qui, comme tres parfait [274] Psalmiste, chante les souverains traitz de son amour sur l'arbre de [la] croix; il les conclud tous: Mon Pere, je remetz et recommande mon esprit entre vos mains.

  A026001755 

 Alhors cesseront toutes les inquietudes de nostre cœur, provenantes du desir que l'amour propre nous suggere et des tendretés que nous avons en nous et pour nous, qui nous fait secrettement empresser a la queste des satisfactions et perfections de nous mesme; et, embarqués dans les exercices de nostre vocation, sous le vent de cette simple amoureuse confiance, sans nous appercevoir de nostre progres nous le ferons grandement, et sans aller nous avancerons; sans nous remuer de nostre place, nous tirerons païs, comme font ceux qui singlent en haute mer sous un vent propice..

  A026001756 

 Alhors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receuz doucement et souefvement: car, qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné a son amour et qui s'est remis a son bon playsir, qu'est ce qui le peut esbransler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser a philosopher sur les causes, raysons et motifz des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsy a il esté aggreé devant vous..

  A026001757 

 Helas! qui regarde le prochain hors de la, il court fortune de ne l'aymer ni purement, ni constamment, ni esgalement; mays la, qui ne l'aymeroit? qui ne le supporteroit? qui ne souffriroit ses imperfections? qui le treuveroit de mauvaise grace? qui le treuveroit ennuyeux? Or, il y est ce cher prochain, ma tres chere Fille, dans le sein et dans la poitrine du Sauveur; il y est comme tres aymé et tant aymable, que l'Amant meurt d'amour pour luy..

  A026001762 

 VIVE JESUS qui est mort pour nostre cœur! et qu'a jamais nostre cœur meure pour revivre eternellement de la mort de son amour..

  A026001771 

 Demeures en la tranquille resignation et remise de vous mesme entre les mains de Nostre Seigneur, sans toutesfois laisser de cooperer courageusement et diligemment a sa sainte grace par l'exercice des vertus es occasions qui s'en presenteront.

  A026001779 

 Demeures donq ainsy, sans vous en divertir pour regarder ce que vous faites ou feres, ou ce qui vous adviendra, en toute occurrence et en tout evenement..

  A026001782 

 Mon ame, mon esprit vous benit de toute son affection, et Jesus soit Celuy qui face de vous, par vous et pour luy sa tres adorable volonté.

  A026001788 

 Premièrement tu dois demander à ton très cher Seigneur s'il trouvera à propos que tu renouvelles tous les ans, aux reconfirmations, entre ses mains, tes vœux, ton abandonnement general et remise de toi-même entre les mains de Dieu; spécifie particulièrement [279] ce qu'il jugera qui te touche le plus, pour enfin faire cet abandonnement parfait et sans exception, en sorte que je puisse vraiment dire: Je vis, non pas moi, mais Jésus-Christ vit en moi.

  A026001789 

 Pour cela, je ne vous espargneray point, et vous vous retrancherés des paroles superflues qui regardent l'amour, quoy que juste, de toutes les creatures, notamment des parens, mayson, païs, et sur tout du Pere; et, tant quil se pourra, des longues pensees de toutes ces choses-lâ, sinon es occasions esquelles le devoir oblige d'ordonner ou procurer les affaires requises; affin de parfaitement prattiquer cette parole: Oy, ma Fille, et entens, et panche ton oreille; oublie ton peuple et la mayson de ton pere.

  A026001792 

 Ouy, vous deves tout oublier ce qui n'est pas de Dieu [280] et pour Dieu, et demeurer totalement en paix sous la conduite de Dieu..

  A026001795 

 Puysque Nostre Seigneur, des il y a si long tems, vous a tiree a cette sorte d'orayson, vous ayant fait gouster les fruitz tant desirables qui en proviennent et connoistre les nuysances de la methode contraire, demeures ferme et, avec la plus grande douceur que vous pourres, ramenes vostre esprit a cette unité et simplicité de presence et abandonnement en Dieu.

  A026001798 

 Je retourne donc à demander à mon très cher Père si l'âme étant ainsi remise ne doit pas demeurer toute reposée en son Dieu, lui [281] laissant le soin de tout ce qui la regarde tant intérieurement qu'extérieurement, et demeurant, comme vous dites, dans sa providence et volonté, sans soin, sans attention, sans élection, sans désir quelconque, sinon que Notre-Seigneur fasse en elle, d'elle et par elle sa très sainte volonté, sans aucun empêchement ni résistance de sa part.

  A026001798 

 O Dieu, qui me donnera cette grâce que seule je vous demande, sinon vous, bon Jésus, par les prières de votre Serviteur..

  A026001799 

 L'enfant qui est entre les bras de sa mere n'a besoin que de laisser faire et de s'attacher a son col..

  A026001801 

 Si Notre-Seigneur n'a pas un soin particulier d'ordonner tout ce qui est requis et nécessaire à cette âme ainsi remise?.

  A026001807 

 Si ce ne sera pas un bon exercice de se rendre attentive, sans attention pénible, de demeurer tranquillement dans la volonté de Dieu en tant de petites occasions qui nous contrarient et voudraient fâcher (car pour les grosses on les voit de loin): comme d'être détournée de cette consolation qui semble être utile ou nécessaire; être empêchée de faire une bonne action, une mortification, ceci ou cela, quel qu'il soit, qui semble être bon, et, au lieu, être divertie par des choses inutiles et quelquefois dangereuses et mauvaises?.

  A026001813 

 Se laisser gouverner absolument pour ce qui est du corps, recevoir simplement tout ce qui nous est donné ou fait: bien, mal, incommodité, ce qui sera de trop selon notre jugement, sans en rien dire ni témoigner nulle sorte de désagrément; prendre les soulagements du dormir, reposer, chauffer, de l'exemption de quelque exercice pénible ou de mortification; dire à la bonne foi ce que l'on peut faire: que l'on s'insiste, céder sans rien dire.

  A026001814 

 Il faut dire a la bonne foy ce que l'on sent, mais en telle sorte que cela n'oste pas le courage de repliquer a ceux qui soignent de nous.

  A026001816 

 Ceci est un peu difficile, et pour ne rien laisser à soi-même; car, combien de fois voudrait-on un peu de solitude, de repos, de temps pour soi! cependant, l'on voit une Sœur qui côtoie, qui s'approche, qui désirerait ce quart d'heure pour elle, une parole, une caresse, une visite, que sais-je moi?.

  A026001819 

 Mon très cher Seigneur l'approuvera, s'il le trouve à propos, et ordonnera ce qui lui plaira et, mon Dieu m'aidant, je l'obéirai..

  A026001819 

 Voilà ce qui m'est venu en vue où il me semble que je pourrais m'exercer et mortifier.

  A026001823 

 Sans doute, qui parle peu de soymesme fait extremement [283] bien; car, soit que nous en parlions en nous accusant, soit en nous excusant, soit en nous louant, soyt en nous mesprisant, nous verrons que tous-jours nostre parole sert d'amorce a la vanité.

  A026001827 

 Cependant, l'âme qui est en l'état ci-dessus, voulant s'essayer de le faire, ne peut en façon quelconque, dont souvent elle se peine beaucoup.

  A026001827 

 Mais aussi quelquefois l'on se trouve dur en la mémoire de ces benefices ou en quelque occasion où il serait requis de discourir: comme quand on veut faire des confessions ou renouvellements, qu'il faut avoir de la contrition; et cependant l'âme demeure sans lumière, sèche et sans sentiment, ce qui donne grande peine..

  A026001827 

 Mais il me semble néanmoins qu'elle le fait et en une manière fort excellente, qui est un simple ressouvenir ou représentation fort délicate du mystère, avec des affections fort douces et savoureuses.

  A026001840 

 Cecy doit estre vostre exercice continuel; car cette simplicité de cœur vous empeschera de penser distinctement (car nous ne sommes pas maistres de nos pensees, pour n'en avoir que celles que nous voulons) qu'a ce que vous aures a faire et a ce qui vous est marqué, sans espancher vostre ame ni a vouloir, ni a desirer autre chose; et fera que toutes ces pretentions de plaire et ces craintes de desplaire a nostre Mere, s'esvanouiront, reservant le seul desir de plaire a Dieu, qui est et sera l'unique objet de nostre ame..

  A026001841 

 Lhors qu'il vous arrivera de faire quelque chose qui pourroit fascher ou mal edifier les Seurs, si c'estoit chose d'une grande importance, excuses vous, en disant que vous n'aves pas eu mauvaise intention, s'il est vray; mais si c'est chose legere et qui ne tire point de consequence, ne vous excuses point: observant tous-jours de faire cela avec douceur et tranquillité d'esprit, comme aussi de recevoir les advertissemens.

  A026001843 

 Et tout de mesme en est il des pensees de jalousie ou d'envie, et mesme de ces attendrissemens que vous aves sur vos commodités corporelles, et semblables tricheries qui vont ordinairement roulant autour de nos espritz, retranchant a vostre ame tout autre soin que celuy de se tenir en paix et en tranquillité.

  A026001846 

 Et tout de mesme, quand vous arrestes quelque chose qui ne sera bien pris selon vostre intention: passes outre, pensant a ce que vous aves a faire.

  A026001847 

 Dieu vous veut toute et sans aucune reserve, et toute fine nue et despouillee; c'est pourquoy il faut que vous ayes grand soin de vous desfaire de vostre propre volonté, car il n'y a que cela seul qui vous nuise, d'autant que vous l'aves tous-jours extremement forte, et vous estes fort attachee a vouloir ce que vous voules.

  A026001848 

 Embrasses donq bien fidelement cet exercice, puisque je vous le dis avec la charité de Dieu et la connoissance que j'ay de vostre necessité, qui est que vous regardies la providence de Dieu aux contradictions qui vous seront faites, Dieu les permettant affin de vous destacher de toutes choses, pour vous mieux serrer a sa Bonté et unir a luy; car je sçay qu'il veut que vous soyes sienne, mais d'une façon toute particuliere..

  A026001850 

 Ayes un grand soin de ne vous point troubler lhors que vous aures fait quelque faute, ni de vous laisser aller a des attendrissemens sur vous mesme, car tout cela ne vient que d'orgueil; mais humilies-vous promptement devant Dieu, et que ce soit d'une humilité douce et amoureuse, qui vous porte a la confiance de recourir soudain a sa Bonté, vous asseurant qu'elle vous aydera pour vous amender..

  A026001851 

 Que la volonté de Dieu s'accomplisse en vous, qui estes obligee d'une obligation particuliere de vous perfectionner; car Dieu veut se servir de vous.

  A026001854 

 Ne soyes point tant amie de vostre paix que, quand on vous l'ostera par quelque commandement, ou correction, ou contradiction, vous en demeuries troublee; car cette paix qui ne veut point estre agitee est recherchee par l'amour propre..

  A026001855 

 Consideres donq souvent quel desplaysir ce vous sera et ce vous doit estre, de voir que vous manques de correspondance a la volonté de Dieu, puisqu'il a laissé a vostre pouvoir d'acquerir cela, qui doit perfectionner et accomplir vostre talent..

  A026001885 

 Il faut donq obeir a celle que Dieu nous a donnee pour Superieure en regardant tous-jours Nostre Seigneur en elle, par l'ordonnance duquel elle nous commande et conseille ce qui est pour nostre bien et avancement spirituel.

  A026001885 

 Si vous voules avancer au chemin de la vertu, ne regardes pas au visage de ceux qui vous commandent, parce que si vous les consideres il vous arrivera tous-jours de la difficulté a obeir et sousmettre plustost a cette Superieure qu'a une autre, si elle estoit en charge.

  A026001885 

 Tandis que nous regardons aux creatures et non au Createur nous ne ferons jamais rien qui vaille, ni ne ferons aucuns progres en la vertu.

  A026001886 

 Il faut faire ainsy: obeir simplement a la voix de Dieu qui nous est signifiee par nos Superieures, ne faisant aucun discours ni pensee pour en juger selon nostre inclination..

  A026001887 

 Et soyes bien ayse de n'avoir point de sensible satisfaction, car nous aymons tant ceux qui nous disent de belles choses!.

  A026001888 

 C'est un grand moyen d'avancer en la vertu et en l'amour de Dieu quand nous avons des Superieures qui ne nous ayment pas et que nous n'aymons pas aussi.

  A026001888 

 Dittes avec la Mere Therese de Jesus: « Tout ce qui n'est point Dieu ne m'est rien.

  A026001889 

 Dites avec l'Apostre: Seigneur, que vous plaist il que je face? Mais saint Bernard dit qu'il y a des Religieux a qui il faut dire: Que vous plaist il de faire? O ma chere Fille, ne soyes point ainsy enfant..

