J'attens M. Crichant, que je caresseray de tout mon cœur.

 Vostre lettre que M. Crichant m'a rendue m'est de grande consolation, ma tres chere Fille, estant ayse de voir que, comme je n'oublie point vostre cœur, il n'oublie pas nomplus le mien..

 Le porteur, M. Crichant, que j'ayme grandement, vous dira en quel estat nous sommes en ce païs; et dans quinze jours ou troys semaines nous verrons, comme j'espere, clair en nos affaires.

 Je ne pense pas qu'il faille pour encor employer vostre argent en des chandeliers; j'en diray la rayson a M. Crichant, si je m'en resouviens tantost qu'il va partir..

 Mon diocese m'en donne a cause de quelques accidens et d'une pretention que M. Crichant vous dira..

 J'ay oüy de la bouche du bon M. Crichant l'histoire de l'entree et reception de vostre chere petite fille en l'Ordre sacré des Carmelites, et comm'elle passa de vostre sein maternel, ma tres chere Fille, dans celuy de la bonne Mere Magdeleyne de Saint Joseph.

 En fin, ma tres chere Mere, monsieur Crichant est donq arrivé, puisque, comme je voy par vostre derniere lettre, vous aves receu celles que je vous envoyois par luy.

 M. Crichant m'a dit que nostre tres chere et tres bonne madame de Villesavin avoit une de mes lettres qu'elle [180] aymoit bien fort; et par ce que je crois que ce soit celle par laquelle je luy envoyois l' Exercice du matin et de la reunion a Dieu, que j'escrivis avec une grande affection, je vous prie de luy en demander une copie dextrement, comme de vous mesme; m'estant advis que l'affection que je porte a cett'ame me fit exprimer mieux qu'a mon ordinaire..

 M. Crichant m'a veritablement escrit du bruslement des deux pontz; mais il ne me donne point advis comme se sera passé cet accident pour le regard de madame Baudeau, marchande gantiere qui demeuroit sur le Pont aux Oyseaux, de laquelle pourtant je ne puis m'empescher d'estre en soucy, et a laquelle j'avois escrit par luy mesme..

 M me de Villeneuve ne m'escrit nullement de l'affaire de nostre chere Seur Helene Angelique, ni de rien qui en approche; mais M. Crichant m'escrit bien que monsieur et madamoyselle d'Interville desireroyent extremement que vous fussies presente a la Profession de cette tres chere fille, a la consolation de laquelle je ne sçay ce que je ne voudrois pas contribuer.

 Au demeurant, j'ay receu icy a Belley, d'ou je partiray demain, Dieu aydant, le commencement de vos Discours de l'Estat et des Grandeurs de Jesus, que le bon M. Crichant m'a apportés de vostre part.