  A026001890 

 En fin, le cœur obeyssant racontera les victoires; les victoires nous les remportons quand nous sousmettons nostre volonté et jugement a celuy d'autruy, a l'imitation de Nostre Seigneur qui s'est rendu obeissant jusqu'a la mort, et a la mort de la croix, et a mieux aymé mourir que de perdre l'obeissance..

  A026001893 

 S'il vous arrive du proffit quand vous rendes conte, de dire que c'est moy qui vous ay enseigné cet exercice, dites le affin qu'on vous le laisse continuer; mais si elles vous disent que vous facies autrement, quittes tout et faites simplement ce qu'elles vous diront, encor que vous ayes de la repugnance tant a quitter qu'a faire autrement que je vous ay dit.

  A026001895 

 Il faut bien prattiquer tous les moyens qui nous sont donnés pour arriver au Ciel et au salut, purement pour Dieu et pour luy plaire, parce qu'il le veut ainsy et qu'il est bon de le faire.

  A026001898 

 Nostre Seigneur qui se voyant Dieu, et partant ne voyant aucune chose en soy pour s'humilier, a voulu neanmoins s'humilier et a dit: Apprenes de moy que je suis doux et humble de cœur et vous treuveres le repos en vos ames.

  A026001899 

 Mais je vous dis, d'une humilité vraye et solide, qui vous rende souple a la correction, maniable et prompte a l'obeyssance..

  A026001910 

 Je vous recommande l'affabilité, que vous sçavés qui se prattique avec ceux a qui on parle; se rendre joyeuse avec ceux qui le sont, pleine de compassion avec les affligés, s'accommodant a la façon des autres, a leurs humeurs, faire comme saint Paul: se rendre tout a tous pour les gaigner tous..

  A026001912 

 Tasches d'acquerir la sainte tranquillité exterieure et interieure en toutes vos actions et vous formés selon cela; [296] et quand on ne sçait plus que faire a son esprit, qui est piqué et troublé, il se faut divertir.

  A026001919 

 N'amuses point vostre esprit a ce qui se passe autour de vous.

  A026001925 

 La generosité passe par dessus tout cela, ne s'attachant qu'a Dieu seul, pour l'amour duquel elle fait tout, et mortifie ce qui est d'humain pour ne vivre plus que pour luy.

  A026001931 

 Demandes conseil a Nostre Seigneur de ce que vous devres dire, avant de parler, et a vostre partie superieure aussi, affin de ne rien dire qui offense Dieu ni les creatures.

  A026001934 

 Quand vous envoyeres ou recevres des commissions de quelqu'un, il faut ainsy parler de Nostre Seigneur, et dire a ceux qui vous les font: Je vous prie de remercier N. de ma part, du souvenir qu'il a de moy; asseures le ou asseures la (selon la personne) que je prieray Nostre Seigneur pour elle, affm qu'il luy continue tous-jours ses saintes graces; et choses semblables..

  A026001936 

 Vous aves un esprit comme ces arbres qui ont tant de branches autour qui les empeschent de croistre: tant de menus desirs empeschent de croistre le plus grand, qui est de plaire a Dieu..

  A026001943 

 Quand on tombe en quelques defautz et imperfections, c'est un remede et moyen tres bon, et qui plaist fort a Dieu [301] et confond le diable, que de s'humilier tout aussi tost devant Dieu et eslever son esprit au Ciel, usant de ces paroles ou autres semblables: O Seigneur, vous voyes combien je suis fragile et miserable, et comme je tombe souvent; pardonnes moy, Seigneur, et donnes moy la grace de ne plus tomber.

  A026001945 

 Or sus, ma Fille, je vous prie de n'entrer jamais en desfiance de moy, pour me cacher quelque chose de ce qui se passe en vous..

  A026001945 

 Qu'importe que vous soyes tous-jours imparfaitte, pourveu que vous ayes le soin de vous perfectionner en embrassant tous les moyens qui vous seront possibles pour cela, avec fidelité? Laisses faire a Dieu, il vous aydera.

  A026001953 

 Chacun ayme mieux ceux qui sont a son gré; c'en est de mesme des vertus.

  A026001953 

 Il faut tourner son esprit a toutes mains par une excellente mortification de nous mesme et de tout ce qui est du naturel, pour se ranger au bon playsir de Dieu..

  A026001953 

 Nostre Seigneur veut que nous facions quelque chose de plus que les payens qui ayment davantage ceux qui les ayment; il veut que nous exercions nostre vertu a l'endroit de ceux que nous aymons moins, et il le faut faire.

  A026001953 

 S'il y avoit une personne qui fust punaise et qu'il la fallust servir et qu'elle ne se contentast jamais de nos services, il ne faudroit pas pour cela laisser un brin du service qu'on luy doit.

  A026001954 

 Hé, quand sera ce que vous pourrés dire avec l'Apostre: Ce n'est plus moy qui vis, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy. Il faut que ce soit tout a cette heure que vous soyes superieure de vous mesme et que vous soyes la nouvelle fille de Nostre Seigneur.

  A026001960 

 Ainsy ceux qui commencent la perfection d'un jour a l'autre, ne laissent pas, en leur resolution, d'estre parfaitz aussi bien que les autres qui en font la resolution determinee tout en un coup, pour toute leur vie.

  A026001960 

 Ressembles, si vous pouves, a la robbe de [Joseph], qui tenoit despuis la teste jusqu'aux pieds; c'est a dire, qu'il se faut exercer toute sa vie a la prattique des vertus..

  A026001961 

 Il faut lier nos passions avec des chaisnes d'or, qui sont des chaisnes d'amour, sans oublier les inclinations et aversions, affin de les ranger en toutes choses selon le bon playsir de Dieu..

  A026001962 

 Ayant fait vostre reveuë, rejetté et detesté vos imperfections, il reste a faire la fin, qui est de bien mettre en prattique vos resolutions et vouloir des-ormais vivre toute a Dieu et vous appliquer a son amour.

  A026001966 

 C'est une parole de Nostre Seigneur: qui marche droitement a luy ne regarde qu'a le suivre droitement, sans regarder les autres; n'y penses point.

  A026001968 

 Il faut faire comme ceux qui vont par un beau chemin, rempli de belles fleurs: [ils] ont beaucoup de sujetz de s'amuser par le chemin; ilz ne s'amusent a rien, pas seulement a cueillir ni sentir ces belles fleurs, ilz font leur chemin droit.

  A026001974 

 Quand il n'y auroit que Dieu et vous au monde, seroit-ce pas asses, sans vouloir tant de creatures et vous amuser a tant de [307] tricheries qui passent par vostre esprit? Resouvenes vous souvent de Dieu par des frequentes aspirations en luy..

  A026001979 

 L'ame du prochain, c'est l'arbre de vie du paradis terrestre; il est defendu d'y toucher parce qu'il est a Dieu qui le doit juger, et nous aussi.

  A026001982 

 Il faut entreprendre de se perfectionner, non point pour nostre contentement, mais pour plaire a nostre Espoux qui le veut..

  A026001988 

 Demeures donq simplement en cette resolution, sans regarder ni a droitte ni a gauche, et quand l'ennemi vous mettra cette tentation au cœur, que vous ne persevereres pas, dites en vous mesme: Si ferons, s'il plaist a Dieu; Celuy qui a commencé l'œuvre la parachevera.

  A026001992 

 En fin, ce sont des [310] mouches du monde qui nous piquent, mais il [ne] faut que tout simplement les oster..

  A026001992 

 Ne faites rien qui puisse faire connoistre vostre aversion.

  A026001994 

 Jamais nous ne l'acquererions si nous n'avions des occasions de combattre, comme cette fille qui alla treuver saint Athanase affin qu'il luy baillast une femme qui l'exerçast a la patience, pour en acquerir la vertu.

  A026001994 

 Si nous ne nous mettions point aupres de ceux qui nous piquent, nous n'acquerrions jamais la douceur et patience.

  A026001996 

 Il faut beaucoup aymer le prochain avec tendresse, specialement celles [envers] qui vous aves plus de repugnances.

  A026001996 

 Ma chere Fille et partiale, je vous prie, ne faites rien a cette Seur qui puisse luy faire connoistre que vous luy aves de l'aversion; au contraire, soyes ayse de luy rendre des services.

  A026001997 

 L'envie c'est que l'on est marri du bien du prochain; l'aversion est une passion qui vient sans que nous voulions, et pour la vaincre quand elle est forte il se faut divertir et n'y point penser que le moins que l'on peut.

  A026002000 

 — Il vaut bien mieux ne rien dire qui vaille, pour aymer son abjection, que suivre son humeur, car c'est ce que nostre ennemi pretend: nous abattre le courage, pour aucunes choses qui nous puissent arriver.

  A026002000 

 — Mais vous ne dites rien qui vaille, ce vous semble.

  A026002002 

 Supportes vostre mal avec patience, fuyes les choses qui croissent ou font naistre vostre mal, comme: prendre playsir a vostre pleur, fuir les conversations, faire tout ce que l'on fait avec regret, et choses semblables.

  A026002003 

 En fin, bienheureux, en toutes tentations, qui croit et peut dire: Credo in Deum; il ressent mille suavités au cœur.

  A026002004 

 Saint Paul qui dit: Je ne vis plus, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy, se plaint et dit: Je sens une loy en mes membres qui repugne a celle [313] de mon esprit.

  A026002008 

 Quand je suis a l'Office, je m'imagine que je suis au Ciel avec les Anges, et que je chante avec eux les louanges de Nostre Seigneur; et au partir de la, je treuve qu'en un moment toutes ces affaires se font, qui auparavant que d'aller a l'Office me donnoyent tant de peyne.

  A026002012 

 En la primitive Eglise tous les Chrestiens qui estoyent martyrs perdoyent leurs ames et vies temporellement pour les gaigner eternellement.

  A026002012 

 Il vouloit dire: Si quelqu'un me crucifie, je tireray toutes les creatures apres moy au Ciel, au moins celles qui voudront faire prouffit de ma Passion.

  A026002012 

 Les mondains qui vivent selon la chair et les vices gaignent leurs ames en ce monde pour les perdre eternellement en l'autre.

  A026002012 

 Nostre Seigneur a dit que quicomque perdra son ame, c'est a dire sa vie, la gaignera, et que qui la gaignera la perdra.

  A026002017 

 Prenes soigneusement un point et vous mettes [315] en la presence de Dieu avec le plus d'humilité qu'il vous sera possible; tasches de faire vos considerations, si vous pouves, et si Nostre Seigneur vous tire et empesche par son attrait et inspiration de faire des considerations pour vostre amendement, ne les faites pas, vous les feres apres l'orayson si vous pouves; mais laisses aller vostre ame aux affections ou Dieu l'attire, sans vous rechercher ni regarder ce qui se passe en vous, mais soyes fidele a suivre l'attrait de Dieu..

  A026002019 

 Quand on ne peut pas faire des considerations par secheresse, il faut faire ses resolutions et affections selon la partie superieure, sans se desgouster ni quitter l'orayson; mais quand il vient des pesanteurs, sur tout aux oraysons extraordinaires, vous vous pouves bien un peu divertir, comme pendant la lecture et autres qui ne sont pas d'obligation.

  A026002022 

 C'est comme une eau qui est tant agitee des vens qu'elle ne represente pas l'image de l'homme, d'autant qu'elle est troublee; et bien qu'elle soit claire, les parties du cors y paroissent comme desunies les unes des autres.

  A026002022 

 En fin, qui n'a l'esprit d'orayson et de recollection, il est impossible quasi qu'il arrive a une parfaitte victoire de soy mesme et a un grand degré de mortification, comme l'experience le monstre.

  A026002022 

 Il n'est pas possible que l'ame qui au tems de la meditation est occupee de quelqu'autre affection ou desir, puisse estre attentive a ce qu'elle medite, pour bien recevoir en soy mesme l'image de Dieu auquel elle cherche de se transformer par l'orayson.

  A026002022 

 Tout de mesme l'ame qui est agitee des vens contraires des passions n'est pas propre pour recevoir en soy l'image de Dieu..

  A026002024 

 Nostre Seigneur nous donnera d'autres choses qui sont meilleures pour nous.

  A026002035 

 Premierement, que cela arrive par la volonté de Dieu, ou permission, qui la juge estre a sa plus grande gloire et vostre plus grand bien que cela se fist ainsy..

  A026002037 

 La troisiesme, que Dieu est la present qui contemple si en l'occasion qu'il vous donne de prattiquer la vertu, vous prattiqueres la bonne resolution qu'aves prise de ne le jamais quitter ni offenser..

  A026002039 

 La cinquiesme, que tous les maux que l'on vous fait sont autant de couronnes au Ciel, si vous les supportes; si bien que ceux qui sont vos malfaicteurs soyent vos bienfacteurs..

  A026002044 

 Ne nous troublons point pour nos fautes, ni pour nostre peu d'advancement, ni pour rien qui soit en nous, ni que nous puissions faire..

  A026002046 

 Parfumer son cœur des pensees d'abjection qui viennent..

  A026002051 

 Parler bassement et humblement; ne point parler de soy, de ses parens, ni d'aucune chose qui puisse estre a son advantage..

  A026002064 

 Avoir un desplaysir de nos fautes [320] qui soit paisible, rassis et ferme, et non point aigre, empressé ni inquiete.

  A026002068 

 D'avoir une tres unique pretention en toutes ses œuvres et actions, qui est de plaire a Dieu; de voir et aymer la volonté de Dieu en tout ce qui nous arrive, tant du bien que du mal..

  A026002072 

 Regarder plustost ce que dira Dieu et ses Anges sur ce que nous faisons et disons, que non point que diront ceux qui nous voyent et entendent..

  A026002073 

 Vivre au jour la journee, sans tant de prevoyance ni de soin de nous mesmes, ni de tout ce qui doit arriver..

  A026002074 

 Faire ce qui nous est present selon nostre vocation, et nous confiant entierement en la divine Providence..

  A026002081 

 Ne point trop familiariser, principalement avec celles a qui nous avons de l'inclination..

  A026002088 

 Ne point tant chercher de moyens pour bien aymer et servir Dieu, mais se tenir aux pieds de Nostre Seigneur, demandant sa grace et son amour, sans rechercher autres moyens pour y parvenir que ceux qui nous sont marqués dans nos Constitutions..

  A026002093 

 Ne jamais rapporter aux autres ce que nous aurons ouy dire d'elles, [si c'est] chose qui puisse mortifier ou mescontenter; ne jamais dire aucune chose qui puisse tant soit peu mortifier les Seurs.

  A026002094 

 Ne rien dire qui rabbatte ou desappreuve ce que les autres disent..

  A026002095 

 Ne tesmoigner aucune singularité a aucune, qui puisse tant soit peu donner du soupçon aux autres..

  A026002099 

 Ne laisser de parler, regarder et se mettre aupres de celles qui nous auront donné quelque mescontentement..

  A026002102 

 Se mortifier en toutes les choses et occasions qui se presentent..

  A026002103 

 Bien faire son prouffit de toutes les mortifications qui nous arrivent de la part de Dieu, de la Superieure et des Seurs..

  A026002104 

 Se mortifier et vaincre en tout ce qui empesche d'observer la Regie..

  A026002107 

 Ne regarder chose aucune qui soit curieuse..

  A026002108 

 Ne point desirer sçavoir ni demander ce qui ne nous touche point..

  A026002118 

 Recevoir tout ce qui repugne a nostre goust, volonté et affection, avec allegresse et promptitude, parce que tel est le bon playsir de Dieu..

  A026002128 

 Ne prester ni recevoir aucune chose, pour petite qu'elle soit, sans congé; aymer et nous res-jouir quand quelque chose qui nous est necessaire nous manque.

  A026002131 

 Bayser et caresser tendrement ce qui repugne a nostre goust et sensualité..

  A026002165 

 Prendre toutes les occasions qui nous arrivent, grandes et petites, comme venant de la main de Dieu.

  A026002174 

 I er Point de l'obeyssance est que nous devons croire et tenir pour asseuré que Dieu a establi toute sorte de Superieures et que ce ne sont pas les hommes qui les eslisent, c'est Dieu mesme..

  A026002175 

 C'est que Dieu a establi les Superieures comme ses lieutenantes en terre, affin que nous leur obeyssions comme a luy mesme, et tient estre fait a luy ce qui est fait aux Superieures, comme il le tesmoigne par ces parolles: Celuy qui vous obeit m'obeit, et celuy qui vous mesprise me mesprise..

  A026002176 

 C'est que Dieu ne permettra jamais que vous perissies tandis que vous obeyres fidellement vous confiant en luy; car si Dieu vous a mise sous une Superieure affin que vous luy obeyssies, croyes qu'il vous protegera de sa providence divine pour parvenir a vostre derniere fin, qui est vostre perfection..

  A026002177 

 C'est qu'il ne faut jamais regarder au visage des Superieurs ni dire: Sont ilz propres pour nous? commanderont ilz bien? ains obeyr a l'aveugle en tout ce qu'ilz nous commandent, car ce ne seront pas les Superieures qui nous rendront parfaittes, mais la sousmission et obeyssance que [327] nous leur rendrons.

  A026002177 

 Et l'on voit beaucoup d'inferieurs qui sont saintz sous des Superieurs fort imparfaitz, et des inferieurs imparfaitz sous des Superieurs qui sont saintz, tellement qu'il n'y a point d'excuse en l'obeyssance sinon la grande, qui est d'offenser Dieu.

  A026002194 

 Monseigneur m'a dit que les armes quil faut enporté pour aler en quelque fondation ne sont autre que la saincte humilité, de laquelle vertu il m'a dit quil me faloit estre toute couverte; car l'humilité est toute genereuse, et nous fait entreprendre avec un courage invincible tous ce qui regarde le service de Dieu et l'agrandissement de sa gloire.

  A026002195 

 Nous ne sommes pas Econnome ni Superieure des talans et dons que Dieu a mis en nous, mais seulement Depenciere, pour les distribuer aux autres, pourtant l'esprit de la Visitation par tout afin de le repandre au prochain; [329] tachant de polir, purifier et formé les esprits de celles que Nostre Seigneur nous commettra, qui se treuveront fort divers, esquels il faudra que nous exercions une grande douceur, simplicité, suport et patience pour les voir cheminer le petit pas et tousjours commettre des imperfections; inculquant en ces ames là la vraye humilité, generosite, douceur et charité, qui est le vray esprit de nos Regles, afin que par ce moyen elles parviennent a la perfection de l'amour sacré et a l'union de leurs ames avec sa divine Majesté, qui est la fin pour laquelle elle les a apellé a la Religion..

  A026002203 

 QUI, POUR ESTRE BRIEF, SIMPLE ET TENDANT IMMEDIATEMENT A L'UNION AMOUREUSE DE NOSTRE VOLONTE AVEC CELLE DE DIEU, POURRA ESTRE PRATIQUE PAR LES PERSONNES QUI SONT EN SEICHERESSE, STERILITE, TRISTESSE, FOIBLESSE CORPORELLE OU ACCABLEES D'OCCUPATIONS..

  A026002207 

 point, user de la petitte orayson qui est en l' Exercice du mattin de Philothee..

  A026002226 

 Ayes une droitte intention de faire tout pour Dieu et pour son honneur et gloire, et vous destournes de tout ce que la partie inferieure de vostre ame voudra faire; laisses-la tracasser tant qu'elle voudra autour de vostre esprit, sans combattre nullement tous ses assautz, ni mesme regarder ce qu'elle fait ou ce qu'elle veut dire, ains tenes-vous ferme en la partie superieure de vostre ame et en cette resolution de ne vouloir rien faire que pour Dieu et qui luy soit aggreable..

  A026002227 

 Ayes a cœur le support des filles imparfaittes qui seront en vostre charge: ne faites jamais de l'estonnee, quelque sorte de tentation ou d'imperfection qu'elles vous descouvrent, ains tasches a leur donner confiance a vous bien dire tout ce qui les exercera..

  A026002228 

 Remarques que celles qui ont le plus de mauvaises inclinations, sont celles qui peuvent parvenir a une plus grande perfection.

  A026002229 

 Ne vous estonnes nullement de voir en vous beaucoup de fort mauvaises inclinations, puisque, par la bonté de Dieu, vous aves une volonté superieure qui peut estre regente au dessus de tout cela.

  A026002248 

 Donné de la main et du cœur de la... a ma Seur Marie Philiberte, de la Visitation, a laquelle Dieu veuille donner [338] l'esprit de la vraye devotion, qui consiste en l'humilité, douceur et simplicité.

  A026002261 

 Pour celles qui ont la voix bonne et en tirent trop de complaysance il sera tres bon de les priver parfois de tenir les premiers rangs en telles charges, si ce sont filles qui ayent l'esprit fort a supporter la mortification; mais neanmoins il y en a auxquelles il est besoin de donner quelque complaysance au chant des Offices pour les y encourager, en les portant tous-jours de referer tout a Dieu en mortifiant la vanité.

  A026002262 

 Quant a celles qui desirent les premiers rangs et charges parce qu'elles sont anciennes, en cela la Superieure doit faire selon qu'elle le jugera pour le mieux, sans avoir esgard a telles foiblesses; car c'est en cela ou il faut rompre et mortifier la volonté et propre estime, sans faire semblant de rien.

  A026002263 

 Pour les meres et filles qui sont Religieuses, je vous respons en un mot qu'elles se doivent appeller Seurs tout ainsy comme les autres; mais je ne treuve pas bon qu'on en reçoive facilement ensemble, si ce n'estoyent filles ou femmes extraordinaires et de grande consideration..

  A026002264 

 Il y en a qui tesmoignent la foiblesse du sexe, car si on les veut un peu tenir en devoir au tems de leurs maladies, elles se mettent au descouragement, s'imaginant d'estre abandonnees de Dieu et des creatures; que s'il leur semble que la Superieure n'ayt essayé que c'est d'estre malade, elles prendront plus mal ce qui viendra d'elle: et neanmoins le support ne procede que de la grace de Dieu, quoy que l'experience y serve en quelque façon pour la connoissance de cette infirmité..

  A026002264 

 Pour les malades qui semblent ne prendre playsir a parler des choses bonnes, il faut en cela suivre la discretion, car il ne les faut pas importuner, mais suavement leur dire de tems en tems quelque chose de bon, sans faire des longs discours.

  A026002267 

 La prudence est icy grandement necessaire pour traitter avec eux comme il faut, mais tous-jours avec humilité et douceur, en tenant neanmoins la regie droitte et ferme pour ce qui est de l'observance des Regles et de l'esprit de la Visitation..

  A026002268 

 Du jeusne, j'appreuve grandement que personne ne s'en dispense de soy mesme; mays si l'on en a besoin, il en faut laisser le soin a ceux qui ont charge de nous.

  A026002268 

 Et si l'on vous remet a vostre choix, prenés le jeusne, car il est mieux de ne flatter pas le cors que de l'attendrir, si ce n'est pour les raysons suivantes: si le jeusne vous rend chagrine ou donne des estourdissemens de teste, ou bien si l'on est [341] travaillé de quelque douleur, il n'y a point de doute que l'on ne doit pas jeusner si cela accroist la douleur; car l'Eglise ordonne le jeusne pour macerer' un peu ceux qui sont sensuelz et pour faire pœnitence; mais ceux qui en reçoivent de l'incommodité qui empesche l'esprit de ses fonctions, l'on en peut dispenser, mais non pas de soy mesme.

  A026002268 

 Il y a plus de perfection a demander ses necessités que de se laisser a la providence des Superieurs, qui ne doivent pas se lasser a observer celle ci et celle la.

  A026002268 

 Pour celles qui sont tendres, il faut mespriser leur mal et se moquer d'elles mesmes; mais neanmoins, si l'on connoist qu'elles en ayent necessité, il les faut soulager gracieusement..

  A026002269 

 Si une Seur murmuroit contre la Superieure, treuvant a redire a ses actions, il ne faudroit en façon quelconque luy en rien tesmoigner; mais si le murmure estoit d'importance, il faudroit prier une de celles qui les auroit ouy, d'advertir celle qui auroit murmuré, en particulier, sans luy donner a connoistre que la Superieure en sçache rien..

  A026002271 

 Il faut, au commencement de sa superiorité, qu'elle soit condescendante a contenter la curiosité des espritz, en leur respondant asses familierement selon les demandes que luy feront les seculiers, et mesme aux Seurs de dedans, ayant un grand soin de les contenter; et en cet abord il faut qu'elle donne une grande estime des Constitutions et [342] qu'elle aye un grand soin de tenir les Seurs dans l'estroitte observance des menues choses, comme de lever ses habitz, fermer les portes apres soy, en leur faysant concevoir la sincerité des Constitutions qui n'obligent point a peché quand il n'y a point de negligence..

  A026002273 

 L'on doit prendre garde de ne point rejetter des filles pour des choses legeres; mais il faut prendre garde aussi de n'en point recevoir de celles qui sont opiniastres et negligentes a se corriger de leurs defautz et tout ensemble malicieuses; mais si l'on voit qu'elles eussent [assez] de force a se surmonter, il faut alhors user de patience, en leur donnant du tems a se surmonter et corriger.

  A026002276 

 La Superieure doit escouter les peynes abjectes des Seurs comme celle qui n'y pense pas, et pour les Seurs qui en sont en peyne et celles qui ne les disent pas, il faut charitablement leur aller au devant; tout de mesme a celles qui sont trop tardifves a rendre conte, les attirer doucement..

  A026002277 

 L'on ne doit laisser lire des livres ou sont des autres Regles, affin que cela ne serve de tentation; mesme il y en a qui ne permettent pas de lire les Chroniques de saint François a cause de cela..

  A026002280 

 Si le Confesseur demandoit souvent de parler a une Seur, il la faudroit mettre en quelque office qui l'occupast, affin d'avoir dequoy s'excuser..

  A026002289 

 Puisque c'est le haut point de la perfection chrestienne de conduire les ames a Dieu, l'aymant qui a attiré Jesus Christ du Ciel en terre pour y travailler et consommer son œuvre dans la mort et par la Croix, il est aysé de juger que celles qu'il employe a cette fonction se doivent tenir bien honnorees, s'en acquittant avec un soin digne des espouses de Celuy qui a esté crucifié et est mort comme un Roy d'amour, couronné d'espines, parmi la trouppe de ses esleus, les encourageant a la guerre spirituelle qu'il faut soustenir icy bas pour arriver a la celeste Patrie promise a ses enfans..

  A026002290 

 Ainsy, mes cheres Filles, celles que Dieu appelle a la conduite des ames se doivent tenir dans leurs ruches mystiques ou sont assemblees les abeilles celestes pour mesnager le miel des saintes vertus, et la Superieure, qui est entre elles comme leur roy, doit estre soigneuse de s'y rendre [345] presente, pour leur apprendre la façon de le former et conserver.

  A026002294 

 Mais si quelques unes se rendoyent contraires a cette conduite, vous pourries, prenant sujet de les y exercer, leur faire voir leur ignorance, leur peu de rayson et de jugement de s'amuser aux presomptions et fauses imaginations que produit la nature depravee; combien l'esprit humain est opposé a Dieu, dont les secretz ne sont revelés qu'aux humbles; qu'il n'est pas question, en la Religion, de philosophes et de beaux espritz, mays de graces et de vertus, non pour en discourir, mais pour les prattiquer humblement; leur faysant faire et ordonnant des choses difficiles a faire et comprendre et qui soyent humiliantes, pour les destacher insensiblement d'elles mesmes et les engager a une humble et parfaitte sousmission a l'ordre des Superieures, lesquelles aussi doivent avoir une grande discretion a bien observer le tems, les circonstances et les personnes.

  A026002297 

 Je vous recommande a Dieu pour obtenir ses saintes graces dans vos conduites, affin que, tout a son gré et par vos mains, il façonne les ames, ou par le marteau, ou par le ciseau, ou par le pinceau, pour les former toutes selon son bon playsir, vous donnant a ce dessein des cœurs de peres, solides, fermes et constans, sans omettre les tendresses de meres qui font desirer les douceurs aux enfans, suivant l'ordre divin qui gouverne tout avec une force toute suave et une suavité toute forte.

  A026002302 

 C'est es choses difficiles, malaysees et desaggreables que nous devons prattiquer la fidelité envers Dieu, laquelle sera d'autant plus excellente que nous aurons moins de choix a ce qui nous sert d'exercice.

  A026002303 

 La divine Escriture dit: Celuy qui n'est point esprouvé que sçait il? Bienheureux est l'homme qui endure l'essay de la tentation, car apres avoir esté esprouvé [348] par l'Esprit, il recevra la couronne de gloire que Dieu a promise a ceux qui l'ayment.

  A026002304 

 Confions nos bons desirs a Dieu et ne soyons point en anxieté s'ilz fructifieront, car Celuy qui nous a donné la fleur du desir nous donnera aussi le fruit de l'accomplissement pour sa gloire, si nous avons une fidelle et amoureuse confiance en luy..

  A026002305 

 Ne craignes rien, car si les petitz poussins se tiennent asseurés quand ilz sont sous les aisles de leur mere, combien doivent estre asseurés les enfans de Dieu sous sa paternelle protection! Demeures donq en paix, ma Fille, puisque vous estes de ces enfans; et reposes vostre cœur et toutes les lassitudes et langueurs qui vous arriveront, sur la sacree et tres aymable poitrine de ce Sauveur, qui sert a ses enfans de pere par sa providence et de mere par son doux et tendre et cordial amour..

  A026002307 

 La douceur de ses yeux, et ses larmes coulant si doucement sur sa face angelique, » les « ardens souspirs » qui entrecoupoyent « ses innocentes prieres, sa modestie en toute sa personne donnoyent de la devotion a tous ceux qui avoyent l'honneur de le voir en ce saint exercice.

  A026002307 

 Nous lisons en la Vie du bienheureux Amedee, que ceux qui le voyoyent en devotion [disaient qu'il] falloit qu'ilz n'eussent point de cœur ou bien [qu'] ilz l'avoyent de roche s'ilz ne l'amollissoyent, a l'heure particulierement que l'on le voyoit a la Messe ou aux Offices divins, « ou jamais il ne parloit a personne [qu'] a Dieu.

  A026002308 

 Il faut tous-jours bien faire de mieux en mieux, car quand [nous] vivrions les siecles entiers en souffrance et peyne, nous ne pourrions trop faire pour un si bon Dieu qui nous a fait tant de graces et tant de biens.

  A026002308 

 L'« homme qui ayme Dieu et qui a le cœur vivement frappé » de l'amour de Dieu « ne treuve rien de trop, hormis » le peché, et « luy semble de faire tous-jours trop peu pour Dieu qui a fait tant d'exces d'amour et de souffrance pour nous; » mais nous autres, pour peu que nous fassions, nous pensons encor « avoir fait trop et que Dieu » nous en « doit de reste.

  A026002312 

 Or, la simplicité de la colombe consiste a ne vouloir qu'une seule chose, comme fit cette corneille changee en blanche colombe, je veux dire Magdeleine convertie, qui pour tout ne cherche que son Maistre.

  A026002312 

 Tout ce qui n'est pas Dieu ne luy est rien; son cœur n'est point sujet au change, car elle rencontre les Anges, elle les quitte sans s'arrester avec eux, pour chercher son Bienaymé crucifié.

  A026002314 

 Mais, ce me dires vous, que desiray je sinon luy? — Escoutes, ma Fille, et consideres le premier point de la simplicité celeste, qui consiste a ne chercher Dieu que par le [352] chemin qu'il nous a marqué; car qui ne veut pas aller par ou Dieu le conduit ne le treuvera jamais, d'autant qu'il ne le cherche pas simplement.

  A026002314 

 O qu'heureux furent ceux qui ne murmurerent point, car jamais rien ne leur manqua! O que malheureux furent ceux qui murmurerent, car ilz furent piqués du serpent et eurent mille angoisses..

  A026002315 

 L'hiver nous nous plaignons du froid et l'esté du chaud; les mouches nous mettent en peyne sur le chemin; en fin il n'y a que l'homme simple qui ne se trouble point, car il ne cherche que Dieu par le chemin auquel il est.

  A026002315 

 O combien de gens changeroyent volontier la leur a la nostre! Ce n'est pas tant nostre mal qui nous fait mal, comme c'est nostre amour propre qui s'aigrit et inquiete a tout ce qu'il a a contre cœur.

  A026002317 

 Mesme on peut repeter cet acte de reunion sans rien dire, faysant le signe de la Croix sur le cœur, ou levant les yeux au ciel, ou bien prononçant le sacré nom de JESUS. Et semble bon encores de faire cet acte de reunion au commencement de toutes les prieres qui se prattiquent parmy la journee, comme oyant la sainte Messe, au Benedicite et Graces de table, aux Ave de midi et du soir, apres l'examen, et particulierement avant la confession, parce qu'il faut prendre soigneusement garde de ne faire aucun acte de pieté par maniere d'acquit, ains avec une serieuse et veritable affection..

  A026002318 

 C'est pourquoy, ceux qui sont sujetz a beaucoup d'occupations, je leur conseille de faire leurs exercices spirituelz courtement, affin qu'ilz les puissent faire plus attentivement, s'y adonnant avec l'esgalité de l'esprit, qui est un des plus illustres ornemens de la vie chrestienne et un des plus aymables moyens pour acquerir [354] et conserver la grace de Dieu, et mesme de bien edifier le prochain; n'y ayant rien aussi qui detraque tant le bon estat du cœur, ni qui rende plus malaysee la conversation humaine que la bigearrerie de l'ame..

  A026002319 

 C'est une des plus blasmables conditions des creatures que d'estre immortifiees, c'est a dire d'estre sujettes a estre de differente humeur: tantost chagrine, melancholique, tantost colere, tantost rieux, tantost serieux, tantost censeur; comme au contraire, c'est une inestimable perfection que d'avoir une humeur douce, esgale et qui face bon rencontre a quelqu'heure et a quelque tems que ce soit.

  A026002325 

 Si vous estes imparfaitte, humilies vous au fond de vostre cœur et n'en parles point; car cela n'est que l'orgueil, qui fait que vous penses en dire beaucoup, affin que l'on n'en treuve pas tant que vous en dites.

  A026002328 

 Loües grandement les autres Ordres et Religions, et le vostre au dessous des autres choses, bien que vous ne devies pas cacher que vous vives paisiblement, et disant, quand l'occasion s'en presente, le bien qui se fait, simplement..

  A026002331 

 Ne soyes pas du tout tant retenue a relever le voile comme les Seurs Carmelites, mais pourtant uses de discretion pour cela, faysant voir, quand vous le leveres, que c'est pour gratifier ceux qui vous parlent; observant de ne gueres vous avancer des treilles, ni moins d'y passer les mains que pour certaines personnes de qualité qui le desirent..

  A026002332 

 Ce que pour bien comprendre, il faut fidellement peser, voir et considerer dans ce: « Parce que nostre Pere l'a fait en telle façon je le veux faire, » en enclosant l'amour envers nostre divin Sauveur et Pere tres aymable; car l'enfant qui ayme bien son bon pere a une grande affection de se rendre fort conforme a ses humeurs et de l'imiter en tout ce qu'il fait..

  A026002332 

 Pour ce qui est de l'orayson, il faut que vous observies de faire que les sujetz sur quoy on la fera soyent sur la Mort, Vie et Passion de Nostre Seigneur; car c'est une chose fort rare que l'on ne puisse proffiter sur la consideration de ce que Nostre Seigneur a fait.

  A026002333 

 Cela est bon; mais il me semble qu'il est asses clairement dit dans le livre de l' Amour de Dieu, ou vous pourres avoir recours, si vous en aves besoin, et aux autres qui traittent de l'orayson..

  A026002333 

 Il se peut faire pourtant qu'il y ayt certaines ames exceptees lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leur esprit sur aucun mistere; elles sont attirees a une certaine simplicité devant Dieu, toute douce, qui les tient en cette simplicité, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant Dieu et qu'il est tout leur Bien, demeurant ainsy utilement.

  A026002334 

 C'est pourquoy il faut les mettre au train et aux mesmes exercices que les autres; car si elles ont une bonne orayson, elles seront bien ayses d'estre humiliees et de se sousmettre a la conduitte de ceux qui ont du pouvoir sur elles.

  A026002334 

 Et il ne faut pas tous-jours croire les jeunes filles qui ne font que d'entrer en Religion, quand elles disent qu'elles ont de si grandes choses; car bien souvent ce n'est que tromperie et amusement.

  A026002334 

 Il y a tout a craindre en ces manieres d'oraysons relevees; mais l'on peut marcher en asseurance dans la plus commune, qui est de s'appliquer tout a la bonne foy autour de nostre Maistre pour apprendre ce qu'il veut que nous fassions..

  A026002334 

 Mais, generalement parlant, il faut faire que toutes les filles, tant qu'il se peut, se tiennent en l'estat et methode d'orayson qui est la plus seure, qui est celle qui tend a la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disions premierement, qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur.

  A026002335 

 La Superieure peut, en quelque grande et signalee occasion, faire faire deux ou trois jours de jeusne a la Communauté, [358] ou bien seulement aux filles qui sont plus robustes; faire quelque discipline, plus librement que de jeusner, car c'est une mortification qui ne nuit point a la santé, et partant, toutes la peuvent faire en la sorte qu'on la fait ceans.

  A026002335 

 Mais il faut tous-jours observer de n'introduire point les austerités en vos Maysons; car ce seroit changer vostre Institut, qui est principalement pour les infirmes..

  A026002337 

 J'ay grandement envie que l'histoire de Jacob soit tous-jours devant vos yeux, affin de faire comme luy, qui ne vouloit pas seulement s'accommoder au pas de ses enfans, mais encor a ceux-la mesme de ses aigneletz..

  A026002338 

 Et quant a ce qui est de la Communion, je voudrois que l'on suivist l'advis des confesseurs; quand vous aves envie de communier quelquefois extraordinairement, que vous prissies leurs advis.

  A026002338 

 Vous feres ce que ceux qui auront soin de vous treuveront bon, car il leur faut laisser conduire cela..

  A026002346 

 Faites comme ces enfans qui veulent marcher; mais des aussi tost qu'ilz font quelque faux pas, ilz courent a leurs meres, ilz se jettent entre leurs bras et sur leur sein et s'y tiennent attachés..

  A026002347 

 Travailles a l'acquisition des vertus de bonne foy, sans vous embarrasser; laisses vous gouverner a Dieu, serves le selon son goust et non selon le vostre, regardes que c'est luy qui vous a placee ou vous estes.

  A026002348 

 Prattiquons les petites vertus qui nous sont propres et qui n'ont pas tant d'esclat; resjouissons nous de nostre propre abjection.

  A026002348 

 Tasches d'acquerir la perfection qui est propre a cette vie.

  A026002349 

 Mais qu'est ce que nous portons quand nous nous portons nous mesme? C'est rien qui vaille; il ne faut pas que cela nous estonne.

  A026002350 

 Dieu ayme les miserables, il regarde ceux qui ne sont rien; les chetifz et personnes abjectes deviennent le throsne de Dieu; il establit son siege sur une ame qui est vile.

  A026002350 

 Parmi les pauvres du monde, celuy qui n'a que des haillons a faire paroistre et des playes a monstrer s'estime le plus advantagé, esperant que, par la descouverte de sa pauvreté, il recevra de plus grandes aumosnes.

  A026002352 

 Et tant que ce sentiment sera bien gravé dans nostre cœur, pourquoy nous tourmenter? Ne voyes vous pas que c'est l'amour propre qui se mesle subtilement de nous donner la torture? Je vous exhorte encor une fois de tenir vostre cœur au large; Dieu mercy, il se porte bien, puisque l'amour l'anime et quil veut tous-jours aymer..

  A026002354 

 Alles librement, ma chere Fille, vous consacrer a nostre divin Sauveur; donnes luy le sacré bayser de la charité, et continues tous-jours a vous humilier profondement, affin que vous l'approchies sans crainte; car je croy que le plus grand moyen pour arriver a la perfection est de recevoir Jesuschrist, pourveu qu'on ayt soin de destruire tout ce qui peut luy desplaire.

  A026002354 

 Croyes moy, ma Fille, rien ne me fortifie plus l'estomac que de ne manger que d'une viande qui soit excellente; nourrisses vous donq de la viande des Anges.

  A026002354 

 Et pour recevoir cette grace, il faut nous repaistre de Jesuschrist crucifié; c'est luy qui eschauffera et fortifiera l'estomac de nostre ame, et qui nous preparera et rendra dignes de le recevoir souvent..

  A026002354 

 Il vous fera faire une bonne digestion de luy mesme, il se communiquera a toutes vos puissances, il agira en vous, il y operera; ce sera luy qui esclairera vostre esprit, qui eschauffera vostre volonté, et ne sera plus vous qui vivres, ce sera Jesuschrist en vous.

  A026002356 

 C'est une fournaise d'amour ou nos tiedeurs seront consumees, c'est un bausme pretieux qui guerira nos blesseures, c'est en fin un thresor de toutes les graces qui vous enrichira.

  A026002365 

 Croyes moy, que dans la mayson du Seigneur les emplois les plus vilz ne sont pas les moins advantageux; mais le cœur qui est indifferent dit mesme qu'il ne peut pas envisager les advantages qui s'y trouvent.

  A026002365 

 Je sçay que c'est mon Dieu, qui m'ayme, qui m'a choysi cest employ et cette maniere de vie; je ne veux plus envier l'excellence des autres, mais je veux me perfectionner sans empressement et sans inquietude.

  A026002365 

 Je veux luy obeir dans ce qu'il me demande, mais pour connoistre sa volonté dans une infinité de choses qui ne me sont pas clairement manifestees, je ne veux point donner la torture a mon pauvre cœur, ni les examiner avec scrupulosité; je m'en tiendray a ce que me diront ceux que Dieu a establis pour me conduire et, en paix, je tascheray a suyvre ses inspirations..

  A026002365 

 Ma chere Fille, si vous connoissies le thresor qui est enfermé dans l'abandon total que l'ame fait de tout elle mesme entre les mains de Dieu pour ne plus vouloir que ce qui luy plaist, vous souspireries apres cet estat, et vous ne souhaitteries rien que d'estre ce que Dieu veut que vous soyes.

  A026002366 

 Ne sçaves vous pas, ma Fille, que nostre Dieu est le veritable Salomon qui veut se reposer dans nostre cœur? Il est bon; si nous pouvons le placer dans le Ciel, nous ne nous troublerons pas des accidens de cette vie..

  A026002367 

 Ne nous affligeons pas si nous sommes appesantis par le poids de nos mauvaises inclinations; aymons l'abjection [365] qui nous en revient.

  A026002367 

 Vous ne sçaves pas la force de l'humilité qui change en or tres pur le plomb de nos infirmités, laquelle sainte metamorphose opere dans l'ame cette vertu.

  A026002369 

 Laisses vostre ame et vostre cors entre ses benites mains, abandonnes vous a luy, perdes vous en luy, n'aymes que luy, ne veuilles que luy, et que toutes choses hors de luy vous soyent indifferentes; et vous connoistres dans le Ciel que bienheureuse est l'ame qui a vescu dans ce monde despouillee de toutes choses, et qui a rendu hommage au grand despouillement et a la nudité de son Espoux attaché a la croix, et mourant, affin d'enrichir et de revestir ses espouses bienaymees..

  A026002369 

 Ne vous inquietes point dans la veuë des maux et des peynes qui vous peuvent arriver; car le Seigneur ne permettra pas qu'ilz vous arrivent, ou il vous donnera la force de les porter, s'il vous les envoye.

  A026002370 

 Je sçay, dira une ame fidele, que la foy m'enseigne que le Seigneur supporte et reçoit les foibles et les miserables qui se confient en luy: je veux donq m'y confier et abandonner..

  A026002370 

 Nous croyons, parce que nous ne valons rien, que le Seigneur n'aura point soin de nous: ne voyes vous pas la finesse de la prudence humaine qui nous trompe en nous faysant sortir de l'estat d'une parfaitte confiance? Ne faysons point ce [tort] a sa divine Majesté de raysonner si bassement; Dieu n'est pas comme les hommes, qui ne font cas que de ce qui peut leur estre utile.

  A026002371 

 Presses fort, ma chere Fille, ce divin Sauveur sur vostre cœur: c'est luy qui l'a scellé et cachetté, affin qu'il soit tout sien.

  A026002378 

 Ainsy, ceux qui ont le vray amour divin sont contens des choses necessaires; et encor en sont ilz destachés non seulement d'affection, mais aussi en la façon d'en parler, n'usant point du mot de mien, mais nostre.

  A026002378 

 [C'est] avec la mesme moderation qu'il faut aymer les biens de la Communauté, les regardant non avec une affection proprietaire qui nous oste la paix du cœur ou nous desregle en la pretention, conservation ou distribution d'iceux, ains avec un esprit religieux, comme choses consacrees a Dieu, lesquelles il ne faut aymer que selon le goust du Seigneur a qui elles sont consacrees..

  A026002379 

 Il se faut mesme retrancher quelquefois des choses mesme necessaires; mays sur tout accepter avec amour tous les manquemens des choses necessaires qui nous arriveront, de quelque part qu'ilz viennent, recevant aussi de bon cœur les choses pauvres qui nous arriveront, en quoy que ce soit..

  A026002380 

 Il faut fuir tout ce qui est d'honnorable..

  A026002380 

 Par dessus toute pauvreté, il nous faut avoir celle du cœur, qui nous rend humbles et petitz a nos yeux.

  A026002381 

 Il est bon de regarder nostre bassesse en comparayson de la sainteté des Saintz, qui se tenoyent pour rien..

  A026002384 

 Celuy la est vrayement fidele qui ne se fie ni a aucune confiance en soy, qui s'est rendu comme un vaysseau corrompu et qui perd tellement son ame, qu'il la veut conserver pour la vie eternelle.

  A026002391 

 Saint Bernard dit: « Que le Prelat ne commande a sa poste, ains selon la Regie;... qu'il n'accroisse les vœux sans la volonté du sujet, qu'il ne les diminue aussi que par necessité; » mais « que le sujet sçache que l'obeissance est imparfaite qui se renferme dans les bornes des vœux, car la parfaite s'estend a toutes choses auxquelles la charité se treuve.

  A026002391 

 » Saint Bernard dit: « Celuy que nous avons pour Superieur au lieu de Dieu, nous le devons ouyr comme Dieu mesme, es choses qui ne sont apertement contre Dieu.

  A026002392 

 L'on appelle jugement propre celuy qui se separe du sens de l'Eglise, des Prelatz et Superieurs; celuy qui se despart du sens de l'Eglise, des Prelatz, des Superieurs est en erreur..

  A026002393 

 L'indifference consiste a n'incliner pas plus d'un costé que d'autre; de sorte que le parfait obeissant, encor qu'il soit resolu d'accomplir tout ce qui sera de precepte, de Regie, d'ordonnance, il est indifferent a tout le reste, ayant tous-jours au cœur et en la bouche: Seigneur, que voules vous que je face?.

  A026002403 

 Conferes les actions d'un jour avec un autre, pour voir si vous proffites ou si vous retournes en arriere, taschant de reconnoistre l'imperfection principale, qui est comme la source et origine de tous vos manquemens, affin que vous la puissies peu a peu surmonter.

  A026002408 

 O que Dieu est bon a son Israël! Qu'il est bon a ceux qui sont droitz de cœur!.

  A026002411 

 Consideres troysiesmement, que, soit que nous embrassions les conseilz de Nostre Seigneur nous rangeant a une vie plus estroitte, soit que nous demeurions en la vie commune et en l'observance seule des Commandemens, nous aurons en tout de la difficulté: car si nous nous retirons du monde, nous aurons de la peyne de tenir perpetuellement bridés et sujetz nos appetitz, renoncer a nous mesmes, resigner nostre propre volonté et vivre en une tres absolue [371] sujettion sous les loix de l'obeissance, chasteté et pauvreté; si nous demeurons au chemin commun, nous aurons une peyne perpetuelle a combattre le monde qui nous environnera, a resister aux frequentes occasions de pecher qui nous arrivent, et a tenir nostre barque sauve parmi tant de tempestes..

  A026002418 

 Ah! miserable que je suis! le moindre oubli que l'on fait de l'honneur pointilleux qui m'est deu, ou que je m'imagine m'estre deu, me trouble, m'inquiete, excite mon arrogance et ma fierté; par tout je me pousse a vive force es premiers rangs.

  A026002418 

 Imagines vous de voir saint Joseph avec la Sainte Vierge, [372] sur le point de son accouchement, arriver en Bethleem et chercher par tout a loger, sans treuver aucun qui les veuille recevoir.

  A026002419 

 Consideres comme saint Joseph et Nostre Dame entrent dans l'entree et porche qui servoit par fois d'establerie aux estrangers, pour y faire le glorieux enfantement du Sauveur.

  A026002419 

 Ou sont les superbes edifices que l'ambition du monde esleve pour l'habitation des vilz et detestables pecheurs? Ah! quel mespris des grandeurs du monde nous a enseigné ce divin Sauveur! Que bienheureux sont ceux qui sçavent aymer la sainte simplicité et moderation! Miserable que je suis, il me faut des palais, encor n'est ce pas asses; et voyla mon Sauveur sous un toit tout percé, et sur du foin, pauvrement et piteusement logé..

  A026002429 

 A la fin, vous reprendres le gros grain qui est au commencement dudit Chapelet et remercieres Dieu de la grace qu'il vous a faitte de vous permettre de dire le Chapelet, luy demandant l'assistence de sa grace pour pouvoir mettre en execution les bons propos qu'il vous a donnés.

  A026002429 

 Et en fin, au gros grain qui est au fin bout, vous feres un bouquet spirituel de recollection, renouvellant tous les bons propos [375] et saintes resolutions qu'aves faites en la meditation de ces cinq mysteres, suppliant la divine Majesté qu'elle accepte et addresse toutes vos oraysons a son honneur et gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir rappeller tous les desvoyés.

  A026002437 

 Et acciò questo negocio si renda più facile a Vostra Eccellenza, metterô qui alcuni punti da meditare sopra ogni parola del Pater noster, come Lei m'ha domandato per le sue lettere.

  A026002451 

 Qui offerirò tutto me stesso a lui, supplicandolo che non sia più mio, ma tutto suo, poichè esso s'è degnato essere tutto mio..

  A026002453 

 Sopra: Qui es in Cælis.

  A026002461 

 Domandar primo, ch'il suo Nome santo sia santificato; id est, ch'esso Dio, per tutto il mondo, sia conosciuto, [382] amato, adorato, honorificato, glorificato e esaltato come quello vero et eterno Dio immortale, omnipotente, solo buono, solo santo, solo giusto, solo admirabile e solo meritevole d'esser infinitamente amato; pregandoli dia luce a tutto l'Oriente et Ponente, et a tutte l'altre parti del mondo dove regnano Turchi, Mori, Gentili, pagani e altre simili genti, acciò vengano in cognitione di questo Nome suo santissimo, et pieghino a lui et al suo Figliolo, con lo Spirito Santo, li suoi ginocchi, e tutti dicano: Pater noster qui es in Cælis, sanctificetur Nomen tuum..

  A026002475 

 Fiat voluntas tua, ut imitemur Christum qui dixit: Non mea, sed tua fiat voluntas.

  A026002504 

 A me non mancano bisogni, mi trovo ferito di molte ferite di peccati, ho bisogno di medicine; voi, Padre, siete medico qui sanas omnes languores et curas omnes infirmitates.

  A026002520 

 Sopra: Qui es in Cælis.

  A026002570 

 Effunde frameam, et conclude adversus eos qui persequuntur me; dic animæ meæ: Salus tua ego sum.

  A026002571 

 Padre santo, levabo oculos meos in Cælum, unde veniet auxilium mihi; auxilium meum a Domino, qui fecit cælum et terram.

  A026002588 

 Ayant d'abord fléchi les genoux devant le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ en toute humilité, que Votre Excellence lève au Ciel les yeux de son âme et s'imagine voir ce grand Père des lumières, Dieu, assis sur le trône de sa gloire, entouré de millions d'Anges et de Séraphins; puis, avec une grande foi, respect et amour, faites cette prière que Jésus-Christ nous a enseignée, et adressez-lui ces sept demandes qui y sont contenues.

  A026002593 

 Ce Dieu qui créa toutes choses du néant et qui tient tout entre ses mains, à qui servent toutes les hiérarchies du Ciel, est notre Père.

  A026002593 

 Un pauvre berger qui garde ses brebis dans les champs s'estimerait heureux et bien fortuné si Votre Excellence l'adoptait pour fils et pour son héritier; bien plus, etc. Nous pouvons [378] dire à bon droit ce que David répondit au roi Saül quand il lui offrit pour épouse sa fille [Mérob]: Qui suis-je et qu'est-ce que ma vie, qu'est-ce que la famille de mon père en Israël, pour que je devienne le gendre du roi? Et qui suis-je, ô Dieu du Ciel, pour que vous me vouliez pour votre enfant et que vous vouliez que je vous appelle Père?.

  A026002596 

 Il nous pourvoit de tout ce qui nous est nécessaire pour le corps et pour l'âme; il met à notre service toute cette grande machine du monde, ces éléments, ces cieux et même les Anges; il pourvoit notre âme de sa nourriture, qui est le précieux Corps et le Sang de son Fils unique.

  A026002597 

 Lui demander que puisqu'il exerce si bien vis-à-vis de nous les offices d'un bon père, nous exercions aussi à son égard les devoirs de bons fils, qui sont l'amour, l'obéissance, le respect; que nous l'aimions tendrement et nous réjouissions d'avoir un Père si bon, si saint, si sage et si puissant, qu'il est la même bonté, sainteté, sagesse, beauté et infinie puissance; que nous obéissions à sa loi, que nous lui portions en tout lieu le respect qui lui est dû et que nous cherchions que le monde entier l'honore et le révère.

  A026002601 

 Que Votre Excellence considère que ce grand Père a voulu communiquer à tous cette très excellente dignité; c'est pourquoi il ne dit pas qu'il est Père des riches et des seigneurs, mais nôtre, c'est-à-dire de tous, même des pauvres: comme le soleil, qui darde ses rayons, sa lumière et sa splendeur sur la plus petite plante, sur la plus petite fleur qui se trouve sur une grande montagne, et sur la montagne même.

  A026002605 

 Sur [ cette parole ]: Qui êtes aux Cieux.

  A026002607 

 Qui êtes aux Cieux.

  A026002608 

 Dans les Anges: les éclairant, afin qu'ils le connaissent, lui, lumière éternelle qui éclaire tout; les enflammant, afin qu'ils l'aiment, puisqu'il est un feu qui embrase; les comblant de béatitude, afin qu'ils soient éternellement bien heureux, puisqu'il est le Bien infini qui remplit tout.

  A026002613 

 Il faut ensuite le prier de répandre sa lumière sur tout l'orient et l'occident et sur les parties du monde où règnent les Turcs, les Maures, les Gentils, les payens et autres peuples semblables, afin qu'ils arrivent à la connaissance de son Nom très saint, qu'ils plient les genoux devant lui et devant son Fils et le Saint-Esprit, et qu'ils disent tous: Notre Père qui êtes aux Cieux, que votre Nom soit sanctifié..

  A026002625 

 Demander que de même que les cieux, qui sont les Anges et les Saints, font toujours sa volonté, de même la terre, c'est-à-dire nous, la fassions aussi..

  A026002627 

 Que votre volonté soit faite, afin que nous imitions le Christ qui a dit: Non pas ma volonté, mais la vôtre soit faite.

  A026002632 

 Notre pain supersubstantiel, qui est son saint Fils dans le Saint Sacrement, afin que nous ayons le souvenir et l'intelligence de l'amour qu'il nous a porté et des choses qu'il a faites et souffertes pour nous, qui sont infinies..

  A026002638 

 Considérer qu'il dit, debita, dettes, afin que nous comprenions que nous péchons tous en beaucoup de choses; comme on le voit dans la parabole de celui qui devait dix mille talents.

  A026002649 

 De toutes les adversités, de tous les dangers, de tous les maux qui nous arrivent du dehors..

  A026002653 

 En votre présence, les cieux, la terre et tout ce qu'ils contiennent, sont moins qu'un petit grain de sable en face du monde entier; moi, d'autre part, je suis un petit ver de terre, pécheur et enfant d'Adam pécheur, qui si souvent ai offensé votre souveraine Majesté: et cependant, vous voulez que je vous appelle Père! Oh! quelle excellence, quelle dignité me donnez-vous! Qu'il vous plaise, Seigneur, que mon âme la sache reconnaître et qu'elle vous rende les dues actions de grâce pour tant de bienfaits.

  A026002653 

 O Père éternel, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Père des lumières, Père saint, Père très doux et aimant, Père Créateur de l'univers: quand méritai-je de vous appeler Père, moi terre, poussière et cendre, le dernier de tous vos serviteurs? Et quel bien avez-vous découvert en moi ou en quelqu'autre enfant d'Adam, pour que vous ayez voulu être notre Père? « Qui êtes-vous, Seigneur, et qui suis-je? » Vous êtes le Dieu d'infinie majesté, Roi [386] des rois, Seigneur des seigneurs, Saint des Saints, gloire des Anges et allégresse de tous les Bienheureux.

  A026002654 

 Père, je dois confesser deux choses: l'une, que ce don et ce grand bienfait vient de votre bonté infinie et de l'amour infini que vous avez pour moi; l'autre, que ce mot de Père sied bien sur les lèvres de votre Fils unique mon Seigneur Jésus-Christ, qui est votre Fils par une étemelle et consubstantielle génération, mais sur les miennes, moi qui suis un si grand pécheur, il ne sied pas, il ne convient pas, je ne mérite pas, Seigneur, un si grand bien.

  A026002655 

 Quel fils ingrat peut-on trouver au monde, qui ayant un Père bon, saint, doux, glorieux et aimant comme vous l'êtes, il ne l'aime pas? O Père, où trouverons-nous quelqu'un qui soit aussi bon, aussi saint, aussi doux et aimant que vous l'êtes? Donc, Père, que de mon cœur soit chassé tout autre amour, qu'il soit enflammé, afin qu'entre vous, mon Père, et moi votre enfant il y ait un continuel amour réciproque..

  A026002656 

 Ce mot de Père m'excite à vous demander les choses qui me sont nécessaires, car le père ne refuse jamais à son enfant ce qu'il voit lui être nécessaire, pourvu qu'il puisse le lui donner.

  A026002656 

 Les besoins ne me manquent pas: je suis blessé par beaucoup de péchés, il me faut des remèdes; vous, Père, vous êtes le médecin qui [388] guérit toute langueur et soigne toute infirmité.

  A026002657 

 Revêtez-moi, ô Père, vous qui revêtez le ciel de tant d'étoiles et la terre de tant de fleurs; donnez-moi la robe nuptiale de la charité, afin que je puisse paraître à vos noces; la robe de l'obéissance, afin que j'obéisse à vos commandements et à vos lois; la robe de l'humilité, afin que je sois agréable à vos yeux.

  A026002658 

 Que la pourriture entre dans mes os et qu'elle me consume au-dedans de moi, afin que je sois en repos au jour de la tribulation et que je me joigne à notre peuple pour marcher avec lui; je vous prie, ô bon Père, que dans ces os entre la pourriture, c'est-à-dire que, comme un autre Job, mon corps soit couvert de plaies et flagellé, pourvu que mon âme soit en repos au jour de la tribulation, qui est celui de la mort, et soit du nombre de vos enfants qui sont ce peuple céleste, ceint de gloire et de béatitude..

  A026002661 

 Chaque jour, ô Père, vous préparez la table et faites le festin pour le monde entier, et je participe toujours à ce festin; chaque jour vous faites [391] que le soleil nous éclaire, nous vos enfants, et le soir vous cachez cette belle lampe et il semble en certaine façon que vous éteigniez cette belle lumière afin que nous, vos enfants, puissions reposer et prendre le sommeil; vous occupez, Seigneur, le ciel et la terre à mon service, et vous m'avez même confié aux soins des Anges: tout cela afin que j'obtienne l'héritage réservé à vos enfants, qui est le Royaume des Cieux.

  A026002661 

 Par là je reconnais quel Père prévoyant vous êtes pour nous, qui sommes vos fils..

  A026002663 

 Il suffisait à l'apôtre Paul de savoir seulement et de comprendre [ Jésus-Christ ] crucifié; et à moi il suffit de savoir et de comprendre cette parole: Père, parce que la comprenant, je saurai que vous m'avez pris pour votre fils adoptif, qui est la plus grande dignité qui existe au Ciel et sur la terre après celle de fils naturel, qui appartient en propre à votre Fils unique et mon Seigneur Jésus-Christ..

  A026002663 

 Pour conclusion, ô Père, cette parole très douce est un verbe abrégé qui contient, toute douceur, comme la manne que vous donnâtes jadis à manger à votre peuple dans le désert; et moi, je suis heureux que ce mot, Père, soit une nourriture très savoureuse pour mon âme.

  A026002667 

 Il me semble, Seigneur, que vous êtes comme le soleil qui communique sa lumière et envoie ses rayons à la plus petite fleur de la montagne comme à la montagne même; ainsi vous, mon Seigneur, communiquez également votre nom si doux de Père aux grands et aux petits, aux riches et aux pauvres, et vous voulez que pour cela nous vous appelions nôtre..

  A026002667 

 Vous êtes, Seigneur, notre Père: qu'elle est grande votre bonté! Vous ne vous contentez pas de communiquer ce nom de Père à vos Anges et à vos Saints qui sont dans votre maison, mais vous voulez aussi le communiquer à ceux qui sont dans ce monde, et non seulement [393] aux riches et aux puissants, mais aux plus pauvres bergers qui, sur les ponts et dans les forêts, dorment sur la terre nue.

  A026002669 

 Vous êtes notre Père, parce que vous nous avez créés: Vos mains Seigneur, m'ont formé; N'abandonnez pas l'ouvrage de vos mains. Vous êtes notre Père parce que vous nous avez achetés avec le précieux sang de votre Fils, l'Agneau immaculé, notre Christ Jésus, avec qui nous avons été adoptés pour vos enfants.

  A026002672 

 Sur ces mots: Qui êtes aux Cieux.

  A026002674 

 Quand sera-ce, ô Père, que mon âme sera comme un ciel, élevée de la terre par la force de l'amour; ornée d'autant de vertus que le ciel contient d'astres et d'étoiles; ferme et forte en votre service, sans jamais tomber, ainsi que les cieux qui ne tombent pas, afin qu'elle soit toute belle et agréable devant votre face et que vous, Père, daigniez y habiter comme en un ciel très beau? je vous demande encore, ô Père, qu'afin que mon âme soit un ciel et la demeure de votre très souveraine Majesté, elle puisse se mouvoir comme les cieux, selon le mouvement du premier moteur.

  A026002674 

 Vous êtes aussi, ô Père, dans les Cieux, où vous glorifiez cette immense multitude d'Anges et de Saints qui sont continuellement présents devant le trône de votre gloire, vous adorant en toute révérence.

  A026002675 

 Vous êtes aux Cieux, ô Père, c'est-à-dire dans les Anges et dans les Saints; vous les éclairez afin qu'ils vous connaissent, car vous êtes la lumière éternelle qui éclaire tout.

  A026002675 

 Vous êtes, Père, dans les Anges et dans les Saintz, et vous les enflammez du feu d'un ardent amour, afin qu'ils vous aiment parfaitement, car vous êtes ce feu [396] qui consume toute imperfection: Vous rendez vos Anges aussi prompts que les vents et des flammes de feu vos serviteurs. Vous êtes, Père, dans vos Anges et dans vos Saints, les comblant de béatitude afin qu'ils soient éternellement heureux, car vous êtes la béatitude, la gloire, le repos de cette glorieuse assemblée.

  A026002676 

 O Père très heureux, envoyez quelques parcelles de ce grand fleuve et de ce grand feu qui procède de votre siège et de l'Agneau, c'est-à-dire du Saint-Esprit; envoyez-les [397] à mon âme afin qu'elle brûle de votre amour.

  A026002677 

 Donc, notre Père qui êtes aux Cieux, donnez-moi l'amour des choses célestes, afin qu'aimant celles-là je méprise les choses de la terre et que tout mon amour soit en vous, notre Père du Ciel..

  A026002677 

 Père saint, il est bien juste que puisque vous, mon Dieu, mon Père et mon héritage êtes au Ciel, je ne cherche ni ne m'embarrasse plus de la terre; qu'ai-je à faire de la terre, ô Père, puisque tout mon bien, tout mon trésor est au Ciel? Si vous, mon Père, êtes au Ciel, il suit de là que moi, votre enfant, je suis étranger dans ce monde et que je marche toujours vers ma patrie, qui est le Ciel.

  A026002677 

 Si le pèlerin, quand il marche, a le corps sur la route et l'âme en la douce patrie, chaque heure lui semblant mille ans pour le désir qu'il a de l'atteindre et de voir son cher père et ses très doux frères, pourquoi n'en sera-t-il pas ainsi de moi? Pourquoi, notre Père, mon âme ne converse-t-elle pas dans les Cieux comme l'âme de votre saint Apôtre qui disait: Notre conversation est dans le Ciel, et pourquoi chaque heure de cet exil ne me semble-t-elle pas mille ans? pourquoi ne désiré-je pas voir mes chers frères, qui sont [398] les Anges et les Saints? pourquoi, Père, ne réputé-je pas toutes les choses de cette vie, basses, viles et indignes d'y attacher mon cœur, puisque je suis créé pour posséder les biens du Ciel? Il est hors de doute, ô Père, que ce serait un grand déshonneur pour le fils d'un grand prince ou d'un roi d'étriller de ses mains les chevaux ou, avec les mêmes mains, ramasser les immondices et le fumier dans les rues; mais c'est un bien plus grand déshonneur pour moi de ce que sachant, ô Père céleste, que vous m'avez adopté pour votre fils et que vous me préparez des biens infinis, des richesses inestimables et même le royaume du Ciel, je m'abaisse et me rende méprisable en recherchant les choses viles et basses de ce monde.

  A026002678 

 Je vous demande enfin, ô Père, que de même que vous remplissez les deux, qui sont les Anges et les Saints, de gloire, de même vous daigniez remplir mon âme, lorsque, quittant ce monde, elle se présentera devant vous, afin qu'elle soit un « Ciel plein de votre gloire.

  A026002683 

 Père, avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur: nous connaissons la largeur de vos bienfaits envers nous, qui est plus vaste que la mer et la terre; la longueur de vos promesses, [400] qui sont infinies; la hauteur de votre Majesté, qui est immense; la profondeur de vos jugements, qui sont un abîme..

  A026002684 

 Donc, ô Père, que votre Nom soit sanctifié; daignez faire de moi un saint, afin que je ne cesse de bénir votre souveraine Majesté et que le monde, voyant que je suis occupé à vous louer et à vous bénir, vous glorifie, ô notre Père, et sanctifie votre Nom qui est béni dans les siècles des siècles.

  A026002684 

 Tous les éléments, le feu, l'air, l'eau, la terre, les oiseaux qui volent dans l'air, les poissons qui nagent dans la mer, les fleuves, les fontaines, les monts et les vallées, les plantes de la terre et enfin tous les animaux qui la parcourent, me prêchent l'adoration et me disent de vous bénir.

  A026002689 

 O Père saint, que votre règne arrive, parce que c'est dans ce but que vous avez créé nos âmes; que votre règne arrive, parce que c'est pour cela que vous avez voulu que votre Fils mourût sur l'arbre de la croix; que votre règne arrive, pour que je bénisse votre nom: les justes sont dans l'attente de la justice que vous me rendrez; vos Anges et tous les Saints désirent ce jour, parce qu'il découvrira en vous, Père, un abîme d'infinie beauté, de puissance infinie; c'est pourquoi ils désirent ardemment avoir de nombreux compagnons qui les aident à louer et à aimer votre souveraine Majesté..

  A026002691 

 Comme les pèlerins désirent la dernière journée qui terminera leur voyage et où ils retrouveront leur ville et leurs demeures, ainsi nous désirons que votre règne arrive, afin que s'achève notre pèlerinage et que nous entrions dans le séjour que vous nous avez préparé dans votre saint royaume..

  A026002692 

 Que votre règne arrive: nous sommes en guerre; faites, Seigneur, que nous remportions la victoire, afin que nous obtenions le prix qui est votre saint royaume.

  A026002693 

 Donc, ô Père éternel qui êtes aux Cieux, afin que je puisse jouir de votre glorieuse présence et voir la gloire de votre Majesté, pour la louer, aimer et bénir [et [404] être enfin, logé parmi] vos fils, je vous prie humblement, qu'une fois dépouillé de mon enveloppe mortelle, votre règne arrive..

  A026002693 

 Que votre règne arrive. Oh! jour heureux! Oh! heure bénie! Quand sera-ce, ô Père, que ce jour s'approchera et que viendra cette heure? Quand viendrai-je et apparaîtrai-je devant votre face? Quand verrai-je, ô Père, les murs de votre royaume, travaillés avec des pierres précieuses? Quand frapperai-je à tes portes, ô céleste Jérusalem? Quand verrai-je tes riches palais? quand jouirai-je de tes beaux jardins revêtus de fleurs éternelles? quand m'abreuverai-je à tes sources de vie? O Père saint, quand verrai-je dans votre royaume ces innombrables légions d'Anges et de Saints pleins de gloire, ces chœurs de vierges qui, les palmes à la main, chantent et suivent votre Agneau? Quand donc mes oreilles entendront-elles la douce musique, l'harmonie des Anges et le concert des Saints qui tous chantent devant vous: Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu des armées? Que vos tabernacles sont aimables, ô Seigneur des armées! O Dieu des Anges, qu'ils sont beaux, qu'ils sont aimables vos tabernacles! Mon âme s'épuise en soupirant après les parvis du Seigneur; mieux vaut un jour dans vos parvis que mille [loin de vous].

  A026002694 

 Dans ce royaume vous voulez régner; je vous le rends, ô Père, je vous le donne, qu'il soit bien vôtre, puisqu'en réalité il est vôtre; que je ne l'usurpe pas, que je ne le livre plus au démon, au monde ni à la chair, qui sont de très cruels tyrans, mais à vous qui en êtes le vrai Seigneur.

  A026002699 

 Donc, Seigneur, qu'attendez-vous? Coupez seulement ce qui est mien et greffez ce qui est vôtre.

  A026002699 

 Faites, ô Père, que de même qu'en cette terre des vivants, qui est le Ciel, tous les Anges et les Saints font votre divine volonté, ainsi sur cette terre des mourants, qui est ce monde, mon âme fasse votre sainte volonté.

  A026002700 

 Je vous prie aussi, Père, que de même que les esprits angéliques, signifiés par les cieux, font toujours votre très sainte volonté, de même l'âme des pécheurs, représentés par la terre, fasse aussi ce qui est de votre volonté, car de cette manière ils ne vous offenseront plus..

  A026002703 

 O Lumière éternelle, « qui éclairez toute lumière et consumez dans l'éternelle splendeur des milliers et des milliers d'étincelants flambeaux devant le trône de votre Divinité dès le point du jour! » O Lumière éternelle qui éclairez toute lumière et la conservez dans votre éternelle splendeur, des milliers et des milliers d'Anges sont devant votre Majesté comme autant de flambeaux allumés par le feu de votre charité et brûlent continuellement sans se brûler ni se consumer.

  A026002709 

 Or, Père plein de pitié, souvenez-vous que lorsque les petits enfants demandent du pain à [410] leur père, surtout s'ils ont bien faim, ils crient de toutes leurs forces ce mot: Pain, pain! et avec ce mot, comme avec autant de flèches, ils blessent le cœur de leurs pères qui, sur la terre, cherchent du pain pour le donner à leurs enfants.

  A026002709 

 Pour le corps, qui est terre, je vous demande le pain de la terre; pour l'âme, qui est esprit, je vous demande le Pain céleste, le Pain des Anges.

  A026002710 

 Donnez-nous en outre, ô Père, le pain de votre suave et très douce parole; rompez-le-nous, coupez-le en morceaux par le moyen de vos ministres qui sont vos prédicateurs; faites qu'il fructifie dans nos âmes, comme ce bon grain qui tomba dans la bonne terre et qui rapporta le cent pour un..

  A026002711 

 Enfin, Père, je suis maintenant sous la table de votre haute Majesté, où mangent une multitude d'Anges et de Saints; agenouillé devant votre face royale, humilié en votre présence comme les petits chiens qui sont sous la table de leurs maîtres guettant les miettes qui en tombent, daignez m'honorer de cette suavité, de cette douceur que goûtent les Bienheureux à votre table, afin que [411] dans mon oraison je goûte quelque chose de ce que goûtent vos enfants au Ciel.

  A026002713 

 Sur ces paroles: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés.

  A026002716 

 Père, faites miséricorde à votre enfant qui a contracté autant de dettes qu'il a commis de péchés.

  A026002716 

 Quel est le père qui ne remettrait pas à son fils tombé en grande pauvreté n'importe quelle dette, si humblement il le lui demandait? Et qui donc, ô Père saint, est un fils plus pauvre et plus chargé de dettes que moi? Voici que, comme un autre publicain, humblement je vous prie: remettez-moi tant de dettes de péchés par lesquels je vous ai offensé; « O Dieu, dont le propre est de faire toujours miséricorde et de pardonner, » ayez pitié de ce pauvre enfant et remettez-moi toutes mes dettes.

  A026002716 

 Souvenez-vous, ô Père, de vos miséricordes qui sont éternelles, et de même que vous avez usé de miséricorde à l'égard de tant de vos serviteurs, daignez me remettre tous mes péchés..

  A026002717 

 Enfin je vous prie, Père saint, par votre miséricorde infinie, par la vertu de cette Passion que votre Fils bien aimé endura sur le bois de la croix et par les mérites et l'intercession de la Bienheureuse Vierge et de tous les élus qui existent depuis le commencement du monde, de daigner nous remettre nos dettes.

  A026002717 

 Je me souviens, ô Père, de votre miséricorde à l'égard de votre ancien peuple à qui tant de fois vous pardonnâtes ses péchés.

  A026002717 

 Sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent: cantique de la très sainte [413] Mère de votre Fils béni, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui savait bien qu'elle était immense.

  A026002717 

 Voilà, ô Père, que votre miséricorde se rencontre avec le plus grand pécheur entre tous les pécheurs, avec celui qui a plus de dettes qu'aucun autre enfant d'Adam: effacez mes péchés, remettez-moi la grande somme de mes dettes et passez toujours plus avant pour chercher les autres débiteurs.

  A026002718 

 Comme nous les remettons à ceux qui nous ont offensés.

  A026002718 

 Je vous prie aussi, ô Père, de me donner assez de vertu et votre grâce pour que je puisse parfaitement pardonner à ceux qui m'ont offensé; et si vous trouvez dans mon cœur quelque reste d'imperfection contre ceux qui m'ont offensé, vous, Père, par le feu de votre charité, faites-le disparaître, brûlez-le, faites que nulle trace ni ombre de rancune demeure dans mon cœur, afin que je puisse dire en toute vérité: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés..

  A026002722 

 Notre adversaire, le diable, rôde autour de nous, cherchant qui dévorer.

  A026002722 

 O Seigneur, que cette pauvre âme a besoin de votre grâce, de votre secours, de votre assistance pour ne pas succomber aux tentations! Une petite brebis [415] au milieu des loups se perd si le berger ne la sauve; ainsi, Père, cette âme au milieu de tant de loups qui l'assaillent dans un monde où elle est sollicitée par mille occasions de péchés, avec la chair qui continuellement la combat, que fera-t-elle sans votre secours?.

  A026002723 

 Père saint, je lèverai mes yeux au Ciel d'où me viendra le secours; mon secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre.

  A026002723 

 Père saint, quand donc ferez-vous justice de ceux qui me persécutent? Faites justice, Seigneur, de ceux qui cherchent la mort de mon âme, donnez-moi cependant votre aide pour ne point tomber, pour ne pas vous offenser.

  A026002723 

 Qu'elle ne soit pas comme la paille qui, par manque de force, se laisse brûler et consumer par [416] le feu.

  A026002723 

 Que je sois plutôt comme vos Saints qui, en ce monde, jetés dans les flammes et le feu, restèrent forts et fermes, et ensuite, comme des pierres précieuses, en sortirent avec plus de splendeur et de lumière.

  A026002727 

 Père saint, je reconnais vos miséricordes sur moi, car vous m'avez préservé de beaucoup de maux que j'avais mérités par mes péchés; autant de fois que je péchai, autant de fois je méritai ce mal infini qui est la damnation éternelle.

  A026002727 

 Qu'ils sont nombreux, Père, ceux qui ont encouru ce malheur! Ils avaient commis moins de péchés que moi; et combien, parce qu'il ne leur fut pas donné, comme à moi, le loisir de faire pénitence, moururent misérablement dans leurs péchés et se perdirent! Je vous en prie, ô Père, délivrez-moi désormais de toute faute, afin que j'échappe aux peines de l'enfer; faites, Seigneur, que je ne vous offense plus; vous avoir offensé dans le passé est bien suffisant.

  A026002728 

 Vous m'avez délivré, ô Père, de beaucoup de maux qui sont en ce monde.

  A026002729 

 Vous m'avez délivré, 6 Père, des ténèbres et de l'aveuglement où se trouvent les Turcs, les Maures, les Juifs, les Gentils et payens, me faisant naître dans le sein de la sainte Eglise; délivrez-moi, ô Père, des ténèbres et de l'aveuglement du péché, afin que je jouisse du sang et des mérites de votre Fils béni, Jésus-Christ mon Seigneur, et que je sois compté parmi vos enfants, qui sont les fils de la lumière dans votre Royaume..

  A026002730 

 Ne me regardez pas, ô Père, moi qui suis le plus grand de tous les pécheurs, mais regardez votre Fils très saint et béni, le plus grand de tous les Saints, voire le Sanctificateur d'eux tous; et par l'amour que vous lui portez, accordez-moi ce qu'il m'a ordonné de vous demander..

  A026002730 

 Père, je me rappelle cette bonne femme de Thécua qui, entrant chez le roi David, lui demanda pardon pour Absalon son fils; et ce bon roi, entendant que la demande avait été ordonnée par le capitaine Joab, son bien aimé et son favori, aussitôt il lui accorda [418] la grâce qu'elle implorait.

  A026002730 

 Père, votre saint et bien aimé Fils Jésus-Christ m'a ordonné de faire cette prière et m'a envoyé à vous afin que je vous demande les grâces qui y sont contenues.

  A026002731 

 Je me souviens aussi, Père, qu'il n'était pas permis aux fils de Jacob de paraître une seconde fois en présence de Joseph s'ils ne conduisaient avec eux leur frère cadet Benjamin; et à nous il n'est pas permis de paraître en votre présence sans notre frère aîné, qui est votre Fils unique Jésus-Christ.

  A026002731 

 Je vous le présente, et vous prie humblement que par ses mérites et par sa très sainte Mort et Passion vous daigniez m'accorder ce que lui-même, dans cette Oraison et cette requête qui sont siennes, m'a ordonné de vous demander, afin que mon âme soit toute vôtre et qu'elle vous loue et bénisse dans les siècles des siècles.

  A026002742 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Filz de Dieu vivant, qui aves voulu estre saisi de crainte et de tristesse a l'instant de vostre Passion, donnes moy la grace de vous consacrer tous mes ennuis.

  A026002745 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Fils de Dieu vivant, qui aves voulu estre conforté lhors que vous priies au Jardin des Olives, faites que par la vertu de vostre orayson, vostre saint Ange m'assiste tous-jours en mes prieres..

  A026002748 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves sué du sang par tous vos membres et dans l'exces de vostre douleur, lhors qu'estant reduit a l'agonie vous priies le Pere eternel au Jardin, faites que par le souvenir de vostre Passion, je puisse participer a vos douleurs divines, et qu'au lieu de sang je verse des larmes pour mes pechés..

  A026002751 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves enduré le bayser du traistre Judas, faites moy la grace de ne vous trahir jamais, et de rendre a mes calomniateurs les offices d'une amitié chrestienne.

  A026002754 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves bien voulu estre garrotté par les mains des meschans, rompes les chaisnes de mes pechés, et retenes moy tellement par les liens de la charité et de vos commandemens, que les puissances de mon ame et de mon cors ne s'eschappent point a commettre aucune chose qui soit contraire a vostre sainte volonté..

  A026002757 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre conduit comme un criminel a la maison d'Anne, faites moy la grace de ne pas estre [422] attiré au peché par l'esprit malin, ou par les hommes pervers, mais d'estre guidé par vostre Saint Esprit a tout ce qui est aggreable a vostre divine volonté.

  A026002760 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves permis d'estre trois fois renié en la maison de Caïphe par le prince des Apostres, preserves moy des mauvaises compagnies, affin que le peché ne me separe jamais de vous.

  A026002763 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui par un regard de vostre amour aves tiré des yeux de saint Pierre les larmes d'une veritable penitence, faites par vostre misericorde, que je pleure amerement mes pechés, et que je ne vous renie jamais de fait ou de parole, vous qui estes mon Seigneur et mon Dieu.

  A026002766 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre mené devant Pilate et accusé fausement en sa presence, apprenes moy le moyen d'eviter les tromperies des meschans et de professer vostre foy par la prattique des bonnes œuvres.

  A026002769 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant en la presence d'Herode aves souffert les fauses accusations sans repliquer un seul mot, donnes moy la force d'endurer courageusement les injures des calomniateurs, et de ne pas publier aux indignes les sacrés mysteres.

  A026002772 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves souffert d'estre renvoyé d'Herode a Pilate, qui devinrent amis par ce moyen, faites moy la grace de ne pas craindre les conspirations que les meschans font contre moy, mais d'en tirer du proffit, affin d'estre digne de vous estre conforme.

  A026002775 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre despouillé de vos habitz et cruellement fouetté pour mon salut, faites moy la grace de me descharger des pechés par une bonne confession, affin de ne pas paroistre devant vos yeux despouillé des vertus chrestiennes.

  A026002778 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre lié a la colomne [423] et deschiré a coups de fouetz, donnes-moy la grace d'endurer patiemment les fleaux de vostre correction paternelle, et de ne vous point affliger doresnavant par mes pechés.

  A026002781 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre couronné d'espines pour moy, faites que je sois tellement piqué par les espines de la penitence en ce monde, que je merite d'estre couronné au Ciel.

  A026002784 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Filz de Dieu vivant, qui estant declaré innocent par la sentence du president Pilate, aves souffert les impostures et les reproches des Juifz, donnes moy la grace de vivre dans l'innocence et de ne me point inquieter de mes ennemis.

  A026002787 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre bafoué pour moy en presence des Juifz, portant les marques de leurs risees, faites que je ne ressente point le chatouillement de la vaine gloire, et que je comparoisse au jugement sous l'enseigne de ces marques mystiques..

  A026002790 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu, quoy qu'innocent, estre condamné pour moy au supplice de la croix, donnes moy la force de soustenir la sentence d'une mort cruelle pour vostre amour, et de ne redouter pas les faux jugemens des hommes et de ne juger personne injustement.

  A026002793 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves porté la croix pour moy sur vos espaules, faites que j'embrasse volontairement la croix de la mortification et que je la porte journellement pour vostre amour.

  A026002796 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant dans le chemin par lequel vous marchies au supplice de la croix, aves dit aux femmes qui pleuroyent pour l'amour de vous qu'elles devoyent pleurer pour elles mesmes, donnes moy la grace de bien pleurer mes pechés, donnes moy les larmes d'une sainte compassion et d'un saint amour, qui me rendent aggreable a vostre sainte Majesté..

  A026002799 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre attaché en croix [424] pour mon salut, y attachant avec vous l'obligation de nos pechés et de la mort, percés ma chair d'une sainte crainte, affin qu'embrassant fortement vos commandemens, je sois tous-jours attaché a vostre Croix.

  A026002802 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre eslevé en croix, et exalté de la terre pour moy, retires moy des affections terrestres, esleves mon esprit a la consideration des choses celestes.

  A026002805 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves fait couler de vos playes salutaires la fontaine de vos graces, faites que vostre sacré sang me fortifie contre les mauvais desirs et me soit un remede salutaire a tous mes pechés.

  A026002808 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant attaché a la croix aves prié vostre Pere pour tous les hommes, mesme pour vos bourreaux, donnes moy l'esprit de douceur et de patience qui me fasse aymer mes ennemis, rendre le bien pour le mal, suivant vostre exemple et vos commandemens.

  A026002811 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves promis la gloire du Paradis au larron qui se repentoit de ses pechés, regardes moy des yeux de vostre misericorde, affin qu'a l'heure de ma mort vous disies a mon ame: Aujourd'huy tu seras avec moy en Paradis.

  A026002814 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant attaché a la croix aves recommandé vostre sainte Mere au Disciple bienaymé et le Disciple a vostre Mere, faites moy la grace de me recevoir sous vostre protection, affin que me preservant parmi les dangers de cette vie, je sois du nombre de vos amis.

  A026002817 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui mourant en la croix pour mon salut aves recommandé vostre ame au Pere eternel, faites que je meure avec vous spirituellement, affin qu'a l'heure de ma mort je rende mon ame entre vos mains.

  A026002820 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui, apres avoir terrassé les puissances [425] du diable, estes descendu aux enfers, et aves delivré les peres qui y estoyent detenus, faites, je vous prie, descendre en Purgatoire la vertu de vostre sang et de vostre Passion sur les ames des fidelles trespassés, affin qu'estant absoutes de leurs pechés, elles soyent receues dans vostre sein et jouissent de la paix eternelle.

  A026002826 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre enseveli dans un nouveau monument, donnes moy un cœur nouveau, affin qu'estant enseveli avec vous, je parvienne a la gloire de vostre resurrection..

  A026002829 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu mourir, estre embaumé, enveloppé d'un linge net par Joseph et Nicodeme, donnes moy la grace de recevoir dignement vostre saint corps au Sacrement de l'autel et dans mon ame embaumee des precieux unguens de vos vertus.

  A026002832 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estes sorti victorieux et triomphant du sepulchre fermé et cacheté, faites moy la grace que resuscitant du tombeau de mes vices, je marche dans une nouvelle vie, affin que, lhors que vous paroistres dans vostre gloire, j'y paroisse aussi avec vous.

  A026002835 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves res-joui vostre chere Mere et vos Disciples apparoissant a eux apres vostre resurrection, donnes moy cette grace, que puisque je ne puis vous voir en cette vie mortelle, je vous contemple en l'autre en vostre gloire.

  A026002838 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui apres vostre resurrection aves daigné converser l'espace de quarante jours avec vos Disciples et leur aves enseigné les misteres de la foy, resuscites dans moy et m'affermisses dans la creance de vos divines verités.

  A026002841 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estes monté au Ciel en presence de vos disciples, apres avoir accompli le nombre de quarante jours, faites moy la grace que mon ame se degouste pour vostre amour de toutes les choses de la terre, qu'elle aspire a l'eternité et qu'elle vous desire comme le comble de la felicité.

  A026002844 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves donné le Saint Esprit a vos disciples perseverant unanimement en l'orayson, espures, je vous prie, l'interieur de mon cœur, affin que le Paraclet trouvant un sejour aggreable en mon ame, l'embellisse par ses dons, de ses graces et de sa consolation.

  A026002852 

 Partant je vous supplie, ma tres douce Mere, que vous me gouvernies et defendies en toutes mes voyes et actions, car helas! je suis un pauvre disetteux et mendiant qui ay grand besoin de vostre sainte protection.

  A026002855 

 Faites moy present de tous les dons, biens et graces qui playsent a la tres sainte Trinité, Pere, Filz et Saint Esprit.

  A026002870 

 Toutes les éditions des Œuvres de saint François de Sales, à commencer par celle in-folio de 1637, p. 1033, donnent une pièce intitulée: Maniere devote pour celebrer avec fruict le tres-sainct Sacrifice de la Messe. On nous permettra de l'écarter de notre Edition, comme n'ayant aucune preuve d'authenticité; on n'y retrouve ni les pensées du Saint, ni son style, mais un amas de considérations qui suffoquent l'esprit, au lieu de le recueillir; plusieurs mots y sont employés qui ne se rencontrent pas dans ses écrits..

  A026002872 

 Mais M. de Ville, qui donna une Approbation à l'opuscule de Charvet le 24 août 1615, s'exprime ainsi: « Certifie avoir leu ces deux presents traictés, [429] dont le premier (l' Advertissement ) marque la rare capacité de son Autheur, le second temoigne la ferveur et zele de la saincte Messe.

  A026002873 

 Pour ces raisons, qui nous semblent probantes, nous supprimons dans notre Edition authentique l'opuscule en question.





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